Lhomme 115
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Lhomme 115
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/lhomme/115
DOI : 10.4000/lhomme.115
ISSN : 1953-8103
Éditeur
Éditions de l’EHESS
Édition imprimée
Date de publication : 1 janvier 2001
Pagination : 301-338
ISBN : 2-7132-1386-X
ISSN : 0439-4216
Référence électronique
Jean Jamin et Patrick Williams, « Glossaire et index des musiciens de jazz », L’Homme [En ligne],
158-159 | avril-septembre 2001, mis en ligne le 25 mai 2007, consulté le 19 avril 2019. URL : http://
journals.openedition.org/lhomme/115 ; DOI : 10.4000/lhomme.115
A ACM
proche de l’action collective, de l’improvisation,
du timbre et du rythme, qui emprunte volontiers
Association for the Advancement of Creative à des expressions musicales extra-occidentales, en
Musicians, créée par le pianiste Richard « Muhal » particulier africaines. Tout comme l’Art Ensemble
Abrams à Chicago en 1965 sous la forme d’une of Chicago* qui en est issu, l’AACM a joué un
coopérative musicale. Réunissant une cinquan- rôle important dans la reconnaissance et la diffu-
taine de musiciens, danseurs, chanteurs et poètes sion du free jazz*, notamment en France, dès
noirs américains, elle se donna pour buts d’orga- 1969, où le compositeur et saxophoniste Anthony
niser des rencontres entre compositeurs, instru- Braxton et le trompettiste Lester Bowie séjournè-
mentistes, choristes et orchestres, de dispenser un rent quelques mois et y enregistrèrent leur premier
enseignement centré sur la musique noire améri- disque : 224, 227, 303, 310, 316.
caine (Great Black Music *), de promouvoir des
-—> ART ENSEMBLE OF CHICAGO ◊ Free jazz ◊ Great
spectacles nouveaux qui s’engagèrent souvent dans
Black Music
la voie de l’œuvre-happening, redéfinissant l’ap-
ABRAMS, Richard, dit “Muhal”
Ce glossaire a été établi à partir du Dictionnaire du jazz, Pianiste et compositeur américain (né en 1925) :
édité par Philippe Carles, André Clergeat & Jean-Louis
223, 224, 301.
Comolli (Paris, Robert Laffont, 1994), du « Glossaire »
de Christian Béthune, publié dans le numéro spécial ADAMS, Pepper
Jazz de la Revue d’Esthétique (1991 : 205-225), des
Saxophoniste baryton américain (1930-1986) :
« Glossaires » des ouvrages de Georges Paczynski. (Une
histoire de la batterie de jazz, T. I, 1997 et T. II, 2000, 204.
Paris, Outre Mesure), du Vocabulaire des musiques afro- ADDERLEY, Julian, dit “Cannonball”
américaines de Christophe Pirenne (s.l., Minerve,
Saxophoniste alto américain (1928-1975) : 204,
GLOSSAIRE ET INDEX
Alternate take
ART ENSEMBLE OF CHICAGO
Ce groupe issu de l’AACM* en 1967, d’abord
B ackground
formé d’un quartette, puis d’un quintette (le trom- Accompagnement d’une partie soliste ; décor
pettiste Lester Bowie, les polysaxophonistes Joseph sonore de l’improvisation, généralement campé 303
Jarman et Roscoe Mitchell, le contrebassiste par la guitare et le piano, ou, parfois, installé par
Malachi Favors, le percussionniste Don Moye), a les riffs * des sections de cuivres ou d’anches dans
connu une longévité exceptionnelle puisqu’il se un grand orchestre. Terme popularisé par l’album
produit toujours sur scène. Appliquant les prin- enregistré en 1960 par l’orchestre de Duke
cipes de l’AACM, l’Art Ensemble of Chicago Ellington, Piano In The Background.
explore toutes l’histoire et les possibilités de la —> Riff
Great Black Music*, voire toute sa géographie (il a
BAILEY, Buster, William C.
noué des liens avec des formations noires africaines
et, en particulier, avec celles d’Afrique du Sud), Clarinettiste et saxophoniste américain (1902-
mêlant références et parodies, humour et sérieux, 1967) : 58, 66.
non sans une certaine dose de théâtralité BAILEY, Mildred
(maquillages, mimes, récitatifs, poèmes) qui Chanteuse américaine (1907-1951) : 136.
évoque sur le mode de la dérision, voire de la pro-
vocation, les minstrels* shows de la fin du XIXe BAKER, Chesney H., dit “Chet”
siècle (cf. notamment l’album Fanfare For The Trompettiste et chanteur américain (1929-1988) :
Warriors, enregistré en 1973), et exhibant une 204, 236, 307, 336.
panoplie d’instruments digne d’une muséographie
ethnographique ou, plutôt, d’« un musée d’ethno- Balais – Wire brushes
musicologie », comme le remarque Philippe Carles Éléments du jeu de batterie, formés d’un manche
(Dictionnaire du jazz, 1994). À noter que son pre- et d’un éventail de fils métalliques (rétractables ou
mier enregistrement eut lieu à Paris en juin 1969 non) que le batteur fait glisser dans un mouve-
(People In Sorrow) : 17 n 35, 127, 211, 212 n 35, 213, ment circulaire sur les peaux ou les cymbales, ou
226 n 21, 290, 301, 307, 309, 310, 314, 315, 316, 317. qu’il frappe, non seulement pour en atténuer le
son mais pour obtenir des effets de crissement, de
—> AACM ◊ Free jazz ◊ Great Black Music chuintement, de souffle ou de fondu. Il semble
ATTENOUX, Michel que cette technique de jeu, qui donne au drum-
Saxophoniste alto et soprano français (1930- ming* une grande finesse et respiration, se soit
1988) : 295. répandue à la fin des années 20 grâce au batteur
de Duke Ellington, Sonny Greer.
AUSTIN HIGH SCHOOL GANG
—> Batterie
Orchestre formé au tout début des années 20 par
les « collégiens » blancs (Lucien Malson) de Barrelhouse – Honky tonk
l’Austin High School de Chicago. Le saxophoniste Littéralement « maison de (ou à) tonneaux ». À La
ténor Bud Freeman, le clarinettiste et saxopho- Nouvelle-Orléans, le mot était utilisé pour évo-
niste alto Frank Teschemacher et le batteur Dave quer des tavernes de bas étage et, par extension, la
Tough (qui s’intéressa très tôt au be-bop) en firent musique qu’on y jouait généralement exécutée par
notamment partie et contribuèrent à lancer ce un pianiste qui, compte tenu de l’agitation et du
qu’il est convenu d’appeler le style Chicago, accor- bruit qui régnaient, devait frapper fort sur le cla-
dant un nouveau rôle aux anches, en particulier au vier pour se faire entendre ou s’entendre lui-
saxophone ténor qui tend non seulement à se sub- même.
stituer au trombone des formations New Orleans
mais à se placer sur le même plan que le cornet ou BASIE, William, dit “Count”
la trompette dans l’exposé des thèmes et la prise Pianiste, compositeur et chef d’orchestre améri-
de chorus : 25, 310, 336. cain (1904-1984) : 58, 67, 68, 69, 127, 135, 137, 202
280, 296, 302, 305, 317, 321, 322, 326, 329, 331, 332,
—> Chicago (Style)
333, 336, 337.
GLOSSAIRE ET INDEX
AUSTIN, Lovie (Cora CALHOUN) —> Big Band ◊ Kansas City (Style) ◊ Riff ◊ Swing
Pianiste et chef d’orchestre américaine (1887-
1972) : 59, 133. BATISTE, Alvin
Clarinettiste américain (né en 1932) : 223.
AVENEL, Jean-Jacques
Contrebassiste français (né en 1948) : 215. Batterie – Drums
Seul instrument inventé par les musiciens de jazz,
AYLER, Albert la batterie de jazz est une petite merveille d’inno-
Saxophoniste ténor américain (1936-1970) : 196, vation organologique : elle concentre en un seul
202, 215, 226, 314, 317, 323, 326, 331. lieu et rassemble face à un seul musicien des élé-
Batterie
ments de percussion qui, dans l’orchestre sympho- batteur permettant à celui-ci de croiser et de super-
nique classique ou dans les fanfares, sont séparés et poser des rythmes distincts, offrant dès lors plus
joués par des instrumentistes différents (grosse d’espace aux solistes et faisant de la batterie un
304 caisse, cymbales et tambours) ; de ce fait, elle véritable instrument de concert.
requiert l’exercice des quatre membres du batteur —> Be-bop ◊ Chabada ◊ JONES, Jo ◊ CLARKE, Kenny
(drummer) et l’oblige à jouer assis (ce qui n’est
le cas ni des timbaliers ni des cymbaliers des Beat
orchestres symphoniques, encore moins celui des Littéralement pulsation, battement, voire roule-
tambourinaires d’orphéons). La batterie individua- ment (cf. Press roll*). En jazz, désigne tout à la
lise et fixe, au sens strict, la section rythmique qui, fois les temps de la mesure, le tempo ou le swing*.
bien que génératrice de swing* (balancement), est • After beat, After-beat (syn. : Backbeat ou
paradoxalement la partie matériellement la plus Offbeat) : textuellement « après le temps » (en
dormante et encombrante de la formation de jazz français contretemps). Signale les deuxième et
dont, avec le piano et la contrebasse (instruments quatrième temps de la mesure, les temps dits
de toute évidence peu mobiles), elle constitue à la faibles qui, en jazz moderne, sont accentués par
fois le pilier et la cheville ouvrière. En raison de la pédale charleston*.
cette assise organologique, dont l’origine se situe —> Batterie ◊ Chabada ◊ CLARKE, Kenny
peut-être du côté des orchestres de cirque, son • Downbeat : premier temps d’une mesure.
invention a sans doute permis le transfert du jeu • Four-beats : mesure à quatre temps.
musical des défilés de fanfares de rue, considérés
comme étant à l’origine du style New Orleans*, et • Two-beats : mesure à deux temps, caractéris-
tique du style New Orleans* où le tuba ou la
donc du jazz, aux planches des cabarets et dancings contrebasse marquent les temps forts, c’est-à-
ou à la terre battue des caves. La batterie aurait en dire un temps sur deux, alors que dans le four-
somme contribué à faire entrer le jazz « dans les beats les quatre temps sont joués.
murs » et à l’y maintenir. Ce furent d’abord ceux
des bouges et – ironie de l’histoire – des « maisons Be-bop, Bebop, Bop, Boppers
closes » de Storyville, le quartier interlope de La Onomatopée dont, à l’image du mot jazz*, l’ori-
Nouvelle-Orléans... Dans sa forme actuelle, la bat- gine et l’étymologie sont controversées, tantôt
terie se compose de cinq tambours : une caisse considérée comme le dérivé vocal d’une figure
claire (snare drum), trois tom-toms, basse, médium rythmique, tantôt comme le chant scat* d’une fin
et alto, ces deux derniers chevillés à une grosse de phrase. Quoi qu’il en soit, be-bop a désigné un
caisse (bass drum), laquelle est frappée du pied à nouveau style, une nouvelle façon de concevoir et
l’aide d’une pédale ; d’un ensemble de cymbales : de jouer le jazz, non dépourvue de revendications
une ou deux ride, dites grandes cymbales de tempo sociales et d’intentions politiques, mise en œuvre
sur lesquelles est joué quasi legato le chabada*, une notamment par Charlie Parker, Dizzy Gillespie,
ou deux crash et splash (cymbales d’accentuation et Thelonious Monk, Kenny Clarke et Bud Powell,
de ponctuation) ainsi que d’une charleston* ou hi- à Harlem à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
hat (jeu de cymbales superposées, et fixées en leur Il se caractérise par l’élargissement des bases har-
centre sur une tige reliée à une pédale que le bat- moniques (le recours au chromatisme), l’accéléra-
teur actionne de son pied gauche pour marquer tion sensible, parfois vertigineuse, des tempos, la
l’after beat*, les deuxième et quatrième temps de la systématisation du four-beats* et l’éclatement spa-
mesure, ou temps dits faibles). Elle se joue avec tial et sonore de la section rythmique qui trans-
des baguettes (sticks), des mailloches (mallets : pose en « polyrythmie » la « polyphonie » du style
baguettes dont les têtes sont garnies de feutre) ou New Orleans * – alors confiée à la trompette, au
des balais*. Depuis son apparition au début du trombone et à la clarinette –, attribuant aux
XXesiècle, la factur e de la batterie a connu une piano, basse, batterie, un nouveau rôle : chacun
évolution plutôt lente comparée à celle d’autres d’eux joue en quelque sorte sa partie, la contre-
instruments utilisés dans le jazz, en particulier la basse assurant le tempo, le piano s’affranchissant
guitare et, à présent, les claviers ou les basses élec- des lignes de basse pour enchaîner des accords de
triques. Dès le milieu des années 40, avec la révo- passage et des contrepoints, la batterie valorisant
lution be-bop*, le set de batterie (ensemble des l’indépendance des membres du batteur et faisant
éléments la composant) est arrêté et ne connaîtra coexister au niveau rythmique continuité (cym-
guère de changement si ce n’est dans la fabrication bale ride, cymbales charleston*) et discontinuité
des fûts, l’alliage des cymbales et l’usinage des fixa- (caisse claire, tom-toms, grosse caisse). À l’origine
tions ou des pédales, ou dans l’adjonction d’élé- vilipendé et rejeté par certains musiciens, critiques
ments (cymbales et caisses supplémentaires) au gré et amateurs (en particulier en France par Hugues
des fantaisies du batteur ou en fonction d’effets Panassié qui y perçut un dévoiement du jazz), le
sonores recherchés. Mais son jeu s’est considéra- be-bop s’est imposé comme un des moments forts
blement développé et complexifié, l’indépendance de l’histoire du jazz tant sur le plan sociologique
requise et de plus en plus affirmée des membres du (affirmation du musicien comme artiste) que sur
Saxophoniste américain (né en 1954) : 207. plus souvent à des musiciens de jazz, quelquefois
à des critiques ou à des écrivains, un ou plusieurs
BERNSTEIN, Elmer morceaux enregistrés en leur demandant non seu-
Compositeur américain (né en 1922) qui fut un lement d’identifier les instrumentistes mais de
des premiers à faire intervenir le jazz dans les livrer leurs impressions qui, recueillies sur bande,
bandes sonores de films (L’Homme au bras d’or, sont ensuite transcrites et publiées. La plupart des
1955, Le Grand chantage, 1957) ou de séries télé- revues de jazz, notamment françaises (Jazz Hot,
visées ; Shorty Rogers, Gerry Mulligan et Chico Jazz Magazine, Jazzman), ont reproduit depuis
Hamilton travailleront notamment avec lui : 336. cette épreuve, qui s’apparente à un jeu parfois cruel
Blindfold test
mais fort prisé des lecteurs, et, sous ce titre Blues
Blinfold test, en ont fait une rubrique à part. Le blues est une forme et un genre. Il est aussi une
—> Son couleur sonore correspondant à un sentiment :
306 avoir le blues.
Block-chord, Block chords (Style)
• En tant que forme, le blues se présente comme
Dans le ou les derniers chorus d’une improvisation, une séquence de douze mesures, composée de trois
jeu de piano consistant à phraser simultanément des phases selon le schéma AAB, fondée sur les trois
deux mains, à deux ou trois octaves de distance, par accords des premier, quatrième et cinquième
« paquets d’accords » successifs de quatre ou cinq degrés de la gamme. Cependant le caractère essen-
notes, ce qui a pour effet de donner plus de puis- tiel du blues du point de vue de l’harmonie est
sance sonore au piano et de faire monter la tension. constitué par les blue notes*. Mais les chanteurs de
Milton Buckner, Bobby Timmons, Red Garland, blues ne respectent pas toujours la métrique en
Bill Evans, André Persiani, Jaki Byard, Wynton douze mesures ni le schéma AAB. Les musiciens de
Kelly ou, plus récemment, Jimmy Williams (pia- jazz ont enrichi et complexifié la base harmonique
niste des Jazz Messengers d’Art Blakey) sont de du blues jusqu’à la transformer. Enfin l’usage s’est
grands virtuoses de ce jeu groupé et percussif, dis- répandu d’introduire des blue notes dans l’inter-
pensateur d’un swing* puissant ou, comme chez prétation de thèmes qui ne sont en rien des blues.
Bill Evans et McCoy Tyner, d’un climat modal*.
• En tant que genre, le blues apparaît comme la
Blue note tradition musicale propre des Noirs de l’Amérique
Bien que traduite par « note bleue », c’est proba- du Nord, ou comme l’élément central de cette tra-
blement la note la plus opaque de l’histoire de la dition. Il est alors essentiellement une musique
musique, du moins celle qui a fait couler beau- vocale. Son histoire se calque sur celle de la com-
coup d’encre mais sans qu’on puisse, aujourd’hui munauté noire – la dispersion géographique
encore, retracer son origine ni définir rigoureu- engendrant la diversité stylistique, de même que
sement sa hauteur. Maintes hypothèses ont été l’évolution historique, la migration du Sud agri-
formulées, dont une devenue classique mais cole vers les cités industrielles du Nord – et fonde
désormais sujette à caution, qui voit son origine l’opposition entre « blues rural » et « blues urbain ».
dans la contamination de la gamme diatonique Au fil des générations d’interprètes, la part instru-
majeure européenne à sept tons, dont deux demi- mentale a pris de plus en plus d’importance (la
tons (mi-fa ; si-do), par la gamme pentatonique guitare, acoustique puis électrique, à moindre
africaine à intervalles entiers (la seule qu’auraient degré l’harmonica et le piano) et a fini par consti-
connue les esclaves noirs déportés dans le tuer, tout autant que les paroles du blues, un
Nouveau Monde, ce qui est loin d’être prouvé). miroir de la réalité sociale. Le dialogue entre la voix
Le fait est que la blue note altère, infléchit vers le et un instrument soliste devient un des procédés
grave, le troisième et le septième degré de la favoris des interprètes. Chaque période, chaque
gamme majeure par rapport auxquels les chan- région, chaque ville a produit ses héros. Mais l’évo-
teurs africains se seraient trouvés en porte-à-faux lution du blues ne s’est jamais faite en vase clos.
en cherchant à s’accompagner sur des instruments Elle est le fruit d’échanges permanents avec les
diatoniques, c’est-à-dire, dans la gamme majeure autres genres de la musique afro-américaine :
de do : le mi (joué mib) et le si (joué si b), éven- chants religieux, jazz, voire, à partir des années 60
tuellement, dans le be-bop* et le hard bop*, le cin- et de l’audience internationale que connaît le
quième degré (sol devenant sol b). Cette inflexion blues, avec certains de ses avatars devenus auto-
de la gamme, repérée dès le début du XXe siècle par nomes – rythm and blues, rock and roll, soul
des compositeurs et chefs d’orchestre européens music*. Ce serait aussi une erreur d’ignorer l’in-
tels que Maurice Ravel, Darius Milhaud, Ernest fluence réciproque qu’ont pu exercer, l’un sur
Ansermet, Igor Stravinsky, devait donner toute l’autre, dans les États du Sud, le blues des Noirs et
son originalité à la musique noire américaine en la country music des Blancs. La distinction, opérée
raison de l’hésitation on ne peut plus boulever- par des musicologues, entre « blues savant » (le
sante entre les modes mineur et majeur à quoi elle blues intégré au jazz), et « blues populaire » (qui ne
conduit et qui caractérise les exécutions (en parti- serait que du blues), apparaît difficile à maintenir.
culier le blues*), permettant d’opérer des enchaî- À quelles catégories appartiennent les « Impéra-
nements mélodiques et harmoniques jusqu’alors trices » des années 20, telles Mamie Smith, Bessie
insoupçonnés. À ce titre, la blue note peut être Smith, Ida Cox ou Ma Rainey ? Et les « blues shou-
considérée comme une innovation importante qui ters » (les crieurs, hurleurs de blues), comme
a non seulement ébranlé la musicologie classique Jimmy Rushing, Big Joe Turner, Eddie Cleanhead
– ne serait-ce que par son indétermination tonale Vinson, plus tard, Jimmy Witherspoon ou Joe
– mais renouvelé la sensibilité musicale occiden- Williams ? Où placer le guitariste et chanteur T.
tale par son expressivité. Bone Walker, qui a exercé une influence considé-
—> Be-bop ◊ Blues rable dans le monde du blues, et se montre pour-
Block-chord
tant si à l’aise en compagnie de musiciens de jazz ? Boogie-woogie
Et que dire d’un musicien comme Olu Dara, Style de piano jazz qui a vraisemblablement pris
trompettiste d’avant-garde dans les années 70-80 naissance dans les barrelhouses* ou les honky
et chanteur-guitariste de blues à la manière du Sud tonks* (bouges de La Nouvelle-Orléans ou de
307
profond ? La couleur blues – faut-il dire la couleur Chicago), fondé sur les harmonies du blues* et se
bleue ? – tient probablement à l’hésitation entre les caractérisant par une walking ou rolling bass (fort
modes mineur et majeur qu’introduisent les blue jeu de main gauche tissant une ligne continue et
notes. Nous la rencontrons dans les formes les plus répétitive de huit croches par mesure) et par des
sophistiquées comme les plus frustres du jazz, les riffs*, accords ou broderies mélodiques joués de la
plus novatrices comme les plus classiques. Elle est main droite.
présente aussi, nous l’avons signalé, dans des —> Kansas City (Style)
œuvres qui ne se conforment pas à la forme blues
et, bien sûr, n’appartiennent pas au genre blues. BOWIE, Lester
Les interprètes de blues, vocalistes et instrumen- Trompettiste américain (1941-1999), un des lea-
tistes, ont montré qu’à l’intérieur de cette couleur, ders historiques de l’Art Ensemble of Chicago*, et
qui est celle, dit-on, du cafard et de la mélancolie, un des spécialistes du growl* moderne ; il remit en
il était possible d’exprimer une gamme infinie de vigueur, dans la même veine mi-ethnomusicolo-
sentiments, de la tendresse à l’ironie, voire à la gique mi-parodique, les orchestres de fanfare : 301,
colère. Le blues ne respecte donc pas ses propres 303, 307, 314, 317.
règles, ou plutôt les caractères normatifs que ses —> ART ENSEMBLE OF CHICAGO ◊ Brass band ◊ Free
analystes ont mis au jour. Est-ce à dire que, victime jazz
de son extension et de ses métamorphoses, il serait
menacé de dilution ? C’est là un des autres mys- Brass band
tères du blues. Quel que soit le contexte dans Littéralement « troupe ou clique de cuivres », à
lequel nous le rencontrons – « archaïque », laquelle sont adjoints des instruments de percus-
« moderniste », « savant », « populaire », « commer- sion (caisse claire, grosse caisse, cymbales). Ces fan-
cial », « évolué », « folklorique », etc. – et quelle que fares, aussi nommées « harmonies » (militaires ou
soit sa proportion dans la musique, il reste toujours civiles), qui défilèrent dans les rues de La Nouvelle-
parfaitement lui-même, immédiatement recon- Orléans à toutes sortes d’occasions (fêtes, meetings,
naissable. enterrements, etc.) sont à l’origine du jazz instru-
—> Blue note ◊ Funky ◊ Kansas City (Style) mental. Elles ont été récemment recomposées et
remises en vigueur, que ce soit à La Nouvelle-
BLUIETT, Hamiet Orléans avec, en 1977, le Dirty Dozen Brass Band
Saxophoniste et compositeur américain (né en de Benny Jones, ou sur des scènes de concerts et de
1940) : 207. festivals avec les ensembles de Mike Westbrook,
Lester Bowie ou Eddy Louiss.
BLYTHE, Arthur, Murray
Saxophoniste alto et soprano (né en 1940) : 207. BRAXTON, Anthony
Saxophoniste et compositeur américain (né en
Bœuf, Bœufer, Faire un bœuf 1945) : 223, 228, et n 24, 301, 314.
Dans l’argot des musiciens de jazz français, ces
termes sont l’équivalent de jam-session*. L’ex- Break
pression est probablement dérivée du nom d’un Littéralement « rupture », « pause, « trouée ». Se
des premiers cabarets où se jouait du « jazz » à dit de tout passage joué sans accompagnement
Paris, Le Bœuf sur le Toit, au 28 de la rue Boissy- rythmique lors de l’exposé du thème ou du déve-
d’Anglas, et où se produisirent notamment les pia- loppement de l’improvisation. Depuis ses premiers
nistes Jean Wiéner et Clément Doucet ; il arriva enregistrements en 1927 (par exemple les mesures
que Georges Henri Rivière remplaçât l’un ou d’introduction de West End Blues), Louis
l’autre. Armstrong a eu souvent recours à ce procédé sty-
listique, qui prenait valeur de chorus*.
—> Jam-session
GLOSSAIRE ET INDEX
BRECKER, Michael
BOLDEN, Charles Joseph, dit “Buddy”
Saxophoniste ténor et soprano (né en 1949) : 212.
Cornettiste et chef d’orchestre américain (1877-
1931) ; il relève plus de la mémoire, voire de la BROOKMEYER, Robert dit Bob
légende* du jazz que de son histoire à proprement Tromboniste (à pistons) et compositeur américain
parler, puisque celui que l’on a qualifié « The First (né en 1929) ; il succédera notamment à Chet
Man of Jazz » n’a jamais enregistré, interné à vie Baker dans le second quartette (1954-1957) de
dès l’âge de 30 ans : 8, 62, 128, 322, 323, 326. Gerry Mulligan et fera partie en 1960 du Concert
—> Légendes du jazz ◊ New Orleans (Style) Jazz Band que celui-ci mit sur pied : 58, 336.
Bob BROOKMEYER
BROWN, Clifford CARTER, John, Wallace
Trompettiste américain (1930-1956) : 69, 126, 207 Clarinettiste, saxophoniste et compositeur améri-
n 17, 305, 336. cain (1929-1991) : 223.
308
—> Be-bop CARTER, Ronald, Levin dit Ron
BROWN, James Contrebassiste et violoncelliste américain (né en
Chanteur américain (né en 1933) : 331. 1939) : 187 n 31, 312.
—> Soul music CELESTIN, Oscar, Phillip, dit “Papa”
BROWN, Raymond, Matthews dit Ray Trompettiste américain (1884-1954) : 57, 64, 330.
Contrebassiste américain (né en 1926) : 192. Chabada, Cha-ba-da, Cha-bada
BRUBECK, David, Warren dit Dave Onomatopée créée par les musiciens de jazz français
et désignant une figure rythmique fondamentale du
Pianiste et compositeur américain (né en 1920) :
jeu de batterie* dans le jazz moderne (ride-cymbal
311, 312, 336.
beat, en anglais). Le chabada s’exécute de la main
—> West Coast (Jazz) droite (pour les droitiers), soit avec une baguette soit
BUCKNER, Milton dit Milt avec un balai* frappé sur la cymbale ride, et, dans
une mesure à quatre temps, reproduit un triolet de
Pianiste et organiste américain (1915-1977) : 306.
croches tenu ainsi en continuité tandis que la main
—> Block-chords gauche et le pied droit – dans le temps, à contre-
temps ou avant le temps – ponctuent ou ornemen-
BYARD, Jaki, John
tent sur les caisses le phrasé du soliste. Le cha
Pianiste américain (né en 1922) : 306. coïncide avec la fermeture de la charleston* action-
—> Block-chords née du pied gauche, c’est-à-dire avec l’accentuation
des deuxième ou quatrième temps de la mesure ; le
BYAS, Wesley, Carlos, dit “Don” ba se situe légèrement en avant des premier ou troi-
Saxophoniste ténor américain (1912-1972) : 58 sième temps, le da tombant théoriquement sur l’un
193. de ces deux derniers temps, les temps dits forts. Le
BYRD, Donald, Toussaint chabada est donc, si l’on peut dire, à cheval sur deux
mesures. C’est, entre autres, ce qui matérialise le
Trompettiste et bugliste américain (né en 1932) :
caractère dit ternaire du jazz (décomposition du
210.
temps en trois parties : le triolet de croches) par
opposition au jazz-rock binaire ou aux rythmes afro-
C ALLOWAY, Cabell dit Cab cubains (décomposition de chaque temps en deux
Chanteur et chef d’orchestre américain (1907- parties égales). Aux termes « ternaire » et « binaire »
1994) : 136, 288, 330. qui peuvent introduire une confusion, Franck
—> Scat singing Bergerot (Miles Davis, Introduction à l’écoute du jazz
moderne, Paris, Seuil, 1996) a proposé de substituer
CANDOLI, Conte, Secondo les notions de phrasé « longue-brève » pour l’un et
Trompettiste américain (né en 1927) : 336. de phrasé « égal » pour l’autre.
—> West Coast (Jazz) —> Batterie
CAREY, Thomas, dit “Papa Mut” CHAMBERS, Paul
Trompettiste américain (1891-1948) : 57. Contrebassiste américain (1935-1969) : 131, 296,
312, 331.
CARNEY, Harry, Howell
Saxophoniste baryton américain (1910-1974) ; il CHARLES, Ray
fit toute sa carrière dans la section des anches de Pianiste et chanteur américain (né en 1930) : 135,
l’orchestre de Duke Ellington : 135. 315.
BROWN Clifford
Chase orchestres. Cette situation permit en outre – ceci
Littéralement « chasse », « poursuite ». Le chase n’est pas négligeable dans l’histoire de cette
désigne un duel entre deux musiciens jouant musique dont la séance enregistrée tient lieu de
généralement d’un même instrument (trompet- référence – à une industrie phonographique nais- 309
tistes, saxophonistes, etc.) et qui, sur un thème sante d’enregistrer des artistes et de capter une
donné, se partagent et se répondent toutes les clientèle, c’est-à-dire de créer un marché qui,
quatre mesures, voire, dans les célèbres joutes qui grâce aux race records* lancés dans les années 20,
opposèrent les saxophonistes ténors Wardell Gray se révélera particulièrement lucratif. S’il fallait
et Dexter Gordon en 1947, improvisent sur toutefois identifier un « style Chicago », ce serait
trente-deux mesures puis diminuent de moitié du côté de l’instrumentation, du répertoire et des
pour constituer des séries de 16/16, 8/8, 4/4. Ce innovations tonales et rythmiques qui s’y firent
procédé musical, probablement originaire de jour qu’on le trouverait.
Kansas City* et des « fabuleuses » jam-sessions* • Dès le milieu des années 20, sous l’influence
qui s’y déroulèrent au milieu des années 30, fut notamment du compagnon de Bix Beiderbecke,
très en vogue dans les années 50, surtout parmi les Frank Trumbauer, et du Chicagoan Bud Freeman,
hard boppers*. Au début des années 70, la for- le saxophone, d’abord en ut (le C melody sax), puis
mule du chase sera un temps remise au goût du en si b (ténor) et en mi b (alto), tend à s’affranchir
jour par le producteur et organisateur de concerts du rôle de soutien harmonique ou de contre-chant
Norman Granz lors de tournées internationales qui lui était jusque-là dévolu dans les brass bands*
qui remplacèrent le Jazz at the Philarmonic ; ou jazz bands*, et à rivaliser, dans l’exposé des
quelques rares albums en conservent la trace, ainsi thèmes ou la prise de chorus, avec l’instrument lea-
The Tenor Giants qui, en 1975, « opposa » Zoot der par excellence de la formation New Orleans*,
Sims et Eddie “Lockjaw” Davis. la trompette (ou le cornet). En moins de cinq ans,
il finit par s’imposer grâce notamment à Coleman
CHERRY, Donald E. dit Don Hawkins qui, à partir de 1935, lui donna toute son
Trompettiste américain (1936-1995) : 110, 223, envergure de phrasé et de sonorité, comme un ins-
311. trument soliste à part entière, et bien plus, comme
le symbole même du jazz, alors que, d’invention
Chicago (Style), Chicagoans européenne (1838), le saxophone ne fut importé
Plutôt que berceau d’un style musical particulier, aux États-Unis qu’en 1914, et ne se répandit dans
Chicago a représenté, dès le début des années 20, les orchestres de jazz qu’à la fin de la Première
un melting-pot musical où se sont côtoyées, suc- Guerre mondiale.
cédé, expérimentées presque toutes les formes • Le répertoire se diversifie et, dès la fin des années
d’expression du jazz : des styles Dixieland* ou 20, puise dans le stock des chansons populaires
New Orleans* – dont certains musiciens (King (comme Three Blind Mice), reprend des thèmes de
Oliver, Louis Armstrong) enregistrèrent pour la comédies musicales, d’opérettes, voire d’opéras (le
première fois les compositions et exécutions, ou Miserere du Trouvère de Verdi), réutilise des chants
les réenregistrèrent dans de meilleures conditions folkloriques (le célèbre Loch Lomond écossais) ; il
électro-acoustiques (Jelly Roll Morton) – aux ten- ne se fonde plus seulement sur le blues*. Ce qu’on
tatives avant-gardistes de l’Art Ensemble of appelle les standards* et traditionnels* jouera un
Chicago* des années 60, en passant par le « jazz rôle de plus en plus important dans le développe-
blanc » d’Eddie Condon ou de Red Nichols des ment musical du jazz et l’élargissement de son
années 30, le blues urbain puis, à la fin des années audience (les mélodies sont connues d’avance).
40, le rythm and blues, qui assimileront rapide- Paradoxalement, cela conduira à une individualisa-
ment les techniques de l’amplification électrique tion plus poussée de l’interprétation (tel le célèbre
et contribueront même à leur développement. En Body And Soul de Coleman Hawkins enregistré en
1917, la fermeture par les autorités municipales de 1939). Comme l’a remarqué Joachim Ernst
Storyville (quartier réservé de La Nouvelle- Berendt (Le Grand livre du jazz, Monaco, Éditions
Orléans où selon la tradition si ce n’est la légende du Rocher, 1983, éd. orig. 1953), ce ne sont plus
était apparu le style du même nom) avait forcé les orchestres grands ou petits, à l’image du Creole
nombre de musiciens noirs à émigrer pour cher- Jazz Band* de King Oliver, des Hot Five et Hot
GLOSSAIRE ET INDEX
cher du travail dans des boîtes, dancings et caba- Seven de Louis Armstrong, ou encore des Red Hot
rets des villes du Nord et de l’Est. Le Peppers de Jelly Roll Morton, qui comptent (bien
développement industriel, la densité démogra- que dans le même temps à Kansas City* et à New
phique et le tissu commercial, fût-il parfois illicite, York* se profile l’ère des big bands*), mais plutôt
de la ville-carrefour qu’était devenue Chicago les individus qui jouent ensemble dans des forma-
(mais aussi l’emprise de la pègre dont les liens avec tions éphémères et se séparent au gré des circons-
le milieu du jazz ont été établis) devaient faire tances, lesquelles sont souvent « imposées » par les
éclore ce type d’établissements. Ils favorisèrent le compagnies phonographiques (sans doute est-ce à
mélange ou la succession des genres et des Chicago que le musicien de jazz a commencé à
Chicago (Style)
devenir aussi un musicien de studio). Au reste, dès Payot & Rivages, 2001), elle offre une plus grande
la fin des années 20, le mot band (« clique » au sens liberté d’expression et permet de recourir à la poly-
militaire, « orchestre », « fanfare ») qui suppose un tonalité. Le jazz en fera désormais un large usage.
310 dispositif permanent a tendance à disparaître au Au même moment, et du côté des orchestres noirs
profit de gang (« bande », « équipe ») aux contours cette fois (en particulier les Hot Five et Hot Seven
plus incertains et, par définition, moins stables. de Louis Armstrong, avec le batteur Zutty
C’est ce terme qui sera volontiers employé par les Singleton), le four beats* – rythme à quatre temps
musiciens blancs pour nommer leurs formations, – tend à se substituer au two beats* (à quelques
telles que, par exemple, celle du cornettiste Bix exceptions près, il était celui battu par les forma-
Beiderbecke « and his Gang » ou de l’« Austin tions New Orleans*) et à se généraliser. « En atté-
High School Gang »*..., affirmant et affichant nuant le déhanchement propre au rythme New
ainsi leur côté « jeunes gens en colère », en « rup- Orleans* », note André Hodeir (Hommes et pro-
ture de band » pourrait-on dire (notamment avec blèmes du jazz, Marseille, Éditions Parenthèses,
celui de Paul Whiteman où beaucoup avaient 1981), « il favorise un type de swing* tout diffé-
trouvé une place de musicien de pupitre). Cette rent, à la fois plus léger et plus concentré ». C’est à
attitude contraste non seulement avec le désir de la lumière de ces innovations tant techniques que
reconnaissance sociale ou artistique des orchestres musicales qu’on a pu avancer que Chicago, bien
noirs mais surtout avec leurs soucis de trouver un plus que La Nouvelle-Orléans qui demeure une
gagne-pain et de vivre pleinement de leur terre de légendes, une matrice fabuleuse, est le
musique. Les musiciens blancs, quant à eux, véritable creuset du jazz où les apports « blancs » et
demeurent des êtres en marge par rapport à leur « noirs » se sont confrontés et affrontés dans ce qui,
classe et « race » ; et ils savent ou découvrent que ce quelle qu’ait été la barrière raciale, ressortit plus à
qu’ils aiment jouer n’est pas ou peu vendable, ne une émulation réciproque qu’à une guerre de tran-
correspond pas, en tout cas, aux canons de chées. En moins de dix ans, ils donneront au jazz
l’American Way of Life. L’image de l’artiste incom- une couleur harmonique, mélodique et rythmique
pris, isolé, maudit, se fait jour. Elle fera partie des reconnaissable entre toute. Probablement le clari-
légendes * du jazz : en 1949, Michael Curtiz nettiste Benny Goodman, né, élevé et formé à
tourne La Femme aux chimères (Young Man With A Chicago, s’en souviendra-t-il lorsque, le samedi 16
Horn), adaptation de la biographie romancée de janvier 1938, défiant la ségrégation, il fait se
Bix Beiderbecke ; un remake, sous le titre Bix, une côtoyer dans une même formation musiciens noirs
interprétation de la légende, réalisé par Pupi Avati, et musiciens blancs sur la scène du Carnegie Hall
sortira en 1991; mais il aura fallu attendre 1987 à New York (Benny Goodman Live At Carnegie
pour que soit filmée une biographie de Charlie Hall)... Chicago est demeuré ce creuset jusqu’à une
Parker, signée Clint Eastwood ! Il reste que les date récente : en témoignent les expériences de
Blancs disposent d’une liberté de mouvement qui l’AACM *, les compositions et performances de
leur ouvre des portes et leur réserve une place au l’Art Ensemble of Chicago* qui, sans la moindre
soleil. Frank Trumbauer quitte le monde de la préoccupation et orientation revivalistes, reliront
musique en 1939 et entre dans celui de l’aéronau- et réinterpréteront l’histoire du jazz. Et, comme
tique ; Miff Mole (l’un des inventeurs du trom- une sorte de pied de nez à cette histoire – les musi-
bone comme instrument soliste à part entière) ciens de jazz en sont friands –, c’est là justement
abandonne le jazz et se met à faire de la musique que sera inventé le concept de Great Black Music*,
commerciale puis de la radio, etc. Pour eux, qui prendra aussi valeur de mot d’ordre.
comme pour nombre d’autres, le jazz a été un —> BEIDERBECKE, Bix ◊ HAWKINS, Coleman ◊ Kansas
divertissement, une passion, voire un hobby, lié à City (Style) ◊ New York ◊ West Coast (Jazz)
un stade de leur existence – à la différence des
musiciens noirs. La crise de 1929, la fermeture des Chorus
boîtes qui s’ensuivit et les difficultés que connurent Séquence de base de l’improvisation en jazz, le
alors les firmes phonographiques, leur ôtèrent de chorus est strictement fondé sur le nombre de
fait une partie de leurs auditeurs, donc de leurs res- mesures du thème. Si par conséquent la structure
sources. du chorus est définie par la métrique, le nombre
• De formation classique, bons connaisseurs des de chorus est en revanche variable et dépend de
inventions mélodico-harmoniques de Stravinsky, l’inspiration du soliste et de sa capacité à renouve-
Ravel et Debussy, Frank Trumbauer et Bix ler cette séquence de base (à titre d’exemple, cf. les
Beiderbecke introduisent la gamme unitonique vingt-sept chorus de douze mesures joués par Paul
(ton par ton) dans l’exécution des thèmes. En divi- Gonsalves sur Diminuendo In Blue And Crescendo
sant les douze sons de l’octave en deux échelles (do, In Blue de Duke Ellington, en juillet 1956 au
ré, mi, fa#, sol#, la#, do – do#, ré#, fa, sol, la, si, Festival de Newport).
do#) qui, « combinées, suffisent à couvrir l’en- —> Blues ◊ GONSALVES, Paul ◊ Grille (harmonique)
semble de l’univers tonal », comme le rappelle
René Langel (Le Jazz, orphelin de l’Afrique, Paris, CHRISTIAN, Charles dit Charlie
Chicago (Style)
Guitariste américain (1916-1942) ; l’un des pre- COLTRANE, John, William, dit “Trane”
miers grands solistes de la guitare électro-acous- Saxophoniste ténor et soprano américain (1926-
tique en jazz : 69, 191. 1967) : 68, 69, 70, 110, 127, 135, 144 n 12, 155, 181,
182, 184 n 24, 187, 194, 196, 197, 202, 203, 204, 206,
311
CLARKE, Kenny, dit “Klook”
212, 214, 233, 305, 312, 314, 321, 323, 326, 331, 332.
Batteur américain (1914-1985) ; il fut l’inventeur
du jeu de batterie* moderne, au moment de la —> Free jazz ◊ Hard bop ◊ Jazz modal
période be-bop* : en déplaçant la continuité du COMBELLE, Alix
tempo de la pédale charleston* sur la cymbale Saxophoniste ténor, chanteur et chef d’orchestre
ride, et, en marquant l’after beat * avec la charles- français (1912-1978) : 191 n 43, 288.
ton, il permettait à la main gauche de soutenir ou
de relancer, soit sur la caisse claire, soit sur les tom- Combo
toms, le discours du soliste, et au pied droit d’in- Abréviation de l’anglais combination, formation
troduire des ponctuations simples ou redoublées de base du jazz, composée de cinq à neuf musi-
grâce à la pédale de grosse caisse. Ce type de ciens, le plus souvent : trompette, trombone, saxo-
drumming* associe donc, dans un même lieu et phones ténor et alto, piano, basse, batterie*.
dans un même temps, continuité (ride plus char-
CONDON, Albert, Edwin, Eddie
leston) et discontinuité (caisse claire plus tom-toms
et grosse caisse), mouvement et éclatement, sou- Banjoïste et guitariste américain (1905-1973) : 309.
plesse et inflexibilité, tension et détente, ce qui est Congo Square
l’essence même du jazz et la définition du swing* : Place de La Nouvelle-Orléans où, jusqu’à la
165, 285, 304, 319, 321, 325, 326, 331. Guerre de Sécession, les esclaves étaient autorisés
—> Batterie ◊ Be-bop ◊ Drumming à se réunir le dimanche pour y danser et jouer de
la musique, battre les tambours notamment.
CLAYTON, Buck, Wilbur, Dorsey
Trompettiste américain (1911-1991) : 58, 296, 322. COOK, Will, Marion
Violoniste et chef d’orchestre américain (1869-
COBB, Arnette, Cleophus dit Arnett 1944) ; il crée à la fin de 1918 le Southern
Saxophoniste ténor américain (1918-1989) : 204. Syncopated Orchestra, ensemble formé d’une cin-
COBB, Wilbur, James, dit Jimmy quantaine de musiciens, qui fera des tournées en
Europe : 15 n 29, 44, 45, 263.
Batteur américain (né en 1929) : 312.
Cool (Style)
COHRAN, Philip dit Phil
Style de jazz né à la fin des années 40 qui substitua
Trompettiste américain (né en 1927) : 224. à l’effervescence du be-bop* une expression plus
COLEMAN, Earl retenue (rejet du vibrato, lignes mélodiques flot-
Chanteur américain (1925-1995) : 116. tantes et superposées), des tempos médium (mise
en retrait de la section rythmique dont le beat* est
COLEMAN, William, Johnson dit Bill plus suggéré qu’accentué), des orchestrations
Trompettiste américain (1904-1981) : 191 n 43, recherchées et « arrangées » pour une part emprun-
285. tées à la musique classique (notamment celle du
XVIIIe siècle) et fondées sur la fugue et le contre-
COLEMAN, Ornette point, introduisant dans les sections orchestrales
Saxophoniste américain (né en 1930), considéré, des instruments jusqu’alors peu usités en jazz,
dès la fin des années 50, comme l’un des initia- comme le cor d’harmonie (french horn), la flûte, le
teurs avec le trompettiste Don Cherry du free trombone à pistons, le hautbois, ou qui avaient été
jazz* : 11, 69, 110, 111, 127, 128, 130, 144 n 12, 181, remisés tels que le tuba. De ce courant, on a long-
195 n 64, 196, 203, 221, 223, 314, 334, 336. temps douté qu’il fût du jazz, l’épithète « cool »
—> Free jazz (frais, léger, calme) qui le caractérise apparaissant
comme le contraire de l’essence même du jazz qui
COLEMAN, Steve se devait d’être « hot »* (chaud, sensuel, émotif ).
GLOSSAIRE ET INDEX
Saxophoniste alto américain (né en 1956) : 127, Mais les formations qui s’y rattachent, que ce soit
203, 204, 210 n 28, 213. le Modern Jazz Quartet* ou les quartettes de Gerry
Mulligan et de Dave Brubeck, et, surtout, le
COLLETTE, William, Marcell, dit “Buddy” nonette de Miles Davis qui, en 1949, grava chez
Saxophoniste, flûtiste et clarinettiste américain Capitol un album devenu célèbre et au titre on ne
(né en 1921) : 223, 336. peut plus explicite : Birth Of The Cool, ne swin-
guent pas moins que d’autres dites « hot ». Les his-
COLLINS, Leeds dit Lee toriens et critiques de jazz ont vu un prolongement
Trompettiste américain (1901-1960) : 64, 65. de ce courant dans le jazz West Coast* qui, comme
Cool (Style)
son nom l’indique, prit naissance en Californie au dant un temps de sa formation : 8, 11, 26, 56, 61, 69,
début des années 50. 118, 120, 127, 129, 144 n 12, 159, 169, 184 n 24, 186, 187
—> DAVIS, Miles ◊ MODERN JAZZ QUARTET ◊ Third et n 31, 33, 188, 192, 202, 204, 299, 302, 305, 308, 311,
312 stream ◊ West Coast (Jazz) 314, 315, 320, 321, 326, 327, 331, 332, 334, 336, 337.
CORYELL Larry
DOLPHY, Eric, Allan bua à faire connaître en France des arrangements
Saxophoniste alto, clarinettiste basse et flûtiste jazzés mais écrits pour des sections de cuivres, et
américain (1928-1964) : 69, 194, 314, 317, 336. ce dès 1918 (il donna un concert triomphal en
août 1918 au Théâtre des Champs-Élysées). Il fut 313
DORSEY, Thomas dit Tommy tué d’un coup de couteau par son batteur en
Tromboniste, trompettiste, compositeur et chef 1919 : 8, 44, 286, 322.
d’orchestre américain (1905-1956) : 316, 324.
EVANS, Willian, John dit Bill
Drive Pianiste américain (1929-1980) : 137, 188, 306,
Désigne l’énergie et l’impulsion rythmique d’un 312, 314, 320, 326.
musicien, d’une section ou d’un orchestre.
EVANS, Ian, Ernest, Gilmore, Green dit Gil
Drumming Pianiste, compositeur, arrangeur et chef d’or-
Désigne le jeu de batterie et par extension le style chestre américain (1912-1988) : 187, et n 33, 302,
d’un batteur qui, malgré la neutralité harmonique 305, 326, 334, 336.
et mélodique apparente de son instrument, est très
souvent parfaitement identifiable non seulement EVANS, Hershel
par l’attaque de la cymbale ride mais, suivant Saxophoniste ténor et clarinettiste américain
l’angle de la frappe, par la sonorité produite, ou par (1909-1939) : 321.
la particularité des ponctuations rythmiques (les
rimshots* de Philly Joe Jones, les press rolls* d’Art
Blakey, l’after beat* de Sam Woodyard, les coups Fables Of Faubus
de grosse caisse doublés sur le temps de Max Du nom du gouverneur de l’Arkansas, Orval E.
Roach, la respiration de la charleston* de Jo Jones, Faubus, qui, en 1957, fit interdire par la Garde
les cellules polyrythmiques d’Elvin Jones, l’attaque nationale l’accès des élèves noirs au campus de la
sèche sur la cymbale ride de Dannie Richmond, ou Central High School de Little Rock. Composées et
le jeu de balais du premier grand batteur de Duke enregistrées en 1959 par Charles Mingus chez
Ellington, Sonny Greer). Columbia, les Fables Of Faubus sont sans doute une
des premières pièces de l’histoire du jazz où réfé-
—> Batterie ◊ Son
rence est faite aussi directement à une agression
DUCRET, Marc raciste de la part des autorités officielles, où la por-
Guitariste français (né en 1957) : 291 n 9. tée politique de cette agression – qui devint un évé-
nement médiatique – transparaît non seulement
DUNLOP, Francis dit Frankie dans les paroles sarcastiques (elles furent censurées
Batteur américain (né en 1928) : 168. par la firme Columbia lors de l’enregistrement)
mais dans la composition et l’interprétation même
DUTREY, Honoré de la pièce : rupture, changement de rythme, varia-
Tromboniste américain (1894-1935) : 66. tion de tempo, valorisation du growl*, dissonances,
etc., en quoi l’on a pu voir, non sans raison, une
E DISON, Harry, dit “Sweet”
préfiguration du free jazz* : 67, 295, 314.
—> Free jazz
Trompettiste américain (1915-1999) : 322.
ELDRIDGE, Roy, David Fanfares
—> Brass band
Trompettiste américain (1911-1989) : 269, 319, 324.
ELLINGTON, Edward, Kennedy, dit “Duke” FAVORS, Malachi
Pianiste, compositeur, arrangeur et chef d’orchestre Contrebassiste et percussionniste américain (né en
américain (1899-1974) : 24, 5 n 58, 57, 58, 63, 66, 1937) : 224, 303.
69,107, 109, 125, 127, 130, 132, 135-137, 137, 144 n 12, —> ART ENSEMBLE OF CHICAGO
183, 185, 187, et n 34, 189, 190, et n 41, 191, et n 46,
194, 195, 198, 202, 203, 204, 214, 222, 280, 282, 296, 302, Feeling
« Il joue avec feeling » – « Il a un bon feeling », –
GLOSSAIRE ET INDEX
303, 305, 308, 310, 313, 315, 316, 317, 318, 319, 321, 322,
324, 325, 326, 328, 331, 332, 335, 337. « Ça manque de feeling »... La meilleure traduction
de ce terme naguère largement employé par les
—> Big band ◊ Jungle (Style)
amateurs français (curieusement, nombre d’entre
ESCOUDÉ, Christian eux l’ont remplacé depuis par « énergie » : « il y a
Guitariste français (né en 1947) : 291 n 9. de l’énergie ! ») est sans doute « émotion ». Le fee-
ling ne qualifie pas un style mais une interpréta-
EUROPE, James, Reese, dit Jim tion, et peut s’appliquer aussi bien à la prestation
Chef d’orchestre et compositeur américain (1881- d’un big band* qu’à celle d’un soliste, d’un ou
1919) qui, à la tête d’une fanfare militaire, contri- d’une chanteuse que d’un instrumentiste. En fait,
Feeling
feeling, devenu un peu désuet, valait surtout par Cyrille), la décomposition du thème (Ornette
son opposition à « technique », dans une échelle de Coleman), ou encore le recours à des thèmes
valeur qui privilégie le premier, comme le chaud archaïques (Archie Shepp), voire à des rengaines
314 par rapport au froid, l’émotion par rapport à la (Albert Ayler), parfois à leur superposition de
sécheresse : « Brillante technique, mais question manière à créer des climats sonores plutôt que des
feeling, zéro ! » ; « Ce n’est pas un grand virtuose, enchaînements mélodiques fondés sur la trame har-
mais quel feeling ! ». monique (Art Ensemble of Chicago, Sun Ra),
l’exacerbation des ressources et timbres de l’instru-
FITZGERALD, Ella ment allant parfois jusqu’à la stridence ou au cri par
Chanteuse américaine (1918-1996) : 183, 197, 319, une vocalisation de celui-là (John Coltrane,
330. Pharoah Sanders, Eric Dolphy, Anthony Braxton,
FRANKLIN, Aretha Grachan III Moncur, Lester Bowie), le rejet de la
distinction entre composition, arrangement* et
Chanteuse américaine (née en 1940) : 331.
improvisation (Cecil Taylor), la priorité accordée au
—> Soul music jeu collectif (Bill Dixon, Alan Silva), les tentatives
de « métissages musicaux » (Clifford Thornton,
Free jazz Archie Shepp)..., tout cela, ajouté à une recomposi-
Appellation directement inspirée de l’album enre- tion et redistribution spatiale de la matière sonore,
gistré par le double quartette d’Ornette Coleman a pu laisser croire que le free jazz était bien une
en 1960 (Free Jazz), le free jazz (littéralement « jazz entreprise de subversion (Clifford Thornton), une
libre » ou « jazz libéré »), autrement nommé par des tentative bien plus que musicale d’une « nouvelle
critiques ou producteurs de disques « new thing », sécession » (Great Black Music*), ou un retour à la
mais qu’on ne peut, par définition, assimiler à un « primitivité » et à la « transe » (Sonny Sharrock,
style – le free jazz tend à tous les abolir, les mélan- Pharoah Sanders). Mais c’était négliger que, dès le
ger et les dépasser –, a été souvent confondu avec début des années 50, dans un tout autre contexte,
des prises de position séditieuses et renvoyé esthéti- des musiciens avaient déjà pris de considérables
quement, de façon réductrice, à son contexte socio- libertés avec les formes canoniques du jazz et ses
politique d’émergence : la lutte pour les droits grilles * harmoniques, que ce soit chez les pianistes
civiques. Les actions des Black Panthers, le nationa- Thelonious Monk (Blue Monk) et Lennie Tristano
lisme noir et l’organisation des Black Muslims à (Line Up, East-Thirty-Second), ou encore, quelques
laquelle nombre de musiciens de jazz s’étaient en années plus tard, chez les musiciens du jazz dit West
effet ralliés, en un mot le black power, donnent Coast* (Jimmy Giuffre, Shorty Rogers, Shelly
quelque crédit à cette vision des choses. Si, comme Manne) ou dans les arrangements de George Russel
le soutient en 1963 le poète et écrivain noir-améri- (Ezz-Thetics), initiateur du jazz modal* auquel
cain LeRoi Jones, l’histoire du jazz est celle du John Coltrane ajoutera bientôt son exubérance
peuple noir dans l’Amérique blanche, et si, comme sonore, Bill Evans ou McCoy Tyner leurs nappes
le rappelle l’historien britannique Eric Hobsbawm, harmoniques et Miles Davis son art du développe-
le jazz, à l’image de tout autre musique, n’est pas ment sur un minimum d’accords. Outre la portée
séparable des attentes de son public, alors le free politique qu’on ne peut certes lui dénier, le free jazz
jazz et le black power ne peuvent que constituer un a surtout représenté un aboutissement des
couple indissociable et s’informer ou se déterminer recherches formelles engagées depuis le be-bop* et
l’un l’autre (ce que, du reste, affirmera, par le choix le cool*. Ce faisant, il manifeste, tout comme l’avait
du titre, le livre de Philippe Carles & Jean-Louis fait le be-bop, les capacités inouïes du jazz à se
Comolli paru en France en 1971 : Free jazz / black renouveler sans pour autant renier son héritage :
power, ouvrage écrit lors du remue-ménage poli- des musiciens considérés comme les plus représen-
tique et idéologique de l’après mai 68, et où fut tatifs de ce courant, tels Ornette Coleman ou
réservé un accueil exceptionnel au free jazz, au Albert Ayler, n’ont pas hésité à inscrire blues* et
point qu’une marque de disque, Byg, créée par standards* à leur répertoire et à les réinterpréter, en
Jean-Luc Young, Jean Georgakarakos et Fernand particulier dans Change Of The Century (1960)
Boruso, lui fut exclusivement consacrée). pour le premier, et dans My Name Is Albert Ayler
L’esthétique même du free jazz, ou plutôt sa contre- (1963) pour le second.
esthétique (comme il existe une contre-culture),
—> Jazz modal
semble être une transposition presque note à note,
ton à ton, des revendications, contestations, rebel- FREEMAN, Earl, Lavon, Von
lions, en d’autres termes : une transposition jazzis- Saxophoniste ténor et compositeur américain (né
tique de la volonté d’émancipation du peuple en 1922) : 223.
noir-américain et de sa critique de la société améri-
caine – ce qu’avaient amorcées les Fables Of Funk, Funky
Faubus * de Charles Mingus. L’éclatement de la Terme emprunté à l’argot des ghettos noirs qui
continuité rythmique (Sunny Murray, Andrew désigne l’odeur du corps lorsqu’il travaille ou qu’il
FITZGERALD Ella
fait l’amour. Il s’applique à une musique qui solli- GAYLE, Charles
cite directement la participation corporelle au Saxophoniste et pianiste américain (né en 1939) :
moyen de procédés assez frustres : rythmes carrés, 215.
lourdement accentués, simplicité mélodique avec 315
l’utilisation de formules rodées dans le blues* et le GELLER, Herbert dit Herb
gospel*, recours aux riffs* enchaînés de manière Saxophoniste alto américain (né en 1928) : 207.
quasi hypnotique, culture des sonorités réputées GETZ, Stanislas, Stan
sales (dirty*) comme des effets de growl*, de hur-
Saxophoniste ténor américain (1927-1991) : 185,
lement, de couinement, de saturation... Le surgis-
203, 319, 334, 335, 336, 338.
sement périodique de l’aspect funk dans l’histoire
du jazz marque à chaque fois une réaction contre Ghost note
une évolution qui l’emportait vers des formes de Littéralement « note fantôme », et plus exactement,
plus en plus complexes et élaborées. L’appellation note tantôt suggérée, tantôt esquissée ou exposée
jazz funky désigne un courant qui, au milieu des sans hauteur déterminée. Souvent produite en jazz
années 50, introduisit dans l’héritage du be-bop* sur presque tous les instruments à cordes ou à vent
des éléments venus du gospel (exposition des (Django Reinhardt ou Charlie Parker en firent un
thèmes selon un schéma appel-réponse, rythme à usage intensif ), elle constitue une sorte de liaison
trois temps, jeu de piano ou d’orgue en block- entre deux accords tout en restant harmonique-
chords*) et de blues (procédés itératifs). Il fut illus- ment étrangère à l’un et à l’autre. Ce faisant, elle
tré par les formations d’Horace Silver, des frères introduit à la fois un effet d’hésitation ou de respi-
Adderley (Cannonball et Nat), les pianistes Bobby ration (nécessaire au swing*) et une complicité
Timmons (un moment musicien des Jazz (puisqu’elle est plus devinée qu’entendue), mais
Messengers d’Art Blakey), Junior Mance, Leslie que les techniques d’enregistrement numérique, du
McCann. À cette époque, le jazz funky était égale- fait de leur binarité, peuvent difficilement rendre :
ment appelé churchy, équivalence qui mériterait si celles-ci permettent une meilleure reproduction
un long commentaire. Le Ray Charles de What’d I de l’agencement des timbres et des nuances harmo-
Say traduit bien cette association churchy-funky. À niques, en revanche elles présentent un sérieux défi-
la fin des années 70, le terme funk sera lui aussi cit dans la restitution de la dynamique du phrasé et,
utilisé pour désigner un mouvement spécifique. en réalité, du son de l’instrumentiste, donc de la
Exacerbant certains traits de la soul music* et reproduction des ghost notes.
réutilisant des éléments caractéristiques du free —> Son
jazz*, des formations comme Sly and the Family
Stone, Parliament, Funkadelic du côté variétés, le GILLESPIE, John, Birk, dit “Dizzy”
Human Art Ensemble, Defunkt, Slikaphonics du Trompettiste, compositeur et chef d’orchestre
côté jazz, remirent en avant les senteurs fortes du américain (1917-1993) : 28, 61, 63 n 7, 69, 111,
funk. Ornette Colemann et Miles Davis n’y furent 127, 129, 135, 136, 140, 144 n 12, 181, 302, 304, 319,
pas insensibles. 322, 326, 330, 331.
Benny GOODMAN
GORDON, Dexter, Keith Boys of Alabama, Golden Gate Quartet, etc., pour
Saxophoniste ténor américain (1923-1990), les hommes, Roberta Martin Singers, Ward
considéré comme un des plus purs représentants Singers, Davis Sisters, Angelic Gospel Singers, etc.,
316 du style hard bop* et, avec Wardell Gray, l’un des pour les femmes – il est rare que ces groupes soient
grands spécialistes du chase* : 206 n 15, 210, et mixtes, à l’exception notable de la famille des
n26, 309, 316. Staple Singers) ou les grands chœurs qui se dédient
plutôt au chant à l’unisson, tel celui d’Edwin
GORDON, Joseph, Henry dit Joe Hawkins et son célèbre Oh Happy Day. Il faut voir
Trompettiste américain (1928-1963) : 336. dans ce dialogue une transposition directe de
l’échange entre le pasteur et les fidèles. À un
Gospel song moment ou à un autre de leur carrière, la majorité
Le gospel est la tradition du chant religieux afro- des interprètes de gospel ont eu affaire au jazz, au
américain. Comme terme générique, « gospel » a blues ou au rythm and blues. Soit parce que cette
supplanté « spirituals » et « negro spirituals » qui ne association participait de leur paysage musical ori-
désignent plus aujourd’hui que certains hymnes et ginel (les Staple Singers), soit parce qu’ils avaient
cantiques interprétés par des groupes vocaux. Les délibérément choisi d’illustrer ces différents aspects
negro spirituals, indique Denis-Constant Martin, (Sister Rosetta Tharpe), soit parce qu’ils étaient
sont issus de traditions qui se sont formées pendant appelés à prêter leur concours à un événement
l’esclavage. Ce répertoire, s’il reste vivant, a toute- ponctuel (Mahalia Jackson enregistrant en 1953 la
fois été peu à peu submergé par les compositions de suite Black, Brown And Beige de Duke Ellington
spécialistes du gospel. Dès qu’ils ont été invités à se avec son orchestre). Ce sont les voix du gospel qui
rassembler pour pratiquer la religion chrétienne ont fait la soul music et les variétés noires à partir
– celle des maîtres –, les esclaves, en reprenant à leur des années 70. Mais les plus grandes figures sont
compte la phraséologie biblique, ont fait du chant des personnalités qui ont ajouté à leurs qualités de
une expression de leur volonté d’émancipation. chanteuses ou chanteurs celles d’animateurs : ils
Le gospel demeure lié à la vie des communautés ont composé, monté des formations, organisé des
religieuses entre lesquelles se partagent les Afro- congrégations, créé des maisons d’éditions et des
Américains des États-Unis, Églises protestantes firmes phonographiques : Thomas A. Dorsey et
parmi lesquelles celles dites « pentecôtistes » ou Roberta Martin dans les années 30 et 40, James
« sanctifiées » ont joué un rôle prépondérant dans Cleveland dans les années 60. Des talents, comme
son développement. « La création de la Church of ceux de Clara Ward, Marion Williams, Tramaine
God in Christ (1895), qui deviendra la plus impor- Hawkins rencontreront le succès sans sortir de la
tante de ces Églises sanctifiées, est aussi un événe- sphère religieuse. Le jazz s’est montré friand de l’ex-
ment musical puisque c’est en elle que se pressionnisme gospel chaque fois que des musi-
ressourcera le chant évangélique à tous les moments ciens ont ressenti le besoin de réagir contre ce qu’ils
cruciaux de son évolution » (Denis-Constant considéraient comme une édulcoration ou un affa-
Martin, Le Gospel afro-américain. Des spirituals au dissement. Le gospel reste vivant et évolue, à
rap religieux, Paris et Arles, Cité de la Musique / preuve les grands solistes qu’il offre chaque décen-
Actes Sud, 1998). Tous les grands noms du gospel nie (comme aujourd’hui Liz McComb). On vérifie
sont issus de chorales liées à des congrégations. Ce là que le conclave religieux s’il n’interdit pas aux
lien toujours maintenu permet au gospel de conser- innovations de pénétrer en son sein, préserve de la
ver ses caractères propres tout en absorbant nombre dilution dans les variétés internationales.
d’innovations stylistiques et technologiques (l’am-
plification des instruments, par exemple) venues du GRAPPELLI, Stéphane
jazz, du rythm and blues ou des variétés. En Violoniste français (1908-1997) ; au côté de
échange, si l’on peut dire, le gospel reste le grand Django Reinhardt, il enregistra en 1937 avec
pourvoyeur en voix – voix noires – dans ces Eddie South, l’un des pionniers du violon en
domaines. Du point de vue du style, un certain jazz : 290, 291, 318, 328, 332.
nombre de traits constants caractérisent le gospel : GRAVES, Milford
• La prépondérance des voix. Faire entendre les Batteur et pianiste américain (né en 1941) : 223.
textes reste primordial, même si la ferveur appelle
souvent le cri et peut aller jusqu’à la glossolalie et la GRAY, Wardell
transe. Le gospel a su faire place aux voix les plus Saxophoniste ténor américain (1921-1955) ; un
travaillées et les plus pures comme aux plus rustres. des spécialistes, avec Dexter Gordon, du chase* :
• Le dialogue entre un soliste et une collectivité. 210 n 26, 309, 316.
Rares sont les vedettes du gospel qui se produisent
sans un chœur les entourant et les soutenant ; les Great Black Music
autres formules privilégiées sont les quartettes et les Appellation apparue dans le milieu des années 60,
quintettes cultivant de savantes polyphonies dans le cadre de l’AACM*, visant à se substituer au
vocales (Five Blind Boys of Mississippi, Five Blind terme jazz jugé réducteur et péjoratif, et qui enten-
GORDON Dexter
dait restituer aux Noirs américains leur héritage Documents (1930, 1) de nouveaux disques de
musical et l’actualiser autant que le valoriser dans Duke Ellington : « À tous ces airs, l’érotisme
des manifestation à la fois musicales, théâtrales et déchaîné, le burlesque aucunement “comique”,
chorégraphiques mais dont le caractère politique, mais intervenant seulement comme une sinistre 317
compte tenu du contexte de lutte pour les droits dérision, les pulsations tout à fait animales – bro-
civiques, n’était pas absent. C’est d’ailleurs sous chées d’affreux hoquets bien plus semblables à des
cette appellation que se produira l’Art Ensemble of convulsions d’infusoires qu’à des soubresauts
Chicago* au festival de jazz et de blues d’Ann Arbor d’ivrogne – confèrent un caractère d’horreur gran-
en 1972, première apparition de la formation dans diose, inquiétant comme les larves qui grouillent
un festival américain : 134. obscurément en nous, sans que parviennent à les
—> AACM ◊ ART ENSEMBLE OF CHICAGO ◊ Free jazz neutraliser ni cette ironie d’essence romantique, ni
l’arc-en-ciel sonore opposé à la férocité d’un
GREEN, Vernice Bunky rythme de cérémonie rituelle ou d’incantation
Saxophoniste (alto et soprano) et compositeur magique ». Les trompettistes de Duke Ellington,
américain (né en 1939) : 223. Bubber Miley et Cootie Williams, et le trombo-
niste Tricky Sam Nanton, étaient passés maîtres
GREEN, Charlie, dit “Big” dans l’art du growl. Abandonné par le be-bop* et
Tromboniste américain (1900-1936) : 59 n 4. le cool*, cet effet réapparaîtra, avec une significa-
GREEN, Frederick, William dit Freddie tion tout autre, plus violente et contestataire, dans
le style hard bop* (soul*, funky*, churchy) et le
Guitariste américain (1911-1987) ; il fit toute sa
free jazz*, notamment chez Charles Mingus,
carrière dans l’orchestre de Count Basie, et est
Roland Kirk, Eric Dolphy, Albert Ayler, Lester
considéré comme l’un des plus grands accompa-
gnateurs de l’histoire du jazz : 332. Bowie ou Archie Shepp.
—> Free jazz ◊ Jungle (Style) ◊ Sourdine
GREER, Sonny, William, Alexander
Batteur américain (1895-1982) qui, dans l’or- Grille (harmonique)
chestre de Duke Ellington, utilisa un ensemble de Du nom de la représentation graphique de la
percussions impressionnant et, introduisant de trame harmonique d’un morceau de jazz. Les
grandes variations dans le jeu de batterie, contri- mesures d’un thème sont figurées par des cases
bua à en faire un instrument soliste : 303, 313. (carrées ou rectangulaires) à l’intérieur desquelles
est inscrit, sous une forme chiffrée, l’accord corres-
GRÉGOR (Krikor Kelekian) pondant à chaque mesure. Dans sa plus simple
Chanteur et chef d’orchestre français (1898- expression – le blues* de 12 mesures et de struc-
1971) : 291. ture AAB – elle est dessinée par 12 cases groupées
par 4 qui, mises bout à bout, constituent ainsi la
GRIFFIN, Johnny
grille des accords et définit l’ordre de leur enchaî-
Saxophoniste ténor américain (né en 1928) : 204. nement qui servira de séquence de base au chorus*,
Groove donc à l’improvisation.
Littéralement « rainure », « sillon » (d’un disque). —> Blues
Mot passé dans l’argot des musiciens de jazz à la
fin des années 30 et signifiant « prendre son GRYCE, Gigi
pied », « être dans le coup », c’est-à-dire inspiré et Saxophoniste alto et compositeur américain
swinguant. (1927-1983) : 159.
—> Swing GUÉRIN, Bernard dit Beb
Growl Contrebassiste français (1941-1980) : 131.
Littéralement « grognement », « grondement ».
Terme utilisé dès la fin des années 20 pour dési-
gner les effets de grognement animal ou de voca-
H ADEN, Charles, Edward dit Charlie
Contrebassiste et chef d’orchestre américain (né
lisation humaine à la manière des preachers de en 1937) : 296.
GLOSSAIRE ET INDEX
Adelaïde HALL
pour avoir enregistré en 1927 Creole Love Call avec HERMAN, Woodrow, Charles dit Woody
l’orchestre de Duke Ellington : 66. Clarinettiste et chef d’orchestre américain (1913-
HAMILTON, Foreststorn, dit “Chico” 1987), pour qui Igor Stravinsky écrivit en 1945 le
318 Ebony Concerto : 56, 137, 305, 334, 335.
Batteur américain (né en 1921) : 305, 336, 337.
HIBBLER, Albert, Al
HAMPTON, Lionel
Chanteur américain (né en 1918) : 185.
Vibraphoniste, batteur, chef d’orchestre américain
(né en 1909) : 67, 203, 206, 326, 331. HILL, Andrew
Pianiste et compositeur américain (né en 1937) :
HANCOCK, Herbert, Jeffrey dit Herbie 202, 222.
Pianiste et compositeur américain (né en 1940) :
HINES, Earl, Kenneth, dit “Fatha”
187 n 31.
Pianiste, compositeur et chef d’orchestre améri-
HANDY, John cain (1903-1983) : 63.
Saxophoniste alto et ténor américain (né en HODEIR, André
1933) : 188. Violoniste, compositeur, arrangeur et musico-
Hard bop, Hard boppers logue français (né en 1921) : 24, 109, 190 n 41, 194,
—> Be-bop 236, 271, 310, 333.
HAMILTON Chico
l’association, organisèrent à Paris le 2 décembre 1967, vit se produire lors de tournées internatio-
1934 un concert pour un quintette dont les lea- nales les plus grands solistes et accompagnateurs du
ders étaient Django Reinhardt et Stéphane jazz, de Charlie Parker à Ella Fitzgerald, en passant
Grappelli et qui avait pour originalité de n’être par Stan Getz, Jay Jay Johnson, Roy Eldridge, 319
composé que de cordes (violon, guitares, contre- Dizzy Gillespie, Lester Young, Oscar Peterson, etc.,
basse). Le Joe Venuti’s Blue Four, qui enregistrait mais sans que ceux-ci fussent toujours convaincants
aux États-Unis depuis 1927, bâti lui aussi autour dans ce type de performance.
du couple violon-guitare (Joe Venuti, Eddie Lang), —> Bœuf ◊ Kansas City (Style)
comprenait toujours un instrument à vent (clari-
nette ou saxophone) et un piano ou une batterie. JARMAN, Joseph
Ce quintette de 1934, qui avait auparavant enre- Saxophoniste et percussionniste américain (né en
gistré deux titres sous l’appellation Delaunay’s Jazz, 1937) : 212, 303.
sera désormais présenté comme le Quintette du
—> ART ENSEMBLE OF CHICAGo
Hot Club de France.
HUBBARD, Frederick, Dewayne dit Freddie JARRETT, Keith
Pianiste américain (né en 1945) : 137, 222, 300,
Trompettiste américain (né en 1938) : 210, 305.
312, 321, 326, 334.
HUCK, Daniel
Jazz (Le mot)
Saxophoniste et chanteur français (né en 1948),
Le terme « jazz » s’est prêté à toutes sortes de tra-
l’un des grands spécialistes du scat singing* : 330.
ductions et d’étymologies, les unes plus fantaisistes
HUMAIR, DANIEL que les autres. Dans le Dictionnaire du jazz, Frank
Batteur suisse (né en 1938) : 212. Ténot rappelle que selon certains auteurs, « jazz »
dérive de « gism/ jasm, américanisme synonyme de
HYLTON, Jack force, exaltation ou sperme. Autre hypothèse : la
Pianiste et chef d’orchestre anglais (1892-1965) : déformation de chasse beau, figure du cake-walk
263. devenue ensuite jasbo, surnom de musiciens ». Il
peut aussi dériver « du verbe français jaser, utilisé
en patois créole, tandis que Dizzy Gillespie assure
I Got Rhytm que jasi, d’un dialecte africain [lequel ?], signifie
Morceau de 32 mesures (de type AABA) composé vivre à un rythme accéléré, sous pression. Tony
par George et Ira Gershwin en 1930, dont les Palmer, lui, signale qu’en argot cajun les prosti-
accords ont été utilisés, notamment dans le be- tuées de La Nouvelle-Orléans sont appelées jazz-
bop par Charlie Parker, Dizzy Gillespie et Kenny belles, en référence à la Jezabel de la Bible... » Le
Clarke, pour composer de nouveaux thèmes tels Dictionnaire historique de la langue française
que Anthropology, Ah Leu Cha, Moose The Mooche, d’Alain Rey note que l’étymologie la plus sérieuse,
Salt Peanuts : 28. que l’on doit à Lafcadio Hearn, fait allusion à un
verbe argotique noir, en usage à La Nouvelle-
IRVIS, Charlie
Orléans vers 1870-1880, qui signifierait « exciter »
Tromboniste américain (1899-1939) : 64. avec une connotation rythmique et érotique.
Affaire à suivre donc... Quoi qu’il en soit, « jazz » a
JACKSON, Mahalia
donné des dérivés tels que « jazziste », « jazzis-
tique », « jazzer » ou « jazzifier », « jazzologie »,
Chanteuse américaine (1911-1972) ; l’une des
« jazzy », qui témoignent d’une forte pénétration
grandes voix du gospel song* : 316.
dans le vocabulaire musical et culturel sans que
JACKSON, Milton, Milt, dit “Bags” pour autant la lumière soit faite sur leur significa-
Vibraphoniste et compositeur américain (né en tion réelle ni évidemment sur celle du radical. Ce
1923) : 61, 69, 325, 331. qui, s’agissant d’un phénomène artistique de cette
ampleur, pose un sérieux problème puisque le mot
Jam-session, Jam qui le désigne ne se fonde, en fait et en raison, sur
Désigne des séances « after hours » (après les heures rien ou presque rien, à la manière de dada (sauf
GLOSSAIRE ET INDEX
de travail) – en français « bœuf »* – où des musi- qu’il a duré plus longtemps). Il est, en tout cas,
ciens de tous bords et de tous styles se réunissent d’une telle incertitude sémantique qu’il a fini par
pour se livrer, à partir de thèmes ou de structures peser sur la musique qu’il est censé signifier – il est
harmoniques simples, à des improvisations, parfois aujourd’hui honni sinon banni par maint musicien
à des chases*. Apparu dans les années 30 dans les de jazz –, au point d’exemplifier l’idée d’Igor
boîtes de Chicago* et de Kansas City*, ces réunions Stravinsky selon laquelle la musique ne peut ren-
devaient être formalisées par Norman Granz : il les voyer à autre chose qu’à elle-même : elle est sans
transposa sur des scènes de concert dans le cadre du signification, les rapports de son ne pouvant défi-
Jazz at the Philarmonic (JATP) qui, de 1944 à nir des rapports de sens. CQFD !
Jazz band
JOHNSON, Pete « jungle » que peint Duke Ellington – originelle,
Pianiste américain (1904-1967) : 322. celle d’Afrique ? Urbaine et moderne, celle des
grandes métropoles américaines ? Violente et
JONES, Elvin, Ray secrète, celle de Harlem et de la pègre qui tenait les 321
Batteur américain (né en 1927) ; il fut le pilier du boîtes, tel le Cotton Club ? Fantasmatique et naïve,
quartette de John Coltrane et l’un des inventeurs à la manière du douanier Rousseau ? – sans se
de séquences polyrythmiques dans un même rendre compte qu’il n’y avait nul besoin d’un réfé-
tempo : 194, 212, 213, 313, 331. rent puisque la jungle était la musique elle-même.
JONES, Henry, Hank —> Growl ◊ Sourdine
Pianiste américain (né en 1918) : 332.
JONES, Jonathan, Jo K AMUCA, Richard dit Richie
Batteur américain (1911-1985) ; au sein de l’or- Saxophoniste ténor américain (1930-1977) : 336.
chestre de Count Basie, il fut non seulement l’une Kansas City (Style)
des grandes figures du middle jazz *, mais l’un des Ville d’éleveurs et de commerce du bétail, située à
grands techniciens de la batterie *, déplaçant la la frontière des États du Kansas et du Missouri,
frappe régulière du tempo de la grosse caisse à la Kansas City a connu une forte concentration de la
pédale charleston*, parfois à la cymbale ride, population noire à la fin du XIXe siècle, attirée par
annonçant de ce fait le jeu qui caractérisera le les nouvelles terres du Kansas ; sa présence devait
drumming* be-bop* et, en particulier, celui de favoriser la transformation du blues dit campa-
Kenny Clarke : 130, 313, 322. gnard en blues urbain, qui sera une des marques de
JONES, Joseph, Rudolph, dit “Philly Joe” Kansas City. Devenue une ville prospère au
Batteur américain (1923-1985) ; dans le cadre du moment de la Prohibition (1920-1933), elle
premier quintette de Miles Davis (à la fin des connut une effervescence nocturne peu commune
années 50) et grâce à sa virtuosité, son indépen- pour une agglomération de taille moyenne
dance des quatre membres, il développa une nou- (101 000 habitants en 1920). Sous le contrôle
velle conception du drumming * en laissant flotter d’une pègre d’origine sicilienne, elle-même proté-
le marquage des temps à la charleston*, technique gée par l’administration particulièrement corrom-
que reprendront et radicaliseront plus tard les bat- pue de l’« Irlandais » Tom Pendergast et sa famille,
teurs de Miles Davis et de Keith Jarrett, Tony qui, jusqu’à son arrestation en 1938, allait mainte-
Williams et Jack DeJohnette : 312, 313. nir Kansas City dans une sorte d’extraterritorialité
fédérale, cette vie nocture permit aux musiciens de
JONES, Quincy, Delight jazz de trouver un emploi relativement stable dans
Trompettiste, arrangeur, compositeur et chef d’or- les casinos, cabarets, dancings, bordels qui s’y
chestre américain (né en 1933) : 302. étaient déployés et, surtout, de former et d’entrete-
nir des ensembles au personnel plus étoffé. La
JONES, Richard M. concentration de ces boîtes dans les 12e et 18e rues
Pianiste et compositeur américain (1889-1945) : favorisait les allées et venues des musiciens, les
55. écoutes réciproques et les confrontations « after
JONES, Samuel dit Sam hours » : Kansas City fut un des hauts lieux des
jam-sessions*. Le style même qui se mettait en
Contrebassiste américain (1924-1981) : 204.
place, par sa pression rythmique et son épure har-
JONES, Thaddeus, Joseph dit Thad monique, ne put qu’en encourager l’exercice, la
Trompettiste, bugliste et chef d’orchestre améri- répétition, voire les débordements : aux dires de
cain (1923-1986) ; frère d’Elvin et de Hank, il témoins de l’époque, certaines jam-sessions* furent
fonda avec le batteur Mel Lewis et dirigea, dans les homériques, Lester Young, Ben Webster, Hershel
années 60 et 70, une grande formation : 305. Evans, Hot Lips Page, Dick Wilson, etc., se livrant
à des séances de plusieurs heures d’affilée (cf.
Jungle (Style) Ronald L. Morris, Le Jazz et les gangsters, Paris, Édi-
Style inventé et popularisé par l’orchestre de Duke tions Abbeville, 1997). C’est dans « ce laboratoire
GLOSSAIRE ET INDEX
Ellington au cours des années 20, en ses œuvres et vitrine de la musique noire en gestation »
les plus expressionnistes. Y sont privilégiés les (Philippe Carles, Dictionnaire du jazz) que les for-
contrastes de couleurs et les effets de vocalisation mules des grands orchestres du middle jazz* ont été
des instruments souvent obtenus grâce à l’utilisa- élaborées. Elles ne s’appuient pratiquement plus
tion d’accessoires comme les sourdines* en caout- sur les contrepoints collectifs du style New
chouc pour les cuivres. Les trompettistes Bubber Orleans* (dont s’inspirent les premières composi-
Miley et Cootie Williams, le tromboniste Tricky tions de Duke Ellington et qu’ont réutilisés les
Sam Nanton illustrent ce style avec éclat. Critiques Chicagoans*) mais sur des ensembles ou des sec-
et amateurs se sont interrogés : quelle est cette tions joués à l’unisson auxquels répond le soliste ou
KAY Connie
amateurs : un soir, près de Memphis ou de Paris LIEBMAN, David dit Dave
(Texas), dans un bouiboui de la 52e rue ou sous le Saxophoniste ténor et soprano (né en 1946) : 214.
pont de Brooklyn, quelqu’un aura entendu un
saxophoniste qui jouait des notes et des phrases LINCOLN, Abbey 323
inouïes comme Charles Ives du fond de son cabi- Chanteuse américaine (née en 1930) : 140.
net d’assurances inventait déjà Bartók ou
LOCKWOOD, Didier
Stravinsky, et au côté de qui John Coltrane n’aurait
été qu’un arpète. Et chacun sait qu’il y aura tou- Violoniste français (né en 1956) : 291 n 9.
jours un concert, une séance, un set, un chorus LOVANO, Joseph, Salvatore dit Joe
éblouissant qui se sont perdus dans la nuit, à Saxophoniste ténor américain (né en 1952) : 207.
jamais. L’histoire du jazz – l’improvisation les sus-
cite – est traversée de telles légendes, oscillant entre LOUISS, Eddy
la figure de Bartleby (le cornettiste Freddie Keppard Organiste, pianiste, compositeur et chef d’or-
refusant obstinément d’enregistrer de crainte que chestre français (né en 1941) : 307.
d’autres ne lui volent ses idées ; le grand cornettiste
Buddy Bolden interné à vie dès l’âge de 30 ans sans LUNCEFORD, James, Melvin, dit Jimmie
jamais avoir pu graver un seul morceau sur Saxophoniste, chef d’orchestre et arrangeur améri-
cylindre) et celle de Hautboy, cet autre personnage cain (1902-1947) : 222, 267, 302, 305, 324, 326, 333.
d’Herman Melville, ancien violoniste adulé du LUTER, Claude
public mais qui, désormais, erre incognito dans
Broadway, le feutre cabossé (le banjoïste Johnny St. Clarinettiste et chef d’orchestre français (né en
Cyr reprenant sa truelle de plâtrier après avoir par- 1923) : 57, 59, 60, 66, 328.
ticipé aux séances historiques des Hot Five et Hot LYTTELTON, Humphrey dit Humph
Seven de Louis Armstrong ; Frank Trumbauer rem- Trompettiste et clarinettiste anglais (né en 1921) :
ballant un jour son curieux C melody sax pour s’en 57, 328.
aller dessiner ou vendre des avions ; le saxophoniste
Sonny Rollins se retirant pendant quelques années
de la scène et des clubs pour jouer seul le soir sur le MC C ALL, Steve
pont de Williamsburg ; le pianiste Thelonious Batteur américain (1933-1989) : 224.
Monk regardant pendant les cinq dernières années
de sa vie la ligne des gratte-ciel de Manhattan sans MCCANN, Leslie dit Les
jamais ouvrir un clavier ; et le corps du saxopho- Pianiste et compositeur américain (né en 1935) ;
niste Albert Ayler, à la fleur de l’âge, au sommet de il eut son heure de célébrité au milieu des années
son art, abandonné, on ne sait par qui, on ne sait 60, mais a depuis quitté le monde du jazz pour se
pourquoi, aux flots de l’East River – il avait com- consacrer à la musique de variétés : 315.
posé un des morceaux les plus bouleversants du
MCINTIRE, Kenneth, Arthur dit Ken
free jazz : Ghosts). Comme si l’histoire du jazz
devait se nourrir de vies imaginées, se raconter des Saxophoniste et compositeur américain (né en
vies imaginaires. Pour ainsi dire né avec l’électri- 1931) : 223.
cité, le jazz en a peut-être si bien assimilé l’allégorie MCLAUGHLIN, John
qu’il s’est mis lui-même à dire, chanter et jouer des Guitariste américain (né en 1942) : 92 n 23, 144
contes, à « inventer le temps », comme le note n12, 312.
Laurent de Wilde (Monk, Paris, Gallimard, 1996).
Et c’est la part du merveilleux dans cette musique MCLEAN, Jackie, John, Lenwood
– dans son histoire, ses récits, ses noms et ses lieux Saxophoniste alto et compositeur américain (né
– qu’une anthropologie du jazz devrait aussi en 1931) : 207.
prendre en compte. MCPHERSON, Charles
—> Chicago (Style) ◊ New York Saxophoniste ténor et alto américain (né en
LEVALLET, DIDIER 1939) : 204.
GLOSSAIRE ET INDEX
Mainstream
MANCE, Julian, Clifford Jr., dit “Junior” généraux pour laisser place à une multitude d’ex-
Pianiste américain (né en 1928) : 315. pressions singulières et l’étiquette middle jazz est
utilisée aussi bien pour les big bands* jouant avant
324 MANDEL, John, Alfred dit Johnny tout pour la danse (Jimmie Lunceford, Chick
Tromboniste, trompettiste basse, arrangeur et Webb, Tommy Dorsey, etc.) que pour les solistes
compositeur américain (né en 1925) : 336. annonciateurs des lendemains du jazz (entre autres
—> West Coast (Jazz) Roy Eldridge, et Lester Young).
—> Kansas City (Style) ◊ Mainstream ◊ Swing
MANNE, Sheldon, dit Shelly
Batteur américain (1920-1984) ; l’un des plus MILEY, James, Wesley dit “Bubber”
célèbres représentants du jazz West Coast* : 335, Trompettiste américain (1903-1932) ; dans l’or-
336. chestre de Duke Ellington et de sa période
jungle*, il fut le maître de la sourdine wa-wa* : 66,
MARABLE, Fate
317, 321, 332.
Pianiste et chef d’orchestre américain (1880-
1947), qui, à la tête du Kentucky Jazz Band, se MILLER, Glenn, Alton
produisit à partir de 1917 sur les bateaux à roue Tromboniste, compositeur et chef d’orchestre
qui remontaient le Mississippi, de La Nouvelle- américain (1904-1944) : 84, 286, 287, 295.
Orléans à Saint Louis ; il devint ainsi l’un des pre-
miers « messengers » du jazz : 64, 65, 329. MILLER, Ernest, dit “Punch”
—> Riverboat Trompettiste et chanteur américain (1894-1971) :
63.
MARSALIS, Branford, dit “Jeepy”
Saxophoniste ténor américain, frère de Wynton MINGUS, Charles, Charlie
(né en 1960) : 207, 210. Contrebassiste, pianiste, compositeur et chef d’or-
chestre américain (1922-1979), auteur d’une sin-
MARSALIS, Wynton gulière et provocante autobiographie publiée en
Trompettiste et chef d’orchestre américain (né en 1971 : Beneath the Underdog (Moins qu’un chien) :
1961) : 206, 207 n 16, 210, 305, 329. 8, 26, 58, 67, 69, 108, 125, 126, 140, 159, 184 n 22, 187,
188, 189, 191, 195, 203, 213, 224, 296, 305, 313, 314,
MARSH, Wayne, Marion
317, 326, 331, 336, 337.
Saxophoniste ténor américain (1927-1987) : 69.
—> Be-bop ◊ Fables Of Faubus ◊ Free jazz ◊ Growl
Master take
—> Alternate take Minstrels, Minstrels shows
Comédiens blancs grimés en Noirs pour interpré-
MEHLDAU, Brad ter chansons et saynètes dans des spectacles sou-
Pianiste américain (né en 1970) : 222. vent ambulants de vaudeville, et qui rencontrèrent
beaucoup de succès aux États-Unis tout au long
MEZZROW, Milton, Mezz
du XIXe siècle. Des troupes de minstrels composées
Clarinettiste américain (1899-1972), par ailleurs de Noirs apparurent après la Guerre de Sécession.
auteur en 1946, avec Bernard Wolfe, d’une auto- Certaines des premières interprètes de blues, telles
biographie dont le retentissement alla bien au- Ma Rainey et Bessie Smith, ont débuté dans les
delà des milieux du jazz (La Rage de vivre, Paris,
minstrels shows.
Buchet-Chastel, 1982) : 26, 57, 263, 267.
MITCHELL, George
MICHELOT, Pierre
Cornettiste et trompettiste américain (1899-
Contrebassiste français (né en 1928) : 182, 296.
1972) : 63.
Middle jazz MITCHELL, Louis, A.
S’appliquant à la musique créée entre le New
Batteur et chef d’orchestre américain (1885-
Orleans* et le be-bop*, l’expression désigne à la fois
1957) : 15 n 29.
une période et un style ; la première va grosso modo
de 1930 à 1945 (bien entendu, le middle jazz eut MITCHELL, Keith, Moore dit Red
des précurseurs et ses représentants ont continué à Contrebassiste américain (1927-1992) : 296, 336.
s’exprimer au-delà de cette période) ; le second pré-
sente les caractères d’un classicisme : régularité des MITCHELL, Roscoe, Edward Jr.
quatre temps, improvisations sur la grille* harmo- Saxophoniste américain (né en 1940) : 211, 305.
nique se coulant impeccablement dans les moules
du chorus* et du demi-chorus, règne du schéma Mode, Modalité
thème-variation-thème. Ces caractères sont assez —> Jazz modal
MANCE Junior
MODERN JAZZ QUARTET MULLIGAN, Gerald, Joseph dit Gerry
Formation tout aussi célèbre que les Jazz Saxophoniste baryton, arrangeur, compositeur et
Messengers*, le Modern Jazz Quartet (MJQ), chef d’orchestre américain (1927-1996) : 142, 149,
fondé en 1952 par le pianiste John Lewis et formé 150, 305, 307, 311, 331, 335, 336, 337, 338.
325
de Milt Jackson (vibraphone) Percy Heath (contre-
MURRAY, David
basse) et Connie Kay (batterie) qui succéda à
Kenny Clarke (premier batteur de la formation), Saxophoniste ténor, clarinettiste, clarinettiste
basse, flûtiste et compositeur américain (né en
devait se dissoudre en 1974 pour renaître en 1982
1955) : 129, 207.
jusqu’à la mort de Connie Kay en 1994. Connu
pour sa musicalité « douce », presque éthérée (qui MURRAY, James, Marcellus, Arthur, dit “Sunny”
l’amena à promouvoir le third stream* et à s’asso- Batteur américain (né en 1937) : 285, 314.
cier à des formations classiques, quatuor ou
orchestre symphonique), le Modern Jazz Quartet
n’en dispense pas moins un swing puissant grâce au
N ANCE, Willie, Raymond dit Ray
Pianiste, compositeur et chef d’orchestre améri- tiques stylistiques du jazz New Orleans sont bien
cain (1894-1935) : 57, 322. définies. Le cornet ou la trompette, doublé ou non
par un deuxième cornet, expose le thème, le trom-
—> Big Band ◊ Kansas City (Style) bone ponctue et déroule un soubassement, la clari-
MOYE, Don, dit “FAMOUDOU” nette et parfois le saxophone brodent autour de la
mélodie. Les exposés de thèmes sont polyphoniques
Batteur et percussionniste américain (né en
ainsi que les variations qui leur succèdent ; seuls les
1946) : 211, 303.
breaks* donnent l’occasion aux musiciens de s’ex-
—> ART ENSEMBLE OF CHICAGO primer en solo. Ces voix mélodiques sont soutenues
New York
tant sur l’East River en novembre 1970, mort par 129, 140, 144 n 12, 183, 191, 192, 197, 198, 206, 221,
noyade à trente-quatre ans avait conclu le rapport 236, 280, 293 n 14, 296, 304, 310, 312, 315, 319, 320,
de police... Comme si, à New York, c’était le génie 322, 326, 331, 335, 336.
de la musique qui avait marqué les lieux de son 327
—> Be-bop
empreinte.
—> Légendes du jazz PARLAN, Horace, Louis
Pianiste américain (né en 1931) : 213.
NICHOLAS, Albert dit “Nick”
Clarinettiste et saxophoniste américain (1900- PEACOCK, Gary
1973) : 55, 57, 59, 60, 63, 64, 328. Contrebassiste américain (né en 1921) : 326.
Press roll
rebond des baguettes sur la peau, et qui donne RAINEY, Ma
l’impression d’« une feuille de papier que l’on Chanteuse de blues* américaine (1886-1939) :
déchire » (Miles Davis). 132, 306, 324.
328
Prise (de son) REDDING, Otis
—> Alternate take Chanteur américain (1941-1967) : 331.
PRICE, Samuel, Blythe dit Sammy REDMAN, Dewey, Walter
Pianiste, chanteur américain et chef d’orchestre Saxophoniste ténor et alto (né en 1931) : 207 n 16,
(1908-1992): 322. 212, 213.
PROCOPE, Russel REDMAN, Donal, Matthew dit Don
Clarinettiste et saxophoniste alto américain Arrangeur, compositeur et chef d’orchestre améri-
(1908-1981) ; de 1946 à 1974, il assura les fonc-
cain (1900-1964) : 288 n 6, 302.
tions de leader de la section des anches dans l’or-
chestre de Duke Ellington : 318. REDMAN, Joshua
Saxophoniste ténor américain (né en 1969) : 206
Q UINICHETTE, Paul
n16.
Saxophoniste ténor américain (1916-1983) : 322. REINHARDT, Jean, dit “Django”
QUINTETTE DU HOT CLUB DE FRANCE Guitariste et compositeur français (1910-1953) ;
Formation à cordes créée en 1934 et comprenant, il apporta une sensibilité particulière dans le jazz
outre les guitaristes Django Reinhardt, son frère que de nombreux commentateurs mettent en rap-
Joseph et Roger Chaput, le contrebassiste Louis port avec son appartenance à la communauté
Vola et le violoniste Stéphane Grappelli : 291. manouche : 69, 181, 182, 185, 188, 191 et n 43, 195,
288, 290, 291, 299, 315, 316, 319, 328, 331, 332.
—> Hot Club de France
RENA, Henry, dit “Kid”
Race records Trompettiste américain (1898-1949) : 64.
Prise de son
l’Âge d’or de La Nouvelle-Orléans (Claude Luter en Riverboat
France, Humphrey Lyttelton en Angleterre, Lu Bateaux à roue qui, de La Nouvelle-Orléans à
Watters à San Francisco, Graeme Bell en Australie Saint Louis (et retour), naviguaient sur le
furent les représentants notoires de cette tendance). Mississippi et sur lesquels à partir de 1914 et à l’ini-
329
Souvent considéré comme un mouvement réac- tiative de Fate Marable – fils noir adoptif des frères
tionnaire et stérile par la critique, alors chahutée et Streckfus, principaux armateurs des riverboats –, se
quelque peu abasourdie par l’avènement du be-bop, produisirent régulièrement des jazz bands* de La
le revival ouvrit la voie à la première et, jusqu’à Nouvelle-Orléans, contribuant de la sorte à diffu-
aujourd’hui peut-être, seule approche ethnomusico- ser cette nouvelle musique de la Louisiane à la fron-
logique sérieuse du jazz ; il permit en tout cas de tière de l’Illinois (Freddie Keppard, Louis
réévaluer l’héritage musical noir américain et, de Armstrong, Johnny Dodds, Red Allen y jouèrent) :
façon plus flagrante qu’aux lendemains de la la voie vers Chicago était toute tracée. En hom-
Première Guerre mondiale, de l’universaliser et mage à ces premiers messagers du jazz, Bix
même de le populariser, ce faisant de rompre avec Beiderbecke grava en 1924 puis en 1927 un célèbre
un certain élitisme d’écoute auquel, paradoxale- Riverboat Shuffle.
ment, le jazz avait donné lieu en Europe depuis la
—> Chicago (Style) ◊ New Orleans (Style)
fin de la Seconde Guerre mondiale. (Rappelons que
dès le début des années 50, en France, Sidney RIVERS, Samuel, Carthorne dit Sam
Bechet, qui venait de s’y fixer, devint une vedette au Saxophoniste ténor et soprano, pianiste et compo-
point que son mariage sur la Côte d’Azur en 1951 siteur américain (né en 1923) : 207.
fit la Une des gazettes...) Le terme revival est appli-
qué depuis surtout les années 70, dans un sens péjo- ROACH, Maxwell, Max
ratif par certains critiques de jazz, à toute entreprise Batteur américain (né en 1925) : 69, 140, 159, 191,
néo- (néobop, néohard bop, etc.). Un musicien de 192, 203, 207 n 17, 224, 293 n 14, 305, 313, 331, 336.
l’envergure de Wynton Marsalis, véritable encyclo-
pédie vivante du jazz, se livrant à un travail d’anam- ROBERSTON, Alvin, dit “Zue”
nèse musicale, n’y échappe pas et a donné lieu à de Tromboniste américain (1881-1943) : 64.
vives polémiques.
RODNEY, Red
—> Dixieland (Style) ◊ New Orleans (Style) Trompettiste américain (1927-1994) : 335.
RICH, Bernard dit Buddy ROGERS, Milton, Michael, dit “Shorty”
Batteur américain (1917-1987) : 192.
Trompettiste, compositeur, arrangeur et chef d’or-
Riff chestre américain (1924-1994) : 305, 314, 334, 336.
Terme probablement dérivé du français « refrain », ROLLINS, Sonny
obtenu par altération et abréviation, le riff désigne
Saxophoniste ténor américain (né en 1930) : 28,
une figure à la fois mélodique et rythmique, écrite
69, 127, 135, 140, 204, 210, 305, 323, 326.
ou orale, de deux ou quatre mesures, jouée à l’unis-
son plusieurs fois de suite par une ou toutes les sec- ROMANO, Aldo
tions de l’orchestre, et destinée à soutenir, voire à Batteur italien (né en 1941) : 205.
relancer le soliste (il arrive qu’une des phrases de
celui-ci soit d’ailleurs reprise sous forme de riff ). RONEY, Wallace
On peut y voir (Jacques B. Hess) une reprise et Trompettiste américain (né en 1960) : 207.
une transposition instrumentale de la figure « appel
et réponse » (forme dite responsoriale) des chants ROUSE, Charles dit Charlie
africains, que l’on trouvait déjà en vigueur dans Saxophoniste ténor américain (1924-1988) : 69,
les gospels* et work* songs. Dans les années 30, 168, 169.
l’orchestre de Count Basie a été l’un des premiers ROWLES, James, George dit Jimmy
à utiliser systématiquement le riff dans ses arrange-
ments*, produisant le « swing* de masse » qui Pianiste américain (1918-1996) : 183.
caractérise son style. RUSHING, James, Andrew dit Jimmy
GLOSSAIRE ET INDEX
—> BASIE, Count ◊ Big band ◊ Kansas City (Style) Chanteur américain (1903-1972) : 306, 322.
Rimshot, Rim-shot RUSSEL, Curley, Dillon
Ponctuation ou phrase rythmique obtenue par le Contrebassiste américain (1917-1986) : 192.
batteur en frappant simultanément la peau et le
cercle métallique de la caisse claire avec une RUSSEL, George
baguette, ce qui produit un claquement sec, lequel, Pianiste, compositeur et arrangeur américain (né
en fonction de la position de la baguette sur le en 1923) ; l’un des théoriciens du jazz modal* :
cercle, peut être répété et modulé. 314, 320.
George RUSSEL
RUSSEL, Luis, Carl SHARROCK, Warren, Harding, dit “Sonny”
Pianiste, compositeur, arrangeur et chef d’or- Guitariste américain (1940-1994) : 314.
chestre américain (1902-1963) : 63, 222.
330 SHEARING, George, Albert
RUSSEL, Charles, Elsworth, dit “Pee Wee” Pianiste et compositeur anglais (né en 1919) : 336.
Clarinettiste américain (1906-1969) : 25.
SHEPP, Archie
S .C
T YR, John, Alexander dit Johnny
Saxophoniste ténor et soprano américain (né en
1937) : 110, 131, 133 n 2, 226 n 21, 305, 314, 317.
Banjoïste et guitariste américain (1890-1966) ; il
fut un des habitués des orchestres de riverboats* et SHORTER, Wayne
participa aux séances historiques des Hot Five et Saxophoniste (ténor et soprano) et compositeur
Hot Seven de Louis Armstrong en 1925-1927 et, américain (né en 1933) : 187 n 31, 210, 305, 312.
en 1926, des Red Hot Peppers de Jelly Roll SILVA, Alan, Treadwell
Morton : 64, 65, 323.
Contrebassiste et violoncelliste américain (né en
SANDERS, Farrel, dit “Pharoah” 1939) : 285, 314.
Saxophoniste ténor américain (né en 1940) : 206, SILVER, Horace
314.
Pianiste et compositeur américain (né en 1928) :
Scat singing 69, 203, et n 6, 305, 315.
Manière de chanter en n’utilisant que des suites de SIMEON, Omer,Victor
syllabes ou d’onomatopées. Parfois celles-ci rempla-
Clarinettiste et saxophoniste alto américain
cent les paroles d’une chanson ; parfois elles sont
(1902-1959) : 55, 63.
l’invention du vocaliste qui improvise un chorus
comme le ferait un instrumentiste. Le scat est lié au SIMS, John, Haley, dit “Zoot”
jazz, et ce dès les années 20, mais pas à une époque Saxophoniste ténor américain (1925-1985) : 336.
ou à un style particulier du jazz, chacun et chacune
y ayant eu recours et l’ayant adapté à son ambiance SINGLETON, Arthur, James, dit “Zutty”
et à son phrasé, comme si la voix demeurait le maté- Batteur américain (1898-1975) ; il joua avec Papa
riau premier du jazz. Louis Armstrong, Ella Celestin et, surtout, avec Louis Armstrong : 310.
Fitzgerald, Cab Calloway, Dizzy Gillespie, Betty
Carter, Clark Terry, Bobby McFerrin, Daniel Huck, SISSLE, Noble, Lee
etc., sont de grand spécialistes du scat. Chanteur, violoniste et chef d’orchestre américain
(1889-1975) : 57.
—> Son
Slap, Slapping
SCHIFRIN, Lalo, Boris
Figure rythmique effectuée par le contrebassiste en
Pianiste, compositeur et arrangeur argentin (né en
tirant fortement les cordes de l’instrument de
1932) : 302.
manière à ce qu’elles frappent d’un coup sec contre
SCHULLER, Gunther le manche et y rebondissent, ou en martelant
Corniste, chef d’orchestre et compositeur améri- celles-ci avec la paume de la main. Cette technique
cain (né en 1925) ; il fut en outre l’un des initia- était surtout utilisée dans le style New Orleans*
teurs du third stream* et l’un des premiers grands et visait à compenser le déficit acoustique de la
musicologues du jazz avec ses ouvrages Early Jazz : contrebasse. Désigne également l’effet sonore pro-
Its Roots and Musical Development (New York, duit par le clarinettiste ou le saxophoniste en fai-
Oxford University Press, 1968) et The Swing Era : sant claquer la langue contre l’anche (slap-tongue).
The Development of Jazz 1930-1945 (New York, SLIM, Memphis
Oxford University Press, 1989), dont, malheureu- Pianiste et chanteur américain (1915-1988) ; l’un
sement, seul le premier a été traduit en français en des grands spécialistes du boogie-woogie* : 285, 337.
1997 (Marseille, Parenthèses/Paris, PUF) : 10, 35,
101 n 2, 102, 110, 118, 119, 121, 179, 186, 193, 325, 334. SMITH, Bessie
—> Cool ◊ Third stream Chanteuse de blues* américaine (1894-1937) : 24,
127, 131, 132, 144 n 12, 204, 213, 214, 306, 322, 324, 330.
SCLAVIS, Louis
Clarinettiste et saxophoniste français (né en SMITH, Joseph dit Joe
1953) : 22, 331. Trompettiste américain (1902-1937) : 59 n 4.
SHANK, Clifford, Everett, dit “Bud” SMITH, Leo, dit “Wadada”
Saxophoniste (alto et baryton) et flûtiste américain Trompettiste et bugliste américain (né en 1941) :
(né en 1926) : 58, 336. 228.
RUSSEL Luis
SMITH, Mamie l’accent est mis sur la musique de l’instrument plu-
Chanteuse de blues américaine (1883-1946) ; tôt que sur l’instrument de musique, dont le jazz
avant même sa rivale et homonyme Bessie Smith, par ailleurs, et plus qu’aucune autre forme musi-
elle est la première interprète noire à enregistrer un cale, se risque à explorer tous les registres et toutes 331
blues pour la firme Okey en janvier 1920, inaugu- les possibilités sonores jusqu’à modifier, voire alté-
rant la série des race records* : 306. rer sa tessiture et son timbre sans autre accessoire (à
l’exception des sourdines* ou, à présent, de l’élec-
SMITH, Marvin, dit “Smitty” tronique) que le doigté, le pincement des lèvres, le
Batteur américain (né en 1961) : 203. mouvements des poignets et avant-bras, ou le
souffle. Sans doute peut-on parler du « grain »
SMITH, Willie, dit “The Lion”
d’un son, comme Roland Barthes évoquait celui de
Pianiste et chanteur américain (1897-1973) : 332. la voix. Selon Didier Levaillant (L’Improvisation
Son, Sonorité musicale, Paris, J.-C. Lattès, 1981) « la sonorité
Autant sinon plus que le swing* ou le phrasé, peut- transmet le drame, le jeu. La sonorité est un éven-
être est-ce plus généralement le son obtenu d’un tail de gestes : plus qu’aucune autre la musique
instrument qui caractérise le jazz et identifie le style improvisée garde l’empreinte de ce geste et fait sur-
de ses musiciens, rapprochant ainsi l’instrument du gir, dans toutes les cassures du langage, la puissance
corps et de la voix – supports évidents de la singu- d’un charme qui n’aurait pas d’histoire. Le musi-
larité et marqueurs de l’individualité. Il ne s’agit cien devient un personnage sonore ». Cette incor-
pas là d’un problème d’interprétation ou d’exécu- poration et, disons, cette « autobiographisation »
tion musicales – qui demeure celui de la musique du son ne vont pas sans poser quelques problèmes
dite classique –, mais tout d’abord de présence à l’analyse musicologique ou ethnomusicologique
sonore. L’attaque d’une note de guitare par Django classique en raison même de l’absence ou de l’in-
Reinhardt, de contrebasse par Charles Mingus, adéquation de critères précis de description et
Paul Chambers ou Scott LaFaro, de trompette par d’évaluation. Le son, la sonorité demeure l’énigme
Louis Armstrong, Dizzy Gillespie ou Miles Davis, du jazz. La transposition numérique et l’analyse
de saxophone par Lester Young, Charlie Parker, informatique, déjà utilisées pour la voix, apporte-
Eddie Davis, John Coltrane, Coleman Hawkins, ront peut-être des outils de mesure (bien que les
Gerry Mulligan ou Albert Ayler, etc., est immédia- compressions digitales ainsi effectuées ne puissent
tement reconnaissable (voir, à ce sujet, les épreuves restituer acoustiquement ce qui caractérise parfois
dites du blindfold test *). De même, sur des instru- le son d’un musicien de jazz : la production de
ments dont il est difficile d’altérer la justesse des ghost notes* – donner à entendre sans faire sonner).
notes ou de modifier les réglages en cours de jeu, Mais pour en venir à ce type d’analyse, il convien-
comme le piano ou le vibraphone, peut-on identi- drait que les disciplines évoquées plus haut élèvent
fier le musicien qui en joue par la pression de ses le jazz, qui fut longtemps leur continent noir, au
doigts sur le clavier (ou le rebond des mailloches rang d’un véritable objet d’étude. Ce qui, aujour-
sur les lames) et les sonorités qu’il en tire (tels les d’hui encore, est loin d’être le cas.
pianistes Thelonious Monk, Count Basie, Duke Soul Music
Ellington, McCoy Tyner, Bill Evans ou Cecil
Taylor, et les vibraphonistes Milt Jackson, Lionel Apparue dans les années 60, la soul music est un
Hampton, Gary Burton ou Red Norvo, pour ne carrefour où convergent des influences venues du
citer qu’eux). Les éléments de batterie, bien qu’har- gospel*, du rythm and blues, et donc du jazz et du
moniquement et mélodiquement neutres, et dont blues*. Porteuse du message revendicatif qui mobi-
la résonance est matériellement déterminée, lise les Afro-Américains en cette période, les inter-
n’échappent pas à cette individualisation du son : la prètes de la soul music (dont les grands noms sont
frappe des cymbales (quel que soit leur alliage) ou tous passés par l’église, Aretha Franklin pour les
des caisses (quelle que soit la tension des peaux) par dames, James Brown – du reste dit Godfather of
un Art Blakey, un Jo Jones, un Elvin Jones, un Max Soul –, Wilson Pickett, Otis Redding pour les mes-
Roach, un Kenny Clarke ou un Tony Williams ne sieurs) rencontreront le succès auprès d’un large
peut être confondue avec aucune autre. Comme si public, en Europe aussi bien qu’aux États-Unis. Ses
GLOSSAIRE ET INDEX
le musicien de jazz s’employait en premier lieu à caractères stylistiques sont ceux qu’on associe à
« faire sonner » son instrument au diapason de sa toutes époques aux valeurs noires : expressionnisme
voix, de son corps (Miles Davis dressait souvent un des voix qui va jusqu’à l’exacerbation, carrure ryth-
parallèle entre la boxe qu’il pratiquait et sa mique appuyée, simplicité voire pauvreté – reven-
musique ; le saxophoniste et clarinettiste Louis diquée – des formules mélodiques (les instruments
Sclavis parle de « la mémoire des mains »), en un à vent, généralement employés sous forme de riffs*,
mot de son idiosyncrasie. Pour reprendre une remplissent une fonction tout autant rythmique
distinction introduite par André Schaeffner que mélodique), appel à la danse, etc.
(Variations sur la musique, Paris, Fayard, 1998), —> Blues ◊ Gospel
Soul Music
Sourdine Standard – Song
Accessoire instrumental se plaçant devant le Morceau emprunté au répertoire de la musique
pavillon d’un cuivre (trompette ou trombone), ou populaire et légère, dite chansons de Broadway ou
332 s’y fixant au moyen d’un embout en liège. Sa fonc- de Tin Pan Alley (du nom du quartier – 28e rue,
tion est non seulement d’atténuer le volume sonore entre la 5 e avenue et Broadway – où sont concen-
mais de modifier le timbre. Bien qu’elle soit ancien- trés les éditeurs new-yorkais de ce genre de
nement présente dans l’organologie et l’orchestra- musique), ou parfois à celui de la musique popu-
tion occidentales (les trompettes bouchées de laire européenne (ainsi Les Feuilles mortes de
l’Orfeo de Monteverdi), son usage s’est surtout Jacques Prévert et de Joseph Kosma est-il devenu
généralisé et systématisé, diversifié en même temps un standard). Par extension, le standard désigne des
que spécialisé dans le jazz au point de devenir la compositions de jazz devenues des « classiques ».
marque d’un style, que ce soit le jungle* avec la De manière générale, chaque interprétation par un
plunger (« débouche–évier ») ou le cool* avec la musicien ou un arrangeur de jazz tend à transfor-
sourdine Harmon à la sonorité métallique saturée mer le standard, c’est-à-dire, comme le note
d’harmoniques, inventée dans les années 20. De Philippe Beaudoin (Le Dictionnaire du jazz), à le
tous les effets de timbre et de résonance obtenus déstandardiser (ce que n’a pas su comprendre un
grâce aux sourdines (il en existe de toute espèce et musicologue comme Theodore W. Adorno qui, au
dans tous les matériaux), le plus spectaculaire et le contraire, voyait dans le jazz une musique de la
plus célèbre est sans conteste l’effet dit wa-wa (aussi standardisation) et à en faire une création origi-
orthographié wah-wah) qui, du reste, donna son nale ; c’est notamment le cas de Body And Soul
nom à une sourdine spécialement conçue pour le enregistré en 1939 par Coleman Hawkins, de
produire, et qui vise à imiter des cris d’animaux ou, Autumn Leaves (Les Feuilles mortes) dans la version
parfois, la voix humaine selon le degré d’ouverture de Cannonball Adderley et de Miles Davis en
de la plunger (Bubber Miley et Tricky Sam Nanton), 1958, de My Favorite Things de John Coltrane, de
ou la rotation de la main placée à l’extrémité de La Vie en Rose de Louis Armstrong ou de My Man
l’entonnoir de la sourdine (Cootie Williams). (Mon homme) de Billie Holiday, etc.
—> Cool ◊ Growl ◊ Jungle (Style) STRAYHORN, William dit Billy
SOUTH, Edward, Otha dit Eddie Compositeur et pianiste américain (1915-1967)
Violoniste et chef d’orchestre américain (1904- qui a été de 1939 jusqu’à sa mort l’arrangeur atti-
1962) qui, avec sa petite formation, The tré de l’orchestre de Duke Ellington : 132, 302.
Alabamians, ne comportant aucun cuivre, vint en Stride
en France à la fin des années 20. Puis il se rendit Jeu de piano apparu dans les années 20 à Harlem
seul en Hongrie où il se mit à étudier la musique et consistant à marquer tous les temps de la main
tzigane ; il revint à Paris en 1937 dans le cadre de gauche : les premier et troisième temps (temps
l’Exposition universelle et enregistra, avec Django forts) d’une note basse et les deuxième et qua-
Reinhardt, Stéphane Grappelli et Michel Warlop, trième temps (temps faibles) d’un accord de
pour la marque Swing, créée par Charles dixième plaqué dans le registre médium de l’ins-
Delaunay : 316. trument, pendant que la main droite improvise,
Spirituals, Negro spirituals d’où le terme qui signifie littéralement « grand
—> Gospel pas », « enjambée », et qui exige de la part du pia-
niste une technique de premier plan qui trouvera
STAPLE SINGERS d’ailleurs l’occasion de s’exhiber et de se tester lors
Groupe familial d’interprètes (guitare et chant) de de joutes organisées (ancêtres des chases*) dans les
gospel* : 316. bars ou boîtes entre les adeptes de ce jeu (piano
contests). James P. Johnson et Willie Smith en
STEWART, Leroy, dit “Slam” furent de grands virtuoses, Art Tatum, Fats Waller,
Contrebassiste et chanteur américain (1914- Erroll Garner, plus récemment Hank Jones s’y
1987) : 296, 300. essayèrent souvent avec brio ; à l’occasion, Duke
Ellington et Count Basie y recoururent, faisant
STITT, Edward, dit “Sonny”
preuve d’une parfaite maîtrise de ce jeu très spec-
Saxophoniste alto et ténor américain (1924- taculaire et swinguant.
1982) : 206.
SUN RA
Straight
Pianiste, compositeur et chef d’orchestre améri-
Se dit d’une manière de jouer où la fidélité au cain (1914-1993) : 127, 129, 223, 314.
thème écrit sur partition (straight : « droit », « rec-
tiligne ») est sinon absolue du moins privilégiée Swing
(par opposition à hot*). Littéralement « balancement », « oscillation », « va-
—> Hot et-vient »... Le swing est une qualité propre au jazz.
Sourdine
Est-il ce qui définit le jazz ? Amateurs et spécialistes tion de base, « régularité biologique du type cœur
le pensent. Duke Ellington aussi : It D’ont Mean A qui bat » et du « discours mélodico-rythmique qui
Thing If It Ain’ t Got That Swing. Le problème est se greffe sur elle » la matrice du swing (« Le lieu du
qu’il n’est pas possible de donner une définition jazz », Revue d’Esthétique, 1991). Au cours de l’his- 333
musicologique du swing. Il est dans la musique ; et toire du jazz, la manière de marquer le rythme,
il n’existe aucun doute sur ce point-là. Mais il n’est d’exposer les mélodies, d’organiser les variations
perceptible que dans le résultat du travail musical, improvisées, le rapport entre les rythmiciens et les
ou plus exactement dans l’effet que provoque ce solistes, et, plus généralement, le rôle de chacun au
résultat : cette envie irrépressible de se balancer sein de l’orchestre ont évolué. Le swing a-t-il tra-
qu’entraîne chez l’auditeur la musique qui swingue. versé toutes ces transformations ? L’impossibilité de
Il n’y a aucune recette, aucune formule, aucune le rattacher à des critères immuables et universelle-
notation qui entrerait dans le processus de création ment admis empêche de répondre à cette question.
pour garantir que « ça va swinguer » – le terme Certains entendent du swing là où d’autres ne le
anglais a été, en effet, adopté en français, verbe et perçoivent pas. Nous rencontrons des amateurs
substantif : « Ça swingue méchamment ! », « Il n’a pour affirmer qu’il n’y a pas de swing dans les inter-
aucun swing », « Le swing nonchalant de cette ver- prétations du Creole Jazz Band* de King Oliver ;
sion de I’m Gonna Sit Right Down And Write Myself d’autres disent la même chose du Cecil Taylor Unit.
A Letter »... Des propositions ont tout de même été D’où les débats interminables : « Ça swingue – ça
faites pour cerner de manière plus rigoureuse et plus ne swingue pas » ; « Je ne sens pas le swing, est-ce du
précise ce qu’est le swing. Il apparaît comme un jazz ? »... Autre débat interminable : existe-t-il
phénomène rythmique. On a pensé qu’il était lié à d’autres musiques qui swinguent ? Si le swing est
la mesure à quatre temps – mais les musiciens de seulement défini par l’envie de se mouvoir qu’il
jazz ont montré qu’il était possible de swinguer sur provoque, pourquoi effectivement ne pas considérer
des mesures à deux temps et à trois temps. Deux des que d’autres musiques possèdent cette qualité ?
plus beaux exemples – ceux des orchestres de Count L’insuffisance d’une définition exclusivement sub-
Basie et de Jimmie Lunceford – illustrent au même jective apparaît alors. La valse viennoise donne
moment, soit les années 1934-1940, des manières envie de danser, les marches militaires de se mettre
différentes d’accentuer le tempo et donc de pro- au pas, les boîtes rythmiques de la musique techno
duire le couple tension-détente dont on dit qu’il est de bouger des reins et des bras ; qui oserait pré-
le « secret » du swing. Aussi l’important n’est peut- tendre que ces musiques swinguent ? Mais on
être pas tant l’accentuation des temps faibles que, entend dire que des traditions auraient su, selon
comme le remarque Jacques Réda (Dictionnaire du leurs voies propres, découvrir cette singulière jubila-
jazz), attirant notre attention sur la différence entre tion rythmique : le tango argentin, les bulerias du
Count Basie et Jimmie Lunceford, « le souple glis- flamenco, certaines formes de musique cubaine, de
sement vers le temps fort ». La régularité métrique musique tzigane d’Europe centrale... Le débat est
qui génère le swing n’est jamais mécanique (à la dif- compliqué du fait que le jazz a essaimé et qu’au-
férence de ce que pensaient Theodore W. Adorno et jourd’hui ses caractères se retrouvent dans bien
Pierre Boulez), elle donne même l’impression de d’autres expressions musicales. La tentation est forte
n’être jamais installée : balancement, elle est aussi alors de circonscrire le swing à une formule et à une
respiration. André Hodeir parle d’un « courant période du jazz, celle durant laquelle elle fut prédo-
rythmique propre au jazz » (Hommes et problèmes minante. On parle ainsi d’un « âge du swing », de
du jazz, Paris, Flammarion, 1954). Les métaphores « période swing », en anglais de « swing era », pour
utilisées pour parler du swing font le plus souvent les années qui vont des enregistrements du Hot
référence à des phénomènes naturels. Vouloir défi- Seven de Louis Armstrong (1927) à celles qui
nir le swing en le cantonnant à la dimension ryth- voient l’avènement du be-bop (1945). Années qui
mique amène à remettre en question la définition offrent, quelles que soient les formations – big
du rythme. La manière dont est exposée une mélo- bands*, combos*, solistes –, des exemples brillants
die – ce qu’on appelle le phrasé – peut swinguer ou et variés de swing. Notons, tout de même, que cet
ne pas swinguer. Là encore ni formule ni recette. La Âge d’or du swing est aussi celui des grands
distribution des accents et des silences, les altéra- orchestres, plus particulièrement des années 1935-
tions et ornementations qui soulignent la ligne de 1940, dont la vocation était de jouer pour les dan-
GLOSSAIRE ET INDEX
base, le jeu des contrastes et des couleurs et peut- seurs. Mettant, pour la plupart d’entre eux, en
être la décontraction voire le relâchement de la voix application les mêmes formules, il apparaît que cer-
soliste favorisent l’apparition du swing. « Le jazz tains répandent le swing avec la plus grande aisance
nous réapprend que le rythme est un certain art de alors que d’autres ne produisent qu’une excitation
l’accentuation », note Denis Levaillant (« Trois superficielle, c’est-à-dire mécanique : ce que n’est et
motifs pour le jazz », Revue d’Esthétique, 1991). Le ne saurait être le swing. Il en va donc de sa « fabri-
swing ne peut être réduit au mètre ; la hauteur, la cation » comme de sa définition : tout est question
dynamique, le timbre sont concernés. Michel- de dosage et d’équilibre entre la tension et la
Claude Jalard voit dans l’articulation d’une pulsa- détente, entre les critères objectifs et la subjectivité.
Swing
Qui s’en étonnera puisqu’il s’agit de « balance- George Gershwin (1924) ou l’Ebony Concerto
ment », c’est-à-dire d’un mouvement où l’équilibre d’Igor Stravinsky écrit pour l’orchestre de Woody
perpétuellement se perd et se retrouve ? Herman en 1946, avaient semblé indiquer la voie,
334 ce fut surtout au cours de la période cool*, avec l’ac-
T APSCOTT, Horace
cent mis sur les arrangement écrits – en mal, peut-
être, d’une reconnaissance académique et en quête
Pianiste et compositeur américain (né en 1934) : d’une respectabilité sociale – que ce courant s’est
223. développé sous la houlette de John Lewis (le pia-
niste et leader du Modern Jazz Quartet*) et du cor-
TATE, George, Holmes, dit “Buddy”
niste et musicologue Gunther Schuller qui s’en
Saxophoniste ténor et clarinettiste américain prétendit le théoricien ; tous deux fondèrent en
(1914-2001) : 322. 1962 l’Orchestra USA et inscrivirent à son réper-
TATUM, Arthur, Art toire des œuvres de Charles Ives, Kurt Weill, Darius
Pianiste américain (1909-1956) : 69, 137, 193, 332. Milhaud, Paul Hindemith, Igor Stravinsky, etc. Les
compositions ou interprétations issues du third
TAYLOR, Arthur S. Jr. dit Art stream n’ont cependant pas été à la mesure des
Batteur américain (né en 1929) : 25 n 68. ambitions affichées, même si quelques pièces créées
dans sa mouvance demeurent d’incontestables réus-
TAYLOR, Cecil, Percival sites (Focus d’Eddie Sauter et Stan Getz composé en
Pianiste américain (né en 1933) : 18 n 37, 66 n 12, 1961 ; Concierto de Aranjuez de Rodrigo, arrangé
127, 186, 212, 213, 214, 221 n 8, 223, 228, 314, 331, 333, par Gil Evans et interprété par Miles Davis en
334. 1960 ; Sketch du Modern Jazz Quartet créé en 1959
—> Free jazz avec le Beaux-Arts String Quartet ou, du même
Modern Jazz Quartet, England’s Carols et Concertino
TEAGARDEN, Jack For Jazz Quartet & Orchestra dirigé en 1964 par
Tromboniste et chanteur américain (1905-1964) : Gunther Schuller à la tête de l’Orchestra USA ;
133 n 5. Skies of America d’Ornette Coleman créé en 1972
TESCHEMACHER, Frank pour quartette de jazz et orchestre symphonique).
Ce n’est que récemment, avec notamment le pia-
Clarinettiste, saxophoniste alto et arrangeur amé- niste Keith Jarrett et son « debussysme » (The
ricain (1906-1932) : 25. Celestia Hawk For Orchestra, Percussion And Piano,
TEXIER, Henri 1980, ou les concerts européens en solo, The Köln
Contrebassiste français (né en 1945) : 291 n 9. Concert en 1975, Paris Concert en 1988, La Scala en
1997), et avec le tubiste et compositeur anglais
THARPE, Sister Rosetta Mike Westbrook (Westbrook-Rossini en 1984,
Chanteuse et guitariste américaine (1921-1973) ; London Bridge en 1987), que ce courant reprendra
de la musique profane à la musique religieuse, elle un peu de vigueur sans pour autant emporter la
a suivi un parcours inverse à celui que connaissent conviction – pas plus que les tentatives d’un John
le plus souvent les vedettes du gospel* : 316. Zorn, polyinstrumentiste, un moment rattaché au
courant free jazz*, empruntant à Edgar Varèse, John
Third stream Cage et à la musique concrète. Comme si le jazz et
Littéralement « troisième courant », expression qui la musique dite classique ou contemporaine, bien
désigne les tentatives faites à la fin des années 50 que prétendant et atteignant toutes deux à l’univer-
pour opérer une synthèse entre le jazz et la musique salité, ne pouvaient que coexister à distance pas
européenne classique ou contemporaine, tant sur le même respectueuse, un peu à l’image des grandes
plan musical proprement dit (emprunts à l’« art de religions du Livre qui, malgré leurs déclarations
la fugue », au concerto grosso ; introduction de la aujourd’hui œcuméniques, ne reculent pas devant
polytonalité, de l’atonalité et du dodécaphonisme) l’anathème ni ne se privent du blasphème. L’un des
qu’au niveau des exécutions et orchestrations (inté- plus notoires compositeurs et chefs d’orchestre de la
gration de solistes ou de combos* de jazz à des musique occidentale, Pierre Boulez, n’a jamais
orchestres symphoniques ou à des formation de caché sa détestation du jazz, allant même jusqu’à
chambre ; utilisation d’instruments dits classiques comparer l’improvisation qui le singularise à de
tels que le hautbois, le cor d’harmonie, les timbales, l’« onanisme en public » ; à quoi le pianiste Cecil
etc.). Il ne s’agissait pas seulement de « jazzifier » des Taylor répliqua que la musique c’est d’abord un
morceaux classiques, à la manière du pianiste rapport au corps et que « le corps n’a pas à être
Jacques Loussier ou du groupe vocal français The pénalisé, il n’est pas la sanction d’une âme en tant
Swingle Singers qui, dans le milieu des années 60, que résultat d’une naissance » (in Jazz Magazine,
s’employèrent à faire swinguer des fugues, préludes 1975, n° 234) ! Le clarinettiste Michel Portal, inter-
et inventions de Bach. Si La Création du Monde de prète classique et musicien de jazz, a su faire coexis-
Darius Milhaud (1923), la Rhapsody in Blue de ter dans sa pratique musicale, comme le pianiste
TAPSCOTT Horace
rattaché au jazz West Coast, André Previn, ces deux TURNER, Joseph, dit “Big Joe”
formes d’expression sans toutefois chercher à les Chanteur américain (1911-1985) : 306, 322.
mêler. Michel Portal observe que « lorsqu’on joue
une musique classique, le public connaît à 80% TYNER, McCoy, Alfred 335
l’œuvre jouée. Ce qui est en jeu, c’est un phéno- Pianiste américain (né en 1938) : 194, 306.
mène de reconnaissance, et l’amour est partagé.
Dans l’improvisation, l’inconnu est un facteur d’in-
quiétude. Il n’y a pas de médiation (l’œuvre) entre U RTREGER, René
le public et le musicien. Les rapports sont donc plus Pianiste français (né en 1934) : 162.
tendus, la “sueur” n’est pas la même, la mise en
question est plus radicale parce que ce que l’on fait
est irréversible. C’est un drame qui se joue, et qui
V ENTURA, Raymond dit Ray
n’a jamais de fin » (in Didier Levaillant, Pianiste et chef d’orchestre français (1908-1979),
L’ Improvisation musicale, Paris, J.-C. Lattès, 1981). qui, avec sa formation baptisée les Collégiens,
anima, au cours des années 30, les surprises-parties
—> Arrangement ◊ Cool ◊ MODERN JAZZ QUARTET ◊ du XVIe arrondissement de Paris : 136.
SCHULLER, Gunther
VENUTI, Joe
THOMAS, Daniel, Gary
Violoniste américain (1894-1978) : 318, 326.
Saxophoniste ténor et compositeur américain (né
en 1961) : 210, 211. VINSON, Eddie, dit “Cleanhead”
Saxophoniste et chanteur américain (1917-1988) :
THORNHILL, Claude 306.
Pianiste, arrangeur et chef d’orchestre américain
(1909-1965) : 302, 336.
—> Arrangement ◊ West Coast Wa-wa (effet)
—> Sourdine
THORNTON, Clifford, Edward III
Trompettiste, tromboniste (à pistons) et composi- WALLER, Thomas, Wright, dit “Fats”
teur américain (1936-1983) : 314. Pianiste, chanteur, compositeur et chef d’orchestre
américain (1904-1943) : 28, 49, 69, 105, 107, 112,
—> Free jazz 114, 332.
TIMMONS, Robert, Henry dit Bobby WALKER, Aaron,Thibeaux, dit “T. Bone”
Pianiste et compositeur américain (1935-1974) :
Guitariste et chanteur américain (1910-1975) :
203, 305, 306, 315.
306.
TOUGH, David, Jarvis dit Dave
Walking bass
Batteur américain (1908-1948) : 303.
—> Boogie-woogie
Traditionnel – Traditional
Outre le jazz traditionnel, qui comprend les styles WARE, David S.
New Orleans*, Dixieland*, bref tout ce qui précède Saxophoniste américain (né en 1949) : 215.
l’avènement de la période swing* au début des WARREN, Earle, Ronald
années 30 (mais aussi les mouvements « reviva-
listes » de ces styles à partir des années 40), ce terme Clarinettiste et saxophoniste américain (1914-
désigne également les morceaux empruntés au 1994) : 204.
répertoire du folklore, blanc ou noir, du Sud ou de WASHINGTON, Dinah
l’Ouest des États-Unis, et transmis oralement, mais Chanteuse et pianiste américaine (1924-1963) :
folklore pour l’essentiel d’origine européenne, soit 28.
française, soit – ce qui est le plus fréquent – irlan-
daise et anglaise. C’est surtout à Chicago, à la fin WATSON, Eric
GLOSSAIRE ET INDEX
des années 20 que les traditionnels, avec les stan- Pianiste et compositeur américain (né en 1955) :
dards, feront partie intégrante du répertoire du jazz. 215.
TRISTANO, Leonard, Joseph dit Lennie WEBB, William, Henry, dit “Chick”
Pianiste et compositeur américain (1919-1978) : Batteur et chef d’orchestre américain (1909-
69, 189, 196, 223, 314, 336. 1939) : 222, 268, 324, 326.
TRUMBAUER, Frankie, dit “Tram” WEBSTER, Benjamin, Francis dit Ben
Saxophoniste (en ut) américain (1901-1956) : 24, Saxophoniste ténor américain (1909-1973) : 132,
25, 55, 133 n 5, 134, 309, 310, 323, 338. 321.
Ben WEBSTER
West Coast (Jazz) sonorité ouatée ont été pendant longtemps perçus
Le jazz dit West Coast n’est ni un style ni une école. comme les représentants les plus notables, en fait
Tout au plus peut-il être assimilé à un climat musi- les plus populaires, du jazz West Coast. Mais sans
336 cal qui s’est développé par hasard à Los Angeles au doute sont-ils les branches qui cachent la forêt : les
début des années 50 et qui désignait un « art de recherches effectuées par Alain Tercinet (Jazz West
vivre et de jouer » le jazz, une sorte d’état d’esprit Coast, Marseille, Éditions Parenthèses, 1986) mon-
du lieu. Des clichés du genre cheveux en brosse, trent une réalité plus complexe et mouvante, tra-
chemises à fleurs, bermudas, signalaient qu’il était versée d’expériences, voire d’expérimentations
surtout le fait de musiciens blancs, bien que les sonores originales fondées sur le mélange de divers
influences de Lester Young, avec son phrasé décalé, ingrédients puisés dans le middle jazz*, le be-bop*,
sa sonorité détimbrée et ses inflexions nostalgiques, ou même le folklore, la country music et la comé-
ou de Charlie Parker, avec ses inventions harmo- die musicale, et poussés jusqu’à leurs limites har-
niques et rythmiques – lequel Parker séjourna à plu- moniques ou rythmiques (My Fair Lady par Shelly
sieurs reprises sur la côte Ouest à partir de 1945 –, Manne, André Previn et Leroy Vinnegar en 1956,
furent déterminantes sur des instrumentistes ratta- Western Suite en 1958 et The Free Fall en 1962 par
chés de près ou de loin à ce courant, tels Gerry le trio de Jimmy Giuffre), dont on trouvera des
Mulligan, Stan Getz, Dave Brubeck, Shorty prolongements dans le free jazz*, notamment celui
Rogers, Zoot Sims, Red Rodney, Shelly Manne, d’Ornette Coleman. Ces expériences sont dues à
Jimmy Giuffre, etc. Nombre d’entre eux, ex-musi- une multitude de musiciens à la culture musicale et
ciens de pupitre des orchestres de Woody Herman à la technique instrumentale affirmées (Art Pepper,
ou de Stan Kenton – ce dernier aux boursouflures Jimmy Giuffre, Johnny Mandel, Shorty Rogers,
sonores et aux harmonies alambiquées qui, toute Bob Brookmeyer, Red Mitchell, Red Norvo,
proportion gardée, ne sont pas sans évoquer les George Shearing, Bud Shank, etc.), mais qui, en
orchestrations de Paul Whiteman – reproduisirent même temps, se présentent comme des manières
en quelque sorte l’aventure des « collégiens » de de dandys, soucieux de rigueur aussi bien que
l’Austin High School* et, entre eux, inventèrent d’abandon, fomenteurs « d’un superbe refus des
une nouvelle façon de jouer, notamment au sein du conventions, se moquant de l’acquis immédiat
groupe de Shelly Manne and His Men, ou de la pour débusquer ses vraies conditions de liberté »
formation des Jazz Giants que le trompettiste (Alain Tercinet). Du jazz West Coast, on peut dire
Shorty Rogers créa au début des années 50, paral- en somme qu’il fut le jazz joué par des musiciens
lèlement au trio de structure plutôt inhabituelle en majorité blancs sur la côte Ouest de 1952 à
qu’il formait avec le batteur Shelly Manne et le 1960, avec toute l’hétérogénéité, les impuretés, les
saxophoniste et clarinettiste Jimmy Giuffre accidents, les divorces, les collages, les mélanges de
(Abstract n° 1). genres, la désinvolture autant que la rigueur qui le
• Au style cool*, ils empruntent le goût de l’arran- caractérisent. Ni style, ni école donc, le jazz West
gement*, des sonorités délicates, des rapports de Coast a cependant mis au jour, de façon tout aussi
sons inusités (Claude Thornhill, Gil Evans), les nette qu’à Chicago, l’importance du rôle à la fois
effets de contraste entre sections – poursuivant musicologique et sociologique que des musiciens
ainsi les expériences du nonette de Miles Davis blancs ont pu jouer dans l’évolution de cette
enregistrées en 1949 (Birth Of The Cool). musique. Non point celui auquel pendant long-
• Du jazz dit progressiste du pianiste Lennie temps critiques et amateurs les ont cantonnés usant
Tristano et du saxophoniste Lee Konitz, ils retien- de concepts datés et idéologiquement marqués tels
nent l’art du contrepoint, le jeu des correspon- que « affadissement », « dévoiement », « récupéra-
dances sonores, la polytonalité, voire le sérialisme, tion » « commercialisation », mais,
la dramatique des dissonances – anticipant les • d’une part, celui de défricheurs tous azimuts tant
audaces du free jazz* – et, surtout, la rigueur de au niveau du jeu instrumental que des combinai-
l’écoute et de l’écriture musicales. sons sonores et des inventions harmoniques – rôle
Bien que généralement considéré comme un jazz que des artistes noirs comme Chico Hamilton,
« froid, formel, intellectuel », cela n’empêcha pas Buddy Collette, Leroy Vinnegar (qui furent pen-
que des interprétations torrides, au swing* puis- dant un temps leurs compagnons de route) ou
sant, dignes des Jazz Messengers* ou du quintette comme Count Basie (à qui Shorty Rogers rendra
Clifford Brown-Max Roach, fussent exécutées par un superbe hommage en 1954 à la tête d’un grand
un batteur, par ailleurs excellent technicien, orchestre : Shorty Courts The Count), Miles Davis,
comme Shelly Manne, des trompettistes comme Thelonious Monk, Charles Mingus, Eric Dolphy,
Conte Candoli ou Joe Gordon, des saxophonistes Ornette Coleman surent leur reconnaître ;
comme Richie Kamuca, Zoot Sims, Stan Getz, ou • d’autre part, celui de « passeurs » au sens où ils
Gerry Mulligan (I’M Gonna Go Fishin’, Bweebida contribuèrent à américaniser le jazz, à en faire une
Bobbida, Blue Port). Le quartette de Dave Brubeck, « musique nationale », alors qu’elle n’était jus-
celui de Gerry Mulligan, puis son Concert Jazz qu’alors considérée que comme une « musique
Band de 1960, le trompettiste Chet Baker à la populaire », ou parfois comme une « musique folk-
Sam WOODYARD
apporta un soutien rythmique des plus efficaces et laient s’évader. Les work songs se règlent sur le
des plus variés, sans doute l’un des plus grands bat- modèle appel-réponse, soliste-collectivité, qui est
teurs de l’histoire du jazz : 285, 313. aussi celui du chant religieux, en lequel certains
338 voient un héritage africain mais qu’il est possible de
Work song considérer aussi comme un phénomène universel
Chant qui accompagne le travail des esclaves dans (cf., entre autres, les bateliers de la Volga).
les plantations. Ce type de chants retentit dans tous
—> Blues ◊ Congo Square ◊ Gospel
les endroits où s’effectuent des travaux pénibles et
collectifs : aux champs, sur les chantiers de WORKMAN, Reginald dit Reggie
construction des routes et des voies ferrées, les Contrebassiste américain (né en 1937) : 194.
docks, les pénitenciers (qui donneront une variante
nommée chaingang songs). Des enregistrements
témoignent de la persistance des work songs dans Y OUNG, Lester, Willis, dit “Prez”
ces derniers. Jusqu’à l’émancipation, ces « chants de Saxophoniste et clarinettiste américain (1909-
travail » sont donc, avec les hymnes religieux, la 1959), considéré comme l’un des inspirateurs du
seule expression musicale autorisées pour les Noirs style cool* et revendiqué par les musiciens du jazz
(excepté les manifestations sur Congo Square*). Les West Coast* en raison de son jeu décalé, de sa sono-
historiens nous apprennent que les planteurs qui rité feutrée et de son sens de l’harmonie ; des saxo-
auraient un moment pensé à interdire à leurs phonistes comme Stan Getz, Jimmy Giuffre, Gerry
esclaves de chanter durant le labeur revinrent sur Mulligan ou Paul Desmond s’en réclameront expli-
leur intention : les cadences étaient supérieures lors- citement, comme lui – ce qui est rare chez un musi-
qu’ils chantaient. Mais le chant qui semble servir les cien noir – s’était réclamé de Frank Trumbauer, le
intérêts du maître pouvait être détourné, les field- compagnon de Bix Beiderbecke : 25, 28, 56, 68, 69, 70,
hollers (« crieurs des champs ») y faisaient circuler, 125, 126, 127, 144 n 12, 193, 202, 319, 321, 322, 324, 331,
codées, des informations destinées à ceux qui vou- 336.