Au Commencement Était Le Verbe (Origene)
Au Commencement Était Le Verbe (Origene)
Au Commencement Était Le Verbe (Origene)
Au
commencement
était le verbe
PRÉFACE DE NICOLAS WAQUET
Rivages poche
Petite Bibliothèque
Collection dirigée par Lidia Breda
Origène
Au commencement
était le Verbe
Traduit du grec, préfacé et annoté
par Nicolas Waquet
!
;
I
1
Rivages Poche
Petite Bibliothèque
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des Éditions Payot & Rivages sur
www.payot-rivages.fr
7
i• -
i
convertie au christianisme, naquit vers 185 dans
la métropole égyptienne. Celle-ci, avec sa fameuse
Bibliothèque, son Musée et son Jardin zoologique,
était alors l’un des principaux foyers de la culture
hellénique et de la pensée chrétienne. C’est là que
s’effectua la synthèse de la philosophie grecque et
de la foi que prêchaient en Orient les disciples du
Christ. Alexandrie, centre de recherches scientifi
ques sous la dynastie des Ptolémées, vit se mêler
les courants de pensée venus de Grèce et ceux des
peuples d’Asie Mineure.
On assista en effet sous le règne des Sévères
(193-235) au renouveau d’une profonde attente
mystique. L’apport des cultures orientales, avec
l’astrologie et le puissant culte de Mithra, répondit
à cette attente, au même titre que le syncrétisme
alimenté par le brassage des populations. L'Histoire
Auguste — recueil de biographies d’empereurs
romains composé au IVe siècle - rapporte de
manière significative que Sévère-Alexandre, origi
naire de Syrie, contemporain d’Origène, vouait un
culte commun à Apollonios de Tyane, Jésus-
Christ, Abraham, Orphée et Alexandre le Grand.
Science et croyance se mirent à fusionner dans
d’innombrables sectes, témoignant de la concur
rence qui régnait entre les différentes dévotions,
rivalité dont le christianisme et le néoplatonisme
ont grandement bénéficié.
Alexandrie devint un haut lieu de la lutte contre
le paganisme, dont les tenants se faisaient à leur
tour les ennemis déclarés du christianisme. Plotin
8
était l’un d’eux. Légèrement plus jeune qu’Origène,
né comme lui en Égypte, il stimula par ses travaux
la réflexion des premiers Pères chrétiens et joua un
rôle décisif dans les prises de position d’Origène
sur la préexistence des âmes. Il ne fait aucun doute
que les deux philosophes se sont croisés dans cette '
capitale intellectuelle en proie à une telle ferveur.
On suppose même qu’ils s’y sont rencontrés dans
l’école d’Ammonios Saccas, le fondateur du néopla
tonisme. Quoique opposés, leurs systèmes respec
tifs s’avèrent emprunts de ce mysticisme ambiant
et reposent tous deux sur l’interprétation : Plotin
se penchait sur les dialogues de Platon quand
Origène, lui, interrogeait les Écritures.
*
Le temps était aux persécutions. Or la piété
d’Origène était, elle aussi, particulièrement
outrancière. Il voyait en effet dans le martyre une
expression éclatante de la foi et y exhorta son père
et ses élèves lorsque la grande persécution de
Septime-Sévère s’abattit en 202 sur les chrétiens
d’Alexandrie. C’est à cette époque, au mépris de
tous les dangers, qu’il rouvrit l’École catéchétique,
le Didascalée, que Clément son directeur avait dû
abandonner dans la tourmente. Origène ne tarda
pas à confier à d’autres l’enseignement des caté
chumènes pour continuer à s’instruire, rivaliser
avec les maîtres païens, tenir tête à leurs écoles. Il
poursuivit donc l’œuvre de Clément et développa,
!
à côté du Didascalée, une sorte de cours privé ne
dépendant d’aucune hiérarchie ecclésiale et dépas
sant les besoins fondamentaux de la communauté.
Cette institution ne délivrait pas l’instruction reli
gieuse de base mais un enseignement d’une plus
grande exigence intellectuelle. C’est cette École
« parallèle » qui fonda et structura la pensée méta
physique chrétienne.
Imprégné de cette atmosphère alexandrine pour
le moins tumultueuse dans laquelle sa foi et son
esprit s’étaient épanouis et endurcis, Origène se
mit à sillonner l'Empire. Il prit d’abord le chemin
de Rome, en 212, puis se rendit en Grèce, en
Épire, à Nicomédie, à Antioche, en Palestine et en
Arabie. Jeûnant, marchant pieds nus, dormant
peu, à même le sol, il devint un véritable person
nage par son ascétisme austère, son extraordinaire
érudition et ses succès catéchétiques.
Origène ne fut pourtant jamais ordonné prêtre
dans son diocèse : Démétrius, évêque d'Alexandrie,
lui avait refusé l’accès au sacerdoce après son émas
culation. Toutefois, comme la promotion des eunu
ques n’était pas interdite en Palestine, les évêques
de Césarée et de Jérusalem l'élevèrent à la prêtrise.
Démétrius, à son retour, le releva de ses fonctions
pédagogiques et le fit déposer en 231. Origène
quitta alors définitivement Alexandrie pour se réfu
gier en Palestine, où il ouvrit une nouvelle école
théologique qu’il dirigea pendant vingt ans. Arrêté
en 250 lors de la persécution de Dèce, ce Père dont
l’influence fut immense subit l’emprisonnement et
10
la torture sans que le supplice n’ébranlât en rien
la fermeté de sa foi. Celui que l’on surnomma
A damantlus, « l’homme d’acier », tant pour sa téna
cité que pour la pérennité supposée de son œuvre,
survécut à ces souffrances avant de s’éteindre à Tyr
vers 254.
11
!
Comme il l’a écrit dans le quatrième livre de
son traité Des principes, Origène distinguait dans
la Bible trois sens différents : le premier, celui de
la lettre, était corporel ; le second, moral, était
psychique ; le troisième, mystique et prophétique,
était spirituel. L’École d’Alexandrie prônait en
matière d’exégèse l’attention à l’esprit des Écritures.
Origène, pour y parvenir, recourait à la méthode
allégorique employée par les Stoïciens et les
Hébreux hellénisés. Celle-ci consistait à se servir
de métaphores pour compléter ou remplacer le sens
oropre, à utiliser les faits cités comme des symboles
''autre chose.
Cette interprétation délaissait rapidement la
ettre pour dépasser le contenu psychique, humain,
afin de s’élancer vers le contenu spirituel et divin.
Origène s’y adonnait de manière exubérante —
comme on peut le remarquer dès l’introduction de
notre texte - avec tous les dangers que comporte
cette approche. L’exégète alexandrin, jugeant sou
vent le sens propre indigne de l'idée qu’il se faisait
de la Divinité, lui opposait un prétendu sens spi-
rituel n’entretenant qu’un lien très vague avec le
sens littéral des Écritures, dont il finissait par
s’écarter. Fruit d'une analogie lointaine, ce sens
mystique ne répondait pas toujours à la tradition.
Il pouvait donc autoriser toutes sortes de dérives
doctrinales et mettre la foi en péril dans un
contexte où grondait l’hérésie.
12
*
Parmi les sectes hérétiques qui pullulaient alors
se détache, par sa profondeur et son influence, celle
des Valentiniens. Ces adeptes de la gnose alexan-
drine, ardemment combattue par les Pères de
l’Église, étaient disciples d’un certain Valentin. On
sait peu de choses de cet individu, sinon qu’il était
reconnu comme l’un des plus grands maîtres gnos-
tiques. Excommunié à maintes reprises pour avoir
développé et diffusé à Alexandrie puis à Rome des
thèses condamnées pour hérésie, il se réfugia à
Chypre, où il finit ses jours après avoir totalement
perdu la foi. Origène, dans ce Commentaire, vise
i
l’un de ses disciples, Héracléon. Il prend ses théo
ries pour cible à l’instigation d’un dénommé
Ambroise, tout juste sorti de leurs méandres et
converti au christianisme par le théologien lui-
même. Cet ancien familier de la cour de Sévère et
de Caracalla mit sa richesse à son service en lui
offrant, outre les volumes nécessaires à ses travaux,
une véritable armée de copistes et de sténographes
afin de l’aider à lutter contre la gnose.
Contrairement à celle du siècle suivant, que les
spécialistes qualifient parfois d’orthodoxe, la gnose
du II' siècle était en effet proprement hérétique
I
dans la mesure où elle cherchait à se substituer aux
révélations des Écritures. Mais de quoi s’agit-il au
juste ? La gnose, pour la définir sommairement, H1
est une attitude spirituelle indissociable d’une
méthode de pensée dont l’objectif est de progresser
■
13
dans la compréhension de Dieu, objet de toute
connaissance (ce qui est précisément le sens du mot
yvœatç). Ainsi, à l’époque d’Origène, la gnose
s’efforçait à tout prix de faire du christianisme une
philosophie religieuse, d’expliquer les mystères de
la religion par la pensée philosophique sous pré
texte que la foi n’en offrait qu’une connaissance
superficielle.
Explication extrêmement complexe du monde,
de la vie et de Dieu, la gnose ne peut faire ici
l’objet que d’un rapide aperçu, dicté par ce qu’en
dit Origène dans ces lignes. Les gnostiques se fai
saient une idée de Dieu très élevée, empruntée au
monothéisme juif, et une idée très basse de la
•natière, corrompant, éloignant le coeur de
'homme de la Divinité. Il fallait donc imaginer
ane transition entre l’Être parfait et la matière
mauvaise aux effets dévastateurs. L’un des prin
cipes que l’on retrouve dans les divers systèmes
gnostiques est celui des éons. Ces êtres spirituels
et éternels émanent de Dieu par couples, mâle et
femelle. L'union de ces deux éons forme une
syzygie. La première syzygie, engendrée par Dieu,
donne naissance à la deuxième qui produit à son
tour la troisième, et ainsi de suite. Ces êtres inter
médiaires entre Dieu et la matière permettent aux
mortels de remonter progressivement jusqu’à la
Divinité. La totalité de ces éons forme ce que l’on
nomme le plérôme, la plénitude.
Les Valentiniens distinguaient aussi trois classes
d'hommes selon l’absence ou la présence en eux
14
4
15
detre adoré. Origène, lui, ne cesse ici de proclamer
l'unité absolue de Dieu.
Commentant ces versets consacrés à la Filiation,
le théologien alexandrin s’élève de manière plus
concise contre les doctrines des monarchianistes et
des modalistes, pour lesquels le Père ne diffère pas
du Fils, mode, aspect de Dieu dont ils défendent
l’essence monarchique. Il balaye d’un même revers
ce qui deviendra au IVe siècle l'arianisme, hérésie
fondamentale niant la divinité du Fils. Mais
Origène lui-même - s’il n’était pas hérétique à
proprement parler et ne fut jamais condamné
comme tel de son vivant - prête le flanc sur ce
■oint aux accusations de subordinatianisme en éta-
■lissant une hiérarchie entre les Personnes divines,
subordonnant le Fils au Père inengendré et trans
cendant, il ne laisse à l’Esprit-Saint qu’un rôle
réduit. De fait, certaines idées d’Origène, par leur
radicalité et le manque de mesure avec lequel elles
étaient présentées, furent plus tard condamnées par
l’Église. Mais l'exégète ne doutait pas un instant
qu’elles fussent inspirées par la Bible, dont il pen
sait tirer toute sa doctrine.
*
Eusèbe de Césarée, dans son Histoire ecclésiastique,
nous apprend que Léonide, le père d’Origène, fai
sait apprendre par cœur à son fils des pans entiers
des Écritures. Aussi le texte biblique vient-il sans
cesse se mêler au texte exégétique, l’illustrer,
16
l’étayer. Origène confronte très naturellement les
différents livres de la Nouvelle Alliance avec ceux
de l’Ancienne, qu’il cite dans la version de la !
Septante. Cette traduction grecque de l’Ancien
Testament fut commandée, dit-on, à soixante-dix
lettrés (d’où son nom de septuaginta) par Ptolémée il
II Philadelphe. Elle fut effectuée en réalité par des
Juifs égyptiens à différentes époques de l’ère hel
lénistique.
Origène fut le premier à s’intéresser aux rela
tions entre le texte hébreu et le texte grec, consi
déré comme canonique par les Pères de l’Église
jusqu’à la fin du IVe siècle. Ses Hexapla témoignent !
de ce travail scripturaire inouï. Ce titre, qui
signifie « sextuple », est celui des six versions de
l’Ancien Testament qu’il disposa en six colonnes
comprenant le texte hébreu, sa translittération en
grec, la Septante, la révision de celle-ci par Aquila
de Sinope, et les traductions de Symmaque l’Ébio-
nite et de Théodotion d’Éphèse.
C’est donc avec une parfaite science du texte
sacré qu’Origène élabora le sien. Les citations,
extrêmement abondantes, deviennent entre ses
mains un véritable matériau. Comme un bâtisseur
équarrit ses pierres pour les rendre parfaitement
jointives, Origène modifie souvent le texte
biblique pour mieux asseoir son raisonnement.
C’est le cas lorsqu’il utilise la deuxième personne
du pluriel là où l'évangéliste emploie la troisième
personne du singulier. Ce procédé lui permet
d’étendre, de généraliser le message du Christ et
17
de souligner en même temps que le texte cité
concerne directement les âmes qu’il veut toucher
à ce moment précis de son Commentaire.
Le grand exégète joue également du sens subtil
des allusions. Ouvrons par exemple le livre I au
paragraphe 261. Nous y trouvons, au détour d’une
formule biblique, l’histoire à peine suggérée de
Nabal et d’Abigayil, extraite du premier livre de
Samuel. Abigayil, femme du riche et brutal Nabal,
implore la clémence de David après l’offense que
son mari lui a faite. David cède à la bonté, renonce
à se venger et s’en remet à la justice de Dieu. Tout
en concluant la réflexion sur la justice et la bonté
amorcée dans les paragraphes précédents, cette
brève et discrète allusion — où aucun personnage
n’est explicitement nommé - permet de saisir
implicitement pourquoi Origène, dans la phrase
suivante, ajoute que le Christ est aussi appelé
David.
Origène attache en effet une grande importance
aux noms et se livre abondamment à l’onomastique
et à l’étymologie. Loin d’être de simples conven
tions, comme il s’en explique magistralement au
cinquième livre de son traité Contre Celte, les noms
expriment pour lui la nature profonde des objets
auxquels ils renvoient. C'est pourquoi il énumère
et commente méthodiquement les différents titres
du Christ, afin d'éclairer la nature du Verbe dont
il est question dans le Prologue de Jean. Origène
dresse une sorte de catalogue de tous les noms que
le Messie se donne lui-même, de ceux par lesquels
18
î!
les prophètes l’ont annoncé, de ceux qu’il porte
dans les Épîtres, les Évangiles et dans l’Apocalypse,
dont il commente à ce sujet tout un extrait.
19 i
Le Verbe est donc pour Origène la cohérence du
monde et, par suite, la légalité de son organisation
intelligible. Il ne faut pas oublier que le monde
est un KÔapoç, un cosmos, c’est-à-dire un tout
harmonieux où se lisent l’ordre et la beauté, deux
notions indissociables dans le génie de la langue
grecque. Le Verbe divin est garant de cet ordre.
Par conséquent, le terme Aoyoç, auquel est atta
chée la notion de légalité, renferme aussi un sens
moral et désigne la « loi morale ». La raison, pour
les Grecs, esc en effet indissociable du bien.
Comme l’indique la présence du a privatif, une
action mauvaise est dite aXoyoç, c’est-à-dire lit
téralement « dé-raisonnable ». Le Fils de Dieu, en
tant que Aôyoç, se présente donc comme le prin
cipe de tous les êtres doués de raison, autrement
dit des êtres « raisonnables », dont tous les actes
témoignent de la spiritualité qui les caractérise.
Mais il importe de rappeler à ce propos que la
pensée d’Origène éclot au sein d’une religion dont
la doctrine ne sépare pas la théorie de l’acte. C’est
justement ce qui fait à ses yeux le privilège du
christianisme, où la volonté de l’être qui contemple
la Divinité ne fait qu’un avec la volonté divine. La
contemplation n’a donc rien de passif ; elle est
active et s’avère absolument nécessaire pour mettre
l’âme sur la voie du salut, salut auquel elle ne
pourrait prétendre par la seule connaissance.
20
il
Par l’étendue de ses proportions et des questions
qu’il embrasse, le Commentaire sur l’Évangile selon
saint Jean, bien qu’incomplet, n’échappe pas au
caractère gigantesque dont nous parlions plus haut.
Si nous. avons choisi d’en traduire les premières
pages, c’est afin de mieux saisir ce qu’est un évan
gile et jeter sur les versets liminaires du Prologue
de Jean une lumière aujourd’hui quelque peu inha
bituelle. Écho du livre fondateur de la Genèse, dont
il reprend les termes, proche également de la langue
des Psaumes et des ultimes visions de l’Apocalypse,
ce texte — l’un des plus connus, mais peut-être l'un
des plus énigmatiques de la Bible — n'est pas un 1
tout parfaitement homogène.
On admet en effet que ce fameux Prologue se
compose de deux récits : celui de l’incarnation et,
venant s’y ajouter, celui du Précurseur. Le premier
revêt apparemment une dimension symbolique,
tandis que perce du second un ton plus historique.
Nous nous sommes concentrés sur l’exégèse du
premier de ces récits, en nous attachant aux cinq .1
versets précédant l’apparition du Baptiste, cinq
lignes lapidaires qui contribuèrent à bouleverser le
monde. Car au-delà de la place majeure qu’ils occu
pent au sein de la foi chrétienne, ces versets dépas
sent le strict cadre du dogme tant par l’ampleur,
la pureté de leur beauté poétique, que par l’uni
versalité de leur élan vers le mystère des origines.
Nicolas Waquet
I
I 7
Au commencement
était le Verbe
■1
LIVRE I
I
I
■
-,
Introduction
27
enfants d’Israël : de la tribu de Juda, douze mille
marqués ; de la tribu de Ruben, douze mille’’. »
3. Après avoir énuméré successivement les
autres tribus, à l’exception de celle de Dan, il
ajoute plus loin : « Je regardai encore. Et voici que
l’Agneau se tenait sur la montagne de Sion, et avec
lui cent quarante-quatre mille personnes qui por
taient son nom et le nom de son Père gravés sur
le front. Et j'entendis un son venant du ciel, un
bruit semblable à celui des grandes-eaux, d’un ter
rible tonnerre, et le son que j’entendis ressemblait
à un concert de citharèdes s’accompagnant de leur
cithare. Ils chantaient un chant nouveau devant le
trône, les quatre animaux et les vieillards. Personne
ne pouvait apprendre ce chant sinon les cent
quarante-quatre mille qui ont été rachetés de la
terre. Ce sont ceux qui ne se sont pas souillés avec
des femmes, car ils sont vierges. Ce sont eux qui
suivent l’Agneau partout où il se rend. Ils ont été
rachetés d’entre les hommes, comme des prémices
pour Dieu et pour l’Agneau ; et il ne s’est pas
trouvé de mensonge dans leur bouche, car ils sont
irréprochables5. »
4. Jean parle dans ces lignes de ceux qui ont
cru au Christ et qui viennent aussi des tribus,
même s’ils ne semblent pas descendre des patriar
ches selon la chair. Voici comment on peut démon
trer cette affirmation : « “Ne faites pas de mal à
la terre, à la mer, ni aux arbres, lit-on, avant que
nous ayons marqué d’un sceau sur leur front les
serviteurs de notre Dieu.” Et j’entendis le nombre
28
de ceux qui avaient été marqués : cent quarante-
quatre mille de toutes les tribus des enfants
d'Israël. » 5. Les enfants de toutes les tribus
d’Israël marqués au front de ce sceau sont donc au
nombre de cent quarante-quatre mille. Jean précise
!
ensuite que ces cent quarante-quatre mille portent
le nom de l’Agneau et le nom de son Père gravés
sur le front, car ils sont vierges et ne se sont pas
souillés avec des femmes. 6. Le sceau qu’ils portent
sur le front pourrait-il être autre chose que le nom
de l’Agneau et celui de son Père ? Le premier pas
sage dit bien que leur front est marqué de ce sceau
et le second souligne qu’il porte les lettres formant
les noms de l’Agneau et du Père.
7. Comme nous l’avons montré plus haut,
« ceux nés des tribus » ne sont autres que les
« vierges ». Mais il y a peu de croyants appartenant
à Israël selon la chair6 : on serait tenté de dire qu’ils
n’atteignent pas le nombre de cent quarante-quatre
mille. Aussi, il est clair que ces cent quarante-
quatre mille qui ne se sont pas souillés avec des
femmes sont les gentils7 venus au Verbe divin.
C’est pourquoi on ne s’éloignerait pas de la vérité
en avançant que les vierges de chaque tribu sont
les prémices de celle-ci. 8. En effet, Jean écrit
ensuite : « Ils ont été rachetés d’entre les hommes,
comme des prémices pour Dieu et pour l’Agneau ;
et il ne s’est pas trouvé de mensonge dans leur
bouche, car ils sont irréprochables. » Il faut savoir ■ ■ ;
30
de Melchisédech11. On pourrait nous objecter qu’il
est impie de donner à des hommes le nom de
grands prêtres alors que Jésus reçoit souvent ce
titre, comme dans ce passage : « Nous avons un 3
grand prêtre qui a traversé les cieux, Jésus, le Fils
de Dieu12. » Il faut répondre à cela que l’Apôtre ’5
avait approuvé ce que le prophète avait dit du
Christ : « Tu es prêtre pour toujours selon l’ordre
de Melchisédech »13 et non selon l’ordre d’Aaron. 3
■ =
31
Écritures lues et tenues pour divines dans toutes
les églises de Dieu, et que l’Évangile en est les
prémices. En effet, la Parole parfaite a germé après
tous les fruits des prophètes qui se sont succédé
jusqu’à notre Seigneur Jésus.
III. 15. D'aucuns pourront cependant objecter
à cette idée le fait que les Actes et les épîtres des
Apôtres viennent après l’Évangile, réfutant ainsi
l’argument que nous avançons pour démontrer que
l’Évangile constitue les prémices de toute l’Écri-
ture. Il faut leur répondre que ces épîtres renfer
ment la pensée d’hommes sages dans le Christ,
assistés par ce dernier, mais qu’ils ont besoin, pour
être crus, des témoignages déposés dans la Loi et
les prophètes. C’est pourquoi les paroles des
Apôtres sont sages, exactes et dignes de foi, sans
que l’on puisse toutefois les comparer à ce que
« dit le Seigneur tout-puissant »14. 16. Demande-
toi, à ce sujet, si Paul inclut ses propres écrits
lorsqu’il soutient que « toute Écriture est utile et
inspirée par Dieu »15. Des expressions comme :
« C’est moi qui le leur dis, non le Seigneur » ,
« C’est la règle que j’établis dans toutes les
Églises »”, « Les souffrances que j’ai endurées à
Antioche, à Iconium, à Lystres »18 et d’autres for
mules semblables que l'on rencontre parfois sous
sa plume ne révèlent-elles pas l’autorité aposto
lique sans avoir le caractère absolu des paroles
résultant de l'inspiration divine ?
17. Il faut aussi montrer que l’Ancien Testa
ment n'est pas un évangile, puisqu'il ne désigne
32
? 1
I.1 I
plus, si Dieu a établi dans l’Église comme pasteurs
et comme docteurs des apôtres, des prophètes et
des évangélistes20, nous devons examiner en quoi
consiste la tâche de ces derniers. Il ne s’agit cer
tainement pas de relater comment le Sauveur a :
guéri un aveugle de naissance21, ressuscité un mort
qui commençait déjà à sentir22, ou accompli un ï
miracle. L’évangéliste, par une éloquence persua
sive, éveille la foi en la mission de Jésus. Nous
pouvons donc dire sans hésiter que les écrits des
Apôtres sont, d’une certaine manière, un évangile.
19. Certains rejetteront cette explication et
nous reprocheront de donner à l’ensemble du Nou
veau Testament le nom d’Évangile, sous prétexte
que les épîtres ne portent pas ce titre. Nous leur
dirons qu’il n’est pas rare de voir dans les Écritures
deux choses (ou plus) porter le même nom alors
que le sens propre du mot en question ne
s’applique qu’à l’une des deux. Le Sauveur a beau
dire par exemple : « Ne vous faites pas appeler
“Rabbi” »23, l’Apôtre n’en affirme pas moins que
des maîtres ont été établis dans l’Église. 20. Ils ne
seront donc pas des « maîtres » au sens strict du
33
terme de l’Évangile. Ainsi, tout détail des épîtres
ne sera pas évangile, comparé au récit des actions
de Jésus, de ses souffrances et de ses paroles. Pour
tant, l’Évangile constitue les prémices de toute
l’Écriture, et c’est à ces prémices des Écritures que
nous consacrons les prémices de toutes les entre
prises que nous espérons mener à bien.
IV. 21. Je pense, quant à moi, que les quatre
Évangiles sont en quelque sorte les éléments de la
foi de l’Église, et ces éléments composent le monde
entier réconcilié avec Dieu dans le Christ, comme
Paul nous le rappelle : « C’était Dieu qui dans le
Christ se réconciliait le monde24. » De ce monde,
Jésus a ôté le péché ; car c’est du monde de l’Église
dont il est question dans le verset « Voici l’Agneau
de Dieu qui enlève le péché du monde25. » Je crois
que les prémices des Évangiles ne sont autres que
le texte que tu nous enjoins d'éclairer, autant que
nous le pourrons. Je veux parler de l’Évangile de
Jean, qui ne s’ouvre pas par la généalogie de celui
dont il parle, généalogie qui fut déjà établie ail
leurs.
22. Matthieu s’adresse en effet à des Juifs qui
attendent le fils d’Abraham et de David. C’est la
raison pour laquelle il dit : « Livre de la genèse de
Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham26. »
Marc, sachant bien ce qu’il écrit, attaque par ces
mots : « Début de l’Évangile de Jésus-Christ »27,
dont nous trouvons peut-être l’accomplissement
chez Jean <...>28 le Verbe qui était « au commen
cement », le Verbe divin. Luc, de son côté, réserve
34
à celui qui s’est penché sur la poitrine de Jésus29
les discours les plus grands et les plus complets 1:
consacrés au Christ. Jean est le seul à avoir montré 11
sa divinité de manière pleine et entière en lui fai
sant dire : «Je suis la lumière du monde », «Je
suis le chemin, la vérité et la vie », «Je suis la
résurrection », « Je suis la porte », « Je suis le bon
pasteur »30 et, dans l’Apocalypse : « Je suis l’alpha 0>
et l’oméga, le commencement et la fin, le premier
et le dernier31. »
23. Nous devons donc proclamer haut et fort
que les Évangiles sont les prémices de toutes les
Écritures, et que celui de Jean constitue les pré
mices des Évangiles. Nul ne peut en appréhender
le sens s’il ne s’est penché sur la poitrine de Jésus
et si le Christ ne lui a pas donné Marie pour mère.
Pour être un autre Jean, il faut, à l’instar de ce
dernier, être désigné par Jésus comme étant Jésus
Car Marie - selon ceux qui ont d’elle une saint
opinion — n’a d’autre fils que Jésus. Aussi, lorsque
le Christ dit à sa mère : « Femme, voici ton fils »32
(et non : « Femme, voici aussi ton fils »), c’est
comme s’il disait : « Femme, voici Jésus que tu as
enfanté. » Car tout homme accompli « ne vit plus,
mais le Christ vit en lui33. » Par conséquent, dans
la mesure où le Christ vit en cet homme, Marie
s’entend dire à son sujet : « Femme, voici ton fils,
le Christ. »
24. Est-il encore besoin de rappeler l’intelli
gence que nous devons déployer pour pouvoir 1
interpréter dignement cette parole déposée dans
35
les trésors d’argile34 du langage courant, de la lettre
que lit tout un chacun, de cette parole lue à haute
voix et qu’entendent physiquement tous ceux qui
prêtent l'oreille ? Car pour une exacte compréhen
sion des versets qui vont suivre, il faut pouvoir
dire en toute sincérité : « Nous, nous avons la
pensée du Christ pour connaître les grâces que
Dieu nous a accordées35. »
25. Afin de montrer que l’intégralité du Nou
veau Testament est Évangile, rappelons que Paul
a noté dans une épître : « Selon mon évangile36. »
Car même s’il n’a pas laissé ce que l'on appelle
couramment un évangile, il n’a fait que dire et
proclamer l’Évangile. Mais comme il a couché sur
le papier ce qu’il a dit et proclamé, ce qu’il a
consigné était un évangile. 26. Or, si les textes de
Paul constituaient un évangile, il s’ensuit que ceux
de Pierre l’étaient aussi. Cela vaut, en un mot,
pour tous les textes qui perpétuaient l’avènement
du Christ, préparaient sa présence, et l’éveillaient
dans les cœurs de ceux qui souhaitaient accueillir
la Parole de Dieu, ce Verbe qui frappe à la porte
devant laquelle il se tient, désireux de pénétrer
dans les âmes37.
*
V. 27. Il est temps maintenant de nous pencher
sur le sens du mot « évangile » et de voir pourquoi
ces livres portent ce titre. L’évangile est un dis
cours contenant l’annonce d'événements qui, par
36
l’avantage qu’ils procurent, comblent normale
ment de joie celui qui les apprend dès lors qu’il
en accueille le message. Un discours de cet ordre
n’est pas moins une bonne nouvelle38, si l’on prend
en compte les dispositions de celui qui l’écoute.
Ainsi, un évangile est soit une parole qui renferme
la présence d’un bien pour celui qui y croit, soit
une parole qui annonce la venue d’un bien attendu.
28. Toutes ces définitions s'appliquent aux
L
s
textes que l’on appelle « évangiles ». Chacun d’eux,
en effet, est un ensemble de nouvelles dont le
croyant tire profit. Il lui procure des avantages - à
condition de l’interpréter correctement - et le rem
plit de joie, à juste titre, dans la mesure où il 1
enseigne la venue du premier-né de toute créature39,
Jésus-Christ, salut des hommes. Mais il est clair
aussi, pour tout croyant, que chaque évangile
enseigne l’avènement en son Fils de notre Père bien
veillant, venu pour ceux qui veulent le recevoir.
29. Il ne fait aucun doute que le bien attendu est
annoncé par ces livres. Peut-être est-ce au nom du
peuple tout entier que Jean-Baptiste prend la parole
lorsqu’il envoie dire à Jésus : « Es-tu celui qui doit :
venir ou devons-nous en attendre un autre40 ? » Car :'
le Christ était le bien que le peuple attendait, g
annoncé par les prophètes. Et tous ceux qui sui I
vaient la Loi et les prophètes (y compris les hommes ! I
du commun) plaçaient en lui leur espérance, comme
la Samaritaine en témoigne par ces mots : « Je sais
que le Messie doit venir, celui que l’on nomme le
37
i
i
Christ ; quand il sera venu, il nous annoncera toutes
choses41. »
30. De même, Simon et Cléophas, « s’entrete
nant de tout ce qui était arrivé »42 à Jésus, disent
au Christ, sans savoir qu’il était ressuscité d’entre
les morts : « Tu es bien le seul habitant de Jéru
salem à ignorer ce qui s’y est passé ces jours-ci ! »
- « Quoi donc ? » leur dit Jésus. Et eux de
répondre : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth,
qui s’est montré un prophète puissant en oeuvres
et en paroles devant Dieu et tout le peuple,
comment nos chefs et nos grands prêtres l’ont livré
pour être condamné à mort et l’ont crucifié. Mais
nous espérions, nous, que c’était lui qui allait déli
vrer Israël43. » 31. André, frère de Simon Pierre,
lance aussi en rencontrant son frère : « Nous avons
trouvé le Messie (ce qui veut dire le Christ) »44 et,
peu de temps après, Philippe, trouvant Nathanaël,
lui dit : « Celui que Moïse a décrit dans la Loi et
dont les prophètes ont parlé, nous l’avons trouvé ;
c’est Jésus de Nazareth, le fils de Joseph45. »
VI. 32. La première définition que nous avons
donnée du mot « évangile » sera peut-être rejetée,
puisqu’elle s’applique également à des textes dont
ce n’est pas le titre. En effet, la Loi et les prophètes
sont aussi « des discours contenant l’annonce
d’événements qui, par l'avantage qu’ils procurent,
comblent normalement de joie celui qui les
apprend dès lors qu’il en accueille le message ».
33. On peut objecter à cela qu’avant l’avènement
du Christ, la Loi et les prophètes ne contenaient
38
pas cette annonce qu’embrasse notre définition, r 5
dans la mesure où celui qui devait éclaircir leurs
mystères n’était pas encore venu. Mais tout fait
maintenant figure d’évangile par la venue du Sau
veur et son incarnation de l’Évangile.
34. Il me paraît opportun de citer ici cette
maxime : « Un peu de levain fait lever toute la
pâte46. » <...> Enlevant le voile qui recouvrait la
Loi et les prophètes47, le Christ montra le caractère
divin de toutes les Écritures en expliquant claire
ment à ceux qui voulaient devenir des disciples de
sa sagesse ce qu’il y a de vrai, de réel dans la Loi
de Moïse, ces réalités célestes dont les Anciens
vénéraient « une copie et une ombre »48. Il leur
démontra aussi la véracité des faits relatés dans les
livres historiques : ils sont « arrivés pour leur servir
d’exemples, mais furent consignés pour nous »49
qui sommes parvenus à la fin des temps.
35. Les hommes chez qui le Christ a résid’
n’adorent plus Dieu à Jérusalem ou sur la mon
tagne des Samaritains. Sachant que « Dieu est
Esprit », ils le servent spirituellement, « en esprit
et en vérité »50 ; ils n’adorent plus le Père et Créa
teur de l’univers sous une forme réelle. 36. Par
conséquent, aucun écrit des Anciens n'était un
évangile avant cet Évangile qui vit le jour avec
l’avènement du Christ. Mais l’Évangile, la Nou
velle Alliance, en nous délivrant de la vétusté de
la lettre51, éclaire pour nous, par la lumière de la
connaissance, la nouveauté de l’Esprit. Cette nou
veauté qui ignore la vieillesse est propre au
39
:
Nouveau Testament, mais elle existait déjà dans
toutes les Écritures. Il fallait donc que l’Évangile
— qui nous permet de trouver, même dans l’Ancien
Testament, ce que l’on nomme un évangile — fût
spécialement appelé « l’Évangile ».
VII. 37. Il ne faut pas ignorer pourtant que le
Christ, avant de s’incarner, s’est fait connaître en
esprit aux hommes parvenus à une certaine matu
rité. Ces hommes, pour qui la plénitude spirituelle
du temps s’était réalisée52, n’étaient plus des
enfants dépendants de tuteurs ou d’intendants53; il
s’agissait des patriarches, de Moïse le serviteur, et
des prophètes qui ont contemplé la gloire du
Christ. 38. De même que Jésus est venu pour les
hommes accomplis avant de s’incarner sous une
forme visible, c’est vers ceux qui sont restés enfants
- parce qu’ils dépendent de précepteurs et d’inten
dants et ne sont pas encore arrivés à la plénitude
du temps - que sont allés les précurseurs du Christ,
même après la proclamation de son avènement. Ils
leur ont tenu un discours adapté à des âmes
d'enfants et c’est à juste titre qu'on les a qualifiés
de « pédagogues »54. Mais le Fils lui-même, le Fils
glorifié, le Verbe divin, n’est pas encore venu à
eux. Il attend qu’ils aient reçu la préparation que
doivent suivre les hommes de Dieu pour pouvoir
accueillir sa divinité.
39. Il y a encore un point à souligner : de même
qu’il existe une Loi qui contient l’ombre des biens
à venir, manifestés par cette Loi promulguée selon
la vérité ; de même, l’Évangile, que l’on estime
40
compris de tous, enseigne l’ombre des mystères du
Christ. 40. Ce que Jean nomme « l’Evangile
i
I
éternel »55 — ce que l’on pourrait appeler « l’Évan-
gile spirituel », à proprement parler — montre clai
rement, à ceux qui veulent comprendre tout ce qui
touche au Fils de Dieu, les mystères que révèlent
ses paroles et les réalités que reflètent ses actes.
Par conséquent, il en va pour les chrétiens et le
baptême comme pour les Juifs et la circoncision.
Celle-ci n’est pas uniquement visible, charnelle :
1
elle peut également être cachée et le judaïsme peut
être vécu de l'intérieur56.
41. Avant que Jésus leur permît d’être juifs et
circoncis dans le secret57, Paul et Pierre l’étaient s
aussi extérieurement. Ils ne l’ont pas seulement
reconnu dans leurs propos ; ils l’ont prouvé par
leurs actes, et ce pour le salut du plus grand
nombre et pour répondre à l’ordonnance divine. Il
faut dire la même chose de leur christianisme. 42.
Paul ne pouvait assister les Juifs selon la chair sans
circoncire Timothée58, comme la raison l’exige, et
Ij
se raser la tête pour présenter une offrande dans
les règles, bref, sans se faire juif avec les Juifs afin
ù
de les gagner59. De même, s’il ne pratique le chris
tianisme qu’en secret, celui qui a été chargé d’aider b
le plus grand nombre ne peut rendre meilleurs
ceux qui se conforment au christianisme visible ;
il lui est impossible de les hisser jusqu’à des réa ï 1
lités plus grandes et plus élevées.
43. Il est donc nécessaire d’être chrétien dans
son cœur comme dans son corps. Et là où il faut
41
prêcher l’Évangile corporel et dire, devant des
hommes charnels, ne rien savoir d’autre « que
Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié »60, on doit le
faire. Mais lorsqu’on trouve des hommes instruits
par l’Esprit, portant son fruit et épris de la Sagesse
céleste, il faut les faire participer au Verbe revenu,
après s’être fait chair, à ce qu’il « était au commen
cement auprès de Dieu »61.
*
VIII. 44. Ces remarques sur le mot « évangile »
n’étaient pas superflues à nos yeux, car elles nous
ont permis de saisir la différence entre un évangile
sensible et un évangile intelligible, spirituel. 45. Il
s’agit maintenant de traduire l’Évangile sensible
en Évangile spirituel. En effet, que vaudrait
l’explication de l’Évangile sensible si on ne lui
donnait pas un sens spirituel ? Rien, ou pas grand-
chose ; et le premier venu serait convaincu de le
comprendre en se contentant d'en faire une lecture
littérale.
46. Mais nous devons à présent rassembler nos
forces pour tenter de pénétrer jusqu’aux profondeurs
de la pensée évangélique et rechercher la vérité qui
s’y trouve dans son plus simple appareil. 47. Si l’on
considère les biens qu’annoncent les Évangiles, on
verra que les apôtres annoncent tout simplement
Jésus. On dit aussi que la résurrection fait partie
de ces biens ; or celle-ci, d’une certaine manière,
n’est autre que le Christ, puisqu’il déclare : « Je suis
42
la résurrection62. » Jésus, quant à lui, annonce aux
pauvres ce qui attend les saints et les exhorte à
recevoir les promesses divines63.
48. Les Saintes Écritures rendent aussi témoi
gnage à la prédication des apôtres et à celle de
notre Sauveur. Ainsi, David dit des apôtres (et
peut-être même des évangélistes) : « Le Seigneur
donnera la parole aux prédicateurs avec une grande
puissance ; le roi des puissances du bien-aimé64. »
Il enseigne en même temps que l’on ne gagne pas
les âmes par des discours bien construits, par la
prononciation ou l’élégance d’une diction tra
vaillée, mais par l’assistance d’une puissance
divine. 49. C’est pourquoi Paul déclare quelque
part : « Je ne jugerai pas des paroles de ceux qui
sont gonflés d’orgueil, mais de leur puissance ; car
le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles,
mais en puissance »65, et ailleurs : « Ma parole et
ma prédication n’avaient rien des discours persua
sifs de la sagesse ; c’était une démonstration
d’esprit et de puissance66. »
50. Simon et Cléophas rendent témoignage à
cette puissance lorsqu’ils se demandent : « Notre :
cœur ne brûlait-il pas quand il nous parlait en
chemin et nous expliquait les Écritures67 ? » Dans
la mesure où Dieu accorde à ceux qui l’annoncent *1
une puissance plus ou moins grande, les apôtres
disposaient, selon les mots de David, d’une grande
puissance : « Le Seigneur, chante-t-il, donnera la : ?
parole aux prédicateurs avec une grande puis î i
sance. » 51. Et quand Isaïe s’exclame: «Qu’ils
43
■ ?
sont beaux les pieds des porteurs de bonnes nou
velles ! »68, il reconnaît la beauté et l’opportunité
de la prédication des apôtres, qui cheminent sur
les pas de celui qui a dit : « Je suis le chemin69. »
Il loue les pieds de ceux qui marchent sur le
chemin spirituel du Christ Jésus et qui parvien
nent à Dieu par cette porte70. Ces hommes dont
les pieds sont beaux annoncent des biens qui ne
sont autres que Jésus.
IX. 52. Que l’on ne s’étonne pas de nous voir
admettre que ce dernier a été annoncé au moyen
du pluriel du mot « bien ». En effet, si nous consi
dérons les choses auxquelles se rapportent les noms
donnés au Fils de Dieu, nous comprendrons
comment Jésus, annoncé par ces messagers aux
beaux pieds, est une pluralité de biens. 53. La vie
est un bien ; or Jésus est la vie. La « lumière du
monde »71, qui est aussi la « lumière véritable »,
la « lumière des hommes », constitue un autre
bien ; or le Fils de Dieu, dit-on, est tout cela à la
fois. La vérité, que l’on peut raisonnablement dis
tinguer de la vie et de la lumière, est également
un bien ; et le chemin qui y conduit est un bien
de plus, le quatrième. Notre Sauveur ne fait qu’un
avec tout cela et nous l’apprend lorsqu’il affirme :
« Je suis le chemin, la vérité et la vie72. »
54. Le fait que les morts ressuscitent et
secouent la poussière de leur tombeau est un bien
que l'on doit au Seigneur. Comment pourrait-il en
aller autrement, puisqu’il est la résurrection ? Ne
dit-il pas lui-même : « Je suis la résurrection »73 ?
44
Mais la porte par laquelle on accède à la félicité
suprême est elle aussi un bien ; or le Christ
déclare : «Je suis la porte74. » 55. Que dire de la
Sagesse que Dieu « a créée, principe de ses voies,
en vue de ses œuvres »75 ? En elle son Père s’est
réjoui, se délectant des multiples aspects de sa
beauté intelligible. Seuls les yeux de l’esprit peu
■
■y
reçoit de vivre pour Dieu. Qui doutera que la jus
tice même est un bien, comme la sanctification
même et la rédemption même ? Tel est le message
de ceux qui annoncent Jésus en déclarant qu’il s’est
fait pour nous, de par Dieu, justice, sanctification
et rédemption79.
X. 60. Il est possible de montrer, en partant de
ces innombrables textes le concernant, comment
Jésus est une multitude de biens, et conjecturer
les richesses de celui en qui toute la plénitude de
la divinité s’est plu à habiter corporellement ; ce
que tous les écrits de la terre ne sauraient contenir.
61. « Tous les écrits » ? Que dis-je ! Jean n’a-t-il
pas parlé du monde entier en ces termes : « Je ne
pense pas que le monde pourrait contenir les livres
que l’on écrirait »80 ? 62. Ainsi, déclarer que les
apôtres prêchent le Sauveur revient à dire qu’ils
annoncent de bonnes nouvelles. C’est lui qui doit
à la bonté de son Père d’être lui-même des biens,
afin que chacun vive au milieu de bonnes choses
en recevant le ou les biens qu’il est capable
d’accueillir.
63. Comme leurs émules, les apôtres dont les
pieds sont beaux n’auraient pu prêcher ces biens
si Jésus ne les leur avait pas d’abord annoncés, ainsi
que l’écrit Isaïe : « Moi qui te parle, je suis présent,
comme le printemps sur les montagnes, comme
les pieds du messager de paix, comme le porteur
de bonnes nouvelles, car je ferai entendre ton salut,
Sion : Dieu régnera sur toi81. » 64. Quelles sont
ces montagnes sur lesquelles l’auteur de ces mots
46
!
I
47
XI. 67. Il faut savoir que toute bonne action
accomplie à l'égard de Jésus est incluse dans cet
Évangile. C’est le cas de cette femme qui avait
péché, s’était repentie et — comme elle s’était sin
cèrement éloignée du vice - avait pu oindre Jésus
de ses parfums et répandre dans toute la maison
l’odeur de la myrrhe que respiraient tous ceux qui
s'y trouvaient86. 68. Voilà pourquoi il est écrit :
« Partout où sera prêché cet Évangile, dans le
monde entier, on racontera aussi ce geste en
mémoire d’elle87. » Il va de soi que c’est à Jésus
lui-même que l’on fait tout ce que l’on fait à ses
disciples. Désignant en effet ceux qui ont bénéficié
de certains bienfaits, il déclare à leurs bienfaiteurs :
« Ce que vous leur avez fait, c’est à moi que vous
l'avez fait88. » Aussi toute bonne action en faveur
de notre prochain est-elle couchée dans l’Évangile
écrit sur les tablettes du ciel89, et lue par tous ceux
jugés dignes de tout connaître.
69. Mais une partie de l’Évangile est aussi
consacrée aux fautes commises contre Jésus pour
en dénoncer les auteurs. 70. La trahison de Judas,
les cris de cette foule impie qui hurlait : « Ôte de
la terre un homme pareil »90 et : « Crucifie-le,
crucifie-le »91, les moqueries de ceux qui l’ont cou
ronné d'épines92 ainsi que les actes du même ordre
sont consignés dans les Évangiles. 71. Il faut en
conclure que quiconque trahit les disciples de Jésus
est coupable de traîtrise envers lui. Saul était
encore un persécuteur quand le Christ lui dit :
« Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?» et :
48
« C’est moi, Jésus, que tu persécutes93. » 72. Quels I
sont les gens qui possèdent ces épines dont ils
coiffent Jésus pour l’outrager ? Ceux qui, étouffés
par les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie, I
reçoivent la parole de Dieu sans la porter à matu
rité94. 73. Nous devons donc être vigilants, nous
aussi, de peur de figurer parmi ceux qui couron
nent le Christ de leurs propres épines et d’être
perçus comme tels par ceux qui cherchent à savoir i
comment Jésus — présent en toutes choses et sur
tout auprès de tous les êtres saints ou raisonnables
— est oint de parfum, reçu à dîner et glorifié ou,
I
à l’inverse, déshonoré, bafoué et battu. 74. Toutes
ces remarques étaient nécessaires pour montrer que
nos bonnes actions et les fautes commises par les
pécheurs sont intégrées dans l’Évangile « pour la
vie éternelle ou l’opprobre et la honte éternelle »95.
49
!
un sauveur dans la cité de David : le Christ, le
Seigneur97. » Tandis que les hommes ne compren
nent pas encore le mystère de l’Évangile, les êtres
qui leur sont supérieurs et constituent l'armée
céleste de Dieu chantent en le louant : « Gloire à
Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre
aux hommes qu’il aime98. »
77. Sur ces mots, les anges quittent les bergers
pour regagner le ciel, nous laissant méditer sur la
manière dont la joie qui nous est annoncée par la
naissance de Jésus-Christ est une gloire pour le
Père au plus haut des cieux ; car après s’être
abaissés jusqu’à la terre, ils retournent à leur
repos99 et vont glorifier Dieu par le Christ au plus
haut des cieux. 78. Mais les anges s’émerveillent
aussi de la paix qui, grâce à Jésus, régnera sur la
terre, ce champ de bataille sur lequel est « tombée
du ciel l'étoile du matin »100 que le Christ a réduite
à néant.
XIII. 79. Il faut ajouter à ce que nous venons
de dire que l’Évangile est en premier lieu celui du
Christ Jésus, tête de tout le corps des rachetés.
Marc souligne effectivement : « Commencement
de l’Évangile de Jésus Christ101. » Mais il est éga
lement l’Évangile des apôtres. C’est pourquoi Paul
écrit : « Selon mon Évangile102. » 80. Toutefois
— dans la mesure où il a une certaine dimension,
un commencement, une suite, un milieu et une
fin - le début de l’Évangile est soit l’Ancienne
Alliance dans son ensemble (dont Jean-Baptiste est
une figure) soit, du fait de l’union des deux
50
Alliances, la fin de l’Ancien Testament (repré
sentée par Jean-Baptiste).
81. Le même Marc dit en effet : « Commence 1
ment de l’Évangile de Jésus-Christ ; selon ce qui
est écrit dans le prophète Isaïe : Voici que j’envoie
devant toi mon messager pour te préparer la route.
Voix de celui qui crie dans le désert : “Préparez le
chemin du Seigneur, rendez droits ses sen
tiers”105. » 82. Je me demande donc comment les
hérétiques peuvent attribuer les deux Testaments
à deux dieux différents104. Ce texte, à lui seul, suffit
pour les convaincre de leur erreur. Car comment
Jean-Baptiste peut-il être, comme ils le pensent,
le début de l’Évangile s'il appartient à un autre
dieu, s’il est l’homme du démiurge et ignore, ainsi
i
qu’ils l’imaginent, la nouvelle divinité ?
XIV. 83. Loin d’être unique et dérisoire, le
ministère évangélique confié aux anges ne se limite
pas à celui qu’ils exercent auprès des bergers. On
verra en effet à la fin des temps un ange voler dans
le ciel en portant l’Évangile pour l’annoncer à
toutes les nations ; car le Père, dans sa bonté,
n'abandonne pas totalement ceux qui se sont éloi
gnés de lui. 84. Jean, fils de Zébédée, dit bien
dans son Apocalypse : « Puis je vis un ange voler
au milieu du ciel avec un évangile éternel pour
l’annoncer aux habitants de la terre, à toute nation,
à toute tribu, à toute langue et à tout peuple. Il
disait d’une voix puissante : “Craignez Dieu et
glorifiez-le ; car l’heure de son jugement est
51
venue ; adorez celui qui a créé le ciel, la terre, la
mer et les sources des eaux”105. »
XV. 85. Puisque nous avons montré que
l’ensemble de l'Ancien Testament constitue le
début de ['Évangile en la personne de Jean-Baptiste,
nous allons citer, pour ne pas laisser cette interpré
tation sans preuve, ce qui esc consigné dans les
Actes sur Philippe et l’eunuque de la reine
d’Éthiopie : « Partant de ce passage d’Isaïe :
“Comme une brebis il a été conduit à la boucherie,
comme un agneau muet devant celui qui le tond",
Philippe lui annonça la bonne nouvelle du Seigneur
Jésus106. » En effet, si Isaïe ne faisait pas partie du
début de l’Évangile, comment Philippe peut-il
annoncer Jésus en commençant par le texte du pro
phète ?
86. Cela nous permet aussi de prouver ce que
nous avons dit plus haut, à savoir que toute Écri
ture divine peut être un évangile. De fait, si la
prédication consiste à annoncer des biens, et si tous
ceux qui ont précédé l’incarnation ont annoncé le
Christ qui est, comme nous l’avons vu, tous les
biens, c’est que leurs paroles, en un sens, font
partie de l’Évangile. 87. Dans la mesure où il est
dit que l’on a parlé de cet Évangile dans le monde
entier107, nous en déduisons qu’il a réellement été
prêché dans le monde entier. On ne l’a pas seule
ment annoncé ici-bas : l’ensemble du ciel et de la
terre (ou des cieux et de la terre) l’a entendu.
52
j i
=
* I
88. Mais pourquoi s’étendre davantage sur ce
! I ■
! i'
r fi
Au commencement était le Verbe
55
!
mort5. » 92. Alors, ceux qui seront arrivés auprès
de Dieu grâce au Verbe siégeant à ses côtés
n’auront d’autre activité que de contempler le Père,
pour que tous, transformés par la connaissance de
celui-ci, deviennent son fils6, comme seul mainte
nant le Fils connaît le Père. 93. En effet, si l’on
s’attache à déterminer à quel moment les hommes
auxquels le Fils révèle le Père connaîtront eux aussi
ce dernier, et si l’on considère que celui qui voit
ne voit aujourd'hui que « dans un miroir et de
manière confuse »7, qu’« il ne connaît pas encore
comme il faut connaître »8, on peut dire à juste
titre que nul - même s’il est apôtre ou prophète
— ne connaît le Père, mais que les hommes le
connaîtront une fois devenus un, comme le Fils et
le Père sont un.
94. Si l’on estime que nous nous sommes
écartés de notre sujet en nous livrant à toutes ces
considérations pour éclaircir l’un des sens du mot
« commencement », à nous de montrer que cette
digression était utile et nécessaire au but que nous
nous sommes proposé. Si l’on peut parler de
commencement dans le cas d’un passage, d’une
route et de sa longueur, et si « le commencement
de la bonne voie, c'est de faire la justice », il est
possible de voir si toute bonne voie commence par
la pratique de la justice, si la contemplation suc
cède à ce commencement, et de quelle manière il
y conduit.
XVII. 95. On peut parler également du
commencement d'une création, comme le montre
56
le verset « Au commencement Dieu créa le ciel et
la terre9. » Ce sens, à mon avis, apparaît plus clai
rement encore dans le livre de Job, lorsqu’il est
dit : « Il est le commencement de la création du
Seigneur, fait pour être la risée de ses anges10. »
96. Parmi tout ce qui a vu le jour lors de la création
du monde, on pourrait supposer que ce sont « la
terre et le ciel » qui furent créés « au commence
ment ». Mais la seconde citation offre une meil
leure vue des choses : le « dragon », comme on
l’appelle, cet « énorme monstre »“ que le Seigneur
a dompté, fut la première des nombreuses créatures
dotées d’un corps. 97. Il faut se demander si le
dragon n’était pas le premier à mériter d’être assu
jetti à la matière, à un corps, pour avoir quitté la
vie pure, immaculée, quand les saints, eux,
vivaient dans une béatitude incorporelle et imma
térielle. Cela expliquerait pourquoi le Seigneur
lance à travers les nuages et la tempête : « Il est
le commencement de la création du Seigneur, fait
pour être la risée de ses anges. »
98. Mais le dragon n’est pas forcément le
commencement de la création du Seigneur.
Comme beaucoup de créatures pourvues d’un corps
ont été faites « pour être la risée des anges », il
pourrait n’être que le commencement de celles-ci.
Toutefois, certains êtres peuvent aussi être liés à
un corps dans des conditions différentes. L’âme du
soleil12, en effet, est également attachée à un corps,
comme toute la création, dont Paul dit quelle
« gémit et endure jusqu a présent les douleurs de
n
57
l’enfantement13. » 99- C’est peut-être en pensant à
elle qu’il écrit : « La création a été assujettie à la
vanité, non qu’elle l’eût voulu, mais à cause de
celui qui l’a soumise à l’espérance14. » Car le corps,
et les actions que doit nécessairement accomplir
tout être qui en est doué, ne sont que vanité.
Quiconque vit dans un corps accomplit malgré lui
ces actions corporelles ; c’est pourquoi la création
fut assujettie malgré elle à la vanité. 100. De plus,
celui qui accomplit malgré lui les actions corpo
relles fait ce qu’il fait pour l’espérance, comme si
nous disions que l’Apôtre veut « demeurer dans la
chair »15 pour l’espérance, même si cela va à
l’encontre de ses désirs. Bien que Paul préférât
« mourir et être avec le Christ », il n’était pas
absurde de vouloir « demeurer dans la chair » pour
aider les autres, progresser lui-même dans ce en
quoi il espérait, et faire progresser ceux qu’il sou
tenait.
101. L’association que nous venons de faire
entre la création et le commencement va nous per
mettre de comprendre ce que dit la Sagesse dans
le livre des Proverbes : « Le Seigneur m’a créée,
principe de ses voies, en vue de ses oeuvres16. »
Mais ces lignes peuvent aussi renvoyer à notre pre
mière interprétation - celle de la route — puisqu’il
est dit : « Le Seigneur m’a créée, principe de ses
voies. » 102. On affirmera encore avec raison que
le Dieu de l’univers est principe. Cela ne fait aucun
doute puisque le Père est le principe du Fils, le
créateur le principe des créatures, et Dieu, en un
58
mot, le principe des êtres. Le verset « Au commen
cement était le Verbe » viendra étayer cette thèse. h
Dans la mesure où le Verbe est le Fils, c’est parce S
qu’il est dans le Père qu’on peut dire qu’il est au
commencement. J
103. Troisièmement, le principe est ce dont les
choses sont faites. Cette matière fondamentale
préexiste pour ceux qui la croient incréée. Mais ce
n’est pas le cas pour nous. Car nous sommes per
suadés que Dieu créa l’être à partir du non-être, »
comme l’enseigne la mère des sept martyrs dans ?
le livre des Maccabéesl7et l’Ange de la repentance
dans celui du Pasteur18. 104. En outre, le principe
est le modèle idéel d’une chose, le « selon quoi »
cette chose est faite. Par conséquent, si « le pre
mier-né de toute créature est l’image du Dieu invi
sible »19, le Père en est le principe. De même, le
Christ est le principe des êtres créés selon l’image
de Dieu. 105. Car si les hommes sont « selon
l’image », et l’image selon le Père, le « selon
quoi » du Christ, c’est le Père, le principe ; et celui
des hommes, c’est le Christ, puisqu’ils n’ont pas
été faits selon ce dont il est l’image, mais selon
l’image. Cela vaudra aussi pour « Au commence
ment était le Verbe20. »
XVIII. 106. Il existe également un principe du
savoir. C’est lui qui nous permet de dire que les
lettres sont le principe de l’écriture. Ainsi, l’Apôtre
lance : « Cela fait longtemps que vous devriez
enseigner, mais vous avez encore besoin que l’on
vous apprenne les principes élémentaires des
59
oracles de Dieu21. » 107. Il y a deux manières de
concevoir le principe appliqué au savoir : la pre
mière concerne sa nature ; la seconde le rapport
que nous entretenons avec lui. Nous pourrions
affirmer que la divinité est le principe du Christ.
Mais comme nous sommes incapables d’aborder ce
qu’il est en vérité du fait de sa grandeur, c’est dans
son humanité que réside pour nous son principe.
C’est ainsi que l’on enseigne Jésus-Christ aux
petits enfants, et Jésus-Christ crucifié22. Nous pou
vons donc dire que le Christ, par nature, est le
principe du savoir, parce qu’il est la Sagesse et la
puissance de Dieu. Mais pour nous, « le Verbe s’est
fait chair »23 afin d’habiter parmi nous ; car nous
ne sommes pas capables, dans un premier temps,
de le recevoir autrement. 108. C’est sans doute
pour cela qu’il est aussi « Adam » (ce qui signifie
« homme »24) en plus d'être le premier-né de toute
créature. Paul dit bien qu’il est « le dernier Adam,
un esprit vivifiant »25.
On peut encore parler du principe d’une action,
action dans laquelle le but apparaît après le
commencement. Dans la mesure où la Sagesse est
le principe des actes de Dieu, demande-toi si l’on
ne peut pas comprendre ainsi le « commence
ment ».
60
nous faut prendre pour le verset « Au commence
ment était le Verbe ». Il est clair que ce n’est pas
là un changement de lieu, une route ou sa lon
gueur. Manifestement, il ne s’agit pas non plus ici
d’une création. 110. Il est fort possible, en
revanche, que ce soit « celui par qui » une chose
est créée, c’est-à-dire ce qui crée, puisque « Dieu
i ■
commanda et ils furent créés »26. Le Christ, d’une
certaine manière, est le démiurge auquel le Père
dit : « Que la lumière soit » et : « Qu’il y ait un
firmament27. » 111. C’est comme principe que le
Christ est démiurge, étant donné qu'il est Sagesse ;
car c’est parce qu’il est Sagesse qu’il est appelé
principe. En effet, la Sagesse dit bien chez
Salomon : « Le Seigneur m’a créée, principe de ses
voies, en vue de ses oeuvres. » Aussi le Verbe
était-il dans le principe28, c’est-à-dire dans la
Sagesse. Car on conçoit cette dernière comme la
formation de la pensée qui a présidé à toutes
choses, et l’organisation de leurs notions. Le Verbe,
lui, est considéré comme la communication de ces
pensées aux êtres doués de raison.
112. Comme nous l’avons vu, le Sauveur est
une multitude de biens. Il n’y a donc pas lieu de
s’étonner si l’esprit les envisage successivement.
Jean affirmait en tout cas à propos du Verbe : « Ce
qui fut fait en lui était la vie29. » La vie fut donc
faite dans le Verbe. Celui-ci n’est autre que le
Christ, le Verbe divin qui est auprès du Père, par
qui tout a été fait ; et la vie n’est autre que le Fils
de Dieu, lui qui dit : « Je suis le chemin, la vérité
61
et la vie30. » Ainsi, de même que la vie a été faite
dans le Verbe, le Verbe était dans le principe.
113. Regarde maintenant si nous ne pouvons
pas appréhender en ce sens « Au commencement
était le Verbe ». Nous arriverions ainsi à l’idée que
tout a été fait selon la Sagesse, en suivant les lignes
essentielles du système dont le Verbe renferme les
notions. 114. Effectivement, on ne construit pas
une maison ou un navire sans suivre les plans de
l’architecte, et cette maison ou ce navire n’a d’autre
principe que les plans et les calculs31 de l’artisan.
De même, à mon sens, l’univers fut créé selon les
calculs que Dieu avait établis d’avance dans sa
Sagesse pour les êtres à venir, car « il a tout créé
avec sagesse»32. 115. Il faut ajouter que Dieu,
après avoir créé, si j’ose dire, une Sagesse animée,
lui a confié le soin de modeler, de former, voire
de faire exister les êtres et la matière d’après les
modèles quelle porte en elle.
116. On peut donc dire aisément, d’une
manière plus sommaire, que le Fils de Dieu est le
principe des êtres, puisqu’il affirme : « Je suis le
principe et la fin, l’alpha et l'oméga, le premier et
le dernier33. » Mais il faut bien savoir que tous les
noms qu’on lui donne ne font pas de lui le prin
cipe. 117. En effet, comment peut-il être principe
en tant que vie dans la mesure où la vie est née
dans le Verbe, qui est évidemment son principe ?
Il est plus clair encore qu’il ne saurait être principe
en tant que « premier-né d'entre les morts »34.
118. Un examen minutieux de tous ses titres nous
62
permet de constater que c’est comme Sagesse, uni
quement, qu’il se trouve être principe ; ce qu’il
n’est même pas en qualité de Verbe, puisque « le
Verbe était dans le principe ». On pourrait donc
avancer résolument que la Sagesse est antérieure à
toutes les pensées exprimées dans les appellations
du premier-né de toute créature.
XX. 119. Dieu est en tous points un et simple,
certes. Mais puisque « Dieu l’a présenté comme
offrande expiatoire »35 et prémices de toute la créa
tion, notre Sauveur s’est fait multiple en raison de
la multitude. Peut-être est-il même devenu tout
ce que n’importe quelle créature capable de
rédemption attend de lui. 120. Voilà pourquoi il
est la lumière des hommes, car les hommes, enté-
nébrés par le vice, ont besoin de la lumière qui
luit dans les ténèbres et que les ténèbres ne saisis
sent pas36. Si les hommes n’avaient pas été dans
les ténèbres, il ne serait pas devenu la lumière des
hommes.
121. On envisagera de la même manière le fait
qu’il est le premier-né d’entre les morts. À sup
poser, en effet, que la femme ne se fut pas laissé
tromper, qu'Adam n’eût pas connu la chute, que
l'homme, fidèle à sa nature, fût demeuré incorrup
tible37, le Christ ne serait pas descendu « dans la
poussière de la mort »38 et n’aurait pas trépassé,
puisque le péché pour lequel il est mort par amour
des hommes n’aurait pas existé. S’il ne l’avait pas
fait, il n’aurait pas été « le premier-né d’entre les
morts ». 122. Mais si l’homme n’avait pas été
63
assimilé « aux bestiaux dénués de raison et rendu
semblable au bétail »39, le Christ serait-il devenu
pasteur ? C'est une question qu’il faut se poser.
Car si « Dieu sauve les hommes et les bestiaux »40,
il sauve les bêtes qu’il sauve en leur accordant un
pasteur, puisqu’elles ne peuvent avoir de roi.
123. Rassembler les appellations du Fils néces
site de voir quelles sont celles qui lui furent attri
buées a posteriori. Il n’en aurait pas eu autant si
les saints’11 avaient continué à vivre dans la béati
tude originelle. La Sagesse serait peut-être alors le
seul titre à conserver, avec la Vérité, bien sûr. On
pourrait y ajouter le Verbe, ou la Vie, mais cer
tainement pas les autres noms qu’il a pris par égard
pour nous. 124. Bienheureux tous ceux qui ont
besoin du Fils de Dieu sans plus chercher en lui
le médecin qui soigne les malades, le pasteur ou
la rédemption, mais la Sagesse, le Verbe et la Jus
tice - ou tout autre titre adapté aux hommes capa
bles par leur perfection de le recevoir dans ses plus
beaux attributs. Voilà pour l’expression « Au
commencement ».
64
innombrables noms donnés à notre Sauveur ; et
lorsqu’il leur arrive de s’en souvenir, elles sou
tiennent que ses titres ne doivent pas être pris au
sens propre, mais au sens figuré. Ces gens-là s’en
tiennent à la seule appellation de « Verbe »,
comme s’ils disaient que le Christ de Dieu n’était
que Verbe, sans chercher, comme pour les autres
noms, la signification de ce terme.
126. Je vais tâcher d’expliquer plus clairement
la raison pour laquelle la plupart de ces propos
m’étonnent. Le Fils de Dieu, si je ne m’abuse, a
/: I4
déclaré quelque part : « Je suis la lumière du
monde »42 et ailleurs : « Je suis la résurrection »43
et encore : « Je suis le chemin, la vérité et la
vie44. » Il est écrit aussi : « Je suis la porte »45 et :
« Je suis le bon pasteur46. » Et lorsque la Samari
taine a dit : « Nous savons que le Messie va venir,
celui que l’on appelle le Christ ; et quand il
viendra, il nous apprendra tout », Jésus lui
répondit : « Je le suis, moi qui te parle47. »
127. « Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous
dites bien, car je le suis »48, dit-il aussi lorsqu’il
lava les pieds de ses disciples, reconnaissant par
ces mots qu’il était leur seigneur et maître. 128.
Il se proclama d’ailleurs ouvertement Fils de Dieu
par ces mots : « À celui que le Père a consacré et
envoyé dans le monde vous dites : “Tu bla
sphèmes” parce que j’ai dit : “Je suis le Fils de
Dieu” »49 et : « Père, l’heure est venue, glorifie ton
Fils afin que ton Fils te glorifie70. » 129. Nous le
voyons se proclamer roi quand, répondant à la
65
question de Pilate : « Es-tu le roi des Juifs ? », il
lança : « Mon royaume n'est pas de ce monde ; si
mon royaume était de ce monde, mes gens auraient
lutté pour que je ne sois pas livré aux Juifs ; mais
mon royaume n'est pas d’ici51. » 130. On lit aussi :
«Je suis la véritable vigne, et mon Père est le
vigneron »52, ou encore : « Je suis la vigne ; vous,
les sarments55. » 131. Ajoute à cela : «Je suis le
pain de vie »54, ou encore : « Je suis le pain vivant,
descendu du ciel »55 et qui « donne la vie au
monde56. » Telles sont les citations des Évangiles
qui nous viennent pour l’instant à l’esprit, preuves
de tous les titres que se donne le Fils de Dieu.
XXII. 132. Mais il affirme également dans
l’Apocalypse de Jean : « Je suis le premier et le
dernier, le Vivant ; je fus mort et me voici vivant
pour les siècles des siècles »57, et plus loin : « Je
suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le
commencement et la fin58. » 133. Qui se penche
sur les Saintes Écritures trouvera chez les prophètes
plus d’un passage analogue. Prenons par exemple
celui où le Messie se présente comme une « flèche
choisie », « le serviteur de Dieu » et « la lumière
des nations ». 134. Isaïe dit en effet : « Dès le
ventre de ma mère, il m’a appelé par mon nom, il
a fait de ma bouche une épée acérée, il m’a abrité
à l’ombre de sa main, il a fait de moi une flèche
choisie et m’a serré dans son carquois en me
disant : “Tu es mon serviteur, Israël ; en toi je serai
glorifié’’59. » 135. Et un peu plus loin : « Mon
Dieu sera ma force. Il m’a dit : “C’est une grande
66
chose pour toi d’être appelé mon serviteur afin de
relever les tribus de Jacob et restaurer l'unité
d’Israël. Voici, j’ai fait de toi la lumière des nations
pour porter le salut jusqu’au bout de la terre’’60. »
Il se compare aussi à un agneau, comme on peut
le lire dans Jérémie : « Je suis semblable à l’agneau
innocent conduit au sacrifice61. »
136. Voilà, entre autres, les noms qu’emploie
le Christ pour parler de lui-même. Toutefois, on
pourrait tirer aussi de la lecture des Évangiles, des
apôtres et des prophètes mille titres similaires
attribués au Fils de Dieu ; soit que les évangélistes
aient exposé leur propre idée sur ce qu’il est ; soit
que les apôtres l’aient loué d’après ce qu’ils avaient
appris ; soit que les prophètes, à l’avance, aient
proclamé sa venue et annoncé sous des appellations
diverses les choses qui le concernent.
137. Ainsi, Jean-Baptiste le proclame « agneau
de Dieu » lorsqu’il dit : « Voici l’agneau de Dieu
qui enlève les péchés du monde »62, et l’appelle
« homme » un peu plus loin : « C’est de lui que
j’ai dit : “Après moi vient un homme qui m’a pré
cédé, parce qu’il était avant moi, et moi, je ne le
connaissais pas”63. » 138. Jean, dans son Épître
catholique, déclare qu’il est le Paraclet de nos âmes
auprès du Père : « Si quelqu’un vient à pécher, nous
avons un Paraclet auprès du Père : Jésus-Christ, le
Juste64. » 139. Il ajoute qu’il est une « victime de
propitiation pour nos péchés ». Paul reprend cette
idée en employant à peu près les mêmes termes
lorsqu’il l’appelle « victime propitiatoire » : « Dieu
67
l’a exposé à être, par son propre sang, grâce à la
foi, victime propitiatoire pour la rémission des
péchés commis au temps de la patience de
Dieu65. » 140. Il est aussi, selon Paul, la Sagesse
et la Puissance de Dieu, comme lorsqu’il dit, dans
l’Épître aux Corinthiens, que le Christ est « puis
sance et sagesse de Dieu »66. Il affirme également
qu’il est sanctification et rédemption, en disant
qu'il « est devenu pour nous, de par Dieu, sagesse,
justice, sanctification et rédemption »67. 141. Dans
son Épître aux Hébreux, il nous apprend encore
que le Christ est grand prêtre : « Puisque nous
avons un grand prêtre qui a traversé les cieux,
Jésus, le Fils de Dieu, demeurons fermes en la foi
que nous professons68. »
XXIII. 142. Les prophètes lui attribuent aussi
d’autres titres. Jacob, lorsqu’il bénit ses fils,
l'appelle Juda : « Tes frères te loueront, Juda ; tu
tiens sous tes mains la nuque de tes ennemis. Tu
es un jeune lion, Juda. Tu as surgi d’un bourgeon,
mon fils. Tu t’es couché et endormi comme un
lion, un lionceau. Qui viendra le réveiller69 ? »
Nous n’allons pas montrer ici point par point en
quoi ces mots adressés à Juda concernent le Christ.
143. On peut raisonnablement nous objecter que
« le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le prince
de sa postérité jusqu’à ce que soit venu celui qui
doit être envoyé »70 ; mais c’est une question qu’il
vaudra mieux clarifier ailleurs. 144. Isaïe savait
que le Christ était appelé Jacob et Israël quand
il s’exclamait : « Jacob, mon serviteur que je
68
soutiendrai ; Israël, mon élu en qui mon âme se
complaît. Il annoncera le jugement aux nations. Il
ne contestera pas, il ne criera pas, nul n’entendra
sa voix dans les rues. Il ne brisera pas le roseau
froissé, il n’éteindra pas la mèche qui continue à
fumer, jusqu’à ce qu’il exerce son jugement sur la
terre, et les nations espéreront en son nom71. »
145. Matthieu, dans son Évangile, cite ce texte de
mémoire et nous montre clairement que ces pro
phéties concernent le Christ, puisqu’il reprend :
« Pour que ces paroles soient accomplies : "Il ne
contestera pas, il ne criera pas’’72 », etc.
146. Le Christ est aussi appelé David quand
Ézéchiel, prophétisant contre les pasteurs d’Israël,
restitue en ces termes la parole de Dieu : « Je sus
citerai David, mon serviteur, pour être leur par
teur73. » En effet, ce n’est pas David, le patriarche
qui se lèvera pour se faire le pasteur des saints
mais le Christ. 147. Isaïe le nomme encore
« rameau » et « fleur » : « Un rameau jaillira de
la souche de Jessé, et une fleur poussera de ses
racines. Sur lui reposera l'Esprit de Dieu, esprit de
sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de
force, esprit de connaissance et de piété ; et il sera
rempli de l’esprit de la crainte de Dieu74. »
148. Les Psaumes, en outre, parlent de notre Sei
gneur comme d’une pierre : « La pierre qu’ont
rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ;
c’est là l’oeuvre du Seigneur, une merveille à nos
yeux75. » 149. Les Évangiles et les Actes montrent
que cette pierre n’est autre que le Christ.
69
« N’avez-vous jamais lu : "La pierre qu’ont rejetée
les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle” ? Qui
conque tombera sur cette pierre s’y fracassera et
celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera »7 , disent
les Évangiles. 150. Et Luc écrit dans les Actes :
« C’est lui la pierre que vous, les bâtisseurs, avez
dédaignée et qui est devenue la pierre d’angle77. »
Enfin, Jean a noté l’un des noms attribués au Sau
veur sans que ce dernier l’ait jamais prononcé ;
c’est « le Verbe, le Verbe divin qui était au
commencement auprès de Dieu ».
*
XXIV. 151. Arrêtons-nous à présent sur ceux78
qui négligent la plupart de ces appellations pour
utiliser spécialement celle-ci ; cela en vaut la peine.
Ces penseurs estiment avoir une idée claire de ce
que signifie le titre de Verbe donné au Fils de
Dieu, alors qu’ils demandent des explications
lorsqu’on mentionne devant eux ses autres noms.
Mais comme ils ont sans cesse à la bouche : « De
mon cœur a jailli une parole exquise »79, ils s’ima
ginent que le Fils de Dieu est une expression du
Père résidant, pour ainsi dire, dans des syllabes.
C'est pourquoi ils répondent aux questions précises
que nous leur posons à ce sujet en refusant au Fils
toute existence distincte et en se gardant de déter
miner clairement son essence (quelle qu’elle soit,
car il est encore trop tôt à ce stade pour dire de
quelle essence il s’agit). 152. En effet, il est
70
impossible au premier venu de comprendre qu’une
parole puisse être un fils. Qu’ils nous annoncent
donc que cette parole vivante est le Verbe divin ;
car soit celle-ci n’est pas distincte du Père, n’a pas
d’existence propre et, par conséquent, ne peut être
Fils, soit elle est distincte du Père et possède sa
propre essence.
153. Par conséquent, il est impératif de pro
céder avec le titre de Verbe comme avec chacun
de ceux cités plus haut : partir du terme employé
pour expliquer la notion qu’il recèle, l’adapter au
Fils de Dieu et démontrer comment ce nom lui
est attribué. 154. N’est-il pas étrange de s’en tenir
à la lettre lorsque le Christ est appelé « le Verbe »,
alors qu’on ne l’a pas fait dans tous les autres cas
en cherchant, par exemple, comment nous devons
voir en lui une « porte », en quel sens il est une
« vigne » et pourquoi il est une « voie » ?
155. Afin de confondre davantage encore nos
adversaires et donner plus de poids aux arguments
que nous allons avancer pour montrer en quoi le
Fils de Dieu est bien le Verbe, il nous faut
commencer par les noms que nous avons déjà men
tionnés. 156. D’aucuns jugeront que nous allons
nous livrer à une vaste digression ; nous en sommes
parfaitement conscients. Pourtant, si l’on y prête
attention, vérifier les notions d’après lesquelles ces
noms sont attribués s’avérera fort utile pour ce que
nous disons présentement, et l’intelligence de ces
problèmes préparera le chemin pour ce qui va
suivre. 157. Une fois que nous aurons abordé la
71
théologie concernant le Sauveur en tâchant de
saisir, autant que possible, ce que l’on dit à son
sujet, nous aurons nécessairement de lui une idée
plus complète, non seulement en sa qualité de
Verbe, mais aussi dans ses autres attributs.
*
XXV. 158. Le Christ se présente donc comme
« la lumière du monde »80. Mais nous devons exa
miner aussi les appellations voisines, car certains
esprits les trouvent non seulement analogues, mais
identiques. 159. Il dit aussi qu’il est « la lumière
des hommes », « la véritable lumière », et « la
lumière des nations » ; « lumière des hommes » au
début de l’Évangile qui nous occupe ici : « Ce qui
fut fait en lui était la vie, et la vie était la lumière
des hommes, et la lumière luit dans les ténèbres
et les ténèbres ne l’ont pas saisie »81 ; « véritable
lumière » dans la suite de ce même texte, où on
l’appelle « la véritable lumière qui éclaire tout
homme en venant dans ce monde »82 ; et « lumière
des nations » dans Isaïe, comme nous l’avons dit
plus haut en citant ce verset : « Voici, j’ai fait de
toi la lumière des nations pour porter le salut
jusqu’aux extrémités de la terre83. »
160. Le soleil est certes la lumière sensible du
monde, comme le sont après lui la lune et les
étoiles. Il sera donc naturel de leur donner le même
nom. 161. Ces astres, dont Moïse dit qu'ils furent
créés le quatrième jour84, ont beau être la lumière
72
sensible (puisqu'ils illuminent tout ce qui vit sur
la terre), ils ne sont pas la véritable lumière. Le
Sauveur, lui, éclaire les êtres doués de raison et
d’autorité, afin que leur intelligence puisse voir ce
qu'il lui appartient de percevoir. Il est la lumière
du monde intelligible, c’est-à-dire des âmes douées
de raison évoluant dans le monde sensible, et de
toutes les créatures qui remplissent ce monde que
le Sauveur, comme il nous l’apprend, vient sauver.
Il en est sans doute l’élément le plus important,
le plus éminent ; il est, si l’on peut dire, le soleil
qui crée le grand jour du Seigneur85. 162. C’est en
vue de ce jour qu’il rappelle à ceux qui reçoivent
sa lumière : « Travaillez tant qu’il fait jour ; la nuit
vient où personne ne peut plus travailler. Tant
que je suis dans le monde, je suis la lumière du
monde86. »
Puisqu’il dit aussi à ses disciples : « Vous êtes
la lumière du monde »87 et : « Que votre lumière
brille devant les hommes »88, 163. il se passe, selon
nous, la même chose pour l’Église89 et les disciples
que pour la lune et les étoiles : qu’ils possèdent
leur lumière propre ou qu’ils l’aient reçue du véri
table soleil, leur tâche consiste à illuminer ceux
qui ne peuvent établir en eux-mêmes une source
de lumière. Nous appellerons donc Paul et Pierre
« la lumière du monde », en disant que ceux de
leurs disciples qui se trouvent éclairés sans pouvoir
toutefois en éclairer d’autres sont ce monde dont
les apôtres étaient la lumière.
75
164. Le Sauveur, « lumière du monde », n’illu
mine pas des corps mais, par une puissance incor
porelle, l’intelligence incorporelle, afin que chacun
de nous, comme éclairé par le soleil, puisse dis
cerner aussi les autres êtres intelligents. 165. De
même que la lune et les étoiles perdent tout éclat
lorsque le soleil brille ; de même, ceux qui bai
gnent dans la lumière du Christ et reçoivent ses
rayons n’ont nul besoin des anges ni du ministère
des apôtres et des prophètes, il faut bien le recon
naître. J’ajouterai qu’ils n’ont pas besoin non plus
des puissances supérieures, puisqu’ils sont les dis
ciples de cette lumière qui fut engendrée en pre
mier. 166. Les saints, eux, se mettent au service
des hommes incapables de soutenir les rayons qui
émanent du Christ, et procurent une clarté beau
coup moins vive que la première à ceux qui peu
vent à peine la recevoir et qui s’en rassasient.
XXVI. 167. Le Christ, lumière du monde, est
la véritable lumière, par opposition à la lumière
sensible ; car rien de sensible n’est véritable. Mais
le sensible a beau ne pas être véritable, il n’est pas
mensonger pour autant. Il peut en effet présenter
des analogies avec l’intelligible et il serait insensé
de qualifier de mensonger tout ce qui n'est pas
véritable. 168. Je me demande, pour ma part, si
« la lumière du monde » est la même chose que
« la lumière des hommes ». Or il me semble que
la première expression évoque une clarté plus
intense que la seconde, car le monde, en un sens,
ne se réduit pas aux hommes. 169. Lorsqu’il écrit
74
dans sa première Épître aux Corinthiens : « Nous
sommes donnés en spectacle au monde, aux anges
et aux hommes »90, Paul montre que le monde est
quelque chose d’autre, de plus grand que les
hommes.
170. Demande-toi si le monde, d’un certain
point de vue, n’est pas la création affranchie « de
la servitude de la corruption pour avoir part à la
libre gloire des enfants de Dieu »91, cette « créa
tion en attente » qui « aspire vivement à la libre
gloire des enfants de Dieu »92. 171. Nous avons
ajouté «demande-toi », parce qu’à côté de «Je
suis la lumière du monde »93, on peut examiner
ces mots que Jésus adresse à ses disciples : « Vous
êtes la lumière du monde94. » 172. Certains sou
tiennent en effet que les hommes qui ont réelle
ment reçu l’enseignement du Christ dépassent les
autres créatures ; que ce soit le fruit de la nature
ou de la loi morale qui les pousse à mener un
pénible combat.
173. Les êtres de chair et de sang ont effecti
vement plus de peines et une vie plus risquée que
ceux doués d’un corps éthéré ; même les luminaires
du ciel, s'ils prenaient une forme terrestre, ne par
viendraient pas au terme de cette vie sans connaître
le danger ni commettre aucun péché. Les partisans
de cette thèse s’appuieront sur les textes des Écri
tures montrant ce que les hommes ont de plus
grand, affirmant que la promesse leur est directe
ment adressée, sans en dire autant de la création f
75
versets « Comme toi et moi sommes un, afin
qu’eux aussi soient un en nous »95 et « Là où je
suis, mon serviteur sera aussi »96 visent les
hommes, sans aucun doute. Quant à la création,
on la dit libérée « de la servitude de la corruption
pour avoir part à la libre gloire des enfants de
Dieu ». Ils ajouteront que si la création est affran
chie, elle ne participe pas pour autant à « la gloire
des enfants de Dieu ». 175. Ces gens-là ne man
queront pas non plus d’affirmer que le premier-né
de toute créature s’est fait homme parce qu’il avait
plus de considération pour l’être humain que pour
tous les autres êtres et qu'il n’est pas devenu l’une
des étoiles du ciel. Bien plus, celui qui fut créé en
second comme serviteur, esclave de la connaissance
de Jésus, c’est l'astre qui point à l’orient, qu’il soit
semblable ou même peut-être supérieur aux autres
luminaires (puisqu’il est le signe de celui qui est
au-dessus de tout).
176. Et si les saints se glorifient « encore des
tribulations, sachant que la tribulation produit la
constance, la constance la vertu éprouvée, la vertu
éprouvée l’espérance, et l'espérance ne déçoit
pas »97, la création qui n’a pas connu l’épreuve
n’aura pas la même constance, la même vertu
éprouvée, ni la même espérance. Celle-ci sera d’un
autre ordre, dans la mesure où la création « fut
assujettie à la vanité - non qu’elle l’eût voulu, mais
à cause de celui qui l’y a soumise — dans l’espé
rance »98. 177. Or celui qui n’ose accorder à
l’homme d’aussi grandes prérogatives dira, face à
76
ce problème, que la création, soumise à la vanité,
est accablée et gémit davantage que ceux qui
gémissent dans cette tente". La création demeure
effectivement asservie à la vanité pendant un temps
extrêmement long, temps durant lequel le combat
de l’homme peut se répéter un nombre incalculable
de fois. 178. Alors pourquoi le fait-elle « sans
l’avoir voulu » ? Parce qu’il est contraire à sa
nature d'être assujettie à la vanité et de ne pas
conserver l’état de vie supérieur qui était le sien
au début, disposition qu’elle recouvrera une fois
libérée et affranchie de la vanité des corps, lors de
la destruction du monde.
179- Nous donnons peut-être l’impression d'en
avoir trop dit et de nous être détournés du but
que nous nous sommes fixé. Revenons donc à notrf
point de départ, en nous rappelant pourquoi 1
Sauveur est appelé « lumière du monde », « véri
table lumière » et « lumière des hommes ». Nous
avons déjà démontré qu’il doit son titre de « véri
table lumière » à la lumière sensible. Nous avons
aussi soulevé cette alternative : soit la « lumière
du monde » est identique à la « lumière des
hommes », soit il faut chercher en quoi elle ne
l’est pas. 180. Ces considérations s'imposaient, car
certains individus ne comprennent rien au fait que
le Verbe et le Sauveur ne font qu’un. Elles étaient
également nécessaires dans la mesure où nous
sommes déterminés, d’une part, à ne pas nous
arrêter arbitrairement sur le nom et la notion
de « Verbe » sans leur trouver une explication
77
plausible et, d’autre part, à rechercher l’interpré
tation spirituelle et allégorique de l’expression
« lumière du monde », comme de celles que nous
avons mentionnées plus haut.
XXVII. 181. C'est parce qu’il éclaire et illu
mine les facultés maîtresses de l’âme humaine et,
en général, de tous les êtres doués de raison, qu’il
est la « lumière des hommes », la « véritable
lumière » et la « lumière du monde ». De même,
on l’appelle « la résurrection »100 parce qu’il nous
fait rejeter tout ce qui est mort et qu’il inspire la
vie, au sens propre, puisque ceux qui le reçoivent
vraiment ressuscitent d’entre les morts. 182. Il ne
le fait pas seulement sur le moment pour ceux qui
peuvent dire : « Nous avons été ensevelis avec le
Christ par le baptême »101 et nous sommes ressus
cités avec lui ; il le fait davantage encore pour celui
qui marche dans une vie nouvelle en s’étant entiè
rement déchargé de toute mort, même de celle du
Fils. Nous qui avons été secourus de manière aussi
remarquable, « nous portons toujours ici-bas dans
notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de
Jésus soit manifestée dans nos corps »102.
183. En outre, cette marche dans la Sagesse —
voie de salut pour ceux qui s’attachent à suivre
dans la parole divine les développements consacrés
à la vérité et adoptent une conduite conforme à la
véritable justice - nous permet de comprendre
comment le Christ est le chemin ; un chemin sur
lequel il ne faut rien prendre, ni besace, ni man
teau, et où il ne convient pas non plus de marcher
78
avec un bâton et des sandales103. 184. Ce chemin,
en effet, vaut à lui seul toutes les provisions de
voyage. Quiconque l’emprunte n’a besoin de rien.
Vêtu de la robe dont doit être paré celui qui prend
la route pour répondre à l’invitation des noces104,
il n’y rencontrera aucun danger. Il est impossible,
comme le dit Salomon, de trouver sur un rocher
le chemin du serpent105, ni celui d’aucune bête
sauvage, ajouterai-je. 185. Aussi n’a-t-on nul
besoin d’un bâton sur ce chemin qui ne porte
même pas trace des ennemis et dont la dureté (qui
lui vaut le nom de rocher) le rend impraticable
pour les méchants.
186. Le Fils unique est la Vérité106 car, selon
la volonté du Père, il embrasse la raison intime de
toutes choses avec une parfaite clarté et, en tant
que Vérité, en fait part à chacun selon son mérite.
187. On pourra peut-être se demander si notre
Sauveur connaît tout ce que sait le Père conformé
ment à la « profondeur de sa richesse, de sa sagesse
et de sa science »107 et déclarer, en pensant glorifier
le Père, que ce dernier connaît certaines choses que
le Fils ignore — car celui-ci ne saurait être à la
hauteur des perceptions du Dieu inengendré. Dans
ce cas, il faut fixer son attention sur le fait que le
Sauveur ut la vérité, et ajouter que si la vérité est
totale, elle n’ignore rien de vrai. Sinon, la vérité
partielle achopperait sur ce qu’elle ne connaît pas
et qui, d’après ces gens-là108, serait exclusive
ment connu du Père ; ou alors qu’on nous prouve
que le terme de vérité n’embrasse pas certaines
79
connaissances qui lui seraient supérieures. 188. Il
est clair que le principe de cette vie pure et sans
mélange réside, à proprement parler, dans le pre
mier-né de toute créature. L’ayant reçue de ce prin
cipe, ceux qui participent du Christ vivent
véritablement la vie. Les autres, en revanche, n’ont
aucune part à la véritable vie, pas plus qu’à la
véritable lumière.
189. Le Sauveur s’appelle aussi « la porte »109
dans la mesure où l’on ne peut pas être dans le
Père, ou auprès de lui, sans s’élever de terre et
parvenir d’abord à la divinité du Fils, par laquelle
on peut être conduit à la béatitude du Père. 190. Il
est pasteur, également, par son amour des hommes
et parce qu’il accueille tout penchant, quel qu’il
soit, à progresser dans le bien, même si cette
impulsion n’est pas le fait des âmes qui se pressent
vers le Verbe110 mais qui sont douées, comme les
brebis, d’une douceur, d’une facilité de caractère
naturelles et spontanées ; car « le Seigneur sauve
les hommes et les bestiaux »‘". Aussi la maison
d’Israël et la maison de Juda ne sont-elles pas seu
lement ensemencées d’une semence d’homme, mais
également d’une semence de bétail112.
XXVIII. 191. Il nous faut à présent examiner
le titre de « Christ » en y associant celui de « roi »,
afin de comprendre leur différence en les juxtapo
sant. Le Psaume 44 dit bien que celui qui a aimé
la justice et haï l'impiété est digne, plus que ses
compagnons, de recevoir l’onction113, de par cette
recherche de la justice et cette haine de l’impiété :
80
il n’a donc pas reçu une onction dont l’existence
et la création vont de pair avec l’être. L’onction,
pour les créatures que nous sommes, est signe de
royauté, parfois aussi de sacerdoce. Faut-il en
conclure que le Fils de Dieu a hérité d’une royauté
qui ne lui est pas innée ? 192. Comment serait-il
possible que le premier-né de toute créature ne
soit pas roi mais le devienne plus tard pour
avoir aimé la justice, lui qui est la justice ? Tou
tefois, n’oublions jamais qu'il est Christ en tant
qu’homme — par son âme qui, du fait de son huma
nité, fut troublée et affligée114 - et qu’il est roi par
sa divinité.
193. Je peux le confirmer d’après ces versets du
Psaume 71 : « Ô Dieu, donne au roi ton jugement,
et ta justice au fils du roi, pour qu’il rende à ton
peuple une juste sentence et un juste jugement à
tes pauvres115. » Il est clair, en effet, que ce psaume
attribué à Salomon est une prophétie qui annonce
le Christ. 194. Il me semble intéressant de voir à
quel roi on donne le jugement et à quel fils de roi
on donne la justice dans cette prophétie où le psal-
miste prie Dieu de les leur accorder. 195. Je pense
que l’on désigne sous le nom de « roi » la nature
prééminente du premier-né de toute créature, qui
se voit attribuer le jugement en raison de sa trans
cendance, et que le nom de « fils du roi » renvoie
à l'homme que cette nature a assumé, formé et
modelé conformément à la justice. 196. J’en viens
à cette conclusion parce qu’ils sont tous deux
réunis dans une seule phrase116 et que la suite du
81
texte ne mentionne plus deux, mais un seul être.
197. Le Sauveur, en effet, « des deux, en a fait
un »117, ayant sans doute réalisé en lui-même,
avant toutes choses, les prémices d’une telle uni
fication. Ces mots, « des deux », concernent aussi
les hommes, car l’âme de chacun est unie à l'Esprit-
Saint et chaque être sauvé devient un être spirituel.
198. De même qu’il se fait le pasteur de cer
tains - comme nous l’avons dit — en raison de leur
caractère doux, calme et quelque peu irréfléchi, le
Christ règne aussi sur ceux qui s’adonnent à la
piété de manière plus réfléchie. 199- Or ces der
niers ne font pas tous la même expérience de ce
règne : elle est plus mystique, plus secrète, plus
divine pour les uns, et moins parfaite pour les
itres. 200. Je dirais donc que ces hommes guidés
ir la raison118, qui ont contemplé sans l’intermé-
.iaire des sens les réalités incorporelles (dont Paul
dit qu’elles sont « invisibles » et « non vues »119),
vivent sous le règne de la nature prééminente du
Fils unique. Quant à ceux qui sont parvenus à la
science120 des êtres sensibles et glorifient par leur
truchement leur Créateur, ils vivent eux aussi sous
le règne du Verbe, sous le règne du Christ. Mais
que personne ne s’offusque des distinctions que
nous opérons parmi les attributs du Sauveur en
supposant que nous faisons de même pour sa subs
tance.
XXIX. 201. Tout le monde est en mesure de
comprendre comment notre Seigneur est le maître
82
qui instruit et éclaire ceux qui tendent de toutes
leurs forces vers la piété, tout en étant le seigneur
des esclaves qui ont « reçu un esprit de servitude
pour retomber dans la crainte »121. Toutefois, pour
les hommes qui progressent en toute hâte vers la
Sagesse et en sont jugés dignes, il ne reste pas un
maître - « car le serviteur ne sait pas ce que veut
son maître »122— mais devient leur ami. 202. Le
Christ lui-même nous l’apprend lorsqu’il dit,
devant des auditeurs qui étaient encore esclaves :
« Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites
bien, car je le suis »123, et ailleurs : «Je ne vous
appelle plus serviteurs, car le serviteur ne connaît
pas la volonté de son maître ; je vous appelle
amis »124 car « vous êtes restés avec moi dans
toutes mes épreuves125. » 203. Ainsi, les hommes
vivant dans cette crainte que Dieu exige de la part
des mauvais serviteurs — comme nous le lisons dans
Malachie : « Si moi je suis seigneur, où est la
crainte qui m’est due126 ?» — ces hommes, donc,
sont les esclaves d'un maître qui se nomme leur
Sauveur.
204. Tout cela, pourtant, ne révèle pas claire
ment la noble origine du Fils. « Tu es mon Fils ;
moi, aujourd’hui, je t’ai engendré »127 lui dit le
Père, pour qui cet « aujourd’hui » est éternel. Car
Dieu, à mon sens, ne connaît ni soir ni matin : le
temps, si je puis dire, qui s’étend avec sa vie sans
principe et sans fin est pour lui cet « aujourd’hui »
où le Fils fut engendré. C’est pourquoi le moment
83
de sa génération et le jour de sa naissance nous
échappent.
XXX. 205. Voyons maintenant comment le
Fils est « la véritable vigne »128. Cela ne posera
aucune difficulté à ceux qui comprennent que « le
vin réjouit le cœur de l’homme »129 tout en se
montrant dignes de la grâce prophétique. 206. Car
si le cœur et la pensée ne font qu’un, et si le cœur
se trouve réjoui par le discours le plus exquis, cette
parole qui nous arrache à nos misères humaines
suscite alors en nous une sublime inspiration, une
ivresse divine loin d’être déraisonnable ; je pense
par exemple à celle que provoqua Joseph en faisant
boire ses frères130. Il va de soi que celui qui donne
« le vin qui réjouit le cœur de l’homme » est « la
véritable vigne », car il a pour grappes la vérité et
les disciples pour sarments. Ces derniers, en l’imi
tant, portent à leur tour la vérité comme la vigne
ses fruits.
207. C’est à nous qu’il incombe également
d’établir la différence entre le pain et la vigne,
puisque le Christ se nomme aussi « le pain de
vie »131. 208. De même que le pain nourrit, fortifie
et réconforte, dit-on, le cœur de l’homme, alors
que le vin le charme, le réjouit et le détend, vois
si les connaissances morales (qui procurent la vie
à qui les apprend et les met en pratique) ne sont
pas le pain de vie — on ne saurait voir en elles le
fruit de la vigne - et si les spéculations secrètes et
mystiques ne sont pas le « vin » tiré de la véritable
vigne, vu quelles transportent et réjouissent le
84
cœur de ceux qui trouvent leurs délices dans le
Seigneur et ne souhaitent pas seulement être
nourris mais emplis de ravissement.
XXXI. 209. Il faut en outre expliquer
comment le Christ, dans l’Apocalypse, est « le pre
mier et le dernier »152 ; pourquoi il diffère, en tant
que premier, du commencement et de l’alpha et,
en tant que dernier, de la fin et de l’oméga. 210. Je
pense que les êtres doués de raison se répartissent
en de nombreuses catégories classées selon un cer
tain ordre, où la seconde succède à la première, la
troisième à la seconde, et ainsi de suite jusqu’à la
dernière. 211. Quant à dire avec précision laquelle
est la première, de quelle nature est la seconde,
quelle est celle que l’on peut qualifier à bon droit
de « troisième », etc., ce n’est pas l’affaire des
hommes et cela dépasse notre nature. Nous allons
néanmoins tenter de nous arrêter sur ce point
autant que nos facultés nous le permettent.
212. Il y a des dieux dont Dieu est le dieu,
comme le disent les prophètes : « Rendez grâce au
Dieu des dieux »133 et : « Le Seigneur, Dieu des
dieux, a parlé et convoqué la terre134. » Selon
l’Évangile, Dieu n’est pas « le Dieu des morts,
mais celui des vivants »135. Par conséquent, les
dieux dont il est le Dieu sont aussi des vivants.
213. De plus, lorsque l’Apôtre écrit dans son
Épître aux Corinthiens : « De fait, il y a beaucoup
de dieux et beaucoup de seigneurs »136, il s’inscrit
dans la tradition des livres prophétiques en
85
employant le vocable de « dieux » comme s’ils
existaient vraiment.
214. À côté de ces dieux dont notre Dieu est
le dieu, certains sont appelés « Trônes » et d’autres
« Dominations, Principautés et Puissances »137.
215. Et comme il est écrit : « Au-dessus de tout
nom qui se pourra donner, non seulement dans ce
siècle mais dans celui à venir »138, il faut croire
qu’il existe encore d’autres êtres doués de raison
qui nous sont moins familiers. Les Hébreux ont
donné à l’une de ces familles le nom de « Sabaï »,
d'où vient celui de « Sabaot »139, leur maître, qui
n’est autre que Dieu. L’homme, mortel et raison
nable, appartient à la dernière catégorie.
216. Le Dieu de l'univers a donc créé une race
douée de raison, celle, à mon avis, des êtres que
l’on nomme « les dieux », la première en dignité.
Nous dirons pour le moment que les Trônes for
ment la seconde et les Dominations, naturelle
ment, la troisième. Ainsi la logique nous
impose-t-elle de descendre jusqu’au dernier être
raisonnable : jusqu’à l’homme, probablement.
217. Or le Sauveur, d’une façon bien plus divine
que Paul, s’est fait « tout à tous, afin de les sauver
tous »1’10 ou de les amener à la perfection. Il est
clair qu’il s’est fait homme pour les hommes et
ange pour les anges. 218. Qu'il se soit fait homme,
cela ne fait aucun doute pour l’ensemble des
croyants. Qu’il se soit fait ange, nous nous en
convaincrons en considérant les paroles et les appa
ritions des anges. Le Sauveur, en effet, se manifeste
86
parfois par leur pouvoir, et certains passages des
Écritures nous rapportent leurs propos, comme ici :
« L’Ange du Seigneur lui apparut dans une flamme
de feu au milieu du buisson et dit : “Je suis le
Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob”'41. » Isaïe
écrit aussi : « Son nom est l'Ange du Grand
Conseil142. »
219. Le Sauveur est donc le premier et le der
nier ; non qu’il ne soit le milieu, mais pour mon
trer qu’il s’est fait toutes choses en étant le début
et la fin. Regarde encore attentivement si l’homme
est bien « le dernier » ou si ce ne sont pas les
esprits souterrains, dont les démons font également
partie (que ce soit une fraction ou la totalité d’entre
eux). 220. Il nous faut chercher ce que le Sauveur
est devenu pour qu’il déclare par la bouche du
prophète David : « Je suis comme un homme privé
de tout secours, libre parmi les morts143. » Le fait
d’être né d’une vierge et d’avoir accompli des mira
cles durant le reste de sa vie le plaçait au-dessus
des hommes, et il en fut de même parmi les morts.
Il était là-bas le seul être vivant et son âme n'a pas
été abandonnée à l’Hadès144. C’est ainsi qu’il est
« le premier et le dernier ».
221. S’il est vrai qu’il existe des lettres gravées
de la main de Dieu, des caractères que les saints
lisent en disant avoir lu ce qui figure sur les
tablettes du ciel, ces lettres qui permettent
d’accéder à la connaissance des réalités célestes sont
les notions concernant le Fils de Dieu, réparties de
l’alpha à l’oméga145. 222. En outre, il a beau être
87
le commencement et la fin, il ne l’est pas de la
même manière selon ses différents aspects. Comme
nous l’avons appris dans les Proverbes, il est le
commencement en tant qu’il est Sagesse, car on
peut lire : « Le Seigneur m'a créée, principe de ses
voies, en vue de ses œuvres1,16. » En tant que Verbe,
il n’est pas le commencement, car « Au commen
cement était le Verbe »147. 223. Parmi ses attri
buts, il y a donc d’abord un commencement, suivi
d'un second élément, puis d’un troisième, et ainsi
de suite jusqu'à la fin, comme s’il disait : « Je suis
le commencement dans la mesure où je suis
sagesse » ; en second lieu, peut-être, « dans la
mesure où je suis invisible » ; en troisième lieu,
« dans la mesure où je suis vie », puisque « ce qui
fut fait en lui était la vie »148.
224. Si l’on est capable de comprendre le sens
des Écritures en les examinant de près, on
apprendra sans doute beaucoup sur l'ordre et la fin
de ces aspects : je ne crois pas que l'on découvrira
tout. Il est clair, semble-t-il, que l’on applique
d’habitude les mots « fin » et « commencement »
à un objet formant une unité. Ainsi, les fondations
sont le commencement d’une maison, la corniche
sa fin. 225. Et comme le Christ est la « pierre
d’angle » , il faut adapter cet exemple au corps
entier de ceux qui sont sauvés, à ce corps devenu
un tout ; car le Christ, Fils unique, est « tout en
tous »150. Il est le commencement en l'homme
qu'il a assumé, et la fin dans le dernier des saints
(en se trouvant aussi entre les deux, bien sûr). On
88
peut dire également qu’il est le commencement en
Adam et la fin dans son avènement, puisqu’il est
écrit que « le dernier Adam a été fait un esprit
vivifiant »151. Ce passage s’accordera d’ailleurs avec
l’explication que nous avons donnée du « premier
et du dernier ».
226. Si nous considérons maintenant ce que
nous avons dit sur « le premier et le dernier », « le
commencement et la fin », nous avons, dans un
cas, rattaché notre propos aux catégories des êtres
doués de raison, et dans l'autre, aux divers attributs
du Fils de Dieu. Nous avons trouvé ainsi ce qui
distingue « le premier » du « commencement »,
« le dernier » de « la fin », comme ce qui distingue
« l’alpha » de « l’oméga ». 227. On comprendra
donc aisément comment il est « le Vivant » et « le
Mort », comment il est vivant pour les siècles des
siècles après avoir connu la mort152. En effet,
comme nos péchés nous empêchaient de retirer
quelque profit de sa vie originelle, Jésus, étant
« mort au péché »155, est descendu dans notre mort
afin que nous portions la sienne dans notre chair,
que nous puissions recevoir en nous cette vie qui
succède à la mort pour les siècles des siècles. Car
ceux qui portent toujours dans leur corps la mort
de Jésus auront aussi la vie de Jésus manifestée
dans leur corps154.
XXXII. 228. Voilà ce que le Christ dit de lui-
même dans les livres du Nouveau Testament. Dans
celui d’Isaïe, il affirme que le Père a « fait de sa
bouche une épée acérée », qu'il l’a « abrité à
89
l’ombre de sa main », qu’il a « fait de lui une flèche
choisie et l’a serrée dans son carquois », qu’il
l'appelle « serviteur » du Dieu de l’univers,
« Israël » et « lumière des nations »155. 229. La
bouche du Fils de Dieu esc bien une épée acérée
car « la parole de Dieu est vivante, efficace, plus
incisive qu’un glaive à deux tranchants, pénétrant
jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit,
des articulations et des moelles, jugeant les senti
ments et les pensées du cœur »156. Si sa bouche est
une épée, et une épée acérée, comme le souligne
le prophète, c’est surtout parce qu’il ne porte pas
la paix sur la terre (c’est-à-dire aux êtres sensibles
et corporels) mais le glaive ; parce qu’il tranche, si
je puis dire, l’amitié nuisible du corps et de l’âme
pour que celle-ci, s’offrant à l’esprit luttant contre
la chair, devienne l’amie de Dieu157. Mais devant
le spectacle de tant d’humains blessés par l’amour
divin — comme l’Épouse du Cantique des Canti
ques, qui reconnaît en avoir souffert lorsqu’elle
dit : « Je suis blessée d’amour »158—, on découvrira
que la flèche qui a blessé tant d’âmes pour l’amour
de Dieu n’est autre que celui qui déclara : « Il a
fait de moi une flèche choisie. »
230. De plus, comme le Fils de Dieu a pris la
forme d’un esclave pour libérer ceux qui étaient
sous le joug du péché, quiconque comprend
comment Jésus n’était pas pour ses disciples « celui
qui est à table, mais celui qui sert »159 ne sera pas
surpris, dans une certaine mesure, que le Père lui
dise : « Tu es mon esclave » et, un peu plus loin :
90
« C’est une grande chose pour toi d’être appelé
mon serviteur160. » 231. Car il faut avoir le courage
d’avouer que la bonté du Christ n’a jamais semblé
plus grande, plus divine et plus conforme à l’image
du Père que lorsqu’il « s’humilia lui-même, se ren
dant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur
une croix » plutôt que de « considérer comme un
butin le rang qui l’égalait à Dieu »161 et refuser de
se faire esclave pour le salut du monde. 232. C’est
pourquoi, souhaitant nous apprendre que cette ser
vitude est un immense don de Dieu, il déclare :
« Dieu sera ma force » et : « Il m’a dit : “C’est une
grande chose pour toi d'être appelé mon servi
teur”. » Car s’il n’était pas devenu esclave, il
n’aurait pas rétabli « les tribus de Jacob » ni « res
tauré l’unité d’Israël » ; il n’aurait pas été non plus
« la lumière des nations venue porter le salut
jusqu’au bout de la terre »162.
*
233. Même si le Père lui dit qu’il est grand de
s'être fait esclave, c’est peu comparé à un agneau
ou à une innocente brebis. L’Agneau de Dieu est
en effet comme une brebis innocente conduite au
sacrifice pour « ôter le péché du monde ». Celui
qui dispense à tous la parole s’est fait semblable à
« une brebis muette devant les tondeurs »163 afin
que nous soyons tous purifiés par sa mort ; il nous
a été donné comme une sorte de remède contre les
forces maléfiques et le péché de ceux qui veulent
91
recevoir la vérité. Car la mort du Christ a fait
chanceler les puissances luttant contre la race
humaine et, par sa force ineffable, a libéré du péché
la vie de chacun des croyants.
234. Si Jean-Baptiste lance en le désignant :
« Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du
monde », c’est parce que le Christ livre ce combat
jusqu’à ce que tous ses ennemis soient anéantis (et
le dernier d’entre eux est la mort), afin que le
monde entier soit délivré du péché. Jean ne dit
pas qu’il va l’enlever et ne l’enlève pas encore, ni
qu'il l’a déjà fait, et ne le fait plus. 235. Le Sauveur
continue à ôter le péché en chacun des êtres de ce
monde jusqu'à ce qu’il disparaisse de la surface
de la terre, jusqu’à ce que lui-même remette à
son Père un royaume digne de sa royauté, pur de
tout péché, prêt à recevoir tous les dons de Dieu,
pleinement, en toutes ses parties, quand sera
accomplie cette parole de Paul : « Dieu sera tout
en tous164. »
236. On le présente aussi comme « un homme
qui vint après Jean, qui se trouvait devant lui et
qui était avant lui »165 pour nous apprendre que
l’homme en lui, Fils de Dieu, amalgamé à sa divi
nité, a existé avant de naître de Marie. C’est de cet
homme dont le Baptiste a dit : « Je ne le connaissais
pas166. » 237. Mais comment se fait-il qu’il ne le
connaissait pas, lui qui tressaillit de joie - alors qu’il
n’était qu’un tout petit enfant dans le sein d’Élisa
beth - lorsque la salutation de Marie frappa les
oreilles de l’épouse de Zacharie167 ? 238. Regarde
92
donc si l’on ne peut pas établir un lien entre l’igno
rance de Jean et ce qui précéda son existence cor
porelle. En effet, s’il ne le connaissait pas avant de
s’incarner, et s’il l’a connu lorsqu’il était encore
dans le sein de sa mère, il se peut qu’il apprenne
là quelque chose de plus que ce qu’il savait déjà
de lui, un nouvel élément qui serait certainement
le suivant : « Celui sur lequel tu verras l’Esprit
descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans
le feu et l’Esprit-Saint168. » 239. Car même s’il
connaissait le Christ dès le sein de sa mère, il ne
savait pas tout à son sujet. Sans doute ignorait-il
encore que celui sur lequel il vit l’Esprit descendre
et demeurer était bien celui qui baptiserait dans
le feu et l’Esprit-Saint. Toutefois, Jean ne savait
pas qu’il était d'abord « un homme ».
XXXIII. 240. Mais aucun des noms que nous
avons mentionnés ne rend compte du rôle de
défenseur qu’il joue pour nous auprès du Père, car
il intercède pour la nature humaine en la rachetant
comme « Paraclet », « victime de propitiation » et
« propitiatoire ». Jean écrit dans son Épître qu’il
est un « Paraclet » et une « victime de propitia
tion » : « Si quelqu’un vient à pécher, nous avons
un Paraclet auprès du Père : Jésus-Christ, le Juste.
C’est lui qui est une victime de propitiation pour
nos péchés169. » D'une manière similaire, Paul dit
dans l’Épître aux Romains qu’il est « propitia-
toire » : il est « celui que Dieu a envoyé pour être
propitiatoire par la foi »170. On pouvait trouver une
évocation de ce propitiatoire au plus profond du
93
Temple, dans le Saint des Saints : le propitiatoire
d’or posé sur les deux chérubins171. 1
241. Comment pourrait-il être le Paraclet, la
victime de propitiation et le propitiatoire sans la
puissance de Dieu qui anéantit notre faiblesse et
inonde les âmes des croyants, cette puissance pro
curée par Jésus qui lui est antérieur, ce pouvoir
absolu de Dieu qui nous permet de dire : « Je puis
tout en celui qui me rend fort, le Christ Jésus »172 ?
242. C’est pourquoi, nous le savons, Simon le
magicien, en se présentant comme « la puissance
de Dieu, celle que l’on appelle la Grande », courut
à sa perte et à sa ruine avec tout son argent173.
Mais nous qui confessons que le Christ est la vraie
puissance de Dieu, nous croyons que tout ce qui
est puissant (d’une manière ou d’une autre) parti
cipe de lui, dans la mesure où il est cette « puis
sance ».
XXXIV. 243. Cependant, nous ne pouvons
passer sous silence le fait qu’il est à bon droit « la
Sagesse de Dieu »174 et qu’il mérite par là même
de recevoir ce nom. Car sa Sagesse ne trouve pas
sa substance dans les simples idées du Dieu et Père
de l’univers, dans des représentations analogues
aux objets de la pensée humaine. 244. En revanche,
quiconque est apte à concevoir une existence incor
porelle faite de spéculations diverses, embrassant
les principes de l’univers — une existence vivante
et, pourrait-on dire, animée - connaîtra la Sagesse
de Dieu, cette Sagesse au-dessus de toute créature,
qui dit d’elle-même avec raison : « Dieu m’a créée,
94
principe de ses voies, en vue de ses œuvres175. »
C’est par cet acte créateur que toute créature peut
exister, car elle a parc à la Sagesse divine, selon
laquelle elle fut créée. Comme le chante en effet
le prophète David, Dieu a tout fait dans sa
Sagesse176. 245. Bon nombre de créatures doivent
leur existence à cette Sagesse dont elles procèdent
sans toutefois l’appréhender, elle par qui elles
furent créées. La plupart de ces êtres ne la
comprennent pas ; non seulement quand celle-ci
les concerne, mais aussi quand elle concerne bien
d’autres choses, lorsqu’elle concerne le Christ, qui
est la Sagesse dans sa totalité. 246. Tout sage, pour
autant qu’il embrasse la Sagesse, participe du
Christ dans la mesure où celui-ci est Sagesse. De
même, tout homme qui se distingue par sa puis
sance participe du Christ en fonction de la puis
sance qui lui fut accordée, car le Christ est
puissance.
247. La sanctification et la rédemption doivent
faire l’objet des mêmes considérations. En effet,
Jésus est pour nous rédemption et sanctification,
celle-là même dont les saints tirent la leur. Chacun
de nous est sanctifié par cette sanctification et
racheté dans cette rédemption. 248. Regarde si
l’Apôtre n’a pas une bonne raison d’ajouter « pour
nous » lorsqu’il écrit : « Le Christ Jésus est devenu
pour nous sagesse venant de Dieu, justice, sancti
fication et rédemption177. » S’il ne disait pas ail
leurs — en parlant du Christ comme sagesse et
puissance — que « le Christ est la puissance de Dieu
95
et la sagesse de Dieu », sans nous mentionner, nous
aurions pu penser qu’il n’est pas « sagesse » et
« puissance de Dieu » de manière absolue mais
simplement « pour nous ». Or s’il est question de
sagesse et de puissance sans que nous soyons tou
jours pris en compte, il n'en va pas de même
lorsqu'il s’agit de sanctification et de rédemption.
249. Aussi, puisque « le sanctificateur et les sanc
tifiés sont tous issus d’un seul »178, examine si le
Père n’est pas la sanctification de notre sanctifi
cation, comme il est le chef de notre chef, le
Christ179. 250. Ce dernier est notre rédemption,
car nous sommes prisonniers et nous avons besoin
d'être rachetés. Mais je ne m'interroge pas sur sa
propre rédemption, car bien qu’il ait été éprouvé
en tout, comme nous, il n’a pas connu le péché et
ses ennemis ne l’ont jamais réduit en esclavage.
251. Maintenant que nous avons établi la dis
tinction entre ce qui est « pour nous » et ce qui
est d’une manière absolue - la sanctification et la
rédemption sont pour nous, et non de manière
absolue, tandis que la sagesse et la puissance sont
pour nous et de manière absolue — nous devons
aussi considérer ce qui esc dit ici sur la justice. Il
est clair que c’est pour nous que le Christ est
justice, lui « qui est devenu pour nous sagesse
venant de Dieu, justice, sanctification et rédemp
tion ». 252. Si nous ne trouvons pas qu’il est « jus
tice » comme il est « sagesse » et « puissance de
Dieu », c’est-à-dire d’une manière absolue, il nous
faut voir si le Père est justice pour le Christ comme
96
il est pour lui sanctification. Car il n’y a rien
d’injuste auprès de Dieu. C’est un maître juste,
saint, et tous ses jugements sont dictés par la jus
tice180. Dans la mesure où il est juste, il gouverne
tout avec justice.
XXXV. 253. Les raisons pour lesquelles les
hérétiques distinguent ce qui est juste de ce qui
est bon sont loin d’être claires181. Ils croient que
le Créateur est juste et que le Père du Christ est
bon. Je pense que cette distinction, après un
examen rigoureux, peut s’appliquer au Père comme
au Fils. Le Fils est justice ; il a reçu le pouvoir de
juger parce qu’il est le Fils de l’homme et qu’il
juge la terre avec justice182. Quant au Père, il
contentera ceux qui ont été élevés dans la justice
du Fils. Mais cela viendra après le règne du
Christ183 : le Père prouvera par ses bienfaits qu'on
peut le dire « bon » lorsque « Dieu sera tout en
tous »ls‘l. 254. C’est peut-être par sa justice que le
Sauveur prépare tout en temps utile. Par sa parole,
son ordre, ses châtiments et, si je puis m’exprimer
ainsi, ses remèdes spirituels, il prépare toutes
choses à recevoir, à la fin, la bonté du Père. C’est
en pensant à cette bonté qu’il répond à celui qui
qualifie le Fils unique de « bon maître » : « Pour
quoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu
le Père185. » 255. Nous avons abordé ce point ail
leurs à propos de celui qui est plus grand que le
Créateur : nous avons dit, en effet, que le Christ
est le démiurge et que le Père lui est supérieur18S.
97
Le Fils n’est pas seulement le Paraclet, la pro
pitiation et le propitiatoire, « lui qui a été éprouvé
en tout, comme nous, à l’exception du péché, en
compatissant à nos faiblesses »187 ; il est aussi le
« grand prêtre »188 qui s’offre lui-même en une
unique offrande pour les hommes et tout être doué
de raison, car « il a goûté la mort pour tous sauf
Dieu » ou, selon certains manuscrits de l’Épître
aux Hébreux, « par la grâce de Dieu »189. 256. Si
c’est « pour tous sauf Dieu qu’il a goûté la mort »,
il n’est pas mort pour les hommes, mais aussi pour
tous les autres êtres pensants. Si c’est « pour tous
et par la grâce de Dieu qu’il a goûté la mort », il
est mort pour tous, sauf Dieu, car « il fallait que,
par la grâce de Dieu, au bénéfice de tout homme,
il goûtât la mort »l9°. 257. Il serait absurde, en
effet, de dire qu’il est mort uniquement pour les
péchés des hommes et non pour d’autres créatures,
comme les astres, par exemple, qui ne sont pas
parfaitement purs en face de Dieu. Nous lisons
bien dans le livre de Job que « les étoiles ne sont
pas pures à ses yeux »191, à moins que ce ne soit
une hyperbole. 258. C’est pour cela que le Fils esc
« grand prêtre », parce qu’il rétablit toutes choses
dans le royaume de son Père, veillant à combler
les lacunes de chaque créature de manière à ce
qu'elle puisse contenir la gloire du Père.
98
259- Ce grand prêtre, selon un aspect que nous
n’avons pas encore envisagé, est appelé Juda. C’est
de lui — et non de Juda, fils de Jacob — que ceux
qui sont juifs dans le secret tirent leur nom192. Ce
sont ses frères, ils le louent et s’emparent de la
liberté qu’ils ont reçue. Car c’est lui qui les a
libérés, lui qui pose la main sur la nuque de ses
ennemis et les soumet193. 260. Mais puisqu’il sup
plante l’activité de l’adversaire et qu’il est seul à
voir le Père, il est aussi, en s’incarnant, Jacob et
Israël. Par conséquent, de même que nous sommes
lumière parce qu’il est la lumière du monde, nous
devenons Jacob parce qu’il s’appelle Jacob, et Israël
parce qu’il se nomme Israël.
XXXVI. 261. Dans la mesure où il reçoit le
royaume des mains du roi que se sont donné les
enfants d’Israël, royaume qu’ils ont établi à l’insu
de Dieu, sans qu’il le reconnaisse, le Christ prépare
la paix pour son fils, son peuple, en livrant les
batailles du Seigneur.194
194. Voilà sans doute pourquoi
il porte le nom de « David ». Si on lui donne
ensuite celui de « rameau »195, c’est pour ceux qui
ont besoin d’une discipline rude, sévère, et qui ne
s’offrent pas à l’amour et à la douceur du Père.
262. Ainsi, s’il est appelé « rameau », il jaillira ;
car il ne demeure pas en lui-même. Au contraire,
il paraît dépasser sa condition première.
263. Après avoir surgi et s’être fait rameau, il se
transforme en une fleur qui grandit, accomplisse
ment de ce rameau pour ceux qui ont été châtiés
parce qu’il s’est fait rameau. Car Dieu, avec ce
99
rameau qu'est le Christ, examinera les injustices
de ceux qu’il châtiera. Mais il fera toujours preuve
de compassion à leur égard196 ; il les prendra en
pitié car le Père sera miséricordieux envers ceux
que le Fils veut absoudre. On peut comprendre
aussi qu’il s’est fait rameau pour certains et fleur
pour d’autres : rameau pour ceux qui ont besoin
d'une punition, fleur pour ceux qui sont sauvés.
Mais je pense que la première interprétation est la
meilleure.
264. Il nous faut toutefois ajouter à ce sujet que
celui pour qui le Christ se fait rameau finira peut-
être par le voir fleurir. En revanche, celui pour qui
il se fait fleur ne le verra pas devenir rameau. À
moins de voir les choses ainsi : puisque certaines
fleurs sont plus parfaites que d’autres, et puisque
l’on dit des plantes quelles fleurissent alors
quelles ne portent pas encore de fruits mûrs, les
hommes parfaits peuvent recevoir du Christ ce qui
vient en lui après la fleur, alors que ceux qui l’ont
connu comme rameau ne participeront pas à sa
perfection en tant que rameau, mais à la fleur qui
vient avant les fruits.
265. Enfin, avant d'en arriver au titre de
« Verbe », il faut savoir que le Christ est cette
« pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs et qui est
devenue la pierre d'angle »197. Les pierres vivantes,
en effet, sont édifiées sur le fondement d’autres
pierres vivantes : les apôtres et les prophètes. Le
Christ Jésus, notre Seigneur, en est la pierre angu
laire198 parce qu’il fait partie de cet édifice de
100
« pierres vivantes » dans « la terre des vivants » 199
D’où son nom de « pierre ».
266. Nous voulions montrer par là le manque
de rigueur et d’étude dont font preuve la plupart
des commentateurs : ils négligent la quantité de
noms que l’on donne au Christ pour s’en tenir au
seul titre de Verbe, sans se demander pourquoi il
est écrit que le Fils de Dieu est le Verbe divin qui
était au commencement auprès du Père et par qui
tout a été fait.
*
XXXVII. 267. De même qu'on l’appelle « la
lumière du monde »200 parce que son activité est
d’illuminer le monde dont il est la lumière ; de
même qu'on le nomme « la résurrection »201 parce
qu’il délivre de la mort et fait ressusciter ceux qui
vont sincèrement à lui en les revêtant d’une vie
nouvelle ; de même qu’il est aussi, pour d'autres
activités, « pasteur », « maître », « roi », « flèche
choisie », « serviteur », « Paraclet », « propitia
tion » et « propitiatoire » ; de même, le Christ
porte le nom de « Verbe »202 parce qu’il nous
dépouille de tout ce qui est contraire à la raison
et fait de nous des êtres vraiment raisonnables qui
agissent en tout pour la gloire de Dieu (même
lorsqu’ils boivent et mangent) et qui, grâce au
Verbe, accomplissent pour la gloire de Dieu tous
les actes de la vie, des plus humbles aux plus
sublimes203.
101
268. Si c’est en participant de lui que nous
ressuscitons et recevons la lumière — que nous
sommes peut-être aussi sous la houlette d’un pas
teur ou l’autorité d’un roi — il est clair que nous
sommes des êtres raisonnables sous l’effet d'une
inspiration divine, anéantissant en nous la déraison
et la mort ; car le Christ est la « raison » et la
« résurrection ». 269- Mais demande-toi si tous les
hommes, en un sens, ne participent pas de lui du
fait qu’il est le Verbe. Cela explique pourquoi ceux
qui se proposent de le trouver ne doivent pas le
chercher hors de ceux qui le cherchent, comme
l'Apôtre nous l’apprend par ces mots : « Ne dis
pas en ton coeur : “Qui montera au ciel ?”, c’est en
faire descendre le Christ ; ni “Qui descendra dans
l’abîme ?”, c’est faire remonter le Christ de chez
les morts. Mais que dit l’Écriture ? “La parole est
tout près de toi, sur tes lèvres et dans ton
coeur”204. » Car le Christ et la Parole que l’on
cherche ne font qu’un.
270. Quand le Seigneur lui-même affirme : « Si
je n’étais pas venu et ne leur avais parlé, ils seraient
sans péché ; mais maintenant, leur péché est sans
excuse »205, cela ne peut signifier qu’une chose : le
Verbe dit que ceux qu’il ne remplit pas encore
entièrement ignorent le péché, alors que ceux qui
participent de lui sont coupables d’avoir péché en
agissant contrairement aux notions par lesquelles
il nous remplit. C’est seulement en ce sens que ces
paroles sont vraies : « Si je n’étais pas venu et ne
leur avais parlé, ils seraient sans péché. » 271.
102
Interroge donc ce texte en le rapportant au Christ
visible, comme le feraient la plupart des gens :
comment peut-on dire alors à juste titre que ceux
pour qui il n’est pas encore venu ignorent le
péché ? Cela signifierait que tous ceux qui ont vécu
avant l’avènement du Sauveur seraient absous de
tout péché, puisque Jésus ne s’est pas encore
incarné dans un être visible. 272. Mais tous ceux
à qui on ne l’a jamais annoncé ne connaîtront pas
non plus le péché ; et puisqu’ils sont sans péché,
il va de soi qu’ils échappent au jugement.
273. Il y a deux façons de comprendre
comment le Verbe — auquel notre race participe,
comme nous l’avons dit — existe en l’homme : soit
lorsque les notions fondamentales de la raison ont
atteint leur plénitude (ce qui se produit normale
ment en quiconque a dépassé l’enfance), soit
lorsque le développement de la raison est à son
apogée (ce que l’on observe seulement chez les
hommes accomplis). 274. C’est dans le premier de
ces deux sens qu'il faut interpréter ces mots : « Si
je n’étais pas venu et ne leur avais parlé, ils seraient
sans péché ; mais maintenant, leur péché est sans
excuse » ; et dans le second qu’il faut comprendre :
« Tous ceux qui sont venus avant moi sont des
voleurs et des brigands ; mais les brebis ne les ont
pas écoutés206. » 275. Car tant que la raison ne
connaît pas son achèvement, tout est répréhensible
en l’homme : tout est lacunaire, déficient, et ne
peut en aucun cas commander à la part d’irra
tionnel qu’il y a en nous, à ce que l’on nomme
103
« les brebis », dans le langage figuré. C’est peut-
être selon le premier sens (c’est-à-dire pour tout
adulte) que « le Verbe s’est fait chair » ; et selon
le second (c’est-à-dire pour les hommes accomplis)
que « le Verbe était Dieu ».
276. Il nous faut donc chercher s’il existe dans
les affaires humaines un état intermédiaire entre
« le Verbe s’est fait chair » et « le Verbe était
Dieu » ; comme si le Verbe avait retrouvé son état
premier après son incarnation, en s’allégeant peu à
peu207 jusqu’à redevenir ce qu’il était au commen
cement : le Verbe divin siégeant auprès du Père.
Jean a contemplé la gloire de ce Verbe, gloire qu’il
tient de son Père comme Fils unique21’8.
XXXVIII. 277. Le Fils peut aussi être le Verbe
dans la mesure où il révèle les secrets de son Père,
qui est l’intelligence comme le Fils est la Parole.
En effet, de même qu'en nous la parole est le
messager de l’intelligence, le Verbe de Dieu révèle
le Père parce qu’il le connaît et qu’aucune créature
ne peut l’approcher sans guide. 278. « Car nul ne
connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le
Fils veut bien le révéler209. » C'est également en
tant que Verbe qu’il est « le messager du Grand
Conseil » dont il est né ; il a reçu le pouvoir sur
ses épaules210, et il est devenu roi parce qu’il a
souffert sur la croix. S’il est dit dans l'Apocalypse
que le « Fidèle », le « Vrai », monte un cheval
blanc211, c’est pour indiquer, je pense, la clarté de
la voix avec laquelle nous parle le Verbe de vérité
venant résider parmi nous. 279. Ce n’est pas le
104
lieu ici de démontrer que le mot « cheval » est
souvent employé pour désigner la voix quand
l’Écriture mentionne le profit que nous pouvons
retirer de l’observance des enseignements divins.
Deux exemples suffiront : « Le cheval est impuis
sant à procurer le salut »212 et : « Ceux-ci se glo
rifient de leurs chars, ceux-là de leurs chevaux ;
mais nous, c’est du nom du Seigneur notre Dieu
dont nous nous ferons gloire213. »
280. Nous ne pouvons pas laisser dans l’ombre
les premières lignes du Psaume 44, que nombre
d’interprètes ont toujours à la bouche comme s’ils
en saisissaient le sens : « Mon cœur a exhalé une
bonne parole ; c’est au roi que je chante mon
œuvre21’’. » C'est le Père, dit-on, qui prononce ces
mots. Soit. 281. Mais quel est donc ce cœur pour
que la « bonne parole » en jaillisse de manière
naturelle ? En effet, si le mot « parole » ne néces
site aucune explication, comme le pensent ces
gens-là215, il est clair que celui de « cœur » n’en a
pas besoin non plus ; ce qui serait parfaitement
absurde, car cela porte à croire que le cœur de Dieu
est une partie de lui comme le nôtre est une partie
de notre corps. 282. Or, de même qu'en parlant
d’une main, d’un bras, d’un doigt de Dieu on ne
s’attache pas au sens littéral mais on cherche
comment comprendre sainement ces expressions en
restant digne de Dieu ; de même, il faut voir dans
« le cœur de Dieu » la puissance de son intelli
gence, cette force qui lui permet de régir l’univers,
et dans le Verbe (sa Parole) le messager des pensées
105
qu’il nourrit en son cœur. C’est un point qu’il faut
rappeler à ces individus. 283- Le Sauveur n’est-il
pas le messager annonçant aux créatures qui en
sont dignes la volonté du Père en restant auprès
d'elles ?
Ce n’est sans doute pas un hasard si l'on ren
contre ici le mot « exhaler » alors que l’on pouvait
trouver des milliers d’autres verbes, comme :
« Mon cœur a produit une bonne parole », « Mon
cœur a prononcé une bonne parole », etc. Or, de
même qu’en exhalant nous produisons au jour
quelque souffle caché (ce qui nous permet de res
pirer), il est probable que le Père ne retient pas en
lui les principes de la vérité : il les exhale et les
exprime dans le Verbe qui en porte la marque,
appelé pour cette raison « l’Image du Dieu invi
sible »21 . Nous avons dit tout cela pour accueillir
les mots « Mon cœur a exhalé une bonne parole »
comme s’ils venaient du Père, nous ralliant ainsi
à l’opinion de la plupart des interprètes217.
XXXIX. 284. Il ne faut pourtant pas leur céder
entièrement en reconnaissant unanimement que
cette phrase est bien de Dieu. En effet, pourquoi le
prophète rempli de l’Esprit218, annonçant la bonne
parole de la prophétie christique qu'il ne peut
retenir en lui n’aurait-il pas lancé : « Mon cœur a
exhalé une bonne parole, c’est au roi que je chante
mon œuvre ; ma langue est le roseau d'un scribe
agile ; ta beauté surpasse celle des enfants des
hommes » ; puis s’adressant au Christ lui-même :
« La grâce est répandue sur tes lèvres »219 ? 285. Car
106
si le Père avait prononcé ces mots, comment
aurait-il pu ajouter après le verset que nous venons
de citer : « C’est pourquoi Dieu, ton Dieu, t’a oint
d’une huile de joie comme aucun de tes compa
gnons »”° ? 286. Ceux qui tiennent absolument à
ce que ce psaume soit de la bouche du Père pour
raient citer cette phrase : « Écoute, ma fille, regarde
et tends l’oreille, oublie ton peuple et la maison de
ton père »221 ; car le prophète ne dirait pas à
l’Église : « Écoute, ma fille. » 287. Mais il n'est pas
difficile de montrer, d’après d’autres psaumes, que
les changements de personnages y sont fréquents.
Il est possible, par conséquent, que le Père ne
prenne ici la parole qu a partir de « Écoute, ma
fille. »
288. Afin de bien saisir ce qu’est le Verbe, il
faut encore citer ces lignes : « Par le Verbe du
Seigneur les cieux ont été affermis et par le souffle
de sa bouche, toute leur armée222. » D'aucuns
pensent que ce texte parle du Sauveur et de
l’Esprit-Saint en y voyant aussi la preuve que les
cieux ont été affermis par la raison divine ; comme
si nous disions que la maison fut bâtie selon les
plans et les calculs de l’architecte, ou le navire
selon ceux du charpentier225. Les cieux ont donc
été affermis par le Verbe de Dieu et leur corps
étant plus divin, on donne à celui-ci le nom de
« firmament »221. Effectivement, il ne partage pas
le caractère généralement fluide et instable des
autres parties du monde, de celles, surtout, qui lui
107
sont inférieures, et sa supériorité lui vaut d’avoir
la préférence du Verbe divin.
*
289. Notre propos était de voir clairement ce
que signifie « Au commencement était le Verbe »,
et nous avons montré en nous appuyant sur les
Proverbes225 que la Sagesse est appelée « principe »
et que la notion de Sagesse précède celle du Verbe
qui l'annonce ; il faut donc entendre que le Verbe
est toujours au commencement, dans le principe,
c’est-à-dire dans la Sagesse. Mais comme il est dans
la Sagesse, appelée « principe », rien ne l’empêche
d’être « auprès de Dieu » et d’être lui-même Dieu.
Toutefois, il n’est pas simplement auprès de Dieu :
c'est dans le principe, dans la Sagesse, qu’il est
« auprès de Dieu ». 290. Jean ajoute en effet :
« Celui-ci était au commencement auprès de
Dieu », alors qu’il aurait pu dire : « Celui-ci était
auprès de Dieu. » Mais de même qu'il était au
commencement, il était dans le principe auprès de
Dieu. « Toutes choses par lui ont été faites »226
tandis qu’il était dans le principe, car « Dieu, selon
David, a tout créé dans la Sagesse »227.
291. Afin d’admettre que le Verbe a une indi
vidualité propre parce qu’il vit par lui-même, il
ne faut pas simplement parler de la puissance, mais
aussi des puissances. Il n’est pas rare, en effet, de
rencontrer cette formule : « Voici ce que dit le
Seigneur des puissances228. » Effectivement, il
108
existe des créatures divines et douées de raison que
l’on nomme « puissances ». Or le Christ était le
meilleur, le plus accompli de ces êtres vivants. Il
ne portait pas seulement le titre de « sagesse de
Dieu », mais également celui de « puissance de
Dieu »229. 292. Ainsi, de même qu'il y a plusieurs
puissances de Dieu ayant chacune leur forme
propre et sur lesquelles l’emporte le Sauveur, de
même — bien que ce qui relève en nous de la nature
du Verbe n’ait pas d’individualité propre en dehors
de nous — on comprendra par ce qui a été dit que
le Christ est le Verbe, dont la substance se trouve
au commencement, dans la Sagesse.
Nous n’en dirons pas plus pour le moment sur
« Au commencement était le Verbe ».
LIVRE II
Et le Verbe était auprès de Dieu,
et le Verbe était Dieu
113
Seigneur (ou le Verbe) leur est venue. Mais de
même que nous disons qu’Un tel est allé voir Un
tel, ne pourrions-nous pas dire que le Fils, le Verbe
— dont nous avons prouvé la divinité — a visité
Osée, envoyé par le Père auprès de ce dernier ?
Dieu ne l’aurait-il pas envoyé, d’un point de vue
historique, auprès du fils de Beéri, le prophète
Osée, c’est-à-dire, sous un angle mystique, auprès
de celui qui fut sauvé ? Car tel est le sens du nom
« Osée »3, fils de Beéri, ce père dont le nom
signifie « puits »4. En effet, chaque être sauvé
devient le fils d’une source qui jaillit des profon
deurs : la Sagesse de Dieu.
5. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner si le saint
est ainsi fils des puits. Ses nobles actions lui valent
souvent d’être appelé « fils » : fils de la lumière
parce que « ses oeuvres brillent devant les
hommes »5, fils de la paix parce qu’il possède la
« paix de Dieu qui surpasse toute intelligence »6,
enfant de la sagesse en raison de l’aide qu’il reçoit
de la Sagesse, « car la Sagesse, dit-on, a été justifiée
par ses enfants »7. 6. Ainsi, l’homme qui cherche
à tout connaître grâce à l’Esprit divin — jusqu’aux
profondeurs de Dieu8 — au point de pouvoir
s’exclamer : « Ô profondeur de la richesse, de la
sagesse et de la science de Dieu »9, cet homme
peut être le fils des puits, celui que visite le Verbe
du Seigneur. 7. De même, le Verbe vient à Isaïe
pour lui apprendre le sort que Jérusalem et la
Judée vont connaître aux derniers jours, tout
comme il vient à Jérémie, soulevé par une
114
exaltation divine (car son nom signifie : « exalta
tion de Yahwé »‘°).
8. Le Verbe, Fils de Dieu, a beau venir chez les
hommes qui ne pouvaient pas auparavant accueillir
sa venue, il ne va pas auprès de Dieu comme s’il
n’était pas avant auprès de lui. C’est parce que le
Verbe demeure toujours auprès du Père qu’il est
écrit : « Et le Verbe était auprès de Dieu » et non
pas « vint auprès de Dieu ». 9. Puisqu’il ne se
distingue pas du commencement sans s’être jamais
éloigné du Père, on a aussi employé le même
terme, « il était », lorsque le Verbe « était au
commencement » et lorsqu’il « était auprès de
Dieu ». D’ailleurs, il ne vint pas « au commence
ment » après ne pas y avoir été, et il ne vint pas
non plus « auprès de Dieu » sans y avoir été aupa
ravant ; car avant tout temps, de toute éternité,
« le Verbe était au commencement » et « le Verbe
était auprès de Dieu ».
10. C’est pour saisir le sens de cette dernière
expression que nous avons cité les textes prophé
tiques sur la manière dont le Verbe vint à Osée,
Isaïe et Jérémie, en observant aussi une différence
qui ne doit tien au hasard entre « il vint » et « il
était ». Nous ajouterons maintenant qu’en visitant
les prophètes, le Verbe les illumine de la lumière
de la connaissance11 en leur faisant voir, comme
s’ils l’avaient sous les yeux, ce qu’ils n’avaient pas
saisi jusque-là. Mais avec le Père, le Verbe est Dieu
par le seul fait d’être auprès de lui.
115
11. C’est sans doute en voyant une telle ordon
nance dans le Verbe que Jean n’a pas placé : « Et
le Verbe était Dieu » avant : « Et le Verbe était
auprès de Dieu. » L’enchaînement des différentes
affirmations n’empêche pas de saisir la significa
tion de chaque proposition en elle-même. En effet,
« Au commencement était le Verbe » forme une
première proposition ; « Et le Verbe était auprès
de Dieu » une seconde, puis vient : « Et le Verbe
était Dieu. » 12. Cette disposition pourrait bien
révéler un certain ordre. Si nous avons d’abord :
« Au commencement était le Verbe » puis : « Et
le Verbe était auprès de Dieu » et en troisième
lieu : « Et le Verbe était Dieu », c’est pour nous
permettre de comprendre que le Verbe est Dieu
parce qu’il est auprès de Dieu.
*
II. 13. L’emploi et l’omission de l’article témoi
gnent chez Jean d’une grande attention et d’une
connaissance approfondie de la rigoureuse préci
sion de la langue grecque : il place « le » devant
le Verbe et l’utilise ou le supprime, suivant le cas,
devant le mot « Dieu ». 14. Il se sert de l’article
lorsque le nom de Dieu désigne l’Inengendré par
qui tout a été fait, mais le tait quand le Verbe est
appelé Dieu. La distinction qu’il opère dans ces
passages entre un Dieu et le Dieu ne vaudrait-elle
pas aussi pour un Verbe et le Verbe ? 15. En effet,
de même que le souverain de l’univers n’est pas
116
simplement un dieu mais « le Dieu », on peut dire
que « le Verbe » est la source de la raison qui
réside dans chaque être raisonnable et spirituel. La
raison qui se trouve dans chaque créature ne saurait
à proprement parler être appelée « le Verbe »,
comme le précédent.
16. Ce point jette dans le désarroi nombre de
personnes aspirant à la piété. Craignant de pro
clamer deux dieux, elles tombent dans des doc
trines erronées et impies : soit elles nient la nature
propre du Fils, distincte de celle du Père, en faisant
Dieu celui qu’elles appellent « Fils » (qui n’en a
plus que le nom) ; soit elles nient la divinité du
Fils en admettant son individualité et sa substance,
qui ne sont pas celles du Père et se déploient dans
une sphère qui leur est propre, de sorte qu’on peut
les séparer l’un de l’autre12. 17. Il faut leur
répondre que le Dieu, c’est Dieu même. Voilà
pourquoi le Sauveur adresse cette prière à son
Père : « Qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai
Dieu13. » D’autre part, il faut leur dire aussi qu’il
serait plus juste de ne pas appeler « le Dieu » mais
« un dieu » tout ce qui, en dehors de Dieu même,
est déifié en participant à sa divinité. Ainsi, le
premier-né de toute créature, le premier à être
auprès de Dieu et donc à s’imprégner de sa divi
nité, est plus honorable que les autres dieux, ceux
dont Dieu est le Dieu, comme le chante le psal-
miste : « Le Dieu des dieux, le Seigneur, a parlé
et convoqué la terre1,1. » C’est par le ministère du
premier-né qu’ils sont devenus des dieux, car il
117
puise en Dieu ce qui les déifie pour leur en faire
part avec une largesse égale à sa bonté.
18. Dieu est donc le vrai Dieu. Les dieux formés
sur son modèle sont comme les répliques d’un pro
totype. Mais l'image archétypale de ces multiples
images, c’est le Verbe qui est auprès de Dieu, lui
qui était au commencement et qui reste toujours
Dieu parce qu’il est auprès de Dieu. Il ne le serait
pas s’il n’était pas auprès de lui, et ne le resterait
pas s’il n’était pas dans la contemplation perpé
tuelle et ininterrompue des profondeurs du Père.
III. 19. Certains seront probablement choqués
par les propos que nous avons tenus en faisant du
Père le seul vrai Dieu, ce Dieu à côté duquel bien
d’autres deviennent dieux en participant à sa divi
nité. Ils craignent sans doute que l’on ravale la
gloire de celui qui dépasse toute créature au rang
des autres êtres auxquels on donne le titre de
« dieux ». La différence que nous avons exposée en
affirmant que tous les autres dieux doivent leur
divinité au ministère du Verbe divin nous oblige
à en exposer une autre. 20. En effet, les rapports
entre Dieu et le Verbe qui réside en chaque être
raisonnable sont identiques à ceux qu’entretient
avec Dieu le Verbe divin qui était au commence
ment auprès de lui. Car ce que le Père (Dieu même
et vrai Dieu) est à l’égard de son image et des
images de son image - on dit bien que les hommes
ne sont pas des images de Dieu mais qu'ils sont
« à son image »15 — le Verbe même l’est à l’égard
du Verbe qui réside en chaque créature. Tous deux,
118
effectivement, jouent le rôle d'une source : le Père
est la source de la divinité, le Fils celle de la raison.
*
21. Bien qu’il y ait beaucoup de dieux et de
seigneurs, nous n’avons pour Dieu que le Père et
notre seul Seigneur est Jésus-Christ. De même,
bien qu’il y ait beaucoup d’êtres raisonnables16,
nous prions pour avoir en nous l’Être raisonnable
qui était au commencement auprès de Dieu : le
Verbe divin. 22. Celui qui n’accueille pas ce Verbe
qui était au commencement auprès de Dieu pourra
s’attacher à lui sous sa forme charnelle, ou accom
pagner ceux qui ont participé à ce Verbe, ou encore
chuter en se détournant de cette participation et
demeurer dans ce qu’il y a de plus étranger au
Verbe. 23. Notre propos va s’éclaircir grâce aux
exemples dont nous avons parlé, en faisant d’une
part référence à Dieu, au Verbe de Dieu et aux
dieux - qu’ils portent ce nom sans l’être ou qu’ils
participent de Dieu — et en faisant référence,
d’autre part, au Verbe divin, au Verbe incarné et
aux êtres raisonnables - qu’ils participent du Verbe
d’une certaine manière, ou qu’ils soient du second,
voire du troisième ordre, venant après le Verbe qui
est avant toutes choses. Pris pour ce qu’ils ne sont
pas, ce sont (si j’ose m’exprimer ainsi) des êtres
raisonnables dénués de raison17. Aussi pourrait-on
dire qu’il existe, à l’instar de ces soi-disant dieux,
119
des raisons qui ne sont pas raisonnables, comme il
existe des dieux qui ne sont pas divins.
24. Le Dieu de l’univers est le Dieu des élus
et, bien plus encore, le Dieu du Sauveur des élus.
Il est aussi le Dieu des véritables dieux et, en un
mot, le Dieu des vivants et non des morts18. Le
Verbe divin, de son côté, est sans doute le Dieu
de ceux qui placent tout en lui et le considèrent
comme un père. 25. Le soleil, la lune et les étoiles,
affirment certains de nos prédécesseurs19, avaient
été attribués aux hommes qui ne s’étaient pas mon
trés dignes que le Dieu des dieux fût appelé leur
Dieu. Nos aînés furent amenés à cette conclusion
en se penchant sur ce passage du Deutéronome :
« Quand tu lèveras les yeux vers le ciel et que tu
y verras le soleil, la lune et toute l’armée des cieux,
ne te laisse pas aller à te prosterner et à servir ces
astres que le Seigneur ton Dieu a donné en partage
à tous les peuples. Mais à vous, le Seigneur ton
Dieu ne les a pas donnés de la même manière20. »
26. En effet, comment Dieu a-t-il donné en par
tage à tous les peuples le soleil, la lune et toute
l'armée des cieux, sans les donner aussi de la même
manière à Israël ? Parce que les hommes incapables
de s’élever jusqu’à la nature intelligible pourraient
s’en tenir de bon gré aux dieux sensibles qui ont
éveillé leur esprit à la divinité, et ne pas en arriver
à prier des idoles et des démons.
27. Ainsi, certains ont pour Dieu le Dieu de
l’univers. D’autres, venant juste après eux, vénèrent
le Fils de Dieu, son Christ. Et une troisième
120
catégorie adore le soleil, la lune et toute l’armée des
deux. Ils s'égarent loin de Dieu, certes, mais cet
égarement n’est pas du même ordre que celui - bien
inférieur — de ceux qui prennent pour dieux « des
œuvres de la main de l'homme ; de l’or et de
l’argent travaillés avec art »21. Les derniers, enfin,
honorent de prétendus dieux qui n’ont rien de
divin.
28. Les uns participent donc à ce Verbe qui
était au commencement auprès de Dieu et était
Dieu. Tels étaient Osée, Isaïe, Jérémie, et tous les
sages dont le comportement amenait à penser que
« la Parole de Dieu », le Verbe, était venu à eux.
29. Les seconds sont ceux qui ne « savent autre
chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié »22.
Pensant que le Verbe incarné est la manifestation
du Verbe dans toute sa plénitude, ils n’ont du
Christ qu’une connaissance charnelle23. Telle est la
foule de ces gens que l’on regarde comme des
croyants. 30. Les troisièmes s’attachent à des doc
trines qui, d’une certaine manière, ont part au
Verbe, estimant quelles surpassent toutes les
autres24. Il pourrait bien s'agir des adeptes de la
philosophie dispensée auprès des Grecs par des
écoles éminentes et réputées. 31. Les quatrièmes,
contrairement aux troisièmes, ont foi en des doc
trines complètement corrompues et impies. Ils font
disparaître la Providence - bien qu’elle soit mani
feste, presque à la portée de nos sens — et admettent
une autre fin que le bien25.
121
*
32. Même si je peux donner l’impression de
m’être écarté de mon sujet, il me paraissait toute
fois nécessaire de le faire pour envisager clairement
quatre cas pour le mot « Dieu » et quatre pour le
mot « Verbe ». Il y avait en effet le Dieu et un
Dieu, puis deux sortes de dieux ; le Verbe divin
surpasse ces deux catégories et se voit lui-même
surpassé par le Dieu de l’univers. Il y avait égale
ment le Verbe, et peut-être aussi un Verbe, comme
il y a le Dieu et un Dieu ; puis deux sortes d’êtres
raisonnables. Pour ce qui est des hommes, certains
sont liés au Père en ayant part à lui ; d’autres sont
parvenus au Sauveur et placent tout en lui (comme
notre exposé vient de le montrer plus clairement) ;
d’autres encore, dont nous avons déjà parlé, s’en
tiennent au soleil, à la lune et aux étoiles qu’ils
considèrent comme des dieux. Les derniers, qui
constituent la catégorie la plus basse, sont ceux
qui se livrent à des idoles dénuées d’âme et de vie.
33. On peut établir un classement analogue
selon le Verbe auquel les humains participent. Les
premiers sont dirigés par le Verbe lui-même. Les
seconds, par un Verbe qui se rattache à lui et
semble être le Verbe originel ; ce sont ceux qui ne
« savent autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-
Christ crucifié », ne voyant que le Verbe incarné.
Quant aux troisièmes, nous en avons parlé un peu
122
plus haut26. À quoi bon s’étendre sur les individus
qui passent pour vivre dans le Verbe alors qu’ils
se sont détournés, dans leur chute, non seulement
du bien lui-même, mais aussi des traces de ceux
qui en participent ?
Celui-ci était au commencement
auprès de Dieu
125
commencement est évidemment plus ancien que
ce qui fut créé au commencement : le Verbe ne
précède pas seulement le sol et le firmament3, mais
aussi la terre et le ciel.
37. Il ne serait peut-être pas absurde de se
demander pourquoi il n’est pas dit : « Au
commencement était le Verbe de Dieu, et le Verbe
de Dieu était auprès de Dieu, et le Verbe de Dieu
était Dieu. » Mais cela amènerait tout naturelle
ment celui qui se pose cette question à prouver
qu’il y a plusieurs Verbes, dont chacun serait peut-
être d’une nature différente : l’un serait le Verbe
de Dieu ; un second, disons, le Verbe des anges ;
un troisième, celui des hommes et ainsi de suite
avec tous les autres êtres raisonnables.
38. S’il en va ainsi pour le Verbe, il pourrait
très bien en aller de même pour la sagesse et la
justice. Mais il serait absurde d’affirmer que plu
sieurs êtres pourraient porter les noms de
« Verbe », de « Sagesse » et de « Justice » à pro
prement parler. Si nous envisageons ce problème
en partant de la notion de vérité, nous serons
obligés de reconnaître qu’il ne faut pas chercher
plusieurs Verbes, plusieurs sagesses et plusieurs
justices, au sens propre du terme.
39. Tout le monde admettra en effet qu’il n’y
a qu’une seule vérité : personne n’osera soutenir
qu'il y a une vérité de Dieu, une vérité des anges
et une vérité des hommes ; car la vérité qui
concerne chaque être est une, c’est dans la nature
des choses. 40. Mais si la vérité est une, on aura
126
évidemment de bonnes raisons de penser que la
sagesse (c’est-à-dire ce qui constitue la vérité et la
démontre) est une. Car toute « sagesse » qui ne
contient pas la vérité ne peut à bon droit prendre
ce titre. Si la vérité est une et la sagesse est une,
le Verbe — qui révèle la vérité, rend la sagesse
simple et claire pour les hommes capables de
l’accueillir en eux — doit être un lui aussi. 41. Nous
ne voulons pas dire par là que la vérité, la sagesse
et le Verbe ne sont pas de Dieu ; nous voulons
montrer qu’il était bon d’omettre « de Dieu » et
de ne pas écrire : « Au commencement était le
Verbe de Dieu. »
*
V. 42. Le même Jean, dans l’Apocalypse, ajoute
pourtant « de Dieu » lorsqu’il nomme le Verbe :
« Je vis encore le ciel ouvert, et paraître un cheval
blanc. Son cavalier s'appelle Fidèle et Véritable.
C’est avec justice qu’il juge et qu’il se bat. Ses
yeux flamboient comme une flamme ardente ; plu
sieurs diadèmes reposent sur sa tête ; il porte un
nom gravé qu’il est seul à connaître et un manteau
tout aspergé de sang. Verbe de Dieu, tel est son
nom. Ses armées le suivent dans le ciel sur de
blanches cavales, parées de lin immaculé. De sa
bouche sort un glaive affilé pour en frapper les
nations ; il les gouvernera lui-même d’une main
de fer. C’est lui qui foule dans le pressoir le vin
de la colère brûlante du Dieu tout-puissant. Sur
127
son manteau et sur sa cuisse, il porte un nom
gravé : Roi des rois et Seigneur des seigneurs4. »
43. Il était nécessaire qu’il fût tantôt appelé
« Verbe » (sans autre qualification) et tantôt
« Verbe de Dieu » (avec cette qualification).
L’omission de l’un des deux aurait pu nous fournir
de bons prétextes à une interprétation erronée et
nous écarter de la vérité qui concerne le Verbe.
Car si on l’avait simplement appelé « le Verbe »
et non « le Verbe de Dieu », nous n’aurions pas
compris clairement que ce Verbe est le Verbe de
Dieu. 44. D’un autre côté, s’il portait le nom de
« Verbe de Dieu » sans être appelé « Verbe » , tout
simplement, nous pourrions imaginer qu'il y a plu
sieurs Verbes selon les rapports qu’ils entretien
draient avec chacun des êtres raisonnables, et nous
ferions erreur en pensant qu’ils sont plusieurs à
porter ce titre de manière légitime.
45. Cependant, l'apôtre et évangéliste, lorsqu’il
décrit le Verbe de Dieu dans son Apocalypse (qui
fait aussi de lui un prophète), affirme à juste titre
qu’il a vu dans le ciel ouvert le Verbe de Dieu
montant un cheval blanc. 46. Mais que veut-il dire
en parlant du ciel ouvert, du cheval blanc et de ce
cavalier que l’on appelle le Verbe de Dieu ? Que
veut-il dire lorsqu’il affirme que le Verbe de Dieu
est Fidèle et Véritable, qu’il juge et qu’il se bat
avec justice ? Il faut y réfléchir afin de progresser
encore davantage dans la compréhension de ce qui
touche au Verbe de Dieu.
128
47. Le ciel, selon moi, est fermé aux impies qui
portent l’image du terrestre, tandis qu’il est ouvert
aux justes parés de l’image du céleste5. Dans la
mesure où ils demeurent en bas et vivent encore
dans la chair, les premiers n’ont pas accès aux
réalités supérieures. Ils sont incapables de les
comprendre et d’en embrasser la beauté. Repliés
sur eux-mêmes, ils ne veulent pas faire l’effort de
réfléchir et de relever la tête. En revanche, comme
la cité des hommes de foi est dans les cieux, la clé
de David leur a ouvert les portes des réalités
célestes et les a offertes à leur vue6. C’est le Verbe
divin qui les ouvre et les montre clairement
puisqu’il est porté par un cheval blanc, autrement
dit par des voix qui révèlent le sens des choses7.
Ce cheval est blanc car la connaissance est claire,
éclatante, lumineuse.
VI. 48. Assis sur ce cheval blanc, celui qui est
appelé « Fidèle » est fermement et, pour ainsi dire,
royalement installé sur des voix que rien n’arrête,
qui courent plus vite, plus vivement que n’importe
quel cheval et qui, dans leur élan, surpassent en
renommée tout prétendu verbe qui simule le Verbe
et tout semblant de vérité simulant la Vérité.
49. Celui qui monte ce cheval blanc n’est pas
appelé « Fidèle » parce qu’il croit, mais parce qu’il
est crédible, c’est-à-dire digne d’être cru. Pour
Moïse, en effet, le Seigneur est fidèle et véritable8.
Il est véritable par opposition à l’ombre, la figure
et l'image, car tel est le Verbe dans le ciel béant.
Sur terre, il n’est pas comme au ciel : s’étant fait
129
chair, il s’exprime au moyen d’ombres, de figures
et d’images. 50. Toutefois, la majorité de ceux qui
passent pour des croyants sont disciples de l’ombre
du Verbe et non du véritable Verbe de Dieu, qui
se trouve dans le ciel béant. C’est pourquoi Jérémie
parle du « souffle de nos narines, l’oint du Sei
gneur, lui dont nous disions : “Nous vivrons sous
son ombre parmi les nations” »9.
51. Ce Verbe de Dieu n’est pas seulement
appelé « Fidèle », mais aussi « Véritable ». Il juge
et se bat avec justice, ayant reçu de Dieu le pouvoir
de juger chacun et de lui attribuer son dû selon
son mérite par la justice même et le jugement
même. 52. Car aucun de ceux qui ont part à la
justice et au pouvoir de juger un peuple ne pourra
graver en son âme l’empreinte du sceau de la jus
tice et du jugement avec une perfection égale à la
justice même et au jugement même ; tout comme
un peintre sera incapable de restituer dans son
tableau toutes les particularités de son motif.
53. C’est, je crois, la raison pour laquelle David a
dit au Seigneur : « Nul être vivant ne sera rendu
juste devant toi10. » Il ne s’est pas contenté de dire
« nul homme » ou « nul ange » ; il a bien précisé
« nul être vivant ». Car même si l’on participe à
la vie en ayant totalement écarté la mort, on ne
pourra pas pour autant devenir juste « devant toi »
comme c’est le cas, ou presque, pour la Vie. Il est
impossible que celui qui a part à la vie (et qui
pour cela est appelé « vivant ») devienne lui-même
la Vie, ou que celui qui a part à la justice (et qui
130
pour cette raison est appelé « juste ») soit en tous
points assimilé à la Justice.
VII. 54. L’œuvre du Verbe ne consiste pas seu
lement à juger avec justice, mais aussi à lutter avec
justice. Ainsi, ayant anéanti l’irrationnel et l’injus
tice parce qu’il a combattu ses ennemis par la
raison et la justice, le Verbe demeure dans l’âme
de celui que le Christ a capturé pour son salut, si
j’ose dire, après avoir banni de cette âme tout ce
qui s’y oppose. 55. La guerre que mène le Verbe
apparaît encore plus nettement lorsqu’il se fait
l’ambassadeur de la vérité, quand celui qui feint
d’être le Verbe ne l’est pas et celle qui se proclame
Vérité n’est que mensonge. Alors, le Verbe armé
contre ce dernier « l’extermine par le souffle de sa
bouche et l’anéantit par la manifestation de sa pré
sence » . 56. Vois si l’on ne peut pas comprendre
en ce sens les paroles de l'Apôtre aux Thessaloni-
ciens dans l’Épître qu’il leur adresse. Car si le
Christ est le Verbe, la Vérité et la Sagesse,
qu'est-ce qui est exterminé par le souffle de sa
bouche sinon le mensonge ? Et qu’est-ce qui est
anéanti par la manifestation de la présence du
Christ — compris comme Verbe et Sagesse — sinon
tout ce qui fait profession de sagesse, mais qui
n’est, en réalité, que l’un de ces êtres que Dieu
prendra « dans leur propre fourberie »12 ?
Le Verbe qui monte ce cheval blanc est encore
l’objet de remarques très étonnantes. Jean rapporte
en effet que « ses yeux flamboient comme une
flamme ardente ». 57. De la même manière que la
131
flamme peut briller et illuminer, elle peut brûler
et détruire la matière. Les yeux du Verbe parta
gent, si je puis dire, ces propriétés. Organes de sa
vue, comme de quiconque participe de lui, ils
n’ont pas seulement la capacité de saisir les réalités
spirituelles mais celle aussi de consumer et de
détruire les pensées grossières et matérielles. Car
tout ce qui est mensonger, d’une manière ou d’une
autre, s'écarte de la simplicité et de la finesse de
la vérité.
VIII. 58. Après avoir parlé de celui qui juge
dans la justice et se bat selon ses justes jugements
pour répandre ensuite la lumière, Jean ajoute en
toute logique que « plusieurs diadèmes reposent
sur sa tête ». En effet, s’il n’y avait qu’un mensonge
et une seule sorte de mensonge, et si le Verbe
« fidèle et véritable » avait reçu la couronne du
vainqueur pour l’avoir terrassé, on aurait pu écrire
avec raison que le Verbe de Dieu porte un diadème
en ayant triomphé de son adversaire. 59- Mais
nombreux sont les mensonges qui font profession
de vérité. Or comme le Verbe est couronné parce
qu’il leur fait la guerre, les diadèmes s’accumulent
sur la tête de celui qui les a tous vaincus. Puisqu’il
a soumis chaque puissance rebelle, il est ceint de
plusieurs diadèmes en signe de victoire.
60. Il est écrit ensuite qu’« il porte un nom
gravé qu'il est seul à connaître ». Certaines choses,
effectivement, ne sont connues que du Verbe
vivant. Comme la nature des êtres qui viennent au
monde après lui est inférieure à la sienne, aucun
132
d’eux ne peut voir tout ce qu’il appréhende. Il se
peut aussi que ceux qui participent de ce Verbe
soient seuls à savoir ce qui ne parvient pas
jusqu’aux autres.
61. Mais il n’est pas nu, le Verbe de Dieu que
Jean voit monter à cheval : il porte « un manteau
tout aspergé de sang » puisqu’il est enveloppé des
traces de sa passion. C’est parce que le Verbe s’est
fait chair, et qu’il est mort de s’être fait chair, que
son sang se répandit sur la terre lorsque le soldat
lui transperça le flanc13. Car même si nous accédons
un jour à la plus haute, à la plus sublime contem
plation du Verbe et de la Vérité, nous nous sou
viendrons sans doute que nous y avons été
introduits par sa venue dans notre corps.
62. Toutes les armées du ciel accompagnent ce
Verbe de Dieu qui les conduit, qu’elles suivent et
qu’elles imitent en toutes choses : elles montent
en particulier des chevaux blancs, car tout est clair
pour ceux qui sont intelligents14. De même qu a
la fin du monde le chagrin, « la douleur et les
plaintes cesseront » , je pense que l’obscurité et
l'incertitude auront elles aussi disparu : tous les
mystères de la Sagesse de Dieu se manifesteront
clairement, précisément. 63. Mais considère les
chevaux blancs de ceux qui accompagnent le
Verbe. Ils sont parés de lin blanc, immaculé.
Puisque le lin est issu de la terre, ces vêtements
de lin ne seraient-ils pas une image des langages
de la terre dont sont parées les voix qui révèlent
les choses dans toute leur clarté ? C’est afin de
133
mieux comprendre ce qui concerne le Verbe divin
que nous nous sommes attardé sur ce qui est dit
de lui dans l’Apocalypse.
*
IX. 64. Ceux qui se contentent de survoler les
differentes propositions que nous avons citées trou
veront que l’évangéliste semble se répéter et ne
rien dire de plus dans « Celui-ci était au commen
cement auprès de Dieu » que dans « Et le Verbe
était auprès de Dieu ». 65. Il faut toutefois bien
observer que le verset « Et le Verbe était auprès
de Dieu » ne nous livre aucune indication spatiale
ou temporelle ; c’est ce que va faire la quatrième
affirmation. Il y a bien quatre affirmations ou,
comme disent certains, quatre propositions, dont
la dernière est : « Celui-ci était au commencement
auprès de Dieu. » 66. Cependant, « Et le Verbe
était auprès de Dieu » n'est pas la même chose que
« Celui-ci était, etc. ». Car on ne dit pas ici sim
plement qu'il était auprès de Dieu, mais quand et
où il était auprès de lui : « Celui-ci, nous dit-on
en effet, était au commencement auprès de Dieu. »
Pour qui creuse un peu la question, le démons
tratif « celui-ci » renvoie au Verbe ou à Dieu, de
sorte que l’on trouve réunies dans ce mot les
notions de Verbe et de Dieu mentionnées aupara
vant. Ce démonstratif rassemble donc en un seul
tout deux termes dont les notions diffèrent ; car la
notion de Dieu n'est pas incluse dans celle de
134
Verbe, et celle de Verbe n’est pas dans celle de
Dieu. 67. Jean récapitule certainement les trois
propositions en une seule, à savoir : « Celui-ci était
au commencement auprès de Dieu. » En effet,
« Au commencement était le Verbe » ne nous per
mettait pas de comprendre qu’il était auprès de
Dieu ; dans « Le Verbe était auprès de Dieu »,
nous ne savions pas clairement qu’il était au
commencement auprès de Dieu ; enfin, « Et le
Verbe était Dieu» n’indiquait ni qu’il était au
commencement, ni qu’il était auprès de Dieu.
68. Comme « celui-ci », dans la formule « Celui-ci
était au commencement auprès de Dieu », désigne
le Verbe divin, et comme l’évangéliste y rattache
« au commencement » et y ajoute « auprès de
Dieu », tout ce qui est dit dans les trois proposi
tions se trouve récapitulé et réuni en une seule.
69- Regarde si Jean, en répétant deux fois « au
commencement », ne nous apprend pas deux
choses : l’une, qu’« Au commencement était le
Verbe », comme s’il était au commencement par
lui-même sans y être forcément auprès de
quelqu’un ; l’autre qu’il « était au commencement
auprès de Dieu ». Je trouve qu’il n’est pas faux de
dire de lui qu’il « était au commencement » et
qu’il « était au commencement auprès de Dieu »,
qu'il n’était pas seulement auprès de Dieu,
puisqu’il était aussi au commencement, et qu’il
n’était pas seulement au commencement ni seule
ment auprès de Dieu, puisque « Celui-ci était au
commencement auprès de Dieu ».
t
Toutes choses furent faites grâce à lui
137
72. Le même Paul dit aussi dans son Épître aux
Hébreux : « En ces jours qui sont les derniers, il
nous a parlé en son Fils qu'il a établi héritier de
toutes choses et grâce à qui il a aussi créé les
siècles2. » Il nous apprend ici que Dieu créa les
siècles grâce à son Fils, que c’était au Fils unique
que revenait ce « grâce à qui » au moment de la
création des siècles. Si toutes choses ont été faites
grâce au Verbe, comme c’est également le cas dans
notre texte, elles n’ont pas été faites par le Verbe,
mais par quelqu’un de plus puissant et de plus
grand que lui. Or qui cela pourrait-il être sinon le
Père ?
73- S’il est vrai que « toutes choses furent faites
grâce à lui », il faut alors examiner si l’Esprit-Saint
fut créé grâce au Verbe. À mon sens, ceux qui
avancent que « toutes choses furent faites grâce à
lui » et que le Saint-Esprit a bien une origine
doivent admettre nécessairement qu’il fut fait, lui
aussi, grâce au Verbe ; car le Verbe le précède. En
revanche, pour ceux qui ne veulent pas reconnaître
que le Saint-Esprit fut créé grâce au Christ, il
s’ensuit - s’ils ajoutent foi à ce que dit l’Évangile
de Jean - que le Saint-Esprit n’a pas d’origine.
74. À côté de ceux qui admettent que le Saint-
Esprit fut créé grâce au Verbe et de ceux qui pen
sent qu’il n’a pas d’origine, on trouvera une
troisième catégorie de personnes pour lesquelles le
Saint-Esprit n'a pas d’existence propre, différente
de celle du Père et du Fils. Mais si ces gens pensent
138
que le Fils est différent du Père, peut-être approu
veront-ils l’idée que l’Esprit, lui, est identique au
Père ; car tout le monde s’accorde à voir dans les
versets suivants la distinction entre le Fils et
l’Esprit-Saint : « Si quelqu’un a parlé contre le Fils
de l'homme, cela lui sera remis ; mais pour celui
qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit, il n’y
aura de rémission ni dans ce siècle, ni dans celui
qui vient3. »
75. Toutefois, comme nous avons la conviction
qu’il existe trois réalités distinctes (le Père, le Fils
et le Saint-Esprit) et comme nous croyons que le
Père est le seul à ne pas avoir d'origine, nous
admettons — si toutes choses ont été faites grâce
au Verbe — que l’Esprit-Saint l’emporte en dignité
sur tout ce qui a été créé et qu’il occupe la première
place parmi tous les êtres suscités par le Père grâce
au Christ. Telle est pour nous la vérité et ce qui
répond le mieux à la piété. 76. C’est peut-être la
raison pour laquelle l’Esprit ne prend pas le titre
de Fils de E)ieu, car seul le Fils unique est fils, par
nature et dès le commencement. Il semble d’ail
leurs que le Saint-Esprit ait besoin de lui pour
rester une substance distincte ; pour exister, soit,
mais aussi pour être sage, raisonnable, juste, et
tout ce que nous devons penser qu’il est, puisqu’il
participe aux attributs du Christ dont nous avons
parlé.
77. Je crois, pour ma part, que le Saint-Esprit
fournit la matière, si je puis dire, des dons divins
à ceux qui, grâce à lui et parce qu’ils participent
139
de lui, sont appelés des saints. La matière de ces
dons est produite par Dieu, procurée par le Christ
et subsiste selon le Saint-Esprit. 78. J’en suis arrivé
à cette conclusion d'après ces lignes que Paul
consacre quelque part aux dons spirituels : « Il y
a, certes, diversité de dons, mais c’est le même
Esprit ; diversité de ministères, mais c’est le même
Seigneur ; diversité d’opérations, mais c’est le
même Dieu qui opère tout en tous4. »
*
XI. 79. Le verset « Toutes choses furent faites
grâce à lui » et sa suite logique soulèvent pourtant
une question délicate : comment se fait-il que
l’Esprit, dans certains passages des Écritures, passe
avant le Christ alors qu’il fut fait grâce au Verbe ?
Dans Isaïe, par exemple, le Christ reconnaît qu’il
n’a pas seulement été envoyé par le Père, mais aussi
par l'Esprit-Saint. On lit en effet : « Et maintenant
le Seigneur et son Esprit m'ont envoyé5. » Dans
l’Évangile, le Christ promet le pardon pour les
péchés commis envers lui-même, mais le refuse à
qui blasphème contre le Saint-Esprit, dans ce siècle
comme dans l’autre6.
80. Cependant, ce n’est pas parce que l’Esprit-
Saint dépasse le Christ en dignité que celui qui a
péché contre lui ne sera pas pardonné. C’est plutôt
parce que tous les êtres raisonnables participent du
Christ et que le pardon leur est accordé s’ils se
repentent de leurs péchés. Il ne faut pas s’étonner,
140
en revanche, qu’il ne puisse y avoir aucune espèce
de pardon pour ceux qui furent jugés dignes de
participer à l'Esprit-Saint et qui, au lieu de prendre
part à une union d’une telle grandeur et d’une telle
puissance, sombrent dans le mal en se détournant
des conseils de l’Esprit qui réside en eux. 81. Si
notre Seigneur, comme l’affirme Isaïe, déclare qu’il
a été envoyé par le Père et son Esprit, il nous faut
souligner une fois de plus que ce n’est pas parce
qu’il lui est supérieur par nature que l’Esprit
envoie le Christ, mais parce que le Sauveur lui fut
subordonné afin de réaliser le plan selon lequel le
Fils de Dieu devait s’incarner.
82. Si quelqu’un s’offusque de nous entendre
dire que le Sauveur, en s’incarnant, fut placé au-
dessous du Saint-Esprit, il faut le convaincre par
les paroles de l’Épître aux Hébreux. Paul dit en
effet que Jésus fut même subordonné aux anges
parce qu’il a connu la mort : « Celui qui fut un
moment inférieur aux anges, Jésus, nous le voyons
couronné de gloire et d’honneur parce qu’il a souf
fert la mort7. » 83. Il est certainement possible
d’ajouter que la Création priait pour se voir libérée
de la servitude de la corruption, et que la race
humaine appelait elle aussi de ses vœux l’incarna
tion d’une puissance divine et bienheureuse afin
de remettre de l’ordre sur terre. Cette action, d’une
certaine manière, revenait au Saint-Esprit. Or ce
dernier, incapable de mener un tel combat, propose
le Sauveur comme le seul capable de s’en charger.
Le Père, détenteur du pouvoir, envoie donc son
141
Fils. Mais le Saint-Esprit, lui aussi, l’envoie et
l’escorte ; car il promet de rejoindre ici-bas le Fils
de Dieu en temps voulu et d’œuvrer avec lui au
salut des hommes.
84. C’est ce qu’il fit en descendant sur lui, après
le baptême, sous la forme corporelle d’une
colombe. Au lieu de passer en volant, comme il le
fait sans doute avec les hommes qui ne peuvent
supporter continuellement sa gloire, il s'est arrêté
au-dessus du Sauveur. C’est la raison pour laquelle
Jean-Baptiste, expliquant comment il a reconnu le
Christ, ne se contente pas de dire que l’Esprit est
descendu sur Jésus, mais, outre cette descente,
qu’il est resté en lui. 85. Les Écritures rapportent
en effet ses mots : « Celui qui m’a envoyé baptiser
m’avait dit : “Celui sur qui tu verras l’Esprit des
cendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans le
feu et l’Esprit-Saint”8. » Il n’a pas simplement dit :
« Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre » — car
il est certainement descendu sur d'autres — mais :
« Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et
demeurer. » 86. Nous nous sommes quelque peu
attardé sur ce point afin de voir plus clairement
comment, si toutes choses furent faites grâce au
Verbe, l’Esprit fut fait également grâce à lui ; car
il fait partie de tous ces êtres que l’on juge infé
rieurs à celui grâce auquel ils furent faits, même
si certaines expressions nous poussent apparem
ment à penser le contraire.
XII. 87. Si l'on en croit l’Évangile selon les
Hébreux9, où le Sauveur déclare : « Ma mère, qui
142
est le Saint-Esprit10, vient de me prendre par l’un
de mes cheveux et m'a transporté sur la grande
montagne du Thabor », on ne manquera pas de se
demander comment l'Esprit-Saint peut être la
mère du Christ alors qu’il fut fait grâce au Verbe.
88. Mais cela n’est pas difficile à expliquer. En
effet, si « quiconque fait la volonté du Père qui
est aux cieux, celui-là est le frère, la sœur et la
mère »" de Jésus, et si le nom de « frère du
Christ » ne s’applique pas seulement à la race des
hommes mais également aux êtres qui sont plus
divins qu’eux, il n’y a rien d’absurde à ce que
l’Esprit-Saint soit appelé « mère du Christ »,
puisqu’il accomplit la volonté du Père qui est aux
cieux.
89. Il nous faut encore examiner une question
concernant le verset « Toutes choses furent faites
grâce à lui ». Le Verbe, d'un point de vue intel
lectuel, diffère de la vie ; et pourtant nous lisons
bien : « Ce qui fut fait en lui était la vie, et la vie
était la lumière des hommes12. » Mais comme
toutes choses furent faites grâce à lui, est-ce que
la vie (qui esc la lumière des hommes) et les autres
attributs du Sauveur furent aussi faits grâce à lui,
ou faut-il comprendre que « toutes choses furent
faites grâce à lui » à l’exception de ce qui était en
lui ? Cette dernière hypothèse me semble préfé
rable. 90. Car si l’on admet que la vie, lumière des
hommes, fut faite grâce au Verbe, que dire de la
Sagesse, qui est censée le précéder ? Ce qui diffère
du Verbe n’est donc pas fait grâce au Verbe. C’est
143
pourquoi, à part les attributs du Christ, toutes
choses ont été faites grâce au Verbe de Dieu, car
le Père les a créées dans sa sagesse. Il est écrit, en
effet : « Tu as tout fait dans ta sagesse »13 et non
« grâce à ta sagesse ».
*
XIII. 91. Voyons maintenant pourquoi Jean
ajouta « Et sans lui rien n’a été fait »14 à « Toutes
choses furent faites grâce à lui ». On pourrait
penser que cet ajout est superflu. Car si tout a été
fait grâce au Verbe, rien n’a été fait sans lui. Tou
tefois, si rien n’a été fait sans le Verbe, il ne s’ensuit
pas nécessairement que tout a été fait grâce à lui.
En effet, bien que rien ne fût sans le Verbe, il n’est
pas seulement possible que tout soit fait grâce à
lui, mais aussi que certaines choses furent faites
par lui. 92. Il nous faut donc voir comment
comprendre « toutes choses » et quel sens donner
au mot « rien ». Car faute d’avoir éclairci la signi
fication de ces deux termes, et en admettant que
toutes choses furent faites grâce au Verbe, on pour
rait comprendre que le mal, les vices et la proli
fération du péché — à supposer qu’ils fassent partie
de toutes choses — furent faits, eux aussi, grâce au
Verbe. Mais cela n’est pas le cas. Il n’y a rien
d’absurde à ce que toutes les créatures soient faites
grâce au Verbe. Il ne faut pas non plus oublier que
les belles actions et les traits de vertu des bien
heureux se sont développés grâce à lui. Pourtant,
144
il n'en va pas de même pour les péchés et les
échecs. 93. Aussi d'aucuns ont-ils soutenu que,
puisque le mal n’a pas de substance — il n’était pas
au commencement et ne sera pas éternellement —
ces maux-là ne sont « rien ». De même que cer
tains Grecs15 affirment que les genres et les espèces
(comme l’homme et l'animal) appartiennent au
« non-être », il s'en trouve aussi pour penser que
tout ce qui n'a pas reçu de Dieu sa constitution
apparente grâce au Verbe n’est « rien ».
94. Regardons si les Écritures nous permettent
de le prouver de manière convaincante. Quant aux
mots « rien » et « non-être », ils paraissent syno
nymes : le non-être est appelé « rien » et le rien
« non-être ». L’Apôtre, pourtant, n’utilise mani
festement pas l’expression « ce qui n'est pas » q
propos de ce qui n’existe pas (de quelque manière
que ce soit) mais pour parler de ce qui est mauvais ;
car le mal, selon lui, « n’est pas ». Il affirme en
effet : « Dieu appelle ce qui n’est pas comme ce
qui est16. » 95. D’après le livre d’Esther, dans la
version de la Septante, Mardochée appelle les
ennemis d’Israël « ceux qui ne sont pas » lorsqu’il
lance : « Ne livre pas ton sceptre, Seigneur, à ceux
qui ne sont pas17. » Si les méchants sont appelés
« ceux qui ne sont pas » à cause de leurs vices,
c’est aussi en raison du nom donné à Dieu dans le
livre de l’Exode, lorsque le Seigneur dit à Moïse :
« Je suis celui qui est18. » 96. C'est aussi pour
nous, nous qui exprimons le vœu d’appartenir à
l’Église, que Dieu dans sa bonté proféra ces paroles,
145
lui que le Sauveur honore en disant : « Nul n’est
bon que Dieu seul19. » Par conséquent, « celui qui
est bon » est le même que « celui qui est ». Le
mal ou le vice est contraire au bien, et le non-être
à l’être. Il s’ensuit donc que le mal et le vice sont
ce qui n’est pas.
97. Voilà peut-être ce qui a conduit certains à
affirmer que le diable n'est pas l’oeuvre de Dieu.
En tant que diable, effectivement, il n’est pas
œuvre de Dieu. Mais puisqu’il a une origine et
qu’il n’y a d’autre créateur que notre Dieu, l’être
qu’est le diable est une créature de Dieu. C’est
comme si nous disions qu’un meurtrier n’est pas
l’œuvre de Dieu, alors que nous ne pouvons nier
que Dieu l’a créé en tant qu’homme. 98. Car en
admettant que Dieu lui a donné l’être en tant
qu’homme, nous n’admettons pas qu’il le lui a
donné comme meurtrier. Il est juste, en effet, que
tous ceux qui participent de « celui qui est » — et
les saints participent de lui — soient nommés
« ceux qui sont ». Quant à ceux qui se sont
détournés de cette participation, privés de « celui
qui est », ils sont devenus « ce qui n’est pas » :
des « non-être ».
99. Nous avons dit plus haut que « rien » est
synonyme de « non-être ». Ainsi, les « non-être »
ne sont « rien » et le mal tout entier n’est « rien »,
puisqu’il est aussi « non-être ». Appelé « rien », il
fut fait sans le Verbe et n’est pas du nombre de
« toutes choses ». Nous avons donc montré, autant
que nous le pouvions, quelles sont toutes ces choses
146
qui furent faites grâce au Verbe, et ce qui fut fait
sans lui, ce que nous appelons « rien » pour la
simple raison qu’il n'est pas.
*
XIV. 100. C’est en forçant le texte et sans
fournir de preuve, selon moi, qu'Héracléon20 inter
prète le verset « Toutes choses fürent faites grâce
à lui ». Ce disciple de Valentin, dit-on, voit dans
« toutes choses » le monde et ce qu’il renferme, en
excluant du tout — dans le cadre de son hypothèse
— ce qui serait supérieur au monde et à ce qu’il
contient. Il soutient en effet que « ni leon ni ce
qu’il renferme n’existent grâce au Verbe »21 et les
croit antérieurs à ce dernier. Il se montre plus
impudent encore avec « Et sans lui rien n’a été
fait », car il écrit : « Et sans lui rien n’a été fait de
ce qui est dans le monde et dans la Création »,
sans prendre garde à ce précepte : « N’ajoute rien
à ses paroles pour éviter qu’il te confonde et que
tu sois menteur22. »
101. Il va de soi qu’en excluant du tout ce qu’il
juge divin et en appelant « tout », au sens propre,
ce qui serait selon lui complètement corrompu, il
tient là des propos parfaitement arbitraires et il
nie l’évidence. Il ne faut donc pas perdre de temps
à réfuter une thèse qui montre de soi-même sa
propre absurdité. C’est le cas lorsque Héracléon
ajoute à « Et sans lui rien n’a été fait » les mots :
« de ce qui est dans le monde et dans la Création »
147
sans justifier cet ajout par l'Écriture. C’est le cas
également lorsqu'il prétend de manière invraisem
blable que les prophètes et les apôtres sont aussi
dignes de foi que ces irresponsables qui laissent
avec arrogance à leurs contemporains et à la pos
térité des écrits ayant trait au salut de chacun.
102. Héracléon interprète encore à sa manière
le verset « Toutes choses furent faites grâce à lui »
en soutenant que le Verbe a fourni au Créateur le
motif de la genèse du monde ; ce Verbe qui n’est
pas « celui qui » ou « celui par qui », mais « celui
grâce à qui » les choses ont été faites. On voit bien
qu’il comprend le texte en prenant les mots dans
un sens qu’ils n’ont pas d’habitude. Car s’il en
allait vraiment comme il le pense, il faudrait qu’il
soit écrit que tout fut fait par le Verbe grâce au
Créateur, et non que tout fut fait grâce au Verbe
par le Créateur.
103. Tandis que nous justifions notre interpré
tation en employant la formule « grâce à qui »
dans son sens habituel, Héracléon, dont la pensée
ne s’appuie pas sur les Saintes Écritures, semble
avoir soupçonné la vérité et l’avoir impudemment
défiée. Il affirme en effet : « Ce n’est pas le Verbe
qui créait lui-même comme s’il agissait sous
l’impulsion d’un autre, pour prendre en ce sens
l'expression “grâce à qui" ; c’est un autre qui créait
sous son impulsion. » 104. Ce n’est pas le moment
de prouver que le Créateur ne s’est pas fait le
serviteur du Verbe pour créer le monde, mais que
le Verbe s’est mis au service du Créateur pour
148
construire ce monde. Car selon le prophète David,
« Dieu a dit et ils ont existé ; il a commandé et
ils furent créés »23. En effet, le Dieu inengendré
ordonna au premier-né de toute créature. Et ce
n’est pas seulement le monde et tout ce qu’il ren
ferme qui furent alors créés, mais aussi tous les
autres êtres : « Trônes, Dominations, Principautés
et Puissances ; car tout a été créé grâce à lui, pour
lui, et il est avant toutes choses24. »
*
XV. 105. Un mot encore sur le verset « Et sans
lui rien n’a été fait », car il ne faut pas que la
question du mal reste en suspens. Même si cela
peut paraître totalement absurde, il me semble que
c’est un point que l’on ne saurait négliger. Il s’agit
donc de voir si le mal a été fait, lui aussi, grâce
au Verbe ; en entendant maintenant par ce dernier
la raison qui réside en chaque être, provenant elle-
même du Verbe qui était « au commencement »
et se trouve en chacun. 106. L'Apôtre dit bien :
« Sans la loi, le péché n’est qu’un mort » et il
ajoute : « Quand le commandement est venu, le
péché a pris vie25. » Il nous apprend là d’une
manière générale que le péché n’a aucun pouvoir
avant la loi et le commandement. Mais comment
le Verbe peut-il être la loi et le commandement ?
N’y aurait-il pas de péché sans loi, puisque « le
péché n’est pas imputé quand il n’y a pas de
loi »2<s ? Et n’y aurait-il pas de péché sans Verbe,
149
« car si je n’étais pas venu, dit-il, et ne leur avais
parlé, ils seraient sans péché »27 ? 107. Effective
ment, quiconque n’obéit pas au Verbe qui est en
lui et qui lui dicte sa conduite n’a plus aucun
prétexte pour se justifier de son péché. Il semble
donc que toutes choses, jusqu’aux plus viles, furent
faites grâce au Verbe, et que rien ne fut sans lui
(nous prenons ici le mot « rien » dans son sens le
plus direct).
108. En aucun cas le Verbe n’est à blâmer si
« toutes choses furent faites grâce à lui » et si
« sans lui rien n’a été fait » ; de même qu'il ne
faut rien reprocher au maître qui montre à son
élève ce qu’il doit faire quand, du fait de son ensei
gnement, le fautif n’a plus aucune occasion de se
justifier de son ignorance ; surtout si nous son
geons que le maître, ici, est inséparable de l’élève.
109. Car le Verbe, inhérent à la nature des êtres
raisonnables, est comme un maître inséparable de
son élève. Il suggère toujours ce qu’il faut faire,
même si nous ne tenons pas compte de ses ordres,
si nous nous abandonnons aux plaisirs et négli
geons ses excellents préceptes. De même que nous .
nous servons de notre œil pour regarder ce que
nous ne devrions pas voir alors qu’il est destiné à
un meilleur usage ; de même que nous mésusons
de notre oreille en écoutant de mauvaises chansons
et des propos défendus ; de même, nous outrageons
le Verbe qui est en nous en l’utilisant à des fins
interdites et criminelles. Car il réside dans les
150
pécheurs pour leur jugement et juge, pour cette
raison, quiconque ne le préfère pas à toutes choses.
110. Voilà pourquoi le Christ lance: «La
parole que j’ai fait entendre, c’est elle qui vous
jugera »28, comme s’il nous disait : « Moi, le
Verbe, qui élève toujours la voix en vous, je vous
condamnerai moi-même sans vous laisser la
moindre occasion de vous justifier. » Cette inter
prétation risque toutefois de paraître un peu forcée,
je le reconnais, puisque nous admettons comme
Verbe celui qui est au commencement auprès de
Dieu, le Verbe divin, et nous le comprenons ici
dans un sens différent en affirmant que ce n’est
pas seulement au sujet des chefs-d’œuvre de la
Création qu’il est dit : « Toutes choses furent faites
grâce à lui », mais aussi à propos de tout ce que
font les êtres doués de raison, car sans ce Verbe
nous ne péchons en rien. 111. La question main
tenant est de voir si l’on peut dire que le Verbe
qui est en nous est bien celui qui esc au commen
cement, auprès de Dieu, le Verbe divin. L’Apôtre,
d’ailleurs, ne semble pas le distinguer du Verbe
qui se trouve au commencement auprès de Dieu :
« Ne dis pas en ton cœur : "Qui montera au ciel ?”
— déclare-t-il — c’est en faire descendre le Christ ;
ni "Qui descendra dans l'abîme ?”, c’est faire
remonter le Christ de chez les morts. Mais que dit
l’Écriture ? "La parole est tout près de toi, sur tes
lèvres, dans ton cœur’’29. »
1
Ce qui fut fait en lui était la vie,
et la vie était la lumière des hommes
153
mots de l’Écriture, de montrer un certain nombre
de passages frappés au coin du paradoxe et s’avé
rant plus paradoxaux encore que les sentences des
Grecs. En effet, si nous considérons le Verbe qui
était au commencement auprès du Père, le Verbe
divin, nous serons certainement en mesure de dire
que seul l’être qui participe de lui, en tant que tel,
est doué de raison. Nous pourrons ainsi démontrer
que seul le saint est raisonnable.
115. En outre, si nous comprenons que la vie
est venue dans le Verbe — lui qui déclare : « Je
suis la vie »2 —, nous dirons qu’aucun de ceux qui
sont étrangers à la foi au Christ n’est en vie, que
tous ceux qui ne vivent pas pour Dieu sont morts,
’ue leur vie est une vie de péché et donc, pour
nsi dire, une vie de mort. 116. Regarde si cet
seignement ne revient pas souvent dans les
aintes Écritures ; quand le Sauveur lance par
exemple : « N’avez-vous pas lu ce qui est dit dans
le passage du Buisson : “Je suis le Dieu d’Abraham,
le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ” ? Il n’est pas
le Dieu des morts, mais des vivants »3 et : « Nul
vivant ne sera justifié devant toi4. » Mais pourquoi
parler de Dieu ou du Sauveur ? En effet, on ne sait
pas précisément auquel des deux attribuer cette
parole rapportée par les prophètes : « "Je suis
vivant”, dit le Seigneur5. »
XVII. 117. Examinons d’abord « Il n’est pas le
Dieu des morts, mais des vivants » ; ce qui équi
vaut à dire : « Il n'est pas le Dieu des pécheurs,
mais des saints. » Car c'est un immense cadeau que
154
Dieu a fait aux patriarches en ajoutant leur nom à
son propre titre de « Dieu » au lieu de se faire
simplement appeler par le sien6. 118. « C’est pour
quoi, dit Paul, Dieu n’a pas honte de s’appeler leur
Dieu7. » Il est ainsi le Dieu de nos pères et de tous
les saints. On chercherait en vain un texte où Dieu
serait le Dieu d’un impie. S’il est le Dieu des saints
et si l’on dit qu’il est le Dieu des vivants, les saints
sont les vivants et les vivants sont saints. Il n’y a
donc pas de saints en dehors des vivants, et il ne
suffit pas d’avoir la vie pour être appelé « vivant »,
il faut aussi la sainteté.
119- On peut se livrer à peu près au même
raisonnement avec le verset « Je plairai au Seigneur
sur la terre des vivants »8. C'est comme si le psal-
miste disait : « dans la condition des saints » oi
« dans le lieu des saints ». Car on ne peut plair
à Dieu, à proprement parler, que dans la conditioi
des saints ou dans le lieu des saints. Personne ne
peut entièrement lui plaire sans être parvenu à la
condition des saints ou être arrivé au lieu des
saints. Quiconque a reçu en cette vie une sorte
d'ombre ou d'image de la conduite qui plaît vrai
ment à Dieu devra y parvenir.
120. De même, les mots : « Nul vivant ne sera
justifié en face de Dieu »9 nous montrent que per
sonne, devant Dieu et la justice qui est en lui, ne
sera justifié, même le plus grand des bienheureux.
On pourrait dire, en employant un autre exemple,
qu’aucune lampe ne brillera en plein jour ; non
qu’elle ne puisse répandre sa lumière, mais parce
155
qu’une lampe ne peut briller qu’à l'abri du soleil.
De même, n'importe quel vivant ne sera justifié
que s’il est comparé à ceux qui sont en bas,
dominés par les ténèbres, et non en face de Dieu.
C’est auprès d'eux que brillera la lumière des
saints.
121. Vois s’il ne faut pas comprendre en ce sens
cette phrase de l’Évangile : « Que votre lumière
brille devant les hommes10. » Le Christ ne dit pas :
« Que votre lumière brille devant Dieu », car il
aurait donné là un ordre impossible à exécuter,
comme s’il avait ordonné aux étoiles, ces lumi
naires animés11, de briller devant le soleil. 122. On
peut donc dire que les simples vivants ne seront
pas les seuls à ne pas être justifiés devant Dieu (il
àut aussi compter les vivants qui se distinguent
les autres) ou, plus exactement, que la justice de
l’ensemble des vivants ne sera pas justifiée auprès
de celle de Dieu ; comme si l’on rassemblait toutes
les lumières qui brillent la nuit sur la surface de
la terre en disant quelles sont incapables d’éclairer
quoi que ce soit comparées aux rayons du soleil.
123. Les mots « “Je suis vivant”, dit le Sei
gneur » prennent maintenant pour nous une signi
fication plus noble, car la vie — au plein sens du
terme et surtout après ce que nous venons d’en
dire - ne se trouve peut-être qu'en Dieu seul. Alors
demande-toi si ce n’est pas pour cette raison que
l’Apôtre a pu dire de Dieu qu’il est « le seul qui
possède l’immortalité »12. Paul a effectivement
compris la sublime supériorité de sa vie et saisi
156
« “Je suis vivant", dit le Seigneur » d’une manière
digne de lui. La vie immuable et inaltérable est en
effet l’apanage de Dieu. Pourquoi en douterions-
nous pour les autres vivants ? Même le Christ ne
possédait pas l’immortalité du Père, puisqu’il a
goûté la mort pour tous les hommes13.
*
XVIII. 124. Après avoir examiné ce qui touche
à la vie de Dieu, à la vie qui est le Christ, aux
vivants qui demeurent sur leur propre terre14 et
qui ne sont pas justifiés devant Dieu ; après avoir
intégré à notre réflexion la citation où Dieu appa
raît comme « le seul qui possède l'immortalité »,
nous allons maintenant embrasser l'idée qui se
trouve derrière tout cela ; à savoir qu’aucun être
raisonnable ne possède la béatitude comme un
attribut inamissible appartenant à son essence.
125. Car si cet être possédait de manière inamis
sible la béatitude et la vie la plus élevée, comment
pourrait-on encore avancer sans mentir que Dieu
est « le seul qui possède l’immortalité » ?
Il faut bien savoir, cependant, que certains attri
buts du Sauveur ne profitent qu’à autrui et que
certains le concernent lui aussi. Nous devons donc
chercher s’il y en a qui lui appartiennent en propre.
Il est clair que c’est pour les autres qu’il est pas
teur : à la différence des hommes dont c’est le
métier, il n’en tire aucun profit pour lui-même ;
sauf si l’amour qu’il porte aux êtres humains
157
l’amène à considérer comme sien l’intérêt de son
troupeau15. 126. Mais c’est aussi pour autrui qu’il
est « le chemin », « la porte » et « le rameau »
(comme tout le monde s’accorde à le penser), tandis
que c’est pour autrui et pour lui-même qu’il est
« la Sagesse » et peut-être également « la Raison ».
Dans la mesure où il porte en lui, en tant que
Sagesse, tout un ensemble de préceptes, il faut
chercher si certains de ces préceptes — qu’il est seul
à connaître — sont inaccessibles au reste de la
nature engendrée.
127. Notre vénération pour l'Esprit-Saint nous
nterdit de laisser cette question en suspens. Car
'Esprit lui-même reçoit des instructions du Fils,
comme cela apparaît clairement dans les propos du
Christ sur le Paraclet : « Il recevra, dit-il, de ce
qui est à moi et vous l’annoncera16. » Mais l’Esprit,
en recevant ces instructions, embrasse-t-il tout ce
que le Fils connaît, lui qui considère le Père depuis
le commencement ? C’est un point qu’il faut
approfondir.
128. Si certains attributs du Sauveur sont des
tinés à autrui et d’autres ne concernent que lui,
une seule personne, ou un nombre restreint d’indi
vidus - puisqu’il est la vie qui est venue dans le
Verbe —, il faut donc vérifier s’il est « vie » pour
lui-même et pour autrui, ou s’il l’est seulement
pour autrui, et voir dans ce cas de qui il s’agit. On
lit en effet : « Ce qui fut fait en lui était la vie, et
la vie était la lumière des hommes. » Or si la vie
est la même chose que la lumière des hommes, et
158
si celle-ci n’est pas la lumière de tous les êtres
raisonnables mais bien celle des hommes (comme
le texte le spécifie), la vie serait également la vie
des hommes dont elle est en même temps la
lumière. On pourrait dire par conséquent qu’en
tant que vie, le Sauveur ne l’est pas pour lui-même,
mais pour d’autres dont il est aussi la lumière.
129. Cette vie succède au Verbe et reste insé
parable de lui après avoir été produite. Car le Verbe
qui purifie l’âme doit d’abord exister en celle-ci.
Ainsi, une fois l’âme purgée de toute mort et de
toute maladie après l’action purificatrice du Verbe,
la vie pure peut demeurer en quiconque s’est rendu
capable de recevoir le Verbe en tant que Dieu.
XIX. 130. Il nous faut maintenant étudier
deux formules similaires et voir en quoi elles dif
fèrent. Premièrement, lorsque l’on dit que le Verbe
est dans le principe17, et deuxièmement quand on
déclare que la vie est dans le Verbe. Mais le Verbe
n’a pas été fait au commencement et le commen
cement ne va pas sans le Verbe18 ; c'est pourquoi
il est écrit : « Au commencement était le Verbe. »
La vie, elle, n’était pas dans le Verbe mais elle a
été faite, si toutefois « la vie est la lumière des
hommes ». Car avant la création de l'homme, la
lumière des hommes n'existait pas, puisqu’elle est
inconcevable sans eux.
131. Que personne ne vienne nous reprocher
d’envisager ce problème de manière chronologique
alors que c'est l’ordre logique qui exige une pre
mière chose, puis une seconde, et ainsi de suite ;
159
même s’il ne saurait y avoir de temps où les choses
que notre raison place en troisième et quatrième
position n’existaient pas. De même, donc, que l’on
dit de toutes choses qu’elles furent faites grâce au
Verbe (et non qu'elles étaient grâce à lui), que rien
sans lui n’a été fait (et non que rien n'était sans
lui) ; de même, ce qui fut fait en lui (et non ce qui
était en lui) était la vie. D’ailleurs, le Verbe n’était
pas ce qui fut fait au commencement, mais ce
qui était au commencement. 132. Certaines copies
portent pourtant, sans que cela paraisse invraisem
blable : « Ce qui fut fait en lui est la vie19. » Si la
vie est la même chose que la lumière des hommes,
alors celui qui se trouve dans les ténèbres ne vit
>as, et nul vivant ne se trouve dans les ténèbres.
Mais quiconque est en vie demeure aussi dans la
lumière, et quiconque demeure dans la lumière est
en vie. Ainsi, seul celui qui vit est fils de la lumière
(comme tous les vivants, du reste)20. Or le fils de
la lumière est celui dont les œuvres brillent devant
les hommes21.
*
XX. 133. Puisqu’il est question de la vie et de
la lumière des hommes, et comme la mort est
contraire à la vie et les ténèbres des hommes
contraires à la lumière des hommes, on peut voir
- dans la mesure où il est possible de déduire de
ce que l’on a dit de l’un des contraires ce que l’on
a omis au sujet de l’autre — que celui qui se trouve
160
dans les ténèbres des hommes est dans la mort et
que celui qui se livre à des actes de mort ne peut
se trouver que dans les ténèbres. Mais si nous pen
sons à ce que signifie « se souvenir de Dieu »,
quiconque se souvient de lui ne se trouve pas dans
la mort, car il est écrit : « Nul dans la mort ne se
souvient de toi22. »
134. Toutefois, la mort et les ténèbres des
hommes ne sont pas telles par nature. On lit en
effet dans un autre passage : « Nous étions ténèbres
autrefois, mais nous sommes à présent lumière
dans le Seigneur » , surtout si nous nous compor
tons maintenant comme des saints et des êtres
spirituels24. Ainsi, quiconque était ténèbres est
capable, à l’exemple de Paul, de devenir lumière
dans le Seigneur. D’aucuns pensent qu’il existe des
natures spirituelles, comme Paul et les saints apô
tres ; mais je doute que l’on puisse encore soutenir
qu’un être spirituel s’est fait lumière après avoir
été ténèbres. 135. Car si le spirituel était autrefois
ténèbres, qu’en est-il alors du terrestre ? Pourtant,
s’il est vrai que les ténèbres sont devenues lumière,
ne serait-il pas étrange que toutes ténèbres ne puis
sent devenir lumière ? Paul dit que « nous étions
ténèbres autrefois, mais nous sommes à présent
lumière dans le Seigneur ». S’il avait écrit, au
contraire, que les êtres considérés par certains
comme perdus par nature étaient ténèbres et le
sont restés, l'hypothèse de ces gens-là sur les dif-
férentes natures serait alors recevable.
161
1
136. Mais Paul affirme qu’il est devenu lumière
dans le Seigneur après avoir été ténèbres. Par
conséquent, il est possible que les ténèbres se
changent en lumière. Celui qui comprend la pos
sibilité d’un changement, d’un côté comme de
l’autre, pour le meilleur ou pour le pire, n’aura
aucun mal - après ce qui vient d’être dit — à se
faire une idée des ténèbres des hommes, qui ne
sont autres que la mort.
XXI. 137. C'est en forçant violemment le texte
qu’Héracléon, arrivé à ce passage, a interprété « Ce
qui fut fait en lui était la vie » en remplaçant « en
lui » par « pour les hommes spirituels », comme
s’il pensait que le Verbe et le spirituel étaient
identiques, même s’il ne le dit pas explicitement.
Voici ce qu'il déclare en guise d’explication : « Le
Verbe, en effet, leur a donné leur première forme
conformément à leur naissance ; il a formé, éclairé,
fixé ce qu’un autre a semé, et l'a rendu manifes
te25. » 138. Héracléon n’a pas pris garde au fait
que Paul, en parlant des spirituels, ne dit pas qu’il
est question des hommes : « L’homme charnel,
affirme l’Apôtre, ne reçoit pas les choses de l’Esprit
de Dieu, car elles sont une folie pour lui ; le spi
rituel, au contraire, juge de tout26. » Ce n'est pas
un hasard, selon nous, s’il n’a pas ajouté le mot
« homme » à côté du mot « spirituel ». Le spiri
tuel, en effet, est plus qu’un homme, car ce dernier
se distingue par son âme ou son corps, ou les deux
à la fois, mais non par l’esprit, qui est plus divin
qu’eux. Le spirituel, lui, mérite ce titre parce qu’il
162
participe à l’Esprit de manière prédominante.
139. Cette hypothèse s’appuie donc sur un faisceau
d'arguments qui n’ont même pas l'air de preuves
et ne peut donner de ce texte l’ombre d’une expli
cation vraisemblable. Voilà ce que j’avais à en dire.
*
XXII. 140. Il est temps de nous demander si
la vie était la lumière des hommes, uniquement,
ou si elle n’était pas celle de tout être demeurant
dans la béatitude. En effet, si la vie était la même
chose que la lumière des hommes, et si la lumière
du Christ était l’apanage de ces derniers, la vie
aussi serait l’apanage des hommes. Or cette hypo
thèse est à la fois stupide et impie, car les autres
passages des Écritures témoignent contre cette
interprétation, s’il est vrai que nous serons sem
blables aux anges quand nous aurons quelque peu
progressé27. 141. Voici comment il faut résoudre
le problème. Ce n'est pas parce que l’on dit d’une
chose qu’elle concerne certains individus qu’elle ne
concerne qu’eux. Ainsi, si l’on dit de la lumière
qu’elle est lumière des hommes, cela ne veut pas
dire qu’elle est la lumière des hommes à l’exclusion
des autres êtres. En effet, on aurait pu préciser dans
ce cas : la vie était la lumière des seuls hommes.
Car il est possible que la lumière des hommes soit
aussi la lumière d’autres créatures ; de même qu'il
est possible que certaines plantes et certains ani
maux dont les hommes se nourrissent constituent
163
aussi la nourriture d’autres êtres. C’est là un
exemple tiré de la vie courante.
142. Confrontons-le avec un exemple sem
blable extrait des livres inspirés, cela en vaut la
peine. La question maintenant est donc de savoir
si rien n’empêche la lumière des hommes d’être
également la lumière d’autres créatures. Le fait de
dire qu’elle est la lumière des hommes n’exclut pas
qu’elle puisse être la lumière d’autres créatures,
semblables ou supérieures à eux. 143- Il est bien
écrit que Dieu est « le Dieu d’Abraham, le Dieu
d’Isaac et le Dieu de Jacob »28. Sous prétexte qu’il
est dit que « la vie était la lumière des hommes »,
celui qui prétend que la lumière n’appartient à
personne en dehors de ceux-ci pensera de même
que le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu
de Jacob est uniquement le Dieu de ces trois
patriarches. Or il est aussi le Dieu d’Élie29 et,
comme le dit Judith, le Dieu de son père Siméon30,
ainsi que le Dieu des Hébreux31. Par conséquent,
si rien n’empêche qu'il soit le Dieu d’autres
hommes, rien n’empêche que la lumière des
hommes soit aussi la lumière d’autres êtres.
XXIII. 144. S’appuyant sur le verset « Faisons
l’homme à notre image et à notre ressemblance »32,
un autre soutiendra que tout ce qui fut créé à
l’image et à la ressemblance de Dieu est homme.
Il prouvera par des milliers d’exemples que l’Écri-
ture dit indifféremment homme ou ange33, car ces
deux termes désignent une même réalité. C’est le
cas des trois hôtes qu’Abraham a reçus34, devenus
164
deux anges à Sodome35, puis nommés tantôt
« hommes » tantôt « anges » dans le reste de
l’Écriture. 145. Le défenseur de cette thèse dira
que les envoyés de Dieu ont reçu le titre d’ange
en vertu de leur charge et qu'ils ne portent pas ici
le nom d’homme du fait de leur nature. Car on
trouve des anges parmi ceux qui sont manifeste
ment des hommes, comme lorsque Zacharie écrit :
« “Moi, l’ange de Dieu, je suis avec vous”, déclare
le Seigneur tout-puissant »36, de même qu’il est
dit au sujet de Jean-Baptiste : « Voici que j’envoie
mon ange devant toi37., »
146. Cette opinion sera d’autant plus justifiée
que les noms dévolus aux puissances supérieures
ne désignent pas une certaine espèce d’êtres
vivants, mais la fonction que Dieu a assignée à tel
ou tel être raisonnable. Les Trônes, en effet, ne
sont pas une espèce d’êtres vivants, pas plus que
les Principautés, les Puissances et les Domina
tions38. Ce sont les noms des tâches assignées à
ceux qui ont reçu ces titres et qui partagent avec
les hommes la même substance, substance à
laquelle fut échue la condition de Trône, de Puis
sance, de Principauté ou de Domination. 147. On
peut lire dans le livre de Josué, fils de Nun :
« Josué vit à Jéricho un homme qui lui dit : “C’est
comme chef de l’armée du Seigneur que je viens
maintenant”39. »
148. Il faut en déduire que la lumière des
hommes doit être appréhendée comme la lumière
de tout être raisonnable ; car toute créature douée
165
de raison est homme, puisqu’elle est à l’image et
à la ressemblance de Dieu. On emploie donc trois
noms différents pour désigner le même être :
« lumière des hommes », « véritable lumière » ou
encore simplement « lumière ». Comme nous
l’avons montré, il est la lumière des hommes parce
que rien n’empêche de comprendre que cette
lumière est aussi celle d’autres créatures ; mais il
mérite aussi ce titre dans la mesure où tous les
êtres raisonnables sont nommés hommes parce
qu’ils sont à l’image de Dieu.
149. Le Sauveur, ici, est simplement appelé
« lumière ». Or dans sa première Épître catholique,
le même Jean écrit que « Dieu est lumière »40. C'est
pourquoi certains y voient la preuve que le Père,
par essence, ne diffère pas du Fils41. Mais un autre,
portant sur les choses un regard plus aigu et tenant
des propos plus sensés, dira que la lumière qui brille
dans les ténèbres sans que celles-ci la saisissent n’est
pas la même que la lumière en qui milles ténèbres
ne se trouvent42. 150. En effet, la lumière qui brille
dans les ténèbres s’approche en quelque sorte de ces
ténèbres qui la poursuivent sans parvenir toutefois
à la saisir, en dépit des complots dont elle est
l’objet, si je puis m’exprimer ainsi. Mais la lumière
qui ne porte en elle nulles ténèbres ne brille pas
dans les ténèbres et n’est pas non plus poursuivie
par ces dernières ; elle est ainsi victorieuse et repré
sentée comme telle pour ne pas avoir été saisie par
ce qui la poursuit.
166
151. Cette lumière, en troisième lieu, est appe
lée « la véritable lumière ». Mais comme Dieu,
Père de la Vérité, est plus grand et plus puissant
que la Vérité, et comme il est plus fort et plus
parfait que la Sagesse dont il est aussi le Père, on
peut dire qu’il surpasse la « véritable lumière ».
152. Nous comprendrons peut-être plus clairement
qu’il existe deux lumières, le Père et le Fils, grâce
à ces paroles de David tirées du Psaume 35 : « Dans
ta lumière nous verrons la lumière"’3. » Cette même
lumière des hommes qui brille dans les ténèbres,
cette véritable lumière, est proclamée « lumière du
monde » dans la suite de l’Evangile, lorsque Jésus
déclare : « Je suis la lumière du monde"’"*. »
153. Il ne faut pas non plus manquer de remar
quer que Jean aurait très bien pu écrire : « Ce qui
fut fait en lui était la lumière des hommes et la
lumière des hommes était la vie. » Or il a fait le
contraire : il place la vie avant la lumière des
hommes, bien que la vie et la lumière des hommes
ne fassent qu'un. Si l’on pense à ceux qui partici
pent de la vie, qui est aussi la lumière des hommes,
ce que nous découvrons en premier n'est pas le fait
qu’ils sont illuminés, mais qu’ils vivent cette vie
divine dont il est d'abord question ; car la vie doit
venir en premier pour que l’être vivant soit illu
miné. Il serait absurde de parler de l'illumination
d’un être qui n'est pas encore considéré comme
vivant, et que la vie survienne après l'illumination.
154. Car même si la vie et la lumière des hommes
ne font qu’un, leurs notions sont prises dans des
167
sens différents. Cette lumière des hommes est aussi
appelée « lumière des nations » chez le prophète
Isaïe, lorsqu’il lance : « Voici que je fais de toi
l’alliance du peuple, la lumière des nations »4Î, et
c’est parce qu’il a confiance en cette lumière que
David dit dans le Psaume 26 : « Le Seigneur est
ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crain
te46 ? »
XXIV. 155. Il est légitime de demander aux
auteurs de ces fables sur les éons et les syzygies’7
— pour qui le Verbe et la vie ont été émis par
l’intelligence et la Vérité — comment la vie, en
laquelle ils voient l'épouse du Verbe, peut émaner
de son époux. En effet, Jean dit bien : « Ce qui
fut fait en lui (le Verbe, naturellement, qui vient
d’être nommé) était la vie. » Qu’ils viennent donc
nous expliquer comment la vie, « épouse » du
Verbe, fut produite dans le Verbe et comment la
vie, plus que le Verbe, est la lumière des hommes.
156. Il y a de fortes chances pour que des
esprits relativement réfléchis, troublés dans leurs
recherches et frappés par notre question, nous
interrogent à leur tour. Nous serons gênés, nous
aussi, si nous ne trouvons pas pourquoi ce n'est
pas le Verbe que l’on appelle lumière des hommes,
mais la vie qui est produite en lui. Nous leur
répondrons qu’il ne s’agit pas ici de la vie
commune aux êtres raisonnables et aux êtres qui
ne le sont pas, mais de cette vie qui naît en nous
une fois la raison parvenue à son achèvement par
la participation qu’elle reçoit de la raison
168
primordiale qu’est le Verbe. C’est quand nous nous
détournons de la vie qui n’est que la vie apparente
et non la véritable vie, c’est quand nous désirons
posséder en nous cette dernière que nous partici
pons de cette vie qui devient en même temps, une
fois née en nous, le fondement de la lumière de la
connaissance.
157. Pour ceux qui ne recherchent pas ardem
ment l’objet de la connaissance, il se peut que cette
vie ne soit pas lumière en acte mais seulement en
puissance. Il est clair, en revanche, que les hommes
pour qui elle est lumière en acte ne sont autres
que ceux qui observent ce commandement de
Paul : « Aspirez aux dons supérieurs'18. » Mais ce
qui est plus grand que les dons, ce que tout le
monde doit chercher, c’est la parole de sagesse, à
laquelle succède la parole de connaissance19. La
sagesse et la connaissance ont des sens très voisins,
mais ce n’est pas le moment d’exposer leur diffé
rence.
î :
La lumière brille dans les ténèbres
et les ténèbres ne l’ont pas saisie
171
c du Seigneur est lumineux ; il éclaire les yeux3. »
Nous trouvons chez l’un des douze petits prophètes
l’existence d’une lumière de connaissance à côté des
ordonnances et des lois : « Semez pour vous-mêmes
en vue de la justice, dit Osée, vendangez- en vue
d'un fruit de vie, éclairez-vous d'une lumière de
connaissance4. » 160. C’est bien parce qu’il existe
une lumière de connaissance à côté des lois que le
prophète déclare : « Éclairez-vous d’une lumière. »
Osée ne dit pas simplement qu'il y a « une
lumière » ; il en précise la nature en ajoutant que
c’est celle de la connaissance. Car si toute lumière
que l’homme allume pour lui-même était une
lumière de connaissance, il serait inutile de spéci
fier : « Éclairez-vous d’une lumière de connais
sance. »
Les ténèbres, en outre, désignent les mauvaises
actions, comme nous l’apprend ce même Jean
lorsqu’il écrit dans son Épître : « Si nous préten
dons être en communion avec lui alors que nous
marchons dans les ténèbres, nous mentons et nous
ne pratiquons pas la vérité » et plus loin : « Celui
qui prétend être dans la lumière tout en haïssant
son frère est encore dans les ténèbres », puis enfin :
« Celui qui hait son frère est dans les ténèbres ; il
erre dans les ténèbres, sans savoir où il va, parce
que les ténèbres ont aveuglé ses yeux5. » 161. Errer
dans les ténèbres renvoie à ce que la conduite a de
blâmable. Et n’est-ce pas s’éloigner de ce que l’on
nomme « connaissance », à proprement parler, que
de haïr son frère ? Mais celui qui ignore les réalités
172
divines marche dans les ténèbres en raison même
de cette ignorance. C’est ce que dit David : « Ils
n’ont ni savoir, ni intelligence ; ils marchent dans
les ténèbres6. »
162. Prête bien attention à ces mots : « Dieu
est lumière et il n’y a pas de ténèbres en lui7. »
Ne sont-ils pas là pour indiquer qu’il n’existe pas
une, mais deux espèces de ténèbres (voire plus)
puisqu’il y a en chaque individu beaucoup de mau
vaises actions et d’idées fausses, donc beaucoup de
ténèbres, dont nulle n’est en Dieu ? « Vous êtes la
lumière du monde »8, déclare le Seigneur en
s’adressant au saint. Mais il n’est pas dit que le
saint est « lumière » et qu’« il n’y a pas de ténèbres
en lui ».
XXVI. 163. Si c’est en pensant au Père que Jean
écrit : « Il n’y a pas de ténèbres en lui », certains
nous demanderont comment nous pouvons sou
tenir que ce privilège lui est réservé alors que nous
pensons que le Sauveur est vierge de tout péché,
ce qui permettrait de déclarer aussi à son propos :
« Il est lumière et il n’y a pas de ténèbres en lui. »
Maintenant que nous avons partiellement établi
cette différence, nous allons nous risquer à ajouter
ceci : si « Dieu a fait péché pour nous celui qui
n'a pas connu le péché »9, c'est-à-dire le Christ, on
ne peut pas dire de lui : « Il n’y a pas de ténèbres
en lui. » Car si, « dans une chair semblable à celle
du péché »10, Jésus a justement condamné le péché
— puisqu’il a assumé une chair semblable à celle
de ce dernier -, on ne pourra plus avancer
173
c raisonnablement à son sujet qu’« il n’y a pas de
ténèbres en lui ».
164. Nous ajouterons qu’« il a pris nos infir
mités et s’est chargé de nos maladies »“. Il s’agit
des infirmités de lame et des maladies de l’homme
caché dans notre cœur12. À cause de ces infirmités
et de ces maladies, dont il nous a déchargés, il
reconnaît que son âme est troublée et triste à en
mourir13. Comme il est écrit dans Zacharie, il est
vêtu d'habits sales qui, lorsqu’il va les quitter, sont
appelés péchés. L’ange ajoute en tout cas : « Vois,
j'ai enlevé tes péchés14. » 165. C’est en effet parce
qu’il a pris sur lui les péchés du peuple des
croyants qu’il emploie à plusieurs reprises des
expressions comme celles-ci : « Le compte de mes
péchés est loin de mon salut »15 et : « Tu connais
ma folie et mes fautes ne te sont pas cachées16. »
166. Que l’on n’aille pas s’imaginer que ces
propos trahissent quelque impiété à l’égard du
Christ de Dieu. De même que le Père « possède
seul l’immortalité »17 - car notre Seigneur, par
amour des hommes, a assumé la mort pour nous
- de même, seul le Père possède le privilège de
n’avoir en lui nulles ténèbres. Le Christ, dans sa
bienfaisance envers les hommes, s’est effectivement
chargé de nos ténèbres pour abolir notre mort par
sa puissance et anéantir les ténèbres qui sont en
notre âme, afin que s’accomplisse cette prophétie
d’Isaïe : « Le peuple assis dans les ténèbres a vu
une grande lumière18. » 167. Cette lumière — qui
fut faite dans le Verbe et se trouve aussi être la vie
174
— « brille dans les ténèbres » de nos âmes et réside
là où demeuraient les maîtres de ce monde de
ténèbres19 qui, dans leur lutte contre le genre
humain, s’efforcent d’y attirer ceux qui ne sont pas
assez fermes pour être appelés « fils de lumière »
après avoir été éclairés. Toutefois, brillant dans les
ténèbres, cette lumière est poursuivie par ces der
nières, qui ne la saisissent pas.
XXVII. 168. Si d’aucuns pensent que cette
poursuite de la lumière est un ajout de notre part
alors qu’elle ne figure pas dans le texte, il leur faut
comprendre qu’il est stupide de dire que « les
ténèbres ne l’ont pas saisie » si elles ne l’ont e'
rien poursuivie. Jean écrit pour des gens doué
d’une intelligence capable de déduire du texte et
qu’il n’a pas formulé. C'est pourquoi il déclare :
« Les ténèbres ne l’ont pas saisie20. » Si elles ne
l’ont pas saisie, c’est forcément parce quelles l’ont
poursuivie. 169- Les souffrances du Sauveur et de
ceux qui ont reçu son enseignement, ses enfants,
montrent clairement que les ténèbres ont poursuivi
la lumière. Car les ténèbres agissent contre les fils
de la lumière et veulent repousser celle-ci loin des
hommes. Mais puisque « si Dieu est pour nous »,
nul, même s’il le veut, ne peut rien « contre
nous »2I, « plus les fils d’Israël sont humiliés et
plus ils croissent en nombre et en force »22.
170. La lumière a échappé aux ténèbres de deux
façons : soit leur propre lenteur les a empêchées
de suivre la course vive et rapide de la lumière
qui les a largement distancées ; soit elles se sont
175
c dissipées en s’approchant de la lumière, prises au
piège qu’elle leur avait tendu en attendant leur
venue selon un plan préconçu. Dans un cas comme
dans l’autre, les ténèbres ne l’ont pas saisie.
*
XXVIII. 171. Il faut bien souligner, à ce stade
de notre analyse, que les « ténèbres » ne sont pas
uniquement prises en mauvaise part dès qu’elles
sont mentionnées : il arrive que les Écritures les
prennent en bonne part. Les hérétiques23 n’ont pas
fait cette distinction ; ce qui les a conduits à
adopter des opinions extrêmement haineuses à
l’égard du Créateur, à se détourner de lui et
inventer des fables. Il s’agit maintenant de montrer
quand et comment le mot « ténèbres » est pris en
x>nne part. 172. On lit dans l’Exode que Dieu est
enveloppé d'obscurité, de nuages et de ténèbres24,
et dans le Psaume 17 : « Dieu a fait des ténèbres
sa retraite, une tente autour de lui : une eau téné
breuse dans les nuages du ciel25. » En effet, si l’on
prend en considération le fait que tout ce que l’on
peut connaître de lui par la contemplation et les
spéculations échappe à la nature humaine et, peut-
être, à tous les êtres engendrés autres que le Christ
et le Saint-Esprit, on comprendra comment Dieu
est enveloppé de ténèbres, car nulle explication
n’est assez riche pour être digne de lui. Aussi a-t-il
établi sa demeure dans ces ténèbres, parce que tout
ce qui le concerne est inaccessible, inconnaissable.
176
173. Si quelqu'un se montre choqué par cette
interprétation, il faut se le concilier en lui rappelant
les paroles obscures et les trésors enveloppés de
ténèbres, cachés, invisibles, que Dieu donna au
Christ26. Car ces trésors enveloppés de ténèbres
révélés dans le Christ ne sont autres, je pense, que
ce dont il est question dans ces lignes : « Dieu a
fait des ténèbres sa retraite » et : « Le saint
comprendra les paraboles et les sentences obscu
res27. » Demande-toi si c'est pour cela que le Sau
veur dit à ses disciples : « Tout ce que vous avez
entendu dans les ténèbres, dites-le au grand
jour28. » 174. Il leur ordonne effectivement — une
fois illuminés et passant ainsi pour être dans la
lumière — d’annoncer à quiconque est devenu
lumière les mystères obscurs et sibyllins qu’il leur
avait confiés en secret, loin des oreilles de la foule.
Je pourrais ajouter, de manière plus paradoxale, que
ces ténèbres prises en bonne part se pressent vers la
lumière, la saisissent et deviennent lumière :
jusque-là inconnues, elles changent de valeur pour
celui qui ne voyait pas leur force ; de sorte qu'il
déclare, une fois qu’il en a connaissance, que ce
qu’il prenait auparavant pour les ténèbres s'est
maintenant fait lumière.
j
If K
J
Notes du livre I
Introduction
1. Nombres, XXVII, 13. Nous nous permettons de rappeler
qu’Origène cite et commente l’Ancien Testament d’après la
traduction grecque de la Septante (LXX). La numérotation
et la teneur des versets diffèrent souvent de celles de la Vul-
gate et d’autres traductions modernes. (Toutes les citations
sont traduites par nos soins).
2. I Pierre, III, 4.
3. Origène se souvient ici de l’Épître aux Romains, II, 29-
4. Apocalypse, VII, 2-5.
5. Apocalypse, XIV, 1-5.
6. L’expression est de Paul (I Corinthiens, X, 18).
7. Ce mot - du latin gentiles (adjectif substantivé dont le
premier sens est celui de « barbares », « étrangers ») - est le
nom que les Juifs et les premiers chrétiens donnaient à ceux
qui n’adoraient pas comme eux le Dieu unique.
8. C’est ainsi que Paul parle à Timothée dans la première
Épître qu’il lui adresse (VI, 11).
9. L’Apôtre utilise cette formule dans sa deuxième Épître
aux Corinthiens (XII, 2).
10. Origène dira en effet dans le livre II que « le spirituel
est plus qu’un homme » (XXI, § 138).
179
11. Toute cette réflexion s’appuie sur l’Épître aux Hébreux
(VII, 1-21).
12. Hébreux, IV, 14.
13. Hébreux, V, 6; VII, 17. Paul se souvient du
Psaume 109, 4 (LXX).
14. II Corinthiens, VI, 18.
15. II Timothée, III, 16.
16. I Corinthiens, VII, 12.
17. I Corinthiens, VII, 17.
18. II Timothée, III, 11.
19- Jean, I, 29-
20. Origène se souvient ici de I Corinthiens, XII, 28.
21. Allusion à Jean, IX, 1.
22. Allusion à Jean, XI, 39-
23. Matthieu, XXIII, 8. ’SH signifie « mon maître
24. II Corinthiens, V, 19. ’
25. Jean, I, 29.
26. Matthieu, I, 1.
27. Marc, I, 1.
28. Cette phrase est lacunaire.
29. C’est-à-dire l’apôtre Jean lors de la Cène (Jean, XIII, 25).
30. Origène cite cinq fois l’Évangile de Jean : VIII, 12 ; XIV,
6 ; XI, 25 ; X, 9 ; X, 11.
31. Apocalypse, XXII, 13.
32. Jean, XIX, 26.
33. Origène modifie légèrement les paroles de Paul (Galates,
II, 20).
34. Cette formule est inspirée par la lecture de Paul (II,
Corinthiens, IV, 7).
35. Origène réunir deux versets en un : I Corinthiens, II, 12
et 16.
36. Romains, II, 16.
37. Cette image se trouve dans l’Apocalypse (III, 20).
38. C’est le sens étymologique du terme « évangile »
(EÔayyéXtOV est effectivement à rapprocher de Eü-ayyeXia).
39. L’expression est de Paul (Colossiens, I, 15).
180
40. Matthieu, XI, 3.
41. Jean, IV, 25.
42. Luc, XXIV, 14. Simon et Cléophas sont les deux disci
ples qui rencontrent le Christ sur le chemin d’Emmaüs.
43. Luc, XXIV, 18-21.
44. Jean, I, 41.
45. Jean, I, 45.
46. Galates, V, 9. (La phrase qui suit cette citation est lacu
naire).
47. L’image est de Paul (II Corinthiens, III, 15).
48. Hébreux, VIII, 5.
49. I Corinthiens, X, 11.
50. Jean, IV, 24.
51. Origène reprend les réflexions de Paul (Romains, VII, 6).
52. Allusion à Galates, IV, 4.
53. Galates, IV, 2.
54. En effet, le TtatSayœyôç est littéralement « celui qui
conduit les enfants » (Kaïôeç), autrement dit leur « gouver
neur ».
55. Apocalypse, XIV, 6.
56. C’est la thèse que défend Paul (Romains, II, 28-29).
57. Celui qui est juif dans le secret n’est pas celui qui observe
la Loi en vivant selon la lettre, mais celui qui accomplit la
Loi en vivant selon l'Esprit. Telle est la définition qu’er
donne Origène dans son Commentaire sur les Romains (II, 13).
58. Origène fait allusion au passage des Actes (XVI, 3) où
Paul impose la circoncision à Timothée (disciple, collabora
teur et compagnon de l’Apôtre) parce qu’il souhaite se conci
lier les Juifs de Lystre et considère que son ami, étant de
mère juive, doit aussi se plier à la Loi.
59. C’est ce qu’écrit Paul dans sa première Épître aux Corin
thiens (IX, 20).
60. I Corinthiens, II, 2.
61. Jean, I, 2.
62. Jean, XI, 25.
63. Origène se souvient de Matthieu, XI, 5.
181
c
64. Psaume 67, 12 (LXX).
65. I Corinthiens, IV, 19-20.
66. I Corinthiens, II, 4.
67. Luc, XXIV, 32.
68. Isaïe, LU, 7.
69. Jean, XIV, 16.
70. Le Christ affirme en effet : « Je suis la porte » (Jean, X,
9).
71. Jean, VIII, 12.
72. Jean, XIV, 6.
73. Jean, XI, 25.
74. Jean, X, 9.
75. Proverbes, VIII, 22.
76. Selon Paul, l’Évangile est une puissance de Dieu pour le
salut de quiconque croit, qu’il soit Grec ou Juif. (Romains,
I, 16).
77. I Corinthiens, II, 2.
78. Romains, VI, 10 (ainsi que la citation suivante).
79- Origène reprend ici I Corinthiens, I, 30.
30. Jean, XXI, 25. Il s’agit des livres qui renfermeraient les
détails de tout ce que le Christ a accompli.
81. Isaïe, LU, 6-7 (LXX).
82. Cette métaphore, où les montagnes évoquent les saints,
traverse l’œuvre d’Origène {Homélies sur Jérémie, XII, 12 ;
Homélies sur les Nombres, XV, 1 ; Homélies sur le Cantique des
Cantiques, II, 10).
83. Isaïe, XL, 9.
84. Matthieu, V, 45.
85. Luc, IV, 18-21, citant Isaïe, LXI, 1-2.
86. Origène associe Luc, VII, 37 et Jean, XII, 3.
= 87. Matthieu, XXVI, 13.
: . 88. Matthieu, XXV, 40.
89. Le ciel est souvent perçu comme un livre digne de Dieu,
où sont imprimés tous les événements depuis l’origine du
monde jusqu’à la fin des temps. On retrouve à deux reprises
cette métaphore dans le Commentaire sur la Genèse d’Origène,
s 182
= .
ainsi que dans les textes apocryphes du Livre d'Hénoch (LXXX,
2 ; XCIII, 2 ; CIII, 2 ; CVI, 19) et du Testament des douze
patriarches (Aser, 7 ; Lévi, 5).
90. Actes, XXII, 22.
91. Jean, XIX, 15.
92. Matthieu, XXVII, 29-
93. Actes, IX, 4-5.
94. Origène s'inspire ici de Luc, VIII, 14.
95. Daniel, XII, 2.
96. Origène reprend le Psaume 103, 4 (LXX) et l’Épître aux
Hébreux (I, 7). Le terme àyyEXoç dénote le « messager »,
sens étymologique du mot « ange ».
97. Luc, II, 9-H.
98. Luc, II, 14.
99. Expression que l'on retrouve dans le Psaume 114, 7
(LXX).
100. Isaïe, XIV, 12. L’étoile du matin (éûxnpôpoç, c’est-
à-dire « qui apporte l'aurore ») s’appelle en latin Lucifer —
littéralement « qui apporte la lumière » — nom donné,
comme on le sait, à l’esprit malin, premier des anges déchus.
101. Marc, I, 1.
102. Romains, II, 16.
103. Marc, I, 1-3.
104. Origène pense au dualisme de Marcion, né vers 85 ou
95 et mort vers 160, dont il sera aussi question plus bas (I.
XXXV, 253 ; II, XXVIII, 171). Nous renvoyons à la préface
et aux notes correspondant à ces paragraphes.
105. Apocalypse, XIV, 6-7.
106. Actes, VIII, 32-35 (la citation est extraite d’Isaïe, LIII,
7-8).
107. Allusion à Marc, XVI, 15.
108. Éphésiens, I, 21.
183
c
A u commencement était le Verbe
1. C’est-à-dire les païens, les gentils (cf. note 7 du livre I).
2. Le mot àp^fl désigne le commencement, mais aussi l’ori
gine, le début, le point de départ, le fondement, le principe ;
autant de substantifs nécessaires en français pour traduire les
nuances sur lesquelles Origène s’appuie afin de faire évoluer
sa réflexion autour d’un seul et même terme.
3. Proverbes, XVI, 7 (LXX).
4. L’ànoKaTâaTaatç est le rétablissement de toutes choses,
le retour à l’état primitif qui accompagne la fin du monde.
C’est l’un des points de l’origénisme que condamnera le pape
Anastase, en 400.
5. I Corinthiens, XV, 25-26. Paul se souvient ici du Psaume
109 (LXX) où les ennemis serviront plus explicitement
« d’escabeau », de « marchepied » au Messie.
6. Paul écrit effectivement à ses frères des Églises de Galatie
qu’il les enfante dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit
formé en eux (Galates, IV, 19).
7. I Corinthiens, XIII, 12.
8. I Corinthiens, VIII, 2.
9. Genèse, I, 1.
10. Job, XL, 19 (LXX).
11. Origène cite Job (III, 8) et fait allusion à Léviathan, le
monstre marin, reflet du chaos primordial. Il est un avatar
du serpent démoniaque (autre sens du mot ôpaKCOV) mais
n’en demeure pas moins une créature de Dieu, créée au cin
quième jour, comme le soulignent les apocalypses apocryphes
d’Esdras (VI, 47-49) et de Baruch (XXIX, 4).
12. Pour les païens, les premiers chrétiens et les Juifs de
l’Ancien Testament, les astres étaient des êtres animés (cf.
Platon, Lois, 898e-899a ; Origène, Contre Celse, V, 11).
13. Romains, VIII, 22.
14. Romains, VIII, 20.
15. Philippiens, I, 24 (ainsi que la citation suivante).
16. Proverbes, VIII, 22.
17. II Maccabées, VII, 28.
184
18. Bien qu’il n’appartienne pas au canon néo-testamentaire,
ce livre du IIe siècle, attribué à un certain Hermas, faisait
autorité à l’époque d’Origène. « L’Ange de la repentance »
apparaît sous les traits d’un pasteur lors de la cinquième
vision relatée par Hermas.
19. Colossiens, I, 15.
20. En l’occurrence : « Dans le principe était le Verbe. »
21. Hébreux, V, 12.
22. Origène se souvient ici de saint Paul (I Corinthiens, II,
2).
23. Jean, I, 14.
24. En hébreu, est un substantif.
25. I Corinthiens, XV, 45. Il faut comprendre « vivifiant »
comme ce qui engendre un être vivant, ce qui donne la vie
(Çcùonoieïv).
26. Psaume 148, 5.
27. Genèse, I, 3 et 6.
28. Autre formulation de « Au commencement était le
Verbe. »
29. Jean, I, 4.
30. Jean, XIV, 6.
31. Origène emploie ici l’un des sens du mot Xôyoç, appro
fondissant ainsi au sein de cette image les relations encre
Dieu, la Sagesse et le Verbe (le Xôyoç divin).
32. Psaume 103, 24 (LXX).
33. Apocalypse, XXII, 13.
34. Colossiens, I, 18.
35. Romains, III, 25.
36. Allusion à Jean, I, 5.
37. L’cupOapaict, dont il esc ici question, dénote à ia fois
l’incorruptibilité et l’immortalité, dans la mesure où l’homme
devint mortel pour avoir été corrompu en ayant péché
(cf. Genèse, III, 19).
38. Psaume 21, 16 (LXX).
39. Psaume 48, 13 (LXX).
40. Psaume 35, 7 (LXX).
185
41. C'est-à-dire l'humanité, puisque tous les hommes, selon
Origène, étaient saints à l'origine.
42. Jean, VIII, 12.
43. Jean, XI, 25.
44. Jean, XIV, 6.
45. Jean, X, 9.
46. Jean, X, 11.
47. Jean, IV, 25-26.
48. Jean, XIII, 13.
49. Jean, X, 36.
50. Jean, XVII, 1.
51. Jean, XVIII, 33, 36.
52. Jean, XV, 1.
53. Jean, XV, 5.
54. Jean, VI, 35.
55. Jean, VI, 51.
56. Jean, VI, 33.
57. Apocalypse, I, 17-18.
58. Apocalypse, XXII, 13.
59. Isaïe, XLIX, 1-3.
60. Isaïe, XLIX, 5-6.
61. Jérémie, XI, 19.
62. Jean, I, 29.
63. Jean, I, 30-31.
64. I Jean, II, 1. Le Paraclet - terme propre à la pensée
johannique - est « le défenseur », « l'avocat » (7tapàKX.r|TOq)
qui intercède en notre faveur auprès du Père devant le tribunal
! céleste dont parle Paul (Hébreux VII, 25 ; IX, 24). Mais le
Paraclet n'est pas seulement « l’Esprit de vérité » : comme le
rappelle ici Origène, le Christ lui-même est un Paraclet (cf.
Jean, XIV, 16-17).
65. Romains, III, 25.
66. I Corinthiens, I, 24.
67. I Corinthiens, I, 30.
68. Hébreux, IV, 14.
69. Genèse, XL1X, 8-9.
186
70. Genèse, XLIX, 10.
71. Isaïe, XLII, 1-4.
72. Matthieu, XII, 17-19. (Origène, lui aussi, cite partiel
lement le texte évangélique, dans lequel Matthieu notifie
qu’il s’agit là de l’oracle du prophète Isaïe).
73. Ézéchiel, XX1XIV, 23. Le prophète parle des brebis du
Seigneur.
74. Isaïe, XI, 1-3.
75. Psaume 117, 22-23 (LXX).
76. Matthieu, XXI, 42-44 ; Luc, XX, 18.
77. Actes, IV, 11.
78. Pour ce qui est des Valentiniens, dont Origène parle ici,
nous nous permettons de renvoyer à la préface.
79. Psaume 44, 2 (LXX).
80. Jean, VIII, 12 ; IX, 5.
81. Jean, I, 4-5.
82. Jean, I, 9.
83. Isaïe, XLIX, 6 (cf. § 135).
84. Origène fait allusion au passage de la Genèse - livre
longtemps attribué à Moïse — relatant la création des lumi
naires (I, 14-16).
85. Ce « grand jour du Seigneur » est le triomphe de Dieu
qui aura lieu à la fin de l’histoire (Apocalypse, XVI, 14).
86. Jean, IX, 4-5.
87. Matthieu, V, 14.
88. Matthieu, V, 16.
89. Origène l’appelle aussi « l’Épouse », se référant à une
tradition qui fait d’Israël la fiancée du Seigneur (Isaïe, LXII,
4-6) et de l’Église l’épouse du Christ (Éphésiens, I, 22-23).
90. I Corinthiens, IV, 9.
91. Romains, VIII, 21.
92. Romains, VIII, 19.
93. Jean, VIII, 12.
94. Matthieu, V, 14.
95. Jean, XVII, 21.
96. Jean, XII, 26.
187
97- Romains, V, 3-5.
98. Romains, VIII, 20.
99. C’est-à-dire, selon saint Paul, « la maison terrestre » ;
par opposition à la demeure céleste et éternelle qui est l’œuvre
de Dieu (cf. II Corinthiens, V, 1-4).
100. Jean, XI, 25.
101. Romains, VI, 4.
102. II Corinthiens, IV, 10.
i
103- Origène développe ici Jean, XIV, 6 (« Je suis le chemin,
la vérité et la vie ») en filant la métaphore du chemin grâce
à Matthieu, X, 10 (la mission des Douze).
104. Origène fait allusion à la parabole du festin nuptial telle
que la relate saint Matthieu (XXII, 11) : seul celui qui porte,
comme il se doit, la « robe nuptiale » pourra prendre part
au festin de noces qui, depuis l’Ancien Testament, désigne
la joie du croyant en présence du Seigneur (cf. Deutéronome,
XII, 7, 18).
105. Proverbes, XXX, 19.
106. Jean, XIV, 6.
107. Romains, XI, 33.
108. Il s’agit des tenants des thèses gnostiques reprises par
les ariens au IVe siècle, pour qui le Père échappe à la connais
sance du Fils (cf. Hilaire de Poitiers, Contre Constance, XIII).
109- Le Christ parle en effet de lui-même comme de « la
porte des brebis » (Jean, X, 7).
110. Origène emploie ici le mot lôyoç au sens de « raison »
■
afin de bâtir une réflexion antithétique en utilisant un peu
h plus loin l’adjectif ÜXoyoç, qualifiant ce qui est irréfléchi,
spontané.
1I 111. Psaume 35, 7 (LXX).
112. Origène se souvient de l’oracle de Dieu promettant le
rétablissement de son peuple et l’établissement des laboureurs
et des pasteurs dans le pays de Juda (Jérémie, XXXI, 24,
27).
113. Nous nous permettons de rappeler que le mot xpiaxôç,
188
ï
en grec, signifie « oint ». Dans l’Ancien Testament, le roi
est l’Oint du Seigneur (cf. 1 Samuel, X, 1).
114. C’est effectivement ce que dit le Christ lui-même,
troublé par l’approche de sa Passion (Jean, XII, 27).
115. Psaume 71, 1-2 (LXX).
116. En un seul principe, également : le Fils unique de Dieu,
sous-enrendu par le recours, ici, au mot Xoyoç.
117. Éphésiens, II, 14.
118. Par le Xôyoç.
119- Colossiens, I, 16.
120. Autre sens du terme Xôyoç.
121. Romains, VIII, 15.
122. Jean, XV, 15.
123. Jean, XIII, 13.
124. Jean, XV, 15.
125. Luc, XXII, 28.
126. Malachie, I, 6.
127. Psaume 2, 7.
128. Jean, XV, 1.
129. Psaume 103, 15 (LXX).
130. Allusion au banquet donné par Joseph dans sa demeure
égyptienne lors de la visite de ses frères (cf. Genèse, XLIII,
34).
131. Jean, VI, 48.
132. Apocalypse, XX, 13.
133. Psaume 135, 2 (LXX).
134. Psaume 49, 1 (LXX).
135. Matthieu, XXII, 32.
136. I Corinthiens, VIII, 5.
137. Allusion à la hiérarchie céleste esquissée par saint Paul
pour établir la primauté du Christ (Colossiens, I, 16).
138. Éphésiens, I, 21. L'Apôtre vient d’annoncer que le
Christ siège à jamais au-dessus des anges, quels que soient
leurs noms.
139. Le terme hébreu flilOK (pluriel du précédent) signifie
« armées » : Dieu Sabaor est donc le Seigneur des armées, et
189
tout particulièrement celui de « l’Armée des Cieux », c’est-
à-dire des astres et des anges (cf. I Rois, XXII, 19 ; Deuté
ronome, IV, 19).
140. I Corinthiens, IX, 22.
141. Exode, III, 2.
142. Isaïe, IX, 6 (LXX). ’AyyeA.oç signifie aussi « mes
sager », qui devient dans le texte du prophète un titre mes
sianique que l’on traduit parfois ainsi : « Messager du Grand
Dessein » (PoüXtj, « assemblée », « conseil », peut effective
ment prendre le sens de « plan » et de « projet »).
143. Psaume 87, 5-6 (LXX).
144. Allusion au discours de Pierre à la foule de Jérusalem,
citant lui-même le Psaume 16 de David (Actes, II, 27).
145. Origène joue avec le sens factuel de ces lettres qui
ouvrent et ferment l’alphabet grec, sans oublier toutefois leur
sens métaphorique (Apocalypse, I, 8).
146. Proverbes, VIII, 22.
147. C’est-à-dire que le Verbe n’est pas « le principe » mais
« dans le principe » (Jean, I, 1).
148. Jean, I, 4.
149. Éphésiens, II, 20.
150. I Corinthiens, XV, 28.
151. I Corinthiens, XV, 45. La réflexion de Paul prolonge
et dépasse la Genèse (II, 7) car il parle ici du « corps spiri
tuel » - conforme à celui du Christ ressuscité, nouvel Adam
venu du ciel — en soulignant qu’il vient après le « corps
psychique » du premier homme, premier Adam issu du sol.
152. Allusion à la première vision de l’Apocalypse (I, 18).
153. Romains, VI, 10.
154. Origène suit le message d’espérance de Paul (II Corin
thiens, IV, 10).
155. Isaïe, XLIX, 2-6.
156. Hébreux, IV, 12.
157. Origène s’appuie sur l’évangile de Matthieu (X, 34) et
l’Épître aux Galates (V, 17).
158. Cantique des Cantiques, II, 5.
190
;
159. Luc, XXII, 27.
160. Isaïe, XLIX, 5, 6. Le texte grec dit bien ÔOüXoç
(esclave) puis Ttaïç (serviteur).
161. Philippiens, II, 8, 6.
162. Isaïe, XLIX, 5, 6.
163. Isaïe, LUI, 7.
164. I Corinthiens, XV, 28.
165. Jean, I, 30.
166. Jean, I, 31.
167. Zacharie est le père de Jean-Baptiste. L’épisode de la
Visitation est rapporté par Luc (I, 41-44).
168. Jean, I, 33.
169. I Jean, II, 1-2. Nous renvoyons à la note 64 accompa
gnant le § 138.
170. Romains, III, 25.
171. Ce somptueux propitiatoire était placé sur le dessus de
l’Arche d'Alliance. On en trouve une description détaillée
dans le livre de l’Exode (XXV, 17-22). Origène en fait aussi
une splendide représentation du Christ dans son Commentaire
sur les Romains (III, 8).
172. Philippiens, IV, 13.
173. Ce charlatan, voyant les apôtres imposer les mains,
voulut leur acheter ce don de Dieu. Son histoire est relatée
dans les Actes (VIII, 9-24).
174. I Corinthiens, I, 24.
175. Proverbes, VIII, 22.
176. Psaume 103, 24 (LXX).
177. I Corinthiens, I, 30.
178. Hébreux, II, 11.
179- Origène se souvient de Paul, jouant sur le sens de
K8<paXf|, la tête (I Corinthiens, XI, 3).
180. Jean le dit expressément dans l’Apocalypse (XVI, 5-7).
181. L’auteur fait allusion aux thèses dualistes défendues par
Marcion.
182. Origène soude dans cette même phrase deux passages
des Écritures : Jean, V, 27 et Actes, XVII, 31.
191
183- C’est-à-dire lorsque le Fils aura remis la royauté à Dieu
le Père (I Corinthiens, XV, 24-28).
184. I Corinthiens, XV, 28.
185. Marc, X, 17-18.
186. Nous renvoyons au § XIX, 110-111.
187. Hébreux, IV, 15.
188. Hébreux, V, 1.
189. Hébreux, II, 9.
190. Ibid.
191. Job, XXV, 5. Nous nous permettons de rappeler que
les astres ont une âme et qu’ils ne sont donc pas nécessaire
ment exempts de toute souillure (cf. § 98 et la note).
192. C’est-à-dire ceux qui observent intérieurement la Loi
et dont les pensées secrètes seront jugées par Dieu selon
l’Évangile (cf. Matthieu, VI, 16-18). Juif, en grec, se dit
; ’loôôaïoç et Juda ’loôôaç.
193. Origène se souvient ici des Bénédictions de Jacob
(Genèse, XLIX, 8).
194. Origène fait d’abord allusion à Osée, VIII, 4 puis à I
Samuel, XXV, 28. Nous renvoyons à notre préface pour cette
dernière allusion.
195. Isaïe, XI, 1. Ce rameau est ici une verge, une baguette
pour châtier et ramener la justice (paêôoç).
196. Psaume 88, 33-34 (LXX).
197. Psaume 117, 22 (LXX).
198. Origène reprend à sa manière Éphésiens, II, 20.
199. Psaume 141, 6 (LXX).
200. Jean, IX, 5.
201. Jean, XI, 25.
202. II faut bien garder à l’esprit, dans ces lignes et celles
qui vont suivre, que le Christ est le Verbe, le Xôyoç, c’est-
à-dire la « raison ».
203. Origène suit de très près les exhortations de Paul (I
Corinthiens X, 31).
J 204. Romains, X, 6-8, où Paul reprend dans ses réponses
Deutéronome XXX, 12-14.
192
205. Jean, XV, 22.
206. Jean, X, 8.
207. Origène croit profondément à la résurrection des corps
qui, selon lui, ne disparaissent pas mais perdent leur pesan
teur et se spiritualisent (cf. Entretien avec Héraclide, 5).
208. Jean, I, 14.
209. Matthieu, XI, 27.
210. Isaïe, IX, 5-6 (LXX).
211. Apocalypse, XIX, 11. Le « Fidèle » et le « Vrai » sont
d’autres noms donnés au Verbe.
212. Psaume 32, 17 (LXX).
213. Psaume 19, 8 (LXX).
214. Psaume 44, 2 (LXX).
215. Les valentiniens (cf. § 151).
216. Colossiens, I, 15.
217. Justin (101-166), Théophile d’Antioche (mort proba
blement en 185) et Tertullien (150-220) étaient effective
ment de cet avis.
218. Nous nous permettons de rappeler que l’Esprit, en grec,
se dit Kveôpa, le « souffle », ce qui assure la cohésion et la
progression de l’argumentation d’Origène, utilisant ce même
terme au § 283 dans l’image de la respiration.
219. Psaume 44, 2-3 (LXX).
220. Psaume 44, 8 (LXX).
221. Psaume 44, 11 (LXX).
222. Psaume 32, 6 (LXX).
223. « Raison », « plans », « calculs » sont autant d’accep
tions du mot Xôyoç.
224. Le terme grec renvoie à l’adjectif arepeôç (dur, ferme)
et au verbe CTTEpEOUV (rendre ferme), de même que le mot
« firmament » est issu du verbe latin firmare, véhiculant le
même sens que le grec. Dans la pensée hébraïque, le firmament
était en effet considéré comme un corps solide, une voûte ferme
retenant la masse des eaux supérieures (cf. Genèse, I, 6-7).
225. Origène parle du Proverbe VIII (22).
226. Jean, I, 3.
193
227. Psaume 103, 24 (LXX).
195
13. Jean, XVII, 3.
14. Psaume 49, 1 (LXX).
15. Genèse, I, 26.
16. Ce qu’Origène appelle les Xôyoi (pluriel de XÔyoç),
c’est-à-dire les êtres doués de raison partageant l’esprit du
Verbe (Aôyoç). Ce dernier, rappelons-le, est raison, principe,
doctrine, explication, parole. C’est le sens de « raison » qui
prévaut ici, et celui de « doctrine » un peu plus bas § 30-31).
17. Des Xôyot sans Aôyoç (cf. ci-dessus).
18. Pour caractériser ce Dieu, Origène fait d’abord allusion
au premier verset du Psaume 49 (LXX), puis à Matthieu
(XXII, 32).
19. Clément d’Alexandrie (Stromates, VI, 14, 110).
20. Deutéronome, IV, 19.
21. Sagesse, XIII, 10.
22. I Corinthiens, II, 2.
23. C’est-à-dire sans prendre en compte sa divinité (cf. II
Corinthiens, V, 16).
24. Pour Origène, comme pour Clément, tout ce qui est
juste dans une théorie vient du Verbe de Dieu (cf. Stromates,
VII, 2, 11, 2).
25. Origène vise ici les Épicuriens, qui n’obéissent pas aux
lois de la Providence et l’estiment donc inutile. Leur fin,
selon Origène, n’est pas le bien mais le plaisir (cf. Commentaire
sur l’Épître aux Romains, III, 1, que l’on trouvera dans la Patro-
logie grecque de Migne, volume 14, 926 D).
26. Au § 30.
1. Jean, I, 2.
2. Genèse, I, 1.
3. C’est-à-dire ce qui est « sec », à la différence des eaux
inférieures ; le firmament est « solide », séparant ces dernières
î des eaux supérieures (nous renvoyons à la note 224 du livre
I, § 288). L’hébreu distingue le « sol » (littéralement
196
:
« ce qui est desséché ») de la terre C’est au verset 10
du premier chapitre de la Genèse qu'il est dit que Dieu
associe les deux.
4. Apocalypse, XIX, 11-16.
5. Origène reprend les mots de Paul (I Corinthiens, XV, 49).
6. Jean, dans l’Apocalypse (III, 7), reprend l’image du ser
viteur Élyaqim — figure du Messie — auquel est confiée la clé
de la maison de David. Car il est d’usage de donner au
majordome les clés de la demeure royale (cf. Isaïe, XXII, 22).
Les croyants, selon Paul, attendent de voir leur « corps de
misère » transfiguré au ciel en « corps de gloire ». C’est ce
qui les rend supérieurs (pour Origène) à ceux qui n'apprécient
que les réalités terrestres et se complaisent dans leur corps
de misère (cf. Philippiens, III, 20).
7. Jean-Baptiste est l’une de ces voix (cf. Jean, I, 6-7).
Origène a déjà vu dans le cheval l’image de la voix du Verbe
qui vient à nous (I, § 278).
8. Deutéronome, XXXII, 4.
9. Lamentations, IV, 20.
10. Psaume 142, 2 (LXX).
11. Il Thessaloniciens, II, 8.
12. I Corinthiens, III, 19.
13. Allusion à la Crucifixion (Jean, XIX, 34).
14. Origène se souvient ici de la deuxième prosopopée de la
Sagesse proclamant la vérité, insistant sur le fait que toutes
ses paroles sont justes et franches pour qui les comprend
(Proverbes, VIII, 9).
15. Isaïe, XXXV, 10.
1. Romains, I, 1-5.
2. Hébreux, I, 2.
3. Matthieu, XII, 32 (voir aussi Marc, III, 29).
4. I Corinthiens, XII, 4-6.
5. Isaïe, XLVIII, 16.
197
6. Origène reprend Matthieu XII, 32.
7. Hébreux, II, 9.
8. Jean, I, 33.
9. L’Évangile selon les Hébreux, ou Évangile des Nazaréens,
est une adaptation en araméen du texte de saint Matthieu,
qu'il paraphrase librement. Saint Jérôme (qui en découvrit
une copie à Césarée et une autre près d’Antioche) crut qu’il
s’agissait de la version primitive de l’Évangile canonique de
Matthieu. Ces lignes, datant de la première moitié du second
siècle, nous sont connues sous forme fragmentaire à travers
les citations de Jérôme, Irénée, Eusèbe, Clément et Origène.
10. En hébreu, le mot ÎTn, « esprit », est féminin ; ce qui
justifie cette parenté.
11. Matthieu, XII, 50.
12. Jean, I, 3-4.
13. Psaume 103, 24 (LXX).
14. Jean, I, 3.
15. Origène pense ici à Aristote et à Platon (cf. Parménide,
130b-d).
16. Romains, IV, 17.
17. Esther, IV, 17 (LXX). Notons que ces mots ne se trou
vent pas dans la bouche de Mardochée, mais dans celle
d’Esther.
18. Exode, III, 14-15.
19- Marc, X, 18 ; Luc, XVIII, 19 (Origène ajoute « le
Père »).
20. Héracléon, philosophe gnostique du second siècle, appar
tient au courant de la gnose alexandrine introduit par
Valentin (nous nous permettons de renvoyer à la préface pour
cette note et la suivante).
21. Origène cite ici, et plus bas, le premier fragment d’Héra-
cléon extrait de son Commentaire surJean. Les Grecs emploient
le mot alcôv (éon) pour désigner « le temps » et, dans un
contexte philosophique, « ce qui existe de toute éternité ».
Nous pouvons voir, comme le soulignent les spécialistes,
qu’Héracléon emploie la notion d’éon pour parler en réalité
198
du plérôme. Ce terme, directement traduit du grec 7tX.T|pcopa
qui signifie « tout ce qui remplit », dénote chez les gnosti-
ques « la somme », « le total » des éons.
22. Proverbes, XXIV, 29 (LXX).
23. Psaume 148, 5 (LXX).
24. Colossiens, I, 16-17.
25. Romains, VII, 8-9.
26. Romains, V, 13.
27. Jean, XV, 22.
28. Jean, XII, 48. .
29. Romains, X, 6-8.
199
14. Ce sont les termes du Psaume 114, cité plus haut.
15. Ce passage est inspiré de Jean (X, 11-16) et d’Ézéchiel
(XXXIV, 10-31).
16. Jean, XVI, 14.
17. C’est-à-dire au commencement.
18. Il n’y a jamais eu de principe (àcpxq) sans raison
(âXoyoç).
19. On trouve effectivement cette variante dans les manus
crits du Nouveau Testament.
20. Allusion à Luc, XVI, 8.
21. Origène se souvient de Matthieu, V, 16.
22. Psaume 6, 6 (LXX).
23. Éphésiens, V, 8 (Origène modifie légèrement la phrase
de Paul en passant à la première personne du pluriel).
24. Le mot grec 7CVEüp(mKÔç, signifie littéralement « pneu
matique », c’est-à-dire animé par l’esprit (Ttveùpa), donc
« spirituel ». Il appartient au vocabulaire des Valentiniens (aux
quels Origène fait allusion plus bas en les appelant « ces gens-
a »). Nous renvoyons à la préface pour le rôle que joue ce
terme dans la pensée gnostique.
25. Deuxième fragment d’Héracléon à nous être parvenu.
26. I Corinthiens, II, 14-15.
27. Origène s’inspire de Matthieu XXII, 30 et de Luc XX,
36.
28. Exode, III, 6.
29. IV Rois, II, 14.
30. Judith, IX, 2.
31. Exode III, 18 ; V, 3 ; X, 3.
32. Genèse, I, 26.
33. Nous nous permettons de rappeler que le mot « ange »,
dyYEZoç, signifie aussi « envoyé ».
34. Origène se réfère au passage de la Genèse (XVIII, 2) où
trois voyageurs viennent annoncer à Abraham que sa femme,
Sara, aura un fils. Il pense aussi certainement à l’Épître aux
Hébreux (XIII, 2) où l’Apôtre lance : « N’oubliez pas
200
l’hospitalité ; quelques-uns en la pratiquant ont, à leur insu,
logé des anges. »
35. Il est question des deux anges accueillis par Lot aux
portes de Sodome (Genèse, XIX, 1).
36. Il ne s’agit pas de Zacharie mais du prophète Aggée, et
la citation n’est pas conforme au texte de la Septante (Aggée,
I, 13). On peut.aussi traduire «ange» par «envoyé» (cf.
note 33).
37. Marc, I, 2. Autre traduction possible de : « Voici que
j’envoie mon messager devant toi » (cf. note 33).
38. Origène s’appuie ici sur l’Épître aux Éphésiens (I, 21).
39. Josué, V, 13-14. Cet homme armé d’une épée, devant
lequel Josué se prosterne en se disant son serviteur, n’est autre
que le Seigneur, comme le montre plus clairement encore le
livre de Daniel, où apparaît la seule autre occurrence de ce
titre de « chef de l’armée » (VIII, 11).
40. I Jean, I, 5.
41. C’est là l’opinion des monarchianistes, tenants du moda-
lisme, pour lesquels il n’y a en Dieu qu’une seule et même
Personne appelée Père, Fils ou Saint-Esprit en fonction de ses
manifestations.
42. « Dieu est lumière et il n’y a point en lui de ténèbres »,
peut-on lire dans la première Épître de Jean (I, 5).
43. Psaume 35, 10 (LXX).
44. Jean, VIII, 12.
45. Isaïe, XLII, 6.
46. Psaume 26, 1 (LXX).
47. Le mot « syzygie », du grec aüÇüyia, signifie littérale
ment « ce qui est uni », la « paire », et dénote chez les
gnostiques le « couple » d’éons mâle et femelle. Le aùÇüyoç
est donc « celui qui est uni » par les liens du mariage, c’est-
à-dire, « l’époux ». Origène s’attaque ici à l’un des principes
fondamentaux du gnosticisme.
48. I Corinthiens, XII, 31.
49. Origène reprend ici la distinction que Paul opère dans
sa première Épître aux Corinthiens (XII, 8).
201
La lumière brille dans les ténèbres
202
21. Romains, VIII, 31.
22. Exode, I, 12. Il est fait référence aux Hébreux opprimés
en vain par Pharaon.
23. Origène fustige ici les disciples de Marcion.
24. Exode, XIX, 9-16.
25. Psaume 17, 12 (LXX).
26. Origène se souvient de Paul, rappelant que tous les tré
sors de la sagesse et de la science sont cachés dans le Christ
(Colossiens, II, 3). Dieu dit d’ailleurs à son oint : « Je te
donnerai les trésors cachés, et les richesses enfouies » (Isaïe,
XLV, 3).
27. Proverbes, I, 6.
28. Origène s’inspire de Matthieu, X, 27 et Luc, XII, 3.
G
j
Table
205
Notes du livre II 195
Et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe
était Dieu 195
Celui-ci était au commencement auprès de
Dieu 196
Toutes choses furent faites grâce à lui 197
Ce qui fut fait en lui était la vie, et la vie
était la lumière des hommes 199
Ea lumière brille dans les ténèbres et les ténè
bres ne l’ont pas saisie 202
Mise en pages
PCA - 44400 Rezé
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