"Astronomie Et Sciences Humaines": Publication

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ISSN 0989-6236

PUBLICATION

de

L'OBSERVATOIRE ASTRONOMIQUE DE STRASBOURG

Série

"Astronomie et Sciences Humaines"

Observatoire Astronomique
11, r u e de l'université
67000 Strasbourg (France)
Table des Matières

Editorial i

La recherche de la vie dans l'Univers : Enjeux et 1


perspectives
DAVOUST E.

Le développement de la mécanique antique sous 15


l'impulsion de l'astrologie
STIERLIN H.

Le dossier de l'étrange 33
GOYG.

Plaidoyer pour la lune 43


LEVYM.L.

Les calendriers Indo-Européens 53


VERDIER P.

Observations sur l'iconographie des kudurrus cassites en 71


Mésopotamie
IWANISZEWSKI S..

Problèmes d'astronomie de position pour les recherches à 101


caractère historique
MORANDO B.

L'astronomie des Egyptiens 113


PARISOT J.P.

La datation de la vie du Christ 129


LAZARIDES Ch.

Index 155
Volumes 1 à 7
Publ. Obs. Astron. Strasbourg
Ser. "Astron. & Se. Humaines" N° 8

Editorial

Ce huitième volume de la Série "Astronomie et Sciences Humaines" contient les


exposés présentés lors des réunions 12 et 13 organisées avec l'aide financière de
l'Université Strasbourg I et Strasbourg II, et les Amis de l'Université de Strasbourg
de l'Académie de Strasbourg.

Nous remercions la Direction de l'Observatoire de Strasbourg qui a permis que ces


comptes-rendus s'inscrivent dans la série des publications de l'Observatoire. Nous
remercions également Mme Hamm pour la présentation et l'édition des articles,
ainsi que l'Imprimerie de l'Observatoire pour le tirage off-set.

P. ERNY - C. JASCHEK
Publ. Obs. Astron. Strasbourg
Scr."Astron. & Se. Humaines" N° 8

La r e c h e r c h e de la u î e d a n s l ' U n i u e r s :

Enjeu» et perspectiues

DAVOUST Emmanuel
Observatoire du Pic du
Midi et de Toulouse
Toulouse (France)
m RECHERCHE DE LR U I E DRNS

L'UNIUERS :

E N J E U H ET PERSPECTIUES

This is a brief review of the search for life in the universe, with emphasis on the
more recent developments. I first give a few reasons to believe that there is life
outside Earth. The exploration of Mars, Europe and Titan by space probes should
soon provide an answer to ttie question of life near the Sun. There is incxreasing
evidence for planets (the most likely environment for life) outside the solar system.
progress in climatology suggests that the continuousiy habitable zones around
solar-type stars are wide. Finally, the search for artificiall radio- signais from
hypothetical extraterrestrial civilizations will enter a new phase as the NASA
Mega-SETI receiver starts operating.

La conviction que nous autres terriens ne sommes pas les seuls êtres vivants dans
l'univers est bien enracinée dans notre culture. Une abondante littérature de
science-fiction nous permet même de nous faire une idée assez précise des
habitants des autres planètes. Cependant, mis à part leur aspect physique, ces
extraterrestres nous ressemblent étrangement ; ils ont des qualités et des défauts
bien humains, et un film comme "la guerre des étoiles" pourrait, sans grands
changements, se dérouler dans un cadre terrestre.

Ce manque d'originalité est dû au simple fait que nous ignorons tout d'une vie
extraterrestre, et cela pose un double problème aux scientifiques qui veulent se
consacrer à la recherche de la vie dans l'univers. Tout d'abord, ils ne savent pas si
l'actuelle absence de preuves est en fait preuve d'absence, c'est à dire s'il est
raisonnable de poursuivre des recherches d'une vie dont on n'a aucun indice. En
outre, à supposer qu'une vie extraterrestre existe, ils ne savent pas comment la
définir. Ils se rabattent sur le seul cas connu, celui de la vie sur Terre, mais sans
savoir si cet anthropomorphisme est justifié.

Anthropomorphisme

En effet, les principales recherches en exobiologie, la science de la vie


extraterrestre, supposent implicitement ou explicitement qu' "ils" nous ressemblent.
La recherche de la vie à la surface des planètes du système solaire et de leurs
satellites naturels repose sur des expériences pour détecter des composés
organiques comme des acides aminés, briques élémentaires du vivant sur Terre. La
recherche de planètes autour d'autres étoiles n'a de sens pour l'exobiologie que si la
vie peut (ou doit) se développer sur une planète. Enfin, la recherche de signaux
radio artificiels en provenance d'hypothétiques civilisations extraterrestres
suppose qu'elles connaissent les ondes radio et s'en servent pour communiquer à
distance.

Je pense que cet anthropomorphisme est justifié, et qu'il est légitime de rechercher
une forme de vie qui nous ressemble un tant soit peu. Le but ultime de la recherche
de la vie extraterrestre, au-delà de ses conséquences pour notre vision du monde,
est de communiquer avec "eux", du moins dans l'optique de la détection de signaux
artificiels. Or, il serait probablement impossible, et en tout cas sans intérêt, de
communiquer avec des êtres qui n'auraient rien de commun avec nous.

Imaginons un instant une forme de vie fondée, non pas comme notre vie sur des
réactions chimiques, mais sur des interactions gravitationnelles, et qui se
manifeste sous la forme de nuages de gaz géants, des millions de fois plus massifs
que la Terre. Au-delà, imaginons que les galaxies elles-mêmes, avec leurs dizaines
de milliards d'étoiles, puissent avoir atteint un niveau de complexité qui s'apparente
à la vie. Le temps pour ces systèmes "vivants" se compterait en centaines de
millions d'années et les distances en milliers d'années-lumière, des échelles sans
commune mesure avec les nôtres.
C'est un exemple extrême, mais qui illustre bien le problème. L'hypothèse ia plus
simple et la plus intéressante par ses conséquences est de supposer une vie
évoluant aux mêmes échelles de temps et de distances que nous. Ainsi, il est à mon
avis légitime de s'inspirer de la colonisation des îles de l'océan Pacifique pour
estimer le temps qu'une vague de colonisateurs extraterrestres mettrait pour
parvenir jusqu'au système solaire. Et pour tenter de percer les motivations qui
poussent ces hypothétiques civilisations à rester silencieuses, il ne faut pas hésiter
à mettre à contribution la littérature de science-fiction.

En pratique, cela ne veut pas dire que seuls des êtres ayant une tête, deux bras et
deux jambes peuvent envoyer des signaux artificiels. Il convient d'être plus nuancé,
et de tenter d'universaliser autant que possible la notion de vie. C'est d'ailleurs tout
l'intérêt de cette recherche, car elle relativise notre existence en la replaçant dans
un contexte plus vaste, et nous renvoie une image plus nette de nous mêmes.

Une uie e » t r a t e r r e $ t r e ?
Mais est-il légitime de supposer qu'il existe une vie ailleurs que sur Terre ? Cette
question constitue la deuxième pierre d'achoppement de l'exobiologie. Ma conviction
qu'il existe une vie extraterrestre repose sur trois points : l'universalité de la chimie
du carbone, le fait que la Terre n'a pas une place privilégiée dans l'univers, et le
phénomène de l'évolution, qui ne s'applique pas uniquement à la vie, mais à tous les
aspects de l'univers. Par contre, l'immensité de l'univers ne m'encourage pas
nécessairement à penser que la vie y soit très répandue. Reprenons ces quelques
points plus en détail.

Les molécules organiques dont sont constitués les êtres vivants se retrouvent en
abondance dans l'univers, principalement dans les nuages de poussières du milieu
interstellaire, mais aussi dans les régions extérieures de certaines étoiles. La
chimie du carbone, qui est à l'origine de ces molécules, se concocte dans les nuages
obscurs et denses où précisément se formeraient les étoiles avec leur cortège de
planètes, et nous savons même qu'elle se poursuit également dans la plupart des
galaxies voisines, pour ne pas dire dans tout l'univers. Il est donc légitime de penser
que cette chimie du carbone a pu donner naissance à des êtres vivants ailleurs
dans l'univers. Nous ne pouvons toutefois pas exclure a priori l'existence
d'organismes du même niveau de complexité que nous, mais fondés par exemple sur
la chimie du silicium ou d'un autre élément chimique.

Deuxième point, notre place dans l'univers n'a rien d'exceptionnel. L'homme a
longtemps placé la Terre au centre de l'univers ; mais, au fur et à mesure des
progrès de l'astronomie, il a progressivement dû la réléguer à une place et un rôle
de plus en plus mineurs dans l'univers. C'est ce que j'appelle la "déprovincialisation"
de la pensée occidentale. L'étape suivante ne serait-elle pas de dire que notre vie
n'est qu'une forme de vie parmi tant d'autres dans l'univers ?

Enfin, le fait remarquable de l'évolution n'est pas propre à la vie. En effet, si nous
replaçons notre histoire dans le cadre plus général de celle de l'univers, nous nous
apercevons que l'évolution de la vie n'est qu'un aspect de l'évolution de l'univers.
L'une des innovations les plus importantes de l'astronomie moderne a précisément
été de montrer que l'univers n'est pas immuable, qu'il est au contraire
continuellement en expansion et en évolution. La synthèse des atomes au coeur des
étoiles a fait apparaître des processus et des structures de plus en plus complexes,
au sommet desquelles il faut placer la vie humaine.

Dans cette optique, la vie n'apparaît plus comme un processus dynamique


exceptionnel dans un univers figé, mais bien comme l'un des aspects de l'évolution
d'un univers qui se diversifie et s'enrichit sans cesse, d'un univers qui ne cesse de
se construire lui-même.

L'immensité de l'univers est un argument qui est parfois évoqué en faveur d'une vie
répandue dans l'univers ; autrement, à quoi servirait cet univers ? Tout d'abord, il
y a là de l'anthropomorphisme à vouloir attribuer une utilité à l'univers. De plus, un
autre univers, et en particulier un univers plus petit, ne pourrait pas donner
naissance à des étoiles comme le Soleil. Un univers où la force de gravitation serait
plus faible, serait un univers sans étoiles. Si au contraire les forces nucléaires
étaient différentes, l'univers serait composé d'étoiles évoluant très rapidement et
mourant avant qu'une forme de vie puisse se développer.

Ce sont là quelques arguments simples pour justifier le bien-fondé de la recherche


de vie ailleurs dans l'univers. Examinons maintenant les progrès récents de
l'exobiologie, que j'ai schématiquement divisés en trois domaines.

Des p l a n è t e s élusiues
Les progrès les plus marquants des dernières années concernent la détection
d'objets moins brillants que les étoiles : disques protoplanétaires, naines brunes et
planètes. Ce sont tous des objets relativements froids, tout en étant proches d'une
source d'énergie stellaire, et au voisinage desquels on pourrait concevoir que se
développe une forme de vie.

C'est la mise en service de nouveaux détecteurs sensibles dans le domaine


infrarouge qui a permis l'avènement d'une nouvelle branche de l'astronomie,
l'astronomie des objets substellaires. Ces détecteurs, d'abord développés pour des
usages militaires, ont été installés au foyer des télescopes terrestres lorsque leur
usage a été banalisé. Ils ont aussi été envoyés en orbite autour de la Terre, comme
dans le cas du satellite IRAS en 1983, qui a détecté autour d'étoiles brillantes des
excès de luminosité infrarouge attribués à des disques de poussière. Dans la
mesure où il s'agit d'étoiles jeunes (500 millions d'années) ou très jeunes (un million
d'années) ces disques précèdent la formation des planètes, ce qui leur a valu d'être
qualifiés de protoplanétaires ; leurs dimensions sont généralement entre 2 et 10 fois
plus grandes que celles du système solaire.

Les naines brunes sont des objets à la frontière incertaine entre étoile et planète,
ayant 6 à 10 % de la masse du Soleil et une température de l'ordre de 2000 à
3000° C. On connaît actuellement moins d'une dizaine de naines brunes confirmées
ou suspectées. Ce sont des objets très difficiles à détecter, puisqu'une naine brune
à la distance de Neptune n'apparaîtrait pas plus brillante que î^ars. L'astuce est de
les rechercher dans l'infrarouge. A ces longueurs d'ondes, les naines brunes
n'apparaissent que cent mille fois plus faibles qu'une étoile, alors que dans le visible
le contraste est de plusieurs centaines de millions.

Le contraste de brillance entre une étoile et une planète voisine de cette étoile est
encore plus important, et explique pourquoi il est impossible de détecter directement
des planètes : le détecteur est ébloui par l'étoile.

Si les planètes sont encore hors limites de nos détecteurs, les méthodes de
détection indirectes s'affinent. La plus prometteuse est de toute évidence la mesure
des variations de vitesse d'étoiles proches par effet Doppler. Si une étoile a un
compagnon planétaire ou stellaire, celui-ci perturbe légèrement sa trajectoire dans
la Galaxie. Il s'agit de détecter ces perturbations dont l'ampleur nous indiquera s'il
s'agit d'une étoile, d'une naine brune ou d'une planète. A titre de référence, la
présence de Jupiter induit des oscillations de la vitesse du Soleil avec une amplitude
de l'ordre de 13 m/s et une périodicité de 12 ans.

Il y a actuellement une dizaine de techniques proposées pour mesurer des variations


de vitesse avec une précision de 50 m/s. Le programme d'observation le plus
avancé est celui que mène l'astronome canadien Bruce Campbell au télescope
Canada-France-Hawaii. Depuis 1981, il observe un échantillon de seize étoiles
proches du type solaire. Sept de ces étoiles ont des variations de vitesse de l'ordre
de 25 à 65 m/s qui pourraient s'expliquer par l'existence de compagnons un peu plus
massifs que Jupiter ; l'une d'elles, gamma Cephei, est une étoile double, elle aurait
en outre un compagnon planétaire en orbite avec une période de révolution de 2,7
ans. Les six autres étoiles candidates, dont epsilon Eridani à 10 années-lumière du
Soleil, doivent encore être observées pendant quelques années avant qu'on puisse
se prononcer, l'amplitude des variations impliquant dans la plupart des cas des
périodes de révolution présumées (de la planète autour de l'étoile) de plus de dix
ans.
La découverte d'une planète autour d'un pulsar et qui a récemment défrayé la
chronique est elle aussi une détection indirecte. Des radioastronomes britanniques
ont détecté des oscillations dans la période de rotation du pulsar PSR 1829--10. Ces
oscillations de faible amplitude, environ 8 millisecondes pour une période moyenne de
330 millisecondes, pourraient être dues à la perturbation du mouvement du pulsar
par une planète ayant 10,2 fois la masse de la Terre et tournant autour du pulsar
suivant une orbite presque circulaire de 0,71 unités astronomiques de rayon, avec
une période de 184 jours. Mais il y a peu d'espoir que cette planète abrite de la vie,
car la naissance du pulsar dans l'explosion d'une supernova y aura éliminé tout
forme de vie ; il y a même une forte probabilité pour que la planète se soit formé
ailleurs et ait été capturée ultérieurement par le pulsar.

De toute façon, il ne suffit pas de détecter une planète pour pouvoir affirmer qu'on
a détecté un site présumé de la vie. L'étape suivante, décider si une planète est
habitable, dépend en tout rigueur de la définition que l'on se donne de la vie. Sur
Terre, le spectre de conditions de températures et de pressions permettant la vie
est très large, mais les organismes les plus complexes ne survivent que dans un
intervalle très modeste de température. C'est cet intervalle plus restreint qui doit
être considéré comme le plus favorable au maintien et à l'évolution de la vie vers
des formes de plus en plus complexes.

Il s'agit donc de déterminer la zone circumstellaire à l'intérieur de laquelle


l'atmosphère d'une planète comme la Terre peut rester stable pendant plusieurs
milliards d'années. Ce type de recherche a été rendu possible par les progrès
récents dans le domaine de la climatologie et de l'interaction géosphère -- biosphère
sur Terre.

Selon le modèle climatique de la NASA, la zone continûment habitable de notre


système solaire s'étend depuis l'orbite de la Terre jusqu'à celle de Mars. Pour
empêcher tout basculement vers une ère glaciaire ou tropicale, il faut trouver un
mécanisme régulateur de la température ; ce serait l'échange de gaz carbonique
entre l'atmosphère et la croûte terrestre, suivant un cycle qui peut s'accélérer ou
se ralentir suivant la température.

Mais comment expliquer que ce mécanisme n'ait pas joué sur Vénus et Mars ? En
effet, si ces planètes se sont formées à partir des mêmes planétoïdes que la
Terre, leur composition géologique doit être semblable à celle de notre planète. Pour
Mars, le problème semble être sa masse qui n'est que le dixième de celle de la
Terre. En raison de son rapport surface/volume élevé, la planète s'est refroidie
trop vite, empêchant ainsi le gaz carbonique de s'échapper des roches carbonées.
Pour Vénus, le problème est plus sérieux. La couche d'air froid qui sur Terre
empêche les nuages de monter dans la stratosphère n'existe pas sur Vénus. Les
océans s'évaporent alors irréversiblement, en quelques millions d'années,
supprimant l'un des éléments de la régulation.

Ces résultats doivent cependant être considérés avec prudence, en raison des
nombreux paramètres incertains ou inconnus. La dérive des continents, les
variations de la surface continentale (qui, sur Terre, a été de 20 % dans les
derniers 180 millions d'années) et les courants océaniques ont un effet non
négligeable sur le climat, ce qui complique singulièrement la tâche des théoriciens.
Enfin la composante biologique, qui est absente de ces modèles, a aussi son mot à
dire, du moins sur notre planète. En effet, si surprenant que cela paraisse, des
éléments de la biomasse comme les forêts et le plancton des océans semblent avoir
un rôle régulateur sur le climat de la Terre.

Aux zones continûment habitables par suite du chauffage solaire ou stellaire, il


faut ajouter des zones autour de planètes géantes où les satellites sont chauffés
par effet de marée. Sous sa croûte glacée, Europe, l'un des satellites galiléens de
Jupiter, possède sans doute des océans. La chaleur résultant des frictions induites
par les forces de marées à l'intérieur du satellite empêcherait cette eau de se
solidifier. Comment expliquer autrement l'absence de cratères à la surface
d'Europe ? Incidemment, ces océans pourraient être un milieu favorable au
développement d'une forme de vie comparable à celle de la Terre primitive.

Inversement, la présence d'un satellite relativement important peut favoriser


révolution de la vie sur une planète. Les marées océaniques provoquées par la Lune
ont permis à la vie de quitter les océans. Mais, dans les "planètes doubles",
d'autres éléments déterminants peuvent intervenir au détriment de la vie ; ainsi le
système Pluton-Charon est certainement trop léger et trop loin du Soleil pour
mériter notre attention de ce point de vue.

Des e K p I o r a t i o n s à priuilégier dans le


système solaire
L'exploration des ressources vitales du système solaire et, en particulier, la
recherche des molécules à la base des processus du vivant sont actuellement l'une
des voies les plus prometteuses de l'exobiologie. Les planétologues n'ont pas
abandonné l'idée de trouver des traces de vie sur Mars, malgré les résultats
négatifs des sondes Viking en 1976. Rappelons que ces sondes avaient une panoplie
limitée d'expériences biologiques (échange gazeux, libération de gaz marqués,
pyrolyse) pour détecter des traces de vie microscopique de type terrestre.
10

Les études récentes de la surface de la planètes rouge ont mis en évidence un


important système de vallées de ruissellement aboutissant à des bassins
sédimentaires qui pourraient avoir une épaisseur dépassant le kilomètre. L'eau est
un élément essentiel de la chimie à la surface d'une planète, et l'étude de la
composition chimique de ces sédiments nous renseignerait sur les conditions
physiques et chimiques à l'époque du ruissellement, en particulier sur une éventuelle
composante biologique dans ces sédiments, et sur la teneur en carbonates, dont un
taux important serait dû à un apport de gaz carbonique de l'atmosphère
martienne, qui, faute de gaz de serre, se serait progressivement refroidie.

L'absence de cratères dans les plaines nordiques de Mars suggère aussi que ces
plaines seraient d'anciens océans profonds d'au moins 700 mètres, et qui auraient
disparu il y a environ 1,5 milliards d'années. Si cette date assez récente (par
rapport à l'âge présumé du système solaire qui est de 4,5 milliards d'années) est
correcte, il se pourrait que la vie ait eu le temps de se développer dans ces océans.
A défaut de vie sur Mars, on pourrait alors y trouver des fossiles.

Titan, l'un des satellites de Saturne, a d'autres raisons de nous intriguer. C'est,
avec Triton, le seul satellite de notre système solaire qui ait une atmosphère, et
celle-ci pourrait bien être favorable à une vie primitive de type terrestre. La
mission Cassini, un projet commun NASA--ASE, sera probablement lancée en 1996
vers Saturne, qu'elle atteindra en 2004. L'Agence Spatiale Européenne a la charge
de construire la sonde qui, lancée de l'orbiter de la NASA, descendra lentement
dans l'atmosphère de Titan pour en analyser la composition et, une fois posée,
analyser très rapidement celle du sol avant que l'émetteur radio ne défaille. De
l'avis unanime des planétologues, l'atmosphère de ce satellite serait le siège d'une
riche chimie organique, malgré une température au sol de - 179°C. Les sondes
Voyager y ont déjà détecté l'acide cyanhydrique, qui est par ailleurs l'un des
composants essentiels des acides aminés du vivant.

En dehors du système solaire, la recherche de la vie reste une entreprise en


apparence démesurée. Même si nous découvrons bientôt des planètes autour
d'autres étoiles, ce dont je ne doute pas, la détection de signes de vie peut sembler
hors de notre portée pendant encore plusieurs décennies. Quittant le système
solaire, nous devons élargir notre définition des processus vivants, abandonner
l'hypothèse d'une vie de type terrestre et considérer comme vivant tout système
ayant atteint un certain niveau de complexité. L'existence de tels systèmes est
sans doute liée à un déséquilibre physico-chimique de leur environnement immédiat. Il
s'agit alors de détecter, par exemple, des signes de déséquilibre dans les
atmosphères planétaires, comme l'excès d'oxygène dans celle de la Terre. Mais à
quelle échéance pouvons-nous espérer mesurer un tel déséquilibre dans les
atmosphères de planètes que nous n'avons pas encore les moyens techniques de
détecter ? Sans doute faut-il faire preuve d'ingéniosité et rechercher plutôt des
11

signes en amont de la naissance de la vie, dans les abondances de chaînes de


molécules complexes dans les nébuleuses protostellaires.

Des signauK d a n s l'uniuers


La recherche de la vie dans le système solaire autant que la détection possible de
planètes, de molécules prébiotiques et, a fortiori \a recherche de signes d'une vie
élémentaire, bien que prometteuses, ne constituent des entreprises rentables qu'à
long terme. Dans l'espoir de recevoir plus rapidement une réponse à la question
"sommes-nous seuls ?", un certain nombre d'astronomes sont passés à des
recherches dans un tout autre registre, et ont fait un pari audacieux, celui qu'il
existe des civilisations extraterrestres intelligentes.

Si nous examinons le cas particulier de la vie terrestre, nous nous apercevons


qu'elle provoque un déséquilibre relativement modeste de son environnement, sauf
dans le domaine très particulier des ondes radio centimétriques et millimétriques,
où elle se manifeste très bruyamment. Pouvons-nous en déduire que la forme de vie
la plus facilement détectable est la civilisation extraterrestre qui se manifesterait
par ses émissions de signaux radio ? Un volet important des recherches en
exobiologie repose en fait sur cette hypothèse.

Trente ans d'écoutes radioastronomiques, pour la plupart ciblées sur des étoiles de
type solaire, n'ont encore donné aucun résultat. Mais ces observations ont été
réalisées avec des récepteurs conventionnels qui sont optimisés pour capter les
rayonnements radio naturels de l'univers. Dans la majorité des cas, un tel
rayonnement est émis dans un très large domaine de fréquences. Pour sortir du
bruit naturel de l'univers et avoir des chances d'être détecté, un signal radio
artificiel devrait au contraire n'être émis qu'à une seule fréquence. Une telle
stratégie d'émission maximise aussi l'intensité du signal pour un budget énergétique
donné.

La NASA a mis en place un projet de recherche de signaux artificiels fondé sur un


récepteur d'une conception révolutionnaire. Le MCSA (mega channel spectrum
analyzer) pourra découper les ondes radio captées dans un large domaine de
fréquences, en plusieurs millions de signaux élémentaires, chacun correspondant à
une fréquence. Il faudra ensuite analyser l'information dans chaque canal pour en
extraire tout signal significatif éventuel. Ce genre de récepteur "méga-canaux" est
jugé nécessaire pour explorer une portion significative du domaine radio et des
étoiles cibles dans un temps raisonnable. La stratégie adoptée est double : observer
soigneusement mille étoiles semblables au Soleil à deux fréquences, faire un
balayage systématique du ciel dans un domaine de fréquences plus large, avec une
résolution moindre.
12

Le budget du programme préliminaire, estimé à douze millions de dollars sur cinq


ans (soit 0,04 % du budget de la NASA) a permis de réaliser un prototype, le
MCSA 1, composé de 74 000 canaux de 0,5 hertz de large. Au cours de tests
effectués en 1985, ce récepteur est parvenu à détecter le signal de 1 watt de la
sonde Pioneer 10 à 35 unités astronomiques (soit plus de cinq milliards de
kilomètres) de la Terre, ainsi que le signal de la sonde Voyager 2 alors en route
vers Neptune. Des négociations sont en cours pour implanter ce récepteur au
radiotélescope de Nançay. Le MCSA 2, dont la construction se termine, possédera,
lui, quatorze millions de canaux de 1 hertz de large. Il faut maintenant mettre au
point un logiciel informatique capable d'analyser le signal dans tous les canaux
simultanément, pour en extraire un signal artificiel éventuel. L'ensemble du système
sera opérationnel en 1992.

Les détracteurs de la recherche de vie intelligente dans l'univers objecteront que les
ondes radio ne constituent pas nécessairement le seul mode de communication
interstellaire, ce qui nous ramène au problème de l'anthropomorphisme évoqué plus
haut. S'il est vrai que d'autres ondes peuvent transporter des messages avec
autant d'efficacité que les ondes radio, ces dernières ont tout de même la
particularité d'être le siège de rayonnement de l'atome d'hydrogène, l'élément le plus
répandu dans l'univers, et du radical OH, à 21 et 18 centimètres de longueur d'onde,
domaine qui a été baptisé "le point d'eau" par les exobiologistes parce qu'il constitue
en quelque sorte un point de ralliement symbolique des êtres qui ont un besoin vital
d'eau.

Quoi qu'il en soit, la seule méthode pour tester l'hypothèse de l'existence des
civilisations extraterrestres est expérimentale, et il faut persévérer dans ces
écoutes jusqu'à ce qu'une proportion significative de la "meule de foin cosmique" ait
été explorée,

Mais il est peut-être déjà trop tard ; l'utilisation de plus en plus courante
d'émetteurs d'ondes radio sur Terre et même autour de la Terre rend toute écoute
de plus en plus difficile. Certaines bandes de fréquences, d'importance cruciale pour
la radioastronomie, sont protégées, dont les deux limites du fameux "point d'eau".
Mais l'allumage des moteurs à essence et ce nouveau gadget qui permet d'ouvrir
votre portail sans quitter votre voiture ne sont pas concernés par ces mesures de
protection. Or un radiotélescope peut détecter l'émission d'ouverture de portail à 40
000 km. Autre exemple, le système soviétique de 12 satellites de navigation
"Glonass" qui émet au voisinage de 18 centimètres, empêche le radiotélescope de
Nançay d'observer à cette longueur d'onde 12 heures par jour. Lorsque les 24
satellites seront en orbite dans quelques années, cette longueur d'onde sera
totalement condamnée à Nançay.
13

Conclusion

Venons-en maintenant au but de cette recherche. Tout a déjà été dit sur l'impact
d'un contact et la littérature de science-fiction joue sur la fascination d'une
éventuelle vie interstellaire. Certains promoteurs de l'exobiologie vivent dans
l'attente messianique d'un contact ; une telle attitude m'est totalement étrangère.
Je suis convaincu que, si nous découvrons un jour une forme de vie extraterrestre,
la surprise sera totale. Il est donc inutile de tenter d'imaginer ce que sera cette
rencontre. Les images du système solaire renvoyées par les sondes Voyager nous
ont déjà montré un monde d'une variété insoupçonnée, et je ne doute pas que
l'univers saura nous surprendre à nouveau. J'attends de la recherche que mène
l'exobiologie, et quel qu'en soit le résultat, une meilleure compréhension du rôle de la
vie sur Terre. L'inventaire de l'univers du point de vue de ses ressources vitales
place notre existence dans une perspective plus vaste, et cette interrogation de
l'univers constitue un dialogue, au cours duquel l'univers nous renvoie une image de
nous-mêmes. Le but de l'exobiologie est de préciser cette image.

* * *

BIOGRBPHIE

Emmanuel DAVOUST, astronome à l'Observatoire Midi-Pyrénées à Toulouse, est


l'auteur de :

• "Silence au point d'eau", éditions Teknea (1988)

• "La recherche de la vie extraterrestre", La Recherche, vol. 20, p.828 - 834 (1989)

• Comptes-rendus du Symposium "Biostronomy, the search for extraterrestrial life


- The search broadens", J. Heidmann et M.J. Klein (éditeurs). Lectures Notes in
Physics - Springer Verlag (1991)
15

Publ. Obs. Asiron. Strasbourg


Scr."Aslron. & Se. Humaines" N° 8

Le d é u e l o p p e m e n t de la m é c a n i q u e

a n t i q u e sous l ' i m p u l s i o n d e l ' A s t r o l o g i e

STIERLIN H.
Genève (Suisse)
17

LE DEUELOPPEMENT DE Lfi MECANIQUE


RNTIQUE SOUS L ' I M P U L S I O N DE
L'RSTROLOGIE

C'est en tant qu'historien de l'architecture que j'ai été amené à étudier


certains aspects de l'astronomie et de l'astrologie antiques, thèmes
auxquels je n'avais jamais été confronté auparavant. L'astrologie, en
particulier, ne m'intéressait guère, le terme lui-même ne suscitant chez
moi que condescendance à l'égard d'une superstition dont j'ignorais
l'importance culturelle, en particulier durant l'époque gréco-romaine.

La genèse de cette recherche sur les origines de la mécanique antique


mérite d'être rapportée ; car elle éclaire la démarche adoptée. A
l'occasion de travaux consacrés à l'architecture romaine et au palais de
Villa Hadriana à Tivoli, construit par l'empereur Hadrien (117-138), la
conception du bâtiment qualifié de "Théâtre Maritime" a retenu toute
mon attention en raison de son plan étrange. L'édifice cylindrique est
hypèthre, c'est-à-dire ouvert sur le ciel. 11 mesure 150 pieds (soit 44 m)
de diamètre -comme le Panthéon, construit par le même Hadrien- et
présente une disposition radioconcentrique : une galerie circulaire,
couverte d'une voûte annulaire portée par 40 colonnes, en fait le tour à
l'intérieur du mur qui le ceint. Puis un bassin annulaire, large de 4 m,
entoure un îlot central de 27 m de diamètre. Au milieu de cette île se
dressait un édicule à colonnettes de marbre.

D'emblée cette colonnade circulaire, cette pièce d'eau annulaire et cet îlot
central évoquèrent pour moi la description que donne Terentius Varro de
la prétendue "volière" de sa villa de Casinum telle qu'elle figure dans le
Res Rusticae (III, 5). Varron (116-27 avant J.-C.) dépeignait, entre 45 et
40, son "oisellerie" dans un texte dont on ne retiendra ici, pour plus de
clarté, que les éléments essentiels à notre démarche.
18

C o u p e longitudinale cl plan du prétendu "Théâtre maritime" d e Villa


Hadriana à Tivoli, qui est en réalité l'Aula Regia du palais impérial,
construite au début du règne d'Hadrien.
1. Vestibule d'entrée
2. Portique circulaire à voûte annulaire de la "circumamhulatio"
3. Pièce d'eau circulaire
4. Position des ponts amovibles
5. Pronaos en amande, sur l'île centrale circulaire

6. Pavillon central à quatre piliers d'angles et huit colonnes.


Petite abside axiale

Volière
19

L'édifice "en forme de tablette à écrire dont le haut est arrondi" est
entouré d'un mur. Il est large de 48 pieds (14 m), long de 72 pieds (21 m)
pour la partie rectangulaire, ainsi que de 27 pieds (8 m) pour la partie
arrondie. De la porte, située sur le petit côté, un chemin conduit -entre
deux bassins ou viviers- à une structure ronde entourée d'une promenade
circulaire large de 5 pieds (1,5 m) que borde une colonnade de pierre. Le
dallage sur lequel reposent les colonnes présente une bordure de pierre
dominant de deux pieds la surface d'un bassin annulaire, profond d'un
pied, qui entoure un îlot central.

Cette île forme un socle circulaire avec, en son milieu, une tholos
-édifice rond- à colonnes de bois. Au centre de cette construction, une
table - comme une roue munie de rayons- peut tourner. Elle est disposée
entre les lits d'un triclinium. De là on peut faire s'écouler de l'eau à
volonté.

Le pavillon à colonnes de bois est surmonté d'une coupole. Au plafond,


on voit tourner l'étoile Lucifer, le jour, et l'étoile Vesper, la nuit. Les
mouvements des astres sur le pourtour de la coupole indiquent les
heures. Au sommet du dôme se dresse une girouette, celle-ci est reliée
par un axe à une flèche visible à l'intérieur qui indique la direction d'oii
souffle le vent - "comme celle que fit à Athènes le nommé Cyrrhus". On
peut savoir ainsi, sans qu'il soit besoin de sortir de la tholos, d'oii vient le
vent.

Telle est, pour l'essentiel, la description de cette construction, dont


Varron mentionne en outre que les viviers sont remplis de poissons, que
des canards nagent sur le bassin annulaire, que des filets tendus par-
dessus les colonnades enferment des oiseaux -d'oii le nom de "volière"-
et que des gradins avec de la verdure et des bosquets s'inscrivent dans
l'ensemble architectural.

Sans s'étendre sur l'analogie absolue entre le plan circulaire du Théâtre


maritime et de son "modèle" varronnien de 170 ans antérieur, on ne
manquera pas de s'étonner de la présence, sous la couverture de la tholos,
d'une mécanique céleste. Avec ses étoiles qui tournent au firmament de
la coupole et qui fournissent l'heure, on se trouve en présence d'une
réalisation technique très élaborée qui est surprenante au milieu du
siècle avant J.-C.

En outre, l'existence de cette machine, de ce planétarium animé, ne


s'explique pas dans le cadre d'une volière. L' "oisellerie" du vieil
encyclopédiste qu'était Varron cache évidemment une fonction
volontairement occultée, les volatiles n'ayant, de toute évidence, nul
besoin de connaître l'heure...
20

La s c i e n c e m é c a n i q u e
Que signifie cette allusion à un mécanisme tournant dans une tholos ?
Quelles connaissances les Gréco-Romains avaient-ils des lois du
mouvement imitant artificiellement la marche des astres ? De quelles
ressources technologiques disposaient les constructeurs pour édifier de
telles machines ?

Le thème que constitue la mécanique antique demeure mal exploré par


les philologues. Il est resté méconnu et décrié. Le plus souvent, lorsqu'un
texte ancien fait allusion à un mécanisme, le traducteur-commentateur
s'empresse de qualifier cette description d'affabulation poétique,
d'exagération lyrique et d'hyperbole fondée sur une imagination
débridée. L'historien postule d'emblée que ni les Grecs ni les Romains
n'étaient capables de réaliser des mécanismes rotatifs complexes, et que
les connaissances technologiques antiques restaient embryonnaires.
Aussi les recherches scientifiques en la matière sont-elles demeurées,
elles aussi, embryonnaires.

Textes à l'appui
Il existe pourtant une série d'écrits anciens qui font état de machines. Les
descriptions qu'ils fournissent sont parfois d'une rigueur et d'une
précision qui surprennent. II semble difficile de ne les qualifier que de
fables. C'est pourquoi il vaut la peine de les mentionner ici.

Le plus intéressant, peut-être, de ces écrits a pour auteur Cicéron, dont la


démarche rationaliste est d'un réel "modernisme". Décrivant, dans La
R é p u b l i q u e (Livre I, XIV, 21-22), l'une des sphères d'Archimède,
emponée comme trophée par M. Marcellus lors de la prise de Syracuse
en 212 avant J.-C., Cicéron souligne en particulier :

"Lorsque C. Sulpicius Gallus se mit, avec sa vaste érudition, à nous


expliquer le mécanisme de la sphère que nous avions sous les yeux, je
compris que le Sicilien avait eu un génie dépassant tout ce que peut
comporter, paraît-il, la nature humaine. (...) Dans cette sphère que nous
contemplions étaient réalisés les mouvements du soleil et de la lune,
ainsi que des cinq planètes que l'on nomme errantes ou vagabondes. (...)
Ce qu'il y avait d'admirable dans l'invention d'Archimède, c'est qu'il
avait obtenu qu'une rotation unique fit parcourir de façon constante à
des corps des orbites inégales et variées, selon des vitesses très
différentes. Lorsque Gallus mettait cette sphère en mouvement, poursuit
Cicéron, la lune venait se placer devant le soleil après autant de tours
dans la mécanique de bronze qu'il lui faut de jours pour le faire dans le
ciel. Par conséquent, l'éclipsé de soleil se produisait dans la sphère
comme dans le ciel, et la lune pénétrait dans l'ombre produite par la
21

terre au moment où la lumière du soleil venait d'une direction


exactement opposée..."

Suit, hélas, une longue lacune qui empêche le lecteur de connaître les
développements de la démonstration cicéronienne. Mentionnons que
l'exposé de Sulpicius Gallus relaté par l'écrivain se situe avant 149 avant
J.-C., date de la mort de Sulpicius Gallus, lequel était célèbre pour ses
connaissances en mathématiques et en astronomie, qui fut, en outre,
légat de Paul-Emile. Varron, pour sa part, cite un ouvrage que ce savant
aurait consacré à l'astronomie grecque.

Quant à Archimède, le plus célèbre mathématicien et mécanicien de


l'antiquité, il est né à Syracuse en 287 avant J.-C. Fils de l'astronome
Phidias, il va parfaire son savoir à Alexandrie, avant de revenir dans sa
ville natale, oii il fait des recherches pour Hiéron II, tyran de Syracuse.
Archimède met ses connaissances au service du souverain, en particulier
dans le domaine de la poliorcétique et dans celui des machines
reproduisant les mouvements du ciel.

Certes, Cicéron, né en 65 et décédé en 27 avant J.-C., n'a pu connaître


Sulpicius Gallus. Mais il a pu examiner la sphère d'Archimède dont il
parle avec tant d'à propos. Quatre-vingts ans après la démonstration qu'il
évoque, cet objet devait se trouver encore à Rome, avant qu'il ne
disparaisse lors de l'incendie de la capitale sous Néron, en 64 avant J.-C.
Cicéron a même été si impressionné par cette expérience qu'il en
renouvelle la mention dans les Tu.sculane.s (1, XXU, 61) :

"Quant Archimède fixa dans une sphère le mouvement de la lune, du


soleil et des cinq planètes, il réalisa la même chose que le dieu de
Platon, l'être qui, dans le Timée, est l'architecte de l'univers : il réalisa
le prodige d'une révolution unique où sont transcrits les mouvements les
plus dissemblables par la lenteur et la vitesse. Et s'il est vrai que dans
notre univers cela ne se peut faire sans un dieu, il fallait à Archimède,
rien que pour en reproduire les mouvements sur sa sphère, une
intelligence divine."

Il serait surprenant que Cicéron -s'il n'avait pas examiné personnellement


la sphère d'Archimède- ait souligné à deux occasions différentes, dans
les mêmes termes, l'étonnement que lui causa la réalisation d'une
machine cosmologique capable de doter les astres de vitesses différentes,
tout en n'étant mue que par une seule source d'énergie. Ses deux textes
découlent d'une émotion qui n'est pas imaginaire.

D'ailleurs, la même stupéfaction devant ces mécanismes en forme de


planétariums, l'auteur la retrouve une troisième fois dans un écrit figurant
dans son essai intitulé De la nature des dieux, oli il évoque une sphère
de même type, mais qu'avait construite un personnage considérable pour
la pensée astrologique antique : je veux parler de Posidonius d'Apamée,
qui vécut à Rhodes entre 135 et 50 avant J.-C. Ainé d'une trentaine
d'année de Cicéron, qui fit sa connaissance en 87 avant J.-C., Posidonius
22

était un esprit universel, célébré comme philosophe stoïcien, auteur de


traités de géographie, d'histoire, d'ethnographie, de géologie et de
métaphysique. Il était passionné par la cosmologie et cherchait à cerner
la nature de l'univers. A ce titre, il réalisa un planétarium dans lequel se
retrouvent les mêmes particularités que dans celui d'Archimède. Cicéron
rend compte de cette mécanique en ces termes (Livre II, XXXIV-
XXXV) :

"Si quelqu'un transportait jusqu'en Scythie ou en (Grande-) Bretagne


cette sphère qu'a réalisée récemment notre Posidonius, où le cours du
soleil, de la lune et des cinq planètes est indiqué, tel qu'il se déroule dans
le ciel chaque jour et chaque nuit, lequel d'entre ces barbares douterait
que la raison n'ait présidé à une telle oeuvre?"

Ainsi, à une troisième occasion, Cicéron qui a connu Posidonius, et dont


on ne peut admettre qu'il n'ait pas vu, à Rhodes où il s'était rendu
expressément, le mécanisme dont il parle, évoque une machine capable
de restituer la marche des planètes.

Le m é c a n i s m e d ' f l n t i c y t h è r e
Si les capacités des savants hellénistico-romains quant aux machines
cosmologiques pouvaient encore être mises en doute il y a deux
décennies, il n'est plus permis aujourd'hui de croire que les textes de
Cicéron relèvent d'affabulations lyriques ou d'exagérations poétiques. En
effet, l'interprétation récente d'un vestige archéologique fournit la preuve
du savoir faire technologique des Anciens dans le domaine de la
"micromécanique" de précision.

Il s'agit d'un appareil de bronze retrouvé dans l'épave d'un navire grec
coulé dans la passe d'Anticythère et que des pêcheurs d'épongés
découvrirent, en 1900, parmi des statues antiques en marbre et en
bronze. Celles-ci retinrent naturellement tout l'intérêt des chercheurs, au
point qu'il fallut attendre près de soixante-quinze ans pour que paraisse
une étude scientifique sérieuse consacrée au "Mécanisme d'Anticythère".
Intitulée Gears from the Greek, et datant de 1974, elle est le résultat
des patients travaux de Derek de Solla Price, de l'Université de Yale.

L'objet mis au jour est un mécanisme profondément corrodé, mesurant


32 cm de long, 17 cm de large et une dizaine de centimètres d'épaisseur.
Bien qu'incomplet, il a permis une reconstitution très précise. H est formé
d'une trentaine de roues dentées montées sur une quinzaine d'axes. Ces
roues à engrenages, dont toutes les dents sont de grandeur identique,
mais dont les diamètres varient de 11 mm a 126 mm, comptent de 15 à
225 dents. L'appareil était entraîné par une manivelle et monté sur une
platine. Il se trouvait dans une boîte de bois (évidemment disparue suite
à un séjour de 2000 ans dans la mer) à revêtement métallique sur lequel
des inscriptions en grec faisaient office de mode d'emploi.
23

Mécanisme d'Anticythère
24

Le travail d'investigation du chercheur américain a permis de dessiner


l'aspect originel de l'instrument, dont on sait qu'il a perdu certains
éléments mécaniques, et de lire en partie l'inscription dont 793 lettres ont
été déchiffrées. L'inscription comporte des notions inspirées de
risagogue de Geminos, astronome et mathématicien grec, stoïcien qui
fut disciple de Posidonius de Rhodes et auteur de divers ouvrages, en
particulier un Traité de la Sphère qu'abrégera Proclus. On y trouve les
noms de diverses constellations, des signes du zodiaque, les dates des
solstices et des équinoxes, etc...

Quant au plan restitué, il permet de comprendre le fonctionnement de


l'instrument qui ressemblait, en gros, au mouvement d'une horloge, avec
ses trains d'engrenages. En réalité, le mécanisme d'Anticythère
représente un progrès considérable par rapport aux sphères d'Archimède
ou de Posidonius : il réduit un système tridimensionnel à deux
dimensions. L'examen démontre que les cadrans (perdus) de l'instrument
devaient indiquer la position de la lune, du soleil, l'année lunaire, le mois
synodique, etc... Ils fournissaient -comme les sphères- le cours des
planètes, ainsi que le suggèrent les "sorties" diverses, même si certains
éléments "périphériques" sont absents.

Derek de Solla Price écrit que "le mécanisme d'Anticythère semble avoir
été utilisé de manière que l'on puisse l'ajuster manuellement à une date
du passé ou du futur, afin d'obtenir, au moyen des engrenages, des
informations sur les divers phénomènes de l'astronomie et du calendrier
à l'instant envisagé". Il s'agit donc d'une sorte de "computer" destiné à la
consultation du ciel.

Dans son étude, l'auteur va jusqu'à admettre que ce mécanisme aurait


appartenu à Posidonius et qu'il fut acquis par Cicéron. Celui-ci l'aurait
envoyé à Rome en même temps qu'une série d'oeuvres d'art provenant du
pillage d'Athènes par Sylla en 86 avant J.-C. Le navire chargé de ces
trésors aurait coulé peu après dans le détroit entre les îles de Cythère et
d'Anticythère, au large du cap Matapan.

Quoi qu'il en soit, la découverte et l'interprétation de ce mécanisme


hellénistique démontre clairement qu'il existait alors une haute
connaissance des instruments à engrenages et une mécanique fine des
roues dentées. Seule une telle technologie peut expliquer la création des
planétariums et des horloges astronomiques antiques dont font état les
textes tant grecs que latins.

Les témoignages de Platon et de Strabon


Cette technique des instruments en bronze est d'ailleurs antérieure à
Archimède, puisqu'un texte de Platon (428- 347) fait allusion à un
25

appareil astronomique construit à l'image du ciel. Dans le Timée (40 c-d)


le philosophe évoque les mouvements célestes :

"Décrire les choeurs de danse des astres, faire connaître leurs positions
voisines, près de l'horizon, quand leurs trajectoires rebroussent chemin,
ou quand elles se devancent les unes les autres, montrer quels sont, dans
les conjonctions et les oppositions, ceux de ces astres qui se placent en
face les uns des autres et ceux qui se mettent à l'opposite, lesquels
d'entre eux passent les uns devant les autres et peuvent ainsi être cachés
et en quels temps, puis nous apparaître à nouveau, épouvanter de la
sorte ou instruire des événements à venir les hommes incapables de
raisonner, ce serait se donner une peine inutile que d'entreprendre de
l'exposer, si on ne faisait voir, en même temps, quelque modèle construit
à l'imitation de ces phénomès" (je souligne ces mots qui ont échappé
aux divers commentateurs du Tiniée).

L'allusion de Platon à un "modèle" -à une maquette de l'univers, c'est-à-


dire à un planétarium- dans son exposé cosmologique démontre bien
qu'il a vu l'une de ces sphères dont parlera Cicéron. C'est durant son
voyage en Italie méridionale et en Sicile (Grande Grèce) que Platon eut
probablement l'occasion de contempler une telle machine, en particulier
à Tarente, lorsqu'il se rendit chez son ami Archytas, général et savant.
Philosophe pythagoricien, mathématicien, astronome et physicien,
Archytas passait dans l'Antiquité pour un "mécanicien" de génie.
Diogène Laerce (III^ siècle après J.-C.) le considère même comme le
fondateur de la mécanique. Il fut probablement le prototype même du
personnage de Timée de Locres, dont le nom fournit le titre du célèbre
dialogue platonicien.

Ces modèles, ces machines dont parlent les auteurs classiques, on en


trouve un autre exemple dans un récit de Strabon relatif à la campagne
du consul Lucullus contre Mithridate VI Eupator en Asie Mineure. Le
Romain met le siège, en 70 avant J.-C., devant la ville de Sinope,
capitale du royaume du Pont, sur la mer Noire, oij se trouve le palais
royal de l'irréductible adversaire de Rome. Après un long siège, les
habitants fuient par mer, abandonnant la ville aux mains des légions qui
la pillent. Strabon affirme (XII, 546) :

"Lucullus laissa intacts les monuments qui ornaient la ville, mais enleva
le globe céleste de Billaros et la statue d'Autolycos, réalisée par
S t hennis."

Billaros, était un astronome-mécanicien dont Appien, historien grec


d'Alexandrie au I F siècle de notre ère, écrit qu'il avait réalisé à Sinope
une sphère capable de tourner sur son axe pour reproduire, grâce à un
système mécanique, le mouvement apparent du ciel, ainsi que la course
des planètes.
26

Ainsi, jusque dans un lointain royaume hellénistique d'Asie, l'usage des


sphères célestes était attesté au siècle avant notre ère. Cela prouve
que le phénomène répondait à un besoin spécifique de la part des
souverains, des philosophes ou des savants de l'époque.

Les machines cosmologiques dans l'architecture

L'exemple miniaturisé d'un instrument destiné à calculer le mouvement


des astres, tel que le fournit le mécanisme d'Anticythère, pourrait faire
supposer que les techniciens antiques n'étaient pas capables de réaliser
des planétariums de vastes dimensions. Il n'en est rien. Et les
témoignages des auteurs viennent, une fois de plus, révéler l'existence
d'une technologie hellénisdco-romaine très développée, embrassant des
ouvrages importants.

On a mentionné déjà l'horloge-planétarium disposée dans la villa de


Casinum que possédait Varron, au milieu de ce qu'il nommait sa
"Volière". Un autre exemple, autrement plus impressionnant, a laissé des
traces chez les écrivains gréco-ladns : la Maison d'Or de Néron, avec la
salle tournante de sa coenatio due aux architectes-ingénieurs Severus et
Celer "dont l'imagination audacieuse consistait à réaliser, au moyen de
leur art, tout ce que concevait le prince et ce que la nature ne pouvait
fournir", selon l'expression de Tacite dans ses Annales (Livre XV,
XLIII).

Suétone consacre un passage à la Domus aurea, dont il convient de citer


un extrait de son Néron, (XXXI) :

"La salle principale était ronde et tournait continuellement sur elle-


même, jour et nuit, comme le fait le monde. "

Auparavant, il avait précisé :

"Le plafond de la salle à manger était fait de marqueterie d'ivoire, avec


des caissons mobiles par les ouvertures desquels on pouvait répandre
sur les convives des fleurs et des parfums."

A ce propos, Sénèque qui avait été le précepteur de l'empereur écrit à


Lucilius (Livre XIV, 90, 14) :

"A qui prêtes-tu plus de sagesse ? Au mécanicien qui a inventé comment


faire s'écouler d'une grande hauteur de l'eau couleur de safran par des
tuyaux cachés (...) et qui assemble les caissons d'un plafond de salle à
manger de telle manière que l'image qu'il donne à voir se modifie à
volonté ? ou le philosophe (...) ?"

Ici, Sénèque veut paraître ne s'étonner de rien face à cette réalisation


technologique merveilleuse qu'est la salle tournante de la Domus aurea.
27

dotée d'un plafond à dispositifs mobiles, d'où tombent, par des tuyaux
(fistulae), des parfums qui aspergent (spargerentur) les convives. On
notera tout d'abord que le mécanisme tournant n'affecte plus simplement
les armilles mobiles d'une sphère, mais entraîne toute une salle, oii
l'empereur reçoit ses convives.

Les archéologues ont d'ailleurs retrouvé l'édifice en question à Rome sur


la colline de l'Oppius. Cette salle à manger (coenatio) de la Maison d'Or
est un octogone de 13 m de diamètre, entouré de cinq chambres
rayonnantes. Cette rotonde présente en couverture une coupole de béton,
avec un oculus de 6 m de diamètre.

Or c'est bien là la machine "tournant continuellement sur elle-même, jour


et nuit, c o m m e l'univers", oeuvre des techniciens ( m a c h i n a t o r e s )
Severus et Celer qui sont parvenus à doter la coupole d'un mouvement
circulaire. Les études de Helmut Priickner et Sébastian Storz révèlent
que le dôme de la Maison d'Or présentait deux rainures circulaires
concentriques sur le rebord de l'oculus. Ces gorges devaient guider des
roulettes permettant de mouvoir des plafonds en lambris (laquearia) de
forme hémisphérique, suspendus dans la coupole. Les deux hémisphères
tournaient à des vitesses différentes, voire en sens opposé pour simuler la
marche des astres. Par un jeu d'ouvertures et de jours, il était possible de
représenter, d'une part, les étoiles dites "fixes", et de l'autre, la course du
soleil, avec, éventuellement, la figuration des mouvements de la lune ou
des planètes, grâce à des mécanismes secondaires.

Quant aux tuyaux cachés permettant de faire tomber des gouttes d'eau
sur l'assistance, ils servaient à simuler le pouvoir divin sur la pluie,
exprimant une sorte de hieros gamos placé sous l'autorité impériale.

Dans un autre édifice, évoqué au début de cet article, répondant aux


préoccupations cosmologiques antiques, il existait -par analogie avec la
"Volière" de Varron- un planétarium de grandes dimensions : je veux
parler de l'édicule en forme de baldaquin construit sur l'îlot aménagé au
centre du Théâtre maritime d'Hadrien à Tivoli. Ici, la mise en .scène d'un
symbolisme cosmologique avait, comme dans la prétendue oisellerie,
pour but de suggérer l'univers : avec leurs colonnades concentriques et
leur bassin annulaire à l'image de l'océan cosmique de Strabon, les deux
édifices n'avaient d'autre fonction que de fournir une Imago mundi.

Au centre, au lieu d'une tholos à colonnes de bois qui caractérisait


l'édicule varronnien, l'édifice hadrianique en marbre marquait l'ère de
faste inaugurée par le pouvoir impérial. Mais, dans l'un et l'autre cas, une
coupole à planétarium formait le coeur de la construction. Celle du palais
de Villa Hadriana devait bénéficier de tous les progrès de la mécanique
et de l'observation du ciel réalisés durant les cent soixante-dix ans
séparant les deux bâtiments. A Tivoli, la Tholos d'Hadrien comportait,
vraisemblablement, un grand nombre d'astres capables de se mouvoir à
l'intérieur de la structure à baldaquin qui fomiait la coupole aujourd'hui
disparue.
28

En realité, l'existence d'un tel baldaquin est mentionnée antérieurement


dans un autre palais : la Domus Flavia, à Rome, édifiée par Domitien sur
le Palatin, et dont font état les poètes Martial, dans ses "Epigrammes",
et Stace, dans les "Sylves". Oeuvre de l'architecte Rabirius, ce palais
avait suscité une vive admiration. Il comportait d'une part une A u l a
regia et de l'autre une salle de triclinium nommée Coenatio Jovis, c'est-
à-dire Salle à manger de Jupiter. La première contenait la "Tholos de
César", où l'empereur apparaissait au centre de la sphère céleste
parsemée d'astres (astra polumque), selon l'expression de Martial, qui
écrit (VII, 56) :

"Le ciel, avec ses étoiles, telle a été, Rabirius, la conception de ton esprit
pieusement dévoué, toi dont l'art merveilleux bâtit sur la colline
d'Evandre (le Palatin) la demeure impériale."

Et Stace de s'exclamer, lorsqu'il est reçu au palais, qu'il "se trouve avec
Jupiter (Domitien) au milieu des étoiles". Partout, le thème stellaire est
associé à celui de trône impérial et du pouvoir.

Un bâtiment spécifique : la Tour des Vents


Cette architecture régie par les machineries cosmologiques, on en trouve
un exemple dans la Tour des Vents d'Athènes, à laquelle faisait allusion
Varron en parlant d'un certain Cyrrhus, qui en était l'ingénieur. En
réalité, l'écrivain se référait au savant Andronikos Cyrrhestès, dont
l'oeuvre se situe vers 50 avant J.-C. Cette construction, Vitruve s'y réfère
également dans son "De Architectura" (I, 6,4) :

"C'est Andronikos de Cyrrhos qui, pour indiquer la direction des vents,


fit bâtir à Athènes une tour de marbre déformé octogonale. Sur les huit
faces de cette tour sont représentées les effigies des huit vents, regardant
chacun dans la direction d'où il souffle. Sur cette tour, il éleva une
toiture de marbre pyramidale qu'il surmonta d'un triton d'airain muni
d'une baguette. Ce triton était disposé de manière qu'il se prête au
moindre caprice du vent, de sorte qu'il se présentait toujours face à celui
qui soufflait, dont il indiquait l'effigie à l'aide de sa baguette."

Cette description paraît bien énigmatique et presque naïve, surtout pour


qui a étudié l'intérêt réel de la Tour des Vents. On retrouve ici Derek de
Solla Price qui, en collaboration avec Joseph Noble, s'est penché sur ce
curieux édifice remarquablement conservé en bordure de l'Agora
romaine d'Athènes. Sachant que Varron qualifie d'horloge ce bâtiment
qui est effectivement doté de plusieurs cadrans solaires, et qui présente
au sud une structure cylindrique accollée à l'octogone, ils en ont analysé
les vestiges archéologiques in situ.
29

Les deux chercheurs ont constaté que ce cylindre creux devait contenir
un système hydraulique actionnant une horloge à eau. Alimenté par la
source nommée Clepsydre (sic), un réservoir occupait la partie haute du
cylindre. Il fonctionnait selon un cycle de 24 heures (formule
nycthémérale), l'écoulement actionnant, au moyen d'un flotteur, un
mécanisme à chaîne s'enroulant sur un axe qui entraînait à son tour un
disque disposé à l'intérieur de la Tour des Vents. Ce disque forme le
cadran d'une horloge anaphorique.

La particularité de l'horloge anaphorique antique réside précisément dans


ce disque qui présente, sur son pourtour, les douze signes du zodiaque.
L'existence de ces cadrans circulaires a été amplement confirmée par la
découverte, près de Salzburg, vers 1900, d'un fragment d'un tel disque de
bronze mesurant 1,2 m de diamètre et pesant 45 kg.

Sur la moitié supérieure, seule visible, de ce disque, la rotation fait


apparaître successivement les douze signes en un jour complet. Le
mouvement s'effectue en même temps que, dans la réalité, les astres
surgissent à l'horizon. Après un tour entier (24 heures), le flotteur talonne
un levier au fond de la cuve, actionnant un nouveau remplissage
automatique. Le disque était remis en place par un contrepoids et
l'opération recommençait sans hiatus. Il suffisait de régler avec précision
le débit de l'eau au moyen d'une bonde pour qu'un tel mécanisme, fondé
sur les principes de Ctésibius et de Philon (IIP siècle avant J.-C.) et, par
la suite, de Héron d'Alexandrie ( F ^ siècle de notre ère), soit capable
d'indiquer l'heure avec une précision tout à fait satisfaisante. Telles
étaient les performances des mécanismes hydrauliques antiques.

De Solla Price postule en outre dans la Tour des Vents la présence de


jaquemarts et d'automates, tels que les décrivent certains auteurs anciens.
Pour ma part, l'examen de la partier haute de la Tour des Vents m'a
persuadé de l'existence d'un planétarium sous la coupole conique. En
e f f e t , on distingue clairement au deuxième étage une corniche
rigoureusement circulaire qui fait saillie à l'intérieur de l'espace
octogonal. Cette corniche, sans corbeaux ni caissons, contrairement à
celle, octogonale du premier étage, devait recevoir un mécanisme
tournant.

Une indication précieuse en faveur de cette interprétation est fournie par


une tradition consignée vers 1670 par le voyageur turc Evliya Celebi.
Celui-ci, après avoir fait état d'un miroir -il s'agit du disque en bronze de
l'horloge anaphorique- qui avait disparu, relate : "La tour contenait une
sorte de zodiaque représentant, au plafond, les douze constellations ainsi
que les sept planètes." On aurait ainsi, dans cette tour, un mécanisme
analogue à celui de la tholos de Varron ou de la Coenatio de Néron.

Sans s'étendre outre mesure sur cette Tour des Vents qui semble
conjuguer une girouette, une horloge anaphorique et un planétarium,
formant ainsi un appareil complexe de mesures scientifiques, on est en
30

droit de se demander qui en fut le fondateur. Qu'il suffise de mntionner


ici les diverses personnalités qui entrent en considéradon : Scylla, vers
86 avant J.-C. ; Pompée, vers 48 avant J.-C. ; et César, le vainqueur de
Pharsale, qui séjourna à Athènes en 47-46 avant notre ère. Selon toute
vraisemblance, c'est à Jules César qu'il convient d'attribuer ce monument
(pour différentes raisons dont l'énumération nous éloignerait de notre
sujet).

Quoi qu'il en soit, la Tour des Vents, avec son triton tournant au sommet
du bâtiment, évoque la girouette de la "Volière" de Casinum. En quoi la
direction des vents était-elle si importante aux yeux des Gréco-Romains?
La réponse dent au rôle des "météorologues" dans la société andque, tel
qu'il découle de la fonction des réalisadons mécaniques étudiées.

Fonction des instruments cosmologiques


Il est temps en effet d'aborder cette question capitale : à quoi servaient
ces planétariums, ces horloges, ces automates ? Lorsqu'ils sont
confrontés à ces réalisations que sont les sphères cosmologiques, les
historiens admettent en général qu'il s'agit d'objets de caractère
pédagogique ou de démonstration, instruments que les auteurs anciens,
emportés par l'enthousiasme, auraient dotés de propriétés mécaniques
imaginaires. L'explication est un peu courte : on voit mal un philosophe
ou un astronome faire construire des machines de bronze complexes
pour les seuls besoins de la clarté de son exposé. La curiosité devant les
mystères du fonctionnement de la mécanique céleste semble également
une motivation i n s u f f i s a n t e pour engager des frais artisanaux
considérables. En outre, les grands planétariums qui sont édifiés pour des
souverains et empereurs dépassent le rôle qu'on leur prête souvent de
simples curiosités destinées à étonner le visiteur.

Une longue recherche m'a démontré que l'unique moteur de cette


débauche d'efforts technologiques et scientifiques n'était autre que la
curiosité des puissants face à l'avenir. Le désir de connaître le futur, de
percer les arcanes du "décret des astres", de lire son destin dans le ciel
au moyen de l'horoscope a mobilisé des générations de chercheurs. Bref,
l'astrologie constitue le mobile profond des progrès de la technique
antique. C'est à elle que le monde gréco-romain doit d'avoir élaboré des
systèmes mécaniques complexes, des trains d'engrenages, des machines
de bronze à roues dentées et des plafonds tournants.

Je sortirais du cadre de cet exposé en prétendant démontrer l'imponance


des préoccupations astrologiques chez les Anciens. D'autres l'on fait, tels
Bouché-Leclercq ou Joseph Bidez, Frederick H. Cramer ou Franz
Cumont, Wilhelm Gundel et Wolfgang HUbner, Otto Neugebauer ou R.
Turcan, avec plus d'autorité que je ne pourrais y prétendre.
31

Qu'il me suffise de mentionner le texte fondamental d'un auteur ancien


qui apporte à mon interprétation une preuve irréfutable : je veux parler
des Dionysiaques de Nonnos de Pannopolis. Il me semble en effet utile
de citer quelques passages de ce poème alexandrin peu connu, dont
l'auteur vécut au V® siècle de notre ère. Ce poète grec évoque en effet
une scène de consultation horoscopique dans laquelle intervient une
machine astronomico-astrologique. C'est pourquoi cette évocation est
capitale à la compréhension de la mécanique antique.

Voici ce que dit Nonnos de Pannopolis (dans la traduction que m'a


communiquée le professeur Pierre Chuvin), lorsqu'il évoque une mère
venant interroger un vieil astrologue au sujet de sa fille (VI, 1-104) :

"Elle se dirige, de sa belle démarche, vers la demeure d'Astraios. (...).


C'est Etoile du Matin qui l'annonce. A la nouvelle, le vieil Astraios se
lève. Pour y tirer des lignes, il avait répandu à la surface d'une table de
la poussière sombre ; et, après avoir décrit un cercle avec la pointe d'un
compas métallique, il trace sur les cendres grises un quadrilatère qui lui
sert de hase, et construit une autre figure en forme de triangle
équilatéral. "

Astraios procède donc au tracé qui permettra l'établissement d'un thème


astrologique.

"Alors Astraios calcule le thème de la nativité, à l'heure où la déesse


avait accouché de sa fille unique, et le temps qui va sans faux pas. (...)
Puis, sur son ordre, un serviteur nommé Astérion prend une sphère
tournante, globe parfait, image des deux, reflet de l'Univers, et la lui
présente sur le couvercle du coffre où elle était enfermée. Alors le
vieillard s'affaire, et, faisant pivoter une extrémité sur l'axe, il dirige ses
regards vers le cercle du Zodiaque pour examiner de part en part les
planètes et les astres fixes. Il met en branle le firmament. Lancée en
tournoyant dans sa course sans trêve, cette fausse voûte céleste que
perce un axe médian vire sans fin autour de sa borne avec ses étoiles
factices.

Voici ce que découvre le prophète en embrassant la sphère de ses


regards : la Lune en son plein traverse sur son orbite une zone de
conjonction ; et le Soleil, dans la même phase que Méné (la Lune) qui lui
fait face, se meut à son apogée inférieur ; mais un cône de ténèbres
prend son essor et s'élève vivement de la Terre pour venir cacher la
Lune, homologue du Soleil. (...) Lorsqu'il a tout observé, après avoir
calculé la marche des astres, Astraios renferme la sphère au
tournoiement éternel, la sphère constellée, à l'intérieur du coffre."(...)

Bien que sous une forme poétique, souvent elliptique, le texte de Nonnos
de Pannopolis démontre bien quelle était la fonction des mécanismes
cosmologiques antiques. Ils permettaient de reconstituer l'aspect du ciel à
n'importe quel moment du passé ou de l'avenir pour en faciliter la
consultation par les astrologues. Cette curiosité manifestée par les
32

Anciens pour la lecture du futur, si elle nous paraît puérile, correspondait


à un ensemble de croyances fondées sur une imago mundi cohérente.
C'est en effet sur la base d'une représentation du cosmos considéré
comme une sphère homocentrique, avec ses différents niveaux occupés
par la course des sept planètes, que s'élabore la conception du monde.

Or, dans ce système où l'on admet que les astres influencent les hommes
par "sympathie", selon le concept des stoïciens, les influx stellaires
parviennent sur terre par l'entremise des vents. Ce sont ces "vents
cosmiques" (dirions-nous) qui apportent le message de chaque planète.
D'oii l'importance de la connaissance "météorologique" : il est capital de
déterminer d'où soufflent les vents lorsque l'on veut savoir sous quelle
influence se trouve un individu.

Si l'on se place donc dans la perspective qui était celle des Anciens, une
absolue logique préside à la consultation horoscopique. Le caractère
géométrique du tracé du thème astral, fondé sur le cercle, le carré et le
triangle équilateral, sur les alignements ou les oppositions, devait
d'ailleurs conforter l'aspect scientifique du processus. Et l'apport de la
mécanique -avec tout ce que la création d'automates peut comporter de
magique- achevait de donner à l'astrologie un caractère rigoureux lui
assurant sa pleine légitimité.

On voit donc que l'astrologie a conduit tout d'abord à une meilleure


observation du ciel, nécessitant l'élaboration de théories cosmologiques
complexes et de systèmes astronomiques qui recouraient, par exemple,
aux épicycles. Mais son influence est plus grande encore sur le plan
technologique, où elle est responsable d'un essor -non sans lendemain-
de la mécanique antique, dont le développement restait jusqu'ici en
grande partie insoupçonné.

Bibliographie
Le lecteur trouvera une orientation bibliographique dans l'ouvrage
suivant :

STIERLIN, Henri, "L'Astrologie et le pouvoir - de Platon à Newton",


préface de Pierre Grimai, de l'Institut, Paris, 1986 (ouvrage honoré d'un
Prix d'Histoire de l'Académie Française).

• • •
33

Publ. Obs. Astron. Strasbourg


Ser."Astron. & Se. Humaines" N° 8

GOY G.
Observatoire de Genève
Genève (Suisse)
35

LE DOSSIER DE L'ETRANGE

Durant trente-cinq ans, l'Observatoire de Genève a reçu un courrier


inclassable qui exprime bien les relations irrationnelles qui peuvent
s'établir entre l'être humain et sa situation dans l'Univers. Cette première
étude tente de regrouper les aspects les plus immédiats contenus dans cet
énorme courrier accumulé au cours d'un tiers de siècle : occultisme,
astrologie, psychoses, angoisses, délires, etc.

During the last 35 years Geneva Observatory received mail which


cannot be filed with ordinary mail. These letters show the irrational
situations which may resuit when humans try to find their place in the
Universe. This study tries to group the most important aspects contained
in the enormous amount of mail received for over more than three
decades : occultism, astrology, anxiety, delirium, and so on.

* * *

1.INTRODUCTION
Un observatoire est un lieu où travaillent physiciens et mathématiciens
spécialisés dans le domaine de l'astronomie. La correspondance reçue couvre
un très large domaine d'activité : astrophysique et sciences annexes,
administration, enseignement, publications périodiques, ouvrages, colloques,
publicité, bibliothèque, presse etc...
36

Chaque jour ouvrable ce sont environ six kilos de documents qui nous arrivent.
Dans cette masse imposante nous trouvons parfois une correspondance
inclassable : lettre étrange, texte hermétique, théorie ahurissante, histoire sans
queue ni tête, substitution d'identité, réfutation d'une découverte, etc...

Depuis 1955, jour après jour, nous avons classé tous ces documents dans un
dossier qui pèse aujourd'hui 6,8 kg. Dans la grande majorité ce sont des lettres
avec en plus quelques dizaines de fascicules imprimés.

Les astronomes ne sont pas la seule cible des imaginations débordantes. Les
mathématiciens et les biologistes ont aussi leur lot de courrier étrange. Mais
nous battons tous les records d'abondance.

Classification d'après la nature des documents :

On trouve sept catégories de documents :

1) Les lettres manuscrites,


2) Les lettres tapees a la machine,
3) Les textes thématiques manuscrits,
4) Les textes thématiques tapés à la machine,
5) Les fascicules imprimés,
6) Les documents graphiques : photos, dessins, cartes, etc...
7) Les cartes de visite publicitaires.

2 . P E R I O D E COUUERTE
De 1955 a 1990. J'ai arrêté à l'année 1984 la photocopie d'échantillons pour des
raisons de respect humain. J'ai toujours effacé les noms des auteurs pour
assurer un anonymat qui me paraît indispensable.

3 . RNfiLVSE TEHTUELLE
Aux sept catégories de documents décrites plus haut, correspondent des
caractères communs qu'il est intéressant de décrire.

3 . 1 . Les l e t t r e s m a n u s c r i t e s

Elles ont un caractère spontané, parfois brouillon. Elles sont souvent difficiles à
lire, raturées, surchargées de signes, de croquis, de renvois. Le français est
parfois chaotique, entrecoupé d'exclamations et d'incises qui suggèrent tout un
37

contexte laissé à l'imagination du lecteur. En résumé, les manuscrits vont de la


lettre bien sage (plutôt rare) au texte presque illisible et incohérent, qui reflète un
état psychique en brutal déséquilibre même pour un lecteur non-spécialiste des
problèmes mentaux.

3 . 2 . Les l e t t r e s à la m a c h i n e
Elles sont beaucoup moins spontanées car plus "léchées". Il est généralement
possible de deviner où l'auteur veut en venir mais les raisonnements restent
hermétiques et les objectifs déconcertants.

3 . 3 . Les t e K t e s t h é m a t i q u e s m a n u s c r i t s , les
t e K t e s t h é m a t i q u e s t a p é s à la m a c h i n e

Comme pour les lettres, le manuscrit est plus spontané que l'imprimé, mais il est
rare. En règle générale, nous recevons des doubles au carbone. Cela peut
signifier que nous ne sommes pas les uniques destinataires mais aussi que
l'auteur tient à garder une preuve de sa primeur dans les idées exprimées. En
fait, ces correspondants se présentent quelquefois comme des "découvreurs" et
beaucoup plus souvent comme des "réfuteurs". Le français est généralement
cohérent mais le contenu scientifique général hermétique. Ces documents se
rapprochent beaucoup de ceux décrits dans le paragraphe ci-dessous mais ils
sont beaucoup plus courts (1 à 3 pages).

3 . 4 . Les f a s c i c u l e s i m p r i m é s
Ils sont imprimés à frais d'auteur. Ils sont impeccablement présentés.
L'orthographe y est bonne, les phrases bien construites et grammaticalement
cohérentes. Dans l'ensemble, la rédaction me semble bien supérieure à celle des
journaux. Le volume est agrafé ou broché et peut contenir jusqu'à une centaine
de pages. Manifestement, ces documents sont produits par des gens cultivés qui
ont beaucoup lu, aussi bien dans le domaine littéraire que scientifique. Le texte
est un assemblage de phrases où l'on retrouve des expressions courantes en
astronomie, comme :

(...) inverse du carré de la distance (...),


(...) énergie potentielle (...),
(...) direction de la résultante de toute les forces d'attraction (...),
etc...

Le tout est fondu dans un texte général parfaitement incompréhensible


(scientifiquement parlant) dans son ensemble.
38

Voici quelques titres que nous avons sélectionnés parmi une cinquantaine :

Constitution intérieure de la Terre.


Naples, 1950,16 pages
Nouvelle théorie de notre planète.

Un pilier de la relativité s'écroule.


1969, 28 pages
Réfutation de Michelson et Einstein à propos de la vitesse de la
lumière.

Mon petit poisson.


1963, 77 pages
Texte très poétique où l'on parle, sans transitions, de la canne à sucre,
de Confucius, des libellules, de la lune, de la paix, de Minouche, des
histoires électriques, de Mohammed, des syndicats, d'une théorie des
moteurs électriques copiée dans un traité, d'une théorie de la poussière
etc... etc...

Théorie de l'intégration de la science.


En anglais, 99 pages.
Solution proposée pour les "constantes éponymes".
On y trouve des équations (?) dans le genre :

(Faraday)^ x Bolzmann x Wien x Hubble = (Avogadro)^, x Bolzmannx Wien


C2 X Rydberg x Planck x Newton (Faraday)

Fantaisie consciente ? ou (d'après un psychiatre) délire ?

3 . 5 . Les c a r t e s de u i s i t e p u b l i c i t a i r e s
Ces documents sont, au contraire, parfaitement cohérents. Ils nous sont envoyés
par des astrologues, chefs de sectes ou autres gourous des "sciences occultes".
Ils résultent d'une technique commerciale très éprouvée : rechercher la caution
des scientifiques pour consolider leur propre crédibilité vis-àvis de leurs clients.
Leur espoir est simple : obtenir une réponse sur papier à en-tête de notre Institut.
Notre éventuelle lettre deviendrait alors la preuve que l'Observatoire de Genève
fait partie de leurs "correspondants scientifiques".

Nous terminerons cette première présentation par quelques documents


graphiques.
39

Les signatures symboles

Nous reproduisons, trois signatures qui ont sûrement un sens. Les auteurs,
quand ils nous écrivent plusieurs fois, utilisent généralement le même graphisme,
sauf dans le cas cité plus bas. Il faut relever un point remarquable : les
documents reçus ne sont jamais anonymes. Les documents sont signés et
contiennent le nom et l'adresse de l'expéditeur.

Les signatures de substitution

Ces signatures reproduisent celle d'un grand personnage réel ou mythique. Nous
avons retenu celles de Nicolai Copernic et X. Géométras.

Un cas particulier

Un correspondant nous a écrit très régulièrement pendant plus d'une année.


Toutes les lettres sont de la même écriture, mais on peut en faire 3 paquets qui
se distinguent par les 3 signatures reproduites ci-dessous, comme si l'auteur se
sentait dans la peau de 3 personnages à choix. Il serait intéressant de comparer
le contenu des lettres avec le type de signature.
40

4 . QUELQUES DONNEES STATISTIQUES

Un psychiatre a examiné cette correspondance pour en extraire quelques points


de vue d'ensemble. Voici, en résumé, quelques données tirées de ses notes.

4.1. La fréquence durant les années 1955 à 1984


On établit le nombre de documents reçus par année. Les fluctuations sont
relativement importantes mais la distribution accuse deux pics : l'un centré sur
1972 (début en 1969 et fin en1975), l'autre très brutal en 1984. 11 serait
intéressant d'étudier une corrélation entre ces fréquences inusitées et des
événements locaux ou planéaires.

4.2. La fréquence saisonnière


Les documents ont été classés par mois, toutes les années confondues. La
moyenne se situe autour de cinq documents reçus par mois, mais un large pic
avec un double sommet apparaît en juillet et en novembre. Cette recrudescence
pourrait être due aux vacances d'une part, et à la saison automnale d'autre part.
Ce sont deux périodes délicates pour les personnes ayant un psychisme fragile
(isolement pendant les vacances et influence du retour du mauvais temps en
novembre).

4.3. Diagnostics sur l'ensemble des manuscrits


Sur 111 lettres examinées, 87 proviennent de malades et 24 peuvent ère
classées sous divers. Les 87 malades (78 %) peuvent se classer sous trois types
d'affections :

"schizophrénie 12%'0
• psychose maniaco depressive 2%
• psychose délirante chronique 64 %

Provenance par pays :


• Suisse 40%
• Italie 14%
• France 19%
• Allemagne 4%
• U.S.A. 7%
"Autres (10 pays) 10%
41

Cette statistique n'est évidemment pas très significative. Genève est en effet une
ville très internationale et il n'est pas possible de distinguer les étrangers
domiciliés dans la région genevoise de ceux qui habitent réellement à l'étranger.

5 . CONCLUSION
Cette première étude n'est qu'un survol général des point les plus marquants
d'un dossier très hétéroclite. L'essentiel reste à faire : une étude en profondeur
du contenu.

• * •
43

Publ. Obs. Astron. Strasbourg


Ser."Astron. & Se. Humaines" N°

LEVY M.L.
Institut National d'Etudes
Démographiques
Paris (France)
45

PLfllDOVER POUR Lfl L U N E

L'ignorance, générale en Occident, du cycle lunaire complique


l'intégration des immigrés observant le calendrier musulman. Pour
rendre plus concrète la succession des lunes, il est proposé de les nommer
publiquement, suivant les douze appellations du calendrier républicain,
complétées par un treizième nom, pour la lune intercalée sept fois en
dix-neuf ans., comme dans le calendrier juif. La désignation de la " L u n e
de printemps" pourrait suivre une règle simple, et servir de référence
universelle.

C'est une banalité de constater que nos contemporains, devenus citadins et


automobilistes, n'ont plus l'occasion de regarder le ciel. S'émerveiller de la beauté
du ciel nocturne, repérer la Grande Ourse et la Voie lactée, est devenu une
émotion de luxe, réservée aux vacances et aux voyages, ou à la rigueur un
hobby, que pratiquent certains, les navigateurs amateurs par exemple, capables
de désigner Cassiopée et le Bouclier d'Orion, auréolés alors de l'admiration de
leurs semblables.

Obscurantisme
L'ignorance générale s'étend même à la Lune, qu'on ne regarde plus. Un célèbre
dessin de Sempé, du temps où l'Homme marchait sur la Lune, montrait
d'innombrables couples figés devant leurs téléviseurs montrant le disque lunaire,
tandis que l'astre brillait solitaire dans le ciel nocturne, au dessus des immeubles.
46

Si je vous demandais quel jour de la Lune nous sommes, il est probable que
beaucoup d'entre vous plongeraient la main vers leur agenda, au lieu de se
demander quelle forme avait la Lune hier soir. Plus généralement, il serait piquant
qu'un sondage teste les connaissances de nos contemporains et de nos enfants
sur ce sujet. Combien sauraient dire correctement la durée de son cycle, expliquer
le premier et le dernier quartier, montrer en quel point cardinal et à quel moment
de la journée elle se lève et se couche, selon ses phases ? On sait en général que
les marées, et spécialement les grandes, ont à voir avec elle, mais mieux vaut ne
pas trop approfondir ce savoir.

En plus des inconvénients de tout obscurantisme, en particulier la tendance à la


superstition, cette ignorance-là complique inutilement deux des problèmes actuels
de la société française, l'un particulier, "l'intégration" des immigrés d'origine
musulmane, et l'autre plus général, l'adaptation de la laïcité républicaine au monde
moderne.

L'Islam, comme on sait, a pour symbole le Croissant de lune, et respecte un


calendrier lunaire, qui rythme les rites annuels. Le rite le plus connu par les non-
musulmans est d'ailleurs un mois tout entier, celui de Ramadan, période
d'abstinence diurne de nourriture, dont le début et la fin donnent lieu à des
célébrations particulières. Les musulmans de France, peu pratiquants par ailleurs,
mais attachés, comme tout un chacun, à leurs traditions familiales, observent en
général ce rite, au moins partiellement. Ce serait la moindre des choses que les
Français non-musulmans sachent, chaque année, à quelle lune correspond cette
période d'abstinence.

De même, plusieurs fêtes juives tombent à la Pleine Lune (Pessah, Pâque, au


printemps, Pourim , fête d'Esther, juste avant, et Soukkot, fête des Cabanes, à
l'automne, six mois plus tard ). Une autre à la Nouvelle Lune de Soukkot {Rosch-
Hachanah, Nouvel An). La présentation des textes bibliques qui fondent ces rites,
les liens qu'ils présentent avec le cycle pascal des églises catholique et réformée,
et avec les Pâques chrétiennes orthodoxes, pourrait fournir une occasion de
parler, à l'école, au collège et au lycée, des religions pratiquées en France,
occasion indépendante de tout contexte métaphysique ou clérical, et donc
acceptable par les plus farouches opposants à toute introduction de la religion à
l'école. On n'introduirait pas "l'histoire des religions", comme on l'a proposé
jusqu'ici, on introduirait en quelque sorte "l'astronomie des religions".

Encore faudrait-il que la Lune elle-même soit re-découverte. Or l'adoption en


Occident du calendrier "julien", divisant le zodiaque en 12 mois de 30 ou 31 jours,
fait que le mois lunaire ne scande plus l'année. Pour commencer à remédier à ce
manque, il conviendrait d'abord de corriger la présentation des calendriers à
l'école.

On les divise en général en deux types, l'un dit "solaire" et l'autre "lunaire". Or
l'année a une définition astronomique seulement solaire - durée que met
47

apparemment le soleil à faire le tour du zodiaque - et inversement le mois, ou lune,


a une définition astronomique seulement lunaire - durée que met apparemment la
lune à parcourir ses quatre phases. Le quart approximatif de ce temps, celui
d'une seule phase, est appelé semaine et fixé conventionnellement à sept jours.
Ce qu'on appelle abusivement l'année lunaire, n'est que la succession de douze
lunes, et inversement ce qu'on appelle abusivement le mois solaire, et que nous
appelons mois, tout court, n'est que le douzième approximatif de l'année solaire de
365 jours 1/4, arrondi à 30 ou 31 jours, avec l'anomalie de février, trace du
temps où l'année commençait en mars.

Le cycle lunaire, beaucoup plus court et plus concret que le cycle solaire, s'impose
évidemment comme première forme de mesure de la succession des jours. Au
collège, les filles réglées, une fois informées de la coïncidence troublante - dont je
n'ai pas d'explication - entre le cycle féminin et le cycle lunaire, pourraient en être
des utilisatrices naturelles, mais les garçons aussi, grands amateurs de westerns
et d'histoires d'Indiens, qui comme chacun sait, mesurent les durées en nombre de
lunes.

Nommer les lunes


On se heurte ici à une difficulté. Les lunes successives n'ont plus de nom dans les
langues occidentales. Les noms des mois et ceux des signes du zodiaque
découpent l'année en périodes de 30 ou 31 jours, simplement décalées, les signes
du zodiaque commençant vers le 21 des mois solaires [1]. On trouve certes dans
les dictionnaires et encyclopédies les noms des mois musulmans et juifs, et on
peut aujourd'hui les consulter sur le minitel du Bureau des Longitudes (36-16 BDL).
Celui-ci nous apprend ainsi qu'aujourd'hui, 22 novembre 1991, lendemain de Pleine
Lune, est le 15ème jour de la lune dite "Djoumada l'Oula" dans le calendrier
musulman et "Kislev" dans le calendrier Israélite.

(Notons, entre parenthèses, que cette coïncidence du comput du mois lunaire


entre juifs et musulmans est exceptionnelle. En général, le premier jour de la lune
musulmane est plutôt celui de l'apparition du Croissant de lune, tandis que le
premier jour de la lune juive est plutôt la nouvelle lune proprement dite, quand la
lune est encore invisible, un jour ou deux auparavant. Cela introduit un décalage
d'un jour ou deux entre la mesure des mois musulmans et juifs. Fermons la
parenthèse).

Il n'y a aucune raison de nommer les lunes en français avec des noms arabes,
ceux du calendrier musulman, ou persans, ceux du calendrier juif adopté pendant
l'Exil de Babylone. Il se trouve qu'en France, on dispose d'une liste de noms de
mois, à la fois populaires et désuets, ceux du calendrier, dit par erreur
révolutionnaire, et qui s'appelait républicain. Ces douze noms, prévus à l'origine
pour des "mois" solaires, évoquent de façon poétique les saisons de nos contrées.
48

Si on les utilise, les lunes correspondantes ne devraient donc pas remonter l'année
à la manière des douze mois musulmans, mais rester aussi fixes que possible
dans les saisons, comme les mois juifs.

Ce résultat est obtenu, dans le calendrier israélite, par l'adjonction, à peu près
tous les trois ans d'une treizième lune. Exactement c'est 7 fois en 19 ans, en
vertu de la constatation du "cycle de Méton", selon laquelle 19 années solaires,
soit 228 mois, valent 235 lunes (sept mois lunaires de plus que de mois solaires).
La lune intercalée dans le calendrier juif ne porte pas un treizième nom, mais
redouble le nom de la douzième lune, celle-ci étant comptée en partant de celle de
Nisan, lune de la Pâque. Cette douzième lune, est dite Adar, selon le nom figurant
dans le Livre d'Esther (3,7). La treizième, quand elle est nécessaire, est donc dite
Veadar, ou Adar II.

Par analogie, si on commence l'année au printemps par Germirial, l'équivalent


serait donc d'avoir, 7 fois sur 19, deux lunes successives appelées Ventôse, I et II.
Nous préférons donner un nom original à cette lune supplémentaire, et suggérons
celui d'Eglantine, en hommage à Philippe-François Nazaire Fabre d'Eglantine, qui
proposa ces noms à la Convention le 24 octobre 1793, qui devenait ainsi le 3
Brumaire de l'an II [2]. Ce nom d'une fleur printanière est aussi adéquat que les
autres à nommer les saisons, puisque cette lune tomberait, les années où elle
serait utilisée, entre celles d'hiver et ceux de printemps, entre Venfôse et
Germinal, vers notre mois de f^ars.

Il ne s'agit pas de créer un calendrier supplémentaire, tentative ridicule qui serait


évidemment vouée à l'échec. Il s'agit de redonner à nos contemporains la curiosité
de la lune, et les moyens de comprendre les civilisations, anciennes ou actuelles,
qui l'utilisent pour distinguer les jours. Un moyen simple de populariser l'usage
proposé serait que les annonceurs des bulletins météorologiques de nos chaînes de
télévision veuillent bien annoncer les phases des lunes successives, en utilisant
ces noms républicains. Nous aurions su hier que c'était la Pleine Lune de
Brumaire, et nous nous attendrions, d'ici deux semaines, le 6 décembre, à entrer
dans celle de Frimaire. On pourrait aussi suggérer à M. Jospin^ de stabiliser enfin
les trois trimestres scolaires, redevenus des saisons, en fixant définitivement les
vacances de Pâques en Germinal et celles de Noël en Frimaire...

Les trois années précédentes, le fîamadan musulman, qui revient toutes les douze
lunes, a coïncidé avec la Lune que les Juifs appellent Nisan, et qui serait celle de
Germinal ôans notre proposition. Mais l'année prochaine, le calendrier juif intercale
sa treizième lune. Le prochain Ramadan coïncidera donc avec la lune d'Adar II,
que je propose d'appeler Eglantine, allant du 4 mars au 3 avril prochains. (Il se
trouve que le 4 mars 1992 sera aussi le mercredi des Cendres, premier jour du
Carême catholique. Cette coïncidence entre la période d'abstinence musulmane et
catholique, dont je ne sais quelle est la fréquence serait évidemment propice à

Ministre de l'Education Nationale au moment de la conférence


49

d'intéressantes leçons de rites religieux comparés). Les années suivantes, le


Ramadan coïncidera avec la lune d'Adar, celle de Ventôse, jusqu'à la suivante
intercalation d'une treizième lune, en 1995, qui la décalera encore d'un cran, et la
fera coïncider pendant deux ans avec la lune précédente, celle de Chevat du
calendrier juif, correspondant à Pluviôse dans notre liste républicaine, et ainsi de
suite.... La remontée du Ramadan dans le cycle des saisons, due au fait que
douze lunes ne représentent que 354 jours, soit onze de moins que l'année,
deviendrait accessible à la conscience commune.

Rien n'empêcherait de réutiliser ce système de façon rétrospective, les


astronomes ayant tous les moyens de recalculer les phases de la lune des années
juliennes et grégoriennes. Disposer des dates lunaires d'un nombre suffisant de
naissances permettrait par exemple aux démographes de vérifier si oui ou non, il
existe un cycle lunaire de la natalité, sujet de controverses. Et les historiens ne
seraient pas toujours indifférents d'apprendre si, telle nuit de bataille ou de siège,
la Lune brillait ou non.

La lune de printemps
Notre proposition, qui consiste à "traduire" dans les noms du calendrier républicain
les noms des lunes du calendrier juif, n'est qu'une commodité de départ. Si l'usage
proposé avait quelque succès, il faudrait évidemment remplacer par une règle
astronomique la règle d'intercalation de la treizième lune que respecte le calendrier
juif, et qui est d'ailleurs légèrement erronée : l'année solaire juive (il serait plus
correct de dire " la 19ème partie d'un cycle de 19 années - 235 lunes - juives " )
mesure 365,24696 jours au lieu de 365,24220, soit un excès de 0,00476 jour par an
([3], p. 113) :tous les 210 ans, soit 11 cycles de 19 ans (11x19=209), il y a un jour
d'écart, et le cycle annuel des fêtes juives recommence un jour trop tard. Depuis
la "mise en service" du système actuellement en usage, vers l'an 4600 de la
Création du monde (840 ap. J.-C.), voici 11 siècles, la dérive n'est que de 5,5
jours, alors que la dérive julienne était, en 1582, de 10 jours en 12 siècles. Mais il
arrive aujourd'hui que Pessah, la Pâque juive censée marquer la Pleine Lune de
Printemps, commence après le 21 avril, c'est-à-dire plus d'un mois après
l'équinoxe de printemps. C'est arrivé le 24 avril 1986 (5746), cela arrivera le 22
avril 1997 (5757) [4].

Pour Germinal, il vaudrait mieux éviter une telle anomalie, et décider de façon
autonome par rapport au calendrier juif si l'intercalation de la lune d'Eglantine est
nécessaire. En 1997, il ne devrait pas y avoir de lune d'Eglantine, de façon que la
Pleine Lune du 23 mars soit celle de Germinal. Peut-être verrait-on le judaïsme
adopter alors une mini-réforme de calendrier, qui réalignerait la détermination de
l'intercalation de la treizième lune sur la constatation d'un phénomène
astronomique, comme au temps du Temple de Jérusalem. Mais ceci est une autre
histoire..
50

Et puisque j'en suis aux suggestions irresponsables, pourquoi l'Eglise catholique ne


réexaminerait-elle pas les conditions de l'adoption du calendrier julien, conservé
par l'église orthodoxe, pour revenir aux décisions du Concile de Nicée, en l'an 325,
fixant la date de la Résurrection "au premier dimanche qui suit la Pieine Lune
d'après le 21 mars" et proclamant hérétique la pratique "judaïsante" de fêter
Pâques le jour de Pessah'[5]. Les pratiques orthodoxes sont restées plus proches
du système de Nicée que le système incompréhensible du nombre d'or, de l'épacte
et de la iettre dominicale, sans parler de ï'indiction romaine, tout système qui
cherche à introduire la Lune dans le calendrier solaire grégorien, non sans écarts
entre la "lune ecclésiastique" et la "lune vraie" [6]. Une négociation entre églises
chrétiennes, quelque part entre Belgrade et Zagreb, sur la date de Pâques, serait
une belle contribution à l'œcuménisme.

Quant aux (vlusulmans, ils n'auraient rien à modifier, sauf à réexpliquer comment
Mahomet supprima l'intercalation qui maintenait le pèlerinage à la saison des
récoltes ([7], p. 131), et à bien vouloir indiquer, à chaque intercalation de la
treizième lune, la nouvelle correspondance entre leurs douze désignations, y
compris celle de Ramadan, et les désignations juive et républicaine.

En somme, le système suggéré pourrait aboutir à une règle astronomique simple


de désignation de la lune de printemps, celle de Germinal, par exemple "première
Pleine lune après l'équinoxe", qui servirait ensuite de référence commune pour
expliquer et faire connaître les divers systèmes fixant des rites religieux. La Lune
et la laïcité républicaine peuvent-elles obtenir cette forme de dialogue
interconfessionnel ? Je ne sais, mais je crois que le jeu en vaut la chandelle. Et si,
au passage, la France facilite l'intégration des enfants pratiquant les divers rites,
nous aurions gagné quelque chose à avoir, au nom de la Liberté, favorisé la
connaissance contre l'obscurantisme, et souhaité la Paix, au Ciel comme sur la
Terre, aux Hommes de bonne volonté.

* * *

Références

[1] Michel Louis LEVY : "Jésus est-il né au solstice d'hiver?". Journée


"Astronomie et sciences humaines" Strasbourg, 9 novembre 1990, et Les
nouveaux cahiers {MWance Israélite universelle) n°104, printemps 1991, p. 36-40

[2]. Paul SMITH : "Avertissement" dans Agenda républicain , Syros-Alternatives,


1989, p. 8-23
51

[3] Lettre de MAIMONIDE sur le calendrier hébraïque, traduite par Robert WEIL,
annotée par Simon GERSTENKORN, Editions Meir, 1988.

[4] Roger STIOUI "Le calendrier hébraïque", Les éditions Coibo, 1988.

[5] Daniel S. MILO "Trahir le temps (Histoire) ", Les belles lettres, 1991.

[6] Paul COUDERC "Le calendrier". Que Sais-je, n° 203, 5ème édition, PUF,
1981

[7] Slimane ZEGHIDOUR "La vie quotidienne à La Mecque ", Hachette, 1989

BIOGRRPHIE

Michel Louis LEVY, né en 1939, statisticien et démographe, administrateur et


chef du service de Diffusion de l'Institut National d'Etudes Démographiques, est
rédacteur depuis 1977 du bulletin Population et Sociétés. Il est l'auteur d'ouvrages
pédagogiques sur les statistiques sociales et d'articles sur la laïcité : "Déchiffrer
la démographie" (Synes-Alternatives, 1990), "Alfred Sauvy ; compagnon du
siècle" la Manufacture, 1990).
53

Publ. Obs. Astron. Strasbourg


Scr."Astron. & Se. Humaines" N°

VERDIER J.P.
(France)
55

LES C A L E N D R I E R S INDO-EUROPEENS

L'étude des calendriers du Bassin méditerranéen oriental dans les


millénaires qui précèdent notre "An Zéro" est tout à fait instructive pour
l'éveil, puis l'avancée possible de l'esprit scientifique dans notre monde
antique. Si l'on veut bien relire la plupart des grands textes de la littérature
de cette Antiquité moyen-orientale, que ce soit de la Bible (ou du moins
certains de ses chapitres) ou de ce qu'on appelle la mythologie, on
s'aperçoit qu'ils sont fort nombreux à pouvoir recevoir une interprétation
calendaire qui en explicite le sens.

Mon objet aujourd'hui, c'est précisément d'attirer l'attention sur le


phénomène de la lecture du temps dans l'ensemble de nos civilisations
moyen-orientales des trois derniers millénaires avant l'An Zéro : on ne
peut qu'être frappé d'une sorte de convergence des différentes pensées,
très ancienne et peut-être initiale, qui nous fait nous poser une
interrogation sur l'origine de cette unicité. Depuis les empires chaldéens de
Sumer et d'Akkad jusqu'à l'Empire romain, en passant par les
mythologies grecque, égyptienne, celtique et par la pensée biblique, c'est
comme si tous ces peuples avaient développé une pensée qui leur avait été
commune. Si tel était le cas, il faudrait que cette communauté leur soit
venue de ce qu'on appelle communément les indo-européens. Et ce sera là
mon hypothèse de travail...

une certaine idée du temps

Ce n'est pas une nouveauté de dire que le temps, auquel l'ensemble du


monde sensible est soumis, est une abstraction difficilement maîtrisable
par la pensée humaine. Le temps nous domine, nous en percevons
confusément le décours, mais il faut se livrer à toute une série d'opérations
intellectuelles pour essayer d'en mesurer la fuite.

Souvenons-nous de la Caverne platonicienne : les hommes y sont


prisonniers, tournés vers la muraille du fond et ils ne voient de la réalité
extérieure que les ombres projetées comme dans un film par la lumière du
grand feu de la connaissance qui nous est pratiquement inaccessible...

L'idée essentielle des peuples moyen-orientaux (et d'autres aussi sur la


planète...) depuis une période proto-historique est d'avoir envisagé que le
monde réel est fait de deux parties antinomiques ;
56

- d'un côté, il y a le monde de l'incréé éternel, autant esprit que


matière, qui contient effectivement le temps, lequel paraît en être l'essence
même ;
- de l'autre, il y a l'ensemble du créé, voué à une disparition plus
ou moins proche, soumis au temps qu'il n'arrive pas à connaître parce que
celui-ci n'est pas dans sa nature.
Entre les deux parties du monde, la source d'incompréhension
majeure est précisément cette abstraction temporelle ;

La seconde idée des hommes a été de considérer que tout être incréé et
étemel de nature a été à l'origine de l'apparition de l'autre partie du réel: il
y a toujours, parmi l'ensemble de l'Incrée éternel, un démiurge qu'on
appela créateur de notre monde. Il y aurait beaucoup à dire sur le
phénomène même de la Création: contentons-nous d'affirmer que le
démiurge ne se livre pas à une création ex nihilo mais à une sorte de tri
dans la matière et dans l'esprit incréés, à un aménagement du Chaos
originel: matière et esprit préexistent à la Création, le démiurge y met
seulement un ordre de type rationnel...

Un des aspects les plus fondamentaux de cette mise en ordre du chaos


tient dans l'apparition, au début de la Création, de la notion abstraite de
temps et des moyens qui seront nécessaires aux hommes pour le mesurer:
chaque démiurge crée d'abord la pulsion de l'invisible éternel avec le jour
alternant avec la nuit; puis il place les astres mesureurs du Temps, la lune
astre de la nuit, le Soleil astre du jour. C'est d'abord ce qui est dit au
premier chapitre de la Genèse biblique...

Si on lit la Créadon du monde selon les Chaldéens, on s'aperçoit qu'il en


est ainsi pour une raison très précise, que reprendront sans pratiquement la
transformer, les socradques et les platoniciens : les astres sont tous
images-miroirs du monde des dieux, représentants de l'incréé que, sans
eux, les hommes créés ne pourraient pas même percevoir.

C'est donner à l'astronomie, qui est d'abord observation précise du ciel et


de ses mystères, un statut privilégié à la charnière de la science et de la
religion...

Et l'incréé éternel est toujours doué d'un mouvement éternel et continu,


soumis à des lois strictes et infrangibles que seule la religion permet
d'entrevoir ou de mettre en évidence quand elle est éclairée par la science.
A l'époque dont je parle, il n'y a pas de coupure entre raison et sentiment
et l'esprit religieux est la forme supérieure de l'esprit scientifique.

C'est que le démiurge n'opère la Création de notre réel que parce qu'il a
des raisons impérieuses pour le faire et l'homme religieux doit chercher à
les comprendre au mieux à travers la religion : on ne vénère bien que ce
que l'on comprend...
57

Les résultats de l'observation :


Les hommes ont observé les astres pendant des millénaires à partir
d'observatoires qu'ils ont installés; mais si l'observation est nécessaire,
elle n'est toutefois pas suffisante à la religion : il faut la réinterprêter à
travers une mathématisation de l'observation. Seuls, alors, les résultats
obtenus seront transcrits en mythes à l'aide de la poésie... Et ils seront
plus ou moins diffusés pour des rituels spécifiques depuis les initiés
jusqu'à ceux qui ne le sont pas à travers des contes qui diront une part de
la vérité sans dévoiler la démarche qui permet qu'on y arrive.

Le premier astre qu'apparemment les hommes ont utilisé fut la lune; peut-
être parce qu'on était à la période de l'élevage et que le cycle lunaire est
l'instrument nécessaire à la mesure de la gestation.

1. Toute mesure du temps, observée à partir des astres, est faite dans un
double but :
- il s'agit de gérer un calendrier des hommes et de la société ;
- et de déterminer de manière précise les fêtes religieuses où se
retrouvera l'ensemble de la société.

A partir d'une observation et de la mathématisation de celle-ci, on va, de


fait, gérer au moins deux temps :
. un temps laïc, pour les activités individuelles ou sociales
des hommes;
. un temps divin, religieux exclusivement, dont on
recherche l'exactitude absolue parce que les prêtres se doivent de suivre la
vie des dieux au plus juste.

Ces résultats s'inscrivent ensuite dans un système calendaire qui n'est


qu'une structure vide ; pour qu'elle prenne sens et valeur, il faut qu'on en
détermine très précisément l'origine et celle-ci n'est guère que
conventionelle et propre à chaque société :
- la fondation de Rome n'est reconnue que par les Latins ;
- le franchissement de la Mer des Roseaux et les Dix Plaies
d'Egypte ne peuvent être référence que pour les Hébreux;
- le moment mythique des Douze Travaux d'Héraklès ne l'est que
pour les Grecs ;
- l'historicité religieuse des scènes représentées sur le Chaudron de
Gundestrup, que pour les Celtes...
La question devient troublante à partir du moment où j'ai l'impression que
les dates auxquelles on arrive, entre autre dans les cas qui viennent d'être
mentionnés semblent être,
. mythiques, certes,
. mais grossièrement les mêmes...

2. Les cycles du temps sont tous composés de la juxtaposition d'un


nombre plus ou moins important de jours, lesquels sont eux-mêmes
complexes :
58

. plus le "jour" est long, moins la "nuit" l'est; les deux


étant complémentaires...
. il peut aussi arriver que jour et nuit soient égaux.
. mais il existe aussi un jour le plus long dans chaque
révolution astrale;
. et un jour le plus court.

3. La révolution lunaire :
Du fait que la lune prend quatre formes différentes durant sa révolution,
on en a tiré un moyen simple de cadrage du mois ; celui-ci a généralement
commencé avec la néoménie, c'est-à-dire l'observation du jour où se voit
la plus petite faucille, au lendemain donc de la NL. On a pu voir que la
révolution lunaire dure, en jours pleins inscrits dans un calendrier, soit 29
soit 30 j. Sans que ce décompte soit exact, il est cependant satisfaisant.

4. La révolution solaire :
On s'aperçut aussi que le soleil, qui gère les saisons de la terre observées
dans l'agriculture, passe également par quatre phases que sont les solstices
et équinoxes durant sa révolution annuelle :
. quand le lever du soleil, observé dans un site, est le plus
au nord possible, on est au solstice d'été et les jours sont les plus longs
de l'année ;
. quand le soleil levant est le plus au sud possible, on est au
solstice d'hiver et les jours sont les plus courts de l'année ;
. quand le lever ou le coucher de l'astre se produit à la
bissextrice de l'angle formé par les deux points précédents et dont la
position de l'observateur est le sommet, on est aux équinoxes et les jours
sont alors égaux aux nuits.

Ainsi, globalement, soleil et lune se comportent de manière identique


durant leurs révolutions respectives et leur observation pemiet d'étalonner
un site selon leurs lieux d'apparition et de disparition sur l'horizon.

5. Le zodiaque, instrument de mesure essentiel :


Les deux courses astrales peuvent, d'une manière approximative, être
comparées l'une à l'autre; pour établir cette comparaison, il suffisait de
disposer d'un troisième élément: en utilisant un fond de ciel réputé fixe, et
on pouvait obtenir l'instrument de référence pour repérer dans l'absolu du
ciel le second passage de l'astre devant le même repère. Il suffit d'utiliser
les étoiles qui se trouvent en lever ou coucher héliaques lors de la date
choisie arbitrairement pour initiale du cycle de sa révolution.

Une telle observation valant pour le soleil, comme pour la lune ou les
autres astres errants, on détemiina,
a), une bande de ciel réputée fixe servant de toile de fond,
de part et d'autre de l'écliptique;
b). la course étant réputée circulaire, on avait ainsi une
circonférence que l'on puvait découper en autant d'arcs égaux que l'on
voulait.
59

c). l'observation de la lune montra qu'il lui fallait


exactement douze mois pour qu'elle revienne à la même place dans le ciel.
On découpa donc la ceinture zodiacale en douze arcs de chacun 30° et, à
l'intérieur de chacun, on détermina une constellation spécifique permettant
de s'y reconnaître.

6. Pratiquer ainsi, c'était déjà, implicitement, comparer les deux


révolutions solaire et lunaire ; puisque la lune n'avait pas, à proprement
parler, de course annuelle, on en créa une, analogique de celle du soleil. Et
l'année lunaire valut soit 354, soit 355 j., tandis que l'année valait, elle,
365j. approximatifs... Par le choix de telles valeurs approximatives, on
buttait déjà sur la grande difficulté des calendriers, qui est celle de la
mesure exacte des cycles, jusque dans leurs lointaines décimales.

Une telle comparaison, sous cette forme, ne pouvait être que partielle : elle
pouvait suffire, grosso modo, pour un calendrier civil ne servant qu'à
mesurer le temps approximatif des hommes... On recalait tant bien que
mal les valeurs des deux années par adjonction de jours épagomènes au
décompte lunaire. Mais une démarche aussi grossière ne pouvait suffire
pour l'exacte mesure du temps des dieux qui justifiait toute théologie.

C'est ainsi qu'on en arriva à la définition d'un nouveau modèle


scientifique capital qu'on appela le calendrier luni-solaire et que je préfère
dénommer "calendrier en double comptage".

Les exigences du double comptage :


Définissons d'abord ce qu'est le double comptage :

1. Jusqu'à maintenant, pour le mois comme pour l'année, on


pouvait s'abstenir de définir une chronologie précise ; seul, le mouvement
des astres détermine l'initiale et la finale de chaque révolution.

Pour le double comptage inscrit dans un calendrier, il faut définir un


Premier Jour commun aux deux systèmes en comparaison : ce sera
forcément, pour la lune com.me pour le soleil, une des phases
remarquables de la course: un solstice, par exemple, et une néoménie.

2. Ce Premier Jour ainsi défini sera inscrit au premier jour de la


plaque calendaire, structure vide. Et à partir de ce Premier Jour la suite
ininterrompue des jours se déroulera; les révolutions de chaque astre ne
comptent guère dans ce nouveau décompte ; on ne peut plus réellement
compter en années ou en mois; il faut compter en jours.

3. Le nouveau cycle s'achèvera la veille du jour où on retrouvera


la même initiale observée qu'au début.
60

De tels cycles peuvent être fort longs: ils sont conditionnés par des choix
importants laissés au libre arbitre des hommes, notamment le décompte
des jours représentés dans la structure vide de la plaque de calendrier ;
. les cycles les plus brefs, les plus aisés à concevoir, furent
cependant utilisés dans tout le Bassin méditerranéen, puisqu'on s'aperçut
très vite d'une autre réalité :
- les mois lunaires étant tous identiques, il n'y a aucune raison
pour en arrêter le décours à douze ;
- de même pour les années solaires.

4. Dans le double comptage, il faut cependant réajuster un décours


temporel sur l'autre: il y faut des intercalations. C'est-à-dire qu'un décours
astral sert de référence par rapport à l'autre; historiquement, ce fut celui du
soleil.

a) On s'aperçut, par l'observation, qu'il était possible de


recaler le cours lunaire sur celui du soleil au bout de trois années environ:
en rajoutant une "treizième lunaison"... L'intercalation se fit alors tous les
trois ans lunaires approximativement et l'endroit dans l'année où on
l'inséra fut générateur d'exactitude ou d'inexactitude calendaire. Diverses
possibilités furent testées avant que l'on arrive à la meilleure.
b) Ce type d'intercalation générant un "cycle triennal" ne
fut pas la seule utilisée : qu'on pense au calendrier romain de la Royauté
ou de la République, par exemple, avec son système nundinal, au
calendrier grec avec l'Olympiade double de 99 mois ou avec la Grande
Année, entre autres; ou encore, bien entendu, au calendrier celtique qui
nous est proposé par la plaque de Coligny...

C'est que l'on peut ajouter aux exigences minimales qui viennent d'être
données pour la définition du système en double comptage toute une série
d'autre critères, tout aussi conventionnels mais exigeants...

c) Ainsi, si l'on veut prévoir les éclipses, il faut définir un


Premier Jour qui sera aussi initiale de la révolution draconitique et le caler
de telle manière qu'on pourra toujours s'y référer, en liaison avec l'initiale
retenue des révolutions synodiques lunaire et solaire... A ce Premier Jour,
il se sera produit une éclipse qui le sacralisera d'autant...

Le Premier Jour, théoriquement conventionnel, devient ainsi l'initiale


d'une chronologie dont la détermination fort complexe peut appartenir en
commun à plusieurs civilisations et on s'y référera pour recaler des
systèmes calendaires de double comptage différents.

Il me semble que c'est encore dans l'observation astronomique qu'on peut


retrouver ce Premier Jour complexe dont tous les Européens suivent la
trace dans leurs calendriers.

J'ajouterais encore que même le Pape Grégoire, quand il s'autorise au


XVe siècle la néces.saire Réforme du calendrier, si controversée pourtant,
n'a peut-être pas perdu cette réalité de vue :
61

. Conventionnellement, en effet, solstices et équinoxes sont,


depuis fort longtemps, sur des dates bloquées aux 25, malgré l'évolution
que leur fait subir la précession des équinoxes.
. Le calage du calendrier retenu par les astronomes autour du Pape
fait en sorte que les dates astronomiques réelles des solstices et équinoxes
de la réforme seront effectivement aux 25 dans le nouveau calendner...
. De sorte qu'on réconciliait ainsi la tradition du mythe, la religion
et la réalité astronomique en un calendrier rénové. Et on était tranquille
pour un millénaire environ avant que le décalage entre convention
traditionnelle et réalité ne soit trop flagrant: nos solstices et équinoxes de la
fin de ce second millénaire sont simplement à trois ou quatre jours des
dates théoriques religieuses bloquées...

Une hypothèse pour l'initiale calendaire


possible :
Quand on observe le ciel, on constate que l'ensemble de la voûte étoilée
tourne lentement au fil des saisons.

On peut même dire que cette voûte est géographiquement composée de


trois parties,
. deux "hémisphères", si l'on peut dire; ils sont d'égale importance
et complémentaires du point de vue de leur visibilité; quand l'un est plus
grand, l'autre est plus petit d'autant...
. Entre les deux "coule" une traînée laiteuse mystérieuse que seuls
les mythes de l'Antiquité ont cherché à expliquer ; on ne trouve pas chez
les astronomes ou chez les philosophes anciens de tentative d'explication
scientifique à la Voie Lactée.

Mais le mythe est très discret à son sujet ; je ne prendrai d'exemple que
chez les Grecs, mais les explications qui sont données ailleurs sont
sensiblement de même nature... Un Géant, -et c'est évidemment Héraklès-
tout bébé, a été abandonné par sa mère parce qu'il est un enfant adultérin
du Roi des Dieux et que l'épouse de celui-ci est d'une jalousie qui
passerait pour maladive si elle n'était pas totalement justifiée. Pour que
son destin s'accomplisse, il faut qu'il soit, de fait, reconnu par l'Epouse
du Roi des Dieux et c'est par une ruse que ce résultat est atteint ; la
Déesse-Reine le prend dans ses bras et lui donne à têter ; mais l'enfant est
d'une force peu commune et, dans son ardeur, il mord tellement fort la
poitrine de sa mère adoptive que celle-ci a un mouvement de recul qui
arrache le mamelon de la bouche du bébé. Une giclée de lait se répand à
travers l'azur et, depuis lors, y est restée sous l'apparence de cette Voie
Lactée.

Une autre source indique qu'il s'agit d'un fleuve mystérieux et primordial,
dangereux comme tous les Fleuves des origines et dont la fonction est de
séparer deux continents célestes, ceux qui viennent d'être nommés
précédemment. On notera avec intérêt que cette source se retrouve dans
62

une population actuellement marocaine et convertie à l'Islam. Puisqu'il


s'agit d'une frontière, on ne peut sans danger la franchir...

C'est dans cette géographie mythique que s'effectuent les observations


journalières des prêtres chargés du calendrier...

Ajoutons encore qu'une autre partie du Mythe grec m'intéresse: le bébé


Héraklès dort dans son berceau ; sa Mère adoptive divine qui le hait, lui
envoie un grand Serpent-dragon pour le tuer ; et c'est l'enfant qui le
tuera...

Le franchissement de la Voie Lactée...


Sur des millénaires d'observations, on ne put pas ne pas se rendre
compte, même s'il était alors impossible d'en définir les causes, que les
points d'équinoxes se déplaçaient dans les visées des observatoires; la
précession des équinoxes ne peut pas ne pas se voir quand on vise les
levers/couchers des astres en un même lieu... Ayant constaté ce
déplacement, les prêtres ont pu voir, à une haute période, pratiquement
proto-historique (ce qui ne manque pas d'être troublant) que les deux
points des levers/couchers des équinoxes solaires se trouvèrent sur une
rive de la Voie Lactée. Pendant un temps, les mêmes levers/couchers se
produisirent dans la Voie Lactée où l'astre risquait d'être englouti. Puis il
sortit victorieux de l'épreuve, apparaissant alors sur l'autre rive.

Si l'on se réfère à notre datation grégorienne, on peut retrouver


grossièrement la date où se produisit un tel phénomène. On sait que la
précession des équinoxes fait rétrograder les quantièmes d'un jour tous les
71,66 ans ou de 50" d'arc tous les ans.

Puisque l'équinoxe de printemps actuel est au 21 mars grégorien, c'est


environ l'an 1600 qu'il était au 25 mars, situation dont a certainement le
Pape Grégoire...

Quand on prend une carte du ciel et qu'on place l'équinoxe de printemps à


la sortie de la Voie Lactée on s'aperçoit de ce qui suit :

a ) , le soleil quitte la constellation des Gémeaux pour


franchir le fleuve ;

b). l'équinoxe de printemps s'installe, sur l'autre rive,


dans la première étoile du Baudrier d'Orion, (ce personnage étant un des
géants de l'antiquité)

tandis que l'équinoxe d'automne vient, lui, dans une étoile de la Queue du
Serpent que tient Ophiucus, un géant de la mythologie grecque.
63

Or, dans le ciel, Ophiucus est situé à toute proximité de la constellation


d'Hercule, visible quand Orion est absent et, par conséquent,
complémentaire de ce dernier...

c). En dates grégoriennes toujours, le phénomène a dû se


produire
. autour du 15 juin pour le lever de l'équinoxe de
printemps ;
. autour du 18 décembre pour celui de l'équinoxe
d'automne...

L'équinoxe de printemps é^ant, de nos jours, au 21 mars, une série


d'opérations simples peut nous indiquer qu'entre 1990 et l'événement il
s'est écoulé environ 6290 ans ; ce fut donc vers - 4300 que se produisit ce
franchissement important pour le Mythe...

Or, nous sommes actuellement dans l'Ere astronomique des Poissons qui
a débuté en l'An 1 ; une Ere zodiacale dure 2144 ans environ... Le
franchissement de la Voie Lactée par le soleil levant des équinoxes a pu se
produire au début de l'Ere astronomique du Taureau, à la fin de notre
Préhistoire, dans l'Age du Bronze, et à l'époque de l'épopée chaldéenne
de Gilgamesh à peu près... On voit ainsi que ce franchissement pourrait
encore être une clé d'explicitation de l'épopée en question avec l'apparition
du second Géant, frère et complément de Gilgamesh...

Les deux types d'année...


On sait que le monde méditerranéen connut deux sortes d'année :
. l'année de printemps, dans laquelle nous sommes
toujours ;
. l'année d'automne qui lui fut antérieure.

Il y eut donc un moment oii, par une Réforme de calendrier, on passa de


l'une à l'autre... Insistons sur le terme de Réforme : passer d'une forme
d'année à l'autre est difficile, car il faut respecter la chronologie et le
changement doit se faire dans la continuité du Temps... Les mythes
méditerranéens nous parlent de cette mutation: souvenez-vous de l'épisode
biblique de la Sortie d'Egypte avec Moïse et Aaron, à la fin des Dix Plaies
(qui sont Douze, autant qu'il y a de mois dans une année lunaire...).

Le texte biblique insiste alors sur le rôle de Yahwé dans le processus de


libération des Hébreux: c'est bien le Dieu qui organise tout et qui demande
ensuite que le peuple libéré en garde le souvenir éternel dans sa vie et ses
rituels. Et que fait-il ? Il instaure la fête de la Pâque ("du Passage"),
changeant de six mois le cours de l'ancienne année pour en mettre le début
à l'équinoxe de printemps et à la PL (c'est là la définition de la fête et
nous sommes bien dans le Double Comptage) ; puisque le nouveau
64

calendrier déplace son initiale de six mois, cela signifie donc


qu'auparavant, l'initiale était à l'équinoxe d'automne: même le nom des
mois est alors changé pour qu'il n'y ait plus moyen de retourner à l'ancien
système... Il serait sans aucun doute nécessaire d'aller au bout de
l'explication d'un tel texte, mais ce n'est pas le lieu ici...

On notera pourtant que tous les éléments exposés plus haut pour définir le
double comptage s'y retrouvent, même l'aspect de conte populaire que j'ai
indiqué.

C'est à partir d'une telle analyse qu'on peut chercher des comparaisons
dans le reste du Bassin méditerranéen ; elles s'y rencontrent aisément:
Moïse, sur l'ordre de Yahwé et avec sa puissance, libère le peuple par les
Dix-Douze Plaies d'Egypte qui sont autant de pratiques magiques; et que
fait d'autre Héraklès avec ses Douze Travaux ? On pourrait aussi voir,
dans le déroulement même de ceux-ci, qu'on arrive de fait à une nouvelle
organisation du temps annuel par l'intervention du Géant.

Dans le récit des Douze Travaux, Héraklès n'est pas toujours l'acteur
principal, bien qu'il en soit toujours le héros. C'est que, si l'on rapporte
ces textes à l'observation du ciel, on sait bien que dans le décours d'une
année de douze mois/douze travaux la constellation ne sera pas toujours
présente dans le ciel nocturne... Aussi le mythe a-t-il certains subterfuges
qui lui permettent d'exposer une telle réalité qu'il doit suivre à la lettre
puisqu'elle est observée... Notamment dans les derniers Travaux, le héros
divin est surtout dans l'Au-delà du monde.

La révolution draconitique serait-elle liée à un


équinoxe d'automne ?

Héraklès est le Gémeau céleste représentant l'équinoxe d'automne; le


soleil, à son lever triomphant quand il eut franchi la Voie Lactée, se trouva
dans la constellation d'Ophiucus et c'est peut-être à cette période qu'on
cala aussi, pour le calendrier, la révolution draconitique (celle du Serpent
maîtrisé) sur les révolutions synodiques du soleil et, surtout, de la
lune...Il aurait suffit qu'alors, à ce lever triomphant de l'équinoxe, il y eût
une éclipse:
. s'il s'agissait d'une éclipse de soleil, le mois synodique
commençait avec une néoménie ;
. s'il s'agissait d'une éclipse de lune, le mois synodique
débutait avec une PL ;
mais dans les deux cas, l'équinoxe solaire était en conjonction de double
comptage avec un noeud ou un ventre de la révolution draconitique : tout
ceci se produisait à une cenaine date, à un certain quantième, dont il fallut
garder la mémoire dans les siècles des siècles ; et ce pourrait être la raison
du blocage des dates calendaires capitales à certaines valeurs...
65

Retoucher par la suite un tel système quand il se décale permet l'exactitude


de la prédiction des éclipses et j'utilise, en ce moment, de cette manière la
plaque de Coligny pour la mesure de notre temps ; un tel calendrier est,
par essence même, perpétuel (puisqu'il est religieux) et qu'il est fait pour
mesurer l'éternel retour des Dieux dans notre chronologie humaine. J'ai la
preuve ainsi que le calendrier de Coligny est redoutablement exact, même
sur des millénaires, puisqu'on le réajustait régulièrement à partir
d'observations astronomiques réelles et nombreuses qu'il faut toujours
faire aujourd'hui.

De sorte que, si mon hypothèse vaut, on aurait dans le ciel nocturne de


l'équinoxe, les références nécessaires à un recalage exact qui tient compte
nécessairement de la précession des équinoxes et de la modification du
zodiaque depuis cette période reculée...

La précession fut théorisée seulement au Ile siècle avant notre Ere par le
Grec Hipparque, cela est connu; mais il semble que son observation était
accomplie depuis bien longtemps.

Viser des levers d'astres dans un paysage à l'aide de matériel


d'observation dans des stations qu'il faut bien appeler observatoires et qui
furent utilisées sur des millénaires impose, en effet, qu'on voie les effets
de la précession. Or, de tels observatoires existent: les archéologues les
ont mêmes fréquemment rencontrés, soit chez les Chaldéens, soit chez les
Egyptiens, soit même dans notre pays ou en Europe occidentale, chez les
Celtes...

* *

Il me semble qu'une des grandes conquêtes intellectuelles de l'Antiquité


fut bien cette mise au point du système de double comptage du temps ;
partant de la prise en compte d'une exigence toujours plus grande
d'exactitude dans les mesures et dans les observations, elle a contraint
l'homme à une précision de pensée qu'il n'avait sans doute pas, qui s'est
traduite par la mise au point de nouveaux moyens d'évalutation d'une
réalité peu saisissable et elle a permis d'affiner, en fin de compte, la
nécessité de rigueur de l'esprit scientifique chez les peuples du Bassin
méditerranéen.
66

BIOGRRPHIE

Paul, Emile, André VERDIER, né le le 23 juillet 1936 à Poitiers ; Licence


d'Allemand et de Lettres ; CAPES de Lettres et Université de Berlin et
Gôttingen ; Doctorat d'Etat, 1971, Grenoble "Structure et Imaginaire dans
le conte togolais" ; Directeur de l'Ecole des Lettres de Lomé (Togo) ;
Maître assistant à Madagascar puis à Paris XIII ; Conseiller culturel ;
Inspecteur d'Académie ; Recteur de l'Académie de Nice ; actuellement
Directeur de Recherches associé au CNRS.

* * *
67
68
69
71

Publ. Obs. Asiron. Strasbourg


Scr."Aslron. & Se. Humaines" N° 8

Obseruations sur l'iconographie des

icudurrus c a s s i t e s en M é s o p o t a m i e

IWANISZEWSKI S.
State Archaeological Muséum
Warszawa (Pologne)
73

OBSERURTIONS SUR
L ' I C O N O G R R P H I E DES KUDURRUS
CRSSITES EN M E S O P O T A M I E

Introduction
L'étude des kudurrus, c'est-à-dire des pierres de bornage, repose sur une longue
tradition et reflète différentes tendances en assyriologie. Des analyses philologiques
furent entreprises au début du siècle par Scheil (1900-1908) et King (1912). Ces
études philologiques furent suivies par les études des représentations symboliques
placées sur les kudurrus (Frank 1906, Zimmern 1906). Puis on vit bientôt apparaître
plusieurs tentatives de décryptage de leurs significations astronomiques ou
zodiacales (Hinke 1907 et Hommel cité par Seid11989,17), études caractéristiques
des tendances de l'époque. Tout ceci fut suivi par Steinmetzer (1922) qui se
concentra sur la signification légale et administrative des kudurrus. Après cela on a
vu tomber le nombre d'études sur les kudurrus. A part la tentative isolée de Watelin
(1953) pour expliquer le sens ésotérique des symboles divins, les années suivantes
n'apportèrent qu'une étude innovatrice et monumentale, celle de SeidI (1968,1989)
qui se concentra sur le développement d'une forme idéale standardisée des pierres
de bornage. En 1978 à partir des stèles publiées par Seidl (1968) et en leur
appliquant un traitement systématique, j'ai mis au point un modèle de description du
ou des processus qui ont contribué à la formation de ces monuments tels que nous
les connaissons (Iwaniszewski 1978). Avec le développement de
l'archéoastronomie, les interprétations astronomiques sont réapparues (Cullens et
Tuman, 1986).

P r é s e n t a t i o n du p r o b l è m e
Le problème principal de l'aspect astronomique des kudurrus est celui de
l'éventuelle signification astronomique des symboles divins. Alors que certains
symboles représentent assurément des étoiles ou des planètes, d'autres peuvent
figurer des constellations ou des groupes d'étoiles. De plus, beaucoup de symboles
de dieux, (par exemple le scorpion, le poisson-chèvre, le pêcheur) présentent une
74

ressemblance avec les représentations zodiacales plus récentes, mais leur


identification astronomique à de l'époque cassite reste incertaine.

Au début du 20ème siècle, Hommel (1900 and 1920, cité par SeidI 1989, 17)
discute l'hypothèse selon laquelle, à part les représentations planétaires et peut-être
celles de la Voie Lactée, toutes les autres figureraient les signes du zodiaque. Pour
sa part, Hinke (1907, 98-101) était bien d'accord que quelques signes du zodiaque
pouvaient se trouver sur les monuments mais qu'en fin de compte, seuls quelques
signes et non le zodiaque entier y seraient représentés. Il soutenait également
(1907, 115) qu'il s'y trouvait des représentations du dodekaoros plutôt que du
zodiaque.

En 1986 Cullens et Tuman développèrent une nouvelle hypothèse à propos des


représentations astronomiques de ces monuments. Ils avancèrent que les Cassites
avaient marqué ainsi les positions des planètes dans les constellations situées sur
le plan de l'écliptique. En calculant leur position ils obtinrent approximativement les
dates correspondantes. Malheureusement les dates obtenues par les calculs
astronomiques ne coïncidaient pas avec les dates inscrites sur les pierres.

SeidI (1968, 1989) démontre que le processus de standardisation des kudurrus


entre le 14 et le siècle avant J.C. aboutit à l'établissement d'une forme
normalisée. Mais elle n'essaya pas de définir les règles d'arrangement des noms et
symboles divins. Pourtant, l'idée même d'établir une forme standardisée des
kudurrus implique quelque sorte de grille de références, il est donc légitime de
rechercher les principes qui auraient pu guider les sculpteurs cassites dans leur
choix de disposition des symboles sur les monuments.

Puisque les bornes turent installées à différentes périodes chronologiques


(dynasties Cassites, Isin II, trois dynasties courtes et les dynasties incertaines,
etc..., voir Brinkman 1968) elles devraient être analysées séparément. Dans cet
article, je ne discuterai que des kudurrus de la période Cassite.

Caractéristiques de base des icudurrus


cassites
Sur les 110 pièces étudiées par SeidI (1968) soixante six, ou 60 % auraient été
gravées durant les règnes cassites entre le milieu du 14®'^® siècle et le milieu du
12ème (environ 1150). C'est donc le plus important groupe de monuments se
rattachant à une même période culturelle. Ici, j'ai analysé 74 kudurrus entièrement
ou partiellement préservés. En plus des 66 stèles mentionnées et huit fragments
sans inscriptions conservées qui auraient déjà été étudiés par SeidI (1968) trois
autres proviennent de la publication de Margueron et Arnaud (Margueron 1972,
Arnaud 1972). Au moment de la rédaction, je n'avais à ma disposition qu'un seul du
75

kudurru analysé par Borger (1970), celui publié aussi par SeidI (1989, 222, table
33). Les autres kudurrus mentionnés par Brinkman (1976) et SeidI (1989)
n'apparaissent pas dans cette étude.

Un kudurru ou pierre de bornage peut être défini comme une stèle de pierre portant
une inscription gravée, traitant d'habitude d'une transaction légale, de dons ou
privilèges royaux (propriété terrienne, exemptions d'impôts) et se terminant par des
menaces détaillées. Les représentations des symboles divins sont d'habitude
placées sur l'autre face de la stèle.

On connaît deux formes différentes de kudurru (Hinke 1907, Steinmetzer 1922,


Seid11968,1989) que j'appelle ici les pierres cubiques et les pierres coniques. Il y a
une relation étroite entre la forme et la disposition des symboles divins. Sur les
pierres cubiques les symboles divins sont arrangés sur des registres étages alors
que sur les coniques sont distribués autour du sommet de la stèle. Les kudurrus
cubiques sont généralement plus grands et plus larges que les coniques.

L'usage du terme "kudurru" médio-babylonien fut conservé dans les dialectes plus
tardifs. Dans le dialecte médio-babylonien il portait les sens suivants (selon CAD et
AHW) :

a) pierre de bornage, traceur de limite,


b) frontière, limite de territoire,
c) territoire

L'étude présente ne tiendra pas compte d'autres sens de ce terme.

Le document inscrit sur la stèle est un texte légal qui se termine par des
malédictions qui en appellent aux dieux contre les individus qui menaceraient de
changer ou mutiler l'inscription ou la pierre de borne elle-même. Le nombre des
divinités invoquées se situe en général entre dix et vingt (le kudurru SB 26 constitue
la seule exception). Parmi les divinités les plus fréquemment invoquées on trouve :
Adad, Anu, Sin, Ea, Enlil, Samas, Marduk, "tous les dieux qui sont marqués sur la
pierre", viennent ensuite Gula, Sumalia et Suqamuna (voir table 1 )

Un nombre équivalent de symboles divins est placé sur l'autre face de la pierre.
Parmi les signes les plus fréquents, on trouve : la tiare, le croissant, l'étoile, la lance,
le serpent, l'éclair, le lion-serpent, le disque solaire, le scorpion, la lampe, le chien et
l'oiseau perché sur un béton (voir table 2). Ils représentent respectivement : Anu et
Enlil, Sin, Istar, Marduk, Istaran, Adad, Marduk et Nabu, Samas, Nusku, Gula,
Sumalia et Suqamuna.

Le rapport entre les arrangements des deux séries constitue le sujet de la présente
analyse.
76

Noms diuins et s y m b o l e s
La première impression est que les deux listes correspondent approximativement,
mais un examen plus détaillé montre que cela est loin de refléter la vérité. Déjà
Hinke (1907,92-93,115) et Thureau-Dangin (1919,135) avaient noté le manque de
corrélation étroite entre les noms des dieux et leur symbole. Pour tenter de répondre
à cette question, j'ai mis ici en oeuvre un test simple de corrélation selon la formule
de Kolchin etSher(1970,14) et Kamienietskii et al (1975,50-51) :

s2
kx

où k marque le nombre d'attributs de Ak objets


I marque le nombre d'attributs de A| objets
s marque le nombre d'attributs communes à Ak et A|.

Ce coefficient est adapté aux statistiques non paramétriques où il est caractérisé


par les propriétés suivantes :

a) les objets peuvent être décrits par différents attributs,


b) le coefficient est déterminé par le nombre d'attributs communs,
c) est facile à calculer
d) s = 0 f = 1
e) s = k = I^ f = 1
f) 0 ^ f ^ I

Dans le groupe de 69 kudurrus, il n'y avait que 7 stèles (environ 10 %) qui


contenaient une liste des noms et des symboles divins. Les correspondances entre
les noms et les symboles apparaît comme suit :

BM 90 829 f= 0.251
BM 90 827 f= 0.200
SB 22 f= 0.266
SB 21 f= 0.347
SB 26 f= 0.247
BM 90 850 f= 0.134
L7076 f= 0.400

Ces résultats confirment l'impression d'une faible association entre les noms des
dieux et les signes placés sur les mêmes kudurrus. Il semble que nous ayons, là à
faire avec deux groupes de divinités similaires mais arrangées différemment.
77

Mais ont-elles été placées dans un ordre intentionnel ? Je suppose que l'ordre
d'apparition des éléments de chaque catégorie n'est pas le fruit du hasard ; pour
chaque élément, on devait avoir tenu compte du contexte des éléments voisins.
Dans les données écrites, l'ordre linéaire des noms est facile à établir mais l'analyse
des symboles divins est beaucoup plus complexe. Dans le cas des kudurrus
cubiques où les symboles divins sont placés sur des registres horizontaux, chacun
de ces registres a été analysé séparément sans tentative de les lier aux précédents
ou aux suivants. Dans le cas de kudurrus coniques, où les symbols divins sont
arrangés autour du sommet de la pierre, les signes voisins, supérieurs et inférieurs,
précédents et suivants ont été pris en compte. La table des contigences a été
composée et un test de corrélation appliqué selon la même formule.

Cette procédure a révélé deux groupes différents (voirTables 3 et 4) et l'on peut


donc en déduire que les noms divins de même que les symboles ont été arrangés
selon des paradigmes différents.

L i s t e de d i e u » e t de n o m s d i u i n s
Quelles étaient donc ces règles d'ordonnancement des noms divins et des
symboles ? Au second millénaire avant J.C. commença un processus de
classification de différentes sortes d'informations. Cette tendance peut-être suivie
jusqu'à la période paléo-babylonienne lorsque le calendrier fut unifié. Les noms
babyloniens qui désignaient les mois furent adoptés dans le Sud de la
Mésopotamie.

Après l'invasion hittite de Babylone vers 1595 avant J.C. ce processus fut
suspendu. Babylone fut occupé par les Cassites, un peuple venu des montagnes de
l'Est. Mais la culture originale des Cassites fut lentement babylonisée. Lorsque la
période d'acculturation fut terminée la tendance à la standarisation reprit. Quelque
part entre les I 4 è m e et I 2 è m e siècles, des traditions plus anciennes furent
rassemblées et ordonnées systématiquement (Pallis : 1956, 726-727 ; Soden :
1960, 9 ; Qppenheim : 1964, 18). Des mythes, des croyances religieuses, des
prières, des listes de phénomènes naturels furent collectées, restructurées et de
nouvelles normes furent établies. SeidI (1968, 73-93 ; 1989, 73- 93) a démontré
qu'un mouvement de standarisation avait pris place dans l'évolution stylistique des
bornes. Une forme canon standard apparaît à la fin de l'époque cassite.

J'ai ici comparé les listes des noms divins et des symboles avec les listes standard
des dieux de la même époque. Ces listes de dieux sont de simples suites de noms
dans une sorte d'ordre qui peut relever de règles léxicales ou théologiques (Lambert
: 1969, 473). L'une de ces listes, connue sous le nom de "Weidner //sf"fut compilée
dans les périodes Ur II et Isin Larsa et son usage se maintenant jusqu'à l'époque
néobabylonienne (Weidner : 1924, 5). L'autre est une liste paléobabylonienne bien
78

connue AN = (ilu) Anum, publiée par Zimmern (1911). Les résultats de la


comparaison apparaissent dans la Table 5.

Le coefficient de corrélation est environ deux fois plus élevé pour les noms divins
que pour les symboles divins. Ce résultat montre que l'ordre des noms divins sur les
kudurrus pourrait dépendre de celui de la composition des noms divins sur les listes
standards. Un examen plus attentif de l'arrangement des noms de dieux (Table 3)
montre que pour leur établissement on se référait aux mêmes règles (théologiques)
que les compilations des listes de Weidner et AN = 'I Anum. La suite de noms des
kudurrus définit clairement les groupes de Nergal et Sin. La section d'Ea semble elle
aussi marquée de manière prononcée. Moins important semble l'entourage de
Ninurta qui est séparé et se compose de deux groupes. Par contre, les dieux des
sections d'Enlil et Istar sont dispersés et ceux qui appartiennent aux sections d'Anu
et Belet ili sont très rares.

Les noms des dieux sont indubitablement arrangés selon l'ordre des listes de dieux,
toutefois ce n'est pas exactement l'ordre de la liste An = ''Anum. Elle ressemble
plutôt aux suites de la liste de Weidner en cela que les groupes de dieux d'un même
entourage sont séparés par des suites de dieux appartenant à d'autres sections.
Une tendance générale s'observe ici : après les trois dieux Anu, Enlil, Ea suivent les
groupes de Sin, Ea, Ninurta et Nergal. Les dieux qui appartiennent à la section
d'Istar ne semblent pas occuper une place constante, ils apparaissent souvent
insérés dans le groupe de Sin. Afin de montrer plus clairement cet arrangement, j'ai
présenté les plus longues suites de noms de dieux placés sur des kudurrus (SB 26,
SB 21 et BM 90 827) avec leurs affiliations respectives selon AN = "Anum (Table 6).

Je dois mentionner ici une approche assez similaire de l'étude des arrangements
des noms divins et des symboles par Steinmetzer (1922, 192-198). Selon son
étude, 10 groupes de dieux furent établis (ceux de grands dieux, Sin, Sama§,
Marduk, Nabu, Ninurta, Istar, Adad, Nergal and Istaran) et au moins un représentant
de chaque groupe devrait être placé sur chaque pierre. Mais, on doit remarquer que
les groupes mentionnés ci-dessus ne semblent pas tant avoir été voulus
délibérément par les savants - théologiens de l'époque qu'issus des prémisses de
l'auteur.

Si à partir des mêmes kudurrus, on compare les symboles des dieux et la liste AN =
''Anum on montre (voir Table 6) que les symboles n'ont pas été ordonnés d'après
les listes canoniques de dieux. Ainsi, se trouve confirmé la conclusion précédente
qu'aucun lieu n'existe entre l'ordre de répartition des groupes de symboles de dieux
et ceux de leurs noms. Mais puisque les listes des noms de dieux étaient arrangées
selon une forme standard, il est raisonnable de suggérer que les symboles étaient
aussi placés d'une manière systématique. C'est ici que l'on doit tester l'hypothèse
de la possible origine astronomico- astrologique des motifs d'arrangement.
79

L ' a s t r o n o m i e et les s y m b o l e s diuins


L'ordre général des symboles de dieux tels qu'on les voit apparaître dans la Table 4
manque de clarté. Il est possible que les deux formes de kudurrus mentionnées
aient influencé l'arrangement des symboles selon différents paradigmes. Aussi ai-je
mené une recherche séparée des symboles selon qu'ils proviennent de stèles
cubiques ou coniques. C'est seulement alors que leurs dispositions furent
comparées aux listes d'étoiles et aux diagrammes.

La détermination de la règle qui aurait pu influencer la sélection et l'ordre des


symboles divins est une tâche plus difficile. Tout d'abord, on doit identifier les dieux
qu'ils représentent. On trouve quelques kudurrus où les noms des dieux sont
inscrits sur les symboles. Et plusieurs identifications furent déjà réalisées au début
du siècle (Frank 1906, Zimmern 1906, Hinke 1907) corrigées et modifiées plus tard
(e.g. Toscanne 1917, Thureau-Dangin 1919, 1924, Scheil 1937). Une autre étape
dans l'identification des symboles divins fut marquée par l'étude monumentale de
Buren (1945). Aujourd'hui un grand nombre de symboles semblent avoir été
correctement identifiés (e.g. SeidI, 1969,1989, 223-225). Mais il est beaucoup plus
difficile d'identifier les symboles ou les dieux qu'ils représentent avec des corps
célestes. Dans de nombreux cas, on ne peut être assuré que si les symboles des
constellations utilisés plus tard, par exemple des dessins associés à leurs noms
d'étoiles de la période séleucide, purent avoir signifié des mêmes corps célestes.
Malheureusement tous les symboles ou dieux ne peuvent être associés avec des
planètes, étoiles ou constellations. Ainsi, alors que pour un grand nombre de
symboles divins, les dieux respectifs peuvent être déterminés, l'identificaction des
figures avec des constellations reste incertaine. Mon analyse reste incomplète et les
résultats devraient être considérés en termes de voies tracés plutôt qu'au titre de
conclusions finales. Dans le tableau 7 j'ai rassemblé les correspondances entre les
symboles des dieux, les noms divins et les corps célestes.

Trois groupes de documents présentent un intérêt pour l'étude de la signification


astronomique des symboles divins.

a) la série de "^uIapin (le plus vieil exemple date de 687 avant J.C.). C'est une liste
astronomique qui énumère les étoiles fixes placées dans les régions de Enlil, Anu et
Ea;

b) les séries de présages astrologiques "Enuma Anu Enlit' qui nomment aussi des
étoiles fixes ;

c) les séries de "Trois étoiles chacune" appelées astrolabes. Ce sont des


diagrammes circulaires ou rectangulaires du ciel avec les noms d'étoiles fixes (la
plus ancienne est l'astrolabe B provenant d'Assur et inscrite vers 1100 avant J.C.).
80

Tous ces documents marquent les dernières étapes avant l'introduction des signes
du zodiaque : ils décrivent des constellations situées sur la trajectorie de la lune et
des saisons astronomiques. Il faut souligner que ces listes d'étoiles fixes furent
gravées pendant la période néoassyrienne (722 - 611), c'est-à-dire, environ six
siècles après la chute de la dynastie cassite. Par contre les datations
paléographiques et astronomiques des séries "^uIapin suggèrent qu'elles auraient
pu être composées vers 1000 avant J.C. à la latitude de Ninive (Reiner 1981, 6). De
même les séries "Enuma Anu En//7" peuvent être datées plus tôt (Reiner 1981, 1
discute la possibilité que le groupe d'origine des présages et des phénomènes
astronomiques dateraient même de la période paléobabylonienne (1894-1595 avant
J.C.)).

Les données assemblées dans la Table 4 ont été comparées avec les séries
"^uiAPIN. Il est notoire que les Babyloniens divisaient tout le ciel en trois zones
nommées les voies d'Anu, Enlil et Ea. La plus septentrionale était la voie d'Enlil. A
quelques exceptions près, toutes les étoiles d'Anu sont situées dans une bande
allant de + 12.5° à - 25.8°. Puisque les étoiles les plus septentrionales de la voie
d'Ea sont situées à la déclinaison -11.3° on ne peut affirmer qu'elles représentent
trois bandes rigides parallèles à l'équateur. Une des listes standard de la série
n^uiAPIN contient une liste de 33 étoiles d'Enlil, 23 étoiles d'Anu et 15 étoiles d'Ea.
Cette liste fut comparée aux symboles divins placés sur les kudurrus. Et puisque
nous sommes en présence de deux types différents de kudurrus, les calculs ont été
effectués séparément (voir Tables 8 et 9).

Les symboles divins placés sur les formes cubiques se répartissent en cinq groupes
différents. Presque toutes les constellations identifiées se trouvent aussi dans les
séries i^uIapin pourtant les groupes ne sont pas agencés selon leurs affiliations. Si
toutefois, les positions des constellations et des étoiles sont comparées avec leurs
arrangements en astrolabes, un paradigme intéressant émerge. Dans les astrolabes
trois étoiles marquent chaque mois. Elles sont divisées en trois ensembles de
douze : les étoiles d'Ea, Anu et Enlil. Selon les listes le coucher héliaque des étoiles
se situe six mois après le lever héliaque. Inutile de dire que cette supposition n'est
pas vraie pour la majorité des étoiles. Les douze étoiles de chaque groupe forment
six paires qui marquent leur coucher et lever simultanés. On observe que les étoiles
et les constellations qui apparaissent dans les mêmes sections ont tendance à être
situées à 5-6 mois ou 1-2 mois de distance (voir Table 8b). Si on les marque sur
une carte du ciel, ces constellations et ces étoiles révèlent les mêmes tendances
(voir Table 8c).

A part la constellation d'Orion il n'y a pas de corps célestes situés entre l'ascension
droite 0 h et 6 h, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas distribués régulièrement (voir Table
8c), la plupart des constellations sont situées entre 8 h et 24 h. Les axes principaux
d'étoiles groupées par paires sont localisés dans la zone 8 h-ll h, 20 h - 23 h
(Groupe II) ;11 h - 1 5 h, 23 h-24 h (Groupe III) ; 4 h - 6 h, 15-19 : (Groupe IV) et 6
-8,16-22 (Groupe V).
81

Il est encore possible de chercher une autre sorte de paradigme qui aurait influencé
l'ordonnancement des symboles divins sur les formes cubiques. Je suggère que
dans ce cas nous avons affaire à un modèle de division verticale du monde. Il ne
semble pas accidentel que les symboles divins désignent des dieux astraux (le
croissant de lune de Sin, le disque solaire de §amas, l'étoile à huit branches d'Istar)
ou des dieux célestes de type météorologiques [la tiare d'Anu, le dieu du ciel et
d'Enlil, le dieu de l'air, le bélier-chèvre d'Ea qui sous cet aspect dénote
probablement un dieu des eaux célestes, et aussi l'objet en forme de bande de
Ninhursanga (yVelorum)] qui sont ordinairement placés dans la partie supérieure
de la stèle et les dieux associés au monde inférieur et à la mort (la tortue d'Ea, qui
désigne peut-être celle-ci comme une divinité des eaux souterraines) le serpent
d'Istaran (dieu du monde inférieur), le dragon-lion de Nergal (dieu du monde
inférieur), le chien de Gula (la déesse de la santé et de la mort) et le scorpion
d'Ishara (la déesse de justice et des oracles, Buren 1937, 39,3) se trouvent sur le
registre inférieur. Comme nous ne possédons que de très rares informations, ce
sujet demanderait à être étudié avec plus d'attention.

La disposition des étoiles et des constellations placées sur les kudurrus de forme
conique est un peu différente. Leur ascension droite varie entre 6 h et 23 h.
D'habitude on leur trouve associé les corps célestes qui sont situés dans le
voisinage ou à l'opposé du ciel (voir Table 9c). Ceci suggère que les monuments de
forme conique ne représentent pas un "modèle" de la voûte céleste ni une carte du
ciel. Les associations entre les symboles indiquent des différences par rapport aux
arrangements sur les kudurrus cubiques. Des recherches plus approfondies sont
encore nécessaires.

Conclusion

L'étude de la distribution des motifs de noms de dieux et de leurs symboles sur les
kudurrus suggère que les listes standard de noms de dieux de la même époque
d'une part et les séries d'étoiles composant ce que l'on appelle les astrolabes
d'autre part, furent parmi les facteurs qui ont guidé les sculpteurs cassites dans leur
choix et l'arrangement des pierres de borne. Puisque il est possible d'expliquer ces
dispositions par les connaissances astronomiques de l'époque cela prouve que les
symboles représentent vraiment des étoiles et des constellations.

Cela démontre aussi que l'hypothèse de la représentation des objets célestes au


lever et au coucher qui avait été proposée par Cullens et Tuman (1986) est
acceptable. Bien que le développement du paradigme général contredit leur idée de
possibilités d'une datation astronomique des kudurrus. IVIalgré que l'iconographie
corresponde en effet à des phénomènes astronomiques, elle ne représente pourtant
pas une situation particulière de l'état du ciel au moment de la sculpture de ces
monuments.
82

Il semble aussi que les étoiles et les constellations tracées sur les kudurrus ne
représentent ni les étoiles ziqpu (en culmination) ni les étoiles dans le passage de la
lune, ni les étoiles équatoriales ou zodiacales. Ceci correspond bien aux tendances
de l'époque : la nécessité de standardisation et d'unification de traditions
antérieures. Il est bien connu que ce n'est qu'après que ce processus se soit
terminé, que s'est mis en place le mouvement dynamique d'une "astronomie
scientifique" (dans le sens d'Aaboe 1974). Compte tenu de cela les pierres de
bornes cassites témoignent d'une étape importante dans le développement de
l'astronomie mésopotamienne.

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86

TABLE 1. Nombre des divinité invoqués.

dieux nombre de fois dieux nombre de fois


qu'ils qu'ils
apparurent apparurent
dans les dans les
inscriptions inscriptions
Adad 13 S amas 11
Anu 12 Marduk 11
Sin 12 Sumalia 10
Ea 11 Gula 10
Enlil 11 Suqamuna 8
ilani 11

TABLE 2. Nombre des symboles divins placés sur les kudurrus.

symboles nombre de fois symboles nombre de fois


divins qu'ils divins qu'ils
apparurent sur apparurent sur
les monuments les monuments
tiare 35 lion-serpent 30
étoile 34 disque solaire 29
croissant 34 scorpion 26
épieu 33 lampe 25
serpent 32 chien 25
éclair 31 oiseau perché 22
sur un bâton
TABLE 3. Analyse s t a t i s t i ç n i e de l ' a r r a n g e m e n t des noms d i v i n s i n s c r i t é s s u r l e s kudurrus c a s s i t e s .

00
TABLE 3. COnt

00
00
TABLE 4. Analyse statistique de l'arrangement des symboles divins disposés sur les kudurrus
cassites.

00
90

TABLE 5. Des noms et symbols divins des kudurrus comparées avec


des listes standard babylonniens.

kudurru valeurs du coefficient de corrélation f=


list de Wiedner AN=ilAnum
noms divins 0.68 0.56
symboles divins 0.31 0.28
1
91

TABLE 6. Un choix des plus longues suites de noms de dieux placés sur des
kudurrus cassites avec leur affiliations selon AN=iIAnum.

kudurru SB 26

noms affiliations noms affiliations

Anu Anu Nana Istar

Enlil Enlil Adad Sin

Ea Ea Sala Sin

Ninhursanga Belet ili Mesarru Sin

Sin Sin Nergal Nergal

S amas Sin Las Nergal

Aia Sin Isum Nergal

Bunene Sin Subula Nergal

Adgimah Sin Lugalgirra Nergal

Inses Sin Lugalasal Nergal

Kettu Sin Mamitu Nergal

Mesarru Sin Mesarru Sin

Marduk Ea Ninbad

Sarpanitu Ea Tispak

Nabu Ea Istaran Nergal


Tasmetu Ea Papnigingarra Ninurta

Ninurta Ninurta Nusku Enlil

Ninkarrak Sadarnuna Enlil

Zababa Ninurta Uras Ninurta


Bau Ninurta Ninegal (Ninurta)

Damu Ninurta Suqamuna Nergal

Gestinnanna Sin Sumalia Nergal


Istar Istar

Kudurru BM 90827

noms affiliations noms affiliations

Anu Anu S amas Sin


Enlil Enlil Adad Sin
Ea Ea Papnigingarra Ninurta
Sin Sin Uras Ninurta
S amas Sin Ninegal Ninurta
Adad Sin Suqamuna Nergal
Marduk Ea Sumalia Nergal
Ningirsu Ninurta Istar Istar

Bau Ninurta
92

K u d u r r u SB 21

noms affiliations noms affiliations

Marduk Ea Adad Sin


Anu Anu Gibil Ea
Enlil Enlil Nusku Enlil
Ea Ea Suqamuna Nergal
Sulpae Enlil Sumalia Nergal
Ishara Enlil Istaran Nergal
Arurru Kettu Sin
Sin Sin Lugalur Nergal
S amas Sin Lugalgaz Nergal
Istar Istar Meslamtaéa Nergal
93

TABLE 7. Les correspondances entre les symboles des dieux, les


noms divins et les corps celestes.
symbols dieux corps célestes
croissant Sin Lune
disque solaire S amas Soleil
étoile IStar Vénus
éclair Adad Corvus^
le mur de défense
la tour degrée
la barque divin
tiare Anu, Enlil Ophiuchus^
épieu Marduk Jupiter
a Leo^
instrument pour Nabu a Sco
écrire
charrue Ningirsu Centaurus^
lampe Nusku BAR^
jarre Ea
masse
Baba®
épi Sala a + Virginis
chat
chien Gula Hercules
Lyra'
chacal, renard Ira 80-86 UMa
cheval Samas® une partie de
Pégase?'
taureau Adad
mouton Sala
oiseau avec sa tête Harba
retourné
oiseau allant Papsukkal Orion
oiseau perché sue Suqamuna et Sumalia
le bâton
tortue Ea
serpent Istaran Hydra
scorpion IShara Scorpio
94

sceptre avec les MGslamtaéa^° Gemini


têtes doublés des
lions
sceptre avec la Nergal Cygnus + une partie
tête de lion^^ de Cepheus
sceptre avec la Zababa Ophiuchus^^
tête d'aigle
sceptre avec la Ea Piscic Austrinus^^
tête de bélier
femma avec les piés
crossant
homme-scorpion Ninlil Ursa Maior
homme-lion ugallu^"
animal-homme
portant
céntaure Pabilsag Saggitarius + 0
Ophiuchi
bélier-chèvre Ea Capricornus
lion-dragon Adad
serpent-dragon Marduk, Nabu
taureau avec plumes

dieux à l'éclair Adad


dieux à le vase Ea
déesse couchée Gula voir chien
déesse à l'épi Sala
bande Ninhursanga Y + Velorum
croix

^ l'identification reste on des séries ""^APIN.


^ Il y a plus d'étoiles et des planètes associées avec Anu et
Enlil. Ophiuchus est le seul nom qui se référé aux deux dieux
(voir V R 4616, Weidner 1915:51).
^ Jupiter est le premier des corps célestes que représente
Marduk. Toutfois, dans mon analyse j'ai choisila duexième
possibilité parce qu'elle désigne une étoile fixe.
^ La charrue est un symbol bien établi de Ningirsu (Scheil 1937).
La constellation associée à Ningirsu est le Centaure (BM 86378
11,22, Weidner 1915:36), bien qu'il y ait une constellation bien
connue de la charrue.
^ Cette association est notée dans V R 46:14 (Weidner 1915:51)
mais aucune constellation moderne n'a pu lui être associée.
® Gadd 1948.
Le deux symboles de Gula (un chien et une déesse assise)
95

représentent les deux constellations (BM 86378 1,24-25, Weidner


1915:35, voir aussi Kugler 1913:58).
® Bien que Seidl (1989:145) identifie ce symbole avec Anu et/ou
Ea, le cheval devrait plutôt être associé avec une divinité
solaire (p.e. Buren 1945:39). Dans les mythologies indo-
europeénnes (l'origine des Cassites n'est pas connue, ils étaient
au moins en contact avec les Indo-européennes) les chevaux sont
des symboles solaires par excellence.
' la position exacte de cette constellation n'est pas connue
(Kugler 1913:11) .
Selon Green (1988) Meslamataéa est décrit comme "un dieu qui
porte une hache double et une masse" (emphase de l'auteur).
^^ Mais Seidl (1989:157-1639) identifie Ninurta et Nergal à la
fois une sceptre à tête de lion et un sceptre à double tête de
lion.
^^ Cette associationavait été proposé par Kugler (1913:42). Anu
et Enlil sont aussi associées à cette partie du ciel. E$st-ce
possible?
" Il y a deux constellations d'Ea: Piscis Austrinus et ^ +
Puppis. Mais laquelle était représentée par une totue, un sceptre
à tête de bélier et un homme avec un vase versant de l'eau?
C'est une figure humaine avec une tête léonide, qui porte une
dague dans la main droite et une masse dans la gauche (Reed
1983).
TABLE 8a. Analyse statistique de l'arrangement des symboles divins disposf^s sur les kudurrus de forme cubique.

<e
05
TABLE 8b. Analyse statistique de l'arrangement des symboles divins disposés sur les kudurrus de forme conique. Les
symboles sont associés avec les corps célestes et comparés avec leur arrangements en l'astrolabe B. Les nombres
indiquent les positions des moins dans l'année babylonienne.

co
TABLE 8c. Analyse statistique de l'arrangement des symboles divins disposés sur les kudurrus coniques. Les symboles sont
associés avec les corps célestes. Les nombres marquent les valeurs de l'ascension droite (heure) à l'époque de référence
(l'an 1950) .

«o
00
TABLE 9a. Analyse statistique de l'arrangement des symboles divins disposés sur les kudurrus coniques.

»
TABLE 9b. Analyse statistique de l'arrangement des symboles divins disposés sur les kudurrus coniques. Les symboles sont
associés avec les corps célestes et comparés avec leur arrangements en l'astrolabe B. Les nombres indiquent les
positions des moins dans l'année babylonienne.

O
o
101

Publ. Obs. Aslron. Strasbourg


Scr."Aslron. & Se. Humaines" 8

P r o b l è m e s d ' a s t r o n o m i e de p o s i t i o n

p o u r les r e c h e r c h e s à c a r a c t è r e

historique

MORANDO B.
Bureau des Longitudes
Paris (France)
103

PROBLEMES D'ASTRONOMIE DE P O S I T I O N

POUR LES RECHERCHES H CflRRCTERE

HISTORIQUE

Demandes des historiens

Les phénomènes astronomiques ou les positions des astres à une date


donnée peuvent être prédits avec précision par les astronomes. Comparées
aux observations ces données peuvent être utilisées pour établir la position
de l'observateur à la surface de la Terre, c'est le problème de la navigation,
mais aussi pour préciser ou éclaircir bien d'autres faits : hauteurs et azimuts
du Soleil pour les architectes , levers et couchers de Soleil en un lieu donné,
etc...

A la lumière des demandes faites depuis trente ans au Bureau des longitudes
on peut établir la liste suivante, non exhaustive, des besoins des historiens
en ce domaine.

1) Datations d'événements (avènements de souverains, batailles, etc.)


quand les chroniqueurs y associent des phénomènes astronomiques
remarquables (éclipses, apparition de comète) ou plus courants (phases de
la Lune, visibilité de certaines constellations). Citons par exemple la date de
la mort de Louis le Débonnaire qui a pu être fixée à 840 après J.- C. grâce
au fait qu'un chroniqueur a signalé qu'une éclipse de Soleil eut lieu cette
année là le 5 mai, veille de l'Ascension.

2) Orientation ou signification de monuments dont on est amené à penser


que leur construction s'est appuyé sur des considérations astronomiques.
C'est le cas par exemple pour les monuments d'Abou Simbel ou la
pyramide de Chéops dont une galerie est éclairée jusqu'au fond à une
certaine heure d'un certain jour de l'année. Les monuments mégalithiques
de Stonehenge ont donné lieu à de nombreuse études de ce genre.
104

3) Etudes liées à l'établissement de calendriers, qu'il s'agisse du calendrier


égyptien pour lequel le lever héliaque de Sirius jouait un grand rôle ou du
calendrier républicain français dont le début de l'année, lié à l'équinoxe
d'automne, a donné lieu à d'intéressantes controverses.
De même sont utiles les calculs des dates des fêtes religieuses, en particulier
de la date de Pâques et des fêtes mobiles avec elle.

4) Compréhension du fonctionnement de cadrans solaires anciens ou de


monuments tels que les méridiennes (Saint Sulpice à Paris, par exemple).

5) Vérification de dates ou de circonstances particulières figurant dans des


œuvres littéraires. Certaines précisions de ce genre données dans les
romans sont fantaisistes. Alexandre Dumas, par exemple, est peu rigoureux
dans ce domaine c'est ainsi que dans Les mohicans de Paris, les héros
sortent d'un cabaret à minuit le mardi gras de l'année 1827 par un
magnifique clair de Lune. Il est facile de vérifier que c'était justement la
nouvelle lune ce jour là.

Chateaubriand, au contraire est toujours crédible quand il donne des


précisions d'ordre astronomique. C'est grâce à cela que l'astronome André
Danjon a pu faire corriger la fin des Mémoires d'outre-tombe. En effet on y
lit la phrase suivante : "En traçant ces derniers mots, ce 16 novembre 1841,
ma fenêtre, qui donne à l'ouest sur les jardins des missions étrangères, est
ouverte : il est six heures du matin; j'aperçois la lune pâle et élargie; elle
s'abaisse sur la flèche des Invalides à peine révélée par le premier rayon
doré de l'Orient ..." Mais le 16 novembre 1841 à six heure du matin la
Lune était couchée depuis longtemps. La date réelle est le 1er novembre,
écrit Ir sur le manuscrit. Le copiste a pris le r pour un 6 (cf. Les Mémoires
d'outre-tombe Edition du centenaire. Flammarion, appendice du tome IV).

Il est intéressant de noter que si les historiens ont souvent besoin des
astronomes, inversement les astronomes peuvent avoir besoin des
historiens. C'est le cas par exemple quand on veut établir la loi qui préside
au ralentissement de la durée de la rotation de la Terre autour de son axe. Ce
phénomène, très lent puisque la durée du jour s'accroît de deux millièmes
de seconde par siècle environ, a pour conséquence qu'une éclipse de Soleil
ancienne n'a pas été vue à l'endroit prévu par un calcul s'appuyant sur la
valeur actuelle de la durée du jour. Les astronomes recherchent donc les
récits anciens d'éclipsés dont ils espèrent de précieux renseignement. C'est
ainsi que l'astronome américain Newcomb, à la fin du siècle dernier, a
étudié les éclipses décrites par Xénophon. Un travail récent par Stephenson
et Yau sur une éclipse de Soleil vue dans le nord de la Chine en 1221 doit
paraître dans Astronomy and Astrophysics. Par ailleurs des chroniques
chinoises anciennes décrivent le passage de la planète Vénus sur le disque
du Soleil, observé fortuitement alors que le Soleil rouge sur le point de se
coucher pouvait être regardé sans danger. Cette observation est également
précieuse pour mesurer le ralentissement de la Terre.
105

Nature des données et des calculs


nécessaires

On peut classer les renseignements cherchés par les historiens sous les
rubriques suivantes :

1) Calcul de l'heure du lever ou du coucher du Soleil, de la


Lune, des planètes ou de certaines étoiles brillantes.

Ces calculs exigent de manipuler des algorithmes assez complexes pour les
profanes. Il existe cependant des descriptions des opérations à effectuer que
des amateurs entraînés peuvent programmer eux-même sur calculette
programmable ou micro ordinateur mais ce n'est pas facile, surtout pour la
Lune.

L'utilisation de programmes tout faits n'est pas non plus évidente car on
peut commettre des erreurs en rentrant les coordonnées du lieu (signe de la
longitude, en général négatif à l'est de Greenwich, unités : heures minutes
et secondes ou degrés minutes et secondes). Les Ephémerides du Bureau
des longitudes ( désignées par EPHBDL dans la suite) ne donnent ces
heures que pour l'année en cours et pour Paris ainsi que des méthodes de
corrections pour d'autres lieux. Si les heures du lever et du coucher du
Soleil varient peu pour une date donnée d'une année à l'autre, ceci est tout à
fait faux pour la Lune et les planètes. Pour obtenir les heures de lever et de
coucher des astres pour des lieux quelconques et des dates quelconques le
mieux est de s'adresser au Service minitel du Bureau des longitudes, 36 16
BDL (voir plus loin) ou d'écrire au BDL.

2) Çalç»l çQpr^lpnnçç^ ^l'yn a$trç à Vin instant <l9nnç,

Ceci permet de savoir par exemple si une planète se trouvait dans telle ou
telle constellation ou au voisinage de telle étoile brillante à telle époque. Ceci
permet également de calculer la hauteur et l'azimut des astres.

Rappelons les définitions suivantes

L'observateur du ciel se croit au centre d'une sphère limitée par le plan et le


grand cercle de l'horizon. La sphère céleste, dite aussi sphère des fixes, car
les étoiles ont l'air d'y être fixées, semble tourner en 24h autour d'un axe,
l'axe du monde, passant par l'observateur et par un point du ciel, appelé
pôle céleste nord, voisin de l'étoile dite polaire (alpha de la Petite Ourse). Le
plan de l'équateur céleste est le plan passant par l'observateur et
perpendiculaire à l'axe du monde, il coupe la sphère des fixes suivant un
grand cercle, l'équateur. Sur l'équateur on prend pour origine un point
remarquable le point g ou équinoxe oii se trouve le Soleil au début du
printemps. La déclinaison d'un astre est l'angle que fait la direction de cet
astre avec le plan de l'équateur, compté de 0° à 90° vers le pôle nord et de 0°
106

à -90° vers le pôle sud. L'ascension droite de l'astre est l'angle que fait la
projection de la direction de l'astre sur le plan de l'équateur avec la direction
du point g. Elle est comptée de 0° à 360° (ou de Oh à 24h) dans le sens direct
(ou sens trigonométrique).

L'angle que fait la direction d'un astre à un instant donné avec le plan de
l'horizon est appelé hauteur de l'astre, il est compté de 0° à 90° au dessus de
l'horizon, de -0° à -90° en dessous. Le point de hauteur +90°, point situé à
la verticale de l'observateur, s'appelle le zénith du lieu. Le plan passant par
la verticale de l'observateur et par la direction du pôle s'appelle le méridien
du lieu, il coupe le cercle de l'horizon en deux points, un point appelé nord
du côté du pôle nord et un point appelé sud du côté opposé. L'angle que fait
la projection de la direction d'un astre sur l'horizon avec la direction du sud
s'appelle Vazimut de l'astre. 11 es compté en général de 0° à 360° à partir du
sud positivement vers l'ouest.

L'ascension droite et la déclinaison des étoiles varient peu, ce qui permet


justement de les grouper en constellations apparemment immuables sur la
sphère céleste. En revanche l'ascension droite et la déclinaison du Soleil, de
la Lune et des planètes varient beaucoup au cours du temps. Calculer ces
variations c'est calculer Véphéméride des ces corps ce qui est un calcul
difficile même si l'on se contente d'une faible précision. Par ailleurs le pôle
se déplace lentement parmi les étoiles (phénomène de la précession) si bien
que l'étoile polaire n'a pas toujours été celle que nous connaissons. Des
constellations visibles du bassin méditérrannéen dans l'antiquité ne le sont
plus aujourd'hui ( le Centaure par exemple).

On pourra consulter la classique Astronomie Générale d'André Danjon,


récemment republiée par A. Blanchard mais, surtout, les ouvrages de J.
Meeus Calculs astronomiques pour amateurs, (en français), publié par la
Société astronomique de France et Astronomical algorithms (en anglais)
chez Willman-Bell (cf. bibliographie) ou le livre de C. Dumoulin et J.-P.
Parisot Astronomie pratique et informatique (Masson). On trouvera dans
EPHBDL des éphémérides des corps du système solaire pour l'année en
cours, pour le passé on pourra consulter les anciens annuaires du BDL ou la
Connaissance des Temps où figurent pour les trois derniers siècles des
tables interpolables des coordonnées des corps du système solaire.

Pour un passé plus lointain, ou même pour un passé récent ou pour l'avenir
on utilisera l'ouvrage Planetary programs and Tables from -4000 to + 2800
de P. Bretagnon et J.-L. Simon (cf. bibliographie). Pour le Soleil et les
planètes Mercure, Vénus et Mars on doit faire la somme de séries
trigonométrique dont les coefficients figurent dans des tables, pour les
autres planètes on doit sommer les termes d'un polynômes dont les
coefficients sont à choisir selon la période de temps envisagée. Des
disquettes pour micro ordinateur accompagnent le livre ce qui permet de
réduire au minimum l'intervention de l'utilisateur.

En ce qui concerne la Lune un ouvrage tout à fait semblable dû à J. et M.


Chapront a paru chez le même éditeur sous le titre Lunar tables and
107

programs from 4000 BC to 8000 AD. les précisions données dans ces deux
ouvrages qui sont au pire d'un centième de degré (de presque un degré pour
la Lune il y a 4000 ans) sont largement suffisantes pour les besoins des
historiens.

Le calcul de la hauteur et de l'azimut d'un astre, ou de l'azimut à son lever


(quand la hauteur est nulle), est très souvent utilisé. Il dépend :
- de la position de l'observateur à la surface de la Terre, caractérisée par la
donnée de sa longitude et de sa latitude,
- de l'heure,
- de la position de l'astre sur la sphère des fixes caractérisée par la donnée
de son ascension droite et de sa déclinaison.

Quand on connaît ces trois ensembles de données le calcul n'est pas très
difficile. Il est décrit dans les EPHBDL, mais on peut l'obtenir au 3616
BDL.

3) Calcul des dates d'éclipsés et des circonstances locales d ' u n


éclipse de Soleil.

Les éclipses de Lune sont visibles de tout l'hémisphère terrestre pour lequel
la Lune est levée. En général il suffit de savoir s'il y a eu une éclipse de
Lune à une date donnée. On consulte les "canons d'écIipses", soit le Canon
der Finsîernisse d'Oppolzer paru en 1887 et republié par Dover
publications en 1962, soit le Canon of lunar éclipsés de J. Meeus et H.
Mucke publié par l'Astronomisches Buro de Vienne en 1983.

En ce qui concerne les éclipses de Soleil le problème est plus difficile car
leur visibilité dépend du lieu. Les canons, et en particulier le Canon ofsolar
éclipsés de H. Mucke et J. Meeus (1983), donnent non seulement les dates
des éclipses mais les éléments de Bessel permettant de calculer les
circonstances locales de l'éclipsé (heures de début et de fin par exemple)
ainsi que la façon d'utiliser ces données. Des explications analogues
figurent dans les EPHBDL. Les calculs ne sont pas très compliqués.

Signalons aux possesseurs de Macintosh que le logiciel "Voyager",


remarquable à bien des égards, est particulièrement efficace pour les
éclipses dont on peut simuler le déroulement sur l'écran.

4) Relations d'apparition de comètes.

Les comètes visibles à l'œil nu sont assez rares mais elles ont toujours attiré
l'attention et ce d'autant plus qu'on leur a longtemps donné valeur de
présage. De ce fait elles peuvent jouer un grand rôle pour la chronologie.
Les éléments de l'orbite héliocentrique d'une comète permettent, soit par
calcul programmé, soit à l'aide du logiciel Voyager, de connaître
l'éphéméride de la comète et donc de savoir oii et quand elle a été vue. Pour
une orbite parabolique ces éléments sont : la distance périhélie, l'inclinaison
108

du plan de l'orbite sur le plan de l'écliptique, la longitude du nœud


ascendant, la distance angulaire entre le nœud ascendant et le périhélie et
enfin l'instant du passage au périhélie. Si l'orbite est elliptique au lieu de la
distance périhélie il faut connaître le demi-grand axe et l'excentricité. Des
liste de telles données pour la plupart des anciennes comètes figurent dans le
Catalogue ofcometary orbiîs de B. G. Marsden (1989).

Un document très udle est le Catalog ofancient and naked-eye cornets de


Ichiro Hasegawa, publié dans Vistas in Astronomy qui donne des
informadons complètes sur les comètes apparues (région du ciel où elles ont
été vues, pays où elles ont été signalées, etc.)

5) Phases de la Lune. Phénomènes astronomiques divers.

Là encore il est possible de programmer soi-même les dates et heures des


phases pour un mois donné d'une année quelconque mais il existe des listes
comme celle publiée dans Phases ofthe moon 1801-2010, de Jean Meeus
ou dans ses Astronomical tables. Le 36 16 BDL donne ces dates depuis
-4000.

D'autres phénomènes remarquables peuvent intéresser les historiens comme


les dates des équinoxes et solstices (cf. Equinoxes and solstices on Earth
and Mars 1580-2500, Christian Steyaert 1976 et Astronomical tables de J.
Meeus) ou les dates d'oppositions des planètes supérieures, époques où
elles sont le plus près de la Terre et brillent toute la nuit (cf. Opposition of
Mars 0-3010, Edwin Goffin 1976 et Astronomical tables de J. Meeus).

6) C a l ç n d r i ç r ^ , ÇhrgnQlpgiç

On pourra consulter le livre intitulé La chronologie de V. Grùmel qui


comporte en outre de nombreuses listes d'éclipsés et de comètes. La date de
Pâques dans le calendrier julien ou le calendrier grégorien peut se calculer
au moyen d'algorithmes simples que l'on trouve par exemple chez Meeus
mais des listes de dates de Pâques et de fêtes religieuses dans différents
calendriers figurent aussi dans les EPHBDL.

Le Bureau des longitudes a publié à l'occasion du bicentenaire de la


Révolution un ouvrage très complet sur le calendrier républicain français
(cf Bibliographie).

Classement des sources


1) Ephémérides publiées

La Connaissance des Temps, éphéméride française officielle, a été créée en


1679 et a paru tous les ans depuis. Elle est calculée et publiée par le Bureau
109

des longitudes depuis la fondation en 1795 de cet organisme qui édite


également depuis cette date un Annuaire du Bureau des Longitudes,
éphéméride de faible précision. Ces ouvrages, disponibles dans les biblio-
thèques, constituent une source précieuse de renseignements tout calculés
pour les trois derniers siècles. On trouvera des renseignements du même
type dans le Nautical Almanach anglais, publié depuis 1767.

2) Calculs d'éphémérides

On a cité plus haut de nombreux ouvrages où l'on peut trouver des


algorithmes de calcul d'éphémérides ou de phénomènes astronomiques. La
programmation de ces algorithmes paraîtra plus ou moins simple selon la
familiarité qu'on aura avec l'astronomie et l'informatique. Il faut savoir
aussi que les performances des programmes, en particulier la durée
d'exécution, dépend beaucoup du matériel utilisé. Ainsi par exemple un
programme en langage Pascal du calcul de l'heure du lever et du coucher du
Soleil, ainsi que du début et de la fin du crépuscule civil en un lieu donné
pour chaque jour d'une années entière prend 50 minutes sur un Macintosh
SE. Exactement le même programme pour le même calcul prend 23
secondes sur un Mac II ou un Pov/erbook 170.

Si l'on ne veut pas programmer soi -même on trouve des programmes tout
faits en Basic dans certains ouvrages. De toute façon les bureaux
d'éphémérides, en particulier en France le Bureau des longitudes, effectuent
des calculs à la demande, si les demandes sont raisonnables. Les
renseignements que demandent les historiens sont en général les plus
appréciés par nos collègues car ils se présentent souvent sous forme de
problèmes curieux et inattendus.

3) Le service Minitel du Bureau des longitudes

Depuis le printemps 1991 le Bureau des longitudes est maître d'œuvre


d'un serveur minitel accessible par le 36 16 BDL. L'utilisateur trouve un
menu qui lui permet de s'orienter vers le renseignement de son choix. En
mai 1992 sont disponibles les rubriques suivantes : heures de lever et de
coucher du Soleil et de la Lune, azimuts et hauteur du Soleil n'importe oij et
pour n'importe quelle date. Eclipses de Lune et de Soleil, phases de la
Lune, date des saisons. Définitions et concordances des calendriers. Fêtes
légales et religieuse. Heure légale en France, dates de changement d'heure.
Vers la fin de mai 1992 seront disponibles les éphémérides des corps du
système solaire. Tous ses renseignements concernent toute la Terre et sont
valables pour des époques reculées remontant en général jusqu'à 4000 ans
avant J.C.

4) Le logiciel Voyager

Le logiciel Voyager est un logiciel pour Macintosh édité par la compagnie


Carina Software. Il coûte environ cent ciquante dollars. L'écran représente
le ciel étoilé pour un lieu donné, dans une direction donnée, à un instant
110

donné, ces paramètres étant choisis par l'utilisateur. Le Soleil, la Lune et les
planètes y figurent et de plus l'utilisateur peut introduire les éléments
d'autres astres tels que des comètes dont l'icône apparaît alors parmi les
étoiles. Il est impossible de donner la liste complètes des possibilités de ce
logiciel remarquable. 11 nous sert constamment en particulier pour satisfaire
des demandes faites par des historiens.

Bibliographie

BOUIGES S. Calcul astronomique pour amateurs adapté à l'emploi d'un


calculateur ou d'un micro-ordinateur 198L Masson.
BRETAGNON P. & SIMON J.-L. Planetary programs and tables from
-4000 to -^-2800 1986. Willmannn-Bell, Inc. PO Box 3125 Richmond,
Virginia 23235 Etats-Unis.
BUREAU DES LONGITUDES Le calendrier républicain 1989. Diffusé par
l'observatoire de Paris, 61 avenue de l'observatoire, 75014 Paris.
CHAPRONT-TOUZÉ M. & CHAPRONT J. Lunar tables and programs
from 4000 B.C. to AD 8000 1991. Willmannn-Bell, Inc. PO Box 3125
Richmond, Virginia 23235 Etats-Unis.
DANJON A. Astronomie Générale. 1959. Réédition en 1980. Albert
Blanchard, 8 rue de Médicis 75006 Paris.
DUFFET-SMITH P. Practical astronomy with your calculator 1980.
Cambridge University Press.
DUMOULIN C. & PARISOT J.-P. Astronomie pratique et Informatique
1987. Masson.
GOFFIN E. Oppositions ofMars 0-3010 1976. Memoirs of the Vereniging
voor Sterrenkunde, Ringlan 3 B-1180 Bruxelles, tome 1.
GRUMEL V. La chronologie 1958. Presses Universitaires de France.
ICHIRO HASEGAWA Catalogue of ancient and naked-eye comets 1980.
Vistas in Astronomy, vol. 24 pp. 59-102. Pergamon Press.
MARSDEN B. G. Catalogue of cometary orbits 1989. Central Bureau for
astronomical telegrams. Minor planets center. Smithsonian Astrophysical
observatory, 60 Garden street Cambridge, MA 02138 Etats-Unis.
MEEUS J., GROSJEAN C. & VANDERLEEN W. Canon of solar éclipsés
1966. Pergamon Press, 24 rue des écoles 75005 Paris.
MEEUS J. Phases of the Moon 1976. Memoirs of the Vereniging voor
Sterrenkunde, Ringlan 3 B-1180 Bruxelles, tome 2.
MEEUS J. Planetary phenomena 1976-2005 1977. Memoirs of the
Vereniging voor Sterrenkunde, Ringlan 3 B-1180 Bruxelles, tome 5.
MEEUS J. Astronomical formulae for calculators 1982. Vv'illmannn-Bell,
Inc. PO Box 3125 Richmond, Virginia 23235 Etats-Unis.
MEEUS J. Astronomical tables of the Sun, Moon and planets 1983.
Willmannn-Bell, Inc. PO Box 3125 Richmond, Virginia 23235 Etats-Unis.
111

MEEUS J. & MUCKE H. Canon of lunar éclipsés 1983. Astronomisches


Biiro, Hasenwartgasse 32, A1238 Wien Autriche.
MEEUS J. Calculs astronomiques à l'usage des amateurs 1986. Société
Astronomique de France, 3 rue Beethoven 75016 Paris. Tel: 42 24 13 74.
MEEUS J. Astronomical algorithms 1991. Willmannn-Bell, Inc. PO Box
3125 Richmond, Virginia 23235 Etats-Unis.
MUCKE H. & MEEUS J. Canon of solar éclipsés 1983. Astronomisches
Biiro, Hasenwartgasse 32, A1238 Wien Autriche.
O P P O L Z E R Th. von Canon der Finsternisse 1887 & 1962 Dover
Publications.
STEYAERT Ch. Equinoxes and solstices on Earth and Mars 1580-2500,
1976. Memoirs of the Vereniging voor Sterrenkunde, Ringlan 3 B-1180
Bruxelles, tome 3.
VOYAGER The interactive desktop planétarium, version 1.2. Carina
Software 830 Williams street, San Leandro, CA 94577 Etats-Unis

* * îH
113

Publ. Obs. Astron. Strasbourg


Ser."Astron. & Se. Humaines" N° 8

PARISOT J.P.
Observatoire de Bordeaux
FLOIRAC (France)
115

L'astronomie des Egyptiens

Petite chronologie égyptienne

1) Généralités.

Nos connaissances des Egyptiens en astronomie sont réduites à quelques


manuscrits sur papyrus ou parchemins récents. Cette information est
également déduite de scènes funéraires où le ciel et les astres sont
représentés, de l'orientation de bâtiments, de calendriers qui ornent les
couvercles des sarcophages du Moyen Empire..., des données sujettes à
interprétation. Les textes tardifs semblent avoir été fortement influencés
par la Grèce et sont moins représentatifs de la science égyptienne.
L'astronomie égyptienne souffre de deux lacunes qui ont été des
obstacles à son développement :

• Les observations sont pratiquement inexistantes comparativement aux


Mésopotamiens. Par exemple, aucune éclipse n'est signalée dans les
documents écrits.

• Le manque d'outil mathématique propre à l'astronomie. L'arithmétique


égyptienne réduisant toutes les opérations à des additions était inadaptée
116

aux calculs astronomiques qui étaient de ce fait fortement simplifiés. Par


exemple, ils ne savaient manipuler que des fractions dont le numérateur
est 1 ; avant tout calcul, les fractions sont décomposées sous forme d'une
somme de "fractions égyptiennes". Cette décomposition n'est pas unique
et pour la même fraction, on peut trouver une infinité de solutions.

2 1 1 1 1 1

Avant de décrire en détail l'élaboration de leur calendrier, il est bon de


citer quelques instruments d'observation utilisés par les Egyptiens.

• Pendant la nuit, les heures étaient déterminées par le passage des


étoiles dans le plan méridien (Nord-Sud). Curieusement, il fallait deux
personnes pour effectuer l'opération. L'une tenait le "merkhet",
planchette de bois fendue. L'autre, assise en face de la première, tenait le
fil à plomb. Les heures étaient déterminées quand certaines étoiles
coupaient la ligne joignant l'oeil du premier observateur au fil à plomb.
Les horloges stellaires sont connues à travers des décorations de
tombeaux. Ces tables indiquent l'heure en fonction de la position d'une
étoile par rapport aux différentes parties du corps de l'assistant. Par
exemple à la 1ère heure du 16ème jour de Paophi, la Jambe du Géant
(Grande Ourse) passe au dessus du milieu ; à la Sème heure le bras
d'Orion est au-dessus de l'oeil gauche. On peut douter de la précision de
la détermination de l'heure dans un calendrier complètement décalé par
rapport aux saisons !

Le principe du calendrier diagonal est basé sur la constation suivante : si


l'année contient exactement 360 jours, tous les 10 jours les étoiles et
constellations qui passent au méridien à minuit se décalent de 10°. Ainsi,
toutes les décades les décans se décalent d'une unité. Dans la réalité le
décalage est plus subtil et ceci pour 2 raisons :

- l'année contient 360 jours -i- 5 jours épagomènes


- les heures sont des heures inégales car on compte 12 h entre le coucher
et le lever du soleil.

Les Egyptiens avaient semble-t-il traité ces 2 difficultés en utilisant 36 -i-


12 décans en introduisant une 37ème décade durant les 5 jours
épagomènes. Dans le calendrier diagonal, les décans sont notés 1, 2, ...,
35, 36, A, B, ..., K, L. Le tableau donne l'heure de lever de 12 décans
durant chacune des 37 décades (une par colonne). Par exemple, durant la
lOème décade (lOème colonne) le lOème décan se lève à la 1ère heure
de la nuit, le 1 lème à la 2ème heure,...
Hr Ifi 3? 31 30 ?<? ?7 ?3 ?? ?1 ?0 19 I f i 17 I f i 14 13 12 U 10 9 fi 7 6 4 3 2 1

1 ft 3 fi 34 3? 31 30 ?9 ?fi ?1 ?fi P3 72 7\ 20 19 1 fi 17 1 fi 1 -i 14 13 12 11 1 0 9 fi 7 f, •i 4 ^ p l
? R h "Ifi 34 33 3? 31 30 ?7 ?fi ?4 ? 3 77 ?1 20 1 9 1 fi 1 7 1 fi 1,'î 1 4 13 12 n 10 9 fi 7 6 5 4 3 2
^ c R ft i^fi 3'i 34 33 3? 31 30 7A ?3 22 21 20 19 Ifi 17 1 fi Ti 14 13 12 11 10 9 fi 7 fi 5 4 3
4 P r R ft 3fi 3fi 34 33 3? 31 30 ?1 ?fi 7"^ ?4 ?3 ?? 21 20 19 Ifi 17 Ifi Ifi 14 13 12 11 10 9 fi 7 6 5 4
F, p c p A 3fi 34 33 3? 31 30 ?9 71 7fi 24 23 22 21 20 19 Ifi 17 1 fi 1 -i 14 13 12 11 10 9 fi 7 6 5
f, F F P C R h 3 fi 3^7 34 33 3? 31 30 ?9 71 7^ ?4 23 22 21 20 19 Ifi 17 1 fi 1 14 13 12 11 10 9 fi 7 6
7 Ti F F, D r R ft 3fi 3*1 34 33 3? 31 30 ?fi 71 ?fi 7^ 24 23 22 21 20 19 Ifi 17 16 l.'i 14 13 17 11 10 9 fi 7
B H n F F p G R A 3 fi 3*1 34 33 3;^ 31 30 ?9 ?R 27 ?fi 2*1 24 23 22 21 20 19 1 fi 17 1 fi 1 fi 14 13 12 11 10 9 fi
9 T H G F F p r R A 3fi 3=) 34 33 3? 31 30 ?9 2fl 27 2fi 2fi 24 23 22 21 20 19 Ifi 17 1 fi Ti 14 13 17 11 10 9
10 ,7 T H G F R p G R A 36 3'i 34 33 3? 31 30 29 2R 27 ?fi 2*1 24 23 22 21 20 19 1 fi 17 16 15 14 13 12 1 1 10
11 K ,T T H G F F P G R A 3 fi .31 30 29 2B 27 2fi 2*1 24 23 22 21 20 19 1 fi 17 1 fi 15 14 13 12 n
12 II K J I H G f E D C B h 36 35 34 33 32 3 1 30 29 2S 27 26 25 24 23 22 21 20 19 1 fi 17 1 fi 15 14 1 3 12

Le principe du calendrier diagonal est basé sur la constatation suivante : si l'année contient exactement 360 jours, tous les 10 jours
les étoiles et constellations qui passent au méridien à minuit se décalent de 10°. Ainsi, toutes les décades les décans se décaleirt h-
d'une unité. Dans la réalité le décalage est plus subtil et ceci pour 2 raisons -a

- l'année contient 360 jours + 5 jours épagomènes


- les heures sont des heures inégales car on compte 12 h entre le coucher et le lever du soleil.

Les égyptiens avaient semble-t'il traité ces 2 difficultés en utilisant 36 + 12 décans en introduisant une 37ème décade durant les 5
jours épagomènes. Dans le calendrier diagonal, les décans sont notés 1, 2, .., 35, 36, A, B, ..., K, L. Le tableau donne l'heure de lever
de 12 décans durant chacune des 37 décades (une par colonne). Par exemple, durant la lOème décade (lOème colonne) le lOème
décan se lève à la 1ère heure de la nuit, le l l è m e à la 2ème heure,..
118

• Pendant le jour, un cadran solaire rudimentaire vertical donne l'heure


en fonction de la longueur de l'ombre. Les Egyptiens n'ont jamais
compris les corrections à apporter à la graduation pour tenir compte de la
période de la journée ou de la latitude. Les appareils qui nous sont
parvenus sont tous faux. L'un d'eux compensait imparfaitement la
variation de hauteur en fonction de la journée grâce à un plan incliné.

• A partir du XVIe siècle avant J.-C. les Egyptiens utilisent l'horloge à


eau que les Grecs appelleront "clepsydre". L'appareil de f o r m e
tronconique se vide par une petite ouverture à la base. Ils espéraient
compenser la baisse irrégulière du niveau grâce à la forme évasée, ce qui
donnait des résultats très approximatifs. Le jour égyptien commence au
coucher du Soleil et chacune des 2 parties de la journées (la nuit : gereh ;
le jour : herou) est divisée en 12 heures inégales suivant les saisons. A
l'intérieur du récipient, à chaque mois correspond une rangée verticale de
marques indiquant les heures. Ces instruments mesurant l'écoulement du
temps étaient peu précis, ce que l'on constate par exemple sur les tables
d'heures de jour. Le jour du solstice d'hiver, la durée mesurée est de 9 h
20 mn, alors qu'en réalité aux latitudes de l'Egypte elle est toujours
supérieure à 10 h 5 mn.

Les étoiles sont regroupées en constellations qui sont à peu près


identiques à celles que nous utilisons aujourd'hui mais nos symboles
actuels sont inspirés des Babyloniens. Les 12 signes du zodiaque sont
inconnus des Egyptiens qui découpent la voûte céleste en 36 décans. Ce
sont des groupes d'étoiles ou des étoiles brillantes : Sourcil du Sud,
Sourcil du Nord... Ce système de décans qui remonte à 2800 avant J.-C.
commence par Sirius (Sothis - Sepedet - L'excellente). 11 ne s'agit pas
d'un découpage régulier en tranches de 10° mais plutît de repères placés
à peu près parallèlement à l'écliptique ; c'est vers 300 av. J.C. que les
décans égyptiens et les décans du zodiaque sont confondus. Les
Egyptiens en connaissaient les heures de lever et ceci dans les 36
périodes de 10 jours de l'année. C'est un système simple qui permet de
lire l'heure par simple observation des étoiles ou des constellations qui se
lèvent. Cette méthode est plus efficace que celle des levers héliaques qui
limitent les observations à l'instant du lever du Soleil. En raison de la
précision médiocre des observations des Egyptiens, les heures de lever et
coucher qui nous sont parvenues ne sont pas très bonnes. Le système et
décrit dans un tableau représentant le schéma d'un "calendrier diagonal".

On pense que jusqu'en 4236 avant J.-C. (ou 4228 suivant les auteurs) le
calendrier, qui remonte à plus de 10 millénaires, est très simple : l'année
de 360 jours est constituée de 12 mois de 30 jours. Puis lui succède le
calendrier vague de 365 jours : 12 mois de 30 jours répartis en 3 saisons,
complétés par 5 jours que les Grecs appelleront épagonèmes. Bien que la
dérive du calendrier dissocie les mois des saisons réelles, les mois sont
répartis de la manière suivante :
119

Inondation (Akhet) : Thot- Paophi - Athyr - Choeac


Hiver (Peret) : Tybi - Méchir - Phaminoth - Pharmouti
Eté (Shemou) : Pachon - Payni - Epiphi - Mésori

Dans les textes, les dates sont précisées par l'année de règne du roi. Par
exemple "L'an 2, le 3e de l'Inondation, le 1er jour sous la majesté
Amenemhat III...". La première année d'entrée en fonction est donnée
par rapport au jour de l'An, c'est-à-dire par rapport au premier jour des
crues du Nil : la chronologie est établie comme en Chine et en Inde : la
mort du pharaon le comptage repart à zéro !

Le premier mois de l'année porte le nom du dieu-Lune Thot, inventeur


du calendrier et de l'écriture. C'est également lui l'inventeur des jours
épagomènes nés d'après les légendes de la manière suivante : la déesse
du ciel Nouït ayant fauté avec le dieu de la terre Geb, ne pouvait
accoucher dans aucun jour de l'année ; Thot amoureux de la déesse joua
avec la lune et gagna une fraction de chaque jour de l'année avec les
quels il constitua les 5 jours supplémentaires. C'est ainsi que la déesse
mit 5 enfants au monde : Osiris, Haroréis, Seth, Isis et NBephtys. Cette
allusion à la Lune témoigne d'une origine lunaire abandonnée au profit
d'une base de temps solaire. Les Egyptiens ont fait figure d'originaux à
une époque où les calendriers lunaires ou luni-solaires avaient un certain
succès. A côté du calendrier civil, existait un calendrier liturgique
lunaire dans le but de définir les dates des fàtes religieuses. La
coïncidence des phases de Lune avec le calendrier vague tombe tous les
25 ans. En effet, 25 années vagues comptent 9125 j o u r s qui
correspondent à environ 309 lunaisons. La correspondance est médiocre
mais suffisante pour que les pràtres se situent facilement à l'intérieur des
fêtes mobiles lunaires et pour qu'ils choisissent une grande ou une petite
année du cycle, c'est-à-dire 12 ou 13 fêtes lunaires.

2 ) D é f a u t du c a l e n d r i e r u a g u e .
Les Egyptiens n'ont jamais réalisé la correspondance entre leur année
civile et l'année tropique comme nous le faisons avec nos années
bissextiles. Grâce à l'ancienneté de leur calendrier, ils étaient conscients
de l'écart et on connaît plusieurs propositions d'amélioration qui ont
échoué : en 46 avant J.-C., quand Jules César fait appel à l'astronome
Sosigène pour r é f o r m e r le calendrier r o m a i n , celui-ci propose
naturellement un calendrier égyptien améHoré qui deviendra le calendrier
julien. Durant les années bissextiles, le jour supplémentaire est placé
curieusement entre le 24 et le 25 février. En faisant démarrer l'année le
1er mars, le 24 février est le 360e jour de l'année et le jour bissextil serait
placé entre les 12 mois normaux et les 5 jours épagonèmes.
120

On peut exprimer la dérive du calendrier vague de plusieurs manières.


Avec un manque de 1/4 de jour par an le décalage est de

Egyptien / Tropique Egyptien / Julien

1 jour en 4,12 ans 4 ans


1 mois 123,8 ans 12()ans
6 mois 743,2 ans 720 ans
1 année 1508 ans 1460 ans

Au bout de 1 460 années juliennes et de 1461 années vagues tout rentre


dans l'ordre et les saisons sont à nouveau en accord avec le calendrier.
On peut penser que les Egyptiens ont été les premiers à découvrir la
nécessité d'allonger l'année de 365 jours afin de l'amener à 365,25 jours.
Mais pourquoi ont-ils toléré cette discordance pendant plusieurs milliers
d'années ? Il semble que l'association d'un calendrier liturgique et d'un
calendrier civil ait empêché toute modification ; l'introduction d'un jour
tous les 4 ans dans le calendrier civil produit une rupture du cycle
liturgique inacceptable par tradition. Dans l'histoire de l'Egypte on
connaît deux tentatives qui ont avorté :

• En 238 avant J . - C , le roi Ptolémée III, s'appuyant sur les progrès de


l'astronomie, décrète l'emploi d'un 6e jour épagonème tous les 4 ans. On
se refuse d'utiliser ce jour qui bouleverse les traditions.

• En 30 avant J.-C., Auguste impose à l'Egypte la réforme julienne.


Cette réforme limitée aux actes officiels n'est pas appliquée puisque
jusqu'en 139 après J.-C. les rites associés au calendrier égyptien sont
encore fêtés !

Cette r é t i c e n c e est c o m p r é h e n s i b l e : le c a l e n d r i e r n'a rien


d'astronomique, le seul souci étant de déterminer les époques des
cérémonies religieuses largement tributaires de la Lune. L'accord avec
les saisons est secondaire, car ce rôle est rempli naturellement par une
observation astronomique simple, réalisable par tous : le lever héliaque
de Sirius. Les Egyptiens n'avaient aucune raison de bouleverser
inutilement un calendrier liturgique guidant les f i d è l e s d a n s
l'accomplissement de leurs devoirs religieux.
121

3) Les crues du Nil et le leuer héliaque de


Sirius.
En juillet, fortement alimenté par les pluies de mousson sur le haut
plateau abyssin, le Nil est en crue. C'est le début de la période
d'inondation qui va apporter aux agriculteurs les éléments fertiles
essentiels aux cultures de la vallée. Ce phénomène saisonnier qui suit
d'une dizaine de jours le solstice d'été n'a pas une régularité suffisante
pour servir de base à un calendrier agraire. En effet, des fluctuations de
plusieurs semaines sur le début de la crue sont trop importantes : il faut
un autre phénomène régulier, annonciateur de la crue et en relation si
possible avec elle. Le choix du lever héliaque de Sirius (cf. Paragraphe
X-2) remplissait un double objectif :

• C'est un point de repère facile à localiser dans le temps car Sirius est
l'étoile la plus brillante du ciel. Le lever héliaque se produit quelques
jours avant le solstice d'été. Il annonçait le retour des grandes chaleurs :
la constellation du Grand Chien où se situe Sirius a donné naissance au
mot canicule (de "Canis Major").

• C'est cette convergence qui a poussé les prêtres d'Héliopolis à lier le


début de l'année à ce phénomène astronomique. Dans cette logique,
l'année de 365 jours est au départ réglée sur le Nil ; c'est ce qu'on
pourrait appeler une année agraire. C'est le phénomène des inondations
qui leur importait véritablement et le choix du lever héliaque de Sirius
(la sortie de Sepedet pour les Egyptiens) a été un bon compromis en
raison de l'inexactitude de la date des crues. En se plaçant dans les
conditions les plus défavorables où la crue se produit avec une avance ou
un retard de 6 semaines alors que la coincidence entre le jour de l'An
(1er Thot) et le lever héliaque est brisée à raison d'une dérive de 1 jour
tous les 4 ans. Le phénomène est détecté quand la dérive dépasse la
dispersion sur la date des crues.

Ainsi, il faut attendre au moins 6 x 7 x 4 — 170 ans pour que la dérive de


l'année vague soit évidente. Ce phénomène ne leur a pas échappé à partir
de l'époque où le lever héliaque est pris comme jour de l'An. Au lieu de
se maintenir le 1er Thot, il se produit le 2, puis le 3..., et avec lui les
saisons défilaient dans le calendrier. Au bout de 1461 années, tout
revient dans l'ordre: le lever héliaque tombe le 1er Thot. On a célébré ces
retours par des fêtes extraordinaires appelées fêtes sothiaques.

Le grammairien Censorin nous signale une telle manifestation en 139


après J.-C., le 21 juillet. Pendant toute l'époque qui englobe l'histoire de
l'Egypte, deux levers héliaques de Sirius sont séparés d'environ 365,25
jours, ce qu'on appelle une année sothiaque. On peut noter la coïncidence
avec la durée de l'année julienne (365.25 jours) : l'année sothiaque a une
durée qui est exactement égale à celle de l'année julienne. Ainsi, dans
122

toute l'époque qui nous intéresse, le lever héliaque de Sîrius a eu lieu aux
alentours du 21 juillet si on rapporte la date dans un calendrier julien.

Cette coïncidence masque une réalité complexe car, si à première vue le


lever héliaque tombe à date fixe dans le calendrier julien, il dérive
lentement par rapport au solstice et ceci de 3 jours tous les 400 ans !
Ainsi, si on remonte 4 000 ans en arrière à une époque où certains ont
fixé le début du calendrier vague, le lever héliaque se produisait environ
3 x 4 000 = 30 jours après les crues du Nil. On peut douter de
400
l'ancienneté du lever héliaque comme indicateur des crues, pour se
rattacher à une date beaucoup plus tardive (2276 avant J.-C.) où
l'indicateur commençait à avoir un sens.

Des calculs complexes décrits dans les paragraphes suivants permettent


de calculer avec précision les dates des fêtes sothiaques en partant du 21
juillet 139. On trouve les années 4235, 2776 et 1318 avant J . - C , 139 et
1591 après J.-C. Des textes datant de 1877 avant J.-C. (an 7 de Sésoutis
III), de 1546 avant J.-C. (an 9 d'Aménophis I) et de 1470 avant J.-C.
(Thoutmosis III) relatent l'observation du lever héliaque. L'établissement
du calendrier serait antérieur et l'époque proche de 2776 avant J.-C.
correspond le mieux à nos connaissances de l'histoire de l'Egypte.

En 30 avant J.-C., quand Auguste impose à l'administration le 6e jour


épagonème, le 1er Thot tombe le 29 août. C'est le départ du calendrier
julien. Le calendrier copte utilisé en Egypte et Ethiopie a perpétué cette
origine. On compte les années à partir du 29 août 284 qu'on appelle l'ère
des Martyrs ou de Dioclétien. L'année bissextile précède celle du
calendrier julien.

Hostiles à toute réforme de leur calendrier vague de 365 jours, les


Egyptiens usent d'autres moyens afin de se rattacher simplement aux
saisons. En effet, avec une dérive du 1er Thot (1er jour de l'année) de 1
jour tous les 4 ans, à l'issue de 120 ans le calendrier est décalé d'un mois
sur les saisons ; tout rentre dans l'ordre à l'issue de 1460 ans ! Or sous la
latitude de Memphis, les premiers jours des crues du Nil coïncidaient
avec le lever héliaque de Sothis (Sirius). Le Nil alimenté,par des pluies
périodiques d'Ethiopie commence à grossir en période de solstice d'été ;
il grossit durant 100 jours puis décroît 20 jours après son maximum.
Cette coïncidence des crues fécondatrices et du 1er lever de la déesse de
la fécondité (Isis) avait fixé l'attention des pràtres d'Héliopolis qui l'ont
utilisé comme point de repère astronomique fixe pour définir par
exemple l'année agricole.

4) Concordances j u l i e n - é g y p t i e n
Malgré son grave défaut, l'année "vague" a été utilisée pendant plus de
4000 ans sans tenir compte des saisons. La coïncidence des crues du Nil
123

avec le retour de Sirius dans le ciel avait donné à ce p h é n o m è n e


astronomique une importance capitale puisqu'il fournissait un repère
astronomique fixe, rôle que ne pouvait remplir le calendrier. La
coïncidence de ce phénomène avec le début de l'année (1er Thot)
définissait le départ d'une nouvelle période (de 1460 années) appelées
période sothiaque qui était célébrée par des fêtes très importantes ; la
dernière s'acheva le 20 juillet en 139 ap. J.C. Ces c o ï n c i d e n c e s
permettent de recaler le début de l'année par rapport au calendrier julien
ce que nous proposons de réaliser à partir des résultats précédents. Les
astronomes grecs (Hipparque, Ptolémée) ont réussi à dresser une
chronologie assez précise mêlant l'histoire de la Mésopotamie à celle
d'Egypte. Pour rattacher à une m ê m e série les observations anciennes,
Ptolémée s'est servi de tableaux chronologiques où se succèdent par
ordre d'époques les rois Assyriens, Mèdes, Perses, Grecs,... qui à la
suite de Nabonassar ont occupé Babylone : c'est ce qu'on appelle le
"Canon des Rois" qui est construit en années égyptiennes de 365 jours.
On a fondé une ère artificielle pour tirer parti des observations anciennes
dite "ère de Nabonassar" du nom du monarque dont le début du règne
(26/2/-746 ou 26 février 747 av J.C dans le calendrier julien) a défini
cette ère.

Dans ce paragraphe, nous allons développer une méthode simple pour


passer du calendrier julien (ou grégorien) au calendrier égyptien et
inversement. Quand on remonte le temps et que l'on est a m e n é à
comparer des dates éloignées dans le temps, on se rattache à une échelle
de temps continue afin de s'affranchir des différents calendriers qui se
sont succédé. On compte les jours dans l'échelle des jours juliens qui a
été crée au XVIème siècle par Scaliger (Joseph de l'Escale qui signait
Scaliger 1540-1609). Les jours sont comptés les uns derrière les autres
indépendemment des semaines, mois et années à partir d'un origine prise
le 1er janvier -4712 à 12h TU. Pour effectuer des calculs, il suffit de
connaître les relations qui permettent de passer de la date julienne à une
date dans le calendrier (julien ou grégorien dans notre cas).

En raison de la structure simple du calendrier égyptien, le rattachement


au j o u r julien est élémentaire ; il suffit de connaître le j o u r julien
correspondant au 1er Thot de l'an 1. L'ère de Nabonassar a pris naissance
le 26/27-746 jour julien 1446 638.

Soit JJ/MM/AA une date dans ce calendrier. Le jour julien est donnée
par :

j j =1 448 242 + 365 AA-I-30 M M + J

Calcul inverse : Soit JJ le jour julien. On forme :

F = JJ - 1 448 242
Année = INT (F/365)
Mois - INT ((F - 365 A)/30)
Jour = F - 365 A - 30 M
124

Exemple :

le 1 Janvier 2000 ; JJ = 2451 545


F = 1003 303 ; A = INT (1003 303/365) = 1NT(2748.77) = 2748
M = INT (283/30) = INT (9.4333) = 9 ; J = 1 003 303 - 2748 x
365 -30x9 = 13
13 Pachon 2748

5 ) Les f ê t e s s o t h i a q u e s
En sachant que le 1er Thot de la première année (26/2/-746) est le jour
julien 1448 638, si y est l'année égyptienne comptée à partir de l'ère de
Nabonassar, le jour julien du premier Thot de l'année y se calcule
simplement :

J = 365 (3968 + y) - 47

On recherche par exemple les années (juliennes) où le 1er Thot tombe le


20 juillet dans le calendrier julien. On détermine le jour julien J
correspondant au 20 juillet de l'année julienne Y par la relation :

J - I N T (365.25 Y) + 1721259

En égalisant les 2 expressions on écrit :

INT (365.25 Y) + 272 986 = 365 y

On peut remarquer que INT (365.25 Y) conserve la même valeur 4


années consécutives ; en ignorant la fonction INT, on obtiendra la date la
plus précoce. En divisant les 2 membres par 365 la relation devient

y ^ Y ^ ( ) . 2 5 Y + 272 986
365

Pour rechercher les couples (Y, y) qui vérifient cette égalité, on opère de
la manière suivante. La fraction de droite étant un entier et si on appelle
n' cet entier on peut écrire :

y = Y + n'
Y = 1460 n - 1 091 944

ou encore

Y = 1 4 6 0 n - 1324

où l'entier n peut prendre toutes les valeurs possibles.


125

Ex. n = l Y = 136 y = 884

lelerThot 884 est tombé le 20/7/136


885 " 20/7/137
886 " 20/7/138
887 " 20/7/139

Le calcul est effectué pour la date du 20 juillet. Si on recherche la


coïncidence du 1er Thot avec une autre date du calendrier julien, le calcul
découle directement du précédent ; soit x le nombre de jours qui séparent
la nouvelle date du 20 juillet. (Ex.: 22 juillet ; x = 2). On aura

365

Y - 1460 n - 1 3 2 4 - 4 x

En faisant varier la valeur de n entre -3 et +3 pour couvrir la période


historique, et en choisissant des valeurs de x liées aux dates du lever
héliaque de Sirius, on obtient les résultats du tableau suivant

n Juillet Y(julien) y(Egyptien) Pér. Sot.

-3 19 5700 -4956
-2 19 4240 -3495 1460
-1 19 2780 -2034 1460
0 19 1320 -573 1460
1 20 136 884 1456
2 22 1588 2337 1452
3 25 3036 3786 1448

6) Les dates du leuer héliaque de


S i r i u s . (Le soleil est 10 degrés sous l'horizon).

A partir de 1600, les dates sont données dans le calendrier grégorien, ce


qui explique le saut de 10 jours qui se produit entre 1500 et 1600. Ce
saut artificiel dans la date du lever héliaque est souvent à l'origine
d'estimation erronée de l'effet de la précession car entre -5000 et 2000, la
date n'a pas varié de 16 jours mais seulement de 6 jours.
126

Equinoxe Solstice Lever hé


de print. d'été

2000 20 mars 21 juin 5 août


1900 21 mars 21 juin 4 août
1800 20 " 21 " 3 "
1700 20 " 21 " 2 "
1600 20 " 21 " 1 "
1500 11 " 12 " 22juil.
1400 1 1 " 13 " 21 "
1300 12 " 13 " 21 "
1200 13 " 15 " 21 "
1100 14 " 15 " 21 "
1000 15 " 16 " 21 "
0 22 " 24 " 20 "
-1000 30 " 2juil. 19 "
-2000 7 avril 11 " 19 "
-3000 15 " 18 " 19 "
-4000 23 " 26 " 20 "
-5000 2 mai 2 août 20 "

Dates du lever héliaque de Sirius (rapportée au 1er janvier) entre -5000 et


2000. Les calculs sont effectués pour la latitude de 32° avec une hauteur
du soleil qui varie entre 5° et 15° sous l'horizon.

L'année sothiaque avait la même durée que l'année julienne entre -5000
et 2000. A cette époque, le lever était fixe dans le calendrier julien.
127

Actuellement la dérive est de 1 j en 83 ans dans le calendrier grégorien;


elle serait seulement de 1 j en 225 dans le julien qui est plus proche de
l'année sidérale que le grégorien qui reproduit presque parfaitement
l'année tropique (ou de saisons). L'écart exprime le nombre d'années à
l'issue desquelles les 2 années comparées dérivent de 1 jour.

Année Année Année Année


julienne grégorienne tropique sothiaque

2000 365.250006 365.242506 365.242192 365.254438


1000 365.249943 365.242443 365.242253 365.253821
0 365.24988 365.24238 365.242315 365.253205
-1000 365.249816 365.242316 365.242377 365.252504
-2000 365.249753 365.242253 365.242438 365.251802
-3000 365.249689 365.242189 365.2425 365.251102
-4000 365.249626 365.242126 365.242561 365.250443
-5000 365.249562 365.242062 365.242623 365.249742

Année tropique = 365.242198 - 61610-8 T


Année julienne = 365.25 (1 + .0015/86400 T)
Année grégorienne = 365.2425 (1 + .0015/86400 T)

Avec T = (Année -1900) / 100

Comparaison entre les durées des différentes années et de l'intervalle de


temps séparant 2 levers héliaques de Sirius. L'accord est remarquable
entre les durées des années juliennes et sothiaques.
129

Publ. Obs. Astron. Strasbourg


Scr."Astron. & Se. Humaines" N° 8

LAZARIDES Ch.
Strasbourg (France)
131

m D A T A T I O N DE LA U I E DU

CHAIST

C'est là une question qui fait l'objet de débats depuis pratiquement le début de
l'ère chrétienne (déjà au Ile siècle, chez Irénée ou chez Tertullien). Dans le
cadre d'un exposé de trois quarts d'heure il ne pourra s'agir que de donner
quelques indications "programmatiques" pour ainsi dire, car sur chaque élément
(la date de la naissance, la date de la Crucifixion, la date du Baptême, la
question de "l'Étoile", etc...) il existe une très vaste littérature. Il s'agit vraiment
d'un thème pluridisciplinaire tout à fait en rapport avec l'intitulé de nos réunions
"Astronomie et Sciences Humaines" : s'y sont consacrés des historiens, des
théologiens, des chronologistes, et d'autre part des astronomes car les deux
dates déterminantes, la naissance et la mort, sont liées -directement et
indirectement- à des phénomènes astronomiques. Notons aussi que cette
question a pu intéresser des "astrologues" ou des "ésotéristes"

Une e n q u ê t e à r e b o n d i s s e m e n t s
On sait que les données historiques sur le Christ -en dehors des textes du
Nouveau Testament- sont pratiquement inexistantes, et les quelques rares
mentions sont sujettes à caution. C'est donc uniquement dans les données des
quatre Évangiles et de quelques passages des Actes des Apôtres que nous
trouvons les éléments pouvant servir à une datation et à une chronologie. Il
existe en effet quelques "synctironismes" nous permettant de faire le pont avec
la réalité historique connue par ailleurs. Un "synchronisme" est la mise en
parallèle, dans le texte du Nouveau Testament, d'un fait de la vie de Jésus-
Christ avec un fait repérable historiquement : ainsi la naissance (Matthieu, 2,1)
a lieu "au temps du roi Hérode", la Crucifixion à l'époque où Ponce Pilate était
gouverneur (ou préfet) de la Judée, etc... Il y a ainsi un tout petit nombre
éléments dont on pourrait penser avoir fait rapidement le tour ; et l'on pourrait
escompter ainsi soit arriver rapidement à une datation indiscutable, soit devoir
renoncer définitivement -par manque de documents- à toute datation. Mais le
132

paradoxe, et la véritable fascination que peut exercer ce sujet, c'est que depuis
pratiquement 2000 ans l'enquête rebondit sans cesse. Les progrès, ou les
solutions temporaires, en histoire, en chronologie, en astronomie, ont fait sans
arrêt réviser des choses qui paraissaient définitives. Nous ne saurions rendre
compte ici de cette histoire des déterminations chronologiques car c'est par
dizaines de milliers que se comptent les travaux sur le sujet.

La q u a d r a t u r e du c e r c l e
L'équation à résoudre se pose en gros de la manière suivante. La naissance est
principalement reliée à deux synchronismes :

Matthieu, 2,1. "Jésus étant né à Béthléem de Judée au temps du roi Hérode."


(Trad. T.O.B)

Luc, 2,1. "Or, en ce temps-là parut un décret de César Auguste pour faire
recenser le monde entier. Ce premier recensement eut lieu à l'Epoque où
Quirinlus était gouverneur de Syrie." (Jraà. T.O.B)

A cela s'ajoute la mention de l'étoile des Mages, qui a fait couler beaucoup
d'encre mais qui, au départ, ne permet aucun synchronisme évident.

C'est ensuite en Luc, 3 qu'apparaissent les éléments d'un autre synchronisme :

Luc, 3,1-3. "L'an quinze du gouvernement de Tibère César, Ponce Pilate étant
gouverneur de la Judée, Hérode tétrarque de Galilée, Ptiilippe son frère
tétrarque du pays d'Iturée et de Trachonitide, et Lysanias tétrarque d'Abilène,
sous le sacerdoce de Hanne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée à Jean
fils de Zacharie dans le désert. Il vint dans toute la région du Jourdain,
proclamant un baptême de conversion..." (Trad. T.O.B.)

Luc, 3,23. "Jésus, à ses débuts, avait environ trente ans" (Trad. T.O.B)

Tout un débat existe sur la traduction de ce passage. Est-ce "Jésus, à ses


débuts...", ou bien "entrait dans ses trente ans", ou bien "entrait dans les années
de la trentaine" etc.... En bref : avait-il alors 29,30, 31 ans ?

Mais cela ne nous dit pas précisément depuis combien de temps Jean-Baptiste
baptisait lorsque Jésus vint à lui. D'autre part la quinzième année de Tibère peut
être déterminée de plusieurs façons :

- d u 1-10-27au 30-9-28
- d u 1- 1-28 au 31-12-28
- d u 19- 8-28au 18- 8-29
133

Enfin, la mention de Ponce Pilate dans les événements de la Semaine Sainte


situe cette dernière quelque part entre l'an 26 et l'an 36.

Sachant par ailleurs que l'on n'a pas de renseignement sur la durée précise de
la vie de Jésus-Christ (33 ans est une tradition qui ne repose sur aucun passage
des Évangiles), et que l'on n'a pas non plus la durée exacte du "ministère" du
Christ (c'est-à-dire de son activité à partir du Baptême dans le Jourdain), nous
avons ainsi affaire à un système qui est au départ assez mobile : les
déterminations peuvent remonter jusqu'à pratiquement l'an 12 avant Jésus-
Christ pour la naissance et aller jusqu'à l'an 36 après Jésus-Christ pour la mort,
ce qui, dans l'hypothèse la plus extrême, pourrait conduire à une vie de près de
50 ans.

C'est là du moins ce que permettent les synchronismes bruts. Mais, en tenant


compte maintenant des progrès de la chronologie, de l'astronomie, et de
certaines découvertes archéologiques et historiques récentes, ce système
mobile peut être "calé", et -à mon sens- nous sommes maintenant très près
d'une datation très cohérente de la vie de Jésus-Christ.

La d a t e de la C r u c i f i K i o n
L'absence de J.P. Parisot, qui devait parler plus spécialement de la datation de
la naissance, va m'obliger à développer plus moi-même cette question, et de ce
fait je passerai rapidement sur le problème de la date de la Crucifixion, non pas
qu'il ne soit pas important et passionnant -loin de là I- mais parce qu'il est
aujourd'hui pratiquement résolu et que je ne pourrais que répéter ce qui a été
bien établi par plusieurs chercheurs, en particulier Humphreys et Waddington
(voir bibliographie) et repris par J.P. Parisot justement, dans un article de la
revue Ciel et Espace (voir bibliographie).

Ces travaux établissent la date du 3 avril 33 comme étant la seule date


remplissant toutes les conditions et en particulier correspondant parfaitement au
calendrier juif. Dès 1934 Fotheringham avait établi la chose de manière quasi
certaine, et même dès 1880 Riess était arrivé aux mêmes conclusions. Il faut
savoir que cette date avait déjà été proposée au Xlie siècle.

Tous les problèmes chronologiques de la Semaine Sainte ne sont pas résolus,


en particulier le fait que sont donnés -dans les Évangiles de Marc et de Jean-
deux jours différents pour la date de la Caien. Mais les travaux d'Annie Jaubert
(voir biblio.) ont au moins montré qu'il pouvait y avoir là, non pas une
contradiction insoluble, mais l'utilisation d'un double calendrier. De toute façon
cela ne modifie pas vraiment la détermination du jour de la mort, qui serait donc
le Vendredi (veille du sabbat) 3 avril de l'an 33. Et l'on note que ce jour-là eut
lieu sur la fin du jour une éclipse... de lune. Nouvelle interrogation, car il est
134
135

signalé dans le Nouveau Testament que le soleil s'est obscurci. Une éclipse de
soleil est de toute façon une impossibilité au moment de la Pâque juive puisque
celle-ci se situe à un moment de pleine-lune (où seules sont possibles des
éclipses de lune). Tout un débat s'est ouvert récemment sur la visibilité de cette
éclipse de lune depuis Jérusalem le soir de la Crucifixion car elle s'est déroulée
très près de l'horizon et c'est "au millimètre près" que l'on peut discuter de ces
conditions de visibilité. Ivlais cela ne change rien au problème de datation. Quant
au phénomène d'obscurcissement du soleil, plusieurs hypothèses pourraient
l'expliquer sans faire appel à une erreur ou à une confusion de l'Évangéliste.

Le p r o b l è m e de le d a t a t i o n du B a p t ê m e
Je passerai très rapidement aussi sur ce problème. Sur la base du passage cité
plus-haut concernant le synchronisme avec Tibère, et en tenant compte du fait
que trois pâques différentes sont mentionnées dans l'Évangile de Jean, on peut
situer le Baptême en l'an 31, ou bien en l'an 30 si l'on admet une pâque qui
n'aurait pas été mentionnée (thème de "l'année silencieuse du Christ"). A quel
moment de l'année ? C'est toute une nouvelle série d'hypothèses qui se
présentent là. La date traditionnelle du 6 janvier a-t-elle quelque valeur
historique ?

En situant -par hypothèse- le Baptême le 6 janvier de l'an 30, nous aurions 3 ans
et 1/4 pour la durée du "ministère" ; en la situant le 6 janvier de l'an 31, nous
aurions une durée de 2 ans 1/4. C'est une question essentielle car c'est vraiment
à ce moment du Baptême que, pour ainsi dire, naît le Christ proprement dit:

Luc, 3,22. "Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré" (Jraô. T.O.B)

Je penche pour la solution des 3 ans et quelques ; mais nous ne développerons


pas cette question ici.

Le p r o b l è m e de la datation de la
naissance
Nous passons donc à ce moment qui représente l'autre borne de la biographie et
dont la détermination pose des problèmes très complexes.

Nous avons vu qu'il y avait 2 synchronismes essentiels dont il fallait tenir


compte : Hérode et le "recensement" par Quirinius.

1) - dans le sens du texte de Matthieu, Hérode était vivant au temps de la


naissance de Jésus. En d'autres termes, cette naissance a précédé la mort
136

d'Hérode, et même "d'un certain temps", car il faut justifier le fait qu'Hérode fait
tuer tous les enfants de moins de 2 ans. Si l'on avait donc la date de la mort
d'Hérode, on aurait une sorte de terminus ante quem, avant lequel il faudrait
chercher la naissance. Or, Flavius Josèphe (voir bibliographie apporte des
éléments concernant le règne d'Hérode et sa mort. Il y a en particulier la mention
d'une éclipse de lune (encore ! ou déjà I) qui aurait précédé de peu cette mort
d'Hérode. Après divers recoupements -dans le détail desquels je n'entrerai pas
ici- deux solutions s'avèrent possibles : l'éclipsé de lune du 12/13 mars de l'an 4
avant J.C. et l'éclipsé totale de lune du 9/10 janvier de l'an 1 avant J.C. En
étudiant par ailleurs les deux déterminations chronologiques du règne d'Hérode
données par Flavius Josèphe, la plupart des chercheurs ont cru pouvoir affirmer
que c'est la date de 4 avant J.C. qui était la bonne. Et, à partir de là, ils ont
supposé vers 6 avant J.C. la naissance de Jésus.

2) - le problème du "recensement"6e Quirinius est assez complexe aussi. Il y a


mention d'un tel recensement, mais en 6 après J.C. ce qui ne peut s'accorder de
toute façon avec aucune chronologie de la vie d'Hérode. Mais l'on sait par
ailleurs que ce Publius Sulpicius Quirinius fut chargé de la politique romaine
dans la région dès l'an 12 avant J.C. et l'on peut supposer un "recensement"
-dont les documents ne disent rien- à n'importe quel moment entre l'an 12 avant
J.C. et l'an 1 avant J.C.

A ces deux synchronismes sont venus s'ajouter deux éléments beaucoup plus
aléatoires, mais qui -par une sorte de renforcement mutuel entre eux, ainsi
qu'avec les deux synchronismes- ont fini par créer une sorte de pseudo-
évidence qui a bloqué la recherche pendant des décennies. Ces deux autres
éléments sont :

3) - ladite "erreur"6e Denys le Petit (5® siècle), qui se serait trompé de 6 ans en
déterminant le début de l'ère chrétienne

4) - le thème de "l'étoile", avec en particulier la fascination exercée par la triple


conjonction Jupiter-Saturne en l'an 7 avant J.C.

Nous voyons donc s'instituer une sorte de "cercle vicieux" entre ces quatre
éléments qui semblent se soutenir l'un l'autre. Mais est-ce sur une base solide ?

En fait dès 1880 Florian Riess (voir bibliographie.) avait remis en question l'un
après l'autre ces quatre éléments et il était arrivé à la conclusion que rien
n'interdisait -et même que tout justifiait- de situer la naissance en l'an 1 avant
J.C.

Une petite précision sur le comptage des années s'avère nécessaire ici. Il y a
deux manières de compter les années "préchrétiennes"-.
137

- le mode "astronomique", avec une année "0" puis, en remontant, les années
-1,-2, -3, etc....

- le mode "historique", où il n'y a pas d'an 0 et où l'on passe donc directement de


l'an 1 avant J.C. à l'an 1 après J.C. L'an 1 avant J.C.correspond à l'an Odes
astronomes, l'an 2 avant J.C. à l'an -1, etc... Il y a donc toujours une unité de
décalage entre les deux décomptes des temps "prochrétiens". Par contre l'an 1
après J.C. est le même pour tout le monde. Ceci est important à noter car il
existe des articles où il y a confusion entre le comptage en "-" et en "avant J.C.,
ce qui peut amener des confusions quant aux phénomènes astronomiques qui
se sont déroulés telle ou telle année. Dans mon schéma, j'indique les 2
comptages, ainsi que les deux comptages des années romaines (celui de Denys
le Petit et celui que l'on prétend "rectifié" et qui est le plus courant dans les
manuels d'histoire).

Après donc les remises en question passées inaperçues de F. Riess (1880 et


1883), pendant 90 ans la grande majorité des travaux vont placer comme une
sorte de point de départ la nécessité de reculer la naissance vers l'an 6 avant
J.C. C'est en 1972 que va paraître un ouvrage qui, lui aussi, est passé
grandement inaperçu, et qui mettait à nouveau en doute les 4 a priori que nous
avons mentionnés. Il s'agit du travail de Ormond Edwards "A new Chronoloqy
of the Gospels" (voir bibliographie.). Puis, à partir de 1978, et -semble-t-il-
indépendamment des travaux d'Edwards, d'autres chercheurs (Ciotti, Martin,
Mosley, Lemmer, etc...) (voir bibliographie.) vont remettre aussi en question ces
différents "alibis" de la chronologie en faveur de l'an 6 avant J.C., pour constater
en particulier que le problème de la mort d'Hérode pouvait être pris tout
autrement. En 1982 Edwards (voir bibliographie.) donnera une étude solide pour
étayer le déplacement de la mort d'Hérode vers l'an 1 avant J.C. et il en tirera les
conséquences pour la datation de la naissance d^ Jésus dans un livre de 1986
"The Time of Christ (A Chronoloqy of the Incarnation" (voir bibliographie). Si
l'on veut résumer très succinctement ces différents travaux, on peut dire :

1) - selon la façon dont on comptabilise les années du règne d'Hérode selon les
deux indications différentes de Josèphe, on peut aboutir, pour sa mort, à l'an 1
avant J.C. Par ailleurs, les conditions de la mort d'Hérode relatées par Josèphe,
et en particulier la mention de l'éclipsé de lune, peuvent aussi être situées -de
façon tout à fait cohérente- en l'an 1 avant J.C.

2) - en ce qui concerne ledit "recensement" ôe Quirinius -qui de toute façon ne


peut pas être celui de l'an 6 après J.C.- ce serait donc, ainsi que le dit le texte de
l'Évangile, un "premier recensement", c'est-à-dire antérieur à celui plus connu de
6 après J.C. recensement qui pourrait être situé -a priori- en l'an 2 ou 1 avant
J.C. Un fait curieux est qu'il est fait mention d'un tel recensement chez l'écrivain
Orose (5® siècle) ; il pourrait s'agir d'un recensement atypique pour le jubilé (25
ans de règne) d'Auguste.
138
139

3) - ladite "erreur" ûe Denys le Petit pourrait bien alors ne pas être une erreur,
ou bien se limiter -tout au plus- à un problème d'ajustement sur une année
(précisément l'an 0 des astronomes qui n'existe pas en chronologie historique). Il
faudrait ici étudier en détail par quelles voies on en est arrivé à supposer cette
prétendue "erreur".

4) - enfin, la question de "l'étoile" serait à ré-envisager dans une tout autre


optique, et c'est ce que je vais tenter de faire au paragraphe prochain.

Ces différents éléments nous permettent d'effectuer un RETOUR A L'AN ZÉRO


(1 AVANT J. C.), pour ainsi dire. La naissance pourrait se situer au tout début
de cet an 0, voire à la tin de l'an -1 (2 avant J.C.). La mort d'Hérode se situerait
entre l'éclipsé du 9/10 janvier et la pâque de cet an 0. Une première
conséquence de cette datation serait que la vie de Jésus-Christ -en admettant la
date du 3 avril 33 pour sa mort- aurait duré 33 ans (et 3 mois).

Bien entendu, chaque détail de la démonstration demanderait à être longuement


étudié, mais l'on peut dire -à la lumière de ces travaux récents (Edwards, Ciotti,
Martin, Mosley, Lemmer) (voir bibliographie)- qu'en tout cas cette datation ne
rencontre plus les 3 ou 4 obstacles que l'on croyait inamovibles, et que par
ailleurs elle résout de façon cohérente la plupart des contradictions qui
demeuraient avec une naissance située vers 6 ou 4 avant J.C.

Mais alors, l'étoile ?


C'est là en effet le cri que pourront pousser beaucoup de chercheurs qui^ avaient
fondé tout leur raisonnement sur la fameuse "Étoile des Mages" ou "Étoile de
Béthléem", et en particulier de nombreux astronomes qui se sont passionnés
pour cette question. Citons en particulier David Hughes et Konradin Ferrari
d'Occhieppo (voir bibliographie) qui ont rédigé à eux seuls une véritable petite
bibliothèque sur la question de l'étoile des [^ages.

Je voudrais faire ici une remarque à caractère épistémologique. Le


raisonnement de la plupart de ceux qui ont lié la datation de la naissance au
problème de l'étoile repose sur deux postulats qui me paraissent tous deux très
aléatoires :

- tout d'abord l'idée que l'étoile devait correspondre à un phénomène


astronomique visible, et surtout uniquement à cela ;

- ensuite l'idée qu'il devait y avoir simultanéité ou synchronicité entre ce


phénomène astronomique et la naissance.
140

La triple conjoncture Jupiter-Saturne de l'an 7 avant J.C. (-6)


( H o f f m a n n K . F . "Der Stern der Weissen")
141

Cela a conduit à une recherche des phénomènes astronomiques s'étant


déroulés entre 12 avant J.C. et 1 avant J.C. -fort intéressante au demeurant-
mais où, me semble-t-il, on a cherché, avec une mentalité très matérialiste, ce
qui avait été le plus spectaculaire, le plus visible, le plus "gros", donc à travers
des critères et une hiérarchie des valeurs qui n'étaient peut-être pas ceux de
cette époque, et qui ont pu faire passer à côté d'éléments essentiels.

Le phénomène qui a le plus attiré l'attention est la triple conjonction Jupiter-


Saturne au cours de l'année 7 avant J.C. (-6). Képler déjà avait signalé ces
conjonctions, surtout d'ailleurs pour les mettre en rapport avec celles de 1604.
Cette triple conjonction de l'an -6 se déroula dans la constellation des Poissons,
à proximité du point vernal. Il y a là toute une symbolique s'accordant bien avec
l'idée de la Venue du [Messie (Les Poissons sont traditionnellement le signe du
Sauveur du Monde). Mais d'autres phénomènes ont été proposés pour occuper
le rôle déterminant: : la comète (ou la nova) du Capricorne en 5 avant J.C., la
nova de l'Aigle en 4 avant J.C., la triple conjonction de Jupiter avec Régulus en 3
et 2 avant J.C. (là encore, on notera la symbolique de Régulus = "le petit roi", lié
à la naissance d'un Roi), les conjonctions entre Vénus et Jupiter en 3 et 2 avant
J.C. Je passe sur un certain nombre d'autres propositions.

Or, par rapport à ces phénomènes qui parlent en effet un langage symbolique
singulièrement précis, et qui sont astronomiquement remarquables, on peut se
situer d'une tout autre manière que de chercher à tout prix au moment de quel
phénomène particulier la naissance a pu avoir lieu.

Si l'on situe -dans le sens de l'hypothèse ici défendue- la naissance au cours de


l'an 0 (1 avant J.C., on constate que les phénomènes en question s'étendent sur
pratiquement les 6 ou 7 ans qui précèdent. Dans le sens de l'astrologie ou des
conceptions religieuses anciennes, on peut bien envisager la chose suivante.

Tout d'abord, il est assez évident que l'étoile, avant d'avoir une signification
astronomique, signifie l'âme qui, dans les mondes spirituels, s'approche de la
naissance. Cela n'empêche pas d'ailleurs -toujours dans le sens même d'une
symbolique religieuse-astrale- que ce processus se lie précisément aux
phénomènes astronomiques. Dans ce sens, les Mages ont bien pu voir le début
de ce processus spirituel dans la fameuse triple conjonction de l'an 7 avant J.C.,
comme un signe annonciateur de la Venue du Messie. Ensuite, les divers autres
phénomènes, et en particulier les conjonctions Jupiter-Régulus, ont pu marquer
des étapes de ce processus de préparation ou de gestation spirituelle. Quant à
la naissance elle-même, elle aurait eu lieu à proximité d'un autre événement qui
n'est jamais évoqué dans les études sur le sujet mais qui prend en fait une
grande signification dans la logique de l'astronomie-astrologie antique,
babylonienne en particulier : la triple quadrature Jupiter-Saturne de l'an 0. En
effet il existe un lien organique entre la triple conjonction et la triple quadrature
(qui a toujours lieu environ 7 ans après), qui certes est moins spectaculaire mais
qui, dans la logique astrologique, représente en quelque sorte la concrétisation
142

de ce qui n'était que signe annonciateur dans la conjonction. Certains auteurs -et
ne versant pas obligatoirement dans des spéculations ésotériques- ont
remarqué que Jupiter pouvait être pris comme une sorte de guide au cours de
ces 7 ans ; en suivant ses diverses rencontres avec les autres planètes et avec
les étoiles fixes, il semble raconter une sorte d'histoire symbolique, qui se
réalisera par la suite de façon plus concrète, (voir schéma)

Les phénomènes astronomiques situés entre 7 avant J.C. et 1 après J.C. ne


seraient donc pas à interpréter comme simultanés ou synchrones avec la
naissance mais comme significatifs d'une sorte de "gestation spirituelle". La
naissance proprement dite se situerait au terme de cette "histoire cé/esfe" pour
ainsi dire. Bien sûr, il faudrait entrer ici dans le détail des significations
symboliques des rencontres entre planètes entre elles ou avec les étoiles fixes.
Et surtout cela débouche sur des questions encore plus difficiles, et que souvent
les astronomes qui "cherchent l'étoile" estompent un peu trop.

Ils sont en effet souvent pris dans une logique contradictoire : d'un côté, ils
veulent bien voir dans l'étoile le signe de la naissance, mais ensuite ils ne tirent
pas les conséquences épistémologiques de cela : car si Jésus naît vraiment et
que le signe en est manifesté par l'Univers, cela cautionne toute une forme
d'astrologie. Ou bien alors il faut supposer que des prêtres manipulateurs ont
construit tout un mythe sur la base des phénomènes astronomiques. Souvent,
les astronomes éludent ces implications. Il est intéressant de noter qu'un
directeur de planétarium où se pratiquait depuis des années le classique
spectacle d'avant Noël sur "l'étoile de Bethléem" s'est un jour aperçu qu'en fait
toute la logique du spectacle était une caution implicite de la logique
astrologique et s'est empressés de "rectifier"ce programme du planétarium. En
fait la plupart des travaux d'astronomes sur l'Etoile des Mages flirtent avec les
mêmes ambiguïtés. Personnellement, cela ne me gène pas car je n'ai pas à
défendre une logique rationaliste pure et dure mais je pose la question aux
intéressés.

Une n a i s s a n c e ? Ou deuK n a i s s a n c e s ?
Je voudrais -pour conclure- aborder une question qui va aller encore plus loin
dans l'hérésie, et qui va sûrement déclencher une certaine épouvante chez
certains. Et je le ferai pour deux raisons :

- d'abord parce que c'est un auteur scientifique -au départ non suspect de
complaisance pour les spéculations mystiques- qui aboutit à cette hypothèse
après des années de travaux sur le sujet. Il s'agit de David Hughes (voir
bibliographie.)
143
144

- ensuite, surtout, parce que cette donnée -toute paradoxale qu'elle soit- éclaire
une foule de choses dans les récits de la Nativité. En bref, dans les textes de
Matthieu et de Luc, tout se passe comme si cette idée était implicite.

Voilà de quoi il s'agit. Dans "Le Monde" du 28-12-1977, Jean-Louis Lavallard


résume les travaux de Hughes et il remarque :

"Hughes lui-même n'en exclut pour autant pas d'autres hypothèses. Il va même
jusqu'à rappeler que Steiner, pour concilier des textes contradictoires sans avoir
à les interpréter ou à changer leur traduction traditionnelle, avait émis
l'hypothèse qu'il y ait eu deux messies dénommés Jésus, nés à des temps peu
différents..."

Les indications de Steiner (voir bibliographie.) prennent tout leur sens dans un
contexte ésotériques fort complexe qui ne saurait être résumé en quelques
mots. Mais, pour nous en tenir aux aspects immédiats de la question, on peut
dire qu'il affirme que les récits de Matthieu et de Luc décrivent deux naissances
différentes, ce qui explique les "variantes" qui sont en fait bien plus que des
variantes. Il y a en particulier le problème des deux généalogies, différentes
chez Matthieu et chez Luc, problème qui ne peut être résolu en disant que l'une
serait celle du père et l'autre celle de la mère (solution qui contredit le texte des
Évangiles). D'autre part, cela permettrait de résoudre le problème de la présence
d'Hérode dans Matthieu, son absence dans Luc -du moins son absence en
rapport avec la naissance, puisqu'il est mentionné en Luc, 1,5, mais alors en
rapport avec l'Annonciation de la naissance de Jean Baptiste-. Tous ces petits
détails chronologiques s'harmoniseraient de façon remarquable dans la solution
par les deux Jésus. C'est ce que Steiner résume ainsi dans "L'Évangile selon
Saint Luc" (1909) :

" Deux enfants Jésus sont donc nés à quelques mois de distance. Ma/s l'enfant
Jésus de Luc, ainsi d'ailleurs que Jean Baptiste, naquit assez tard pour que le
massacre des Innocents n'ait pu l'atteindre ; en effet aviez-vous jamais réfléchi
au fait que ceux qui lisent ce qui nous est dit du massacre des enfants de
Béthléem devraient se demander comment il se fait que Jean Baptiste a pu
survivre ? Car vous verrez que tous les faits concordent (...) les événements
racontés par l'évangile de St Matthieu et ceux que rapporte l'évangile de St Luc
n'ont pas eu lieu en même temps, si bien que la naissance du Jésus de la lignée
de Nathan ne tombe pas au moment du massacre des Innocents. Il en est de
même pour Jean Baptiste. Bien qu'il n'y ait eu que quelques mois de différence,
cela suffit pour rendre la chose possible..."

Dans le cadre d'une telle hypothèse, il faudrait envisager que la naissance du


Jésus de Matthieu ait eu lieu fin de l'an 2 avant J.C. ou début de l'an 1 avant J.C.
tandis que celle du Jésus de Luc aurait eu lieu après, dans le courant de l'an 1
avant J.C., éventuellement vers la fin de l'année, c'est-à-dire pratiquement au
seuil de l'an 1 de notre ère. Entre les deux naissances il y aurait moins d'un an;
145

ce serait donc bien une question de mois et non d'années. Hérode étant mort en
février ou mars de cet an 1 avant J.C. il serait compréhensible que Luc n'évoque
plus ledit "massacre des Innocents".

Nous aurions donc au cours de l'An Zéro (1 avant J.C.) les deux naissances,
voire les trois, dans l'ordre : celle du Jésus de Matthieu au tout début de l'année,
celle de Jean Baptiste vers le moment du solstice d'été, et celle du Jésus de Luc
à la fin de l'année.

Or, il est à remarquer -et on peut avoir un aperçu de ce débat jusque dans la
très respectable revue "Nature" (voir bibliographie.)- que plusieurs textes
hébraïques anciens contiennent des éléments indiscutables sur l'attente des
deux messies et du prophète. Il semble que ces trois naissances étaient la base
de l'attente messianique juive au 1 er siècle avant J.C. : l'Annonciateur, le Messie
Royal, le Messie Sacerdotal. Or c'est bien ce qui apparaît dans la double
généalogie : Messie Royal -par Salomon- chez Matthieu, Messie Sacerdotal -par
Nathan- chez Luc. C'est aussi dans ce sens que pourraient être interprétés
certains éléments astronomiques des 7 ans préparatoires.

Des éléments de réflexion sur cette question des deux messies se trouvent dans
les articles de Beasiey-Murray et de Philonenko (voir bibliographie) ainsi que
dans le texte gnostique "Pistis Sophia" et dans les Manuscrits de la Mer Morte.

Par ailleurs, on retrouve dans des tableaux de la Renaissance une trace


picturale de cette tradition des deux Jésus. Bien sûr, cela ne démontre rien en
ce qui concerne la véracité d'un tel fait, mais il est quand même très curieux
qu'apparaissent de façon ostensible sur de nombreux tableaux la présence de
deux Jésus. Hella Krause-Zimmer a consacré un livre entier à cette question
(voir bibliographie.). Nous lui empruntons la reproduction d'un tableau parmi les
plus beaux de ceux où s'exprime cette énigme : il s'agit d'un tableau de
Bergognone (ou Borgognone) représentant la fameuse scène de Jésus
enseignant les docteurs dans le Temple, et où l'on voit au premier plan un
second Jésus qui semble s'en aller, "céder la place". On notera la magnifique
complémentarité des gestes des deux Enfants. C'est en tout cas, d'après
Steiner, le moment -à l'âge de 12 ans (c'est-à-dire 12 ans pour l'un, et
éventuellement 11 ans pour l'autre)- où l'un des enfants serait mort, et c'est à
partir de ce moment que nous n'aurions plus qu'un seul Jésus.

Je termine donc sur cette hypothèse osée mais qui -je le répète- a attiré
l'attention de plusieurs chercheurs tout à fait rigoureux, dont des astronomes, qui
ont été conduits à l'envisager, on peut dire : sous l'évidence même des faits
rencontrés en approfondissant le sujet de la datation de la naissance de J.C.
Bien sûr, ils ont éventuellement plus de problèmes ensuite en ce qui concerne la
logique ésotérique qui va avec... Mais il est clair qu'au niveau purement formel,
tout se passe comme si les choses étaient ainsi.
146

59. Borgognone : Jesus a douze ans dans le Temple (S. Ambrogio. Milan)
147

Conclusion-résumé
La mort du Christ peut être maintenant datée avec une quasi certitude au 3 avril
de l'an 33. Le problème de la datation de la naissance est plus complexe. Quatre
pseudo-évidences ont longtemps bloqué la recherche. En fait, certains auteurs
de la fin du XIX© siècle étaient sur la bonne voie mais leurs travaux ont été
curieusement "occultés". C'est à partir des années 1970 que l'on revient à l'idée
que la naissance a pu avoir lieu au cours de l'an 1 avant J.C. (An "Zéro" des
astronomes) à condition de réviser les quatre idées reçues mentionnées :
datation de la mort d'Hérode, datation du "recensement" de Quirinius, prétendue
"erreur de Denys le Petit", simultanéité de la naissance et d'un phénomène
astronomique spectaculaire (en particulier triple conjonction Jupiter-Saturne de 7
avant J.C.).

Mais au-delà de ce "retour à l'An Zéro", riche d'implications chronologiques,


s'ouvre alors une nouvelle question, une nouvelle énigme, celle concernant
l'éventualité qu'il y ait eu, non pas une naissance, mais deux naissances, toutes
deux au cours de l'An Zéro (1 avant J.C.).

Dans le cadre d'une telle datation, Jésus-Christ serait bien mort à 33 ans (ou 33
ans et 3 mois), durée retenue par la tradition.

On ne peut pas dire que cette datation est absolument "démontrée" mais ce qui
est sûr maintenant, c'est qu'elle n'est pas impossible -ce que l'on a cru pendant
des décennies-. Elle respecte parfaitement les synchronismes^du Nouveau
Testament, et elle permet d'expliquer nombre de détails des Évangiles qui
pouvaient apparaître superflus, voire contradictoires.

L'enquête a une fois de plus rebondi, elle n'en est que plus passionnante.
148

Liures et Articles consultés


(Les a u t e u r s d o n t le n o m est p r é c é d é d ' u n e étoile * sont les p l u s significatifs d e
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ZUMPT A.W. : "Das Geburtsjahr Christi"- Leipzig, 1869.

>t« * *
155

INDEK

Uolumes 1 à 7

Uolume 1

Editorial 1
P. Erny et C. Jaschek

Le Calendrier Gaulois de Coligny 3


J.P. Parisot

Temps et Devenir I et II 23
H. Barreau

Essai de Reconstruction des Extrema Solaires


Historiques 51
J.P. Rozelot'

Temps, Durée et Naissance des Calendriers 55


L. Molet

La Détermination et la Conservation de l'Heure :


Histoire d'une Fonction Sociale 59
G. Jasniewicz

Division et Continuité du Temps dans les Mythes


Grecs : Le Seuil et le Cercle 65
R. Triomphe

Abu Ma Sar et la Théorie des Grandes Conjonctions 81


E.H. Wagner

Les Calendriers Liturgiques et les Irrégularités de


la Date de Pâques 95
F. Suagher et J.P. Parisot

Les Phénomènes "Météorologiques" dans la Tradition


Populaire 117
K.A.F. Fischer
156

Uolume 2

Editorial 1
P. Erny et C. Jaschek

Le Zodiaque de Denderah 3
H. Andrillat

Le Lever Héliaque de Sirius 27


J.P. Parisot

L'Astronomie des Anciens Mayas 57


G. Jasniewicz et F. Jaffiol

"Année Platonicienne" et Période Précessionnelle 65


Ch. Lazaridès

Les Boîtiers Rituelles de Printemps 81


A. Lebeuf

L'Observation Populaire de la Chute des Météorites


(Deux Enquêtes Publiques sur les Chutes de Météorites ou
la Population Face à des Phénomènes Célestes) 99
A. Florsch

La Mesure du Temps chez les Celtes 117


J.M. Le Contel et P. Verdier

Hildegarde de Bingen : Représentations Cosmologiques 135


£ Klein

•kick
157

Uolume 2

Editorial 1
P. Erny et C. Jaschek

La Lune vue par les Grecs 3


R. Triomphe

Le Calendrier Romain de 304 Jours 17


J. Hornecker

Ma Traduction du Calendrier de Coligny 23


P.E.A. Verdier

L'Observatoire Astronomique de la Cathédrale Saint-Lizier


de Couserans 39
A. Lebeu

Astronomy in Europe between 8000 and 1200 BC 79


W. Schlosser

Nicolas Machiavel et la Structure ternaire de l'Univers 93


P. Kah

Uolume 4

Editorial 1
P. Erny et C. Jaschek

Durée et Temps à Madagascar 3


Ml. Molet

Gammes Planétaires et Harmonie Cosmique au Haut Moyen Age 13


J. Vireî

Le Songe de Kepler 27
H. Andrillat

Le Carnaval et le Calendrier de Coligny 35


P. Verdier

* * *
158

Uolume 5

Editorial 1
P. Erny et C. Jaschek

Symbolique Cosmique et Images Antioques du Ciel 5


R. Triomphe

L'Ethnographie des Astronomes 37


A. Lebeuf

Les Moitiés Masculines et Féminines du Ciel : Astronomie de


quelques Tribus Guyanaises 58
E. Magana-Torres

Emigration - Sort d'Astronomes Allemands en 1918 et


Aujourd'hui 73
Th. Schmidt-Kaler

Les Comètes d'AtawalIpa : Astronomie et Pouvoirs dans


l'Empire Inca 91
M. S. Ziolkowski

* * *
159

Uolume 2

Editorial i
P. Erny et C. Jaschek

Le Cycle Lunaire et sa Signification chez les Indiens Mexicains 1


U. Kôhler

Les Mégalithes de Bretagne et les Théories Astronomiques.


Cent ans d'interrogations. 15
J. Briard

Dans le Procès de l'Astrologie, le rationalisme est-il tout à fait


Rationnel ? 35
C. Maillard

Commentaire sur l'Exposé de M. Maillard 49


H. Andrillat

Préoccupations Cosmologiques et Astronomiques dans les


Travaux de l'Ecole Française d'Ethnologie dans la Boucle
du Niger 53
P. Erny

Les Moitiés Masculines et Féminines du Ciel : Astronomie de


quelques Tribus Guyanaises (Article paru dans Volume 5)
Bibliographie 75
E. Magana-Torres
160

Uolume 2

Editorial i
P. Erny P. - Jaschek C.

Jésus, est-il né au solstice d'hiver ? - L'Invention de Noël 1


Levy M.L

Hipparque, sa vie, son oeuvre 11


Brunet J.P. • Nadal R.

Les Incas étaient-ils capables de prévoir les éclipses de


lune ? 23
Zliolkovski M. - LebeufA.

Le proche et le lointain : Eléments d'Ethnoastronomie


Emerillon (Guyane Française) 43
Mohan N.. - Navet E.

L'Univers est-il déterminé ?


Andrillat H.

Un théâtre astronomique en Avignon - Le Planétarium à miroir


de Kircher (1632-1633) - Avant-projet de reconstruction 67
OudetJ.F.

La cosmologie mythologique : le rationnel dans l'irrationnel 79


Radoslavova T. - Simanov A.
161

INDEK

RUTEURS

Andrillat H. 2,3 ; 4,27 ; 6,49 ; 7,67


Barreau H. 1,23
BriardJ. 6,15
Brunei J.P. 7,11
Erny P. 1,1 ; 2,1 ; 3,1 ; 4,1 ; 5,3 ; 6,53
Fischer K.A.F. 1,117
FlorschA. 2,99
Hornecker J.P. 3,17
Jaffiol F. 2,57
Jaschek C. 1,1 ; 2,1 ; 3.1 ; 4,1 ; 5,3
Jasniewicz G. 1,59 ; 2,57
KahP. 3,93
Klein E. 2,135
Kôhler U. 6,1

Lazaridès Ch. 2,65


Lebeuf A. 2,81 ; 3,39 ; 5,37 ; 7,23
Le ContelJ.M. 2,117
Levy M.L. 7,1

Magana-Torres E. 5,59 ; 6,75


Maillard C. 6,35
Mohia N. 7,43
Molet L. 1,55 ; 4 , 3
162

Nadal R. 7,11
Navet R. 7,43
OudetJ.F. 7,79
ParizotJ.P. 1,3, 95 ; 2,27
Radoslavova T. 7,95
RozelotJ.P. 1,51
SchlosserW. 3,79
Schmidt-Kaler Th. 5,73
Simanov A. 7,95
SuagherF. 1,95
Triomphe R. 1,65 ; 3,3 ; 5,5
Verdier P. 2,117 ; 3,23 ; 4,35
Viret J. 4,13
Wagner E.H. 1,81
Ziolkowski M.S. 5,91 ; 7,23

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