AAP1 05 Burundi Rapport Final de Recherche

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INSTITUT DE PÉDAGOGIE APPLIQUÉE

DE L'UNIVERSITÉ DU BURUNDI

Évaluation des apprentissages


et analyse des pratiques de
classe au Burundi

JUIN 2020

PIERRE NDUWINGOMA
INNOCENT NTWARI
MELCHIOR NTAHONKIRIYE
Projet financé par le
programme APPRENDRE
dans le cadre de l’appel
« Documenter et éclairer les
politiques éducatives »

Les points de vue exprimés et les propos contenus dans


ce document n'engagent que leurs auteurs.
1

Table des matières


Remerciements iv

Liste des sigles et abréviations v

Liste de diagramme, graphique et tableaux vi

Introduction générale 1

1.Cadre de la recherche 1

2. Problématique de la recherche 3

3. Questions de recherche 5

3.1.Question générale 5

3.2. Questions spécifiques 5

CHAPITRE 1. CONTEXTE DE LA RECHERCHE 6

1.1. Brève description du système éducatif burundais 6

1.1.1. L’enseignement préscolaire 6

1.1.2. L’enseignement fondamental 7

1.1.3. L’enseignement post-fondamental 8

1.1.4. L’enseignement universitaire 9

1.2. Quelques statistiques sur l’enseignement primaire au Burundi 15

1.3. Les réformes éducatives burundaises et l’enseignement du français 16

1.3.1. La réforme de 1967 16

1.3.2. La « kirundisation » de 1973 16

1.3.3. La double vacation de 1981 17

1.3.4. La réforme de l’enseignement fondamental de 2013 17

1.4. L’enseignement du français en classe de 5ème année fondamentale 18

1.4.1. Les activités didactiques en français 18


2

1.4.1.1. Les activités de lecture 18

1.4.1.2. Les activités d’études de la langue écrite 20

1.4.1.3. Les activités d’expression écrite 22

1.4.1.4. Les activités d’expression orale 23

1.4.1.5. Le « Dossier » ou activités de réflexion de l’apprenant 24

1.4.1.6. Le bilan des activités 25

1.4.2. Organisation des contenus à enseigner 25

CHAPITRE 2. ANCRAGE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 26

2.1. Aspects théoriques 26

2.1.1. Orientation pédagogique de la réforme de l’École Fondamentale 26

2.1.2. Notions d’enseignement et d’apprentissage 26

2.1.3. La centration sur l’apprenant 29

2.1.4. Rôle de l’enseignant 30

2.2. Méthodologie de l’observation des pratiques enseignantes 31

2.2.1. Principes adoptés 31

2.2.1.1. Objectif global de l’observation des pratiques de classes 31

2.2.1.2. Brève description de l’évolution des conceptions sur les pratiques de classes 31

2.2.1.3. Principaux axes d’observation des pratiques enseignantes 32

2.2.1.4. Choix opérés par rapport aux propositions d’OPERA 33

2.2.2. Méthode et outils d’observation proposés dans la littérature 35

2.2.2.1. Quoi observer ? 35

2.2.2.2. Comment observer ? 37

2.2.2.3. Approche méthodologique retenue 38

2.2.2.4. Zone géographique, population et échantillonnage 39

2.2.2.5. Outils de collecte des données 41

2.2.2.6. De la collecte des données 46

2.2.2.7. Procédure de traitement et d’analyse des données 47


3

CHAPITRE 3. PRÉSENTATION, ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS 48

3.1. Profil professionnel des sujets 48

3.1.1. Formation initiale 48

3.1.2. Formation continue 50

3.1.3. L’expérience professionnelle des enseignants 51

3.2 Climat relationnel prévalant dans les classes 52

3.2.1 Climat communicatif 52

3.2.2 Degré de rigidité de l’enseignant 54

3.2.3 Attitude des élèves 55

3.3 Interventions pédagogiques organisationnelles 57

3.3.1. Gestion de la classe 57

3.3.2 Organisation et gestion des conditions d’apprentissage 58

3.3.3. Styles et stratégies adoptés par les enseignants 63

3.4. Gestion didactique-épistémique 67

3.4.1. Gestion épistémique/développement conceptuel et conceptualisation 67

3.4.2 Gestion didactique des contenus 68

3.4.3. De l’utilisation de la langue française comme langue d’enseignement 71

3.5. Besoins formulés par les enseignants de français 73

Conclusion générale 76

Références bibliographiques 81

Annexes 84
4

Remerciements

La réalisation de ce travail a demandé l’implication de plusieurs personnes. Nous tenons à les


citer et à les remercier nommément.

Nos remerciements vont d’abord à l’endroit de la direction du programme APPRENDRE qui


a sélectionné notre projet et consenti à le financer. C’est dans ce même cadre que nous
remercions sincèrement la direction de l’Antenne Afrique des Grands-Lacs de l’AUF qui a
servi de courroie de transmission à nos contacts avec les responsables du programme
APPRENDRE.

Les autorités du Ministère de l’Education, de la formation technique et professionnelle ainsi


que celles de l’Université du Burundi nous ont accordé les autorisations et les facilités
administratives nécessaires pour mener la recherche. Qu’elles trouvent ici l’expression de
notre gratitude.

Nous exprimons notre sincère reconnaissance aux Doyens de l’Institut de Pédagogie


Appliquée et de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Responsables institutionnels
directs de notre projet, qui nous ont accordé l’aval nécessaire et appuyé quotidiennement nos
actions.

C’est aussi une occasion propice de remercier sincèrement le professeur Martial DEMBELE,
dont les conseils et remarques judicieux nous ont permis de mieux circonscrire le sujet et de
réaliser la recherche dans les délais requis.

Nous remercions également les autorités des Directions provinciale et communale de


l’enseignement de Gitega, pour l’accueil bienveillant qu’ils nous ont réservé et pour avoir
facilité nos contacts avec les directions scolaires.

Aux directeurs d’écoles et aux enseignants qui nous ont permis la visite des classes et qui ont
accepté de nous fournir les données dont nous avions besoin, nous disons merci.

Nous remercions les chercheurs de différentes structures de l’Université du Burundi qui sont
intervenus à différentes étapes de cette recherche : Pierre Nduwingoma, Innocent Ntwari,
Mlchior Ntahonkiriye qui ont assuré la conception, la supervision et la rédaction du rapport de
recherche, Edith Ndereyimana, Ildephonse Nsengiyumva, Clément Bigirimana, Alice
Ndayikeza, Justin Gafura, Aloys Niyonizigiye, Abel Nhimirimana, Josias Ndikumasabo qui
ont participé à la collecte des données sur terrain.

Que toute autre institution ou personne ayant contribué de près ou de loin à la réalisation de ce
travail trouve ici l’expression de notre sincère reconnaissance.

Pr. Melchior NTAHONKIRIYE


Porteur du projet
5

Liste des sigles et abréviations

APPRENDRE : Appui à la Professionnalisation des PRatiques ENseignantes et au


Développement des Ressources
BER : Bureau d’Éducation Rurale
BMD : Baccalauréat, Mastère, Doctorat
BPSE : Bureau de la Planification et des Statistiques de l’Education
CELEC : Coopération et Echanges en Matière Linguistique, Educative et Culturelle
CLASS : Classroom Assessment Scoring System
CNIDH : Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme
EAC : East African Community
ELAN : École et Langues Nationales
FLE : Français Langue Étrangère
GN : Groupe Nominal
L1 : Langue maternelle
L2 : Langue seconde
OPERA : Observation des Pratiques Enseignantes dans leur Rapport aux Apprentissages
PAADESCO : Projet d’Appui à l’Amélioration des Apprentissages en Début de Scolarité
SPSS : Statistical Package for Social Sciences
6

Liste de diagramme, graphique et tableaux

I. Diagramme
Diagramme 1. De la gestion de la classe: distribution de la parole et accueil des réponses des
élèves 57

II. Graphique
Graphique 1. Ancienneté professionnelle des enseignants 51

III. Tableaux
Tableau 1. Synthèse de l’enseignement progressif des langues 8
Tableau 2. Structure de l'enseignement au Burundi 14
Tableau 3. Ratio élèves par classe au niveau national 15
Tableau 4. Ratio élèves par classe en 5ème année au niveau national 15
Tableau 5. Structure d’une unité didactique 25
Tableau 6. Répartition des informateurs selon le type et le niveau de formation initiale 48
Tableau 7. Représentation du lien entre la formation initiale des enseignants et l’enseignement
du français 49
Tableau 8. Formation en cours d’emploi 50
Tableau 9. Description du climat de la classe: attitude relationnelle de l'enseignant 52
Tableau 10. Description du climat relationnel en classe: De la rigidité des enseignants 55
Tableau 11. Organisation et gestion des conditions d'apprentissage 59
Tableau 12. Respect de la fiche de préparation d'une leçon 61
Tableau 13. Interventions pédagogiques et organisationnelles: styles et stratégies de
l'enseignant 63
Tableau 14. Type d’enseignement par catégorie de leçon 64
Tableau 15. Test de corrélation entre les variables relatives aux styles et aux stratégies de
l'enseignant 65
Tableau 16. Gestion épistémique d'une leçon: apprentissage des concepts nouveaux et
réflexion chez les élèves 67
Tableau 17. Gestion didactique des contenus 68
Tableau 18. Suivi rigoureux du guide de l’enseignant 69
Tableau 19. Gestion didactique des contenus: plurilinguisme et enseignement du français 71
7

Introduction générale

Dans cette section, nous présentons le cadre dans lequel la recherche s’est réalisée, la position
du problème à l’étude et les questions de recherche que nous nous sommes posées.

1. Cadre de la recherche

Ce rapport est le fruit d’une étude conçue et réalisée grâce à l’appui de la plateforme
APPRENDRE (Appui à la Professionnalisation des PRatiques ENseignantes et au
Développement des REssources), programme dédié au renforcement de la qualité de
l’éducation dans les pays francophones émergents ou en développement.

Dans le cadre de son 1er appel à projets de recherches contextualisées en éducation


pour 2019-2020, dont le thème était « Documenter et éclairer les politiques éducatives
en Afrique francophone », une équipe de professeurs-chercheurs de l’Université du
Burundi a soumis un projet de recherche qui a été sélectionné pour bénéficier d’un
financement.
L’étude, très ambitieuse au départ, visait l’exploration des pratiques de classe et
l’évaluation des apprentissages pour toutes les disciplines scolaires et dans tout le
cycle fondamental. La recherche s’est avérée quasi-irréalisable au regard du temps et
des moyens disponibles. A l’issue du séminaire international du programme
APPRENDRE tenu à Cotonou au mois de juin 2019, dont l’un des objets était la
mutualisation de tous les projets retenus, l’équipe du Burundi a dû restreindre
l’ampleur de ses investigations. Ledit séminaire a en effet attiré l’attention sur la trop
forte ambition du projet à divers points de vue : questionnements et objectifs
multiples, dispersion géographique, lourds moyens financiers et humains.

L’observation des pratiques de classe s’est désormais limitée à une seule discipline et
à une classe du fondamental, le français en 5ème année. Les motivations liées à ce
choix sont amplement exposées dans la suite de ce document.

Depuis 2013, une réforme qui met en place les cycles fondamental et
post-fondamental a été instaurée dans le système éducatif burundais. Cette réforme a
introduit un nouveau découpage des cycles d’enseignement ainsi que la refonte
profonde des contenus et des méthodes d’enseignement, si bien que nous nous
8

sommes posé la question de savoir si les enseignants avaient pu s’en approprier


l’esprit et la lettre.

Dans la version définitive de nos investigations, il s’agit de décrire les conditions dans
lesquelles se déroule l’enseignement/apprentissage du français en 5ème année
fondamentale, afin de voir jusqu’à quel point les innovations pédagogiques prônées
par la réforme de l’école fondamentale, appliquée depuis 2013, sont intégrées et
appliquées par les enseignants sur le terrain.
Pour atteindre cet objectif, nous avons entrepris d’une part, l’observation directe des
pratiques de classe dans les leçons de français de la classe de 5ème année. D’autre
part, nous avons mené des entretiens avec les enseignants observés.

La focalisation des observations sur l’enseignement du français en 5ème année n’est


pas le fruit d’un hasard. D’un côté, au Burundi, le français occupe une place centrale
dans le système éducatif. C’est une des langues officielles du pays, en même temps la
principale langue enseignée et d’enseignement. C’est la principale langue de
fonctionnement de l’Etat, de la mobilité socio-professionnelle et de l’élévation
culturelle. De l’autre, la 5ème année de l’école fondamentale est une classe-charnière à
partir de laquelle les enseignements jusque-là dispensés en kirundi langue maternelle
se dispensent en français, et cela pour tout le reste de la scolarité ultérieure. Nous
avons estimé qu’il était intéressant et utile d’observer les conditions dans lesquelles
s’opère ce virage linguistique, afin de mettre le doigt sur ses répercussions sur
l’enseignement/apprentissage dans son ensemble, étant donné l’importance de la
langue d’enseignement sur la qualité des apprentissages.

Ce rapport de recherche comporte trois chapitres. Le premier décrit le contexte


éducatif du Burundi afin de mieux cerner l’espace dans lequel s’applique la réforme
de l’école fondamentale. Dans ce même chapitre, nous traçons le cadre dans lequel
nous plaçons notre réflexion théorique. Le second chapitre traite des aspects
méthodologiques adoptés dans notre recherche, à savoir les principes, les outils
choisis, le lieu, la population et l’échantillon retenus, ainsi que la procédure de
traitement des données. Le troisième chapitre est consacré à la présentation, à
l’analyse et à l’interprétation des résultats. Le présent rapport se clôture par une
conclusion générale et des recommandations.
9

2. Problématique de la recherche

L’organisation de tout système d’enseignement d’un pays donné change au cours de son
histoire pour plusieurs raisons, notamment pour s’adapter au monde de l’éducation en
perpétuelle évolution et ayant de plus en plus de nouvelles exigences de la part de ses
partenaires (Jorro, 2014). Le Burundi a entamé une réforme de l’enseignement de base
(enseignement fondamental qui dure actuellement 9 ans) pour se conformer aux
recommandations de l’East African Community, dont le Burundi est membre depuis 2007.
L’harmonisation des structures de formation dans cette organisation régionale a pour but de
faciliter la mobilité des apprenants et des enseignants.
Parmi les grandes nouveautés de la réforme de l’école fondamentale, il y a lieu de citer la
mise en activité de l’apprenant. Cela suppose, didactiquement parlant, que tout enseignant
doit s’interroger sur ce qu’il doit faire pour amener les apprenants à apprendre. Pour la
réussite de l’action éducative, l’enseignant occupe donc une place de choix ; sa formation doit
être pensée et assurée avec beaucoup de soins.
S’il est vrai qu’une bonne méthode d’enseignement participe à la prévention de l’échec et du
décrochage scolaires, selon Talbot (2012), les chercheurs qui s’interrogent sur les pratiques
d’enseignement efficaces aboutissent parfois à des conclusions contradictoires mais
complémentaires. En effet, pour une catégorie de chercheurs, un enseignant efficace serait
celui qui propose des activités « très structurées », qui travaille à petit pas et qui arrive à gérer
son programme en insistant suffisamment longtemps sur les matières importantes. Il propose
des évaluations qui correspondent à ce qui a été effectivement enseigné. Il pose de
nombreuses questions et pratique un feedback positif (des louanges, mais distribuées à bon
escient). Il s’intéresse aux apprentissages fondamentaux et se démarque de l’enseignant «
lecteur des contenus ». L’enseignant efficace arrive à impliquer les élèves dans les exercices
individuels. C’est une personne rigoureuse (Talbot, 2012).
Pour d’autres chercheurs, un enseignant efficace est celui qui organise et anime des situations
d’apprentissage. Il construit des activités où les élèves sont mis en recherche. Par l’action, les
élèves sont amenés régulièrement à résoudre des problèmes. Il a comme objectif d’amener les
élèves à modifier leurs représentations en les confrontant à des obstacles cognitifs. Il pratique
régulièrement une évaluation formative, propose des travaux de groupes et met en place une
différenciation des apprentissages. Il travaille avec les enfants en difficultés, suscite le désir
d’apprendre, explicite le rapport au savoir et le sens du travail scolaire (Talbot, 2012).
10

L’opposition entre ces deux manières d’envisager la pratique d’enseignement alimente


l’ambiguité de ce qu’est finalement un enseignant efficace. Même si certaines pratiques sont
plus efficaces que d’autres, les « bonnes » pratiques d’enseignement n’entrainent pas
forcément de bonnes performances chez les apprenants.
Dans le cadre de notre recherche, en lien avec la réforme de l’enseignement fondamental
burundais, un enseignant efficace est celui qui met les apprenants en activités, qui favorise le
conflit sociocognitif, qui est concret, pratique et qui centre son enseignement sur la vie
quotidienne de l’élève. C’est aussi un enseignant qui est flexible, démocratique, relié aux
besoins et aux intérêts des apprenants, qui remédie leurs difficultés tout en prenant en compte
les erreurs des apprenants dans ses enseignements (Curriculum de l’enseignement
fondamental, 2015).

Pour l’enseignement du français comme pour les autres disciplines, si les savoirs
professionnels acquis au cours de la formation initiale devraient permettre aux enseignants de
s'adapter aux situations éducatives auxquelles ils sont confrontés en situation de pratique
professionnelle (Paquay, Marguerite, Charlier, & Perrenoud, 2001) et que les formations
continues constituent une autre voie de développement des connaissances
professionnelles (Paquay, 2007), les enseignants de français en 5ème fondamentale sont appelés
à mettre en œuvre des pratiques d’enseignement auxquelles beaucoup n’ont ni été formés ni
été confrontés en tant qu’élève.

Notons quand même que, généralement pendant les vacances d’été, des formations continues
sont organisées au niveau national en faveur des enseignants. Cela étant, une récente
recherche doctorale réalisée par Ntwari (2018) concernant la mise en pratique des
préconisations des pratiques d’enseignement en mathématiques au 4ème cycle du fondamental,
montre que, même si lors des formations continues il est dit aux enseignants de mettre
littéralement en œuvre le curriculum prescrit, 40% des enseignants se permettent d’adapter les
pratiques prescrites au contexte de la classe qu’ils gèrent. La question qui se pose est de savoir
si les formations continues permettent aux enseignants de s’outiller assez suffisamment pour
mettre en œuvre les nouvelles pratiques d’enseignement, à savoir l’enseignement centré sur
l’apprenant ou la mise en activité de l’apprenant.

Par ailleurs, parmi les facteurs qui peuvent gêner la mise en application du curriculum
d’enseignement, figure le manque de motivation liée aux conditions salariales chez les
enseignants au point que, selon une étude réalisée par l’Unesco (2012), 70% des enseignants
11

seraient prêts à quitter la profession enseignante s’ils trouvaient un travail ailleurs. On peut
aussi signaler les effectifs élevés des élèves qui ne facilitent pas certaines pratiques comme les
travaux en groupes.
Tout ce qui précède explique peut-être la baisse du niveau des élèves en français, qui est une
réalité attestée par plusieurs études récentes (Habonimana & Mazunya, 2010 ; Mazunya,
2016 ; Ndayikengurukiye, 2014 ; Ndayizamba, 2015 ; Nduwingoma, 2019).
Eu égard à toutes ces facettes du problème élucidé ci-dessus, nous nous posons les questions
qui suivent. La question générale correspond à l’objectif global et les questions spécifiques
aux objectifs opérationnels.

3. Questions de recherche

3.1.Question générale

Dans quelle mesure l'enseignant de français en 5ème année fondamentale met-il en œuvre les
contenus et les procédés méthodologiques prévus dans le guide de l'enseignant et pourquoi ?

En d’autres termes, il s’agit de cerner le positionnement de l’enseignant par rapport à ce qui


est prévu en termes de contenus et de méthodes d’enseignement, les principales ressources
que visitent les enseignants de français pour préparer et enseigner cette discipline ainsi que les
facilités et difficultés qu’ils rencontrent.

3.2. Questions spécifiques

- Dans quelles conditions socioprofessionnelles les enseignants travaillent-ils et quels besoins


spécifiques formulent-ils pour améliorer leurs prestations ?
- Quel climat caractérise la relation entre l’enseignant et les apprenants dans le processus
d’enseignement-apprentissage ?
- Comment l’enseignant organise-t-il sa classe pour amener les apprenants à construire les
compétences souhaitées ?
- De quelles façons les enseignants prestant en 5ème année fondamentale font-ils accéder les
apprenants aux savoirs, à quelles difficultés se heurtent-ils et comment gèrent-ils les erreurs
des apprenants lors de l’enseignement de la langue française ?
12

CHAPITRE 1. CONTEXTE DE LA RECHERCHE

1.1. Brève description du système éducatif burundais

Au Burundi, l’enseignement est organisé en quatre paliers depuis la réforme « Ecole


Fondamentale » de 2013.Il s’agit des niveaux préscolaire, fondamental, post-fondamental et
universitaire.

1.1.1. L’enseignement préscolaire

L’enseignement préscolaire au Burundi n’est pas généralisé. Alors qu’on peut le rencontrer ici
et là dans les établissements publics, ce palier d’enseignement est plutôt répandu dans le
réseau scolaire privé, surtout dans les agglomérations urbaines.

L’enseignement préscolaire, là où il existe, est régi par deux textes réglementaires : le décret
n°100/025 du 24 mars 2004 portant organisation de l’éducation préscolaire au Burundi,
complété par la loi n°1/19 du 10 septembre 2013 portant organisation de l’enseignement de
base et secondaire.

L’organisation des écoles maternelles publiques et des structures communautaires diffère de


celle des écoles maternelles organisées par le réseau des établissements privés. Au moment où
les écoles publiques accueillent en préscolaire les enfants de 4 à 5 ans, pour une formation
d’une à deux années, les écoles privées, elles, reçoivent les enfants à partir de 3 ans, et ceux-ci
y suivent une formation qui dure également trois ans, de la première à la troisième maternelle.

Les finalités du niveau préscolaire (ou éducation maternelle) sont définies dans l’article 25 de
la loi de 2013 déjà citée. L’éducation préscolaire concourt essentiellement à stimuler
l’éducation motrice, sensorielle, psycho-sociale et intellectuelle de l’enfant et cela doit
apparaître dans les activités de ce type de formation. C’est pour cela que les enseignements en
maternelle portent sur cinq domaines : le langage, la pré-lecture, la pré-écriture, le pré-calcul
et les activités psychomotrices.
Au plan linguistique, alors que les articles 28 et 29 de la loi de 2013 prescrivent que
l’enseignement-apprentissage se fait en kirundi et/ou dans d’autres langues reconnues par la
loi, le préscolaire public organise l’enseignement-apprentissage en kirundi, la langue
maternelle et nationale, contrairement aux écoles maternelles privées qui dispensent leur
enseignement en français.
13

1.1.2. L’enseignement fondamental


L’enseignement fondamental s’étend sur quatre cycles : le premier cycle est composé de la 1ère
et la 2ème années, le deuxième cycle comprend la 3e et la 4e années, le troisième cycle est
formé par les classes de 5ème et de 6ème années, le quatrième cycle (7ème, 8ème et 9ème années).
Les trois premiers cycles correspondent à l’ancienne école primaire tandis que le cycle 4
correspond au collège dans l’ancien système d’enseignement.
La réforme de l’École Fondamentale vise officiellement l’harmonisation du système éducatif
du Burundi avec les systèmes des autres pays de la Communauté des pays de l’Afrique de
l’Est (East African Community). Elle veut permettre à un plus grand nombre d’élèves de
terminer le cycle fondamental au mieux avec les capacités intellectuelles suffisantes pour
poursuivre un enseignement universitaire ou/et une maturité personnelle pouvant leur
permettre de poursuivre un enseignement des métiers.
Au plan linguistique, la réforme a entraîné la refonte des programmes et la révision des temps
et des horaires scolaires. Parmi les inconvénients pouvant affecter l’apprentissage du français,
il y a le fait que désormais tous les cours de langues (français, anglais, kirundi, kiswahili) sont
assurés par un même professeur alors que rares sont les enseignants burundais qui maitrisent
toutes ces langues.
L’enseignement simultané de quatre langues, le kirundi, le français, l’anglais et le kiswahili,
entraîne aussi la réduction du nombre d’heures dévolues à l’enseignement du français.
L’impact de cette situation sur la réussite scolaire en général et sur l’assimilation effective des
langues n’a malheureusement pas encore été mesuré. Une telle démarche est pourtant
indispensable pour une langue comme le français. La maîtrise de celui-ci est un préalable pour
une scolarisation efficace dans la mesure où le français est en même temps une matière
scolaire et le principal véhicule des autres connaissances dans le système scolaire burundais.
Le décret n°100/078 du 22 mai 2019 portant fixation des langues d’enseignement et
échelonnement des langues enseignées à l’école fondamentale stipule que le modèle
d’enseignement plurilingue est organisé sous forme progressive : les langues enseignées ne
doivent pas être introduites en même temps dès la première année, comme cela se faisait à
partir de 2006, mais sont intégrées progressivement. En effet, le décret de 2019 prévoit
l’introduction du kirundi et du français1 en première année, celle de l’anglais en troisième
année, tandis que le kiswahili est introduit en cinquième année.

1
Le français intervient à partir du second trimestre.
14

La progression de l’enseignement des langues se résume dans le tableau synthétique présenté


dans le curriculum de l’enseignement fondamental (Curriculum, 2015).

Tableau 1. Synthèse de l’enseignement progressif des langues

Cycle Année Langue d’enseignement Langues enseignées


1 Kirundi Kirundi, français (oral)
I
2 Kirundi Kirundi, français
3 Kirundi Kirundi, français, anglais (oral)
II
4 Kirundi Kirundi, français, anglais (oral)

5
III
6
7 Français (ou anglais à terme) Kirundi, français, anglais, kiswahili
IV 8
9
Source : Curriculum de l’enseignement fondamental au Burundi (2015)

1.1.3. L’enseignement post-fondamental

Après l’enseignement fondamental, l’élève accède au deuxième cycle de l’enseignement


secondaire (Tableau 2. Structure de l'enseignement au Burundi) dorénavant appelé le
post-fondamental. Cet enseignement qui s’étend sur trois ans comporte les sections sciences
humaines, sciences, techniques et langues. C’est dans le domaine des langues que le français
est beaucoup plus enseigné face à d’autres langues comme l’anglais, le kiswahili et le kirundi.
Dans d’autres sections, le français est enseigné comme cours mais n’occupe pas une place
prépondérante. Cette langue gagne le privilège d’être un outil utilisé pendant les
enseignements dans toutes les sections sauf pendant les séances occupées par d’autres
langues.

À la fin de l’enseignement post-fondamental, après avoir passé un examen d’Etat, les


apprenants sont orientés dans les facultés et instituts des universités publiques et privées.
15

L’enseignement post-fondamental a pour mission, en trois ans, de (i) former les jeunes aux
valeurs civiques, morales, religieuses et intellectuelles propres à favoriser une conscience des
réalités nationales et à les amener à œuvrer pour le développement socio-économique du pays,
pour la promotion de la culture nationale et de l’esprit patriotique, (ii) former les cadres
moyens, les techniciens et les ouvriers qualifiés répondant aux besoins du pays et (iii)assurer
une préparation adéquate aux études supérieures et universitaires (art. 76 de la loi n°1/19 du
10 septembre 2013).

Pour y arriver, la formation dispensée au secondaire doit être diversifiée et spécialisée. Les
élèves doivent acquérir une formation solide qui leur permet d’entrer à l’enseignement
supérieur, d’accéder à une formation professionnelle ou de s’insérer dans la vie active (art.
80).

1.1.4. L’enseignement universitaire


Les élèves qui terminent le secondaire entrent dans les universités publiques ou privées.
Au plan linguistique, les étudiants suivent des cours en français dans toutes les filières sauf au
département d’anglais. Notons qu’il existe à l’Université du Burundi et à l’École Normale
Supérieure de Bujumbura, des filières de spécialisation en kirundi, français, anglais et
kiswahili.
Le tableau ci-dessous (tiré de Ntwari, 2018) résume la manière dont le système éducatif du
Burundi est organisé.
14

Tableau 2. Structure de l'enseignement au Burundi

Enseignent Universités ou Écoles Doctorat (durée : 3 ans) : cycle 3 La formation


supérieur Supérieures Concours d’entrée en doctorat dure 7 ans pour
(Système BMD) Master de recherche (duré : 2 ans) : cycle 2 la Faculté de
Concours d’entrée en master Médecine
Générale
Baccalauréat (durée : 3 ans) : équivalent à la Licence française : cycle 1
Examen d’État donnant droit au diplôme d’État (équivalent au Baccalauréat français) : condition pour accéder à l’enseignement supérieur
+ Concours d’entrée dans les facultés de médecine (y ont accès uniquement les élèves ayant obtenu au moins 60% à l’Examen d’État)
4ème Post-Fondamentale pour Uniquement à l’École Normale secondaire (section pédagogique), le Post-Fondamental
l’École Normale dure 4 ans (au lieu de 3 ans pour les autres sections)
Enseignement Enseignement 3ème Post-Fondamentale 2ème cycle du ● Enseignement post-fondamental général ; sections : sciences,
secondaire Post-fondamental 2ème Post-Fondamentale secondaire langues, sciences sociales et humaines, section économique,
section de statistiques
1ère Post-Fondamentale
● Enseignement technique Post-Fondamental (26 sections)
Concours National de certification et d’orientation pour le Post-Fondamental
Enseignement de École fondamentale 9ème Fondamentale 14-15ans 1er cycle du À la fin du 4ème cycle du fondamental (= 1er
ème
base ème
8 Fondamentale 13-14ans secondaire = 4 cycle du secondaire), les élèves font un
cycle de l’École concours d’entrée au cycle post-fondamental
7ème Fondamentale 12-13ans
Fondamentale (2ème cycle du secondaire)
ème
ème
6 Fondamentale 11-12ans 3 cycle À l’issu du 3ème cycle du fondamental, il n’y a
5ème Fondamentale 10-11ans Fondamental plus de concours pour l’entrée au 1er cycle du
9-10ans 2ème cycle secondaire
4ème Fondamentale
3ème Fondamentale 8-9ans Fondamental
ème
2 Fondamentale 7-8ans 1er cycle
1ère Fondamentale 6-7ans Fondamental
Éducation maternelle 3 maternelle
ème
5ans Éducation L’éducation maternelle n’est pas un passage
ou préscolaire préscolaire obligé pour accéder en 1ère année de l’École
2ème maternelle 4ans Fondamentale

1ère maternelle 3ans


15

1.2. Quelques statistiques sur l’enseignement primaire au Burundi

En lien avec notre recherche, nous présentons dans cette section, les ratio élèves par classe en
général (dans l’enseignement public) et celui de la cinquième fondamentale en particulier.

Tableau 3. Ratio élèves par classe au niveau national

Année Nombre de classes Nombre d’élèves Ratio élèves/classe


2006 17402 1473893 84,7
2007 18768 1585539 84,48
2008 20806 1720287 82,68
2009 22241 1829385 82,25
2010 24390 1922424 78,82
2011 26423 1956289 74,04
2012 27219 1977386 72,65
2013 29236 2087965 71,42
2014 30421 2166322 71,21
2015 31852 2271837 71,32

A travers le tableau établi à partir des données de l’annuaire statistique scolaire le plus récent
(2017), l’on constate, par exemple, que le ratio élèves par classe ne baisse pas suffisamment
avec le temps : il est de 84.7 en 2006, et de 71.32 en 2015, soit une diminution de seulement
13.38 points. Sur une période de dix ans (de 2006 à 2015), le ratio moyen élèves/classe est de
77.36. Même si le nombre de salles de classe a sensiblement augmenté (taux d’accroissement
en dix ans = 83.03%), le ratio élèves/classe reste élevé. Cela ne peut pas manquer d’impact
sur les conditions d’enseignement-apprentissage.

Tableau 4. Ratio élèves par classe en 5ème année au niveau national

Nombre de classes de 5e (public) 4541


Nombre total d’élèves 276243
Ratio élèves/classe 60.8
Source : Adapté à partir de l’annuaire statistique scolaire (2017, p.245 et 264).
16

Au regard de la moyenne nationale des élèves, les classes de 5ème sont sans doute moins
surpeuplées que la moyenne nationale mais le ratio moyen de 60.8 reste aussi élevé Tableau 3.
Ratio élèves par classe au niveau national).

1.3. Les réformes éducatives burundaises et l’enseignement du français

Quatre réformes éducatives importantes ont été successivement instaurées. Il s’agit des
réformes de 1967, de la « kirundisation » de 1973, de la réforme « double vacation » de 1981,
et celle de la création des écoles fondamentales de 2013.

1.3.1. La réforme de 1967


Par le Décret-loi n°1/84 du 29 août 1967 portant organisation et fonctionnement de
l’Enseignement Primaire et Secondaire, la gestion des écoles qui étaient aux mains des
congrégations religieuses est désormais l’apanage de l’Etat qui a un regard sur les ressources
humaines et financières. Cette innovation permet une augmentation des effectifs scolaires,
« L’enseignement officiel est créé et directement géré par l’Etat. Le fait de gérer directement
les écoles a permis d’augmenter les effectifs des élèves de l’enseignement primaire, le taux
brut de scolarisation passant de 36,8% en 1967 à 41,4% en 1971 »2

1.3.2. La « kirundisation » de 1973


Selon Mazunya & Habonimana (2010), la réforme de 1973 s’articule notamment sur la
« kirundisation » et la « scolarisation primaire universelle ». Cette réforme vient remettre en
cause les programmes hérités de la colonisation et nationaliser les contenus des programmes.
Ainsi, deux bureaux pédagogiques sont créés pour concrétiser cette nouvelle politique
éducative, à savoir le Bureau d’éducation rurale en 1973 et le Bureau d’études et des
Programmes de l’enseignement Secondaire en 1976.
Concernant la Kirundisation, la réforme confère à la langue nationale, le kirundi, le statut de
langue de transmission des savoirs de la première à la 4ème année du cycle primaire. Cette
réforme n’a pas apporté beaucoup de fruits au système éducatif burundais : le français étant

2
BPSE, Indicateurs sur l’Enseignement au Burundi 2011/2012, Novembre 2012.
17

presque délaissé, l’on assista à des échecs en français dans les cycles d’enseignement après la
4e année. Cela a conduit, plus tard, à la réintroduction du français en première année primaire.
S’agissant de la scolarisation primaire universelle, selon le rapport de la CNIDH (2014), la
réforme a été définie à une période qui n’a pas permis aux parents d’envoyer de bon cœur
leurs enfants à l’école, car le Burundi venait de vivre une crise sociopolitique profonde en
1972. Au niveau de l’accès, cette politique n’a pas eu le temps de faire ses preuves car le taux
net de scolarisation est passé de 27,4% en 1973 à 29,3% en 1981.

1.3.3. La double vacation de 1981


En 1981, le Gouvernement du Burundi est mis en place une réforme réinstaurant la
scolarisation universelle de l’enseignement primaire et la pleine inscription des enfants de 7
ans à l’échéance 1987-1988 (CNIDH, 2014). Cela a suscité une inscription massive des
enfants, qui n’a pas suivi le rythme de construction des écoles. Ainsi, une stratégie fut mise
sur pied, à savoir « la double vacation des maîtres et des locaux », le nom que portera
d’ailleurs cette réforme. C’est une innovation qui a eu lieu suite aux effectifs qui
commençaient à augmenter alors que les infrastructures d’accueil ne suivaient pas le même
rythme. Pour pallier à cette situation, il fallait deux groupes classes qui se relayaient, l’un
l’avant midi l’autre l’après-midi, pour apprendre.
Il faut noter que ce système ne permettait pas que les apprenants puissent apprendre
convenablement le français puisque les séances en étaient réduites à partir de la précédente
réforme. C’est dans cette logique que le colloque d’août 1989 recommanda la réintroduction
du français à partir de la 1re année.

1.3.4. La réforme de l’enseignement fondamental de 2013


Comme nous l’avons déjà signalé, la loi n°1/19 du 10 septembre 2013 portant organisation de
l’enseignement de base et secondaire introduit « l’enseignement fondamental » en
remplacement du système éducatif fondé sur le collège et le lycée. Elle est née suite à
l’intégration du Burundi à l’EAC, une communauté Est Africaine. L’appartenance à cette
dernière doit se concrétiser notamment par l’harmonisation des programmes de formation. Il
s’agit au fait, de renforcer la coopération et le développement des pratiques communes en
éducation et en formation (Curriculum, 2015). Ainsi, les pays membres de l’EAC ont convenu
d’harmoniser les philosophies de l’éducation au niveau régional à travers les curricula, les
méthodes d’enseignement et les évaluations (Curriculum, 2015).
18

La mise en œuvre de la réforme dite « enseignement fondamental » a débuté par l’élaboration


des manuels des élèves et des guides pédagogiques du cycle 4 (7ème, 8ème et 9ème années), de
2013 à 2015 et l’élaboration du curriculum de l’école fondamentale en 2015. Dans la suite, il
a été mis sur pied (de 2015 à 2018) le niveau « post-fondamental » organisé en trois ans après
le cycle 4. Pour finaliser cette réforme du système d’enseignement fondamental, le Projet
d’Appui à l’Amélioration des Apprentissages en Début de Scolarité au Burundi
(PAADESCO) appuie les trois premiers cycles de l’Enseignement Fondamental (de la 1ère à la
6ème année) pour la mise en place des outils pédagogiques, c’est-à-dire les manuels des élèves,
les guides des enseignants et les outils d’évaluation. Le projet qui s’étalera sur 5 ans, de 2018
à 2022, va permettre de retoucher le curriculum en vigueur, d’élaborer et de mettre en œuvre
des modules de formation accélérée des enseignants qui vont utiliser les nouveaux outils. La
retouche du curriculum doit s’inspirer d’un décret sur l’enseignement des langues qui montre
les langues enseignées et comment elles doivent être échelonnées pour éviter la surcharge
cognitive des écoliers (art. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 du décret n°100/078 du 22 mai 2019).

1.4. L’enseignement du français en classe de 5ème année fondamentale

L’enseignement-apprentissage du français dans la classe de 5e année primaire revêt un


caractère particulier. Cette langue devient en même temps matière et outil d’enseignement.
C’est la raison pour laquelle les apprenants doivent acquérir une compétence conséquente en
expression et en compréhension orales et écrites. Eu égard à cette visée, le travail de
l’enseignant doit se fonder sur des activités et une méthodologie appropriées. Dans les lignes
qui suivent, il est question des types d’activités prévues et de leurs démarches
méthodologiques ainsi que de l’organisation des contenus à enseigner.

1.4.1. Les activités didactiques en français


Les activités didactiques de français en 5ème année s’articulent sur la lecture, sur l’étude de la
langue écrite et sur l’expression orale.

1.4.1.1. Les activités de lecture


Les activités de lecture, telles que l’on peut le lire dans le Livre du maître 5ème (BER, 2003), se
fondent sur un double objectif. D’une part, il faut exercer les élèves à manipuler un écrit plus
ou moins long (400 mots environ), et à en comprendre le sens. Pour cela, il faut habituer
l’apprenant à saisir le sens exact des mots et expressions utilisés par autrui. D’autre part,
l’enseignant doit initier les élèves à faire une lecture expressive en respectant les règles
19

fondamentales de lecture à savoir la prononciation, l’intonation, la ponctuation, les liaisons,


les enchaînements et le rythme. Le support de ce genre d’activité est le texte.
Comme c’est indiqué dans le Livre du maître 5ème, la procédure méthodologique de l’étude de
texte part d’une « mise en situation de projet ». A l’aide d’une ou deux questions en rapport
direct avec le texte, l’enseignant met les apprenants dans le bain du thème textuel qui va être
exploité. Deux grands moments sous-tendent l’activité de lecture, à savoir la
lecture-compréhension et la lecture expressive.
La lecture compréhension se déroule en trois temps, à savoir la compréhension globale, la
compréhension de détails et l’expression libre.
La lecture expressive commence par un rappel qui se fait par deux ou trois questions sur le
texte. Elle se poursuit sous forme de lecture magistrale. Celle-ci doit être faite par
l’enseignant pour servir de modèle aux apprenants dans le sens où cette activité introduit un
travail sur les règles d’une bonne lecture (intonation, rythme, ponctuation, liaisons et
enchaînements). A leur tour, les élèves font des lectures à hautes voix.
De façon brève, l’activité de lecture se réalise telle que nous le décrivons dans le schéma
suivant :
20

1.4.1.2. Les activités d’études de la langue écrite


Le Livre du maître 5ème (BER, 2003) range parmi les activités d’études du français écrit celles
liées à la grammaire, à la conjugaison, au vocabulaire, à l’orthographe et à l’expression écrite.
Pour ce qui est de l’enseignement de la grammaire, l’objectif est de faire acquérir certaines
règles élémentaires de fonctionnement du français et leur utilisation de façon correcte dans
des productions orales et écrites.
Avec l’aide de l’enseignant, les élèves sont appelés à découvrir la règle de fonctionnement de
la langue qui fait objet de la leçon. Il aide les apprenants à segmenter les phrases en vue de
déceler une loi de fonctionnement. Il fait ensuite lire l’encadré « Retenons » qui explique la
règle. Enfin, il fait faire des exercices d’application pour un réemploi permettant de renforcer
l’acquisition de la règle. L’enseignant doit toujours viser l’acquisition, par les apprenants, de
la compétence de communication. Pour cela, il ne doit pas perdre de vue que la grammaire
doit viser la production correcte des phrases par les élèves.
L’enseignement de la conjugaison poursuit un triple objectif d’après le Livre du maître (BER,
2003). Il s’agit de faire :
- acquérir la notion de classement en tableaux selon les bases des différentes formes
verbales,
- acquérir des connaissances de base sur la conjugaison des verbes courants dans le
temps de l’indicatif et au passé simple ;
- acquérir les notions de conjugaison des verbes courants dans les modes subjonctif,
conditionnel et impératif.

Au niveau méthodologique, l’enseignant part d’un paragraphe ou de quelques phrases qui


sous-tendent l’observation des formes verbales sur lesquelles portera l’objet de la leçon. A
l’aide des questions qu’il pose aux apprenants, il les aide à manipuler les formes verbales afin
qu’ils découvrent la règle de conjugaison des verbes du jour. Étant donné que les élèves ne
peuvent savoir conjuguer un verbe à un temps non encore appris, l’enseignant fait appel aux
acquis des apprenants, à l’observation et à la découverte des formes nouvelles par les
apprenants. Il fera découvrir aux élèves les formes manquantes (Le chien mange la pâte, Tu
…. la pâte, etc.). L’on pourra s’aider de la synthèse du « mémo ». Des exercices d’application
permettront un réemploi des formes apprises. De façon synthétique, pour l’enseignement de la
21

grammaire et de la conjugaison, les étapes essentielles sont les suivantes :

D’autres activités en rapport avec l’étude de la langue concernent le vocabulaire. Un double


objectif est annoncé dans le Livre du maître 5ème (BER, 2003) : il s’agit de faire acquérir aux
apprenants le sens d’un mot ou d’une expression, les utiliser correctement dans divers
contextes et enrichir le bagage lexical des élèves par la recherche des mots appartenant au
même champ lexical et sémantique.
Le travail sur le vocabulaire part d’une présentation et explication des supports par le maître.
Ces derniers sont généralement des textes courts ou des illustrations (images). L’exploitation
du support se fait sous forme de lecture ou d’observation par les apprenants. L’enseignant
pose ensuite des questions aux élèves pour les conduire vers une appropriation lexicale
(systématisation). Enfin, l’enseignant propose des exercices de fixation et des exercices de
contrôle.
L’enseignement de l’orthographe vise, selon le Livre du maître 5ème, à faire acquérir des
connaissances de base sur le système graphique du français et sur les marques relatives à
l’orthographe de cette langue. La méthodologie pour enseigner l’orthographe peut se résumer
dans le schéma qui suit.
22

1.4.1.3. Les activités d’expression écrite


L’objectif des activités d’expression stipulé dans le Livre du maître 5ème porte sur la
traduction de la pensée des élèves par écrit selon des consignes et du contexte de
communication. Au niveau méthodologique, l’enseignant présente et explique d’abord, des
supports (une image, un texte court, un document authentique) à exploiter en vue de donner
aux apprenants des outils linguistiques nécessaires à la production écrite. Suit un travail
préparatoire des apprenants consistant à rassembler les idées. Cette étape peut se réaliser
individuellement, collectivement ou en groupes. Ensuite, il y a un travail d’élaboration qui
concerne la façon rigoureuse d’organiser et d’utiliser les règles précises de la langue en
faisant attention à la cohérence et à la structuration des idées. Enfin, c’est la présentation et la
correction des travaux. L’enseignant, repère à cette étape, une bonne copie et une ou deux
productions qui présentent plus de problèmes. Il montre aux élèves ce qu’il fallait faire à
partir de la bonne copie et corrige les « copies à problèmes ». De façon simple, la démarche
méthodologique se résume comme suit :
23

1.4.1.4. Les activités d’expression orale


Les activités d’expression orale ont pour objectif, selon le Livre du maître 5ème, de traduire la
pensée en fonction des consignes et de la situation de communication. Deux étapes sont
mentionnées dans le livre du maitre. D’abord, l’enseignant propose et fait exploiter de petits
textes supports aux apprenants. Cela leur permet d’avoir des outils linguistiques à utiliser dans
leurs productions orales. Dans cette étape, il encourage les élèves à parler et à utiliser le moins
possible la langue maternelle. Ensuite, vient l’étape de l’expression orale des apprenants.
Celle-ci peut être organisée en groupes. Ce qui reste essentiel c’est de faire participer un
maximum d’élèves à l’exercice d’expression. Des corrections occasionnelles peuvent être
proposées par l’enseignant tout en se gardant de trop interrompre les élèves au risque de les
démotiver ou d’être la source de blocage de leur expression.
De façon simplifiée, l’on peut schématiser les étapes des activités de production orale de
façon suivante :
24

1.4.1.5. Le « Dossier » ou activités de réflexion de l’apprenant


Dans la rubrique appelée « dossier », il est défini l’objectif qui consiste à donner à
l’apprentissage de la langue une dimension socio- culturelle. L’apprenant est invité à
interpréter des documents écrits afin d’exprimer oralement et par écrit les réalités de la vie en
utilisant les acquis linguistiques de l’unité didactique déjà abordée. Comme l’indique le Livre
du maître 5ème, le « dossier » implique d’autres activités comme la lecture, l’expression orale
et l’expression écrite. Ainsi, il faut un texte-support, une illustration (une image), un
document authentique ou tout autre support relatif au thème de l’unité. L’exploitation du
support ne doit pas être longue, il faut favoriser les échanges entre apprenants. Deux périodes
sont concernées dans « le dossier » : la première propose des activités orales tandis que la
deuxième présente aux élèves des activités écrites. Dans tous les cas, l’on doit suivre la
démarche méthodologique habituelle (supra décrite). De façon simple, l’on peut proposer le
schéma suivant :
25

1.4.1.6. Le bilan des activités


Le bilan des activités a pour objectif de remédier aux difficultés éventuelles et de renforcer les
connaissances acquises dans chaque unité didactique. Il est prévu deux séances de
renforcement par unité. L’enseignant a la latitude de choisir l’activité à remédier en fonction
des difficultés qu’éprouvent les apprenants.

1.4.2. Organisation des contenus à enseigner


Les contenus à enseigner sont organisés en unités didactiques. Une année scolaire compte dix
unités qui correspondent chacune à un thème. Ainsi, les thèmes abordés en 5ème année sont les
suivants :
- unité 1 : scènes de la vie quotidienne,
- unité 2 : vivre ensemble,
- unité 3 : préserver sa santé,
- unité 4 : préserver notre environnement,
- unité 5 : les animaux,
- unité 6 : la sagesse,
- unité 7 : la femme burundaise,
- unité 8 : le monde change,
- unité 9 : fêtes et traditions
- unité 10 : sports et cultures.
Chaque unité didactique est scindée en 20 périodes ou séances. Celles-ci correspondent aux
leçons. De façon tabulaire, le Livre du maître 5ème (BER, 2003) montre de façon suivante, la
structure d’une unité didactique:
26

Tableau 5. Structure d’une unité didactique

Période 1 Période 2 Période 3 Période 4 Période 5


Lecture Conjugaison Lecture Grammaire Vocabulaire
compréhension expressive
Période 6 Période 7 Période 8 Période 9 Période 10
Orthographe Conjugaison Grammaire Lecture Vocabulaire
compréhension
Période 11 Période 12 Période 13 Période 14 Période 15
Lecture Grammaire Vocabulaire Orthographe Expression orale
expressive
Période 16 Période 17 Période 18 Période 19 Période 20
Expression écrite Dossier Dossier Bilan Bilan

Avec 10 unités annuelles, l’on dénombre deux cents séances de français (200) en classe de 5e
année primaire.
27

CHAPITRE 2. ANCRAGE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIE DE LA


RECHERCHE

2.1. Aspects théoriques

2.1.1. Orientation pédagogique de la réforme de l’École Fondamentale


L’orientation théorique et la démarche méthodologique de notre projet sur les pratiques
enseignantes à l’école fondamentale s’appuient sur le mot d’ordre officiel qui transparaît dans
diverses interventions des pouvoirs publics au sujet de cette importante réforme.
Au plan pédagogique, et c’est précisément à ce niveau que nous avons orienté nos
observations, la grande innovation consiste en l’intention manifeste de changement de
paradigme ou de posture, consistant à rompre avec les pratiques habituelles dominées par un
enseignement/apprentissage de type traditionnel. Le prescrit de l’article 7 de la Loi n° 1/19 du
10 septembre 2013 portant organisation de l’enseignement de base et secondaire est sans
équivoque : « le système éducatif burundais opte pour une pédagogie centrée sur l’apprenant.
Le profil de l’individu formé par le système éducatif burundais tel qu’organisé par les
dispositions de cette loi est un individu façonné par le savoir, le savoir-faire et le savoir-être ».
Ce revirement pédagogique est confirmé par le Curriculum de l’enseignement fondamental,
élaboré par le Ministère de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche
scientifique (2015 : 9) : « l’enseignement fondamental requiert un mode d’organisation et des
enseignants de type nouveau » (…) Il a pour finalités « l’épanouissement de l’individu et la
formation d’un être profondément ancré dans sa culture et dans son milieu. » Quant au profil de
sortie, «le lauréat de l’enseignement fondamental sera un individu façonné par le savoir, le
savoir-faire et le savoir-être ; un individu nanti des qualités de compétence, de créativité,
d’imagination et d’innovation. Un individu ouvert au monde, capable de travailler dans
l’interdisciplinarité, tolérant et acquis aux valeurs fondamentales de la personne humaine »

2.1.2. Notions d’enseignement et d’apprentissage


L’enseignement est « un processus interpersonnel et intentionnel qui utilise essentiellement la
communication comme moyen pour faire réussir l’apprentissage d’un savoir ou d’un
savoir-faire », par opposition à l’apprentissage, qui est « un processus systématique et
dynamique, impliquant un processus d’interaction, de rétroaction et d’ajustement successifs »
(Altet, 1997 ; Prost (1985) quant à lui, estime que la notion d’apprentissage a l’immense
mérite de renvoyer du dire du maître au faire de l’élève.
28

L’enseignement a pour but de dispenser des savoirs et a pour acteur principal l’enseignant.
L’apprentissage est un processus à la fois individuel, dynamique, et socialement interactif,
ayant pour acteur principal l’apprenant. Même si tous les actes pédagogiques visent, du moins
dans leur intention première, l’apprentissage des élèves, ils ne s’y prennent pas de la même
manière, selon OPERA. Pour les pédagogies dites de la transmission, réunies sous le label
général des « pédagogies traditionnelles » et inspirées de la psychologie « behavioriste »,
enseigner met en scène un enseignant qui communique un savoir préconstruit à un apprenant
qui le reçoit « religieusement ». A l’inverse, les pédagogies dites actives, inspirées de la
psychologie cognitiviste et du socio-constructivisme, considèrent que l’apprentissage repose
sur des processus cognitifs internes et actifs du sujet apprenant, suscités par le besoin et
l’intérêt, et qui se consolident avec l’interaction avec l’environnement social :
« Chaque apprenant dispose de connaissances (des conceptions) et de compétences avec
lesquelles il va construire des connaissances nouvelles pour résoudre des problèmes que lui
pose l'environnement. Le rôle de la communauté - les autres étudiants et l'enseignant - est de
fournir le dispositif, de mettre en lumière le challenge et de le soutenir dans la construction
personnelle qu’il entreprend » (Anderson & al., 1994).

Les évolutions pédagogiques récentes ne prônent plus l’enseignement mais plutôt


l’apprentissage. Il s'agit d'entraîner l'apprenant dans des situations fictives ou réelles de sorte
qu’il puisse mobiliser, en actes, tous ses acquis et expériences antérieurs. L’apprenant doit être
capable de réinvestir constamment ses compétences dans la résolution des problèmes réels de
la vie concrète et quotidienne.
L’enseignement retient du triangle pédagogique classique le seul axe de l’enseignant nanti de
son savoir. L’apprentissage place l’élève au centre de toute action pédagogique, en faisant de
lui un acteur qui œuvre à la conquête de son propre savoir. Dans l’enseignement l’enseignant
inculque un savoir prédéfini. Dans l’apprentissage l’enseignant guide l’élève pour conquérir un
savoir ouvert, parfois même hors de portée de l’enseignant.
Actuellement, il y a lieu de dire que l’enseignant est beaucoup plus un facilitateur d’accès aux
savoirs qu’un simple enseignant ; il guide, éclaire, accompagne l’apprenant qui construit
progressivement ses compétences en interagissant avec l’enseignant.
Lebrun (2007, 2009) repère cinq indicateurs en interaction qui permettent de classer les
contextes d’enseignement/apprentissage dans la sphère d’action de la pédagogie active :
i) La nature des informations mises à disposition : dans une pédagogie active, les
ressources n’émanent pas du seul professeur. Elles font davantage partie du vécu quotidien
29

des apprenants. Dans une leçon de FLE par exemple, les documents mis à disposition
proviennent de la communauté ambiante, affichage scolaire, communiqué radiodiffusé, etc.
et appellent, autant que possible, l’éveil d’un maximum de sens : l’ouïe, la vue, le
toucher…Par ailleurs, il est conseillé de retenir aussi les ressources proposées par les
apprenants eux-mêmes.
ii) La motivation : l’apprenant prend goût à l’apprentissage lorsque les activités qu’on
lui propose lui parlent effectivement. Les contextes évoqués doivent rencontrer ses besoins
ou ses intérêts immédiats, sans quoi ils ne font pas sens et ne justifient donc pas un
investissement d’apprentissage.
iii) Les interactions : nous avons souligné ci-dessus que le processus d’apprentissage
fait appel à la fois à une activité cognitive intrinsèque du sujet et à une démarche
collaborative avec l’environnement. C’est ce dernier aspect qui est exploité dans les
échanges élèves-maître et dans les interactions entre pairs, en binômes et en groupes
élargis.
iv) La diversité et la complexité des compétences mobilisées : les activités proposées
doivent viser un réel problème à résoudre, autrement l’intérêt de l’apprenant s’estompe. Il
s’agira alors de recourir à des situations-problèmes dans lesquelles, pour s’en sortir,
l’apprenant doit mobiliser ses capacités de réflexion, d’imagination, d’analyse, de
synthèse, et d’invention.
v) Les productions créatives : pour être gratifiantes, les activités doivent conduire
l’apprenant à la réalisation personnelle de « quelque chose » : un rapport, une création
artistique, un projet, etc.
Ces critères nous ont semblé bien illustrer la dualité entre l’enseignement et l’apprentissage.
Ils ajoutent à leur pertinence le fait qu’ils se prêtent aisément à une observation de terrain.
Aussi en avons-nous tenu compte lors de la conception de nos outils de recherche : la grille
d’observation des pratiques enseignantes et le guide d’entretien avec les enseignants. Ces
critères ont été repris, bien sûr de manière diffuse et transversale, pour que les sujets observés
ne devinent pas d’emblée ce que l’on cherche à savoir et ne nous servent pas des
comportements qu’ils croient qu’on attend d’eux.
Les pédagogies modernes ou actives, dont celle véhiculée par la réforme de l’enseignement
fondamental du Burundi, prônent des pratiques d’apprentissage centrées sur l’apprenant.
L’attention n’est plus portée sur l’enseignant ou sur le savoir à faire acquérir, mais plutôt sur
l’apprenant lui-même, qui constitue le point de départ et d’arrivée de l’entreprise
30

d’enseignement/apprentissage. C’est pour cela que cette nouvelle forme de pédagogie a pour
principe fondamental la « centration sur l’apprenant ».

2.1.3. La centration sur l’apprenant


La centration sur l’apprenant découle de la démarcation entre l’enseignement et
l’apprentissage : « Ce n’est pas en étant enseigné et parce qu’on est enseigné qu’on apprend.
Et nous pourrions dire même que moins on est enseigné, plus on apprend, puisque, être
enseigné, c’est recevoir des informations et qu’apprendre, c’est les chercher » (Coussinet,
1959, p. 125).
Pour Dewey, (Dans « Les principes psychologiques » disponible en ligne sur :
http://www.tact.fse.ulaval.ca/fr/html/principe.html), « le plus important est de susciter chez
l'apprenant un engagement de celui-ci dans son propre apprentissage. Pour cela, l'enseignant
doit être à l'écoute des intérêts de l'apprenant afin de constituer un plan de travail.
L'apprentissage découlera donc des activités qui ont du sens pour l'apprenant ».
Autrement dit, l’apprenant n’attend pas passivement des informations, il est appelé à agir, à
s’investir, à créer pour les avoir, grâce à ses prédispositions cognitives internes et à l’interaction
avec l’environnement.
Pa ailleurs, selon Altet (2013), « L’enseignement/apprentissage centré sur l’apprenant met
l’accent sur l’activité et la responsabilité de l’apprenant plutôt que sur le contenu, en le
plaçant au centre de tout le processus d’enseignement-apprentissage, en l’engageant
activement dans des tâches à effectuer, des situations d’apprentissage à résoudre. Être centré
sur l’apprenant, c’est être dans une logique d’apprentissage, dans la relation pédagogique
interactive, plutôt que dans une logique d’enseignement ».
Plus concrètement, rendus sur le terrain de l’enseignement/apprentissage, les chercheurs
d’OPERA repèrent, à travers la fiche 6, Enseignement/apprentissage centré sur l’apprenant,
(API, p.118), trois phases pour concevoir une fiche pédagogique centrée sur l’apprenant, à
travers ce que ces auteurs appellent une « approche pédagogique intégrative » : i) la phase de
présentation qui se manifeste par un rappel de la leçon précédente (vérification des pré-requis)
et une communication motivante des objectifs visés, ii) la phase de développement qui
elle-même se réalise en trois mouvements, une présentation de la situation d’apprentissage, une
analyse, échange, et production, et enfin une synthèse couronnée par une application, iii) la
phase d’évaluation des acquis et de prolongement ou de transfert sanctionnée par des exercices
à la maison. Ces trois phases peuvent se résumer en trois étapes classiques d’une leçon, à savoir
31

l’introduction (pour une bonne entrée dans la matière, la Leçon Proprement dite ou le corps de
la leçon (développement proprement dite de la leçon) et l’application/exercices/évaluation.

2.1.4. Rôle de l’enseignant


Les recherches récentes convergent sur l’idée que « le progrès d’un système scolaire se joue au
niveau de la salle de classe » (OPERA 2015, p. 58). Pour souligner le rôle-clé des enseignants
dans la réussite de tout projet d’enseignement/apprentissage, le Rapport OPERA retient la
formule lapidaire mais combien expressive, suivante : « les enseignants font la différence »
(Hattie, 2003). La pédagogie active fait de l’enseignant, non un détenteur et dispensateur d’un
savoir absolu, ni un pourvoyeur d’un produit fini dont l’apprenant a besoin, mais plutôt un
guide, un facilitateur, un médiateur entre l’apprenant et le savoir. Il est le modérateur dont le
rôle principal est d’installer constamment un climat affectif, motivant, et les conditions
matérielles propices à l’apprentissage en autonomie.
Dans cet esprit, c’est l’enseignant, en tant que guide et facilitateur, qui doit s’assurer que
l’apprenant se trouve au centre de l’action pédagogique. L’implication effective et constante
de ce dernier, seul, en binôme, en groupe, bref, en interaction, conditionne l’acte
d’apprentissage. Toujours selon OPERA, les études en neurosciences ont montré que
l’alternance travail coopératif et en autonomie contribue au développement des attitudes
positives, des performances et des compétences individuelles. Parallèlement, eu égard aux
différences inéluctables caractérisant les apprenants, l’enseignant doit veiller à ménager tout le
monde, en instaurant un rythme d’apprentissage différencié, tout en favorisant l’entraide et
l’encouragement de tous, notamment grâce au traitement positif de l’erreur. L’enseignant doit
enfin fournir, grâce à une constante évaluation formative, le feedback des progrès réalisés à
ses apprenants, dans le double but de maintenir et d’accroître leur motivation et d’ajuster le tir,
au besoin et à temps, de l’action enseignante.
Nous venons d’esquisser les fondements théoriques de notre recherche. C’est à partir de
ceux-ci que nous avons recueilli des informations sur i) la forme de pédagogie dominante chez
l’enseignant (enseignement ou apprentissage ? Training ou Learning ?), ii) le degré
d’implication des apprenants dans le processus d’apprentissage? (Intérêt, responsabilité…), iii)
le niveau d’interaction de l’apprenant avec son environnement (y a-t-il communication
verticale et horizontale, en binômes, en groupes ?), et iv) la prise en compte des différences des
apprenants (y a-t-il souci de faire participer tout le monde ? tolérance et bienveillance même
face à l’erreur ?, y a-t-il remédiation face aux difficultés d’apprentissage constatées ?).
32

2.2. Méthodologie de l’observation des pratiques enseignantes

2.2.1. Principes adoptés

2.2.1.1. Objectif global de l’observation des pratiques de classes


Pour cerner le degré d’application de la pédagogie active dans notre contexte, nous nous
sommes inspirés de la méthodologie développée dans le cadre de « OPERA », dans sa
recherche-action portant sur l’Observation des Pratiques Enseignantes dans leurs Rapports
avec les Apprentissages des élèves. Conçue pour les contextes éducatifs subsahariens, cette
recherche a été réalisée comme étude pilote entre 2013 et 2015 dans 90 classes de CP2 et CM2
réparties dans 45 écoles du BURKINA-FASO. La recherche OPERA repose sur une
observation directe des pratiques enseignantes et vise à « décrire, expliquer et comprendre ce
qui se passe en classe, c’est-à-dire recueillir et analyser comment les maîtres enseignent et font
apprendre aux élèves » (Préface du Rapport final, OPERA, 2015, en ligne).
Ce qui nous a poussés à nous inspirer de la démarche d’OPERA est que les situations décrites
et analysées dans le contexte du Bourkina-faso sont proches de celle du Burundi.

2.2.1.2. Brève description de l’évolution des conceptions sur les pratiques de classes
Selon OPERA (Rapport final, 2015, en ligne), la pratique enseignante a, dans l’histoire, été
d’abord régie par des préoccupations philosophiques. Jusqu’au 18ème siècle, l’enseignement se
réduisait à l’intervention magistrale de l’enseignant, ce dernier constituant le socle de l’activité
enseignante. Plus tard, d’autres orientations mettant l’élève au centre de l’acte pédagogique
vont apparaître : il fallait adapter les interventions du maître aux manières d’apprendre des
élèves. C’est ainsi que les conceptions psychologistes de l’enseignement vont prôner
l’adaptation des interventions pédagogiques au développement psychologique de l’individu.
C’est à partir des années 1970-1980 que les recherches en éducation commencent à se focaliser
sur les véritables pratiques de classe. L’idée est de rendre compte des activités et des difficultés
effectives des enseignants dans leur plein acte d’enseignement.
Plusieurs orientations vont voir le jour. Les approches behavioristes réduisent l’acte
pédagogique à ce qui est uniquement observable. Il en résultera des travaux très normatifs
mettant en avant les qualités intrinsèques et l’efficacité de l’enseignant pour réussir l’acte
d’enseignement/apprentissage. Quant aux approches cognitivistes, elles reposent sur l’idée que
les pensées, les théories et les choix des personnels des enseignants déterminent leur
33

performance pédagogique. Les approches écologistes, quant à elles, mettent l’accent sur
l’importance de la situation et du contexte sur la pratique enseignante.

A partir des années 2000, l’approche interactionniste s’impose. L’idée centrale de cette
approche est que plusieurs variables agissent en synergie à la fois sur l’enseignant, l’élève et le
contexte : « une pratique enseignante recouvre des procédures, des produits, mais aussi des
processus interactifs, cognitifs, relationnels, psychologiques, contextuels »
Dans un tel contexte, quoi doit-on observer dans cet imbroglio de facteurs interactifs et
enchevêtrés ? Pour surmonter cet obstacle, OPERA s’appuie sur les résultats des travaux du
réseau OPEN (2002-2012) et sur les travaux anglo-saxons de Hattie (2003) et de Hamre (2013).

2.2.1.3. Principaux axes d’observation des pratiques enseignantes


Tout en mettant en évidence la multidimensionnalité de la pratique enseignante, ces travaux
repèrent trois domaines en interaction qui fédèrent cette multidimensionnalité : les domaines
relationnel, pragmatique (ou pédagogico-organisationnel) et didactique. Ces trois domaines
seraient, à leur tour, mis en relation par les caractéristiques socio-cognitives personnelles de
l’enseignant (on voit bien, d’ores et déjà, la place prépondérante que doit avoir l’enseignant et
son action dans l’observation de la pratique de classe).

Pour faire simple, on peut dire que l’observation des pratiques de classe s’opère sur trois axes:
i) L’axe relationnel, qui concerne tout ce qui a trait au climat créé en classe. Plusieurs
dimensions relèvent de ce domaine : la gestion de la classe, le leadership et autorité, la
discipline et la gestion des conflits, la formation des groupes de travail, l’organisation spatiale,
temporelle, matérielle de la classe, la gestion des classes pléthoriques.

ii) L’axe pédagogique, qui touche l’organisation et la gestion de l’enseignement/apprentissage.


Cet axe couvre également plusieurs dimensions : l’articulation enseignement/apprentissage, les
différentes manières de poser les questions, les conditions et les facilitations dans
l’apprentissage, l’application d’une pédagogie différenciée, la motivation et l’implication des
élèves, la centration sur l’apprenant.

iii) L’axe didactique qui repose sur l’organisation et la gestion du savoir et couvrant les
dimensions suivantes : le degré d’activité de l’apprenant, l’élaboration, la formulation et la
passation de la consigne, la gestion des erreurs, les modes d’acquisition des connaissances, les
34

activités de transfert, la transposition didactique (le savoir enseigné, les activités


métacognitives).

Il faut souligner que tous les trois axes de l’acte d’enseignement/apprentissage fonctionnent et
sont repérables grâce aux interactions enseignant-apprenants : « les interactions entre les
maîtres et les élèves sont les aspects les plus importants du travail de l’enseignant, quel que soit
le contexte » (Rapport final, OPERA, 2015, p.53).
C’est pour cette raison que, dans la conception de l’outil d’observation, OPERA s’est appuyé
sur le modèle de CLASS (Classroom Assessment Scoring System) de 2015 pour identifier les
« différents facteurs susceptibles d’exercer des influences sur l’apprentissage, à travers un
relevé des interactions, des activités et des tours de parole de l’enseignant dans sa relation avec
les activités et les tours de parole des élèves en contexte » (Rapport final, OPERA 2015, p.54).

2.2.1.4. Choix opérés par rapport aux propositions d’OPERA


Dans le cadre de notre recherche, nous avons aussi tenu compte de cette tripartition du champ
d’observation. A cet effet, nous avons conçu et testé en pré-enquête un outil d’observation des
pratiques enseignantes portant sur les trois axes mis en exergue par OPERA : i) l’axe
relationnel, qui concerne tout ce qui a trait au climat créé en classe, ii) L’axe pédagogique, qui
touche l’organisation et la gestion de l’enseignement/apprentissage, et iii) l’axe didactique qui
repose sur l’organisation et la gestion du savoir.

Cependant, ce modèle a été simplifié. Les dimensions retenues pour chaque axe l’ont été en
fonction de leur pertinence par rapport au contexte particulier du Burundi, ce qui signifie qu’il
y a des rubriques du modèle originel qui n’ont pas été retenues. De même, contrairement à
OPERA qui utilise une grille ouverte, nous avons préféré concevoir une grille d’observation
préétablie et a priori demandant uniquement au chercheur de « cocher oui ou non» la case
chaque fois qu’il voit apparaître le comportement prédit. La démarche inverse nous a semblé
périlleuse pour une équipe d’enquêteurs qui, dans notre contexte, n’est pas nécessairement
outillée pour opérer des appréciations aussi fines que celles attendues dans le modèle
d’OPERA.
En entreprenant l’observation des pratiques de classes, l’objectif des chercheurs de OPERA
était de répondre aux cinq questions ci-dessous (Rapport OPERA, 2015, p. 65-66) : i) que se
passe-t-il au niveau du processus enseignement-apprentissage dans les classes (en français, en
mathématiques et dans les disciplines d’éveil, au CP2 et au CM2)? ii) quelles caractéristiques
35

communes permettent d’identifier les enseignants observés (caractéristiques du contexte mis


en relation avec ce qui est observé) ? iii) quel est le profil pédagogique dominant du maître en
fonction des activités mises en œuvre dans les domaines constitutifs des pratiques observées,
du poids de chaque domaine relationnel, pédagogique- organisationnel,
didactique-épistémique constitutif de la pratique, et ce, dans chacune des disciplines dans
lesquelles il est observé ? iv) comment apprennent les élèves, quelles sont les activités, les
procédures d’apprentissage développées par le maître, comment sont-elles réalisées et
qu’est-ce qu’ils apprennent pendant les séances observées ? (…) Y a-t-il une différence entre
des pratiques centrées sur la mise en activité des élèves et des pratiques qui en font des
répétiteurs passifs ? v) quelles actions de formation et de remédiation (formation initiale,
formation en cours d’emploi, formation corrective, renforcement de capacités/compétences)
peuvent être tirées des résultats de l’étude à partir de l’analyse des pratiques enseignantes
effectives observées et du diagnostic fait sur le lien enseignement apprentissage ?
En ce qui concerne notre recherche, toutes ces questions n’ont pas été traitées. Nous avons
braqué notre regard sur ce qui se produit en classe afin d’inférer la nature des interventions et
des difficultés auxquelles l’enseignement/apprentissage du français est confronté dans le
contexte de la réforme « école fondamentale ». Nous avons aussi fait nôtres les
préoccupations d’OPERA de dégager le profil dominant des enseignants observés, eu égard
aux activités et aux interactions menées en classe, ainsi que l’incidence de ces dernières sur
l’apprentissage des élèves : est-ce la logique d’enseignement ou d’apprentissage qui domine ?
S’agissant des stratégies de remédiation reposant sur les résultats de la recherche, elles
pourraient, éventuellement, intervenir en deuxième phase, en prolongement de notre recherche
actuelle.
Une autre précision méthodologique pertinente d’OPERA a retenu notre attention, et nous en
avons tenu compte pour élaborer nos instruments d’enquête. Il s’agit de la distinction entre i)
les pratiques déclarées, ce que disent faire les sujets, ii) les pratiques constatées ou effectuées,
ce que font les sujets, et iii) les pratiques attendues, telles qu’on les rencontre à travers les
attentes sociales et les injonctions officielles.
Signalons que les pratiques déclarées et les pratiques attendues peuvent être collectées en
dehors de la classe, par questionnaire ou entretien avec les acteurs. L’observation des pratiques
effectuées se fait en classe par des techniques propres à l’observation participante, directe et
active.
36

2.2.2. Méthode et outils d’observation proposés dans la littérature


Avant de décrire la démarche méthodologique retenue dans le cadre de notre recherche, il
serait judicieux d’abord d’évoquer celle qui est proposée dans la littérature et plus
spécifiquement dans le rapport d’OPERA ( 2015).

2.2.2.1. Quoi observer ?


OPERA relève que la plupart des réformes actuelles en éducation (Afrique, Chine, Europe,..)
mettent l’accent sur le développement des aptitudes et des compétences plutôt que sur celui
des savoirs ou des connaissances. Une compétence englobe à la fois un savoir, un savoir-faire
et un savoir-être appropriés. Une compétence permet de relier tous les savoirs y relatifs, de les
mobiliser et de les convoquer pour répondre efficacement à toute situation-problème de la vie.
C’est pour cela que les pédagogies par objectifs cèdent de plus en plus la place aux
pédagogies par compétences. Les compétences sont indispensables, non les savoirs, pour
s’adapter au monde actuel en perpétuelle évolution.
A cet égard, il faut distinguer les pédagogies actives des pédagogies passives. L’enseignement
passif repose sur les interventions magistrales de l’enseignant. Ce type de pédagogie repose
sur une logique d’enseignement. C’est l’acte d’enseigner qui y est fondamental. Il s’agit de
transmettre un savoir, choisi, conçu et structuré par l’enseignant, à un élève dont le rôle se
limite à écouter et à exécuter « religieusement » les consignes du maître. Les pédagogies
d’enseignement s’inspirent de la conception behavioriste de l’éducation.

La pédagogie active quant à elle, sollicite l’implication active de l’apprenant, seul, en binôme
et en groupe, par des productions orales et écrites permanentes. Tout est défini du point de vue
de l’élève. Celui-ci est mis dans des conditions propices (par l’enseignant) à la construction de
son propre savoir. L’enseignant a ici le rôle de guide, d’organisateur, d’animateur, de
médiateur entre l’élève et le savoir. Ce type de pédagogie repose sur une logique
d’apprentissage. Les pédagogies de l’apprentissage s’inspirent des conceptions cognitivistes,
constructivistes et interactionnistes de l’enseignement (Altet, 1997, 2013).
En observant les pratiques de classe, on doit identifier les actions centrées sur une logique
d’enseignement et celles centrées sur une logique d’apprentissage. La première vise
l’acquisition des savoirs, la seconde celle des compétences.
37

Les observations de classe tiennent toujours en compte les éléments de l’environnement ou du


contexte d’apprentissage (l’environnement socio-physique de l’école), les représentations et les
avis des enseignants sur leurs actions) :

« Les observations sont précédées et suivies immédiatement d’entretiens menés par les
observateurs auprès de l’enseignant observé, puis d’entretiens auprès de quelques élèves à
la fin de la leçon. En amont, il s’agit de recueillir, auprès de l’enseignant, les intentions et
les objectifs d’apprentissage prévus, les situations et les stratégies retenues. En aval,
l’entretien avec le chercheur-observateur porte sur la perception du déroulement de la
séance par l’enseignant, son ressenti et son analyse sur l’atteinte des objectifs, les écarts
entre la préparation et la réalisation, les difficultés rencontrées ; il s’agit de lui faire
exprimer son jugement professionnel de ce qui a été fait, et de ce qui pourrait être repris,
modifié… Un entretien a aussi lieu avec quelques élèves, pris un par un, à la fin de la
séance, pour savoir comment ils l’ont vécue, ce qu’ils ont fait, compris, appris : des
exemples concrets leur sont demandés. Les observateurs apportent aussi leurs
commentaires, leur ressenti sur chaque séance observée » (Rapport OPERA 2015, en
ligne, p. 56)

A cette fin, OPERA a conçu, non une grille d’observation préétablie et a priori demandant
uniquement au chercheur de « cocher » la case chaque fois qu’il voit apparaître le
comportement prédit, mais plutôt une fiche élargie reprenant tous les items « potentiellement »
observables, dont l’unité d’expression est l’ensemble des échanges verbaux entre enseignants et
élèves. Un tandem d’observateurs (au moins deux) notent au fur et à mesure « tout ce qui se dit,
se produit, se fait ou ne se fait pas », durant toute la leçon. La mise en commun
post-observation des observateurs et le recueil à chaud des impressions des protagonistes
(enseignants, élèves) permet une collecte plus exhaustive et une transcription unique et
concertée des pratiques observées.

OPERA prévoit aussi des prises de son audio et vidéo réalisées parallèlement avec la prise en
notes des observations. Ces éléments audiovisuels peuvent être convoqués chaque fois qu’il y a
hésitation des observateurs de classer telle ou telle observation dans tel ou tel item de codage et
d’analyse. On peut aussi recourir aux enregistrements audio et/ou vidéo à des fins de formation,
(…) (pour) « servir de base à la constitution d’outils de formation sur des points à travailler, par
38

exemple en tant qu’illustration de situations à privilégier ou à éviter ». (Rapport OPERA, 2015,


en ligne, p. 56)
En ce qui concerne particulièrement notre recherche, compte tenu des contraintes de moyens et
de temps, nous n’avons pas procédé aux enregistrements audio et vidéo lors des observations
des pratiques de classes. Munie d’une grille d’observation, une équipe de deux enquêteurs
observait en même temps un enseignant en train de prester ; chacun, de son côté, complétait la
grille, avant de mettre ensemble le fruit de leurs observations, de le discuter et de se mettre
d’accord sur une seule grille consensuelle. C’est cette grille finale que nous avons dépouillée
pour chacune des classes observées. Nous mettrons en annexes, la grille d’observation et le
guide d’entretien post-observation, utilisés.
Une fois que la phase des transcriptions est terminée, les observations retenues sont alors
portées sur la maquette à trois dimensions dont il a été question plus au-dessus, qui, elle, est
préétablie, pour des fins de codage et de traitement.

2.2.2.2. Comment observer ?


Les méthodes pédagogiques et la façon de les mettre en application en classe par les
enseignants sont les facteurs-clés pour un enseignement/apprentissage performant. Ce ne sont
pas les contenus ou les savoirs qui sont primordiaux dans l’enseignement/apprentissage, mais
plutôt les attitudes et les manières de faire des enseignants et des élèves en classe. D’où le rôle
central que jouent les interactions dans tout processus d’enseignement/apprentissage et
l’attention particulière à leur accorder dans la recherche.

C’est en analysant l’interaction maître-élèves/élèves-maître, en classe, et par rapport aux trois


domaines constitutifs des pratiques pédagogiques dont il a été question plus haut (relationnel,
pédagogique-organisationnel et didactique-épistémique), en les mettant en relation avec les
représentations des enseignants, qu’on parvient à comprendre le processus d’apprentissage dans
sa globalité. Ces interactions constituent la trace observable des stratégies mises en œuvre par
l’enseignant pour faire apprendre et par les élèves pour s’approprier le savoir.
« Dans une séance de classe, maître et élèves produisent un discours qui va se
co-construire progressivement à travers les échanges, les trames interactionnelles. Le
concept d’interaction pédagogique et/ou didactique « recouvre l’action et les
échanges réciproques entre enseignant et élèves, action mutuelle, stratégies en
réciprocité se déroulant en classe » » (Altet, 1994, 2008, p. 66).
39

« Nous avons choisi d’observer les interactions verbales et non verbales, en relevant
systématiquement les tours de parole du maître et des élèves d’une séance et en les
regroupant en épisodes : « Un épisode étant constitué par un ou plusieurs échanges
sur un sujet ou une activité et délimité par l’unité de sens de la communication ou de
l’activité. » (OPERA, 2015, p. 67)

Même fine, cette procédure n’a pas été appliquée dans notre recherche, elle demande une
formation poussée des informateurs, exigeant la maîtrise des concepts en relation avec
l’interaction verbale, ce qui n’est pas très courant dans le contexte burundais. Les enquêteurs
pressentis pour effectuer ces observations n’ont pas nécessairement cette sensibilité.

2.2.2.3. Approche méthodologique retenue


L’analyse des pratiques enseignantes dans le cadre de la réforme dite « école fondamentale » au
Burundi a été effectuée en optant pour une approche quali-quantitative. Il fallait en effet
décrire, expliquer et comprendre ce qui se passe dans les classes observées, d’une part
(approche qualitative), croiser un certain nombre de variables afin de comprendre le sens ou
avoir une explication possible des éléments observés et/ou des propos des enseignants
interviewés, d’autre part (approche quantitative).
A cet effet, une grille d’observation passant en revue les différentes phases et actions d’une
leçon a été élaborée. Après la prestation d’une leçon par l’enseignant observé, nous avons
procédé, avec ce dernier, à une séance d’entretien semi-directif. Pour ce faire, un guide
d’entretien a été élaboré. Le but de cette démarche était de comprendre à chaud le pourquoi des
pratiques observées, les raisons explicatives de certaines manières de faire, les motifs à la base
de la prise de certaines décisions par l’enseignant, etc. bref, essayer de savoir pourquoi les
pratiques enseignantes ont été telles que nous les avons observées. Lors des entretiens, il a aussi
été question de savoir les ressources visitées pour enseigner, les difficultés/facilités rencontrées,
les besoins particuliers, etc.
En adoptant ces actions, nous étions persuadés que c’est par le croisement des informations
obtenues grâce à l’observation directe avec celles issues de l’entretien semi-directif que nous
pouvions nous rapprocher de plus près de la réalité que nous nous avons entrepris d’explorer.

Notons à toutes fins utiles que lors de l’observation directe, nous nous sommes intéressés aux
pratiques d’enseignement qui recouvrent, selon Talbot (2012), tout ce que l’enseignant fait en
classe en présence de ses élèves, alors que durant les entretiens, il s’agissait de débusquer les
40

pratiques enseignantes dans leur double dimension, à savoir les pratiques d’enseignement d’une
part, et tout ce que l’enseignant fait en dehors de la classe (pratiques enseignante), d’autre part.
En effet, au cours du travail en amont de préparation d’un cours, des décisions sont prises,
mobilisant de manière implicite des connaissances professionnelles (Bécu-Robinault, 2007).
Les pratiques d’enseignement étant contextualisées (Talbot, 2012), celles qui sont prévues
peuvent changer en fonction du contexte de la classe, et faire objet de réajustements(Jameau,
2015; Shing, Saat, & Loke, 2015). C’est la raison pour laquelle, lors des entretiens, nous avons
porté nos investigations à la fois sur la mise en œuvre d’une leçon donnée et sur sa préparation.
De la sorte, nous avons pu recueillir des informations à propos de ce qui amène les enseignants
à décider de ce qu’ils enseignent à partir des différentes ressources qu’ils visitent pour pouvoir
établir le lien entre ces choix des enseignants et la façon de présenter les contenus
d’enseignement (Gueudet & Trouche, 2010).
Notre dernière préoccupation, en concevant nos instruments de recherche, à savoir la grille
d’observation et le guide d’entretien, était de recueillir des informations nous permettant
d’établir l’écart entre les pratiques enseignantes effectives et les pratiques attendues par le
ministère en charge de l’éducation nationale notamment.
Rappelons que le but de notre démarche était de recueillir des données décrivant les méthodes
pédagogiques pratiquées dans l'enseignement/apprentissage du français ainsi que les relations
enseignants-apprenants dans le processus d’enseignement-apprentissage.

Concrètement, les données collectées concernent les trois dimensions distinguées déjà par
OPERA : les pratiques déclarées par les enseignants en dehors de la classe, les pratiques
effectives directement observées dans les classes, les pratiques proposées par le ministère de
l’éducation tel que nous pouvons les lire nous-mêmes dans les documents officiels disponibles
dans les écoles. Précisons que l’observation des pratiques effectives a porté sur les trois axes
complémentaires à savoir : l’axe relationnel (exercice du leadership de l’enseignant, la gestion
de la discipline, les relations entre enseignant-élèves, entre élèves eux-mêmes, etc.), l’axe
pédagogique (gestion de la classe, organisation des groupes, animation de la classe, etc.) et
l’axe didactique (comment les élèves accèdent au savoir, les stratégies d’enseignement
adoptées par l’enseignant, la formulation des consignes, la gestion des erreurs des élèves, la
transposition didactique, la problématisation, etc).
41

2.2.2.4. Zone géographique, population et échantillonnage


Le Burundi compte 18 provinces réparties dans 5 zones géographiques provinciales à savoir le
nord, le sud, l’ouest, l’est et le centre. Il compte actuellement 119 communes. Parmi les 18
provinces du pays, c’est celle de Gitega qui enregistre le plus grand nombre de communes. En
effet, alors que la moyenne nationale est de six communes par province, la province de Gitega
en compte 11. Signalons en passant que depuis 2019, le chef-lieu de la province Gitega, qui en
porte aussi le nom, est la capitale politique du Burundi, en plus que cette ville est la seconde
grande ville du Burundi après la capitale Bujumbura.
La province de Gitega est située au centre du pays et elle enregistre le plus grand réseau
scolaire après la ville de Bujumbura. Signalons en passant que depuis 2019, la ville de Gitega
est la capitale politique du Burundi. Cette province condense toutes les caractéristiques du
réseau scolaire burundais. Nous l’avons ainsi choisi comme zone cible de notre collecte des
données.
Au plan politico-administratif, quatre ministères ont déjà été installés dans cette ville.
Au plan démographique, la ville de Gitega enregistre la plus grande concentration de la
population après celle de Bujumbura.
Au plan éducatif, c’est une ville qui enregistre le plus grand réseau d’établissements scolaires à
tous les niveaux, publics comme privés (pré-scolaire, fondamental, post-fondamental général et
technique, universitaire), après celle de Bujumbura.
Toutes ces raisons nous ont conduits à choisir la Direction Provinciale de Gitega comme zone
cible de notre collecte de données. Cumulant les caractéristiques de la ville et de la campagne,
placé géographiquement au centre du pays, regroupant le second réseau scolaire le plus
important du Burundi, Gitega nous est apparu comme le terrain idéal pour nos investigations
car reflétant suffisamment la réalité scolaire burundaise.
La province de Gitega compte 11 communes. Nous avons travaillé sur 2 communes à savoir la
commune Gitega (milieu urbain) et la commune Giheta (milieu rural). Alors que toute la
province de Gitega compte 359 écoles fondamentales au total , les directions communales de
Gitega et de Giheta comprennent respectivement 97 et 46 écoles fondamentales publiques.
Les deux communes considérées comptent donc 143 écoles fondamentales publiques.
Des 97 écoles de la commune Gitega, nous avons retenu un échantillon de 21écoles, et sur les
46 écoles de Giheta, nous en avons retenu 19. Finalement, nous avons visité 44 classes de 5ème
année fondamentale réparties sur 40 écoles différentes.
42

2.2.2.5. Outils de collecte des données


Pour collecter les données, nous avons utilisé une grille d’observation (observation des
pratiques de classe) et un guide d’entretien (post-observation.
Compte tenu de notre contexte à nous, le principe a été adopté est celui d’un modèle simplifié
en réduisant la maquette d’observation appliquée par OPERA (2015) à quelques dimensions
jugées plus significatives. Les trois domaines incontournables de l’acte
enseignement/apprentissage ont certes été retenus, mais les dimensions et les faits à observer
ont été sensiblement restreints.
Après observation des pratiques de classe, l’entretien avec l’enseignant observé a porté
notamment sur les facilités/difficultés pour enseigner le français en 5ème année, les ressources
visitées pour préparer et enseigner le français, la part des préconisations du livre du maître dans
les pratiques enseignantes et l’appréciation du rôle joué par les formations professionnelles
bénéficiées par l’enseignant sur ses pratiques.
43

I. Grille d’observation des pratiques de classe


Domaine Dimension Items Ou No Observations
i n
1. Climat 1.1.Climat ● Interactions verbales positives
relationnel ● Bienveillance
● Valorisation des élèves
● Critiques envers les élèves
● Interactions verbales négatives
● Propos dégradants
1.2.Rigidité ● Excès de contrôle
● Imposition de l’enseignant
1.3.Attitude des élèves ● Participent activement à la leçon
● Prennent des initiatives
2. Intervention 2.1.Gestion de la classe ● Enseignant distribuant convenablement la
s pédagogiques parole aux apprenants
-organisationnelle ● Enseignant sachant bien accueillir les
s réponses des élèves (tolérance vis-à-vis
des réponses même erronées)
2.2.Organisation et gestion des ● L’enseignant communique les objectifs
conditions d’apprentissage ● Enseignant gérant bien le temps dédié à la
leçon
● Enseignant exploitant bien l’espace de la
classe en fonction des activités de la
leçon
● Enseignant exploitant convenablement les
supports en fonction des activités du
moment
● Enseignant qui stimule les élèves
44

2.3. Styles et stratégies de ● Enseignant autoritaire


l’enseignant ● Enseignant démocratique
● Méthodes pédagogiques en lien avec les
activités demandées aux élèves
● Stratégie interactive : Enseignant qui
mène une leçon en interrogeant les élèves
● Remédiation individuelle
● Enseignant qui encourage
l’auto-correction et la correction par les
pairs
3. Gestion 3.1.Épistémique/développemen ● L’enseignant met en place des situations
didactique-épist t conceptuel et permettant d’apprendre les concepts
émique conceptualisation nouveaux
● L’enseignant met en place des situations
permettant aux élèves de réfléchir
3.2.Gestion didactique des ● L’enseignant donne systématiquement la
contenus consigne de l’activité, les supports à
utiliser et le mode de regroupement
(individuel, en groupes)
● L’enseignant sait partir des erreurs des
élèves pour les faire accéder au savoir
visé
3.3.Langues ● Mélange fréquent de langues
● Utilisation d’un niveau de langue adapté
au niveau des élèves
45

*Date et heure : *Classe :


*Ancienneté dans l’enseignement :
*Sujet de la leçon :
*Objectifs de la leçon :
*Référence dans le livre du maître:
*Nombre d’élèves dans la classe observée :
*Ratio filles/garçons :
*Nombre d’élèves par banc pupitre :
*Nombre de livres par banc pupitre :
*Matériel utilisé pour enseigner :
Remarques :
● Les trois principales étapes classiques d’une leçon (Introduction, LPD, application/évaluation) se sont fait remarquer ? Oui Non
● Les objectifs de la leçon ont été atteints ? Oui Non
● La classe était animée (les élèves participaient activement) : Oui Non
46

II. GUIDE D’ENTRETIEN AVEC L’ENSEIGNANT OBSERVÉ


1. Diplôme obtenu :
2. Quelles sont les ressources visitées pour préparer et enseigner le français ?
a) Quelles facilités avez-vous dans vos prestations (celles qui proviennent de l’enseignant, des élèves, du contexte de la classe, de l’école en
général…)
b) Quelles sont les difficultés rencontrées dans la classe enseignée (celles qui proviennent de l’enseignant, des élèves, du contexte de la
classe, de l’école en général…)
3. Suivez-vous ou non à la lettre ce qui est proposé dans le guide/livre de l’enseignant. Pourquoi ?
4. Enseignez-vous tel que vous avez préparé une leçon donnée ? Pourquoi ?
5. Enseignez-vous toutes les leçons de français de la même manière (Grammaire, expression écrite…), qu’est-ce qui détermine vos choix
méthodologiques ?
6. Quels sont les obstacles auxquels vous vous heurtez dans la mise en œuvre du programme de français ?
7. Estimez-vous que vous avez reçu une formation initiale suffisante pour enseigner le français dans votre classe ? Expliquez.
8. Avez-vous des occasions de formations en cours d’emploi ? Par qui ? combien de fois ? Dans quel domaine ?
9. Quels sont les besoins que vous pouvez formuler pour améliorer vos prestations ?
47

2.2.2.6. De la collecte des données


La collecte des données s’est effectuée en deux phases : la pré-enquête et l’enquête proprement
dite.
❖ La pré-enquête
Elle s’est effectuée au mois de janvier 2020 et elle a porté sur quatre classes, deux dans la
circonscription urbaine de Gitega, et deux autres dans l’une de ses zones rurales de Giheta.
L’objectif de la pré-enquête était de mesurer la pertinence de nos choix méthodologiques, plus
spécifiquement la justesse de nos instruments d’enquête.
Dans l’ensemble les données recueillies à cette occasion se sont avérées pertinentes, et les
contenus des instruments de recherche, se sont révélés clairs et facilement décelables. Par
conséquent, nous avons gardé tels que la grille d’observation et du guide d’entretien. Une seule
ombre au tableau cependant : alors que les deux instruments d’enquête sont conçus en français,
nous avons constaté que lors de l’entretien avec les enseignants, il n’y avait pas moyen de
recourir exclusivement au français. Il nous est apparu que l’usage exclusif du français ne
libérait pas suffisamment la parole des enseignants, et nous en avons conclu qu’il fallait plutôt
encourager l’enseignant à user d’une variété de langue mixte français-kirundi. C’est cette
attitude qui a été recommandée à l’équipe des enquêteurs lors de leur descente sur le terrain en
février 2020.
❖ L’enquête proprement dite
Elle a eu lieu au mois de février 2020 et a mobilisé une équipe de 8 enquêteurs, supervisé par
trois chercheurs. Les enquêteurs travaillaient en binômes, à raison de deux classes observées
par jour. Les écoles et les classes avaient fait l’objet d’un repérage préalable, avec l’aide des
autorités provinciales de l’éducation. Les enquêteurs ont donc effectué le déplacement
connaissant déjà les classes qu’ils allaient observer avec des horaires connus. Munie d’une
autorisation délivrée par les autorités du Ministère de l’Education, chaque équipe d’enquêteurs
se présentait d’abord à la direction scolaire pour s’annoncer et s’entretenir brièvement avec la
direction, sur sa mission. L’équipe se rendait ensuite en classe et commençait le travail. Il
s’agissait d’observer la leçon tout au long de son déroulement pendant 45 minutes, en veillant
aussi à noter tout élément du contexte pouvant avoir un impact sur la leçon observée, comme
par exemple le nombre d’élèves, de manuels, l’existence ou non du guide de l’enseignant, l’état
et la disposition de la classe, etc.
A la fin de la leçon, les enquêteurs invitaient l’enseignant observé à prendre part, pendant une
vingtaine de minutes en dehors de la classe, à un entretien semi-directif en rapport avec le vécu
48

professionnel de l’enseignant (facilités, difficultés, besoins particuliers, éléments de contexte,


etc.), et ses impressions sur la leçon observée.

2.2.2.7. Procédure de traitement et d’analyse des données


La grille d’observation était construite de sorte que, pour chaque élément observé, l’enquêteur
devait cocher une case réservée par le « oui » ou le « non ». Par conséquent, les réponses
« oui » ou « non » données à chaque item ont été codées « 1 » ou « 2 » dans le logiciel SPSS
(Statistical Package for Social Sciences), un des logiciels usités en sciences humaines et
sociales.
Les données issues des observations des pratiques de classes, ont été traitées
« quantitativement ». Cela signifie que ce qui nous intéressait, était la fréquence à laquelle une
réponse est apparue. Par contre, les données issues des entretiens ont été globalement traitées
« qualitativement ». C’est dire que même si certaines réponses ont fait objet d’une
quantification, nous avons procédé à une analyse de contenu en traitant les données issues des
entretiens.
Notons cependant que les aspects quantitatif et qualitatif n’ont pas été traités séparément. Au
bout du compte, lors de l’analyse mais aussi de l’interprétation des résultats, nous avons
combiné les deux aspects pour donner sens à ces résultats.
Pour revenir à l’analyse des données « quantitatives » issues des observations des pratiques de
classe, avec SPSS, en fonction de la nature des données, nous avons fait une analyse
descriptive et une analyse corrélationnelle (tests de corrélations statistiques de Spearman).
L’analyse descriptive et inférentielle ont été complémentaires lors de nos analyses.
49

CHAPITRE 3. PRÉSENTATION, ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES


RÉSULTATS

Les résultats de la recherche ont été analysés et interprétés en compilant les données
quantitatives issues des observations des pratiques de classe et les déclarations de nature
qualitative recueillies auprès des enseignants par le biais des entretiens. Nous les avons
regroupés autour de cinq thèmes en fonction de nos questions et de nos objectifs de départ : i)
le profil professionnel des enseignants, ii) le climat relationnel prévalant dans les classes, iii)
la nature des interventions pédagogique-organisationnelles, iv) la gestion
didactique-épistémique, et v) les souhaits formulés par les enseignants pour améliorer leurs
pratiques.

3.1. Profil professionnel des sujets

Les enseignants interviewés ont été classés en fonction de leur profil de formation
professionnelle (initiale et continue) ainsi que de leur expérience professionnelle, les trois
critères nous ayant paru plus pertinents au regard de nos objectifs. Ces informations ont été
recueillies en interview avec chaque enseignant à l’issue de ses prestations en classe.

3.1.1. Formation initiale


Sous l’angle de la formation initiale, voici comment se répartissent les informateurs :

Tableau 6. Répartition des informateurs selon le type et le niveau de formation initiale


Diplôme Nombre Pourcentage
D4 3 6.8
D6 34 77.2
D7 7 15.9
Total 44 100

Les enseignants de 5e année des écoles enquêtées détiennent trois types de diplômes, dénotant
également trois parcours de formation initiale : les diplômes D4, D6 et D7 (le D symbolisant
« diplôme » et le chiffre qui suit le nombre d’années mis pour l’obtenir à partir de la 7ème
année).
D’après les résultats obtenus, 93.1% des enseignants observés ont une formation
professionnelle initiale d’au moins deux ans après le collège. Cela implique que, en principe,
ces enseignants sont suffisamment outillés pour enseigner en 5ème année fondamentale.
50

D’après nos observations, les enseignants maitrisent effectivement les méthodes


d’enseignement mais nous pensons qu’ils le feraient encore mieux s’ils avaient eu une
formation initiale spécifique à la pédagogie prônée par la réforme de l’école fondamentale.

Si les enseignants ont eu une formation initiale en enseignement, estiment-ils pour autant
qu’ils sont compétents pour l’enseignement du français ? Pour sonder les représentations des
enseignants à ce sujet, nous leur avons soumis la question suivante : « Estimez-vous que vous
avez reçu une formation initiale suffisante pour enseigner le français dans la classe de
5ème ? ». Les réponses recueillies sont reprises dans le tableau qui suit.

Tableau 7. Représentation du lien entre la formation initiale des enseignants et


l’enseignement du français

Question Réponses Nombre Pourcentage


Estimez-vous que vous avez reçu Oui 35 79.5
une formation initiale suffisante Non 9 20.4
pour enseigner le français dans la Total 44 100
classe de 5ème année ?

Le tableau montre que la majorité des enseignants (79.5%) estime avoir reçu une formation
suffisante pour enseigner le français dans la classe de 5e année, contre (20.4%) qui disent le
contraire.
Ceux qui estiment avoir eu une formation initiale suffisante (79.5%) évoquent notamment le
fait qu’ils ont eu une scolarité normale (sans problèmes) et qu’ils ont fait des stages, d’autres
avancent que l’expérience déjà acquise couplée à la formation initiale constituent des atouts
pour bien enseigner le français. Il y a aussi ceux qui déclarent qu’ils ont un « bagage »
suffisant pour enseigner dans cette classe, qu’ils ont eu l’occasion d’apprendre la didactique
de toutes les disciplines en section pédagogique et qu’ils ont appris le français comme
matière.

Ceux qui estiment que leur formation initiale n’est pas suffisante pour dispenser le français
(20.4%) semblent plutôt éluder le problème et tourner la question vers le besoin d’une
formation continue, un impératif dicté par les contenus qui évoluent et qui exigent une
constante formation, ainsi que par les programmes qui sont souvent renouvelés et qui
nécessitent une perpétuelle actualisation des connaissances, avancent-ils.
51

Étant donné qu’un enseignant sur cinq déclare ne pas avoir suffisamment de compétence pour
enseigner le français en 5ème année, nous pensons que des actions de formation continues
basée sur une étude de besoins réels en formation sont nécessaires. Nous y reviendrons dans
nos recommandations.

3.1.2. Formation continue


En lien avec la formation en cours d’emploi, les enseignants des classes de 5ème année ont
répondu à la question suivante : « Avez-vous reçu des occasions de formation en cours
d’emploi ? »
Voici la configuration des réponses obtenues.

Tableau 8. Formation en cours d’emploi

Question Réponses Nombre Pourcentage


Avez-vous reçu des occasions de oui 8 18.1
formation en cours d’emploi Non 36 81.8
Total 44 100

D’après les résultats émergeant de ce tableau, un nombre important d’enseignants (81.8%)


déclarent n’avoir jamais eu d’occasion de formation en cours d’emploi, contre un pourcentage
de 18.1% d’enseignants qui reconnaissent avoir déjà eu accès à ce genre de formation.
Le peu d’enseignants ayant reçu une formation en cours d’emploi nous apprennent que c’est
dans le cadre de la nouvelle réforme qu’une équipe du ministère a effectué un recyclage.
Parallèlement, les écoles organiseraient quelques rares journées d’échange où les enseignants
mutualisent leurs connaissances en ce qui concerne l’enseignement du français.
Un enseignant indique qu’il a participé à deux sessions de formation du projet Coopération et
Echanges en Matière Linguistique, Educative et Culturelle (CELEC). Un autre indique qu’il a
reçu une formation dans le domaine de la méthodologie de l’enseignement du français dans le
cadre du projet Ecole et Langues nationales (ELAN).
Le constat qui s’impose est que la formation continue des enseignants est très insuffisante.
Pourtant, le Gouvernement du Burundi a déjà affiché une volonté politique d’assurer la
formation continue du personnel enseignant. Ainsi, dans le Décret –Loi n°100/053 du 19 Août
1998 portant disposition particulière applicable aux fonctionnaires enseignants ; l’article 22
précise : « l’enseignant a, en cours de carrière, le droit d’améliorer et de compléter sa
52

formation initiale par voie du perfectionnement. Les conditions sont déterminées par une
ordonnance ministérielle signée par le ou les ministres ayant l’enseignement dans ses (leurs)
attributions. Tous les cinq ans, l’enseignant a droit au perfectionnement. La durée cumulée de
perfectionnement durant les cinq ans est de 60 jours au minimum» .
Le constat est que cette volonté affichée n’est pas traduite dans les faits.

3.1.3. L’expérience professionnelle des enseignants


L’expérience professionnelle des enseignants se présente comme suit :

Graphique 1. Ancienneté professionnelle des enseignants

Avec un pourcentage cumulé de 72.5% % des enseignants ayant plus de 10 ans d’expérience,
on peut dire que, sous cet aspect, la situation se présente plutôt favorable aux prestations.
Interrogés sur les facilités qu’ils rencontrent dans leur profession, certains des enseignants
pointent, en effet, l’expérience comme un élément facilitant l’exercice de leur fonction : « Je
maîtrise la matière suite à mon expérience dans la carrière », « je suis expérimenté », « le
nombre d’années dans cette classe me permet de bien dispenser le français », avancent-ils.
Ayant estimé qu’il y aurait une influence probable de « l’ancienneté » de l’enseignant sur ses
« pratiques » en classe, nous avons effectué un test de corrélation entre ces deux variables. Il
apparait que ce sont les enseignants qui ont une ancienneté de plus de 5 ans qui donnent
systématiquement la consigne d’une activité donnée (rp = 0, 347*). Dans le même ordre
d’idées, la corrélation entre l’ancienneté et les variables « participation active des élèves » (rp
= 0,883**), « élèves prenant des initiatives » (rp = 0, 358**), « enseignant distribuant
53

convenablement la parole aux élèves » (rp = 0, 323*), « stratégies interactives » (rp = 0,


385**), « méthodes pédagogiques en lien avec les activités demandées aux élèves » (rp = 0,
471**), s’est révélée statistiquement positive.
On en déduit que l’ancienneté de l’enseignant reste un facteur important dans l’exercice de la
profession enseignante au regard des effets qu’elle produit sur les pratiques comme on vient
de le montrer.

3.2 Climat relationnel prévalant dans les classes

Sous cette rubrique, nous décrivons l’atmosphère qui règne dans les classes visitées pendant
l’enseignement-apprentissage du français. Spécifiquement, nos observations ont porté
respectivement sur le climat communicatif en classe, le degré de souplesse ou de rigidité de
l’enseignant ainsi que l’attitude des élèves.

3.2.1 Climat communicatif

Pour évaluer le climat communicatif régnant dans les classes, nous avons eu recours aux
critères suivants : la qualité des interactions entre enseignant et apprenants (les interactions
sont-elles positives ou négatives ?), la bienveillance de l’enseignant observé, le degré de
valorisation ou de dévalorisation des apprenants, ainsi que le fait de l’enseignant de proférer
ou non des propos dégradant à l’endroit des élèves.

Tableau 9. Description du climat de la classe: attitude relationnelle de l'enseignant

Item Fréquence Pourcentage


1. Interactions verbales Oui 41 93,2
positives Non 3 6,8
Total 1 44 100,0
2. Bienveillance Oui 39 88,6
Non 5 11,4
Total 2 44 100,0
3. Valorisation des élèves Oui 35 79,5
Non 9 20,5
Total 3 44 100,0
Oui 14 31,8
4. Critiques envers les élèves
Non 30 68,2
Total 4 44 100,0
5. Propos dégradants Oui 7 15,9
Non 37 84,1
54

Total 5 44 100,0
À travers les résultats du Tableau 9. Description du climat de la classe: attitude relationnelle
de l'enseignant), le constat est que, dans l’ordre, la majorité des enseignants observés en train
de prester interagissent positivement avec leurs élèves, manifestent aussi, dans la grande
majorité des cas, une attitude bienveillante envers les apprenants et valorisent, en grand
nombre, leurs élèves, à raison respectivement de 93,2%, 88,6% et 79,5%.
À propos de la valorisation des élèves par exemple, nous avons noté le fait qu’à plusieurs
endroits, l’enseignant demandait à la classe d’acclamer un élève qui fournissait une bonne
réponse. Cela ne manque évidemment pas de détendre le climat prévalant en classe et par
conséquent de motiver les élèves en situation d’apprentissage.
Notons cependant que sous cet aspect précis de la valorisation des apprenants, un chemin
reste encore à parcourir : environ un enseignant sur cinq (20,5%) parmi ceux qu’on a observés
ignore manifestement l’importance de cette stratégie pédagogique.
D’un autre côté, alors que la bienveillance et les interactions verbales positives sont
manifestes chez les enseignants observés (respectivement 88,6% et 93,2%), la majorité des
enseignants (soit 68,2%) formule des critiques négatives envers les élèves et semble même
favorable aux moqueries que la classe réserve aux élèves « moins performants ». Plus encore,
84,1% des enseignants observés vont jusqu’à tenir des propos dégradants à l’endroit des
apprenants peu enthousiastes. L’on note deux cas extrêmes d’enseignants qui traumatisent les
apprenants : chez un enseignant, les élèves qui ne parvenaient pas à trouver une réponse
correcte étaient humiliés et/ou recevaient des coups de poing. Chez une autre enseignante, les
élèves recevaient l’ordre de s’agenouiller pour la simple raison qu’ils n’avaient pas de réponse
à une question posée : « Uwubona adashoboye kwishura kuri kirya kibazo apfukame
hasi ! »/« Quiconque s’estime incapable de répondre à cette question se met à genoux ! »).
Inutile de mentionner que ce genre de comportement est de nature à inhiber toute initiative de
prise de parole des apprenants, ce qui est très dommageable dans un cours de langue.
L’analyse corrélationnelle bi-variée entre les variables relatives au climat relationnel prévalant
dans les classes de 5ème année lors des prestations des leçons de français, nous révèle un lien
statistiquement significatif (avec un niveau de confiance des résultats à une hauteur de 95%),
3
entre les Interactions verbales positives et la bienveillance (rp = 0,755**), les interactions
verbales positives et la valorisation des élèves (rp = 0,535**), la bienveillance et la
3
rp signifie corrélation de Spearman. Les deux étoiles ** signifient que la corrélation est forte entre deux variables considérées
(c’est-à-dire que les résultats sont corrects avec une marge d’erreur de 1%). Cette première corrélation
statistiquement significative veut traduire que les enseignants chez qui nous avons noté des interactions positives
55

valorisation des élèves (rp = 0,529**), les critiques envers les élèves et le fait d’émettre des
propos dégradants (rp = 0,370**).
Nous avons aussi noté un lien statistique négativement significatif entre les interactions
verbales positives et critiques envers les élèves (rp = -0,396**), et propos dégradants (rp = -
0,375**)4. Cela veut dire que certains enseignants formulent à la fois des critiques envers
leurs élèves tout en entretenant des interactions verbales positives dans l’ensemble.
Mais alors, comment expliquer l’apparente contradiction entre les deux attitudes des
enseignants, à savoir le fait d’entretenir un climat interactif bienveillant et en même temps
formuler des critiques et des propos dégradants à l’endroit des élèves ? Selon nous, sachant
qu’ils sont observés, les enseignants s’efforcent de maintenir dans la classe une ambiance
positive, car ils n’ignorent pas que cet aspect est primordial dans l’appréciation de leurs
actions. L’élève qui s’écarte de la « norme », soit en donnant une réponse erronée, soit en
adoptant un comportement inapproprié, peut apparaitre donc, aux yeux de l’enseignant,
comme celui qui vient faire échouer les prestations de l’enseignant. Ne voulant pas perdre la
face, ce dernier ne parvient pas à se retenir et s’en défend ponctuellement par des critiques ou
des propos négatifs envers l’apprenant.

3.2.2 Degré de rigidité de l’enseignant

Toujours sous la rubrique du climat relationnel, nous avons cherché à évaluer le degré de
rigidité des enseignants : exercent-ils un excès de contrôle et/ou s’imposent-ils devant leurs
apprenants ? Les observations ont montré que 40 enseignants sur les 44 visités, soit 90.9%,
n’affichent pas un excès de contrôle envers leurs élèves, mais 52.3% des enseignants ont
tendance à s’imposer en classe, comme en témoignent les résultats figurant dans le tableau qui
suit.

4
Ceci signifie que les enseignants se caractérisant par des interactions positives sont généralement ceux qui ne
critiquent pas les élèves et qui n’émettent pas de propos qui dégradent ces derniers. Les résultats obtenus sont
assez cohérents au sujet du climat relationnel prévalent dans les classes visitées.
56

Tableau 10. Description du climat relationnel en classe: De la rigidité des enseignants

Item Fréquence Pourcentage


1. Excès de contrôle Oui 4 9,1
Non 40 90,9
Total 1 44 100,0
2. Imposition de l’enseignant Oui 23 52,3
Non 21 47,7
Total 2 44 100,0

Ces chiffres sont assez révélateurs des logiques pédagogiques en action dans le système
scolaire burundais. Le fait que l’écrasante majorité des enseignants observés (90,9%)
n’exercent pas un excès de contrôle en classe est bien la preuve que la logique d’un
apprentissage démocratique est en train de s’installer au détriment d’une logique d’un
enseignement autocratique. Mais dans le même temps, le réflexe de s’imposer dans sa classe,
observée auprès de plus de la moitié des enseignants constituant notre échantillon (52.3%), est
aussi l’indice que les postures pédagogiques traditionnelles misant sur l’autoritarisme de
l’enseignant sont encore tenaces.

Signalons que le test de corrélation (corrélation de Spearman) s’est révélé statistiquement


significatif entre le fait d’avoir un excès de contrôle et le fait de s’imposer en classe (rp =
0,302*). Le test de khi-deux aboutit aussi au résultat que les enseignants qui s’imposent en
classe sont ceux-là qui manifestent un excès de contrôle (χ2 = 0,045 < 0,05)5.

Le dernier aspect qui a retenu notre attention à la section du climat relationnel est en rapport
avec l’attitude des élèves durant l’activité d’enseignement/apprentissage du français.

3.2.3 Attitude des élèves


Il s’agissait de quantifier le degré de leur participation et de leur prise d’initiative étant donné
que ces deux attitudes concourent à l’instauration d’un climat relationnel propice aux
apprentissages.
D’après les résultats obtenus, 90,9% des élèves observés participent activement en classe,
notamment en levant régulièrement le doigt pour répondre aux questions de leurs enseignants.
5
Un test de Khi-carré ou Khi-deux est statistiquement significatif si la valeur critique de χ2 est inférieure ou égale
à 0,05.
57

Cependant, seulement 50% arrivent à prendre des initiatives, et là encore, quand cela se
produit, c’est notamment pour aller effacer le tableau, remettre à leur place des objets
éparpillés par terre, etc. Nous avons constaté que dans la plupart des cas, les élèves se
contentent de répondre aux questions de l’enseignant et qu’il est très rare de voir des élèves
poser des questions à leurs enseignants.
Le constat que, dans l’ensemble, les élèves burundais sont motivés pour apprendre a été établi
par plusieurs études et observations antérieures. C’est sans doute ce qui explique le haut taux
de participation en classe relevé ci-dessus. Quant au bas taux de prise d’initiative, il faudrait,
selon nous, chercher la raison dans le manque de confiance en soi généré par leur niveau
d’expression en français, documenté également comme très insuffisant dans tout le cycle
fondamental, et à fortiori en 5ème année où cette langue devient la langue d’enseignement pour
la première fois. On sait en effet que l’une des manifestations de la non-maîtrise d’une langue
étrangère, en situation d’apprentissage, est le silence, qui peut se traduire dans les faits par la
renonciation à toute initiative en classe. Cette attitude contribue malheureusement à accentuer
davantage la non-maîtrise de la langue, et la boucle devient bouclée, comme on dit. Seule une
action pédagogique avertie destinée à libérer la parole des élèves parviendrait à rompre ce
cercle vicieux.
Lors des entretiens, certains enquêtés relèvent d’ailleurs l’attitude active des élèves comme
l’une des facilités à leur métier. Ils soulignent que les élèves sont éveillés, disciplinés et font
montre d’une volonté d’apprendre : « Les élèves sont éveillés et participent activement en
classe » ; « Mes élèves sont disciplinés », déclarent certains enseignants.
Mais d’un autre côté, les déclarations des enseignants en interview présentent un tableau
légèrement différent. Les enseignants approchés signalent en effet qu’il y a un certain nombre
d’élèves qui sont irréguliers en classe, soit qu’ils s’absentent régulièrement, soit qu’ils
arrivent en retard en classe. Cette situation a une incidence négative sur l’apprentissage en
général et sur les leçons de français en particulier, déclarent-ils en substance : « L’irrégularité
des élèves ne permet pas qu’ils puissent bien étudier le français », « les retards de certains
élèves constituent un frein à un bon apprentissage du français ».

La cause majeure de ce décrochage est que les apprenants s’adonnent souvent au petit
commerce (vente d’œufs, de cacahuètes, etc.) pour assurer leur survie et celle de leurs
familles. Selon les enquêtés, « certains élèves sont obligés d’entreprendre des activités
commerciales pour subvenir aux besoins élémentaires de leurs familles ».
58

Le fait est là que certaines familles vivent dans des conditions matérielles précaires et
comptent souvent sur leurs enfants pour gagner quelques sous. Dans de tels cas, les enfants et
les parents mettent au second plan les activités scolaires.

L’autre aspect des résultats qui requiert une observation et une analyse concerne les
interventions pédagogiques organisationnelles.

3.3 Interventions pédagogiques organisationnelles

Dans cette section, il s’agit de rendre compte et de caractériser la manière dont l’enseignant
procède pour assurer la gestion du groupe-classe, la façon dont il organise et gère les
conditions d’apprentissage ainsi que les styles et les stratégies qu’il utilise pour atteindre ses
objectifs.

3.3.1. Gestion de la classe

Sous cette dimension, les observations ont porté sur la manière dont l’enseignant gère le
groupe-classe à travers quelques indices comme la manière dont il distribue la parole aux
élèves, la nature de l’accueil qu’il réserve aux réponses des apprenants en l’occurrence sa
capacité à tolérer les réponses erronées.

Le diagramme ci-dessous visualise la configuration des observations.


59

Diagramme 1. De la gestion de la classe: distribution de la parole et accueil des


réponses des élèves

Le constat qui se dégage des observations est que 88,64% des enseignants distribuent
équitablement la parole aux apprenants. De même, 75% des enseignants réservent un accueil
favorable aux réponses des élèves, même « incorrectes ». Ces chiffres peuvent paraître
suffisamment élevés, mais au regard de la nature des variables qu’ils mesurent, on peut dire
que des actions de remédiation sont encore nécessaires afin que la totalité des enseignants
s’imprègnent de ces habiletés : si plus d’un enseignant sur cinq (11,36%) et si un enseignant
sur quatre (25%) n’arrivent pas respectivement à assurer une distribution équitable de la
parole et à réserver un accueil bienveillant aux réponses des élèves, on ne peut pas dire que
ces chiffres sont négligeables. Il a été constaté en effet que la gestion des « fausses réponses »
des élèves reste, pour la plupart des leçons visitées, problématique. Nous avons noté en
récurrence que les réponses des élèves ne sont pas valorisées. Face à une réponse erronée, la
60

plupart des enseignants se contentent de dire « Non », « Ce n’est pas correct », ce qui
constitue un feedback négatif.

Curieusement, contrairement à ce que l’on pourrait s’imaginer, les résultats obtenus montrent
qu’il n’y a pas de lien statistiquement significatif entre la manière dont l’enseignant gère sa
classe (par exemple s’il accueille convenablement les réponses, même erronées des élèves) et
le fait que les élèves participent activement en classe (rp = -0,019). On en déduit que la
participation active des élèves peut dépendre d’autres facteurs et pas forcément de l’attitude
de l’enseignant.

L’autre dimension observée du point de vue pédagogique concerne l’organisation et la gestion


des conditions d’apprentissage.

3.3.2 Organisation et gestion des conditions d’apprentissage


Du point de vue pédagogique/organisationnel, il est souhaitable que tout enseignant
communique d’une manière ou d’une autre les objectifs de la leçon, gère bien le temps
imparti à sa leçon (45 minutes dans le cas d’espèce), exploite convenablement l’espace
disponible en classe pour l’exécution de telle ou telle autre activité, motive et stimule ses
apprenants.

Les résultats des observations faites sous ces rubriques apparaissent à travers le tableau 11.
61

Tableau 11. Organisation et gestion des conditions d'apprentissage

Item Fréquence Pourcentage


1. Enseignant communiquant les objectifs aux Oui 9 20,5
élèves Non 35 79,5
Total 44 100,0
Oui 25 56,8
Non 19 43,2
2. Enseignant gérant bien le temps imparti à la leçon
Total 44 100,0
Oui 40 90,9
3. Enseignant exploitant bien l’espace de la classe en Non 4 9,1
fonction des activités de la leçon Total 44 100,0
Oui 35 79,5
Non 9 20,5
4. Enseignant exploitant convenablement les
Total 44 100,0
supports en fonction des activités du moment
Oui 37 84,1
Non 7 15,9
5. Enseignant stimulant les élèves
Total 44 100,0

Comme on peut le constater, ces résultats révèlent quelques faits remarquables. C’est la
gestion efficace de l’espace-classe qui obtient le score le plus élevé (90,9%). Les indices de
cette habileté sont repérables à travers l’exploitation de l’espace de la classe, par exemple en
ne restant pas dans un seul coin, en allant apporter une aide personnalisée à un élève donné,
en allant vérifier si tous les élèves ont bien compris la consigne, etc. Il apparaît nettement que
la plupart des enseignants observés maîtrisent cette stratégie.
Signalons également qu’une majorité de 77,3% des enseignants observés respectent plus ou
moins les étapes classiques d’une leçon (Introduction, développement de la leçon proprement
dite, application).
Nous notons aussi que 79,5% des enseignants observés sont parvenus à atteindre les objectifs
consignés dans les fichiers du maître et 88,6% des enseignants suscitaient la participation des
élèves par leur animation.
De même, la majorité des enseignants visités savent exploiter les supports qu’il faut en
fonction des activités proposées aux élèves (79,5%). Par exemple, après une introduction sur
une leçon portant sur l’exploitation d’une bande dessinée proposée dans les manuels des
élèves, les enseignants savent bien le moment approprié pour demander à leurs élèves de
prendre les livres de français et commencer l’exploitation proprement dite. Certains
enseignants font des dessins au tableau noir pour une bonne exploitation. Mais sous cet
62

aspect, les enseignants sont unanimes pour déplorer, lors de nos entretiens, le manque criant
de matériel et de supports didactiques adaptés à l’enseignement du français. Cette langue est
enseignée de façon très théorique. Certaines leçons, comme l’expression et la compréhension
orales, nécessitent un matériel spécifique qu’aucune école n’arrive à se procurer. Le discours
des enseignants revient inlassablement sur le besoin de matériel audio-visuel, de livrets de
conjugaison, de manuels suffisants pour permettre à chaque élève d’en disposer en classe
comme à la maison.

Les observations menées ont aussi permis de constater que la majorité des enseignants
utilisent un langage adapté pour stimuler les élèves à suivre les leçons (79,5%). Cela
transparaît notamment à travers l’usage adéquat des gestes et des mimiques, le recours à des
blagues pour introduire la leçon, etc. Cette façon de faire ne manque pas d’incidence sur le
climat de la classe, sur l’intérêt et l’attention soutenus de la part des élèves.

A un autre angle, même s’il y a légèrement plus d’enseignants qui respectent le timing de la
leçon que ceux qui n’y arrivent pas (56,8% contre 43,2%), force est de reconnaître que cette
proportion est inquiétante, car dit autrement, presqu’un enseignant sur deux ne termine pas la
leçon dans le temps imparti. Par ailleurs, 22,7% des enseignants, soit plus d’un enseignant sur
cinq, n’ont malheureusement pas pu atteindre l’étape de la vérification/exercices
d’application. L’une des causes signalées par les enseignants enquêtés est que le niveau des
apprenants est si bas que l’enseignant met beaucoup de temps à se faire comprendre. De
même, le non-respect du timing de la leçon serait dû à la très lente vitesse de compréhension
de la part de la plupart des apprenants.
L’impression générale qui se dégage de nos observations est que le niveau de compréhension
et d’expression des élèves est insuffisant. Ils parviennent difficilement à comprendre ce qui
leur est demandé, ont du mal à formuler des phrases et se contentent de répondre par des mots
isolés.
Selon nous, il est normal que dans certaines conditions, les enseignants sacrifient le respect du
timing au profit de la prise en compte des difficultés/facilités d’apprentissage, dans l’intérêt
de leurs élèves. En effet, courir avec le programme est une chose, mais s’adapter au rythme
d’acquisition des apprenants et au vécu ponctuel de la situation de classe est aussi une chose
dont tout enseignant doit tenir compte.

Enfin, les élèves sont d’autant plus motivés qu’ils trouvent un sens, un intérêt, une application
de ce qu’ils apprennent dans la vie quotidienne. Une des façons possibles de le montrer aux
63

élèves est d’annoncer les objectifs de la leçon. Malheureusement, sur les 44 enseignants
observés, seulement 9 d’entre eux communiquent d’une manière ou d’une autre les objectifs
de la leçon à leurs élèves, chiffre qui reste trop insuffisant. Cet aspect devrait aussi faire
l’objet de séances de remédiation en formation continue des enseignants.

Pour vérifier si les enseignants s’adaptent au vécu de la classe, nous leur avons posé la
question suivante : « Enseignez-vous tel que vous avez préparé une leçon
donnée ? Pourquoi ? »
Cette question a suscité des réponses de type oui ou non et des arguments explicatifs ont
chaque fois été fournis.

Tableau 12. Respect de la fiche de préparation d'une leçon

Question Réponses Nombre Pourcentage


Enseignez-vous tel que vous Oui 31 70.4
avez préparé une leçon Non 13 29.5
donnée ? Pourquoi ? Total 44 100

Comme on le constate, le discours de la majorité des enseignants révèle qu’ils appliquent en


classe ce qu’ils ont prévu dans leurs préparation (70.4% des enquêtés). Le reste des
enseignants déclarent l’inverse (29.5%).

Pour les premiers, les arguments fournis sont entre autres les suivants : « c’est ma propre
préparation, la préparation permet de bien suivre les étapes et la compréhension des élèves,
la préparation permet de ne pas perdre le temps et atteindre l’objectif, la préparation évite
d’oublier l’un ou l’autre élément important, la préparation me permet de ne pas enseigner les
erreurs, de ne pas bâcler la leçon, il n’y a pas autre chose à enseigner en dehors de la
préparation, le respect de la préparation facilite la dispense de la leçon et le suivi de toutes
les étapes ».

Les informateurs qui s’écartent de la fiche de préparation justifient comme suit leur choix :
« Il faut des modifications pour s’adapter à une situation donnée constatée en classe, l’on ne
doit pas suivre à la lettre sa préparation : tout dépend de la participation des élèves, je
change lorsque les élèves ne comprennent pas, je peux introduire de nouveaux concepts après
64

le constat que les écoliers ne comprennent pas, il faut adapter la leçon quand l’on bute à un
obstacle, c’est le climat de la classe qui me donne l’orientation de la leçon, je suis obligé
d’ajouter des éléments non prévus, par exemple j’ai recours à la traduction en langue
maternelle, le kirundi » .

Signalons que le fait de rester fidèle à ses préparations peut certes signifier qu’on est
méthodique et clairvoyant, mais aussi qu’on est esclave des prescrits officiels, peu créatif et
peu novateur, et que par conséquent on se soucie peu des situations imprévues générées par le
vécu de la classe. Il est fort possible que la plupart des enseignants visités (70,4%) se classent
dans cette alternative.
65

3.3.3. Styles et stratégies adoptés par les enseignants


Il existe plusieurs types de styles et de stratégies de commandement traduisant la nature de
l’intervention et de l’organisation pédagogiques : autocratique, démocratique, laisser-faire,
etc. (De Vries, 2010). Chaque style, chaque stratégie a une incidence sur la participation et
l’implication des élèves dans le processus d’enseignement-apprentissage (Bernabé & Dupont,
2001). Le tableau ci-dessous fait état justement des styles et stratégies utilisés par les
enseignants observés.

Tableau 13. Interventions pédagogiques et organisationnelles: styles et stratégies de


l'enseignant
Item Fréquence Pourcentage
1. Enseignant autoritaire Oui 12 27,3
Non 32 72,7
Total 44 100,0
2. Enseignant démocratique Oui 35 79,5
Non 9 20,5
Total 44 100,0
3. Méthodes pédagogiques en lien avec les Oui 41 93,2
activités demandées aux élèves Non 3 6,8
Total 44 100,0
4. Stratégie interactive : enseignant qui mène Oui 40 90,9
une leçon en interrogeant les élèves Non 4 9,1
Total 44 100,0
5. Remédiation Oui 24 54,5
Non 20 45,5
Total 44 100,0
6. Enseignant qui encourage l’autocorrection et Oui 36 81,8
la correction par les pairs Non 8 18,2
Total 44 100,0

À travers le Tableau 13, il y a lieu de noter que 93,2% des enseignants observés exploitent les
méthodes pédagogiques en lien avec les activités qu’ils proposent à leurs élèves, tandis que
dans une large proportion de 90,9% et de 81,8% respectivement, les enseignants favorisent
l’interaction à travers la méthode interrogative et donnent aux élèves l’occasion de
s’auto-corriger et de se faire corriger par les pairs. On aura noté, aussi, que 79,5% des
enseignants adoptent globalement un style démocratique dans leurs interventions, en donnant
l’occasion aux élèves d’exprimer librement ce qu’ils pensent.
66

Ces chiffres n’appellent pas de commentaire particulier, sauf qu’il faut y voir l’indice de
l’implantation progressive, dans le système éducatif burundais, des postures propres aux
pédagogies actuellement en vogue centrées sur l’apprentissage et non sur l’enseignement.
C’est ainsi que, par exemple, dans le but de vérifier si les enseignants adaptent leurs méthodes
pédagogiques au type de leçon, il leur a été demandé de répondre à la question suivante :
« Enseignez-vous toutes les leçons de la même manière (grammaire, expression écrite,…)?
Qu’est-ce qui détermine vos choix méthodologiques ? ».
La configuration des réponses recueillies montre que la conscience d’une démarche active est
en train de prendre forme

Tableau 14. Type d’enseignement par catégorie de leçon

Question Réponses Nombre Pourcentage


Enseignez-vous toutes les leçons de la Oui 2 4.5
même manière (grammaire, expression Non 42 95.4
écrite,…), qu’est-ce qui détermine vos choix Total 44 100
méthodologiques ?

La lecture de ce tableau indique que la grande majorité des enquêtés déclarent ne pas
enseigner toutes les leçons de la même manière (95.4%), tandis que la minorité (4.5%)
affirme le contraire. Pour justifier leur choix, les premiers estiment que l’on ne peut pas, par
exemple, enseigner de la même manière la grammaire et l’expression orale, l’étude de texte et
la conjugaison, dès lors que certaines leçons exigent des interactions alors que d’autres
demandent une méthode expositive traditionnelle.
Quant à ceux qui disent s’y prendre partout de la même manière, ils le justifient en avançant
qu’ils ont recours systématiquement à la méthode interrogative quelle que soit la leçon du
jour.
Mais comme nous l’avons signalé, outre que les déclarations des sujets en situation d’enquête
sont toujours à prendre avec précaution, les réflexes traditionnels ne sont pas encore
complètement disparus, puisqu’une proportion non négligeable de 27,3% des enseignants sont
catégorisés d’autoritaires. Corollairement, les observations ont mis en évidence le manque
prononcé d’actions de remédiation en classe (soit 45,5%), ce qui constitue une lacune
méthodologique regrettable.
Pour pousser plus loin l’analyse, nous avons effectué un test de corrélation bivariée entre les
variables relatives aux styles et aux stratégies de l’enseignant. Dans le tableau qui suit, nous
67

mettons en évidence (en couleur bleue) les différentes corrélations statistiquement


significatives (Tableau 15).
68

Tableau 15. Test de corrélation entre les variables relatives aux styles et aux stratégies de l'enseignant

Corrélations
Enseignant Enseignant Méthodes Stratégie Remédiation Enseignant qui
autoritaire démocratique pédagogiques interactive : individuelle encourage
en lien avec les Enseignant l’autocorrection et
activités qui mène une la correction par
demandées aux leçon en les pairs
élèves interrogeant
les élèves
Rho de Enseignant Coefficient 1,000 -,575** 0,166 0,194 -0,261 0,024
Spearman autoritaire de
corrélation
Sig. 0,000 0,283 0,208 0,087 0,877
(bilatéral)
N 44 44 44 44 44 44
Enseignant Coefficient -,575** 1,000 ,310* 0,232 ,329* 0,199
démocratique de
corrélation
Sig. 0,000 0,041 0,130 0,029 0,195
(bilatéral)
N 44 44 44 44 44 44
Méthodes Coefficient 0,166 ,310* 1,000 ,542** 0,296 0,106
pédagogiques de
en lien avec les corrélation
activités Sig. 0,283 0,041 0,000 0,051 0,492
demandées aux (bilatéral)
élèves N 44 44 44 44 44 44
**
Stratégie Coefficient 0,194 0,232 ,542 1,000 0,029 ,466**
interactive : de
Enseignant qui corrélation
mène une leçon Sig. 0,208 0,130 0,000 0,852 0,001
en interrogeant (bilatéral)
les élèves N 44 44 44 44 44 44
69

Remédiation Coefficient -0,261 ,329* 0,296 0,029 1,000 0,043


individuelle de
corrélation
Sig. 0,087 0,029 0,051 0,852 0,782
(bilatéral)
N 44 44 44 44 44 44
Enseignant qui Coefficient 0,024 0,199 0,106 ,466** 0,043 1,000
encourage de
l’auto-correctio corrélation
n et la Sig. 0,877 0,195 0,492 0,001 0,782
correction par (bilatéral)
les pairs N 44 44 44 44 44 44
**. La corrélation est significative au niveau 0.01 (bilatéral).
*. La corrélation est significative au niveau 0.05 (bilatéral).
70

Ce qu’il faut en retenir à titre illustratif du tableau précédent (Tableau 15), c’est qu’un
enseignant usant d’un style démocratique (ce style a été remarqué chez la majorité des
enseignants) est un enseignant idéal. Celui-ci utilise des méthodes pédagogiques en lien avec
les activités demandées aux élèves (rp = 0,310*) et propose des situations de remédiation en
réaction aux difficultés d’apprentissage constatées chez ses apprenants (rp = 0, 329*) en
mettant en œuvre les stratégies interactives qui, beaucoup plus que les autres, poussent les
élèves à se corriger eux-mêmes ou à se faire corriger par leurs camarades de classe (rp
= 0,466**).

3.4. Gestion didactique-épistémique

Trois paramètres nous ont permis de mesurer l’ampleur de cette dimension : l’aspect
épistémique/développement conceptuel et conceptualisation, la gestion didactique des
contenus ainsi que le comportement linguistique des enseignants de français dans leurs
prestations.

3.4.1. Gestion épistémique/développement conceptuel et conceptualisation


Sous cet angle, il s’agissait de vérifier dans quelle mesure l’enseignant met en place des
situations permettant aux élèves d’appendre des concepts nouveaux d’une part, et de réfléchir
d’autre part. Le Tableau 16 ci-dessous fait état des résultats obtenus sur la question de
l’épistémologie/développement conceptuel.

Tableau 16. Gestion épistémique d'une leçon: apprentissage des concepts nouveaux et
réflexion chez les élèves

Item Fréquence Pourcentage


L’enseignant met en place des Oui 31 70,5
situations permettant d’apprendre Non 13 29,5
des concepts nouveaux Total 44 100,0
L’enseignant met en place des Oui 32 72,7
situations permettant aux élèves de Non 12 27,3
réfléchir Total 44 100,0

Les résultats apparaissant sur ce tableau indiquent que plus de 70% des enseignants observés
en train de prester mettent en place des situations permettant le développement conceptuel et
la réflexion chez les élèves. Cependant, il faut noter que, à l’inverse, nous avons comptabilisé
29,5% des enseignants et 27,3% qui, respectivement, n’ont pas pu proposer des activités
71

spécifiques pour l’apprentissage des concepts nouveaux et/ou incitant leurs élèves à la
réflexion. Ces proportions ne sont pas à négliger. Cette lacune serait-elle inhérente à la nature
de la leçon ou aux compétences professionnelles personnelles des enseignants ? S’il est vrai
que toutes les leçons observées ne se prêtaient pas aisément à la conceptualisation et à la
réflexion, il n’est pas moins vrai que cette compétence exige une certaine formation
méthodologique à laquelle bon nombre d’enseignants observés n’ont pas encore eu droit.
La gestion didactique-épistémique se matérialise aussi à travers la gestion didactique des
contenus.

3.4.2 Gestion didactique des contenus


En observant les pratiques de classe des enseignants de français en 5ème année fondamentale
burundaise, nous avons cherché à savoir si l’enseignant donne systématiquement la consigne
de l’activité, disponibilise les supports à utiliser, alterne le travail individuel, en binômes et en
groupes, et sait partir des erreurs des élèves pour les faire accéder au savoir visé, tout cela
constituant des indices de la gestion didactique des contenus. Voici ce que nous avons obtenu
comme résultats quantifiés.

Tableau 17. Gestion didactique des contenus

Pourcentag
Item Fréquence e
L’enseignant donne systématiquement Oui 25 56,8
la consigne de l’activité, les supports à Non 19 43,2
utiliser et le mode de regroupement
(individuel, en groupes)
Total 44 100,0
L’enseignant sait partir des erreurs des Oui 26 59,1
élèves pour les faire accéder au savoir Non 18 40,9
visé Total 44 100,0

Force est de noter que par rapport aux dimensions précédentes de la pratique pédagogique, la
gestion didactique des contenus présente des scores mitigés. Une faible majorité des
enseignants visités (56,8%) donne des consignes claires à l’activité projetée, disponibilise les
supports à utiliser et alterne le travail individuel, en binômes et en groupes. Ce pourcentage
est à prendre avec des réserves. En effet, les supports de cours sont très limités dans tout le
système fondamental tandis que les effectifs par classe ne permettent pas un quelconque
regroupement, encore moins dans une leçon de langue.
72

Concernant la remédiation, 59,1% des enseignants se sont montrés capables de prendre appui
sur les erreurs que commettent les élèves pour leur faire accéder au savoir. Mis à part le fait
que la proportion inverse est trop importante (40,9%), certains enseignants, on l’a déjà dit, se
sont montrés incapables d’accueillir avec bienveillance les réponses erronées des élèves.

Convaincus que les ressources exploitées par les enseignants pour préparer leurs leçons
peuvent révéler la nature des contenus et de savoirs qu’ils privilégient, nous les avons invités
à répondre à la question suivante : « Quelles sont les ressources visitées pour préparer et
enseigner le français ? »

Sur les 44 informateurs approchés, 36 déclarent s’en remettre exclusivement au manuel de


l’élève et au guide de l’enseignant : « J’utilise le livre de l’élève et le livre du maître » ; « Je
visite le livre de l’élève 4e et le livre du maître 4e ».

Seulement 8 enseignants déclarent utiliser qui un dictionnaire, qui un livret de conjugaison, ou


encore d’autres ouvrages sans être précis : « J’utilise le livre du maître et le dictionnaire » ;
« Je lis, en plus des manuels, le dictionnaire » ; « J’utilise le livret de conjugaison et le
dictionnaire » ; « J’utilise les livres pour enseigner le français » ; « Je recours aux livres ».
Dans le même ordre d’idées, à la question « Suivez-vous à la lettre ce qui est proposé dans les
guides/livres de l’enseignant ? Pourquoi ? », voici les réponses qu’on a pu recueillir :

Tableau 18. Suivi rigoureux du guide de l’enseignant

Question Réponses Nombre Pourcentage


Suivez-vous à la lettre ce Oui 21 47.7
qui est proposé dans les Non 23 52.2
guide/livre de Total 44 100
l’enseignant ? Pourquoi ?

Le tableau indique que les enseignants qui ne suivent pas à la lettre le guide de l’enseignant
sont un peu plus nombreux (52.2%) par rapport à ceux qui ne le suivent pas à la lettre.
(47.7%).

Les enseignants qui déclarent ne pas suivre à la lettre le guide de l’enseignant estiment qu’il
faut adapter l’intervention au vécu de la classe et évoquent entre autres les arguments
suivants : « il faut adapter la méthodologie à la situation, je fais des adaptations pour
73

permettre aux apprenants de mieux comprendre, des fois je change en fonction de la


progression de leçons que je peux scinder en fonction de leur longueur, nous faisons des
adaptations en fonction de la matière enseignée car les élèves ont un niveau bas, il n’est pas
recommandé d’être trop livresque car il est inaccessible pour les écoliers faibles : il nous faut
une adaptation, je privilégie ce qui permet à mes apprenants de progresser, il y a des ajouts
pour renforcer les connaissances des élèves, les exercices prévus dans le fichier du maître ne
sont pas adaptés au contexte des élèves, je m’adapte un peu au climat de la classe, je change
de stratégies surtout lorsque je vois que les enfants ne comprennent pas ».

Ceux qui suivent scrupuleusement le guide estiment quant à eux que les références officielles
se suffisent à elles-mêmes. Ils ajoutent que ce sont des exigences auxquelles l’on doit se
conformer pour rester en ordre professionnellement : « Les indications du guide sont
suffisantes, le fichier du maître est bien préparé, les préparations proposées sont complètes et
suffisantes, c’est pour ne pas aller en dehors de ce qui est exigé, le guide permet de bien
dispenser le cours, on ne doit pas sauter une étape pour atteindre un objectif, il faut respecter
le programme indiqué et la matière qui a été élaborée, on doit suivre le programme car aller
en dehors serait aller à l’encontre de la méthodologie proposée, c’est le programme de l’état
et l’on doit le suivre à la lettre, nous faisons un examen commun au niveau communal ».

Selon nous, la tendance dominante chez les enseignants est de suivre à la lettre les prescrits
des documents officiels car cela leur évite un travail supplémentaire. Invités à formuler leurs
souhaits les plus significatifs, ils suggèrent, entre autres, que toutes les leçons-modèles soient
présentées dans le guide du maître pour éviter que chaque enseignant s’y prenne à sa
manière : « Il faudrait que les concepteurs de programmes mettent toutes les leçon- modèles
dans le livre du maître ». De même, les enseignants déplorent le fait que certains chapitres, en
l’occurrence la concordance des temps, la phonétique et la voix passive/active, ne sont pas
prévues en classe de 5ème alors qu’ils sont indispensables pour asseoir une bonne
prononciation et entraîner à la formation des phrases.
Si les enseignants voyaient tant de nécessité à enseigner ces chapitres, pourquoi ils ne
prendraient pas l’initiative de les ajouter à ce qu’ils enseignent ? On aura constaté que, à la
section précédente, 36 enseignants sur les 44 interrogés déclarent s’en remettre exclusivement
aux livres du maître et de l’élève pour préparer et enseigner les leçons de français. C’est dire
que dans les pratiques pédagogiques des enseignants observés, il y a peu de place pour
l’initiative, la créativité et l’innovation.
74

3.4.3. De l’utilisation de la langue française comme langue d’enseignement


Au Burundi, c’est à partir de la 5ème année fondamentale que, jusque-là langue enseignée, le
français devient la langue d’enseignement et désormais pour tout le reste de la scolarité, en
remplacement de la langue maternelle, le kirundi. Ce changement entraîne auprès des élèves
des difficultés de compréhension en langue française comme l’indiquent les enseignants
enquêtés. Les apprenants développent une peur d’apprendre et de parler le français en classe.
Les enquêtés soulignent en outre que les élèves sont démotivés à apprendre le français, ce qui
se traduit par une lassitude visible et des dérangements en classe.
Comme cette langue étrangère cohabite avec d’autres langues, et plus particulièrement avec le
kirundi langue maternelle, son enseignement s’effectue dans des conditions délicates, où le
recours au kirundi pour mieux asseoir les compétences en français devient une nécessité
conformément à la didactique du bi-plurilinguisme. Nous avons donc tenté d’explorer la
manière dont cette coexistence des langues est gérée en classe de français en nous appuyant
sur deux indicateurs, le recours alternatif aux deux langues et l’utilisation d’un niveau de
langue adapté au niveau des élèves.

Tableau 19. Gestion didactique des contenus: plurilinguisme et enseignement du français

Item Fréquence Pourcentage


Mélange fréquent de langues Oui 29 65,9
pendant l’enseignement du français Non 15 34,1
Total 44 100,0
Oui 29 65,9
Utilisation d’un niveau de langue Non 15 34,1
adapté au niveau des élèves Total 44 100,0

Comme le montre le Tableau 19 présenté ci-dessus, 65,9% des enseignants observés


mélangent le français et le kirundi au cours de l’enseignement du français, et le même
pourcentage des enseignants adaptent leur langage au niveau des élèves.
L’adaptation du langage au niveau des élèves n’appelle pas de commentaire particulier, sauf
que c’est un effort louable à encourager pour ce niveau-charnière en ce qui concerne
l’enseignement du français.

S’agissant du recours alternatif au kirundi et au français, les enseignants appliquent en


majorité les recommandations officielles, qui sont sans équivoque à ce sujet : il est permis aux
enseignants de mélanger les langues pendant l’enseignement, afin de susciter la
75

compréhension (Curriculum, 2015). En interview, des enseignants reconnaissent que le


recours au kirundi langue maternelle permet d’expliquer certaines notions de français: « Je
mélange le français et le kirundi pour faciliter la compréhension » ; « J’utilise le kirundi pour
expliquer ».
Toutefois, alors que l’on se serait attendu à ce que cette façon de faire soit le résultat d’une
stratégie volontaire de recourir à la didactique plurilingue reconnue comme très efficace dans
un tel environnement, il semble que l’usage alternatif des deux langues est plutôt dicté par le
sentiment que tous les élèves n’ont pas le niveau requis pour tout comprendre en français.
L’enseignant utilise donc le kirundi pour davantage se faire comprendre en classe que pour
s’en servir comme tremplin à la meilleure compréhension de la langue seconde. C’est dire
que, en la matière, la pédagogie convergente ou de l’intégration n’est pas encore de mise, et
une formation à grande échelle sur la didactique du plurilinguisme est plus qu’une nécessité.
Cette formation est d’autant plus nécessaire que même les directives officielles ne semblent
pas précises sur le point, puisque le recours à la langue maternelle n’est pas perçu comme une
stratégie visant l’acquisition d’une compétence plurielle, donc en L1 et en L2, mais destiné
simplement à faire comprendre les concepts de L2.
Cela dit, il faut déplorer le fait que le pourcentage des enseignants qui ne recourent pas au
mélange des langues dans leur classe et qui utilisent un langage non adapté au niveau des
élèves reste élevé (34,1%). C’est encore une fois la preuve que des actions de remédiation à
l’endroit des enseignants sont à entreprendre.

Sous un autre angle, d’après nos observations, il nous a semblé que certains enseignants n’ont
pas suffisamment de compétences langagières qui leur permettent de s’exprimer aisément en
permanence en français. Pour cette catégorie d’enseignants, le recours au kirundi ne relève
pas d’un choix méthodologique raisonné, mais c’est plutôt l’indice d’une incompétence
linguistique en français. Cette observation est d’autant plus probable que, lorsque nous avons
analysé le fichier du maître, nous y avons trouvé des erreurs d’orthographe et de grammaire
que certains enseignants ne parviennent ni à remarquer ni à corriger, et qui sont transmises tel
quel aux élèves.
Le gros des enseignants visités recourent à un usage abusif du kirundi. La majorité des
enseignants se sont exprimés à plus de 90% en kirundi dans une leçon de français. Le français
est enseigné quasiment en kirundi : « Ihweze neza iri ryungane »/ « Observez bien cette
phrase », « si on observe ces GN duca tubona ko izi GN zidasa »/ « Si on oberve ces GN nous
constatons qu’ils sont différents », « Iyi ica yitwa pronom personnel »/ « Celui-ci s’appelle
76

pronom personnel», « Gaston ishobora gusubirirwa na pronom personnel »/« Gaston peut être
remplacé par un pronom personnel », « Hanagura harya »/« Effacez par là », « Dukore
umwimenyerezo ukwirikira »/« Faisons l’exercice ci-après », « Twabonye deux sortes
d’articles »/« Nous avons vu deux sortes s’articles ».

A cela s’ajoute des traductions souvent erronées : « Abenegihugu bakoreye urusengo »/ « les
paysans aménagent la fontaine » au lieu de « Les paysans entretiennent la fontaine ».
Le constat a été qu’il y a des mots, des expressions et des structures syntaxiques élémentaires,
qui auraient dû être maitrisés depuis longtemps, mais qui ne le sont pas encore en 5ème année,
malgré que le français est enseigné depuis la 1ère année. Le résultat est un usage quasi-exclusif
du kirundi même pour des phrases couramment utilisées en classe, comme « effacez le
tableau, lisez, écoutez, prenez vos livres à la page.., regardez, comment appelle-t-on…? », etc.

C’est surtout lors des leçons d’étude de texte et de vocabulaire que les lacunes des élèves
s’observent le plus. En présence de constructions syntaxiques et de concepts nouveaux, les
apprenants n’arrivent pas à décoder le message. Ils ont aussi de la peine à lire un texte ou une
phrase en français. Leur prononciation laisse à désirer, tout comme celle de leurs enseignants,
comme en témoignent ces quelques exemples de mauvaises articulations recueillis sur le vif :
« pronom pélésonel », au lieu de « pronom personnel », « c’est coleguite » au lieu de « c’est
correct ». Il en est de même pour les fautes d’orthographe : « les époux pondent des œufs »
au lieu de dire « les poux pondent des œufs », etc.

3.5. Besoins formulés par les enseignants de français

A la question « Quels sont les besoins que vous pouvez formuler pour améliorer vos
prestations ? », les enseignants de 5ème année fondamentale ont émis des suggestions qui
peuvent être regroupées en quatre rubriques : les suggestions en rapport avec le
réaménagement du programme, celles relatives à la fourniture de matériel, à l’amélioration
des conditions de vie des enseignants et d’enseignement/apprentissage en général.
Pour ce qui est du réaménagement du programme, les enseignants déplorent le fait que le
programme de français de 4ème année n’arrive pas à être terminé avant que les élèves n’entrent
en 5ème. Il s’ensuit que les enseignants des classes de 5ème sont obligés de consacrer les deux
premiers trimestres de l’année au contenu des manuels de 4ème avant d’entamer celui de leur
classe. Cela a pour conséquence que les manuels de 4ème sont partagés par les deux classes
pendant l’enseignement-apprentissage, ce qui constitue un désagrément majeur. L’une des
77

conséquences directes de cette mesure a été la réduction du nombre de séances jusque-là


consacrées à l’enseignement du français, sans pour autant réduire le programme de cette
langue, dans le but de trouver des plages horaires à consacrer aux autres langues (le kiswahili
et l’anglais). Les enseignants suggèrent que les programmes de français soient stables et
proportionnels au calendrier scolaire, tout en tenant compte des disciplines majeures, en
l’occurrence le français, et des disciplines secondaires (le sport, le dessin, le chant,…). Les
enquêtés formulent comme suit leurs souhaits: « Elaborer des programmes stables et
proportionnels au calendrier scolaire », « Préciser les disciplines majeures et les disciplines
secondaires afin d’augmenter la charge horaire des majeures ».
Cela permettrait au français de récupérer les séances qu’il a cédées aux langues nouvellement
introduites à l’école primaire, à savoir l’anglais et le kiswahili. Dans le même ordre d’idées,
les informateurs suggèrent que toutes les leçons modèles soient présentées dans le guide du
maître pour éviter que chaque enseignant s’y prenne à sa manière : « il faudrait que les
concepteurs de programmes mettent toutes les leçons modèles dans le livre du maître ».

De même, comme le signalent les enseignants interviewés, les manuels scolaires sont en
nombre insuffisant ou sont dans un état tellement vétuste que certaines pages sont déchirées.
Selon les enseignants, il faudrait que les livres/manuels soient multipliés afin de permettre à
chaque élève d’en avoir un. Cela rendrait plus facile la révision à la maison. Dans la même
logique, le matériel et les supports didactiques sont un impératif pour assurer un enseignement
de français de qualité. C’est la raison pour laquelle le matériel tel que les postes de radio, de
télévision, les Cd-Rom, etc. sont nécessaires pour l’enseignement de certaines compétences
langagières en 5ème année : « Il faudrait augmenter le nombre de livres des élèves et des
enseignants », « Fournir le matériel scolaire suffisant », « Rendre disponible le matériel
audio-visuel tel les postes de radio, les postes téléviseurs, les Cd-Rom ».

Du côté des conditions de vie des enseignants, leurs propositions convergent vers
l’augmentation de leur salaire. Ils proposent aussi que l’état les consulte avant de prendre des
décisions importantes comme la réforme et le redéploiement des enseignants. Il faudrait enfin
que l’état recrute régulièrement (chaque année) des enseignants en fonction de l’augmentation
de la population scolaire :« Il faudrait augmenter le salaire des enseignants », « que l’État
établisse un dialogue entre les enseignants avant de prendre des décisions concernant les
enseignants ; ici, je peux donner l’exemple du redéploiement », « Recruter les nouveaux
enseignants ».
78

Enfin, les conditions d’enseignement-apprentissage dans leur ensemble devraient être


améliorées, selon les enseignants. En effet, les conditions matérielles laissent à désirer. Les
enseignants signalent une insuffisance de bancs-pupitres et l’exiguïté des salles de classe, ce
qui tranche avec la pléthore d’élèves de la classe de 5ème année. Ils indiquent aussi que, à
plusieurs endroits, les vitres des classes sont cassées. Pendant la période pluvieuse, les élèves
ont du mal à suivre les cours puisqu’ils s’agglomèrent sur la rangée du milieu de la classe
pour éviter d’être mouillés.
Des actions concrètes doivent être envisagées et mises en application. Il faudrait, entre autres
actions, construire des écoles en fonction de l’évolution du nombre des apprenants. Il faudrait,
selon les enseignants, organiser des formations continues au profit des enseignants, augmenter
les bancs-pupitres en classe, revoir les conditions de passage d’une classe à l’autre, faire un
suivi régulier des enseignants et des élèves, réduire le nombre d’élèves par classe, renforcer le
niveau de français dès les premiers degrés et instituer formellement le temps de renforcement.
Notons que le bas niveau constaté unanimement chez les élèves en français n’est pas de nature
à faciliter l’enseignement/apprentissage. Les enseignants enquêtés signalent que les
conditions de passage d’une classe à une autre sont très allégées. Par conséquent, les élèves
ayant un niveau faible avancent sans avoir acquis les compétences nécessaires pour affronter
la classe de 5ème année. En plus, les parents ne sont pas aptes à faire un suivi à la maison étant
donné que la plupart d’entre eux n’en ont pas les habiletés ou alors n’en ont pas le temps.
Un autre problème soulevé est la non-motivation des élèves à apprendre le français. Cela
serait lié au chômage observé dans le pays, une situation qui amènerait les apprenants à
adopter un comportement négatif vis-à-vis de l’école et des activités scolaires. Ce sentiment
négatif envers les activités scolaires apparaît à travers plusieurs types de manifestations : les
élèves n’aiment plus réviser les cours, dérangent en classe et se présentent avec retard à
l’école.
79

Conclusion générale

Au terme de ce travail, le moment est venu de faire un bref bilan de nos investigations. Notre
recherche s’inscrit dans le contexte de la réforme de l’Ecole Fondamentale du Burundi,
instaurée depuis 2013. Non seulement cette réforme a entraîné une reconfiguration des
niveaux et des cycles de l’enseignement primaire et secondaire, mais aussi elle a renouvelé les
contenus et les méthodes d’enseignement. Nous nous sommes donc proposés d’explorer dans
quelle mesure cette réforme est vécue quotidiennement par les enseignants, en explorant leurs
pratiques de classe. Comme il n’y avait pas moyen de porter le regard sur toutes les
disciplines et sur toutes les classes de l’école fondamentale, notre choix a été porté sur le
français en 5ème année Fondamentale, pour les raisons que nous avons amplement exposées
dans le corps du texte.

Au premier chapitre de ce travail, nous avons planté le décor dans lequel s’applique la
réforme de l’Ecole Fondamentale burundaise. Il était nécessaire que le lecteur soit mis dans le
bain du système éducatif burundais et de ses statistiques en lien avec notre recherche, en
plaçant la réforme de l’Ecole Fondamentale dans le contexte des nombreuses autres réformes
éducatives qui l’ont précédée. Entre autres constats, on aura noté l’instabilité du système
éducatif du pays tant au niveau de ses structures que de ses orientations pédagogiques et
méthodologiques, ainsi qu’une évolution déséquilibrée des infrastructures et des effectifs
scolaires. La tendance constante est que les effectifs des élèves montent plus rapidement que
les infrastructures et équipements d’accueil.
Le second chapitre a été consacré à l’exposition du cadre théorique et de la méthodologie de
la recherche.
S’agissant des fondements théoriques, nous avons placé nos réflexions dans le paradigme des
théories pédagogiques modernes accordant une place privilégiée à l’apprentissage plutôt qu’à
l’enseignement. En effet, dans le cadre de la réforme de l’école fondamentale, les directives
gouvernementales insistent sur le principe de la « centration sur l’apprenant ». Nous avons
donc exploré la littérature en vogue pour tenter de définir et de circonscrire ce concept et ses
prolongements.
Quant à la démarche méthodologique, nous nous sommes inspirés des propositions suggérées
dans le cadre des recherches d’OPERA, dont l’avantage principal est de porter sur des
situations subsahariennes qui sont très proches de celle du Burundi. Ainsi, après une phase de
pré-enquête qui nous a permis de tester nos instruments de recherche, nous avons procédé à
80

l’observation directe de 44 leçons de français de 5ème année. A la fin de chaque leçon


observée, un entretien semi-directif avec l’enseignant a été réalisé. Les résultats obtenus ont
subi une analyse intégrant les aspects à la fois quantitatif et qualitatif.
La présentation, l’analyse et l’interprétation des résultats font l’objet du troisième chapitre.
Pour répondre à nos questions de recherche, nous avons groupé et analysé les résultats en
fonction de cinq dimensions : le profil professionnel des enseignants, le climat relationnel
entretenu en classe, la nature des interventions pédagogico-organisationnelles, le type de
gestion didactico-épistémique, ainsi que les souhaits formulés par les enseignants.
S’agissant du profil professionnel des enseignants observés, le constat est que la majorité des
enseignants ont une formation initiale adéquate et une expérience professionnelle suffisante.
Nous avons néanmoins noté qu’un enseignant sur cinq estime que ses compétences pour
l’enseignement du français ne sont pas suffisantes. Cette lacune déclarée aurait pu être
comblée par la formation continue, mais plus de 80% des enseignants n’en ont jamais
bénéficié.
Le climat entretenu dans les classes s’est révélé généralement bon, sauf pour l’aspect de la
valorisation des réponses « erronées » des élèves. Plus d’un enseignant sur cinq s’y montre
hostile, verbalement et parfois même physiquement. Dans le même ordre d’idées, nous avons
remarqué, dans l’ensemble, que les interventions des enseignants sont de nature à instaurer un
climat de bienveillance. Il n’en demeure pas moins que 52.3% des enseignants observés
affichent toujours la ferme intention de s’imposer en classe, ce qui constitue une survivance
tenace des méthodes traditionnelles. Enfin, un autre aspect à signaler est la participation active
des élèves en classe, sauf dans des rares cas de retard et d’absence dus aux difficultés
familiales de certains élèves.

Sous l’angle des interventions pédagogiques organisationnelles, plus de 90% des enseignants
observés gèrent efficacement l’espace-classe, tandis que 88.6% des enseignants distribuent
convenablement la parole aux élèves en suscitant en même temps leur participation. Les
étapes de la leçon ont été respectées dans l’ensemble et les objectifs de la leçon ont été atteints
par la plupart des enseignants. Nous avons néanmoins noté que seuls 9 enseignants sur 44 ont
communiqué les objectifs de la leçon aux élèves, ce qui constitue une entrave à la motivation
de ces derniers, tandis que 42.3% des enseignants n’arrivent pas à respecter le timing de la
leçon. Parallèlement, 22.7% des enseignants observés n’atteignent pas l’étape de vérification
des acquis par des exercices d’application. Même si les enseignants tentent de justifier ces
manquements par le lent rythme de compréhension des élèves, nous estimons que c’est aux
81

enseignants qu’incombe la tâche d’y trouver remède. Un autre aspect qui a retenu notre
attention est le suivi rigoureux que les enseignants réservent à leur fiche de préparation
(70.5%) ainsi qu’au guide du Maître (47.7%). Au-delà du respect apparent des directives
officielles par les enseignants, il nous a semblé que cela dénotait un manque d’initiative et
d’innovation de leur part.
La dimension « gestion didactique-épistémique » a également retenu notre attention. Il
s’agissait de vérifier si l’enseignant met en place les activités favorisant la réflexion et la
conceptualisation des apprentissages, tout en adoptant une communication linguistique
efficace. Sous cette rubrique, nous avons comptabilisé respectivement 29.5% et 27.3% des
enseignants qui n’ont pas pu proposer des activités spécifiques pour l’apprentissage des
concepts nouveaux et/ou incitant leurs élèves à la réflexion. Même si toutes les leçons ne
nécessitent pas la conceptualisation, les compétences professionnelles personnelles des
enseignants y sont aussi pour quelque chose. Dans le même ordre d’idées, près de la moitié
des enseignants observés (43.2%) n’arrivent pas à donner des consignes claires à l’activité
projetée ni à rendre disponibles les supports à utiliser. Ces lacunes méthodologiques nous
semblent donc suffisamment répandues pour justifier une formation spécifique des
enseignants.
Quant au comportement linguistique des enseignants face au plurilinguisme kirundi langue
maternelle des élèves et français langue seconde et d’enseignement, nous avons estimé à 90%
le recours au kirundi dans la leçon de français, non pas comme une stratégie pédagogique
d’application d’une didactique plurilingue, mais davantage comme un moyen de se faire
comprendre par les élèves, tant leur niveau en français est insuffisant. Dans d’autres cas, les
enseignants utilisent le kirundi faute de pouvoir eux-mêmes s’exprimer et se faire comprendre
en continu en français. C’est dire que les formations en faveur des enseignants devraient aussi
viser les connaissances disciplinaires en français des enseignants.
Le dernier aspect analysé par notre recherche est en rapport avec les besoins formulés par les
enseignants. Les suggestions des enseignants à ce sujet touchent le réaménagement des
programmes dans leur ensemble, la fourniture du matériel et des équipements, et
l’amélioration des conditions de vie des élèves et des enseignants.
Le réaménagement des programmes est dicté par le fait que la réforme a contribué à réduire le
nombre d’heures consacrées à l’apprentissage du français, alors que la matière est restée la
même. C’est ainsi que le programme n’est jamais achevé et que les enseignants de 5ème se
retrouvent dans l’obligation de parachever d’abord le programme de 4ème. Les enseignants
82

suggèrent donc d’ « élaborer des programmes stables et proportionnels au calendrier scolaire »


en veillant à augmenter la charge horaire des disciplines majeures comme le français. Le bas
niveau actuel des élèves en français langue d’enseignement a une incidence négative sur
l’ensemble du système.
S’agissant du matériel et des équipements, les enseignants mettent l’accent sur la nécessité de
viabiliser les salles de cours, de multiplier les équipements scolaires comme les
bancs-pupitres, les manuels scolaires, le matériel moderne spécialisé pour l’enseignement des
langues comme les TIC et les appareils audio-visuels.
Enfin, les conditions sociales des élèves et des enseignants ne sont pas propices à un
rendement scolaire optimal. La paupérisation touchant la majorité des familles burundaises
casse la motivation des élèves pour apprendre. Du côté des enseignants, les conditions
salariales sont insatisfaisantes.
Voilà donc les idées-forces qui se dégagent de notre étude sur les pratiques de classe dans
l’enseignement du français en 5ème année, dans le contexte de la récente réforme de l’école
fondamentale burundaise. Nous sommes persuadés que notre objectif de départ a été atteint, et
que notre questionnement a trouvé réponse dans nos analyses. En effet, nous avons pu décrire
les conditions dans lesquelles se déroule l’enseignement/apprentissage du français en 5ème
année fondamentale. Affirmons que, dans l’ensemble, les innovations pédagogiques prônées
par la réforme de l’école fondamentale, appliquée depuis 2013, sont intégrées et appliquées
par les enseignants sur le terrain. Ces innovations touchent l’ensemble des interventions
pédagogiques, à savoir le climat relationnel prévalant dans les classes, la gestion des savoirs
et des apprentissages, les difficultés contextuelles et personnelles handicapant l’action de
l’enseignant.
Les aspects qui nécessitent un redressement ont été mis en évidence par nos analyses, ainsi
qu’à travers nos recommandations ci-dessous.
Néanmoins, nous sommes conscients que le sujet n’a pas pu être épuisé, tant les données
recueillies pourraient conduire à de nombreuses autres avenues. Aussi recommanderions-nous
à d’autres chercheurs de nous compléter, en explorant par exemple l’impact de la même
réforme sur l’enseignement/apprentissage des autres disciplines linguistiques que le français,
ou sur celui des disciplines non-linguistiques.
Enfin, voici en quelques lignes les recommandations principales qui se dégagent de notre
étude :
83

1. Doter le système éducatif d’un budget conséquent afin d’améliorer les conditions
d’enseignement/apprentissage dans leur ensemble : infrastructures, équipements, matériel et
conditions de vie des enseignants ;
2. Respecter les directives officielles qui instaurent, en faveur des enseignants, le droit à la
formation continue de façon régulière ;
3. Impliquer les enseignants dans la conception et la mise en œuvre de toute réforme
éducative ;
4. Former les enseignants à la pédagogie active en contexte burundais (tenant compte des
contraintes locales comme le grand nombre d’élèves par classe…) ;
5. Concevoir, organiser et assurer les formations continues des enseignants en vue de
renforcer leurs compétences en français (connaissances disciplinaires, communication,
expression orale et écrite). Ces formations seraient précédées par une analyse préalable des
besoins réels des enseignants pour maximiser leur efficacité;
6. Introduire la didactique du plurilinguisme dans la formation initiale et continue des
enseignants.
84

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88

Annexes

1. Lettre de demande d’autorisation d’effecteur l’enquête


89
90

2. Les outils d’enquête


a) Grille d’observation des pratiques de classe
Domaine Dimension Items Ou No Observations
i n
1.Climat relationnel 1.1.Climat ● Interactions verbales positives
● Bienveillance
● Valorisation des élèves
● Critiques envers les élèves
● Interactions verbales négatives
● Propos dégradants
1.2.Rigidité ● Excès de contrôle
● Imposition de l’enseignant
3.3.Attitude des élèves ● Participent activement à la leçon
● Prennent des initiatives
2.Interventions 2.1.Gestion de la classe ● Enseignant distribuant convenablement la
pédagogiques parole aux apprenants
-organisationnelles ● Enseignant sachant bien accueillir les
réponses des élèves (tolérance vis-à-vis
des réponses même erronées)
2.2.Organisation et gestion des ● L’enseignant communique les objectifs
conditions d’apprentissage ● Enseignant gérant bien le temps dédié à la
leçon
● Enseignant exploitant bien l’espace de la
classe en fonction des activités de la
leçon
● Enseignant exploitant convenablement les
supports en fonction des activités du
moment
● Enseignant qui stimule les élèves
91

2.3. Styles et stratégies de ● Enseignant autoritaire


l’enseignant ● Enseignant démocratique
● Méthodes pédagogiques en lien avec les
activités demandées aux élèves
● Stratégie interactive : Enseignant qui
mène une leçon en interrogeant les élèves
● Remédiation individuelle
● Enseignant qui encourage
l’auto-correction et la correction par les
pairs
3.Gestion 3.1.Épistémique/développemen ● L’enseignant met en place des situations
didactique-épistémi t conceptuel et permettant d’apprendre les concepts
que conceptualisation nouveaux
● L’enseignant met en place des situations
permettant aux élèves de réfléchir
3.2.Gestion didactique des ● L’enseignant donne systématiquement la
contenus consigne de l’activité, les supports à
utiliser et le mode de regroupement
(individuel, en groupes)
● L’enseignant sait partir des erreurs des
élèves pour les faire accéder au savoir
visé
3.3.Langues ● Mélange fréquent de langues
● Utilisation d’un niveau de langue adapté
au niveau des élèves
92

*Date et heure : *Classe :


*Ancienneté dans l’enseignement :
*Sujet de la leçon :
*Objectifs de la leçon :
*Référence dans le livre du maître:
*Nombre d’élèves dans la classe observée :
*Ratio filles/garçons :
*Nombre d’élèves par banc pupitre :
*Nombre de livres par banc pupitre :
*Matériel utilisé pour enseigner :
Remarques :
● Les trois principales étapes classiques d’une leçon (Introduction, LPD, application/évaluation) se sont fait remarquer ? Oui Non
● Les objectifs de la leçon ont été atteints ? Oui Non
● La classe était animée (les élèves participaient activement) : Oui Non
93

b) Guide d’entretien avec l’enseignant observé


1. Diplôme obtenu :
2. Quelles sont les ressources visitées pour préparer et enseigner le français ?
a) Quelles facilités avez-vous dans vos prestations (celles qui proviennent de l’enseignant, des élèves, du contexte de la classe, de l’école
en général…
b) Quelles sont les difficultés rencontrées dans la classe enseignée (celles qui proviennent de l’enseignant, des élèves, du contexte de la
classe, de l’école en général…)
3. Suivez-vous ou non à la lettre ce qui est proposé dans le guide/livre de l’enseignant. Pourquoi ?
4. Enseignez-vous tel que vous avez préparé une leçon donnée ? Pourquoi ?
5. Enseignez-vous toutes les leçons de français de la même manière (Grammaire, expression écrite…), qu’est-ce qui détermine vos choix
méthodologiques ?
6. Quels sont les obstacles auxquels vous vous heurtez dans la mise en œuvre du programme de français ?
7. Estimez-vous que vous avez reçu une formation initiale suffisante pour enseigner le français dans votre classe ? Expliquez.
8. Avez-vous des occasions de formations en cours d’emploi ? Par qui ? combien de fois ? Dans quel domaine ?
9. Quels sont les besoins que vous pouvez formuler pour améliorer vos prestations ?
94

3. Masque de données SPSS (fichier annexé au présent rapport de l’étude :


AUF-Données SPSS- Toutes-Gitega Giheta)

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