La Question de L'aveu en Matière Pénale
La Question de L'aveu en Matière Pénale
La Question de L'aveu en Matière Pénale
LA QUESTION DE L’AVEU EN
MATIERE PENALE
THESE
POUR LE DOCTORAT EN DROIT PRIVE ET SCIENCES CRIMINELLES
MEMBRES DU JURY
Je tiens tout d’abord à remercier ma famille pour le soutien qu’elle m’a apporté dans
le cadre de cette recherche doctorale. Bien évidemment, ce travail n’aurait pas pu voir le
jour sans le concours de Madame le Professeur Sylvie CIMAMONTI, et la confiance
qu’elle m’a témoignée. Cette thèse est non seulement le fruit de recherches
universitaires et d’entretiens avec les enseignants mais également le reflet de ma
pratique professionnelle dont la plupart de mes développements sont issus. A ce titre, je
reconnais ma dette envers tous ceux qui, en tant que professionnels du droit, ont accepté
de me livrer leurs expériences d’avocats pénalistes et ceux des magistrats du siège et du
parquet lesquels, spontanément, ont accepté d’apporter leur éclairage sur la difficile
question de l’aveu en matière pénale.
SOMMAIRE
SOMMAIRE
INTRODUCTION
A. Arrêté
AJ Pénal Actualité juridique pénal
AN Assemblée nationale
Aff. Affaire
Anc C. pén. Ancien code pénal
Ann. Annales
APC Archive de politique criminelle
Arch. phil. droit Archives de philosophie du droit
Art. Article
Ass. Plén. Assemblée plénière de la Cour de cassation
B.R.B Brigade de répression du banditisme
Bull. crim. Bulletin criminel
C. Contre
CA Cour d’appel
CAA Cour administrative d’appel
CE Conseil d’Etat
CEDH Cour européenne des droits de l’homme
CJUE Cour de justice de l’Union européenne
CNRD Commission nationale de réparation de la
détention
COPJ Convocation par officier de police judiciaire
CP Code pénal
CPI Cour pénale internationale
CPP CPP
CRPC Comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité
Cass. Ch. mixte Cour de cassation, Chambre mixte
Cass. civ. I. Première chambre civile de la Cour de cassation
Cass. civ. II Deuxième chambre civile de la Cour de cassation
Cass. crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation
Cass. plén. Assemblée plénière de la Cour de cassation
Cass. Soc. Chambre sociale de la Cour de cassation
Cf. Confer
Chron. Chronique
Code C. Code criminel
LISTE DES ABREVIATIONS
Coll. Collection
Com. EDH Commission européenne des droits de l’homme
Concl. Conclusions
Cons const. Conseil constitutionnel
Consid. Considérant
D Dalloz
D. Décret
DC Déclaration de conformité
DDHC Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
Dir. Sous la direction de
Dr Droits
Dr. Pén. Revue de droit pénal
Ed. Edition
FNAEG Fichier national automatisé des empreintes
génétiques
Gaz.Pal. Gazette du Palais
JCP Jurisclasseur
JEL Juge de l’enquête et des libertés
JO Journal officiel
JORF Journal officiel de la République Française
JOUE Journal officiel de l’Union européenne
Jur. Jurisprudence
L. Loi
L.C Loi constitutionnelle
L.G.D.J. Librairie générale du droit et de la jurisprudence
Leg. Législation
n° Numéro
NCPC Nouveau code de procédure civile
Not. Note
Obs. Observations
Op. cit. Opus citatum
P. Page
Para. Paragraphe
Pén. Pénal
Pénit. Pénitentiaire
PFRLR Principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République
LISTE DES ABREVIATIONS
Préc. Précité
PUF Presses universitaire de France
QPC Question prioritaire de constitutionnalité
RICPT Revue internationale de criminologie et de police
technique
RID comp. Revue de droit comparé
RIDP Revue internationale de Droit pénal
Rapp. Rapport
Rec. Recours
Req. Requête
Rev. Revue
RSC Revue de science criminelle et de droit pénal
comparé
Somm. Sommaire
V. Voir
Vol. Volume
INTRODUCTION
INTRODUCTION
1
Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, Presses Universitaires de France, 2ème édition, 2001, p.
95.
2
Art. 428 CPP – V. « L'aveu dans la procédure pénale » : RID comp. 1951, p. 516. – François GORPHE
et Robert VOUIN, rapp. n°1952-764, vol.3, n°3, juillet-septembre 1951, p. 516-541.
3
Thérèse GAMBIER, « La défense des droits de la personne dans la recherche des preuves en procédure
pénale française », Dr. pén. déc 92, p.1-4.
4
Jacques Frédéric RAUTER, Traité théorique et pratique de droit criminel, cours de législation
criminelle, Paris, Hingray, 2 vol, publié en 1836.
5
Sauf à titre exceptionnel en droit de la consommation. En effet, l’article 1315 du code civil dispose : «
Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend
libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. ». Ainsi, l’article
2274 dudit code pose une présomption générale de bonne foi. C’est donc à celui qui conteste cette bonne
foi de prouver la mauvaise foi.
1
INTRODUCTION
6
Selon Delphine LE DREVO, il faudrait ainsi envisager une approche négative de la vérité judiciaire car
c’est davantage le “vraisemblable” qui est le critère d’appréciation du jugement en matière judiciaire,
Mémoire de Master Recherche II “Sciences Criminelles” intitulé “Vérité et défense pénale”, sous la
direction de Mme Muriel GIACOPELLI, Université Paul Cezanne-Aix-Marseille III, année 2009-2010, p.
34.
7
Aux termes de l’article 226-13 du CP la sanction prévue à cet effet est celle d'une peine d'un an
d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende pour ceux des auxiliaires de justice, médecins ou banquiers
qui violeraient le secret attaché à leur profession. Cependant, la loi lève parfois ce secret professionnel,
soit en imposant la révélation des informations transmises sous le sceau du secret, soit en autorisant cette
révélation. Dans cette hypothèse, le choix ou non de briser le secret professionnel est laissé à l'entière
conscience de l'individu dépositaire des confidences, en application des dispositions tirées de l’article
226-14 du CP s’agissant notamment d’atteintes sexuelles contre des mineurs ou des personnes
particulièrement vulnérables.
2
INTRODUCTION
développée en matière pénale qu’en procédure civile8. En effet, l'aveu, preuve regardée
comme reine depuis toujours, fait l’objet d’une seule disposition dans le CPP :
l'article 428. Ce texte est inclus dans un titre 2 dudit code, réservé aux jugements des
délits et dispose que : « L'aveu, comme tout mode de preuve, est laissé à la libre
appréciation des juges» 9. Cette disposition, laconique, se contente donc de rappeler
implicitement que l'aveu n'est pas une preuve légale, autrement dit, qu'il a la même
valeur que n'importe quelle autre preuve. Mais l'article précité n'explique ni à quels
principes son recueillement est soumis, ni les conditions régulières de son obtention, ni
même ne propose de définition.
8
Toutefois, l’avant-projet de loi relatif au CPP du 1er mars 2010, qui comporte 730 articles, était le
premier volet d’une refonte de la procédure pénale. V. à ce propos l’article de Valérie MALABAT,
« L’avant-projet du futur CPP : refonte, simplification ou confusion des phases de la procédure pénale »
AJ Pénal 2010 p. 162, il s’agissait en effet de transformer l’enquête et l’instruction. Parmi les mesures
phares, figurait notamment la suppression du juge d’instruction. Le texte confiait l’enquête au procureur
de la République. La défense et les victimes auraient la possibilité de contester les décisions du
représentant du parquet devant le juge de l’enquête et des libertés (JEL) ou devant la chambre de
l’enquête et des libertés. Le JEL aurait été un juge du siège bénéficiant des mêmes garanties
d’indépendance que le juge d’instruction. Ce projet a été abandonné.
9
Art 428 (on notera que l'article 536, relatif au tribunal de police, procède par renvoi vers l'article 428).
10
Les tribunaux souhaitaient s’associer le concours de « sachants » ou « hommes de l’art » dans divers
contentieux ou asseoir leur conviction sur une preuve testimoniale. Puis, en 1575, un édit d'Henri III
prescrivit que tous les offices d'experts seraient à l'avenir héréditaires. Et en 1667, le Roi proclamait qu’il
fallait procurer aux justiciables des « experts de probité et d’expérience », Elise FONS, « L’expert
judiciaire », Master 2, Faculté de Droit Montpellier 1, promotion 2005-2006, sous la direction de M.
ARTZ. Ainsi, dès l’origine, une certaine méfiance à l’égard de l’erreur mêlée à une quête de vérité sont
allées de pair même si la France considérait toutefois plus aisément la personne mise en cause comme
coupable ab origine que comme une possible innocente.
11
Yan THOMAS, « Confessus pro judicato. L’aveu civil et pénal à Rome », L’aveu. Antiquité et Moyen
Âge, Collection de l’Ecole française de Rome, 1986 ; Robert BADINTER (dir.), Une autre justice. 1789-
1799. Contributions à l’histoire de la justice sous la Révolution française, Paris, Fayard, 1989; Jean-
Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, Paris, PUF, 2000; Jean FOYER,
Histoire de la justice, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1996; Jacques GODECHOT, Les institutions de la
Révolution française, Paris, PUF, 1989; André LAINGUI et Arlette LEBIGRE, Histoire du droit pénal,
tome 2, La procédure criminelle, Paris, Cujas, 1980; Edmond SELIGMAN, La justice en France pendant
la Révolution, 2 vol. Paris, Plon, 1901-1916.
3
INTRODUCTION
12
Gérard GUYON, “Utopie religieuse et procès penal”, L'héritage historique: V-XVème siècles,
Arch.phil.droit, t. 39 : Le procès, 1995, Sirey, p. 105 et s.
13
L'ordalie est un ancien mode de preuve en justice, de nature religieuse, aussi appelé jugement de Dieu,
qui consiste à soumettre les présumés accusés à une épreuve dont l'issue, déterminée par Dieu, désigne la
personne bien-fondé ; Claude GAUVARD, Alain DE LIBERA et M. ZINK, Dictionnaire du Moyen Âge,
s.dir. PUF, coll. « Quadrige », Paris, 2004 (2e édition). En apparence opposés, aveu et ordalie se
retrouvent en ce qu’ils symbolisent l’empreinte de la religion dans le droit. Selon Pierre LEGENDRE :
« L’aveu se joue dans des espaces de discours diversifiés. Mais ces discours ne peuvent être tenus que
parce qu’ils se réfèrent à une instance tierce, une instance logique, que j’ai appelée l’instance absolue de
la vérité. C’est à travers ce montage dogmaticien du tiers, qu’une société est en mesure de faire tenir, en
la fondant, une institution aussi importante et délicate que l’aveu » ; Pierre LEGENDRE, « De confessis.
Remarques sur le statut de la parole dans les premières scolastiques », l'Aveu : Antiquité et Moyen Âge,
Actes de la Table ronde organisée par l'Ecole française de Rome avec le concours du CNRS et de
l'Université de Trieste - Rome, 28-30 mars 1986, p. 401-408. Ainsi, l’aveu, reine des preuves, ne repose
que sur la déification de la vérité.
4
INTRODUCTION
" La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont
convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire
particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve : elle leur prescrit
de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la
sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les preuves
rapportées contre l'accusé et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule
question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime
conviction ? "17.
14
Jean-Paul DOUCET, Dictionnaire de droit criminel, sixième partie, « le serment », Paris, Economica,
2010.
15
William FEUGERE, "Réformer la justice pénale", Les annonces de la Seine, 19 juin 2006, n°40 :
l’aveu. Antoine J BULLIER et Frédéric-Jérôme PANSIER, « De la religion de l’aveu au droit au silence
ou faut-il introduire en France le droit au silence des pays de Common law ?», Gaz. Pal., 8 février 1997.
16
Il est à noter que l’article 353 CPP a été modifié par la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 (art. 12), qui
intègre l’exigence de motivation de la décision par la cour d’assises, en ces termes : « Sous réserve de
l'exigence de motivation de la décision ».
17
Rapport du Sénat n° 275 consacré à la « réforme de la procédure criminelle », actes de colloque- 25
novembre 2010, site du Sénat.
5
INTRODUCTION
déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas
nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».
L’idée selon laquelle seule la loi pouvait créer des motifs d’accusation corrélée à celle
de liberté telle qu’elle était définie dans l’article 4 consistait « (…) à pouvoir faire tout
ce qui ne nuit pas à autrui ». Avec l’Empire, l’usage politique va conduire à vouloir
faire avouer un coupable soupçonné de mettre en danger l’ordre établi, et ce, par tous
les moyens, y compris l’usage de la quaestio. Dès lors, étroitement liée à la place de la
personne dans une société donnée, l’aveu dans le procès pénal ne renvoie plus
mécaniquement au registre de la culpabilité mais invite davantage à une intelligibilité de
l’expérience subjective, même si, en pratique, cette approche subjective demeure un
vœu pieux, ce qui pose la question, in fine, du réel critère d’appréciation en matière
pénale.
18
John Langshaw AUSTIN, Quand dire, c’est faire, Paris, Editions du Seuil, 1970, p. 44.
6
INTRODUCTION
récompense, une reconnaissance voire une vertu. Car pour l’appareil judiciaire, au-delà
des possibles rétractations et erreurs judiciaires, consciemment ou pas, l’aveu en matière
pénale vaut vérité sur la culpabilité. Et la stigmatisation fréquente des mensonges des
accusés revient à considérer que l’aveu demeure, quoiqu’il en coûte, la reine des
preuves. Ce qui signifie que, sur le plan pénal, l’aveu n’est appréhendé que sur un mode
négatif, celui de la nécessaire culpabilité de l’avouant, donc de sa responsabilité. Il
s’ensuit que l’aveu n’est donc pas réellement apprécié en fonction de sa relation à la
vérité, puisque ladite question semble d’emblée, au-delà des discours, le plus souvent
tranchée mais rapportée uniquement à des procédures d’attestation de cette vérité. Dès
lors, l’institution judiciaire, dans son rapport à l’aveu, reste liée à une conception
religieuse de l’aveu même si les technologies modernes de la police scientifique, en
définitive, n’en ont pas ou moins besoin, en s’inscrivant en marge de cette dimension
axiologique voire métaphysique.
19
La distinction entre la dynamique de « contrition » et le phénomène d’ « attrition » est établie par
Jean DELUMEAU dans son texte intitulé L’aveu et le pardon, Les difficultés de la confession XIIIème-
XVIIIème siècles, page 6, Paris, Fayard, 1992.
20
Jean MAIRE, Sermons de saint Vincent de Paul, I, p.162, Paris, 2 vol., 1859.
7
INTRODUCTION
apporte le pardon grâce à l’absolution donnée par le prêtre (…) »21. Il ne s’agit plus de
réduire le juste au légal, c’est la version positiviste du droit, mais, au nom d’un droit
naturel, de donner au juge un pouvoir de nature métaphysique se déployant en marge du
vrai. A ce titre, du côté de la personne mise en cause, la dynamique est celle de la
contrition qui suppose que l’aveu pénal consenti par l’accusé devant l’autorité supposée
légitime soit inséparable, en retour, de la certitude d’une peine allégée, même si, pour
l’appareil judiciaire, cela peut apparaître insuffisant car l’institution n’a, en réalité,
aucune garantie que la personne poursuivie, en dépit de ses aveux, ne récidivera pas,
surtout dans un pays où la crainte inspirée par la peine capitale a été abolie. C’est ainsi
que le juge pénal ne peut uniquement se satisfaire de cette contrition, et relève d’un
autre registre, celui de l’attrition, car elle ne dispose, de son côté, au-delà des garanties
de représentation et d’insertion dont peuvent se prévaloir les intéressés, d’aucune
garantie relative à l’efficacité desdits engagements.
21
Jean DELUMEAU, op.cit., p.55.
22
John Langshaw AUSTIN, op. cit. p. 44.
8
INTRODUCTION
9
INTRODUCTION
définit le postulat comme un principe premier, non encore démontré, mais dont
l’admission est nécessaire pour établir une démonstration. Car c’est à partir de l’aveu
pénal que se construit et se soutient une accusation le plus souvent fondée sur le simple
constat dudit aveu et donc, par déduction, sur la certitude de la culpabilité. Il relève,
ensuite, de l’axiome lequel se définit comme une proposition primitive ou une évidence
insusceptible de démonstration mais sur laquelle est fondée une science. En effet, bien
souvent, l’intime conviction d’une culpabilité découlant d’aveux préalablement
effectués ne renvoie pas à une démonstration irréfutable du ministère public ni à des
preuves incontestables pouvant être fournies par l’accusation. En revanche, cela
n’empêchera pas la juridiction pénale appelée à statuer de déclarer coupable la personne
poursuivie. L’aveu relève également, du côté de l’institution judiciaire, d’une hypothèse
sur la culpabilité, c’est dire repose sur une supposition effectuée relative à une chose
possible ou non dont toutefois il convient de tirer toutes conséquences, savoir
l’infliction ou non d’une peine. Il s’agit par conséquent d’une proposition résultant
d’une observation ou d’une induction devant être vérifiée ; or, en pratique, le manque de
moyens humains et matériels dont souffre l’institution judiciaire l’empêche d’avoir le
temps nécessaire, donc le recul, pour véritablement asseoir une culpabilité dans de
bonnes conditions de fiabilité et de respect des principes de présomption d’innocence,
par exemple lors du mode de poursuite de comparution sur reconnaissance de
culpabilité (CRPC). En toute hypothèse, l’aveu pénal entretient un rapport difficile avec
la vérité. Car, du côté de l’institution judiciaire, l’analogie déduit mathématiquement du
postulat un axiome, à savoir une proposition dont découlera une hypothèse, celle de la
culpabilité ; or, cette hypothèse de culpabilité conduira le plus souvent, à l’épreuve des
faits, à une déclaration de culpabilité. Ladite déduction s’avère, en réalité, assez
périlleuse car le syllogisme tend à évacuer l’erreur ou le contre-exemple, lequel
fonctionne comme une hypothèse à écarter même si ladite hypothèse repose sur des
éléments matériels ou rationnels. Selon l’épistémologue Karl POPPER23, cette
démarche scientifique devrait toutefois être invalidée dès lors qu’existe un fait pouvant
la contredire. La démarche scientifique consistant non pas à vérifier une théorie mais à
la falsifier, c’est-à-dire à élaborer des situations qui la mettent en défaut. La
« falsifiabilité » serait donc le critère de la scientificité.
23
Karl POPPER, La logique de la découverte scientifique, traduction Nicole THYSSEN-RUTTEN et
Philippe DEVAUX, Paris, Payot, 1973, p. 322 et 370.
10
INTRODUCTION
Or, il découle de cette approche que soutenir une culpabilité sur de simples aveux relève
d’une vérité sinon irrationnelle du moins relative, car fonctionnant selon le mode d’une
rationalité limitée assise sur une observation pas toujours vérifiée et attestée. Dans son
ouvrage intitulé La connaissance objective, POPPER affirme, d’une manière un peu
sévère, que l’épistémologie classique24 est hors-sujet, comme en outre l’épistémologie
contemporaine, car elle élabore un savoir dont l’objet est indépendant d’une réelle
prétention à la connaissance25. Autrement dit, l’épistémologie juridique ne permet pas
une réelle ontologie judiciaire. Or, selon cet auteur, la probabilité a priori pour qu’une
« (…) loi (censée être fondée sur une démarche scientifique) soit vraie est nulle 26 ». Il
s’ensuit que le paradigme judiciaire peut légitimer une pratique en marge de la vérité et
du juste, ce qui pose, tout d’abord, une question épistémologique, ensuite, celle du réel
critère d’appréciation en matière judiciaire. Ainsi, c’est la pertinence de l’articulation
entre la pratique discursive de l’aveu pénal et de la constitution de l’Etat de droit qui
doit être soumise à examen. Il s’agit en premier lieu d’une question d’ordre
épistémologique. En effet, comment accorder une crédibilité d’ordre rationnel à une
révélation ou « un dire » portant sur une autocondamnation dont la nature participe ou
peut participer de l’irrationnel, car intégrant l’imaginaire de l’avouant voire, au sens de
FOUCAULT, le « roman familial » dans le récit ? Comment, en d’autres termes, opérer
un repérage suffisamment fiable du vrai et du faux lorsque, au moment de son
énonciation, l’objet (l’aveu) vient se dérober à l’analyse ? En fait, la procédure pénale
garderait toute sa validité si elle admettait ouvertement qu’elle peut intégrer des
hypothèses s’inscrivant parfois en marge du juste ; or, en l’absence d’un tel constat,
l’institution judiciaire est réduite à ne formuler que des hypothèses par définition
partielles (l’adéquation de la théorie juridique à la démarche scientifique relevant
davantage de suppositions ou « présomptions » que de l’objectivité totale souhaitée par
EINSTEIN), se déployant, selon Paul FEYERABEND, en marge du vrai27. Dès lors, si
l’on définit l’épistémologie juridique comme un examen des possibilités de « (…)
parvenir à la connaissance de notions comme l’Etat ou la personne (…) »28, force est
d’admettre que cette discipline est limitée dans sa faculté à appréhender l’aveu comme
objet d’étude empirique. L’aveu en matière pénale relève par conséquent davantage
d’un pari de l’Etat de droit sur la vérité du discours plus que d’une lecture rationnelle du
24
Karl POPPER fait référence à des philosophes comme LOCKE, BERKELEY ou HUME.
25
Karl POPPER, La logique de la découverte scientifique, op.cit, p. 322 et 370.
26
Karl POPPER, La connaissance objective, Paris, Flammarion, 1991, p. 184 et s.
27
V. not. Paul FEYERABEND, Contre la méthode, Esquisse d’une théorie anarchiste de la
connaissance, Paris, Editions Seuil, 1975.
28
Michel TROPER, La philosophie du droit, Paris, PUF, 2ème éd. 2008, p. 11.
11
INTRODUCTION
29
Renaud DULONG et Jean-Marie MARANDIN, L’aveu, Paris, PUF, 2001, p. 157.
12
INTRODUCTION
30
Nous faisons référence également à l’instauration de citoyens assesseurs au sein des tribunaux
correctionnels par le décret n° 2011-1271, 12 oct. 2011 relatif à la participation des citoyens au
fonctionnement de la justice pénale : JO 13 oct. 2011, p. 17221. En effet, le 12 octobre 2011 sont parus
un décret et un arrêté en vue de l’entrée en vigueur de la loi du 10 août 2011 qui instaure, à titre
expérimental, les citoyens assesseurs au sein des tribunaux correctionnels, des juridictions pour mineurs
et des juridictions de l’application des peines. En l’occurrence, la réforme a conduit les professionnels du
droit à formuler diverses critiques, notamment le reproche d’une défiance accrue des politiques à l'égard
des juges professionnels. En outre, le texte aboutit à un paradoxe, celui de la diminution de la
participation des citoyens dans les juridictions créées. Ainsi, s'agissant des tribunaux correctionnels,
l'hypothèse initiale d'une majorité de citoyens n'a pas été retenue car elle s'est heurtée aux contraintes
constitutionnelles, qui imposent que dans les formations correctionnelles de droit commun, la proportion
des juges non professionnels reste minoritaire. Par ailleurs, la réforme apparaît coûteuse. Elle pose
d'abord des difficultés juridiques quant à son champ d'application, l'exclusion des affaires économiques et
financières étant surprenante à bien des égards, mais également quant au mode de désignation des
citoyens assesseurs. Ensuite, on peut s'interroger sur les garanties apportées par le mode de sélection,
notamment quant à un réel équilibre entre toutes les composantes de la société française. Le texte exclut
en outre la possibilité de récusation des citoyens, ce qui constitue un risque juridique majeur du point de
vue des garanties nécessaires en termes d'impartialité. Enfin, la formation des assesseurs sera un des
enjeux majeurs et en période de restriction budgétaire, rien ne peut être considéré comme acquis.
Pourtant, fonder la place légitime des citoyens dans la justice constitue un réel enjeu.
13
INTRODUCTION
14
INTRODUCTION
une juridiction pendant qu’une personne coupable pourra être amnistiée par le
législateur, donc bénéficier d’une indulgence qui effacera la condamnation. La loi peut
ainsi innocenter un coupable pendant qu’un principe constitutionnel qui lui est supérieur
n’est aucunement un rempart absolu contre des présomptions de culpabilité d’origine
législative. L’aveu en matière pénale pose donc la question du critère réellement
pertinent pour définir la vérité judiciaire. Car, bien souvent, cette vérité relève
davantage du mystère.
11- La vérité judiciaire comme énigme. Quelle réelle valeur accorder à des aveux
lorsque la vérité des faits, au-delà des enquêtes de police et de personnalité, semble se
dérober à l’analyse. En définitive, pourquoi avoue-t-on ? Par peur d´être méprisé ou
passer pour ce que l´on est ou pour ce que l´on n´est pas ? Par crainte d´être réprimé et
châtié, ici-bas ou là-haut ? D´être condamné par la postérité ou éternellement ? Par
honte ou par mauvaise conscience, regrets, remords, repentir ou par vanité et orgueil ?
Par souci de se racheter une bonne conscience au seuil de la vieillesse et de la mort, par
désir de justification et de souci éthique ou esthétique, par plaisir de manipulation de la
presse et des pouvoirs, par jouissance de la glorification de soi et de prise en otage de
l´Autre ? Par un désir, conscient ou pas, d’immortalité, de demande de sacrement ou de
sacralisation de soi ? Quoi qu’il en soit, il semblerait qu’en matière pénale l’échange
soit, par définition, inégal entre une institution qui réclame l’aveu pour ne pas encourir
le risque d’une erreur judiciaire et la personne mise en cause, qui risque de perdre sur
les deux tableaux, d’une part, celui d’une renonciation à la protection constitutionnelle
mise en œuvre par l’Etat de droit par sa confession, d’autre part, ne pas obtenir, en dépit
desdits aveux, l’indulgence du juge, donc de restitution. Car le magistrat du siège peut,
malgré la reconnaissance des faits ayant motivé la poursuite, suivre les réquisitions du
parquet, et infliger une peine lourde sans tenir compte de l’acte de confession qu’il aura
pourtant suggéré.
Dès lors, il apparaît légitime de s’interroger sur la compatibilité logique entre aveu et
Etat de droit à un moment où le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle la
mesure spécifique d’obtention d’aveux en matière pénale : la garde à vue31. D’ailleurs,
31
Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010. Voir commentaires : Séverine BRONDEL AJDA
2010 p. 1556, « Changement de circonstances justifiant le réexamen d'une disposition déclarée
constitutionnelle », Décision rendue par Conseil constitutionnel le 30 juillet 2010 (2010-14/22-QPC);
Pascal PUIG, RTD Civ. 2010 p. 513 ; « QPC : le changement de circonstances source
d'inconstitutionnalité (à propos de Cons. const. 30 juill. 2010, n° 2010-14/22- QPC) » ; Paul CASSIA,
15
INTRODUCTION
peut-on ou doit-on, en pure logique, s’autoaccuser dans un Etat de droit prévoyant que
la charge de la preuve doit incomber à la partie poursuivante, le parquet devant établir la
culpabilité du mis en cause ? Le législateur est donc intervenu pour permettre à la
personne poursuivie de garder le silence, en adoptant un système automatique de
notification au gardé à vue d’un droit au silence connu depuis des années par la
Common law, notamment depuis l’arrêt de la Cour suprême américaine MIRANDA32.
A ce titre, cette évolution tend à accréditer, tout d’abord, la thèse d’un rapprochement,
jugé souvent inquiétant parfois salutaire avec le système accusatoire anglo-saxon ;
ensuite, celle d’une mise en cohérence accrue entre l’esprit du texte et la lettre. En
effet, le silence ne vaut pas consentement en droit civil, alors pourquoi serait-il
synonyme d’aveu de culpabilité en droit pénal ? C’est dire suffisamment à quel point
l’aveu doit être entouré de garanties qui apparaissent encore insuffisantes. En réalité, le
seul jugement réellement équitable est celui qui apprécierait un dossier de façon
impartiale, ce qui signifie littéralement en oubliant la personne poursuivie pour
n’examiner que les faits, ce qui n’est pas possible. L’aveu vient modifier ce principe en
conduisant l’institution judiciaire, à titre principal, à faire porter une appréciation a
priori sur la personne, les faits risquant de n’être envisagés, a posteriori, qu’à l’aune des
déclarations de culpabilité déjà effectuées par l’intéressé.
« Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la Constitution », Recueil Dalloz 2010 p.
1949; Sabrina LAVRIC, « QPC : censure du régime de droit commun de la garde à vue », Dalloz
actualité 30 août 2010 ; Lucile PRIOU-ALIBERT, « Terrorisme : la garde à vue déclarée conforme à la
constitution », Dalloz actualité 27 septembre 2010.
32
MIRANDA, v. Arizona, 384 U.S. 436, 13 juin 1966. A ce titre, la directive 2012/13/UE du Parlement
Européen et du Conseil relative à la communication d’information dans le cadre des procédures pénales a
été publiée. Ce texte s’inspire de l’avertissement « Miranda », d’où dérive le verbe to mirandize. Il
prévoit notamment que les suspects et personnes poursuivies reçoivent rapidement (oralement et/ou par
écrit) et de manière compréhensible en fonction de leur situation particulière des informations concernant,
au minimum, le droit à l’assistance d’un avocat, le droit de bénéficier de conseils juridiques gratuits et les
conditions d’obtention de tels conseils, le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi, le droit à
l’interprétation et à la traduction ainsi que le droit de garder le silence.
16
INTRODUCTION
17
INTRODUCTION
consenti des droits de la défense et, parfois, de la vérité. L’aveu ne constitue donc pas
une preuve absolue de vérité mais peut s’inscrire en marge de la vérité, la procédure
d’autoaccusation ne reflétant qu’un simple récit du mis en cause. A l’heure du
développement des procédures accélérées de traitement des flux pénaux par l’aveu,
notamment par le mode de poursuite particulier du plaider coupable à la française,
l’« aveu-confession » ou « aveu-vérité » risque de plus en plus de céder la place à un
« aveu-stratégique » venant préférer l’utile (« s’en sortir » avec une peine allégée) au
sublime (une vérité absolue à rechercher au nom d’un principe constitutionnel
d’innocence présumée), c’est à dire une quête d’efficacité au détriment de principes
abstraits dont le prévenu méconnaît, bien souvent, la portée juridique (par exemple : la
notion constitutionnelle de présomption d’innocence). En l’occurrence, l’aveu participe
donc du paradoxe, car la renonciation à l’innocence présumée, loin de s’apparenter à
une quelconque capitulation pour l’avouant, lui permettra peut-être, au contraire, de
recouvrer la liberté, celle-ci se déclinant toutefois davantage sur le mode d’un abandon
ou d’une abdication volontaire. D’ailleurs, il apparaît particulièrement ardu de décrypter
la véritable intention de la personne mise en cause qui passe aux aveux, de déceler
quelle est la part de vérité et de mensonge contenue dans sa déclaration. Or, quelles que
soient les louables intentions, il semblerait qu’en matière pénale la difficulté soit
également redoublée par la nature du modèle français inquisitoire qui tend à orienter
l’enquête vers une version unique des faits (« la vérité ») alors que bon nombre de
déclarations se caractérisent régulièrement par la contradiction apportée sur un fait
ponctuel, rendant ainsi quasi indécidable une seule opinion. Aussi, il apparaît
contradictoire de qualifier d’aveux de simples récits puisque la procédure pénale prévoit
que la condition de validité desdits aveux doive être soumise, in fine, à l’appréciation
des magistrats, ce qui leur confèrera un label éventuel d’authenticité donc de
scientificité. Or, considérer que l’aveu constitue une preuve incontestable de la vérité
judiciaire suppose qu’aucune distinction ne soit établie entre le principe de liberté de la
preuve et celui de la validité de la preuve. Il s’ensuit que le champ de l’aveu en matière
pénale est également celui de l’idéologie, donc du politique, c’est dire celui du conflit
insurmontable entre les tenants de la théorie, dans une perspective nominaliste voire
utopique de la justice, et des réalistes, pour lesquels les grands principes du procès sont,
en définitive, secondaires ; ce qui est, en revanche, déterminant c’est le traitement
accéléré des affaires pénales au nom d’une rentabilité mais au détriment parfois de la
vérité. C’est la raison pour laquelle la question de l’aveu, notamment dans son volet
stratégique, conduit à substituer peu à peu au modèle inquisitoire un système
accusatoire dans lequel la question de la vérité n’est plus le référent principal. A ce titre,
18
INTRODUCTION
la même problématique est à l’œuvre selon que cet aveu est consenti spontanément soit
de façon autonome ou qu’il est la résultante d’un acte d’accusation, c’est dire
hétéronome, car imposé de l’extérieur par la partie poursuivante. Dans les deux cas, il
ne s’agira pas de preuves mais de simples présomptions, et l’acte individuel
d’autoaccusation qui en résultera ne constituera pas une vérité irréfutable sur les faits
reprochés mais le signe d’indices concordants de culpabilité. Car si l’aveu de culpabilité
constituait une preuve absolue de vérité, on ne s’accorderait pas alors sur la persistance
d’erreurs judiciaires (affaires d’OUTREAU ou DILS, par exemple), en dépit des efforts
déployés par l’appareil judiciaire pour désocculter la part d’ombre et de lumière
comprise en chaque déclaration. Ainsi, la question n’est pas tranchée de savoir ce qui se
joue ou se noue, du côté de la personne poursuivie, dans la révélation de faits, que ce
procédé d’autoaccusation soit obtenu spontanément ou recueilli lors d’une mesure par
exemple de garde à vue ; qu’il soit véritablement et simplement le reflet de la vérité ou
la conséquence d’une tactique du mis en cause pour en finir rapidement. Car l’aveu de
culpabilité reste un récit qu’il conviendra d’authentifier afin de pouvoir lui conférer,
a posteriori, une valeur probante en cours d’instance puis, le cas échéant, lors du procès.
En effet, il apparaît difficile de faire le départ entre ce qui relève de la subjectivité de
l’auteur de l’aveu et ce qui participe du domaine objectif, c’est dire d’éléments matériels
suffisamment fiables. L’acte d’accusation ou la mise en examen d’un prévenu doit donc
reposer sur des fondements factuels car il pas possible en théorie d’engager des
poursuites pénales à l’encontre d’une personne de façon arbitraire. Car la rationalité
judiciaire qui permet d’attester de la présence d’indices graves et concordants laissant
présumer la culpabilité d’une personne n’est pas constitutive en soi d’une vérité
judiciaire. Aussi, le risque existe, du côté de l’appareil judiciaire, que l’aveu de
culpabilité en vienne à suggérer l’implication évidente voire définitive d’une personne
poursuivie pour des faits répréhensibles en induisant, en conséquence, dès le début du
procès, une caractérisation morale du prévenu ou de l’accusé, c’est à dire qu’un premier
jugement moral vienne précéder la condamnation judiciaire. Autrement dit, que l’aveu
permette une imputation sur le plan de la morale qui préexiste à l’infliction de la
sanction. Ce qui conduira également certains magistrats à se déculpabiliser d’une
condamnation trop sévère au nom de la culpabilité reconnue par l’accusé. L’aveu figure,
dans cette perspective, comme une légitimation a priori de la sanction pénale à
intervenir, fût-elle particulièrement lourde. Le spectre de l’erreur judiciaire pesant sur
les épaules des juges se trouvant ainsi provisoirement écarté (« il a avoué ! »), donc la
bonne conscience de l’institution sauvegardée. Dès lors, l’autoaccusation renvoie à un
mode paradoxal de production du sens car un individu se définit davantage par la
19
INTRODUCTION
somme de ses secrets ou de ses non-dits que par ses déclarations voire ses actes, car la
vérité qui existe toujours nécessairement, est intérieure, ce qui permet d’ailleurs dans
d’autres espaces (politique ou privé), qu’elle soit souvent dissimulée ; enfin, la validité
de l’aveu est étroitement liée à la légitimité qui est, a priori, reconnue à l’institution
judiciaire, car si l’on ne reconnaît pas au juge la faculté de dire le vrai il n’est alors nul
besoin d’y révéler la vérité. En même temps, l’aveu tend aujourd’hui à se banaliser.
33
Anne LEBORGNE, « L’aveu », in Dictionnaire de la justice, op.cit. p.105. Il est assez étonnant de
constater qu’il faille attendre l’année 2004, à la faveur de l’émergence d’une procédure de « plaider
coupable à la française », pour qu’un article soit consacré à l’ « aveu » en matière pénale. En effet, de
façon étonnante, aucun article n’est consacré à l’ « aveu » dans le Dictionnaire de culture juridique paru
en 2003 aux éditions des Presses universitaires de France sous la direction des professeurs
Denis ALLAND et Stéphane RIALS. De la même manière que, de façon surprenante, un sort assez
modeste lui est réservé dans la volumineuse Encyclopédie de théorie et de sociologie du droit (André-
Jean ARNAUD (dir.), 2è édition, LGDJ, Paris, 1993) et l’aveu est rapidement évoqué dans le
Dictionnaire des Droits Fondamentaux paru sous la direction des professeurs
Dominique CHAGNOLLAUD et Guillaume DRAGO (Dalloz, Paris, 2006). Et lorsque la question est
abordée, il ne lui est consacré qu’une page et demi sur les 1333 pages comprenant le Dictionnaire de la
Justice (dir. Loïc CADIET, 1ère édition, PUF, Paris, 2004), soit aux pages 103 à105. Enfin, le
Dictionnaire des sciences criminelles paru en 2004 sous la direction de M.M. Gérard LOPEZ et Stamatios
TZITZIS (D., Paris, 2004) n’y consacre qu’une page et demi mais dont la moitié du texte concerne l’aveu
en matière civile et non spécifiquement en matière répressive. Preuve supplémentaire, si besoin était, de
la gêne éprouvée par les professionnels du droit, fussent-ils magistrats ou professeurs de droit, à évoquer
de manière exhaustive une question qui pourtant est au centre du procès pénal puisque celui-ci, en théorie,
dans un système inquisitoire, a pour objectif principal la recherche de la manifestation de la vérité. En
fait, tout se passe comme si les aveux ne constituaient pas une preuve pour l’argumentaire pénal alors
même que paradoxalement les professionnels du droit insistent sur l’importance qu’il revêt lors de la
phase d’enquête.
20
INTRODUCTION
il ne constitue plus un absolu mais un souci parmi d’autres des enquêteurs chargés de le
recueillir, et ce dans un contexte de fonctionnarisation accrue de la profession de
policier liée à la mise en œuvre de la réduction du temps de travail à 35 heures et
d’accroissement considérable des mesures de garde à vue34. Il s’agit par conséquent
d’un mode de preuve désormais secondaire car les avocats, en outre, déposent parfois
des plaintes à l’encontre des enquêteurs se rendant coupables de violences exercées au
cours de cette mesure dans le but d’extorquer des aveux, ce qui tend à rendre plus
humain cet interrogatoire. D’une certaine manière, l’aveu en matière pénale s’est laïcisé,
il n’existe plus de métaphysique de l’aveu ou de religion de l’aveu faisant de la
reconnaissance des faits le cadre particulier de la mesure de garde à vue. L’exigence de
l’aveu constitue une exigence moins impérieuse à la faveur du développement, voulu
par le législateur, d’un réel droit au silence.
21
INTRODUCTION
mais un pardon qui devra être appréhendé au sens où l’entend le philosophe Jacques
DERRIDA, c’est dire celui d’un « pardon pur » 35. Car si la réception de l’aveu en
matière pénale peut parfois apparaître comme contraire à l’Etat de droit et à la
hiérarchie des normes, ce qui pose la question de sa légalité au-delà de sa légitimité, il
participe également et paradoxalement de la fondation de l’appareil judiciaire. Non
seulement, il existe une vitalité de l’aveu dans la mesure où ce moyen de preuve
constitue un préalable à l’élaboration d’un travail juridique savant en orientant la
décision du magistrat mais également il permet à la justice de se pérenniser en tant
qu’institution humaine primordiale de la société. D’autant que, du côté de l’accusé, il
apparaît difficile, en dépit du droit au silence dont il peut se prévaloir, de ne pas avouer
son infraction lorsque, sur un plan techno-scientifique, les preuves semblent l’accabler.
A ce titre, les procédés scientifiques36 modifient la recherche de la vérité dans le procès
pénal37. L’aveu est par conséquent concurrencé par les preuves scientifiques et
médicales. Cette évolution consolide la thèse de l’accusation car, ce que le juge et
l'enquêteur ont toujours recherché dans l'aveu, c'est une certitude quant à la culpabilité ;
qu’ils trouvent cette preuve suprême dans l'accusé, de manière autonome ou spontanée
ou de façon provoquée ou hétéronome, c’est-à-dire « en-dehors de lui », davantage à la
suite d’un processus, parfois long et fastidieux non seulement pour la personne gardée à
vue mais également pour les officiers de police judiciaire et magistrats chargés de
procéder aux interrogatoires. En outre, la démultiplication des preuves scientifiques
vient aujourd’hui creuser davantage, en dépit des textes constitutionnels et traités
internationaux protecteurs, le déséquilibre entre défense et accusation, qu’il s’agisse des
écoutes téléphoniques, des enregistrements sonores ou vidéos, des empreintes
génétiques ainsi que des analyses sanguines.
22
INTRODUCTION
23
INTRODUCTION
pour rendre son intervention efficace. Ce qui tend, au surplus, à rapprocher l’avocat
exerçant sa profession dans un système de droit de nature inquisitoire de son homologue
l’exerçant dans un procès de Common law notamment quant à la nature de son
intervention. Si l’assistance du prévenu par son conseil consiste davantage à le
conseiller sur l’opportunité ou non de faire droit à la demande du parquet dans la mise
en œuvre du plaider coupable, l’intervention de l’avocat risque d’être le simple reflet
d’une stratégie préalable mise en œuvre en relation avec la personne mise en cause dans
la perspective d’une peine allégée. Une peine ainsi négociée davantage avec la personne
poursuivie qu’avec le parquet dont les textes prévoient que toute discussion sur la peine
est exclue, même si, en pratique, le dialogue pouvant se nouer entre l’avocat et le
procureur de la République diffère en fonction des juridictions. Ces modalités
d’intervention tendent en outre à rapprocher le modèle inquisitoire français d’un modèle
plus accusatoire où la défense pourra disposer, à l’instar du système prévalant dans le
procès de Common law, de davantage de pouvoirs pour exercer sa mission face à un
parquet qui soutiendra l’accusation.
38
Jean DANET, « Bref commentaire de l'annuaire statistique 2009-2010 en matière pénale », Source : AJ
Pénal 2011 p. 122. Selon cet auteur, les instructions continuent de régresser en chiffres relatifs et absolus
depuis cinq ans (23 409 en 2008). Elles ne représentent plus que 3,5 % des affaires poursuivies et 1,8 %
des affaires donnant lieu à une réponse pénale.
24
INTRODUCTION
Corrélativement, les parties disposent de pouvoirs peu étendus, même s’ils ont été
accrus, ce qui conduit à une asymétrie procédurale d’autant plus importante qu’un
nombre peu élevé de décisions de ce magistrat frappées d’appel se voient infirmées par
la chambre de l’instruction. En outre, la plupart des autres affaires qui ne relèvent pas
du filtre de l’instruction conduisent à superposer des enquêtes où la police et le parquet
assument seuls le respect du principe de présomption d’innocence. Ce qui tend à
rapprocher le système inquisitoire français d’un modèle accusatoire ou, comme au
Royaume Uni, le parquet n’a pas la direction de la police judiciaire, celle-ci disposant
d’une forte autonomie. C’est dire aussi que dans la Common law, les tribunaux
s’intéressent peu aux moyens employés pour rapporter la preuve des faits allégués, la
seule limite imposée à la police consistant à ne pas pénétrer dans l’enceinte du tribunal,
celle-ci étant réservée à l’avocat. A l’instar de son homologue anglais, la mission du
Conseil en France conduit ainsi, sinon à négocier, du moins à se rapprocher davantage
des autorités de poursuite, donc de réfléchir davantage aux modalités d’une peine
allégée que d’assurer, par la plaidoirie, une défense pénale dans le seul but de rapporter
éventuellement l’innocence de la personne mise en cause. L’avocat risque également de
voir son rôle cantonné à la recherche d’un compromis avec l’accusation tout en assurant
la défense de son client.
Dès lors, au nom de la célérité recherchée de la justice répressive donc d’un objectif
d’efficacité, l’avocat risque de voir son rôle bouleversé, celui-ci intégrant davantage une
stratégie dans le cadre de l’assistance de la personne poursuivie. L’intervention du
défenseur ne reflétant plus que la stratégie mise en œuvre par le prévenu voire celle de
l’avocat avec l’accusation. En France, cette métamorphose du rôle assigné à l’avocat va
permettre de rapprocher le système pénal continental du modèle accusatoire anglo-
américain car il est possible que les mutations induites viennent renforcer le primat de
l’initiative individuelle dans l’administration de la preuve. L’efficacité du système
dépendra cependant étroitement de la place qui sera conférée aux parties, donc de savoir
si ces dernières disposent de ressources équivalentes. En effet, afin de pallier les risques
inévitables d’un décalage important entre les pouvoirs impartis au ministère public et
ceux dévolus à la défense, le parquet en France devra, à l’instar de son homologue
italien, couper le cordon ombilical qui le relie au Garde des Sceaux afin de se doter d’un
réel statut d’autonomie. Dans le processus d’aveu, ce qui apparaît subjectivement
comme équitable et bon pour la personne poursuivie se substitue à ce qui pourrait être
considéré comme juste par une juridiction au cours d’une audience classique. En outre,
dans son cheminement vers la décision, le juge ne peut faire l’économie du doute, la
25
INTRODUCTION
En définitive, ce qui pourrait apparaître comme juste à l’issue d’une procédure qui,
éventuellement, viendrait établir l’innocence d’un justiciable cède la place à ce qui est
considéré subjectivement comme bon pour le prévenu au risque d’une méconnaissance
de la portée réelle des droits dont il peut bénéficier mais avec l’avantage de pouvoir être
associé à la peine infligée. La voie procédurale de CRPC offre ainsi la possibilité pour
un prévenu de renoncer au bénéfice d’un droit en contrepartie de la quasi certitude de
l’obtention d’une peine allégée. En même temps, le dispositif n’est pas le signe d’un
déséquilibre inquiétant entre défense et accusation mais peut s’interpréter davantage
comme la marque paradoxale d’une liberté accrue conférée à la personne poursuivie. Ce
renoncement au bénéfice d’une innocence présumée souvent jugée plus théorique que
réelle, fût-elle constitutionnellement protégée, ne conduit pas en réalité à priver le
prévenu de tous moyens de défense, mais rend possible un autre type de rapport à
l’institution judiciaire fondé moins sur une quête parfois illusoire de vérité que sur la
recherche d’un résultat. Ce sont désormais moins les garanties apportées au respect de
grands principes du procès pénal considérées comme « théoriques » que la recherche
plus pragmatique d’une solution équitable qui apparaît essentielle. Si cette
26
INTRODUCTION
39
John ELSTER, « Les Raisins verts », Bulletin du MAUSS, n°6, 1983.
27
INTRODUCTION
Par ailleurs, si l’aveu en matière pénale peut conduire à une discussion reposant sur une
reconnaissance préalable des faits, les déclarations d’un suspect dans le cadre d’une
garde à vue peuvent également faire aujourd’hui l’objet d’un dialogue, fût-il bref, entre
l’enquêteur et l’avocat. En effet, comme conséquence du développement d’un droit au
silence, il est de plus en plus fréquent que la menace d’une requête en nullité contre un
acte de procédure au cours d’une garde à vue conduise les officiers de police judiciaire à
davantage de modération dans les questions posées aux intéressés. Cette récente
28
INTRODUCTION
29
PREMIERE PARTIE – REQUISITOIRE : L’AVEU SOUS INFLUENCE, UN MODE DE PREUVE DISSOCIE DE
LA VERITE JUDICIAIRE
15- Un obstacle judiciaire. L’articulation entre l’aveu consenti par une personne
mise en cause et la vérité judiciaire qui en résultera pose une difficulté d’ordre juridique
car le processus de reconnaissance de culpabilité ne constitue pas en soi une preuve
irréfutable de culpabilité. Au-delà des déclarations effectuées par les accusés, persistent
les erreurs judiciaires, ce qui témoigne, si besoin était, du décalage possible entre les
aveux passés et la réalité des faits. Il s’agit, par conséquent, pour la personne poursuivie
de renoncer volontairement aux droits et libertés qui lui sont garantis. Comment
apréhender ainsi l’impératif de loyauté devant présider dans tout procès pénal alors
même que, par définition, la vérité judiciaire est protéiforme. En effet, cette dimension
morale attachée à la loyauté dans son lien avec l’aveu, pose un problème
épistémologique qui excède la simple matière pénale car il relève davantage de la
philosophie du droit. Si le paradigme de la vérité scientifique a substantiellement évolué
au cours du XXe siècle, notamment avec l’essor de la philosophie des sciences, laissant
une place plus importante au concept d’incertitude lié à la complexité du réel, c’est
toujours le modèle positiviste d’une vérité scientifique dogmatiquement représentée qui
est à l’œuvre dans la conscience moyenne du justiciable et du juge. C’est donc par
rapport à ce modèle qu’il faut appréhender la figure de la science dans l’élaboration de
l’acte juridictionnel. Ce qui influence le jugement, plus que les certitudes dogmatiques
délivrées par la science, c’est la conviction forgée par le juge que l’énoncé scientifique
peut être considéré comme suffisamment valable pour avoir été discuté au sein de la
communauté scientifique. La vérité scientifique est elle-même une construction, et non
un donné révélé, ce qui la rapproche pour partie de la vérité judiciaire. D’ailleurs, on
pourrait avancer que le pouvoir de conviction de la science est d’autant plus fort que la
science elle-même se « procéduralise », au sens où l’entendent Theodor ADORNO et
Max HORKHEIMER40. Dans le domaine pratique, la raison ne peut évoquer que des
moyens. A propos des fins, elle doit se taire. A ce propos, Jürgen HABERMAS
souligne que les assertions sont des énonciations circonstancielles, épisodiques, tandis
40
Max HORKHEIMER, Eclipse de la raison, trad. J. DEBONZY. Paris. Payot. 1974. p. 182. Voir
Chap.I : "Moyens et fins". Theodor ADORNO et Max HORKHEIMER. La Dialectique de la
Raison.p.193. Voir aussi Theodor ADORNO, La Dialectique négative, Paris. Payot. 1992.
30
PREMIERE PARTIE – REQUISITOIRE : L’AVEU SOUS INFLUENCE, UN MODE DE PREUVE DISSOCIE DE
LA VERITE JUDICIAIRE
41
Jürgen HABERMAS, Le discours philosophique de la modernité. Douze conférences, trad. C.
Bouchindhomme et R. Rochlitz, Paris, Gallimard.1988. Voir aussi du même auteur. " La modernité ; un
projet inachevé". Trad. par G. Raulet, in Critique n°413 (1981), pp.950-967.
42
Jean-Godefroy BIDIMA, De l’Ecole de Francfort à la "Docta Spes africana". Paris, Publications de la
Sorbonne. 1993. p.83.
43
Alain BAUER et Michel GAUDIN, « Livre Blanc sur la sécurité » rendu le 26 octobre 2011 au
ministre de l’Intérieur, in Dépêches JurisClasseur, 3 novembre 2011, p. 957. Dans leur rapport, le
criminologue Alain BAUER et le préfet de police de Paris, Michel GAUDIN, ont formulé des
propositions de réforme de la procédure pénale, au premier rang desquelles il est proposé, pour se
prémunir contre le droit au silence, de créer un délit d'entrave à l'enquête judiciaire en cas d'obstruction
active, et transposer pour les témoins l'obligation de témoigner et l'incrimination de faux témoignage
(sauf auto incrimination). Sources : Livre blanc sur la sécurité publique, 26 oct. 2011 et UJA, 26 oct.
2011, communiqué.
31
PREMIERE PARTIE – REQUISITOIRE : L’AVEU SOUS INFLUENCE, UN MODE DE PREUVE DISSOCIE DE
LA VERITE JUDICIAIRE
de réception de l’aveu. En effet, l’aveu est de plus en plus soumis aux divers contrôles
juridictionnels (TITRE SECOND) lesquels constituent ainsi une garantie contre
l’arbitraire toujours possible dans le cadre de sa réception, qu’il s’agisse des voies de
recours pouvant être exercées dans un cadre interne ou à l’échelon européen. Par
conséquent, si la notion d’aveu ne recoupe pas systématiquement celle de vérité
judiciaire, le recueillement de ce mode de preuve s’exerce toutefois dans le strict respect
des ordres constitutionnel et communautaire.
32
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER – NOTION D’AVEU ET DISSOCIATION DE LA VERITE
JUDICIAIRE
« Nulle vérité ne saurait se localiser que du champ où cela s’énonce – où cela s’énonce comme cela
peut.
Donc, il est vrai qu’il n’y a pas de vrai sans faux, au moins dans son principe. Ceci est vrai.
Mais qu’il n’y ait pas de faux sans vrai, cela est faux. »
17- Une justification ambigüe. Dès lors, si la vérité n’est pas paradoxalement
dans un système inquisitoire le fondement du procès pénal, quelle est alors la
justification d’une recherche de l’aveu ? Par ailleurs, pourquoi rechercher l’aveu
44
Cass. crim. 19 mars 1962, Bull. crim. n° 175.
33
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER – NOTION D’AVEU ET DISSOCIATION DE LA VERITE
JUDICIAIRE
34
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
de ses réels critères d’appréciation qui est posée car le juge pénal éprouve toujours
autant de difficultés à reconnaître qu’il puisse se tromper en analysant parfois trop
hâtivement un dossier. En effet, à la suite de l’affaire OUTREAU précitée, la difficulté
soulevée est celle de savoir si l’appareil judiciaire n’est, en définitive, qu’une technique
mise au service d’un instrument étatique de maintien de l’ordre, auquel cas les preuves
ne sont plus pertinentes car secondaires ou si l’institution peut effectuer, sans ressentir
une quelconque atteinte excessive à son statut, une autocritique. A ce titre, le décalage
entre la théorie et la pratique pose problème dans le système judiciaire français car il
tend à dissocier la vérité de la justice, la recherche impartiale et rationnelle de la réalité
des faits avec les exigences souvent contradictoires de l’institution. Ainsi, le processus
d’autocondamnation n’est pas nécessairement la marque d’une preuve de culpabilité
absolue mais une des conditions possibles de la vérité judiciaire ; l’aveu permettant
d’asseoir une présomption de culpabilité, non une preuve irréfragable. Par conséquent,
l’aveu n’est pas, de façon irréfutable, la vérité sur la survenance de faits mais
simplement la possibilité du vraisemblable, une hypothèse que seule l’enquête de
flagrance permettra de limiter voire d’annuler. C’est la raison pour laquelle il convient
d’appréhender l’aveu non pas de façon statique, ce qui supposerait a priori comme vraie
toute déclaration librement et spontanément consentie, mais davantage comme un
processus vers une possible vérité. En toutes hypothèses, l’aveu est, dès l’origine, conçu
comme une renonciation, comme une faiblesse, une soumission face à la puissance
accusatrice.
a posteriori, par l’histoire donc par l’issue d’un dossier pénal ? Comment, par ailleurs,
construire une véritable relation dialogique entre un magistrat et une personne mise en
cause lorsque, s’agissant notamment de délinquants d’habitude, le parti pris de la
personne poursuivie est le désir de mensonge ou de manipulation ? En outre, dans
l’hypothèse où la vérité ne serait révélée que partiellement, s’agit-il toujours d’un
mensonge ? Peut-on, en dernière instance, fonder une transparence relative du présumé
coupable ?
Aussi, l’aveu pénal entretient avec la vérité judiciaire un rapport qui n’est pas de
nature scientifique, donc peu pertinent (SECTION PREMIERE), si l’on admet qu’il
n’est pas possible, au moment des déclarations d’une personne soupçonnée de connaître
absolument la part de mensonge et de vérité contenue dans ses propos. C’est d’ailleurs
une des raisons pour lesquelles le mensonge d’un client n’a jamais été considéré par un
avocat comme un aveu de culpabilité. En effet, bon nombre d’affaires criminelles
témoignent de condamnations intervenues en marge d’une pure rationalité puisqu’elles
reposent sur l’intime conviction des jurés. De sorte que si du côté de l’institution
judiciaire la question de la justification de l’aveu pénal est posée, c’est sans doute pour
déterminer au travers de vérités protéiformes, celles susceptibles de pouvoir asseoir une
condamnation. En réalité, l’aveu recherché par le ministère public a pour but de
légitimer sa propre accusation lorsque les preuves font défaut (SECTION SECONDE).
20- Vérité judiciaire et vérité. Si la vérité judiciaire renvoie à la chose jugée, cette
vérité exprime également une nécessité car il est obligatoire qu’une affaire pénale soit
jugée. Ce n’est pas parce que le magistrat estimera que les faits soumis à son examen
constituent la vérité judiciaire qu’il s’agira de la vérité, car cette vérité judiciaire
s’établira sur le fondement d’un consensus, elle exprimera une nouvelle paix sociale sur
les fondements posés par le juge. Il existe donc également une vérité sociale qui ne
recoupe pas la vérité judiciaire. Une décision d’acquittement prononcée par une cour
d’assises pourra heurter l’opinion si l’accusé a pourtant avoué les faits reprochés ou la
scandaliser si un verdict de culpabilité concerne une personne considérée comme
innocente néanmoins. En réalité, il n’y pas de réel critère d’appréciation, en-dehors du
respect du cadre légal, permettant de déterminer celle de la vérité judiciaire qui en
matière criminelle est l’expression du peuple. Ainsi, si la justice a besoin d’une vérité
37
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
pour se prononcer, elle peut exprimer une vérité qui n’est pas forcément la même au
moment de décider de l’acquittement, par exemple, d’un assassin. Car l’irrationnel,
surtout devant une cour d’assises, occupe une place importante dans un contexte, de
surcroît, où la vérité est évolutive. Un accusé ayant avoué les faits reprochés pourra
bénéficier d’une particulière indulgence des jurés en raison de son profil, de son passé,
du profil également de la victime, de l’actualité, de la composition de la juridiction. En
pratique, la juridiction construira une décision de façon pragmatique, le juge pénal ayant
le souci de lui donner une apparence juridique. Et ce n’est que lorsqu’il constatera que
sa décision initiale heurte trop le droit ou le bon sens qu’il pourra en changer, car le
magistrat devra se réserver une marge de manœuvre. Dans le cadre, par exemple, du
contentieux de la détention, les faits apparaissent hors sujet puisque ce dont il s’agit est
une analyse de l’atteinte ou pas aux garanties de représentation, même si la loi prévoit
toutefois qu’un bref rappel des faits soit effectué, mais pas un examen sur les charges. Il
y aura sans doute, au début de la procédure, des indices, donc une première vérité pré-
judiciaire, c’est-à-dire une vérité apparente ; puis à l’issue de l’ordonnance de mise en
accusation, donc du renvoi de l’accusé devant la cour d’assises, la vérité reposera sur
des charges, et non sur de simples indices ou présomptions, il s’agira alors d’une vérité
structurée et non plus uniquement apparente. La nature de la vérité judiciaire est donc
évolutive. Aussi, la recherche de l’aveu peut également répondre à un souci paradoxal
d’humanité qui s’inscrit en marge de la recherche prioritaire de vérité.
38
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
à la barbarie, l’individu, quel qu’il soit, reste résolument humain. C’est d’ailleurs ce
qu’expliquent généralement les avocats pénalistes et savent habituellement les
présidents de cours d’assises. Mais cette dimension humaine ne sera que difficilement
reconnue par la victime ni réellement prise en considération par le ministère public
même si parfois la virulence du réquisitoire l’emportera sur la simple recherche de la
vérité. Cet élément sera occulté, ce qui est compréhensible, par les familles endeuillées
par le crime. Et c’est sans doute parce que l’enquêteur ou le juge recherchent, au-delà
des faits, les mobiles du crime, qu’ils tenteront, par l’aveu, de séparer partiellement le
crime du criminel en convoquant, malgré tout, sa part d’humanité, fût-elle infime. En
définitive, l’aveu est la réponse du délinquant à une justice qui se doit de rester humaine
car elle est fragile, pour ne pas se condamner, elle aussi, à disparaître définitivement.
L’aveu, en légitimant a posteriori l’institution censée le sanctionner, devient
paradoxalement l’allié objectif du juge, l’intéressé venant ainsi éprouver non seulement
sa propre humanité mais également celle de l’appareil judiciaire. Par l’aveu, l’institution
perd en partie sa dimension métaphysique, religieuse ou immuable en se laïcisant et par
conséquent en s’auto-justifiant comme une institution résolument humaine.
39
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
Dans le sillage de KANT, c’est, selon HEGEL, par la visibilité d’un acte dont la
légitimité est extérieure à son auteur que se fonde la communion entre le délinquant et
l’institution. En dernière analyse, tout se règle comme s’il existait un pacte symbolique
entre le juge et l’auteur de l’infraction reposant sur une forme de pré-contrat de nature
théologique fondateur de la norme.
Dans cette perspective, la validité des propos émanera, comme l’indique AUSTIN, «
de ce qu’ils ont été prononcés seulement comme le signe extérieur et visible d’un acte
45
Voir not. Emmanuel KANT, Théorie et pratique, Paris, vrin, 1967, p. 9 à 64.
46
Selon Friedrich Georg Wilhelm HEGEL, « l’affliction qu’on impose au criminel n’est pas seulement
juste en soi ; en tant que juste, elle est aussi l’être en soi de sa volonté existante, dans son acte (…) », in
Des manières de traiter scientifiquement du droit naturel, de sa place dans la philosophie politique et de
son rapport aux sciences positives du droit, éd. et trad. Bernard BOURGEOIS, Paris, Vrin, 1990, p. 100.
40
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
intérieur et spirituel (…). Dès lors, le pas est vite franchi qui mène à croire ou à
supposer, sans s’en rendre compte, que dans bien des cas l’énonciation extérieure est la
description, vraie ou fausse, d’un événement intérieur (…)47.
47
John Langshaw AUSTIN, How to do things with words, traduit sous le titre Quand dire, c’est faire,
Paris, Editions du Seuil, 1970.
48
Pour Alfred TARSKI, il faudrait abandonner toute idée de vérité au profit d’une correspondance des
énoncés avec les faits décrits. S’inscrivant dans un réalisme métaphysique visant à ériger, en l’absence
d’une vérité absolue, un modèle d’appréhension du réel, la définition de TARSKI suppose, in fine, un
relativisme inhérent à la démarche épistémologique, in A. TARSKI, Logique, sémantique,
métamathématique, traduction sous la direction de Gilles GASTON-GRANGER, in GRANGER, Paris,
Armand COLIN, 1972-74, tome 2, p. 265.
49
Gilbert COLLARD, Les états généraux de la justice, Paris, éd. SCALI, 2007, p. 132 s.
41
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
50
Friedrich HEGEL op. cit. p.100.
51
John Langshaw AUSTIN, Quand dire, c’est faire, Paris, Editions du Seuil, 1970, p. 44.
52
Ibid.
53
Pierre LEGENDRE, L'amour de censeur : Essai sur l'ordre dogmatique (broché), Paris, Seuil, 1974.
43
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
54
Op.cit.
55
John SEARLE, L'intentionnalité, éd. de Minuit, 1985 p. 764.
44
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
d’exprimabilité selon lequel tout ce que l’on veut dire existe dans toute relation
intersubjective ; il s’ensuit, que la notion précitée articule naturellement intention et
contrat ou convention car elle est, par définition, productrice de sens, fût-il caché. Il
s’agit par conséquent toujours pour un locuteur de communiquer un contenu articulé.
Ainsi, il convient de distinguer le marqueur de contenu propositionnel (« j’avouerai les
faits reprochés demain en présence de mon avocat ») du marqueur de force
illocutionnaire: « j’avoue ». En l’espèce, le but illocutionnaire dépend du degré
d’explication de l’acte. Dans le passage à l’acte, l’auteur de l’aveu souhaiterait, au-delà
de ce qu’il concède à un tiers (le juge), réparer le lien de droit, participer à l’application
d’une sanction qui, pourtant, le plus souvent, l’affligera.
45
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
pénal avec la vérité mais davantage avec le doute. Pour le représentant du parquet, la
vérité promue par l’avocat sera considérée comme plus aisée car ne requérant pas la
preuve de son attestation ; à l’inverse, celle du ministère public pourra apparaître, du
côté de l’avocat, comme péremptoire car se déployant en marge d’une culture du doute.
Le magistrat, en effet, pour requérir, devra se départir d’un tel sentiment s’il veut, en
toute objectivité, soutenir une accusation crédible. Or, la thèse soutenue par l’avocat
général reposera souvent sur les aveux passés par l’accusé, sans se poser la question de
leur sincérité. D’un point de vue technique, il apparaît particulièrement ardu de faire la
part de l’ombre et de la lumière contenue dans toute reconnaissance de culpabilité au
moment précis de son énonciation. En effet, il n’est pas possible de saisir, d’une
certaine manière, un instantané de vérité découlant, au moment même de son
énonciation, d’un propos ou d’ailleurs de tout discours tenu. A ce titre, c’est notamment
parce que fait défaut cette garantie de vérité absolue à l’instant précis de la réception de
l’aveu que, précisément, l’enquête doit se poursuivre devant le magistrat instructeur. Il
appartiendra ainsi à ce magistrat de vérifier que les pièces versées aux débats permettent
d’asseoir réellement une culpabilité du mis en cause afin de le renvoyer devant une
juridiction pénale. C’est donc l’absence de vérité définitive attachée aux propos
rapportés qui pourra justifier l’ouverture d’une information judiciaire, donc le choix
d’une voie de procédure plus longue préférée à celle plus courte de la comparution
immédiate car, précisément, il faut rechercher la vérité, laquelle manifestation de la
vérité pose en effet moins de difficultés lorsque le prévenu a fait l’objet d’une enquête
de flagrance. De surcroît, cette recherche de vérité qui caractérise le système inquisitoire
laisse au magistrat instructeur la responsabilité de la poursuite de l’enquête, car seule
recherche de vérité va au-delà de la simple administration de la preuve. Le procureur
doit convaincre, démontrer, pour asseoir une condamnation, tandis que l’avocat
prétendra qu’aucune vérité n’a été établie pour innocenter son client, même s’il
sacrifiera à la vérité judiciaire une plaidoirie fondée davantage sur l’émotion. Dans le
système pénal français, ce sont par conséquent, d’un point de vue symbolique, deux
cultures qui s’affrontent. Celle, d’une part, de la rationalité du ministère public
dépositaire d’une vérité considérée d’une nature supérieure car articulée à l’Etat, dans
un pays où la centralité étatique demeure forte ; d’autre part, celle de la liberté de ton de
l’avocat pourvoyeur incessant, ou considéré comme tel, d’émotions, dans un système
inquisitoire qui, en définitive, le marginalise. La hiérarchie face à la liberté. C’est une
des raisons pour lesquelles la recherche de l’aveu du côté de l’accusation est également
46
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
la quête d’une vérité auxiliaire comme mode de pensée spécifique retenu par le parquet.
En d’autres termes, l’aveu contribue à nourrir une forme de version unique qui n’est pas
forcément celle du substitut en charge du dossier mais celle du ministère public, en tant
qu’institution, le « je » s’effaçant devant le « nous ». La recherche de l’aveu pénal
constitue donc la démarche judiciaire de la vérité du parquet. Un représentant du
ministère public enfermé dans la recherche de la vérité en raison de son statut de
dépendance, face à un avocat limité dans son éthique, non pas par la nécessité de mentir
au juge, mais de privilégier une culture du résultat, la recherche par l’avocat d’une
vérité relevant donc de la casuistique. Dans l’Antiquité grecque56, le mensonge s’avère
impossible car la vérité revêt un caractère hétéronome et transcendant comme en
témoigne le fameux paradoxe du menteur attribué à Epiménide de Cnossos qui peut
s’énoncer comme suit : « Tu dis que tu mens. Si c’est vrai, alors tu mens en disant que
tu mens, et il est donc faux que tu mentes. Mais si c’est faux, alors tu ne mens pas non
plus en disant que tu mens, et il est donc vrai que tu mens. » En fait, l’antinomie du
menteur montre l’impossibilité logique du mensonge dans la mesure où notre
impuissance à dire le sens de ce que nous affirmons renvoie, du même coup, à un
pouvoir infini du langage de parler sur les mots. Aussi, cette conception tend à
bouleverser le champ de la raison analytique en y intégrant un quatrième postulat de la
raison analytique : celui d’un tiers inclus. Dans la Métaphysique (a, 993 a-b) la vérité,
selon Aristote, semble pouvoir être appréhendée dans sa totalité et constituer, par là-
même, l’horizon principal de toute réflexion. Aussi, cette conception d’une vérité
« incluse » dans le Tout en général tend à fonder un modèle de représentation
(phantasia, latin : visium) du cosmos sous le mode de l’Unique, d’une Vérité cosmique
à usage interne. Dès lors, deux présupposés peuvent être dégagés. D’une part, le
postulat d’une volonté spontanée de vérité ; d’autre part, un second postulat, celui de la
connaissance comme recognition, c’est dire que toute connaissance est une
reconnaissance dans la mesure où tout monde « vrai » est bordé d’une transcendance
qui en assure l’identité (Dieu, le sujet transcendantal).
56 Jean-Pierre VERNANT, L’Univers, les Dieux, les Hommes, Paris, Le Seuil, 1999.
47
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
26- Décision judiciaire et vérité pénale. Le droit répudie le doute car, en dépit de
l’incertitude, le juge doit trancher ; en clair, l’exigence de décision suspend, voire se
substitue à celle de vérité. Cette approche pose davantage de difficultés que ce qu’elle
en résout car, d’un point de vue logique, cette manière de procéder spécifique à
l’institution judiciaire tranche avec ce qu’il est communément admis comme relevant de
la « vérité » au regard des critères de scientificité donc de possible réfutabilité. Selon
Alfred TARSKI, il faudrait abandonner toute idée de vérité au profit d’une
correspondance des énoncés avec les faits décrits. Il faudrait faire davantage montre en
matière scientifique ou judiciaire d’une forme de « réalisme métaphysique » qui
érigerait, en l’absence d’une vérité absolue, un modèle d’appréhension du réel
débouchant sur un relativisme inhérent à la démarche gnoséologique ou
épistémologique57.
En matière pénale, ce relativisme semble être absent puisque, par définition, l’intime
conviction repose, du côté de l’institution judiciaire, sur un postulat implicite : la non-
pertinence du doute laquelle repose pourtant moins sur une certitude du faux que sur
une incertitude du vrai. C’est la raison pour laquelle un jugement a valeur de vérité, ce
qui signifie, a contrario, qu’il peut arriver qu’un jugement soit vrai car la présomption
intègre l’imperfection de la connaissance humaine à laquelle, précisément, l’intime
conviction du juge souhaiterait remédier, fût-ce partiellement. Il n’en demeure pas
moins que la décision renverra davantage, du côté de l’appareil judiciaire, à un pari sur
la vérité ou à une hypothèse de vérité, c’est à dire, en réalité, à une présomption dont la
valeur s’inscrit à mi-chemin entre opinion et ignorance, ce que le philosophe PLATON
appelait la « doxa orthè » ou opinion droite, laquelle opinion ayant un statut
intermédiaire de quasi-vérité ou quasi-erreur, en toute hypothèse ne revêtant pas le
caractère d’une vérité absolue. En droit et procédure pénaux, il s’agit de la preuve
irréfragable conçue par rapport à une autre preuve, laquelle, lui étant contraire, serait
inadmissible si elle était rapportée.
57
Alfred TARSKI, Logique, sémantique, métamathématique, traduction sous la direction de
Gilles GRANGER, Paris, Armand COLIN, 1972-1974, Tome 2, p. 265 et s.
48
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
Contrairement à ce que pouvait écrire Jean DOMAT selon lequel la preuve renverrait
à « ce qui persuade l’esprit d’une vérité »58, l’aveu pénal intervient dans un contexte
théorique qui érige la présomption d’innocence en une règle fondamentale dans la
détermination de la charge de la preuve. Et ce, même si la loi ou la jurisprudence
peuvent admettre d’alléger le fardeau de la preuve fournie par l’accusation, notamment
en matière de droit de la presse, de délits routiers ou s’agissant d’infractions en matière
douanière. Théoriquement, deux principes doivent présider à la recherche et à
l’administration de la preuve, celui de liberté et celui de légalité, avec pour le dernier
son corollaire, celui de loyauté. Mais, le principe en vigueur reste que la matérialité de
l’infraction peut être établie par tout mode de preuve du droit commun par le parquet59
et le prévenu qui allègue, pour sa décharge, un fait de nature à faire disparaître la
matérialité du délit, doit en apporter la preuve 60. Aux termes de l’article 427 CPP, la
liberté se justifie triplement. D’abord, les infractions constituent des faits dont la preuve
ne peut pas être préconstituée ; ensuite, par un souci d’efficacité de la répression
nécessaire en droit pénal ; enfin, par la recherche de la manifestation de la vérité,
objectif louable mais d’application difficile en matière d’aveu. L’aveu pénal s’inscrit
par conséquent dans un contexte d’insécurité du juge quant à la fiabilité des propos
tenus dans le cadre de l’autoaccusation. Hormis l’hypothèse d’une présomption de
légitime défense, la jurisprudence laisse d’ailleurs à la charge de la personne poursuivie
et de son défenseur la preuve de faits justificatifs, donc le soin de l’établir61. Enfin, le
ministère public doit également démontrer l’élément moral de l’infraction, même s’il
incombe au prévenu de rapporter la preuve des causes de non-imputabilité du délit tel
que la contrainte ou les troubles mentaux, tout comme il doit apporter la preuve des faits
justificatifs qu’il invoque62. C’est ainsi que la question de l’intime conviction, à la suite
de la réception éventuelle d’un aveu de culpabilité, constitue non seulement au regard
des droits de la défense une pratique fragile mais également relative dans son rapport à
la vérité juridique.
58
Jean DOMAT, Les lois civiles dans leur ordre naturel (1695), Vol. 3, Lausanne, Bibliothèque
universitaire de Lausanne, 2008.
59
Cass. crim. 13 mars 2007, Bull. crim n° 79 et 80 ; AJ pénal, 2007, p. 230 et 234.
60
Cass. crim. 19 nov. 1979, Bull. crim n° 324.
61
Cass. crim. 22 mai 1959, Bull. crim n° 268 ; Crim. 6 janv. 1966, Gaz. Pal. 1966. I. p. 209.
62
Cass. crim. 20 déc. 1949, JCP 1950, II, p. 5614.
49
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
Pour les tenants d’une conception positive du droit, les règles juridiques ne peuvent
découler que des normes en vigueur. Dans cette acception, l’indulgence est moins
fréquente car le juge ne devra s’en tenir qu’à une application stricte de la loi pénale, fut-
elle particulièrement sévère. Toutefois, cette version positiviste du droit devra
également faire prévaloir le principe à valeur constitutionnelle de présomption
d’innocence sur les normes de rang inférieur, donc n’admettre qu’à titre exceptionnel en
théorie une reconnaissance de culpabilité en vertu d’une loi qui lui est inférieure. Il
s’ensuit que cette version pourra s’avérer contre toute attente protectrice pour les
personnes mises en cause dont les aveux auraient pu asseoir une culpabilité pendant que
l’absence de reconnaissance des faits pourra peut-être conduire le magistrat à libérer le
prévenu. En outre, cette dimension théorique ou normativiste implique en même temps,
par définition, une part d’impersonnalité ; donc d’égalité, car elle est générale. Dans
cette perspective, la volonté créatrice du droit doit s’effacer face à la norme supérieure
laquelle, au nom du principe de la hiérarchie des normes, a prédéterminé le contenu de
la norme inférieure. Il s’ensuit que l’objectivité doit prévaloir sur la subjectivité,
l’universel sur le particulier. Selon Michel VILLEY, le droit doit effectivement
l’emporter sur le fait et le mécanisme fondateur ou fondamental de la destruction
moderne du droit est l’émergence d’une pensée du droit établissant la subjectivité
comme principe d’évaluation juridique ou l’idée d’un droit subjectif64. Pour les tenants
de cette version positiviste ou normativiste, il s’agit donc de dissocier le droit de la
justice car l’ensemble des sources du droit, qu’elles protègent ou qu’elles punissent,
doivent prévaloir sur la justice ; par suite, une personne ayant juridiquement raison ne
63
Michel TROPER, Op.cit. p. 35 ; Norberto BOBBIO, Essais de théorie du droit, tr. fr. Préface de
Riccardo GUASTINI, Paris, LGDJ, 1998, p. 185 et ss. Voir également pour cette analyse comparée entre
la conception hylétique et expressive, Georges KALINOWSKI, Querelle de la science normative, une
contribution à la théorie de la science, Paris LGDJ, 1969.
64
Michel VILLEY, Seize essais de philosophie du droit, Dalloz, Paris, 1969, p. 140-233.
50
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
devrait pas pouvoir être judiciairement déboutée de sa prétention, car elle a raison
puisque le droit le prévoit.
A l’inverse, les défenseurs d’une vision réaliste ne dissocient pas la justice du droit ;
la loi ne saurait se déployer sans la liberté, la justice sans l’équité. Les thuriféraires de
cette approche font valoir, à l’appui de leurs prétentions, que les droits de l’homme
peuvent également constituer une fiction juridique. Qu’ainsi, le principe de présomption
d’innocence, de même valeur constitutionnelle que lesdits droits, participe également de
la même abstraction juridique en asservissant le fait au droit ; en conséquence de quoi,
la réalité (la liberté recouvrée pour le délinquant) valant mieux que des mots concepts
théoriques (présomption d’innocence, égalité des armes), il est préférable de plaider
coupable et obtenir une peine allégée que défendre de simples principes. Ils soulignent,
au surplus, que les « vrais juristes » (les magistrats) savent pertinemment que la
présomption d’innocence n’existe pas. Dans la mesure où ils entendent élever leurs
prétentions au-delà du droit, les tenants de cette vision du droit et de la justice peuvent
toutefois s’avérer parfaitement réalistes lorsqu’ils soulignent, par exemple, qu’en dépit
du principe de présomption d’innocence, les mis en cause préfèrent être libérés sous
contrôle judiciaire et non placés en détention provisoire sur le fondement d’aveux
consentis. Dès lors, s’il en va de leurs intérêts, les intéressés auront le droit de renoncer
à des principes abstraits dont ils ne comprennent que rarement la portée, au détriment de
leur innocence présumée, mais au bénéfice d’une liberté recouvrée. Ainsi, dans la
perspective positiviste65, le respect du principe précité devrait pouvoir logiquement
protéger la personne mise en cause contre des empiètements du pouvoir législatif,
l’intéressé ne devant en aucun cas être soumis à des présomptions de culpabilité de
65
Selon le positivisme juridique, n'existent que les règles juridiques en vigueur à un instant donné. Le
droit ne repose que sur la volonté du législateur. Il n'y a pas de relation nécessaire entre droit et morale :
les lois n'ont pas de composante éthique. Le juriste autrichien Hans KELSEN en vient ainsi à affirmer que
tout État, même la plus sanguinaire dictature, est un État de droit, in Hans KELSEN, 1881-1973, Théorie
pure du Droit, Bruxelles : Bruylant ; Paris : Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1999. p. 367.
Autrement dit, pour les tenants de l’école du positivisme juridique, le droit naturel se placerait sur le
terrain métaphysique, tandis que le droit positif, lui, est une réalité observable. La distinction entre le droit
et l'État serait purement théorique, puisqu'il faut bien un juge pour interpréter le droit. Par conséquent, il
ne saurait exister de sphère méta-juridique ou de « supra-droit » permettant de juger les droits, sauf à
verser dans un absolutisme d’Etat.
51
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
Dès lors, à une conception généreuse de l’innocence présumée s’oppose une autre
vision plus réaliste pour laquelle la question de la présomption d’innocence est
52
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
secondaire ; ce qui est, en revanche, pertinent pour le prévenu, c’est davantage à titre
principal la question de la peine. Pour les tenants de cette vision qui sont bien souvent
attachés au modèle accusatoire, la CRPC constituerait une avancée positive car elle
rendrait possible un réel débat sur la peine rapprochant ainsi l’accusation de la défense.
Aussi, la contrepartie d’une renonciation au bénéfice de la présomption d’innocence
serait constituée, en pratique, par la quasi certitude d’obtenir immédiatement une peine
allégée et d’éviter ainsi les aléas d’une audience classique. En fait, il s’agit pour le
prévenu de la recherche d’une prévisibilité accrue de la peine au détriment d’un principe
abstrait de présomption d’innocence. Cette ligne de partage renvoie donc à des valeurs
opposées qui dépassent sans doute le seul cadre de la justice pénale car il s’agit
également le plus souvent d’une opposition de nature idéologique entre les partisans du
modèle inquisitoire centralisé dont le symbole reste le juge d’instruction auquel
s’opposerait le versant accusatoire pour lequel la vérité serait plus secondaire66. A ce
titre, les critiques les plus vives qui se sont manifestées à l’encontre de la procédure de
plaider coupable concernent, le plus fréquemment, ceux qui s’en tiennent à une vision
théorique du principe de présomption d’innocence et qui, par là même, s’opposent avec
véhémence au modèle accusatoire au sein duquel la majorité des affaires concernent
des personnes qui admettent leur culpabilité afin d’obtenir une peine plus légère. A cette
vision théorique de la Déclaration s’opposent les thuriféraires de la CRPC qui, tout
d’abord, viennent rappeler que des présomptions de culpabilité ont été reconnues par le
Conseil constitutionnel; ensuite, qu’en pratique, la plupart des prévenus consentent
facilement à renoncer au bénéfice de leur innocence présumée pour éviter les aléas
d’une audience pénale et surtout pour en finir rapidement. En définitive, pour les
défenseurs de l’aveu en matière pénale, ce qui est déterminant c’est moins la question
de la culpabilité que celle de la peine, c’est moins le principe abstrait de présomption
d’innocence que la question concrète de la sanction qui sera infligée. Et ce qui constitue
effectivement le droit positif en vigueur, par exemple le rang constitutionnel conféré à
la Déclaration, doit céder la place à ce qui est considéré comme juste par le prévenu. Le
débat se déplace donc. Il s’agit, en effet, davantage d’une recherche d’équité que d’un
débat centré autour de la vérité au prix d’une négociation ou d’un marchandage. Le
principe de présomption d’innocence aurait ainsi une portée relative et l’idée d’attribuer
66
Pour cette opposition de conceptions, Cf. Jean DANET et Mickaël JANAS, Le nouveau procès pénal
après la loi PERBEN II, éd. Dalloz, Paris, 2004.
53
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
67
Charles EISENMANN, Théorie pure du droit, trad.fr.de la 2è éd., Dalloz, Paris, 2002.
54
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
donc un moyen pour le législateur d’en pallier les difficultés en le tempérant. Ainsi, loin
de contribuer à une meilleure défense des justiciables en termes d’équité, une autre
hypothèse est alors envisageable : l’Etat de droit, prenant acte du déséquilibre entre
avocats et magistrats du parquet, et souhaitant donc rendre plus transparente
cette inégalité, en viendrait à légiférer pour rendre explicite ce qui était implicite,
pour transformer l’« évidence commune théorique », à savoir l’idée communément
admise chez les avocats que le procureur de la République aura souvent plus d’impact
sur le président du tribunal que le meilleur des conseils, en une réalité concrète, c’est-à-
dire une peine allégée en échange de la reconnaissance de la culpabilité. Et ce, non
seulement au détriment, d’une part, de la question de la vérité, puisque ladite
reconnaissance peut se déployer en marge de la réalité des faits, mais également, d’autre
part, en pratique, de l’intervention du juge du siège lequel homologue très
majoritairement la peine proposée par le parquet. Dans ce contexte, la question de
l’intime conviction devient totalement hors-propos même si la notion n’exclue pas, au-
delà du sentiment éprouvé par le juge, une analyse rationnelle, étayée sur des éléments
factuels. Aussi, l’intime conviction en matière pénale est appréhendée de façon
différente selon que la notion est envisagée à partir d’une culture de l’accusation ou de
celle de la défense. Du côté de l’institution judiciaire, il s’agit de se conformer à une
analyse rationnelle des faits reposant sur des moyens de preuve produits au cours du
procès68. Selon l’accusation, la notion renvoie donc à un savant dosage entre les
diverses preuves, cette conception n’étant d’ailleurs pas différente de celle du juge
pénal, notamment en matière correctionnelle où les expertises sont moins
systématiques ; en conséquence de quoi, l’intime conviction reposerait sur des éléments
objectifs donc rationnels qui tranchent avec une quelconque intuition à l’origine de la
décision de condamnation ou de relaxe ou acquittement. A ce titre, « hors les cas (fort
restreints) où la loi en décide autrement, les infractions peuvent être établies par tout
mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction » (art. 427 al. 1 du
CPP). De manière générale, l'intime conviction a pour effet de permettre au juge de ne
pas être tributaire d'une hiérarchie des modes de preuve. Un aveu peut être contredit par
des indices et, de ce fait, tenu comme inopérant ; la rétractation de l’autoaccusation
pouvant d’ailleurs être considérée comme plus sincère que ledit aveu l’ayant précédée.
En réalité, le juge non seulement dit le droit mais également l’apprécie en soumettant
68
Henri LEVY-BRUHL, La preuve judiciaire, étude de sociologie juridique, Paris, 1964, p. 131.
55
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
les éléments de preuve à sa conscience, c’est dire de façon subjective sans que cette
décision, en théorie, ne puisse être arbitraire. Dans cette acception, une décision de
« relaxe au bénéfice du doute »69 n’a guère de sens car la personne poursuivie n’est pas
relaxée ou acquittée à raison du doute mais, en vertu du principe de présomption
d’innocence, parce qu’elle est précisément innocente, donc présumée non coupable.
Pour le ministère public, l’intime conviction signifie qu’il ne lui incombe pas de
demander au juge la façon dont les preuves sont fournies et donc la manière dont il est
parvenu à asseoir une certitude, c’est-à-dire celle d’une décision de condamnation. Si
l’Ancien Régime pratiquait une troisième voie entre absolution et condamnation, celle
du « renvoi hors de cour » selon lequel, en dépit d’une absence de condamnation, la
présomption de culpabilité demeurait, le droit moderne, en revanche, semble, en théorie,
avoir pris le contre-pied de ce système même si, au-delà d’une décision de relaxe ou de
condamnation, subsistera définitivement, dans l’esprit du public, un doute sur la
culpabilité de la personne innocentée dont les medias se feront l’écho. Pour les avocats
de la défense, en revanche, l’intime conviction peut s’avérer particulièrement
attentatoire pour la défense des intérêts de la personne appelée à comparaître devant une
juridiction répressive, surtout dans un système inquisitoire qui concentre l’essentiel de
la recherche de la manifestation de la vérité dans les mains du juge d’instruction. En
pareilles circonstances, l’aveu de culpabilité, loin d’être librement consenti par la
personne poursuivie, est sous influence à toutes les phases du procès. Ainsi, cet aveu ne
vient qu’accréditer la thèse de l’accusation, surtout dans un contexte procédural où il
n’était plus indiqué à la personne soupçonnée, jusqu’à la réforme de la garde à vue au
mois d’avril 201170, qu’elle disposait d’un droit de garder également le silence ou de se
69
Nous faisons référence à l’adage latin : « in dubio pro reo ». En effet, la personne poursuivie au pénal
étant présumée innocente tant que des preuves décisives de sa culpabilité ne sont pas rapportées, le
prévenu ou l’accusé doit être relaxé ou acquitté dès que l’accusation ne parvient pas à établir sa
responsabilité dans les divers éléments de l’infraction ; il n’a pas à démontrer son innocence par des
preuves complètes, à l’opposé du ministère public quant à la preuve contraire, si bien que le seul doute est
équipollent à une preuve de non-culpabilité.
70
Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue. Entrée en vigueur le 1er juin, la réforme de
la garde à vue se signale par des avancées notables. D'abord, la garde à vue est soumise à des conditions
plus strictes tenant à la gravité des faits et aux difficultés des investigations. Ensuite et surtout, le suspect,
immédiatement informé de son droit au silence, peut, s'il le souhaite, être assisté par un avocat au cours
des auditions et confrontations pratiquées par les organes de police et de gendarmerie. Pour autant,
l'enthousiasme ne saurait être sans limites car un certain nombre de dispositions, incluses dans la loi,
risquent de constituer des entraves sérieuses au libre exercice des droits de la défense. Parmi les
principaux commentaires de la loi, voir notamment, Hervé VLAMYNCK AJ Pénal 2011 p. 211, « La
réforme de la garde à vue synonyme de disparition prochaine du juge d'instruction ? », Recueil Dalloz
56
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
taire. Dans le modèle inquisitoire, l’Etat n’est pas l’acteur passif de la recherche de la
vérité car les officiers de police judiciaire en charge de l’enquête, qu’elle soit
préliminaire ou agissant sur commission rogatoire du magistrat instructeur, produisent
des actes donnant lieu à l’établissement de procès verbaux.
2011 p. 1570 ; Gabriel ROUJOU DE BOUBEE, « La réforme de la garde à vue » (commentaire de la loi
n° 2011-392 du 14 avril 2011); Haritini MATSOPOULOU, « Une réforme inachevée, aperçu rapide à
propos de la loi du 14 avril 2011 », JCP G 2011. p. 542 ; Michèle-Laure RASSAT, « A remettre sur le
métier, des insuffisances de la réforme de la garde à vue », JCP G 2011, p. 632 ; Jean PRADEL, « Un
regard perplexe sur la nouvelle garde à vue », JCP G 2011, p. 665.
57
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
58
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
74
Cons. const. 16 juillet 1971. Liberté d’association, 71-44 DC, Rec. p. 29.
75
Gilbert COLLARD, Les états généraux de la justice, op.cit., p. 142.
59
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
60
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
mais également figure comme une des conditions de pérennité d’une institution toujours
menacée sous l’influence des média ou autres impératifs (la recherche inconditionnelle
davantage d’un coupable que du coupable), d’errements. Pourtant, comme toute
institution humaine, la justice devrait pouvoir admettre qu’elle puisse se tromper, ce qui
ne la conduirait pas à entretenir un tel penchant pour l’aveu. C’est la raison pour
laquelle il est toujours aussi délicat pour l’appareil judiciaire de considérer comme
préférable qu’un coupable soit en liberté plutôt qu’une personne considérée innocente
incarcérée, non pas parce que, subjectivement, le magistrat ayant décidé d’une mesure
privative de liberté tire une quelconque satisfaction de cette décision souvent lourde de
conséquences mais parce que, sur un plan objectif, c’est l’institution qui éprouve des
difficultés à intégrer l’erreur, au-delà des discours, comme un paramètre possible. Une
attitude de refoulement de l’erreur liée également à la spécificité de la construction
étatique en France qui s’est traduite par un fort centralisme administratif lequel a
contribué à penser la puissance publique comme infaillible. Il existe par conséquent une
résistance du côté de l’appareil judiciaire à dresser un inventaire de ses possibles erreurs
car, inconsciemment ou non, il assimile son office à une mission quasi divine.
Symboliquement, notamment dans la tradition chrétienne, Dieu ne peut pas se tromper
car il est tout-puissant et détient la vérité. C’est ainsi que l’institution a intériorisé dans
son schéma mental le rejet de l’erreur, et ce d’une manière quasi-phobique. Cette
disposition de l’esprit permet qu’en l’absence d’aveux, le juge pénal puisse décider du
placement d’une personne en détention sur le fondement d’une simple intime
conviction. Cette intériorisation d’un refus de l’erreur est donc de nature métaphysique
et non simplement humaine car, par définition ce qui caractérise l’humanité en tant
qu’humanité c’est, précisément, la faculté de se tromper. Et admettre définitivement
cette possibilité témoignerait d’une maturité accrue de l’appareil judiciaire et non d’un
signe quelconque de dégradation, car la justice substituerait définitivement à un objectif
quantitatif celui de qualité dans le traitement des flux pénaux. L’institution entretient en
France une relation compliquée avec la question subséquente de l’innocence. Pourtant,
sur un plan étymologique, est innocent, celui qui n’a pas nui (in-nocens) ; par suite, si
l’innocent, ce qui est une tautologie, est non coupable, la démonstration de sa propre
innocence constitue une probatio diabolica ; c’est dire qu’en théorie la preuve directe
de cet état demeure impossible. Au surplus, la preuve dudit état rejoint la difficulté
symétrique de rapporter la preuve d’une culpabilité par le ministère public. C’est la
raison pour laquelle l’aveu tend à faciliter le travail du juge pénal tout en fortifiant le
61
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
dossier d’accusation. La reconnaissance d’une infraction n’est pas la même chose que la
reconnaissance des faits lesquels doivent être réprimés par la loi pour recevoir une
qualification pénale. Malgré la reconnaissance de culpabilité, quelle ait été consentie
lors de la phase d’enquête ou celle de jugement, le procès pénal se poursuit. En dépit
d’aveux, ce n’est pas la même chose de connaître ou ne pas connaître exactement
comment se sont déroulés les faits, car l’explication peut avoir une incidence sur la
peine. C’est par conséquent moins l’acte répréhensible que les modalités du passage à
l’acte qui sont importants car ils révèleront toute une série d’éléments de la personnalité
de l’individu. Ainsi, il n’est pas possible de faire l’économie, au-delà de l’aveu, de la
chronologie des faits ayant conduit à l’acte criminel. Car la nécessaire investigation
permettra d’une part à la défense et au juge d’expliquer le modus operandi, d’autre part,
d’éclairer la partie civile sur le déroulement de l’infraction. Ce faisant, ce n’est pas
exactement la vérité judiciaire qui est le critère principal du procès puisque cette
dernière est connue et qu’en dépit d’aveux circonstanciés et corroborés l’instance se
poursuit, mais davantage une conception métaphysique ou religieuse de l’institution
s’inscrivant au-delà de la simple réparation judiciaire. En effet, si avant la Révolution
française, c’est l’idée de punition qui prévalait comme contrepartie au châtiment puis, à
la fin du XVIIIème siècle, si le droit pénal inspiré par les idées notamment de
BECCARIA s’est davantage attaché à une idée de dissuasion, il semblerait qu’au travers
de l’aveu, la justice pénale s’articule désormais à une idée d’attrition s’inscrivant
paradoxalement en marge de la vérité. En outre, il est possible d’avouer pour devenir
innocent. L’aveu de culpabilité consenti pourra conduire à innocenter une personne si
elle peut alléguer d’un fait justificatif exonératoire de sa responsabilité pénale.
32- Vérité pénale et doute méthodique. En matière pénale, une preuve produite
par une personne privée de manière déloyale, voire entachée d’illégalité76, demeure
recevable dès lors qu’elle est soumise à l’appréciation du juge dans le cadre d’un débat
contradictoire77. Un colloque relatif au doute en matière pénale et plus généralement sur
76
Cass. crim. 13 octobre 2004, Bull.crim. n° 243.
77
Jean PRADEL, Procédure pénale, 15ème éd., Cujas, 2010, n° 415 et s., p. 371 et s. ; Bernard BOULOC,
Procédure pénale, 22ème éd. Dalloz, 2010, spéc. N° 146 et Traité de procédure pénale de
Frédéric DESPORTES et Laurence LAZERGES-COUSQUIER, Paris, Economica, 2009.
62
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
le risque de la preuve s’est tenu le 22 octobre 200778. Il en est ressorti que penser la
preuve en terme de risque permet d’exprimer l’omniprésence du doute dans le procès,
celui des parties dans le succès de leurs prétentions, celui du juge dans le prononcé
d’une bonne décision. Mais le risque de la preuve se présente comme un raisonnement
par défaut qui consiste à réduire la part d’aléa qu’il présuppose. Le risque de la preuve
doit rester, comme le doute qui le soutient, subsidiaire et résiduel, ce à quoi s’efforce le
droit positif. Pour autant, la vérité n’est pas le but exclusif du procès pénal79. Car
prouver n’est pas en priorité dire la vérité, mais avant tout convaincre80. La preuve est
ainsi « ce qui persuade l’esprit d’une vérité81 » car, « le juge ne recherche pas une
vérité absolue; il se borne à relever les indices qui engendreront dans son esprit un
sentiment de probabilité »82. En somme, il existe un doute dès lors que les parties se
présentent devant le juge avec le même degré d’incertitude et, en pareilles
circonstances, le magistrat devra retenir une proposition qui sera tenue pour vraie tant
que la proposition contraire n’aura pas été établie ; en définitive, il créera de la
« normalité » plus qu’il ne s’y réfèrera. Car, bien souvent, pour le magistrat « Ce qui est
normal et apparent n’a pas à être prouvé» 83. Par conséquent, il semblerait que le juge
pénal se fonde sur une présomption davantage « ante-judiciaire » :
78
Cycle Droit, économie, Justice 2007, Huitième conférence, Bruno DEFFAINS, Professeur à
l’Université Nancy II et Mustapha MEKKI, Professeur de droit à l’Université de Clermont-Ferrand.
79
Jean DEVEZE, Contribution à l’étude de la charge de la preuve en matière civile, Thèse TOULOUSE,
1980, spéc. p. 19. En effet, les exigences relatives à la légalité et à la loyauté dans l’administration de la
preuve confirment le caractère relatif de la vérité dans le procès, sur cette question, v. not. Anne
LEBORGNE, « L’impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité ou le double visage d’un grand
principe », RTD civ, 1996, p. 535 et s. Adde, Anne-Elisabeth CREDEVILLE, « Vérité et loyauté des
preuves », in Rapport annuel de la Cour de cassation, 2004, p. 51 et s. ; Pascal LEMOINE, « La loyauté
de la preuve à travers quelques arrêts récents de la Chambre criminelle », in Rapport annuel de la Cour de
cassation, 2004, p. 165 et s.
80
Xavier LAGARDE, « Vérité et légitimité dans le droit de la preuve », Revue Droits, 1993, n° 23, p. 31
et s ; Philippe THERY, « Les finalités du droit de la preuve en droit privé », Revue Droits, 1996, n° 23, p.
41 et s.
81
Jean DOMAT, Les lois civiles dans leur ordre naturel, Paris, éd. CAVELIER, Tome 1, 1771, p. 204.
82
Roger PERROT, note sous Cass. civ., 29 mai 1951, JCP. (G), 1951, II, 6421.
83
Jean RIVERO, « Fictions et présomptions en droit public français », in "Les présomptions et les fictions
en droit", Travaux du Centre national de recherches de logique, Bruxelles, Bruylant, 1974.
63
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
et (…) à son mécanisme, elle ne comporte par elle-même et à elle seule aucune
indication sur le déroulement ultérieur de la preuve soit quant à sa décomposition du
fait à prouver soit quant aux moyens qui seront recevables pour faire la preuve84».
Toutefois, le doute devant profiter à l’accusé constitue un choix d’ordre éthique protégé
par des textes fondamentaux. L’article 9-1 du Code civil selon lequel « Chacun a droit
au respect de la présomption d’innocence » est moins un objectif juridique qu’un choix
politique : il s’agit de promouvoir un principe qui se situe au sommet de notre hiérarchie
des valeurs. Ainsi, entre la défense et l’accusation, le doute ne revêt pas la même
signification. En effet, selon Maître Eric DUPONT-MORETTI: « le doute doit toujours
obstinément profiter à l’accusé même s’il est trop pauvre (…) trop bête (…) »85. En
revanche, selon M. Philippe BILGER, avocat général près la Cour d’appel de
Paris : « le doute n’est pas la panacée en matière judiciaire il ne règle pas tout il
convient de le définir de l’analyser et d’en délimiter la portée »86. Dès lors, à supposer
que l’avocat préfère inconditionnellement la défense à la vérité et, en dépit de sa
connaissance réelle de la culpabilité de son client, que ce conseil veuille néanmoins
plaider la relaxe ou l’acquittement, reléguant ainsi à la portion congrue les
considérations méta-juridiques relatives au mensonge et à la vérité, si le risque existe
que le défenseur fasse montre d’une autarcie judiciaire, il n’en demeure pas moins que
cette attitude incarne encore la démocratie judiciaire ou le respect des droits de la
défense dans un Etat de droit.
84
Jacques CHEVALIER, Cours de droit civil approfondi. La charge de la preuve, Les cours de droit,
Paris, 1958/1959, p. 219. La formule est initialement celle de Jérémy BENTHAM, Traité des preuves
judiciaires, 3ème éd., Bruxelles, 1840, Tome II, Chap. II, p. 11 et s. p. 57.
85
Actes de l’Institut de Défense Pénale, consacré au thème : « l’Avocat et la vérité », Marseille,
2 décembre 2006.
86
Ibid.
64
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
A) Attrition ou contrition ?
87
Jean DELUMEAU, L’aveu et le pardon, les difficultés de la confession XIIIème-XVIIIème siècles, Paris,
Fayard, 1992, p. 46 à 51.
65
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
n’éclaire pas la juridiction sur les faits de l’espèce, leur déroulement, leur mobile. Le
but avoué du pénitent relève davantage de la stratégie personnelle : il s’agit, par cet acte
de contrition, d’obtenir une peine allégée. C’est, en pratique, ce qui se produit dans bon
nombre de dossiers relatifs à des trafics de stupéfiants dans lesquels certains accusés
adoptent cette attitude de repentance à l’audience avouant ainsi implicitement leur
évidente implication dans l’affaire pénale pour laquelle ils sont poursuivis, pendant que
les autres coaccusés privilégient les grands principes (présomption d’innocence). Les
repentants tacticiens sont parfois condamnés à des peines bien inférieures à celles de
leurs coaccusés. Si cette inclinaison à la repentance lors de procès d’assises peut
apparaître comme gênante du côté des magistrats lesquels sont conscients de la
dimension stratégique qu’elle renferme, elle reflète également l’idée selon laquelle la
vérité n’est précisément pas le criterium essentiel du procès pénal. Ce qui se joue
réellement s’inscrit en effet davantage en marge de la question dialectique du vrai ou du
faux mais relève d’un autre registre, celui d’une possible ou non réinsertion de l’accusé,
des risques ou pas de récidive ou de réitération des faits de l’intéressé au regard de sa
personnalité et de ses antécédents judiciaires. C’est sur ce fondement que repose
aujourd’hui tout le contentieux de l’exécution des peines lorsqu’une personne
condamnée et détenue souhaite obtenir un aménagement de peine. Mais cette évolution
déplace toutefois la problématique du procès pénal.
Il est possible d’illustrer notre propos par un exemple, celui découlant du délit de vol
et de recel de vol. Il s’agit de l’hypothèse d’un objet découvert au domicile d’un
individu, ledit objet ayant servi à la commission d’une infraction de vol mais dont les
faits remontent à dix années en arrière. La personne mise en cause est présentée soit
devant le juge d’instruction s’il s’agit d’un majeur soit devant le juge des enfants s’il
s’agit d’un mineur. Deux hypothèses s’offrent ainsi à la personne poursuivie. Soit,
première hypothèse, elle décide de dire la vérité et elle sera mise hors de cause. En effet,
si elle reconnaît stratégiquement le délit précité de soustraction frauduleuse commis dix
années auparavant elle sera mise hors de cause car s’agissant d’une infraction
instantanée, ladite infraction est donc prescrite. En conséquence de quoi, le prévenu ne
pourra plus faire l’objet de poursuites pénales. Soit, seconde hypothèse, la personne
mise en cause décide de dire la vérité, en avouant ne pas être l’auteur de l’infraction
mais d’être uniquement receleur dudit objet trouvé à son domicile. Ce faisant, en disant
la vérité ou en avouant ledit forfait, donc en intégrant une dimension morale dans sa
66
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
88
Martin HEIDEGGER, De l’essence de la vérité, (cours de 1931) trad. Alain BOUTOT, Paris,
Gallimard, 2001.
89
Roger MERLE, La pénitence et la peine, Paris, Editions Cujas, 1985.
67
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
juridiction ecclésiastique au Moyen âge que la justice, rendue par le concours de clercs
instruits, appliquera les règles du droit canonique lesquelles excluront les procédés de
preuve jugés irrationnels comme le duel judiciaire et les ordalies. Or, ces épreuves ont
un trait commun car elles font appel à l’intervention divine pour désigner le coupable.
Dans sa monumentale histoire du droit français, Fr. OLIVIER-MARTIN déclare : « (…)
la justice humaine se trouvant en défaut, l’innocent opprimé s’adresse au Juge suprême.
L’esprit de la religion chrétienne répugne à cet appel perpétuel au miracle» 90.
68
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
36- Avouant et désir de punition. Il est possible d’établir une relation entre cette
demande de punition qui peut se manifester du côté du délinquant comme un
phénomène affectif et le châtiment, en tant que réalité sociale. Les études
criminologiques s’attachent, dans ce cadre, au concept de « compulsion d’aveu»94. Que
cet aveu de culpabilité résulte d’un lapsus, c’est-à-dire d’une reconnaissance
inconsciente des faits reprochés, ou qu’il s’exprime de façon indirecte au travers d’un
écrit, l’interprétation de ces actes manqués renvoie à la tentative parfois maladroite, du
côté de la personne mise en cause, de révéler des événements douloureux afin de libérer
sa conscience. Ce désir d’aveu produit donc un sens qui excède le droit et la procédure
pénaux. Par son auto-trahison volontaire, l’intéressé pourra souhaiter inconsciemment,
en même temps, se mettre hors d’état de nuire et, par là-même, protéger ladite société
contre sa personne en rendant désormais impossible une quelconque récidive ou
réitération des faits. Il recherchera ainsi, par son aveu, à s’extirper de ce statut de
criminel ayant enfreint la règle de droit pour se soumettre à une loi symbolique plus que
juridique que constitue la figure du Père, l’instance judiciaire. Il existe dans l’aveu de
soumission ou d’acceptation volontaire une volonté inconsciente de renouer le fil perdu
de la loi, d’instaurer une relation dyadique de pouvoir dans laquelle le délinquant
abdiquerait face à l’autorité légitime, se posant ainsi comme inégal pour pouvoir
espérer, en contrepartie, sinon le pardon du moins une forme de compassion. Or, bien
souvent, la pitié est cruelle car, en retour, la réaction sera celle de la sanction et non
94
Theodor REIK, Le besoin d’avouer, Paris, Ed. Payot, 1973, p. 204.
69
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
95
Theodor REIK, ibid, p. 190.
70
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
96
En effet, une réflexion sur l’aveu en matière pénale déplace la problématique du procès pénal : il ne
s’agit plus de réfléchir sur la question ou non d’une culpabilité de la personne mise en cause puisque, par
définition, ce débat paraît tranché par l’aveu de culpabilité de l’intéressé mais davantage sur celle de la
sanction. C’est la raison pour laquelle l’aveu tend à apparaître de plus en plus comme le socle des modes
alternatifs de règlement des conflits.
71
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
72
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
97
Jacques DERRIDA, Pardonner : l'impardonnable et l'imprescriptible, Paris, Editeur Herne, 2005.
98
Pierre CHEVALLIER est un homme politique français, né le 30 janvier 1909 à Orléans (Loiret) et
décédé tragiquement le 12 août 1951 dans la ville dont il fut le maire. Le 11 août 1951, il est nommé
secrétaire d'État à l'Enseignement technique, à la Jeunesse et aux Sports dans le gouvernement René
PLEVEN. Le lendemain, alors qu'il allait se rendre à l'inauguration d'un pont suspendu à CHATILLON-
SUR-LOIRE, sa femme l'assassina de cinq balles de revolver. Des obsèques nationales lui furent
organisées. Son épouse, Yvonne CHEVALLIER, qu'il avait connue lors de ses études à Tours et à Paris,
avait été victime d'une crise de jalousie. L’accusée fut acquittée un an plus tard par le tribunal de Reims,
les jurés reconnaissant son rôle d'épouse bafouée.
73
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
99
GACACA est le nom rwandais pour tribunal communautaire villageois. Ces tribunaux ont été réactivés,
à l’issue du conflit entre les ethnies Tutsies (1994) et Hutus afin d’accélérer le nécessaire procès des
quelques centaines de milliers de personnes accusées de participation au génocide rwandais. Après
l’attente d'une décennie, où rescapés et génocidaires ont dû se côtoyer, la justice a été partiellement
rendue. En effet, on estime qu'il aurait fallu deux cents ans à la justice rwandaise pour juger tous les
accusés.
100
Sources : AVOCATS SANS FRONTIERES, Justice pour tous au Rwanda. Rapport semestriel. 1er
semestre 1999, Bruxelles, Kigali, septembre 1999, p. 38. Charles NTAMPAKA, « Droit et croyances
populaires dans la société rwandaise traditionnelle », Dialogue, Juillet-Août 1999, p 3-18. La justice
rwandaise et les juridictions GACACA : le pari du difficile équilibre entre châtiment et pardon, par
François-Xavier NSANZUWERA, ancien procureur de la République, Association internationale de
recherche sur les crimes contre l'humanité et les génocides – Site http://aircrigeweb.free.fr. ; Hélène
DUMAS, les juridictions GACACA au RWANDA, article paru dans le numéro 53 de Mouvements.
Publié par Mouvements, le 7 avril 2009, http://www.mouvements.info/Les-juridictions-gacaca-au-
Rwanda.html.
74
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
réconciliation. Or, cette justice n’était possible que dans la mesure où la vérité serait
établie. Le système devait par conséquent reposer sur la collaboration et l’unité de tout
un peuple, car, une fois la vérité connue, il n’y aurait plus de suspicion puisque les
auteurs auraient été identifiés et condamnés et la justice rendue. Ce qui permettrait
également à la victime et au détenu déclaré innocent de réintégrer la société rwandaise.
Le principe de l’aveu de culpabilité fut ainsi promu car il offrait à l’auteur de l’aveu la
possibilité d’une part de réduire la peine, d’autre part, de la convertir partiellement ou
totalement en travaux d’intérêt général. En outre, comme la recherche de la vérité était
le plus important des objectifs de ces juridictions populaires, la loi organique prévoyait
une procédure capable de favoriser la recherche de la vérité et la réconciliation
nationale. C’est donc par l’aveu que fut favorisée la réconciliation tout comme
l’éradication d’une culture de l’impunité avec l’adoption de mesures permettant
d'assurer de réelles poursuites et le jugement des auteurs et des complices sans viser
seulement la simple répression, mais aussi la réhabilitation de la société rwandaise.
L’idée par conséquent d’une justice restauratrice donc réparatrice a reposé notamment
sur l’aveu. De la même manière qu’un devoir de mémoire des victimes était primordial
afin de leur permettre de faire le deuil de ce drame. Ainsi, la mise en place des
juridictions GACACA représentait une tentative originale de conciliation des exigences
de justice et de réconciliation nationale, souvent présentées comme contradictoires car
elles devaient participer à la réécriture de l’Histoire du génocide.
40- Paradigme101 judiciaire et aveu pénal. Le modèle judiciaire ne repose pas sur
une vérité judiciaire mais sur une probable vérité, ce qui est fort différent. En dépit des
preuves fournies et des pièces versées à un dossier de procédure, force est d’admettre
que la juridiction pénale entre souvent en voie de condamnation en l’absence de preuves
irréfutables. Autrement dit, la déclaration de culpabilité peut ne reposer que sur de
101
Le paradigme désigne un modèle abstrait destiné à représenter un modèle social complexe et réel et
visant à analyser les changements qui s’y produisent. Guy HERMET, Bertrand BADIE,
Pierre BIRNBAUM, Philippe BRAUD (dir.), Dictionnaire de la science politique et des institutions
politiques, 3ème édition, Paris, Armand Colin, 1998, p. 191. Selon Thomas-Samuel KUHN, le progrès
scientifique s’alimenterait d’une succession de paradigmes qui se figent en théories vouées à se dissoudre
à leur tour face à de nouveaux paradigmes. Thomas-Samuel KUHN, La structure des révolutions
scientifiques, Paris, Flammarion, 1972.
75
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
simples aveux, donc une vérité relative car fondée sur une rationalilté juridique limitée.
Ce caractère relatif attaché à la vérité judiciaire risque de conduire l’institution à
pérenniser un système dont le critère d’appréciation s’inscrit en marge de ce qui est
considéré comme juste (§1). En même temps, c’est précisément en raison de la
difficulté inhérente à l’acte de juger que l’aveu est recherché par le juge pénal. L’aveu
remplit par conséquent une fonction de cohésion sociale en venant anticiper les
conséquences néfastes pour l’opinion publique d’une possible erreur judiciaire.
Toutefois, la réception de l’aveu reste problématique puisque l’idée de justice renvoie à
celle d’infaillibilité. En effet, devant la cour d’assises, un verdict d’innocence sera perçu
comme un désaveu du magistrat instructeur. Cette conception contrevient du même
coup au principe selon lequel l’aveu doit être obtenu afin de pallier le risque de
confusion (§2). Ainsi, la recherche de l’aveu par l’institution judiciaire constitue une
quête paradoxale puisque, en définitive, le juge n’a pas réellement besoin de ce mode de
preuve pour emporter sa conviction. Si l’aveu est recherché c’est, à titre accessoire,
pour conforter la justesse d’une accusation ; ce qui sera considéré comme une preuve
déterminante ce sont les éléments matériels versés, d’abord au sein de l’enquête
policière, ensuite, celles résultant de l’instruction. Car, au cours d’un procès pénal, ce
n'est pas tellement l'infraction en tant que telle qui est jugée, mais c'est, en définitive, le
délinquant dans le rapport qui s'est établi entre sa personnalité propre et l'infraction
commise. L’aveu pénal est par conséquent non seulement consubstantiel au système
judiciaire même si sa place est en définitive plus symbolique qu’effective. En réalité,
l’aveu permet davantage au juge pénal de personnaliser la peine, donc l’humaniser, ce
faisant sa réception apparait nécessaire à l’appareil judiciaire pour se pérenniser en tant
qu’institution essentielle d’une société libre et démocratique.
41- L’aveu comme acte gratuit. L’aveu recherché chez la personne mise en cause
repose sur un acte (une « libre autoaccusation ») dont la validité pose problème sur un
plan scientifique si l’on définit, tout d’abord, la rationalité pure comme le primat du
certain sur le possible ou le probable ; ensuite, comme la capacité à se projeter dans
l’avenir, donc à une certaine certitude sur la validité des hypothèses formulées.
Néanmoins, comment admettre rationnellement la validité d’un discours (l’aveu de la
personne poursuivie) rendant possible, du côté de l’institution judiciaire, un pouvoir (la
76
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
faculté de juger) lequel repose, bien souvent, sur une connaissance illusoire (le juge
pénal ne connaît pas la vérité absolue dudit aveu au moment de son énonciation) ; ledit
savoir s’érigeant toutefois en autorité légitime et lieu unique de son expression ? Car la
question posée par l’aveu en matière pénale est celle de la possible légitimation d’une
autorité reposant sur une connaissance sinon totalement illusoire du moins
particulièrement embryonnaire ; un « dire » qui, en définitive, porte sur un futur (non
seulement pour l’institution judiciaire dont découlera une sanction mais aussi pour le
prévenu qui devra l’exécuter) qui promet donc prédit (il anticipe sur la condamnation à
intervenir) sur le fondement d’un pouvoir-savoir peut-être illusoire. Le désir d’une
maîtrise de la souveraineté par l’acte de juger peut-il reposer sur des aveux partiels
voire fallacieux qui serviront de fondement à une décision censée refléter la vérité
judiciaire ?
102
Paul FEYERABEND, Contre la méthode, Paris, Le Seuil, 1979, p. 332 et s.
77
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
78
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
judiciaire, celle d’une infaillibilité judiciaire absolue, alors que le principe qui prévaut
est celui d’une dépendance multiple, au pouvoir politique s’agissant des magistrats du
parquet ; à leurs supérieurs hiérarchiques pour ce qui concerne les magistrats du siège
car le respect qui en découle est antinomique avec la volonté d’indépendance. Une
infaillibilité dont le corollaire serait l’irresponsabilité; or, comme toute institution
humaine, celle-ci est faillible, c’est dire que l’absence d’erreur n’est pas possible, même
si l’appareil judiciaire recherche toujours l’aveu pour ne pas s’y résigner. Il s’agit donc
pour l’institution de se déresponsabiliser pour restreindre du même coup l’émotion que
pourrait susciter l’erreur judiciaire. Par le prisme de l’aveu, l’institution judiciaire, loin
d’engager un bras de fer avec le prévenu ou l’accusé, est conduite à s’interroger elle-
même, c’est à dire engager une sorte de monologue intérieur, peut-être avant l’épilogue,
monologue qui vient questionner sa raison d’être et les conditions de sa pérennité en
tant qu’institution, qui interroge, en filigrane, son essence, son humanité. Car seule cette
institution, peut et doit dire le droit voire absoudre lorsque les aveux recherchés n’ont
jamais été formulés soit s’ils ont été consentis mais que l’institution toute-puissante, au
nom d’un fait justificatif, a décidé d’acquitter le pénitent. L’aveu fonctionne par
conséquent sous le mode d’un a priori, celui d’une nécessaire culpabilité car, en dépit
du doute pouvant exister, le juge doit trancher. Autrement dit, l’exigence de décision
suspend celle de vérité. Car l’intime conviction repose, du côté de l’institution
judiciaire, sur un postulat implicite : la non-pertinence du doute laquelle renvoie moins
à une certitude du faux mais davantage à une incertitude du vrai. C’est la raison pour
laquelle un jugement a valeur de vérité, ce qui signifie, a contrario, qu’il peut arriver
qu’un jugement soit vrai car la présomption intègre l’imperfection de la connaissance
humaine à laquelle, précisément, l’intime conviction du juge souhaiterait remédier, fût-
ce partiellement. Il n’en demeure pas moins que la décision renverra davantage, du côté
de l’appareil judiciaire, à une option sur la vérité ou à une hypothèse de vérité, c’est à
dire, en définitive, à une présomption dont la valeur s’inscrirait à mi-chemin entre
opinion et ignorance.
79
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
105
Octave HAMELIN, Système d’Aristote, Paris, Editions Vrin, 1985, p. 233.
106
André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 8è édition, Paris, PUF, 1960,
p. 69.
107
Friedrich NIETZSCHE, in Etudes théorétiques, notamment la troisième, « Introduction théorétique sur
la vérité et le mensonge au sens extra-moral », et aussi la première et la quatrième publiée dans Le livre
du philosophe, Paris, trad. A. KREMER-MARIETTI, GF, 1993.
80
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
auquel la justice est confrontée, sera le critère d’appréciation, reléguant ainsi la décision
à intervenir davantage à une option sur la culpabilité qu’à une hypothèse plausible
d’innocence, car l’institution judiciaire, en dépit de l’affaire d’OUTREAU108, éprouve
toujours autant de difficultés à admettre qu’elle puisse se tromper, la culture française
en matière pénale restant celle, à l’épreuve des faits, du mandat de dépôt plus que celle
de l’innocence constitutionnellement présumée109. A ce titre, le sentiment qui persiste
au sein de l’institution judiciaire six années après le second rapport VIOUT du
8 février 2005110 est que puisqu’il y avait eu des aveux, les acquittés d’OUTREAU sont
nécessairement de faux innocents car, au fond, non seulement il n’y aurait « pas de
fumée sans feu » mais également et surtout parce qu’il ne serait pas possible qu’à la fois
les fonctionnaires de police et les magistrats à tous les niveaux de la hiérarchie aient pu
se tromper cumulativement et systématiquement à ce point. En d’autres termes, la vérité
judiciaire serait la preuve de la culpabilité définitive lorsqu’il y aurait condamnation
mais, en même temps, serait sujette à caution dans l’hypothèse d’un acquittement en
présence d’aveux. Autrement dit, l’institution judiciaire ne peut pas se tromper.
108
L'affaire dite d’Outreau, du nom d’une ville du nord de la France, concerne une affaire pénale s’étant
déroulée au début de l’année 1996. Il s’est agi, en l’espèce, d’un dossier criminel puisque l’infraction
retenue fut celle d’abus sexuel sur mineur. Cette affaire, qui sera considérée comme l’une des plus
importantes erreurs judiciaires de la V ème République, a donné lieu à un procès devant la cour d’assises
de Saint-Omer (Pas-de-Calais) du 4 mai au 2 juillet 2004, puis à un procès en appel à Paris courant
novembre 2005. Elle a suscité une forte émotion dans l'opinion publique et mis en évidence quelques
dysfonctionnements non seulement de l'institution judiciaire mais également du monde médiatique et de
la sphère politique. Enfin, elle a mis en cause certains acteurs sociaux, notamment ceux qui sont engagés
dans la lutte contre la pédophilie. Une commission d’enquête parlementaire a été diligentée au mois de
décembre 2005 chargée d’en analyser les causes et de proposer d'éventuelles réformes sur le
fonctionnement de la justice en France. L'impact législatif du travail de cette commission a été toutefois
limité.
109
Mes divers entretiens avec plusieurs magistrats du parquet et du siège attestent de cette prégnance
d’une culture de l’accusation ne laissant que peu de place à une culture symétrique, celle du doute.
110
Nous faisons référence aux deux rapports remis par M. Jean-Olivier VIOUT. Le premier daté du 9
novembre 2004 intitulé : « Rapport d'étape sur l'état d'avancement du groupe de travail chargé de tirer les
enseignements du traitement judiciaire de l'affaire dite "d'Outreau" », et celui du 8 février 2005, à savoir
le « Rapport du groupe de travail chargé de tirer les enseignements du traitement judiciaire de l'affaire
dite "D'OUTREAU" », (Paris, Ministère de la justice, 2005), n’ont pas conduit l’institution judiciaire à
douter en dépit d’aveux. A ce titre, il semblerait que de plus en plus de magistrats restent persuadés que
puisqu’il y avait eu aveux, les acquittés d’Outreau sont pour beaucoup de faux innocents.
81
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
temps essentiel ou qualitatif au sens de BERGSON, c’est dire celui qui dépend de la
conscience qu’en ont les divers protagonistes, à savoir l’accusation et la défense, ne sont
pas identiques111.
45- L’aveu comme mesure de l’efficacité judiciaire. Force est d’admettre que la
déclaration de culpabilité reste un pari effectué par l’institution judiciaire avec elle-
même sur la certitude non pas de la culpabilité de la personne poursuivie mais
davantage sur la justesse absolue de la rationalité judiciaire ayant présidé à l’infliction
de la sanction, ce qui est fort différent. Cette confiance illimitée dans la rationalité
technique faisant écho, en France, à la prégnance très forte de la centralité étatique,
omnipotence de l’appareil administratif de l’Etat qui induit, auprès de certains
magistrats, un sentiment d’infaillibilité dont les soubassements sont davantage religieux
que laïcs. A ce propos, il est intéressant de constater que le sentiment d’infaillibilité
judiciaire est paradoxalement contemporain d’une double évolution qui lui est contraire.
Tout d’abord, l’idée d’infaillibilité judiciaire est évoquée par le criminaliste et
économiste BECCARIA dans son fameux ouvrage « Des délits et des peines » (1764)
alors que, ce texte fait écho à l’émergence en Europe, et surtout en France, d’une
centralité étatique forte à la faveur du développement des idées révolutionnaires et
bonapartistes ; ensuite, et surtout, c’est au moment où l’optimisme issu des Lumières
fondé sur les progrès de l’esprit humain et davantage d’humanité place l’homme au
centre de ses préoccupations qu’une notion de nature métaphysique, celle
d’infaillibilité, se déploie dans la sphère judiciaire. Même s’il ne s’agit pas de
considérer que tout magistrat perçoit son office comme infaillible, ce qui serait inexact
car cela réduirait le tout (l’appareil judiciaire) aux parties le composant, il existe
toutefois un penchant de l’institution à accepter l’idée d’une possible erreur judiciaire,
nonobstant la persistance desdites erreurs. Or, cette mentalité judiciaire est
curieusement et paradoxalement contemporaine du développement de l’idée de
« relatif » (l’homme) au détriment de l’absolu (Dieu) et de davantage de tolérance dont
le XVIIIème siècle était porteur. C’est pourtant un noble de rang comtal, le marquis de
BECCARIA, qui déclare : « Le juge devient donc l’ennemi du coupable (…). Il ne
cherche point la vérité, il veut trouver le crime dans la personne de l’accusé, il semble
111
Henri BERGSON, Essais sur les données immédiates de la conscience, PUF, 8ème édition, 2003 ;
L’évolution créatrice, PUF, 10ème éd., 2003.
82
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX
qu’il ait tout à perdre s’il ne réussit pas ; on dirait qu’il craint de donner atteinte à cette
infaillibilité, que chaque homme veut s’arroger en tout. Il est au pouvoir du juge de
déterminer les indices suffisants pour emprisonner un citoyen, de manière qu’avant de
pouvoir se justifier, il faut se voir déclarer coupable. C’est bien là ce qu’on doit appeler
faire un procès offensif ; et voilà la marche de la jurisprudence criminelle dans presque
toute l’Europe, cette partie du monde si éclairée, et pendant le dix-huitième siècle, l’âge
de la philosophie et de l’humanité (…)»112.
112
Cesare BECCARIA, Des délits et des peines (1764), d’après la traduction de l’italien par Mr
Etienne CHAILLOU DE LISY, publiée à Paris en 1773, Paris, Librairie de la Bibliothèque nationale,
1877, p. 61.
83
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
46- La fragilité de l’aveu. Par définition, l’aveu en matière pénale n’est pas une
preuve infaillible. D'une part, des personnes atteintes de troubles mentaux peuvent,
consciemment ou pas, s’autoaccuser de crimes imaginaires ; d’autre part, la force
convaincante de l'aveu varie suivant qu'il est spontané ou qu'il est provoqué.
Aujourd'hui sa valeur probante est librement appréciée par le juge. Même lorsqu'il n'est
pas provoqué par des violences policières, l’aveu ne renferme pas toujours la révélation
de la vérité. Il existe des aveux mensongers pour des raisons diverses : aveux de
psychopathes, aveux par désespoir, aveux pour s’auto-glorifier d’actes en réalité jamais
accomplis, aveux par crainte ou affection à l'égard du vrai coupable... C’est donc en
vertu de son intime conviction que le juge appréciera l'aveu dans chacune de ses parties
et ne retiendra que ce qui lui apparaît probant. Le magistrat peut donc peser
souverainement la valeur de l'aveu, admettre certaines déclarations du délinquant et en
repousser d'autres. Par conséquent nous envisagerons d’une part la fiabilité des diverses
manifestations de l’aveu (SECTION PREMIERE) pour nous interroger, dans un second
temps, sur la possible vérité découlant de ce simple aveu, c’est le cas exceptionnel de
l’ « aveu-vérité » (SECTION SECONDE), hypothèse où le dire n’est plus dissocié d’un
faire113. L’énonciation performative de la véridiction se traduirait davantage comme une
analyse des jeux de vérité, mêlant le vrai et le faux, à travers lesquels la personne se
construirait comme expérience.
113
En ce qui concerne la distinction entre le « dire » et le « faire », il convient de signaler le colloque des
27 et 28 octobre 2010 s’étant tenu au Collège de Belgique, sous la coordination de Fabienne BRION
(université catholique de Louvain), et la responsabilité académique de Vincent DE COURBETTER
(directeur général du centre de recherche et d’information socio-politiques), membre de l’académie royale
de Belgique avec la collaboration de Bernard HARCOURT (université de Chicago) - académie royale des
sciences, des lettres & des beaux-arts de Belgique. Les thèmes étudiés ont concerné la question du
pouvoir de la vérité à la suite du texte de Michel FOUCAULT "mal faire, dire vrai" ». Les auteurs y
examinent le pouvoir d'énoncés réputés vrais quand ils ont pour sujets ou objets des êtres humains
auxquels sont attribués des crimes. En effet, selon FOUCAULT, il s’agit d’étudier l’histoire de cette
singulière vérité que l’individu produit sur lui-même.
84
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
114
Qui se déroule au moyen d’une lutte.
85
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
115
Madeleine GRAWITZ, Jean LECA, Traité de science polique, Paris, PUF, 1985, vol. I, p. 335 s.;
Erhard FRIEDBERG, Le pouvoir et la règle, Paris, Seuil, 1993.
86
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
c’est à dire d’une relation dyadique par essence inégalitaire entre des personnes mises
en cause. Lors de la mesure de garde à vue, les délinquants d’habitude disposent, bien
souvent, d’une certaine maîtrise oratoire et d’une connaissance, fût-elle imprécise, de la
procédure pénale mais qui restent des outils précieux pour résister aux enquêteurs, voire
les tromper. Ces individus coutumiers des interrogatoires policiers pourront, par
exemple, mentir lors d’une garde à vue sur l’accessoire mais non sur le principal ; or, en
pareilles circonstances, il sera difficile pour l’enquêteur de faire découler des
déclarations partiellement mensongères des intéressés, une quelconque culpabilité
définitive. En cela, l’aveu pénal articule une part de rationalité face au caractère, par
définition, peu coopératif de la mesure de garde à vue.
50- Aveu rationnel et jeu judiciaire non coopératif. L’intérêt d’une personne
fortement soupçonnée la conduit habituellement davantage à mentir qu’à révéler la
vérité ; à ce titre, l’hésitation dans les réponses apportées à l’accusation est le plus
souvent interprétée comme un aveu indirect de culpabilité que comme un signe possible
d’innocence. C’est toutefois dans ce contexte qu’une personne poursuivie pourra être
amenée tactiquement à rétracter ses aveux lorsque le contexte s’avèrera, en cours
d’instruction, plus favorable. Le but du délinquant est de parvenir à optimiser les
chances de minimiser sa responsabilité pénale, en dépit de ses aveux, en présentant un
raisonnement rationnel alors que, d’une part, son information est imparfaite (il ne sait
pas exactement quels sont les éléments dont disposent les enquêteurs et le parquet à son
encontre au moment de son audition) ; d’autre part, en raison de l’inégalité qui prévaut
en pareilles circonstances entre accusation et défense, le « jeu » judiciaire sera rarement
coopératif116.
Prenons l’exemple117 de deux délinquants mis en cause dans une même affaire
pénale auxquels les officiers de police judiciaire proposeraient, tout d’abord, le même
échange ou marché, avouer ou non, en contrepartie d’une indulgence possible du
116
Anne PETIT-ROBIN, Aborder la théorie des jeux, Paris, Seuil, 1998.
117
Cet exemple constitue également une synthèse tirée de mon expérience professionnelle. Il s’agit
d’entretiens que j’ai pu obtenir non seulement avec des enquêteurs de la brigade de répression du
banditisme (B.R.B.), des magistrats, mais également au sein d’établissements pénitentiaires avec des
détenus dont j’ai été le conseil. Les explications fournies sont concordantes sur la question de la stratégie
à adopter avant le passage aux aveux et des précautions dont il faut s’entourer du côté de la personne
soupçonnée.
87
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
magistrat ; ensuite, que les personnes soupçonnées aient pleinement connaissance que
cette proposition leur a été respectivement formulée. La question qui va se poser
relèvera davantage de la stratégie que de la question secondaire de leur innocence ou de
leur culpabilité. Car les deux intéressés devront intégrer une autre variable, celle de la
confiance mutuelle qu’ils peuvent escompter de leurs déclarations respectives, donc
parier sur une nécessaire solidarité mutuelle. De plus, ils devront s’interroger sur la
confiance qu’ils peuvent avoir dans le « tiers censeur » représenté par la figure de
l’accusateur : la police et la justice. C’est ainsi en intégrant un paramètre horizontal (la
confiance supposée dans l’autre personne mise en cause) et une dimension verticale (les
suspects dans leur rapport à l’institution judiciaire) que les auteurs pourront décider
d’avouer ou non. Du côté des mis en cause, la décision doit à la fois être rationnelle
mais également s’inscrire dans un contexte d’information imparfaite et donc non
réellement coopératif (les enquêteurs vont essayer de piéger les gardés à vue en leur
faisant avouer des faits qu’ils n’auraient pas reconnus de leur propre initiative et en leur
laissant miroiter une clémence de la juridiction). Les co-accusés devront par conséquent
anticiper sur la loyauté présumée de l’autre, qu’il soit l’auteur du « marché »,
l’accusateur ou l’autre suspect. Plusieurs hypothèses peuvent ainsi être envisagées
découlant de cas concrets. Le raisonnement du mis en cause « A » est le suivant : « je
préfèrerai avouer et être remis en liberté, mais à condition que le mis en cause « B »
n’avoue pas ; le problème c’est que je ne sais pas comment va réagir « B », car cela ne
dépend pas de moi, en plus « il est incontrôlable ». Plusieurs scenarii seront donc
possibles.
88
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
« A » attend des enquêteurs dans un premier temps, puis de l’appareil judiciaire ensuite,
une « indulgence » dont, corrélativement, « B » ne devrait pas bénéficier car « lui » n’a
pas avoué. C’est en « trahissant » sa parole envers « B » que « A », en avouant, attend
réparation de l’institution à laquelle il décide de faire allégeance, afin d’en obtenir un
traitement ultérieur moins sévère par le procureur de la République.
89
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
51- Vers un compromis stratégique entre les parties. L’avocat risque par
conséquent de voir son rôle cantonné à la recherche, dans les intérêts de son client, d’un
compromis avec l’accusation, même si cet auxiliaire de justice essaiera de ne pas verser
toutefois dans la compromission ou la tutelle du parquet. Au nom de la célérité
recherchée de la justice répressive donc d’un objectif d’efficacité, l’avocat voit donc
progressivement son rôle bouleversé car sa mission intègre davantage la tactique dans le
cadre de l’assistance de son client. Aussi, l’intervention de l’avocat risque à terme de
n’être plus que le reflet de la stratégie mise en œuvre par le prévenu ou de ce dernier
avec son conseil ; voire celle de l’avocat avec le parquet, en concertation avec
l’intéressé. Il est probable que ces mutations viendront renforcer le primat de l’initiative
individuelle dans l’administration de la preuve, et que l’efficacité du système dépende,
en définitive, de la place qui sera conférée aux parties. Autrement dit, de savoir si elles
disposeront réellement de ressources équivalentes afin qu’aucun déséquilibre flagrant ne
puisse survenir en dépit du rééquilibrage amorcé.
52- L’affaire de la « Josacine empoisonnée » (1994). Une autre tactique pour une
personne mise en cause pourra consister à avouer les faits qui lui sont reprochés sans
toutefois reconnaître l’infraction qui leur est attachée. C’est le cas par exemple dans
l’affaire dite de la « Josacine empoisonnée» 118.
Les faits sont les suivants. Samedi 11 juin 1994, un communiqué des laboratoires
BELLON indique qu'une fillette est morte par empoisonnement après avoir absorbé
l'antibiotique le plus prescrit aux enfants, la Josacine. Il s'agit de la petite
Emilie TANAY, âgée de neuf ans. En rentrant chez elle en fin d'après-midi avec les
enfants, Sylvie TOCQUEVILLE, secrétaire de mairie, donne une cuillérée de Josacine à
Emilie. Soudain l'enfant est prise de malaise et s'effondre, foudroyée en quelques
minutes, les secours ne pouvant que constater son décès. Après examen, il s’avère que
118
Source : Le Magazine, Affaires criminelles, L’affaire de la josacine empoisonnée, 10 août 2005.
90
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
53- Une condamnation sans aveux. Au-delà des faits ayant conduit à la mort
tragique d’Emilie TANAY, l’affaire de la « Josacine empoisonnée » (juin 1994 - mai
1997) dont l’information judiciaire avait retenu la qualification d’infraction volontaire
d’empoisonnement, force est d’admettre que la mise en cause de Jean-Marc
DEPERROIS s’est déroulée dans un cadre peu protecteur des droits de la défense. Le
mis en cause devint le suspect principal de ce dossier pénal, en l’absence pourtant
d’écoutes téléphoniques accablantes le confondant directement et d’une décision de la
91
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
Cour de cassation qui avait établi, en l’espèce, une volonté d’obstruction aux procédures
engagées par l’accusé. C’est par conséquent sans réels aveux circonstanciés que
l’intéressé fut jugé puis condamné à vingt ans de réclusion criminelle, en l’état de fortes
convictions, mais en l’absence de preuves suffisamment probantes. Sans doute par
crainte des enquêteurs chargés de procéder à sa garde à vue, et dans l’espoir
maladroitement d’abréger rapidement cette mesure, l’accusé va reconnaître les faits de
la prévention, sans toutefois avouer le crime reproché. Dans un premier temps,
l’intéressé niera puis se rétractera, reconnaissant toutefois que « le cyanure était destiné
à des tests pour son entreprise » 119.
Dans un autre contexte, c’est parfois la stratégie de l’absence d’aveux qui sera
utilisée pour permettre de masquer pas uniquement sa culpabilité, mais également un
désir de vengeance, c’est notamment le cas dans l’affaire Simone WEBER (1991).
54- Aveu et non-dit. La stratégie du silence peut également être le reflet d’un
pouvoir, celui de se venger. L’aveu de culpabilité peut s’avérer impossible lorsque la
révélation des faits permettrait trop rapidement, dans l’esprit de l’accusé, à la partie
civile de faire son deuil ; or, c’est précisément ce que ne souhaite pas le mis en cause
lequel va utiliser le silence comme un moyen de se venger. Le choix du silence au cours
d’un procès peut parfois dissimuler une stratégie car, en l’absence de déclarations, il ne
sera pas possible à la partie civile de comprendre le réel mobile du crime. Cette posture
figurera, au-delà de l’infraction commise par la personne mise en cause, comme un
moyen de se venger, ce qui correspondra à l’attitude par exemple de Simone WEBER
devant la cour d’assises de Meurthe-et-Moselle le 17 janvier 1991. Condamnée à vingt
années de réclusion criminelle pour l’assassinat de Bernard HETTIER, infraction
qu’elle continue à nier, l’accusée est acquittée pour le décès de son ancien mari
Marcel FIXARD, décédé vingt-deux jours après son mariage, le 14 mai 1980. Dans
cette affaire, en dépit de l’obstination du magistrat instructeur et de lourdes
présomptions de culpabilité, la vérité n’est pas réellement rapportée, il n’y a ni aveux, ni
mobile, ni corps retrouvé. Ainsi, pour celle qui fut dénommée « la diabolique de
119
Les grandes histoires criminelles, op.cit., p. 158.
92
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
NANCY», reconnaître sa culpabilité eût constitué une forme d’auto-trahison car c’est,
précisément, Simone WEBER qui adoptera, tout au long du procès d’assises, une
posture paradoxale de martyr. Un aveu circonstancié de culpabilité aurait permis à la
famille de faire son deuil, ce que réclamait instamment la partie civile à l’accusée ; or,
c’est par le refus d’avouer que l’intéressée se vengera de la famille HETTIER, ceux
« qui restent », en ne leur permettant pas d’avoir une réelle explication sur le
déroulement des faits. Il n’en demeure pas moins que cet impossible aveu prendra la
forme paradoxale d’un aveu implicite de culpabilité puisque l’accusée sera lourdement
condamnée par la cour d’assises à vingt années de réclusion criminelle.
120
Après la découverte, le 6 avril 1972, du corps de Brigitte DEWEVRE, une fille de mineur de seize
ans, le juge d'instruction de Béthune, Henri PASCAL, mit rapidement en examen un couple de notables,
le notaire Pierre LEROY et sa maîtresse Monique BEGHIN-MAYEUR, tous deux présents aux alentours
des lieux du crime au moment des faits. Leur appartenance à la bourgeoisie a transformé ce dossier pénal
en affrontement social. Toutefois, après trois mois de détention provisoire, l’accusé fut libéré. Le juge,
sévèrement mis en cause par les avocats des mis en cause, sera finalement dessaisi. Un ancien camarade
de classe de Brigitte DEWEVRE avouera ensuite avoir assassiné la jeune fille avant de se rétracter. En
l’absence de preuve matérielle, il sera remis en liberté. Enfin, cette affaire sera classée sans suite et le
crime prescrit en 2005.
93
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
suffisantes. Cette affaire pénale pose encore la problématique d’une vérité en soi et celle
résultant d’un dossier de procédure ; d’un côté, la vérité du ministère public garant
d’une culture de l’accusation, de l’autre, celle de l’avocat plaidant défenseur d’une
vérité parfois relative mais résultant le plus souvent des pièces versées dans un dossier
pénal. Or, c’est pourtant principalement sur le fondement de pièces s’apparentant à des
preuves que devrait reposer la déclaration de culpabilité et moins sur l’intime conviction
de jurés souvent peu expérimentés en matière judiciaire.
56- Aveu extorqué et erreur judiciaire. Si l’aveu pénal vient sécuriser une
institution judiciaire hantée par le spectre de l’erreur judiciaire, l’affaire « DILS »
témoigne qu’en dépit des aveux librement consentis par une personne mise en cause,
ladite autoaccusation peut toutefois conduire à la survenance d’erreurs judiciaires
persistantes. C’est précisément l’existence de ces erreurs, nonobstant l’aveu de
culpabilité, qui rend si ardue la relation automatique entre la stricte vérité d’un dossier
pénal et les révélations pourtant librement effectuées de faits reprochés à un justiciable.
En l’espèce, l’erreur judiciaire ne provient pas d’un mensonge du délinquant sur les fins
de la poursuite mais, de sa reconnaissance de culpabilité, à la suite d’un interrogatoire
policier fondé sur des éléments parfaitement circonstanciés. Cette forme d’aveu qui se
déploie en marge de la vérité, s’apparente à une forme de capitulation ou une
renonciation si l’on admet que cet aveu de culpabilité ne laissera plus planer aucun
doute sur la culpabilité de l’accusé, lequel sera placé en détention provisoire, reléguant à
la portion congrue le rôle de la défense.
121
Un acte performatif dans la mesure où il ne sépare pas un acte (en l’espèce, la fuite de l’accusé), de sa
nécessaire culpabilité, et ce avant même qu’une juridiction pénale ne l’ait démontrée.
94
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
l’accusé qui constitue paradoxalement la preuve de son innocence (a). Enfin, selon la
défense, cette affaire pénale s’est caractérisée, en dépit des condamnations intervenues,
par des atteintes aux droits de la défense. A telle enseigne que la question du respect de
la hiérarchie des normes a été posée (b).
95
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
59- La thèse de la partie civile : la fuite comme aveu de culpabilité. Bien qu’il
soit difficile de les concilier avec le respect de la présomption d’innocence, des preuves
peuvent apparaître valides, ce qui est le cas du témoignage anonyme prévu à
l’article 706-58 du CPP. Cette disposition permet la discussion contradictoire des
accusations effectuées par le témoin selon des procédés qui ne garantissent pas la
confrontation du mis en cause à son accusateur, donc dans un respect suffisant des
droits de la défense. Au cours du procès d’Yvan COLONNA, les avocats des parties
civiles vont assimiler la fuite de l’accusé de l'assassinat du préfet de Corse
Claude ERIGNAC en 1998 à un aveu de culpabilité, et ce d’autant plus aisément que la
personne mise en cause avait toujours nié sa culpabilité au cours de l’enquête. Ainsi,
cette fuite va venir soutenir la thèse du ministère public lequel n’avait en effet jamais
accrédité la rétractation des six membres du commando (condamnés en 2003) mettant
hors de cause l’intéressé dès l’automne 2000. Cette thèse fut pourtant partiellement
infirmée par la défense s’agissant d’une empreinte digitale non identifiée, laquelle trace,
après vérification, s’étant « révélée négative » selon le Président de la Cour d’assises
spéciale, Dominique COUJARD, donc n’appartenant pas, au regard des preuves
scientifiques, à l’accusé. Au-delà de la question de la culpabilité ou non de
M. COLONNA, il est toutefois curieux de noter, s’agissant de preuves reconnues par
ailleurs comme irréfutables dans divers dossiers criminels, que le même caractère
infaillible n’ait pas été attaché aux preuves apportées en défense, preuves scientifiques
qui, au demeurant, auraient dû lui bénéficier. En dépit donc de l’absence de force
probante attachée à cet élément matériel de l’infraction, Maître Vincent COURCELLE-
LABROUSSE, avocat du frère de Claude ERIGNAC, déclare, sans ambages : « il y a
des faits qui sont extrêmement têtus et qui méritent la sanction que vous devrez
prononcer (…)"122.
Au surplus, cet aveu de culpabilité est renforcé par les déclarations effectuées par les
épouses ou compagnes des mis en cause lesquelles vont réitérer, face à l’accusé, les
propos tenus lors de leurs mesures de garde à vue. En l’espèce, Jeanne FERRANDI
122
Ibid.
96
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
souligne : « J’ai tout de suite compris. J’étais en quelque sorte assommée, en me disant,
comme pour me rassurer: ce n’est pas possible. Mon mari a alors posé sa main sur mon
menton et m’a dit: “ça va?” d’un air interrogateur, probablement en voyant ma figure
qui s’était décomposée…Je lui ai répondu sur le même ton, “ça va”, et il a bien vu
qu’en fait, ça n’allait pas et que j’avais tout compris (…) Il y a eu en quelque sorte une
connivence pathétique dans ce bref échange car nous nous connaissons suffisamment
depuis toutes ces années communes pour nous comprendre sans parler”123. A Ajaccio,
au cours de la même période, Valérie DUPUIS s’étonne du comportement de son
compagnon Didier MARANELLI en ces termes : « Il avait changé. Le soir, il restait
sur le canapé, n’arrivait plus à dormir, il paniquait dès qu’il voyait une voiture
stationnée en bas de chez nous, et puis, il s’était mis à lire la Bible”124. “J’aurais eu
honte de révéler à quiconque que j’avais des doutes sur le fait que mon concubin avait
participé à l’assassinat”, devait-elle confier devant la Cour125. Après vingt mois
d’instruction, les mêmes personnes vont, à l’instar de leurs compagnons qui ont rétracté
leurs aveux mettant en cause l’accusé, également se rétracter. Elles consentiront
désormais à indiquer que les déclarations mettant en cause M. COLONNA non
seulement lors de leur garde à vue puis devant le magistrat instructeur sont erronées.
Dès lors, en défense, Me Antoine SOLLACARO déclarera : « Madame, votre
traumatisme, que je comprends très bien, ne peut pas vous exonérer de tenter d’exhumer
de votre mémoire certains faits. Nous défendons un homme qui, comme votre mari,
risque la réclusion criminelle à perpétuité. Qui, comme vous, a un fils. Madame, l’avez-
vous vu le soir du 6 février chez vous? S’il y était, dites-le. S’il n’y était pas, dîtes-le
aussi. Vous êtes sous serment. Avez-vous vu Yvan COLONNA ce soir là chez vous ou
ne l’avez-vous pas vu? » Un filet de voix lui a répondu: « Je ne sais pas »126. En
l’espèce, ce sont précisément les apparents mensonges des compagnes qui viendront
soutenir la thèse de l’accusation. Car, une possible mise hors de cause de l’accusé par la
cour d’assises aurait nécessité une réponse négative, laquelle infirmation eût été
cohérente avec les précédentes rétractations. C’est toutefois parce que la réponse
effectuée « je ne sais pas » reste incertaine donc entretient le doute qu’elle s’avère
totalement incohérente avec la rétractation des aveux et vient asseoir une culpabilité. En
123
Le Monde, 1er décembre 2007.
124
Ibid.
125
Ibid.
126
Ibid.
97
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
défense, les avocats de l’accusé vont s’efforcer de séparer l’acte (la fuite) de l’aveu (une
reconnaissance implicite de culpabilité). Au-delà de l’approche juridique, la thèse de la
partie civile considère, in fine, que la fuite de l’accusé vaut aveu implicite de culpabilité.
Ce faisant, elle fait abstraction de tout ce qui concerne, en matière pénale, les garanties
d’un procès équitable. L’audience peut constituer un important révélateur, notamment
au travers de l’interrogatoire de l’accusé, des divers témoignages et expertises, pouvant
conduire, même du côté de la partie civile, à semer le doute sur l’imputabilité pénale de
faits reprochés.
98
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
comme l’assassin du préfet. Alors je me dis franchement, j’ai pas envie de me rendre.
Et là, j’ai décidé de prendre du recul. ”127.
b) Esquisse d’analyse
127
Le Monde du 7 décembre 2007.
99
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
Cette méthode peu loyale aurait été renouvelée à l’appui d’un certificat médical versé au
dossier par un fonctionnaire de police, M. LEBBOS. Ce dernier figurant comme un
rouage essentiel de l’enquête policière, car c’est lui qui aurait reçu les aveux spontanés
de l’équipe MARANELLI, lequel cite nommément Yvan COLONNA. En outre, comme
l’indique Maître Pascal GARBARINI, l’un des avocats de l’accusé, « l’envoi de ce
certificat a eu lieu le 6 février et a été réceptionné le 9 février au greffe de la cour
d’assises, soit le premier jour du procès, ce que le greffier d’audience savait et avait
noté sur la liste des témoins par l’abréviation (C.M.) » 128. En effet, des présomptions
fortes de culpabilité pèsent sur l’accusé, notamment les aveux passés par le commando
tout comme les déclarations concordantes effectuées lors des gardes à vue alors même
que lesdites mesures étaient étanches ; enfin, les rétractations tardives des épouses des
membres de l’équipe et la fuite de l’accusé. Mais, en même temps, comment ne pas
faire état des divers dysfonctionnements judiciaires constatés au regard de la procédure
pénale en dépit (à la suite des correspondances précitées) de la décision de la Cour
d’ordonner l’ouverture d’un supplément d’information (de quarante-huit heures), qui
relèvent davantage d’une raison d’Etat plus que du déroulement normal d’un procès
pénal équitable ? Car, de deux choses l’une. Soit, première hypothèse, les normes de
nature constitutionnelle revêtent un caractère supra-légal (dont les principes d’égalité
des armes et de présomption d’innocence), donc une dimension supérieure à celles des
dispositions des divers codes (Code pénal et CPP) ; par conséquent, au nom du droit
positif, en raison des irrégularités constatées dans le déroulement du procès laissant
planer un doute sur l’impartialité de la juridiction, M. COLONNA devait être acquitté,
car la présomption de procès politique l’emporte sur la recherche objective de la vérité.
Soit, seconde hypothèse, ce qui a prévalu c’est une raison d’Etat, c’est à dire une
conception métaphysique prenant sa source dans le droit naturel qui conduit parfois, en
marge des règles applicables, à déclarer coupable un accusé au nom d’impératifs qui,
subjectivement, apparaissent, selon la juridiction appelée à statuer, comme le reflet de la
vérité. Ce faisant, c’est davantage une métaphysique juridique de nature supra-
constitutionnelle ou a-constitutionnelle qui s’est manifestée. Il s’agit d’une approche
paradoxale de la justice qui, par définition humaine, invoque cependant une dimension
supra-humaine pour juger un homme, donc un principe métaphysique, et se déploie par
128
Source : www.nouvelobs.com, 3 avril 2009, « Yvan Colonna, le Dreyfus corse », par
Me Pascal GARBARINI.
100
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
un procès juste et équitable. La question n’est pas tranchée de savoir quelle est la nature
ou le statut de cette norme métaphysique qui a jugé, ni davantage celle du réel critère
d’appréciation en matière judiciaire en général, en matière pénale en particulier. Celle
d’une vérité objective qui semble se dérober parfois à l’analyse rationnelle ou celle
d’une vérité intuitive ? Celle d’une légitimité étatique de nature supérieure à la légalité
dont se prévalent les juridictions ? Celle encore du conflit, en définitive, jamais résolu
entre vérité et justice. La logique de l’Etat de droit apparaît ainsi paradoxale. Tout
d’abord, il s’agit d’atténuer les effets pervers du système inquisitoire en substituant à
une culture de l’aveu celle de la preuve, ce qui conduira parfois à pardonner en dépit
d’aveux librement consentis, sur le fondement, notamment, d’un fait justificatif.
Ensuite, l’institution pourra accabler un présumé innocent en dépit d’irrégularités
procédurales dûment constatées et admises (le Président a fait droit à la demande
d’ouverture d’un supplément d’information) lorsque l’aveu de sa culpabilité n’est pas
obtenu. Or, cette déloyauté est rendue possible au nom d’impératifs de célérité et une
exigence accrue de sécurité qui tranchent avec le seul et réel souci de justice. En
définitive, qu’elle soit de nature métaphysique ou positive, la vérité ne sera connue
réellement et définitivement que d’un simple humain : Yvan COLONNA.
La question de l’obtention de l’aveu pénal peut également se poser avec une acuité
particulière dans des hypothèses de folie mentale avérée, ce qui soulève la double
difficulté de l’accessibilité à la sanction et donc de l’imputabilité pénale.
62- Aveu et imputabilité pénale. La question se pose de savoir quelle est la valeur
que le magistrat peut accorder à une reconnaissance de culpabilité lorsque les aveux
sont consentis par des personnes considérées comme déficientes mentales sur le plan
médical dans la mesure où, lors d’une garde à vue, les déclarations doivent être
circonstanciées. Quel est le seuil, en effet, en-deçà duquel un accusé pourra faire l’objet
d’une poursuite pénale et au-delà duquel la même personne ne saurait encourir de
sanction pénale ? L’évaluation de la responsabilité pénale incombe essentiellement, in
fine, à des experts psychiatres dont les rapports auront une influence particulière sur la
décision judiciaire. C’est très souvent sur le fondement de ce travail que le magistrat
décidera celui du délinquant auquel il est possible d’imputer l’infraction reprochée. Il
102
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
revient donc à l’homme de l’art médical, en pratique, de dire le droit, ce qui pose
davantage de problème, à notre sens, que cela n’en résout. Or, aucune expertise
médicale n’est fiable de façon absolue ; de plus, la subjectivité de l’expert n’est pas
absente de son rapport, ce qui se conçoit aisément si l’on admet que la justice est
humaine donc faillible. C’est donc parfois indirectement que l’aveu de culpabilité
pourra être décelé, car l’aveu n’émanera pas d’une déclaration de la personne mis en
cause mais découlera d’indices figurant au dossier pénal. Dans l’affaire LANDRU
(1921), par exemple, cette problématique est à l’œuvre.
En l’espèce, il s’agit d’un mode paradoxal de passage aux aveux. En effet, l’accusé
ne peut assumer son acte que s’il n’en apparaît pas précisément comme l’auteur ou le
sujet car sa personnalité ou son moi est réifié comme objet, ce qui signifie qu’il s’efface
derrière ses crimes. L’aveu sera donc indirect car il produira un sens au travers d’un
écrit mais l’intéressé ne s’en attribuera pas réellement la paternité. Il s’ensuit que les
explications classiques de la criminologie pour expliciter les mobiles du passage à l’acte
demeurent, en pareilles circonstances, peu opérantes. Car ce qui motive l’aveu chez
129
Francesca BLAGI-CHAL, Le cas Landru à la lumière de la psychanalyse, Paris, Editions Imago,
2007, p. 143.
103
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
LANDRU n’est pas le rapport qu’il entretient avec la vérité des faits laquelle vérité
judiciaire est hors-sujet, mais davantage le rapport que la vérité entretient avec son être
intime, sans que cette relation puisse s’extérioriser pour s’articuler à un objet extérieur,
en l’occurrence les faits reprochés. Ainsi, le refus de l’aveu est en même temps un refus
du social ou d’une société qui symboliquement ne produit pas de sens. Ce n’est que
l’expérience personnelle qui, elle, ne ment pas. Le cas LANDRU pose également la
question du plaisir dans le processus criminogène.
130
Jacques LEAUTE, Criminologie et science pénitentiaire, Paris, PUF, 1972, p. 49-65.
131
Jean PIAGET, Le structuralisme, Paris, PUF, Que sais-je ?, 1968.
132
Jacques PINATEL, La criminologie, 1ère éd., Spes 1960.
133
Michel FOUCAULT, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975.
134
Raymond GASSIN, Sylvie CIMAMONTI, Philippe BONFILS, Criminologie, Paris, Précis, Dalloz,
7ème édition 2011, p. 350-369.
104
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
105
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
137
Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, 13ème éd. 1956, p. 33.
138
Cesare LOMBROSO, L’homme criminel, trad. française de la 5è éd. italienne, 2 vol., Paris, Alcan,
1895.
139
Benigno DI TULLIO ; Manuel d’anthropologie criminelle, Paris, Payot, 1951, p. 161.
140
Voir notamment René ANGELERGUES, « Brève note psychiatrique à propos d'un texte
psychanalytique ». Rev. Française de Psychanalyse, 1982, 1 ; Piera AULAGNIER, La violence de
l'interprétation (1975), Paris, PUF, 1986 ; Jean CHAZAUD, « Contribution à la théorie psychanalytique
de la paranoïa ». Rev. Française de Psychanalyse, Paris, 1966, 1 ; Jean-Claude MALEVAL, « Les
meurtres immotivés ne sont pas sans cause ». Synapse, 1986. n°28. Paul-Claude RACAMIER, « Esquisse
d'une clinique psychanalytique de la paranoïa ». Rev. Française de psychanalyse, Paris, 1966, 1.
106
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
passage à l’acte. Ce passage à l’acte n’est pas exempt d’une sensation de plaisir ressenti
par le criminel. En effet, le plaisir peut constituer l’unique mobile du passage à l’acte et
non la contrainte, et être dicté par des motivations hétéronomes : la réaction aux stimuli
du monde extérieur, la survie de l’espèce, l’agressivité comme corollaire de l’activité
délictuelle, la prédominance de la composante « pulsionnelle » sur la « composante
normative »141. Ainsi, chez certains criminels considérés sur un plan psychiatrique
comme pervers, la question de l’aveu en matière pénale renvoie moins à celle de la
culpabilité qu’à une relation symbolique avec la Loi, approche qui, bien souvent,
semble se dérober à l’analyse des professionnels du droit.
64- Aveu pénal et autorité de la loi. Ce qui détermine le passage aux aveux est
bien souvent lié à la perception que le délinquant a de sa propre criminalité et le
processus d’autocondamnation est par conséquent inséparable de l’intériorisation chez
l’auteur d’une loi parfois considérée comme dénuée d’autorité et donc d’une justice sans
légitimité. L’étude du plaisir dans le passage à l’acte criminel diffère quelque peu des
grilles d’analyses communément admises en sociologie de la délinquance car le pervers
est conscient de ses actes et donc réalise des fantasmes associant plaisir et cruauté en
obéissant à une pulsion irrésistible. Si le criminel a conscience du caractère
répréhensible de ses actes, le risque pénal pouvant en découler est cependant évacué.
Dès lors, le droit, en tant qu’aboutissement nécessaire d’une volonté libre (A), n’est
pas extérieur à celui auquel il s’applique, à l’assujetti, le délinquant reconnaît toujours
le droit qui lui est applicable, même s’il voudrait cependant y faire exception, ce qui
relève davantage, in fine, de la psychologie de l’auteur de l’aveu (B)142.
141
Pierre GRAPIN ; « Biologie sociale et criminalités », RSC, 1971, p. 79-98.
142
Selon HOBBES cette obligation de non-résistance qui découle de cette fondation de la loi est décrite
en ces termes: « L’homme ou l’assemblée qui peuvent, par leur propre droit, qui ne dérive du droit
présent d’aucun autre, faire les lois ou les abroger, selon son ou leur bon plaisir, ont la souveraineté
absolue. Car, vu que les lois qu’ils font sont censées être faites de droit, les membres de la République,
pour qui elles sont faites, sont obligés de leur obéir ; et en conséquence de ne pas résister à leur
exécution ; cette non-résistance fait le pouvoir absolu de celui qui les ordonne ». Et d’ajouter, c’est « (...)
dans l’acte où nous faisons notre soumission que résident à la fois nos obligations et notre liberté (…) nul
ne supporte en effet aucune obligation qui n’émane d’un acte qu’il a lui-même posé, puisque par nature
tous les hommes sont également libres ». Thomas HOBBES, Eléments de droit naturel et politique, trad.
107
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
fr. TRICAUD des Elements of laws, II, Chap. I, 19, p. 117, Lyon, 1977, et Léviathan., chap. XXI, p. 268,
trad. de F. TRICAUD. p. 229, Paris, sirey, 1971.
143
Nicolas BERDIAEV, L’Esprit de Dostoïevski, Paris, Stock, 1974, p. 82.
144
Jean-Jacques ROUSSEAU Du Contrat Social (1762), Livre I, chapitre VI, Paris, AUBIER-
MONTAIGNE, 1943, p. 90.
108
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
« C’est du côté du haut, là où eut lieu la naissance primitive de l’âme que le divin a
suspendu notre tête qui est comme une racine; de la sorte il a donné au corps tout entier
la station droite »145.
109
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
148
Ibid, p. 63.
149
Sigmund FREUD, Dostoïevski et le parricide (1928), Paris, PUF, 1985 et Totem et Tabou, Paris,
Gallimard, 1912.
150
Jacques LACAN, Ecrit I, Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie,
Paris, Editions du Seuil, collection Point, essais, 1975.
110
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
151
Martin MONESTIER, Cannibales, Le Cherche-midi, 2000.
111
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
aucun remord après les meurtres. La plupart d’entre eux sont pénalement
responsables »152. A ce propos, comme l’explique Daniel ZAGURY153, bon nombre de
tueurs en série se délectent à relater leurs crimes. Ces assassins jouissent de ne rien
ressentir lors du passage à l’acte154 en réduisant leurs victimes terrorisées à l'état de
choses. En l’espèce, loin d’ignorer la loi ou l’incrimination pénale qui y est attachée, le
rapport du pervers à la norme est significatif dans la mesure où celle-ci est défiée voire
provoquée, afin que le psychopathe puisse a posteriori en attester la validité, en dépit du
risque pénal. Au-delà de la question de l’aveu d’une culpabilité, le pervers, en
définitive, interroge l’appareil législatif et se fait donc soutien paradoxalement de
l’existence d’une Loi dont il n’a pas réussi à éprouver l’efficacité. Ce qui est à
l’œuvre selon René GIRARD c’est un mécanisme de « désir mimétique inversé », désir
qui peut prendre une forme réelle ou symbolique dans ce processus victimaire. Seul
l’être qui « (…) nous empêche de satisfaire un désir qu’il nous a lui-même suggéré est
vraiment objet de haine. Celui qui hait se hait d’abord lui-même en raison de
l’admiration secrète que recèle sa haine. Afin de cacher aux autres, et de se cacher à lui-
même, cette admiration éperdue (…) »155. Or, par son désir de faire souffrir la victime
lors du passage à l’acte, le sadique n’éprouve aucune culpabilité, aucun remord même si
ce criminel a pleinement conscience de son acte et du risque pénal afférent.
Contrairement à la description de FREUD dans Totem et Tabou156, il n’existe même pas
de « sentiment inconscient de culpabilité » chez le pervers criminel. Ce dernier décrit
même dans le texte précité les criminels par leur sentiment de culpabilité, soulignant
que ce sentiment préexiste à la faute. Le masochiste utilise l’autre, ce qui est une
démarche inverse, afin de se faire souffrir, son désir de souffrance étant intimement lié à
une culpabilité dont il ne peut se dégager que par une auto-punition ou flagellation. En
cela, le masochiste est davantage le dépositaire de la culture judéo-chrétienne
occidentale, car symboliquement la rédemption du Christ ne peut se réaliser que par le
truchement d’une violence à soi ; à l’inverse, il semblerait qu’il faille se départir de la
tradition occidentale érigeant le bien en vertu et corrélativement le mal en perversion de
l’âme pour appréhender la dimension sadique du crime, car, en l’occurrence, cette
152
Michel BARROCO, Le cavalier bleu, Paris, 2006, p. 3.
153
Daniel ZAGURY, L’énigme des tueurs en série, Paris, Editions Plon, 2008.
154
Stéphane BOURGOIN, Serial killers, enquête mondiale sur les tueurs en série, Paris, Grasset, 2011,
p.26.
155
René GIRARD, Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Pluriel, 1961, p. 24-25.
156
Op.cit.
112
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
dimension manichéenne est absente chez le tueur en série. Seul Dieu, dans une vision
théologique, refuse la violence et renvoie à une force extérieure qui serait la foi, il n’est
pas vengeur car le divin suggère une inversion de la violence en amour. Il s’agit donc
d’une posture éthique nécessitant une conversion, c’est dire une réelle empathie écartant
tout désir naturel de vengeance. Concernant la catégorie des sadiques pervers pour
lesquels le passage à l’acte n’est motivé que par le plaisir de faire souffrir ou par le jeu,
il semblerait que ces criminels renferment une attitude psychologique marquée à la fois
par le contrôle (dimension hédoniste de l’acte) et la désinhibition (ils « passent à
l’acte »). Une désinhibition ou un contrôle des émotions qui, selon Norbert ELIAS,
définirait à la fois la civilisation occidentale et la formation d’un pouvoir étatique de
plus en plus contraignant et centralisé157. Un processus, au surplus, qui conduirait à un
contrôle de « l’économie psychique de l’individu » permettant le recul des attitudes de
déviance. Autrement dit, ce n’est plus l’acte ou son événement qui définit le sujet
comme personnalité juridique mais ce qu’il est censé avoir effectué ou pouvoir encore
faire. C’est la question de la récidive qui est ainsi primordiale. Sur un plan
philosophique, il s’agirait donc de penser la constitution d’un sujet capable de poser des
actes libres et gratuits, et ce sans explication immédiate ni évaluation unique, ni
interprétation définitive. Ainsi, l’acte pur ne peut être que celui d’un Dieu, celui qui ne
passe pas à l’acte, à la différence des êtres humains qui doivent « passer » de la
puissance à l’acte, du virtuel à l’actuel, bref ceux qui ont à trouver un passage. C’est
cette temporalité qui définirait en dernière analyse le domaine de l’éthique et du
politique, de la vertu et du bonheur, de la situation individuelle ou mieux, collective, de
la vie humaine. Car c’est, en même temps, l’espoir d’une vie pouvant encore triompher
des pulsions de mort qui pourra conduire, pour se libérer, à passer aux aveux, soit
indirectement (LANDRU aura recours à l’écrit), soit en manipulant l’institution
judiciaire par un jeu pervers de séparation entre la reconnaissance de l’acte criminel
(Francis HEAULME, par exemple, admettra la plupart des faits reprochés) et
l’explication attachée à ces aveux, comme s’il s’avérait impensable de faire le lien entre
un passage à l’acte assumé et son internalisation psychique.
157
Norbert ELIAS, La Dynamique de l’Occident, Paris, Pocket, 1997.
113
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
B) Psychologie de l’aveu
« (L´) Aveu ? Je veux qu´il me lave (…)! », Michel LEIRIS, Langage et Tangage ou Ce que
les mots me disent, NRF, Paris, Gallimard, 1987, p. 11.
68- L’aveu comme ultime jouissance. Francis HEAULME présente d’abord une
personnalité tortueuse révélant simultanément une extrême fragilité et une parfaite
maîtrise de soi, dualité qui tranche donc, au moment du procès, avec la particulière
gravité des faits reprochés, en l’espèce l’assassinat d’Aline PERES, poignardée et
égorgée sur la plage du Moulin-Blanc, à proximité de la ville de BREST. Un accusé qui
va se livrer à une minutieuse description de son passage à l’acte sur le plan matériel,
pour achever son propos par une négation absolue des faits, comme s’il délivrait
indirectement un message à l’attention des jurés. S’il reconnaît, en effet, devant l’expert
158
Les grandes histoires criminelles, op.cit., p 49.
114
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
psychiatre que « chaque fois (qu’il) passe quelque part, il y a un meurtre » 159, il ne s’en
attribue jamais la paternité, mais avoue toutefois indirectement sa culpabilité lors du
procès en ces termes : « c’est moi, mais c’est à vous à le prouver ». Le passage à l’acte
n’est donc pas dépourvu d’ambigüité car il mêle extrême souffrance et plaisir dans
l’étiologie criminelle. En cela, la distinction entre le crime d’utilité (commettre une
infraction pour nourrir ses enfants) et le crime de jouissance (passer à l’acte criminel par
simple plaisir, indépendamment du risque pénal attaché à cette infraction) peut s’avérer
opératoire pour décrypter le passage ou non aux aveux. Le crime d’utilité permet plus
facilement la reconnaissance de sa responsabilité pénale car il s’agit bien souvent de
délinquants ayant agi par nécessité. En revanche, le crime de jouissance renvoie
davantage à la psychogénèse de l’individu. Il s’agit de l’expression d’une souffrance qui
se manifeste dans l’exécution de l’acte, même si subsiste le plaisir à ne pas le
reconnaître, comme si l’accusé ne devait cette part de vérité qu’à lui-même, soit un
individu seul au monde depuis la mort, s’agissant de Francis HEAULME, de sa mère.
En l’occurrence, l’acte de contrition et l’acte de décès sont liés dans les mécanismes
psychologiques à l’œuvre dans la psychè de cet accusé. Car le décès de sa mère
constitue symboliquement l’acte fondateur de son propre décès, l’accusé se sentant ainsi
définitivement abandonné à un héritage sans testament, pour reprendre le mot de
René CHAR. Traumatisant décès de celle qu’il aimait passionnément, HEAULME, lors
des obsèques, se jetant menotté dans la tombe de la défunte en hurlant : « ne me quitte
pas ! », « ne m’abandonne pas ! », manifestation terrible d’une cruelle douleur d’être à
jamais privé de celle qui le maintenait encore « dans le monde », lui qui avait été pour
ainsi dire « jeté dans ce monde », sans espoir de revoir celle qui, par amour, pouvait
encore le maintenir en vie : sa mère. Dans ce contexte, l’aveu devient impossible car il
constitue désormais un non-sens, la seule personne pouvant l’en persuader l’ayant
précédé dans son funeste destin. Ainsi, ce malaise psychopathique se caractérise par une
prévalence de l’agir (l’acte criminel) sur l’internalisation psychique (la révélation
circonstanciée de son acte). Le drame naît par conséquent du décalage entre le passage à
l’acte et son impossible explication. Le hyatus s’explique en outre en intégrant la
dimension psycho-affective du criminel lequel s’avèrera incapable de concéder quelque
explication à l’institution qui, en définitive, au-delà de son parcours délinquantiel, lui
aura ôté tout espoir, en l’écartant de sa mère, pour l’éternité. Il s’agit d’une trajectoire
159
Ibid p.145.
115
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
69- Mobile du passage à l’acte et faits avoués. Si l’aveu pénal permet l’éclosion
d’une vérité judiciaire, la signification de l’acte excède le simple dévoilement de faits
incriminés car il révèle la psychologie profonde du mis en cause. Par-delà son caractère
vrai ou faux ou partiellement vrai ou majoritairement fallacieux, l’aveu fonctionne
comme une catharsis et figure comme le siège d’une possible paix intérieure retrouvée.
Il rend également possible une récollection de soi à travers des mots. En revenant sur
ses précédentes déclarations et en décidant désormais d’avouer sa culpabilité, le
délinquant pourra parfois se reconstituer sur un plan psychique, une fois l’obstacle
franchi. En sens inverse, la rétractation ultérieure d’aveux pourra s’interpréter comme
un refus de s’approprier ces propos consentis dans un cadre procédural qui, pour être
légal, ne fait pourtant pas réellement sens pour le mis en cause car il n’est pas légitime.
En toutes hypothèses, une nouvelle rédaction des procès-verbaux davantage en
harmonie avec son traumatisme intérieur permettra une première réconciliation entre
l’accusé et lui-même, dans une sorte de monologue intérieur propice au passage à l’acte.
Car l’aveu en matière pénale vient fréquemment braver l’interdit posé par la conscience
et, dans ce contexte, la réécriture des faits viendra intégrer la situation d’aveu à une
réalité tangible, peut-être hors cadre pour les enquêteurs, mais davantage significative
pour la personne poursuivie laquelle, par cet aveu, se libèrera parfois de sa névrose.
L’aveu s’articulera ainsi non plus à une artificielle ou virtuelle confidence faite à un
officier de police judiciaire ou à un magistrat, mais à une réalité librement intériorisée et
donc acceptée par le délinquant.
aveux de jactance relatifs à des infractions imaginaires permettant à celui qui s’en dit
l’auteur d’exister aux yeux de ceux ou celles qui l’auraient dénigré. Il s’agit donc pour
l’auteur présumé des faits de réparer l’outrage subi, de retrouver l’honneur perdu ou
perçu comme tel, par souci de bienveillance ou désir inconscient d’attirer l’attention,
fût-ce à son détriment. Cet aveu de culpabilité témoigne également d’une demande
d’amour ou de reconnaissance sociale voire, inconsciemment ou pas, d’admiration chez
un faux coupable qui sera innocenté contre son gré puisqu’il aura avoué des forfaits
imaginaires.
117
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
l’espèce, en l’absence d’une confiance minimale réciproque entre les parties aucune
déclaration ne pourra être revêtue de la force probante car l’aveu, en pareilles
circonstances, est par définition sujet à caution. C’est dire toute la difficulté d’une
autocondamnation quand le présupposé théorique de l’accusé est celui d’une impossible
loyauté de l’appareil judiciaire censé le juger. C’est la raison pour laquelle
M. Fouad ALI SALEH va récuser ses trois avocats commis d’office, maîtres
Jean Yves LE BORGNE, Benoît CHABERT et Jean-Christophe MAIMAT lesquels,
comme le prévoit le CPP en matière criminelle, resteront au banc de la défense sans
pouvoir s’exprimer. La production de l’aveu dépend donc étroitement de la légitimité
qui est accordée à l’institution judiciaire. L’ autoaccusation ne pourra revêtir la forme
éventuellement d’un « aveu-vérité » que si un climat de confiance s’établit entre le juge
et la personne mise en cause ; si la légitimité du magistrat a été perçue comme non
douteuse (dans l’affaire Fouad ALI SALEH, l’accusé se réclamant d’un islamisme
« radical » va stigmatiser les juges en tant que « magistrats juifs »). Quand les membres
de la cour feront leur entrée, l’accusé restera assis (signe symbolique de défiance envers
l’institution) et commencera à psalmodier quelques versets du coran. Il indiquera, par
ailleurs, au Président qu’il ne se nomme pas Fouad ALI SALEH, mais
Abbas MOUSSAOUI, nom emprunté au dirigeant du Hezbollah pro-iranien,
assassiné dans le sud du Liban en février 1990 lors d’un raid israélien ; rajoutant, par
ailleurs, que sa profession est celle de « combattant terroriste ». L’accusé indiquera, de
surcroît, à l’adresse des témoins et parties civiles : « Les déclarations que j’ai à faire,
c’est que nous sommes musulmans et que nous vous exterminerons jusqu’au dernier ».
Et d’ajouter : « Au nom de Dieu tout-puissant, destructeur de l’Occident, que soient
maudits les fils mécréants d’Israël et de Jésus [...]. Je ne m’appelle pas
Fouad ALI SALEH, je m’appelle la mort de l’Occident [...]. Les juifs et les chrétiens,
fils de porcs, n’ont pas le droit de parler quand un musulman s’exprime, [...] Les crimes
que vous avez commis depuis des siècles justifient votre anéantissement total [...]. Le
terrorisme, c’est le prêche, c’est la guerre sainte (…) ! Les juifs veulent faire de la
planète un camp de concentration, avec les chrétiens comme gardiens et comme
bourreaux...» 160.
160
Extraits des déclarations de Fouad Ali SALEH publiées dans Le Monde et Libération les 30 et
31 janvier, 5 et 11 février 1990.
118
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
161
Bruno HECKMANN, Danièle DULHOSTE, Emmanuel CAEN, Les grandes histoires criminelles,
Editions Hors Collections, 2008, p. 30 et 31.
119
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
l’accusé pourra passer aux aveux devant une juridiction composée simplement
d’humains. C’est par conséquent davantage par défaut qu’il y consentira que par une
réelle volonté ; car, en définitive, il ne pouvait reconnaître d’autre légitimité qu’il ne
tirât de Dieu et surtout pas de ses censeurs, un jury criminel.
En effet, il existe des stratégies maîtrisées de l’aveu pénal et d’autres qui ne le sont
pas, ou moins.
120
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
75- Les stratégies non maîtrisées : les aveux de procès. A contrario, l’aveu n’est
pas maîtrisé lorsqu’il est consenti en marge d’une réelle volonté émanant de l’intéressé
mais qu’il découle d’un acte de procédure venant fragiliser la thèse de son innocence. Il
en est ainsi lors d’une confrontation ordonnée par le magistrat instructeur qui viendra
conforter la thèse de la culpabilité. En pareilles circonstances, la personne poursuivie, se
voyant accablée, préfèrera parfois avouer les faits plutôt que de braquer encore
davantage contre elle le juge chargé de l’enquête, espérant ainsi que ces aveux
permettront, à tous le moins, de démontrer à l’accusation sa bonne foi.
De la même manière, les aveux de procès passés lors d’une session de Cour d’assises
surviennent lors de la confrontation générale de l’accusé avec les divers acteurs au
procès. Parce qu’ils sont tardifs, ce qui tend à accréditer la thèse selon laquelle l’accusé
avait donc antérieurement menti, ces aveux sont en même temps ceux qui laissent le
plus de place à l’inconnu. Ils sont en effet imprévisibles donc non maîtrisés et, plus
grave encore pour les droits de la défense, suscités par l’émotion. Dans l’affaire, par
exemple, du bus incendié à Marseille en 2006162, non seulement aucun des
protagonistes n’avait souhaité se livrer à des aveux mais également moins les auteurs
présumés révélaient l’identité de celui ou ceux qui avaient incendié ledit bus, plus les
magistrats étaient tentés de retenir une responsabilité collective. Car le rapport à la
162
En 2006, cinq des six incendiaires du bus de la ligne 32 à Marseille qui avait failli couté la vie à une
étudiante, en l’occurrence Melle Mama GALLEDOU, ont été condamnés le 8 février 2008 à des peines
fixées entre cinq et neuf ans de réclusion criminelle. L’un des accusés a été acquitté. La peine la plus
lourde a été infligée au jeune homme qui, le soir du 28 octobre 2006, avait jeté un mouchoir enflammé
dans le bus à bord duquel se trouvait la victime. Elle avait été brûlée au deuxième et troisième degré sur
les deux tiers de son corps. Les peines prononcées par la Cour d’assises des mineurs ont été toutefois plus
faibles que celles qui avaient été requises par le parquet général puisque le quantum prononcé n’a pas
dépassé les quatre années d’emprisonnement.
121
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
vérité est central si l’on ne souhaite pas dénaturer le procès pénal. L’audition de la mère
d’un des accusés va s’avérer particulièrement importante car elle va conduire les
protagonistes à passer aux aveux, confirmant, si besoin était, que lorsqu’on avoue, on
est mieux jugé que lorsque l’on table sur des preuves. Un dialogue doit donc se nouer
entre l’institution et les auteurs présumés lorsqu’existe une conviction sur la culpabilité.
Le plus fréquemment, du côté de l’accusé, avouer c’est abdiquer ; donc il va n’avouer
que partiellement ou indirectement : « ce n’est pas moi, mais si vous voulez que je dise
que c’est moi, c’est moi ! ». Au surplus, il doit exister un accord tacite entre l’avocat et
son client, car si l’accusé ne souhaite pas changer de version en dépit du conseil de son
avocat lui suggérant d’avouer, c’est que confusément se joue autre chose dans l’esprit
de l’intéressé. En réalité, l’aveu rassure toutes les parties au procès. Il est sécurisant
surtout pour les magistrats et les jurés qui voient leurs thèses renforcées. L’aveu permet
ainsi le passage plus rapide de la question de la culpabilité à celle de la responsabilité
pénale. Du côté de l’avocat, l’aveu de culpabilité pourra s’avérer réconfortant, car
l’avocat ne sera pas contraint de plaider contre sa conscience au risque de se ridiculiser
auprès des magistrats donc se décrédibiliser ; ensuite, de soutenir une thèse contraire à
la morale dont il est dépositaire, lorsque son client lui demande instamment de plaider
l’acquittement. Toutefois, la tentation du confort doit également être maîtrisée, l’avocat
devant faire montre d’une grande disponibilité et vigilance dès le début, car son client
pourra faire état d’invraisemblances absolues ou relatives alors qu’en réalité, il a raison.
Le client sollicitant donc de plaider une version presque impossible à livrer car des tests
ADN viennent l’accabler, alors que la réalité lui donnera raison.
marge d’erreur judiciaire en matière pénale mais elles peuvent également, dans
l’hypothèse d’aveux extorqués en garde à vue, innocenter un accusé quand le résultat de
l’analyse vient, contre toute attente, le mettre hors de cause, comme en témoigne
l’affaire DICKINSON. En l’espèce, M. Pascal PADE, personne initialement
soupçonnée, pourra bénéficier de ces avancées scientifiques, en dépit de ses aveux, et
sera innocenté. Car le seul indice probant provenait du sperme du meurtrier retrouvé sur
le cadavre de la victime ; un portrait-robot fut rapidement établi, puis, un suspect
interpellé, un sans domicile fixe âgé de quarante ans, dont le casier judiciaire portait
trace de plusieurs condamnations, M. PADE précité. Si l’analyse ADN peut accabler
une personne poursuivie pénalement en dissociant le processus d’aveu de la question de
sa validité puisque les marges d’erreurs sont infinitésimales, elle peut également
disculper, donc s’avérer protectrice des droits de la défense, lesquels droits n’avaient
précisément pas été respectés lors des aveux extorqués. Par ailleurs, à l’instar de l’aveu,
l’expertise psychiatrique ne repose pas sur une vérité matérielle indiscutable car, non
seulement les explications fournies s’inscrivent en marge du dossier pénal, mais
également le temps imparti à l’expert est insuffisant pour rapporter la preuve de la
culpabilité de l’intéressé (§2). C’est ainsi que pour éviter d’avoir à provoquer lesdits
aveux la tactique des enquêteurs pourra consister à obtenir des déclarations du suspect
de façon informelle ou hors cadre (§3) en essayant d’instaurer une relation de confiance
avec l’intéressé. Enfin, dans le cadre du plaider coupable, la vérité judiciaire découlera
des simples déclarations du prévenu, ôtant ainsi le plus fréquemment toute marge
d’erreur dans le prononcé de la sanction (§4).
163
« Preuve scientifique, preuve juridique », (Sous la dir. d’Eve TRUILHE-MARENGO). L’ouvrage
rassemble les contributions de : Matilde BOUTONNET, Laurence DUMOULIN, Olivier GODARD,
Marie-Angèle HERMITTE, Catherine LABRUSSE-RIOU, Olivier LECLERC, Pierre LIVET, Sandrine
MALJEAN-DUBOIS, Rostane MEHDI, Alain PAPAUX, Dominique PESTRE, Anne-Lise SIBONY,
Eve TRUILHE-MARENGO, Etienne VERGES. Collec. : Droit des technologies. Ed. Larcier, Déc. 2011.
De plus en plus de questions concernent les rapports entre science et droit à travers la notion de preuve.
Les questions essentielles ont trait au caractère probant ou non de la preuve scientifique. Notamment, la
relation entre la science et le droit se conjugue-t-elle sur le mode d’une opposition définitive ? La
distinction entre la preuve juridique et la preuve scientifique est-elle pertinente si l’on considère que la
123
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
science juridique ne répond pas réellement aux critères de la scientificité ? Si oui, ne faut-il pas revenir
également sur le caractère prétendument « infra-scientifique » du droit ? Qu’est-ce qu’une donnée acquise
de la science ? Le droit peut-il être juge de la science ?, Cf. Shirley HENNEQUIN : « La preuve
numérique dans le procès pénal » sous la direction de Muriel GIACOPELLI, op.cit.
164
Aussi, une force probante relative est à déplorer concernant d’autres services rattachés à la police
judiciaire, notamment la brigade financière, entité dans laquelle le doute sur la culpabilité d’un suspect
reste permis parce que les dossiers sont plus complexes s’agissant d’infractions relevant de la délinquance
financière.
124
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
analyses, par emploi du penthotal, ou de recours à l’hypnose dont l’objet est de briser
les résistances de l'individu à l'aide de la science, afin de l'obliger à avouer, sont
prohibés165. Il est également déloyal même si la personne soupçonnée consent librement
à s’y soumettre car, en pareilles circonstances, l’individu est fragilisé et devient assujetti
à une procédure qui viole ses libertés et droits fondamentaux au nom de la recherche
d’aveux. Si l’accusé est relégué à un statut de sujet de la procédure il n’est pas certain,
en outre, que lesdits procédés scientifiques, notamment par narcose, garantissent de
façon absolue l’obtention de la vérité matérielle, celle qui résulte des pièces versées au
dossier pénal. L'aveu ainsi extorqué pourra être le résultat d'un fantasme ou mêler des
faits véridiques à des faits imaginaires. Ce produit est, dans ces conditions, un « sérum
de déballage » plutôt qu'un sérum de vérité166.
125
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
justice criminelle est inséparable de celle des avancées techno-scientifiques car pour
rapporter la preuve d’un fait, l’institution judiciaire va avoir recours à la médecine
notamment aux empreintes génétiques. Preuve supplémentaire, si besoin était, que ces
procédés se multiplient pour pallier les risques toujours présents d’erreurs judiciaires.
Ce qui signifie également que la preuve scientifique est considérée comme supérieure à
l’aveu167. En effet, l’enquêteur bénéficie de moyens d’investigation sophistiqués, qu’ils
s’agissent des méthodes d’enregistrement de conversations téléphoniques, de procédés
de sonorisation de pièces, lesquels constituent autant de moyens de preuves venant
concurrencer l’aveu, sinon s’y substituer.
167
Olivier PASCAL et Alexandra SCHLENK, « L'empreinte génétique : le spectre de la preuve absolue »,
AJ pénal 2004, p. 24.
126
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
nature constitutionnelle entre les avocats et les magistrats, mais une soumission des
défenseurs aux juges168.
81- L’expertise comme moyen de preuve. En théorie, l'expert ne donne que des
avis. Le juge d'instruction, puis la juridiction de jugement sont donc libres de suivre ou
de ne pas suivre l'avis de l’Homme de l'Art. L'article 427 CPP énonce le principe selon
lequel le juge doit décider d'après son intime conviction. Il est le juge des preuves. En
pratique, l'expertise peut constituer une preuve. A ce titre, l’expertise est obligatoire en
matière criminelle lorsqu’il s’agit de savoir si, au visa de l’article 122-1 du Code pénal,
la personne était atteinte ou non, au moment des faits, d'un trouble psychique ou
neuropsychique ayant aboli ou altéré son discernement. Or, à l’instar de l’aveu,
l’expertise psychiatrique n’est pas davantage la garante d’une vérité matérielle car elle
se déploie, le plus fréquemment, en marge du dossier pénal lorsque le médecin tente de
faire prévaloir sa propre vision du dossier à celle découlant strictement de l’observation
des pièces qui y sont contenues. C’est ce qui explique sans doute la persistance
d’erreurs judiciaires fondées sur des rapports d’expertise dans des dossiers où, de bonne
foi, des magistrats influencés par le volet technique du rapport présenté ont tendance à
en oublier la réalité. Dans l’affaire d'OUTREAU par exemple, des erreurs d’analyse ont
été commises par les experts-psychiatres même si le Président de la cour d’assises fut
également trompé par des témoignages mensongers et de faux aveux. Car, ce sont
également les conditions de désignation de l’expert et la définition de sa mission qui,
ab initio, tendent à fausser l’objectivité de ce praticien. La dimension humaine n’est pas
absente dans la relation entre le juge et l’expert. Dans la plupart des cas, le magistrat
168
Il suffit pour s’en persuader de constater que ce sont les représentants du parquet général qui
instruisent les affaires de mise en jeu de la responsabilité professionnelle des avocats dans le cadre de
réclamations portées contre eux par leurs clients.
127
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
évoquera puis expliquera l’affaire à l’Homme de l’Art médical, lui montrera les pièces
essentielles du dossier pénal, l’information qu’il prodiguera ainsi à l’expert sera déjà,
d’une certaine manière, « in-formée » ou déjà pré-filtrée. En réalité, le juge adressera à
l’expert ou lui remettra une copie des pièces susceptibles de l'éclairer et de faciliter sa
mission. Le magistrat orientera ainsi la thèse de l’expert dans le sens de la culpabilité de
la personne mise en examen. La mission dévolue à l’expert par l’institution est par
conséquent rarement neutre ; en effet, lorsque le psychiatre ou le psychologue rendront
visite au détenu, ils disposeront déjà non seulement de l’opinion du juge qui a procédé à
leur désignation, opinion que certains experts ne contrediront qu’avec diplomatie c’est à
dire davantage sur la forme que sur le fond, mais également des faits reprochés au
prévenu ou à l’accusé, par conséquent son système de défense. Dans l’hypothèse d’une
contre-expertise, l’expert nouvellement désigné aura eu connaissance de l’avis du ou
des experts précédemment nommés avec la même mission. Au surplus, s’il résulte des
pièces du dossier pénal que la personne poursuivie est passée aux aveux, le rapport
d’expertise se verra ainsi conforté par la reconnaissance antérieure des faits de
l’intéressé, ce qui conduira l’expert psychiatre non pas à se poser la question, au regard
des pièces, de la vraisemblance des faits rapportés à l’aveu consenti, mais à se
concentrer sur la simple question de savoir si la personne détenue est ou non accessible
à une sanction pénale. Autrement dit, ce n’est pas la question essentielle du procès pénal
qui est d’emblée posée, celle de la manifestation de la vérité, mais davantage celle de
savoir, en définitive, si la personne poursuivie peut constituer un sujet de droit, c’est à
dire si l’infraction qui lui est reprochée peut lui être imputable, ce qui est fort différent.
A ce titre, les experts psychiatres n’ont pas l’obligation d’enregistrer l’entretien avec le
détenu ni d’en conserver une épreuve à la disposition du magistrat instructeur ou des
parties. Pourtant, aux termes de l’article 6 CEDH « Toute personne a le droit à ce que sa
cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un
tribunal indépendant et impartial, établi par la loi (...)»169. C’est donc in fine la question
de l’utilité de l’aveu qui est posée à l’heure du développement des preuves scientifiques,
ce qui soulèvera une difficulté dans le cadre, par exemple, du plaider coupable criminel.
Il ne s’agit pas de considérer ce mode de preuve devant la cour d’assises comme
totalement dénué d’intérêt, surtout lorsque l’accusé pourra tirer avantage de son aveu
lors de la fixation de la peine, mais de constater que cette révélation spontanée des faits
169
CEDH, Art. 6, préc.
128
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
se déploiera peut-être en marge de la vérité judiciaire puisque, d’une part, cette vérité
reposera principalement sur des preuves matérielles donc scientifiques ; d’autre part,
que l’aveu pénal s’avèrera inutile puisque l’objet essentiel du procès ne sera plus la
recherche de la manifestation de la vérité, mais davantage une autojustification de son
crime par l’accusé.
Une autre ruse pourra être employée par la personne mise en cause. Il s’agira de faire
montre d’une transparence absolue devant les enquêteurs en reconnaissant
intégralement les faits objet de la poursuite initiale, tout en ne faisant pas état d’un fait
justificatif que l’intéressé a l’intention de soulever à l’audience afin de l’exonérer
totalement ou partiellement de sa responsabilité pénale devant le juge pénal.
L’aveu pénal pourra par ailleurs être qualifié de positif lorsqu’il sera spontané ou
autonome ; dans l’hypothèse inverse, il sera négatif, car obtenu à la suite d’un
processus, indépendant de la volonté du mis en cause.
84- L’aveu-vérité positif. L’aveu spontané des faits peut s’avérer dénué d’une
quelconque stratégie du côté du délinquant soit parce qu’il a décidé librement de
reconnaître sa culpabilité laquelle s’avère trop lourde à porter, soit lorsque ce dernier est
incapable de mesurer la gravité de ses actes. En pareilles circonstances, la frontière
entre le bien ou le mal n’étant pas intériorisée chez l’accusé, ce dernier n’éprouvera, en
conséquence, aucunement le besoin tactique de mentir pour échapper à la sanction
pénale. Il s’agira, d’une certaine manière, d’un aveu-vérité positif car ladite
reconnaissance de culpabilité procèdera d’une déclaration circonstanciée de l’accusé,
sans que le processus d’autoaccusation ainsi obtenu ne découle d’une longue et
fastidieuse procédure visant à confondre le délinquant avec des versions antagonistes. Si
les faits sont spontanément reconnus, il ne sera aucunement nécessaire, même devant
une Cour d’assises, de s’éterniser sur la question de la culpabilité puisqu’elle est
d’emblée tranchée. Il s’agira également d’un « aveu-vérité positif » en ce qu’il
interviendra au soutien d’une enquête parfaitement menée, la reconnaissance de
culpabilité n’étant qu’une confirmation du rapport de synthèse effectué par les officiers
de police judiciaire, puis de l’ordonnance de mise en accusation du magistrat instructeur
130
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
rédigée sur le fondement de cette enquête ; enfin, du réquisitoire définitif du parquet qui
reprendra quasiment à la lettre, le plus souvent, ladite ordonnance. Il s’agira donc en
pareilles circonstances d’un aveu autonome ou spontané. Ainsi, la stratégie personnelle
du délinquant est inséparable de la conscience qu’il a des conséquences pénales
attachées à ses fautes ; or, en l’absence d’une telle conscience, l’aveu de culpabilité sera
aisément consenti, ce qui posera la question face à de tels individus, de la légitimité
d’une mesure privative de liberté en milieu pénitentiaire, puisque ces personnes
devraient relever davantage d’établissements psychiatriques. C’est d’ailleurs toute la
différence entre l’affaire PAULIN (novembre 1984)170 où l’accusé avouera
spontanément les faits car s’avèrera incapable d’en mesurer la portée et l’affaire
SUCCO (1988)171 lequel avouera tout en admettant leur particulière gravité. En effet, le
10 février 1988, dans le cadre d’un mandat d’arrêt international le visant nommément,
M. Roberto SUCCO est interpellé dans la banlieue de Trévise, en Italie. Interrogé sur sa
profession, il rétorque sans sourciller : « Tueur ! » ; propos qu’il convient de mettre en
relation avec la lettre écrite en détention par l’accusé à Odino SPOLEAR : « Je ne sens
plus rien, je suis une personne privée de sentiment, mais pas égarée »172 .
170
Thierry PAULIN était un tueur en série français né le 28 novembre 1963 à Fort-de-France en
Martinique et mort le 16 avril 1989. Il était surnommé le « Tueur de vieilles dames ». Entre octobre et
novembre 1984, ce jeune martiniquais a étranglé huit femmes âgées dans le 18ème arrondissement de
Paris. Entre décembre 1985 et juin 1986, il en a tué onze de plus. Toxicomane et pervers, il exerçait la
profession de serveur au Paradis Latin, puis a organisé des soirées privées "à thème" et flambait dans les
boîtes de nuit. Il perpétra l’essentiel de ses crimes en plein jour. La police ne l’a interpelé qu’en 1987. Il
était séropositif et est décédé en 1989 avant d’avoir comparu devant une Cour d’assises. Son amant et
complice, Jean-Thierry MATHURIN, a été reconnu coauteur de neuf des meurtres et condamné à la
prison à perpétuité. Sur un plan pénal, l’accusé Thierry PAULIN reste donc présumé innocent.
171
Assassin de nationalité italienne qui se rendit coupable de diverses infractions de nature criminelle en
France, en Savoie, au cours des années 1987 et 1988. Son véritable nom est Roberto ZUCCO. A 19 ans, il
avait déjà assassiné son père et sa mère, mais il ne put être jugé pour ce crime commis le 9 avril 1981,
considéré comme inaccessible à une sanction pénale en raison de sa folie. Après son évasion de l'hôpital
psychiatrique où il était interné depuis cinq ans, il prendra la direction de la France, où il commettra
diverses infractions en concours, de nature différente, notamment des meurtres, viols et cambriolages. Ses
crimes ne prendront fin qu'avec son arrestation le 28 février 1988. Trois mois plus tard, il se suicidera
alors qu’il était en détention provisoire ; il demeure, par conséquent, à ce jour, présumé innocent.
172
Les grandes histoires criminelles, op.cit., p. 120, 124 et 125.
131
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
pouvant s’exercer soit par les médias, soit par l’opinion à une période donnée de
l’histoire où la peine de mort recueille très majoritairement les suffrages des électeurs.
C’est le cas, en France, en 1974 lors de l’affaire RANUCCI. En dépit des rétractations
des aveux de l’accusé lors de l’instruction, les aveux initiaux seront considérés comme
définitivement probants en dépit des témoignages pourtant contradictoires des époux
AUBERT. L’aveu de culpabilité préalablement consenti deviendra, nonobstant les
rétractations tardives de l’accusé, une vérité absolue sur la culpabilité car la vindicte
populaire était trop intense.
86- L’aveu saisi par les neurosciences. La question se pose également lorsque la
vérité judiciaire sera recherchée au moyen des neurosciences. A ce titre, la question de
la réception des neurosciences par le droit pose une difficulté173. En effet, dans ce cadre,
un rôle de plus en plus limité semble réservé à la conscience donc à l’intention de
l’auteur de l’aveu. Au surplus, il apparaît paradoxal de vouloir susciter un acte
responsable en l’absence d’une réelle liberté de la personne concernée. Car si les
neurosciences, notamment l’imagerie thermale, l’empreinte du cerveau (Brain
Fingerprinting) et l’imagerie par résonance fonctionnelle (IRM), apparaissent
principalement au service de la vérité judiciaire, le droit pénal français considère
toujours ce type de preuve comme irrecevable. En définitive, selon Peggy LARRIEU,
« si la recevabilité de la preuve neuro-scientifique en droit pénal est tout à fait
envisageable en application du principe de liberté de preuve, la question de sa valeur
probante pose problème, eu égard aux incertitudes entourant la fiabilité de ces
techniques », et par conséquent des interrogations d’ordre éthique qu’elle soulève.
D’ailleurs la question se pose de savoir si oui ou non le cerveau est rationnel. Cette
difficulté est d’autant plus problématique au moment où une ressortissante indienne a
été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité dans son pays par le tribunal de
Pune pour l’empoisonnement de son ex-fiancé parce que son cerveau traitait le mot
« cyanure », comme un terme familier, et donc sur le fondement de preuves obtenues en
procédant à un scanner, c’est à-dire un examen d’imagerie cérébrale174. La technique de
l’IRM fonctionnelle pour montrer que l’activité dans les régions liées au traitement
affectif permet de prévoir l’intensité de la peine infligée en fonction de différents
173
Peggy LARRIEU « La réception des neurosciences par le droit », AJ Pénal 2011, p. 231.
174
AJ Pénal, mai 2001, p. 232.
132
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
87- Aveu et irresponsabilité pénale. Les articles 122-4 et suivants du Code pénal
prévoient toute une série d’hypothèses où, en vertu d’un fait justificatif, une personne
ayant reconnu sa responsabilité pénale par l’aveu, peut ne pas encourir toutefois les
sanctions pénales qui y sont attachées. Il s’agit de causes objectives d’irresponsabilité
pénale que sont l’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime177, la
légitime défense178 ou encore l’état de nécessité179. La question se pose de savoir quelle
valeur accorder à des aveux passés dans un contexte permettant d’attester d’un fait
justificatif lequel pourra ôter aux faits reprochés leur caractère infractionnel. En
pareilles circonstances, l’aveu librement consenti n’entraînera pas obligatoirement de
déclaration de culpabilité par le juge pénal au nom d’une cause objective
d’irresponsabilité pénale ; en d’autres termes, l’aveu dans ce contexte constitue “une
exception de vérité” dans la mesure où la révélation objective des faits incriminés
n’aura pas comme incidence automatique et certaine la sanction pénale mais une
décision de relaxe ou d’acquittement.
175
Olivier OUILLER et Sarah SAUNERON, « Le cerveau et la loi : éthique et pratique du neurodroit »,
Paris, Centre d’analyse stratégique, www.strategie.gouv.fr, p. 4.
176
Ibid, p. 5.
177
CPP art. 122-4.
178
CPP art. 122-5.
179
CPP art. 122-7.
133
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
88- Une erreur judiciaire inconcevable. Dans ce mode de poursuite, les faits qui
sont reconnus correspondent le plus souvent à la vérité judiciaire. A ce titre, si le mis en
cause ne reconnaît pas les faits lors de son audition devant les services de police, il ne
pourra pas faire l’objet d’une procédure de ce type. Ce n’est donc qu’à la marge que les
faits reconnus préalablement devant le procureur de la République seront infondés.
Cette approche est celle du système répressif américain. Néanmoins, si dans le modèle
pénal français, le procès a besoin de célérité, la justice doit également disposer d’un
temps suffisant pour la réflexion. La durée des instructions en matière criminelle
constitue en effet un élément d’appréciation de cette sérénité compte tenu de la
nécessité d’ordonner des expertises venant parfois rapporter la preuve scientifique des
faits allégués. Or, le plaider coupable inaugure un autre rapport à la temporalité
judiciaire, notamment celle d’une préférence pour l’immédiateté au détriment du futur.
Cette nouvelle relation à la temporalité justifie la recherche de la négociation plutôt que
l’incertitude qui préside à toute audience correctionnelle classique. La question, en
revanche, n’est pas tranchée de savoir quelle valeur attribuer à une procédure qui fonde
son efficacité, donc sa vérité, sur un refus du temps, et ce au nom de la liberté.
Le plaider coupable renvoie donc, au regard de l’histoire des idées, à une morale
utilitariste d’essence libérale reposant sur une rationalité limitée du prévenu et la
recherche d’une satisfaction immédiate même si cette satisfaction vient instaurer une
inégalité entre les parties. Car la négociation engagée entre le parquet et la défense
conduit inévitablement à une rupture d’égalité des armes au nom d’une possible liberté
de la personne poursuivie.
180
Lydie ANCELOT et Myriam DORIAT-DUBAN « Analyse économique du plaider coupable », Revue
économique, Paris 2010/2 – Vol.61, p.241.
134
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
celui du glaive. Au-delà de cette opinion communément admise entretenue par une
presse faisant régulièrement état de la survenance d’erreurs judiciaires, la difficulté
posée à l’institution réside, à notre sens, davantage dans la relation que cette dernière
entretient avec, d’une part, la vérité, d’autre part, la morale. Les mutations induites par
la modernité judiciaire reposent donc sur un conflit de valeurs.
181
RIDP, La preuve en procédure pénale comparée. Association internationale de droit pénal, 1er et 2ème
trimestres, 1992, Toulouse, Editions Erès, p. 18.
182
Ibid, p. 173.
183
Dans le sillage d’historiens de la pensée pénale comme BECCARIA précité ou, au XIXème siècle,
Jérémy BENTHAM (1748-1842) qui la fonde en théorie.
135
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
judiciaire, loin de s’articuler à des idéaux considérés comme « théoriques » ne doit pas
méconnaître la vocation au bonheur individuel et son désir de liberté; il suit de là que le
délinquant, par calcul économique, fera en sorte que « le soin de sa propre « jouissance
(soit) laissé presque entièrement à l’individu », donc à lui-même184. Articulé à la
question de l’aveu en matière pénale, cette approche utilitariste conduit le prévenu à
renoncer au bénéfice d’un droit en contrepartie de la quasi certitude de l’obtention d’une
peine allégée. Toutefois, cette abdication volontaire du principe de présomption
d’innocence prévue par le dispositif de plaider coupable n’apparaît pas comme le signe
d’un déséquilibre inquiétant entre la défense et l’accusation mais peut s’interpréter
davantage comme la marque paradoxale d’une liberté accrue conférée à la personne
poursuivie. Il s’agit moins de garantir les grands principes du procès pénal que de
rechercher de façon pragmatique une solution équitable. Même si cette autolimitation
volontaire au bénéfice de droits peut susciter un sentiment de frustration relative pour la
personne poursuivie, elle n’en constitue pas moins une « préférence adaptative »185
selon l’expression de J. ELSTER, c’est à dire la meilleure solution par rapport à des
satisfactions considérées comme impossibles, en l’espèce rapporter la preuve de son
innocence dans une procédure dont l’efficacité recherchée repose sur l’aveu de
culpabilité. En effet, au travers de l’aveu, il s’agit de penser la question du statut de la
vérité judiciaire, et ce d’une manière assez problématique si l’on admet que la culture
française se concentre sur une vérité reposant sur l’établissement de faits résultant de
pièces versées dans un dossier pénal. Il s’agit donc de savoir quelle valeur attribuer à
cette vérité judiciaire lorsque, précisément, cette dernière n’a plus véritablement à être
recherchée dans une procédure, mais dans le simple aveu d’une personne poursuivie.
Dans le cadre de la CRPC, force est de constater que le juge homologue à 90 % des cas
la proposition émanant du procureur de la République, et donc rend une ordonnance
d’homologation sans que la question de l’innocence ou de la culpabilité, au-delà de
l’aveu de la personne poursuivie, ait réellement été abordée. Or, l’aveu ne constitue pas
en soi en matière pénale une preuve irréfragable de culpabilité. La démarche de
reconnaissance de culpabilité peut représenter une illusion, de sorte qu’elle doit rester
soumise à la libre appréciation du juge. Les risques d’atteinte aux droits de la défense se
posent dans un contexte particulier, celui de l’absence en droit pénal d’un véritable
184
Jérémy BENTHAM, Traité de législation civile et pénale, p. 97, Vol. I, éd. E. DUMONT, 3 vol.,
Paris, 1802.
185
Jon ELSTER, « Les Raisins verts », Paris, Bulletin du MAUSS, n°6 , 1983.
136
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU
137
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – RECEPTION DE L’AVEU ET SOUMISSION AUX CONTROLES
JURIDICTIONNELS
139
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
93- Aveu et droit au silence. Tout d’abord, l’aveu doit être effectué par l’auteur de
l’infraction, c’est-à-dire une personne consciente, afin que son consentement soit libre,
et ensuite, volontaire. Un interrogatoire est en effet nécessaire car, le plus fréquemment,
186
CPP., art. 427.
187
V. Coralie AMBROISE-CASTÉROT, « Recherche et administration des preuves en procédure pénale :
la quête du Graal de la vérité », AJ pénal 2005, p. 261 ; comp. avec la procédure civile : Cass. 2e civ.
7 oct. 2004, JCP 2005. II. p. 10025, note LEGER ; Philippe BONFILS, « Loyauté de la preuve et procès
équitable », D. 2005, p. 122.
188
On notera que l'article 536, relatif au tribunal de police, procède par renvoi à l'article 428.
140
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
le passage aux aveux s’opère durant la garde à vue de l’intéressé. Cette mesure
permettra également d’attester si la personne poursuivie confirme ses déclarations ou, à
l’inverse, décide de les rétracter. Même si le but de l’interrogatoire policier est la
recherche d’aveux, soit pour corroborer les indices de culpabilité dans le cadre d’une
information judiciaire soit pour servir de fondement à un mode de poursuite, il existe un
tempérament toujours possible, pour la personne mise en cause, c’est le droit au silence.
Il est notamment reconnu par l’article 14 (§3) g du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques de 1966 qui décide que « toute personne accusée d’une infraction
pénale a le droit de ne pas être forcée à témoigner contre elle-même ou de s’accuser
coupable ».
94- Aveu et accusation. S'il n'est plus regardé comme la preuve parfaite, l’aveu est
toujours recherché en raison de sa faculté certaine à affermir la thèse de l'enquêteur et
189
CEDH 8 février 1996, MURRAY c/ Royaume-Uni, 2 mai 2000 (req. n°14310/88) ; CONDRON c/
Royaume-Uni, 2 mai 2000 (req. n° 35718/97).
190
Renée KOERING-JOULIN, « Droit de se taire et ne pas s’incriminer soi même », RSC, 1997, p. 476 ;
M. AYAT « Le silence prend la parole : la percée du droit de se taire en droit international pénal », APC
2002- 1 (n° 24). Pauline DANJOU, « Le silence est d’or » Droit du procès et de la preuve judiciaire,
Université Paris Ouest M2BDE ESM-Comete, analyse comparée du droit de ne pas participer à sa
propre incrimination en droit anglais, français et européen.
141
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
95- Aveu et garde à vue. Dans le système pénal français, l’aveu est le plus souvent
appréhendé sous un mode négatif. Il découle de cet a priori que la personne mise en
cause est davantage appréhendée par les enquêteurs, le parquet et le juge pénal sous
l’angle de sa nécessaire culpabilité donc de sa responsabilité pénale. L’institution
judiciaire utilise un instrument approprié pour obtenir cet aveu, c’est la garde à vue. Le
moyen spécifique de réception de l’aveu dans le cadre d’une enquête pénale demeure en
effet ce huis clos et ce face à face entre le suspect et les services de police dans
l’enceinte d’un commissariat. Aussi, l’aveu constitue toujours une épreuve difficile pour
le mis en cause puisque le contexte essentiel de sa réception demeure cette mesure
privative de liberté. Le procédé suscite toutefois des interrogations croissantes quant à
son principe et son déroulement, ce qui pose in fine la question de sa légitimité
(SECTION PREMIERE), au-delà du cadre légal dans lequel il s’inscrit (SECTION
SECONDE).
SECTION PREMIERE : GARDE A VUE ET LEGITIMITE
96- La coercition comme principe. Lors d’une mesure de garde à vue, le principe
qui prévaut est celui de l’exercice d’une pression morale sur le suspect pour le conduire
191
Thérèse GAMBIER, « La défense des droits de la personne dans la recherche des preuves en procédure
pénale française », Dr. pén. 1992, chron. 66, spéc. n°4.
142
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
aux aveux. Pour les officiers de police judiciaire, cette mesure donnerait davantage de
crédibilité aux déclarations de la personne soupçonnée. De leur côté, les avocats
pénalistes considèrent habituellement que le dénuement dans lequel est placé l’intéressé
amenuise ses facultés cognitives. Cette fragilisation du suspect contraste avec les
pouvoirs des enquêteurs, donc du parquet. Autrement dit, en garde à vue tout aveu serait
extorqué. C’est par conséquent dans un subtil dosage entre la dimension coercitive de la
mesure privative de liberté et celle de la nécessaire loyauté dont doivent faire preuve les
enquêteurs que se déroule la garde à vue. L’aveu sera ainsi recherché soit pour
corroborer la version policière qui viendra du même coup consolider le sentiment de
l’accusation d’une culpabilité a priori. D’où l’antinomie entre l’exigence de loyauté et
la réalité de cette mesure privative de liberté fondée essentiellement sur la contrainte
(§1). Dans ce contexte, ce qui apparaît comme essentiel renvoie donc à la question de la
validité de l’aveu lorsque l’autocondamnation sera recherchée sans réel motif reposant
sur une nécessité de l’enquête. En outre, le temps dont dispose l’enquêteur pour établir
la culpabilité du suspect n’est pas équivalent à celui de l’intéressé pour faire valoir ses
droits à ce stade (§2).
§1 - Contrainte et loyauté
97- Une recherche d’efficacité sans nécessité. La difficulté qui se pose est de
savoir s’il existe des situations d’urgence suffisantes pouvant justifier, au-delà de la
légalité de la mesure, un placement en garde à vue. Et dans le contexte de cette mesure
privative de liberté la personne pourra faire l’objet de poursuites pénales sur le seul
fondement de ses aveux (A). Autrement dit, la recherche d’efficacité repose sur des
exigences qui peuvent parfois apparaître comme contradictoires entre, d’une part, la
nécessaire contrainte inhérente à cette mesure et, d’autre part, la loyauté devant présider
à la réception de l’aveu lors de la mesure de garde à vue (B).
143
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
au nom de valeurs censées revêtir une urgence absolue ou immédiate, une personne peut
être condamnée, même en l’absence de preuves irréfutables, mais sur la simple foi
d’une culpabilité que rien ne vient borner, si ce n’est l’intime conviction du juge. Et ce,
sans renier les valeurs fondamentales sur lesquelles repose cette démocratie moderne.
Selon le philosophe Michel TERESTCHENKO, la légitimité d’une obtention
impérieuse de l’aveu ne peut se concevoir que dans un contexte d’urgence absolue
justifiant un état de nécessité. En pareilles circonstances, « quiconque interdirait
d’extorquer par la torture des informations vitales en pareille situation, ne serait-il pas
comparable à ces fanatiques religieux qui refusent toute transfusion sanguine, quand
bien même il en irait de leur vie ou de celle de leurs proches ? N’est-ce pas là, au
demeurant, une situation relevant de l’ « état de nécessité », dont le code pénal de
nombreux pays admet qu’il puisse légitimer la violation de la loi ?» 192. La question qui
est ainsi posée est celle de la légitimité de la garde à vue dont l’objectif principal est la
recherche de l’aveu, au-delà du cadre légal dans lequel elle s’inscrit. Pour reprendre la
grille de lecture de l’économiste Max WEBER193 il s’agit d’un type de légitimité légale-
rationnelle se définissant par l’obéissance à des règles abstraites, le détenteur de ce
pouvoir légal étant lié par cette dimension impersonnelle tout comme celui qui subit ce
pouvoir. C’est donc davantage comme citoyen que comme réellement suspect que la
personne mise en cause consentira à avouer, car elle acceptera la légitimité d’un pouvoir
légal justifié par la compétence présumée de celui qui l’exerce. Ce faisant, l’aveu
subjectif de culpabilité pourra ne pas correspondre à une réelle reconnaissance objective
de culpabilité qui aurait pu s’établir en l’absence de cette domination symbolique
exercée par l’enquêteur. C’est la raison pour laquelle, assez fréquemment, le suspect
avouera davantage pour dire ce que l’enquêteur attend de lui, qu’en raison du sentiment
d’une réelle culpabilité. L’influence qui s’exerce permet ainsi qu’un individu puisse
s’autoaccuser de faits imaginaires uniquement pour ne pas contrarier les objectifs des
enquêteurs même si cette disposition d’esprit aggravera le sort du mis en cause. L’aveu
ainsi obtenu ne sera pas celui d’un réel suspect mais celui d’un citoyen soucieux de ne
192
Michel TERESTCHENKO, Du bon usage de la torture ou comment les démocraties justifient
l’injustifiable, Paris, Editions La Découverte, 2008, p. 74.
193
Max WEBER, Economie et société, tome I, Paris, Pocket, 1995, p. 221.
144
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
pas s’opposer à la thèse d’une autorité censée être légitime, à laquelle il doit, à tort ou à
raison, obéissance, même si cette posture est contraire à ses intérêts. Par conséquent,
non seulement dans son principe la relation entre accusation et défense est inégalitaire
en matière pénale, mais la mesure de garde à vue génère également une attitude servile
du mis en cause face à l’autorité toute-puissante qui l’accuse. Il en résulte qu’une
personne pourra passer aux aveux davantage pour conforter la thèse de ses accusateurs
voire se rendre à leurs yeux digne d’intérêt. Il s’agira d’aveux de jactance, ce qui, du
même coup, comme un cercle vicieux, consolidera davantage la thèse de l’accusation,
puisque le mis en cause aura avoué. Pour utiliser la typologie classique de la science
politique, il s’agit, en l’espèce, davantage d’un pouvoir d’influence que d’un pouvoir
d’injonction194.
Le pouvoir d’injonction ne repose que sur la simple coercition ce qui suppose que
l’exercice d’une contrainte soit possible. Placé en garde à vue, le mis en cause subit
indiscutablement une forme de contrainte, ne serait-ce que, parfois, par la virulence de
l’interrogatoire. Mais, en réalité, il s’agit davantage d’un pouvoir d’influence lequel
propose, contrairement au pouvoir d’injonction, des gratifications et repose sur des
normes de conformisme. Ainsi, l’enquêteur demandera au suspect d’avouer en échange
d’une clémence du parquet ou de la juridiction appelée ultérieurement à statuer (« si tu
avoues, ils tiendront compte de ta bonne foi »). Car le pouvoir d’injonction interpelle le
principe de légalité tandis que le pouvoir d’influence convoque un autre principe : celui
de légitimité. Or, un pouvoir légal peut ne pas être légitime.
194
Philippe BRAUD : « Du pouvoir en général au pouvoir politique » in Madeleine GRAWITZ
M. et Jean LECA, Traité de science politique, Paris, PUF, 1985 et Philippe BRAUD, Sociologie
politique, Paris, LGDJ, 1992.
145
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
considérée comme innocente, mais de l’emprise du pouvoir exercé par ceux qui la
soumettent à leur interrogatoire. C’est par conséquent la question de la loyauté dans la
réception de l’aveu qui est posée.
146
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
Les enquêteurs peuvent procéder à un interrogatoire strict sans relâche pendant plus de
dix heures par jour et donc arracher des aveux qui sont rarement empreints de sincérité
mais davantage dictés par le souci, du côté du prévenu, épuisé physiquement et
moralement, d’en finir pour bénéficier d’une peine parfois allégée. Sur le fondement de
ces aveux, les médias vont diffuser des informations dans les journaux qui concluent
systématiquement à une culpabilité définitive de l’intéressé avant même l’ouverture du
procès, ce qui contribuera à jeter le discrédit sur l’accusé dans l’opinion. Si un droit au
silence existe théoriquement, cette garantie est très souvent bafouée, ce qui conduit, en
pratique, à une déclaration de culpabilité avoisinant les 99,8 %196. Cette question
éthique dans la réception de l’aveu est d’autant plus problématique qu’à rebours des
inflexions juridiques découlant de la loi du 14 avril précitée relative à la garde à vue, le
Livre Blanc sur la sécurité publique publié le 26 octobre 2011197, propose de créer un
délit d’entrave à l’enquête judiciaire en cas d’obstruction active, et transposer pour les
témoins l’obligation de témoigner et l’incrimination de faux témoignage (sauf auto
incrimination). En effet, au visa de l’article 105 du CPP198, « Les personnes à l'encontre
desquelles il existe des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le
juge d'instruction est saisi ne peuvent être entendues comme témoins ». Or, les
prescriptions de l’article 105 précité ne sont pas violées dès lors qu’un suspect qui avait
sollicité qu’aucun procès-verbal de ses déclarations ne fût dressé, n’a pas été entendu en
qualité de témoin et qu’il ne peut s’en faire un grief. De plus, il n’y a pas violation de
l’article 105 si la personne n’a pas été entendue. Aucune décision de nullité n’est
d’ailleurs intervenue lorsque la personne n’avait pas encore reconnu les faits. En
revanche, l’audition comme témoin de la personne suspecte se justifie quand il y a lieu
de vérifier la sincérité de ses aveux199, ou de l’existence d’indices graves et
196
Mohammed AYAT, « Le silence prend la parole : la percée du droit de se taire en droit international
pénal », APC 2002- 1 (n° 24).
197
Michel GAUDIN et Alain BAUER, Livre Blanc sur la sécurité publique, Ministère de l’ntérieur, 25
octobre 2011.
198
Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 - art. 31 JORF 16 juin 2000 en vigueur le 1er janvier 2001.
199
Cass. crim., 21 mai 1985, Bull.crim, n° 194- Cass. crim., 1er sept. 1987, Bull.crim., n° 308.
147
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
concordants200. Enfin, l’aveu n’interdit pas l’audition d’une personne comme témoin dès
lors qu’il n’existait pas au préalable d’indices graves à son encontre. Cette audition peut
avoir pour but de vérifier la crédibilité de ses aveux201.
200
Cass. crim., 24 fév.1987, Bull. crim. n° 93 ; v. les attendus s. n° 92.02 –v. aussi Cass. crim., 1er
févr.1988, Bull.crim., n°47- Cass. crim., 22 avr. 1999, Bull. crim., n° 172.
201
Cass.crim., 16 juin 1981, Bull. crim., n° 207.
202
CEDH, 25 fév. 1993, FUNKE c/ France (req. no10588/83); CEDH, 17 déc. 1996, SAUNDERS c/
Royaume-Uni (req. n° 19187/91).
148
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
A ce titre, l’aveu en matière pénale s’inscrit dans un contexte qui demeure celui
d’une marge d’appréciation importante de l’officier de police judiciaire, lequel pouvoir
est rappelé par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Dans un arrêt du 14 juin
2006, la Cour de cassation a souligné que les nécessités de l’enquête justifiant le
placement en garde à vue devaient être librement appréciées par l’officier de police
judiciaire190 ; il s’ensuit que cette mesure repose donc sur l’appréciation de l’enquêteur
s’apparentant à un rôle pré-juridictionnel, notamment en matière de prolongation des
gardes à vue laquelle est décidée davantage en raison de l’encombrement des
juridictions et la surcharge de travail imposé aux enquêteurs que pour de réelles
nécessités tirées de l’enquête. Depuis la loi du 14 avril 2011 précitée, six motifs de
placement en garde à vue ont été créés. En effet, l'article 2 de la loi du 14 avril 2011 a
introduit une notion d’objectifs de la mesure. Le placement en garde à vue d'une
personne nécessite que la mesure soit prise pour au moins l'un des motifs suivants (art.
62-2 du CPP) :
203
CEDH, 8 février 1996, n°18731/ 91.
149
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
103- Une inégalité fondamentale entre les parties. Force est d’admettre qu’en
dépit des avancées du législateur par la réforme du déroulement de la garde à vue,
150
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
subsiste un déséquilibre entre les parties (A). L’aveu, même plus strictement encadré
sur un plan légal, demeure largement extorqué (B) d’une manière plus ou moins
implicite. Cette tendance persistante à la réception de l’aveu par les enquêteurs d’une
manière plus provoquée que proposée peut poser parfois également la question de la
loyauté des fonctionnaires chargés de le recueillir (C). Car la sincérité de l’aveu est
étroitement liée à l’éthique personnelle de celui qui le réceptionne, surtout dans un
contexte où le droit au silence n’est que rarement utilisé. En d’autres termes, l’outil
pénal que constitue la garde à vue est dissymétrique par rapport aux garanties concrètes
du justiciable. Aussi, le cadre légal entourant l’aveu répond à une nécessité comme nous
le montrent les limites du droit au silence dans le droit pénal européen comparé.
104- La mesure de garde à vue : un moyen approprié pour obtenir des aveux
d’un suspect. A notre sens, ce n’est pas tellement le principe d’une mesure privative de
liberté qui est contestable mais davantage, à la marge, les modalités de son déroulement.
C’était, en effet, jusqu’à la réforme du 14 avril 2011, dans un contexte particulier, celui
d’une situation d’isolement de la personne soupçonnée, qu’était recherché son degré
d’implication ou pas dans un dossier pénal. La mesure de garde à vue avait ainsi pour
objet de rechercher une efficacité accrue dans un temps assez court. Comme
conséquence de la loi du 8 décembre 1897 qui avait ouvert aux avocats les cabinets
d’instruction, le parquet et la police, en quête d’une meilleure efficacité, ont mis en
œuvre une enquête officieuse qui, jusqu’à la réforme du 14 avril 2011, s’effectuait hors
la présence d’un défenseur dans le seul but d’obtenir des aveux. Aussi, lorsqu’au cours
d’une mesure de garde à vue, les enquêteurs agissant pour l’exécution d’une
commission rogatoire se trouvaient dans l’impossibilité matérielle de déterminer le
degré d’implication d’une personne interrogée donc de déterminer exactement les faits
qui lui étaient reprochés, ces derniers étaient tentés de les lui extorquer. A ce titre, dans
le cadre d’une enquête préliminaire, le contradictoire n’existait pas puisque l’avocat
était absent de son déroulement, c’est la logique policière qui l’emportait sur toute
défense pénale car l’avocat n’avait pas connaissance du dossier ce qu’il n’a d’ailleurs
151
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
152
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
153
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
recherchée dans des délais impartis souvent assez courts et la réelle fiabilité de
l’enquête. Car l’espace (les locaux des services de police ou de gendarmerie) et le temps
(très limité) peuvent conduire à une déloyauté émanant des enquêteurs. Or, cette
inégalité vient creuser davantage le fossé entre défense et accusation en dépit des efforts
louables du législateur en mars 2007 pour « tendre » à équilibrer la procédure pénale204.
204
Loi n°2007-291 du 5 mars 2007, tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale.
205
CPP, art.62.
154
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
au silence de la personne mise en cause laquelle s’enlisera dans ses mensonges et/ou
dénégations. Dans ce cas, l’enquêteur éprouvera des difficultés, en dépit de preuves
irréfragables, pour obtenir des aveux circonstanciés. Lorsqu’il s’agit, en effet, de
délinquants récidivistes ces derniers sont particulièrement habiles pour mentir
précisément parce qu’ils disposent d’une mémoire redoutable. En effet, pour être un
excellent menteur encore faut-il, expliquent les psychologues, être doté d’une excellente
mémoire. Il est d’autant plus difficile de prendre en défaut une personne mise en cause
que cette dernière, coutumière des mesures de garde à vue et des prétoires, a souvent un
temps d’avance sur les enquêteurs car son existence quotidienne est rythmée par la
délinquance. Par suite, l’intéressé saura davantage anticiper les questions qui lui seront
posées et les réponses adéquates à effectuer. Car le délinquant a déjà intégré le risque
attaché à ses actes et préparé les explications ou justifications qu’il fournira
ultérieurement devant le capitaine de police. C’est dire suffisamment à quel point
s’instaure un bras de fer entre certains délinquants et enquêteurs lesquels ne sortent pas
toujours vainqueurs car, tout d’abord, au-delà des preuves matérielles, ils ont un temps
de retard bien souvent sur les délinquants ; il s’ensuit, que les faits reprochés ne
permettent pas, à l’issue d’une courte garde à vue d’asseoir une culpabilité ; ensuite,
parce que le CPP prévoit, en pareilles circonstances, que le doute doive profiter à la
personne mise en cause. En outre, le rapport de force entre ce type de délinquants et les
officiers de police judiciaire constitue un rapport au temps. A ce titre, puisque l’activité
criminelle est considérée comme un métier pour les membres du grand banditisme, elle
suppose toute une préparation en amont afin de pallier les risques d’une garde à vue, en
termes d’alibis à fournir le cas échéant ou d’éventuels témoins à citer à décharge car,
dans le système inquisitoire, les témoins qui seront cités par le parquet seront toujours,
par définition, à charge. C’est sans doute la raison pour laquelle le but essentiel de
l’interrogatoire est précisément d’obtenir cette reconnaissance des faits qui permettra au
magistrat de procéder à la qualification pénale appropriée, même si la procédure pourra
néanmoins aboutir sans confession de la personne soupçonnée. Car l’interrogatoire de
première comparution dans la perspective d’une mise en examen peut seulement être
155
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
réalisé par un juge, jamais par un officier de police judiciaire, même agissant en vertu
d’une commission rogatoire délivrée par le magistrat instructeur206.
206
CPP. art.152.
156
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
neutre et le juge en tire souvent une impression négative. Au surplus, le prévenu n'a pas
à prêter serment de dire la vérité car il bénéficie du droit à ne pas s'auto-incriminer donc
d’un droit corrélatif au mensonge, fut-il théorique, car il sera rarement mentionné par
les officiers de police judiciaire lors de la notification de la garde à vue.
207
CEDH, 30 juin 2008, 5ème section, Aff. X…c/ Allemagne (req. n°22978/05).
157
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
vérifier l’authenticité desdits aveux. Que par conséquent, en dépit des moyens utilisés
contraires à l’article 3 précité, il n’y avait pas eu violation de l’article 6 §§ 1et 3 CEDH.
Dès lors, la CEDH a admis que des aveux obtenus de façon brutale lors d’un
interrogatoire, donc en violation de l’article 3 CEDH, puissent toutefois entraîner la
condamnation du requérant car, tout d’abord, des poursuites engagées contre les
policiers mis en cause avaient contribué à redresser la violation, ensuite, parce que
lesdits aveux passés postérieurement mais conformes à la phase d’interrogatoire
devaient conduire le tribunal régional à rentrer en voie de condamnation.
158
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
éléments relevés, la Cour a donc estimé que « les menaces réelles et immédiates
proférées à l'adresse du requérant afin de lui extorquer des informations ont atteint le
degré minimum de gravité voulu pour que le comportement litigieux tombe sous le
coup de l'article 3 » (§ 108) et considéré par conséquent que « la méthode
d'interrogatoire à laquelle le requérant a été soumis dans les circonstances de la
présente affaire a été suffisamment grave pour être qualifiée de traitement inhumain
prohibé par l'article 3, mais n'a pas eu le niveau de cruauté requis pour atteindre le
seuil de la torture » 211. Toutefois, la Cour a noté que « la non-exclusion des preuves
matérielles litigieuses, recueillies à la suite d'une déclaration extorquée au moyen d'un
traitement inhumain, n'avait pas joué dans le verdict de culpabilité et la peine
prononcés » et que « les droits de la défense et le droit de ne pas contribuer à sa propre
incrimination ont eux aussi été observés, de sorte qu'il y a lieu de tenir l'ensemble du
procès du requérant pour équitable » (§ 187)212. Pourtant, selon M. LAMBERT213 :
« N'est-ce pas une forme de torture que l'interrogatoire qui se prolonge des heures et
des heures, et où les policiers se relaient jusque dans la nuit pour profiter de
l'épuisement intellectuel de leur adversaire, finalement acculé au vertige mental d'où
procède l'aveu (...). C'est au criminel d'abréger lui-même sa torture morale en disant au
plus tôt la vérité. Torture encore et même torture physique, pourtant nullement
prohibée, que d'avoir à demeurer assis sur une chaise, un jour entier puis une nuit et
davantage encore : facteur d'aveu. Tortures aussi et tortures physiques, la faim de
l'interrogé (...), son sommeil que nous refusons, son besoin de fumer, que nous
méconnaissons : toutes tortures licites, tous facteurs d'aveu ». En toutes hypothèses, si
le silence de l’accusé ne peut à lui seul permettre de conduire à sa culpabilité, il peut
venir corroborer d’autres éléments à charge.
211 Ibid.
212
Sabrina LAVRIC, « L'Allemagne condamnée pour des méthodes d'interrogatoires », Dalloz actualité
16 juin 2010.
213
Louis LAMBERT, Traité théorique et pratique de police judiciaire, ed. Desvigne, Lyon 1947.
214
MURRAY, 8 février 1996, cette chronique in JCP G 1997, I, 4000, n°18.
159
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
d’Etats sont condamnés par la CEDH pour des motifs de violences exercées lors des
interrogatoires policiers215. Les garanties entourant l’aveu doivent être strictes dans le
cadre de la recherche de ce qui est l’essence même du procès pénal : la vérité. Il en
découle que seuls des procédés légaux excluant toute ruse peuvent être admis, afin de
ne pas violer le principe de loyauté dans la réception de l’aveu.
109- La liberté des parties dans le choix des modes de preuve. En matière pénale,
la loyauté dans l’administration de la preuve est le corollaire d’un autre principe, celui
de la liberté de cette preuve. En théorie, prévaut un principe d’égalité entre les parties
dans la recherche d’indices pouvant servir à la manifestation de la vérité ; en revanche,
en procédure civile, il existe une hiérarchie des preuves, ce qui participe d’une autre
logique. C’est parce que les principes d’égalité et de liberté doivent présider aux
destinées du procès pénal que le magistrat fera reposer son jugement sur son intime
conviction. Toutefois, la question se pose de savoir si dans le cadre d’une mesure de
garde à vue, le principe de loyauté dans l’administration de la preuve sera respecté.
L’exigence du respect des droits de la défense du suspect pourra apparaître comme
théorique car les enquêteurs auront tendance à les transgresser en conduisant le suspect
à passer aux aveux, c’est-à-dire à admettre une vérité judiciaire laquelle pourra n’avoir
qu’un rapport lointain avec la vérité au cas d’espèce. C’est toute la différence entre la
théorie et la pratique en matière pénale car si, au regard des textes législatifs en vigueur,
l’intéressé doit être prémuni contre toute forme de contrainte, qu’elle soit de nature
psychologique ou corporelle, force est d’admettre que la réalité est fréquemment
éloignée de ce cadre juridique. C’est la raison pour laquelle la violence physique ou
symbolique qui pourra être exercée par les policiers conduira parfois les personnes
gardées à vue à se rétracter, une fois la menace passée.
215
CEDH, 27 août 1992, (req. N° 12850/87), TOMASI c/ France, D. 1993. 383, obs. Jean-
François RENUCCI, RSC. 1993, p. 33, obs. Frédéric SUDRE ; CEDH 28 juillet 1999, (req. n°25803/94),
SELMOUNI c/ France, D. 2000, somm. p. 179, obs. Jean-François RENUCCI; JCP 1999, II, 10193, obs.
Frédéric SUDRE.
160
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
216
V. égal. Cass. crim., 6 avr. 1993, n° 93-80.184, JCP 1993, II, p. 22144, note Michèle-Laure RASSAT ;
Jean PRADEL et A. VARINARD, ibid.
217
V. Pierre MIMIN, « La preuve par magnétophone », JCP 1957, I, p. 1370.
218
Cass. crim., 30 mars 1999, n° 97-83.464, Bull. crim. n° 59, Procédures 1999, comm. 215, obs.
Jacques BUISSON, D. 2000, p. 391, note Th. GARE.
219
Cass. crim., 11 mai 2004 [2 arrêts], n° 03-80.254 et n° 03-85.521, et Cass. Soc. 30 juin 2004, D. 2004,
p. 2326, note H. KOBINA GABA.
161
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
111- La liberté du juge dans l’appréciation des preuves. L'aveu peut également
être recueilli de manière quasi-clandestine, en procédant à des enregistrements ou des
écoutes de la personne soupçonnée à son insu. En matière de criminalité organisée les
articles prévoient par exemple la possibilité pour des officiers de police judiciaire de
procéder à des infiltrations222, au cours desquelles pourront être recueillies toutes
informations utiles à la manifestation de la vérité même si un simple témoignage ne
saurait suffire à asseoir une condamnation223. Autre évolution favorable, la loi du 5 mars
2007 a introduit une nouvelle garantie du respect des droits de la défense au cours de la
garde à vue : l’enregistrement des interrogatoires. Il s’agit d’un dispositif visant à
220
Cass. crim. 30 mars 1999, préc.
221
Cass. crim. 12 septembre 2000, n° 99-87.251 , solution confirmée par Cass. crim. 11 juin 2002, n° 01-
85.559, Bull. crim., n° 131; D. 2003, p. 1309, note COLLET-ASKRI, Jean PRADEL et André
VARINARD, op. cit., ibid.
222
CPP. art.706-81 et s.
223
CPP. art.706-87.
162
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
224
n° 2012-228 QPC et n° 2012-229 QPC.
225
Cass. crim., 18 janv. 2012, n° 11-90.115, F P+B ; Cass. crim., 18 janv. 2012, n° 11-90.116, F P+B.
Décision n° 2012-228/229 QPC du 06 avril 2012.
163
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
En conséquence, les gardés à vue sur le fondement d’un délit ne voient pas leurs
droits renforcés, la protection des droits de la défense en matière correctionnelle
demeure inchangée, autrement dit, très faible. En outre, l’article 3 alinéa 5 du décret du
3 mai 2007 dispose : « Pour l'application des dispositions de l'article 64-1 relatif à
l'enregistrement audiovisuel de l'interrogatoire de la personne gardée à vue pour crime,
il est tenu compte de la nature de l'infraction dont est informée cette personne
conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 63-1, sans préjudice d'une
nouvelle qualification des faits à tout moment de la procédure par l'officier de police
judiciaire, le procureur de la République ou le juge d'instruction. L'enregistrement
original est placé sous scellé fermé et une copie est versée au dossier. » Dans un arrêt
du 3 avril 2007, la chambre criminelle estime que « le défaut d’enregistrement
audiovisuel des interrogatoires d’un mineur placé en garde à vue, non justifié par un
obstacle insurmontable, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne
concernée »226.
Il s’agit en l’espèce d’une nullité d’intérêt privé qui présente l’intérêt pour la victime
de la violation d’être bénéficiaire d’une présomption de grief : elle n’a donc pas à
démontrer que la violation de la formalité a porté atteinte à ses intérêts. Cette
présomption peut néanmoins être combattue par l’accusation en apportant la preuve de
circonstances insurmontables mais cette jurisprudence apparaît toutefois favorable au
gardé à vue.
La Cour de cassation a réaffirmé cette solution dans un arrêt du 12 juin 2007 dans les
mêmes termes bien que les circonstances de fait étaient différentes227. En vertu de la loi
du 5 mars 2007, l’enregistrement des déclarations doit être effectué sauf s’il ne peut
l’être en raison d’une impossibilité technique qui doit être versée au procès-verbal.
Aussi, en adaptant la solution antérieure de la Cour aux nouvelles dispositions, il
semblerait que l’impossibilité technique doive résulter d’une circonstance
insurmontable, d’un cas de force majeure rendant véritablement irréalisable
226
Cass. crim., 3 avril 2007, n° 06-87.264.
227
Cass. crim., 12 juin 2007, n° 07-80.94; Bull. crim. n° 155.
164
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
l’enregistrement ; une simple défaillance ne pouvant entrer dans ce cadre. Dès lors, la
Cour de cassation relève, au visa de l’article 4-VI de l’ordonnance de 1945, pris en sa
rédaction issue de la loi du 5 mars 2007 que : « Lorsque l’enregistrement audiovisuel
des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue ne peut être effectué en raison
d’une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès verbal, qui précise la
nature de cette impossibilité, et le procureur de la République ou le juge d’instruction
en est immédiatement avisé »228. La Cour estime que la méconnaissance de cette double
formalité conduit à l’annulation d’office de l’interrogatoire. Cette solution marque ainsi
une évolution eu égard aux précédentes : la Cour ne fait plus référence à la présomption
d’atteinte absolue aux droits du mineur. Il apparaît par conséquent que le défaut
d’enregistrement ne relève plus de la catégorie des nullités substantielles d’ordre privé
pour ne concerner que celles des nullités d’ordre public, dispensées de la preuve d’un
quelconque grief. Il s’ensuit que le gardé à vue n’est plus seul face aux policiers lors de
l’interrogatoire, la caméra instaurant une certaine distance entre ces derniers et le
suspect, en constituant un tiers neutre. L’enregistrement permet également de
déterminer les circonstances de l’interrogatoire, de savoir si l’aveu était réellement
sincère ou s’il a été influencé ; il peut servir de preuve, de fondement en défense. En
l’occurrence, cet aveu obtenu indirectement par un enregistrement a été résolu par la loi
et la jurisprudence. La reconnaissance des faits, ainsi extorquée à un individu placé sur
écoutes, a longtemps été considérée comme un moyen de preuve parfaitement valable.
Pourtant, dès les années 1980, ce procédé fut contesté dans la célèbre affaire
TOURNET229. En l’espèce, la défense soutenait que les écoutes étaient nulles ainsi que
toute la procédure subséquente pour irrespect du principe général de loyauté dans la
recherche des preuves et pour violation des articles 114 à 118 du CPP relatifs à
l'interrogatoire. Le rapprochement entre écoutes téléphoniques et législation sur
l'interrogatoire était astucieux : si le juge d'instruction recherchait l'aveu, alors il devait
respecter les exigences du CPP. Cependant, la Cour de cassation balaya ces arguments
et valida la procédure sur le fondement de l'article 81 CPP. Il s’ensuit que le système
228
Cass. crim., 26 mars 2008, n° 07-88.554 ; AJ Pénal 2008, p. 286.
229
Cass. crim. 9 octobre 1980, Bull. crim., n° 255, D. 1981, p. 332, note Jean PRADEL, JCP 1981, II,
19578, note DI MARINO.
165
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
français accorde une place importante à l’établissement des faits, qui, en matière pénale,
revêt, un caractère primordial. Ce rôle décisif conféré à l’élément matériel est souvent
rappelé par la Cour de cassation qui, dans un arrêt rendu le 7 décembre 2005, statuant
sur les pourvois formés par M. William X…et autre contre un arrêt rendu par la
chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a souligné, au visa
des dispositions contenues à l’article 81 CPP, le lien entre l’établissement des faits et la
vérité judiciaire, en ces termes :
230
Cass. crim. du 7 décembre 2005, n° 327, de pourvoi 05-85876, p. 1123.
231
Cass. crim. 6 octobre 1999, Bull. crim. n° 210 ; 16 mai 2000, Bull. crim. n° 190 ; 15 janvier 2003, Bull.
crim. n° 10.
232
CEDH, 25 Mars 2005, Arrêt MATHERON c/ France du 25 mars 2005, (req. n° 57752/00), RSC, 2006,
p. 343, obs. Laurent DI RAIMONDO.
166
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
233
Arrêt MATHERON, n° 57-752100, 29 mars 2005.
167
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
- cette ingérence était prévue et codifiée par les articles 100 et suivants du CPP ,
l'article 173 permettant à la personne mise en examen de contester devant la chambre de
l'instruction la régularité des actes de la procédure d'information suivie à son égard ;
168
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
Les arrêts subséquents répondent aux exigences posées par la CEDH. Dans une
décision du du 31 janvier 2006234, la Chambre criminelle a censuré, au visa de
l'article 593 CPP, un arrêt de chambre de l'instruction qui, saisie par un mis en examen
d'une requête en annulation d'actes d'une procédure ouverte des seuls chefs de faux et
usage de faux, escroquerie, abus de confiance et recel, sur le fondement d'une enquête
distincte versée au dossier, diligentée en application de l'article 45 de l'ordonnance du
1er décembre 1986, disposition permettant l'usage de moyens de coercition spécifiques,
234
N° 05-80.640.
169
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
Toutefois, l’arrêt du 11 mai 2006235 apparaît plus nuancé. A la demande des policiers
de la brigade des mineurs, M. X. s'était connecté, sur le réseau Internet, à un site de
rencontre homosexuel en se faisant passer pour un adolescent de quatorze ans. Il était
entré en relation avec C. qui avait accepté de lui transmettre des images de mineurs à
caractère pornographique. Les deux hommes ont pris rendez-vous et, sur les indications
de M., les policiers ont interpellé C au lieu fixé pour la rencontre. Ce dernier,
reconnaissant avoir conservé dans la mémoire de son ordinateur les photographies
litigieuses, a été cité directement devant le tribunal correctionnel pour détention,
diffusion et transmission en vue de leur diffusion d'images de mineurs présentant un
caractère pornographique. Malgré l'irrégularité des poursuites, C. fut condamné par le
tribunal correctionnel et la condamnation fut confirmée en appel. Devant la Cour de
cassation, C. invoqua la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des
droits de l'homme et des articles 53, 56, 76, 385, 591 et 593 du CPP, l'arrêt d'appel ayant
rejeté la demande d'annulation des poursuites malgré l'existence d'éléments de preuve
provenant d'une procédure à laquelle le prévenu est étranger et dont il n'avait pu
apprécier la régularité : il n'avait donc pu bénéficier d'un contrôle effectif et efficace de
la régularité de la procédure. Pour écarter l'exception de nullité prise du défaut de
versement aux débats d'une procédure d'enquête initiale mettant en causé un tiers, l'arrêt
d'appel retînt que les actes de la procédure engagée contre le prévenu étaient étrangers à
la première enquête. Pour la Chambre criminelle, le moyen ne saurait être accueilli
parce que la procédure mise en œuvre contre C. résultait des seules déclarations de
M. : la cour d'appel avait par conséquent bien justifié sa décision.
235
Cass. crim.. 11 mai 2006, Bull. crim. 2006, n°132, p. 482, n° 05-84.837, D. 2006, IR p. 1772 ; AJ pénal
2006, p. 354, note E.VERGES.
170
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
171
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
loyauté dans la recherche de la preuve par les magistrats240ou par les policiers agissant
pour l’exécution d’une commission rogatoire241, en encadrant strictement les écoutes
téléphoniques sauvages ou l’enregistrement clandestin242, aucune disposition légale ne
permet toutefois au juge pénal d’écarter les moyens de preuve présentés par les parties
au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale243. Mais il leur
appartiendra, en application de l’article 427 susdit, d’en apprécier la valeur probante
après les avoir soumis au débat contradictoire244. Aussi, l’exigence d’une
communication des pièces à la partie adverse avant l’audience, ne peut être tirée des
dispositions de l’article 427 CPP245. Par conséquent, encourt la cassation l’arrêt qui
écarte les pièces produites aux débats au motif qu’elles auraient dû être communiquées
au ministère public avant l’audience246.
113- Droit au silence et utopie. Même si, en théorie, les contours d’un droit au
silence sont constamment rappelés, force est d’admettre, qu’en pratique, les atteintes à
l’innocence constitutionnellement présumée restent nombreuses. Plus récemment, la loi
précitée n°2011-392 relative à la garde à vue impose la notification du droit au silence
par l’officier de police judiciaire247. Il s’agit désormais d’une obligation et non d’une
240
Ch. Réunies, 31 janv. 1888, WILSON, S. 1889, 1, 241, déloyauté d'une procédure où un juge
d'instruction avait téléphoné à un suspect pour obtenir des éléments de preuve sans mentionner sa qualité.
241
Cass. crim. 12 juin 1952, IMBERT, JCP 1952, II, 7241, déloyauté dans une procédure où un policier
avait organisé une conversation téléphonique, en dictant les questions et les réponses d'un des
intervenants.
242
Cass. crim. 16 décembre 1997, Bull. crim. no 131: l’enregistrement effectué de manière clandestine par
un officier agissant dans l'exercice de ses fonctions des propos tenus fussent spontanément par un suspect
élude les règles de la procédure pénale et compromet les droits de la défense.
243
Cass. crim. 11 juin 2002, Bull. crim. n° 131 p. 482.
244
Cass. crim. 10 novembre 2004, Bull. crim. n° 285 p. 1065.
245
Cass. crim., 12 janvier 2005, Bull. crim. n° 17 p. 46.
246
Cass. crim., 11 mai 2006, Bull. crim. n° 132 p. 482. Jurisprudence postérieure : Cass. crim., Cassation
partielle, 9 août 2006, n° 06-83.219, Bull. crim. 2006, n° 202, p. 721. Cass. crim., 4 juin 2008, n° 08-
81.045, Bull. crim 2008, n° 141, RSC 2008, p. 621 ; Cass. crim., 7 février 2007, n° 06-87.753, Bull. crim
2007 n° 37 p. 241; RSC 2008, p. 663, obs. Jacques BUISSON.
247
Article 63-1 CPP : « La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de
police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle
172
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
simple faculté. Cette notification devrait, en théorie, garantir l'effectivité des droits de la
défense surtout lorsque la personne gardée à vue ne sollicitera pas l'assistance de son
avocat durant ses interrogatoires. Car désormais dans l’hypothèse de pressions
policières, le suspect pourra se taire, sans que l’on puisse déduire de son attitude une
quelconque culpabilité. En outre, lors de la présence de l’avocat, une discussion pourra
s’instaurer entre les enquêteurs et la défense s’apparentant à une phase préalable du
procès notamment par la jonction d'observations écrites de l'avocat. Désormais, le
suspect bénéficie d’un droit absolu de se taire, par conséquent de n’effectuer aucune
déclaration et de ne répondre à aucune question.
comprend, le cas échéant au moyen de formulaires écrits : du droit d’être assistée par un avocat,
conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 (3°) et du droit, lors des auditions, après avoir décliné son
identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ».
248
Le terme interrogatoire a désormais disparu au profit de celui d’audition. Denis SALAS, « Le
consentement à l’aveu. A propos de « Crime et Châtiment » de Dostoïevski », Les cahiers de la justice,
avril 2011, p.49 ; Hervé VLAMYNCK, « Le questionnement policier », Les cahiers de la justice, avril
2011, p.57 ; Paolo NAPOLI, « L’art d’interroger », Les cahiers de la justice, avril 2011, p.11.
173
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
249
Ioannis PAPADOPOULOS – « Pas d’américanisation du droit mais des convergences avec les droits
anglo-saxons ». Propos recueillis par Loïck CORIOU, Le Monde, 1er juin 2004.
250
Charlotte GIRARD, Culpabilité et silence en droit comparé, Première partie chapitre I intitulé “La
tradition inquisitoire contre le droit au silence”, Coll. “Logiques juridiques”, Paris, L’Harmattan, 1997,
p. 27.
251
CEDH 25 février 1993, FUNKE c/ France, D. 1993, p. 457, obs. PANSIER, D. 1993, somm. 387, obs.
RENUCCI, JCP 1993, II, 22073, note GARNON.
252
CEDH, 25 février 1993, FUNKE c/ France, § 44 : A 256-A ; JCP G 1994, I, p. 3742, chron.
Frédéric SUDRE.
253
C. douanes, art. 431 et 432 bis, 1.
254
§ 44.
174
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
255
CSCE, 18 octobre 1989, aff. 394/97, ORKEM : Rec. CJUE 1989, p. 3283, pt 30, concl. M. DARMON.
256
CEDH, 7 octobre 1988, SALABIAKU c/ France : A 141 – A. – CEDH, 25 février 1993, FUNKE c/
France, préc. supra n° 155 ; CEDH, 3 mai 2001, JB c/Suisse : JCP G, 2001, I, 342, chron. Frédéric
SUDRE.
257
La première définition de ce droit a été donnée par le juge GODDARD dans Blunt v. Park Lane Hotel
en 1942. « Le silence est d’or» ? Analyse comparée du droit de ne pas participer à sa propre incrimination
en droit anglais, français et européen - Pauline DANJOU, Droit du procès et de la preuve judiciaire,
Université de Paris, Nanterre, 30 juin 2009.
258
Serge GUINCHARD et Jacques BUISSON, Procédure pénale 7éme édition 2011 ; Philippe BONFILS
et Coralie AMBROISE-CASTEROT, Procédure pénale, Paris, Thémis, PUF, 1ère Ed. 2011 ; Etienne
VERGES, Procédure pénale, Paris, Broché, 2011 ; Charlotte GIRARD, Culpabilité et Silence en Droit
Comparé, Paris, L’Harmattan, 1997 ; Philippe CONTE, Patrick MAISTRE DU CHAMBON, Procédure
175
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
En effet, lorsque la police est chargée de mener une enquête, il lui appartient de
décider de poursuivre ou non l'auteur de l'infraction. La décision relève de l'autorité
exclusive de l'officier de police une fois les preuves rassemblées et le suspect
interrogé259. Selon les dispositions du Police and Criminal Evidence Act, lorsque la
personne interpelée n’est pas informée de ses droits, les preuves obtenues à la suite de
cette omission, notamment les confessions du suspect peuvent être exclues par le
tribunal. Cette exclusion n’est pas automatique ; elle est soumise à l’appréciation du
juge260. Un respect absolu est, en outre, attaché à ce droit ; ce qui signifie que le tribunal
appelé à statuer ne pourra tirer de conclusions hâtives, contrairement à ce qui prévaut,
en pratique, dans le procès pénal français, dans le sens d’une culpabilité de la personne
mise en cause. Si l’accusé choisit ultérieurement de se livrer à des déclarations, son
statut sera celui d’un simple témoin et sous serment, non seulement pour répondre aux
questions de son avocat « examination chief » mais également pour se soumettre à
l’interrogatoire par le ministère public « cross examination ». Or, en pareilles
circonstances, l’accusé ne pourra plus mentir car il ne sera plus protégé contre
l’autoaccusation pouvant résulter de ses propos. En revanche, si l’accusé choisit
l’absence de témoignage, le parquet ne pourra pas en tirer de conclusions prématurées
relatives à ce renoncement dans le sens de sa culpabilité261.
pénale, 4ème Edition, Paris, Armand COLIN, 2002 ; François FOURMENT, Procédure pénale, Paradigme
Publications Universitaires, 2004 ; Renée KOERING-JOULIN, Droit de se taire et ne pas s’incriminer soi
même, RSC, 1997, p. 476 - Mohammed AYAT, Le silence prend la parole : la percée du droit de se taire
en droit international pénal, APC 2002- 1 (n° 24).
259
Code C., paras 16.1 to 16.3; Police and Criminal Evidence Act 1984, s. 47 (3) (b).
260
Peter ALLBRIDGE « Reform Movements in Criminal Procedure and the Protection of Human Rights
in England » in « Movements to Reform Criminal Procedure and to Protect Human Rights » RIDP, 64ème
année, 3ème et 4ème trimestre 1993, p.1115-1125 et notamment p.1121 et s.
261
Stephen J.SHULLHOFER, Frank & Bernice J. GREENBERG « Rapport de synthèse pour les pays du
Common law » in La preuve en procédure pénale comparée, op.cit., 2002, p. 39.
176
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
tendant à lui extorquer des aveux262. Dans la célèbre affaire MIRANDA contre Arizona
(1966), par exemple, la Cour suprême américaine décida qu’en vertu des dispositions
contenues dans le cinquième amendement de la Constitution, le suspect devait être avisé
par la police des prérogatives dont il disposait pour éviter de s’accuser lui-même. Cette
information obligatoire devant au surplus être communiquée au suspect dès que la
police entend le mettre en état d’arrestation. L’aveu obtenu en violation de cette règle
sera entaché de nullité263. Mais un aveu ultérieur du suspect venant à la suite d’une
nouvelle procédure ayant respecté l’obligation d’information violée précédemment
pourra être retenu s’il n’a résulté d’aucune sorte de contrainte264.
177
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
Dès lors, la recevabilité de l’aveu est déterminée par la volonté libre de celui qui y
consent. En France, la personne gardée à vue a le droit de se taire et son silence ne doit
pas conduire le juge pénal à en tirer une quelconque conséquence juridique, dans le sens
de sa culpabilité. A ce titre, la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 précitée a rétablie la
notification à la personne soupçonnée de son droit à garder le silence. Aussi, l’article
préliminaire du CPP a été modifié par cette loi, dans son article premier, qui prévoit
qu’en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être
prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites
sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui.
Le suspect, placé en garde à vue est informé de ce droit lors des auditions, après
avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui
sont posées ou de se taire. Outre le caractère théorique de cette garantie, l’attitude
consistant pour l’intéressé à garder le silence reste perçue, par les magistrats, comme
défavorable, notamment devant la juridiction de jugement. Malgré son silence, l’accusé
pourra toutefois être acquitté si les juges approuvent souverainement que les preuves
rapportées contre lui ne sont pas suffisantes pour entraîner leur conviction. Il faut alors
combattre l’adage qui dit que « L’aveu est une confession de bouche ; le silence est une
confession de fait» 266. Et garantir qu’aucun argument ne soit déduit de ce rôle passif.
Car si le droit au silence va de pair avec le principe à valeur constitutionnelle de la
présomption d’innocence, force est d’admettre que, d’une part, le législateur, d’autre
part, le juge pénal résistent face à ce qui est encore considéré comme un aveu implicite
265
Ibid.
266
Jérémy BENTHAM, Traité des preuves judiciaires, 3ème éd. Bruxelles, 1840, Tome II, op.cit.
178
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
d’une culpabilité de la personne mise en cause, contrairement de ce qui prévaut dans les
pays de Common law267. Il a en effet été jugé que la contribution à sa propre
incrimination sans assistance d’un avocat ne peut avoir de force probante, pas même
valeur de preuve « corroborante »268 . Il s’en déduit a contrario que les procès-verbaux
d’audition de garde à vue tenue sans l’assistance d’un Conseil ne peuvent fonder même
avec d’autres preuves une décision de condamnation. Cette décision posait
inévitablement la question de la conventionalité de l’alinéa ajouté par la loi n° 2011-392
du 14 avril 2011 à l’article préliminaire du CPP qui dispose : « En matière criminelle et
correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le
seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat
et être assistée par lui » en vigueur à compter du 1er juin 2011. Toutefois, la
jurisprudence ultérieure dit que si le juge se fonde sur autre chose que les déclarations
effectuées sans assistance d’un avocat, la condamnation pourra être prononcée269. En
effet, lorsque les juges du fond, pour condamner un prévenu, ne se fondent pas sur les
déclarations recueillies lors de sa garde à vue, l'absence de l'avocat lors de cette dernière
n'entraîne pas nécessairement la nullité des procès-verbaux d'audition.
267
Renaud DULONG, « Le silence comme aveu et le « droit au silence » », Langage et société n° 92, juin
2000, p. 59. Charlotte GIRARD, « Culpabilité et silence en droit comparé », Logiques juridiques, 1997,
268
Crim., 11 mai 2011, n°10-84.251; article de Jean DANET, in RSC 2011, p. 414 ; Jean DANET « Le
nouvel alinéa de l’article préliminaire du CPP nous prémunit-il des erreurs judiciaires », AJPénal 2011,
p. 311 ; Crim. 31 mai 2011, n° 10-88293 ; Crim. 21 septembre 2011, n° 11-84979 ; Crim. 14 décembre
2011, n° 11- 81329.
269
Crim. 6 décembre 2011, n° 11-80326 ; Crim. 7 février 2012, n° 11-83676 ; Crim. 21 mars 2012, n°
11- 83637.
270
Cass (Belge). 13 mai 1986, Rev. dr. pén 1986, p. 905. Voir également H.-D BOSLY, « La régularité de
la preuve en matière pénale », J.T. 1992, p. 125; Henri-Damien BOSLY et D.VANDERMEERSCH, Droit
de la procédure pénale, Bruges, Die Keure, 2003, p. 548; Philippe QUARRE, « Le droit au silence », J.T.
1974, p. 525.
179
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
271
Léonard VAN DEN WYNGAERT, Chr., Strafrecht, Strafprocesrecht & Internationaal Strafrecht,
Anvers, Maklu, 2003, p. 596. A. SAZDOT, « Le droit au silence et le droit à l'assistance d'un avocat dès
les premiers stades de la procédure », note sous CEDH., arrêt MURRAY du 8 février 1996, J.L.M.B.
1997, p. 466 et R. VERSTRAETEN, Handboek strafvordering, Anvers, Maklu, 1999, nr. p. 728.
272
H.-D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Bruges, Die Keure, 2003, p.
549.
273
Cass. 22 mai 2001, T. Strafr. 2002, p. 36.
274
Chr. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruxelles, Bruylant, 2003, n° 510; Françoise
TULKENS et Michel VAN DE KERCHOVE, Introduction au droit pénal, E. Story-Scientia, 1997, p.
411.
275
Cass. crim. 19 août 1841, Bull. crim., n° 252 ; 28 juillet 1881, D. 1882, I, p. 185.
276
Cass. crim. 18 avril 1961, Bull. crim., n° 208 ; 17 déc. 1969, Bull. crim., n° 352.
277
Cass.crim., 29 octobre 1956, Bull. crim n° 476.
180
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
120- Sans être totalement mensonger, l'aveu peut aussi déformer la réalité. Ainsi en
va-t-il des aveux de jactance où un individu, par vanité, entendra se faire de la publicité
en s’accusant de faits imaginaires. Ces aveux de jactance pourront se révéler conformes
mais le plus souvent seront inventés. Ce qui sera surtout prépondérant est l’incidence
réelle de l’aveu rétracté sur la suite du procès (1) dans un contexte où, à tort ou à raison,
la rétractation d’aveux de culpabilité préalablement passés, sera considérée en pratique
comme un mensonge (2) donc relèvera de la stratégie de l’auteur de l’aveu. En toute
hypothèse, c’est le juge qui, en dernier ressort, appréciera souverainement la valeur
réelle de cette rétractation (3).
181
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
incidence sur le procès pénal. S’agissant de la portée réelle de l’aveu sur l’issue du
procès, il apparaît nécessaire de distinguer l’opinion que peuvent en avoir certains
professeurs de droit pénal du sentiment des praticiens, notamment les avocats pour
lesquels la rétractation n’a aucune influence sur l’issue du procès. De manière plus
nuancée, les auteurs estiment que l’aveu n’a qu’une incidence limitée sur l’issue du
procès car la personne mise en cause dispose toujours de la faculté de se rétracter ; au
surplus, l’aveu non circonstancié ne disposerait d’aucune valeur juridique. La
rétractation de l’aveu devra découler d’une cause d’erreur de fait admissible c’est-à-
dire, par exemple, obtenu par ruses ou menaces, donc par une preuve prépondérante. Or,
en vertu du principe d’intime conviction278, la valeur de l’aveu, tout comme celle de la
rétractation, est laissée à l’appréciation souveraine des juges, dont découle le système de
preuve morale. C’est à l’institution judiciaire qu’il appartiendra de déterminer,
librement et en conscience, si les preuves qui lui sont soumises emportent sa conviction.
En fait, le caractère anxiogène attaché à la reconnaissance de culpabilité est d’autant
plus fort que le type d’infraction à avouer revêt un caractère particulièrement grave car,
psychologiquement, le délinquant d’habitude saura anticiper la réponse pénale qui
résultera de son aveu, car il aura connaissance du quantum de la peine prévue en
l’espèce. C’est la raison pour laquelle, par exemple, en matière criminelle, si l’accusé
peut, à l’issue d’une garde à vue, reconnaître être l’auteur de l’infraction, il lui sera, en
revanche, très difficile de reconnaître que son acte a été prémédité, l’intéressé espérant
ainsi échapper à la qualification pénale d’assassinat au bénéfice du simple meurtre, dont
le quantum de la peine est inférieur. L’aveu pénal est ainsi étroitement lié à la stratégie
du délinquant qui anticipe dans son processus de décision (« avouer » ou pas) la
connaissance dont il dispose en matière pénale (« compte tenu de l’infraction que j’ai
commise, j’encours X années de prison ») ; or, en l’espèce, il va de soi que le délinquant
d’ habitude ou d’avenir prévoit plus aisément les conséquences attachées à ses actes
qu’un primodélinquant. En outre, le plus souvent, les délinquants habitués des prétoires,
ceux qui sont fichés au grand banditisme, n’avouent pas grand-chose, à telle enseigne
que la question de la rétractation de leurs aveux ne se pose pas ou rarement. Aussi,
278
Cass. crim. 18 avril 1961, Bull. crim. n° 208.
182
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
l’ignorance des conséquences juridiques attachées à l’aveu, que ce dernier ait été
consenti par erreur, par méprise ou obtenu par ruse, n’est pas de nature à constituer un
motif de rétractation, car seule la preuve prépondérante devra l’établir pour contredire
ou nuancer ledit aveu. A ce titre, par exemple, le code pénal espagnol a prévu un
système dans lequel, en dépit des aveux, la reconnaissance de culpabilité ne dispense
pas le juge d’instruction d’effectuer tous les actes nécessaires aux fins d’acquérir la
conviction de la sincérité de l’aveu et de l’existence de l’infraction. Aux termes de
l’article 406 du CPP espagnol, le juge doit ainsi interroger : « (…) l’inculpé qui a avoué
pour qu’il explicite toutes les circonstances de l’infraction et qu’il contribue, s’il le peut,
à conforter son aveu, en précisant s’il a été auteur ou complice et s’il connaît des
personnes qui ont été témoins ou qui ont eu connaissance du fait ».
122- Une rétractation considérée comme suspecte. Pour le juge pénal, l’aveu
rétracté est assez fréquemment perçu comme un mensonge inadmissible. Dépositaire
d’une culture de l’accusation, le ministère public notamment estimera que la
reconnaissance des faits reprochés vaut déclaration certaine et définitive de culpabilité
même lorsque lesdits aveux émanent de personnes dont les casiers judiciaires ne portent
trace d’aucune condamnation. L’énigme de la rétractation peut cependant s’énoncer
comme suit : comment un individu considéré comme innocent de ce qui lui est reproché
pourrait-il en arriver à s’auto-accuser, donc mentir, sans que ledit aveu de culpabilité ne
traduise autre chose de plus intime chez ce « faux avouant » ? Autrement dit, cette
abdication volontaire ne signifie pas autre chose qui serait de l’ordre d’une souffrance
rendant possible cette auto-incrimination, dont le processus s’apparente à une forme de
suicide ? C’est la raison pour laquelle le juge tient de la loi la faculté d’interpréter l’aveu
comme tout élément de preuve. Ainsi, en raison de la fragilité de l’aveu comme mode
de preuve, le consensus qui peut en découler demeure douteux car il s’agira parfois
d’une incitation à s’auto-incriminer. A ce titre, par exemple, en matière de CRPC,
l’inexécution des termes de l’accord conduira au déclenchement de poursuites
classiques non seulement par le procureur de la République mais également par la partie
183
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
civile. L’aveu est par conséquent instable non seulement en raison de l’incertitude qui
plane sur la sincérité des propos tenus par l’accusé mais également parce que le
magistrat sera libre d’apprécier la force probante ou non de ladite rétractation au nom du
principe de divisibilité de l’aveu. La rétractation pourra s’avérer bénéfique pour la
personne poursuivie et lui profiter lorsque le juge estimera qu’elle neutralise les aveux
initiaux de culpabilité ; à l’inverse, la rétractation accablera davantage l’auteur de l’aveu
si le magistrat estime que cette démarche n’est pas sincère, donc que l’intéressé utilise
encore un stratagème pour tromper la religion de la juridiction. Dans la première
hypothèse, la rétractation sera réparatrice car elle viendra neutraliser la mise en cause
intiale découlant des aveux de culpabilité ; dans la seconde, elle s’avèrera afflictive ou
aggravante car elle ajoutera aux fausses déclarations intiales l’absence réitérée de bonne
foi du suspect.
123- Une liberté d’appréciation des aveux initiaux rétratés. Le juge pénal
dispose de toute latitude pour interpréter la rétractation des aveux de la même manière
que le contenu des aveux rétractés ; voire estimer que lesdits aveux spontanés étaient
inexacts. La liberté d’appréciation du magistrat fondée sur le principe de la divisibilité
de l’aveu peut se retourner contre la personne ayant rétracté sa culpabilité. Il est
possible d’affirmer que la rétractation des aveux pourra s’avérer soit réparatrice pour la
personne mise en cause lorsque, à l’issue de l’enquête il sera démontré que les aveux
rétractés permettent effectivement de l’innocenter ; soit, à l’inverse, la rétractation
pourra l’affliger davantage lorsque le juge estimera qu’en dépit de cette rétractation
tardive, l’auteur aura menti. En réalité, l’aveu est à l’image de celui qui y consent,
provisoire et précaire. Et si l’institution admet qu’une condamnation puisse reposer sur
l’unique aveu, les magistrats estimeront que lesdits aveux ne doivent pas être corroborés
par des témoignages ou des preuves matérielles afin d’être confortés par d’autres
éléments de preuve. En raison de la rétractation qui peut être soit afflictive soit
accablante, la question des garanties devant entourer la réception de l’aveu s’est posée
avec acuité, en France, à partir notamment de l’affaire Patrick DILS. L’accusé, en
l’espèce, avouera les faits six mois après son arrestation, soit le 30 avril 1987 avant de
184
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
tout nier en bloc, donc se rétracter. Certes, l’intéressé avait simultanément avoué puis
s’était ravisé à diverses reprises ; il fut condamné le 27 janvier 1989 à la réclusion
criminelle à perpétuité pour meurtre puis, au bout de treize années passées en détention,
fut innocenté. Or, c’est au nom d’une forme de sacralisation de l’aveu comme mode de
preuve que cette erreur judiciaire a été commise. Dans ce contexte, des critiques ont été
émises à l’encontre du déroulement de la garde à vue afin que cette mesure demeure
fidèle à la réalité de l’entretien. Il était, en effet, soutenu que les propos de l’accusé
avaient été recueillis de façon déloyale par un enquêteur attaché davantage à piéger le
suspect qu’à rechercher réellement la vérité en modifiant spontanément ses propos.
Dans ce cadre, l’officier de police judiciaire essaiera d’imposer sa version des faits et
non celle livrée par l’intéressé. Or, ces éléments attentatoires à la défense ont laissé
planer un doute sur la fiabilité d’une telle procédure. Pourtant, les aveux n'avaient pas
été isolés car les enquêteurs avaient réussi à faire avouer trois fois des meurtres commis
en septembre 1986. Toutefois, en dépit du caractère récurrent de ces fausses
déclarations, la culture inquisitoire française reste réfractaire à l’idée qu’elle puisse
commettre une erreur judiciaire.
185
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
Dans le plaider coupable la personne bénéficie en effet d’un délai de réflexion de dix
jours durant lequel elle sera placée en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire.
Le Président du tribunal de grande instance s'assurera ensuite du consentement réitéré
de l’intéressé à la procédure et décidera ensuite d'homologuer ou non la proposition. Un
nouveau délai de dix jours s'ouvrira ainsi pour l'appel. Hors ce cas de figure, aucune
rétractation ne sera donc admise, la reconnaissance de culpabilité s’avérant irrévocable
avant même que la décision soit devenue irrévocable. Il s’agira, d’une certaine manière,
d’une culpabilité définitive avant-dire droit.
125- Divisibilité de l’aveu pénal et tri sélectif opéré par le juge. Contrairement à
l’aveu civil, l’aveu en procédure pénale est divisible, ce qui signifie que le juge peut
apprécier la valeur probante de l’aveu dans sa totalité ou bien ne retenir que certains
279
C.E., Syndicat des avocats de France n° 273757.
280
Cass. crim. 04-12 E8.
186
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
éléments de l’aveu qui lui paraissent probants. L’aveu est apprécié d’après les
circonstances subjectives et objectives qui ont accompagné l’infraction. Or, en matière
pénale, l’aveu ne constitue pas nécessairement une preuve en lui-même en raison
principalement de la faculté laissée à la personne mise en cause de se rétracter. Ce qui
n’est, en revanche, pas concevable en matière civile. Toutefois, en pratique, la question
se pose de savoir si le magistrat effectuera ce travail de tri sélectif entre les aveux qu’ils
lui paraissent probants et ceux qui, en revanche, ne seront pas retenus. Ce qui soulève la
question subséquente du critère d’appréciation du juge dans le choix ainsi opéré.
281
CA Paris, 5eme ch. B, 4 mai 1995: Juris-Data n° 021545. – CA Aix, 1re ch., 18 janvier 1994: Juris-Data
n° 042118. –CA Angers1re ch. B, 6 janvier 1993 : Juris-Data n° 043289.- CA Poitiers, ch., civ., 2eme sect.,
23 juin 1993 : Juris-Data n° 048651.
282
Cass.civ., 31 mai 1932 : DH 1932, p. 378. – Cass. 1re civ., 5 mars 1956 : Bull. civ. I, n° 110.
283
T. civ. Thonon, 26 février 1932 : Mon. J.P. 1932, p. 153.
284
Cass. 1re civ, 2 février 1970, jurispr. p. 265. – En matière pénale : Cass. crim., 20 mars 1974 :JCP G
1974, IV, p. 168. – 10 mai 1988 : JCP G 1988, IV, p. 248.
187
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
l’intéressé285. Alors qu’en matière civile, l’aveu est indivisible et irrévocable, l’aveu en
matière pénale est divisible286. En vertu du principe d’intime conviction, le juge pénal
pourra apprécier l’aveu dans toutes ses parties et ne retenir que ce qui lui paraît probant.
Toutefois, il devra déceler dans les faits de la cause la preuve de l’inexactitude partielle
de l’aveu287. Car l’intime conviction est la conséquence logique d’un sytème de preuve
morale qui laisse au magistrat le soin de déterminer, en conscience et librement, si les
preuves soumises à son appréciation sont suffisamment convaincantes pour emporter sa
conviction. Il s’ensuit que l’aveu peut donc être rétracté. Il a ainsi été jugé que
lorsqu’une personne se présente spontanément aux services de police et effectue des
aveux, elle pourra être intérrogée comme témoin pour la confronter à ses dénégations
antérieures288. Toutefois, l’aveu n’est divisible que s’il porte sur la preuve et
l’imputabilité de l’infraction pénale. Il est donc indivisible lorsque le juge doit se
prononcer, accessoirement au procès pénal, sur une question de droit civil soumise aux
règles civiles de la preuve. Ainsi, lorsque l’infraction suppose la violation d’un contrat,
par exemple, le dépôt en matière d’abus de confiance, tel qu’il était prévu par l’ancien
article 408 du Code pénal, le principe de l’indivisibilité de l’aveu s’applique à la preuve
de l’existence du contrat car cette preuve est gouvernée par les règles du droit civil289.
Cependant, la règle de l’indivisibilité de l’aveu édictée par l’article 1356 du Code civil
ne s’applique pas, en revanche, aux délits d’abus de biens sociaux et de détournement
d’actif290 ou à la preuve du détournement, élément de fait extérieur au contrat en matière
d’abus de confiance291. Il en est de même lorsque le juge trouvera la preuve de
l’inexactitude partielle de l’aveu dans la fausseté et l’invraisemblance des déclarations
du prévenu292.
285
Cass. crim., 28 octobre 1981 : Bull. crim. 1981, n° 224. – Cass. crim., 4 janvier 1985 : Bull. crim. 1985,
n° 11.
286
Cass. crim., 13 mars 1973 : Bull. crim. 1973, n° 123.
287
Cass. crim., 3 mai 1966 : Bull. crim. 1966, n° 134.
288
Cass.crim., 25 juin 2003, pourvoi n° 02-86.723.
289
Cass. crim., 20 mars 1974 : Bull. crim. 1974, n° 123.
290
Cass. crim., 20 mars 1974, cité supra n° 96.
291
Cass. crim., 27 avril 1968 : Bull. crim. 1968, n° 127 ou au délit de recel; Cass. crim., 10 mai 1988 :
Bull. crim. 1988, n° 204.
292
Cass. crim., 6 août 1932 : Bull. crim. 1932, n° 202.
188
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
L’aveu peut donc être rétracté par son auteur à tout moment de la procédure et même
après la clôture des débats293. Mais les juges restent libres d’apprécier souverainement
la valeur d’une telle rétractation294.
293
Cass . crim., 28 juillet 1981 : DP 1882, 1, jurispr. p. 185.
294
Cass. crim., 18 décembre 1969 : Bull. crim. 2003, n° 24 ; Procédures 2003, comm. p. 123, note
Jacques BUISSON.
295
Cass. crim. 24 février 1987, Bull. crim., n° 93.
296
Cass. crim. 16 juin 1981, Bull. crim., n° 207.
297
Cass. crim. 14 mai 2002, n° 02-80.721 , Bull. crim., n° 111 ; 15 janvier 2003, n° 02-86.962.
189
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
298
Cass. (Ch. réunies) 31 janvier 1888 (S. 1889 I 241)
299
Pierre BOUZAT, La loyauté dans la recherche des preuves, in Mélanges Hugueney, Paris, Sirey,
1964, p. 155.
300
Cass. crim. 29 janvier. 2003, n° 02-86.774, Bull. crim. n° 22.
190
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
301
T. corr. Seine, 23 février 1949, D. 1949, p. 287, JCP 1949, II, p. 4786, note BADIE et KOOPS.
302
F. MANDET, « Le polygraphe et son utilisation en justice », RICPT 1959, p. 298 ; J. SUSINI, « Un
nouveau chapitre de police scientifique : la détection objective du mensonge », RI crim. et pol. tech. 1960,
p. 326. Pour une étude plus récente, voir le mémoire de Melle Gersende LEMAITRE intitulé La maîtrise
de la police scientifique et technique par la gendarmerie nationale, DEA Droit et justice (2001-2002),
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Lille II.
191
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
de mensonge, les autorités judiciaires ne l'utilisent pas et cet instrument ne suscite pas
de débats en droit interne.
303
Loi 93-1013 1993-08-24 art. 28 JORF 25 août 1993 en vigueur le 2 septembre 1993.
304
L. des 8 et 9 octobre 1789.
192
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU
faussetés salutaires, pour quelque bonne fin (…)»305. Aussi, dès le XVIIIème siècle,
l’interrogatoire d'un accusé entendu sous la foi du serment serait entaché d’une nullité
d'ordre public306. En conséquence, seuls les témoins sont astreints au serment de dire la
vérité, tant durant l'instruction (art. 103) que lors de l'audience de jugement devant la
cour d'assises (art. 331, al. 3, à l'exception des personnes visées par l'article 335 devant
le tribunal correctionnel (art. 437 et s.) et devant le tribunal de police (art. 536 qui
renvoie aux dispositions applicables au jugement des délits).
305
Jonathan SWIFT, La question de 1780 était la suivante : « Est-il utile de tromper le peuple ? », in L’art
du mensonge, Grenoble, Editions Jérôme MILLION, 1993, p. 34.
306
Cass. crim. 6 janvier 1923, DP 1924, 1, 175 ; S. 1923, I, p. 185, note ROUX ; CA Riom
23 novembre. 1960, JCP 1961, II, p. 11952, note CHAMBON.
193
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
133- Propos liminaires : aveu pénal et Etat de droit, des logiques antinomiques.
Sur le plan jurisprudentiel et législatif, l’aveu reste fortement encadré. Dans le cadre
d’une garde à vue, l’obtention d’aveux factices en raison de l’épuisement physique et
moral du suspect alors que lesdits aveux auraient été obtenus, au surplus, avant
notification des droits à l’intéressé « porte nécessairement atteinte aux intérêts de la
personne concernée» 307. La CEDH a considéré qu’« une condamnation fondée
uniquement sur les dépositions d’un témoin à charge, que l’accusé ou son conseil n’a
pu interroger à aucun stade de la procédure, est contraire aux dispositions de l’article
6 de la CEDH »308 ; la présomption a pour conséquence le droit de ne rien dire qui
puisse s’accabler. Le processus d’aveu se doit donc d’être particulièrement contrôlé. En
effet, il demeure un mode de preuve fragile car il consiste pour une personne
soupçonnée à reconnaître non seulement sa culpabilité mais également les conséquences
pénales qui en découleront. L’aveu doit cependant être libre et spontané même si, en
réalité, il ne l’est que rarement. Ce que le juge souhaite déceler, au travers des réponses
qui lui sont fournies, c’est une certitude quant à la culpabilité, c’est à dire à la fois une
responsabilité pénale mais aussi son imputabilité. Sa valeur probante découle d’une
présomption, celle que la personne interrogée n’effectue pas de déclaration fausse et
nuisible non seulement aux intérêts de la justice mais également à ceux qu’elle entend
défendre. Aussi, durant la phase d'enquête policière, aucun serment n'est requis des
personnes qui sont auditionnées309, car certains pourraient rapidement s'avérer être non
des témoins, mais des suspects310. En réalité, ce droit au mensonge en matière pénale ne
recoupe pas exactement une véritable permission de nature législative à tromper
l’enquêteur dans le cadre d’une garde à vue. Si le mensonge est communément défini
307
Cass. crim., 30 avril 1996, Bull. crim., n° 182; RSC 1996, p. 879, obs. Jean Pierre DINTILHAC; 18
juin 1998, Bull. crim., n° 200 ; D. 1998, IR p. 209 ; RSC 1998, p. 785, obs. Jean Pierre DINTILHAC ;
Procédures 1999, Comm. n° 15, obs. Jacques BUISSON. - V. aussi, 15 décembre 1999, Bull. crim., n°
311 ; 31 oct. 2001, Bull. crim., n° 226 ; D. 2001, IR p. 3586.
308
CEDH 13 novembre 2003, RACHDAD c/ France. (req. nº 71846/01).
309
C. pr. pén., art. 62 et 78.
310
V. SCREVENS, « Le statut du témoin et sa protection avant, pendant et après le procès pénal », RSC
1989, p. 3.
194
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
En même temps, sur un plan théorique, il n’existe pas d’interprétation objective des
lois : « subjective et intensément politique, l’interprétation judiciaire des lois semble
vouée à demeurer fondamentalement antidémocratique »311et arbitraire. Il s’ensuit que
l’Etat « n’est pas un Etat soumis au droit » comme l’écrit Michel TROPER, mais
davantage, en réalité, un « Etat soumis au juge»312 et s’agissant des magistrats du
parquet, un ministère public soumis au pouvoir politique. Aussi, l’examen de la
conformité des actes de l’Etat à un droit supérieur se conclut-il nécessairement par un
jugement qui n’est pas l’énoncé d’une vérité, mais l’expression d’une décision. Par
conséquent, ce n’est pas en vertu d’une vérité que le droit s’impose mais en raison de
l’autorité du juge, autorictas non veritas facit jus. Dès lors, la certitude de la répression
311
Michel TROPER, « Le concept d’Etat de droit », Droits, n° 15, 1992, p. 57.
312
Michel TROPER, ibid p. 57.
195
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
constitue l’objectif essentiel de cette défense de l'ordre social. Il s’ensuit que la peine est
un élément juridique définissant le droit sur un mode essentiellement négatif. Or, cet
impératif contrevient au principe d’innocence présumée dont peut se prévaloir le mis en
cause car il a rang constitutionnel (SECTION PREMIERE). En effet, si la culpabilité est
considérée, dans notre tradition religieuse fondée sur le pêché originel, comme
fondamentale, pourquoi ne reconnaître alors qu’une culpabilité de fait, celle découlant
de la commission d’une infraction donc de l’examen proritaire de l’élément matériel.
Par conséquent, le contrôle de l’aveu apparaît d’autant plus important qu’il favorise un
équilibre des acteurs aux procès (SECTION SECONDE). En effet, l’observation
attentive des juridictions tend à réduire les inégalités découlant du rapport de force entre
le ministère public et la défense. A la faveur du développement des procédures
accélérées de traitement du contentieux pénal, notamment le mode particulier de
poursuite du plaider coupable, le risque d’un aveu pénal recueilli sans réel contrôle du
juge du siège est à craindre, ce qui renforcera encore davantage les pouvoirs dévolus au
ministère public, et donc un recul des droits de la défense. En marge du domaine de la
CRPC, une autre évolution globale semble se dessiner en faisant de l’aveu un élément
non déterminant du choix des modes de poursuite par le parquet. En effet, le ministère
public va, a priori, choisir un mode de poursuite rendu nécessaire par l’orientation
d’une politique pénale d’écoulement des dossiers. Ainsi, l’aveu viendra justifier a
posteriori le choix d’un mode de règlement des contentieux pénaux.
134- Une religion de l’aveu. Avec l’émergence d’une religion de l’aveu de plus en
plus prégnante, la question se pose de savoir quelle valeur réelle, au-delà des louables
intentions et de son rang constitutionnel, accorder à l’article 9 de la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen (§1). Tout se passe comme si le texte précité, en dépit
de sa dimension supra-législative, ne revêtait, pour la plupart des magistrats, in
concreto, qu’une valeur symbolique voire mythique plus que juridique. Il existe un
décalage entre la théorie juridique (la place de ce principe au sein de la hiérarchie des
normes) et les garanties concrètes dont peuvent se prévaloir les justiciables. Cette
dissociation légitime ainsi des atteintes à la présomption d’innocence considérées
comme nécessaires à l’administration de la preuve (§2).
196
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
d’innocence doit être recherchée dans l’esprit des philosophes du siècle des Lumières
dont on retrouve l’expression dans l’article 9 de la Déclaration des droits, principe érigé
par le Conseil constitutionnel en principe à valeur constitutionnelle (2), il n’en demeure
pas moins qu’en pratique reste posée la question de la valeur et de la portée effective de
ce texte (3).
313
Cass. crim. 28 janvier 1998, n° 97-83.196.
314
CJCE, 18 octobre 1989, aff. 394/97, Orkem: Rec. CJCE 1989, p. 3283, pt 30, concl. Marco DARMON.
198
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, à ne pas être forcée de témoigner
contre elle-même ou d’avouer sa culpabilité. Cependant, ce texte ne comporte pas de
protection internationale obligatoire et contraignante en cas de non-respect d’un Etat ;
en revanche, l’article 6 CEDH ne fait pas référence expressément au droit de garder le
silence mais à un droit « (…) à de ne pas s’incriminer soi-même » lequel est protégé par
la Convention. Toutefois, à partir du moment où un litige, relève même partiellement de
la qualification d’« accusation en matière pénale » au sens de l’article 6 susdit, une
obligation au respect du droit de se taire et de ne point contribuer à sa propre
incrimination naît à la faveur de la partie du litige visée par ladite qualification.
En réalité, il semblerait que la temporalité du procès pénal soit binaire ; elle est celle
de l'innocence puis devient celle de la culpabilité et inversement315. Or, la présomption
d'innocence n'est pas protectrice de la personne poursuivie, mais davantage rassure le
magistrat car le jugement vient désormais transformer un possible innocent en probable
coupable. Car celui qui est reconnu coupable par le juge sur le fondement d’aveux doit
être coupable pour la société, cette culpabilisation étant récupérée et instrumentalisée
par un espace médiatique souvent enclin, par ignorance ou connaissance partielle du
dossier, à l’exagération. Pourtant, la notion de présomption d’innocence a été
rapidement érigée par le Conseil constitutionnel en principe à valeur constitutionnelle.
« Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il
est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour
315
C’est cette idée qui transparait dans l’affaire KONSTAS c/ Grèce, (CEDH, 1ère section, 24 mai 2011,
KONSTAS c/ Grèce (req. n° 53466/07)). En effet, le requérant alléguait qu’il n’avait été autorisé ni à
produire certaines preuves devant la Cour d’assises d’Athènes ni à examiner un témoin à décharge,
éléments qui auraient été cruciaux pour l’issue de la procédure. En outre, selon M. KONSTAS la
présomption d’innocence aurait été violée, ce qui aurait gravement porté préjudice à ses droits. En
l’espèce, la Cour a rappelé, tout d’abord qu’elle avait déjà considéré lors de la phase préliminaire d’une
affaire pénale, que les déclarations des autorités publiques ne sauraient inciter le public à croire à la
culpabilité de l’accusé ; ensuite, de préjuger de l’appréciation des faits par les juges compétents. Enfin,
que l’invalidation du principe de présomption d’innocence ne pouvait intervenir que par la condamnation
légale définitive de l’intéressé.
199
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi [DDH, 26 août 1789,
art. 9] ».
316
L’article 9 DDH n’est pas visé dans la décision n° 80-127 DC (Cons. const. 19 et 20 janvier 1981, aff.
Sécurité – Liberté : Rec. Cons. const. p. 15).
317
Cons. const. 8 juillet 1989, Loi d’amnistie : Rec. Cons. const. p. 48 ; D. 1990, somm. obs.
Dominique CHELLE et Xavier PRETOT, p. 138.
318
Code constitutionnel, Paris, Litec, 2010 p. 195.
319
Thierry Sylvain RENOUX et Michel de VILLERS, Code constitutionnel, Dominique ROUSSEAU,
droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien, 9ème édition, 2010, Préface du Doyen VEDEL p.
110.
320
Cons. const. 22 janvier 1999, Traité portant statut de la Cour pénale, Décision n° 98-408DC, portant
statut de la CPI, D. 1999, p. 285.
200
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
« Aucune hiérarchie ne peut prendre appui sur le défaut du mode d’élaboration de l’un
ou de l’autre : les deux textes (la Déclaration et le Préambule de 1946) ont été
proclamés dans les mêmes formes, par des Assemblées également constituantes et selon
une procédure également régulière. Aucune inégalité de valeur ne peut être tirée de la
contrariété de leur contenu : sauf à introduire sa subjectivité, son opinion
personnelle (…) ».321 Dans une décision du 29 décembre 2005, le Conseil a ainsi jugé
que s’il est loisible au législateur statuant dans le domaine de sa compétence de modifier
des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant d’autres dispositions, il ne
saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En
l’espèce, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamés par l’article 16 de la
Déclaration de 1789 s’il portait atteinte aux situations légalement acquises « une atteinte
qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant »322. Dès lors, l’impératif de
sécurité doit être concilié et non se heurter avec un autre droit, celui à la sûreté, tel qu’il
découle de l’article 2 dudit texte, c’est dire avec le droit de n’être ni poursuivi, ni arrêté,
ni condamné arbitrairement.
321
Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, 4ème édition, 1995, p. 110. Préface de
Georges VEDEL, Montchrestien.
322
Const. cons. décision n° 2005-530 DC, 29 décembre 2005, p. 20705 et CEDH, 25 février 1993, série
A, aff. FUNKE c/ France, n° 256, JCP, 1993, II, p. 22073, note Jean-François RENUCCI.
201
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
323
Séverine BRONDEL, « Changement de circonstances justifiant le réexamen d'une disposition déclarée
constitutionnelle, Décision rendue par Conseil constitutionnel le 30 juillet 2010 » (2010-14/22-QPC),
AJDA 2010, p. 1556.
324
Cons. const., 3 décembre 2009, n° 2009-595-DC, AJDA 2009, p. 2318 ; ibid. 2010, p. 80, étude A.
ROBLOT-TROIZIER ; ibid. 88, étude M. VERPEAUX ; RFDA 2010. 1, étude B. GENEVOIS ;
Constitutions 2010, p. 229, obs. A. LEVADE ; RSC. 2010, p. 201, obs. B. DE LAMY ; RTD civ. 2010, p.
66, obs. P. PUIG , cons. 13.
325
Cons. const., 2 juillet 2010, n° 2010-9-QPC, AJDA 2010, p. 1340 ; D. 2010, p. 1714 , Section
française de l'Observatoire international des prisons, cons. 3 à 5 ; décis. n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet
2010, Loi LME.
202
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
C’est bien parce que les circonstances ont changé que les dispositions relatives à la
garde à vue, hier déclarées conformes à la Constitution, sont devenues
inconstitutionnelles. Pour autant, comment une norme antérieurement conforme à la
Constitution pourrait-elle désormais y être contraire sans que le texte de la Constitution
en soit révisé ? En l’occurrence, l’argument du changement de circonstances va
conduire le juge constitutionnel à s'appuyer sur l'évolution des pratiques en matière de
326
Cons. const., 2 mars 2004, n° 2004-492-DC, D. 2004, p. 2756, obs. B. DE LAMY ; ibid. 2005, p.
1125, obs. V. OGIER-BERNAUD et C. SEVERINO ; RSC. 2004, p. 725, obs. C. LAZERGES ; ibid.
2005, p. 122, étude V. BÜCK ; RTD civ. 2005, p. 553, obs. R. ENCINAS DE MUNAGORRI).
327
Le Conseil constitutionnel avait déclaré conforme à la Constitution des modifications apportées aux
articles litigieux du CPP dans sa décision n° 93-326 DC du 11 août 1993.
328
Pascal PUIG, « Le changement de circonstances source d'inconstitutionnalité » (à propos de Cons.
const., 30 juillet 2010, n° 2010-14/22- QPC) RTD Civ. 2010, p. 513 ;
203
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
garde à vue, suggérant ainsi un véritable revirement. Ce qui revient à dire, en définitive,
que l’invocation de circonstances nouvelles peut fournir un moyen de revenir sur un
contrôle qui a pu être mal effectué ab initio ou réalisé précédemment avec
insuffisamment de précaution et de clairvoyance. Or ce revirement ne constitue-t-il pas
la preuve implicite que dès l’origine les dispositions déclarées conformes étaient en
réalité contraires à l’ordonnancement juridique ? En effet, sous couvert d'un
changement de circonstances, la QPC permet au juge constitutionnel de décider
autrement sans avoir à se désavouer. Il n’en demeure pas moins que ce droit
n'explique en rien comment l'application d'une norme peut en révéler
l'inconstitutionnalité. Car de deux choses l’une : soit une loi est conforme à la
Constitution soit elle ne l’est pas mais elle ne devient pas contraire après avoir été
conforme, sauf à ce qu'elle ait été modifiée ou que la Constitution ait été révisée, au
terme d’une procédure lourde étant donné que la Constitution française n’est pas
souple mais rigide. Cependant, la pratique qu'elle engendre, aussi critiquable soit-elle,
ne devrait nullement interférer sur son bien-fondé. La distinction majeure entre
création et application de la règle issue de la théorie normativiste s'oppose à ce que
l'application d'une disposition puisse en conditionner la validité. Au lieu de
présenter la pratique de la garde à vue comme un simple indice révélateur de
l'inconstitutionnalité des dispositions la régissant, ne devrait-on pas considérer que ce
sont ces pratiques en elles-mêmes que le Conseil a voulu condamner en ce qu'elles
heurtent les droits et libertés garantis par la Constitution ? En d’autres termes, ce que
l’institution juge contraire à la Constitution, ce ne sont peut-être pas tant les dispositions
incriminées que les pratiques d’extorsion de l’aveu qui en découlent. C'est bien parce
que l'utilisation de la garde à vue n'est pas suffisamment respectueuse des droits et
libertés de la personne que le Conseil constitutionnel décide d'intervenir pour y mettre
un terme. Ce faisant, le juge constitutionnel apprécie davantage les comportements
que les dispositions législatives, même si ces comportements sont rendus possibles par
l'application de celles-ci. Le brevet de conformité délivré lors du contrôle antérieur ne
serait, d'un point de vue substantiel en tout cas, nullement remis en cause même si le
contrôle exercé par le Conseil change de nature. Cependant, sauf à admettre que la
pratique s’incorpore à la disposition appliquée, force est d’admettre que l’orientation
jurisprudentielle donnée par cet organe de contrôle demeure surprenante. Le Conseil va
réaffirmer la valeur constitutionnelle du principe de présomption d’innocence mais en
204
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
329
Cons. const. 19-20 janvier 1981, n° 80-127 DC.
330
Jean-Marie ROBERT, « La peine justifiée », in Mélanges Patin, préc. p. 567. D. 27/01/2011, article de
Louis BORE.
331
Ibid.
332
Jacques BORE, La cassation en matière pénale, Paris, LGDJ, 1985, § 3166.
205
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
avait été réellement commise. Si la Cour s’efforce d’inclure une mention selon laquelle
son arrêt ne pourra servir de premier terme à la récidive, il a été observé qu' « il s'agit là
d'un vœu pieux qui ne peut s'opposer au jeu normal de l'autorité de la chose jugée »333.
Dans sa décision du 16 juin 1999 portant sur la loi relative à la sécurité routière, le
juge constitutionnel a estimé qu’il pouvait résulter des « (…) dispositions de l’article 9
de la Déclaration des droits de l’homme qu’en principe le législateur ne saurait
instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ; toutefois, à titre
exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière
contraventionnelle, dès lors qu’elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu’est
assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la
vraisemblance de l’imputabilité334 ». Bien avant le Conseil, la CEDH avait déjà admis
que la présomption d’innocence puisse être tenue en échec dès lors que les
présomptions contraires pouvaient être écartées et qu’elles ne dépasseraient pas des
« limites raisonnables » prenant en considération la gravité de l’enjeu et la sauvegarde
des droits de la défense335. Ainsi, la Cour avait mis en exergue trois types de
dérogations légales aux règles de la charge de la preuve. Tout d’abord, qu’il incombait à
la défense de prouver l’élément moral de l’infraction ; ensuite, qu’il était acceptable que
la charge de la preuve pût peser sur l’accusé en matière d’irresponsabilité notamment en
matière de preuve des causes de non-imputabilité 336; enfin, que la preuve fut
susceptible d’obéir à des règles particulières s’agissant d’infraction qui ne présentait pas
un caractère de particulière gravité, notamment au visa de l’article L. 121-2 du Code de
la route qui fait peser les infractions à la réglementation relative au stationnement de
véhicule sur le titulaire de la carte grise. Cette présomption fait d’ailleurs foi jusqu’à ce
que l’intéressé soit en mesure de fournir des renseignements permettant d’identifier le
véritable auteur de l’infraction. Dans la décision précitée du 16 juin 1999, la Haute
Autorité a donc admis une exception au principe de présomption d’innocence d’origine
333
Cass. crim., 14 mai 1915, Bull. crim. n° 96. La Cour de cassation, par cet ancien arrêt, avait également
décidé que la déclaration de culpabilité, erronée mais définitive, pouvait fonder des condamnations à
dommages et intérêts au profit de la victime, bien qu’un seul des deux délits retenus dans la déclaration de
culpabilité soit légalement constitué.
334
CEDH 7 octobre 1988, n°141- A, SALABIAKU c/ France préc.
335
Cons. const. 16 juin 1999, n° 99-411 DC : JO 19 juin, p. 9019.
336
Cass. crim. 20 déc. 1949, JCP 1950, II, p. 5614.
206
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
207
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
142- Les griefs formulés par la saisine. Dans le cadre de la mise en œuvre en
France du mode de poursuite de plaider coupable, le principal grief soulevé par les
auteurs de la saisine reposait sur l’article 137 de la loi portant adaptation de la justice
aux évolutions de la criminalité. Dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, le
Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution, à
l’exception de celles qui prévoyaient que la présentation de la personne lors de la phase
340
Cass. crim. 10 février 1992, Bull. crim. n° 62 ; Crim. 1er février 2000, Bull. crim. n° 51.
341
Cass. crim. 29 mai 1980, Bull. crim. n° 164.
208
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
342
Cons. const, décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999.
209
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
contrôle est d’autant plus pressante lorsque la personne jugée peut être privée de sa
liberté. Le Conseil en déduit donc la nécessité de rendre l’audience d’homologation
publique.
210
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
211
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
toute culpabilité. Inspiré par la croyance que toute créature est par essence portée par le
péché adamique de désobéissance, Dieu envoie son propre Fils Jésus pour racheter ce
péché. Les musulmans, en revanche, considèrent que cette notion est incompatible avec
la justice divine en soulignant que cette thèse est une addition postérieure opposée, de
surcroît, à la miséricorde et à la justice divine. Au Moyen Âge, l’idée occidentale d’une
culpabilité primordiale entraînera également une inquiétude face au péché qui conduira
massivement les chrétiens à se confesser donc se justifier de leurs actes. Dès lors, la
contrition des péchés, ancêtre de l’aveu pénal, trouve sa source dans la tradition
occidentale chrétienne car les pénitents pouvaient se confesser pour des motifs
considérés parfaitement anodins aujourd’hui. La tradition chrétienne est donc celle
d’une culpabilité originelle qui suppose que l’homme doive, au cours de sa vie, par ses
actes, passer des ténèbres à la lumière, gage d’une vie éternelle. Or, il n’existe pas, après
examen, de péché originel dans le texte de la Genèse car le concept a été forgé dans
l’épître aux Romains explicité par Saint-Augustin dans sa lutte contre Pelage. Si le
pélagianisme considérait la création comme une bonne chose et, a contrario, ne croyait
pas au péché originel au nom d’un certain rationalisme, l’évêque d’Hippone va conférer,
en revanche, au péché originel une dimension dramatique car Adam a reçu en Eden une
grâce le rendant pleinement libre et responsable de ses actes. Le péché originel suppose
une projection de la culpabilité de sa violence sur l’autre, c’est le processus
d’accusation. Comme l’explique René GIRARD, ce mythe d’une culpabilité originaire
est fondateur de la civilisation occidentale laquelle devra s’efforcer d’expulser de sa
conscience ce meurtre fondateur343. Dans cette tradition, tout aveu ne saurait être qu’un
aveu de culpabilité et l’innocence présumée n’est qu’un mot, ce qui signifie un terme
conventionnel insusceptible de recevoir une application concrète. C’est cette doctrine
que l’on retrouve dans la philosophie nominaliste, celle notamment du théologien
médiéviste Guillaume d’OCKHAM (1285-1347).
343
René GIRARD, Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Editions Grasset, 1961.
212
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
344
Claude PANACCIO, Les Mots, les concepts et les choses. La sémantique de Guillaume d'OCKHAM et
le nominalisme aujourd'hui, Montréal, Bellarmin, et Paris, Vrin, 1991.
213
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
345
Ibid.
214
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
ne sont pas consentis devant le procureur de la République mais bien en amont devant
les services de police, lesquels transmettent leur rapport au représentant du parquet. La
circulaire du 29 juillet 2005 souligne à cet effet qu’il y a un intérêt évident pour la
personne suspectée de reconnaître sa culpabilité afin que, a posteriori, le parquet ne
s’engage dans un mode de poursuite qui sera voué à l’échec.
151- La circulaire du 19 avril 2005. Ce texte pris par la Direction des affaires
criminelles et des grâces prescrit le caractère facultatif de la présence du représentant du
ministère public à l’audience d’homologation. Elle confirme par conséquent la position
adoptée par le ministère de la Justice dans la circulaire du 2 septembre 2004. Cette
circulaire, publiée le lendemain de l’avis de la Cour de cassation qui estimait obligatoire
346
CEDH, 25 février 1993, FUNKE c/ France (req. n° 10828/84) ; CEDH, 17 déc. 1996, SAUNDERS c/
Royaume-Uni (req. n° 19187/91).
347
Dans l’affaire BRUSCO c/ France (req. n° 1466/07), la CEDH, conclut, à l’unanimité, à la violation de
l’article 6 §§ 1 et 3 (droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de garder le silence) de la
Convention européenne des droits de l’homme. CEDH, BRUSCO c/ France du 14 octobre 2010, (req. n°
1466/07).
215
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
348
Nos 279833 et 279834.
349
La loi du 26 juillet 2005 modifiant l’article 495-9 du CPP.
350
Circulaire du 29 juillet 2005, préc.
216
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
Conseil constitutionnel une nouvelle fois saisi, on eut attendu qu’il censure cette loi. Pas
du tout. Dans sa décision du 22 juillet 2005, il valide la loi estimant, sans autre
motivation, qu’elle ne méconnaît ni le principe d’égalité ni les exigences
constitutionnelles relatives au respect des droits de la défense et à l’existence d’un
procès équitable (…) »351. Par conséquent, le juge de l’homologation risque d’être tenté
d’exercer un contrôle plus léger en réduisant son office à un simple examen de la
procédure sans un réel pouvoir d’appréciation sur la peine. Pourtant, seule la
jurisprudence du juge de l’homologation pourra sauvegarder les intérêts de la personne
mise en cause ; car, dans l’hypothèse où le parquet proposera une peine en dehors de
cette interprétation, il prendra alors le risque de voir sa requête rejetée. Pour que le
pouvoir de punir ne soit pas transféré au pouvoir exécutif, en méconnaissance du
principe selon lequel la déclaration de culpabilité doit être établie par un magistrat
indépendant et impartial, il est essentiel que le juge du siège puisse exercer la plénitude
des pouvoirs qui lui a été conférée par la Constitution.
« Si le prévenu ne consent pas à être jugé séance tenante ou si l’affaire ne paraît pas
en état d’être jugée, le tribunal, après avoir recueilli les observations des parties et de
leur « avocat », renvoie à une prochaine audience qui doit avoir lieu dans un délai qui ne
peut être inférieur à deux semaines, sauf renonciation expresse du prévenu, ni supérieur
à six semaines (…) ».
Il s’ensuit que l’avocat peut demander au tribunal d’ordonner tout acte relatif aux
faits reprochés qu’il estime nécessaire à la manifestation de la vérité ou à la personnalité
de son client. L’article 397-2 dudit code prévoit la possibilité, à la demande des parties
ou d’office, de solliciter un supplément d’instruction, et ce dans les conditions prévues à
351
Jacques ROBERT, « Force ou faiblesse de la constitutionnalisation du droit pénal », « Cycle de
conférence de procédure pénale », Cour de cassation, Paris, 16 mars 2006, Dalloz, p. 6.
217
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
l’article 83 alinéa premier CPP. Le tribunal dispose en outre de la faculté, s’il estime
que la complexité de l’affaire le justifie, de renvoyer le dossier au procureur de la
République afin de procéder à des investigations supplémentaires approfondies. Il s’agit
par conséquent d’une procédure accélérée qui ne démunit pas la personne poursuivie de
la faculté de s’associer le concours de la juridiction devant laquelle elle doit être
déférée, ce qui apparaît davantage protecteur du principe de présomption d’innocence
car le tribunal conserve un rôle actif dans la recherche des preuves.
A l’inverse, lorsque la voie procédurale de CRPC est initiée, les déclarations par
lesquelles la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés sont recueillies, et la
proposition de peine est formulée par le ministère public. Le rôle attribué au juge du
siège demeure limité au contrôle de la réalité des faits et de leur qualification juridique,
ainsi qu’à celui de l’aveu du prévenu et de son acceptation de la peine proposée,
reléguant l’avocat de la défense à un rôle de simple conseil. La procédure de plaider
coupable ne respecte qu’insuffisamment le droit pour la personne mise en cause de se
taire, c’est dire son droit au silence tel qu’il est posé à l’article 63 -1 du CPP.
218
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
Dès lors, puisque l’aveu doit être effectué dans le bureau du représentant du
ministère public en présence de l’avocat, et non lors d’une phase de pré-reconnaissance
ou préparatoire dans les locaux des services de police, cette reconnaissance de
culpabilité risque d’être altérée en raison de l’état psychologique de la personne
poursuivie. Il s’ensuit que ce contexte particulier de réception de l’aveu pourra conduire
le suspect à reconnaître sa culpabilité pour échapper aux pressions et obtenir avec une
quasi certitude une peine allégée sinon négociée, plutôt qu’à faire valoir ses moyens de
défense pour rapporter éventuellement la preuve de son innocence. De son côté, le juge
constitutionnel a exigé que le juge de l’homologation vérifie non seulement l’existence
de cette reconnaissance, mais également son caractère « libre et sincère »352. La
circulaire prescrit que le parquet doit s’assurer auprès des enquêteurs « que l’intéressé
est bien susceptible d’accepter une proposition de peine » ; par suite, le ministère public
pourra demander aux enquêteurs d’informer la personne qu’il envisage de recourir à la
CRPC le cas échéant, en leur indiquant la nature des peines qu’il envisage de proposer.
Il s’ensuit que l’enquêteur pourra informer la personne mise en cause des intentions du
procureur concernant la voie procédurale envisagée ainsi que de la ou des peines
proposées.
153- L’aveu comme acte préliminaire du processus judiciaire. Au-delà des aveux
passés au cours d’un procès, les débats devant la Cour d’assises vont se prolonger, ne
serait-ce que pour que la partie civile puisse connaître le mobile du crime. Il s’agit donc,
pour la victime, par cet aveu de culpabilité, de se libérer d’un poids trop important.
352
Décision n° 2010-77 QPC du 10 décembre 2010 - Mme Barta Z. [Comparution sur reconnaissance
préalable de culpabilité].
219
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
L’aveu remplit ainsi une fonction cathartique pour la victime car au drame vécu parfois
par une famille se rajoute la méconnaissance de l’identité réelle de l’auteur de
l’infraction lequel persiste à nier les faits qui lui sont reprochés. Par conséquent, au-delà
de la reconnaissance de culpabilité du délinquant, la victime souhaitera avoir
connaissance non seulement des explications ayant conduit l’auteur à passer à l’acte
mais également du déroulement des faits ; autrement dit, c’est la question du réel critère
d’appréciation de la culpabilité en matière répressive qui est posée (A). En effet, cette
difficulté à penser le fondement de l’acte de juger s’inscrit dans un contexte
problématique s’agissant notamment de procédures sans réel contrôle, puisque
l’essentiel de la décision appartient au parquet. En outre, la procédure de plaider
coupable témoigne de l’absence d’égalité entre les juridictions dans l’infliction des
peines concernant des infractions similaires. Un intérêt différent est donc attaché aux
procédures de reconnaissance de culpabilité en fonction des juridictions appelées à
statuer, ce qui tend à dissocier l’égalité de la légalité (B). Et ce, de façon assez
paradoxale, si l’on admet qu’au-delà de l’objectif de traitement accéléré des flux
pénaux, la CRPC se donnait comme ambition de lutter contre l’erreur judiciaire (C).
154- Un conflit de valeur entre l’avocat et son client. Face aux procédures
accélérées de traitement des flux pénaux, la défense pénale va devoir consentir des
efforts d’adaptation qui risquent de conduire à un déséquilibre important entre l’autorité
de poursuite et les droits conférés à l’avocat dans sa mission d’assistance et de
représentation de son client. C’est non seulement le statut de la personne poursuivie qui
est soumis à controverse mais également celui de l’avocat qui sera tenté de rapporter la
preuve de l’innocence de son client après avoir recueilli éventuellement des éléments
probants dans le dossier, alors que l’intéressé préfèrera reconnaître, parfois sous la
pression, sa culpabilité afin d’obtenir une peine allégée. Un conflit de valeurs rique ainsi
de s’élever également entre l’avocat, soucieux de la vérité des faits résultant strictement
des pièces versées à un dossier, et son client lequel considèrera que son seul intérêt est
sa remise en liberté, et ce même s’il doit être conduit à avouer des faits dont il n’est pas
l’auteur. Il s’agira par conséquent non seulement d’une procédure sans juge, puisque le
magistrat du siège n’aura qu’un rôle d’authentification de la procédure, l’essentiel des
pouvoirs étant en réalité transférés au parquet mais aussi, sur le fond, d’une procédure
220
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
353
En pratique 97.8 % des procédures sont homologuées. Source Infostat Justice 2009, site :
www.justice.gouv.fr.
221
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
procédure sans juge, et ce d’autant que l’indemnisation allouée de quarante six euros354
dans le cadre de l’aide juridictionnelle dont peut bénéficier l’intéressé, donc son conseil,
apparaît dérisoire, voire peu soucieuse d’une réelle garantie apportée au justiciable. Il
s’agit ainsi d’une procédure dénuée de véritable juge car les membres du parquet sont,
certes, des magistrats mais ne sont pas, à proprement parler, sur le plan statutaire, de
véritables juges car ils ne bénéficient pas de l’inamovibilité dont peuvent se prévaloir
leurs collègues du siège355. Une voie procédurale qui, en outre, malmène les droits de la
défense par les délais importants pouvant s’écouler entre les rendez-vous fixés par le
parquet et l’homologation éventuelle par le magistrat du siège.
354
Sur l’indemnisation de 46 euros allouée dans le cadre de l’aide juridictionnelle : Article 132-2 du décret
n° 91-1266 du 19 Décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 Juillet 1991 relative à
l’aide judiciaire.
355
CEDH 23 novembre 2010, MOULIN c/ France, Dalloz actualité, 24 novembre 2010, obs. S. LAVRIC ;
D. 2010. AJ Pénal, 2010, p. 2776, obs. S. LAVRIC ; AJ Pénal p. 2761, édito. F. ROME, « Le parquet
français n’est pas une autorité judiciaire selon l’article 5, § 3 CEDH ». Dans le même sens, Cass. Crim. 5
décembre 2010 n° 10-83.674, Cahiers du Conseil constitutionnel 2011, p. 231 ; Dalloz 2011 p. 338 ; RSC
2011, p. 142 ; CEDH MOULIN c/ France, 23 novembre 2011, n° 37104/06; AJ Pénal 2011 p. 106 ; J.
PRADEL, « Quel(s) magistrat(s) pour contrôler et prolonger la garde à vue ? Vers une convergence entre
la Cour de Strasbourg et la Chambre criminelle de la Cour de cassation », D. 2011, p. 338 ; Jacques
BUISSON, « Le procureur de la République n’est pas un magistrat au sens conventionnel », Procédures
2008, comm. p. 343 ; J.-F. RENUCCI, « Le procureur de la République est-il un magistrat au sens
européen du terme ? », in Mélanges COHEN-JONATHAN, Bruylant, 2001, p. 1345 s.
222
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
156- Aveu et légitimité. La réception de l’aveu en matière pénale peut ainsi justifier
des atteintes aux droits de la défense prévus par la loi, ce qui pose, en définitive, la
question de sa légitimité. En effet, l’aveu s’inscrit dans un contexte paradoxal par
rapport aux normes existantes, fussent-elles de rang constitutionnel ou de nature
législative. En effet, si la liberté individuelle est un droit substantiel dont peut bénéficier
une personne mise en cause, force est d’admettre que la privation ex ante de sa liberté
avant toute décision judiciaire dans le cadre d’une reconnaissance préalable de
culpabilité, revêt un caractère dérogatoire, même si elle est admise par le juge
constitutionnel (1). Enfin, à la faveur de la mise en œuvre du plaider coupable en
France, il semblerait que l’équilibre des pouvoirs soit bouleversé. Il s’ensuit que les
acteurs au procès assistent à une confusion entre l’acte de juger et l’organe de poursuite
(2). Pourtant, notre système pénal prohibe, en théorie, tout pré-jugement (3).
356
Lydie ANCELOT et Myriam DORIAT-DUBAN, « La procédure de CRPC: l’éclairage de l’économie
du droit sur l’équité du plaider coupable », APC, Paris 2011, p.282.
223
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
357
Code constitutionnel préc. p. 576.
358
Article 129 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et
d'allègement des procédures JORF n° 0110 du 13 mai 2009, p. 7920 texte n° 1.
359
Cass.crim 14 octobre 2008, n° 08-82.195.
224
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
modes prévus par l'article 388 du CPP avant que le prévenu ait déclaré ne pas accepter
la ou les peines proposées ou que le président du tribunal ait rendu une ordonnance de
refus d'homologation. Dès lors que le ministère public n'avait pas, en l'état, le pouvoir
de saisir le tribunal, c'est à bon droit que la cour d'appel a refusé d'évoquer après
annulation360. La loi du 12 mai 2009 est venue modifier l’article 495-15-1 en ce sens :
« La mise en œuvre de la procédure prévue par la présente section n'interdit pas au
procureur de la République de procéder simultanément à une convocation en justice en
application de l'article 390-1. La saisine du tribunal résultant de cette convocation en
justice est caduque si la personne accepte la ou les peines proposées et que celles-ci font
l'objet d'une ordonnance d'homologation » 361. Le Conseil constitutionnel a ainsi été
saisi le 5 octobre 2010362 par la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l'article
61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme
BARTA Z. Cette QPC était relative à la conformité de l'article 495-15-1 du CPP aux
droits et libertés que la Constitution garantit363. La requérante soutenait que cette faculté
était notamment contraire au respect des droits de la défense. Le juge constitutionnel a
considéré que, par elle-même, cette faculté est insusceptible de porter atteinte aux droits
de la défense garantis par d'autres articles du CPP. Si une procédure de CRPC n'aboutit
pas, la loi interdit que le procès-verbal des formalités accomplies pendant cette
procédure soit transmis à la juridiction de jugement. Il appartient au procureur de la
République de veiller à ce que la convocation en justice soit effectuée à une date
suffisamment lointaine pour garantir qu'au jour fixé pour la comparution du prévenu
devant le tribunal correctionnel, la procédure de CRPC a échoué ou que les peines
proposées ont été homologuées. Il s’ensuit que l'article 495-15-1 du CPP n’est pas
360
Sur l'impossibilité de l'évocation d'une affaire par la cour d'appel lorsque la juridiction de première
instance a été irrégulièrement saisie, à rapprocher : Crim., 21 mars 1979, pourvoi n° 78-92.998, Bull.
crim. 1979, n° 115 (2) (cassation) Sur l'impossibilité pour le ministère public de convoquer
concomitamment un prévenu selon la procédure de CRPC et devant le tribunal correctionnel selon la
procédure ordinaire, dans le même sens que : Crim., 4 octobre 2006, pourvoi n° 05-87.435, Bull. crim.
2006, n° 244 (rejet).
361
Cass. crim. 29 septembre 2010, n° 10-90102.
362
QCP 10 décembre 2010, BARTA.Z., décision n° 2010-77, aussi, l’article 495-15-1 du CPP ne porte pas
atteinte au principe constitutionnel de la présomption d’innocence. Ces dispositions sont conformes à la
Constitution. Par ailleurs, cf. Cour de cassation, 17 septembre 2008, pourvoi n° 08-80.858, Bull. crim.,
2008, n°19 ; D. 2008, p. 2904, note J. PRADEL ; D. 2009, p. 2238, J. PRADEL ; RSC 2009, p. 412, obs.
B. BOULOC.
363
Albert MARON et Marion HAAS, « Le doublé CRPC - convocation en justice », Droit pénal n° 12,
décembre 2010, comm. p. 145.
225
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
364
Cour d'appel de Toulouse, 2 avril 2008, n° 08-80.067, Bull. crim. n° 92 ; AJ pénal 2008, p. 377, obs.
C. DUPARC ; RSC 2008, p. 637, obs. A. GIUDICELLI.
365
Ibid Cour d'appel de Toulouse, 2 avril 2008, n° 08-80.067, Bull. crim. n° 92 ; AJ pénal 2008, p. 377,
obs. C. DUPARC ; RSC 2008, p. 637, obs. A. GIUDICELLI.
366
Cass. crim. 29 octobre 2008, D., 2009, p. 534.
226
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
Il s’agit néanmoins d’un dispositif paradoxal si l’on admet que l’accroissement des
pouvoirs dévolus au parquet ne s’est pas accompagné, ce qui eût été logique, et a
d’ailleurs fait l’objet d’une réclamation lors de la conférence des procureurs du mois de
décembre 2011, d’une indépendance statutaire, à l’instar de celle dont peuvent
bénéficier leurs collègues du siège. Si le ministère public tend à s’arroger les pouvoirs
dévolus à un juge du siège sui generis, l’avocat risque de voir son rôle également se
déplacer en se substituant, en fait, au représentant du parquet pour conduire le juge à
homologuer une proposition déjà consentie par son client. Aussi, un contrôle effectif du
juge et non un simple contrôle des décisions du parquet apparaît d’autant plus
nécessaire que la loi PERBEN II a renforcé les pouvoirs hiérarchiques du Garde des
sceaux sur le parquet, ce qui permet au pouvoir exécutif de donner des instructions
générales sur le montant des peines proposées.
la mesure de garde à vue vient légitimer par la loi une atteinte à la personne, en
contradiction avec l’article préliminaire du CPP. Pourtant, il en est de même de la phase
subséquente qui permettra parfois, alors que les affaires eussent méritées, en raison de
leur complexité, l’ouverture d’une information judiciaire devant un magistrat
instructeur, la présentation de l’intéressé en comparution immédiate donc sa
présentation devant un juge des libertés et de la détention en application de l’article 144
CPP. Selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, il n’est pas porté atteinte aux
droits de la défense si un arrêt se borne à constater l’existence d’une condamnation de la
cour d’assises de première instance, sans préjuger de la culpabilité de l’accusé et qui
énonce, en conséquence, que la détention provisoire est l’unique moyen d’empêcher des
pressions sur les témoins et la victime, ainsi que de garantir le maintien de l’intéressé à
la disposition de la justice367.
367
Crim. 19 septembre 2001, Bull. crim. n° 185.
368
Source site du Ministère de l’Intérieur.
369
Décision n° 95-360 DC, précitée.
228
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
370
N° 95-360 DC du 2 février 1995, Injonction pénale : Rec. Cons. Const ; p. 195 ; D. 1995, p. 171,
chron. Jean PRADEL, et p. 201 chron. J. VOLFF.
371
Déc. n° 40 DC du 9 juillet 1970.
229
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
Si la force probante d’un tel aveu reste discutable, il s’apparente ainsi à un pré-
jugement sur la culpabilité, pré-décision théoriquement interdite si l’on se réfère à la
jurisprudence précitée du 2 février 1995.
372
Consid. 111 de la décision n° 2004-492 préc.
373
Enrico ALTAVILLA, Psychologie judiciaire, traduit et adapté par Marie-Thérèse et Roger BERAUD,
avant-propos de Georges LEVASSEUR, Paris, 1959, Cujas, p. 20 et s, p. 51 et s.
365 Anne LEBORGNE, Christus, n° 235, juillet 2012, p. 3.
230
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
procédural, sinon inadapté sur le plan technique, du moins peu soucieux de la réelle
culpabilité de la personne mise en cause, peut remettre en cause la notion de liberté
individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution. Ainsi, pour le juge
constitutionnel, la séparation des fonctions pénales est de nature à sauvegarder la
présomption d’innocence.
375
Décision précitée n° 004-42 DC du 2 mars 2004.
376
Ibid.
231
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
parquet dispose dans ce mode de poursuite de pouvoirs renforcés qui risquent d’attenter
au principe d’indépendance et d’impartialité de la juridiction si l’on admet que le
jugement à intervenir ne reflètera pas obligatoirement la vérité du dossier puisque
l’accusation sera affranchie de l’obligation de soumettre les éléments probants de la
culpabilité de l’intéressé à une autorité judiciaire indépendante, c’est à dire, en
définitive, d’en démontrer la régularité. Par conséquent, le risque existe que l’auteur des
faits accepte une ou des peines proposées tout en considérant qu’il est en réalité
innocent des faits qui lui sont reprochés mais pour lesquels il admettra toutefois, pour
des raisons tenant au caractère anxiogène du procès, d’être sanctionné sur le plan pénal.
Ainsi, le consentement à la peine s’apparente par définition à une renonciation
volontaire au principe de présomption d’innocence dont l’intéressé devrait bénéficier. Il
s’ensuit que la décision d’homologation risque de conduire, en dépit des garanties
théoriques prévues par le législateur, à un jugement sur la culpabilité d’un prévenu qui
pourra reposer sur un mensonge. Désormais, la question n’est plus de savoir si oui ou
non la personne est coupable, ce qui semble admis ab origine par le parquet, mais
davantage si la voie procédurale de CRPC n’est pas tout simplement un débat entre le
prévenu et l’accusation sur la peine à infliger. Dans cette perspective, l’homologation de
la proposition du parquet apparaitra plus légitime car plus cohérente.
377
Cons. const. n° 2011-641 DC du 8 décembre 2011.
232
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
cadre jurisprudentiel qu’il a fixé en 2004 est respecté. Le Conseil a repris les termes de
la réserve énoncée au considérant 107 de la décision du 2 mars 2004 précitée selon
laquelle, dès lors qu’il appartient au président du TGI d’homologuer la peine proposée,
il a la possibilité de refuser l’homologation s’il estime que la nature des faits, la
personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société
justifient une audience correctionnelle ordinaire ou si les déclarations de la victime
apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l’infraction a été
commise ou sur la personnalité de son auteur. Ainsi, la compétence du juge du siège
pour valider une peine privative de liberté est respectée et il n’est porté atteinte ni au
principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement ni à l’article 66 de la
Constitution.
163- L’homologation du juge en marge d’un réel débat sur la culpabilité. Dans
la mesure où l’office du juge est limité à un simple contrôle de la procédure sans un réel
pouvoir d’appréciation sur la peine, ce dernier sera tenté d’exercer un contrôle plus
léger. Or, seule la jurisprudence du juge de l’homologation pourra sauvegarder les
intérêts de la personne mise en cause ; car, dans l’hypothèse où le parquet proposera une
peine qui s’en écartera, il prendra alors le risque de voir sa requête rejetée. Aussi, afin
que le pouvoir de punir ne soit pas étendu au pouvoir exécutif, il est essentiel que le
siège puisse exercer la plénitude des pouvoirs qui lui a été conférée par la Constitution.
Dans ce cadre, une solution pourrait consister à accorder au magistrat homologateur non
pas une simple alternative manichéenne, pour le moins simpliste, entre validation ou
absence de validation, mais un réel pouvoir d’appréciation qui éviterait que l’audience
ne se réduise à une peine tout en permettant un contrôle de la décision du procureur de
la République.
233
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
A telle enseigne que les mots employés témoignent également de cet a priori négatif.
Il s’agirait d’une sorte de réflexe mental que l’on retrouve dans des expressions peu
équivoques pour le profane, celle d’inculpé, ledit inculpé bénéficiant aujourd’hui d’une
dénomination guère plus avantageuse de mis en examen ; celle de « chambre
d’accusation » qui prévalait avant qu’opportunément le législateur lui ait substitué celle
plus juste de chambre de l’instruction, laquelle juridiction d’appel reste, en pratique,
davantage une « chambre d’accusation » si l’on en juge par le faible taux d’infirmation
des ordonnances rendues par les cabinets d’instruction, en moyenne 4 à 5 %378. Il
s’avère particulièrement ardu de désavouer un juge d’instruction en faisant infirmer, en
interjetant appel, une ordonnance prise par ce magistrat. Le président de la chambre de
l’instruction tient de l’article 186-1 du CPP, la faculté d’opérer un filtre et par
conséquent de décider discrétionnairement que l’ordonnance frappée
d’appel sera insusceptible d’une voie de recours. La règle a fait l’objet d’une QPC. En
l'espèce, une partie avait saisi le juge d'instruction d'une demande tendant à constater la
prescription de l'action publique, en application de l’article 82-3 du CPP379. En pareilles
378
Source Infostat justice 2009, site : www.justice.gouv.fr
379
Lucile PRIOU ALIBERT, « Action en prescription de l'action publique pendant l'instruction : refus de
renvoi de la QPC », par Dalloz actualités 8 décembre 2010.
235
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
circonstances, si le magistrat instructeur ne se prononce pas dans un délai d'un mois, les
parties ont la possibilité de saisir directement le président de la chambre de l'instruction
en application du dernier alinéa de l’article 81 dudit code. Le président de cette chambre
rend alors une ordonnance non susceptible de recours aux termes de laquelle il décide
de saisir ou non la chambre de l'instruction de cette demande (art. 186-1 c. pr. pén.). Or,
cette procédure était jugée non seulement contraire aux droits de la défense par les
auteurs de la question prioritaire de constitutionnalité, mais également au droit à un
recours effectif. En outre, cette pratique contreviendrait au principe d'égalité devant la
loi et à celui d’égalité des armes. Pourtant, la Cour de cassation refusa de renvoyer au
Conseil constitutionnel cette QPC. En l’espèce, elle estima, tout d’abord, que le
président de la chambre de l'instruction, saisi de la requête à laquelle le juge
d'instruction n'avait pas répondu, devait rendre une décision motivée en cas de non
saisine de la chambre de l'instruction, cette décision étant susceptible d'être censurée en
cas d'excès de pouvoir. Ensuite, que la question de la prescription de l'action publique
pouvait toujours être soulevée devant le juge du fond380.
380
Cass. crim., QPC incidente - non lieu à renvoi au CC, 23 novembre 2010, n° 10-86.067, Publié au
bulletin.
236
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU
237
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
En même temps, cette vérité est évolutive. Il s’ensuit que dans le cadre du
développement des procédures simplifiées, dictées par l’urgence et l’immédiateté, ce
n’est plus le débat classique entre la vérité judiciaire et la vérité absolue qui est
désormais posé, mais celui de l’abandon de cette problématique binaire au profit d’un
autre critère : celui de l’efficacité dans le traitement des flux pénaux. Il ne s’agit plus de
rechercher une quelconque vérité, mais de susciter l’aveu en marge de la question de la
vérité. L’aveu, en d’autres termes, n’est plus souhaité parce qu’il serait le signe évident
d’une vérité judiciaire, ce qui est hors débats, mais davantage pour consolider la thèse
de l’accusation. L’aveu, dans cette perspective, devient donc un simple alibi car,
émancipée de la morale, la vérité devient secondaire, au profit d’un simple pragmatisme
judiciaire. La place croissante occupée par l’aveu permettrait, au nom d’un impératif de
célérité, de pallier les inconvénients d’audiences surchargées donc le risque d’une
préparation insuffisante des procès. C’est en ce sens que l’aveu devient, d’une certaine
manière, l’allié objectif de l’appareil judiciaire car il permet de désengorger les
238
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
juridictions, même si cette évolution s’effectue au détriment d’un réel équilibre des
parties et d’un renforcement des prérogatives du parquet.
Par ailleurs, aux termes de l’article 10 du Code civil : « chacun est tenu d’apporter
son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité »381. Il découle de ce
principe que si le juge est en droit d’exiger de chacun qu’il concoure à la manifestation
de la vérité, il ne saurait toutefois se contenter d’une simple intuition qui aurait pour but
d’alléger sa tâche. L’alternative est la suivante : ou bien l’exigence de vérité répond à un
besoin impérieux sans lequel il ne saurait exister réellement de justice, cette exigence de
vérité constituant donc un devoir ; ou bien, la recherche d’une vérité judiciaire constitue
un vœu pieux, voire une illusion, et dans ces conditions les droits de la défense devront
être renforcés pour contrecarrer les risques d’atteintes aux libertés individuelles. C’est
dans ce contexte que le mode de poursuite de plaider coupable par exemple met en
lumière les contradictions de la vérité judiciaire dans la culture pénale française. Celle
de l’avocat, défenseur du principe de présomption d’innocence, celle des magistrats,
notamment ceux du parquet, garants d’une culture de l’accusation, pour lesquels, par
principe, tout le monde ment. Or, la technique de CRPC renvoie à la valeur judiciaire de
381
Art. 10 du Code civil, préc.
239
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
170- Une vérité relative. La chose jugée n’est pas la vérité mais une vérité car
coexistent au moins deux vérités qui s’opposent tout au long du procès pénal, celle de
l’avocat, soucieux défenseur de son client au nom et pour le compte du principe de
présomption d’innocence, celle du magistrat du parquet qui, par tradition héritée de
l’histoire, est dépositaire d’une culture de l’accusation, d’un temps où le Roi de France
refusait au juge tout pouvoir qu’il ne tînt pas de lui, car le juge était tout à la fois la loi et
le roi, ce que disait notamment son pouvoir d’évocation.
Ce qui apparaît ainsi comme essentiel dans le procès pénal, ce sont les éléments
versés à une procédure, surtout des documents établis par les experts et les huissiers.
Aux Etats-Unis, la manifestation de la vérité est recherchée davantage de manière
procédurale, avec, par exemple, l’obligation qui pèse sur les parties de verser tout
document ou témoignage, même si cela va à l’encontre de leurs propres intérêts. A
l’inverse, dans le système pénal français, le justiciable dispose de la faculté de taire une
information, cette garantie procédurale étant appréhendée comme le corollaire du
principe de présomption d’innocence. Il s’ensuit que la possibilité du mensonge est
mieux acceptée dans la culture latine car il est communément admis par les magistrats, à
tort ou à raison, que si le mensonge est le principe, la vérité du dossier réside
nécessairement dans les documents transmis par les tiers experts, la vérité judiciaire
382
Pierre LEGENDRE, « De confessis », Remarques sur le statut de la parole dans la première
scolastique », in Renaud DULONG et Jean-Marie MARANDIN, L’aveu, Antiquité et Moyen Age, Paris,
PUF, 2001 p. 405.
240
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
383
Art. 1350 du Code Civil.
384
Civ. 3ème, 4 mars 1998, pourvoi n° 96 11-399 et Soc. 19 mars 1998, Bull. crim. n° 158.
385
Crim. 29 novembre 1994, Bull crim. n° 381 ; Crim. 14 avril 1992, Bull crim. n° 162 ; Crim. 22 mai
1990, Bull crim. n° 211.
241
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
judiciaire ; en outre, la vérité est recherchée d’une manière plus procédurale afin de
verser au dossier tous les éléments permettant d’établir une sélection des jurés. Il
s’ensuit que le rôle de l’avocat consistera à s’assurer que toutes les pièces au soutien de
sa thèse soient vraies et répondent aux questions, sous peine de se voir infliger une
lourde sanction. C’est la raison pour laquelle en France, la procédure de CRPC, par
exemple, pose la question de la valeur judiciaire de l’aveu, c’est-à-dire celle de la
reconnaissance par le prévenu d’une vérité à mi-chemin entre deux vérités proposées,
celle du défenseur et celle de l’accusation, et renvoie, in fine, au problème de savoir si,
en matière pénale, il doit exister une vérité en-soi (celle que recherche le parquet) ou si
la vérité résultant du dossier peut suffire (celle à laquelle se cantonne l’avocat). A ce
propos, M. Philippe BILGER, avocat général près la cour d’appel de PARIS commente
la position des avocats pénalistes en ces termes :
« Faire acquitter un innocent, c’est la moindre des choses. Sortir un coupable, c’est
plus intéressant, ça prouve que les règles sont respectées». Sans vouloir faire dire à ce
propos plus qu’il ne contient, j’y vois tout de même cette idée centrale qu’il n’y a rien
de choquant dans l’absolution d’un coupable, que le doute lui ait bénéficié ou un grave
défaut de clairvoyance judiciaire. J’entends bien que la condamnation d’un innocent
véritable constitue, pour lui et, au-delà, pour la société tout entière une violation d’un
principe fondamental qui doit nous mobiliser. Mais l’acquittement d’un coupable
indiscutable relève-t-il d’un pur jeu où la vérité et le mensonge n’auraient qu’une
incidence judiciaire ou peut-il nous indigner au même titre que le scandale
précédent ? » 386.
386
Philippe BILGER, Pour l’honneur de la justice, Paris, éd. Flammarion, 2006, p. 20.
242
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
387
Comme en a témoigné un colloque organisé par l’Institut de Défense Pénale à Marseille, s’étant tenu le
2 décembre 2006 sur le thème : « l’Avocat et la vérité ». Séminaire de formation sous la direction de
Maitre Alain MOLLA, avocat au barreau de Marseille. Les principaux thèmes traités ont été les suivants :
« La vérité : exigeante ou encombrante ? repère ou piège », intervenant, Maitre Jacques MARTIN, avocat
au barreau de Montpellier ; « Vérité (s) construite(s) : distance, coopération ou compromission »,
intervenant, Maitre Eric DUPOND-MORETTI, avocat au barreau de Lille, « Vérité (s) recherchée (s) :
accès à la recharche de la vérité pour l’avocat », intervenant, Maitre Gaétan DI MARINO, avocat à la
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, professeur agrégé ; « Vérité (s) débusquée (s) : l’avocat et
l’investigation », intervenant, Maitre Michel BRAUNSCHWEIG, avocat à la Cour d’appel de Paris.
243
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
définitive d’un désintérêt, du côté des avocats, pour l’utilité sociale ; ensuite, la position
précitée serait inacceptable au regard de l’éthique car elle contribuerait à détériorer
davantage la vie de la victime.
388
Cet exemple ne peut pas être généralisé, même si le choix d’un aveu contre le bénéfice d’un
aménagement de peine pour le détenu est assez fréquent au stade de l’aménagement de la peine.
244
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
les déclarer coupables ; il s’ensuit que l’alternative proposée par le JAP et le parquet
constitue un réel cas de conscience pour ces détenus. Pourtant, l’intéressé conserve,
même à ce stade, un droit théorique au mensonge. Si le détenu ne pouvait bénéficier de
ce droit au mensonge, on s’accorderait mal sur la nécessité, pour le JAP et le parquet, de
devoir rapporter la preuve de sa culpabilité, encore lors de la phase de l’exécution de
peine.
245
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL
389
C’est ce que nous avons examiné dans la première partie.
390
Voir à ce propos l’étude d’Yvonne MULLER intitulée « La réforme de la garde à vue ou la figure
brisée de la procédure pénale française », in Dr. Pénal n° 2, février 2011, p. 6.
391
Crim. 4 janvier 2011, n° 10-85.520, Dalloz actualité, 17 janvier 2011, obs. M. LENA ; AJ Pénal
2011, p. 83, obs. J. DANET : La chambre criminelle, saisie par la procureure générale, rejette le pourvoi
formé contre un arrêt d’une chambre correctionnelle ayant annulé les actes d’audition et de perquisition
d’une garde à vue. Cette annulation avait été prononcée en première instance en raison de l’absence
d’assistance effective d’un avocat ainsi que des conditions des auditions et d’une perquisition accomplie
durant la garde à vue. L’annulation de la garde à vue était confirmée en appel. La cour d’appel avait
ensuite évoqué et condamné le prévenu sur la base d’un témoignage, d’un enregistrement sonore et d’un
film vidéo recueillis par les enquêteurs en dehors de la garde à vue. La Haute Cour explique que si c’est à
tort que la cour d’appel a prononcé la nullité de la garde à vue avant l’entrée en vigueur de la loi devant,
conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de
la garde à vue ou, en l’absence de cette loi, avant le 1er juillet 2011, l’arrêt n’encourt pas la censure dès
lors qu’il a eu pour seule conséquence que les actes annulés n’ont pas constitué des éléments de preuve
fondant la décision de culpabilité du prévenu. Crim., 18 janvier 2011, n° 10-83.750, Dalloz actualité, 20
février 2011, obs. Emmanuelle ALLAIN : dans la droite ligne de la décision du 4 janvier 2011, la
chambre criminelle réaffirme sa position quant à l’annulation des gardes à vue sans assistance d’un
avocat. Dans cette décision du 18 janvier 2011, la Cour de cassation est saisie d’un pourvoi du procureur
général à la suite du prononcé de la nullité de la garde à vue par la cour d’appel d’Angers pour défaut
d’assistance effective d’un avocat. Un homme fût interpellé et placé en cellule de dégrisement puis ses
droits de gardé à vue lui furent notifiés. Il fût entendu par les policiers avant de voir un avocat puis
246
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL
condamné en première instance pour toute une série d’infractions liées à sa conduite sous l’emprise de
l’alcool. La cour d’appel, après avoir annulé la garde à vue, confirme la condamnation aucun acte n’aynt
été diligenté, après l’interrogatoire de l’intéressé. La chambre criminelle pour rejeter le pourvoi, reprend
les termes exacts de l’attendu de son précédent arrêt : « si c’est à tort que la cour d’appel a prononcé la
nullité de la garde à vue avant l’entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du Conseil
constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue ou, en l’absence de cette
loi, avant le 1er juillet 2011, l’arrêt n’encourt pas la censure dès lors qu’il a eu pour seule conséquence que
les actes annulés n’ont pas constitué des éléments de preuve fondant la décision de culpabilité du
prévenu ». Ainsi, bien que la garde à vue sans l’assistance d’un avocat ne puisse être annulée avant le 1er
juillet 2011, les éléments recueillis lors de l’interrogatoire de l’intéressé qui n’a pas eu accès à un avocat
ne peuvent constituer des éléments de preuve suffisants pour fonder sa condamnation.
392
Rapport en annexe de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la
performance de la sécurité intérieure, dite loi « LOPPSI 2 » p. 56, JO n° 0062 du 15 mars 2011 p. 4582.
247
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL
393
JO du 11 décembre 2009, n° 2009-1523.
248
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL
Mais ce sont surtout les procédures accélérées qui font de l’aveu le pivot central de
gestion du contentieux pénal même en marge de la question de la vérité judiciaire.
249
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL
250
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL
177- Annonce du plan. L’évolution des pratiques en matière pénale tend à banaliser
la question de l’aveu. En effet, ce ce mode de preuve semble désormais davantage
soumis à la discussion entre les divers acteurs au procès (TITRE PREMIER). En
pratique, la réception de l’aveu repose davantage sur un dialogue noué entre le suspect
et l’enquêteur que sur un mode autoritaire. Cette mutation de l’aveu est d’abord
394
Cass. crim., 24 sept. 2008, n° 08-80.872.
251
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL
395
V. en ce sens, M.-C. DESDEVISES, Les fondements de la médiation pénale, Mélanges Blaise, Paris,
Economica 1995, p. 185. J.-P. BONAFE-SCHMITT, La médiation : une autre justice, Paris, Syros-
Alternatives 1992, p. 253 ; M. GUILBOT, S. ROJARE, « La participation du ministère public à la
médiation, » APC, n° 14, Pédone, 1992, p. 56.
252
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL
253
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – LA DISCUSSION DE L’AVEU SUR DECLARATION
178- Vers une transformation du système pénal. Il s’agit désormais pour les
divers acteurs d’instaurer une discussion dans le cadre de la réception de l’aveu. L’idée
communément admise, même si elle est rarement reconnue par les autorités de
poursuite, c’est que la vérité judiciaire, en définitive, est un impératif secondaire
lorsque, d’une part, les faits sont reconnus par le suspect ; d’autre part, qu’il s’agit de
clôturer le plus rapidement une enquête, faute de temps et de moyens matériels. Ce
changement de mentalités induit également une modification de la relation entre
l’enquêteur et le mis en cause où l’échange devient davantage policé. En outre, si la
recherche de l’aveu lors de la phase de garde à vue conduisait fréquemment les officiers
de police judiciaire à user de ruses, menaces et intimidations pour obtenir une
reconnaissance de culpabilité, force est d’admettre que la multiplication des nullités
pouvant être soulevées par l’avocat dans le cadre de cette mesure apportent des
tempéraments au déséquilibre entre défense et accusation. C’est dans cette perspective
qu’un aveu davantage encadré dans sa réception sur un plan juridique (CHAPITRE
PREMIER) demeure une garantie pour le justiciable.
Toutefois, c’est en pratique que la défense pourra juger de l’efficacité des armes dont
elle est dotée, dans un contexte également d’évolution du droit. En effet, la recherche de
l’aveu et le respect du droit au silence se combinent aujourd’hui au sein de notre
procédure pénale. Or, cette transformation pose davantage problème dans un système de
droit de nature romano-germanique fondé sur une enquête privilégiant, par définition,
l’obtention de l’aveu au détriment du droit de se taire. Ce hyatus au sein de la culture
judiciaire est à l’origine d’une mutation dans la réception de l’aveu (CHAPITRE
SECOND).
254
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
Le Conseil constitutionnel396 a toutefois censuré les septièmes alinéas des articles 64-
1 et 116-1 du CPP qui excluaient, en principe, tout enregistrement audiovisuel des
interrogatoires du suspect lorsque celui-ci avait été placé en garde à vue ou mis en
examen du chef de l’un des crimes prévus par l’article 706-73 dudit code – criminalité
organisée –, par les titres Ier – atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation – ou II –
terrorisme – du livre IV du Code pénal. Dans sa décision du 6 avril 2012, le Conseil
constitutionnel affirme, tout d’abord, qu’« aucune exigence constitutionnelle n'impose
l'enregistrement des auditions ou des interrogatoires des personnes suspectées d'avoir
commis un crime ». Cependant, il souligne, ensuite, qu’« en permettant de tels
enregistrements, le législateur a entendu rendre possible, par la consultation de ces
derniers, la vérification des propos retranscrits dans les procès-verbaux d'audition ou
d'interrogatoire des personnes suspectées d'avoir commis un crime » (cons. 9). Par
conséquent, l’exception législative constitue une « discrimination injustifiée » (cons. 9)
et le régime auquel il était fait exception par les dispositions finalement censurées
396
Cons. Cont., Décision n° 2012-228/229 QPC du 6 avril 2012, M. Kiril Z. (Enregistrement audiovisuel
des interrogatoires et des confrontations des personnes mises en cause en matière criminelle).
255
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
prévoit déjà les garanties de nature à permettre la prise en compte des particularités des
enquêtes liées à la criminalité organisée, aux crimes terroristes ou aux crimes portant
atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation. Avec sa décision du 6 avril 2012, le
Conseil constitutionnel généralise donc à l’ensemble des crimes l’enregistrement
audiovisuel des interrogatoires et contribue, du même coup, à compenser le possible
retard de l’intervention de l’avocat en garde à vue397, et ce, même si une telle
compensation demeure soumise à son effectivité. Sur le terrain des nullités,
l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires apparaît plus protecteur que le droit à
l’intervention d’un avocat en garde à vue dès lors que la Haute juridiction judiciaire
considère désormais que la violation de ce dernier droit constitue une cause de nullité
soumise à grief398. Cependant, l’octroi de garanties procédurales supplémentaires, tel
que l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires, revient à créer une « mesure
d’investigation spéciale »399 et peut donc être limité aux seules infractions graves et
complexes.
Désormais, aux termes de l’article 64-1 CPP : « Les interrogatoires des personnes
placées en garde à vue pour crime, réalisés dans les locaux d'un service ou d'une unité
de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire font l'objet d'un
enregistrement audiovisuel. ( …) Le présent article n'est pas applicable lorsque la
personne est gardée à vue pour un crime mentionné à l'article 706-73 du présent code
ou prévu par les titres Ier et II du livre IV du code pénal, sauf si le procureur de la
République ordonne l'enregistrement. ».
Par ailleurs, la loi du 5 mars 2007 a également prévu la possibilité de ne pas procéder à
l’enregistrement. L’alinéa 5 et 6 de l’article 64-1 disposent que : « Lorsque le nombre
de personnes gardées à vue devant être simultanément interrogées, au cours de la même
procédure ou de procédures distinctes, fait obstacle à l'enregistrement de tous les
interrogatoires, l'officier de police judiciaire en réfère sans délai au procureur de la
397
Pour les infractions de « droit commun » : articles 63-4-2, alinéas 4 et 5, du CPP ; pour les infractions
de criminalité ou de délinquance organisées : article 706-88, alinéas 6 et 7, du CPP
398
Cass. crim., 7 février 2012, n° 11-83.676 : Gaz. Pal. 19-21 février 2012, pp. 17-20, note Olivier
BACHELET.
399
Olivier BACHELET, « Censure de la limitation du champ d’application de l’enregistrement
audiovisuel des interrogatoires menés en matière criminelle » in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du
CREDOF, 10 avril 2012.
256
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
République qui désigne, par décision écrite versée au dossier, au regard des nécessités
de l'enquête, la ou les personnes dont les interrogatoires ne seront pas enregistrés.
Lorsque l'enregistrement ne peut être effectué en raison d'une impossibilité technique, il
en est fait mention dans le procès-verbal d'interrogatoire qui précise la nature de cette
impossibilité. Le procureur de la République en est immédiatement avisé. » Il en résulte
que le ministère public peut considérer comme inutile l’enregistrement de certaines
personnes ce qui rend le dispositif aléatoire et va à l’encontre du principe d’égalité.
Toutefois, en dépit de la clôture du procès-verbal d’audition au cours duquel des aveux
seraient passés, des précisions complémentaires pourront être recueillies.
257
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
forgé l’accusation, nourri par l’enquête policière, donc par une impression plutôt
négative dans le sens de la culpabilité, pourra être infléchie sur un plan juridique par la
requête en nullité.
Après avoir examiné cette faculté offerte à l’avocat de soulever une nullité
(SECTION PREMIERE), nous examinerons l’orientation qui en est donnée par la
jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation (SECTION SECONDE).
181- Une institution hostile à la nullité. Il existe un dispositif important des droits
de la défense qui prévoit, si besoin, de contrecarrer les possibles excès ou erreurs non
seulement des enquêteurs mais également du juge pénal (§1), c’est la possibilité de
soulever une nullité dans le cadre de la procédure. Toutefois, cette garantie pour le
justiciable intervient, en pratique, dans un contexte d’affrontement entre défense et
accusation, donc de défiance et non de confiance entre les parties (§2).
§1 - Le dispositif théorique
De la même manière, la notification des droits doit être immédiate402. Tout retard
injustifié par une circonstance insurmontable porte donc nécessairement atteinte aux
intérêts de la personne concernée et permet d’annuler la procédure403. L’absence de
notification de la prolongation et des droits qui y sont attachés constitue également une
cause de nullité404. En théorie, les nullités de l’instruction pouvant être soulevées
doivent permettre d’anéantir rétroactivement l’aveu préalable de culpabilité de la
personne mise en examen. En pratique, la question se pose toutefois de savoir si la
400
Cass. crim., 31 oct. 2001, Bull.crim., n° 227.
401
Cass. crim., 10 déc. 2003, pourvoi n° 03-80.203.
402
Cass. crim., 11 oct. 2000, Bull. crim., n° 296.
403
Cass. crim., 30 avr. 1996, Bull. crim., n° 182, RSC 1996, p. 879, obs. DINTILHAC ; Procédures 1997,
comm. n° 68, obs. J. BUISSON.
404
Cass. crim., 30 janv. 2001, Bull. crim., n° 26.
258
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
cancellation dudit acte n’aura aucune incidence pour asseoir ultérieurement la
culpabilité de l’intéressé qui aura, dans un premier temps, avoué puis, dans un deuxième
temps, aura bénéficié de ladite nullité. Car la pratique pénale démontre que
l’institution est hostile à la nullité405, et ce surtout si la personne concernée a
préalablement avoué les faits qui lui étaient reprochés. Il s’agit par conséquent de
déterminer si les moyens de procédure pouvant être soulevés en défense peuvent
réellement contrecarrer le déséquilibre entre défense et accusation ; si, en définitive, la
seule arme dont dispose en pratique l’avocat face aux diverses techniques mises en
œuvre pour extorquer les aveux, fussent-ils après coup circonstanciés, n’est pas
constituée par la parfaite maîtrise des droits de la défense tels qu’ils résultent du CPP ,
s’agissant des nullités textuelles et substantielles. Autrement dit, la méconnaissance de
cette faculté offerte au prévenu de soulever lesdites nullités avec les conséquences qui y
sont attachées dans la sauvegarde de ses droits conduira inéluctablement à creuser
davantage le fossé entre les parties. La portée de l’annulation d’une mise en examen
prématurée, par exemple, a été limitée. Selon les dispositions de l’article 174-1 CPP, en
cas d’annulation de la mise en examen, les interrogatoires qui auraient été menés sous le
régime de cette mesure ne seront pas annulés. Il n’y a pas de raison de retirer du dossier
des déclarations qui auraient pu être faites en qualité de témoin assité, en présence d’un
avocat. Pourtant, il n’existe pas, sur un plan strictement juridique, de déséquilibre
définitif entre défense et accusation surtout à la suite du dispositif PERBEN II, mais en
pratique un réel fossé se creuse entre ceux des avocats qui sauront soulever lesdites
nullités, ce qui aboutira à limiter le déséquilibre susdit et ceux qui, moins coutumiers de
la matière pénale, ne disposeront pas de l’expérience suffisante pour apporter des
tempéraments à ce qui pourra s’avérer comme excessif. Si l’aveu de culpabilité demeure
l’objectif essentiel de la garde à vue, le prévenu ou l’accusé dispose d’une arme pouvant
conduire la chambre de l’instruction à retirer l’acte du dossier pénal, c’est la nullité. Car
c’est en soulevant un moyen de nullité que la personne poursuivie pourra
éventuellement contrecarrer les charges contenues dans un dossier pénal ; éléments
matériels d’autant plus importants qu’ils auront été reconnus par le prévenu ou l’accusé
lors de sa garde à vue.
405
D. 2002 p. 438, Garde à vue : les fictions de la loi du 15 juin 2000.
259
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
§2 - Aveu et nullité : un contexte d’affrontement entre la défense et l’accusation
260
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
volonté de prendre connaissance des pièces versées au dossier pénal, donc uniquement
en s’en tenant à la vérité policière issue de l’enquête, laquelle vérité deviendra celle du
ministère public. Force est d’admettre qu’en pratique, la vérité policière, surtout si elle
est étayée par des aveux circonstanciés, se transformera systématiquement en vérité du
parquet, la culpabilité sera donc acquise ab origine, avant que l’instruction soit achevée.
Il appartiendra donc à l’avocat, en pareilles circonstances, de rappeler qu’au nom du
principe de présomption d’innocence la détention provisoire n’apparaît néanmoins pas
comme la solution appropriée surtout s’il n’existe pas, au-delà des aveux, de réelles
preuves découlant dudit dossier pénal mais de simples indices. En réalité, le Conseil
bénéficiera d’une écoute variable selon le magistrat appelé à se prononcer, surtout si le
juge de permanence assure le même jour, dans le cadre de comparutions immédiates, à
la fois des fonctions dévolues au magistrat instructeur et celles incombant au juge des
libertés et de la détention, ce qui alourdira, à l’évidence, considérablement sa tâche,
voire la rendra quasiment impossible lorsqu’il s’agira de se prononcer trop rapidement
sur une question aussi grave que celle d’une privation ou non de liberté. Or, la détention
provisoire induit souvent des conséquences sociales (perte du travail) et familiales
dramatiques que l’institution n’a pas réellement le temps de mesurer, notamment
lorsque le suspect est la seule personne à subvenir aux besoins de sa famille. Il s’agira,
en l’espèce, davantage d’une détention préventive que provisoire voire d’une
incarcération à titre conservatoire. D’où la particulière importance de la phase
d’interrogatoire de la personne gardée à vue par des officiers de police judiciaire
lesquels seront soucieux d’obtenir voire d’extorquer des aveux à la personne
soupçonnée, laquelle estimant naïvement, pour alléger sa peine, qu’il est préférable
d’avouer, même si elle n’est pas l’auteur des faits ou que sa responsabilité dans la
commission de l’infraction est secondaire.
261
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
§1 - Le principe : absence de coercition dans la réception de l’aveu
406
Cass. crim. 2 mars 1971, Gaz. Pal. 1971, 1, p. 324 (enquêteur se présentant comme un acheteur
potentiel de stupéfiants) ; 17 oct. 1991, JCP G 1992, I, 3551 p. 43 (policiers se présentant comme des
consommateurs anonymes dans un bar ouvert au public pour constater un délit de proxénétisme) ;
22 avril 1992, Dr. pénal 1992, comm. 215 (enquêteurs se dissimulant dans le bureau d'un maire pour y
constater un délit de corruption.
407
Cass. crim., 11 juin 2002, JCP G 2002, IV, 2370, RSC. 2002, obs. J.-F. RENUCCI.
408
Cass. crim., 28 octobre 1991, JCP 1992/II/21952, note J. PANNIER.
409
Cass. crim., 11 octobre 2000, Bull. crim., n° 296.
410
Cass. crim., 30 avril 1996, Bull. crim., n° 182, RSC. 1996, p. 879, obs. DINTILHAC.
262
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
§2 - L’exception : les procédés déloyaux d’obtention de l’aveu
411
Cass. crim., 12 mai 2009, pourvoi n° 09-81434.
263
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
invoqué, l’intéressé faisait valoir que la perquisition était nulle car « immédiatement
menée » par des agents de police judiciaire, qui n’avaient pas attendu les directives de
leur supérieur hiérarchique. Ainsi, pour dissimuler l’irrégularité de l’opération, les
enquêteurs avaient indiqué dans leur procès-verbal qu’ils avaient procédé à une
« sécurisation de l’appartement ». L’intéressé a contesté cette décision en faisant valoir
qu’un procès-verbal ne vaut que jusqu’à preuve contraire et que la chambre de
l’instruction aurait donc méconnu les règles relatives à la valeur probante de tels procès-
verbaux. Par ailleurs, le contenu d’un procès-verbal pouvant être contesté librement,
l’absence de mention d’une perquisition effectuée par les agents de police judiciaire,
ayant excédé le cadre de leurs pouvoirs, n’était pas de nature à exclure la réalité de cette
opération. La chambre de l’instruction aurait donc dû rechercher si effectivement une
perquisition irrégulière n’avait pas été réalisée ; or, en s’abstenant de le faire, elle a
privé sa décision de tout fondement légal412.
412
En l’espèce, la présente décision suscite des réserves car en définitive elle ne pose aucune limite au
droit de perquisitionner chez un tiers en cas de flagrance, ce qui jutifie de graves intrusions dans la vie
privée, Haritini MATSOPOULOU, « Existe-t-il des limites au droit de perquisitionner en cas de
flagrance ? », D. 2009, p. 2900.
264
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
187- La culture judiciaire dans le cadre de l’aveu. La culture judiciaire repose sur
un mode de production de la vérité413. En effet, le procès est l’expression d’une culture
à la fois juridique et culturelle, et rend manifeste les pratiques sociales d’une
communauté à une époque donnée. Il s’agit par conséquent de montrer le lien de la
production d’une vérité judiciaire avec la constitution d’une subjectivité. Selon Michel
FOUCAULT, « les pratiques judiciaires, la manière par laquelle, entre les hommes, on
arbitre les torts et les responsabilités, le mode par lequel, dans l’histoire de l’Occident,
on a conçu et défini la façon par laquelle les hommes pouvaient être jugés en fonction
des erreurs commises, la manière par laquelle on a imposé à des individus déterminés la
réparation de quelques une de leurs actions et la réparation d’autres, toutes ces règles
(…) me semblent l’une des formes par lesquelles notre société a défini des types de
subjectivités, des formes de savoir et, par conséquent, des relations entre l’homme et la
vérité (…) »414. Aussi, la vérité recherchée est davantage le résultat d’une mise à
l’épreuve, c’est-à-dire qu’elle repose principalement sur l’enquête, dont le but principal
est la recherche non pas désormais de l’aveu mais plus précisément d’un aveu, quel
qu’il soit. L’aveu permet ainsi, au-delà de la question de la vérité judiciaire, à la création
indirecte d’un lien de droit, c’est-à-dire à une dette que l’accusé devra régler à la
société. Cette mutation de l’aveu dans notre culture judiciaire est inséparable d’une
transformation de notre système pénal.
413
Voir sur la question de la culture judiciaire, notamment : Denis SALAS, Du procès pénal : éléments
pour une théorie interdisciplinaire du procès, Paris, Presses universitaires de France, 1992 ; Paul
RICOEUR, Le juste, Paris, Ed. Esprit, 1995 ; Jacques CHEVALLIER, L’Etat de droit, Paris, La
Documentation Française, 2004 ; Alain ETCHEGOYEN, Vérité ou Libertés. La justice expliquée aux
adultes, Paris, Fayard, 2001.
414
Michel FOUCAULT, « La vérité et les formes juridiques », Dits et écrits I, 1954-1975, Paris,
Gallimard, 1994, p. 1411.
265
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
au cours d’une audience classique. Aussi, dans son cheminement vers la décision, le
juge ne peut faire l’économie du doute, la justice pénale constituant un subtil
compromis entre l’intime conviction du magistrat et le doute qui doit nécessairement
présider à son jugement. Autrement dit, si la transformation de l’aveu sur déclaration
apparaît originale, c’est peut-être aussi parce qu’elle inaugure en marge du modèle
inquisitoire et accusatoire traditionnels un système intermédiaire pour lequel, tout
d’abord, la vérité ne serait pas l’objectif principal du procès (modèle inquisitoire) ;
ensuite, la justice pas davantage le principal référent (modèle accusatoire), celle-ci
pouvant être rendue au nom d’impératifs (célérité, efficacité) qui peuvent, à bon droit,
heurter les principes directeurs du droit. En effet, ces nouvelles exigences de la
procédure pénale viennent bouleverser les hiérarchies en matière judiciaire non
seulement entre l’avocat et le parquet mais également entre le juge du siège et le
représentant du ministère public. Or, il s’agit d’une réelle mutation dans la tradition
légicentriste française. L’Assemblée Nationale Constituante de 1789 avait placée la loi
et les Droits de l’Homme et du Citoyen sous les auspices de l'Etre suprême415. A ce
titre, Hannah ARENDT, dans le chapitre V de son Essai sur la révolution, rapprochait
ce culte d'une recherche d'un absolu légitimant la Loi. Elle le nommait « Grand
Législateur Universel »416. Or, en matière pénale, cette vision théophilanthropique
articulée autour d’une Loi de nature métaphysique s’est aujourd’hui laïcisée en laissant
place à l’urgence et à l’immédiateté dans la gestion des flux pénaux ; à telle enseigne,
que le nouvel Etre suprême judiciaire n’a plus qu’un raport lointain avec Dieu mais
répond davantage aux acronymes STD (service du traitement direct) ou TTR (service du
traitement en temps réel). De sorte que c’est désormais, au nom de la rapidité, le statut
de l’action pénale qui s’en trouve modifié.
415
Jacques LE GOFF et René REMOND (dir.), Histoire de la France religieuse, XVIIIe siècle - XIXe
siècle, Paris, éd. Seuil, novembre 1991 ; Michel VOVELLE et Serge BONIN, 1793 : la révolution contre
l'Église : de la Raison à l'être suprême, Paris, éd. Complexe, 1988 ; Timothy TACKETT, La Révolution,
l'Église, la France, Paris, éd. Cerf, 1986.
416
Hannah ARENDT, Essai sur la révolution, Paris, Gallimard, 1985.
417
Marie-Odile THEOLEYRE, La fin des juges ?, Paris, Ed. Ellipses, 2012, p ; 31.
266
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
418
Ibid, p. 37.
419
Eric GILARDEAU, Au crépuscule de la justice pénale, Paris, éd. L’Harmattan, 2011.
267
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
injustifiée. Mais ce qui apparaît surtout comme un frein au travail des policiers, c’est la
fin de l’aveu comme objectif essentiel de la garde à vue.
Enfin, une autre évolution notable pour les droits de la défense est la possibilité
d’obtenir réparation d’une détention provisoire injustifiée même en cas d’aveu. En effet,
si la réception de l’aveu s’effectue principalement à l’encontre de quelqu’un, il existe
également l’hypothèse où une personne s’accusera de faits imaginaires pour faire
échapper un autre individu aux poursuites pénales, c’est le cas notamment dans le
dispositif de réparation mis en œuvre par la Commission nationale de réparation de la
détention provisoire (CNRD).
420
Selon Jean-Louis DEBRE, sur 110 QPC rendues par le Conseil constitutionnel depuis l’entrée en
vigueur de cette procédure, 30 dispositions législatives ont été annulées, 50 ont été confirmées et 20 ont
abouti à des décisions de non–lieu, in Le Figaro, 20 janv. 2012.
421
Cass. plén., 15 avril 2011, n°s 10-17. 049 ; 10-30. 313 ; 10. 30. 316 et 10-30. 242. Comm. J. AFANE-
JACQUART, site de Maître J. AFANE-JACQUART, 18 avril 2011.
268
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
reprenant la solution retenue par la chambre criminelle dans ses arrêts du 19 octobre
2010 précités, a constaté que les règles posées par l’article 63-4 CPP ne satisfaisaient
pas aux exigences posées par l’article 6, § 1 de la CEDH et a surtout considéré, à la
différence du Conseil constitutionnel et de la chambre criminelle, ne pas devoir reporter
dans le temps les effets de sa jurisprudence. Il s’agit par conséquent d’une révolution
culturelle qui vient améliorer la culture judiciaire, même si cette transformation
demeure incomplète. Diverses questions ne sont cependant toujours pas tranchées,
notamment la question de l’indemnisation des avocats ou celle d’un accès à l’intégralité
de l’enquête de police, dès le début de la garde à vue. Aussi, le Conseil constitutionnel a
été saisi le 4 mars 2011 par la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l’article
61-1 de la Constitution, d’une QPC posée par M. ABDERRAHMANE L422. Cette
question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit
des articles 393 et 803-2 du CPP. En l’espèce, l’article 803-2 susdit est relatif à la
présentation devant le parquet de la personne déférée, le jour même, à l’issue de la
garde à vue. Le Conseil constitutionnel avait à ce titre déjà jugé conforme à la
Constitution l’article précité relatif au défèrement le jour suivant la garde à vue423. Pour
les mêmes motifs, il a jugé conforme à la Constitution l’article susvisé. En outre,
l’article 393 CPP permet au procureur de la République de notifier à la personne
poursuivie la décision prise sur la mise en œuvre de l’action publique et de l’informer
sur la suite de la procédure. Le respect des droits de la défense n’impose pas que la
personne poursuivie ait alors accès au dossier avant de recevoir cette notification et
bénéficie alors de l’assistance d’un avocat à l’occasion de celle-ci. Ensuite, la même
disposition permet au parquet de recueillir les déclarations de la personne déférée si elle
en fait la demande. Le Conseil constitutionnel a donc formulé une réserve pour s’assurer
du respect des droits de la défense : l’article 393 ne saurait permettre que soient
recueillies et consignées, à cette occasion, les déclarations du suspect sur les faits qui
font l’objet de la poursuite. Du côté des enquêteurs, cette mutation de la justice pénale
est perçue de façon différente car les services de police considèrent que la présence de
l’avocat peut constituer une entrave au bon déroulement de l’enquête, les défenseurs
intervenant trop fréquemment. Les enquêteurs déplorent surtout un alourdissement de la
procédure, de nouvelles contraintes juridiques. Mais surtout, la présence de l’avocat et
la notification du droit au silence constituent des mesures qui laissent penser que les
422
N° 2011-128 QPC du 6 mai 2011.
423
N° 2010-80 QPC du 18 décembre 2010.
269
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
270
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
Pourtant, cette évolution s’inscrit plutôt dans le cadre d’une meilleure prise en compte
des droits de la défense. En effet, à la faveur de la récente mise en œuvre de la question
prioritaire de constitutionnalité, certaines des dispositions concernant la mesure de
garde à vue ont été déclarées inconstitutionnelles, ce qui témoigne d’un progrès
significatif dans la défense pénale des justiciables (§2).
427
Jean-Jacques GALLI, op.cit., thèse de doctorat en droit, décembre 1995, le rôle du juge civil dans la
recherche de la vérité ; bibliothèque de la fac de droit d’Aix-en-Provence.
271
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
Une suspicion a priori du juge. En pratique, comme pour la phase préparatoire, les
nullités sont rarement accueillies par les juges. Pour autant qu’elles le soient, c’est avec
une certaine fermeté: la règle violée à l’audience est généralement qualifiée par la Cour
de cassation de substantielle – ou d’ordre public – sans qu’il soit besoin de démontrer
un grief subi par les parties. Mais l’aléa naît également de ce que la matière est, pour
beaucoup, une création jurisprudentielle : c’est le juge pénal qui analyse la règle violée
et décide, selon l’atteinte portée d’une part, selon le caractère substantiel ou non de la
règle d’autre part, s’il convient d’annuler ou valider la procédure. Or, la Chambre
criminelle ne distingue plus selon que la nullité est textuelle ou substantielle, mais selon
qu’elle est d’ordre public ou d’intérêt privé, ne sanctionnant dans ce dernier cas que
lorsque l’irrégularité a porté atteinte aux droits de la défense, conformément à l’article
802 CPP. La jurisprudence hésite donc à mettre à mal des procédures arrivées presque à
leur terme. Au surplus, les contradictions entre le procès-verbal des débats et l’arrêt de
cour d’assises n’emportent-elles plus nécessairement cassation : la jurisprudence
s’attache à rechercher si l’irrégularité a porté atteinte aux intérêts de l’accusé,
notamment en ce qui concerne l’exercice du pourvoi en cassation428. En effet, la
chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que faisait une exacte application
des articles 179, alinéa 6, et 385, alinéa 4, du CPP et ne méconnaissait pas l'article 6, §
3, de la Convention européenne des droits de l'homme l'arrêt qui, d'une part, pour
déclarer irrecevables les exceptions de nullité des procès-verbaux d'interrogatoire de
deux condamnés, établis au cours de leurs gardes à vue menées en 2005 et 2006 sans
l'assistance d'un avocat, retenait que, lorsque la juridiction correctionnelle était saisie
par l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction, les parties étaient irrecevables à
soulever des exceptions tirées de la procédure antérieure et qui, d'autre part, pour
déclarer coupables les prévenus, ne se fondait pas exclusivement, ni même
essentiellement, sur les déclarations recueillies au cours des gardes à vue. L'arrêt du 6
décembre 2011, qui admet que des aveux obtenus hors la présence d'un avocat figurent
au dossier de la procédure et fondent, parmi d'autres éléments de preuve, la déclaration
428
V. notamment l’ouvrage consacré aux nullités et autres exceptions de procédure pénale, sous la
direction de M.M. Alain MOLLA et Philippe VOULAND, Paris, éd. Dalloz, 2010, p. 367.
272
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
La chambre criminelle s’est également prononcer sur la nouvelle règle, issue de la loi
du 14 avril 2011, selon laquelle en matière criminelle et correctionnelle, aucune
condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de
déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par
lui. En l'espèce, en rejetant les pourvois au motif que les aveux litigieux n'ont pas
exclusivement fondé la décision de culpabilité, la Cour de cassation prend donc le
contrepied de sa jurisprudence antérieure et se range à la position du législateur. Or, la
chambre criminelle rejette les pourvois en indiquant que les aveux n'ont fondé les
condamnations des prévenus, ni de manière exclusive, ni de manière essentielle. En
d'autres termes, bien qu'elle admette que des aveux obtenus hors la présence d'un avocat
peuvent figurer au dossier parmi d'autres preuves à charge, la haute juridiction considère
qu'ils ne sauraient constituer la preuve majeure de culpabilité430. De la sorte, le
législateur a entendu dissocier la question de la force probante de la question de la
nullité : même dans les cas où la nullité des procès-verbaux d’interrogatoire n’a pas été
prononcée, les indications qu’ils contiennent ne peuvent à elles seules fonder une
condamnation. Dès lors, bien que la purge des nullités ait permis le maintien au dossier
des déclarations du suspect obtenues sans l’assistance d’un avocat, celles-ci ne
présentent qu’une valeur probante minorée.
C’est par conséquent en raison des conditions de la garde à vue, c'est-à-dire d’aveux
parfois extorqués sous la violence, que des voix se sont élevées pour exciper d’une
429
Cass. crim., 6 déc. 2011, n°11-80326 : M. X et M. Y – Rejet pourvoi c/ CA Reims, 30 juin 2010
KOERING-JOULIN, Dominique GUIRIMAND, Messieurs Didier GUERIN, Gilles STRAEHLI,
430 Olivier BACHELET « Garde à vue : la persistante religion de l'aveu », Gaz. Pal., 24 janvier 2012
n°24, p. 7
431
Crim. 14 déc. 2011, n°11-81.329.
273
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
192- Vers une protection plus concrète des droits de la défense par la CEDH.
En application de l’article 55 de la Constitution (« Les traités ou accords régulièrement
ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois,
sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. »), le
juge judiciaire doit ainsi écarter l’application de la loi interne lorsque celle-ci s’avère
contraire à un traité432. L’article 6 §3 CEDH dispose :
« Tout accusé a droit notamment à : a. être informé, dans le plus court délai, dans
une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de
l’accusation portée contre lui ; b. disposer du temps et des facilités nécessaires à la
préparation de sa défense ; c. se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un
défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir
être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice
l’exigent ».
432
Cass. ch. mixte, 24 mai 1975, société des Cafés Jacques VABRE, D. 1975, p. 497, note J.
BOULOUIS.
274
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
doit se trouver établie de manière non équivoque et être entourée d’un minimum de
garanties correspondant à sa gravité » 433.
433
CEDH 27 nov. 2008, SALDUZ c/ Turquie (req. n° 36391/02); 13 oct. 2009, n° 7377/03, DAYANAN
c/ Turquie, D, 2009, p. 2897, note J-F RENUCCI ; AJ pénal 2010, p. 27, étude Claire SAAS ; RSC 2010,
p. 231, obs. Damien ROETS.
434
CEDH 24 Sept. 2009, arrêt PISHCHALNIKOV c / Russie (req. n° 7025/04), D. 2010, p. 868, note
Gabriel ROUJOU DE BOUBEE.
435
Requête n° 36391/02.
275
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
la Cour de sûreté de l’Etat et devant la Cour de cassation, son droit à un procès équitable
n’avait pas été violé. A l’unanimité, sur le fondement d’une violation de l’article 6 de la
Convention, la Cour a écarté cette argumentation et condamné l’Etat turc dans un arrêt
rendu le 13 octobre 2009 à l’unanimité436. La CEDH sanctionne désormais
systématiquement l’absence de l’avocat en garde à vue437. Ainsi la Cour a estimé qu’en
application des articles 6§1 et 6§3, c, de la Convention, la loi doit consacrer au bénéfice
des personnes gardées à vue ou soumises à toute mesure privative de liberté pouvant
être assimilée à cette mesure, le droit à l’assistance d’un avocat dès la première audition,
et que ce droit ne puisse être restreint qu’au cas par cas. Conforme au droit européen,
cette solution privilégie les droits de la défense sur le souci de sécurité juridique
invoqué par le Conseil constitutionnel438et par la chambre criminelle elle-même439.
436
CEDH, 13 Oct. 2009, DAYANAN c / Turquie (req. n° 7377/03), spec. § 30 s, D. 2009, p. 2897, note
J.-F. RENUCCI ; AJ pénal 2010, p. 27, étude C. SAAS ; cette revue 2010, p. 231, obs. D. ROETS.
437
PISHCHLANIKOV c/ Russie, 24 septembre 2009, (req. n° 7025/04) ; KOLESNIK c/ Ukraine, 19
novembre 2009, (req. n° 17551/02).
438
Cons.const., 30 juillet 2010, préc.
439
Cass. crim., 19 octobre 2010, préc.
440
CEDH, 27 oct. 2011, STOJKOVIC / France et Belgique (req n° 25303/08).
276
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
441
Sur le fondement de l’article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour de
cassation avait déjà indiqué que « toute personne placée en garde à vue doit pouvoir bénéficier de
l’assistance d’un avocat dès qu’elle en fait la demande Crim. 14 déc. 2011, req. n° 11-81.329. Si la
chambre criminelle a pu avoir des doutes quant à l’applicabilité immédiate des dispositions de la
Convention européenne des droits de l’homme (CEDH –, Crim. 19 oct. 2010, n° 10-82.902, 10-85.051,
10-82.306, D. 2010. 2809, obs. Sabrina LAVRIC, note Emmanuel DREYER ; ibid. 2425, édito. F. Rome;
ibid. 2696, entretien Yves MAYAUD; ibid. 2783, chron. Jean PRADEL; ibid. 2011, 1713, obs. V.
Nicolas BERNAUD ; AJ Pénal 2010. 479, étude Emmanuelle ALLAIN ; RSC 2010, 879, chron.
Emmanuelle GINDRE ; V. égal. S. PELLE, « La réforme de la garde à vue : problèmes de droit
transitoire », AJ Pénal 2011. 235), elle a depuis fait sienne l’affirmation de l’assemblée plénière selon
laquelle les « États sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme
sans attendre une condamnation par celle-ci ou un changement dans leur législation » (Cass., ass. plén.,
15 avr. 2011, n° 10-17.049 ; obs. ; ibid. 1128, entretien Gabriel ROUJOU DE BOUBEE ; ibid. 1713, obs.
Nicolas BERNAUD ; AJ pénal 2011. 311, obs. Cristina MAURO ; Constitutions 2011. 326, obs. Anne
LEVADE ; RTD civ. 2011. 725, obs. Jean-Pierre MARGUENAUD ; JCP 2011. 483, note Stéphane
DETRAZ ; dans le même sens, V. égal. Crim. 31 mai 2011, n° 10-88.809, D. 2011. 2084, note Haritini
MATSOPOULOU ; Constitutions 2011. 326, obs. Anne LEVADE ; RSC 2011. 412, obs. André
GIUDICELLI ; 21 sept. 2011, n° 11-84.979, Dalloz jurisprudence). Sur le fondement de l’article 6 § 3, de
la CEDH, la Cour reproche ainsi aux juges du fond d’avoir rejeté la requête en annulation formée par la
prévenue, fondée sur l’irrégularité d’une mesure de garde à vue subie hors la présence de l’avocat.
442
Cass. crim., 24 mai 2006, n° 05-85685, violation de l’article 6 de la CEDH en raison du rejet d’une
demande de renvoi, en l’absence de son conseil, présentée par le prévenu refusant l’assistance de l’avocat
de permanence ; Cass. crim. 21 mars 2007, n° 06-89444, violation de l’article 8 de la CEDH du fait, pour
les enquêteurs, d’avoir photographié clandestinement, au moyen d’un téléobjectif, les plaques
d’immatriculation de véhicules se trouvant à l’intérieur d’une propriété privée non visible de la voir
publique; Cass. crim. 23 juin 2009, n° 09-81695, violation de l’article 6 de la CEDH à raison du défaut de
traduction d’une ordonnance pénale dans une langue pouvant être comprise du prévenu.
277
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
278
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
443
Cass. crim., 14 févr. 2012, no 11-84694, note Olivier BACHELET.
444
« La peau de chagrin des nullités »,Gazette du Palais, 6 mars 2012 n° 66, P. 17.
279
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
un droit relationnel– et, d'autre part, les nullités d'ordre privé « personnelles » –
invocables seulement par les personnes ayant fait l'objet de l'acte litigieux. Cette
distinction est critiquable car elle favorise une nouvelle entorse à l'effectivité de la
légalité procédurale, déjà fort malmené ne serait-ce qu'avec les mécanismes de « purge
des nullités ».
445
Diverses QPC ont été soulevées qui viennent renforcer les droits de la défense, notamment Décision n°
2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W et autres, confirmée par la décision n° 2010-
30/34/35/47/48/49/50 QPC du 6 août 2010, M. Milhoud K. et autres ; décision n° 2010-31 QPC du 22
septembre 2010, M. Bulent A. et autres ; JCP 2010, n° 35 p. 1564 ; Gaz. Pal., 4-5 Aout 2010, n° 216-217,
obs BACHELET ; Gaz. Pal. 2010 n° 223, p. 3-10, obs. F. CHALTIEL ; D. 2010, n° 29, p. 1928, obs.
CHARRIERE- BOURNAZEL, AJ Pénal 2010, n° 10 p. 37-42, obs. C. HASS et A. MARON ; RTD CIV
280
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
Les articles 63-4, alinéa 7, et 706-73 du CPP, issus de la loi du 9 mars 2004, mettent
en place un régime particulier de garde à vue pour la criminalité et la délinquance
organisées. La durée totale de la garde à vue peut notamment être portée jusqu'à 96
heures. Le Conseil constitutionnel446 a rappelé qu'il avait jugé ces dispositions
conformes à la Constitution à l'occasion de l'examen de la loi du 9 mars 2004 par la
décision n°2004-492 DC du 2 mars 2004. En l'absence de changement de circonstances,
et en application de l'article 23-2 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958, le
juge constitutionnel a déjà estimé que ces dispositions été conformes à la Constitution
dans leur motif et leur dispositif. En effet, dans sa décision n° 2010-14/22 QPC du 30
juillet 2010, le Conseil a donc jugé qu'il n'y avait pas lieu pour lui de procéder à un
nouvel examen de ces dispositions au 1er juillet 2011 pour laisser au gouvernement le
temps de voter des règles conformes à sa décision. En d’autres termes, le Conseil
interdit de contester les mesures prises avant le 1er juillet 2011. Les procédures en cours
ne sont pas annulées. Par trois arrêts du 19 octobre 2010, TISSET, BONNIFET et
SAHRAOUI447 la chambre criminelle de la Cour de cassation, statuant en formation
plénière, a jugé que certaines règles actuelles de la garde à vue ne satisfaisaient pas aux
exigences de l’article 6 de la CEDH telles qu’interprétées par la Cour européenne448.
En effet, la chambre criminelle s’est donc trouvée face à une situation juridique
inédite : une non-conformité à la Convention européenne des droits de l’homme de
2010 n° 3, p. 513, obs. P. PUIG : confirme la décision précitée du 30 juillet 2010 relative au régime de la
garde à vue en matière de terrorisme, déclaré conforme à la Constitution ; enfin, décision n° 2010-32
QPC du 22 septembre 2010, M. Samir M. et autres. En l’espèce, le Conseil constitutionnel a jugé que le
3°de l’article 323 du code des douanes n’opére pas une conciliation équilibrée entre, tout d’abord, les
préventions des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions et, ensuite, l’exercice
des libertés constitutionnelllement garanties.
446
Cons. const. n° 2004-492, DC du 2 mars 2004.
447
Cass. crim., n° 5699 du 19 octobre 2010 (10-82.902) ; Cass. crim., n° 5700 du 19 octobre 2010 (10-
82.306) Cass. crim., n° 5701 du 19 octobre 2010 (10-82.051).
448Il en résulte que, pour être conformes à ces exigences, les gardes à vue doivent être menées dans le
respect des principes suivants:- la restriction au droit, pour une personne gardée à vue, d’être assistée dès
le début de la mesure par un avocat, en application de l’article 706-88 du CPP instituant un régime spécial
à certaines infractions, doit répondre à l’exigence d’une raison impérieuse, laquelle ne peut découler de la
seule nature de l’infraction ;- la personne gardée à vue doit être informée de son droit de garder le silence
; la personne gardée à vue doit bénéficier de l’assistance d’un avocat dans des conditions lui permettant
d’organiser sa défense et de préparer avec lui ses interrogatoires, auxquels l’avocat doit pouvoir
participer. A ce titre, la contribution à sa propre incrimination sans assistance d'un avocat ne peut avoir de
force probante, pas même valeur de preuve « corroborante », Crim., 11 mai 2011, n° 10-84.251, D. 2011.
1421, obs. C. GIRAULT.
281
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
textes de procédure pénale fréquemment mis en oeuvre et par ailleurs en grande partie
déclarés inconstitutionnels, dans le cadre du contrôle a posteriori du Conseil
constitutionnel, cette déclaration ayant un effet différé dans le temps. Les règles
nouvelles ne s’appliqueront toutefois pas aux gardes à vue antérieures à cette échéance.
La chambre criminelle considère que ces arrêts ont pour but de sauvegarder la sécurité
juridique, principe nécessairement inhérent au droit de la Convention européenne des
droits de l’homme. Ils assurent enfin la mise en oeuvre de l’objectif de valeur
constitutionnelle qu’est la bonne administration de la justice, laquelle exige que soit
évitée une application erratique, due à l’impréparation, de règles nouvelles de
procédure. Parfaitement en phase avec l’arrêt SALDUZ de la Cour de Strasbourg449,
l’arrêt TISSET condamne clairement les régimes dérogatoires de garde à vue
(criminalité organisée, stupéfiants, terrorisme), dont la raison d’être réside précisément
dans l’organisation d’une exception systématique. Cette décision inflige par ailleurs un
démenti à la Chancellerie qui a souvent considéré que les arrêts rendus par la CEDH à
l’égard d’autres pays que la France ne concernait en rien la France. Dans l’arrêt
BONNIFET, le raisonnement de la Cour de cassation est identique. Elle considère
qu’une chambre de l’instruction a fait « l’exacte application de l’article 6 de la
Convention européenne des droits de l’Homme » en considérant que « la restriction du
droit d’être assisté dès le début de la garde à vue, par un avocat, imposée à M.
BONNIFET (...) ne répondait pas à l’exigence d’une raison impérieuse, laquelle ne
pouvait découler de la seule nature de l’infraction450 ». Dans l’arrêt SAHRAOUI, qui
449
Arrêt du 27 novembre 2008 de la CEDH, SALDUZ c/ France, préc.
450
Cass. crim., 27 octobre 2010, n° 09-88.733 ; AJ Pénal 2011, obs J. DANET ; RSC 2011, p. 144. Ici, la
cour d’appel a rejeté l’exception de nullité de la procédure relative à la notification des droits au gardé à
vue ; Crim., 4 janvier 2011, n° 1085.520. En l’espèce, le Tribunal correctionnel, saisi par le prévenu
d’une requête tendant à l’annulation de la procédure, a, par jugement avant-dire droit, prononcé la nullité
de la garde à vue en raison de l’absence d’assistance effective d’un avocat, ainsi que de l’audition et de la
perquisition accomplies pendant la durée de cette mesure, mais validé le procès-verbal par lequel le
procureur de la République l’avait saisi ; que ce dernier et le requérant ont interjeté appel de cette
décision ; Attendu qu’après avoir confirmé l’annulation prononcée, le CA retient, pour refuser d’en
étendre les effets à l’ensemble de la procédure, qu’avant de se présenter au domicile de M. X… et de
l’interpeller, les enquêteurs disposaient d’un témoignage désignant formellement l’immeuble d’où étaient
partis les coups de feu, avaient identifié sa voix sur l’enregistrement de l’alerte conservé au centre
opérationnel de la gendarmerie, et avaient intercepté sur un service d’hébergement et de partage de vidéos
en ligne, un film le représentant avec une arme ; que la cour d’appel déduit de ces constatations que la
garde à vue et les procès-verbaux d’audition et de perquisition annulés ne sont pas le support nécessaire
des poursuites ; La cour de cassation, elle, va venir dire que si c’est à tort que la cour d’appel a prononcé
la nullité de la garde à vue avant l’entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du
conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue ou, en l’absence
de cette loi, avant le 1er juillet 2011, l’arrêt n’encourt pas la censure dès lors qu’il a eu pour seule
282
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
conséquence que les actes annulés n’ont pas constitué des éléments de preuve fondant la décision de
culpabilité du prévenu.
451
CEDH, DAYANAN c/ Turquie 13 octobre 2009, (req. n° 7377/03).
283
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
Aussi, malgré un progrès notable (§1), la réforme initiée entend fournir un cadre
juridique soucieux de ménager un équilibre entre la recherche de la vérité et le respect
des droits de la défense.
Toutefois, et pour pallier les risques d’une mesure privative de liberté excessive,
comme dans l’hypothèse d’un placement en détention provisoire injustifié, une
réparation donc une indemnisation est prévue, nonobstant l’hypothèse d’aveux de la
personne mise en cause (§2).
En outre, des dérogations sont prévues qui en limitent la portée. En effet, les services de
police pourront « interdire la présence de l’avocat »453, ou du moins la retarder jusqu’à
la 12ème heure dans des cas exceptionnels. Ainsi, aux termes de l'article 336 du code des
douanes, " les procès-verbaux de douane rédigés par deux agents des douanes ou de
toute autre administration font foi... jusqu'à preuve contraire de l'exactitude et de la
sincérité des aveux et déclarations qu'ils rapportent ".
452
Cass. crim., 18 janvier 2011, n° 10-83.750, D., 20 février 2011, obs. E. ALLAIN ; D. 2011, actu 381 ;
AJ Pénal 2011, p. 83, obs. J. DANET, Ibid. p. 198, obs. L. ASCENSI.
453
Aux termes de l’article 63-4-2 alinéa 4 du CPP « A titre exceptionnel, sur demande de l’officier de
police judiciaire, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention, selon les
distinctions prévues par l’alinéa suivant, peut autoriser, par décision écrite et motivée, le report de
présence de l’avocat lors des auditions ou confrontations, si cette mesure apparaît indispensable pour des
raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête, soit pour permettre le bon
déroulement d’investigations urgentes tenant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour
prévenir une atteinte imminente aux personnes »).
284
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
La question de la sincérité de l’aveu se pose également avec acuité en droit pénal des
mineurs.
D’abord, les faits sont reconnus sans que le mineur ait conscience de reconnaître
l’infraction reprochée ; ensuite, son sentiment d’impunité le conduira à révéler tous les
éléments dont il a eu connaissance, sans que ce dernier ne perçoive, ce faisant, qu’il
passe aux aveux, lesquels viendront, le plus fréquemment, asseoir sa condamnation
ultérieure devant le tribunal pour enfants. C’est la raison pour laquelle la reconnaissance
des faits objet de la poursuite est majoritairement admise par les mineurs, ce qui facilite,
en outre, l’office du juge des enfants. Ce magistrat spécialisé n’aura que rarement à se
454
Cass. crim., 26 mars 2008, n° 07-88.554 ; AJ Pénal 2008, p. 286.
455
D’où l’extension de la composition pénale aux mineurs par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative
à la prévention de la délinquance. Ce qui permet à un procureur de proposer cette mesure à une personne
reconnaissant avoir commit un délit en lui évitant ainsi l’action devant une juridiction pénale.
285
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
C’est dans ce cadre que le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 mai 2011 par la
Cour de cassation, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une
QPC posée par M. J. TAREK relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit des articles L. 251-3 et L. 251-4 du code de l'organisation
judiciaire (COJ) portant sur la composition du tribunal pour enfants (TPE)456. En
premier lieu, ils prévoient que cette juridiction est composée d'un juge des enfants,
président, et d'assesseurs non professionnels. En outre, ils ne sont accompagnés
d'aucune disposition faisant obstacle à ce que le juge des enfants qui a instruit l'affaire
préside le tribunal. Ainsi, en tant que juridiction spécialisée, aucune règle
constitutionnelle ne s'oppose à ce qu'il soit majoritairement composé d'assesseurs non
professionnels457.
Aussi, l’aveu traditionnel en tant que reine des preuves, en dépit des différentes
décisions remettant en cause le déroulement de la garde vue, ne sera pas remis en
question dans des hypothèses dérogatoires, notamment lors de la disparition d’un
enfant. Comme a pu l’écrire George MOREAS, Commissaire principal honoraire de la
Police nationale : « L’aveu d’un crime donne bonne conscience aux enquêteurs, aux
magistrats et aux citoyens qui composent le jury d’assises. Puisqu’« il » a avoué son
crime, nous ne risquons pas l’erreur judiciaire… C’est sans doute la principale raison
qui justifie cette concentration des moyens et des efforts dans la recherche de cette
preuve. Pourtant, à la différence de celui qui clame son innocence et qui souvent profite
du doute qu’il fait naître dans l’esprit de ses juges, l’accusé qui avoue n’en tire aucun
456
Décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011, M. J. TAREK [Composition du tribunal pour enfants],
commentaire de Sabrina LAVRIC, « Justice des mineurs : cumul de fonctions d'instruction et de
jugement », D. 2011, p. 1903.
457
Il est à noter que l'article L. 251-4 ne méconnaît ni le principe d'indépendance indissociable de
l'exercice de fonctions judiciaires ni les exigences de capacité qui découlent de l'article 6 de la
Déclaration de 1789. Il s’ensuit que l’article L. 251-4 du COJ est conforme à la Constitution. Le principe
d'impartialité des juridictions ne s'oppose donc pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure
puisse, à l'issue de cette instruction, prononcer des mesures d'assistance, de surveillance ou d'éducation.
En permettant au juge des enfants qui a été chargé d'accomplir les diligences utiles pour parvenir à la
manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le TPE de présider cette juridiction de
jugement habilitée à prononcer des peines, l'article L. 251-3 porte au principe d'impartialité des
juridictions une atteinte contraire à la Constitution. Il s’ensuit que le Conseil constitutionnel a jugé cet
article contraire à la Constitution.
286
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
avantage. Car contrairement à ce qu’il pourrait espérer, faute avouée n’est jamais
pardonnée » 458.
Le législateur est toutefois intervenu pour que les personnes ayant subi une détention
provisoire injustifiée sur le fondement de leurs aveux, puissent obtenir réparation.
458
Article du journal Le Monde, du 7 août 2009.
459
Il existe de plus en plus d’articles sur la question de la détention provisoire injustifiée, voir
notamment : Sylvie CIMAMONTI : « La détention provisoire injustifiée », Mélanges, PUAM, p. 147-
187, 2007. Adolphe TOUFFAIT, “Les principes applicables à l'allocation de l'indemnité réclamée à
raison d'une détention provisoire”, D. 1971, chron. 186; John RAWLS, Théorie de la Justice, Paris, Seuil,
1987, p. 117 ; Jean-Claude DIEMER, “La Commission nationale d'indemnisation”, Gaz. Pal. 1990, 1, p.
280 ; Ahmed ABDEL RAZEK, L'indemnisation des personnes poursuivies ou condamnées à tort, thèse,
Paris-I, 1992 ; Geneviève GIUDICELLI-DELAGE, Institutions juridictionnelles, 2e éd., Paris, PUF,
collect. Droit fondamental, 1993, p. 121; Henri LECLERC, “La peine injuste” in De l'injuste au juste,
Dalloz, collect. Thèmes et commentaires, 1996, p. 113 ; Geneviève GIUDICELLI-DELAGE, “La
responsabilité des magistrats et de l'Etat en matière pénale”, Justices, n° 5, janv.-mars 1997, p. 33 ;
Francis LE GUNEHEC, “Aperçu rapide de la loi du 30 décembre 1996 relative à la détention provisoire
et aux perquisitions de nuit”, JCP 1997, n° 4, Actualités ; RSC 1998, p. 11, André GIUDICELLI
“L’indemnisation des personnes injustement détenues ou condamnées”.
287
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
Aussi, dans deux décisions du 27 mai 2002460, la CNRD a souligné que les aveux
consentis par le requérant au cours de l'enquête préliminaire et de l'instruction
préparatoire sur les faits qui ont entraîné sa mise en examen, et les conditions ou
circonstances dans lesquelles ces aveux ont été rétractés sont sans portée sur le principe
et sur le montant de la réparation. Il a en outre été jugé que des aveux rétractés
postérieurement à un placement en détention provisoire peuvent ouvrir droit à
indemnisation461. Il existe toutefois des cas d’exclusions de ce droit à indemnisation.
460
CNRD n° 01RDP014 et 01RDP015.
461
CRD 016 décision du 18 octobre 2010.
462
(CNRD, 10 janvier 2006 , n° 5C-RD.013 , bull. n° 1).
463
CNRD, 18 octobre 2010, n° 0C-RD.016.
464
CNRD, 18 octobre 2010, Bull. crim. n° 10 et AJ Pénal, dans son numéro 7-8/2011, a consacré un
dossier à l’erreur judiciaire. Il est constitué, notamment de l’article suivant: « Aime la vérité, mais
pardonne à l'erreur » - Libres propos relatifs à la procédure de révision des condamnations pénales par
288
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE
membres d’une même famille, en l’occurrence des frères, organisée par le juge
d'instruction et en présence de son avocat, un accusé avait reconnu avoir étranglé la
victime en donnant des renseignements très précis sur le mobile et le déroulement du
meurtre. Or, ses faux aveux étaient destinés à dissimuler la participation de certains
membres de sa famille à un trafic de stupéfiants et à l'homicide volontaire, objet de
l'information. Le requérant faisait valoir s'être accusé du crime quatre mois après son
placement en détention et seulement pendant dix jours, ce dont il se déduit que les
conditions d'application du cas d'exclusion de l'article 149 du CPP n’étaient pas réunies,
l'aveu n'étant pas le motif de sa détention. Il était toutefois rappelé qu’aucune réparation
n'est due lorsque une personne a été incarcérée à titre provisoire pour s'être librement et
volontairement accusée ou laissée accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des
faits aux poursuites. Les aveux de M. X... étaient intervenus deux mois et demi après
son placement en détention et maintenus pendant un temps très bref, soit vingt jours sur
une détention d'une durée totale de mille trois cent quatre-vingt sept jours. M. X... avait
donc été placé sous mandat de dépôt pour s'être librement et volontairement accusé d'un
meurtre en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites. Qu’en conséquence
de quoi, l'exclusion du droit à indemnisation n'étant pas justifiée, la décision critiquée
devait être réformée.
289
DEUXIEME PARTIE – TITRE SECOND- LA DISCUSSION DE LA RECONNAISSANCE DES FAITS SUR
PROPOSITION
Dès lors, si l’audience n’apparaît plus comme le lieu exclusif où est infligée la
sanction, le juge n’est plus le seul organe en charge du prononcé de la peine. Aussi,
l’idée d'une justice négociée, reposant sur une reconnaissance de culpabilité pénètre
465
Voir not. Art. 1528 et 1544 du NCPC et art. 2062 et suivants du Code civil intitulé : « De la
convention de procédure participative », et not. art 2065 qui dispose : « Tant qu’elle est en cours, la
convention de procédure participative rend irrecevable tout recours au juge, pour qu’il statue sur le
litige ». En l’occurrence, ces dispositions apparaissent comme une forme de confiscation du libre recours
au juge dans le cadre du procès équitable au sens de la CEDH. En effet, ce qui transparaît dans les
dispositions de l’article 1528 NCPC c’est le développement progressif d’un recours à la justice privée en-
dehors de l’office du juge. Cette évolution risque, à terme, de justifier une logique de vengeance privée de
la victime en procédure pénale.
466
V. Rapport du sénateur François ZOCCHETTO, « Juger vite, juger mieux ? », op.cit.
467
Jean-Paul CÉRÉ et Pascal REMILLIEUX, « De la composition pénale à la comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité: le “plaider coupable” à la française », AJ Pénal, 2003, p. 45.
Dominique CHARVET, « Réflexions autour du plaider-coupable », D. 2004, chron, p. 2517.
290
DEUXIEME PARTIE – TITRE SECOND- LA DISCUSSION DE LA RECONNAISSANCE DES FAITS SUR
PROPOSITION
progressivement notre système pénal. En même temps, la reconnaissance de faits
reprochés ne saurait se confondre avec l’aveu de culpabilité, lequel ne se confond pas
davantage avec la vérité mais strictement avec la vérité judiciaire, ce qui est fort
différent. Il est parfaitement possible à une personne de reconnaître les éléments
matériels reprochés sans que celle-ci ait conscience du caractère répréhensible desdits
faits. Car reconnaître des faits et reconnaître une infraction, ce qui définit l’aveu de
culpabilité, ne sauraient se confondre468. L’originalité de l’aveu de culpabilité réside,
dans le cadre d’une procédure, dans le rapport privilégié, sinon exclusif qui s'y établit
entre aveu et vérité. L’aveu repose sur un acte volontaire469qui entraînera inévitablement
des conséquences pénales pour le suspect ; en revanche, une simple reconnaissance de
faits n’est pas associée obligatoirement à des poursuites si les faits ne permettent pas de
confondre la personne soupçonnée. En réalité, la reconnaissance des faits n’est qu’une
forme particulière d’aveu qui n’intègre pas systématiquement un élément reposant sur la
culpabilité de l’auteur des déclarations.
468
Jérôme Lasserre CAPDEVILLE, « De l'usage limité de la reconnaissance de culpabilité », D. 2008, p.
2904.
469
Ainsi, si la décision d’avouer, du côté de la personne mise en cause, relevait d’un simple souhait elle
ne s’apparenterait qu’à l’attitude du velléitaire qui en reste à la représentation d'un souhait sans parvenir à
l’assumer. Dans la volonté, en revanche, il n'y a pas cette distance entre le sujet et l’objet car elle
constitue une réelle conscience en acte, engagée dans le mouvement même de la réalisation des
motivations de l’intéressé. L’auteur de l’aveu pourra ainsi, après mure réflexion, et en accord avec sa
conscience décider librement de reconnaître sa culpabilité ou une culpabilité. C’est lorsque l’accusé aura
le sentiment qu’il est préférable dans ses intérêts d’avouer que le simple souhait initial deviendra plus
rationnel et qu’il avouera. La relation entre volonté et désir est cependant plus subtile. Dans le désir réside
une puissance, une énergie qui est celle de la vie. Or, la volonté excède le simple désir, c'est un désir que
l’accusé va s’approprier car il ne heurte pas sa conscience. A ce titre, la volonté impose un but, un ordre
et une constance car elle est intentionnelle. Elle n’est pas réductible à l’intellect qui permet de séparer le
vrai du faux mais elle est la conscience de l’ego dans son affirmation vivante.
470
Alexandra FABBRI et Christian GUERY, « La vérité dans le procès pénal ou l'art du catalogue », RSC
2009, p. 343.
291
DEUXIEME PARTIE – TITRE SECOND- LA DISCUSSION DE LA RECONNAISSANCE DES FAITS SUR
PROPOSITION
apparaît en pratique comme essentiel est moins la place de l’aveu comme pivot de ces
nouvelles procédures que l’importance qu’il revêt. L’aveu est également pris en compte
dans l’infliction de la peine (CHAPITRE SECOND) car le débat contradictoire sur la
culpabilité est absent, ce qui tend, du même coup, à un rapprochement des parties au
procès. Si le traitement en temps réel du contentieux pénal présuppose que les faits
soient reconnus, il n’est plus question ab origine de vérité judiciaire même si la question
de la sincérité de l’aveu demeure posée.
292
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
En effet, ce type de réponses pénales est encouragé par les parquets et délégués du
procureur qui les présentent comme une chance à saisir pour le justiciable avec la
menace d’être sanctionné plus lourdement si l’affaire est renvoyée en audience
classique. Face à la pression exercée par le représentant du ministère public, il est rare
que le justiciable refuse la proposition du parquet car il anticipe, à tort ou à raison, une
sévérité accrue du procureur de la République à son encontre devant le tribunal
correctionnel lors de ses réquisitions. Elles sont, en outre, privilégiées par les
justiciables qui y voient plus d’avantages (une peine plus clémente) que d’inconvénients
(l’aléa d’une comparution publique devant la juridiction de jugement). Si le ministère
public estime que les avantages excèdent les inconvénients, il privilégiera une
alternative aux poursuites car, au regard des faits reprochés au prévenu, l’intéressé
encourt une peine plus légère. En revanche, si les inconvénients inhérents au traitement
d’une affaire pénale apparaissent trop importants, le parquet optera pour une procédure
471
M. Jean-Jacques LAVENUE, « La procédure en cas d’aveu de culpabilité devant la CPI », site:
www.droit.univ.lille2.fr. Ainsi, le statut de la CPI, notamment dans son article 27, prévoit que lorsque
l’accusé reconnaît sa culpabilité la Chambre de première instance va au préalable vérifier trois éléments.
Tout d’abord, si l’accusé comprend la nature et les conséquences de son aveu de culpabilité ; ensuite, si
l’aveu de l’intéressé a été fait volontairement après consultation suffisante avec le défenseur de l’accusé ;
enfin, si l’aveu de culpabilité est étayé par les faits de la cause tels qu’ils ressortent des charges présentées
par le procureur et admises par l’accusé ou de toutes pièces présentées par le procureur qui accompagnent
les charges et que l’accusé accepte. Il sera également fait état de tous autres éléments de preuve, tels que
les témoignages, présentés par le procureur ou l’accusé. Si la Chambre de première instance est
convaincue que ces conditions ne sont pas réunies, elle considère qu’il n’y a pas eu aveu de culpabilité.
Les consultations entre le procureur et la défense relatives à la modification des chefs d’accusation, à
l’aveu de culpabilité ou à la peine à prononcer n’engagent pas la Cour (limite à une possibilité de Plea
Bargain).
293
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
plus classique. Dans le cadre de l’obtention de l’aveu, il n’est plus question, en pareilles
circonstances, de rechercher une vérité matérielle, mais de se contenter d’une vérité
juridique laquelle n’est que le reflet d’une vérité policière puis celle du ministère public.
Du côté des magistrats du siège enfin, l’intérêt de ces procédures atypiques est double.
Tout d’abord, elles évitent un renvoi devant des juridictions qui sont déjà fortement
encombrées ; ensuite, elles répondraient à une opinion publique davantage sensible à
l’exigence de célérité qu’aux vertus utopistes de l’innocence présumée. Les procédures
accélérées de gestion des flux pénaux répondent donc à un large consensus.
472
CPP art.41-1.
473
CPP art.41-2.
474
CPP art.495-7 et s.
294
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
1° Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi ;
2° Orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ;
cette mesure peut consister dans l'accomplissement par l'auteur des faits, à ses frais, d'un
stage ou d'une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou
professionnel, et notamment d'un stage de citoyenneté, d'un stage de responsabilité
parentale ou d'un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants ;
en cas d'infraction commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur,
cette mesure peut consister dans l'accomplissement, par l'auteur des faits, à ses frais,
d'un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;
5° Faire procéder, avec l'accord des parties, à une mission de médiation entre l'auteur
des faits et la victime. En cas de réussite de la médiation, le procureur de la République
ou le médiateur du procureur de la République en dresse procès-verbal, qui est signé par
lui-même et par les parties, et dont une copie leur est remise ; si l'auteur des faits s'est
engagé à verser des dommages et intérêts à la victime, celle-ci peut, au vu de ce procès-
verbal, en demander le recouvrement suivant la procédure d'injonction de payer,
conformément aux règles prévues par le code de procédure civile ;
6° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son
partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son
conjoint, concubin ou partenaire, demander à l'auteur des faits de résider hors du
domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, de s'abstenir de paraître dans ce
domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si
nécessaire, de faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les
dispositions du présent 6° sont également applicables lorsque l'infraction est commise
par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle
par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime.
295
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
475
Cass. soc., 21 mai 2008, n° 06-44.948.
296
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
476
Loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, JORF n° 0075 du 30
mars 2011, p. 5497, texte n° 1.
477
Renaud COLSON et Stewart FIELD « La fabrique des procédures pénales : comparaison franco-
anglaise des réformes de la justice répressive », RSC 2010, p. 365.
297
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
2004, dite loi PERBEN II, le pouvoir discrétionnaire des agents de police a été étendu,
notamment en ce qui concerne la détermination des suspects à l’occasion des contrôles
d’identité et des placement en garde à vue, et les conditions de perquisition et de
surveillance ont été assouplies. Néanmoins, c’est la procédure de plaider coupable qui
constitue aujourd’hui, en Grande-Bretagne comme en France, le dispositif le plus
novateur de la justice négociée. A ce titre, la promesse d’une réduction de peine ou
l’abandon de certains chefs d’inculpation, en échange de la reconnaissance de
culpabilité guilty plea de la personne mise en cause, y sont régulièrement utilisés. Le
suspect est interrogé à la fois par son avocat (examination in chief) et par le ministère
public (cross examination) ; l’intéressé n’a pas le droit de mentir. Toutefois, sans faire
l'objet d'un cadre juridique précis, la reconnaissance de culpabilité devant les
juridictions pénales est encadrée par différentes normes législatives et jurisprudentielles.
Ainsi, les règles législatives qui régissent la procédure pénale ont été modifiées au cours
des dernières années pour inciter notamment les accusés à reconnaître leur culpabilité le
plus rapidement possible, afin d'accélérer le traitement des affaires et de limiter le coût
du fonctionnement de la justice, tout en ménageant les témoins et les victimes. La même
évolution est à l’oeuvre en France avec l’idée d’un plaider coupable criminel, même si,
pour l’instant, la réforme paraît abandonnée.
298
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
procédure en CRPC car il lui est consubstantiel. En effet, il initie et rend donc possible
ce mode de poursuite (§2). Ce qui participe d’une logique différente.
299
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
479
. La question se pose de l’avenir de la médiation pénale lorsque le mis en cause refuse
cette mesure. En droit, à tout instant, chaque partie peut d’ailleurs mettre fin à la
médiation si les positions sont bloquées, mais, les discussions entre les parties sous le
contrôle du médiateur reprendront ultérieurement. La personne mise en cause, même en
l’absence de son avocat, peut s’engager à verser tout ou partie de la somme demandée.
Si la demande est jugée trop élevée et l’offre insuffisante, il y a rupture de la médiation ;
c’est l’échec, et le dossier est renvoyé au procureur qui dispose de l’opportunité des
poursuites. En réalité, le parquet peut décider de recourir à une médiation si elle est
susceptible d’assurer la réparation de l’infraction ou le reclassement de l’intéressé. Si la
mise en œuvre de celle-ci relève d’un intermédiaire neutre chargé de concilier
l’intéressé et la victime, l’initiative de celle-ci n’appartient qu’au parquet. Or, l’organe
habilité pour proposer la médiation est le ministère public, c'est-à-dire l’organe de
poursuites, ce qui ne confère pas de garanties suffisantes d’impartialité. Deux arrêts de
la CEDH, « MEDVEDYEV c/ France » et BRUSCO480 ont affirmé que le procureur de
la République n’est pas une autorité judiciaire481. En effet, aux termes de l’article 5 § 3
CEDH, le parquet français ne présente pas les garanties d’indépendance exigées par la
jurisprudence pour recevoir la qualification de juge ou d’autre magistrat habilité par la
loi à exercer des fonctions judiciaires. Sur le plan conventionnel, la CEDH apprécie à la
fois des critères objectifs tenant au statut du juge (notamment le mode de désignation) et
un critère subjectif tenant à l’apparence d’indépendance aux yeux du justiciable ; or,
non seulement les membres du parquet peuvent recevoir des instructions du garde des
Sceaux ce qui constitue le corollaire de leur absence d’inamovibilité mais également ces
479
CPP art. 41-1-5°.
480
Affaire BRUSCO c/ France (req. n° 1466/07), 14 octobre 2010, (arrêt devenu définitif le 14 janvier
2011), communiqué de presse du greffier de la CEDH, n° 742 14.10.2010
481
Au sens de l’article 6 CEDH en raison notamment de sa dépendance au pouvoir exécutif, Cf. CEDH,
5ème section, 10 juillet 2008, MEDVEDYEV et a. c/ France (req. n° 3394/03). Comm. Recueil Dalloz
2008, p. 3055, de Patricia HENNON-JACQUET ; Jean-François RENUCCI : « Un séisme judiciaire :
pour la Cour européenne des droits de l'homme, les magistrats du parquet ne sont pas une autorité
judiciaire », Recueil Dalloz 2009 p. 600 ; Jean-Pierre MARGUENAUD : « Tempête sur le parquet », à
propos de l’arrêt de la CEDH, 5e section, 10 juillet 2008, MEDVEDYEV C/ France, in RSC 2009 p. 176 ;
Jean-François RENUCCI : « L'affaire Medvedyev devant la grande chambre : les « dits » et les « non-dits
» d'un arrêt important », Recueil Dalloz, 2010 p. 1386 ; Patricia HENNION-JACQUET : « L'arrêt
Medvedyev : un turbulent silence sur les qualités du parquet français », Recueil Dalloz 2010 p. 1390 ;
RSC 2011 p. 685, « Tempête sur le parquet : bis sed non repetita » (CEDH, Grande Chambre, 29 mars
2010, Medvedyev c. France), CEDH, 29 mars 2010, MEDVEDYEV, n° 3394/03, AJDA 2010.p. 648 ; D.
2010. 1386, obs. S. LAVRIC, note J.-F. RENUCCI
300
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
482
Cons.const. n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010.
483
Cons. const. n° 93-326 DC du 11 août 1993.
301
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
accélérées de gestion des flux pénaux. C’est l’organe de poursuite qui apprécie la
culpabilité du prévenu dans un contexte paradoxal où il aura reconnu les faits reprochés,
ce qui apparente curieusement le parquet aux prérogatives dont disposent les
juridictions de jugement puisque le substitut dispose en réalité d’un réel pouvoir de
jugement avant tout déclenchement de l’action publique ainsi que d’un pouvoir de
sanction. Autrement dit, si le parquet n’est pas une autorité judiciaire, il n’a pas
réellement de faculté d’appréciation, il doit poursuivre toute infraction conformément à
la finalité de ses fonctions dans le sens de la légalité des poursuites. C’est ainsi que si
l’on considère que le ministère public n’est pas une autorité judiciaire, cela condamne
l’opportunité des poursuites. Or, dans les procédures alternatives, le parquet estime qu’il
est une autorité judiciaire au sens de l’article 66 de la Constitution ; que par conséquent,
il peut enclencher sous son autorité toutes procédures alternatives lesquelles ne
déboucheront pas sur une saisine du juge. Aussi, le débat participe encore de l’idée
d’une gestion la plus rapide des stocks pénaux pour éviter une trop grande durée de
l’action publique.
484
D. 1999, p. 311.
485
Jocelyne LEBLOIS-HAPPE, « De la transaction pénale à la composition pénale », JCP 2000, I, p. 198
; F. LE GUNEHEC, « Présentation de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999. Première partie : dispositions
relatives aux alternatives aux poursuites », JCP 1999, actualités, p.1325 et s ; Jean PRADEL, « Une
consécration du plea-bargaining à la française : la composition pénale instituée par la loi n° 99-515 du
23 juin 1999 », D. 1999, p. 379.
486
Modifiée par la loi du 9 mars 2004.
487
Définition proposée par Françis LE GUNEHEC, op. cit., p. 1326.
488
CPP art. 41-3.
302
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
489
CPP art. 41-2.
490
CPP art. 222-16.
491
CPP art. 222-17.
492
CPP art. 311-3.
493
CPP art. 41-2.
494
CPP art. 41-3.
495
Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance.
303
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
intervention plus active du juge pourrait notamment consister à vérifier la crédibilité des
aveux ayant conduit à un accord sur la peine, ce qui dépasserait le simple contrôle
formel. De cette manière, le rôle du juge ne serait plus limité à une simple
authentification.
304
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
498
Cass. crim. 18 janvier 2010, Bull. crim. n° 718, Gaz.Pal. 25 mars 2010.
499
Cass. crim., 24 juin 2008 ; Bull. crim. n° 162.
500
Cass. soc., 13 janv. 2009, n° 07-44.718.
305
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
En effet, il a été jugé également qu’un individu conduisant sous l’empire d’un état
alcoolique et auquel il avait été proposé, à ce titre, une composition pénale qu’il avait
refusée pouvait être relaxé, en dépit d’aveux, devant le tribunal correctionnel501. En
l’espèce, l’affaire avait été portée devant le tribunal correctionnel de BAYONNE qui va
relaxer le prévenu des chefs de conduite sous l’empire d’un état alcoolique au motif que
les dispositions de l'article R. 234-4 du CPP n'avaient pas été respectées, les agents
n'ayant notifié les résultats du contrôle que cinq jours après qu'il y ait été procédé502. La
Cour d’appel de PAU ne va pas suivre le raisonnement du tribunal correctionnel et
condamner le prévenu.
Dans une autre affaire, un homme avait accepté une amende de composition pénale
501
CA Pau, Ch. correctionnelle, 15 janvier 2009, n° 08/00585.
502
T. corr. Bayonne, Pau 30 novembre 2007.
306
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
du seul chef de travail dissimulé d'un montant de 750 € que, par ordonnance en date du
17 juillet 2007, le Président du Tribunal de grande instance a refusé de valider cette
alternative aux poursuites. Or, la Cour d’appel va relaxer le prévenu. Il était établi par
les pièces produites aux débats que le bassin de Thau avait été frappé par des crises
anoxiques connues sous le nom de Malaigues en juillet 2006. Compte tenu de cette
crise, Monsieur I… avait été mis en demeure, comme tous les autres producteurs
sinistrés, de libérer les tables d'élevage des cordes de coquillages morts afin de pouvoir
bénéficier des aides de calamité agricole. Un premier contrôle de la Mutualité Sociale
Agricole (MSA) est donc intervenu en juillet 2006, alors que la crise avait déjà frappé
l'exploitation gérée par l’intéressé. Lors du second contrôle effectué le 21 novembre
2006, ce dernier avait déjà perdu 76 % de sa récolte. C'est dans ce contexte que les
contrôleurs ont constaté le travail des parents et de la soeur de l'exploitant I. Yves. Cette
entraide familiale entre ce dernier, l'entrepreneur et les membres de sa famille en
parentèle directe, est intervenue de façon occasionnelle et spontanée, pour répondre à
une crise conchylicole aigue. L'aide avait par conséquent été fournie par les membres de
la famille du prévenu sans contrepartie financière et sans démonstration par les
contrôleurs de l'existence d'un lien de subordination, à seule fin de permettre à leur
proche qui se trouvait dans une situation financière difficile et ne pouvait pas
embaucher de salariés, de surmonter la difficulté ponctuelle qu'il traversait. Il
apparaissait ainsi que l’intéressé ne s'était pas rendu coupable de travail dissimulé503.
Enfin, la Cour de cassation a rendu une décision novatrice. Les faits de l'espèce
étaient les suivants : à la suite de l'interpellation d'un individu pour rébellion et outrage
envers des personnes dépositaires de l'autorité publique, le substitut en charge du
dossier proposait à celui-ci une composition pénale. Ce n'est qu'après la signature, par
l'intéressé, du procès-verbal de composition pénale que le parquet, déplorant l'attitude
insolente du prévenu, décidait de changer de voie procédurale, en omettant de saisir le
président du tribunal aux fins de validation de la composition pénale et en faisant
délivrer à l'intéressé une citation directe devant le tribunal correctionnel. Le tribunal
condamnait le prévenu mais, saisie de l'appel de celui-ci, la cour prononçait, sur les
réquisitions du ministère public ayant relevé l'irrégularité de la procédure, l'annulation
503
CA Montpellier, Ch. correctionnelle 03, 7 mai 2009 n° 08/00263.
307
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
Cet argument n'a pas convaincu la Chambre criminelle qui a, au contraire, estimé que
le ministère public ne pouvait ainsi changer de voie procédurale504.
504
Cass. crim., 20 nov. 2007, pourvoi n° 07-82.808 ; D. 2008 p. 109, chronique de jurisprudence de la
Cour de cassation, Chambre criminelle, Danièle CARON, et Sylvie MENOTTI.
505
Sur la question du lien entre aveu pénal et modes alternatifs de règlement du contentieux pénal :
Eric GHERARDI, « Réflexions sur la nature juridique des transactions pénales », RFD adm. 1999, p.
906 ; P. CATALA et G. FLECHEUX, « Avant propos », in Mission de recherche Droits et Justice, Les
modes alternatifs de règlement des litiges : les voies nouvelles d’une autre justice, Paris, La
Documentation française, coll. « Perspectives sur la justice », 2003, p. 8 ; J. LEBLOIS-HAPPE, « De la
transaction pénale à la composition pénale », JCP 2000, I, p. 198, n° 23 ; P. CONTE et P. MAISTRE DU
CHAMBON, Procédure pénale, Collection Dalloz, 20ème éd. 2008, p. 228 ; P. PONCELA, « Quand le
procureur compose avec la peine », RSC. 2002, p. 632 ; J. PRADEL, « Une consécration du plea
bargaining à la française : la composition pénale », D. 1999, p. 379. ; M. REDON, « Transaction », Rép.
Pén., n° 2 ; M. REDON, « Transaction », préc. n° 1. ; J-E. SCHOETTL, « La loi Perben II devant le
Conseil constitutionnel », Gaz. Pal. 11-15 avril 2004, p. 3-26. ; F.BUSSY, « Nul ne peut être juge et
partie », D. 2004, p. 1745. ; F.PELLETIER, « Ne pas transiger sur la transaction », D. 2005, p. 958.
308
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
une transaction. Le contrat de transaction peut être judiciaire et pour autant ne pas
perdre sa nature conventionnelle si l’homologation est purement formelle. Lors de
l’audience d’homologation de la proposition de la peine acceptée, le rôle du juge est à
l’évidence réduit à la portion congrue. Le législateur ne lui a en effet accordé que le
pouvoir d’ « homologuer les peines proposées par le procureur de la République ».
Même si le Conseil constitutionnel506 a estimé que cette disposition devait s’entendre
comme impliquant également la possibilité de refuser l’homologation de la proposition,
sa marge de manœuvre reste réduite. Il ne semble pas que le juge « homologateur »
puisse modifier le quantum de la peine, voire prononcer la relaxe du prévenu. Il est
certain que le juge ne tranche pas le litige et que l’accord des parties prime sur l’aspect
juridictionnel. Pareillement, le législateur507 qui avait initialement prévu que l’audience
d’homologation ne devait pas être publique, a décidé que la présence du procureur de la
République aux débats n’est pas obligatoire. C’est dire si ce minimalisme procédural
n’est pas en soi exclusif d’une qualification contractuelle de l’accord entre le ministère
public et le prévenu. Il s’ensuit que l’on est proche d’un contrat judicaire où l’aspect
conventionnel l’emporterait sur l’aspect judiciaire même si une décision juridictionnelle
n’est pas rendue. Toutefois, des différences subsistent entre transaction pénale et CRPC.
Le plaider coupable n’est pas une transaction ni une réelle innovation. Dès 1999, date
de la création de la procédure de composition pénale, un individu qui reconnaît sa
culpabilité, concernant aujourd’hui une infraction dont la peine d’emprisonnement est
inférieure ou égale à cinq ans peut se voir proposer une sanction qu’il doit accepter pour
qu’elle soit exécutée. Concernant l’existence d’engagements réciproques, il convient de
rappeler que face à ceux du prévenu, la concession du ministère public est presque
inexistante. La négociation est restreinte en raison du peu de choix offert au prévenu,
mais elle n’est pas absente. Le plaider coupable n’est pas une transaction puisque dans
cette procédure, l’individu qui aura avoué sa culpabilité aura finalement pour seule
certitude qu’une négociation sur sa propre liberté pourra le cas échéant en découler.
506
Décision 2004-492 DC du 2 mars 2004 relative à la « Loi portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité ».
507
Loi n° 2005-847 du 26 juillet 2005 précisant le déroulement de l’audience d’homologation de la
CRPC. Par une décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a ainsi déclaré
cette loi conforme à la Constitution.
309
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
Toutefois, la question subsiste de savoir si, dans le cadre de la CRPC, la défense pénale
n’est pas, en définitive, renforcée à la marge, en dépit du simple appel incident dont
dispose le parquet. En effet, la chambre criminelle a tranché pour la première fois la
question de l'étendue du droit d'appel du ministère public dans le cadre d'une procédure
de plaider coupable508. En l’espèce, l'article 496 du CPP, qui prévoit que les jugements
rendus en matière correctionnelle peuvent être attaqués par la voie de l'appel, pose,
selon une jurisprudence constante, une règle générale qui doit recevoir application à
moins qu'il n'y soit dérogé par une disposition légale expresse. L'article 495-11 dudit
code, issu de cette loi, dispose que l'ordonnance par laquelle est homologuée la peine
proposée par le procureur de la République et acceptée par la personne concernée, a les
effets d'un jugement de condamnation et est immédiatement exécutoire. Dans tous les
cas, précise l'alinéa 3, cette ordonnance « peut faire l'objet d'un appel de la part du
condamné, conformément aux dispositions des articles 498, 500, 502 et 505. Le
ministère public peut faire appel incident dans les mêmes conditions». Cet appel du
parquet a d’ailleurs pour conséquence la réouverture de l’échelle des peines. Aussi, le
législateur a entendu limiter le droit d'appel du ministère public en ne lui permettant que
d'interjeter appel incident. L'amendement, d'origine sénatoriale, était fondé sur l'idée
qu'un appel principal du parquet était difficilement concevable dans la mesure où les
peines objet de l'appel avaient été proposées par le parquet lui-même509. En revanche,
afin d'éviter que les prévenus ne puissent être condamnés en appel à une peine plus
sévère, il a été prévu que le parquet puisse interjeter appel à titre incident510. De même,
la circulaire du 2 septembre 2004 présentant les dispositions de la loi du 9 mars 2004
relatives à la procédure de CRPC, prescrit que le parquet de première instance ou
d’appel ne puisse pas relever appel à titre principal. La volonté du législateur a été
508
Pour un rappel récent de cette solution, cf. Crim. 3 février 2010, n° 09-82.472, Bull. crim. n° 17 ;
D. 2010, p. 585, obs. M. LENA, p. 942, note S. DETRAZ, et p. 2732, obs. G. ROUJOU de BOUBEE, T.
GARE et S. MIRABAIL ; AJ pénal 2010, p. 244, obs. G. ROYER, s'agissant d'une décision
d'hospitalisation d'office prise sur le fondement de l'art. 706-135 CPP, et D. 2011, p. 124.
509
Chronique de jurisprudence de la Cour de cassation, Chambre criminelle, Laurence LAZERGES-
COUSQUER, Anne LEPRIEUR, Emmanuelle DEGORCE.
510
Pour une jurisprudence rendue sur QPC sur cette question de l’ouverture de la voie de recours dans
d’autres hypothèses, voir notamment la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-153 QPC du 13
juillet 2011, M. Samir A. En l’espèce, s’agissant des voies de recours pouvant être exercés à l’encontre
des ordonnances du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention, l’article 186 du CPP ne
peut être interprété de manière limitative quant au droit d’appel par le mis en examen des décisions le
concernant.
310
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
511
Art. 495-13, al. 1, C. pr. pén.
512
Crim. 21 mai 1997, n° 96-85.532, Bull. crim. n° 191 ; D. 1997, 171 ; RSC 1997, p. 858, obs. J.-P.
DINTILHAC ; 17 juin 1998, n° 97-85.801, Bull. crim. n° 196.
513
Cf. en ce sens CEDH 27 oct. 1993, n° 14448/88, Dombo Beheer.
311
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
dispositions est contraire à la loi, doit être déclaré recevable. Il n'est pas contestable que
la peine proposée par le parquet et homologuée par le juge contenait une disposition
illégale, en ce qu'elle avait ordonné la non-inscription de la condamnation au bulletin n°
2 du casier judiciaire, et ce, en méconnaissance flagrante des dispositions du dernier
alinéa de l'article 775-1 du CPP, issu de la loi du 9 mars 2004, lequel interdit désormais
aux auteurs de l'une des infractions visées par l'article 706-47 CPP la possibilité
d'obtenir une telle dispense du moins pour les condamnations prononcées, comme en
l'espèce, pour des faits commis postérieurement à l'entrée en vigueur desdites
dispositions514. Toutefois la chambre criminelle a entendu faire respecter l’esprit de la
loi en énonçant que le ministère public ne dispose que d'un droit d'appel incident des
décisions rendues sur reconnaissance préalable de culpabilité. Elle a par conséquent
cassé sans renvoi l'arrêt attaqué et dit irrecevable l'appel interjeté, ce qui a eu pour
conséquence de donner son plein et entier effet à l'ordonnance d'homologation et à la
dispense d'inscription au casier judiciaire. Néanmoins, la Cour a jugé excessifs les
pouvoirs d’un président de la chambre des appels correctionnels qui, pour dire n'y avoir
lieu à admettre un appel, a énoncé de façon injustifié que celui-ci était tardif515.
514
Crim. 24 mai 2006, n° 05-85.971, Bull. crim. n° 151 ; D. 2006, p. 1702, obs. Emmanuel PIWNICA.
515
Crim. 2 avril 2008, n° 08-80.067, Bull. crim. n° 92 ; AJ pénal 2008, p. 377, obs. C. DUPARC ; RSC
2008, p. 637, obs. A. GIUDICELLI.
312
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
ladite transaction échouerait, les déclarations préalables effectuées par la personne mis
en cause ne sauraient valoir aveu de culpabilité516. La transaction par médiation en
matière pénale tend à garantir la réparation des dommages causés à la victime des faits
imputés au prévenu et à raviver le sens de la responsabilité de ce dernier tout comme à
516
CPP tunisien. Livre IV. - De quelques procédures particulières. Chapitre IX. - De la transaction par
médiation en matière pénale. Chapitre ajouté par la loi n° 2002-93 du 29 octobre 2002. JORT n° 89 du
1er novembre 2002, p. 2537. Cf notamment : Article 335 bis : La transaction par médiation en matière
pénale tend à garantir la réparation des dommages causés à la victime des faits imputés au prévenu et à
raviver le sens de la responsabilité en ce dernier et à préserver, son intégration dans la vie sociale. Article
335 ter : Le procureur de la République peut, avant le déclenchement de l'action publique, soit de sa
propre initiative, soit sur demande du prévenu ou de la victime ou sur demande de l'avocat de l'un d'eux,
proposer aux parties la transaction par médiation en matière pénale, et ce, en matière de contravention et
dans les délits prévus par l'alinéa 1er de l'article 218 et les articles 220, 225, 226 bis, 247, 248, 255, 256,
277, 280, 282, 286, et 293, 296 et ainsi que par l'alinéa 1er de l'article 297, les articles 298, 304 et 309 du
code pénal et le délit prévu par la loi n°62-22 du 24 mai 1962 relative à la non-présentation de l'enfant
sous la garde.(Paragraphe deux ajouté par la loi n°2009-68du 12 août 2009). Si les circonstances du fait
objet de la poursuite l’exigent, le procureur de la République peut seul proposer la transaction par
médiation pour l’infraction citée à l’article 264 du code pénal à condition que le prévenu ne soit pas
récidiviste et que le procureur considère que la tendance criminelle n’est pas encrée chez le prévenu sur la
base d’une enquête sociale menée par les services de l’action sociale sur sa situation familial, matérielle
morale. Article 335 quater : Le procureur de la République prend l'initiative de convoquer les deux parties
par voie administrative. Il peut ordonner à l'une des parties de convoquer les autres parties par huissier de
justice. Le prévenu est tenu d'assister personnellement à l'audience fixée. Il peut se faire assister par un
avocat. La victime peut se faire représenter par un avocat. Toutefois, si elle ne comparait pas
personnellement, la transaction ne peut être établie que sur présentation d'un mandat spécial à cet effet.
Article 335 quinquies : Le procureur de la République, en appelant les parties à la transaction, prend en
considération leurs intérêts et consigne les accords conclus entre les parties dans un procès verbal coté
dans lequel il les avise des obligations et des conséquences qui découlent de la transaction. Il doit leur
rappeler les dispositions de la loi et leur fixer un délai pour l'exécution de toutes les obligations qui
résultent de la transaction sans que ce délai ne dépasse six mois à compter de la date de sa signature. Le
procureur de la République peut, exceptionnellement, et en cas de nécessité absolue, proroger ce délai de
trois mois une seule fois par décision motivée. Le procès-verbal doit être lu aux parties qui 'doivent en
signer chaque page. De même il doit être signé par le procureur de la République, le greffier et, s'il y a
lieu, l'avocat et l'interprète. Article 335 sexies : La transaction par médiation en matière pénale ne peut
être révoquée même par le consentement des parties sauf dans le cas où apparaissent des éléments
nouveaux de nature à changer la qualification de l'infraction de façon à rendre la transaction interdite par
la loi. La transaction ne profite qu'à ses parties et ne peut produire d'effets qu'à l'égard de leurs ayants
droit ou ayants cause. Son contenu n'est pas opposable aux tiers. On ne peut se prévaloir de ce qui a été
déclaré par les parties auprès du procureur de la République à l'occasion de la transaction par médiation
en matière pénale. Il ne peut valoir comme aveu. Article 335 Septies : S'il a été impossible de conclure
une transaction ou si celle ci n'a pas été intégralement exécutée dans les délais impartis, le procureur de la
République apprécie la suite à donner à la plainte. L'exécution totale de la transaction dans le délai
imparti ou l'inexécution due au fait de la victime entraîne l'extinction de l'action publique à l'égard du
prévenu. Les délais de prescription de l'action publique sont suspendus durant le déroulement de la
procédure de transaction par médiation en matière pénale ainsi que durant le délai imparti pour son
exécution.
313
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
préserver son intégration dans la vie sociale. Au visa de l’article 335 quinquies : « Le
procureur de la République, en appellant les parties à la transaction, prend en
considération leurs intérêts et consigne les accords conclus entre les parties dans un
procès-verbal coté dans lequel il les avise des obligations et des conséquences qui
découlent de la transaction ». Son contenu de surcroît n’est pas opposable aux tiers;
ensuite, la partie civile ne pourra se prévaloir de ce qui a été déclaré auprès du procureur
à l’occasion de la transaction pénale pour en tirer la conséquence que le prévenu a
avoué les faits reprochés. Dans l’hypothèse d’un succès de la mesure mis en oeuvre, il y
a extinction de l’action publique.
Aussi, c’est la contrepartie d’une peine allégée proposée par le parquet à l’intéressé
qui fait le départ entre d’abord, la CRPC, ensuite les autres modes alternatifs aux
poursuites pénales, l’une négligeant totalement l’aveu dans la prise de décision car,
même en l’absence d’aveux, une sanction sera infligée ; l’autre intégrant l’aveu au prix,
certes, d’une abdication volontaire et définitive des droits de la personne concernée,
mais de la quasi certitude d’obtenir une condamnation peu sévère.
314
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
215- Aveu et mécanisme de la peine. Tout comme les procès de l'Ancien Régime
où l'aveu dispensait de rechercher toute autre preuve, le plaider coupable517 permet de
discuter immédiatement de la peine. Il y a une sorte de contractualisation de la peine, un
« consensualisme judiciaire » 518. Présentée à l’origine comme une technique répondant
à une attente légitime de traitement en temps réel des procédures en cas de faits simples
et reconnus, la CRPC, inspirée des expériences américaine et européenne (SECTION
PREMIERE), concerne progressivement d’autres contentieux, ce qui témoigne, contre
toute attente, de la vitalité de l’aveu. Cette ironie de l’histoire excède le simple cadre
pénal car elle a sans doute une explication plus profonde, en lien avec la modernité de
nos sociétés occidentales, davantage enclines à abdiquer une certaine morale fondée sur
l’honneur ou celle d’une recherche de la vérité à tout prix qu’à concéder une part, fût-
elle infime, de liberté individuelle. Autrement dit, peu importe que les droits soient
bafoués pourvu que ce qui apparaît subjectivement comme étant l’essentiel donc
indiscutable, c’est dire la liberté, ne soit pas entravée. L’aveu pénal permet ainsi, dans
une certaine mesure, le passage d’une société archaïque ou jugée comme telle en raison
de valeurs considérées comme passéistes mais qui la structuraient, à une sphère
moderne du droit, moins concernée par le sublime (l’honneur, la vérité) que par l’utile
(allègement de peine donc liberté accrue), préférant le court terme (le plaider coupable)
au long terme (le circuit long de l’ouverture de l’information judiciaire) ; en définitive,
l’espace au temps, le particulier à l’universel. Aussi, l’aveu participe d’un processus a-
temporel donc an-historique car la vérité est expulsée de la temporalité qui la rendait
possible. En même temps, cette révolution judiciaire est inséparable de l’évolution
libérale des mentalités car elle privilégie l’éphémère au réel, la forme au fond, la
517
CPP, art. 495-7 à 495-16, et 520-1 devant la chambre des appels correctionnels, Jean-Paul CÉRÉ et
Pascal REMILLIEUX, « De la composition pénale à la comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité : le « plaider coupable » à la française », AJ Pénal 2003, p. 45 ; Dominique CHARVET,
« Réflexions autour du plaider coupable », D. 2004, p. 2517 ; Jean DANET, « La CRPC : du modèle
législatif aux pratiques... et des pratiques vers quel(s) modèle(s) ? », AJ Pénal 2005, p. 433, François
MOLINS, « Contribution pour un premier bilan de la CRPC dans une grosse juridiction », AJ Pénal 2005,
p. 443.
518
Jean PRADEL, « Vers un « aggiornamento » des réponses de la procédure pénale à la criminalité.
Apports de la Loi no 2004-204 dite Perben II », JCP 2004, I, p. 132, spéc. n°20 ; François MOLINS,
« Plaidoyer pour le « plaider coupable » : des vertus d'une peine négociée », AJ Pénal 2003, p. 61.
315
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
519
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, art. 137-I, entrée en vigueur le 1er octobre 2004 dite PERBEN II.
316
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
520
Xavier PIN, Le consentement en matière pénale, op.cit.
317
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
coupable (…) est de cinquante-quatre minutes ; quand l’accusé plaide innocent, il dure
sept heures (…) »521. Applicable aussi bien aux personnes physiques qu’aux personnes
morales, la technique de comparution sur reconnaissance de culpabilité est toutefois
exclue en matière de délits de presse, de délits d’homicides involontaires, de délits
politiques ou de délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale522.
521
Dominique INCHAUSPE, L’innocence judiciaire Paris, Litec, 2001, p. 244.
522
Article 495-7 CPP modifié par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 - art. 27 : Pour tous les
délits, à l'exception de ceux mentionnés à l'article 495-16 et des délits d'atteintes volontaires et
involontaires à l'intégrité des personnes et d'agressions sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 du
code pénal lorsqu'ils sont punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à cinq ans, le
procureur de la République peut, d'office ou à la demande de l'intéressé ou de son avocat, recourir à la
procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité conformément aux dispositions de
la présente section à l'égard de toute personne convoquée à cette fin ou déférée devant lui en application
de l'article 393 du présent code, lorsque cette personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés.
523
Le Monde, 1er juin 2004.
524
En Angleterre, par exemple, toutes les infractions peuvent faire l’objet d’une reconnaissance préalable
de culpabilité, et il est généralement admis que la reconnaissance de culpabilité conduit le juge à accorder
une réduction de peine comprise entre 20 et 30 %. C’est au cours d’une audience préliminaire, que l’acte
d’accusation est lu et l’accusé, à cette occasion, dispose d’une alternative : soit il plaide coupable et il
obtiendra généralement une réduction de peine ; soit il ne plaide pas coupable, l’affaire se déroule selon la
procédure traditionnelle applicable aux infractions relevant de l’une ou de l’autre des juridictions. Dans la
pratique, la réduction de peine est d’autant plus importante que l’accusé plaide coupable rapidement
même si, en théorie, toute indication anticipée de la réduction de peine est actuellement exclue, car elle
est contraire à la jurisprudence Turner de 1970, source : site du Sénat, « Le plaider coupable ». Etude de
législation comparée n°122- mai 2003.
525
Comme l’indique le professeur Ergon MULLER, un arrêt de principe du Bundesgerichtshof (Cour de
Cassation) de Karlsruhe a validé la pratique du plaider coupable le 9 décembre 2004, en admettant qu’une
318
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
est, autant que possible, administré devant le tribunal, en formation collégiale ou, ce qui
est la règle depuis l’année 2000, à juge unique. La procédure pénale est à la charge du
parquet ou de la police judiciaire, le juge d’instruction jouant un rôle de contrôle de la
légalité des actes et de réception de l’accusation» 527. En l’espèce, l’article 344 du CPP
prévoit que la reconnaissance de culpabilité a lieu après la phase d’instruction. Aussi
longtemps que l’audience n’est pas achevée, l’accusé peut se rétracter. En cas de
confession partielle ou conditionnelle, de même que lorsque l’accusé encourt une peine
de prison supérieure à cinq ans, le tribunal décide librement de la production des
preuves en audience publique. La procédure pénale espagnole prévoit que la peine
encourue pour l’infraction objet de l’acte d’accusation ne doit pas dépasser six ans
d’emprisonnement. Dans ce système pénal, la technique de reconnaissance de
culpabilité doit précéder le début de la phase orale du jugement, c’est-à-dire être
effectuée avant les séances consacrées aux dépositions des témoins et des experts. C’est
toutefois le système pénal italien qui présente la plus grande originalité car,
contrairement à la procédure de plaider coupable initiée en France, il prévoit un
véritable marchandage entre l’accusation et le prévenu. L’application de la peine sur
requête des parties, couramment appelée pattegiamento (marchandage), consiste pour le
ministère public et l’accusé à demander au juge de prononcer une peine sur laquelle un
accord est intervenu entre les deux parties. Il s’agit, en l’espèce, d’un jugement abrégé,
en ce qu’il permet au juge de prononcer son verdict sur le fondement du dossier du
ministère public528, puisque l’accusé renonce au débat contradictoire sur la preuve. Dans
la procédure de jugement abrégé, le parquet et l’inculpé établissent un accord
concernant les preuves ; l’accord des parties consistant, par ailleurs, en un accord
portant sur la peine à appliquer. Dans les deux cas, l’inculpé obtiendra une réduction
substantielle de sa peine. La reconnaissance de culpabilité conduisant, en conséquence,
à une peine automatiquement allégée car négociée, ce qui n’est pas le cas dans la
procédure de plaider coupable initiée en France où la personne poursuivie qui reconnaît
telle reconnaissance de culpabilité pouvait donner droit à une réduction d’un tiers au moins de la peine
normalement encourue, in « Chronique de droit pénal allemand », RIDP, mars 2005.
526
Evelyne MONTEIRO, , Actualités du droit portugais (années 2006-2007), RSC 2008, p. 463.
527
Loïc CADIET, Dictionnaire de la justice, Paris, PUF, octobre 2004, p. 1001.
528
Massimo VOGLIOTTI, « Mutations dans le champ pénal contemporain vers un droit pénal en réseau »
RSC 2002, p. 721. Mario CHIAVARIO, « Limites en matière de preuve dans la nouvelle procédure
pénale italienne », RSC 1992, p. 30. Mario CHIAVARIO, « Aperçus sur la procédure d’audience en Italie
entre réforme et « post-réforme » » RSC 1994, p. 207.
319
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
529
Martine MERIGEAU, « La victime et le système pénal allemand » RSC 1994, p. 53.
530
Journal du Barreau du Québec, Volume 34, n° 16. 1er octobre 2002, p. 12.
320
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
531
Voir à ce propos l’étude d’Ioannis PAPADOPOULOS, in La pratique américaine, le texte français,
Paris, PUF, 2004.
532
Jean CEDRAS, « La célérité du procès pénal dans le droit de la common law », RIDP 1995, vol. 66, p.
695.
533
Sénat, « Le plaider coupable », série Législation comparée, préc.
534
Brigitte PEREIRA, « Justice négociée : efficacité répressive et droits de la défense ? », in D. 2005, p.
2041.
321
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
utile, car non seulement la majorité des accusés préfère plaider coupable, mais
également parce qu’il provoquerait, a priori, « en amont de l’audience l’évacuation de
90 % des affaires » 535. Il semblerait que « la réduction de peine consécutive d’une
reconnaissance de culpabilité devant les juridictions fédérales soit d’environ 30 % » 536.
Il existe toutefois trois différences entre le plea bargaining appliqué aux Etats-Unis et le
mode de poursuite de plaider coupable. Tout d’abord, la personne poursuivie ne peut
aucunement, en théorie, négocier sa peine avec le parquet ni la qualification juridique
retenue. Ensuite, contrairement à la formule américaine, la CRPC n’est prévue que pour
des délits limitativement énumérés sous l’article 495 -7 du CPP. Enfin, le juge de
l’homologation, à l’inverse du système américain, n’a qu’une alternative : soit
homologuer les propositions du parquet, soit les refuser.
535
Jean PRADEL, « Observations brèves sur une loi à refaire », in D. 1993, p. 39.
536
Ibid.
322
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
222- Avenir du plaider coupable. Sur le plan législatif, l’aveu devient avec la loi
du 9 mars 2004 le fondement de la CRPC dans un objectif de diversification de la
réponse pénale. Le dispositif mis en oeuvre n’a, en théorie, pas pour but, en dépit de
l’absence de procès, de priver le justiciable de justice. La voie procédurale initiée par le
dispositif PERBEN II contribue à assurer, pour le prévenu, une justice de qualité en
allégeant les audiences correctionnelles, en diminuant les délais de jugement et en
rendant, in fine, plus efficace, donc mieux adapté, le prononcé de la peine, celle-ci ayant
été acceptée par l’auteur du délit. A cet égard, la mise en œuvre de la CRPC s’avère
positive et, en ce sens, davantage protectrice de la procédure pénale que ce qu’elle en
altère les principes. En réponse à la question d’un parlementaire à propos du bilan à tirer
de la procédure du plaider coupable, l’ancien garde des Sceaux, M. Pascal CLEMENT
soulignait que cette nouvelle technique constituait un progrès dans le mode de
traitement judiciaire depuis l’entrée en vigueur du dispositif (19 octobre 2004)538.
Schématiquement, les points positifs mis en exergue par le ministre de la justice sont les
suivants. D’abord, concernant la célérité escomptée de cette voie procédurale, il est
537
Rapport du comité de reflexion sur la justice pénale (1er septembre 2009), Paris, la documentation
française, Septembre 2009.
538
Rép. Min. à Q.E n° 92066, JOAN Q., 4 juillet 2006, p. 7107.
323
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
indiqué, que les délais d’audiencement tendent à diminuer car le plaider coupable évite
la lourdeur d’un examen en audience dès lors qu’un accord existe sur la culpabilité, le
choix de la ou des peines et de leur montant. Elle permet à diverses juridictions de
supprimer des audiences à juge unique ce qui conduit à alléger cette juridiction de
divers contentieux. Ensuite, la technique de CRPC, compte tenu des conditions légales
relatives à la peine encourue est efficace en matière de conduite sous l’empire d’un état
alcoolique. De plus, la voie procédurale initiée constitue une réponse pénale
particulièrement adaptée pour certains délits d’atteinte aux biens et pour les contentieux
techniques (non-respect des règles d’hygiène et de sécurité prévues par le Code du
travail, travail dissimulé, infractions au Code de la consommation, en constant
accroissement). Une diminution des délais d’exécution des peines prononcées est
également constatée en raison du caractère immédiatement exécutoire de l’ordonnance
d’homologation (article 495 -11, alinéa 2). Le recours à la CRPC, s’est accompagné du
développement des Bureaux de l’Exécution des peines (B.E.X) lesquels pourront
contribuer à accroître l’efficacité du dispositif en réduisant davantage le délai de mise
en exécution des décisions539. Quantitativement, la part moyenne de la CRPC dans les
modes de poursuite a été en 2011 de : 2.9 % dans les juridictions du groupe 1540, de 5 %
dans les juridictions du groupe 2541, de 5 % dans les juridictions du groupe 3542; enfin,
de 5 % dans les juridictions du groupe 4543. Il est à noter, par ailleurs, qu’à ce jour le
539
CRIM-AP N° 04-18. D2 Tome III.
540
Annuaire statistique de la Justice, Edition 2012 F, Service support et moyens du ministère, SOUS-
DIRECTION DE LA STATISTIQUE ET DES ETUDES. Juridictions du groupe 1 : Lyon, Toulouse,
Paris, Bobigny, Lille, Bordeaux, Evry, Pontoise, Nanterre, Versailles, Marseille, Créteil.
541
Juridictions du groupe 2 : Rouen, Draguignan, Strasbourg, Toulon, Nantes, Nîmes, Meaux, Grasse,
Dijon, Rennes, Grenoble, Béthune, Montpellier, Nancy, Aix-en-Provence, Mulhouse, Metz, Tours, Caen,
Nice, Perpignan, Melun.
542
Juridictions du groupe 3 : Bourg-en-Bresse, Valence, Dunkerque, Avignon, Orléans, Fort-de-France,
Le Havre, Thionville, Thonon-les-Bains, Arras, Boulogne-sur-Mer, Sarreguemines, Saint-Étienne,
Amiens, Limoges, Pau, Reims, Chalon-sur-Saône, Besançon, Chambéry, Angers, Brest, Evreux, Tarbes,
Lorient, Bayonne, Poitiers, Annecy, Douai, Avesnes-sur-Helpe, Blois, Senlis, Colmar, Clermont-Ferrand,
Angoulême, Valenciennes, Chartres, Béziers, Epinal, Le Mans, Saint-Pierre, Pointe-à-Pitre, La Roche sur
Yon, Bourges, Troyes, Quimper, Saint-Nazaire, Beauvais, Cayenne, Charleville-Mézières, Saint-Denis.
543
Juridictions groupe 4 : La Rochelle, Cambrai, Guéret, Carpentras, Rodez, Agen, Niort, Tulle,
Abbeville, Sens, Alençon, Laon, Dieppe, Bernay, Montbéliard, Basse-Terre, Bressuire, Roanne, Bergerac,
Brive-la-Gaillarde, Cherbourg, Lisieux, Marmande, Hazebrouck, Argenta, Digne-les-Bains, Coutances,
Belfort, Saumur, Carcassonne, Millau, Montargis, Vienne, Avranches, Dole, Auch, Libourne, Péronne,
Briey, Lons-le-Saunier, Périgueux, Cahors, Saint-Gaudens, Saintes, Auxerre, Albertville, Vesoul, Albi,
Villefranche sur Saône, Morlaix, Bougoin-Jailleu, Dax, Laval, Tarascon, Saint-Malo, Compiègne, Mont-
de-Marsan, Les Sables-d’Olonne, Lure, Bar-le-Duc, Narbonne, Saint-Quentin, Nevers, Gap, Saverne,
Guingamp, Rochefort, Verdun, Bastia, Bonneville, Privas, Saint-Dié, Châteauroux, Dinan, Foix, Vannes,
324
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
taux d’homologation est de 81,7 %, mais ce chiffre doit être porté à 71,4 % une fois
déduits les refus d’homologation imputables à l’absence de la personne mise en cause
lorsque celle-ci ne s’est pas présentée au terme du délai de réflexion de dix jours dont il
avait par ailleurs demandé à bénéficier. Toutefois, en dépit de son succès, la Direction
des affaires criminelles et des grâces544 souligne que si depuis octobre 2006, vingt
parquets se refusent toujours à mettre en oeuvre le dispositif et dix-huit n’y ont en
recours qu’à dix reprises, la part de CRPC dans le mode des poursuites reste inférieur à
2 % dans le ressort de sept cours d’appels, alors que dans six autres elle est supérieure à
9 % et supérieure à 15 % dans deux autres cas, en raison principalement du manque
d’effectif, de la lourdeur et de la complexité de la procédure pour les magistrats et pour
les justiciables.
325
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
545
Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 parue au JO n° 289 du 14 décembre 2011 et décision du
Cons. const. n° 2011-641 DC du 8 décembre 2011.
546
Dalloz actualité, 1er juillet 2008, obs. Dargent.
547
Ibid.
326
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
pourra varier en fonction de la reconnaissance ou non des faits par l’accusé. Il observe,
à cet égard, qu’il n’est pas logique que la procédure obéisse aux mêmes règles dans les
deux hypothèses car il peut être inutile de consacrer une partie de l’audience à un débat
sur la matérialité des faits lorsque ceux-ci ne sont pas contestés (B).
Par ailleurs, justifie sa décision la cour d'appel qui, après avoir constaté que le
procureur de la République a fait délivrer concomitamment au prévenu deux
convocations pour les mêmes faits, l'une en vue d'une CRPC et une en vue d'une
audience correctionnelle, annule le jugement de condamnation prononcé par le tribunal,
dit n'y avoir lieu à évocation et renvoie le ministère public à se mieux pourvoir. Lorsque
le procureur de la République mettait en œuvre la procédure de comparution sur
reconnaissance de culpabilité, par convocation à cette fin devant lui, il ne pouvait
concomitamment saisir, pour les mêmes faits, le tribunal correctionnel selon l'un des
modes prévus par l' article 187 du CPP avant que le prévenu ait déclaré ne pas accepter
la ou les peines proposées ou que le président du tribunal ait rendu une ordonnance de
refus d'homologation548. Protectrice des droits de la défense, cette jurisprudence avait
cependant été nuancée et la chambre criminelle avait reconnu au ministère public la
548
Cass. crim., 4 octobre 2006, n° 05-87.435 : Bull. crim. 2006, n° 244 ; Dr. pén. 2007, comm. 27, obs.
A. MARON. – Cass. crim., 14 oct. 2008 ; Bull. crim. 2008, n° 208.
327
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
possibilité de saisir la juridiction correctionnelle selon l'un des modes prévus par
l'article 388 du CPP lorsque, après la délivrance d'une convocation en vue d'une CRPC,
il renonçait à proposer une peine dans les conditions prévues par le CPP 549. Rien
d'étonnant en conséquence que la chambre criminelle, saisie d'une QPC, ait considéré
qu'elle présentait un caractère sérieux en ce que les dispositions concernées étaient
susceptibles de mettre en cause les droits de la défense. Le Conseil constitutionnel a
donc été saisi le 5 octobre 2010 par la Cour de cassation550 dans les conditions prévues à
l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à
la conformité de l'article 495-15-1 du CPP aux droits et libertés que la Constitution
garantit551. Selon le Conseil Constitutionnel, la méconnaissance de l'objectif de valeur
constitutionnelle de bonne administration de la justice, qui découle des articles 12, 15 et
16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne peut, en elle-
même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le
fondement de l'article 61-1 de la Constitution. Les dispositions tirées de l’article 495-
15-1 CPP sont insusceptibles, par elles-mêmes, de porter atteinte aux droits de la
défense puisque l'article 495-14 fait obstacle à ce que le procès-verbal des formalités
accomplies en application des articles 495-8 à 495-13 au cours de la procédure de
CRPC soit transmis à la juridiction de jugement. En outre, il est fait interdiction au
parquet et aux parties de faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des
documents remis au cours de la procédure de CRPC. Cependant, il appartient au
procureur de la République, dans la mise en œuvre de l'article 495-15-1, de veiller à ce
que la convocation en justice adressée en application de l'article 390-1 soit faite à une
date suffisamment lointaine pour garantir qu'au jour fixé pour la comparution du
prévenu devant le tribunal correctionnel, la procédure sur reconnaissance préalable a
échoué ou que les peines proposées ont été homologuées552.
225- La volonté d’un aveu au criminel. Le rapport tendant à proposer une réforme
de la procédure pénale ou comité LEGER a proposé, outre la suppression du juge
549
Cass. crim., 29 octobre 2008, n° 08-84.857 ; Bull. crim. 2008, n° 219.
550
Cass.crim., 29 septembre 2010 ; Bull. crim. n° 5551.
551
Cons. const., n° 2010-77 QPC du 10 décembre 2010.
552
Albert MARON et Marion HAAS, Le doublé CRPC – convocation en justice, Droit pénal n° 12,
décembre 2010, comm. p. 145.
328
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
Dès lors, en raison de la gravité des faits examinés par les cours d’assises, la
commission a tenu à différencier la nouvelle procédure simplifiée de la CRPC. La
commission propose ainsi une véritable audience en présence de l’accusé et de la
victime. Au cours de celle-ci, la cour se devra de vérifier le bien fondé de la
reconnaissance de culpabilité sans instaurer aucun débat sur la question, ni auditionner
aucun témoin ou expert pour démontrer la culpabilité. Une discussion pourra néanmoins
s’instaurer s’agissant de la peine à prononcer au cours de laquelle les parties seront
autorisées à citer des témoins pour définir la personnalité de l’accusé. En cas
d’application de cette procédure, une minoration de la peine maximale encourue sera
329
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
obtenue. En seront exclus les crimes de tortures ou actes de barbarie sur des mineurs, en
raison de la peine encourue, notamment la perpétuité. Quant au bénéfice de cette
procédure, il pourra être acquis seulement si l’aveu de culpabilité intervient
préalablement à l’audience, l’accusé y procédant en présence de son avocat ;
proposition qui tendra à donner une apparence de respect des droits de la défense mais
qui ne fera cependant pas taire les critiques soulevées à son encontre. Le système
proposé est révolutionnaire car dans la tradition pénale française, le procès est le lieu où
émerge la vérité. Par conséquent, si une brèche avait déjà été introduite avec la CRPC,
elle est a fortiori creusée par l’élargissement de cette procédure aux affaires les plus
graves. Il convient néanmoins de nuancer le rapprochement de ces deux voies
procédurales.
227- Les risques d’une telle procédure devant la cour d’assises. Les
professionnels du droit demeurent toutefois sceptiques quand au bien-fondé de la
procédure envisagée. De nombreuses craintes ont été exprimées tant par les magistrats
et les avocats que par le principal syndicat de la magistrature, l’Union syndicale des
magistrats, quand à la fiabilité des aveux susceptibles d’être formulés. Le système pénal
français éprouve quelque difficulté, en raison de son histoire, à épouser totalement la
tradition américaine. Au criminel, la peine ne fera pas l'objet d'une négociation durant
l'instruction, après aveux, entre le coupable et le parquet mais bien à l’audience. Or la
330
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
331
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
553
Cons. const. 1er avril 2011, n° 2011-113/115-QPC ; « Constitutionnalité de la (non) motivation des
arrêts d'assises », Cons. const. 1er avril 2011, n° 2011-113/115- QPC ; Jean PRADEL, « De la motivation
des arrêts d'assises », D. 2009, p. 2778 ; H. MATSOPOULOU, « Faut-il motiver les arrêts de la cour
d'assises ? », JCP G 2009, p. 456 ; M. HUYETTE, « Quelles réformes pour la cour d'assises ? », D. 2009,
p. 2437; H. ANGEVIN, « De la motivation des décisions des juridictions comportant un jury », Dr. pénal,
1996, chron. 32; Crim. 19 janv. 2011, D. 2011, p. 800, obs. J.-B. PERRIER; Crim. 14 oct. 2009, AJ Pénal
2009, p. 495, obs. J. LASSERRE CAPDEVILLE; Dr. pénal, 2009, comm. 143, A. MARON et M.
HAAS; D. 2009, p. 2545, obs. K. GACHI ; CEDH 13 janv. 2009, 1er arrêt TAXQUET c/ Belgique, D.
2009, p. 1058, note J.-F. RENUCCI ; AJ Pénal 2011, p. 35, obs. C. RENAUD-DUPARC.
554
CEDH, 16 novembre 2010, req. n° 926/05, affaire TAXQUET c/ Belgique. En effet, depuis l'affaire
ZAROUALI (req. n° 20664/92, décision de la Commission du 29 juin 1994, DR 78), une évolution se fait
sentir tant sur le plan de la jurisprudence de la Cour que dans les législations des Etats Contractants. Dans
sa jurisprudence, la Cour ne cesse d'affirmer que la motivation des décisions de justice est étroitement liée
aux préoccupations du procès équitable car elle permet de préserver les droits de la défense. La
motivation est indispensable à la qualité même de la justice et constitue un rempart contre l'arbitraire.
Ainsi, certains Etats, à l'instar de la France, ont institué un double degré de juridiction pour les procès en
assises ainsi que la mise en forme des raisons dans les décisions des juridictions d'assises. La Cour
considère que si l'on peut admettre qu'une juridiction supérieure motive ses décisions de manière
succincte, en se bornant à faire sienne la motivation retenue par le premier juge, il n'en va pas forcément
de même pour une juridiction de première instance, statuant au plus au pénal. Il est donc important, dans
un souci d'expliquer le verdict à l'accusé mais aussi à l'opinion publique, au « peuple », au nom duquel la
décision est rendue, de mettre en avant les considérations qui ont convaincu le jury de la culpabilité ou de
l'innocence de l'accusé et d'indiquer les raisons concrètes pour lesquelles il a été répondu positivement ou
négativement à chacune des questions. Dans ces conditions, la Cour de cassation n'a pas été en mesure
d'exercer efficacement son contrôle et de déceler, par exemple, une insuffisance ou une contradiction des
motifs. Aussi, dans l’affaire TAXQUET, la Cour conclut qu'il y a eu violation du droit à un procès
équitable, garanti par l'article 6 § 1 de la Convention.
555
Olivier BACHELET, « Motivation des verdicts d'assises : la demi-mesure de la Cour européenne »,
(Obs. sous CEDH, 16 nov. 2010, Taxquet c. Belgique, n° 926/05), Recueil Dalloz (Paris), n° 43, 9 déc.
2010, p. 2841.
332
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
556
CEDH 13 janv. 2009, Taxquet c/ Belgique, n° 926/05, D. 2009, p. 1058, note J.-F. RENUCCI ; RFDA
2009, p. 677, étude L. BERTHIER et A.-B. Caire ; RSC 2009, p. 657, obs. J.-P. MARGUENAUD ; JDI
2010, p. 966, note O. BACHELET.
557
V. not. CEDH 16 déc. 1992, HADJIANASTASSIOU c/ Grèce, (req. n° 12945/87).
333
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
2011). S’il incombe désormais au juge de motiver sa décision, cette obligation consiste
seulement à rendre compte des éléments de preuve qui ont permis au juge d'affirmer sa
conviction sur l'existence du fait et la culpabilité de la personne mise en cause. Mais,
ces éléments de preuve ne sont pas les motifs de sa conviction. Ce ne sont que les
éléments ou les sources dans lesquels le juge a puisé cette conviction, mais ils
n'expliquent pas l'appréciation qu'il a pu en faire, ni ses raisonnements pour se
convaincre. La loi précitée du 10 août 2011 ayant institué la motivation des verdicts
criminels, a implicitement repris cette distinction puisque les cours d'assises n'ont pas à
détailler leur raisonnement mais simplement, si elles entrent en voie de condamnation, à
mentionner les principaux éléments à charge, sans avoir alors à s'expliquer sur leur
force de conviction. Dès lors, faute de pouvoir déterminer quel poids a véritablement été
donné à telle ou telle preuve, il se révèle impossible de savoir si les aveux obtenus hors
la présence d'un avocat ont fondé de manière déterminante une décision de
condamnation. À cet égard, seule la prohibition de toute référence aux aveux de la
personne mise en cause, obtenus hors l'assistance d'un avocat, semble véritablement de
nature à garantir une protection effective du droit à un procès équitable et du droit de ne
pas s'auto-incriminer. Pourtant, la chambre criminelle s'y refuse558.
558
Cass. crim., 6 déc. 2011, n° 11-80326 : M. X et M. Y – Rejet pourvoi c/ CA Reims, 30 juin 2012.
559
Eric DESMONS « La preuve des faits dans la philosophie moderne », Droits 1996, n°23, p. 13.
334
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
560
Coralie AMBROISE-CASTÉROT, « Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la
quête du Graal de la vérité », AJ pénal 2005, p. 261 ; « Les prélèvements corporels et la preuve pénale »,
in Mélanges JULIEN, 2003, Edilaix, p. 9.
561
Cass. crim., du 14 octobre 2008, n° 08-82, p. 195.
336
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
matérielle des faits, dont certains ont été amputés, volontairement oubliés voire
minimisés en échange d'une peine réduite.
562
Jean-Jacques GALLI, « La table des catégories kantiennes et la méthodologie de la recherche
juridique.», Revue de Recherche Juridique Droit prospectif, Cahiers de méthodologie juridique n°11,
PUAM 1996, p. 1158.
563
Jean-Paul GARRAUD, Traité théorique et pratique d'instruction criminelle et de procédure pénale, 6
tomes, 1912-1929, Sirey, tome II, n° 459.
564
Coralie AMBROISE-CASTÉROT, « Le consentement en procédure pénale », in Mélanges PRADEL,
Cujas, 2006, p. 29 et s.
337
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
234- Une fonction de régulation sociale. Depuis 1975, le droit positif français
connaît des procédures d’urgence permettant d’accélérer la prise de décision judiciaire à
la suite d’une infraction à la loi pénale. En même temps, par leur emploi généralisé, les
modes de traitement du contentieux pénal, de par leur intégration à différents dispositifs
d’action publique, participent à une fonction de régulation sociale en associant
intimement l’institution judiciaire à cette donnée565. En concrétisant le lien qui unit le
droit et la procédure à l’évolution sociale, le traitement en temps réel modifie également
la relation verticale entre le parquet et le mis en cause, entre la justice et le justiciable.
Les diverses situations infractionnelles permettant d’user de procédures rapides rendent
possible un dialogue inédit entre les divers acteurs au procès. En réalité, c’est parce que
l’Etat moderne est confronté à une crise (d’autorité et de légitimité), aggravée par
l’urgence et l’immédiateté, que le procès en général, la justice pénale en particulier,
s’ouvre au social en se rapprochant du plaideur. Les mutations de l’institution induites
par la modernité libérale brisent progressivement la relation verticale entre prévenus et
procureurs en suggérant, de surcroît, une réflexion accrue à l’institution. La justice
pénale négociée, qui repose sur l’aveu, signe l’échec des verticalités au profit de
l’horizontalité en modifiant la hiérarchie des pouvoirs, même si, aux yeux de l’opinion,
ce bouleversement relève de l’utopie car il s’accompagne d’une dissociation accrue de
l’aveu de la preuve.
565
Selon Denys DE BECHILLON: « (…) tout système de Droit de la responsabilité porte et constitue
ainsi une « lecture », plus ou moins singulière, de la relation entre les choses, les faits, les hommes et les
événements (…). En bref, le Droit nous dévoile. Et ouvre par là un champ de réflexion immense » Denys
de BECHILLON, « La valeur anthropologique du Droit. Eléments pour prendre un problème à l’envers »,
RTDCiv., n°4 octobre-décembre 1995, p. 848.
338
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
1) L’auteur de l'offre
237- En composition pénale. C'est le procureur (ou une personne habilitée) qui
propose la mesure de composition pénale à la personne qui avoue être l'auteur des faits
incriminés.
239- L’offre faite en échange de l’aveu. Par analogie avec le droit civil, on pourrait
dire qu'il s'agit d'un contrat d'adhésion. Il résulte d’une forme de compromis, d'abord,
car l'aveu est consenti en échange d'une sanction plus faible que le maximum encouru ;
d'adhésion, ensuite, car il n'existe pas de réelle négociation. L'auteur présumé ne peut
qu'accepter ou refuser la proposition du parquet, non en faire modifier les clauses à son
bénéfice. Cette troisième voie repose sur un schéma simple : une offre, une acceptation.
566
CPP, art. R. 15-33-30 et s.
339
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
240- Dans la médiation pénale. L'action publique n'étant pas déclenchée, les
mesures proposées ne sont guère coercitives. Le procureur (ou son délégué : CPP,
art. R. 15-33-30 et s.) peut choisir de procéder à un rappel à la loi, d'orienter l'auteur des
faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle (stage, formation...), de
demander à l'auteur de réparer le dommage résultant de l'infraction ou de régulariser sa
situation, de procéder à une mission de médiation, avec l'accord des parties. Si la
mesure n'est pas exécutée, le ministère public peut engager des poursuites (C. pr. pén.,
art. 41-1, dern. al.).
241- Lors d’une composition pénale, il est toujours possible de proposer une
amende mais encore diverses remises ou dessaisissements (ex : remise du véhicule,
remise du permis de conduire) ou l'interdiction de rencontrer la victime ou les éventuels
coauteurs ou complices de l'infraction pour l'ensemble de ces mesures567. Mais aucune
peine privative de liberté ne peut être prononcée.
242- En CRPC, les poursuites ont été déclenchées, les sanctions seront donc plus
sévères ; il convient donc, en contrepartie de l'aveu, de diminuer les seuils maximaux
prévus par le code. Ainsi, la peine d'emprisonnement ne saurait excéder la moitié de la
peine normalement encourue, et ce, dans la limite d'un an d'emprisonnement ferme,
seuil qui ne peut jamais être dépassé quelle que soit la sanction prévue au texte. La
peine d'amende ne doit pas, bien entendu, dépasser le montant prévu par la loi. En
revanche, il convient de noter que ces peines peuvent être éventuellement cumulées
avec d'autres et que le bénéfice du sursis est toujours possible.
567
CPP, art. 41-2 pour les délits et 41-3 pour les contraventions.
340
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
568
V. not., C. SAAS, « De la composition pénale au plaider-coupable : le pouvoir de sanction du
procureur », RSC 2004, p. 827.
569
Bref commentaire de l’annuaire statistique 2009-2010 en matière pénale, par Jean DANET, AJ Pénal
2011, p. 122. Sur ce point, les instructions continuent de régresser en chiffres relatifs et absolus depuis
cinq ans (23 409 en 2008). Elles ne représetent plus que 3,5 % des affaires poursuivies et 1,8 % des
affaires donnant lieu à une réponse pénale.
570
Denis MONDON, « Justice imposée, justice négociée : les limites d’une opposition », Droit et société,
1995, n° 30-31, p. 349 et s.
341
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
composition pénale comme de plaider coupable, l'intéressé doit reconnaître les faits qui
lui sont reprochés. L'expression même de comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité témoigne de cette idée centrale des nouveaux modes alternatifs aux procès
traditionnels. Le délinquant doit consentir. Dans la procédure de comparution sur
reconnaissance de culpabilité, le consentement de la personne poursuivie emporte aveu
de culpabilité. Il s’agit donc pour la personne mise en cause d’un consentement à la
mesure pénale qui lui est proposée. Selon le Professeur AMBROISE-CASTEROT, le «
droit pénal est fondé sur la faute et l’on ne discute pas de ses péchés avec le pécheur
(…), parce que la société qui renoncerait à sévir contre le crime – et négocier avec le
délinquant l’ouverture ou la poursuite de l’action pénale, c’est accepter de le faire – se
rendrait complice de ce crime ». C’est donc parce que le procès pénal est articulé à la
recherche de la vérité que la phase d’instruction, c’est dire la mise en état des affaires
pénales, reste le principe et la gestion négociée l’exception. Toutefois, l’acte qui
consiste à reconnaître sa culpabilité n’est pas en soi condamnable si l’on admet, dès le
début de la procédure, le principe d’une dissociation de l’aveu de la preuve, l’aveu
librement consenti ne figurant que comme un moyen procédural et non comme la
preuve définitive d’une vérité. La CRPC nous invite par conséquent à renoncer à notre
innocence présumée, à abandonner volontairement les grands principes directeurs du
procès pénal au profit d’un consensus recherché entre la défense et accusation. Le
processus d’abdication volontaire à ses droits conbstitutionnels est consubstantiel à la
32- démarche de plaider coupable. En même temps, l’émergence d’une peine
négociée peut s’analyser comme une protection accrue de la personne mise en cause.
Parce qu’il s’agit essentiellement d’une technique procédurale n’ayant vocation à
s’appliquer que pour des faits librement reconnus par la personne poursuivie, la CRPC
tend à inaugurer un autre rapport entre la défense et l’accusation où l’avocat verra son
rôle évoluer dans sa mission de préservation des droits du prévenu. D’inspiration
libérale, le plaider coupable permet ainsi l’instauration paradoxale d’une discussion
entre les parties même si ce mode de poursuite avait été considéré à l’origine comme le
symbole d’un déséquilibre au sein de la procédure pénale. C’est le principe de liberté
qui, en dernière analyse, reste le moteur de ce mode de poursuite puisqu’il est fondé sur
le consentement de la personne poursuivie à la peine qui lui est proposée.
342
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
“Le prévenu soutient qu’il doit être relaxé des fins de la poursuite car il estime qu’il
était en état de légitime défense. Il fait valoir que son geste, qu’il regrette, a été un
réflexe face à une insulte, il ajoute que sa réaction a été proportionnée à cette
insulte reçue. Au vu des éléments du dossier, il est vraisemblable que l’attitude et les
paroles de Pierre D., qui se trouvait en un lieu non accessible au public, aient pu être
perçues comme provocantes par Maurice BOISART. Cependant, une telle attitude,
voire l’insulte “bâtard” évoquée par le prévenu, ne sont pas de nature à justifier une
343
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
En l’occurence, une analogie avec le droit civil des contrats s'impose. Ce contrat, qui
s’apparente au contrat d'adhésion, doit réserver des garanties, une protection particulière
de l'auteur des faits.
571
TC d’Avesnes Sur Helpes, 17 février 2012. Source: atlantico.fr.
572
CPP, art. R. 15-33-39.
344
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
248- Des droits de la défense préservés. Contrairement aux critiques formulées par
les opposants à la CRPC, ce mode de poursuite permet également une implication
accrue de la personne poursuivie au sein du procès pénal. La loi prévoit ainsi que
l’avocat puisse, à tout le moins, jouer un rôle de conseil auprès de la personne faisant
l’objet d’une CRPC, ce qui laisse au prévenu une marge d’appréciation non négligeable
au regard de la ou des propositions de peine formulées par le parquet. En outre, les
droits de la victime sont protégés. Si la victime est identifiée, elle sera informée dans les
meilleurs délais du choix opéré par le procureur de la République d’opter pour le mode
de poursuite de CRPC ; d’autre part, si la victime n’a pas pu exercer l’action civile, elle
sera informée par le ministère public de sa possibilité de faire citer directement la
personne mise en cause devant le tribunal correctionnel. Le magistrat devant alors
rendre une ordonnance d’irrecevabilité. La procédure initiée conduit à une implication
accrue de la personne poursuivie au sein du déroulement du procès pénal. Loin de
démunir le justiciable de ses droits, ce mode de poursuite permet l’intervention de la
personne mise en cause aussi bien lors de sa comparution devant le procureur de la
République que devant le juge homologateur où elle conserve, en dépit de sa
reconnaissance de culpabilité formulée auparavant devant le représentant du parquet le
droit d’interjeter appel de la décision rendue . Ainsi, le rôle imparti au juge chargé de
l’homologation n’est pas, en théorie, réduit à un simple rôle d’homologation. Ce
magistrat conserve une entière latitude pour ne pas suivre la proposition formulée par
son collègue du parquet ni, au surplus, pour homologuer automatiquement ladite
proposition s’il la considère pas assez sévère au regard des faits incriminés ; ce qui
préserve les droits de la défense et, in fine, le principe de présomption d’innocence.
249- Une technique procédurale n’ayant vocation à s’appliquer que pour des
faits librement reconnus par la personne poursuivie. Puisque le principe de liberté
tend à l’emporter progressivement face à l’omnipotence de l’Etat, le justiciable va
recourir davantage à l’accord qu’au contentieux, à la médiation davantage qu’au procès
classique. C’est donc dans ce contexte d’une privatisation du droit face à une norme
jugée trop lointaine ou abstraite que la procédure de reconnaissance préalable de
345
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
se constituer partie civile et demander réparation de son préjudice » 573. La victime est,
en revanche, invitée à donner son accord concernant la sanction et la mesure ainsi
proposée par le parquet. Aussi, la procédure concerne schématiquement des affaires
dans lesquelles, soit il n’y a pas de victime, soit il existe une victime qui souhaite
demander réparation en application des dispositions de l’article 420-1 CPP mais qui
sollicite toutefois de ne pas comparaître devant la juridiction ; soit, enfin, une victime
pour laquelle le préjudice a déjà été réparé au cours de l’enquête. C’est dire que les
intérêts de la victime ont été largement pris en compte par le législateur qui a entendu
l’associer tout au long de ce mode de poursuite. Il découle des dispositions susvisées
dudit code que la victime de l’infraction est convoquée en même temps que l’auteur des
faits. Aux termes du même article, le procureur de la République doit informer la
victime « de son droit de lui demander de citer l’auteur des faits à une audience du
tribunal correctionnel statuant conformément à l’article 464 CPP pour lui permettre de
se constituer partie civile »574. Le tribunal statuant sur l’action civile pourra de ce chef
ordonner le versement provisoire en tout ou partie de dommages-intérêts ; les juges du
fond ayant un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer le montant de la
réparation due à la partie civile575. L’article 464 précise que ce renvoi est de droit si la
partie civile le demande. Si la CRPC fait ultérieurement suite à une convocation de la
personne poursuivie, la victime est convoquée après son audition ; dans l’hypothèse, en
revanche, d’un déferrement, elle sera informée par les enquêteurs de la même manière
que la personne mise en cause lors de la procédure de comparution immédiate. En
réalité, le représentant du parquet doit veiller, à toutes les phases de la procédure, à ce
que les enquêteurs informent la victime de la procédure initiée. Par suite, le juge de
l’homologation invitera la victime à comparaître devant le juge de l’homologation dans
le cadre de la sauvegarde de ses droits. La partie civile ayant été informée par ailleurs de
son droit de faire appel de l’ordonnance d’homologation et, dans le cas contraire, de sa
faculté de faire citer directement le prévenu à une audience statuant uniquement sur
intérêts civils. Malgré toutes les garanties qui lui sont offertes, la partie civilei considère
parfois que l’absence d’un réel débat devant le juge du siège l’a privée d’un moyen de
faire réellement valoir ses droits, en dépit des précautions qui entourent cette procédure
573
CPP. Art. 495-13, préc.
574
CPP. Art. 464.
575
Cass. crim., du 28 juin 1966 : Bull. crim. n° 177.
348
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
lorsque sont en cause ses intérêts. En toute hypothèse, il restera toujours à la victime le
dernier mot, c’est dire la faculté d’interjeter appel de l’ordonnance d’homologation.
576
Lode WALGRAVE, « La justice restauratrice et les victimes », Journal International de Victimologie,
n° 4, 2009 ; Howard ZEHR, « Restorative justice » : when Justice and Healing Go Togheter », Track
Two, 6, 1997 ; Marshall ROSENBERG, « Dénouer les conflits par la communication non violente »,
Bernex (Suisse), Ed ; Jouvence, 2006, p. 42 ; Pascale SANTI, « Le langage du cœur », arme anti-
conflits », article publié le 13 décembre 2009, in Le Monde.
577
Daniel ZAGURY, « La justice est-elle thérapeutique ? », in Justice, 2006 - 188, p. 30-33 ; Robert
BADINTER, « Ne pas confondre justice et thérapie », in Le Monde 9-10 sept 2007, p. 13.
578
Denis SALAS, « L’inquiétant avènement de la victime », Scienceshumaines.com, 2007.
579
Ibid p. 3.
349
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
des victimes qui permettra d’instaurer : « une justice relationnelle » pouvant satisfaire
une pluralité des récits580.
En réalité, certaines victimes souhaitent non pas que l'auteur fournisse des
explications, mais qu'il présente des excuses : c'est une façon, sans doute, de redonner à
la victime sa vérité. Si l'auteur fait acte de contrition, il reconnaît la thèse de la victime,
par conséquent sa souffrance. Seuls les aveux effectués par le coupable, non aux
autorités policières et judiciaires mais à sa victime, ont une vertu apaisante. Ils
permettent la rencontre de la vérité de celui qui a commis l'acte avec la vérité de celui
qui l'a subi581. Dès lors, réparer c'est d'abord nommer l'acte - le crime ou le délit. Pour la
victime, dire sa souffrance et entendre dire ses représentations reste essentiel. C'est la
condition pour briser la violence qui reste enfermée dans le corps et le coeur de la
victime. En effet, la justice est le lieu d'exigibilité de la parole, le lieu du retour au
monde du dicible après la violence destructrice des catégories du langage et rendre ces
catégories symboliques à nouveau disponibles pour la victime est sa première
mission582.
580
Ibid p. 4.
581
Xavier PIN, « La privatisation du procès pénal », RSC 2002 p. 245.
582
Denis SALAS, « La trace et la dette. Les victimes. (1). A propos de la réparation », RSC 1996 p. 619.
350
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
583
SECTION QUATRIEME – AVEU PENAL ET TRANSFORMATION DU RôLE DES TIERS
253- L’office du juge en question. C’est également le rôle assigné au juge qui se
voit du même coup bouleversé puisque son office est limité à l’authentification d’une
procédure à laquelle il n’aura pas réellement participé puisqu’elle est, pour l’essentiel,
de la compétence du procureur de la République. C’est dire à quel point non seulement
l’aveu vient transformer de façon verticale la relation entre le prévenu et le représentant
du parquet mais également, de manière horizontale, le lien entre magistrat du siège et
ceux du ministère public, en confiant, en fait, la décision à un organe de poursuite
puisque dans la quasi-totalité des cas la peine est acceptée par l’intéressé puis
homologuée par le juge, même si, en droit, le président du tribunal n’est pas dénué de
pouvoirs pour faire avorter la procédure car, en définitive, il a le dernier mot. C’est donc
le rôle des « tiers », notamment celui dévolu à l’avocat, qui permet, contre toute attente,
ce rapprochement entre les divers acteurs au procès. Non seulement l’émergence de
l’aveu bouleverse la mission classique de l’avocat qui se voit attribuer davantage un rôle
de conseil que de plaideur devant le juge pénal (§1) mais c’est également l’office du
juge qui doit être repensé (§2).
583
Le terme juridique de tiers est employé ici par rapport aux parties au procès.
351
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
un autre type de rapport à l’institution judiciaire fondé moins sur une quête parfois
illusoire de vérité que sur la recherche de l’efficacité. La pratique confirme la réalité
d’un dialogue entre l’avocat et le représentant du ministère public, qui peut conduire
parfois le procureur de la République à modifier la proposition initialement envisagée à
la lumière de la personnalité de l’auteur des faits ou des circonstances de l’infraction. La
procédure de plaider coupable bouleverse ainsi le rôle de l’avocat en modifiant les
modalités de son intervention. Si l’assistance du prévenu se cantonne davantage à le
conseiller sur l’opportunité ou non de donner suite à la demande du parquet,
l’intervention de l’avocat risque d’être le simple reflet d’une stratégie préalable mise en
œuvre en relation avec la personne mise en cause pour obtenir une peine allégée. Il
s’agira par conséquent d’une peine négociée davantage avec l’intéressé qu’avec le
parquet dont les textes prévoient d’ailleurs que toute discussion sur la peine soit exclue.
256- Une évolution paradoxale : aveu pénal et dialogue entre les parties.
Curieusement, l’aveu n’est plus le signe évident d’une impuissance du justiciable face à
l’autorité tutélaire du juge mais la marque d’un rééquilibrage des pouvoirs. Non
seulement en CRPC la personne mise en cause n’est plus totalement passive lors de sa
comparution (A) mais elle dispose également de la faculté d’interjeter appel à titre
principal contre la décision prononcée (B), ce qui témoigne de garanties suffisamment
protectrices de ses droits.
352
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
257- Un délai de réflexion de dix jours accordé au mis en cause. Aux termes de
l’article 495 -8 du CPP: « Le procureur de la République peut proposer à la personne
d’exécuter une ou plusieurs des peines principales ou complémentaires encourues (…).
Celle-ci est avisée par le procureur de la République qu’elle peut demander à disposer
d’un délai de dix jours avant de faire connaître si elle accepte ou si elle refuse la ou les
peines proposées »584. La personne mise en cause dispose donc après avoir consulté son
avocat de trois possibilités : accepter ce délai de réflexion proposé par le parquet, ou
refuser la proposition.
A ce propos, le grief principal qui avait été soulevé par les auteurs de la saisine du
Conseil constitutionnel585 relativement au délai de réflexion prévu par le législateur
avait consisté à souligner que cette option n’était pas entourée de toutes les garanties en
amont au regard du principe de présomption d’innocence dont bénéficie tout prévenu.
L’argument d’un délai possible de réflexion sur un plan théorique se heurtait, en
pratique, à une menace de mesure coercitive du parquet, celle d’un placement en
détention provisoire pour des délits mineurs pour lesquels la peine encourue ne peut
excéder cinq ans. Cette hypothèse découle de l’article 495 -10 CPP qui renvoie aux
articles 395 et 396 dudit code. Toutefois, à l’épreuve des faits, rares sont les personnes
poursuivies à faire l’objet d’une mesure coercitive de présentation devant le juge des
libertés et de la détention en vue d’une détention provisoire, incarcération qui revêt un
caractère exceptionnel586, et ce en dépit de leur souhait de solliciter un délai de
réflexion. Ce délai587 peut être porté à vingt jours (article 495-10 CPP) dans l’hypothèse
où la personne poursuivie serait placée sous contrôle judiciaire ou en détention
provisoire. En l’occurrence, le placement sous contrôle judiciaire peut donc être requis
et, le cas échéant, ordonné conformément aux dispositions de l’article 394 CPP en
matière de comparution sur procès-verbal. Il est à noter que les réquisitions de mandat
de dépôt restent très rares en matière de CRPC, cette décision, notamment lors d’une
584
CPP, art. 495-8, préc.
585
Conseil constitutionnel, décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004.
586
Ibid.
587
Un délai existe également en matière de composition pénale (article 41-2 CPP).
353
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
588
CPP, Art. 495-8, al. 4.
589
CPP, Art. 494-14, al. 2.
354
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
590
J-P. LEVY et P. MAISONNEUVE pour lesquels : « l’avocat a donc la charge de faire accepter par le
client et le juge du siège la proposition du parquet », Journal Libération, 12 octobre 2004.
591
CP. art.132-24, préc.
355
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
au ministère public restent encadrés ; d’autre part, la personne poursuivie est invitée à
accepter ou refuser en présence de son avocat .
592
Loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 modifiant le code pénal et le CPP.
593
Cet exemple comparé dans la réponse pénale effectuée entre le Tribunal de grande instance d’Aix-en-
Provence et celui de Marseille est tiré de mon expérience professionnelle. Il va de soi que ce sont les
hommes qui font les institutions. En effet, cette différence entre ces deux juridictions pourrait s’estomper
en cas de changement de direction du parquet. En d’autres termes, cet exemple est relatif à mon
expérience professionnelle au moment de la rédaction de cette thèse de doctorat. La sévérité accrue du
parquet de Marseille comparée à celui d’Aix-en-provence traduit non seulement le contexte local, puisque
la cité phocéenne est plus criminogène que celle du roi René, maisest encore autorisée par les textes
relatifs à la CRPC.
356
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
prison avec sursis ainsi qu’une amende dont le montant sera également négocié en
fonction des ressources de l’auteur des faits. En outre, la proposition de peine sera
davantage liée à la personnalité du prévenu, ses antécédents judiciaires, sa situation
professionnelle que le reflet d’une interprétation stricte de la loi pénale pour l’infliction
d’une sanction. Il semblerait donc que l’interprétation donnée à la loi par le TGI d’AIX-
EN-PROVENCE soit téléologique pendant que celle qui prévaut à MARSEILLE serait
plus littérale. En dépit de la gravité de l’infraction, le procureur de la République de la
cité aixoise proposera une peine après avoir discuté avec l’avocat, et la peine soumise à
l’homologation du juge du siège tiendra compte des observations formulées. En
revanche, pour des faits le plus souvent identiques, le parquet phocéen sollicitera, outre
les condamnations susdites, le retrait supplémentaire du permis de conduire pour un
délai supplémentaire de six mois, ce qui, à l’évidence, compromettra lourdement
l’avenir professionnel de l’intéressé. De surcroît, une personne en état de récidive se
présentant devant le représentant du parquet d’AIX-EN-PROVENCE ne se verra pas
proposer une peine plus sévère que celle proposée par son homologue marseillais à un
primodélinquant. La marge de discussion donc de manœuvre de l’avocat devant le
représentant du parquet du tribunal de MARSEILLE est totalement nulle, cette
juridiction faisant en tous points une application stricte de la circulaire sus rappelée
selon laquelle le magistrat du parquet ne doit pas tenir compte des observations
éventuelles du conseil de la personne poursuivie. Force est d’admettre qu’un traitement
fort différencié est donc à l’œuvre d’un tribunal à un autre.
Dans le même sens, si des peines d’emprisonnement ferme sont proposées par le
parquet dans certaines juridictions, d’autres, notamment celui de TOULOUSE, se refuse
à les proposer.
358
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
consulter sur-le-champ le dossier »594. Cette disposition apparaît respectueuse des droits
de la défense et des intérêts de l’auteur des faits : il prévoit obligatoirement l’assistance
d’un avocat, ce qui, en matière correctionnelle, est rare voire le seul cas où notre droit
pose une telle règle. Le principe de présomption d’innocence est préservé nonobstant la
reconnaissance de culpabilité. Il est souligné aux considérants 110 et 111 de la décision
du Conseil constitutionnel du 2 mars 2004 que « s’il découle de l’article 9 de la
Déclaration de 1789 que nul n’est tenu de s’accuser, ni cette disposition, ni aucune autre
de la Constitution n’interdit à une personne de reconnaître librement sa culpabilité »595.
La loi prévoit donc que l’avocat puisse jouer un rôle de conseil auprès de la personne
faisant l’objet d’une CRPC, ce qui laisse au prévenu une marge d’appréciation non
négligeable au regard de la ou des propositions de peine formulées par le parquet.
Comme le prévoit la circulaire sus rappelée du 2 septembre 2004 si toute négociation
entre le parquet et la défense relative à la peine est exclue, le parquet étant : « (…)
totalement libre de choisir la ou les peines qu’il entend proposer » 596, a contrario, le
prévenu est également libre d’accepter la peine soumise à son examen. Deux hypothèses
pourraient conduire le représentant du ministère public à ne pas mettre en mouvement
l’action publique. En cas, tout d’abord, d’irrégularité de l’enquête dont le parquet
reconnaîtrait l’existence ; ensuite, dans l’hypothèse où ce refus résulterait de la
constatation que le prévenu n’est pas l’auteur de l’infraction. Mais surtout la personne
mise en cause a la faculté de refuser la ou les peines qui lui sont proposées, cette liberté
accordée, en dernière instance, au prévenu apportant un tempérament aux prérogatives
renforcées dont peut disposer le procureur de la République dans la mise en œuvre de
cette voie procédurale.
262- L’article 495 -11 alinéa 3 CPP. Aux termes de cette disposition, la personne
condamnée peut, dans tous les cas, interjeter appel. De son côté, le ministère public
pourra relever appel à titre incident dans un délai de quinze jours à compter de
594
CPP, Art. 495-8, préc.
595
Décision n° 2004-92 DC du 2 mars 2004, préc.
596
Circulaire CRIM 04-12 E8 du 2 septembre 2004, préc.
597
CPP, Art. 495-11.
359
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
Au visa de l’article 498 CPP, le délai d’appel dont dispose le condamné est de dix
jours et court à compter du jour où l’ordonnance, immédiatement notifiée à la personne,
a été rendue. Il est formé de surcroît au greffe de la juridiction ce qui n’exclut pas, qu’au
visa de l’article 503 du code précité, la personne détenue puisse relever appel auprès du
chef de l’établissement pénitentiaire. La faculté ouverte au condamné d’exercer cette
voie de recours à titre principal de la décision d’homologation apparaît, de prime abord,
pour le moins paradoxale dès lors que la condamnation avait donné lieu à un accord
598
Cass. crim., du 10 novembre 2010, n° 10-82.097.
599
Pierre-Jérôme DELAGE, note ss. Toulouse, 21 novembre 2007, Dr. pénal 2008, étude 23.
600
Toulouse, 21 novembre 2007, note préc.
601
Pierre-Jérôme DELAGE, ibid.
360
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
602
Article préliminaire inséré par la loi nº 2000-516 du 15 juin 2000, Art. 1, JO. du 16 juin 2000.
603
Ibid.
361
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
assistée d'un défenseur. Les mesures de contraintes dont cette personne peut faire l'objet
sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent
être limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l'infraction
reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne. Il doit être définitivement
statué sur les faits qui lui sont reprochés dans un délai raisonnable. Toute personne
condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction »604. Il
découle en outre de l’article 9 de la Déclaration de 1789 que le prévenu doit pouvoir
bénéficier d’une procédure équilibrée pour pallier toute reconnaissance de culpabilité
trop étendue et donc une sanction excessive. L’appel possible du prévenu de la décision
d’homologation, en dépit de l’accord que ce dernier avait préalablement consenti dans
le bureau du procureur de la République, apparaît comme protecteur des droits de la
défense, l’aveu de la personne mise en cause ayant pu être consenti pour des raisons
autres que celles ayant motivé une sincère et réelle reconnaissance de culpabilité. Selon
l’article 428 CPP, l’aveu, comme tout élément de preuve, doit être laissé à
l’appréciation des juges605 ; car l’aveu ne correspond pas nécessairement à la vérité. De
surcroît, ce mode de preuve qui, en théorie, témoigne de la libre volonté du prévenu est
fragile en raison du risque toujours réel, au-delà même de cet aveu, de l’erreur judiciaire
et des conséquences souvent dramatiques qui y sont attachées.
265- Le rôle imparti à la cour par l’article 520-1 du CPP. Aux termes de l’article
520 -1 précité : « En cas d’appel d’une ordonnance rendue en application de l’article
495 -11, la cour évoque l’affaire et statue sur le fond sans pouvoir prononcer une peine
plus sévère que celle homologuée par le président du tribunal ou le juge délégué par lui,
sauf s’il y a appel formé par le ministère public»606. La chambre des appels
correctionnels statue dans les mêmes conditions que celles existant lorsqu’un prévenu a
interjeté appel d’une condamnation prononcée par le tribunal correctionnel, et que la
cour a annulé ce jugement et évoqué l’affaire. Toutefois, elle ne peut ni confirmer ni
infirmer l’ordonnance d’homologation qui ne s’assimile pas, sur le plan juridique, à un
réel jugement, même si cette décision en a tous les effets. La cour va donc évoquer
l’affaire et statuer sur le fond sans pouvoir néanmoins prononcer une peine plus lourde
604
CPP, Art. Préliminaire préc.
605
CPP, Art. 428, préc.
606
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, art. 137-II, entrée en vigueur le 1er octobre 2004, préc.
362
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
607
Art. 3.1.2.2. de la circulaire, préc.
608
Le plaider coupable, selon ses nombreux détracteurs, reléguant au second plan le principe fondamental
de recherche de la vérité. Plus généralement, l’aveu de culpabilité sollicité devant toutes les juridictions
pénales aboutirait ainsi « (…) à ce que la justice puisse être rendue sur la base d’un mensonge », in
Xavier PIN, Le consentement en matière pénale, LGDJ, Paris, 2002, p. 594-595.
363
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
266- Les garanties dans les modes alternatifs aux poursuites. S’agissant d’une
décision extra-judiciaire, la procédure de médiation ne peut pas faire l’objet d’un appel
ou d’un recours en cassation : aucun juge, à la différence de la composition pénale ou de
la CRPC, n’intervenant dans ce contentieux pénal. Dans la composition pénale, si un
juge intervient, sa décision n’est pas, contrairement au plaider coupable, susceptible de
voies de recours609. Si la procédure de CRPC, en pratique, ne rend pas le choix du
procureur de la République définitif610, en matière de composition pénale, le choix du
parquet est définitif611. Selon la Cour de cassation, il résulte de l’article 41-2 CPP que,
« lorsque l’auteur des faits a donné son accord aux mesures proposées par le procureur
de la République, ce dernier est tenu de saisir le président du tribunal aux fins de
validation de la composition pénale et ne recouvre la possibilité de mettre en
mouvement l’action publique que si ce magistrat refuse de valider la composition ou si,
une fois la validation intervenue, l’intéressé n’exécute pas intégralement les mesures
décidées ».
609
CPP, art. 41-2, al. 6.
610
Cass. crim., du 29 octobre 2008, D. 2009, n° 8, p. 534.
611
Cass.crim., du 20 novembre 2007, n° 07-82. 808, F-P + F + I.
364
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
267- Aveu pénal et office du juge. Si les nouveaux modes de gestion des flux
pénaux s’apparentent à des concessions réciproques, il convient de s'interroger alors sur
le rôle des tiers : tout d'abord, qu'en est-il du juge, lorsque celui-ci est amené à
intervenir ? Peut-il modifier cette ébauche de contrat négocié entre les parties ? En
réalité, le dialogue s’instaurant entre avocat et procureur vient garantir surtout les droits
de la personne mise en cause qui bénéficiera contre toute attente, en dépit de sa
reconnaissance des faits qu’il n’aurait pas avoués, d'une garantie importante en tant que
prévenu. En définitive, à la faveur du développement de l’aveu c’est l’avocat qui se
rapproche du parquet et, par un système de vases communicants, le procureur qui
s’éloigne de son collègue du siège. En pratique, s’agissant des procédures s’exerçant sur
un « circuit court », donc sollicitant davantage l’aveu, le renforcement des prérogatives
du parquet consolide paradoxalement la mission de l’avocat ; en revanche, dans le cadre
de l’ouverture d’une information judiciaire, il n’est pas sûr que le justiciable ait tiré
profit de l’idée d’une suppression, aujourd’hui abandonnée, du juge d’instruction. Dans
la mesure où la validation de la mesure alternative aux poursuites intervient
majoritairement, l’office du juge se limite au contrôle du bon déroulement de la
procédure engagée, ce qui conduit à considérer que les modes alternatifs tendent à un
système pénal « sans juge » qui, à l’instar d’un juge aux affaires familiales dans le cadre
de divorce par consentement mutuel, ne fera qu’entériner un accord sans réellement
l’apprécier.
365
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
ministère public pourra alors dans ce dernier cas, éventuellement, mettre en mouvement
l'action publique « sauf élément nouveau ».
613
Cass. crim., du 26 mars 1996 : Bull. crim. n° 134.
366
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
614
Cons. const. du 22 juillet 2005 n° 2005-520 DC.
615
Ibid.
616
Cass. Crim., 2005 – 19 E8/29-07-2005.
617
Considérant n° 107.
618
Op.cit.
367
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
270- L’essence d’une juridiction. Le rôle d'une juridiction est de dire le droit (juris
dictio). Dans le cadre du plaider coupable, son rôle tend également à être bouleversé, à
l’instar de celui assigné habituellement à l’avocat. L’office du juge peut être défini,
selon le dictionnaire de vocabulaire juridique de l'association CAPITANT619, comme
« tout organe doté d'un pouvoir juridictionnel, du pouvoir de dire le droit, de trancher le
litige». Depuis l'entrée en vigueur des procédures accélérées qui consacrent une
troisième voie pénale, on ne peut que constater la mutation des fonctions du magistrat
du siège, qui se trouve relégué dans une fonction de simple validation d'une décision
pénale (une sanction) déjà très majoritairement prise avant lui par le procureur de la
République. La preuve de cette prépondérance du parquet transparaît dans la réforme de
la loi no 2005-847 du 26 juillet 2005 qui modifie l'article 495-9 du CPP620. Ce texte
prévoit que, lors d'une procédure d'homologation de la CRPC, « la présence du
procureur de la République à cette audience n'est pas obligatoire ». Autrement dit, la
619
Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, éd. PUF, coll. Quadrige, 2003.
620
Coralie AMBROISE-CASTÉROT, Avis de la Cour de cassation du 18 avril 2005 à propos de la place
du procureur de la République dans la procédure de « plaider-coupable », Rev. pénit. 2005, p. 408, AJ
Pénal 2005, p. 214, actualités, C.-S. Enderlin ; Jean DANET, « La CRPC : du modèle législatif aux
pratiques... et des pratiques vers quel(s) modèle(s) ? », AJ Pénal 2005, p. 433.
368
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
décision a été prise, la sphère de l'exercice du pouvoir s'est déplacée : elle est ailleurs.
Le ministère public n'a plus à perdre son temps lors d'une audience de pure forme où le
débat (qui constituait l'essence du principe du contradictoire) a disparu : le prévenu a
déjà renoncé à sa présomption d'innocence, il a déjà échangé son aveu contre une
réduction de peine accordée par le ministère public, non par le juge. Il incombe
désormais au magistrat du siège d’entériner cette forme atypique de contrat, à l'instar de
ses fonctions en matière de changement de régime matrimonial.
621
Pour cette opposition des approches, Cf. Jean DANET, Le nouveau procès pénal après la loi Perben II,
éd. Dalloz, Paris, 2004.
369
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE
juste par le prévenu. Le débat se déplace donc. Il s’agit, davantage d’une recherche
d’équité que d’un débat centré autour de la vérité au prix d’une négociation. En matière
de CRPC, les risques d’atteintes aux droits de la défense de la personne poursuivie se
posent dans un contexte particulier, celui de l’absence en droit pénal d’un véritable
statut de la personne mise en cause ce qui tranche singulièrement avec l’intérêt croissant
accordé aujourd’hui à l’attention des victimes dans une société qui tend à leur conférer
un statut social prestigieux, proche du sacré. Aussi, le débat qui s’est instauré entre les
partisans et les opposants au mode de poursuite de plaider coupable conduit, tout
d’abord, à s’interroger sur la validité de l’ordre normatif ; ensuite, renvoie au rapport
entre la vérité et la justice, c’est à dire à la question du critère réel d’appréciation en
matière judiciaire dont les défenseurs du plaider coupable estiment qu’il s’agit de la
notion d’équité. Une notion qui s’inscrirait à l’interface de la vérité et de la justice.
370
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
En réalité, la question que posent les diverses mesures de gestion des flux pénaux,
dépasse la simple sphère juridique. La difficulté relève davantage de la philosophie du
droit. Il s’agit de savoir, plus fondamentalement, quelles sont les rationalités pénales qui
viennent se substituer à la logique essentiellement répressive comme archétype d’une
technologie du pouvoir et d’instrument de normalisation. En effet, l’adhésion de la
personne mise en cause repose à la fois sur une reconnaissance juridique des faits par
l’aveu mais également une reconnaissance morale de la légitimité de la règle. L’aveu en
matière pénale s’inscrit donci à l’interface entre la légalité et la légitimité. Il repose
obligatoirement sur les normes en vigueur pour être valide et nécessite que l’acte pris
371
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
372
CONCLUSION GENERALE
« Ce dont je rêve, ce que j’essaie de penser comme la “ pureté ” d’un pardon digne
de ce nom, ce serait un pardon sans pouvoir : inconditionnel mais sans souveraineté »
"Ecartons tous les faits car ils ne font rien à la chose” Jean-Jacques ROUSSEAU
CONCLUSION GENERALE
273- Justice et humanité. L’aveu en matière pénale n’a pas réellement pour objet,
contrairement à une idée communément admise, de décrypter la réalité ou la relation des
faits, mais davantage de créer un lien ; il n’est donc pas affaire d’événements mais de
sentiments, il n’a pas de rapport, en réalité, et paradoxalement, avec la loi, mais
davantage avec ce qui constitue l’essence même de toute relation dialogique, la
dimension parfois cachée de l’humain. L’aveu de culpabilité constitue ainsi un mode
contradictoire de production du sens. En effet, un individu, bien souvent, se définit
davantage par la somme de ses secrets que par ses déclarations, voire ses actes, dans la
mesure où la vérité, qui existe toujours quelque part, est intérieure. C’est ce qui permet
d’ailleurs dans d’autres espaces (politique ou privé) qu’elle soit largement dissimulée.
Articulé au procès pénal, la validité de l’aveu est également étroitement liée à la
légitimité qui est, a priori, reconnue à l’institution judiciaire, car si le justiciable ne
reconnaît pas au juge la faculté de dire le vrai il n’est alors nul besoin de la lui révéler.
Cette difficulté pose une difficulté accrue aujourd’hui dans un contexte croissant de
défiance entre les justiciables et l’Etat de droit ; plus généralement, entre les administrés
et leurs administrations ou, de façon peut-être définitive, entre les citoyens et la sphère
politique. Dans ce contexte, le processus d’autoaccusation, qu’il soit librement consenti
ou obtenu à la suite d’un interrogatoire, renvoie donc à un pari, celui, in fine, d’une
justice rendue à l’échelle humaine, c’est à dire en l’état de l’option engagée, celle d’une
intelligibilité des rapports sociaux. En l’absence de cet espoir sur l’humanité de
373
CONCLUSION GENERALE
374
CONCLUSION GENERALE
son acte ; en définitive, si les normes prennent le pas sur les valeurs éthiques et
juridiques.
Cette question doit être articulée à une autre problématique concernant l’institution
judiciaire, à savoir sa faculté au pardon.
622
Le solipsisme (du latin solus, seul et ipse, soi-même) est une attitude générale, pouvant, le cas échéant,
être théorisée sous une forme philosophique et non métaphysique, " (...) d'après laquelle il n'y aurait pour
le sujet pensant d'autre réalité que lui-même (..)", in André Lalande, Vocabulaire technique et critique de
la philosophie, Paris, PUF, Quadrige, 8è édition, 1960. Aussi, l’ego est la seule manifestation de
conscience dont nous ne puissions douter, esse est percipi (être c'est être perçu).
375
CONCLUSION GENERALE
leur vie. C’est cette temporalité qui définit en dernière analyse le domaine de l’éthique
et du politique, de la vertu et du bonheur, de la situation individuelle et collective de la
vie humaine.
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INDEX ALPHABETIQUE
INDEX ALPHABETIQUE
Les numéros de l’index renvoient aux numéros de développement
Abdication, 11, 13, 15, 23, 46, 48, 84, 125, 241, 260.
Accusation, 1, 2, 8, 9, 11, 13, 19, 20, 21, 25, 26, 27, 34, 42, 48, 49, 55, 57, 68, 73, 77,
84, 85, 89, 9, 93, 94, 98, 00, 105, 106, 109, 117, 125, 131, 135, 142, 146, 147,
148, 154, 156, 158, 160, 161, 162, 163, 169, 175, 177, 178, 179, 180, 184, 186,
187, 188, 189, 190, 198, 214, 216, 224, 234, 235, 236, 237, 240, 246, 255, 256,
260, 261, 268, 284, 286.
Alternatives aux poursuites, 182, 183, 215, 26, 224, 237, 286.
Appel, 13, 30, 36, 50, 120, 127, 138, 154, 159, 165, 175, 177, 180, 197, 198, 203, 211,
228, 235, 258, 259, 262, 267, 272, 274, 279, 281, 282, 283, 284, 285, 288.
Audience, 9, 13, 21, 29, 34, 55, 57, 72, 73, 80, 82, 84, 85, 94, 111, 115, 118, 127, 138,
149, 155, 156, 169, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 176, 178, 180, 184, 197, 198,
215, 228, 230, 234, 235, 237, 238, 239, 258, 260, 262, 272, 273, 278, 284, 286.
Autoaccusation, 1, 2, 11, 68, 118, 126, 135, 178, 210, 286, 288.
Aveu-stratégique, 11.
Avocat, 11, 12, 13, 17, 19, 2, 24, 26, 27, 42, 49, 55, 57, 58, 68, 71, 73, 74, 82, 86, 93,
95, 97, 105, 106, 117, 118, 120, 124, 127, 131, 148, 149, 150, 152, 153, 154,
155, 158, 160, 161, 162, 163, 171, 172, 173, 175, 176, 178, 180, 181, 182, 186,
187, 189, 190, 194, 197, 198, 199, 203, 205, 206, 207, 208, 209, 211, 212, 214,
220, 226, 232, 234, 236, 237, 239, 240,249, 255, 256, 257, 258, 259, 260, 261,
262, 265, 266, 267, 268, 269, 271, 273, 275, 276, 277, 278, 279, 280, 281, 284,
286.
B
Bloc de constitutionnalité, 57, 85, 140, 143, 154, 286.
C
CEDH, 19, 88, 97, 106, 107, 109, 111, 114, 135, 137, 138, 142, 147, 148, 150, 159,
165, 175, 194, 198, 199, 206, 210, 225, 261, 263, 275, 284.
Célérité, 12, 13, 16, 49, 57, 84, 85, 152, 154, 156, 165, 180, 182, 216, 238, 239, 244,
268, 282, 284.
Chambre de l’instruction, 13, 63, 159, 177, 189, 190, 193, 196, 203, 205, 267.
CPP, 1, 16, 26, 55, 57, 68, 76, 87, 95, 98, 100, 108, 110, 111, 124, 137, 142, 144, 150,
154, 155, 158, 159, 165, 177, 180, 181, 189, 193, 198, 199, 203, 205, 210, 212,
217, 218, 226, 227, 228, 231, 233, 235, 237, 239, 247, 257, 258, 262, 263, 271,
272, 273, 275, 279, 280, 281, 283, 284.
402
INDEX ALPHABETIQUE
Code pénal, 2, 57, 76, 81, 93, 100, 101, 102, 114, 124, 130, 149, 204, 214, 237, 277.
Composition pénale, 154, 182, 183, 217, 218, 219, 226, 227, 228, 230, 237, 248, 249,
252, 257, 258, 271, 275, 285.
Conseil constitutionnel, 11, 85, 133, 134, 135, 136, 137, 139, 141, 142, 144, 154, 155,
165, 167, 168, 169, 177, 181, 194, 200, 201, 202, 203, 205, 208, 225, 230, 239,
272, 279, 286.
Consentement, 11, 88, 127, 169, 181, 193, 219, 226, 234, 237, 241, 242, 244, 255, 258,
264, 270, 272, 276, 287.
Constitutionnalité, 16, 57, 85, 139, 140, 143, 154, 177, 181, 186, 196, 200, 201, 202,
203, 211, 239, 286.
Contrainte, 25, 59, 88, 92, 93, 106, 107, 109, 117, 119, 167, 181, 182, 192, 194, 203,
206, 208, 234, 239, 283.
Contrôle judiciaire, 63, 85, 127, 165, 203, 239, 275, 281.
Cour d'appel, 13, 63, 154, 159, 160, 163, 165, 180, 198, 213, 214, 228, 239, 267, 281.
Cour de cassation, 11, 51, 97, 98, 100, 101, 102, 105, 111, 127, 135, 138, 142, 148,
149, 154, 155, 158, 159, 160, 165, 177, 178, 181, 183, 184, 187, 191, 192, 193,
194, 195, 197, 198, 199, 201, 202, 205, 210, 213, 218, 219, 227, 228, 239, 261,
275, 281, 285.
403
INDEX ALPHABETIQUE
CRPC, 8, 9, 11, 13, 26, 33, 85, 122, 125, 126, 127, 131, 133, 138, 140, 148, 150, 152,
153, 154, 155, 160, 165, 166, 167, 169, 171, 173, 174, 175, 177, 181, 185, 216,
219, 225, 228, 231, 232, 233, 236, 238, 239, 240, 244, 250, 254, 256, 257, 258,
259, 260, 261, 263, 267, 268, 272, 273, 275, 276, 278, 279, 280, 281, 282, 283,
285, 286, 287, 288.
Culpabilité, 1, 2, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 23, 25, 26, 27, 28, 29, 31,
32, 33, 36, 37, 40, 41, 42, 43, 45, 46, 47, 48, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58,
59, 61, 62, 63, 64, 65, 70, 71, 72, 73, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 83, 84, 85, 86, 87,
88, 90, 91, 93, 94, 95, 97, 98, 105, 106, 107, 108, 109, 111, 114, 115, 118, 120,
121, 123, 124, 125, 126, 127, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140,
141, 142, 144, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 157, 158, 161,
162, 163, 165, 167, 168, 169, 170, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 179, 180, 181,
182, 183, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 210, 212, 216, 217, 218, 219, 220, 221,
225, 226, 228, 231, 232, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 242, 243, 244, 245,
247, 256, 257, 260, 261, 262, 265, 267, 273, 274, 276, 279, 280, 281, 282, 283,
284, 285, 287, 288, 289.
D
DDHC, 11, 133, 136, 138, 165, 167,
Décision, 2, 9, 13, 14, 20, 25, 26, 27, 38, 40, 41, 42, 48, 51, 57, 59, 63, 81, 86, 87, 93,
100, 105, 106, 110, 118, 120, 124, 127, 131, 134, 136, 137, 138, 139, 140, 142,
143, 144, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 163,
164, 165, 166, 167, 169, 170, 173, 176, 178, 180, 181, 182, 184, 194, 196, 200,
204, 205, 206, 207, 209, 210, 213, 214, 215, 219, 222, 226, 228, 229, 231, 232,
236, 239, 240, 241, 243, 246, 259, 260, 261, 262, 264, 268, 273, 274, 275, 276,
280, 282, 284, 285, 286, 289.
Détention provisoire, 13, 50, 53, 63, 85, 86, 127, 135, 154, 165, 169, 179, 182, 187,
191, 196, 204, 207, 213, 214, 215, 240, 261, 273, 276.
Droit au silence, 11, 12, 13, 16, 88, 95, 96, 97, 103, 104, 105, 106, 109, 115, 117, 118,
119, 120, 121, 148, 149, 150, 155, 160, 165, 187, 195, 209, 245.
Droits de la défense, 2, 17, 55, 211, 340; 374,375, 377, 378, 380, 381
404
INDEX ALPHABETIQUE
Droit pénal, 1, 11, 25, 61, 70, 78, 85, 117, 122, 124, 178, 180, 211, 212, 218, 227, 256,
287, 288.
E
Efficacité, 6, 9, 11, 12, 13, 16, 25, 32, 43, 49, 62, 84, 85, 86, 98, 105, 152, 153, 156,
165, 172, 181, 182, 186, 187, 217, 218, 239, 267, 269, 287.
Egalité des armes, 27, 57, 84, 85, 117, 162, 165, 178, 262.
Emprisonnement, 48, 88, 154, 165, 175, 176, 177, 199, 209, 227, 231, 236, 238, 239,
254, 276, 279.
Enregistrement, 1, 13, 87, 100, 101, 102, 111, 205, 212, 273.
Erreur judiciaire, 11, 17, 37, 41, 43, 53, 57, 75, 82, 111, 126, 169, 178, 179, 210, 237,
284.
Espagne, 236.
Etat de droit, 8, 11, 13, 16, 21, 26, 27, 35, 57, 87, 93, 106, 131, 135, 140, 143, 150, 163,
179, 181, 185, 199.
F
Fiction juridique, 85, 147, 287.
France, 1, 9, 13, 42, 43, 49, 56, 78, 81, 85, 97, 98, 109, 110, 115, 117, 120, 126, 143,
148, 150, 158, 159, 160, 164, 178, 180, 193, 206, 226, 236, 237, 238, 259, 262,
268, 269, 287.
G
Garde des Sceaux, 13, 131, 154, 239, 269.
Garde à vue, 11, 12, 15, 19, 26, 47, 50, 51, 55, 58, 71, 75, 79, 80, 86, 88, 90, 91, 93, 95,
96, 97, 98, 100, 103, 104, 105, 106, 108, 109, 115, 120, 124, 126, 138, 144, 148,
150, 154, 160, 162, 164, 165, 177, 182, 183, 187, 190, 191, 192, 194, 195, 196,
405
INDEX ALPHABETIQUE
197, 198, 199, 200, 204, 205, 206, 207, 208, 209, 211, 212, 215, 227, 244, 250,
288.
H
Hiérarchie des normes, 13, 57, 85, 86, 131, 132, 140, 141, 287.
Homologation, 13, 85, 127, 138, 149, 152, 154, 155, 165, 166, 167, 169, 170, 171, 172,
175, 185, 227, 228, 231, 236, 238, 239, 240, 255, 259, 260, 263, 272, 273, 274,
276, 277, 279, 281, 282, 284, 285, 287.
Humanité, 13, 18, 29, 41, 43, 60, 73, 74, 180, 289.
I
Idéologie, 11, 179, 262.
Incrimination, 2, 61, 62, 88, 102, 107, 109, 118, 125, 135, 147, 207, 211.
Infraction, 1, 7, 8, 13, 22, 25, 26, 28, 29, 34, 50, 51, 52, 55, 58, 59, 60, 61, 62, 64, 66,
70, 72, 73, 74, 76, 80, 83, 85, 87, 88, 89, 98, 100, 101, 102, 107, 109, 110, 114,
118, 124, 130, 135, 142, 144, 151, 152, 153, 159, 165, 169, 173, 174, 175, 178,
180, 184, 191, 200, 204, 205, 206, 207, 211, 212, 219, 220, 222, 226, 228, 230,
231, 232, 235, 236, 238, 239, 240, 246, 247, 248, 252, 253, 261, 262, 263, 264,
267, 273, 278, 279, 280, 284, 288.
Intime conviction, 2, 8, 13, 17, 19, 25, 26, 27, 41, 44, 57, 86, 93, 109, 110, 111, 114,
122, 124, 130, 161, 176, 179, 180, 181, 182, 215, 225.
J
Jeu, 48, 62, 80, 142, 160, 172, 176.
406
INDEX ALPHABETIQUE
Juge d’instruction, 1, 11, 13, 26, 29, 85, 87, 98, 100, 101, 102, 105, 106, 108, 111, 114,
121, 124, 158, 159, 173, 178, 190, 194, 204, 212, 213, 236, 244, 257, 260, 268,
270, 276, 287.
Juge des libertés et de la détention, 71, 165, 191, 204, 209, 273, 278.
Jurisprudence, 25, 39, 43, 85, 88, 96, 100, 102, 107, 111, 138, 141, 148, 152, 155, 158,
159, 165, 167, 170, 171, 185, 188, 192, 193, 195, 198, 200, 226, 228, 235, 236,
240, 262, 264, 279.
Juste, 6, 7, 8, 9, 13, 22, 23, 29, 31, 32, 37, 38, 40, 43, 57, 70, 82, 85, 165, 178, 181, 182,
259, 285, 287.
Justice, 1, 2, 5, 7, 9, 11, 13, 17, 20, 21, 27, 29, 30, 35, 36, 40, 42, 48, 49, 56, 57, 60, 67,
71, 74, 82, 84, 85, 87, 94, 98, 100, 101, 111, 118, 120, 124, 131, 138, 140, 146,
149, 152, 154, 158, 160, 161, 165, 179, 180, 181, 182, 184, 185, 186, 187, 191,
195, 199, 206, 211, 213, 215, 216, 217, 221, 234, 235, 237, 238, 239, 240, 241,
243, 246, 257, 261, 262, 265, 267, 269, 273, 285, 287, 288, 289.
L
Légalité, 2, 13, 25, 57, 92, 93, 138, 153, 154, 163, 165, 166, 184, 189, 236, 288.
Légitimité, 11, 13, 22, 27, 34, 45, 57, 60, 67, 68, 69, 77, 85, 90, 91, 93, 159, 164, 166,
246, 287, 288, 289.
Loi constitutionnelle, 6
Loyauté, 16, 25, 26, 31, 48, 57, 68, 86, 87, 91, 92, 93, 94, 98, 99, 100, 102, 104, 109,
110, 111, 121, 193, 288.
M
Marchandage, 85, 236.
Mensonge, 8, 11, 16, 19, 21, 22, 23, 29, 38, 39, 42, 44, 53, 55, 66, 71, 72, 76, 98, 106,
108, 115, 123, 125, 160, 162, 163, 169, 181, 213, 215, 242, 262, 285, 287, 289.
Mineur, 9, 29, 70, 94, 100, 108, 159, 174, 199, 211, 212, 222, 224, 227, 235, 273, 276.
407
INDEX ALPHABETIQUE
Mode de poursuite, 7, 8, 11, 13, 48, 82, 85, 88, 132, 137, 141, 148, 153, 154, 165, 169,
173, 175, 181, 185, 216, 225, 233, 234, 235, 238, 256, 260, 261, 263, 276, 285,
287.
Modèle accusatoire, 13, 49, 85, 120, 181, 259, 269, 287.
Modèle inquisitoire, 9, 11, 13, 26, 85, 94, 160, 179, 181, 268, 287.
N
Négociation, 15, 84, 85, 140, 176, 183, 184, 228, 231, 237, 245, 250, 251, 259, 279,
280, 287.
Norme, 3, 12, 13, 22, 23, 34, 54, 57, 59, 60, 61, 62, 70, 85, 86.
O
Opportunité des poursuites, 184, 229, 261.
Ordre public, 70, 100, 115, 133, 138, 144, 159, 165, 198, 199, 204, 211, 212, 220.
P
Paradoxe, 11, 21, 60, 135.
Pardon, 6, 7, 13, 23, 28, 29, 31, 32, 34, 35, 36, 46, 57, 72, 210, 265, 288, 289.
Parquet, 11, 13, 16, 19, 21, 25, 26, 27, 41, 48, 49, 57, 77, 79, 82, 84, 90, 93, 105, 108,
118, 125, 127, 131, 133, 136, 140, 148, 149, 150, 151, 152, 154, 155, 156, 158,
160, 162, 165, 166, 167, 169, 170, 171, 176, 177, 121, 183, 184, 185, 191, 192,
194, 195, 204, 216, 217, 219, 223, 226, 227, 228, 229, 236, 238, 239, 240, 241,
244, 246, 247, 250, 251, 257, 258, 259, 260, 261, 262, 263, 267, 269, 270, 273,
274, 276, 277, 279, 280, 281, 282, 285, 286, 287, 288.
Pattegiamento, 236,
Peine, 2, 6, 8, 9, 10, 11, 13, 26, 28, 29, 36, 40, 43, 48, 60, 61, 74, 78, 82, 84, 85, 88, 94,
95, 107, 109, 111, 121, 124, 127, 133, 137, 138, 140, 142, 148, 149, 150, 151,
408
INDEX ALPHABETIQUE
152, 153, 154, 155, 159, 160, 165, 166, 169, 170, 171, 173, 174, 175, 176, 177,
179, 180, 181, 183, 184, 191, 199, 200, 209, 216, 217, 225, 226, 227, 228, 231,
232, 233, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 244, 250, 253, 254, 255, 256, 258,
259, 260, 261, 265, 268, 273, 274, 276, 277, 278, 279, 280, 281, 282, 285, 287,
288.
Plaider coupable, 7, 9, 11, 13, 26, 33, 40, 48, 75, 82, 84, 85, 111, 121, 127, 131, 133,
140, 148, 149, 152, 154, 155, 158, 164, 165, 167, 168, 173, 175, 176, 181, 185,
231, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 140, 256, 258, 259, 260, 261, 263,
264, 274, 281, 282, 285, 286, 287, 288.
Pouvoir, 6, 11, 13, 21, 22, 23, 26, 29, 31, 32, 34, 35, 36, 38, 41, 42, 46, 47, 52, 57, 60,
62, 85, 93, 97, 98, 102, 105, 106, 117, 131, 133, 136, 143, 144, 152, 154, 155,
160, 164, 165, 166, 167, 170, 171, 177, 178, 179, 184, 193, 199, 204, 206, 211,
215, 226, 229, 231, 237, 240, 241, 246, 255, 258, 261, 263, 268, 269, 272, 273,
274, 275, 278, 285.
Présomption d’innocence, 8, 9, 10, 11, 13, 25, 26, 29, 33, 48, 55, 57, 76, 84, 85, 86,
106, 109, 120, 126, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 145,
147, 152, 153, 154, 155, 158, 160, 162, 163, 165, 167, 168, 169, 172, 178, 180,
181, 185, 191, 213, 235, 260, 261, 268, 273, 274, 276, 280, 281, 284, 285, 287.
Principe à valeur constitutionnelle, 85, 120, 134, 135, 136, 178, 180.
Procédure pénale, 1, 4, 8, 13, 16, 19, 21, 26, 36, 38, 47, 55, 57, 68, 76, 79, 85, 87, 95,
98, 99, 100, 105, 108, 110, 111, 117, 121, 124, 128, 133, 136, 137, 142, 143,
144, 147, 150, 154, 155, 158, 159, 165, 167, 173, 177, 178, 181, 185, 187, 190,
409
INDEX ALPHABETIQUE
193, 194, 199, 200, 204, 206, 207, 211, 213, 216, 217, 218, 219, 221, 227, 228,
229, 232, 233, 234, 236, 238, 239, 240, 242, 244, 248, 256, 257, 258, 259, 262,
263, 264, 268, 272, 273, 274, 276, 280, 282, 284, 285, 287.
Procès équitable, 55, 107, 109, 111, 155, 165, 176, 199, 200, 262, 273, 276, 285.
Proposition de peine, 148, 149, 152, 153, 155, 166, 273, 277, 279, 280.
Q
Quantum, 48, 124, 148, 149, 166, 171, 226, 231, 238, 258.
R
Rasoir d’Ockham, 147.
Réparation, 9, 13, 18, 23, 24, 29, 34, 35, 37, 40, 48, 58, 107, 108, 156, 180, 182, 184,
187, 199, 200, 206, 207, 212, 213, 214, 215, 219, 220, 226, 228, 230, 232, 237,
248, 259, 262, 263, 264, 265.
Rétractation, 4, 26, 55, 57, 65, 78, 95, 98, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 160, 161, 215,
276, 282, 283, 285.
S
Sanction pénale, 11, 23, 33, 59, 61, 62, 77, 81, 114, 179, 283, 288.
Sincérité, 3, 5, 21, 23, 29, 95, 100, 104, 105, 124, 125, 157, 167, 194, 215, 216, 273.
410
INDEX ALPHABETIQUE
Stratégie, 13, 19, 22, 29, 45, 46, 47, 48, 49, 51, 52, 71, 72, 73, 77, 123, 124, 161, 268,
269, 281.
T
Tactique, 11, 13, 34, 47, 48, 49, 50, 72, 74, 75, 77, 152, 173, 244, 269, 270.
Tiers, 7, 21, 23, 24, 29, 31, 34, 35, 48, 61, 100, 106, 158, 159, 160, 178, 194, 209, 220,
232, 241, 266, 270.
Traitement accéléré des affaires pénales, 2, 11, 13, 140, 172, 179, 268, 281.
U
Utopie, 41, 150, 247.
V
Validité, 8, 11, 14, 22, 23, 38, 45, 57, 60, 62, 68, 75, 76, 85, 87, 89, 91, 96, 115, 122,
144, 283, 287, 289.
Vérité judiciaire, 1, 7, 9, 10, 11, 14, 16, 18, 19, 20, 21, 28, 37, 38, 40, 46, 57, 58, 65, 68,
75, 76, 78, 82, 83, 85, 86, 94, 98, 105, 109, 111, 122, 128, 131, 156, 157, 158,
160, 162, 178, 180, 181, 182, 194, 216, 233, 285, 287, 288.
Victime, 18, 20, 23, 35, 36, 46, 58, 59, 62, 69, 72, 74, 75, 85, 87, 100, 107, 117, 151,
155, 161, 162, 165, 169, 174, 176, 183, 184, 185, 211, 213, 217, 219, 220, 221,
226, 227, 228, 229, 230, 232, 235, 240, 241, 248, 253, 260, 262, 263, 264, 265,
270, 272, 273, 276, 287.
411
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ........................................................................................................................ 1
PREMIERE PARTIE : Réquisitoire : l’aveu sous influence, un mode de preuve dissocié de la
vérité judiciaire ............................................................................................................................. 30
TITRE PREMIER : Notion d’aveu et dissociation de la vérité judiciaire ................................... 33
CHAPITRE PREMIER : Le fondement incertain de la recherche d’aveux ................................. 35
SECTION PREMIERE : Aveu et vérité judiciaire : un lien peu pertinent .................................. 37
§1- La dissociation aveu-vérité du côté de l’institution judiciaire .......................................... 39
A) Aveu et vérité: il n’existe pas de « hors-la-loi » .............................................................. 42
B) Aveu et vérité : un rapport hors sujet ............................................................................... 45
C) Erreur et tabou judiciaires ................................................................................................ 58
D) Le doute comme fondement de la décision judiciaire ...................................................... 62
§2- La dissociation aveu-vérité du côté de l’avouant .............................................................. 64
A) Attrition ou contrition ?.................................................................................................... 65
B) Une volonté de renoncer................................................................................................... 68
C) La recherche d’un pardon pur en matière pénale ............................................................. 73
SECTION SECONDE : Aveu et autojustification de l’institution judiciaire............................... 75
§1- Aveu et rationalité juridique limitée .................................................................................. 76
§2- Aveu et infaillibilité judiciaire .......................................................................................... 78
CHAPITRE SECOND : Le caractère protéiforme de l’obtention d’aveu .................................... 84
SECTION PREMIERE : Les diverses manifestations de l’aveu confrontées à la question de
leur validité ................................................................................................................................... 85
§1- Accusé et crédibilité de l’aveu .......................................................................................... 85
A) « L’aveu-stratégie » : une relation de pouvoir ................................................................. 86
1) Aveu des faits sans aveu de culpabilité ........................................................................ 90
2) Absence d’aveux et vengeance privée.......................................................................... 92
3) Stratégie et rétractation de l’aveu ................................................................................. 93
B) « L’aveu-renonciation » : la culpabilité avouée en marge de la vérité............................. 94
1) L’aveu de culpabilité par les actes (l’exemple de l’affaire COLONNA)..................... 94
a) Deux thèses antagonistes articulées au sens de l’aveu ............................................ 95
b) Esquisse d’analyse ................................................................................................... 99
2) L’aveu de culpabilité indirect : l’écrit comme reconnaissance indirecte de
culpabilité : le cas LANDRU............................................................................................ 102
412
TABLE DES MATIERES
413
TABLE DES MATIERES
414
TABLE DES MATIERES
415
TABLE DES MATIERES
416
SUMMARY
If a confession doesn't have a mandatory connection with legal truth, the mental conception of a
confession leads to an infinitely more complex question which goes beyond the field under study. It
would seem that, not only does the confession imply a real criterion in terms of legal appreciation, but is
also based on practice linked to personal factors, stemming from negative experience, connected to values
and standards prevailing within a given social history. For it is within the mystery of the subject’s
conscience that committing the act is possible; that is to say in a sphere more closely connected with his
personal ethics, than with the constraints of legal norms. At the same time, the confession is a reflection
of the evolution of modern society. If the confession was previously sought unconditionally, and
represented an absolute imperative, even to the detriment of the truth, it has today been tendered
mundane, as has moreover the measure which made it necessary, legal detainment. What was formerly
prevalent, when the confession was considered as the ultimate proof, was more a form of an ethical
requirement which made truth the standard. This concept of the confession as an absolute was also that of
a society based on confidence, that is to say, one in which truth could effectively become known more
easily, as it was a structural value. It would seem that this society based on confidence, has given way to a
society based on mistrust, in which truth is no longer the essential reference but rather the effectiveness or
the rapidity of procedures. The value criteria of our modern societies have therefore changed; they have
lost their ethical consideration, in the interest of other values, supposed to be more useful or time-saving.
Negotiated legal justice, based on the confession, is a symptom of the failure of the verticality between
justice and the accused, in the interests of the horizontality or social regulation, by modifying the
hierarchy of the powers, even if, in the eyes of public opinion, this change is a form of utopia and
ultimately poses the problem of the future of the guiding principals of law.
RESUME
Si l’aveu n’entretient pas de rapport obligatoire avec la vérité judiciaire, penser l’aveu en matière pénale
renvoie à une question infiniment plus complexe qui excède le domaine exploré. Non seulement, en effet,
il semblerait que l’aveu renvoie au réel critère d’appréciation en matière judiciaire mais également il
repose sur une pratique qui concerne des éléments personnels vécus sur un mode négatif, en relation avec
des valeurs et des normes acceptées au sein d’une société historique donnée. Car c’est dans le mystère de
la conscience de l’auteur de l’aveu que le passage à l’acte est possible, donc dans une sphère qui a
davantage partie liée avec son intériorité éthique qu’avec le caractère impératif d’une norme pénale. En
même temps, l’aveu est le reflet de l’évolution de nos sociétés modernes. Si l’aveu devait être recherché
hier inconditionnellement et constituait un impératif absolu même au détriment de la vérité, il s’est
aujourd’hui banalisé comme d’ailleurs la mesure qui le rendait nécessaire, la garde à vue. Ce qui prévalait
antérieurement, sous le règne de l’aveu traditionnel comme reine des preuves, c’était davantage une
forme d’exigence éthique qui faisait de la vérité la norme. Cette conception absolue de l’aveu était
également celle d’une société fondée sur la confiance, c’est-à-dire celle où précisément une vérité pouvait
se manifester plus aisément car elle en constituait une valeur structurante. Il semblerait que cette société
de confiance ait laissé place à une société de défiance dans laquelle la vérité n’est plus le référent
essentiel, mais davantage l’efficacité ou la célérité des procédures. Les critères de valeurs de nos sociétés
modernes ont donc changé, ils ont perdu leur souci éthique au profit d’autres valeurs censées être plus
utiles ou immédiates. La justice pénale négociée, qui repose sur l’aveu, signe l’échec de la verticalité
entre justice et justiciable, au profit de l’horizontalité ou de la régulation sociale, en modifiant la
hiérarchie des pouvoirs, même si, aux yeux de l’opinion, ce bouleversement relève de l’utopie et pose en
définitive le problème de l’avenir des principes directeurs du droit.
417
INTRODUCTION……………………………………………………………...1 SECONDE PARTIE : Plaidoyer : l’aveu en discussion, un mode de gestion
du contentieux pénal……………………………………………………. 246
PREMIERE PARTIE : Réquisitoire : l’aveu sous influence, un mode de
preuve dissocié de la vérité judiciaire……………………………………….30 TITRE PREMIER : La discussion de l’aveu sur déclaration………….. 254
TITRE PREMIER : Notion d’aveu et dissociation de la vérité judiciaire…..33 CHAPITRE PREMIER : L’aveu face aux droits de la défense……….. 255
CHAPITRE PREMIER : Le fondement incertain de la recherche d’aveux....35 SECTION PREMIERE : Nullités de l’instruction versus aveu de
culpabilité……………………………………………………………… 258
SECTION PREMIERE : Aveu et vérité judiciaire : un lien peu pertinent….37 §1- Le dispositif théorique……………………………………….. 258
§1- La dissociation aveu-vérité du côté de l’institution judiciaire…..….39 §2- Aveu et nullité : un contexte d’affrontement entre la défense et
§2- La dissociation aveu-vérité du côté de l’avouant……………..…… 64 l’accusation……………………………………………………….. 260
SECTION SECONDE : Aveu et autojustification de l’institution judiciaire 75 SECTION SECONDE : Une protection relative des droits de la défense par la
§1- Aveu et rationalité juridique limitée……………………………… 76 Cour de cassation……………………………………………………….. 261
§2- Aveu et infaillibilité judiciaire………………………………….… 78 §1- Le principe : absence de coercition dans la réception de l’aveu… 262
§2- L’exception : les procédés déloyaux d’obtention de l’aveu…….. 263
CHAPITRE SECOND : Le caractère protéiforme de l’obtention d’aveu. 84
CHAPITRE SECOND : L’aveu face à la culture judiciaire……………… 265
SECTION PREMIERE : Les diverses manifestations de l’aveu confrontées à
la question de leur validité…………………………………..……………… 85 SECTION PREMIERE : La persistance de l’aveu au sein de l’acte annulé 271
§1- Accusé et crédibilité de l’aveu…………………………………….. 85 §1- Incidence de la nullité sur la validité de la garde à vue……….. 272
§2- Aveu et intériorisation de la Loi…………………………………. 107 §2- Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et garde à
vue………………………………………………………………… 280
SECTION SECONDE : L’exception : « l’aveu-vérité »…………………. 122
§1- Les nouveaux procédés de preuve scientifique : vers une preuve SECTION SECONDE : Vers un équilibre réel des pouvoirs ?.................. 283
absolue ?............................................................................................... 123 §1- Perspective critique de l’aveu en garde à vue………………….. 284
§2- L’expertise psychiatrique et vérité judiciaire…………………… 127 §2- La réparation de la détention provisoire injustifiée nonobstant les
§3- Une vérité révélée en marge……………………………………. 129 aveux……………………………………………………………….. 287
§4- Vérité et plaider coupable………………………………………. 134
TITRE SECOND : La discussion de la reconnaissance des faits sur
TITRE SECOND : Réception de l’aveu et soumission aux contrôles proposition................................................................................................... 290
juridictionnels............................................................................................... 138
CHAPITRE PREMIER : Vers une mutation de la procédure pénale……. 293
CHAPITRE PREMIER : L’élaboration d’un cadre légal de réception de
l’aveu…………………………………………………………………….... 140 SECTION PREMIERE : La reconnaissance des faits dans les procédures
accélérées………………………………………………………………… 294
SECTION PREMIERE : Garde à vue et légitimité……………………… 142
§1- Contrainte et loyauté……………………………………………. 143 SECTION SECONDE : Un aveu en marge d’une réelle culpabilité……. 298
§2- Un hyatus entre le temps de l’enquêteur et celui de la personne mise §1- L’aveu négligé : les modes alternatifs aux poursuites…………. 299
en cause……………………………………………………………… 148 §2- L’aveu intégré ou consubstantiel au mode de poursuite : le plaider
coupable………………...…………………………………………..... 308
SECTION SECONDE : Accusation et légalité…………………………... 149
§1- La nécessité d’un strict cadre légal d’audition………………….. 150 CHAPITRE SECOND : L’influence de l’aveu dans la sanction pénale… 315
§2- L’incidence limitée de la loi du 14 Avril 2011…………………. 172
§3- Le cadre légal de rétractation de l’aveu face à l’accusation…….. 180 SECTION PREMIERE : Le plaider coupable dans le droit pénal comparé 316
§1- L’aveu dans le plaider coupable……………………………….... 317
CHAPITRE SECOND : Effectivité du contrôle de l’aveu………………. 194 §2- L’expérience de quatre autres Etats européens (Italie, Espagne,
Portugal et Allemagne)………………………………………………. 318
SECTION PREMIERE : Aveu et principe de présomption d’innocence… 196 §3- Les systèmes pénaux canadien et américain……………….….… 320
§1- Le sens de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 (DDHC)…………………………………………...... 197 SECTION SECONDE : CRPC et champs d’application de la réponse
§2- Les atteintes à la présomption d’innocence dans l’administration de la pénale…..................................................................................................... 323
preuve………………………………………………………………. 211 §1- L’extension à de nouveaux contentieux ?................................... 323
§2- La CRPC : une aubaine pour la justice pénale ?......................... 326
SECTION SECONDE : Aveu et équilibre des acteurs en plaider coupable 214
§1- La réception de l’aveu lors de l’enquête préalable à la CRPC….. 215 SECTION TROISIEME : Vers un rapprochement des parties au procès dans
§2- Une nouvelle orientation du système pénal : une reconnaissance des le cadre de l’infliction de la sanction........................................................ 334
faits sans réel contrôle du juge …………………………………….… 221 §1- De l’abdication volontaire du justiciable……………………… 335
§2 - Vers une dissociation de l’aveu et de la preuve au profit de la
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE………………………….... 238 discussion entre les parties ………………………………...………… 341
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