Cours Contentieux Administratif 2023

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INTRODUCTION

Le principe de la soumission à la règle de droit doit être au début et à la


fin de toute société organisée, notamment des sociétés fondées sur l’Etat de
droit.

En effet, c’est dans l’Etat de droit que peuvent se maitriser les


contestations individuelles ou collectives pouvant naitre de l’application de
l’action administrative ou des règles de procédure.

Le contentieux administratif présente ainsi une double dimension


utilitaire.

1- Par rapport au groupe social, l’utilité du contentieux administratif peut être


appréhendée à trois niveaux.

D’abord, le contentieux administratif permet de solutionner juridiquement un


différend social, en recourant notamment à un juge qui lui-même offre les
garanties d’indépendance et de compétence technique pour statuer sur toute
question de droit querellée par des parties en conflit.

Ensuite, le contentieux administratif contribue au maintien de l’ordre public en


prévenant les désordres pouvant naitre des litiges non résolus.

Enfin, le contentieux administratif participe à la préservation de l’ordre


juridique en faisant prévaloir le respect par des parties de la sentence prononcée
par le juge et en réprimant les atteintes qui y sont portées.

2- Par rapport aux sujets de droit, le contentieux administratif permet au


titulaire d’un droit d’en jouir et, le cas échéant, de le défendre contre tous ceux
qui veulent en contester l’existence ou s’opposer à la jouissance.

3- En matière de contentieux administratif, la question de la procédure ne


peut et ne doit être réduite à un vain formalisme. Elle est fondamentale. C’est
pourquoi, le Président Odent écrivait dans son cours de droit

1
administratif, « qu’il ne suffit pas de poser de grands principes et d’affirmer
qu’ils doivent être sanctionnés par les juges chargés de faire respecter la
légalité… Il faut en outre que soient bien précisées les modalités selon
lesquelles les juges peuvent être saisis ; selon lesquelles les affaires seront
instruites ; et selon lesquelles les décisions juridictionnelles doivent intervenir. »

On peut alors dire que la notion de contentieux qui est essentiellement liée à
l’activité humaine est typiquement une notion de droit processuel commune
aux procédures civile, commerciale, sociale, administrative etc.

Le contentieux administratif qui est une branche du droit administratif


n’est pas principalement l’étude du fond du droit applicable, encore moins
l’évocation de l’ensemble des règles auxquelles l’administration est assujettie.
Le contentieux administratif est essentiellement l’examen des règles
relatives à l’organisation de la fonction juridictionnelle et a son exercice.

Cette remarque est sans doute essentielle pour la bonne compréhension de


la notion de contentieux administratif, mais ne permet pas d’avoir une
perception globale de ce type de contentieux. Il importe donc de voir dans un
chapitre premier la notion de contentieux administratif, dans un chapitre 2,
l’organisation et les compétences des juridictions qui interviennent en matière
administrative et dans un troisième chapitre, les traits caractéristiques de la
procédure administrative contentieuse.

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Chapitre I : La notion de contentieux administratif.

Le contentieux administratif est intimement lié à la naissance et au


développement du droit administratif dont il constitue sans doute le volet le plus
dynamique. En effet, le droit administratif étant une matière essentiellement
jurisprudence le règlement des litiges nés de l’activité administrative des
pouvoirs publics a offert et continue d’offrir au juge un cadre théorique de
conception, d’élaboration , de formulation et de mise en œuvre pratique des
principales règles de forme et de fond du droit administratif.

Le contentieux administratif étant un aspect du droit administratif reste


caractérisé par une inégalité entre les parties, en ce sens que l’administration
bénéficie de privilèges dans le règlement des litiges l’opposant aux administrés
(existence d’une juridiction particulière, caractère exécutoire des décisions
administratives, absence d’exécution forcée etc...)

Le contentieux administratif apparait alors comme la contrepartie du


caractère inégalitaire de ces rapports juridiques, remplissant dès lors une
fonction de protection des administrés contre l’administration.

Dans ce chapitre préliminaire, il s’agira d’abord de tenter de définir la


notion même de contentieux administratif (section I), d’établir ensuite une
typologie du contentieux administratif (section II) et de déterminer enfin les
procèdes de règlement des litige section (III).

Section I : Essai de définition du contentieux administratif

Dans un sens prosaïque, la notion de contentieux renvoie à une querelle, une


contestation, un conflit, un litige opposant deux ou plusieurs parties. Ramené à
l’administration, le contentieux administratif est constitué des litiges pouvant
naitre de l’activité administrative.

Le contentieux administratif est ainsi la conséquence des


dysfonctionnements, des pathologies du système administratif, notamment
3
des abus, méfiances ou mépris affectant les relations qui existent entre
l’administration et les administrés.

Cette approche prosaïque mérite d’être rigoureusement circonscrite car elle


occulte la double conception du contentieux administratif.

Paragraphe I : le sens large du contentieux administratif.

Dans son acception étymologique, le contentieux administratif désigne


l’ensemble des litiges qui trouvent leur origine dans l’activité des
administrations publiques ainsi que des procèdes qui permettent de résoudre ces
litiges.

Le contentieux administratif intègre alors tous les litiges portant sur des
questions de fait ou de droit et qui peuvent ainsi donner lieu à l’intervention
d’une autorité juridictionnelle ou au recours à des procédés non juridictionnels
de résolution des litiges.

Dans un sens large, le contentieux administratif renvoie au contentieux de


l’administration qui se caractérise par la diversité des situations juridiques
dans lesquelles peut se trouver l’administration. Les litiges peuvent porter sur
des questions de fait qui ne requièrent nullement l’intervention du juge. Les
litiges peuvent aussi porter sur des questions de droit, mais trouvent leur
solution dans des procédés alternatifs non juridictionnels de règlement.

Cette conception extensive souffre cependant d’insuffisances. Elle ne


rend pas compte par exemple de la spécificité des règles de procédure et des
règles de fond qui font l’originalité du droit administratif, qui est un droit sur
mesure applicable à l’activité d’intérêt général prise en charge par une
administration dotée, à cet égard, de prérogatives exorbitantes de droit commun.
Les limites de cette conception expliquent le fait que le système juridique des
Etats africains semble privilégier la conception étroite du contentieux
administratif.

4
Paragraphe II : Le sens étroit du contentieux administratif

Le contentieux administratif peut être défini comme l’ensemble des règles


juridiques qui régissent la solution par voie juridictionnelle des litiges
administratifs. Le contentieux administratif implique donc l’existence de litiges
administratifs (A) résolus par la voie juridictionnelle (B)

A : L’existence de litiges administratifs

Dans un Etat de droit, les litiges entre les sujets de droit sont normalement
portés devant le juge, même s’il est vrai que le juge peut être saisi des questions
ne donnant pas lieu à des prétentions contradictoires des parties, mais se
présentent simplement sous la forme d’une prétention unilatérale ou d’une
demande comme c’est le cas du contentieux de l’excès du pouvoir.

Le contentieux administratif ne s’applique pas à tous les litiges auxquels


l’administration est impliquée, mais seulement à ceux présentant un caractère
administratif.

a) les caractères de définition du litige administratif.

Le litige administratif peut être entendu au sens organique ou au sens matériel.

1) Le critère organique

Selon ce critère, le litige administratif est celui dans lequel une personne
publique est partie. Ou encore celui dans lequel la prétention ou
l’opposition émane d’une personne publique ou de son représentant. Cette
définition donne au contentieux un domaine très large dans la mesure où, elle
fait entrer les litiges portés devant les juridictions judiciaires, sans considération
du droit applicable en vue de leur solution.

Cette conception organique du litige administratif conduit en réalité a une


confusion partielle entre contentieux administratif stricto-sensu, et le
contentieux privé de l’administration, dans la mesure où l’activité de la personne

5
publique sur laquelle porte le litige n’est pas nécessairement une activité
administrative. C’est pourquoi certains ont préféré un autre critère.

2) Le critère matériel du litige administratif

Ce critère permet de caractériser le litige administratif non par les parties


mais par son objet et y voir ceux concernant les activités administrative à savoir
les activités d’intérêt général soumises en tant que telles à un régime exorbitant
de droit commun.

b) la définition du litige administratif

La relativité des critères matériel et organique de définition du contentieux


administratif incite à les combiner. On peut entendre alors par litige
administratif d’une part, celui dans lequel une personne publique est partie
réserve faite du cas ou le litige concerne une activité non administrative de
cette personne et d’autre part, celui qui concerne une activité
administrative quel que soit les parties au litige.

B : le règlement par voie juridictionnelle des litiges.

Les litiges administratifs doivent faire l’objet d’un règlement par voie
juridictionnelle. Ils requièrent l’intervention du juge qui offre les garanties
d’indépendance, d’impartialité et de compétence pour trancher les différends à
la lumière de la loi. Mais le seul recours au juge ne suffit pas pour imprimer à un
contentieux une nature administrative.

En France par exemple le juge habilité à connaitre les litiges administratifs est
diffèrent du juge des particuliers. Il s’agit d’une juridiction de l’ordre
administratif devant être saisi en application des règles particulières de
procédures, et qui doit appliquer un droit distinct de celui qui régit les rapports
entre les sujets de droit privé T.C 8 Février 1873 Blanco

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Cette conception permet d’éviter tout recoupement du contentieux
administratif avec le contentieux privé, mais présente l’inconvénient d’écarter
du contentieux les nombres litiges intéressant l’administration et qui relèvent des
juridictions de l’ordre judiciaire, qui peuvent ainsi se référer aux règles de droit
public et les appliquer de ce fait aux litiges administratif.

Dans les pays fondés sur le système de l’unité de juridiction et de la dualité du


contentieux, le contentieux administratif ne se définit pas essentiellement à
partir du critère matériel qui prend en considération la spécificité des règles
applicables au règlement des litiges administratifs.

Section II : Typologie du contentieux administratif

Le contentieux administratif est souvent distinguée des autres par des


différences particulières d’organisation et de régime juridique qui donne une
portée concrète et attache des conséquences pratiques aux différences de nature.
La doctrine a opéré des classifications et regroupement à propos desquels
existent du reste des divergences.

La première classification proposée par la ferrière se place du point de vue


de la nature et des pouvoirs du juge.

La seconde proposée par Léon Duguit dans son traité de droit constitutionnel
prend en considération la nature de la question posée.

Paragraphe I : La classification fondée sur la nature et l’étendue des


pouvoirs du juge.

Cette classification proposée par Laferrière au 19e siècle repose sur les
pouvoirs du juge à l’ occasion de la décision juridictionnelle qu’il peut être
amené à prendre. Quatre types de contentieux peuvent ainsi être observés. Il
s’agit du contentieux de l’annulation, du contentieux de pleine juridiction, du
contentieux de l’interprétation et du contentieux de la répression.

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A : Le contentieux de l’annulation

Dans le contentieux de l’annulation, le requérant en saisissant le juge lui


demande de faire disparaitre ou mieux d’anéantir une décision administrative ou
un jugement attaqué devant lui. Les pouvoirs du juge se limitent à l’annulation
des actes administratifs unilatéraux. On trouve donc dans ce contentieux le
recours pour excès de pouvoir dirigé contre les actes administratifs unilatéraux
et le recours en cassation dirigé contre les décisions de justice rendues en dernier
ressort et à l’égard desquelles aucune autre voie de recours, notamment celle de
l’opposition ne reste ouverte.

Le recours pour excès de pouvoir et le recours en cassation sont des recours


de droit commun. Le recours pour excès de pouvoir est ouvert même sans texte
contre tout acte administratif. Seule une loi explicite peut l’écarter (C.E Ass 17
Février 1950 Ministre de l’agriculture/ Dame Lamotte)

En d’autres termes, le R.E.P existe de plein droit contre toute décision


administrative. Ainsi, toute loi excluant l’exercice d’un recours pour excès de
pouvoir ou de recours en cassation ne saurait être interprétée comme excluant
ces deux recours devant le C.E1. De même, le recours en cassation est toujours
possible contre les décisions des juridictions administratives statuant en dernier
ressort.

Le contentieux électoral, bien que ne relevant pas du juge de l’excès de


pouvoir, sauf pour ce qui concerne les opérations administratives détachables de
l’élection, fait partie du contentieux de l’annulation puis qu’il est demandé au
juge d’annuler les opérations de vote violant les dispositions de la loi. Mais en

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Une loi du 23 mai 1943 disposait que l’octroi d’une concession de terre ne pouvait faire l’objet d’aucun
recours administratif ou judiciaire. Le CE avait cependant estimé que cette loi n’a pas exclu le recours pour
excès de pouvoir contre l’acte de concession devant lui, recours qui est ouvert même sans texte et qui a pour
effet d’assurer conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité. Le principe a par la
suite été confirmé le C.C dans sa décision n°86-217 du 18 septembre.

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raison de sa nature et de ses caractéristiques, il n’intègre pas le contentieux
objectif de la légalité.

Le contentieux de l’annulation présente des effets absolus car l’acte ainsi est
censé n’avoir jamais produit des effets juridiques, et l’annulation vaut erga
omnes, c’est-à-dire a l’égard de toute personne même de celles qui ne sont
pas à l’origine du recours.

B : Le contentieux de pleine juridiction

Le contentieux de pleine juridiction porte généralement sur des droits subjectifs,


c’est à dire les privilèges ou prérogatives que le droit objectif reconnait aux
différents sujets de droit. Dans ce contentieux il est demandé au juge de trancher
un différend opposant des parties en prenant une décision utile.

Les pouvoirs du juge de plein contentieux sont plus étendus que ceux du juge de
l’annulation. Il peut ainsi annuler un contrat, une élection. Il peut reformer une
décision, prononcer une condamnation pécuniaire, réduire le montant d’une cote
d’imposition etc…

Devant le juge de plein contentieux, tous les moyens de droit ou de fait ayant
une portée juridique peuvent être invoqués (illégalité ou violation d’un contrat).
Ce qui n’est pas possible à l’appui d’un R.E.P.

C : Le contentieux de l’interprétation et de l’appréciation de la légalité

Ce contentieux porte sur des actes administratifs mais ne conduit pas au


même résultat que le contentieux de l’annulation. Dans ce contentieux, il est
demandé au juge d’interpréter c’est-à-dire de donner, d’éclairer ou de clarifier le
sens et la portée d’une règle juridique ou bien de déterminer la valeur d’une
règle juridique.

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D : Le contentieux de la répression

Il est destiné à assurer la répression des contraventions de grande voirie,


c’est-à-dire des atteintes ou dégradations volontaires ou non portée au
domaine public. Initialement limité aux contraventions de grande voirie
attribuées au départ aux conseils de préfecture, devenus aujourd’hui les
tribunaux administratifs, le contentieux de la répression intègre plus en plus
les sanctions disciplinaires prononcées par les organismes juridictionnels à
caractère administratif, tels par exemple les ordres professionnels ou les
conseils de discipline statuant en matière disciplinaire.

Ces organismes statuant en matière contentieuse et disciplinaire sont


soumis au contrôle du C.E, par la voie du recours en cassation. On peut parler à
cet égard d’un véritable contentieux de la répression, mais dans un sens différent
du sens traditionnel rattaché au contentieux qui naît des contraventions de
grande voirie.

Paragraphe II : La classification fondée sur la nature de la question posée

C’est celle proposée par le doyen Duguit dans son traité de Droit
constitutionnel. Cette classification distingue le contentieux objectif ou
contentieux de la légalité du contentieux subjectif correspondant au contentieux
des droits.

A : Le contentieux objectif

Le contentieux est dit objectif parce qu’il concerne des situations


juridiques objectives. Dans ce contentieux, le requérant invoque la violation
d’une règle de droit ou encore une atteinte à des droits faisant partie d’une
situation générale et impersonnelle, c’est-à-dire d’une situation juridique
objective. Le contentieux objectif pose au juge une question de droit
objectif, celle d’apprécier la conformité d’un acte administratif à la légalité

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entendue au sens large, comme l’ensemble des règles qui s’imposent à
l’activité normative de l’administration.

Ces règles peuvent être écrites ou non écrites, supra administratives ou


administratives. Il s’agit, généralement des normes d’origine constitutionnelle,
législative ou jurisprudentielle, des traités internationaux régulièrement intégrés
dans l’ordre juridique interne. S’ajoute à cette légalité, les normes édictées par
l’administration qui doit respecter ses propres règles « Patere legem quam
facesti ». Ces règles constituent des moyens de légalité seuls invocables à
l’appui d’un R.E.P, ce qui exclut les actes de nature contractuelle qui ne
sauraient être attaqués par la voie R.E.P parce qu’il s’agit d’actes bilatéraux
pour lesquels les requérants disposent d’un recours parallèle devant le juge du
plein contentieux.

Toute fois la jurisprudence considère que les actes détachables du


contrat peuvent être attaqués par les tiers par la voie du R.E.P (C.E 4 Aout
1905 Martin).

B : Le contentieux subjectif

Le contentieux est dit subjectif lorsque le requérant invoque des droits


faisant partis d’une situation juridique individuelle subjective. Le
contentieux subjectif porte sur une question de droit subjectif, c’est-à-dire sur
l’étendue et les limites des privilèges ou prérogatives qui sont reconnus aux
différents sujets de droit. Il oppose des parties. C’est un contentieux entre
parties et non un procès contre un acte, comme l’est le contentieux objectif.
Le contentieux subjectif porte sur les contrats, la responsabilité administrative,
le domaine, la fonction publique à travers les avantages pécuniaires et les
avantages que le statut de la fonction publique reconnait aux agents publics.

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Section III : Les procédés non juridictionnels de règlement des litiges
administratifs

Si le contentieux désigne les actions et recours juridictionnels, il existe de


nos jours de nombreux procédés alternatifs de résolution des litiges permettant
d’éviter le recours au juge.

Paragraphe I : Les principaux procédés alternatifs de résolution des litiges

Les recours aux modes de règlement non juridictionnel des litiges


administratifs tendent à devenir de plus en plus nombreux, surtout dans le cadre
de la politique de prévention des contentieux et de l’amélioration des
relations entre l’administration et les administrés.

Les procédés de règlement non juridictionnel permettent l’économie de


longues et coûteuses procédures dont les résultats ne sont pas toujours à la
hauteur des espérances des parties. Ces procédés alternatifs permettent souvent
d’arriver à des arrangements à des coûts moins onéreux et dans des délais de
loin plus cours que les délais juridictionnels à la satisfaction de toutes les
parties. Il s’agit de l’arbitrage, de la transaction, de la conciliation, des
recours administratif et de la médiation.

A : L’arbitrage

C’est un procédé par lequel les parties s’entendent pour soumettre un


litige à un arbitre en s’engageant d’accepter la sentence arbitrale qui a force
obligatoire.

L’arbitre est en principe interdit aux personnes publiques sous réserves


des dérogations découlant de dispositions législatives expresses ou le cas
échéant, de stipulations de conventions internationales incorporées dans
l’ordre juridique interne. Les personnes morales de droit public ne peuvent
en effet soustraire aux règles qui déterminent la compétence des
juridictions nationales en remettant à la décision d’un arbitre la solution de
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litiges auxquels elles sont parties et qui se rattachent à des rapports relevant
de l’ordre juridique interne.

Toutefois, il est possible de subordonner par voie contractuelle, la


recevabilité d’une action devant le juge compétent à la saisine préalable
d’une instance de conciliation ou d’un expert à la conciliation que cette
instance ou cet expert se borne à émettre un avis.

B : La transaction

La transaction est procédé contractuel par lequel les parties mettent


fin à un litige ou préviennent un litige en effectuant des concessions
mutuelles. Régie par le code civil, la transaction peut être utilisée en matière
patrimoniale, fiscale2 ou douanière, mais elle ne peut l’être en matière de
légalité.

C : La conciliation

La conciliation fait intervenir un tiers dans le règlement d’un litige,


mais celui-ci, à la différence de l’arbitre, n’a pas le pouvoir de décision. Son
rôle se borne à faciliter la solution du litige. Elle peut être précontentieuse
ou être intentée au cours d’une instance judiciaire et fait intervenir le juge.

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Art.P-1104 du code général des impôts du Gabon - L’Administration peut proposer au contribuable, dans le
cadre d’une transaction, une modération totale ou partielle des pénalités, dans les cas suivants :
 avant la mise en recouvrement suivant une procédure de contrôle ;
 durant toute la procédure contentieuse.
Art.P-1105 du code général des impôts du Gabon- La proposition de transaction en matière de pénalités
relève :
 du Directeur Provincial des Impôts ou du Directeur des Grandes Entreprises dans la limite de
10.000.000 FCFA ;
 du Directeur Général des Impôts dans la limite de 500.000.000 FCFA ;
 du Ministre chargé des finances, dans tous les autres cas.
En cas de contestation, la décision du Directeur Général des Impôts, du Directeur Provincial des Impôts ou du
Directeur des Grandes Entreprises est déférée au Ministre chargé des finances.
Le Ministre chargé des finances a la faculté de déléguer au Directeur Général des Impôts son pouvoir
d’instruction. Il en est de même pour le Directeur Général des Impôts à l’endroit des Directeurs Provinciaux des
Impôts et du Directeur des Grandes Entreprises.

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D : Les recours administratifs

Les recours administratifs sont des voies de droit ouvertes aux administrés
de porter directement leurs prétentions à l’administrateur auteur de la décision
ou de l’acte querellé ou son supérieur hiérarchique ou enfin l’administrateur
investi d’un pouvoir de tutelle sur une collectivité décentralisée.

Le régime des recours administratifs obéit aux règles suivantes :

1-Les recours administratifs présentent un caractère de droit commun. Ils


existent sans textes, même si un texte peut les prévoir expressément et les rendre
obligatoire avant tout recours contentieux, comme c’est le cas du recours
administratif préalable au recours devant le juge du plein contentieux.

2-Les formalités du recours sont souples : le dépôt d’une lettre timbrée ou


directement enregistrée par le bureau du courrier suffit pour déclencher le
recours administratif.

3-Tous les moyens de légalité ou d’opportunité peuvent être invoqués à


l’appui d’un recours administratif.

4-La réponse implicite ou explicite donné à un recours administratif a la


nature de décision administrative susceptible d’être attaquée devant le juge de
l’excès de pouvoir.

5-L’exercice d’un recours administratif dans le délai du recours


juridictionnel est une cause de prorogation du délai du recours contentieux
à partir de la notification ou de la publication de la décision expresse ou de la
date à partir de laquelle une décision implicite de rejet est présumée exister.

E : Le médiateur

Le médiateur est une autorité administrative indépendante instituée


dans le but d’améliorer les relations entre l’administration et les citoyens par un
règlement diligent des différends les opposant. Le médiateur est saisi de

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réclamations et si elles sont justifiées débouchent sur des recommandations et
des propositions.

Dans un Etat de droit, les modes de règlement non juridictionnel sont


considérés comme des instruments nécessaires, pouvant combler les lacunes des
modes de règlement juridictionnel, symbolisés par les cours et tribunaux, coiffés
au Sénégal, par la Cour Suprême, qui dispose de ce fait, de compétences
relativement importantes.

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Chapitre II : Les juridictions de l’administration

Il s’agit, essentiellement, de la Cour suprême (Section 1) et des autres


juridictions (Section 2).

Section 1 : La Cour Suprême

La Cour Suprême, supprimée par la réforme du système judiciaire en 1992, a


été restaurée en 2008 par la loi n°2008-35 du 7 aout 2008. Cette dernière loi
fut abrogée et remplacée par la loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017,
qui elle-même a été modifiée par la loi par la loi organique n° 2022-16 du 23
mai 2022. La cour suprême est spécifique dans son organisation (paragraphe
1) et dans ses compétences (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Organisation de la cour suprême

Les formations de la Cour suprême sont les chambres (A), les chambres réunies
(B) et l’Assemblée générale consultative (C).

A. Les chambres

Les chambres sont des formations de jugement spécialisées dans les différentes
branches du contentieux. Le Premier Président répartit les affaires entre les
chambres. Chaque chambre instruit et juge les affaires qui lui sont attribuées par
le Premier Président. Nul n'est recevable à contester la saisine de telle ou telle
chambre.

Les chambres sont au nombre de huit (8) et sont fixées comme suit :

1. Deux chambres pénales : elles connaissent des pourvois en cassation


en matière pénale
2. Deux chambres civiles et commerciales : elles connaissent des
pourvois en cassation en matière civile et commerciale
3. Deux chambres sociales : elles connaissent des pourvois en cassation
en matière sociale

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4. Deux chambres administratives : elles sont juges en premier et en
dernier ressort du recours pour excès de pouvoir des autorités
administratives et de la légalité des actes des collectivités locales, et
juge de cassation des arrêts et jugements rendus en dernier ressort
par les cours et tribunaux ainsi que par les organismes
administratifs à caractère juridictionnel.
B. Les chambres réunies

Les chambres réunies comprennent, sous la présidence du Premier Président de


la Cour suprême ou, en cas d’absence ou d’empêchement du Premier Président,
sous la présidence du plus ancien président de chambre, les présidents de
chambre et les conseillers. Les chambres réunies peuvent valablement délibérer
si sept de leurs membres sont présents.

Les chambres réunies sont compétentes pour connaitre :


- Des pourvois en cassation contre les décisions de la Cour des Comptes
- Des requêtes en rabat d’arrêt et des affaires qui leur sont renvoyées
par les chambres
- Des recours en cassation sur arrêt de renvoi
C. L’Assemblée générale consultative

L'Assemblée générale consultative comprend le premier président, les présidents


de chambre, les conseillers, les conseillers délégués et les conseillers
référendaires, le procureur général, les premiers avocats généraux, les avocats
généraux, les avocats généraux délégués et les avocats généraux référendaires.
L’Assemblée générale constitutive est présidée par le Premier Président, ou en
cas d'empêchement et, dans l'ordre, par le Procureur général, un président de
chambre ou un premier avocat général. Sont, en outre, appelées à siéger à
l'Assemblée générale consultative, avec le titre de conseiller en service
extraordinaire, des personnalités qualifiées dans les différents domaines de
l'activité nationale, désignées par décret sur proposition du Premier Président de

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la Cour, pour une période d'un an qui peut être renouvelée. Le nombre de
conseillers en service extraordinaire ne peut excéder vingt.

Paragraphe 2 : Les compétences de la Cour suprême

Il s’agit des compétences consultatives (A) et des compétences contentieuses (B)

A. les compétences consultatives

En matière administrative et législative, la cour suprême peut être consultée par


le président de la République, Le président de l’Assemblée nationale et le
Gouvernement.
Dans le processus d’élaboration des textes, l’Assemblée générale compétente
en matière consultative donne au gouvernement son avis motivé sur les
projets de loi et de décret soumis à son examen.

La cour suprême donne également son avis au Président de la République ou au


gouvernement dans tous les cas où sa consultation est prévue par les dispositions
législatives ou réglementaires, et chaque fois qu’elle est consultée sur des
difficultés apparues en matière d’administration.

Saisie par le Président de l'Assemblée nationale, après examen de la


commission compétente, la Cour suprême, réunie en Assemblée générale
consultative, donne son avis sur les propositions de loi qui lui sont soumises.
L'Assemblée nationale est représentée par le Président de la Commission des
Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains, assisté par le
Secrétaire général de ladite Assemblée.

B. les compétences contentieuses

Sous réserve des compétences expressément attribuées à d’autres juridictions, la


cour suprême connait des pourvois en cassation pour incompétence,
violation de la loi dirigée contre les arrêts et jugements rendus en dernier
ressort par toutes les juridictions. Cette compétence s’étend aussi aux

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décisions de la cour des comptes qui est une juridiction suprême mais non
souveraine, en ce sens que ses décisions peuvent être attaquées devant la Cour
suprême. La Cour suprême dispose aussi d’une compétence générale pour se
prononcer sur les décisions des conseils d’arbitrage, des conflits de travail et
en dernier ressort des décisions des organismes administratifs à caractère
juridictionnelle.

I. Le contentieux de l’excès de pouvoir


1. Considérations générales sur le REP
Le recours pour excès de pouvoir est un recours en annulation par lequel un
requérant demande au juge de déclarer l’illégalité d’un acte administratif
unilatéral qui lui est déféré et d’en tirer toutes les conséquences en l’annulant
partiellement ou totalement. Le recours pour excès de pouvoir est ainsi
considéré par certains auteurs comme Gaston Jéze comme le moyen le plus
énergique et le plus démocratique de défense des administrés contre l’arbitraire
et l’illégalité. C’est pourquoi le Conseil constitutionnel français a fini par
garantir son existence dans sa Décision du 23 janvier 1987 sur le conseil de la
concurrence. Il a décidé que l’attribution du contentieux de l’excès de
pouvoir au juge administratif constitue un principe fondamental reconnu
par les lois de la République.

Au Sénégal, la loi n°2017-09 du 17 janvier 2017 dispose en son article premier


que la Cour suprême est juge en premier et dernier ressort de l’excès de pouvoir
des autorités administratives ainsi que de la légalité des actes des collectivités
territoriales.

En matière d’expropriation pour cause d’utilité publique, l’ordonnance


d’expropriation ne peut être attaquée que par la voie du recours pour excès de
pouvoir devant la cour suprême (article 12 alinéa 3 de la loi n°76-67-du-02-
juillet 1976relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux
autres opérations foncières d’utilité publique).

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2. Le référé

L’article 83 de la loi n°2017-09 du 17 janvier 2017 institue un juge des référés


en matière administrative. Il statue par des mesures qui présentent un caractère
provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais.
Est juge des référés, le Premier Président de la Cour suprême ou le magistrat
qu'il désigne à cet effet.

Dans le cadre du référé-suspension, le juge peut ordonner la suspension de


l’exécution d’une décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le
justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction,
un doute sérieux quant à la légalité de la décision (article 84)

Dans le cadre de référé-liberté, le juge des référés peut ordonner toutes


mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une
personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la
gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs,
une atteinte grave et manifestement illégale (article 85).

A cela, il faut ajouter les dispositions de l’article 86 qui dispose qu’ « en cas
d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de
décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes
autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision
administrative ».

II. La cassation du plein contentieux administratif

Le recours en cassation est u recours en annulation fondé sur la violation


d’une règle de droit par une juridiction de jugement dont la décision est
déférée à a Cour suprême.

Seules les décisions juridictionnelles rendues en dernier ressort sont susceptibles


d’un recours en annulation. Sauf disposition législative contraire, la Cour

20
suprême en tant que juge de droit et non juge de fait, ne connait pas du fond
des affaires.

La cour suprême connait en cassation :

1. Des décisions de la Cour des comptes qui juge en premier et dernier


ressort, les comptes des comptables publics, contrôle et vérifie les
comptes et la gestion financière des entreprises et organismes du
secteur parapublic
2. Des décisions rendues en dernier ressort par les organismes
administratifs à caractère juridictionnel
3. Des arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les cours et
tribunaux en matière de contentieux administratif de pleine
juridiction.
III. La cassation des inscriptions sur les listes électorales et des
élections locales

La cour suprême est investie d’une double compétence en matière électorale.

Elle statue en dernier ressort sur le contentieux des inscriptions sur les listes
électorales visant les décisions prises par le Président du tribunal d’instance
relatives aux recours contre les radiations, les omissions ou les inscriptions
indues sur les listes électorales.

Elle statue en dernier ressort sur les résultats des élections locales et
administratives proclamés par la Cour d’appel, qui conformément au code
électoral, est le juge des élections à l’exception des élections présidentielle,
législatives et du referendum qui sont de la compétence du conseil
constitutionnel.

IV. La cour suprême, organe régulateur du système judiciaire


sénégalais
En tant qu’organe régulateur, la cour suprême se prononce en outre sur :

21
1. Les demandes en révision (La révision est une voie de recours
extraordinaire qui permet de demander, dans des cas très limités, à
réexaminer une décision définitive, en raison de nouveaux
éléments)
2. Les demandes de renvoi d’une juridiction à une autre pour
cause de suspicion légitime ou de sureté publique (Si
la demande est justifiée, l'affaire est renvoyée soit à
une autre formation de la juridiction primitivement saisie, soit à
une autre juridiction de même nature que celle-ci)
3. Les demandes de prise à partie (La "prise à
partie" est la procédure introduite par un justiciable contre un
magistrat auquel il reproche la commission dol, d'une fraude, d'une
concussion, ou d'une faute lourde et notamment d'avoir commis un
déni de justice)

Il faut aussi préciser que la loi n°2017-09 du 17 janvier 2017 modifiée a créé
deux commissions juridictionnelles auprès de la Cour suprême. Il s’agit de la
commission juridictionnelle chargée de statuer sur les demandes
d’indemnités présentées par les personnes ayant fait l’objet d’une décision
de détention provisoire et qui on bénéficié d’une décision définitive de non-
lieu d’une part, et d’autre part, de la commission juridictionnelle chargée de
statuer sur les recours formés par les officiers de police judiciaire ayant fait
l’objet d’une décision de suspension ou de retrait d’habilitation.

22
Section II : Les compétences des autres juridictions

Au Sénégal, l’organisation judicaire est fixée par loi n° 2014- 26 du 03


novembre 2014. Cette loi abroge et remplace la loi n° 84-19 du 02 février
1984. Celle de 2014 a été modifiée, dans certaines dispositions, par la loi n°
2017 -23 du 28 juin 2017 pour instituer les tribunaux de commerce. Dans
cette section, il ne sera étudié que les compétences des tribunaux (paragraphe
1) et des cours d’Appel (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les tribunaux

Il s’agit des compétences du tribunal d’instance (A), du tribunal de grande


instance (B), du tribunal de travail (C) et du tribunal de commerce (D).

A. Le tribunal d’instance

En matière administrative, les compétences du tribunal d’instance sont très


minimes. En effet, mis à part le contentieux d’inscription sur les listes
électorales, l’essentiel du contentieux concerne le droit privé.

Les compétences du tribunal d’instance en matière de contentieux des


inscriptions sur les listes électorales sont relatives aux recours contre les
radiations, les omissions ou les inscriptions indues sur les listes électorales.

Le délai pour former un recours devant la Cour suprême, à la suite de la décision


du tribunal, est de dix jours à compter de la notification de la décision attaquée.
La partie adverse aura un délai de huit jours à compter de la notification pour
produire sa défense au greffe du tribunal d’instance. Passé ce délai, le greffier
adresse sans frais la requête accompagnée de toutes les autres pièces fournies
par les parties, au greffe de la Cour suprême.

23
B. Le tribunal de grande instance

Les tribunaux de grande instance sont juges de droit commun en toutes matières,
sous réserve des compétences d'attribution, en premier et dernier ressort de la
Cour suprême, des cours d'Appel et en premier ressort des tribunaux du travail,
des tribunaux d'instance et des organismes administratifs à caractère
juridictionnel.

Les tribunaux de grande instance sont compétents en ce qui concerne la


responsabilité contractuelle, la responsabilité extracontractuelle, les actions
intentées par les administrations publiques contre les particuliers, les litiges
relatifs à l’assiette, au taux et au recouvrement des impositions de toutes natures
et les litiges portant sur les avantages pécuniaires et statutaires reconnus aux
fonctionnaires.

Au regard de l’article 11 de la loi n°76-67-du-02-juillet 1976 relative à


l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux autres opérations foncières
d’utilité publique, à défaut d’accord amiable, l’expropriation est prononcée et les
indemnités sont fixées par un juge du tribunal de grande instance de la situation
de l’immeuble appelés juge des expropriations.

Le tribunal de grande instance, à l’instar des autres juridictions, ont, au cours des
instances dont elles sont saisies, compétence pour interpréter et apprécier la
légalité des décisions des diverses autorités administratives.

C. Le Tribunal de travail

En droit sénégalais, les agents publics non fonctionnaires entrent dans la


Fonction publique par un d’acte engagement qui est une décision du Ministre
chargé de la Fonction publique portant recrutement d’une personne dans un
emploi permanent ou temporaire de l’Administration.

Contrairement en France, les agents non fonctionnaires sénégalais sont


soumis aux règles de droit privé dans leur rapport avec l’Etat ou les collectivités
24
territoriales. C’est pourquoi, les litiges pouvant les opposer à leur employeur
relèvent en principe des tribunaux du travail. L’article premier du décret 74-
347 du 12 avril 1974 fixant le régime spécial applicable aux agents non
fonctionnaires de l’Etat est explicite. Il dispose, à cet effet, que « le présent
décret s'applique à tous les agents de l'Etat régis par le Code du travail ».

La Cour Suprême dans sa décision rendue le 23 novembre 2017


Mouhamadou Moustapha DIOP C/ L’A. N. A. C. I. M. s’est déclarée
incompétente au motif que « les tribunaux du travail connaissent des
différends individuels pouvant s’élever entre les travailleurs et leurs
employeurs à l’occasion du contrat de travail ». Elle ajoute que « le requérant,
agent de l’ANACIM, n’établit pas qu’il a le statut de fonctionnaire ; que dès
lors, le contentieux né de ses relations avec son employeur relève de la
compétence du tribunal du travail » d’autant plus que « le Directeur général a
la qualité d’employeur au sens du Code du travail » et « le personnel de
l’Agence relève du Code du travail ».
Il en est de même dans l’arrêt Mbaye Paye C/ le maire de la commune de
Hann Bel air rendu le 13 juillet 2017 par la cour suprême quand le juge estime
que « le litige né de la mise du requérant, [qui au demeurant ne conteste pas
sa qualité d’agent non fonctionnaire] à la disposition de la direction des
ressources humaines de la mairie de Hann-Bel-Air, relève de compétence
des tribunaux du travail, en premier ressort ».

D. Les tribunaux de commerce

Selon l’exposé des motifs de la loi n° 2017-24 du 28 juin 2017 portant création,
organisation et fonctionnement des tribunaux de commerce et des chambres
commerciales d'Appel, les tribunaux de commerce sont « des juridictions
spécialisées compétentes pour juger en premier ressort les affaires
commerciales, c’est-à-dire les litiges relatifs aux actes de commerce (achat de
marchandise pour les revendre, lettres de change, opérations de banque,

25
engagement nés à l’occasion du commerce) ». A ces compétences, il faut ajouter
les litiges concernant les sociétés commerciales.
Toutefois, le tribunal du commerce est bien compétent pour connaitre du
contentieux impliquant les établissements publics, notamment les SPIC, ayant
une activité économique et bénéficiant de l’autonomie juridique et financière au
sens de l’article 35 de l’acte uniforme portant sur le droit commercial
3
général et de l’article 18 de la Loi d'orientation n° 2022-08 du 19 avril
2022 relative au secteur parapublic, au suivi du portefeuille de l'Etat et au
contrôle des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours
financier de la puissance publique. Selon l’article 18 « la création des sociétés
publiques est soumise au droit commun des sociétés commerciales. Leurs statuts
sont conformes aux dispositions de l'Acte uniforme relatif au droit des Sociétés
commerciales et du Groupement d'intérêt économique (AUSGIE) de
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
(OHADA), sous réserve des dispositions particulières prévues par la présente
loi ».

Paragraphe 2 : Les compétences de la Cour d’Appel

Les Cours d’Appel connaissent par la voie de l’appel des demandes tendant à
la réformation partielle ou à l’infirmation des jugements rendus par les
juridictions du premier degré. En ce sens, elle est juge de l’appel des
jugements rendus en matière civile, commerciale et en contentieux administratif,
fiscal et électoral.

Sur la matière électorale, la Cour d’Appel statue sur les litiges relatifs aux
élections des conseils municipaux et départementaux. Ainsi, tout électeur ou
tout candidat à une élection départementale ou municipale peut demander
l’annulation des opérations électorales. La Cour d’Appel de ressort est

3
Au sens de l’article 35 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général le registre du commerce et
du crédit mobilier a pour objet de recevoir les demandes d’immatriculation notamment des établissements
publics ayant une activité économique et bénéficiant de l’autonomie juridique et financière.

26
compétente. Pour les élections départementales, les requêtes doivent être
déposées dans les huit (8) jours qui suivent la proclamation des résultats par la
commission départementale. Pour les élections municipales, les requêtes
doivent être déposées dans les cinq (5) jours qui suivent la proclamation des
résultats

La Cour d’Appel statue dans en premier ressort dans le délai d’un mois à
compter de l’enregistrement de la requête en annulation au greffe de la Cour
d’Appel. En cas de renouvellement général des conseils départementaux et des
conseillers municipaux, ce délai est porté à trois (3) mois.

Chapitre 3 : La procédure administrative contentieuse

Bien qu’inspirée fort largement de la procédure civile, la procédure


administrative contentieuse repose essentiellement sur la reconnaissance en
faveur de l’administration de privilèges juridictionnels fondés sur la prise en
compte et la protection de l’intérêt général. Elle consacre une illégalité
juridique entre les parties au procès. L’originalité de cette procédure apparait
à travers les traits caractéristiques de la procédure administrative contentieuse
(section 1) et les exigences procédurales (section 2).

Section 1 : Les traits caractéristiques de la procédure administrative


contentieuse

La procédure est essentiellement écrite (paragraphe 1), inquisitoriale


(paragraphe 2), simple et économique (paragraphe 3) et facilite à l’administré
la charge de la preuve (paragraphe 4).

Paragraphe I : Une procédure écrite

27
Le caractère écrit de la procédure permet un examen plus attentif des
éléments du litige et rend plus ordonnés le débat contradictoire, contrairement à
la procédure civile qui réserve une large part au débat oral, même si l’écrit y
prend une place de plus en plus accrue. Ce qui débouche sur un certain nombre
de traits originaux de la procédure administrative contentieuse. Ainsi, les
conclusions et moyens sont fixés par écrit :

-Il y a un mémoire introductif d’instance dont le contenu peut être développé


dans un mémoire complémentaire. Le mémoire est ensuite transmis à la partie
défenderesse qui présente sa défense dans un mémoire en réplique. Après
instruction, l’affaire l’objet d’un rapport établi par écrit, seules les parties et
leurs défenseurs ont connaissance des mémoires, autrement dit, les tiers n’ont
pas accès aux pièces.

-Le juge ne peut faire état que les pièces figurant au dossier : le droit pour
les parties de présenter ou de faire présenter des observations orales à l’audience
n’existe que si un texte le prévoit. Les observations ne peuvent en principe
comporter que l’indication des conclusions et le développement des moyens
énoncés dans les mémoires enregistrés.

-Une nouvelle conclusion ne peut être formulée ou de moyens nouveaux ne


peuvent être énoncés que si le texte les autorise et même dans ce cas, il y a
défaut si le défendeur n’a déposé aucun mémoire écrit et présenté sa défense
directement à l’audience.

-Le défaut de comparaitre n’existe pas devant les juridictions


administratives.

-Un désistement formulé à l’audience n’est pas valable.

-Le juge n’est pas obligé d’analyser les moyens présentés au cours de
l’audience.

Paragraphe II : Une procédure inquisitoire


28
Contrairement à la procédure civile qui est accusatoire, en ce sens que
l’instance est animée par les parties sous le contrôle et l’arbitrage du juge, la
procédure administrative contentieuse est dirigée par le juge afin de
compenser son caractère inégalitaire.

-Ainsi, le juge ordonne les communications en fixant les modalités et leur


étendue ainsi que les délais de réponse.

-Il décide des mesures d’expertise, ordonne les mesures d’instruction.

-Il peut clore l’instruction lorsque la solution de l’affaire lui paraît d’ores et
déjà certaine.

-Il fixe aux parties des délais pour la production des observations, mémoires
et pièces.

- Il décide seul du moment où l’affaire est en état, et fixe la date de l’audience.

Paragraphe III : Une procédure simple et économique

La procédure administrative contentieuse est peu coûteuse. Le ministère


d’avocat n’est pas obligatoire sauf si la loi l’impose, pour une procédure
particulière par exemple (exemple la cassation).

Les dépens (frais d’expertise, d’enquête, de visite, sur les lieux,


vérification administrative, et de signification d’ordonnance de soi-disant
communiqué) sont à la charge de la partie perdante. L’aide juridictionnelle
peut être obtenue pour les personnes économiquement faibles.

Paragraphe IV : L’administration de la preuve

En matière de procédure civile la règle, selon laquelle la charge de la


preuve incombe au demandeur, « actori incombit probatio » est également
applicable devant la juridiction administrative. En effet, le demandeur doit
toujours apporter au moins un commencement de preuve. Cependant, le juge du
contentieux administratif fait généralement montre d’un grand libéralisme en
29
administrant la charge de la preuve en faveur de l’administré, lequel n’a pas
accès au dossier du fait du caractère inquisitoire de la procédure. Il peut ainsi
renverser la charge de la preuve lorsqu’il apparaît que les allégations du
requérant sont suffisamment fondées sans qu’il puisse en apporter la preuve
formelle. Il peut alors demander à l’administration la production des
documents ou la révélation des motifs de sa décision, même lorsque celle-ci ne
doit pas être formellement motivée.

Section 2 : Les exigences procédurales


Ces exigences varient en fonction du contentieux de l’excès de pouvoir
(paragraphe 1) et du plein contentieux (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les exigences procédurales en matière de REP

1. Exigence tenant au requérant

Pour être recevable, il faut que le requérant ait la capacité d’agir et un intérêt à
agir. La jurisprudence distingue l’intérêt à agir des personnes physiques et
l’intérêt à agir des groupements.

En ce qui concerne les personnes physiques, l’acte doit avoir lésé moralement
ou matériellement les intérêts du requérant. Entre le requérant et l’acte doit
exister un lien évident (CE 25 août 1993, Professeur Iba Der Thiam). Pour les
personnes morales En principe, les personnes morales ne doivent normalement
agir que pour la défense des intérêts collectifs de leurs membres. Elles ne
peuvent attaquer les actes individuels concernant un de leurs membres que si
elles ont reçu un mandat spécial (CE 29 juin 2000, ANHMS contre Etat du
Sénégal).

2. Exigence tenant à l’acte

30
Selon les dispositions de l’article 74 de la loi sur la Cour suprême, « le recours
pour excès de pouvoir n’est recevable que contre une décision explicite ou
implicite d’une autorité administrative ».
Le REP n’est en principe recevable que si l’acte contre lequel il est dirigé est un
acte administratif unilatéral c'est-à-dire un acte susceptible de modifier
l’ordonnancement juridique pris par une personne morale de droit public ou par
une personne morale de droit privé gérant une mission de service public
emportant l’usage de prérogatives de puissance publique.
Les contrats sont traditionnellement exclus, en principe, du champ d’application
du REP. Toutefois, il est admis que le REP peut être dirigé contre un acte
détachable du contrat (CE 4 août 1905 Martin), contre les clauses
règlementaires du contrat (CE 10 juillet 1996 Cayzeele).
Dans le cadre de la décentralisation, le procédé du déféré permet au représentant
de l’Etat de saisir le juge d’un recours dirigé contre un contrat administratif
(Cour Suprême dans un arrêt rendu le 9 mai 2018 préfet du département
de Ziguinchor C/ commune Ziguinchor).

3. Exigence tenant à la requête

La requête doit être présentée sous une certaine forme, comporter certaines
mentions et être introduite dans un délai bien déterminé. La requête doit être
écrite et signée. Elle doit comporter certaines mentions relatives au nom,
domicile du requérant et contenir un exposé sommaire des faits et des moyens
c’est-à-dire des circonstances qui sont à l’origine du recours et des arguments
juridiques qui soutiennent la requête. Le juge déclare irrecevable une requête
dans laquelle il n’y a pas un exposé des moyens (CS 27 mai 1981, Aboubacar
Sylla).

4. Exigence tenant au délai

Selon les dispositions de l’article 74-1 de la loi sur la Cour suprême « le délai
de recours contre une décision administrative est de deux mois ; ce délai court
31
à compter de la publication ou de la notification de la décision attaquée, à
moins qu’elle ne doive être signifiée, auquel cas, il court à compter de la date
de la signification ». Au surplus, « le silence gardé plus de deux mois sur une
réclamation par l’autorité compétente vaut décision de rejet. Le délai de
recours de deux mois, contre le rejet d’une réclamation, court à compter du
jour de la notification ou de la signification de la décision explicite de rejet de
la réclamation et, au plus tard, à compter de l’expiration de la période de deux
mois ».

Toutefois, avant d’attaquer une décision administrative, les intéressés peuvent


présenter, dans le délai du recours pour excès de pouvoir, un recours
administratif hiérarchique ou gracieux tendant à faire rapporter ladite
décision. Le silence gardé plus de quatre mois par l’autorité compétente sur le
recours administratif vaut décision de rejet.
Le délai de deux mois prévu ci-dessus ne commence à courir qu’à compter de
la notification ou de la signification de la décision de rejet du recours
administratif et, au plus tard, de l’expiration de la période de quatre mois
prévue au présent alinéa ».

Lorsque la législation ou la réglementation en vigueur prévoit une procédure


particulière de recours administratif, le recours en annulation n’est recevable
qu’après l’épuisement de ladite procédure et dans les mêmes conditions de
délai que ci-dessus (exemple : dans la fonction publique, les actes de gestion
délégués peuvent être reformés, sur recours hiérarchique, par l’autorité
ayant pouvoir de nomination. Ce recours hiérarchique est un préalable au
recours pour excès de pouvoir).

Généralement, deux raisons peuvent proroger le délai du recours. Il s’agit :


- De la décision explicite de rejet intervenue postérieurement à
l’expiration de la période de quatre mois prévue aux alinéas précédents,
fait courir un nouveau délai de deux mois.

32
- La saisine d’une juridiction incompétente proroge le délai du recours
pour excès de pouvoir qui commence à courir à partir de la notification
de la déclaration d’incompétence de la juridiction saisie à tort.

Le calcul du délai communément appelé computation du délai est dit « franc »


car ne sont comptés dans le délai ni le ‘’dies aquo’’ (jour de la notification, de
la publication, ni le « dies ad quem » (jour du terme du délai). Les jours fériés
et non ouvrables ne sont pas pris en compte dans la computation du délai.

5. Les cas de suspension des recours

Selon les dispositions de l’article 74-2 de la loi sur la Cour suprême, le délai de
recours et le recours sont suspensifs en cas de déclaration d'utilité publique,
d'expulsion d'étranger, d'extradition, de litiges relatifs à l'élection aux
conseils des collectivités territoriales.
A cela, il faut ajouter les dispositions de l’article 56 aux termes desquelles
« lorsqu'un pourvoi en cassation ou recours en annulation aura fait l'objet
d'une décision de désistement, de déchéance, d'irrecevabilité ou de rejet, la
partie qui l'avait formé ne pourra plus se pourvoir en cassation ou former un
recours en annulation dans la même affaire, sous quelque moyen que ce
soit ».

Paragraphe 2 : Les exigences procédurales en matière de plein contentieux

En matière de plein contentieux, les dispositions de l’article 729 du code de


procédure civile déclinent, en quintessence, la procédure à suivre. Cet article
dispose expressément que « toute action en justice doit être précédée d’une
demande adressée à l’autorité administrative désignée pour recevoir
l’assignation aux termes de l’article 39 ». Au surplus, « le silence gardé plus
de quatre mois par l’autorité saisie vaut décision de rejet ». « L’assignation
doit, à peine d’irrecevabilité, être servie dans le délai de deux mois qui suit,

33
soit l’avis donné de la décision, de l’administration, soit l’expiration du délai
de quatre mois valant décision implicite de rejet ». L’assignation doit aussi, à
peine de nullité, viser la réponse implicite ou explicite donnée par
l’administration à la demande préalable.

Cette procédure administrative a une incidence significative sur l’issue du


procès. Le juge, a, plusieurs reprises, déclaré un recours irrecevable pour
non-respect de la procédure, tandis que dans d’autres situations, il parait
plus souple.

Ainsi, dans la jurisprudence Abdourahmane NDoye (Tribunal de Première


Instance de. Dakar du 23 mai 1970) le requérant avait été débouté pour non-
respect de la procédure de l’article 729. Mieux, la Cour d’Appel dans un arrêt
du18 février 1983, Etat du Sénégal C/ Héritiers Abdou Lo a consacré le
caractère d’ordre public de la procédure de l’article 729. Cela signifie que
l’omission de la formalité doit être soulevée d’office et entraîner le rejet de
l’action.

Dans d’autres affaires, le juge ne semble pas s’attacher à l’exigence du respect


de la procédure. Ainsi, le Conseil d’Etat, en Cassation, dans l’affaire Directeur
Général des Impôts et Domaines DGID C/ Kamel Badredine (31 mars 2005)
a estimé que l’irrecevabilité des requêtes pour non-respect des règles spéciales
de procédure doit être soulevée devant le juge du fond. Il admet que « le recours
administratif préalable doit être présenté avant la saisine du juge de fond ».
Dans l’affaire Société Uniplast (CE 03 avril 2008), le juge soutient que le
recours administratif préalable n’est pas une condition de l’action en justice dans
le contentieux de l’assiette des impôts et taxes.

NB : Peu importe le contentieux en présence (droit public ou droit privé), il


est toujours indiqué de suivre la procédure. Le juge peut déclarer un
recours irrecevable pour non-respect de la procédure de l’article 729 du
CPC, si la matière administrative est en cause, mais ne déclare pas
34
irrecevable un recours, tant bien que c’est le droit privé qui est applicable
et même si le requérant a fait usage de la procédure prévue à l’article 729
du CPC.

35

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