GuillemetageOral Ecrit (Esp FR) PONGE T
GuillemetageOral Ecrit (Esp FR) PONGE T
GuillemetageOral Ecrit (Esp FR) PONGE T
Myriam PONGE
Université Paris 8
0. Introduction
0.1. Enrichissement mutuel oral / écrit (N. Catach)
D
ans la lignée des travaux de N. Catach – dont la théorie de la
Langue Prime repose sur la reconnaissance d’un enrichissement
mutuel des dimensions orales et écrites de la langue –, nous sou-
haitons examiner ici le cas singulier du guillemetage comme révélateur
des passerelles multiples qui s’établissent entre codes oral et écrit au sein
de la langue. Partant d’un postulat proche de celui de l’auteure (pour qui
les « [langages graphémique et phonémique] peuvent fonctionner soit de
façon autonome, soit de façon concomitante, au sein d’une seule et même
langue qui en sort transformée et enrichie : c’est la théorie de L’ (Langue
prime) »1), il s’agira plus précisément d’étudier dans quelle mesure ce
phénomène de mise entre guillemets, par ses passages/transferts d’un
code à un autre (de guillemets graphiques en guillemets verbalisés voire
gestualisés), rend compte des possibilités de transformation, d’adaptation
et, finalement, d’enrichissement de la langue.
8
Voir les travaux de J. Authier-Revuz (1979, 1981, 1998)
9
Pour I. Fónagy (1980), « cette forme de pseudo-citation est devenue si fréquente, surtout
dans les textes journalistiques, polémiques, idéologiques, que les « » sont en train de
devenir des signes d’ironie ».
10
J. Rey-Debove (1997 : 49).
11
J. Rey-Debove (1997 : 46) décrit le signe de ponctuation comme « un signe non littéral
posséd[ant] un nom métalinguistique qui est un signe verbal (lettres et phonèmes) ».
Ces éléments ont déjà été signalés dans notre première étude sur la phraséologie de la
ponctuation (Ponge, 2011).
400
Les guillemets encadrant une citation sont glosables à l’oral par des « je
cite », « début de citation » / « fin de citation » ; voire par des « ouvrez
/ fermez les guillemets (en situation de dictée) ». L’article guillemet
du Trésor de la Langue Française (TLFi) mentionne par exemple ces
éléments :
[Dans une dictée ou p. réf. à cette situation]: Deux points ouvrez les
guillemets.
Rem. 2. Dans la langue orale, je cite correspond aux guillemets ouvrants
et fin de citation aux guillemets fermants (cf. DUPRÉ 1972).
Dans ce cas, il s’agit bien d’un transcodage, reposant sur une adaptation
par le métalangage : un équivalent verbal, voire le nom métalinguistique
des signes lui-même, informe ainsi de la présence du guillemetage. La
référence à une situation de communication écrite demeure ici prégnante
(aide à l’oralisation d’un texte écrit ou, inversement, aide à la transcrip-
tion). Au-delà, des gloses de renfort complémentaires, associées à la
citation, comme par exemple « ce sont les mots de… », « j’emprunte ces
mots à… » sont également envisageables dans ce contexte.
- Marqueurs prosodiques
- Guillemets gestuels
12
D’après les distinctions opérées par W. Oesterreicher (1996: 317-320)
13
J. Rey-Debove (1988 : 81) distingue ainsi « quatre systèmes de discours » : langage
parlé, langage écrit, langage oralisé, langage transcrit.
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Madame Royal se permet d’employer ce mot parce que j’ai dit que je
souhaitais que tous les enfants ayant un handicap soient scolarisés en
milieu scolaire « normal ».
[Libération <http://www.liberation.fr/politiques/010118726-la-transcrip-
tion-exhaustive-du-debat>]
14
Ibid.
405
- Effet d’oralité
- Emploi lexicalisé
15
Cf. Ponge (2013).
406
3. Conclusion
Ce parcours à partir du guillemetage nous a permis d’observer les liens
complexes qui s’établissent entre codes oral / écrit au sein de la langue.
Appartenant pleinement au champ scriptural, les guillemets, par leur
fonction métalinguistique, sont devenus des éléments incontournables
de la structuration énonciative d’un discours. A l’oral, une série de
gloses métalinguistiques (en référence à ces signes), des guillemetages
prosodique, verbal et gestuel visent à transposer ce procédé discursif
d’origine typographique. Si l’émergence d’une locution spécifique (entre
guillemets / entre comillas) rappelle aussi la prégnance de l’écrit dans
nos cultures et par là-même « notre univers mental » (Catach 1989: 152),
elle témoigne surtout aujourd’hui de l’autonomie acquise à l’égard du
système graphique.
16
Voir, par exemple, P. Merle (2008), T. Hachez (2008 ), A. de Miguel (2010). Pour d’autres
références d’articles traitant de cet aspect, cf. Ponge (2013, à paraître).
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Bibliographie
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ponctuation” ou de la typographie à l’énonciation », DRLAV 21, p. 76-87.
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