CMBV-2006-Marin Marais. Pièces de Viole Manuscrites
CMBV-2006-Marin Marais. Pièces de Viole Manuscrites
CMBV-2006-Marin Marais. Pièces de Viole Manuscrites
Grand Trianon
Suite en la majeur
(manuscrit autographe de la bibliothèque nationale d’Écosse)
Suite en mi mineur
(manuscrit autographe de la bibliothèque nationale d’Écosse)
Allemande – Sarabande
Il est instructif de noter les coups d’archet typiques utilisés dans cette
musique, qui rappelle ceux de M. de Sainte-Colombe : c’est-à-dire les traits
rapides avec des coups d’archets détachés, ce que le copiste de la musique
de Sainte-Colombe nomme des « furies ». Ce manuscrit a été composé à
l’époque où Marais était toujours sous une influence directe de son maître
de viole, M. de Sainte-Colombe. On retrouve ces traits par exemple dans la
vingt-deuxième variation des Folies, qui est toute en triples croches déta-
chées.
Aux dires d’Évrard Titon du Tillet en 1732 : « Sainte-Colombe fut même
le Maître de Marais ; mais s’étant aperçu au bout de six mois que son Élève
pouvoit le surpasser, il lui dit qu’il n’avoit plus rien à lui montrer. Marais
qui aimoit passionnément la Viole, voulut cependant profiter encore du sça-
voir de son Maître pour se perfectionner dans cet instrument ; et comme il
avoit quelque accès dans sa maison, il prenoit le temps en été que Sainte-
Colombe étoit dans son jardin enfermé dans un petit cabinet de planches,
qu’il avoit pratiqué sur les branches d’un Mûrier afin d’y jouer plus tran-
quillement et plus délicieusement de la Viole. Marais, se glissoit sous ce
cabinet ; il y entendoit son Maître, et profitoit de quelques passages et de
quelques coups d’archets particuliers que les Maîtres de l’Art aiment à se
conserver… ». Sommes-nous confrontés ici au résultat de son « espionnage »?
Notons que Marais abandonnera rapidement ce coup d’archet diabolique,
omniprésent dans ce manuscrit, et qu’il l’utilisera avec beaucoup plus de
modération dans la suite de ses publications, jusqu’à son deuxième livre de
pièces de viole en 1701.
Il est très intéressant de comparer la version inédite des Folies présentée
ici avec celle qu’il publia. En effet, sont présentes douze variations que
Marais n’avait pas jugé utile de faire figurer dans la version finale, pour la
simple raison qu’elles étaient techniquement très difficiles pour les ache-
teurs de ses livres, généralement musiciens amateurs. Il nous confie lui-
même dans son troisième livre de pièces de viole en 1711 que « le grand
nombre de piéces courtes et faciles d’exécution qui le compose, est une
preuve que j’ay voulu Satisfaire aux pressantes instances qui m’ont eté tant
de fois rëiterées de toute part depuis mon Second livre ». Selon mon opi-
nion, il me semble que Marais était obligé de supprimer ces belles varia-
tions des Folies pour se soumettre aux exigences de ses lecteurs.
Dans cette version inédite, on est déjà beaucoup plus proche de la sara-
bande qui est à l’origine de ce célèbre thème dit des « Folies d’Espagne » ;
les premiers et deuxièmes temps de la mesure y sont accentués de manière
identique dans la première variation. Jusqu’à la septième variation, qui est
réellement « nouvelle », il n’y a pas de notable différence par rapport à la
version éditée par Marais. La suite renoue bien souvent avec la version
publiée, mais la présente dans un ordre différent, et se trouve « enrichie »
214 MARAIS, VIOLISTE À L’OPÉRA
ici et là par une variation inconnue auparavant. Pour clore la version que
nous vous proposons, Marais a groupé les variations les plus lentes, voulant
nous donner l’impression que la musique s’évanouissait doucement comme
un soupir d’amour
Mon souhait est que la redécouverte de ces manuscrits olographes de
Marais remette en lumière toute la splendeur des œuvres d’un grand maître
de la viole, œuvres plus admirables qu’imitables, et qui seront toujours « du
goût de ceux qui l’ont exquis », comme disait son ami François Couperin.
JONATHAN DUNFORD