La Question de L'aveu en Matière Pénale

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AIX-MARSEILLE UNIVERSITE

FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE

LA QUESTION DE L’AVEU EN
MATIERE PENALE

THESE
POUR LE DOCTORAT EN DROIT PRIVE ET SCIENCES CRIMINELLES

Présentée et soutenue publiquement par

Monsieur Gérald PANDELON

MEMBRES DU JURY

Monsieur Philippe BONFILS, Professeur à Aix-Marseille Université,


Directeur de l’Institut d’études judiciaires
d’Aix-en-Provence

Madame Sylvie CIMAMONTI, Professeur à Aix-Marseille Université,


Directrice de la recherche

Monsieur Thierry RICARD, Avocat Général près la Cour d’appel


d’Aix-en-Provence, Professeur associé à
l’Université de Lyon 3. Rapporteur.

Monsieur Jean-Jacques GALLI, Magistrat, Vice-président du Tribunal de


Grande Instance d’Aix-en-Provence.
Rapporteur.

Date de soutenance : 24 novembre 2012


« La faculté n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions
contenues dans cette thèse qui doivent être considérées comme propres à l’auteur »
REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier ma famille pour le soutien qu’elle m’a apporté dans
le cadre de cette recherche doctorale. Bien évidemment, ce travail n’aurait pas pu voir le
jour sans le concours de Madame le Professeur Sylvie CIMAMONTI, et la confiance
qu’elle m’a témoignée. Cette thèse est non seulement le fruit de recherches
universitaires et d’entretiens avec les enseignants mais également le reflet de ma
pratique professionnelle dont la plupart de mes développements sont issus. A ce titre, je
reconnais ma dette envers tous ceux qui, en tant que professionnels du droit, ont accepté
de me livrer leurs expériences d’avocats pénalistes et ceux des magistrats du siège et du
parquet lesquels, spontanément, ont accepté d’apporter leur éclairage sur la difficile
question de l’aveu en matière pénale.
SOMMAIRE

SOMMAIRE

INTRODUCTION

PREMIERE PARTIE : REQUISITOIRE : L’AVEU SOUS INFLUENCE, UN MODE DE PREUVE


DISSOCIE DE LA VERITE JUDICIAIRE

TITRE PREMIER: NOTION D’AVEU ET DISSOCIATION DE LA VERITE JUDICIAIRE


CHAPITRE PREMIER : LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA RECHERCHE D’AVEUX
CHAPITRE SECOND : LE CARACTERE PROTEIFORME DE L’OBTENTION
D’AVEU

TITRE SECOND : RECEPTION DE L’AVEU ET SOUMISSION AUX CONTROLES


JURIDICTIONNELS
CHAPITRE PREMIER : L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL DE RECEPTION DE
L’AVEU
CHAPITRE SECOND : EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

SECONDE PARTIE : PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU


CONTENTIEUX PENAL

TITRE PREMIER : LA DISCUSSION DE L’AVEU SUR DECLARATION


CHAPITRE PREMIER : L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA DEFENSE
CHAPITRE SECOND : L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIAIRE

TITRE SECOND : LA DISCUSSION DE LA RECONNAISSANCE DES FAITS SUR PROPOSITION


CHAPITRE PREMIER : VERS UNE MUTATION DE LA PROCEDURE PENALE
CHAPITRE SECOND : L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA SANCTION PENALE

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

CONCLUSION GENERALE : JUSTICE ET HUMANITE


LISTE DES ABREVIATIONS

LISTE DES ABREVIATIONS

A. Arrêté
AJ Pénal Actualité juridique pénal
AN Assemblée nationale
Aff. Affaire
Anc C. pén. Ancien code pénal
Ann. Annales
APC Archive de politique criminelle
Arch. phil. droit Archives de philosophie du droit
Art. Article
Ass. Plén. Assemblée plénière de la Cour de cassation
B.R.B Brigade de répression du banditisme
Bull. crim. Bulletin criminel
C. Contre
CA Cour d’appel
CAA Cour administrative d’appel
CE Conseil d’Etat
CEDH Cour européenne des droits de l’homme
CJUE Cour de justice de l’Union européenne
CNRD Commission nationale de réparation de la
détention
COPJ Convocation par officier de police judiciaire
CP Code pénal
CPI Cour pénale internationale
CPP CPP
CRPC Comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité
Cass. Ch. mixte Cour de cassation, Chambre mixte
Cass. civ. I. Première chambre civile de la Cour de cassation
Cass. civ. II Deuxième chambre civile de la Cour de cassation
Cass. crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation
Cass. plén. Assemblée plénière de la Cour de cassation
Cass. Soc. Chambre sociale de la Cour de cassation
Cf. Confer
Chron. Chronique
Code C. Code criminel
LISTE DES ABREVIATIONS

Coll. Collection
Com. EDH Commission européenne des droits de l’homme
Concl. Conclusions
Cons const. Conseil constitutionnel
Consid. Considérant
D Dalloz
D. Décret
DC Déclaration de conformité
DDHC Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
Dir. Sous la direction de
Dr Droits
Dr. Pén. Revue de droit pénal
Ed. Edition
FNAEG Fichier national automatisé des empreintes
génétiques
Gaz.Pal. Gazette du Palais
JCP Jurisclasseur
JEL Juge de l’enquête et des libertés
JO Journal officiel
JORF Journal officiel de la République Française
JOUE Journal officiel de l’Union européenne
Jur. Jurisprudence
L. Loi
L.C Loi constitutionnelle
L.G.D.J. Librairie générale du droit et de la jurisprudence
Leg. Législation
n° Numéro
NCPC Nouveau code de procédure civile
Not. Note
Obs. Observations
Op. cit. Opus citatum
P. Page
Para. Paragraphe
Pén. Pénal
Pénit. Pénitentiaire
PFRLR Principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République
LISTE DES ABREVIATIONS

Préc. Précité
PUF Presses universitaire de France
QPC Question prioritaire de constitutionnalité
RICPT Revue internationale de criminologie et de police
technique
RID comp. Revue de droit comparé
RIDP Revue internationale de Droit pénal
Rapp. Rapport
Rec. Recours
Req. Requête
Rev. Revue
RSC Revue de science criminelle et de droit pénal
comparé
Somm. Sommaire
V. Voir
Vol. Volume
INTRODUCTION

INTRODUCTION

1- Définition de l’aveu en matière pénale. En droit pénal l’aveu est la


reconnaissance, par la personne soupçonnée, de sa culpabilité quant aux faits qui lui
sont reprochés1. Considéré, en effet, dans l’ancien droit, comme la reine des preuves, ce
processus d’autocondamnation est toutefois laissé à la libre appréciation des juges2. De
cette définition, doivent découler quelques observations. S'il n'est plus regardé comme
une preuve parfaite, en revanche, l’aveu est toujours recherché en raison de sa faculté
certaine à rassurer l'enquêteur et l’institution judiciaire. Il permet de consolider la
justesse de l'accusation3. Comme le souligne RAUTER dans son traité de droit criminel,
« Un jugement de condamnation, motivé sur le seul aveu du prévenu, serait irrégulier et
nul en la forme. Il ne peut pas dépendre du prévenu d’attirer sur lui la punition (nemo
admittitur sibi nocere – nemo auditur perire volens) »4. Ainsi, la sécurité recherchée par
le magistrat, ou plus généralement l'enquêteur, ne doit pas le conduire à contraindre la
personne poursuivie à avouer. L'aveu doit être libre et spontané, ce qui signifie qu’il ne
doit pas être, en théorie, extorqué ou provoqué, notamment par des procédés
scientifiques modernes (penthotal ou sérum de vérité) qui seraient contraires au respect
de la dignité. Car l’essence de l'aveu demeure la liberté : il doit être recueilli dans le
respect de celle-ci. En droit pénal, la France a adopté un système de preuve dite morale,
le juge pouvant apprécier librement la valeur des moyens de preuve qui lui sont soumis.
Ce principe est valable pour les témoignages et les expertises5 ou encore pour les
enregistrements audio ou vidéo ainsi que pour l'aveu. Un magistrat peut donc être

1
Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, Presses Universitaires de France, 2ème édition, 2001, p.
95.
2
Art. 428 CPP – V. « L'aveu dans la procédure pénale » : RID comp. 1951, p. 516. – François GORPHE
et Robert VOUIN, rapp. n°1952-764, vol.3, n°3, juillet-septembre 1951, p. 516-541.
3
Thérèse GAMBIER, « La défense des droits de la personne dans la recherche des preuves en procédure
pénale française », Dr. pén. déc 92, p.1-4.
4
Jacques Frédéric RAUTER, Traité théorique et pratique de droit criminel, cours de législation
criminelle, Paris, Hingray, 2 vol, publié en 1836.
5
Sauf à titre exceptionnel en droit de la consommation. En effet, l’article 1315 du code civil dispose : «
Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend
libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. ». Ainsi, l’article
2274 dudit code pose une présomption générale de bonne foi. C’est donc à celui qui conteste cette bonne
foi de prouver la mauvaise foi.

1
INTRODUCTION

convaincu par l'aveu ou pas, il peut l’être totalement ou partiellement ; au surplus,


l’aveu pourra être rétracté car il ne préjuge pas, a priori, de la culpabilité de la personne
mise en cause. Par conséquent, la démarche d’autoaccusation ne constitue pas la vérité
ou nécessairement la reine des preuves mais davantage une des conditions possibles de
la vérité judiciaire ; non une preuve irréfutable. Aussi, l’aveu n’est pas, de façon
évidente et irréfragable, la vérité sur la survenance de faits mais simplement la
possibilité du vraisemblable ou du probable6, c’est à dire une hypothèse par exemple
que l’enquête de flagrance permet de limiter voire de rejeter. C’est la raison pour
laquelle il convient d’appréhender l’aveu non pas de façon statique, ce qui supposerait
a priori comme vraie toute déclaration librement et spontanément consentie, mais
davantage de façon dynamique en l’articulant à un processus tendant à une possible
vérité. D’ailleurs, sur le plan historique, l’aveu n’est pas la vérité, il peut être judiciaire,
lorsqu'il est consenti directement devant une autorité chargée de l'enquête ou du
jugement (officier de police judiciaire lors d'une enquête de flagrance ou lors d'une
enquête préliminaire, juge d'instruction, procureur, magistrats du siège) ou
extrajudiciaire et cet aveu sera alors indirect. Ce sera le cas, par exemple, s'il est
rapporté par un témoignage ou qu’il figure dans un document écrit ; en pareilles
circonstances, il obéira aux règles respectives du témoignage ou des indices. De
surcroît, l’individu poursuivi peut également décider de se confier à un médecin. Qu'en
est-il alors de cet aveu ? Les confidents ont-ils l'obligation de porter ces aveux à la
connaissance de la justice et de dénoncer l'infraction commise ou bien ont-ils au
contraire le devoir de se taire, de rester muets et silencieux7 ? La question de la preuve
est ainsi au cœur de tout procès, et tout particulièrement du procès pénal où les enjeux
sont plus graves que dans n'importe quel autre contentieux, puisque la liberté des
individus risque de subir des atteintes. Pourtant, la question de la preuve apparaît moins

6
Selon Delphine LE DREVO, il faudrait ainsi envisager une approche négative de la vérité judiciaire car
c’est davantage le “vraisemblable” qui est le critère d’appréciation du jugement en matière judiciaire,
Mémoire de Master Recherche II “Sciences Criminelles” intitulé “Vérité et défense pénale”, sous la
direction de Mme Muriel GIACOPELLI, Université Paul Cezanne-Aix-Marseille III, année 2009-2010, p.
34.
7
Aux termes de l’article 226-13 du CP la sanction prévue à cet effet est celle d'une peine d'un an
d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende pour ceux des auxiliaires de justice, médecins ou banquiers
qui violeraient le secret attaché à leur profession. Cependant, la loi lève parfois ce secret professionnel,
soit en imposant la révélation des informations transmises sous le sceau du secret, soit en autorisant cette
révélation. Dans cette hypothèse, le choix ou non de briser le secret professionnel est laissé à l'entière
conscience de l'individu dépositaire des confidences, en application des dispositions tirées de l’article
226-14 du CP s’agissant notamment d’atteintes sexuelles contre des mineurs ou des personnes
particulièrement vulnérables.

2
INTRODUCTION

développée en matière pénale qu’en procédure civile8. En effet, l'aveu, preuve regardée
comme reine depuis toujours, fait l’objet d’une seule disposition dans le CPP :
l'article 428. Ce texte est inclus dans un titre 2 dudit code, réservé aux jugements des
délits et dispose que : « L'aveu, comme tout mode de preuve, est laissé à la libre
appréciation des juges» 9. Cette disposition, laconique, se contente donc de rappeler
implicitement que l'aveu n'est pas une preuve légale, autrement dit, qu'il a la même
valeur que n'importe quelle autre preuve. Mais l'article précité n'explique ni à quels
principes son recueillement est soumis, ni les conditions régulières de son obtention, ni
même ne propose de définition.

2- Histoire de l’aveu : de la torture à la reconnaissance librement consentie de


la culpabilité. Dès l’Antiquité, un réel souci pour la vérité judiciaire s’était exprimé à
travers notamment l’usage en droit romain des Juratores assujettis au serment, procédé
qui répondait à un souci de vérité10. Le droit civil romain avait ainsi institué la
procédure de « confessio » afin de permettre à l’adversaire d’en finir une fois pour
toutes avec le procès et que le coût de la querelle n’en soit pas augmenté. Car la
relation entre l’auteur de l’aveu et l’institution judiciaire était par essence fondée sur la
capitulation du « confessus »11. Sous l’empire romain, ce procédé d’autoaccusation

8
Toutefois, l’avant-projet de loi relatif au CPP du 1er mars 2010, qui comporte 730 articles, était le
premier volet d’une refonte de la procédure pénale. V. à ce propos l’article de Valérie MALABAT,
« L’avant-projet du futur CPP : refonte, simplification ou confusion des phases de la procédure pénale »
AJ Pénal 2010 p. 162, il s’agissait en effet de transformer l’enquête et l’instruction. Parmi les mesures
phares, figurait notamment la suppression du juge d’instruction. Le texte confiait l’enquête au procureur
de la République. La défense et les victimes auraient la possibilité de contester les décisions du
représentant du parquet devant le juge de l’enquête et des libertés (JEL) ou devant la chambre de
l’enquête et des libertés. Le JEL aurait été un juge du siège bénéficiant des mêmes garanties
d’indépendance que le juge d’instruction. Ce projet a été abandonné.
9
Art 428 (on notera que l'article 536, relatif au tribunal de police, procède par renvoi vers l'article 428).
10
Les tribunaux souhaitaient s’associer le concours de « sachants » ou « hommes de l’art » dans divers
contentieux ou asseoir leur conviction sur une preuve testimoniale. Puis, en 1575, un édit d'Henri III
prescrivit que tous les offices d'experts seraient à l'avenir héréditaires. Et en 1667, le Roi proclamait qu’il
fallait procurer aux justiciables des « experts de probité et d’expérience », Elise FONS, « L’expert
judiciaire », Master 2, Faculté de Droit Montpellier 1, promotion 2005-2006, sous la direction de M.
ARTZ. Ainsi, dès l’origine, une certaine méfiance à l’égard de l’erreur mêlée à une quête de vérité sont
allées de pair même si la France considérait toutefois plus aisément la personne mise en cause comme
coupable ab origine que comme une possible innocente.
11
Yan THOMAS, « Confessus pro judicato. L’aveu civil et pénal à Rome », L’aveu. Antiquité et Moyen
Âge, Collection de l’Ecole française de Rome, 1986 ; Robert BADINTER (dir.), Une autre justice. 1789-
1799. Contributions à l’histoire de la justice sous la Révolution française, Paris, Fayard, 1989; Jean-
Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, Paris, PUF, 2000; Jean FOYER,
Histoire de la justice, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1996; Jacques GODECHOT, Les institutions de la
Révolution française, Paris, PUF, 1989; André LAINGUI et Arlette LEBIGRE, Histoire du droit pénal,
tome 2, La procédure criminelle, Paris, Cujas, 1980; Edmond SELIGMAN, La justice en France pendant
la Révolution, 2 vol. Paris, Plon, 1901-1916.

3
INTRODUCTION

constituera une preuve suffisante pour emporter la conviction du juge et le conduire à


entrer en voie de condamnation12 ; à telle enseigne, que la torture deviendra au Bas-
Empire le procédé habituel d'enquête. Ce n’est qu’à la période féodale que duel,
ordalie13 et aveu vont constituer des modes communs de preuve. En fait, dès l’origine
une inégalité fondamentale est à l’œuvre entre la défense et l’accusation puisque
l’accusateur public n’a plus à rapporter la preuve de ses accusations et la condamnation
devient ainsi obligatoire car le juge est lié par la reconnaissance des faits par l'individu
poursuivi. L'aveu est donc considéré comme une preuve complète ou probatio
probatissima. Mais la place de l'aveu va réellement devenir prépondérante à partir du
XIIIème siècle. Inspirée par la justice séculière, l’institution dite de l’« inquisitio »
ecclésiastique va élaborer un système de preuves tarifées (les preuves légales) au sein
duquel l'aveu va constituer une preuve parfaite. Puis, le Pape Innocent IV, par la bulle
"Ad extirpenda", décidera de légitimer la torture qui soumettra systématiquement les
prétendus hérétiques afin que, d’abord, ils confessent leurs actes et dénoncent, ensuite,
les païens ; pratique qui tranchait toutefois avec les préceptes de l’autorité ecclésiastique
lesquels rejetaient, en théorie, la violence comme instrument de réception de l’aveu ;
rejet exprimé d’ailleurs par Bernard DE CLAIRVAUX selon lequel "la foi doit être
persuadée, et non imposée". En effet, en tant que procédé d'instruction destiné, par la
souffrance, à obtenir d'un accusé des aveux de culpabilité ou la dénonciation de
complices, la torture judiciaire recoupe l'histoire complexe de la procédure, de la
preuve, de l'arbitraire reconnu au juge. La théorie des preuves légales va faire de l'aveu
l'équivalent de la « certitudo infaillibilis ». Au XVIème siècle, ce système va toutefois
laisser progressivement place à l'intime conviction, notamment en raison d’abord de la
multiplication des décisions intermédiaires entre culpabilité et innocence, le juge

12
Gérard GUYON, “Utopie religieuse et procès penal”, L'héritage historique: V-XVème siècles,
Arch.phil.droit, t. 39 : Le procès, 1995, Sirey, p. 105 et s.
13
L'ordalie est un ancien mode de preuve en justice, de nature religieuse, aussi appelé jugement de Dieu,
qui consiste à soumettre les présumés accusés à une épreuve dont l'issue, déterminée par Dieu, désigne la
personne bien-fondé ; Claude GAUVARD, Alain DE LIBERA et M. ZINK, Dictionnaire du Moyen Âge,
s.dir. PUF, coll. « Quadrige », Paris, 2004 (2e édition). En apparence opposés, aveu et ordalie se
retrouvent en ce qu’ils symbolisent l’empreinte de la religion dans le droit. Selon Pierre LEGENDRE :
« L’aveu se joue dans des espaces de discours diversifiés. Mais ces discours ne peuvent être tenus que
parce qu’ils se réfèrent à une instance tierce, une instance logique, que j’ai appelée l’instance absolue de
la vérité. C’est à travers ce montage dogmaticien du tiers, qu’une société est en mesure de faire tenir, en
la fondant, une institution aussi importante et délicate que l’aveu » ; Pierre LEGENDRE, « De confessis.
Remarques sur le statut de la parole dans les premières scolastiques », l'Aveu : Antiquité et Moyen Âge,
Actes de la Table ronde organisée par l'Ecole française de Rome avec le concours du CNRS et de
l'Université de Trieste - Rome, 28-30 mars 1986, p. 401-408. Ainsi, l’aveu, reine des preuves, ne repose
que sur la déification de la vérité.

4
INTRODUCTION

s'affranchissant de la tyrannie des preuves légales et de l'exigence d'un aveu, ensuite, de


la réserve des preuves. Désormais, conformément à l’ordonnance de 1670, même si
l’accusé n’avouait pas sous la torture, il pouvait tout de même être condamné si les
présomptions pesant sur lui étaient trop fortes14. Ainsi, depuis l’ère médiévale, le
système inquisitoire a érigé l’aveu en « reine des preuves »15car l’accusé n’a pas le droit
à l’assistance d’un conseil. Est donc instauré, dès le XIIIème siècle en Europe, sous
l’influence de l’Eglise médiévale, un système inquisitoire qui vient articuler la question
de l’aveu à la recherche de la vérité avec le principe de probatio probatissima. Le code
pénal de brumaire an IV, dû à Merlin DE DOUAI, justifiera ainsi l’intime conviction
par la fameuse formule tirée de l'article 353 CPP16 :

" La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont
convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire
particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve : elle leur prescrit
de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la
sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les preuves
rapportées contre l'accusé et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule
question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime
conviction ? "17.

Cependant, les révolutionnaires de 1789, sous l’influence de BECCARIA, eurent à


l’esprit de revendiquer un principe de légalité des délits et des peines, celles-ci devant
être personnelles et proportionnées aux délits. Cette humanisation de la répression
reposa sur divers principes énumérés dans la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen. D’abord, les constituants proclamèrent la légalité des incriminations. L’article 7
dispose : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés
par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites ». Cet article était complété par
l’article 9 qui affirmait : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été

14
Jean-Paul DOUCET, Dictionnaire de droit criminel, sixième partie, « le serment », Paris, Economica,
2010.
15
William FEUGERE, "Réformer la justice pénale", Les annonces de la Seine, 19 juin 2006, n°40 :
l’aveu. Antoine J BULLIER et Frédéric-Jérôme PANSIER, « De la religion de l’aveu au droit au silence
ou faut-il introduire en France le droit au silence des pays de Common law ?», Gaz. Pal., 8 février 1997.
16
Il est à noter que l’article 353 CPP a été modifié par la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 (art. 12), qui
intègre l’exigence de motivation de la décision par la cour d’assises, en ces termes : « Sous réserve de
l'exigence de motivation de la décision ».
17
Rapport du Sénat n° 275 consacré à la « réforme de la procédure criminelle », actes de colloque- 25
novembre 2010, site du Sénat.

5
INTRODUCTION

déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas
nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».
L’idée selon laquelle seule la loi pouvait créer des motifs d’accusation corrélée à celle
de liberté telle qu’elle était définie dans l’article 4 consistait « (…) à pouvoir faire tout
ce qui ne nuit pas à autrui ». Avec l’Empire, l’usage politique va conduire à vouloir
faire avouer un coupable soupçonné de mettre en danger l’ordre établi, et ce, par tous
les moyens, y compris l’usage de la quaestio. Dès lors, étroitement liée à la place de la
personne dans une société donnée, l’aveu dans le procès pénal ne renvoie plus
mécaniquement au registre de la culpabilité mais invite davantage à une intelligibilité de
l’expérience subjective, même si, en pratique, cette approche subjective demeure un
vœu pieux, ce qui pose la question, in fine, du réel critère d’appréciation en matière
pénale.

3- Problématique de l’aveu en matière pénale : la question du critère réel


d’appréciation en matière judiciaire et celle corrélative de la vérité. Penser l’aveu
renvoie à une question infiniment plus complexe qui excède la matière pénale. Car
avouer une maladresse, une faiblesse, une faute, procède d’une analyse différente que
celle qui consiste en l’aveu d’un bienfait, d’un acte bon ou vertueux mais ignoré. Le
premier type d´aveu, celui qui nous concerne dans le cadre de la présente étude, conduit
à concevoir l´aveu comme une pratique qui concerne des éléments personnels vécus sur
un mode négatif, en relation avec des valeurs et des normes acceptées au sein de la
société.

4- L’aveu traditionnel ou négatif : la culpabilité comme a priori. L´aveu, quel que


soit son caractère spontané ou forcé fait référence, du côté de l’auteur, à des attitudes
morales ou mentales telles que le regret, le remords voire le repentir, sincère ou
artificiel. Car avouer, c´est dire, et dire c´est faire18. Il s’agit par conséquent d’un acte de
langage performatif ou programmatique, même si tout dire ne se réduit pas, certes, à un
aveu. Or, pour l’institution judiciaire, ce qui apparaît, bien souvent, comme hors-sujet
ou peu pertinent c’est l’aveu qui se réaliserait dans un sens positif, c’est à dire qu’une
personne mise en cause puisse, au travers du processus d’autoaccusation, révéler autre
chose que la vérité des faits, que la confession puisse donc se déployer en marge de la
vérité, en d’autres termes, que l’énonciation puisse permettre à l’auteur d’obtenir une

18
John Langshaw AUSTIN, Quand dire, c’est faire, Paris, Editions du Seuil, 1970, p. 44.

6
INTRODUCTION

récompense, une reconnaissance voire une vertu. Car pour l’appareil judiciaire, au-delà
des possibles rétractations et erreurs judiciaires, consciemment ou pas, l’aveu en matière
pénale vaut vérité sur la culpabilité. Et la stigmatisation fréquente des mensonges des
accusés revient à considérer que l’aveu demeure, quoiqu’il en coûte, la reine des
preuves. Ce qui signifie que, sur le plan pénal, l’aveu n’est appréhendé que sur un mode
négatif, celui de la nécessaire culpabilité de l’avouant, donc de sa responsabilité. Il
s’ensuit que l’aveu n’est donc pas réellement apprécié en fonction de sa relation à la
vérité, puisque ladite question semble d’emblée, au-delà des discours, le plus souvent
tranchée mais rapportée uniquement à des procédures d’attestation de cette vérité. Dès
lors, l’institution judiciaire, dans son rapport à l’aveu, reste liée à une conception
religieuse de l’aveu même si les technologies modernes de la police scientifique, en
définitive, n’en ont pas ou moins besoin, en s’inscrivant en marge de cette dimension
axiologique voire métaphysique.

5- Une conception religieuse de l’aveu du côté de l’institution judiciaire. L’aveu


n’est pas l’établissement d’une vérité mais renvoie, pour l’institution, à un autre
registre : celui de la sincérité ; par suite, il n’est plus de l’ordre de l’attestation
scientifique d’une vérité mais de l’ordre de la foi, ce qui est différent. La justice ne punit
pas réellement le menteur mais celui qui ne rapporte pas la preuve de sa bonne foi ou de
sa sincérité ; en cela l’institution s’érige symboliquement en une institution supra-
humaine. La question de l’aveu en matière pénale rend donc possible un déplacement de
la problématique, car elle ne se concentre que sur celle subséquente du jugement et, in
fine, de la faculté de juger de l’institution, c’est à dire à son autorité supposée légitime et
compétente pour prononcer une sentence ne reposant pas uniquement sur le degré de
vérité mais davantage sur des notions de contrition ou au sens religieux d’« attrition »19.

6- Rédemption et attrition. Le concept d’attrition peut se définir comme le remords


causé par le sentiment d’avoir offensé Dieu et par la crainte subséquente du châtiment.
En revanche, la contrition suppose une « détestation des péchés que l’on a commis avec
une volonté sincère de n’en plus commettre par la suite, accompagnée de l’espérance
d’en avoir le pardon » 20. Il découle de cette distinction que si la contrition procure le
pardon divin « même si l’on ne peut pas se confesser (…) ; l’attrition, au contraire

19
La distinction entre la dynamique de « contrition » et le phénomène d’ « attrition » est établie par
Jean DELUMEAU dans son texte intitulé L’aveu et le pardon, Les difficultés de la confession XIIIème-
XVIIIème siècles, page 6, Paris, Fayard, 1992.
20
Jean MAIRE, Sermons de saint Vincent de Paul, I, p.162, Paris, 2 vol., 1859.

7
INTRODUCTION

apporte le pardon grâce à l’absolution donnée par le prêtre (…) »21. Il ne s’agit plus de
réduire le juste au légal, c’est la version positiviste du droit, mais, au nom d’un droit
naturel, de donner au juge un pouvoir de nature métaphysique se déployant en marge du
vrai. A ce titre, du côté de la personne mise en cause, la dynamique est celle de la
contrition qui suppose que l’aveu pénal consenti par l’accusé devant l’autorité supposée
légitime soit inséparable, en retour, de la certitude d’une peine allégée, même si, pour
l’appareil judiciaire, cela peut apparaître insuffisant car l’institution n’a, en réalité,
aucune garantie que la personne poursuivie, en dépit de ses aveux, ne récidivera pas,
surtout dans un pays où la crainte inspirée par la peine capitale a été abolie. C’est ainsi
que le juge pénal ne peut uniquement se satisfaire de cette contrition, et relève d’un
autre registre, celui de l’attrition, car elle ne dispose, de son côté, au-delà des garanties
de représentation et d’insertion dont peuvent se prévaloir les intéressés, d’aucune
garantie relative à l’efficacité desdits engagements.

7- Une notion ambivalente : théorie et pratique de l’aveu. Si la recherche de


l’aveu relève en théorie d’une quête de vérité, la réception de l’aveu se déploie en
pratique en marge de cette question. Car penser l’aveu en matière pénale renvoie à une
question paradoxale pouvant s’énoncer comme suit : comment appréhender l’aveu en
matière pénale alors que ce processus ne constitue pas un point final au procès car, en
dépit de la certitude a priori de la culpabilité pénale de l’avouant, ce dernier est présumé
innocent et que le procès continue ? En définitive, à la suite de l’aveu, la justice se
trouve ainsi suspendue tant que la preuve de la commission de l’acte réprimé n’a pas été
définitivement acquise et que la dangerosité du délinquant n’a pas été réduite à néant, ce
qui renvoie également à la théorie du risque, qui justifiera le recours à des experts. Il
s’ensuit que la question principale n’est donc plus celle souvent posée du rapport de
l’aveu à la vérité mais davantage celle du degré de gravité de l’infraction ayant fait
l’objet dudit aveu, ce qui est différent. Ainsi, tout procès demeure un procès d’intention,
qui excède l’élément matériel de l’infraction, et l’aveu pénal s’articule autour d’un acte
ou d’un passage à l’acte qui relève d’un acte performatif au sens dégagé par AUSTIN. Il
s’agit par conséquent d’un « dire » (l’aveu) inséparable, en même temps et
simultanément, d’un « faire », soit d’une production de sens, fût-elle séparée de celle
liée à la vérité22. Dès lors, la parole, de par sa fonction, son intérêt et sa valeur, dépasse
la seule dimension judiciaire. L’aveu relève donc à la fois d’une pratique discursive

21
Jean DELUMEAU, op.cit., p.55.
22
John Langshaw AUSTIN, op. cit. p. 44.

8
INTRODUCTION

performative ou programmatique. Performative dans la mesure où l’aveu pénal en vient


à produire une réalité qui n’existait pas auparavant. A ce titre, l’institution ne peut se
cantonner à définir un acte par son seul volet matériel : l’acte qui consiste à avouer un
crime ne définit pas l’auteur de l’aveu comme un criminel. Autrement dit, l’acte
incriminé est-il la simple émanation de l’auteur qui le définit définitivement ou, au
contraire, cette hypothèse doit-elle être exclue ? Puisque l’aveu renvoie davantage au
vraisemblable qu’à la vérité judiciaire qui se définit comme la chose jugée, ce mode de
preuve relève de ce qu’AUSTIN qualifie de pratique programmatique. Si la
responsabilité pénale et la culpabilité de la personne poursuivie demeurent inchangées,
l’application de la sanction à la faute commise pourra toutefois être modifiée. Acte
performatif et programme d´avenir qui donnent à l´auteur la dimension métaphysique de
Sujet et ouvre l´ère de son existence morale et politique. L’aveu pénal conduit ainsi le
juge, en tant que tiers, à déplacer son regard, et ce, en marge de considérations éthiques
fondées sur la seule recherche de la vérité (système inquisitoire) pour ne favoriser qu’un
modèle reposant sur ce qui lui apparaît subjectivement comme juste ou équitable, ce qui
est le cas notamment dans le mode de poursuite particulier que constitue le plaider
coupable. Dès lors, la réflexion porte davantage, sur un plan philosophique, sur la
question de savoir si, au-delà des faits avoués ou non, le délinquant reste un sujet de
droit. Car la justice a besoin de l’aveu pour se pérenniser en tant qu’institution humaine,
même si ladite dimension passe paradoxalement par une conception métaphysique de
son office, puisqu’elle incorpore dans ses jugements des concepts inspirés du religieux,
comme le rachat ou le possible pardon. L’indulgence du jury suppose, en effet, que
l’institution, par définition, ait pleinement conscience que le délinquant mente en
avouant, mais elle accepte de lui laisser une chance et, ce faisant, de s’autolégitimer
comme une institution humaine. L’aveu pénal, en ce sens, constitue un pari non
seulement sur le passé et l’avenir, mais aussi sur le présent. Mais l’aveu revêt également
une dimension spatio-temporelle. A ce titre, qu´est-ce qu´avouer ? Cette question peut
apparaître paradoxale car elle constitue à la fois un début et une fin en ce que l’auteur de
l’aveu constitue et instaure par cet acte de parole qui l´officialise une existence publique
à la fois personnelle, individuelle et sociale dans la mesure où le processus
d’autocondamnation lie pour toujours la raison et l´autorité et refuse de les dissocier.

8- Un paradigme judiciaire en marge de la vérité. En matière pénale, l’aveu


constitue donc, en théorie, une démarche de vérité même si ses fondements sont bien
souvent ceux du mensonge. C’est effectivement dans son rapport à la vérité que l’aveu
soulève une difficulté en matière pénale. Il constitue, tout d’abord, un postulat, si l’on

9
INTRODUCTION

définit le postulat comme un principe premier, non encore démontré, mais dont
l’admission est nécessaire pour établir une démonstration. Car c’est à partir de l’aveu
pénal que se construit et se soutient une accusation le plus souvent fondée sur le simple
constat dudit aveu et donc, par déduction, sur la certitude de la culpabilité. Il relève,
ensuite, de l’axiome lequel se définit comme une proposition primitive ou une évidence
insusceptible de démonstration mais sur laquelle est fondée une science. En effet, bien
souvent, l’intime conviction d’une culpabilité découlant d’aveux préalablement
effectués ne renvoie pas à une démonstration irréfutable du ministère public ni à des
preuves incontestables pouvant être fournies par l’accusation. En revanche, cela
n’empêchera pas la juridiction pénale appelée à statuer de déclarer coupable la personne
poursuivie. L’aveu relève également, du côté de l’institution judiciaire, d’une hypothèse
sur la culpabilité, c’est dire repose sur une supposition effectuée relative à une chose
possible ou non dont toutefois il convient de tirer toutes conséquences, savoir
l’infliction ou non d’une peine. Il s’agit par conséquent d’une proposition résultant
d’une observation ou d’une induction devant être vérifiée ; or, en pratique, le manque de
moyens humains et matériels dont souffre l’institution judiciaire l’empêche d’avoir le
temps nécessaire, donc le recul, pour véritablement asseoir une culpabilité dans de
bonnes conditions de fiabilité et de respect des principes de présomption d’innocence,
par exemple lors du mode de poursuite de comparution sur reconnaissance de
culpabilité (CRPC). En toute hypothèse, l’aveu pénal entretient un rapport difficile avec
la vérité. Car, du côté de l’institution judiciaire, l’analogie déduit mathématiquement du
postulat un axiome, à savoir une proposition dont découlera une hypothèse, celle de la
culpabilité ; or, cette hypothèse de culpabilité conduira le plus souvent, à l’épreuve des
faits, à une déclaration de culpabilité. Ladite déduction s’avère, en réalité, assez
périlleuse car le syllogisme tend à évacuer l’erreur ou le contre-exemple, lequel
fonctionne comme une hypothèse à écarter même si ladite hypothèse repose sur des
éléments matériels ou rationnels. Selon l’épistémologue Karl POPPER23, cette
démarche scientifique devrait toutefois être invalidée dès lors qu’existe un fait pouvant
la contredire. La démarche scientifique consistant non pas à vérifier une théorie mais à
la falsifier, c’est-à-dire à élaborer des situations qui la mettent en défaut. La
« falsifiabilité » serait donc le critère de la scientificité.

23
Karl POPPER, La logique de la découverte scientifique, traduction Nicole THYSSEN-RUTTEN et
Philippe DEVAUX, Paris, Payot, 1973, p. 322 et 370.

10
INTRODUCTION

Or, il découle de cette approche que soutenir une culpabilité sur de simples aveux relève
d’une vérité sinon irrationnelle du moins relative, car fonctionnant selon le mode d’une
rationalité limitée assise sur une observation pas toujours vérifiée et attestée. Dans son
ouvrage intitulé La connaissance objective, POPPER affirme, d’une manière un peu
sévère, que l’épistémologie classique24 est hors-sujet, comme en outre l’épistémologie
contemporaine, car elle élabore un savoir dont l’objet est indépendant d’une réelle
prétention à la connaissance25. Autrement dit, l’épistémologie juridique ne permet pas
une réelle ontologie judiciaire. Or, selon cet auteur, la probabilité a priori pour qu’une
« (…) loi (censée être fondée sur une démarche scientifique) soit vraie est nulle 26 ». Il
s’ensuit que le paradigme judiciaire peut légitimer une pratique en marge de la vérité et
du juste, ce qui pose, tout d’abord, une question épistémologique, ensuite, celle du réel
critère d’appréciation en matière judiciaire. Ainsi, c’est la pertinence de l’articulation
entre la pratique discursive de l’aveu pénal et de la constitution de l’Etat de droit qui
doit être soumise à examen. Il s’agit en premier lieu d’une question d’ordre
épistémologique. En effet, comment accorder une crédibilité d’ordre rationnel à une
révélation ou « un dire » portant sur une autocondamnation dont la nature participe ou
peut participer de l’irrationnel, car intégrant l’imaginaire de l’avouant voire, au sens de
FOUCAULT, le « roman familial » dans le récit ? Comment, en d’autres termes, opérer
un repérage suffisamment fiable du vrai et du faux lorsque, au moment de son
énonciation, l’objet (l’aveu) vient se dérober à l’analyse ? En fait, la procédure pénale
garderait toute sa validité si elle admettait ouvertement qu’elle peut intégrer des
hypothèses s’inscrivant parfois en marge du juste ; or, en l’absence d’un tel constat,
l’institution judiciaire est réduite à ne formuler que des hypothèses par définition
partielles (l’adéquation de la théorie juridique à la démarche scientifique relevant
davantage de suppositions ou « présomptions » que de l’objectivité totale souhaitée par
EINSTEIN), se déployant, selon Paul FEYERABEND, en marge du vrai27. Dès lors, si
l’on définit l’épistémologie juridique comme un examen des possibilités de « (…)
parvenir à la connaissance de notions comme l’Etat ou la personne (…) »28, force est
d’admettre que cette discipline est limitée dans sa faculté à appréhender l’aveu comme
objet d’étude empirique. L’aveu en matière pénale relève par conséquent davantage
d’un pari de l’Etat de droit sur la vérité du discours plus que d’une lecture rationnelle du
24
Karl POPPER fait référence à des philosophes comme LOCKE, BERKELEY ou HUME.
25
Karl POPPER, La logique de la découverte scientifique, op.cit, p. 322 et 370.
26
Karl POPPER, La connaissance objective, Paris, Flammarion, 1991, p. 184 et s.
27
V. not. Paul FEYERABEND, Contre la méthode, Esquisse d’une théorie anarchiste de la
connaissance, Paris, Editions Seuil, 1975.
28
Michel TROPER, La philosophie du droit, Paris, PUF, 2ème éd. 2008, p. 11.

11
INTRODUCTION

procès pénal devant conduire à la vérité ; présupposé qui, en conséquence, a trait


davantage à l’intuition du juge qu’à la matérialité des faits, son intime conviction plus
que sa certitude. Il s’agit, en second lieu, d’une question spatio-temporelle. A ce titre,
l’aveu peut être immédiatement corroboré par des faits venant attester de sa validité
lorsqu’il n’existe pas de décalage important entre l’espace, le lieu de commission de
l’infraction, et le temps nécessaire à l’élucidation du délit ; en d’autres termes, l’aveu
n’acquiert de réelle force probante que si s’établit une parfaite simultanéité dans
l’espace et le temps de la faute, c’est l’hypothèse du flagrant délit. En suggérant une
relation asymétrique entre les deux acteurs du procès pénal (la personne mise en cause
et l’accusation), le processus d’autoaccusation se caractérise donc par un échange
déséquilibré car inégal.

9- Impartialité judiciaire et aveu pénal. La relation de l’aveu avec la notion


d’impartialité judiciaire constitue une autre difficulté à aborder. En effet, le processus
d’autoaccusation vient anticiper les implications sociales constitutives de l’aveu alors
que, par principe, c’est l’impartialité qui doit présider à la décision judiciaire, donc à
l’infliction d’une sanction. Au nom de l’intérêt de la société protégé par le ministère
public, l’aveu de culpabilité permet donc la substitution de l’intérêt social de rétribution
individuelle de la faute à la dimension morale fondée sur celle de vérité et de juste
imputation d’une peine à des faits reprochés.

Selon Renaud DULONG et Jean-Marie MARANDIN, cet impératif est lié à un


besoin de réparation absolue donc de châtiment devant satisfaire l’opinion publique. Ils
déclarent à ce propos : « Les réactions de l’opinion face aux lenteurs de la justice
pénale, ou sa réticence à affronter la complexité de certains délits collectifs, signalent
que la compréhension publique du déroulement des procès pénaux est parasitée par le
besoin qu’un crime trouve rapidement sa réponse dans un châtiment » 29. Or, il est
difficile de s’accorder sur la cohérence de ce primat du social au détriment parfois de la
vérité judiciaire (affaire RANUCCI, par exemple) alors que, paradoxalement, le
contexte de l’aveu vient précisément reléguer la question du social au deuxième plan
puisqu’il présuppose un jugement moral a priori comme fondement de la condamnation
pénale à intervenir ; autrement dit, que l’imputation morale (« il est coupable car il a
avoué ») préexiste aux implications sociales de réparation, par le prononcé d’une
condamnation pénale. Cette difficulté se pose avec acuité dans le cadre du traitement

29
Renaud DULONG et Jean-Marie MARANDIN, L’aveu, Paris, PUF, 2001, p. 157.

12
INTRODUCTION

accéléré des flux pénaux où le procédé d’autoaccusation vaut aveu de culpabilité. Il


s’ensuit qu’au nom de la révélation d’une possible vérité, l’aveu s’inscrit en marge des
principes fondateurs du procès pénal, substituant ainsi à la vérité de l’enquête, inspiré
du modèle inquisitoire, celui d’un jugement moral venant guider l’opinion des jurés au
cours du procès d’assises ou celui des magistrats lors des audiences correctionnelles
classiques30. L’aveu constitue donc la pierre angulaire du débat entre modèle
inquisitoire et système accusatoire, entre les tenants d’une vérité découlant de l’enquête
et ceux qui estiment cette dernière comme secondaire au profit d’une autre conception
de la justice ; c’est le débat qui s’est instauré en France lors de la création de la
procédure de plaider coupable entre les normativistes inconditionnels des grands
principes (présomption d’innocence, équilibre des parties) et les réalistes attachés
davantage à l’efficacité des procédures. Pourtant, l’aveu constitue en même temps le
socle des modes alternatifs de poursuite en matière pénale. Il s’agit, par conséquent, de
déterminer sa force probante alors que les deux grands modèles, accusatoire et
inquisitoire, mettent en œuvre des procédures qui ne permettent pas toujours la
manifestation de la vérité. Le système accusatoire prévu par les législations anglo-
saxonnes articule la vérité judiciaire au caractère spontané de l’aveu lequel acquiert
toutefois le statut de preuve légale s’imposant au juge ; le modèle inquisitoire admet que
l’aveu puisse être provoqué, ce qui risque de lui ôter tout caractère réellement probant

30
Nous faisons référence également à l’instauration de citoyens assesseurs au sein des tribunaux
correctionnels par le décret n° 2011-1271, 12 oct. 2011 relatif à la participation des citoyens au
fonctionnement de la justice pénale : JO 13 oct. 2011, p. 17221. En effet, le 12 octobre 2011 sont parus
un décret et un arrêté en vue de l’entrée en vigueur de la loi du 10 août 2011 qui instaure, à titre
expérimental, les citoyens assesseurs au sein des tribunaux correctionnels, des juridictions pour mineurs
et des juridictions de l’application des peines. En l’occurrence, la réforme a conduit les professionnels du
droit à formuler diverses critiques, notamment le reproche d’une défiance accrue des politiques à l'égard
des juges professionnels. En outre, le texte aboutit à un paradoxe, celui de la diminution de la
participation des citoyens dans les juridictions créées. Ainsi, s'agissant des tribunaux correctionnels,
l'hypothèse initiale d'une majorité de citoyens n'a pas été retenue car elle s'est heurtée aux contraintes
constitutionnelles, qui imposent que dans les formations correctionnelles de droit commun, la proportion
des juges non professionnels reste minoritaire. Par ailleurs, la réforme apparaît coûteuse. Elle pose
d'abord des difficultés juridiques quant à son champ d'application, l'exclusion des affaires économiques et
financières étant surprenante à bien des égards, mais également quant au mode de désignation des
citoyens assesseurs. Ensuite, on peut s'interroger sur les garanties apportées par le mode de sélection,
notamment quant à un réel équilibre entre toutes les composantes de la société française. Le texte exclut
en outre la possibilité de récusation des citoyens, ce qui constitue un risque juridique majeur du point de
vue des garanties nécessaires en termes d'impartialité. Enfin, la formation des assesseurs sera un des
enjeux majeurs et en période de restriction budgétaire, rien ne peut être considéré comme acquis.
Pourtant, fonder la place légitime des citoyens dans la justice constitue un réel enjeu.

13
INTRODUCTION

en droit même si le magistrat pourra l’admettre comme une preuve suffisante à la


manifestation de la vérité. C’est dire suffisamment à quel point les deux procédures
peuvent apparaître, in fine, peu satisfaisantes dans leur rapport entretenu avec
l’essentiel, savoir la question de la vérité judiciaire. Car si l’aveu de culpabilité peut, le
cas échéant, après examen minutieux de faits reconnus, constituer la vérité judiciaire,
quelle valeur accorder à cette révélation lorsque cet « aveu-confession » est consenti par
un mineur ? Comment mesurer l’objectivité d’une telle déclaration émanant d’un enfant
dont l’angoisse se conjugue parfois avec l’incompréhension de la procédure à laquelle il
a toutefois consenti ? Le risque existe en effet qu’en dépit de la présence d’un juge
spécialisé pour pallier cette difficulté la vérité des faits ne coïncide pas toujours avec la
teneur des propos recueillis, et ce, en raison de l’instabilité constitutive de l’aveu. Ainsi,
l’aveu participe également d’une promesse de vérité sur les faits qui sont reprochés à la
personne mise en cause, mais également d’un engagement, du côté de l’institution
judiciaire, envers le prévenu ou l’accusé, qu’au moment du délibéré, les révélations
effectuées permettront parfois d’assortir la condamnation du sursis. Une clémence
toutefois plus importante selon que les aveux auront été passés spontanément ou en
réponse à une accusation. La question de l’aveu en matière pénale renvoie donc à la
question du statut de la vérité en matière judiciaire mais aussi à celle, de manière
tautologique, de l’aveu pour l’aveu, c’est dire à la question de savoir si le discours de la
confession a ou non pour objet, en définitive, de dévoiler une vérité.

10- Aveu pénal et critère d’appréciation en matière judiciaire. Le risque existe, à


l’heure du développement de nouveaux modes de poursuite que la confession en vienne,
de manière stratégique, à ébranler le concept même de vérité au lieu de venir le
consolider. Ce qui renvoie au contexte de la production des aveux, donc aux conditions
d’émergence dudit aveu. Notre hypothèse est que l’aveu en matière pénale repose, en
définitive, davantage sur un système d’attrition que de contrition dans lequel il est
parfaitement possible, de façon paradoxale, d’avouer pour être reconnu innocent. A ce
titre, l’aveu de culpabilité consenti peut conduire à innocenter le prévenu si l’intéressé
peut alléguer d’un fait justificatif exonératoire de sa responsabilité pénale. Par suite, la
personne mise en cause pourra donc revêtir le statut intermédiaire d’un prévenu ayant
reconnu les faits qui lui était reprochés mais qui sera considéré comme innocent devant
les juridictions répressives et par conséquent relaxé. A l’inverse, de façon paradoxale,
un individu poursuivi dans une affaire pénale qui pourrait bénéficier d’un principe
supra-légal de valeur constitutionnelle, celui de présomption d’innocence, devra
reconnaître sa culpabilité pour obtenir une peine allégée ou la clémence du jury devant

14
INTRODUCTION

une juridiction pendant qu’une personne coupable pourra être amnistiée par le
législateur, donc bénéficier d’une indulgence qui effacera la condamnation. La loi peut
ainsi innocenter un coupable pendant qu’un principe constitutionnel qui lui est supérieur
n’est aucunement un rempart absolu contre des présomptions de culpabilité d’origine
législative. L’aveu en matière pénale pose donc la question du critère réellement
pertinent pour définir la vérité judiciaire. Car, bien souvent, cette vérité relève
davantage du mystère.

11- La vérité judiciaire comme énigme. Quelle réelle valeur accorder à des aveux
lorsque la vérité des faits, au-delà des enquêtes de police et de personnalité, semble se
dérober à l’analyse. En définitive, pourquoi avoue-t-on ? Par peur d´être méprisé ou
passer pour ce que l´on est ou pour ce que l´on n´est pas ? Par crainte d´être réprimé et
châtié, ici-bas ou là-haut ? D´être condamné par la postérité ou éternellement ? Par
honte ou par mauvaise conscience, regrets, remords, repentir ou par vanité et orgueil ?
Par souci de se racheter une bonne conscience au seuil de la vieillesse et de la mort, par
désir de justification et de souci éthique ou esthétique, par plaisir de manipulation de la
presse et des pouvoirs, par jouissance de la glorification de soi et de prise en otage de
l´Autre ? Par un désir, conscient ou pas, d’immortalité, de demande de sacrement ou de
sacralisation de soi ? Quoi qu’il en soit, il semblerait qu’en matière pénale l’échange
soit, par définition, inégal entre une institution qui réclame l’aveu pour ne pas encourir
le risque d’une erreur judiciaire et la personne mise en cause, qui risque de perdre sur
les deux tableaux, d’une part, celui d’une renonciation à la protection constitutionnelle
mise en œuvre par l’Etat de droit par sa confession, d’autre part, ne pas obtenir, en dépit
desdits aveux, l’indulgence du juge, donc de restitution. Car le magistrat du siège peut,
malgré la reconnaissance des faits ayant motivé la poursuite, suivre les réquisitions du
parquet, et infliger une peine lourde sans tenir compte de l’acte de confession qu’il aura
pourtant suggéré.

Dès lors, il apparaît légitime de s’interroger sur la compatibilité logique entre aveu et
Etat de droit à un moment où le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle la
mesure spécifique d’obtention d’aveux en matière pénale : la garde à vue31. D’ailleurs,

31
Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010. Voir commentaires : Séverine BRONDEL AJDA
2010 p. 1556, « Changement de circonstances justifiant le réexamen d'une disposition déclarée
constitutionnelle », Décision rendue par Conseil constitutionnel le 30 juillet 2010 (2010-14/22-QPC);
Pascal PUIG, RTD Civ. 2010 p. 513 ; « QPC : le changement de circonstances source
d'inconstitutionnalité (à propos de Cons. const. 30 juill. 2010, n° 2010-14/22- QPC) » ; Paul CASSIA,

15
INTRODUCTION

peut-on ou doit-on, en pure logique, s’autoaccuser dans un Etat de droit prévoyant que
la charge de la preuve doit incomber à la partie poursuivante, le parquet devant établir la
culpabilité du mis en cause ? Le législateur est donc intervenu pour permettre à la
personne poursuivie de garder le silence, en adoptant un système automatique de
notification au gardé à vue d’un droit au silence connu depuis des années par la
Common law, notamment depuis l’arrêt de la Cour suprême américaine MIRANDA32.
A ce titre, cette évolution tend à accréditer, tout d’abord, la thèse d’un rapprochement,
jugé souvent inquiétant parfois salutaire avec le système accusatoire anglo-saxon ;
ensuite, celle d’une mise en cohérence accrue entre l’esprit du texte et la lettre. En
effet, le silence ne vaut pas consentement en droit civil, alors pourquoi serait-il
synonyme d’aveu de culpabilité en droit pénal ? C’est dire suffisamment à quel point
l’aveu doit être entouré de garanties qui apparaissent encore insuffisantes. En réalité, le
seul jugement réellement équitable est celui qui apprécierait un dossier de façon
impartiale, ce qui signifie littéralement en oubliant la personne poursuivie pour
n’examiner que les faits, ce qui n’est pas possible. L’aveu vient modifier ce principe en
conduisant l’institution judiciaire, à titre principal, à faire porter une appréciation a
priori sur la personne, les faits risquant de n’être envisagés, a posteriori, qu’à l’aune des
déclarations de culpabilité déjà effectuées par l’intéressé.

En effet, la raison même, d’abord, de la garde à vue, ensuite, de la présentation de la


personne soupçonnée devant le magistrat instructeur dans le cadre d’un interrogatoire de
première comparution, est précisément de rechercher l’aveu du prévenu ou de l’accusé.
D’un côté, la vérité présumée de l’instruction ne doit en rien être dévoilée mais, de
l’autre, il est instamment requis de l’accusé qu’il dévoile sa vérité ou la vérité. Il s’agit
par conséquent d’un rapport de forces déséquilibré sur le plan psychologique entre une
accusation qui ne concèdera que peu d’éléments à la défense et le mis en cause auquel il
est conseillé d’avouer. Une inégalité qui se traduit, au surplus, par l’admission assez

« Les gardes à vue « particulières » ne sont plus conformes à la Constitution », Recueil Dalloz 2010 p.
1949; Sabrina LAVRIC, « QPC : censure du régime de droit commun de la garde à vue », Dalloz
actualité 30 août 2010 ; Lucile PRIOU-ALIBERT, « Terrorisme : la garde à vue déclarée conforme à la
constitution », Dalloz actualité 27 septembre 2010.
32
MIRANDA, v. Arizona, 384 U.S. 436, 13 juin 1966. A ce titre, la directive 2012/13/UE du Parlement
Européen et du Conseil relative à la communication d’information dans le cadre des procédures pénales a
été publiée. Ce texte s’inspire de l’avertissement « Miranda », d’où dérive le verbe to mirandize. Il
prévoit notamment que les suspects et personnes poursuivies reçoivent rapidement (oralement et/ou par
écrit) et de manière compréhensible en fonction de leur situation particulière des informations concernant,
au minimum, le droit à l’assistance d’un avocat, le droit de bénéficier de conseils juridiques gratuits et les
conditions d’obtention de tels conseils, le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi, le droit à
l’interprétation et à la traduction ainsi que le droit de garder le silence.

16
INTRODUCTION

rare par la Cour de cassation de nullités de l’instruction. Et lorsque, par extraordinaire,


cette juridiction y consent elle écarte le plus souvent une pièce du dossier tout en
continuant cependant à poursuivre en l’absence de preuve d’un grief. Ce qui conduit
naturellement magistrats et policiers à recourir à tous les moyens pour que les preuves
viennent corroborer leurs premières impressions. L’avocat, en outre, n’ayant pas accès à
l’entier dossier lors de la garde à vue, et ne pouvant faire dudit dossier qu’une lecture
par définition sommaire avant le débat contradictoire devant le juge d’instruction,
compte tenu des délais assez courts qui lui sont impartis, verra son rôle de défenseur
réduit à la portion congrue, sa mission s’apparentant davantage à celle d’un
psychologue au sein d’un service médical d’urgence, dont la présence est toutefois
nécessaire pour entretenir la bonne conscience de l’institution au détriment d’une
appréciation équitable des preuves. En pratique, en effet, le juge pénal rechigne à voir
l’avocat faire un usage méticuleux de ses connaissances en matière de procédure pénale,
ce zèle procédurier dans la recherche de la possible innocence de son client
s’accompagnant d’une hostilité parfois difficilement masquée par le magistrat. A
l’épreuve des faits, la question se pose donc de savoir quelles sont les réelles
motivations de l’institution lorsqu’elle persiste à éprouver des difficultés à reconnaître
qu’elle puisse se tromper ou analyser trop hâtivement un dossier. Pourtant, à la suite de
l’affaire d’OUTREAU, la difficulté est posée de savoir si l’appareil judiciaire n’est, en
réalité, qu’une technique mise au service d’un instrument étatique de maintien de
l’ordre et, en pareilles circonstances, les preuves deviennent secondaires, ou si
l’institution peut admettre, sans ressentir une quelconque atteinte excessive à son statut
ou à son existence, l’autocritique. Il s’agit d’un paradoxe du système judiciaire pourtant
fondé sur la vérité, c’est le modèle inquisitoire, mais dans lequel il apparaît si difficile
d’admettre l’erreur judiciaire, en dépit de leur nombre relativement peu élevé, mais
toutefois persistant. Or, ce décalage entre la théorie et la pratique pose problème dans le
système judiciaire français car il tend à dissocier la vérité de la justice, la recherche
impartiale et rationnelle de la réalité des faits avec les exigences souvent contradictoires
de l’institution. Dans cette perspective, l’exigence du secret de l’instruction confronté à
la question de l’aveu de culpabilité figure comme un impératif assez ambigu. En effet,
face au secret de l’instruction, le prévenu craint parfois pour son existence sociale en
avouant (perte de son travail, liens familiaux brisés) ; l’aveu de culpabilité s’apparentant
ainsi à une concession gratuite envers l’institution judiciaire car la personne ne dispose
d’aucune garantie en retour du côté de l’accusation que le juge pénal se montrera plus
clément. Si la procédure de CRPC apporte un tempérament au déséquilibre précité, ce
mode de poursuite ne le fait, bien souvent, qu’au risque d’un abandon librement

17
INTRODUCTION

consenti des droits de la défense et, parfois, de la vérité. L’aveu ne constitue donc pas
une preuve absolue de vérité mais peut s’inscrire en marge de la vérité, la procédure
d’autoaccusation ne reflétant qu’un simple récit du mis en cause. A l’heure du
développement des procédures accélérées de traitement des flux pénaux par l’aveu,
notamment par le mode de poursuite particulier du plaider coupable à la française,
l’« aveu-confession » ou « aveu-vérité » risque de plus en plus de céder la place à un
« aveu-stratégique » venant préférer l’utile (« s’en sortir » avec une peine allégée) au
sublime (une vérité absolue à rechercher au nom d’un principe constitutionnel
d’innocence présumée), c’est à dire une quête d’efficacité au détriment de principes
abstraits dont le prévenu méconnaît, bien souvent, la portée juridique (par exemple : la
notion constitutionnelle de présomption d’innocence). En l’occurrence, l’aveu participe
donc du paradoxe, car la renonciation à l’innocence présumée, loin de s’apparenter à
une quelconque capitulation pour l’avouant, lui permettra peut-être, au contraire, de
recouvrer la liberté, celle-ci se déclinant toutefois davantage sur le mode d’un abandon
ou d’une abdication volontaire. D’ailleurs, il apparaît particulièrement ardu de décrypter
la véritable intention de la personne mise en cause qui passe aux aveux, de déceler
quelle est la part de vérité et de mensonge contenue dans sa déclaration. Or, quelles que
soient les louables intentions, il semblerait qu’en matière pénale la difficulté soit
également redoublée par la nature du modèle français inquisitoire qui tend à orienter
l’enquête vers une version unique des faits (« la vérité ») alors que bon nombre de
déclarations se caractérisent régulièrement par la contradiction apportée sur un fait
ponctuel, rendant ainsi quasi indécidable une seule opinion. Aussi, il apparaît
contradictoire de qualifier d’aveux de simples récits puisque la procédure pénale prévoit
que la condition de validité desdits aveux doive être soumise, in fine, à l’appréciation
des magistrats, ce qui leur confèrera un label éventuel d’authenticité donc de
scientificité. Or, considérer que l’aveu constitue une preuve incontestable de la vérité
judiciaire suppose qu’aucune distinction ne soit établie entre le principe de liberté de la
preuve et celui de la validité de la preuve. Il s’ensuit que le champ de l’aveu en matière
pénale est également celui de l’idéologie, donc du politique, c’est dire celui du conflit
insurmontable entre les tenants de la théorie, dans une perspective nominaliste voire
utopique de la justice, et des réalistes, pour lesquels les grands principes du procès sont,
en définitive, secondaires ; ce qui est, en revanche, déterminant c’est le traitement
accéléré des affaires pénales au nom d’une rentabilité mais au détriment parfois de la
vérité. C’est la raison pour laquelle la question de l’aveu, notamment dans son volet
stratégique, conduit à substituer peu à peu au modèle inquisitoire un système
accusatoire dans lequel la question de la vérité n’est plus le référent principal. A ce titre,

18
INTRODUCTION

la même problématique est à l’œuvre selon que cet aveu est consenti spontanément soit
de façon autonome ou qu’il est la résultante d’un acte d’accusation, c’est dire
hétéronome, car imposé de l’extérieur par la partie poursuivante. Dans les deux cas, il
ne s’agira pas de preuves mais de simples présomptions, et l’acte individuel
d’autoaccusation qui en résultera ne constituera pas une vérité irréfutable sur les faits
reprochés mais le signe d’indices concordants de culpabilité. Car si l’aveu de culpabilité
constituait une preuve absolue de vérité, on ne s’accorderait pas alors sur la persistance
d’erreurs judiciaires (affaires d’OUTREAU ou DILS, par exemple), en dépit des efforts
déployés par l’appareil judiciaire pour désocculter la part d’ombre et de lumière
comprise en chaque déclaration. Ainsi, la question n’est pas tranchée de savoir ce qui se
joue ou se noue, du côté de la personne poursuivie, dans la révélation de faits, que ce
procédé d’autoaccusation soit obtenu spontanément ou recueilli lors d’une mesure par
exemple de garde à vue ; qu’il soit véritablement et simplement le reflet de la vérité ou
la conséquence d’une tactique du mis en cause pour en finir rapidement. Car l’aveu de
culpabilité reste un récit qu’il conviendra d’authentifier afin de pouvoir lui conférer,
a posteriori, une valeur probante en cours d’instance puis, le cas échéant, lors du procès.
En effet, il apparaît difficile de faire le départ entre ce qui relève de la subjectivité de
l’auteur de l’aveu et ce qui participe du domaine objectif, c’est dire d’éléments matériels
suffisamment fiables. L’acte d’accusation ou la mise en examen d’un prévenu doit donc
reposer sur des fondements factuels car il pas possible en théorie d’engager des
poursuites pénales à l’encontre d’une personne de façon arbitraire. Car la rationalité
judiciaire qui permet d’attester de la présence d’indices graves et concordants laissant
présumer la culpabilité d’une personne n’est pas constitutive en soi d’une vérité
judiciaire. Aussi, le risque existe, du côté de l’appareil judiciaire, que l’aveu de
culpabilité en vienne à suggérer l’implication évidente voire définitive d’une personne
poursuivie pour des faits répréhensibles en induisant, en conséquence, dès le début du
procès, une caractérisation morale du prévenu ou de l’accusé, c’est à dire qu’un premier
jugement moral vienne précéder la condamnation judiciaire. Autrement dit, que l’aveu
permette une imputation sur le plan de la morale qui préexiste à l’infliction de la
sanction. Ce qui conduira également certains magistrats à se déculpabiliser d’une
condamnation trop sévère au nom de la culpabilité reconnue par l’accusé. L’aveu figure,
dans cette perspective, comme une légitimation a priori de la sanction pénale à
intervenir, fût-elle particulièrement lourde. Le spectre de l’erreur judiciaire pesant sur
les épaules des juges se trouvant ainsi provisoirement écarté (« il a avoué ! »), donc la
bonne conscience de l’institution sauvegardée. Dès lors, l’autoaccusation renvoie à un
mode paradoxal de production du sens car un individu se définit davantage par la

19
INTRODUCTION

somme de ses secrets ou de ses non-dits que par ses déclarations voire ses actes, car la
vérité qui existe toujours nécessairement, est intérieure, ce qui permet d’ailleurs dans
d’autres espaces (politique ou privé), qu’elle soit souvent dissimulée ; enfin, la validité
de l’aveu est étroitement liée à la légitimité qui est, a priori, reconnue à l’institution
judiciaire, car si l’on ne reconnaît pas au juge la faculté de dire le vrai il n’est alors nul
besoin d’y révéler la vérité. En même temps, l’aveu tend aujourd’hui à se banaliser.

12- Modernité et banalisation de l’aveu. L’aveu en matière pénale est le reflet de


l’évolution de nos sociétés modernes. Si l’aveu devait être recherché hier à tout prix et
constituait un impératif absolu même si la révélation des faits pouvait n’avoir qu’un
rapport lointain avec la vérité, il s’est aujourd’hui banalisé33comme d’ailleurs la mesure
qui le rendait possible habituellement, la garde à vue. En effet, ce qui prévalait
antérieurement, sous le règne de l’aveu traditionnel comme reine des preuves, c’était
une forme d’exigence éthique qui faisait de la vérité la norme. Cette conception de
l’aveu traditionnel était également celle d’une société fondée sur la confiance, c'est-à-
dire celle où précisément une vérité pouvait se manifester plus aisément car elle en
constituait une valeur structurante. Il semblerait que cette société de confiance ait laissé
place à une société de défiance dans laquelle le critère n’est plus la vérité, mais
davantage l’efficacité ou la célérité des procédures. Les critères de valeur de nos
sociétés modernes ont changé, ils ont perdu leur exigence éthique au profit d’autres
valeurs censées être plus utiles, immédiates voire efficaces. L’aveu s’est donc banalisé,

33
Anne LEBORGNE, « L’aveu », in Dictionnaire de la justice, op.cit. p.105. Il est assez étonnant de
constater qu’il faille attendre l’année 2004, à la faveur de l’émergence d’une procédure de « plaider
coupable à la française », pour qu’un article soit consacré à l’ « aveu » en matière pénale. En effet, de
façon étonnante, aucun article n’est consacré à l’ « aveu » dans le Dictionnaire de culture juridique paru
en 2003 aux éditions des Presses universitaires de France sous la direction des professeurs
Denis ALLAND et Stéphane RIALS. De la même manière que, de façon surprenante, un sort assez
modeste lui est réservé dans la volumineuse Encyclopédie de théorie et de sociologie du droit (André-
Jean ARNAUD (dir.), 2è édition, LGDJ, Paris, 1993) et l’aveu est rapidement évoqué dans le
Dictionnaire des Droits Fondamentaux paru sous la direction des professeurs
Dominique CHAGNOLLAUD et Guillaume DRAGO (Dalloz, Paris, 2006). Et lorsque la question est
abordée, il ne lui est consacré qu’une page et demi sur les 1333 pages comprenant le Dictionnaire de la
Justice (dir. Loïc CADIET, 1ère édition, PUF, Paris, 2004), soit aux pages 103 à105. Enfin, le
Dictionnaire des sciences criminelles paru en 2004 sous la direction de M.M. Gérard LOPEZ et Stamatios
TZITZIS (D., Paris, 2004) n’y consacre qu’une page et demi mais dont la moitié du texte concerne l’aveu
en matière civile et non spécifiquement en matière répressive. Preuve supplémentaire, si besoin était, de
la gêne éprouvée par les professionnels du droit, fussent-ils magistrats ou professeurs de droit, à évoquer
de manière exhaustive une question qui pourtant est au centre du procès pénal puisque celui-ci, en théorie,
dans un système inquisitoire, a pour objectif principal la recherche de la manifestation de la vérité. En
fait, tout se passe comme si les aveux ne constituaient pas une preuve pour l’argumentaire pénal alors
même que paradoxalement les professionnels du droit insistent sur l’importance qu’il revêt lors de la
phase d’enquête.

20
INTRODUCTION

il ne constitue plus un absolu mais un souci parmi d’autres des enquêteurs chargés de le
recueillir, et ce dans un contexte de fonctionnarisation accrue de la profession de
policier liée à la mise en œuvre de la réduction du temps de travail à 35 heures et
d’accroissement considérable des mesures de garde à vue34. Il s’agit par conséquent
d’un mode de preuve désormais secondaire car les avocats, en outre, déposent parfois
des plaintes à l’encontre des enquêteurs se rendant coupables de violences exercées au
cours de cette mesure dans le but d’extorquer des aveux, ce qui tend à rendre plus
humain cet interrogatoire. D’une certaine manière, l’aveu en matière pénale s’est laïcisé,
il n’existe plus de métaphysique de l’aveu ou de religion de l’aveu faisant de la
reconnaissance des faits le cadre particulier de la mesure de garde à vue. L’exigence de
l’aveu constitue une exigence moins impérieuse à la faveur du développement, voulu
par le législateur, d’un réel droit au silence.

13- Aveu et pari sur l’humanité de l’institution. Le processus d’aveu renvoie à un


pari, celui, in fine, d’une justice rendue par des hommes avant d’être celle d’une
institution composée de magistrats, ce qui signifie qu’il effectue un pari reposant sur
une intelligibilité des rapports sociaux. En l’absence de cet espoir d’une humanité de
l’institution il n’y a pas, en définitive, de justice possible, ce qui pose, in fine, la
question, au travers de l’aveu, des conditions de pérennité du système judiciaire donc de
son auto-légitimation. Car un processus d’auto-légitimation se justifie par la menace
réelle ou illusoire perçue par une institution sur son propre devenir.

Or, dans la démarche de l’auteur de l’aveu, l’institution judiciaire recherche moins la


culpabilité de celui ou celle qui comparaît devant elle mais davantage, d’une manière
consciente ou pas, son autojustification comme institution définitive et immuable. Il
s’ensuit qu’elle veut déceler non pas le coupable derrière chaque homme mais éprouver
sa propre éternité, celle d’un Dieu car lui seul symboliquement ne meurt pas. Contre
toute attente, l’aveu rend donc possible les conditions d’un réel débat entre l’appareil
judiciaire et le justiciable, non seulement dans l’intérêt de la personne mise en cause
mais également et peut-être surtout pour sauvegarder une justice réellement humaine et
démocratique. Un débat doit ainsi être instauré par l’institution non pas uniquement
avec l’Autre mais également de manière tautologique avec elle-même. C’est en ce sens
que l’aveu peut susciter également, de la seule autorité judiciaire, le pardon à l’accusé
34
Près de 796.000 pour l’année 2009, in Rapport de l'Institut national des hautes études de la sécurité et
de la justice (INHESJ) du 23 juillet 2009.

21
INTRODUCTION

mais un pardon qui devra être appréhendé au sens où l’entend le philosophe Jacques
DERRIDA, c’est dire celui d’un « pardon pur » 35. Car si la réception de l’aveu en
matière pénale peut parfois apparaître comme contraire à l’Etat de droit et à la
hiérarchie des normes, ce qui pose la question de sa légalité au-delà de sa légitimité, il
participe également et paradoxalement de la fondation de l’appareil judiciaire. Non
seulement, il existe une vitalité de l’aveu dans la mesure où ce moyen de preuve
constitue un préalable à l’élaboration d’un travail juridique savant en orientant la
décision du magistrat mais également il permet à la justice de se pérenniser en tant
qu’institution humaine primordiale de la société. D’autant que, du côté de l’accusé, il
apparaît difficile, en dépit du droit au silence dont il peut se prévaloir, de ne pas avouer
son infraction lorsque, sur un plan techno-scientifique, les preuves semblent l’accabler.
A ce titre, les procédés scientifiques36 modifient la recherche de la vérité dans le procès
pénal37. L’aveu est par conséquent concurrencé par les preuves scientifiques et
médicales. Cette évolution consolide la thèse de l’accusation car, ce que le juge et
l'enquêteur ont toujours recherché dans l'aveu, c'est une certitude quant à la culpabilité ;
qu’ils trouvent cette preuve suprême dans l'accusé, de manière autonome ou spontanée
ou de façon provoquée ou hétéronome, c’est-à-dire « en-dehors de lui », davantage à la
suite d’un processus, parfois long et fastidieux non seulement pour la personne gardée à
vue mais également pour les officiers de police judiciaire et magistrats chargés de
procéder aux interrogatoires. En outre, la démultiplication des preuves scientifiques
vient aujourd’hui creuser davantage, en dépit des textes constitutionnels et traités
internationaux protecteurs, le déséquilibre entre défense et accusation, qu’il s’agisse des
écoutes téléphoniques, des enregistrements sonores ou vidéos, des empreintes
génétiques ainsi que des analyses sanguines.

C’est d’ailleurs ce contexte de déséquilibre qui explique en partie le développement


d’une contractualisation croissante de la justice pénale.

En effet, l’aveu constitue progressivement le socle des modes alternatifs de


règlement du contentieux répressif face à des procédés scientifiques qui conduisent le
prévenu ou l’accusé davantage à se défendre en marchandant sa peine qu’à se prévaloir
35
Jacques DERRIDA, « Le siècle et le pardon », Entretien publié dans Le Monde des débats, déc. 1999.
36
Shirley HENNEQUIN : « La preuve numérique dans le procès pénal » sous la direction de Muriel
GIACOPELLI. Thèse soutenue le 12 décembre 2011, Université Paul Cézanne Aix-Marseille.
37
Olivier PASCAL et Alexandra SCHLENK, « L'empreinte génétique: le spectre de la preuve absolue »,
AJ pénal 2004. p. 24 et Jean-Claude GALLOUX, « Les empreintes génétiques: la preuve parfaite ? »,
JCP 1991, I, p. 3497.

22
INTRODUCTION

de principes abstraits. Pourtant, rien ne vient assurer à la personne mise en cause la


certitude d’une clémence ou que de sa contrition il obtiendra attrition, c’est dire
également une forme de réparation en contrepartie de l’abandon de ses droits. Même si,
en pratique, notamment en CRPC, un dialogue vient s’instaurer entre parquet et avocat
en raison de la personnalité du prévenu ou des circonstances de l’infraction. En effet, si
la décision finale appartient dans la plupart des cas à un magistrat du siège, le plaider
coupable institué par la loi PERBEN II tend à inaugurer un autre type de rapports entre
la défense et l’accusation. La discussion qui vient s’établir dans le cadre de ce mode de
poursuite entre la défense et le représentant du ministère public permet à la personne
poursuivie d’obtenir une peine allégée car négociée. Un débat, sinon un rapprochement,
naît donc à la faveur de l’émergence de cette nouvelle voie procédurale qui, en
s’inspirant notamment du plea bargaining, risque, contre toute attente, d’être plébiscitée
par les prévenus qui préfèreront plaider coupable en renonçant volontairement à leur
innocence présumée, plutôt que d’encourir le risque, d’abord, d’une détention
provisoire, fût-elle de courte durée s’agissant de la CRPC ; ensuite, du caractère
toujours incertain d’une audience correctionnelle classique. Dès lors, la contrepartie
escomptée par le prévenu d’une abdication volontaire serait constituée par la quasi-
certitude d’obtenir une peine allégée. Bien souvent, la personne poursuivie privilégie la
sérénité à la vérité, c’est dire souhaite être rapidement fixée sur son sort même si cela
doit se faire au détriment du droit constitutionnellement protégé de présomption
d’innocence qui apparaît, en pareilles circonstances, pour le prévenu comme un droit
inutile. Il s’agit ainsi pour le prévenu de substituer à un droit abstrait une peine concrète
et immédiate afin de pouvoir, sur un plan psychologique, oublier cette expérience
souvent traumatisante pour des personnes généralement peu habituées aux prétoires.

Dès lors, le plaider coupable conduit l’avocat à un exercice auquel sa profession ne


l’invitait pas car il n’y est pas formé, à savoir la maîtrise du contrôle a priori de la
sanction afin d’apprécier, en définitive, si oui ou non elle est juste pour son client.
Le plaider coupable vient par conséquent instituer une ébauche de contrôle a priori
d’opportunité d’une mesure proposée par une autorité de poursuite agissant ainsi, in
fine, comme un filtre entre le parquet et le juge homologateur. Un contrôle qui
s’exercera davantage a posteriori lors de la phase de l’audience pénale lorsqu’il s’agira
de savoir si, à la suite du refus d’homologation, il convient d’interjeter appel, même si
en pratique cette voie de recours est rarement exercée. Autrement dit, la tactique de
l’avocat, son sens éventuel de l’anticipation pour ce qui est de la prévisibilité de la
peine, donc du risque attaché au conseil prodigué à son client, deviendra déterminante

23
INTRODUCTION

pour rendre son intervention efficace. Ce qui tend, au surplus, à rapprocher l’avocat
exerçant sa profession dans un système de droit de nature inquisitoire de son homologue
l’exerçant dans un procès de Common law notamment quant à la nature de son
intervention. Si l’assistance du prévenu par son conseil consiste davantage à le
conseiller sur l’opportunité ou non de faire droit à la demande du parquet dans la mise
en œuvre du plaider coupable, l’intervention de l’avocat risque d’être le simple reflet
d’une stratégie préalable mise en œuvre en relation avec la personne mise en cause dans
la perspective d’une peine allégée. Une peine ainsi négociée davantage avec la personne
poursuivie qu’avec le parquet dont les textes prévoient que toute discussion sur la peine
est exclue, même si, en pratique, le dialogue pouvant se nouer entre l’avocat et le
procureur de la République diffère en fonction des juridictions. Ces modalités
d’intervention tendent en outre à rapprocher le modèle inquisitoire français d’un modèle
plus accusatoire où la défense pourra disposer, à l’instar du système prévalant dans le
procès de Common law, de davantage de pouvoirs pour exercer sa mission face à un
parquet qui soutiendra l’accusation.

A l’échelon européen, on assiste d’ailleurs aujourd’hui à un rapprochement entre


système accusatoire et modèle inquisitoire à telle enseigne que la recherche de la vérité,
objectif principal du procès pénal dans le droit d’inspiration romano-germanique, risque
d’être reléguée au second plan au nom d’un traitement accéléré des affaires pénales,
c’est à dire d’une célérité accrue. Cette évolution transparaît, par exemple, au travers
notamment de la réglementation de la preuve en matière de procédure pénale. A ce titre,
la manifestation de la vérité ne justifie pas dans le modèle inquisitoire français le
recours à tout moyen de preuves, celles-ci se voyant cantonnées par les principes
directeurs du procès, notamment celui de présomption d’innocence. Aussi, la recherche
de la preuve pénale peut bénéficier aux parties privées, à telle enseigne que l’on évoque
aujourd’hui une privatisation de la recherche de preuve. Par exemple, en France, seules
3 % des affaires pénales font l’objet d’une information judiciaire ouverte par un
magistrat instructeur38. Le juge pénal se doit donc d’enquêter et instruire à charge et à
décharge en rassemblant les preuves sous le contrôle de la chambre de l’instruction près
la Cour d’appel dans le ressort de laquelle le juge d’instruction est chargé du dossier.

38
Jean DANET, « Bref commentaire de l'annuaire statistique 2009-2010 en matière pénale », Source : AJ
Pénal 2011 p. 122. Selon cet auteur, les instructions continuent de régresser en chiffres relatifs et absolus
depuis cinq ans (23 409 en 2008). Elles ne représentent plus que 3,5 % des affaires poursuivies et 1,8 %
des affaires donnant lieu à une réponse pénale.

24
INTRODUCTION

Corrélativement, les parties disposent de pouvoirs peu étendus, même s’ils ont été
accrus, ce qui conduit à une asymétrie procédurale d’autant plus importante qu’un
nombre peu élevé de décisions de ce magistrat frappées d’appel se voient infirmées par
la chambre de l’instruction. En outre, la plupart des autres affaires qui ne relèvent pas
du filtre de l’instruction conduisent à superposer des enquêtes où la police et le parquet
assument seuls le respect du principe de présomption d’innocence. Ce qui tend à
rapprocher le système inquisitoire français d’un modèle accusatoire ou, comme au
Royaume Uni, le parquet n’a pas la direction de la police judiciaire, celle-ci disposant
d’une forte autonomie. C’est dire aussi que dans la Common law, les tribunaux
s’intéressent peu aux moyens employés pour rapporter la preuve des faits allégués, la
seule limite imposée à la police consistant à ne pas pénétrer dans l’enceinte du tribunal,
celle-ci étant réservée à l’avocat. A l’instar de son homologue anglais, la mission du
Conseil en France conduit ainsi, sinon à négocier, du moins à se rapprocher davantage
des autorités de poursuite, donc de réfléchir davantage aux modalités d’une peine
allégée que d’assurer, par la plaidoirie, une défense pénale dans le seul but de rapporter
éventuellement l’innocence de la personne mise en cause. L’avocat risque également de
voir son rôle cantonné à la recherche d’un compromis avec l’accusation tout en assurant
la défense de son client.

Dès lors, au nom de la célérité recherchée de la justice répressive donc d’un objectif
d’efficacité, l’avocat risque de voir son rôle bouleversé, celui-ci intégrant davantage une
stratégie dans le cadre de l’assistance de la personne poursuivie. L’intervention du
défenseur ne reflétant plus que la stratégie mise en œuvre par le prévenu voire celle de
l’avocat avec l’accusation. En France, cette métamorphose du rôle assigné à l’avocat va
permettre de rapprocher le système pénal continental du modèle accusatoire anglo-
américain car il est possible que les mutations induites viennent renforcer le primat de
l’initiative individuelle dans l’administration de la preuve. L’efficacité du système
dépendra cependant étroitement de la place qui sera conférée aux parties, donc de savoir
si ces dernières disposent de ressources équivalentes. En effet, afin de pallier les risques
inévitables d’un décalage important entre les pouvoirs impartis au ministère public et
ceux dévolus à la défense, le parquet en France devra, à l’instar de son homologue
italien, couper le cordon ombilical qui le relie au Garde des Sceaux afin de se doter d’un
réel statut d’autonomie. Dans le processus d’aveu, ce qui apparaît subjectivement
comme équitable et bon pour la personne poursuivie se substitue à ce qui pourrait être
considéré comme juste par une juridiction au cours d’une audience classique. En outre,
dans son cheminement vers la décision, le juge ne peut faire l’économie du doute, la

25
INTRODUCTION

justice pénale constituant un subtil compromis entre l’intime conviction du magistrat et


le doute qui doit nécessairement présider à son jugement. Il s’infère de ce doute
méthodique que même l’aveu, comme tout élément de preuve, doit être laissé à
l’appréciation des magistrats, fussent-ils du siège ou représentants du parquet. De sorte
que si le principe de présomption d’innocence suppose que le doute doive profiter à
l’accusé, la question n’est pas tranchée de savoir quelle est la nature de ce doute, s’il
revêt le caractère d’une simple hypothèse vraisemblable ou celui d’une intime
conviction. Si la mise en œuvre de la procédure de CRPC apparaît donc originale dans
le lien qu’elle entretient avec la présomption d’innocence c’est peut-être aussi parce
qu’elle inaugure en marge des modèles inquisitoire et accusatoire traditionnels un
système intermédiaire pour lequel, d’une part, la vérité ne serait pas l’objectif principal
du procès (modèle inquisitoire) et d’autre part, la justice pas davantage le principal
référent (modèle accusatoire). Dans la mesure où l’option procédurale de plaider
coupable conduit à privilégier l’accord plutôt qu’un affrontement classique entre
l’avocat et le parquet lors d’une audience correctionnelle, la voie procédurale ainsi
initiée tend à véhiculer des valeurs reposant non plus sur une quête de justice et de
vérité considérée comme bien souvent illusoire mais offre la faculté, pour le prévenu, en
relation avec son avocat, de réfléchir à ce qui peut être équitable et bon pour la défense
de ses intérêts (ex aequo et bono).

En définitive, ce qui pourrait apparaître comme juste à l’issue d’une procédure qui,
éventuellement, viendrait établir l’innocence d’un justiciable cède la place à ce qui est
considéré subjectivement comme bon pour le prévenu au risque d’une méconnaissance
de la portée réelle des droits dont il peut bénéficier mais avec l’avantage de pouvoir être
associé à la peine infligée. La voie procédurale de CRPC offre ainsi la possibilité pour
un prévenu de renoncer au bénéfice d’un droit en contrepartie de la quasi certitude de
l’obtention d’une peine allégée. En même temps, le dispositif n’est pas le signe d’un
déséquilibre inquiétant entre défense et accusation mais peut s’interpréter davantage
comme la marque paradoxale d’une liberté accrue conférée à la personne poursuivie. Ce
renoncement au bénéfice d’une innocence présumée souvent jugée plus théorique que
réelle, fût-elle constitutionnellement protégée, ne conduit pas en réalité à priver le
prévenu de tous moyens de défense, mais rend possible un autre type de rapport à
l’institution judiciaire fondé moins sur une quête parfois illusoire de vérité que sur la
recherche d’un résultat. Ce sont désormais moins les garanties apportées au respect de
grands principes du procès pénal considérées comme « théoriques » que la recherche
plus pragmatique d’une solution équitable qui apparaît essentielle. Si cette

26
INTRODUCTION

autolimitation volontaire au bénéfice de droits peut susciter un sentiment


de « frustration relative » pour la personne poursuivie, elle n’en constitue pas moins une
« préférence adaptative »39 selon l’expression de John ELSTER. C’est à dire la
meilleure solution par rapport à des satisfactions considérées comme impossibles, en
l’espèce rapporter la preuve de son innocence dans une procédure dont l’efficacité
recherchée repose précisément sur un aveu de culpabilité. Mais si le procès pénal a
besoin de célérité, la justice doit disposer, à l’inverse, de temps pour la réflexion. La
durée des instructions dans certaines affaires pénales constituant un élément
d’appréciation de cette sérénité compte tenu de la nécessité d’ordonner des expertises
venant parfois rapporter la preuve scientifique des faits allégués. Or, les procédures
accélérées privilégient le circuit court en inaugurant ainsi un nouveau rapport à la
temporalité judiciaire, accordant une préférence pour l’immédiateté au détriment du
futur. Cette nouvelle relation à la temporalité qui justifie la recherche de la négociation
plutôt que l’incertitude d’une audience correctionnelle classique est, du reste, cohérente
avec la philosophie libérale, celle notamment du contractualisme hobbésien ou de la
morale de Jérémy BENTHAM fondée sur ce que la sociologie criminelle nomme
l’utilitarisme pénal. La question, en revanche, n’est pas tranchée de savoir quelle valeur
attribuer à une procédure qui fonde son efficacité, donc sa vérité, sur un refus du temps,
et ce paradoxalement au nom d’une liberté accrue. L’aveu pénal renvoie donc, au regard
de l’histoire des idées, à une morale utilitariste d’essence libérale reposant sur une
rationalité limitée du prévenu et la recherche d’une satisfaction immédiate même si cette
satisfaction vient instaurer une inégalité entre les parties. Ce qui pose non seulement la
question du rapport entre justice et vérité mais également renvoie au conflit de valeurs
entre les tenants de l’égalité et ceux de la liberté, entre les partisans du modèle
inquisitoire et les thuriféraires du modèle anglo-américain qui repose, en définitive,
sur la primauté de l’initiative individuelle. C’est dire à quel point le débat entre
partisans et opposants du processus d’aveu en matière pénale fait écho à d’autres
fractures plus anciennes de nature idéologique, donc politiques.

14- L’aveu dans sa relation problématique avec la vérité judiciaire. Si le but de


l’aveu en matière pénale est, dans une première analyse, la recherche de la vérité, force
est d’admettre que ce moyen de preuve entretient un rapport problématique avec la
vérité judiciaire qui se définit comme la vérité de la chose jugée. Par définition, au
moment de la réception de l’aveu, aucune décision judiciaire n’étant intervenue, cet

39
John ELSTER, « Les Raisins verts », Bulletin du MAUSS, n°6, 1983.

27
INTRODUCTION

aveu s’inscrit en marge de la question d’une vérité articulée à la chose définitivement


jugée par une juridiction donc irrévocable. L’aveu en matière pénale n’a donc pas, dans
une approche plus élaborée, et paradoxalement, de rapport direct avec la vérité
judiciaire mais davantage avec le probable ou le vraisemblable même si par ailleurs le
législateur est intervenu pour en préciser la force probante, c’est-à-dire ses conditions de
validité. C’est la raison pour laquelle l’aveu constitue un mode de preuve ambivalent car
dissocié de la vérité judiciaire. Aussi, les reproches formulés à l’encontre des différentes
pratiques illustrant l’obtention de l’aveu permettent d’envisager une approche de celui-
ci sous la forme d’un réquisitoire (PREMIERE PARTIE).

Aussi, il convient d’examiner aujourd’hui la place de l’aveu dans le règlement du


contentieux pénal, c’est-à-dire la modernité de l’aveu. Autrement dit, l’histoire de notre
droit pénal semble être passée de l’aveu comme mode de rédemption des pêchés à
l’aveu comme mode de gestion des flux pénaux. Dans cette perspective, non seulement
l’aveu devient de plus en plus consensuellement accepté par le mis en cause mais,
contre toute attente, presque plébiscité par les personnes soupçonnées. A la violence de
l’ancien aveu comme reine des preuves qui prévalait antérieurement, succède une
nouvelle ère de l’aveu fondée non plus sur une coercition systématique mais sur
l’abdication volontaire. Ce qui témoigne non seulement d’une évolution de nos
mentalités, plus libérales et individualistes, mais également de la vitalité du concept car
cette mutation vient également bouleverser le système judiciaire français, en mettant en
exergue un mode de gestion du contentieux pénal qui, en définitive, paraît satisfaire
majoritairement les divers acteurs au procès pénal. Dans ces conditions, l’aveu peut
s’appréhender sous l’angle d’un plaidoyer (SECONDE PARTIE). Nous sommes en
effet passés d’un aveu sous influence, ce mode de preuve prévalant jusqu’à la réforme
susdite de la garde à vue du 14 avril 2011, à un aveu en discussion, dans lequel il est
davantage suggéré qu’imposé, cette évolution correspondant à une société caractérisée
par le rejet progressif du conflit.

Par ailleurs, si l’aveu en matière pénale peut conduire à une discussion reposant sur une
reconnaissance préalable des faits, les déclarations d’un suspect dans le cadre d’une
garde à vue peuvent également faire aujourd’hui l’objet d’un dialogue, fût-il bref, entre
l’enquêteur et l’avocat. En effet, comme conséquence du développement d’un droit au
silence, il est de plus en plus fréquent que la menace d’une requête en nullité contre un
acte de procédure au cours d’une garde à vue conduise les officiers de police judiciaire à
davantage de modération dans les questions posées aux intéressés. Cette récente

28
INTRODUCTION

transformation de la relation entre enquêteurs et avocats était toutefois difficilement


concevable avant la réforme susdite de la garde à vue. Ce qui signifie que l’aveu sur
déclaration, en contrepartie de la renonciation par l’avocat à un droit de la défense
comme la possibilité de soulever une nullité, pourra conduire les enquêteurs à rédiger
un rapport de synthèse plus favorable aux intérêts du suspect. Cette mutation induite
par la réforme tend ainsi à rapprocher progressivement tous les acteurs au procès.

29
PREMIERE PARTIE – REQUISITOIRE : L’AVEU SOUS INFLUENCE, UN MODE DE PREUVE DISSOCIE DE
LA VERITE JUDICIAIRE

PREMIERE PARTIE : REQUISITOIRE : L’AVEU SOUS INFLUENCE,


UN MODE DE PREUVE DISSOCIE DE LA VERITE JUDICIAIRE

15- Un obstacle judiciaire. L’articulation entre l’aveu consenti par une personne
mise en cause et la vérité judiciaire qui en résultera pose une difficulté d’ordre juridique
car le processus de reconnaissance de culpabilité ne constitue pas en soi une preuve
irréfutable de culpabilité. Au-delà des déclarations effectuées par les accusés, persistent
les erreurs judiciaires, ce qui témoigne, si besoin était, du décalage possible entre les
aveux passés et la réalité des faits. Il s’agit, par conséquent, pour la personne poursuivie
de renoncer volontairement aux droits et libertés qui lui sont garantis. Comment
apréhender ainsi l’impératif de loyauté devant présider dans tout procès pénal alors
même que, par définition, la vérité judiciaire est protéiforme. En effet, cette dimension
morale attachée à la loyauté dans son lien avec l’aveu, pose un problème
épistémologique qui excède la simple matière pénale car il relève davantage de la
philosophie du droit. Si le paradigme de la vérité scientifique a substantiellement évolué
au cours du XXe siècle, notamment avec l’essor de la philosophie des sciences, laissant
une place plus importante au concept d’incertitude lié à la complexité du réel, c’est
toujours le modèle positiviste d’une vérité scientifique dogmatiquement représentée qui
est à l’œuvre dans la conscience moyenne du justiciable et du juge. C’est donc par
rapport à ce modèle qu’il faut appréhender la figure de la science dans l’élaboration de
l’acte juridictionnel. Ce qui influence le jugement, plus que les certitudes dogmatiques
délivrées par la science, c’est la conviction forgée par le juge que l’énoncé scientifique
peut être considéré comme suffisamment valable pour avoir été discuté au sein de la
communauté scientifique. La vérité scientifique est elle-même une construction, et non
un donné révélé, ce qui la rapproche pour partie de la vérité judiciaire. D’ailleurs, on
pourrait avancer que le pouvoir de conviction de la science est d’autant plus fort que la
science elle-même se « procéduralise », au sens où l’entendent Theodor ADORNO et
Max HORKHEIMER40. Dans le domaine pratique, la raison ne peut évoquer que des
moyens. A propos des fins, elle doit se taire. A ce propos, Jürgen HABERMAS
souligne que les assertions sont des énonciations circonstancielles, épisodiques, tandis

40
Max HORKHEIMER, Eclipse de la raison, trad. J. DEBONZY. Paris. Payot. 1974. p. 182. Voir
Chap.I : "Moyens et fins". Theodor ADORNO et Max HORKHEIMER. La Dialectique de la
Raison.p.193. Voir aussi Theodor ADORNO, La Dialectique négative, Paris. Payot. 1992.

30
PREMIERE PARTIE – REQUISITOIRE : L’AVEU SOUS INFLUENCE, UN MODE DE PREUVE DISSOCIE DE
LA VERITE JUDICIAIRE

que la vérité a un statut d’invariance41. Aussi, le problème de la vérité est ramené à


l’action et au langage, pour être précis, à la discussion durant laquelle les prétentions
des énoncés à la validité sont problématisées »42. Un énoncé est donc vrai lorsque la
prétention à la validité qu’il exprime est justifiée. Et le lieu d’épreuve de la vérité c’est
l’argumentation, autrement dit, l’ensemble des expériences vécues auxquelles chacun a
le privilège d’accéder de manière crédible. Dans cette perspective, la notion d’aveu est
dissociée de la vérité judiciaire (TITRE PREMIER) non seulement parce que la
relation entre ce mode de preuve et la vérité apparaît peu pertinente sur un plan
scientifique mais, de surcroît, parce que l’impératif d’une reconnaissance des faits
repose sur la volonté de l’institution judiciaire de justifier le bien-fondé de ses pratiques,
ce qui pose, in fine, la question de sa loyauté. Les magistrats du parquet ou du siège
doivent, à l’instar des officiers de police judiciaire, se soumettre à un impératif de
loyauté. Ce principe de loyauté ne s’applique plus aujourd’hui à tous les intervenants et
acteurs au procès. Tout d’abord, il ne concerne pas la personne mise en cause qui n’a
pas, en théorie, à faire preuve de loyauté ou d’assistance envers le juge ou l’enquêteur ;
attitude qui serait, à l’évidence, contraire à ses intérêts puisque le CPP permet qu’elle
bénéficie d’un droit au silence ou au mensonge43. Ensuite, ledit principe n’est plus
applicable aux personnes privées, notamment à la partie civile, en quête de preuves par
ses propres moyens. Celle-ci peut tenter d’obtenir un aveu de culpabilité par des moyens
déloyaux, au risque que lesdits moyens puissent également recevoir une qualification
pénale. Aussi, l’aveu en matière pénale repose selon certains professionnels du droit sur
une constitutionnalité douteuse qui vient, en pratique, davantage soumettre l’Etat de
droit au juge qu’elle ne le soumet au droit, et ce au nom d’impératifs (célérité, efficacité,
rationalité) qui se déploient en marge du respect du principe d’innocence présumée. Ce
qui rend nécessaire l’élaboration d’un cadre légal permettant d’encadrer les conditions

41
Jürgen HABERMAS, Le discours philosophique de la modernité. Douze conférences, trad. C.
Bouchindhomme et R. Rochlitz, Paris, Gallimard.1988. Voir aussi du même auteur. " La modernité ; un
projet inachevé". Trad. par G. Raulet, in Critique n°413 (1981), pp.950-967.
42
Jean-Godefroy BIDIMA, De l’Ecole de Francfort à la "Docta Spes africana". Paris, Publications de la
Sorbonne. 1993. p.83.
43
Alain BAUER et Michel GAUDIN, « Livre Blanc sur la sécurité » rendu le 26 octobre 2011 au
ministre de l’Intérieur, in Dépêches JurisClasseur, 3 novembre 2011, p. 957. Dans leur rapport, le
criminologue Alain BAUER et le préfet de police de Paris, Michel GAUDIN, ont formulé des
propositions de réforme de la procédure pénale, au premier rang desquelles il est proposé, pour se
prémunir contre le droit au silence, de créer un délit d'entrave à l'enquête judiciaire en cas d'obstruction
active, et transposer pour les témoins l'obligation de témoigner et l'incrimination de faux témoignage
(sauf auto incrimination). Sources : Livre blanc sur la sécurité publique, 26 oct. 2011 et UJA, 26 oct.
2011, communiqué.

31
PREMIERE PARTIE – REQUISITOIRE : L’AVEU SOUS INFLUENCE, UN MODE DE PREUVE DISSOCIE DE
LA VERITE JUDICIAIRE

de réception de l’aveu. En effet, l’aveu est de plus en plus soumis aux divers contrôles
juridictionnels (TITRE SECOND) lesquels constituent ainsi une garantie contre
l’arbitraire toujours possible dans le cadre de sa réception, qu’il s’agisse des voies de
recours pouvant être exercées dans un cadre interne ou à l’échelon européen. Par
conséquent, si la notion d’aveu ne recoupe pas systématiquement celle de vérité
judiciaire, le recueillement de ce mode de preuve s’exerce toutefois dans le strict respect
des ordres constitutionnel et communautaire.

32
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER – NOTION D’AVEU ET DISSOCIATION DE LA VERITE
JUDICIAIRE

TITRE PREMIER: NOTION D’AVEU ET DISSOCIATION DE LA VERITE


JUDICIAIRE

« Nulle vérité ne saurait se localiser que du champ où cela s’énonce – où cela s’énonce comme cela
peut.
Donc, il est vrai qu’il n’y a pas de vrai sans faux, au moins dans son principe. Ceci est vrai.
Mais qu’il n’y ait pas de faux sans vrai, cela est faux. »

Jacques LACAN, L’Envers de la psychanalyse, 1969-1970, Paris, Seuil, 1991, p. 70.

16- Esquisse de problématique. L’aveu pénal se déploie en marge de la vérité et


d’une pure rationalité. Pour les magistrats, l’aveu remplit une fonction psychologique,
celle de les conforter sur les procédures initiées. En effet, l’institution demeure,
notamment depuis l’affaire d’OUTREAU, vigilante face aux risques toujours possibles
d’erreur judiciaire. Il est toutefois dommage que la justice pénale ait dû attendre
l’affaire précitée pour entamer une réelle réflexion sur la question de l’erreur judiciaire
et ses conséquences souvent dramatiques. Bien que la prise de conscience soit tardive, il
faut toutefois se réjouir que la justice ait engagé, fût-ce théoriquement, un dialogue non
seulement avec les « gens de justice », notamment les avocats mais, tout simplement,
avec la société dans la perspective sinon d’un rapprochement du moins d’une meilleure
appréhension de son action. Si l’aveu pénal est autant recherché à tous les stades de la
chaîne pénale, c’est également parce que ce mode de preuve permet de remédier à une
inquiétude des magistrats, non seulement face aux risques toujours possibles d’erreurs
mais également face aux évolutions de leur métier, à l’heure d’un rapprochement des
systèmes inquisitoire et accusatoire. Or, seul l’aveu, par sa fonction « sécurisante »,
même s’il s’inscrit parfois en marge de la vérité, vient libérer psychologiquement un
juge qui, dans « l’après OUTREAU », reste hanté par le spectre de l’erreur judiciaire.
C’est dire que la confession de la personne mise en cause figure davantage comme un
indice de culpabilité que comme une possible vérité qu’il conviendra nécessairement
d’étayer. Et ce, en raison de l’intime conviction c’est à dire un système faisant découler
la valeur probante d’une preuve de la libre appréciation du juge44.

17- Une justification ambigüe. Dès lors, si la vérité n’est pas paradoxalement
dans un système inquisitoire le fondement du procès pénal, quelle est alors la
justification d’une recherche de l’aveu ? Par ailleurs, pourquoi rechercher l’aveu

44
Cass. crim. 19 mars 1962, Bull. crim. n° 175.

33
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER – NOTION D’AVEU ET DISSOCIATION DE LA VERITE
JUDICIAIRE

puisque la personne soupçonnée est présumée innocente ? Au-delà de la vérité de faits


litigieux qui devront être rapportés par les preuves produites aux débats, pourquoi
rechercher l’aveu puisqu’il existe un a priori fort dans le système inquisitoire, celui de
la culpabilité ab origine du mis en cause ? En réalité, le processus d’auto-condamnation
excède le procès pénal. La reconnaissance de culpabilité par l’accusé doit en effet
produire du sens, mais une signification qui dépasse la simple manifestation d’une
vérité judiciaire. L’aveu permet ainsi une dissociation entre le droit qui sera applicable à
la personne mise en cause et le fait constitué par le récit de l’intéressé. Il s’ensuit que le
fondement de l’aveu demeure incertain (CHAPITRE PREMIER) car, par ses
déclarations, l’auteur en révèle toujours davantage sur les circonstances de l’infraction
que ce que l’accusation pourra en déceler, sur le strict fondement des pièces versées au
dossier. Il s’agit donc, au-delà ou en-deçà du procès pénal, de décrypter le mobile du
passage à l’acte, ce qui est tout autre chose que de rechercher uniquement la culpabilité
d’une personne mise en cause. En effet, la compréhension de l’acte commis et
l’éventuelle réparation que pourra en obtenir la victime n’ont, en pure logique, pas de
rapport direct avec la question de la culpabilité. La démarche d’empathie ou
« compréhensive » interroge surtout, en marge de la déclaration de culpabilité, la
personnalité d’un délinquant donc les ressorts profonds de son passage à l’acte.
Autrement dit, ce que l’intéressé nous apprend non seulement de sa biographie mais
également ce dont il témoigne sur notre propre humanité. En d’autres termes, l’individu
qui comparaît devant une juridiction pénale est à la fois très éloigné de nous par son acte
mais en même temps si proche par son appartenance au genre humain. C’est également
pour cette raison que les manifestations de l’aveu dans l’espace et dans le temps
diffèrent en fonction non seulement de la personnalité du délinquant mais également de
son histoire personnelle, notamment du lien plus ou moins étroit qu’il a nourri avec sa
famille. Aussi, en matière pénale la vérité est évolutive. A ce titre, si le procès pénal est
essentiellement une affaire de preuves lesquelles peuvent être librement établies, en
réalité la recherche absolue de la vérité demeure un vœu pieux non seulement car une
incertitude existe toujours mais également en raison du caractère protéiforme de
l’obtention de l’aveu (CHAPITRE SECOND). C’est sans doute l’un des motifs pour
lesquels, au nom de la vérité judiciaire, il devient de plus en plus tentant de s’affranchir
des règles de la procédure pénale pour la révéler.

34
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

CHAPITRE PREMIER : LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA


RECHERCHE D’AVEUX

18- Remarques liminaires. Recherche de la vérité et souci théorique de


cohérence en droit, en fait et en équité. Il existe chez les divers acteurs du procès
pénal un choc de cultures antagonistes, celle proposée par la défense face à celle
soutenue par l’accusation, lesquelles approches s’affrontent pour faire prévaloir leur
vérité. Dans ce contexte, si l’aveu pénal est souvent recherché par le parquet, lors de la
garde à vue notamment, c’est parce qu’il vient également corroborer une vérité, celle
ordinairement étayée par la hiérarchie du parquet, à telle enseigne que l’accusation ne
sera pas soutenue par un membre du parquet, de manière indépendante et libre, mais par
son représentant, ce qui tend à inféoder la vérité à la version unique d’une partie
publique au procès, le ministère public, et non plus subjectivement, celle d’un homme
au sein d’une hiérarchie. Il ne s’agit toutefois pas de considérer que tous les
représentants du ministère public doivent systématiquement se soumettre à la pensée
unique induite par la dépendance inhérente à leur statut. Mais de reconnaître toutefois
que la posture du magistrat du parquet est intenable s’il cultive le doute. Or, le magistrat
du parquet doit précisément cesser de douter s’il veut requérir car la culture du doute
est, au-delà des textes, antinomique avec celle d’une culture de l’accusation. C’est la
raison pour laquelle, en marge de la vérité, la rhétorique n’est pas absente des
réquisitions du procureur de la République ou de l’avocat général devant la Cour
d’assises. Parfois, en effet, le réquisitoire l’emporte sur la vérité pendant que, du côté de
l’avocat, c’est la plaidoirie qui prévaut sur la quête de vérité ; d’un côté le magistrat du
parquet est limité par son statut pendant que l’avocat pêche par casuistique. Aussi, le
réquisitoire du procureur pointera davantage les failles du dossier pénal que les
éléments pouvant bénéficier aux personnes mises en examen. Mais l’essentiel est
ailleurs. Il s’agit de savoir, en marge de l’aveu recherché, quel est le critère du procès
pénal, puisque la vérité, en définitive, est secondaire. Au-delà de la vérité de
l’accusation, considérée par ses thuriféraires comme absolue et celle de l’avocat,
davantage relative car articulée essentiellement aux pièces versées au sein d’un dossier
pénal, la question se pose de savoir si ce n’est pas tout simplement la stratégie judiciaire
des parties qui constitue le critère essentiel du procès pénal, malgré l’objectif d’une
recherche de l’innocence ou de la culpabilité des personnes mises en cause. Dès lors,
c’est la question des ressorts profonds qui structurent l’institution judiciaire, donc ceux
35
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

de ses réels critères d’appréciation qui est posée car le juge pénal éprouve toujours
autant de difficultés à reconnaître qu’il puisse se tromper en analysant parfois trop
hâtivement un dossier. En effet, à la suite de l’affaire OUTREAU précitée, la difficulté
soulevée est celle de savoir si l’appareil judiciaire n’est, en définitive, qu’une technique
mise au service d’un instrument étatique de maintien de l’ordre, auquel cas les preuves
ne sont plus pertinentes car secondaires ou si l’institution peut effectuer, sans ressentir
une quelconque atteinte excessive à son statut, une autocritique. A ce titre, le décalage
entre la théorie et la pratique pose problème dans le système judiciaire français car il
tend à dissocier la vérité de la justice, la recherche impartiale et rationnelle de la réalité
des faits avec les exigences souvent contradictoires de l’institution. Ainsi, le processus
d’autocondamnation n’est pas nécessairement la marque d’une preuve de culpabilité
absolue mais une des conditions possibles de la vérité judiciaire ; l’aveu permettant
d’asseoir une présomption de culpabilité, non une preuve irréfragable. Par conséquent,
l’aveu n’est pas, de façon irréfutable, la vérité sur la survenance de faits mais
simplement la possibilité du vraisemblable, une hypothèse que seule l’enquête de
flagrance permettra de limiter voire d’annuler. C’est la raison pour laquelle il convient
d’appréhender l’aveu non pas de façon statique, ce qui supposerait a priori comme vraie
toute déclaration librement et spontanément consentie, mais davantage comme un
processus vers une possible vérité. En toutes hypothèses, l’aveu est, dès l’origine, conçu
comme une renonciation, comme une faiblesse, une soumission face à la puissance
accusatrice.

19- La recherche problématique de la vérité. Au-delà de l’approche en droit et


procédure pénale du processus d’autoaccusation, il convient donc de déplacer la
problématique en posant une question de nature épistémologique, celle d’un possible
accès à la vérité, surtout dans un espace spatio-temporel limité, celui s’exerçant dans le
cadre d’une enquête de flagrance ou lorsque les officiers de police judiciaire agissent
pour l’exécution d’une commission rogatoire ou encore imposé par la CEDH soucieuse
de voir les affaires jugées dans un délai raisonnable, et évolutif car soumis à un
processus de variation législatif relativement fréquent. A telle enseigne que la question
récurrente que se posent les magistrats du parquet est de savoir jusqu’à quel point ils
doivent consacrer à la recherche de la vérité ce temps qui leur est compté. Toutefois,
peut-on connaître rationnellement la part de vérité ou de transparence d’une
autoconfession sans un travail nécessaire d’authentification ou d’invalidation conférée,
36
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

a posteriori, par l’histoire donc par l’issue d’un dossier pénal ? Comment, par ailleurs,
construire une véritable relation dialogique entre un magistrat et une personne mise en
cause lorsque, s’agissant notamment de délinquants d’habitude, le parti pris de la
personne poursuivie est le désir de mensonge ou de manipulation ? En outre, dans
l’hypothèse où la vérité ne serait révélée que partiellement, s’agit-il toujours d’un
mensonge ? Peut-on, en dernière instance, fonder une transparence relative du présumé
coupable ?

Aussi, l’aveu pénal entretient avec la vérité judiciaire un rapport qui n’est pas de
nature scientifique, donc peu pertinent (SECTION PREMIERE), si l’on admet qu’il
n’est pas possible, au moment des déclarations d’une personne soupçonnée de connaître
absolument la part de mensonge et de vérité contenue dans ses propos. C’est d’ailleurs
une des raisons pour lesquelles le mensonge d’un client n’a jamais été considéré par un
avocat comme un aveu de culpabilité. En effet, bon nombre d’affaires criminelles
témoignent de condamnations intervenues en marge d’une pure rationalité puisqu’elles
reposent sur l’intime conviction des jurés. De sorte que si du côté de l’institution
judiciaire la question de la justification de l’aveu pénal est posée, c’est sans doute pour
déterminer au travers de vérités protéiformes, celles susceptibles de pouvoir asseoir une
condamnation. En réalité, l’aveu recherché par le ministère public a pour but de
légitimer sa propre accusation lorsque les preuves font défaut (SECTION SECONDE).

SECTION PREMIERE : AVEU ET VERITE JUDICIAIRE : UN LIEN PEU PERTINENT

20- Vérité judiciaire et vérité. Si la vérité judiciaire renvoie à la chose jugée, cette
vérité exprime également une nécessité car il est obligatoire qu’une affaire pénale soit
jugée. Ce n’est pas parce que le magistrat estimera que les faits soumis à son examen
constituent la vérité judiciaire qu’il s’agira de la vérité, car cette vérité judiciaire
s’établira sur le fondement d’un consensus, elle exprimera une nouvelle paix sociale sur
les fondements posés par le juge. Il existe donc également une vérité sociale qui ne
recoupe pas la vérité judiciaire. Une décision d’acquittement prononcée par une cour
d’assises pourra heurter l’opinion si l’accusé a pourtant avoué les faits reprochés ou la
scandaliser si un verdict de culpabilité concerne une personne considérée comme
innocente néanmoins. En réalité, il n’y pas de réel critère d’appréciation, en-dehors du
respect du cadre légal, permettant de déterminer celle de la vérité judiciaire qui en
matière criminelle est l’expression du peuple. Ainsi, si la justice a besoin d’une vérité
37
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

pour se prononcer, elle peut exprimer une vérité qui n’est pas forcément la même au
moment de décider de l’acquittement, par exemple, d’un assassin. Car l’irrationnel,
surtout devant une cour d’assises, occupe une place importante dans un contexte, de
surcroît, où la vérité est évolutive. Un accusé ayant avoué les faits reprochés pourra
bénéficier d’une particulière indulgence des jurés en raison de son profil, de son passé,
du profil également de la victime, de l’actualité, de la composition de la juridiction. En
pratique, la juridiction construira une décision de façon pragmatique, le juge pénal ayant
le souci de lui donner une apparence juridique. Et ce n’est que lorsqu’il constatera que
sa décision initiale heurte trop le droit ou le bon sens qu’il pourra en changer, car le
magistrat devra se réserver une marge de manœuvre. Dans le cadre, par exemple, du
contentieux de la détention, les faits apparaissent hors sujet puisque ce dont il s’agit est
une analyse de l’atteinte ou pas aux garanties de représentation, même si la loi prévoit
toutefois qu’un bref rappel des faits soit effectué, mais pas un examen sur les charges. Il
y aura sans doute, au début de la procédure, des indices, donc une première vérité pré-
judiciaire, c’est-à-dire une vérité apparente ; puis à l’issue de l’ordonnance de mise en
accusation, donc du renvoi de l’accusé devant la cour d’assises, la vérité reposera sur
des charges, et non sur de simples indices ou présomptions, il s’agira alors d’une vérité
structurée et non plus uniquement apparente. La nature de la vérité judiciaire est donc
évolutive. Aussi, la recherche de l’aveu peut également répondre à un souci paradoxal
d’humanité qui s’inscrit en marge de la recherche prioritaire de vérité.

21- La justification de la recherche d’aveux. La réception de l’aveu est également


liée à l’idée souvent partagée par le juge pénal selon laquelle la personne mise en cause,
au-delà de la gravité de son acte, vaut mieux mutatis mutandis que le crime dont il s’est
rendu coupable. D’une manière consciente ou pas, le juge pénal et en amont l’enquêteur
de police, vont rechercher la dimension humaine de l’intéressé. C’est la raison pour
laquelle la personnalité du délinquant, sa biographie, les conditions du passage à l’acte
seront déterminantes pour pouvoir admettre parfois l’existence de circonstances
atténuantes permettant un allègement de peine. En effet, même si les crimes sont parfois
d’une particulière gravité, rares sont les auteurs à comparaître aux assises qui soient, au-
delà de la tactique inhérente à tout discours visant à atténuer leur responsabilité ou
excuser leurs actes, totalement dénués de remords et qui, le plus sincèrement pour la
plupart, ne regrettent pas l’infraction commise. Car le délinquant vaut bien souvent
davantage que l’infraction pour laquelle il est poursuivi. Ainsi, si le crime relie l’accusé

38
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

à la barbarie, l’individu, quel qu’il soit, reste résolument humain. C’est d’ailleurs ce
qu’expliquent généralement les avocats pénalistes et savent habituellement les
présidents de cours d’assises. Mais cette dimension humaine ne sera que difficilement
reconnue par la victime ni réellement prise en considération par le ministère public
même si parfois la virulence du réquisitoire l’emportera sur la simple recherche de la
vérité. Cet élément sera occulté, ce qui est compréhensible, par les familles endeuillées
par le crime. Et c’est sans doute parce que l’enquêteur ou le juge recherchent, au-delà
des faits, les mobiles du crime, qu’ils tenteront, par l’aveu, de séparer partiellement le
crime du criminel en convoquant, malgré tout, sa part d’humanité, fût-elle infime. En
définitive, l’aveu est la réponse du délinquant à une justice qui se doit de rester humaine
car elle est fragile, pour ne pas se condamner, elle aussi, à disparaître définitivement.
L’aveu, en légitimant a posteriori l’institution censée le sanctionner, devient
paradoxalement l’allié objectif du juge, l’intéressé venant ainsi éprouver non seulement
sa propre humanité mais également celle de l’appareil judiciaire. Par l’aveu, l’institution
perd en partie sa dimension métaphysique, religieuse ou immuable en se laïcisant et par
conséquent en s’auto-justifiant comme une institution résolument humaine.

Par conséquent, le processus d’aveu et la révélation de la vérité n’entretiennent pas


de rapport systématique. En réalité, qu’on l’accepte ou qu’on le déplore, il est
communément admis par la majorité des professionnels du droit, qu’il existe une
séparation entre l’aveu et la vérité judiciaire, par conséquent également du côté de
l’institution judiciaire (§ 1), ce qui pose une difficulté qui excède le procès pénal dont
l’objectif n’est pas la vérité en-soi mais une simple vérité découlant de pièces versées à
un dossier pénal. Ce faisant, l’aveu n’est pas réellement apprécié en fonction de sa
relation à la vérité mais au vraisemblable ou probable ; en toute hypothèse, il dépasse le
simple cadre d’une vérité judiciaire. L’acte de confession révèle autre chose que le
simple aveu pénal, d’où une dissociation de l’aveu et de la vérité également du côté de
l’avouant (§ 2), attitude qui, loin de consolider le concept de vérité judiciaire, ne fera
que l’affaiblir.

§ 1 – La dissociation aveu-vérité du côté de l’institution judiciaire

22- L’approche kantienne : l’impossible articulation de l’aveu à la vérité ou la


question des jugements a priori. Selon Emmanuel KANT, le mensonge n’est pas

39
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

concevable car le menteur se trouverait dans l’impossibilité d’élever sa maxime en loi


universelle ; il s’ensuit que, dans cette perspective, le mensonge constitue
paradoxalement une catégorie transcendante fondant l’unique prétention à dire la vérité.
Autrement dit, s’il apparaît difficile de définir la loi morale par sa conformité avec
quelque objet que ce soit, il est nécessaire et suffisant qu’elle se définisse par la
conformité à l’idée même de loi. Et seule la raison peut rendre la volonté salvatrice en
ce qu’elle confère au discours ou à l’action une dynamique l’associant à l’universel. Par
suite, il ne saurait exister, en pure logique, de fausses promesses dans l’acception de
cette loi morale considérée laquelle figure comme un sentiment déterminé a priori. De
sorte que la violence de l’impératif kantien45 est étroitement liée à une confiance
absolue en la théorie rationnelle. Dans la mesure où ce qui est moral est nécessairement
juste, KANT établit donc un lien entre la théorie et la pratique. Ainsi, les hommes
devront honorer un pactum unionis civilis, appréhendé comme une simple idée de la
raison. Il existe donc un a priori, celui d’une objectivité de la raison, car serait à
l’oeuvre une nécessaire bonne volonté des hommes ou une intention pure par principe.
Cette approche exclut par conséquent le mensonge et la stratégie du criminel car
l’auteur de l’aveu, par définition, va établir une analogie, consciemment ou pas, entre
intériorisation de la loi et vérité ; en d’autres termes, entre la norme et le sacré. Il
s’ensuit que, dans cette acception, il ne saurait exister en pure logique d’« hors-la-loi »
(A) car le délinquant a adhéré en manifestant, par cet aveu implicite, son attachement à
la Loi46.

Dans le sillage de KANT, c’est, selon HEGEL, par la visibilité d’un acte dont la
légitimité est extérieure à son auteur que se fonde la communion entre le délinquant et
l’institution. En dernière analyse, tout se règle comme s’il existait un pacte symbolique
entre le juge et l’auteur de l’infraction reposant sur une forme de pré-contrat de nature
théologique fondateur de la norme.

Dans cette perspective, la validité des propos émanera, comme l’indique AUSTIN, «
de ce qu’ils ont été prononcés seulement comme le signe extérieur et visible d’un acte
45
Voir not. Emmanuel KANT, Théorie et pratique, Paris, vrin, 1967, p. 9 à 64.
46
Selon Friedrich Georg Wilhelm HEGEL, « l’affliction qu’on impose au criminel n’est pas seulement
juste en soi ; en tant que juste, elle est aussi l’être en soi de sa volonté existante, dans son acte (…) », in
Des manières de traiter scientifiquement du droit naturel, de sa place dans la philosophie politique et de
son rapport aux sciences positives du droit, éd. et trad. Bernard BOURGEOIS, Paris, Vrin, 1990, p. 100.

40
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

intérieur et spirituel (…). Dès lors, le pas est vite franchi qui mène à croire ou à
supposer, sans s’en rendre compte, que dans bien des cas l’énonciation extérieure est la
description, vraie ou fausse, d’un événement intérieur (…)47.

Du reste, comment fonder en raison ce qui participe d’un inconnu ou d’un


irrationnel ? Peut-on connaître sérieusement la part d’ombre et de lumière comprise
dans tout discours sans un travail d’authentification ou d’invalidation conférée par
l’histoire ? Dans l’hypothèse, par ailleurs, où la levée du secret, du côté du délinquant,
ne s’effectuerait que partiellement s’agirait-il toujours d’un secret ? En fait, et en
l’absence d’une vérité définie comme la correspondance avec les faits, le processus
d’autoaccusation ne pourra reposer que sur l’intuition du juge voire reposer sur une
situation vraisemblable ou probable, c’est dire une opinion s’inscrivant, in fine, à
l’interface entre science et ignorance48. Il s’ensuit que le lien entre l’aveu et la vérité
apparaît, en pure logique, hors sujet (B) car ce qui structure la décision judiciaire n’est
pas une quelconque certitude mais davantage le doute (D) dans un contexte pourtant où
l’erreur demeure un tabou (C). Maître Gilbert COLLARD affirme, à ce sujet : « (…)
une question sur un acte qui résume parfois à lui seul toute la défense de l’inculpé, peut
être tranchée sans motif et sans recours, comme aux plus belles heures de l’Ancien-
Régime par la sentence définitive d’un seul homme. Chaque fois que l’on découvre une
erreur judiciaire, on s’aperçoit que les contrôles n’ont pas fonctionné, que les cours ont
systématiquement confirmé les décisions qui leur étaient dévolues »49.

En réalité, l’intention du discours, fut-elle louable du côté du délinquant, demeure


une simple intention nominaliste où, d’une manière tautologique, les discours ne sont
que des discours, les intentions que des intentions. Aussi, en posant d’emblée le

47
John Langshaw AUSTIN, How to do things with words, traduit sous le titre Quand dire, c’est faire,
Paris, Editions du Seuil, 1970.
48
Pour Alfred TARSKI, il faudrait abandonner toute idée de vérité au profit d’une correspondance des
énoncés avec les faits décrits. S’inscrivant dans un réalisme métaphysique visant à ériger, en l’absence
d’une vérité absolue, un modèle d’appréhension du réel, la définition de TARSKI suppose, in fine, un
relativisme inhérent à la démarche épistémologique, in A. TARSKI, Logique, sémantique,
métamathématique, traduction sous la direction de Gilles GASTON-GRANGER, in GRANGER, Paris,
Armand COLIN, 1972-74, tome 2, p. 265.
49
Gilbert COLLARD, Les états généraux de la justice, Paris, éd. SCALI, 2007, p. 132 s.

41
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

discours en tant qu’action nécessaire et suffisante fondée sur une hypothèse


vraisemblable, la valeur est supposée virtuellement présente dans la relation humaine.

Dès lors, et paradoxalement, le mensonge devient une philosophie de la vérité. Il suit


de là que, dans cette perspective, du côté du criminel, l’aveu ne saurait s’articuler à une
quelconque vérité ou mensonge, car le référent moral est, au sens littéral du terme,
« hors-sujet », c’est dire à aucune détermination de nature axiologique car, l’aveu est
vérité, il constitue, selon la lecture hégélienne, une raison dans l’histoire qui exclut toute
éviction de la rationalité du sujet.

A) Aveu et vérité : il n’existe pas de « hors-la-loi »

23- La brèche ouverte par AUSTIN : les actes de langage « perlocutoires ». En


matière pénale, la révélation (le « dire ») n’est pas associée à la preuve immédiate d’une
culpabilité (« un fait »). En dehors des hypothèses où la personne mise en cause décide
librement de révéler la vérité des faits dont découlera une sanction pénale, force est
d’admettre que l’aveu de culpabilité (« le dire ») est rarement articulé à la preuve
immédiate d’un élément répréhensible (« un faire ») car le délinquant, surtout s’il est un
délinquant d’habitude, aura plutôt tendance à masquer la vérité qu’à la révéler
spontanément aux enquêteurs. Car la bonne foi du prévenu ou son degré de sincérité est
très souvent étroitement lié au respect éprouvé par le délinquant envers l’institution
judiciaire ou ce qui représente le symbole de l’Etat. C’est du respect attaché à ces
insignes que dépendra la capacité plus ou moins marquée chez la personne mise en
cause de dire la vérité, car il n’est possible d’être sincère qu’envers ce qui est
subjectivement considéré par le prévenu comme objectivement digne de respect. C’est
la raison pour laquelle il est souvent possible de mesurer le niveau de sincérité du hors-
la-loi à l’aune du respect que celui-ci éprouve envers l’institution, c’est dire au fait qu’il
n’est pas paradoxalement un réel délinquant lequel, bien souvent, n’avoue pas ou que
partiellement quand il avoue très ponctuellement la vérité. En matière pénale, hormis les
hypothèses où les personnes pénalement poursuivies ne sont pas des délinquants
chevronnés, force est d’admettre que le principe c’est le mensonge et la vérité
l’exception. C’est le niveau plus ou moins élevé d’intériorisation de la règle qui
détermine, en dernière analyse, le seuil de sincérité de l’autoaccusation. Car le hors-la-
loi, témoigne, par son aveu, en même temps, de son attachement paradoxal à la loi.
Aussi, le processus de reconnaissance de culpabilité renvoie à une ontologie juridique,
42
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

en ce qu’elle se définit comme l’essence du droit et de certains concepts comme la


démocratie et l’Etat. Selon HEGEL : « l’affliction qu’on impose au criminel n’est pas
seulement juste en soi (…) ; il faudra dire encore qu’elle est un droit par rapport au
criminel lui-même, qu’elle est déjà impliquée dans sa volonté existante, dans son
acte (…)»50. Tout se joue comme si un pacte symbolique s’instaurait, consciemment ou
pas, entre la personne mise en cause et le juge pénal reposant sur un pré-contrat
invisible de nature sacrée ou théologique fondateur de la norme où la validité des mots
émane, en définitive, comme le souligne AUSTIN, « de ce qu’ils ont été prononcés
seulement comme le signe extérieur et visible d’un acte intérieur et spirituel (…). Que,
dès lors, le pas est vite franchi qui mène à croire ou à supposer, sans s’en rendre
compte, que dans bien des cas, l’énonciation extérieure est la description, vraie ou
fausse, d’un événement intérieur (…)»51. Dans cette perspective, l’avènement (l’aveu)
crée l’événement (la reconnaissance de culpabilité), car l’acte d’autoaccusation est
produit par le fait de parler, d’avouer, in fine, sa culpabilité. Une énonciation est
performative ou un acte perlocutoire selon AUSTIN52 lorsqu’il ne se borne pas à décrire
un fait mais qu’il effectue quelque chose par lui-même. En outre, l’énonciation n'est
performative que si les différents protagonistes respectent certaines conditions de succès
que l’auteur définit comme des "conditions de félicité" : le juge et l’accusé, le locuteur
et son destinataire. Le dire s’articule ainsi à un faire car, en pratique, la valeur probante
de l’autoaccusation ne jouera que si l’aveu concerne un élément matériel de nature à
produire des effets juridiques contre l’intéressé, c’est à dire contre la personne mise en
cause ; en d’autres termes, la présomption découle d’un pari, du côté de l’institution,
celui de considérer que l’intéressé n’effectue pas une déclaration fausse et nuisible. Du
côté de l’accusé, il s’agira, de façon consciente ou pas, de créer envers l’institution
censée le juger, un lien de droit afin d’atténuer la mise à distance mise en œuvre et
voulue entre lui et l’appareil judiciaire ; le mis en cause souhaitera honorer sa dette, se
faire pardonner ou racheter de son pêché ; en toutes hypothèses, le délinquant souhaitera
nouer une relation avec l’institution. Ce désir du censeur renvoie selon
Michel LEGENDRE53 à ce qu'il appelle « la référence absolue », c’est dire aux raisons
pour lesquelles l’individu admet si aisément d’être représenté en perdant le monopole

50
Friedrich HEGEL op. cit. p.100.
51
John Langshaw AUSTIN, Quand dire, c’est faire, Paris, Editions du Seuil, 1970, p. 44.
52
Ibid.
53
Pierre LEGENDRE, L'amour de censeur : Essai sur l'ordre dogmatique (broché), Paris, Seuil, 1974.

43
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

de sa parole et en en limitant sa puissance au profit de celle d’un tiers, le censeur, le


juge. Cette abdication volontaire vient soutenir le désir singulier de chacun. Articulé à la
sphère pénale, l’aveu pourra s’interpréter comme une renonciation volontaire donc une
autoaccusation permettant au magistrat de créer un lien de droit pour s’assurer de la
vérité et donc solliciter légitimement réparation, c’est dire une dette dont est redevable
l’accusé à la société ou à la victime ; ladite réparation instituant ainsi le corps social car,
au travers de son aveu, le prévenu accepte le principe de sa dette en intégrant la figure
du tiers censeur, le juge, la société ou une partie donc tend à restaurer la cohérence du
corps social. Ainsi, le souverain constitue un pouvoir qui fait valoir les règles et les
obligations comme des liens personnels. Dans cette perspective, la rupture constitue une
offense et appelle une vengeance, par le supplice (l’exécution publique) lequel revêt une
fonction juridico-politique car il s’agit d’un cérémonial permettant la refondation du
lien de souveraineté ainsi transgressé. Par suite, l’aveu conduit paradoxalement à
réparer le lien de droit, il crée voire, en matière pénale, institue la relation juridique
entre le maître (le juge) et l’esclave (le justiciable). A ce titre, le terme aveu désignait à
l’époque féodale, l’acte par lequel le serviteur reconnaissait son maître et le maître son
serviteur. Car l’aveu est également inséparable de la réparation du lien du droit qu’il
renferme. Comme si une tendance naturelle conduisait les justiciables, en matière
pénale notamment, à exprimer des aveux qu’une longue tradition autorise à retenir
contre eux à titre de preuves.

24- Aveu et réparation du lien de droit : l’apport de John SEARLE. A la suite


de la grille de lecture élaborée par AUSTIN54, les actes de langage peuvent être classés
en trois catégories. Tout d’abord, les actes locutoires lesquels sont accomplis
indépendamment du sens que le locuteur entend communiquer ; d’autre part, les actes
illocutoires où le mot employé renvoie à la signification de ce qui est effectivement dit ;
enfin les actes perlocutoires lesquels intègrent dans leur énonciation un « faire », donc
qui engagent davantage le locuteur ; les conséquences attachées à ladite révélation.
Elève d’AUSTIN, John SEARLE emploie une autre notion, celle plus complexe,
d’intentionnalité qu’il définit comme une causalité libre de la volonté en tant
qu’événement mental bipolaire55. En effet, est en vigueur un principe

54
Op.cit.
55
John SEARLE, L'intentionnalité, éd. de Minuit, 1985 p. 764.

44
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

d’exprimabilité selon lequel tout ce que l’on veut dire existe dans toute relation
intersubjective ; il s’ensuit, que la notion précitée articule naturellement intention et
contrat ou convention car elle est, par définition, productrice de sens, fût-il caché. Il
s’agit par conséquent toujours pour un locuteur de communiquer un contenu articulé.
Ainsi, il convient de distinguer le marqueur de contenu propositionnel (« j’avouerai les
faits reprochés demain en présence de mon avocat ») du marqueur de force
illocutionnaire: « j’avoue ». En l’espèce, le but illocutionnaire dépend du degré
d’explication de l’acte. Dans le passage à l’acte, l’auteur de l’aveu souhaiterait, au-delà
de ce qu’il concède à un tiers (le juge), réparer le lien de droit, participer à l’application
d’une sanction qui, pourtant, le plus souvent, l’affligera.

B) Aveu et vérité : un rapport hors sujet

25- Philosophie pénale de l’aveu : vérités protéiformes et cultures judiciaires


séparées. L’Etat de droit démocratique dont les procédures sont théoriquement
transparentes ne peut, en réalité, fonctionner que s’il occulte ses réelles pratiques, en
d’autres termes sa communication sociale n’est pas fondée sur l’échange mais sur la
méconnaissance. Le système pénal n'a ainsi de justification et ne repose que sur une
Vérité proclamée. Si l’aveu ne constitue pas, de façon absolue et définitive, une preuve
irréfragable en matière pénale, il existe toutefois une politique de l’aveu. Aussi, la
problématique de l’aveu est celle du lien entre la justice pénale et la vérité, celle de
l’accusation, censée être la dépositaire d’une vérité « absolue » même si ladite vérité
reste éminemment subjective, face à celle proposée par l’avocat, principal défenseur
d’une vérité découlant le plus souvent de pièces versées à un dossier pénal ou « vérité
judiciaire ». Du côté, en effet, du ministère public, le réquisitoire l’emportera sur une
vérité qui aurait conduit nécessairement le représentant du parquet à creuser davantage
l’imbroglio juridique soumis à son examen, ce qu’il ne fera pas systématiquement car
les moyens judiciaires lui font défaut. L’art rhétorique, au détriment de la vérité, ne sera
donc pas absent de la thèse soutenue par l’accusation à l’audience. De son côté, l’avocat
inclinera à faire prévaloir, le plus souvent, sa plaidoirie sur la vérité. Aussi, parce
qu’elle est protéiforme, la vérité ne sera recherchée que par défaut car, en dépit des
allégations et des preuves rapportées par l’accusation, la vérité judiciaire demeure
incertaine, évolutive entre le moment où elle est recherchée puis dévoilée ; enfin,
soumise non pas seulement au rapport qu’entretiennent les divers acteurs du procès

45
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

pénal avec la vérité mais davantage avec le doute. Pour le représentant du parquet, la
vérité promue par l’avocat sera considérée comme plus aisée car ne requérant pas la
preuve de son attestation ; à l’inverse, celle du ministère public pourra apparaître, du
côté de l’avocat, comme péremptoire car se déployant en marge d’une culture du doute.
Le magistrat, en effet, pour requérir, devra se départir d’un tel sentiment s’il veut, en
toute objectivité, soutenir une accusation crédible. Or, la thèse soutenue par l’avocat
général reposera souvent sur les aveux passés par l’accusé, sans se poser la question de
leur sincérité. D’un point de vue technique, il apparaît particulièrement ardu de faire la
part de l’ombre et de la lumière contenue dans toute reconnaissance de culpabilité au
moment précis de son énonciation. En effet, il n’est pas possible de saisir, d’une
certaine manière, un instantané de vérité découlant, au moment même de son
énonciation, d’un propos ou d’ailleurs de tout discours tenu. A ce titre, c’est notamment
parce que fait défaut cette garantie de vérité absolue à l’instant précis de la réception de
l’aveu que, précisément, l’enquête doit se poursuivre devant le magistrat instructeur. Il
appartiendra ainsi à ce magistrat de vérifier que les pièces versées aux débats permettent
d’asseoir réellement une culpabilité du mis en cause afin de le renvoyer devant une
juridiction pénale. C’est donc l’absence de vérité définitive attachée aux propos
rapportés qui pourra justifier l’ouverture d’une information judiciaire, donc le choix
d’une voie de procédure plus longue préférée à celle plus courte de la comparution
immédiate car, précisément, il faut rechercher la vérité, laquelle manifestation de la
vérité pose en effet moins de difficultés lorsque le prévenu a fait l’objet d’une enquête
de flagrance. De surcroît, cette recherche de vérité qui caractérise le système inquisitoire
laisse au magistrat instructeur la responsabilité de la poursuite de l’enquête, car seule
recherche de vérité va au-delà de la simple administration de la preuve. Le procureur
doit convaincre, démontrer, pour asseoir une condamnation, tandis que l’avocat
prétendra qu’aucune vérité n’a été établie pour innocenter son client, même s’il
sacrifiera à la vérité judiciaire une plaidoirie fondée davantage sur l’émotion. Dans le
système pénal français, ce sont par conséquent, d’un point de vue symbolique, deux
cultures qui s’affrontent. Celle, d’une part, de la rationalité du ministère public
dépositaire d’une vérité considérée d’une nature supérieure car articulée à l’Etat, dans
un pays où la centralité étatique demeure forte ; d’autre part, celle de la liberté de ton de
l’avocat pourvoyeur incessant, ou considéré comme tel, d’émotions, dans un système
inquisitoire qui, en définitive, le marginalise. La hiérarchie face à la liberté. C’est une
des raisons pour lesquelles la recherche de l’aveu du côté de l’accusation est également
46
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

la quête d’une vérité auxiliaire comme mode de pensée spécifique retenu par le parquet.
En d’autres termes, l’aveu contribue à nourrir une forme de version unique qui n’est pas
forcément celle du substitut en charge du dossier mais celle du ministère public, en tant
qu’institution, le « je » s’effaçant devant le « nous ». La recherche de l’aveu pénal
constitue donc la démarche judiciaire de la vérité du parquet. Un représentant du
ministère public enfermé dans la recherche de la vérité en raison de son statut de
dépendance, face à un avocat limité dans son éthique, non pas par la nécessité de mentir
au juge, mais de privilégier une culture du résultat, la recherche par l’avocat d’une
vérité relevant donc de la casuistique. Dans l’Antiquité grecque56, le mensonge s’avère
impossible car la vérité revêt un caractère hétéronome et transcendant comme en
témoigne le fameux paradoxe du menteur attribué à Epiménide de Cnossos qui peut
s’énoncer comme suit : « Tu dis que tu mens. Si c’est vrai, alors tu mens en disant que
tu mens, et il est donc faux que tu mentes. Mais si c’est faux, alors tu ne mens pas non
plus en disant que tu mens, et il est donc vrai que tu mens. » En fait, l’antinomie du
menteur montre l’impossibilité logique du mensonge dans la mesure où notre
impuissance à dire le sens de ce que nous affirmons renvoie, du même coup, à un
pouvoir infini du langage de parler sur les mots. Aussi, cette conception tend à
bouleverser le champ de la raison analytique en y intégrant un quatrième postulat de la
raison analytique : celui d’un tiers inclus. Dans la Métaphysique (a, 993 a-b) la vérité,
selon Aristote, semble pouvoir être appréhendée dans sa totalité et constituer, par là-
même, l’horizon principal de toute réflexion. Aussi, cette conception d’une vérité
« incluse » dans le Tout en général tend à fonder un modèle de représentation
(phantasia, latin : visium) du cosmos sous le mode de l’Unique, d’une Vérité cosmique
à usage interne. Dès lors, deux présupposés peuvent être dégagés. D’une part, le
postulat d’une volonté spontanée de vérité ; d’autre part, un second postulat, celui de la
connaissance comme recognition, c’est dire que toute connaissance est une
reconnaissance dans la mesure où tout monde « vrai » est bordé d’une transcendance
qui en assure l’identité (Dieu, le sujet transcendantal).

56 Jean-Pierre VERNANT, L’Univers, les Dieux, les Hommes, Paris, Le Seuil, 1999.

47
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

26- Décision judiciaire et vérité pénale. Le droit répudie le doute car, en dépit de
l’incertitude, le juge doit trancher ; en clair, l’exigence de décision suspend, voire se
substitue à celle de vérité. Cette approche pose davantage de difficultés que ce qu’elle
en résout car, d’un point de vue logique, cette manière de procéder spécifique à
l’institution judiciaire tranche avec ce qu’il est communément admis comme relevant de
la « vérité » au regard des critères de scientificité donc de possible réfutabilité. Selon
Alfred TARSKI, il faudrait abandonner toute idée de vérité au profit d’une
correspondance des énoncés avec les faits décrits. Il faudrait faire davantage montre en
matière scientifique ou judiciaire d’une forme de « réalisme métaphysique » qui
érigerait, en l’absence d’une vérité absolue, un modèle d’appréhension du réel
débouchant sur un relativisme inhérent à la démarche gnoséologique ou
épistémologique57.

En matière pénale, ce relativisme semble être absent puisque, par définition, l’intime
conviction repose, du côté de l’institution judiciaire, sur un postulat implicite : la non-
pertinence du doute laquelle repose pourtant moins sur une certitude du faux que sur
une incertitude du vrai. C’est la raison pour laquelle un jugement a valeur de vérité, ce
qui signifie, a contrario, qu’il peut arriver qu’un jugement soit vrai car la présomption
intègre l’imperfection de la connaissance humaine à laquelle, précisément, l’intime
conviction du juge souhaiterait remédier, fût-ce partiellement. Il n’en demeure pas
moins que la décision renverra davantage, du côté de l’appareil judiciaire, à un pari sur
la vérité ou à une hypothèse de vérité, c’est à dire, en réalité, à une présomption dont la
valeur s’inscrit à mi-chemin entre opinion et ignorance, ce que le philosophe PLATON
appelait la « doxa orthè » ou opinion droite, laquelle opinion ayant un statut
intermédiaire de quasi-vérité ou quasi-erreur, en toute hypothèse ne revêtant pas le
caractère d’une vérité absolue. En droit et procédure pénaux, il s’agit de la preuve
irréfragable conçue par rapport à une autre preuve, laquelle, lui étant contraire, serait
inadmissible si elle était rapportée.

57
Alfred TARSKI, Logique, sémantique, métamathématique, traduction sous la direction de
Gilles GRANGER, Paris, Armand COLIN, 1972-1974, Tome 2, p. 265 et s.

48
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

Contrairement à ce que pouvait écrire Jean DOMAT selon lequel la preuve renverrait
à « ce qui persuade l’esprit d’une vérité »58, l’aveu pénal intervient dans un contexte
théorique qui érige la présomption d’innocence en une règle fondamentale dans la
détermination de la charge de la preuve. Et ce, même si la loi ou la jurisprudence
peuvent admettre d’alléger le fardeau de la preuve fournie par l’accusation, notamment
en matière de droit de la presse, de délits routiers ou s’agissant d’infractions en matière
douanière. Théoriquement, deux principes doivent présider à la recherche et à
l’administration de la preuve, celui de liberté et celui de légalité, avec pour le dernier
son corollaire, celui de loyauté. Mais, le principe en vigueur reste que la matérialité de
l’infraction peut être établie par tout mode de preuve du droit commun par le parquet59
et le prévenu qui allègue, pour sa décharge, un fait de nature à faire disparaître la
matérialité du délit, doit en apporter la preuve 60. Aux termes de l’article 427 CPP, la
liberté se justifie triplement. D’abord, les infractions constituent des faits dont la preuve
ne peut pas être préconstituée ; ensuite, par un souci d’efficacité de la répression
nécessaire en droit pénal ; enfin, par la recherche de la manifestation de la vérité,
objectif louable mais d’application difficile en matière d’aveu. L’aveu pénal s’inscrit
par conséquent dans un contexte d’insécurité du juge quant à la fiabilité des propos
tenus dans le cadre de l’autoaccusation. Hormis l’hypothèse d’une présomption de
légitime défense, la jurisprudence laisse d’ailleurs à la charge de la personne poursuivie
et de son défenseur la preuve de faits justificatifs, donc le soin de l’établir61. Enfin, le
ministère public doit également démontrer l’élément moral de l’infraction, même s’il
incombe au prévenu de rapporter la preuve des causes de non-imputabilité du délit tel
que la contrainte ou les troubles mentaux, tout comme il doit apporter la preuve des faits
justificatifs qu’il invoque62. C’est ainsi que la question de l’intime conviction, à la suite
de la réception éventuelle d’un aveu de culpabilité, constitue non seulement au regard
des droits de la défense une pratique fragile mais également relative dans son rapport à
la vérité juridique.

58
Jean DOMAT, Les lois civiles dans leur ordre naturel (1695), Vol. 3, Lausanne, Bibliothèque
universitaire de Lausanne, 2008.
59
Cass. crim. 13 mars 2007, Bull. crim n° 79 et 80 ; AJ pénal, 2007, p. 230 et 234.
60
Cass. crim. 19 nov. 1979, Bull. crim n° 324.
61
Cass. crim. 22 mai 1959, Bull. crim n° 268 ; Crim. 6 janv. 1966, Gaz. Pal. 1966. I. p. 209.
62
Cass. crim. 20 déc. 1949, JCP 1950, II, p. 5614.

49
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

27- Modernité judiciaire et conflit de valeurs. La question se pose de savoir si


les normes juridiques sont des entités idéales, appartenant, selon Michel TROPER,
« (…) au monde du devoir-être, distinct et séparé du monde de l’être (…) »63, c’est la
conception hylétique ou normativiste ; ou bien, c’est la seconde approche, appelée
expressive ou réaliste, si les normes constituent exclusivement des faits en ce qu’elles
sont uniquement l’expression de volontés humaines.

Pour les tenants d’une conception positive du droit, les règles juridiques ne peuvent
découler que des normes en vigueur. Dans cette acception, l’indulgence est moins
fréquente car le juge ne devra s’en tenir qu’à une application stricte de la loi pénale, fut-
elle particulièrement sévère. Toutefois, cette version positiviste du droit devra
également faire prévaloir le principe à valeur constitutionnelle de présomption
d’innocence sur les normes de rang inférieur, donc n’admettre qu’à titre exceptionnel en
théorie une reconnaissance de culpabilité en vertu d’une loi qui lui est inférieure. Il
s’ensuit que cette version pourra s’avérer contre toute attente protectrice pour les
personnes mises en cause dont les aveux auraient pu asseoir une culpabilité pendant que
l’absence de reconnaissance des faits pourra peut-être conduire le magistrat à libérer le
prévenu. En outre, cette dimension théorique ou normativiste implique en même temps,
par définition, une part d’impersonnalité ; donc d’égalité, car elle est générale. Dans
cette perspective, la volonté créatrice du droit doit s’effacer face à la norme supérieure
laquelle, au nom du principe de la hiérarchie des normes, a prédéterminé le contenu de
la norme inférieure. Il s’ensuit que l’objectivité doit prévaloir sur la subjectivité,
l’universel sur le particulier. Selon Michel VILLEY, le droit doit effectivement
l’emporter sur le fait et le mécanisme fondateur ou fondamental de la destruction
moderne du droit est l’émergence d’une pensée du droit établissant la subjectivité
comme principe d’évaluation juridique ou l’idée d’un droit subjectif64. Pour les tenants
de cette version positiviste ou normativiste, il s’agit donc de dissocier le droit de la
justice car l’ensemble des sources du droit, qu’elles protègent ou qu’elles punissent,
doivent prévaloir sur la justice ; par suite, une personne ayant juridiquement raison ne

63
Michel TROPER, Op.cit. p. 35 ; Norberto BOBBIO, Essais de théorie du droit, tr. fr. Préface de
Riccardo GUASTINI, Paris, LGDJ, 1998, p. 185 et ss. Voir également pour cette analyse comparée entre
la conception hylétique et expressive, Georges KALINOWSKI, Querelle de la science normative, une
contribution à la théorie de la science, Paris LGDJ, 1969.
64
Michel VILLEY, Seize essais de philosophie du droit, Dalloz, Paris, 1969, p. 140-233.

50
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

devrait pas pouvoir être judiciairement déboutée de sa prétention, car elle a raison
puisque le droit le prévoit.

A l’inverse, les défenseurs d’une vision réaliste ne dissocient pas la justice du droit ;
la loi ne saurait se déployer sans la liberté, la justice sans l’équité. Les thuriféraires de
cette approche font valoir, à l’appui de leurs prétentions, que les droits de l’homme
peuvent également constituer une fiction juridique. Qu’ainsi, le principe de présomption
d’innocence, de même valeur constitutionnelle que lesdits droits, participe également de
la même abstraction juridique en asservissant le fait au droit ; en conséquence de quoi,
la réalité (la liberté recouvrée pour le délinquant) valant mieux que des mots concepts
théoriques (présomption d’innocence, égalité des armes), il est préférable de plaider
coupable et obtenir une peine allégée que défendre de simples principes. Ils soulignent,
au surplus, que les « vrais juristes » (les magistrats) savent pertinemment que la
présomption d’innocence n’existe pas. Dans la mesure où ils entendent élever leurs
prétentions au-delà du droit, les tenants de cette vision du droit et de la justice peuvent
toutefois s’avérer parfaitement réalistes lorsqu’ils soulignent, par exemple, qu’en dépit
du principe de présomption d’innocence, les mis en cause préfèrent être libérés sous
contrôle judiciaire et non placés en détention provisoire sur le fondement d’aveux
consentis. Dès lors, s’il en va de leurs intérêts, les intéressés auront le droit de renoncer
à des principes abstraits dont ils ne comprennent que rarement la portée, au détriment de
leur innocence présumée, mais au bénéfice d’une liberté recouvrée. Ainsi, dans la
perspective positiviste65, le respect du principe précité devrait pouvoir logiquement
protéger la personne mise en cause contre des empiètements du pouvoir législatif,
l’intéressé ne devant en aucun cas être soumis à des présomptions de culpabilité de

65
Selon le positivisme juridique, n'existent que les règles juridiques en vigueur à un instant donné. Le
droit ne repose que sur la volonté du législateur. Il n'y a pas de relation nécessaire entre droit et morale :
les lois n'ont pas de composante éthique. Le juriste autrichien Hans KELSEN en vient ainsi à affirmer que
tout État, même la plus sanguinaire dictature, est un État de droit, in Hans KELSEN, 1881-1973, Théorie
pure du Droit, Bruxelles : Bruylant ; Paris : Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1999. p. 367.
Autrement dit, pour les tenants de l’école du positivisme juridique, le droit naturel se placerait sur le
terrain métaphysique, tandis que le droit positif, lui, est une réalité observable. La distinction entre le droit
et l'État serait purement théorique, puisqu'il faut bien un juge pour interpréter le droit. Par conséquent, il
ne saurait exister de sphère méta-juridique ou de « supra-droit » permettant de juger les droits, sauf à
verser dans un absolutisme d’Etat.

51
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

nature législative. Il s’ensuit que la théorie normativiste devrait bénéficier à la personne


mise en cause laquelle n’est pas tenue d’avouer sa culpabilité. A ce titre, une application
stricte de cette version positiviste dans la procédure pénale française devrait constituer
une garantie pour l’auteur de l’infraction, donc lui profiter dans le cadre du procès
pénal. Cette approche permet d’établir une relation entre la hiérarchie des normes et
l’innocence présumée, les garanties accordées au sein d’un Etat de droit et l’indulgence
du juge ; ce qui, en théorie, devrait conduire à faire du contrôle judiciaire le principe et
la détention provisoire l’exception. En outre, cette conception apparaît pragmatique car
elle peut constituer une réponse au taux d’occupation des établissements pénitentiaires
qui excède le nombre de places disponibles, notamment dans les maisons d’arrêt. Il
s’agit par conséquent d’instaurer davantage de lisibilité et d’efficacité dans un souci de
cohérence et de respect des normes.

En revanche, la dimension méta-juridique ne dissocie pas le droit et la justice. Dans


ce cadre, la question de l’aveu en matière pénale pourra apparaître comme attentatoire
aux droits dont peut bénéficier une personne mise en cause. En l’espèce, au nom de
principes extérieurs au droit positif (traitement accéléré ou célérité des procédures,
efficacité au détriment des grands principes), l’office du juge est exercé en marge de ce
qui constitue la hiérarchie des normes. Cette dimension métaphysique qualifiée parfois
de réaliste par rapport à la promotion d’une dimension idéaliste pourra cependant être
privilégiée par des prévenus au nom d’un idéal de liberté. Dans le cadre d’une
procédure de plaider coupable, par exemple, le mis en cause aura la quasi-certitude de
ne pas risquer l’incarcération. En revanche, en matière criminelle, cette dimension ne
servira en rien la cause des accusés lesquels se verront, d’une part, volontairement
démunis de leur protection constitutionnelle (ils se sont autoaccusés des faits reprochés
en avouant). D’autre part, l’intéressé n’aura aucune certitude que de ses aveux découlera
une condamnation plus clémente. Si cette approche se voulait plus humaine car elle ne
faisait pas découler la peine de la simple application de la norme juridique, elle s’avère
paradoxalement assez risquée pour le mis en cause qui renoncera à une protection de
nature constitutionnelle sans espoir absolu d’une clémence du juge, sans aucune
certitude que de ses aveux découlera une peine allégée.

Dès lors, à une conception généreuse de l’innocence présumée s’oppose une autre
vision plus réaliste pour laquelle la question de la présomption d’innocence est

52
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

secondaire ; ce qui est, en revanche, pertinent pour le prévenu, c’est davantage à titre
principal la question de la peine. Pour les tenants de cette vision qui sont bien souvent
attachés au modèle accusatoire, la CRPC constituerait une avancée positive car elle
rendrait possible un réel débat sur la peine rapprochant ainsi l’accusation de la défense.
Aussi, la contrepartie d’une renonciation au bénéfice de la présomption d’innocence
serait constituée, en pratique, par la quasi certitude d’obtenir immédiatement une peine
allégée et d’éviter ainsi les aléas d’une audience classique. En fait, il s’agit pour le
prévenu de la recherche d’une prévisibilité accrue de la peine au détriment d’un principe
abstrait de présomption d’innocence. Cette ligne de partage renvoie donc à des valeurs
opposées qui dépassent sans doute le seul cadre de la justice pénale car il s’agit
également le plus souvent d’une opposition de nature idéologique entre les partisans du
modèle inquisitoire centralisé dont le symbole reste le juge d’instruction auquel
s’opposerait le versant accusatoire pour lequel la vérité serait plus secondaire66. A ce
titre, les critiques les plus vives qui se sont manifestées à l’encontre de la procédure de
plaider coupable concernent, le plus fréquemment, ceux qui s’en tiennent à une vision
théorique du principe de présomption d’innocence et qui, par là même, s’opposent avec
véhémence au modèle accusatoire au sein duquel la majorité des affaires concernent
des personnes qui admettent leur culpabilité afin d’obtenir une peine plus légère. A cette
vision théorique de la Déclaration s’opposent les thuriféraires de la CRPC qui, tout
d’abord, viennent rappeler que des présomptions de culpabilité ont été reconnues par le
Conseil constitutionnel; ensuite, qu’en pratique, la plupart des prévenus consentent
facilement à renoncer au bénéfice de leur innocence présumée pour éviter les aléas
d’une audience pénale et surtout pour en finir rapidement. En définitive, pour les
défenseurs de l’aveu en matière pénale, ce qui est déterminant c’est moins la question
de la culpabilité que celle de la peine, c’est moins le principe abstrait de présomption
d’innocence que la question concrète de la sanction qui sera infligée. Et ce qui constitue
effectivement le droit positif en vigueur, par exemple le rang constitutionnel conféré à
la Déclaration, doit céder la place à ce qui est considéré comme juste par le prévenu. Le
débat se déplace donc. Il s’agit, en effet, davantage d’une recherche d’équité que d’un
débat centré autour de la vérité au prix d’une négociation ou d’un marchandage. Le
principe de présomption d’innocence aurait ainsi une portée relative et l’idée d’attribuer

66
Pour cette opposition de conceptions, Cf. Jean DANET et Mickaël JANAS, Le nouveau procès pénal
après la loi PERBEN II, éd. Dalloz, Paris, 2004.

53
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

à la Déclaration des droits une valeur absolue relèverait davantage de la fiction


juridique. Le débat qui relève autant de la philosophie du droit que de la procédure
pénale oppose, par conséquent, ceux pour lesquels la norme juridique, en l’espèce le
« bloc de constitutionnalité », ne peut être envisagé que comme un système, c’est la
théorie normativiste, et ceux, les réalistes, qui considèrent moins le droit comme un
simple ensemble de normes que comme un ensemble de comportements67. Pour les
opposants à la voie procédurale de plaider coupable, ce qui est pertinent c’est donc la
question de la validité de la norme. Les tenants, en revanche, de l’aveu de culpabilité
considèrent que la question de la condition de la validité d’une norme doit s’effacer au
profit de son efficacité. Or, le débat qui s’est instauré en France au mois de mars 2004 à
la faveur de l’émergence de ce mode de poursuite conduit in fine à s’interroger sur la
nature de la hiérarchie des normes. Cette hiérarchie doit-elle être envisagée d’un point
de vue strict ou statique ou peut-elle être envisagée comme un ordonnancement
juridique susceptible d’interprétation ? Ce qui conduit, au surplus, à s’interroger sur la
difficulté de savoir si l’efficacité d’une norme peut être ou non une condition de sa
validité. Plus largement, l’examen des modes alternatifs aux poursuites conduit à
soulever la difficulté subséquente du rapport entretenu entre la justice et la vérité.

28- Culture de l’accusation et aveu pénal : une relation ambigüe. A priori, si


les pouvoirs dévolus à la défense en matière pénale face à ceux plus importants dont
dispose l’accusation étaient rééquilibrés, la question de l’aveu deviendrait presque
secondaire car, en dépit de la reconnaissance des faits, le prévenu ou l’accusé aurait la
certitude que ses intérêts ont été préservés, avec la plus grande loyauté. C’est en
revanche parce qu’il existe, au-delà de la réforme visant à supprimer le juge
d’instruction, une relation déséquilibrée entre défense et accusation que l’aveu devient
problématique voire ambigu. Il est proposé à un prévenu de reconnaître une culpabilité
qu’il n’admet pas, sans que ce dernier ait la certitude absolue, en théorie, que sa peine
sera édulcorée, en raison du déséquilibre sus-rappelé. Toutefois, à l’épreuve des faits,
depuis l’émergence du plaider coupable en matière correctionnelle, la personne mise en
cause a la quasi-certitude que de ses aveux découlera une peine automatiquement
allégée. A contrario, la question se pose donc de savoir si la mise en œuvre de la CRPC
et du « plaider coupable criminel » ne constitue pas l’expression dudit déséquilibre,

67
Charles EISENMANN, Théorie pure du droit, trad.fr.de la 2è éd., Dalloz, Paris, 2002.

54
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

donc un moyen pour le législateur d’en pallier les difficultés en le tempérant. Ainsi, loin
de contribuer à une meilleure défense des justiciables en termes d’équité, une autre
hypothèse est alors envisageable : l’Etat de droit, prenant acte du déséquilibre entre
avocats et magistrats du parquet, et souhaitant donc rendre plus transparente
cette inégalité, en viendrait à légiférer pour rendre explicite ce qui était implicite,
pour transformer l’« évidence commune théorique », à savoir l’idée communément
admise chez les avocats que le procureur de la République aura souvent plus d’impact
sur le président du tribunal que le meilleur des conseils, en une réalité concrète, c’est-à-
dire une peine allégée en échange de la reconnaissance de la culpabilité. Et ce, non
seulement au détriment, d’une part, de la question de la vérité, puisque ladite
reconnaissance peut se déployer en marge de la réalité des faits, mais également, d’autre
part, en pratique, de l’intervention du juge du siège lequel homologue très
majoritairement la peine proposée par le parquet. Dans ce contexte, la question de
l’intime conviction devient totalement hors-propos même si la notion n’exclue pas, au-
delà du sentiment éprouvé par le juge, une analyse rationnelle, étayée sur des éléments
factuels. Aussi, l’intime conviction en matière pénale est appréhendée de façon
différente selon que la notion est envisagée à partir d’une culture de l’accusation ou de
celle de la défense. Du côté de l’institution judiciaire, il s’agit de se conformer à une
analyse rationnelle des faits reposant sur des moyens de preuve produits au cours du
procès68. Selon l’accusation, la notion renvoie donc à un savant dosage entre les
diverses preuves, cette conception n’étant d’ailleurs pas différente de celle du juge
pénal, notamment en matière correctionnelle où les expertises sont moins
systématiques ; en conséquence de quoi, l’intime conviction reposerait sur des éléments
objectifs donc rationnels qui tranchent avec une quelconque intuition à l’origine de la
décision de condamnation ou de relaxe ou acquittement. A ce titre, « hors les cas (fort
restreints) où la loi en décide autrement, les infractions peuvent être établies par tout
mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction » (art. 427 al. 1 du
CPP). De manière générale, l'intime conviction a pour effet de permettre au juge de ne
pas être tributaire d'une hiérarchie des modes de preuve. Un aveu peut être contredit par
des indices et, de ce fait, tenu comme inopérant ; la rétractation de l’autoaccusation
pouvant d’ailleurs être considérée comme plus sincère que ledit aveu l’ayant précédée.
En réalité, le juge non seulement dit le droit mais également l’apprécie en soumettant

68
Henri LEVY-BRUHL, La preuve judiciaire, étude de sociologie juridique, Paris, 1964, p. 131.

55
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

les éléments de preuve à sa conscience, c’est dire de façon subjective sans que cette
décision, en théorie, ne puisse être arbitraire. Dans cette acception, une décision de
« relaxe au bénéfice du doute »69 n’a guère de sens car la personne poursuivie n’est pas
relaxée ou acquittée à raison du doute mais, en vertu du principe de présomption
d’innocence, parce qu’elle est précisément innocente, donc présumée non coupable.
Pour le ministère public, l’intime conviction signifie qu’il ne lui incombe pas de
demander au juge la façon dont les preuves sont fournies et donc la manière dont il est
parvenu à asseoir une certitude, c’est-à-dire celle d’une décision de condamnation. Si
l’Ancien Régime pratiquait une troisième voie entre absolution et condamnation, celle
du « renvoi hors de cour » selon lequel, en dépit d’une absence de condamnation, la
présomption de culpabilité demeurait, le droit moderne, en revanche, semble, en théorie,
avoir pris le contre-pied de ce système même si, au-delà d’une décision de relaxe ou de
condamnation, subsistera définitivement, dans l’esprit du public, un doute sur la
culpabilité de la personne innocentée dont les medias se feront l’écho. Pour les avocats
de la défense, en revanche, l’intime conviction peut s’avérer particulièrement
attentatoire pour la défense des intérêts de la personne appelée à comparaître devant une
juridiction répressive, surtout dans un système inquisitoire qui concentre l’essentiel de
la recherche de la manifestation de la vérité dans les mains du juge d’instruction. En
pareilles circonstances, l’aveu de culpabilité, loin d’être librement consenti par la
personne poursuivie, est sous influence à toutes les phases du procès. Ainsi, cet aveu ne
vient qu’accréditer la thèse de l’accusation, surtout dans un contexte procédural où il
n’était plus indiqué à la personne soupçonnée, jusqu’à la réforme de la garde à vue au
mois d’avril 201170, qu’elle disposait d’un droit de garder également le silence ou de se

69
Nous faisons référence à l’adage latin : « in dubio pro reo ». En effet, la personne poursuivie au pénal
étant présumée innocente tant que des preuves décisives de sa culpabilité ne sont pas rapportées, le
prévenu ou l’accusé doit être relaxé ou acquitté dès que l’accusation ne parvient pas à établir sa
responsabilité dans les divers éléments de l’infraction ; il n’a pas à démontrer son innocence par des
preuves complètes, à l’opposé du ministère public quant à la preuve contraire, si bien que le seul doute est
équipollent à une preuve de non-culpabilité.
70
Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue. Entrée en vigueur le 1er juin, la réforme de
la garde à vue se signale par des avancées notables. D'abord, la garde à vue est soumise à des conditions
plus strictes tenant à la gravité des faits et aux difficultés des investigations. Ensuite et surtout, le suspect,
immédiatement informé de son droit au silence, peut, s'il le souhaite, être assisté par un avocat au cours
des auditions et confrontations pratiquées par les organes de police et de gendarmerie. Pour autant,
l'enthousiasme ne saurait être sans limites car un certain nombre de dispositions, incluses dans la loi,
risquent de constituer des entraves sérieuses au libre exercice des droits de la défense. Parmi les
principaux commentaires de la loi, voir notamment, Hervé VLAMYNCK AJ Pénal 2011 p. 211, « La
réforme de la garde à vue synonyme de disparition prochaine du juge d'instruction ? », Recueil Dalloz

56
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

taire. Dans le modèle inquisitoire, l’Etat n’est pas l’acteur passif de la recherche de la
vérité car les officiers de police judiciaire en charge de l’enquête, qu’elle soit
préliminaire ou agissant sur commission rogatoire du magistrat instructeur, produisent
des actes donnant lieu à l’établissement de procès verbaux.

29- Intime conviction et utilité relative de l’aveu. Le processus d’aveu revêt un


sens tautologique dans la mesure où, d’une part, il est parfaitement inutile lorsque le
juge pénal verse à la procédure des preuves scientifiques considérées comme absolues;
d’autre part, il ne peut intervenir qu’au terme d’un processus qui n’est pas celui d’une
démarche personnelle d’un accusé voulant faire preuve de contrition, mais davantage
celui de l’appareil judiciaire. Ce décalage entre accusation et défense est accentué par
l’inégalité des armes dont peuvent respectivement disposer les parties. En pratique,
lorsqu’il s’agira, dans le cadre de la recherche de la manifestation de la vérité, de
produire un témoignage, ce témoin s’avèrera être, bien souvent, un témoin à charge s’il
est présenté par le parquet mais, à l’inverse, aura parfois le sentiment diffus d’être peu
crédible ou sincère si ce témoin a été sollicité par la défense. Selon la plupart des
avocats pénalistes, une suspicion plane naturellement sur tout témoin à décharge car il
risquerait, par son témoignage, d’invalider ou de rendre inopérant le travail des
enquêteurs, donc celui du procureur de la République. Il s’ensuit que l’ intime
conviction du juge pénal pourra ne reposer que sur l’arbitraire d’un jury davantage
impressionné le plus fréquemment par les charges retenues contre l’accusé que désireux
de rechercher sur un plan juridique les preuves de sa possible innocence. Dès lors, au-
delà des règles de droit applicables, la légitimité d’une décision en matière pénale est-
elle de nature juridique ou d’essence métaphysique ? Au regard de la délicate vérité des
faits comment vérifier la part d’ombre ou de lumière à partir d’une simple intime
conviction ? Existerait-il encore une empreinte de droit divin dans cette justice des
hommes ? Malgré la protection constitutionnelle dont bénéficie le principe de
présomption d’innocence, la question se pose de savoir pourquoi le juge pénal s’arroge

2011 p. 1570 ; Gabriel ROUJOU DE BOUBEE, « La réforme de la garde à vue » (commentaire de la loi
n° 2011-392 du 14 avril 2011); Haritini MATSOPOULOU, « Une réforme inachevée, aperçu rapide à
propos de la loi du 14 avril 2011 », JCP G 2011. p. 542 ; Michèle-Laure RASSAT, « A remettre sur le
métier, des insuffisances de la réforme de la garde à vue », JCP G 2011, p. 632 ; Jean PRADEL, « Un
regard perplexe sur la nouvelle garde à vue », JCP G 2011, p. 665.

57
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

le droit d’altérer non seulement la portée philosophique mais également le sens


juridique de la notion en l’absence d’aveux.

C) Erreur et tabou judiciaires

30- Le refus judiciaire de l’erreur. L’institution judiciaire éprouve des difficultés


à reconnaître qu’elle puisse se tromper. A ce propos, et en vertu de l’autorité
particulière attachée à leurs décisions, les juges constitutionnels n’admettent que
rarement qu’ils puissent commettre des erreurs d’interprétation. A ce propos, le
Président Pierre MAZEAUD déclare que le Conseil a hésité, dès 1959, « à déclarer
irrecevable une requête qui tendait pourtant « exclusivement » (…) à la rectification
d’une simple erreur matérielle (…) ! ».71
Et d’ajouter : « Lorsqu’on tape le mot « erreur », le moteur de recherche en ligne du site
internet du Conseil constitutionnel fournit 648 réponses. Et si l’on s’en tient aux
décisions du Conseil elles-mêmes, le mot « erreur » y figure pas moins
de 171 fois (…) »72. A ce titre, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de
modernisation des institutions de la Ve République73 a partiellement pallié cette
difficulté en instituant un mécanisme de contrôle de la constitutionnalité des lois par
voie d’exception qui devrait permettre en théorie à tout justiciable de contester, à
l’occasion d’une instance où il est partie, la conformité d’une disposition législative aux
droits et libertés reconnus par la Constitution. S’agissant de l’aveu de culpabilité, la
position du Conseil constitutionnel tranche cependant avec ses orientations
71
Décision n° 58-90 bis AN du 5 mai 1959, A.N., Lozère (2ème circ.).
72
Intervention de Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Pierre MAZEAUD, Colloque à
l’Institut de France consacré à l’« erreur », 25 et 26 octobre 2006.
73
L.C n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République. La loi
organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 (entrée en vigueur le 1er mars 2010) est venue par ailleurs
préciser les conditions de mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité. Elle prévoit un
double filtre, c'est-à-dire, d'une part que la juridiction saisie devra vérifier si la disposition contestée est
applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites, si elle n'a pas déjà été
déclarée conforme à la Constitution (sauf en cas de changement de circonstances) et si la question n'est
pas dépourvue de caractère sérieux. D'autre part, si la transmission est effectuée à la Juridiction suprême
compétente, celle-ci à trois mois pour statuer. Il est procédé au renvoi si les deux premières conditions
précitées sont remplies et si la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux. À l'expiration du
délai de trois mois, si la juridiction ne s'est pas prononcée, la transmission au Conseil Constitutionnel est
automatique. Si ce dernier estime la disposition inconstitutionnelle, celle-ci pourra être écartée pour le
litige en cours et abrogée (contrairement à l'annulation qui est rétroactive, l'abrogation vaut uniquement
pour l'avenir) dès la publication de la décision du Conseil constitutionnel sauf si celui-ci en décide
autrement en fixant un délai ou une date d'abrogation.

58
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

jurisprudentielles données depuis 1971 en matière de protection des droits et libertés


fondamentaux. En effet, dès le 16 juillet 197174, le Conseil va rendre une décision
fondatrice en érigeant l’intégralité des articles composant la Déclaration des droits de
1789, donc le principe de présomption d’innocence, à un rang supérieur au domaine de
la loi (article 34 de la Constitution). Néanmoins, le Conseil ne s’appuie sur aucun
principe pour justifier les exceptions à la théorie de la charge de la preuve pénale. En
réalité, la présomption de culpabilité ne découle pas de l’aveu, elle s’y substitue.

31- Une culpabilité primordiale. Du côté de l’institution judiciaire, un lien


inconditionnel s’établira le plus fréquemment entre la question de la culpabilité et celle
de l’intime conviction. Pour le juge pénal, un suspect dit nécessairement la vérité en
avouant et l’erreur judiciaire fonctionne comme un tabou. Ainsi, il apparaitra plus
sécurisant d’entrer en voie de condamnation sur le fondement d’aveux que d’infliger
une peine à celui qui pourtant clame son innocence. D’une manière inconsciente ou pas,
l’institution judiciaire considère habituellement que si la personne est mise en cause
c’est qu’elle est nécessairement sinon coupable du moins forcément impliquée dans la
cause. Il s’agit par conséquent d’un réflexe mental a priori de l’appareil judiciaire
s’articulant davantage à une culpabilité primordiale qu’à une possible innocence. Selon
Maître COLLARD, « (…) devant la Cour d’assises la détention provisoire est pour le
jury une véritable caution judiciaire de la culpabilité. Comment ne pas ratifier ce que
des professionnels avertis ont décidé en amont ? Comment l’accusé pourrait-il être
considéré comme innocent si des magistrats le retiennent en détention depuis des
années ? Comment des profanes pourraient-ils imaginer qu’un innocent possible ait
délibérément, consciemment, voire intentionnellement sa place pendant des mois, voire
des années, en prison avant l’audience qui doit décider de sa culpabilité ? » 75. C’est
ainsi que l’aveu est apparu, dès l’origine, comme sécurisant non seulement pour
l’enquêteur mais également pour l’institution. Pourtant, le risque existe que l’aveu de
culpabilité en vienne à suggérer l’implication évidente donc presque définitive d’une
personne poursuivie pour des faits répréhensibles sur le plan pénal en induisant, en
conséquence, dès le début du procès, une caractérisation morale de l’intéréssé.
Autrement dit, qu’un premier jugement moral vienne précéder la condamnation

74
Cons. const. 16 juillet 1971. Liberté d’association, 71-44 DC, Rec. p. 29.
75
Gilbert COLLARD, Les états généraux de la justice, op.cit., p. 142.

59
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

judiciaire qui, généralement, interviendra. L’aveu permettant ainsi qu’une imputation


sur un plan axiologique préexiste à l’infliction de la sanction ; en réalité, que l’aveu de
culpabilité permette aux magistrats de se déculpabiliser d’une éventuelle condamnation
trop sévère au nom de la culpabilité reconnue par l’accusé. Dans cette perspective,
l’autoaccusation figure comme une légitimation a priori de la sanction pénale à
intervenir, fût-elle particulièrement lourde. Le spectre de l’erreur judiciaire pesant sur
les épaules des juges se trouvant ainsi provisoirement écarté (« il a avoué !»), et la
bonne conscience de l’institution sauvegardée. En fait, si l’appareil judiciaire éprouve
autant de difficultés à se remettre en question c’est, tout d’abord, en raison de
l’inexistence d’une réelle culture de l’évaluation à destination des magistrats ; ensuite,
son incapacité à l’empathie qui est moins liée à une absence totale de prise en
considération de l’autre qu’à une surcharge de travail qui ne lui assure pas le temps
nécessaire à un travail en profondeur. Selon Yves CHARPENEL, avocat général à la
chambre criminelle de la Cour de cassation, « ce qui pose problème aujourd’hui n’est
pas seulement la montée légitime des exigences du citoyen conjuguée avec les
endémiques problèmes d’adaptation des moyens aux missions, c’est plus profondément
la capacité d’une institution à ne pas se résigner à voir ses actes se situer en deçà de ses
principes. En revanche, c’est le traitement accéléré des affaires pénales au nom,
paradoxalement, d’une liberté retrouvée, mais souvent au détriment d’une possible
vérité. C’est la raison pour laquelle la question de l’aveu, notamment dans son aspect
stratégique, conduit à transformer peu à peu le modèle inquisitoire en un système
accusatoire dans lequel la question de la vérité ne sera plus le référent principal.

La culture de l’accusation demeure celle d’une défiance envers la parole de la


personne mise en cause. En effet, sans doute faudrait-il que les enquêteurs ou les
magistrats préfèrent la vérité en-soi à la seule vérité judiciaire découlant d’un dossier
pénal pour véritablement la rechercher. Cet obstacle est d’ailleurs redoublé par la nature
du modèle français inquisitoire qui tend à orienter l’enquête vers une version unique des
faits (la vérité) alors que bien souvent les déclarations effectuées par les personnes
soupçonnées se caractérisent par la contradiction apportée sur un élément ponctuel,
rendant ainsi quasi indécidable une version unique des faits. A ce titre, la lecture des
réquisitoires définitifs en matière correctionnelle tend à accréditer la thèse d’une version
univoque alors que la réalité est parfois plus complexe. Le modèle français demeure
friand d’une vérité judiciaire qui non seulement constitue l’essence même de l’enquête

60
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

mais également figure comme une des conditions de pérennité d’une institution toujours
menacée sous l’influence des média ou autres impératifs (la recherche inconditionnelle
davantage d’un coupable que du coupable), d’errements. Pourtant, comme toute
institution humaine, la justice devrait pouvoir admettre qu’elle puisse se tromper, ce qui
ne la conduirait pas à entretenir un tel penchant pour l’aveu. C’est la raison pour
laquelle il est toujours aussi délicat pour l’appareil judiciaire de considérer comme
préférable qu’un coupable soit en liberté plutôt qu’une personne considérée innocente
incarcérée, non pas parce que, subjectivement, le magistrat ayant décidé d’une mesure
privative de liberté tire une quelconque satisfaction de cette décision souvent lourde de
conséquences mais parce que, sur un plan objectif, c’est l’institution qui éprouve des
difficultés à intégrer l’erreur, au-delà des discours, comme un paramètre possible. Une
attitude de refoulement de l’erreur liée également à la spécificité de la construction
étatique en France qui s’est traduite par un fort centralisme administratif lequel a
contribué à penser la puissance publique comme infaillible. Il existe par conséquent une
résistance du côté de l’appareil judiciaire à dresser un inventaire de ses possibles erreurs
car, inconsciemment ou non, il assimile son office à une mission quasi divine.
Symboliquement, notamment dans la tradition chrétienne, Dieu ne peut pas se tromper
car il est tout-puissant et détient la vérité. C’est ainsi que l’institution a intériorisé dans
son schéma mental le rejet de l’erreur, et ce d’une manière quasi-phobique. Cette
disposition de l’esprit permet qu’en l’absence d’aveux, le juge pénal puisse décider du
placement d’une personne en détention sur le fondement d’une simple intime
conviction. Cette intériorisation d’un refus de l’erreur est donc de nature métaphysique
et non simplement humaine car, par définition ce qui caractérise l’humanité en tant
qu’humanité c’est, précisément, la faculté de se tromper. Et admettre définitivement
cette possibilité témoignerait d’une maturité accrue de l’appareil judiciaire et non d’un
signe quelconque de dégradation, car la justice substituerait définitivement à un objectif
quantitatif celui de qualité dans le traitement des flux pénaux. L’institution entretient en
France une relation compliquée avec la question subséquente de l’innocence. Pourtant,
sur un plan étymologique, est innocent, celui qui n’a pas nui (in-nocens) ; par suite, si
l’innocent, ce qui est une tautologie, est non coupable, la démonstration de sa propre
innocence constitue une probatio diabolica ; c’est dire qu’en théorie la preuve directe
de cet état demeure impossible. Au surplus, la preuve dudit état rejoint la difficulté
symétrique de rapporter la preuve d’une culpabilité par le ministère public. C’est la
raison pour laquelle l’aveu tend à faciliter le travail du juge pénal tout en fortifiant le
61
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

dossier d’accusation. La reconnaissance d’une infraction n’est pas la même chose que la
reconnaissance des faits lesquels doivent être réprimés par la loi pour recevoir une
qualification pénale. Malgré la reconnaissance de culpabilité, quelle ait été consentie
lors de la phase d’enquête ou celle de jugement, le procès pénal se poursuit. En dépit
d’aveux, ce n’est pas la même chose de connaître ou ne pas connaître exactement
comment se sont déroulés les faits, car l’explication peut avoir une incidence sur la
peine. C’est par conséquent moins l’acte répréhensible que les modalités du passage à
l’acte qui sont importants car ils révèleront toute une série d’éléments de la personnalité
de l’individu. Ainsi, il n’est pas possible de faire l’économie, au-delà de l’aveu, de la
chronologie des faits ayant conduit à l’acte criminel. Car la nécessaire investigation
permettra d’une part à la défense et au juge d’expliquer le modus operandi, d’autre part,
d’éclairer la partie civile sur le déroulement de l’infraction. Ce faisant, ce n’est pas
exactement la vérité judiciaire qui est le critère principal du procès puisque cette
dernière est connue et qu’en dépit d’aveux circonstanciés et corroborés l’instance se
poursuit, mais davantage une conception métaphysique ou religieuse de l’institution
s’inscrivant au-delà de la simple réparation judiciaire. En effet, si avant la Révolution
française, c’est l’idée de punition qui prévalait comme contrepartie au châtiment puis, à
la fin du XVIIIème siècle, si le droit pénal inspiré par les idées notamment de
BECCARIA s’est davantage attaché à une idée de dissuasion, il semblerait qu’au travers
de l’aveu, la justice pénale s’articule désormais à une idée d’attrition s’inscrivant
paradoxalement en marge de la vérité. En outre, il est possible d’avouer pour devenir
innocent. L’aveu de culpabilité consenti pourra conduire à innocenter une personne si
elle peut alléguer d’un fait justificatif exonératoire de sa responsabilité pénale.

D) Le doute comme fondement de la décision judiciaire

32- Vérité pénale et doute méthodique. En matière pénale, une preuve produite
par une personne privée de manière déloyale, voire entachée d’illégalité76, demeure
recevable dès lors qu’elle est soumise à l’appréciation du juge dans le cadre d’un débat
contradictoire77. Un colloque relatif au doute en matière pénale et plus généralement sur

76
Cass. crim. 13 octobre 2004, Bull.crim. n° 243.
77
Jean PRADEL, Procédure pénale, 15ème éd., Cujas, 2010, n° 415 et s., p. 371 et s. ; Bernard BOULOC,
Procédure pénale, 22ème éd. Dalloz, 2010, spéc. N° 146 et Traité de procédure pénale de
Frédéric DESPORTES et Laurence LAZERGES-COUSQUIER, Paris, Economica, 2009.

62
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

le risque de la preuve s’est tenu le 22 octobre 200778. Il en est ressorti que penser la
preuve en terme de risque permet d’exprimer l’omniprésence du doute dans le procès,
celui des parties dans le succès de leurs prétentions, celui du juge dans le prononcé
d’une bonne décision. Mais le risque de la preuve se présente comme un raisonnement
par défaut qui consiste à réduire la part d’aléa qu’il présuppose. Le risque de la preuve
doit rester, comme le doute qui le soutient, subsidiaire et résiduel, ce à quoi s’efforce le
droit positif. Pour autant, la vérité n’est pas le but exclusif du procès pénal79. Car
prouver n’est pas en priorité dire la vérité, mais avant tout convaincre80. La preuve est
ainsi « ce qui persuade l’esprit d’une vérité81 » car, « le juge ne recherche pas une
vérité absolue; il se borne à relever les indices qui engendreront dans son esprit un
sentiment de probabilité »82. En somme, il existe un doute dès lors que les parties se
présentent devant le juge avec le même degré d’incertitude et, en pareilles
circonstances, le magistrat devra retenir une proposition qui sera tenue pour vraie tant
que la proposition contraire n’aura pas été établie ; en définitive, il créera de la
« normalité » plus qu’il ne s’y réfèrera. Car, bien souvent, pour le magistrat « Ce qui est
normal et apparent n’a pas à être prouvé» 83. Par conséquent, il semblerait que le juge
pénal se fonde sur une présomption davantage « ante-judiciaire » :

« entre les deux propositions contraires relativement au fait à prouver, [la


présomption anté-judiciaire] indique celle qui devra être prouvée de telle manière que
l’autre sera retenue comme motif de décision si la preuve n’est pas faite ou est
insuffisante et comme ce choix est nécessairement préalable à l’examen de la preuve

78
Cycle Droit, économie, Justice 2007, Huitième conférence, Bruno DEFFAINS, Professeur à
l’Université Nancy II et Mustapha MEKKI, Professeur de droit à l’Université de Clermont-Ferrand.
79
Jean DEVEZE, Contribution à l’étude de la charge de la preuve en matière civile, Thèse TOULOUSE,
1980, spéc. p. 19. En effet, les exigences relatives à la légalité et à la loyauté dans l’administration de la
preuve confirment le caractère relatif de la vérité dans le procès, sur cette question, v. not. Anne
LEBORGNE, « L’impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité ou le double visage d’un grand
principe », RTD civ, 1996, p. 535 et s. Adde, Anne-Elisabeth CREDEVILLE, « Vérité et loyauté des
preuves », in Rapport annuel de la Cour de cassation, 2004, p. 51 et s. ; Pascal LEMOINE, « La loyauté
de la preuve à travers quelques arrêts récents de la Chambre criminelle », in Rapport annuel de la Cour de
cassation, 2004, p. 165 et s.
80
Xavier LAGARDE, « Vérité et légitimité dans le droit de la preuve », Revue Droits, 1993, n° 23, p. 31
et s ; Philippe THERY, « Les finalités du droit de la preuve en droit privé », Revue Droits, 1996, n° 23, p.
41 et s.
81
Jean DOMAT, Les lois civiles dans leur ordre naturel, Paris, éd. CAVELIER, Tome 1, 1771, p. 204.
82
Roger PERROT, note sous Cass. civ., 29 mai 1951, JCP. (G), 1951, II, 6421.
83
Jean RIVERO, « Fictions et présomptions en droit public français », in "Les présomptions et les fictions
en droit", Travaux du Centre national de recherches de logique, Bruxelles, Bruylant, 1974.

63
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

et (…) à son mécanisme, elle ne comporte par elle-même et à elle seule aucune
indication sur le déroulement ultérieur de la preuve soit quant à sa décomposition du
fait à prouver soit quant aux moyens qui seront recevables pour faire la preuve84».
Toutefois, le doute devant profiter à l’accusé constitue un choix d’ordre éthique protégé
par des textes fondamentaux. L’article 9-1 du Code civil selon lequel « Chacun a droit
au respect de la présomption d’innocence » est moins un objectif juridique qu’un choix
politique : il s’agit de promouvoir un principe qui se situe au sommet de notre hiérarchie
des valeurs. Ainsi, entre la défense et l’accusation, le doute ne revêt pas la même
signification. En effet, selon Maître Eric DUPONT-MORETTI: « le doute doit toujours
obstinément profiter à l’accusé même s’il est trop pauvre (…) trop bête (…) »85. En
revanche, selon M. Philippe BILGER, avocat général près la Cour d’appel de
Paris : « le doute n’est pas la panacée en matière judiciaire il ne règle pas tout il
convient de le définir de l’analyser et d’en délimiter la portée »86. Dès lors, à supposer
que l’avocat préfère inconditionnellement la défense à la vérité et, en dépit de sa
connaissance réelle de la culpabilité de son client, que ce conseil veuille néanmoins
plaider la relaxe ou l’acquittement, reléguant ainsi à la portion congrue les
considérations méta-juridiques relatives au mensonge et à la vérité, si le risque existe
que le défenseur fasse montre d’une autarcie judiciaire, il n’en demeure pas moins que
cette attitude incarne encore la démocratie judiciaire ou le respect des droits de la
défense dans un Etat de droit.

§ 2 - La dissociation aveu-vérité du côté de l’avouant

33- Polysémie de l’aveu. Non seulement il est possible de distinguer l’aveu de la


vérité judiciaire, mais également, dans le cadre de la réception de cet aveu, de se poser
la question du réel mobile rendant possible cette autoaccusation. Il est possible, en effet,
que les raisons qui conduisent un accusé à avouer n’aient qu’un rapport lointain avec le
sentiment de sa culpabilité. L’aveu en matière pénale peut donc revêtir diverses
significations (A) qui révèlent paradoxalement moins, au travers de ses propos, la

84
Jacques CHEVALIER, Cours de droit civil approfondi. La charge de la preuve, Les cours de droit,
Paris, 1958/1959, p. 219. La formule est initialement celle de Jérémy BENTHAM, Traité des preuves
judiciaires, 3ème éd., Bruxelles, 1840, Tome II, Chap. II, p. 11 et s. p. 57.
85
Actes de l’Institut de Défense Pénale, consacré au thème : « l’Avocat et la vérité », Marseille,
2 décembre 2006.
86
Ibid.

64
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

criminalité de l’intéressé que sa personnalité. Chez les personnes atteintes au moment


des faits de troubles mentaux, voire dans un autre registre chez certains tueurs en série,
l’aveu des faits reprochés est parfois inséparable d’un désir de punition ou d’autorité
(B). Par son aveu, l’accusé recherchera de la part de l’institution judiciaire une
indulgence voire un pardon. Or, en pareilles circonstances, ce ne sera plus la question de
la culpabilité qui sera posée, puisque la personne aura avoué, mais davantage celle des
raisons profondes ayant motivé le passage à l’acte, ce qui nécessitera que la juridiction
se penche sur les éléments biographiques de l’intéressé (C). Ce travail permettra peut-
être à la personne, déclarée coupable, d’échapper à une peine privative de liberté car
l’infraction ne pourra pas lui être imputée.

A) Attrition ou contrition ?

34- Un pardon médiéval conditionné. Selon Jacques CHIFOLLEAU, dès le


XIIIème siècle le pardon du pécheur n’était acquis que s’il avait reconnu verbalement et
publiquement ses péchés. L’aveu, en effet, préparait le pénitent en tant que chrétien, à
affronter le juge suprême. L’aveu était étroitement lié à la nécessaire rédemption du
repentant. Et le pardon ainsi recherché par l’aveu du contrit ébranlait davantage le
concept de vérité que ce qu’il ne le consolidait. Le Moyen-âge situait en effet l’aveu au
cœur des relations de pouvoir car son énonciation valait plus que son contenu. Il
s’agissait davantage d’une réflexion sur le contexte de la production des aveux, où
s’opposait la technicité du droit aux méandres psychologiques ayant rendu possible cet
aveu. Le principe d’incertitude n’existait pas, puisque au temps de « l’aveu roi », la
révélation de faits reprochés constituait une vérité sur laquelle l’appareil judiciaire ne
s’interrogeait pas. La problématique était différente. Il s’agissait de savoir si oui ou non
le délinquant pouvait être « attrit » ou « contrit » 87.

De nos jours, le phénomène d’attrition pourra conduire la personne poursuivie à


adopter une posture morale dans ses déclarations. L’accusé pourra faire ainsi preuve de
repentance même si ladite repentance n’apportera rien à la manifestation de la vérité, car
elle participe d’un autre registre. La démarche de repentance s’inscrit dans une
dimension religieuse en relation avec une quête de pardon ; en revanche, cette posture

87
Jean DELUMEAU, L’aveu et le pardon, les difficultés de la confession XIIIème-XVIIIème siècles, Paris,
Fayard, 1992, p. 46 à 51.

65
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

n’éclaire pas la juridiction sur les faits de l’espèce, leur déroulement, leur mobile. Le
but avoué du pénitent relève davantage de la stratégie personnelle : il s’agit, par cet acte
de contrition, d’obtenir une peine allégée. C’est, en pratique, ce qui se produit dans bon
nombre de dossiers relatifs à des trafics de stupéfiants dans lesquels certains accusés
adoptent cette attitude de repentance à l’audience avouant ainsi implicitement leur
évidente implication dans l’affaire pénale pour laquelle ils sont poursuivis, pendant que
les autres coaccusés privilégient les grands principes (présomption d’innocence). Les
repentants tacticiens sont parfois condamnés à des peines bien inférieures à celles de
leurs coaccusés. Si cette inclinaison à la repentance lors de procès d’assises peut
apparaître comme gênante du côté des magistrats lesquels sont conscients de la
dimension stratégique qu’elle renferme, elle reflète également l’idée selon laquelle la
vérité n’est précisément pas le criterium essentiel du procès pénal. Ce qui se joue
réellement s’inscrit en effet davantage en marge de la question dialectique du vrai ou du
faux mais relève d’un autre registre, celui d’une possible ou non réinsertion de l’accusé,
des risques ou pas de récidive ou de réitération des faits de l’intéressé au regard de sa
personnalité et de ses antécédents judiciaires. C’est sur ce fondement que repose
aujourd’hui tout le contentieux de l’exécution des peines lorsqu’une personne
condamnée et détenue souhaite obtenir un aménagement de peine. Mais cette évolution
déplace toutefois la problématique du procès pénal.

Il est possible d’illustrer notre propos par un exemple, celui découlant du délit de vol
et de recel de vol. Il s’agit de l’hypothèse d’un objet découvert au domicile d’un
individu, ledit objet ayant servi à la commission d’une infraction de vol mais dont les
faits remontent à dix années en arrière. La personne mise en cause est présentée soit
devant le juge d’instruction s’il s’agit d’un majeur soit devant le juge des enfants s’il
s’agit d’un mineur. Deux hypothèses s’offrent ainsi à la personne poursuivie. Soit,
première hypothèse, elle décide de dire la vérité et elle sera mise hors de cause. En effet,
si elle reconnaît stratégiquement le délit précité de soustraction frauduleuse commis dix
années auparavant elle sera mise hors de cause car s’agissant d’une infraction
instantanée, ladite infraction est donc prescrite. En conséquence de quoi, le prévenu ne
pourra plus faire l’objet de poursuites pénales. Soit, seconde hypothèse, la personne
mise en cause décide de dire la vérité, en avouant ne pas être l’auteur de l’infraction
mais d’être uniquement receleur dudit objet trouvé à son domicile. Ce faisant, en disant
la vérité ou en avouant ledit forfait, donc en intégrant une dimension morale dans sa

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PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

confession, la personne poursuivie fera l’objet de poursuites pénales car s’agissant du


délit de recel, donc d’une infraction continue, le délit n’est donc pas prescrit. C’est dire
à quel point, au travers de cette illustration assez récurrente dans les cabinets
d’instruction, l’intégration d’une variable éthique dans le processus d’aveu se retourne
contre les intérêts de la personne mise en cause ; car, en l’occurrence, c’est précisément
le mensonge qui aurait conduit le magistrat à ne pas engager de poursuites pendant que
la révélation des faits conduira inévitablement le même magistrat à décider de la mise
en examen du prévenu. En l’espèce, la personne poursuivie escomptait donc de son
aveu librement consenti également une forme de réparation de l’appareil judiciaire à son
bénéfice ; qu’en l’état de sincérité dudit aveu la justice fasse montre à son endroit de
davantage de clémence. Or, en l’occurrence, il ne s’agit plus de contrition mais
davantage d’attrition ou de désir, du côté de la personne mise en cause, d’une
reconnaissance relative, du côté de l’institution judiciaire, de sa bonne foi ou d’une
certaine morale ayant présidé aux aveux ainsi consentis. Lorsqu’un lien de droit est
définitivement rompu seule l’intervention d’un tiers censé être impartial, le juge, pourra
faire la vérité, ce qui consiste selon le philosophe HEIDEGGER, à révéler ce qui est
caché où oublié88. Incorporation donc également dans la révélation de l’aveu, du côté du
prévenu ou de l’accusé, d’une forme de morale laquelle prend davantage sa source au
sein d’une certaine conception religieuse de la justice, dont la personne poursuivie
attend non seulement un pardon mais également le rachat car, comme le souligne89
Roger MERLE, « l’aveu est la condition de l’épuration spirituelle (…) il doit ouvrir le
cœur à la contrition ». Il s’agira pour l’auteur d’une grave infraction de solliciter un
pardon pur qui dépasse la seule contrition, mais, au-delà, d’attrition.

Car, sur un plan historique, l’aveu relève de la rédemption du côté du pénitent.


A ce titre, les modes de preuve ont toujours intégré une dimension religieuse, que l’on
fasse référence aux ordalies ou aux formes prescrites par la loi salique. L’accusé doit,
dans un premier temps, produire des co-jurantes lesquels devront témoigner de sa
moralité afin d’être garants de son innocence. L’homme libre qui ne trouve pas de co-
jureurs pouvant partiellement ou totalement le disculper pourra recourir au procédé des
ordalies, mot traduit en latin par judicia dei. Ce n’est qu’avec les progrès de la

88
Martin HEIDEGGER, De l’essence de la vérité, (cours de 1931) trad. Alain BOUTOT, Paris,
Gallimard, 2001.
89
Roger MERLE, La pénitence et la peine, Paris, Editions Cujas, 1985.

67
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

juridiction ecclésiastique au Moyen âge que la justice, rendue par le concours de clercs
instruits, appliquera les règles du droit canonique lesquelles excluront les procédés de
preuve jugés irrationnels comme le duel judiciaire et les ordalies. Or, ces épreuves ont
un trait commun car elles font appel à l’intervention divine pour désigner le coupable.
Dans sa monumentale histoire du droit français, Fr. OLIVIER-MARTIN déclare : « (…)
la justice humaine se trouvant en défaut, l’innocent opprimé s’adresse au Juge suprême.
L’esprit de la religion chrétienne répugne à cet appel perpétuel au miracle» 90.

B) Une volonté de renoncer

35- Exigence morale et volonté répressive. Inséparable d’un besoin de sécurité, la


confession dès le XVème siècle repose en Occident sur une conscience individuelle du
pêché lequel rend possible la démarche d’aveu. Comme l’indique l’historien des
religions, Jean DELUMEAU : « L’Eglise, même si elle inflige des pénitences, est
d’abord et avant tout dispensatrice du pardon divin (…)»91. Le désir de punition est
donc inséparable chez le délinquant ou celui qui est perçu comme tel par la société
médiévale, d’une conscience du bien et du mal donc, in fine, de l’intériorisation du côté
de l’auteur de l’aveu d’une nécessaire transparence de sa conscience, donc d’une
exigence personnelle de bonne foi envers soi et envers autrui, principe dont les origines
romaines sont effectivement d’inspiration religieuse. L’intégration d’une nécessaire
bonne foi repose sur le concept de fides92 lequel renvoie, d’une part, à un lien de
dépendance, d’autre part, à l’abandon total d’une personne à une autre ; enfin, au
respect de la parole donnée93. Car le pénitent est également mû par des valeurs
d’honneur et de loyauté qui président à sa démarche d’aveu laquelle est inséparable de
la dimension morale la rendant possible. Celui qui par sa faute a offensé Dieu a
toutefois, au préalable, dans son schéma mental, une idée du juste et du bon comme
références dans un sens platonicien. Il s’ensuit que la fides vient attribuer, de façon
paradoxale, deux sens, celui d’abandon (le pénitent livre sa conscience dans une
enceinte religieuse, donc à un tiers) et concomitamment, celui de confiance (il suppose
ce tiers investi de pouvoirs magico-religieux qui le dépassent). Ce lien inattendu entre
90
François OLIVIER-MARTIN, Histoire du droit français, Grenoble, Editions du CNRS, 1995, p. 58.
91
Jean DELUMEAU, L’aveu et le pardon, op.cit., p. 6.
92
Jean IMBERT, « De la sociologie au droit, La « fides » romaine », in Droits de l’Antiquité et sociologie
juridique, Mélanges Henri LEVY-BRUHL, Paris, Sirey, 1959, p. 413.
93
Ibid, p. 414.

68
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

une renonciation volontaire à une innocence présumée et la confiance supposée envers


l’institution rendant possible cet aveu de culpabilité peut toutefois, de manière
contradictoire, renvoyer à une forme de liberté recouvrée si l’on se réfère à l’étymologie
du verbe abandonner dans les langues romanes lequel renvoie à la « mise à bandon »,
c’est dire au recouvrement d’une liberté. En même temps, il s’agit bien d’une valeur de
nature métaphysique car, à Rome, ce concept est divinisé, ce qui explique que la fides
permet la divinisation d’un attribut jupitérien, à la fois dieu du serment et de la loyauté
dont les implications juridiques concernent non seulement la bonne foi mais également
un besoin corrélatif de morale. C’est d’ailleurs cette exigence éthique qui rend légitime,
sinon légal, le processus d’autoaccusation qui n’est en réalité qu’une forme d’auto-
trahison librement consentie.

36- Avouant et désir de punition. Il est possible d’établir une relation entre cette
demande de punition qui peut se manifester du côté du délinquant comme un
phénomène affectif et le châtiment, en tant que réalité sociale. Les études
criminologiques s’attachent, dans ce cadre, au concept de « compulsion d’aveu»94. Que
cet aveu de culpabilité résulte d’un lapsus, c’est-à-dire d’une reconnaissance
inconsciente des faits reprochés, ou qu’il s’exprime de façon indirecte au travers d’un
écrit, l’interprétation de ces actes manqués renvoie à la tentative parfois maladroite, du
côté de la personne mise en cause, de révéler des événements douloureux afin de libérer
sa conscience. Ce désir d’aveu produit donc un sens qui excède le droit et la procédure
pénaux. Par son auto-trahison volontaire, l’intéressé pourra souhaiter inconsciemment,
en même temps, se mettre hors d’état de nuire et, par là-même, protéger ladite société
contre sa personne en rendant désormais impossible une quelconque récidive ou
réitération des faits. Il recherchera ainsi, par son aveu, à s’extirper de ce statut de
criminel ayant enfreint la règle de droit pour se soumettre à une loi symbolique plus que
juridique que constitue la figure du Père, l’instance judiciaire. Il existe dans l’aveu de
soumission ou d’acceptation volontaire une volonté inconsciente de renouer le fil perdu
de la loi, d’instaurer une relation dyadique de pouvoir dans laquelle le délinquant
abdiquerait face à l’autorité légitime, se posant ainsi comme inégal pour pouvoir
espérer, en contrepartie, sinon le pardon du moins une forme de compassion. Or, bien
souvent, la pitié est cruelle car, en retour, la réaction sera celle de la sanction et non

94
Theodor REIK, Le besoin d’avouer, Paris, Ed. Payot, 1973, p. 204.

69
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

celle plus juste de l’empathie, puis de la réhabilitation. Le délinquant pourra, en outre,


souhaiter que son crime reste impuni mais ne parviendra pas toutefois à avouer
l’étendue réelle de sa culpabilité, c’est donc son inconscient qui s’exprimera,
confirmant, sur ce point, si besoin était, l’intuition freudienne selon laquelle « le moi
n’est pas maître dans sa propre maison ». Par suite, cette tendance à l’auto-trahison
n’est pas séparable d’un désir, fût-il inconscient, de punition ou de révélation d’une
forme de compulsion d’aveu. La confession de culpabilité dénote une libération de
l’inconscient et son accession au champ de la conscience. La dynamique de la
confession dévoile par conséquent la vie affective de l’homme dont il faut comprendre
la psychogénèse car la volonté de punition reste difficile à décrypter. En effet, les
éléments inconscients conduisant au processus d’aveu ne vont pas permettre à l’accusé
de réellement les expliciter, les facteurs moraux ne s’avérant pas suffisants pour
démêler l’écheveau d’un tel processus. Le délinquant ne pourra rien confier à personne
sur les processus inconscients l’ayant conduit à s’autoaccuser. En réalité, ces
mécanismes psychologiques se rattachent à la volonté de revendiquer la responsabilité
du méfait - volonté qui ne dépend pas sur le plan affectif de la réalité du geste - et à un
sentiment de culpabilité inconscient reposant sur la perception endopsychique des
tendances réprimées ; car c’est bien souvent dans la névrose que se dissimule le secret,
secret que le criminel souhaiterait dissimuler à la seule personne du juge. Dans un texte
consacré aux déterminants de l’aveu, le psychanalyste Theodor REIK articule le besoin
de punition à celui d’avouer autour du concept de compulsion. Il déclare : « (…)
l’existence et l’efficacité de la compulsion d’aveu sont démontrées précisément par la
psychologie des processus oniriques dans lesquels celle-ci ne joue qu’un rôle
secondaire. En termes analytiques, cela revient à dire que le contenu caché du rêve
représente toujours un accomplissement de désir, alors que la forme du rêve se rapporte
à l’aveu de ces désirs. En d’autres termes, le caractère d’aveu assumé par le rêve quand
nous le considérons comme un tout, est dû à la transposition subie par les pensées
latentes du fait du travail du rêve. Ce caractère d’aveu se rapporte uniquement à la
couche psychique associée à l’énergie de défense. Le fait même qu’une déformation de
ce type soit nécessaire implique que la compulsion d’aveu joue un rôle dans la
formation du rêve. »95. L’aveu a donc partie liée à un désir de punition lequel
s’accompagne d’une nécessaire coopération de l’auteur. Dans cette perspective, le

95
Theodor REIK, ibid, p. 190.

70
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

processus d’autoaccusation permet de repenser la question de la sanction pénale et ce


d’une façon assez paradoxale si l’on admet que l’une des critiques les plus vives ayant
été formulées par les thuriféraires de la présomption d’innocence lors de la mise en
œuvre de la procédure de CRPC faisait grief au plaider coupable de faire abstraction
d’un réel débat sur la culpabilité96.

37- Aveu et sentiment de honte éprouvé. Le sentiment de honte est bien


souvent extérieur à la nature de l’acte répréhensible commis car il a son siège dans
divers autres facteurs affectifs. La honte éprouvée peut en effet s’expliquer par
l’auto-punition qui n’est pas séparable de l’intériorisation, du côté de l’auteur de
l’aveu, d’éléments extérieurs aux éléments ayant fondé la poursuite, à savoir l’image
qu’il va véhiculer auprès de sa famille, de ses amis ou de ses collègues de travail.
C’est donc davantage une préoccupation extérieure à l’acte commis lui-même qui
conduira l’intéressé à avouer ; son sentiment de honte éprouvé pouvant s’interpréter
comme un compromis entre l’acte lui-même et la demande également de pardon
adressée à l’extérieur (ses proches) face à l’affront qu’il leur aurait fait également
subir. La question se pose toutefois de savoir quelle sera la signification dudit aveu
sur un plan affectif et psychologique pour les tiers, c’est-à-dire, pour le juge, les jurés
et le public. La société pourra estimer que le droit de juger dont elle est investie par
la loi dans un espace-temps déterminé, celui de l’audience d’une juridiction pénale,
est mis en question puisque les aveux auront, d’une certaine manière, devancé la
condamnation à intervenir. Ainsi, l’aveu ne contribue pas uniquement à réduire le
besoin inconscient de punition de l’individu mais il satisfait et réduit également un
besoin de punition collectif de la société. Or, en satisfaisant un effet expiatoire pour
la société, celle-ci va paradoxalement se libérer (par l’aveu) au même moment où
elle s’enchaînera (car elle sera à cet instant partiellement dépossédée de son pouvoir
de punition). Lors des procès d’assises, en effet, juges et partie civile espèrent bien
souvent que l’aveu du criminel révèlera l’indicible, que l’accusé prononce un

96
En effet, une réflexion sur l’aveu en matière pénale déplace la problématique du procès pénal : il ne
s’agit plus de réfléchir sur la question ou non d’une culpabilité de la personne mise en cause puisque, par
définition, ce débat paraît tranché par l’aveu de culpabilité de l’intéressé mais davantage sur celle de la
sanction. C’est la raison pour laquelle l’aveu tend à apparaître de plus en plus comme le socle des modes
alternatifs de règlement des conflits.

71
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

discours, d’une certaine manière, imprononçable. La levée du tabou devant permettre


à chacun de s’interroger voire d’établir une comparaison avec sa propre vie
psychique donc de s’identifier consciemment ou pas à la personne mise en cause. A
ce titre, l’autoconfession révèle également secrètement une forme d’accusation à
l’encontre de la société que l’aveu, dans sa transparence, va contribuer à abolir,
rendant une possible identification avec le délinquant, fût-elle l’espace d’un instant.
En ce sens, l’aveu pénal constitue un premier pas vers un retour à la société car il
offre au criminel une chance de se réintégrer, un jour peut-être, à la communauté à
laquelle il appartient après que, volontairement, ses actes l’aient mis en marge de
cette dernière ; société à, laquelle in fine il ne peut échapper. C’est la raison pour
laquelle l’aveu fonctionne paradoxalement comme un renforcement de la légitimité
de la loi et de sa souveraineté alors que, sur un plan pénal, l’auteur d’une infraction
s’est précisément placé hors-la-loi. L’aveu témoigne qu’il ne saurait exister, en pure
logique, de transgression de la norme dans un contexte autoréférentiel ne permettant
pas d’échapper à cette loi fondatrice de l’ordre juridique. Ainsi, l’aveu n’apparaît pas
comme l’exception dans le procès pénal mais il fonde la règle. L’autorité judiciaire
prendra, a posteriori, acte à son tour de cette volonté de rapprochement donc de
réconciliation avec la société en considérant formellement l’aveu comme une
circonstance atténuante. Car l’aveu peut également s’interpréter comme une
demande de compréhension voire d’amour ; à ce titre, il est intéressant de constater
que dans l’histoire criminelle française, la question affective est à l’œuvre dans la
plupart des affaires pénales. L’aveu constituera parfois, pour le délinquant, un moyen
approprié pour demander pardon, une contrition qui pourra être parfois, de son côté,
conditionné ou tactique car l’auteur dudit aveu escomptera en retour, la clémence des
jurés ; mais également, plus rarement, s’articulera à ce que le philosophe français
DERRIDA nomme le « pardon pur ». Un pardon pur qui supposerait, du côté de la
personne poursuivie, qu’il ne soit pas affecté dans son principe par un quelconque
désir en retour de réparation et, du côté de l’institution judiciaire, qu’il constitue le
geste quasi impossible d’un acte inconditionnel le séparant de son devoir, celui de
châtier celui qui a enfreint la loi pénale.

72
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

C) La recherche d’un pardon pur en matière pénale

38- La dimension cachée de l’aveu. Par l’aveu le délinquant recherche donc


inconsciemment ce que DERRIDA nomme le « pardon pur »97 c’est dire un pardon qui
paradoxalement se déploie en marge de la justice et du droit alors même que la
confession s’effectue dans une enceinte judiciaire. En effet, un magistrat peut être
indulgent voire comprendre puis pardonner en dépit du crime à raison d’un fait
justificatif, comme en a témoigné, par exemple, l’affaire CHEVALLIER98 au début du
XXème siècle. Mais le concept de « pardon pur » est plus difficile à cerner car il s’agit
d’une démarche intellectuelle qui, précisément, n’aurait plus de rapport avec l’idée de
châtiment, il serait donc pur car inconditionné. Ainsi, le concept de pardon pur renvoie à
une autre approche communément admise du pardon souvent mise en avant lors des
procès d’assises, fondée sur des justifications de nature psychologique, celle de
réconciliation ou d’un nécessaire travail de deuil lesquelles justifications pour
nécessaires qu’elles soient, se déploient en réalité en marge d’un réel pardon, à supposer
qu’une juridiction puisse pardonner un jour. Dès lors, cette notion n’a en fait pas de sens
ni du côté de l’accusé, ni du côté de la victime. Elle suppose qu’au-delà des faits
l’institution puisse pardonner en marge d’une quelconque réparation, plongeant ainsi
l’affaire dans l’oubli. C’est, en définitive, la question de la grâce présidentielle ou de
l’amnistie qui est soulevée, c’est-à-dire celle de l’application d’un droit qui ne tirerait
pas réellement sa source du seul droit positif mais davantage d’une métaphysique ou
d’un droit naturel ; en d’autres termes, d’une justice étatique qui, au-delà de la loi
pénale, se penserait également dépositaire d’un pouvoir métaphysique qui rendrait
possible un pardon sans finalité ou indéterminé car faisant volontairement abstraction
du débat sur la vérité ou la fausseté des faits, pour pardonner inconditionnellement au
criminel en marge du droit. Aussi, le but ultime de l’aveu réside consciemment ou pas
soit dans une quête de pardon pur qui serait accepté donc conféré par un tiers, l’autorité

97
Jacques DERRIDA, Pardonner : l'impardonnable et l'imprescriptible, Paris, Editeur Herne, 2005.
98
Pierre CHEVALLIER est un homme politique français, né le 30 janvier 1909 à Orléans (Loiret) et
décédé tragiquement le 12 août 1951 dans la ville dont il fut le maire. Le 11 août 1951, il est nommé
secrétaire d'État à l'Enseignement technique, à la Jeunesse et aux Sports dans le gouvernement René
PLEVEN. Le lendemain, alors qu'il allait se rendre à l'inauguration d'un pont suspendu à CHATILLON-
SUR-LOIRE, sa femme l'assassina de cinq balles de revolver. Des obsèques nationales lui furent
organisées. Son épouse, Yvonne CHEVALLIER, qu'il avait connue lors de ses études à Tours et à Paris,
avait été victime d'une crise de jalousie. L’accusée fut acquittée un an plus tard par le tribunal de Reims,
les jurés reconnaissant son rôle d'épouse bafouée.

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PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

judiciaire ; un pardon qui, en d’autres termes, permettrait de dissocier inconditionnalité


et souveraineté de la loi ou de l’Etat ; c’est dire un pardon expurgé de toutes ses
implications sociales en termes de sanction ou réparation. C’est d’ailleurs cette idée qui
a présidé à la création de juridictions ad hoc dans le cadre du règlement du conflit au
Rwanda ou GACACA99.

39- Devoir de mémoire et réconciliation nationale par l’aveu. Les juridictions


populaires GACACA inspirés du modèle de justice traditionnelle s’inspirent des
techniques de la procédure pénale moderne mais sont confiées à la population et non
aux professionnels du droit. Ces juridictions ont soulevé des questions s’articulant
autour de l’aveu pénal, celles du possible pardon (et ses conditions) à la suite du
génocide rwandais ainsi que l’importance de la vérité et de sa révélation pour
reconstruire l’avenir du pays100. A la suite des événements susrappelés, le Rwanda a
souhaité se doter d’un système permettant l’organisation de poursuites pénales mais
également la réconciliation du peuple avec lui-même, c’est dire entre les deux ethnies
Hutus et Tutsies. Il s’agissait, par la connaissance de la vérité, de conduire les criminels
à avouer leurs crimes puis se repentir, mais sans tabler uniquement sur le volet répressif.
Les réflexions engagées à cet effet dans le cadre d’une large concertation avec la
population ont amené à retenir, comme solution alternative et, partiellement
complémentaire de la justice classique, le recours à la justice participative, faisant appel
à la population devant laquelle les crimes à juger avaient été commis. Les juridictions
GACACA devaient ainsi conduire à une prise de conscience d’une responsabilité du
pouvoir dans cette tragédie autour de trois idées-force: la justice, la vérité et la

99
GACACA est le nom rwandais pour tribunal communautaire villageois. Ces tribunaux ont été réactivés,
à l’issue du conflit entre les ethnies Tutsies (1994) et Hutus afin d’accélérer le nécessaire procès des
quelques centaines de milliers de personnes accusées de participation au génocide rwandais. Après
l’attente d'une décennie, où rescapés et génocidaires ont dû se côtoyer, la justice a été partiellement
rendue. En effet, on estime qu'il aurait fallu deux cents ans à la justice rwandaise pour juger tous les
accusés.
100
Sources : AVOCATS SANS FRONTIERES, Justice pour tous au Rwanda. Rapport semestriel. 1er
semestre 1999, Bruxelles, Kigali, septembre 1999, p. 38. Charles NTAMPAKA, « Droit et croyances
populaires dans la société rwandaise traditionnelle », Dialogue, Juillet-Août 1999, p 3-18. La justice
rwandaise et les juridictions GACACA : le pari du difficile équilibre entre châtiment et pardon, par
François-Xavier NSANZUWERA, ancien procureur de la République, Association internationale de
recherche sur les crimes contre l'humanité et les génocides – Site http://aircrigeweb.free.fr. ; Hélène
DUMAS, les juridictions GACACA au RWANDA, article paru dans le numéro 53 de Mouvements.
Publié par Mouvements, le 7 avril 2009, http://www.mouvements.info/Les-juridictions-gacaca-au-
Rwanda.html.

74
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

réconciliation. Or, cette justice n’était possible que dans la mesure où la vérité serait
établie. Le système devait par conséquent reposer sur la collaboration et l’unité de tout
un peuple, car, une fois la vérité connue, il n’y aurait plus de suspicion puisque les
auteurs auraient été identifiés et condamnés et la justice rendue. Ce qui permettrait
également à la victime et au détenu déclaré innocent de réintégrer la société rwandaise.
Le principe de l’aveu de culpabilité fut ainsi promu car il offrait à l’auteur de l’aveu la
possibilité d’une part de réduire la peine, d’autre part, de la convertir partiellement ou
totalement en travaux d’intérêt général. En outre, comme la recherche de la vérité était
le plus important des objectifs de ces juridictions populaires, la loi organique prévoyait
une procédure capable de favoriser la recherche de la vérité et la réconciliation
nationale. C’est donc par l’aveu que fut favorisée la réconciliation tout comme
l’éradication d’une culture de l’impunité avec l’adoption de mesures permettant
d'assurer de réelles poursuites et le jugement des auteurs et des complices sans viser
seulement la simple répression, mais aussi la réhabilitation de la société rwandaise.
L’idée par conséquent d’une justice restauratrice donc réparatrice a reposé notamment
sur l’aveu. De la même manière qu’un devoir de mémoire des victimes était primordial
afin de leur permettre de faire le deuil de ce drame. Ainsi, la mise en place des
juridictions GACACA représentait une tentative originale de conciliation des exigences
de justice et de réconciliation nationale, souvent présentées comme contradictoires car
elles devaient participer à la réécriture de l’Histoire du génocide.

SECTION SECONDE : AVEU ET AUTOJUSTIFICATION DE L’INSTITUTION JUDICIAIRE

40- Paradigme101 judiciaire et aveu pénal. Le modèle judiciaire ne repose pas sur
une vérité judiciaire mais sur une probable vérité, ce qui est fort différent. En dépit des
preuves fournies et des pièces versées à un dossier de procédure, force est d’admettre
que la juridiction pénale entre souvent en voie de condamnation en l’absence de preuves
irréfutables. Autrement dit, la déclaration de culpabilité peut ne reposer que sur de

101
Le paradigme désigne un modèle abstrait destiné à représenter un modèle social complexe et réel et
visant à analyser les changements qui s’y produisent. Guy HERMET, Bertrand BADIE,
Pierre BIRNBAUM, Philippe BRAUD (dir.), Dictionnaire de la science politique et des institutions
politiques, 3ème édition, Paris, Armand Colin, 1998, p. 191. Selon Thomas-Samuel KUHN, le progrès
scientifique s’alimenterait d’une succession de paradigmes qui se figent en théories vouées à se dissoudre
à leur tour face à de nouveaux paradigmes. Thomas-Samuel KUHN, La structure des révolutions
scientifiques, Paris, Flammarion, 1972.

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PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

simples aveux, donc une vérité relative car fondée sur une rationalilté juridique limitée.
Ce caractère relatif attaché à la vérité judiciaire risque de conduire l’institution à
pérenniser un système dont le critère d’appréciation s’inscrit en marge de ce qui est
considéré comme juste (§1). En même temps, c’est précisément en raison de la
difficulté inhérente à l’acte de juger que l’aveu est recherché par le juge pénal. L’aveu
remplit par conséquent une fonction de cohésion sociale en venant anticiper les
conséquences néfastes pour l’opinion publique d’une possible erreur judiciaire.
Toutefois, la réception de l’aveu reste problématique puisque l’idée de justice renvoie à
celle d’infaillibilité. En effet, devant la cour d’assises, un verdict d’innocence sera perçu
comme un désaveu du magistrat instructeur. Cette conception contrevient du même
coup au principe selon lequel l’aveu doit être obtenu afin de pallier le risque de
confusion (§2). Ainsi, la recherche de l’aveu par l’institution judiciaire constitue une
quête paradoxale puisque, en définitive, le juge n’a pas réellement besoin de ce mode de
preuve pour emporter sa conviction. Si l’aveu est recherché c’est, à titre accessoire,
pour conforter la justesse d’une accusation ; ce qui sera considéré comme une preuve
déterminante ce sont les éléments matériels versés, d’abord au sein de l’enquête
policière, ensuite, celles résultant de l’instruction. Car, au cours d’un procès pénal, ce
n'est pas tellement l'infraction en tant que telle qui est jugée, mais c'est, en définitive, le
délinquant dans le rapport qui s'est établi entre sa personnalité propre et l'infraction
commise. L’aveu pénal est par conséquent non seulement consubstantiel au système
judiciaire même si sa place est en définitive plus symbolique qu’effective. En réalité,
l’aveu permet davantage au juge pénal de personnaliser la peine, donc l’humaniser, ce
faisant sa réception apparait nécessaire à l’appareil judiciaire pour se pérenniser en tant
qu’institution essentielle d’une société libre et démocratique.

§1 - Aveu et rationalité juridique limitée

41- L’aveu comme acte gratuit. L’aveu recherché chez la personne mise en cause
repose sur un acte (une « libre autoaccusation ») dont la validité pose problème sur un
plan scientifique si l’on définit, tout d’abord, la rationalité pure comme le primat du
certain sur le possible ou le probable ; ensuite, comme la capacité à se projeter dans
l’avenir, donc à une certaine certitude sur la validité des hypothèses formulées.
Néanmoins, comment admettre rationnellement la validité d’un discours (l’aveu de la
personne poursuivie) rendant possible, du côté de l’institution judiciaire, un pouvoir (la

76
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

faculté de juger) lequel repose, bien souvent, sur une connaissance illusoire (le juge
pénal ne connaît pas la vérité absolue dudit aveu au moment de son énonciation) ; ledit
savoir s’érigeant toutefois en autorité légitime et lieu unique de son expression ? Car la
question posée par l’aveu en matière pénale est celle de la possible légitimation d’une
autorité reposant sur une connaissance sinon totalement illusoire du moins
particulièrement embryonnaire ; un « dire » qui, en définitive, porte sur un futur (non
seulement pour l’institution judiciaire dont découlera une sanction mais aussi pour le
prévenu qui devra l’exécuter) qui promet donc prédit (il anticipe sur la condamnation à
intervenir) sur le fondement d’un pouvoir-savoir peut-être illusoire. Le désir d’une
maîtrise de la souveraineté par l’acte de juger peut-il reposer sur des aveux partiels
voire fallacieux qui serviront de fondement à une décision censée refléter la vérité
judiciaire ?

A ce titre, si en matière pénale l’aveu participe, en théorie, d’une démarche de


vérité ou d’un processus vers la vérité, ces soubassements restent bien souvent ceux du
mensonge. Nous examinerons plus loin en quoi il s’agit d’un acte ou d’un passage à
l’acte difficilement déchiffrable sur le plan scientifique ou technique, et ce en dépit des
avancées en matière de police scientifique et autres empreintes génétiques. Car, sur un
plan logique, il apparaît malaisé d’accorder une crédibilité d’ordre rationnel à une
révélation « un dire » portant sur une autoaccusation dont la nature participe ou peut
participer de l’irrationnel, car intégrant l’imaginaire de l’intéressé voire, au sens de
FOUCAULT, le « roman familial » dans le récit ? Comment, en d’autres termes, opérer
un repérage suffisamment fiable du vrai et du faux lorsque, au moment de son
énonciation, l’objet (l’aveu) vient se dérober à l’analyse ? En fait, la procédure pénale
garderait toute sa validité si elle admettait ouvertement qu’elle peut intégrer des
hypothèses s’inscrivant parfois en marge du juste ; or, en l’absence d’un tel constat,
l’institution judiciaire est réduite à ne formuler que des hypothèses par définition
partielles (l’adéquation de la théorie juridique à la démarche scientifique relevant
davantage de suppositions ou « présomptions » que de l’objectivité totale souhaitée par
EINSTEIN) donc se déployant en marge du vrai si l’on adopte la grille de lecture de
Paul FEYERABEND102. Or, si l’on admet que l’établissement de l’aveu repose sur une
rationalité scientifique douteuse, la question se pose de savoir quel est, in fine, le critère

102
Paul FEYERABEND, Contre la méthode, Paris, Le Seuil, 1979, p. 332 et s.

77
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

de jugement de l’institution judiciaire. Et ce, malgré les techniques modernes qui


viennent de plus en plus confondre le menteur dans ses mensonges puisqu’il s’agit de
confronter un récit à une preuve quasi absolue de nature scientifique. Contrairement à
ce que pensait le philosophe LEVINAS103 selon lequel ce qui est caché ne peut être ni
prouvé ni retrouvé car l’origine des lois et de la jurisprudence doit rester cachée,
l’administration scientifique de la preuve suppose donc qu’il soit possible de faire
remonter certains souvenirs émanant de témoins, de parties ou d’indices probants pour
écarter ceux des éléments devenus inexploitables par l’effet d’une prescription ou parce
que lesdits éléments seraient revêtus de l’autorité de chose jugée. Car un moyen de
preuve, au-delà de l’intérêt juridique puis judiciaire qu’il renferme, va éclairer le passé,
qu’il s’agisse d’un écrit ou d’un témoignage.

§2 - Aveu et infaillibilité judiciaire

42- Aveu et intérêt social. Le processus d’autoaccusation vient anticiper les


implications sociales constitutives de cet aveu alors que, par principe, c’est
l’impartialité qui doit présider à la décision judiciaire, à l’infliction d’une sanction. Au
nom de l’intérêt de la société protégé par le ministère public, l’aveu de culpabilité
permet la substitution de l’intérêt social de rétribution individuelle de la faute à la
dimension morale fondée sur celle de vérité et de juste imputation d’une peine à des
faits reprochés. Cet impératif est lié à un besoin de réparation absolue donc de
châtiment devant satisfaire l’opinion publique. Renaud DULONG et Jean-Marie
MARANDIN déclarent à ce propos : « Les réactions de l’opinion face aux lenteurs de la
justice pénale, ou sa réticence à affronter la complexité de certains délits collectifs,
signalent que la compréhension publique du déroulement des procès pénaux est
parasitée par le besoin qu’un crime trouve rapidement sa réponse dans un châtiment »
104
. Aussi, la question de l’aveu peut révéler chez l’institution judiciaire une quête
utopique d’infaillibilité qui témoigne moins de sa suprématie que de sa fragilité. Car il
est naturel de vouloir se protéger lorsque l’on se considère, à tort ou à raison, menacé.

43- La quête illusoire d’utopie : aveu et infaillibilité judiciaire. La recherche


systématique de l’aveu répond à une volonté sans doute utopique pour l’appareil
103
V. Emmanuel LEVINAS, A l’heure des nations, Paris, éd de Minuit, 1988, p. 91 s.
104
Op.cit. p. 157.

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PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

judiciaire, celle d’une infaillibilité judiciaire absolue, alors que le principe qui prévaut
est celui d’une dépendance multiple, au pouvoir politique s’agissant des magistrats du
parquet ; à leurs supérieurs hiérarchiques pour ce qui concerne les magistrats du siège
car le respect qui en découle est antinomique avec la volonté d’indépendance. Une
infaillibilité dont le corollaire serait l’irresponsabilité; or, comme toute institution
humaine, celle-ci est faillible, c’est dire que l’absence d’erreur n’est pas possible, même
si l’appareil judiciaire recherche toujours l’aveu pour ne pas s’y résigner. Il s’agit donc
pour l’institution de se déresponsabiliser pour restreindre du même coup l’émotion que
pourrait susciter l’erreur judiciaire. Par le prisme de l’aveu, l’institution judiciaire, loin
d’engager un bras de fer avec le prévenu ou l’accusé, est conduite à s’interroger elle-
même, c’est à dire engager une sorte de monologue intérieur, peut-être avant l’épilogue,
monologue qui vient questionner sa raison d’être et les conditions de sa pérennité en
tant qu’institution, qui interroge, en filigrane, son essence, son humanité. Car seule cette
institution, peut et doit dire le droit voire absoudre lorsque les aveux recherchés n’ont
jamais été formulés soit s’ils ont été consentis mais que l’institution toute-puissante, au
nom d’un fait justificatif, a décidé d’acquitter le pénitent. L’aveu fonctionne par
conséquent sous le mode d’un a priori, celui d’une nécessaire culpabilité car, en dépit
du doute pouvant exister, le juge doit trancher. Autrement dit, l’exigence de décision
suspend celle de vérité. Car l’intime conviction repose, du côté de l’institution
judiciaire, sur un postulat implicite : la non-pertinence du doute laquelle renvoie moins
à une certitude du faux mais davantage à une incertitude du vrai. C’est la raison pour
laquelle un jugement a valeur de vérité, ce qui signifie, a contrario, qu’il peut arriver
qu’un jugement soit vrai car la présomption intègre l’imperfection de la connaissance
humaine à laquelle, précisément, l’intime conviction du juge souhaiterait remédier, fût-
ce partiellement. Il n’en demeure pas moins que la décision renverra davantage, du côté
de l’appareil judiciaire, à une option sur la vérité ou à une hypothèse de vérité, c’est à
dire, en définitive, à une présomption dont la valeur s’inscrirait à mi-chemin entre
opinion et ignorance.

44- Conséquences épistémologiques : aveu et aporie. Le concept d’aporie


désigne à proprement parler une difficulté à résoudre une question mettant en présence
deux opinions antagonistes, en l’espèce en matière répressive la défense et l’accusation.

79
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

Selon Octave HAMELIN, l’aporie suppose la « mise en présence de deux opinions


contraires et également raisonnées en réponse à une même question105. La notion
renvoie également à la « difficulté logique d’où l’on ne peut sortir ; ou des problèmes
insolubles» 106. La démarche d’aveu fonctionne selon le même schéma car, au moment
de son énonciation, il s’agit d’un acte ni vrai ni faux mais reposant uniquement sur une
situation probable ou vraisemblable parmi les diverses options possibles. Le caractère
relatif attaché à la recherche de la manifestation de la vérité dans les systèmes de
tradition catholique de nature inquisitoire ou de culture protestante reposant sur la
Common law vient transformer la nature même de ladite vérité qui sera davantage
privée dans le premier cas et publique dans le second car c’est le jury qui assistera aux
affrontements des parties et non pas le juge, comme en France. C’est davantage une
hypothèse sur la culpabilité qui servira de criterium ou de référent essentiel au procès
qu’une certitude définitive. L’idée d’une vérité de nature davantage privée dans le
système inquisitoire renvoie, à notre sens, notamment en France, à la distinction opérée
par l’histoire républicaine entre les deux pouvoirs, sacerdotal et laïc. D’un côté, une
vérité naturelle ou relevant de l’essence même de la personne, donc intimement liée à
son intimité, par conséquent privée face à une autre vérité de nature davantage publique
car livrée entièrement à un jury dans le système anglo-saxon. Dans le déroulement du
procès d’assises, la révélation de la vérité par l’aveu demeure une option ou une faculté
laissée à la libre appréciation de l’accusé, c’est donc dans l’intimité la plus absolue de
sa conscience qu’il décidera ou non de reconnaître sa culpabilité ; en revanche, dans le
modèle issu de la Common law, même si l’aveu pénal n’est pas écarté comme
possibilité, la vérité doit apparaître dans la confrontation des parties, ce qui confère à
l’avocat une importance accrue, donc également une responsabilité.

En définitive, si ce que le philosophe allemand NIETZSCHE nomme « l’instinct de


vérité » 107 finit toujours par s’imposer, c’est en même temps l’instinct vital de
conservation qui conduit les hommes invariablement au mensonge et à la vérité. Il
s’ensuit, que l’institution, par un défaut structurel de moyens humains et matériels

105
Octave HAMELIN, Système d’Aristote, Paris, Editions Vrin, 1985, p. 233.
106
André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 8è édition, Paris, PUF, 1960,
p. 69.
107
Friedrich NIETZSCHE, in Etudes théorétiques, notamment la troisième, « Introduction théorétique sur
la vérité et le mensonge au sens extra-moral », et aussi la première et la quatrième publiée dans Le livre
du philosophe, Paris, trad. A. KREMER-MARIETTI, GF, 1993.

80
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

auquel la justice est confrontée, sera le critère d’appréciation, reléguant ainsi la décision
à intervenir davantage à une option sur la culpabilité qu’à une hypothèse plausible
d’innocence, car l’institution judiciaire, en dépit de l’affaire d’OUTREAU108, éprouve
toujours autant de difficultés à admettre qu’elle puisse se tromper, la culture française
en matière pénale restant celle, à l’épreuve des faits, du mandat de dépôt plus que celle
de l’innocence constitutionnellement présumée109. A ce titre, le sentiment qui persiste
au sein de l’institution judiciaire six années après le second rapport VIOUT du
8 février 2005110 est que puisqu’il y avait eu des aveux, les acquittés d’OUTREAU sont
nécessairement de faux innocents car, au fond, non seulement il n’y aurait « pas de
fumée sans feu » mais également et surtout parce qu’il ne serait pas possible qu’à la fois
les fonctionnaires de police et les magistrats à tous les niveaux de la hiérarchie aient pu
se tromper cumulativement et systématiquement à ce point. En d’autres termes, la vérité
judiciaire serait la preuve de la culpabilité définitive lorsqu’il y aurait condamnation
mais, en même temps, serait sujette à caution dans l’hypothèse d’un acquittement en
présence d’aveux. Autrement dit, l’institution judiciaire ne peut pas se tromper.

Si l’intuition du juge peut servir de fondement à une déclaration de culpabilité c’est


également parce que l’appareil judiciaire manque de temps pour rapporter la preuve
irréfragable d’une culpabilité sur le fondement de simples aveux, et ce d’autant que le

108
L'affaire dite d’Outreau, du nom d’une ville du nord de la France, concerne une affaire pénale s’étant
déroulée au début de l’année 1996. Il s’est agi, en l’espèce, d’un dossier criminel puisque l’infraction
retenue fut celle d’abus sexuel sur mineur. Cette affaire, qui sera considérée comme l’une des plus
importantes erreurs judiciaires de la V ème République, a donné lieu à un procès devant la cour d’assises
de Saint-Omer (Pas-de-Calais) du 4 mai au 2 juillet 2004, puis à un procès en appel à Paris courant
novembre 2005. Elle a suscité une forte émotion dans l'opinion publique et mis en évidence quelques
dysfonctionnements non seulement de l'institution judiciaire mais également du monde médiatique et de
la sphère politique. Enfin, elle a mis en cause certains acteurs sociaux, notamment ceux qui sont engagés
dans la lutte contre la pédophilie. Une commission d’enquête parlementaire a été diligentée au mois de
décembre 2005 chargée d’en analyser les causes et de proposer d'éventuelles réformes sur le
fonctionnement de la justice en France. L'impact législatif du travail de cette commission a été toutefois
limité.
109
Mes divers entretiens avec plusieurs magistrats du parquet et du siège attestent de cette prégnance
d’une culture de l’accusation ne laissant que peu de place à une culture symétrique, celle du doute.
110
Nous faisons référence aux deux rapports remis par M. Jean-Olivier VIOUT. Le premier daté du 9
novembre 2004 intitulé : « Rapport d'étape sur l'état d'avancement du groupe de travail chargé de tirer les
enseignements du traitement judiciaire de l'affaire dite "d'Outreau" », et celui du 8 février 2005, à savoir
le « Rapport du groupe de travail chargé de tirer les enseignements du traitement judiciaire de l'affaire
dite "D'OUTREAU" », (Paris, Ministère de la justice, 2005), n’ont pas conduit l’institution judiciaire à
douter en dépit d’aveux. A ce titre, il semblerait que de plus en plus de magistrats restent persuadés que
puisqu’il y avait eu aveux, les acquittés d’Outreau sont pour beaucoup de faux innocents.

81
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

temps essentiel ou qualitatif au sens de BERGSON, c’est dire celui qui dépend de la
conscience qu’en ont les divers protagonistes, à savoir l’accusation et la défense, ne sont
pas identiques111.

45- L’aveu comme mesure de l’efficacité judiciaire. Force est d’admettre que la
déclaration de culpabilité reste un pari effectué par l’institution judiciaire avec elle-
même sur la certitude non pas de la culpabilité de la personne poursuivie mais
davantage sur la justesse absolue de la rationalité judiciaire ayant présidé à l’infliction
de la sanction, ce qui est fort différent. Cette confiance illimitée dans la rationalité
technique faisant écho, en France, à la prégnance très forte de la centralité étatique,
omnipotence de l’appareil administratif de l’Etat qui induit, auprès de certains
magistrats, un sentiment d’infaillibilité dont les soubassements sont davantage religieux
que laïcs. A ce propos, il est intéressant de constater que le sentiment d’infaillibilité
judiciaire est paradoxalement contemporain d’une double évolution qui lui est contraire.
Tout d’abord, l’idée d’infaillibilité judiciaire est évoquée par le criminaliste et
économiste BECCARIA dans son fameux ouvrage « Des délits et des peines » (1764)
alors que, ce texte fait écho à l’émergence en Europe, et surtout en France, d’une
centralité étatique forte à la faveur du développement des idées révolutionnaires et
bonapartistes ; ensuite, et surtout, c’est au moment où l’optimisme issu des Lumières
fondé sur les progrès de l’esprit humain et davantage d’humanité place l’homme au
centre de ses préoccupations qu’une notion de nature métaphysique, celle
d’infaillibilité, se déploie dans la sphère judiciaire. Même s’il ne s’agit pas de
considérer que tout magistrat perçoit son office comme infaillible, ce qui serait inexact
car cela réduirait le tout (l’appareil judiciaire) aux parties le composant, il existe
toutefois un penchant de l’institution à accepter l’idée d’une possible erreur judiciaire,
nonobstant la persistance desdites erreurs. Or, cette mentalité judiciaire est
curieusement et paradoxalement contemporaine du développement de l’idée de
« relatif » (l’homme) au détriment de l’absolu (Dieu) et de davantage de tolérance dont
le XVIIIème siècle était porteur. C’est pourtant un noble de rang comtal, le marquis de
BECCARIA, qui déclare : « Le juge devient donc l’ennemi du coupable (…). Il ne
cherche point la vérité, il veut trouver le crime dans la personne de l’accusé, il semble

111
Henri BERGSON, Essais sur les données immédiates de la conscience, PUF, 8ème édition, 2003 ;
L’évolution créatrice, PUF, 10ème éd., 2003.

82
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE PREMIER – LE FONDEMENT INCERTAIN DE LA
RECHERCHE D’AVEUX

qu’il ait tout à perdre s’il ne réussit pas ; on dirait qu’il craint de donner atteinte à cette
infaillibilité, que chaque homme veut s’arroger en tout. Il est au pouvoir du juge de
déterminer les indices suffisants pour emprisonner un citoyen, de manière qu’avant de
pouvoir se justifier, il faut se voir déclarer coupable. C’est bien là ce qu’on doit appeler
faire un procès offensif ; et voilà la marche de la jurisprudence criminelle dans presque
toute l’Europe, cette partie du monde si éclairée, et pendant le dix-huitième siècle, l’âge
de la philosophie et de l’humanité (…)»112.

112
Cesare BECCARIA, Des délits et des peines (1764), d’après la traduction de l’italien par Mr
Etienne CHAILLOU DE LISY, publiée à Paris en 1773, Paris, Librairie de la Bibliothèque nationale,
1877, p. 61.

83
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

CHAPITRE SECOND : LE CARACTERE PROTEIFORME DE


L’OBTENTION D’AVEU

46- La fragilité de l’aveu. Par définition, l’aveu en matière pénale n’est pas une
preuve infaillible. D'une part, des personnes atteintes de troubles mentaux peuvent,
consciemment ou pas, s’autoaccuser de crimes imaginaires ; d’autre part, la force
convaincante de l'aveu varie suivant qu'il est spontané ou qu'il est provoqué.
Aujourd'hui sa valeur probante est librement appréciée par le juge. Même lorsqu'il n'est
pas provoqué par des violences policières, l’aveu ne renferme pas toujours la révélation
de la vérité. Il existe des aveux mensongers pour des raisons diverses : aveux de
psychopathes, aveux par désespoir, aveux pour s’auto-glorifier d’actes en réalité jamais
accomplis, aveux par crainte ou affection à l'égard du vrai coupable... C’est donc en
vertu de son intime conviction que le juge appréciera l'aveu dans chacune de ses parties
et ne retiendra que ce qui lui apparaît probant. Le magistrat peut donc peser
souverainement la valeur de l'aveu, admettre certaines déclarations du délinquant et en
repousser d'autres. Par conséquent nous envisagerons d’une part la fiabilité des diverses
manifestations de l’aveu (SECTION PREMIERE) pour nous interroger, dans un second
temps, sur la possible vérité découlant de ce simple aveu, c’est le cas exceptionnel de
l’ « aveu-vérité » (SECTION SECONDE), hypothèse où le dire n’est plus dissocié d’un
faire113. L’énonciation performative de la véridiction se traduirait davantage comme une
analyse des jeux de vérité, mêlant le vrai et le faux, à travers lesquels la personne se
construirait comme expérience.

113
En ce qui concerne la distinction entre le « dire » et le « faire », il convient de signaler le colloque des
27 et 28 octobre 2010 s’étant tenu au Collège de Belgique, sous la coordination de Fabienne BRION
(université catholique de Louvain), et la responsabilité académique de Vincent DE COURBETTER
(directeur général du centre de recherche et d’information socio-politiques), membre de l’académie royale
de Belgique avec la collaboration de Bernard HARCOURT (université de Chicago) - académie royale des
sciences, des lettres & des beaux-arts de Belgique. Les thèmes étudiés ont concerné la question du
pouvoir de la vérité à la suite du texte de Michel FOUCAULT "mal faire, dire vrai" ». Les auteurs y
examinent le pouvoir d'énoncés réputés vrais quand ils ont pour sujets ou objets des êtres humains
auxquels sont attribués des crimes. En effet, selon FOUCAULT, il s’agit d’étudier l’histoire de cette
singulière vérité que l’individu produit sur lui-même.

84
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

SECTION PREMIERE : LES DIVERSES MANIFESTATIONS DE L’AVEU CONFRONTEES A LA


QUESTION DE LEUR VALIDITE

47- Aveu et production d’un sens extra-pénal. La réception de l’aveu en matière


pénale pose la question non seulement de sa fiabilité lorsqu’il est recherché chez un
accusé qui s’y dérobe soit par tactique soit en raison d’une folie médicalement attestée.
En pareilles circonstances, force est d’admettre que la crédibilité de l’aveu reccueilli
pose une difficulté au regard de l’établissement de la vérité judiciaire (§1). De façon
plus indirecte et insidieuse, la stratégie judiciaire du silence gardé par l’accusé au cours
du procès d’assises peut lui permettre d’éprouver la réelle autorité de la loi, c’est à dire
sa légitimité. Car, le passage aux aveux ne pourra s’effectuer que si le délinquant a
intériorisé la loi pénale (§2) qui lui sera applicable comme légitime.

§1 - Accusé et crédibilité de l’aveu

48- La dimension agonistique114 de l’aveu. Lorsque les enquêteurs sont en


présence d’un délinquant dont le casier judiciaire porte trace de diverses condamnations,
l’aveu de culpabilité, fût-il librement consenti et circonstancié, ne saurait s’apparenter
nécessairement à la vérité judiciaire ; en effet, cet aveu pénal intègre parfois la stratégie,
donc une forme de pouvoir (A) ; En revanche, quand la reconnaissance de culpabilité
est spontanément effectuée par le suspect, elle permet à la victime de se libérer
partiellement du drame subi en comprenant le mobile du crime et donc, parfois, de
pardonner, même si, du côté de l’accusé, elle constitue toujours une abdication (B).
L’aveu de culpabilité peut également découler d’actes commis sans qu’il ait été exprimé
oralement par une personne mise en cause. L’auteur d’un crime passera d’autant moins
facilement aux aveux que l’infraction qu’il a commise est grave. Ce faisant, l’accusé
pourra donner des pistes ou des indices aux juges qui l’interrogent sans toutefois
concéder l’essentiel de ce qui constitue sa culpabilité. Dès lors, ces aveux seront
davantage indirects ou par défaut en l’absence d’une réelle volonté de l’accusé d’y
consentir.

114
Qui se déroule au moyen d’une lutte.

85
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

A) « L’aveu-stratégie » : une relation de pouvoir

49- L’approche interactionniste. Dans une perspective interactionniste, le pouvoir


se définit comme une relation qui se caractérise par la mobilisation de ressources
permettant de faire triompher, au sein d’une relation sociale, sa propre volonté, même
contre des résistances115. Ce lien de pouvoir n’est pas absent en matière pénale car c’est
à un réel affrontement que se livrent les enquêteurs avec les suspects, chaque partie
recherchant, dans cette interaction, à faire prévaloir sa version des faits. Or, il n’existe
pas d’égalité entre suspects car, à l’évidence, un délinquant d’habitude parviendra
infiniment mieux à résister aux pièges tendus par les officiers de police judiciaire
qu’une personne peu coutumière des prétoires. Il n’existe pas uniquement une inégalité
dans la recherche de l’aveu entre la personne poursuivie et les enquêteurs (inégalité
verticale) mais également entre les mis en causes eux-mêmes (asymétrie horizontale)
dont certains ont pleinement conscience. Les criminels chevronnés savent que la
maîtrise tactique de leurs déclarations permettra plus facilement de susciter le doute sur
leur culpabilité dans le cadre d’un interrogatoire policier. C’est dire suffisamment à quel
point l’aveu est également du côté de la personne soupçonnée une affaire de pouvoir.
Ceux qui disposent, en effet, d’une pratique de la garde à vue, donc des bornes devant
limiter l’aveu, c’est à dire au sens du philosophe Michel FOUCAULT possèdent un
« savoir-pouvoir » de l’aveu pénal, maîtriseront par conséquent mieux les stratagèmes
parfois utilisés par les enquêteurs et, contrairement aux primodélinquants qui passeront
bien souvent spontanément aux aveux, sauront ce qui doit et peut être dit et ce qui doit
rester tu. En outre, des aveux trop explicites et compromettants pour leurs co-auteurs
encore en liberté, risqueraient d’entraîner à leur encontre des représailles. Leur intérêt
est donc double : répondre suffisamment aux questions qui leur sont posées par les
enquêteurs afin de donner une version vraisemblable des faits tout en ne révélant pas
l’essentiel afin de ne pas mettre en porte-à-faux leurs alliés. Cette loi partielle du silence
constitue donc pour eux une condition également de leur survie. En revanche, les
primodélinquants ne maîtrisent pas la technique de l’aveu et se laissent donc, par
inexpérience, envahir par leurs émotions. Car, la réception de l’aveu pénal, au-delà du
droit qui lui est applicable, relève au moins autant de la stratégie, donc d’un pouvoir,

115
Madeleine GRAWITZ, Jean LECA, Traité de science polique, Paris, PUF, 1985, vol. I, p. 335 s.;
Erhard FRIEDBERG, Le pouvoir et la règle, Paris, Seuil, 1993.

86
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

c’est à dire d’une relation dyadique par essence inégalitaire entre des personnes mises
en cause. Lors de la mesure de garde à vue, les délinquants d’habitude disposent, bien
souvent, d’une certaine maîtrise oratoire et d’une connaissance, fût-elle imprécise, de la
procédure pénale mais qui restent des outils précieux pour résister aux enquêteurs, voire
les tromper. Ces individus coutumiers des interrogatoires policiers pourront, par
exemple, mentir lors d’une garde à vue sur l’accessoire mais non sur le principal ; or, en
pareilles circonstances, il sera difficile pour l’enquêteur de faire découler des
déclarations partiellement mensongères des intéressés, une quelconque culpabilité
définitive. En cela, l’aveu pénal articule une part de rationalité face au caractère, par
définition, peu coopératif de la mesure de garde à vue.

50- Aveu rationnel et jeu judiciaire non coopératif. L’intérêt d’une personne
fortement soupçonnée la conduit habituellement davantage à mentir qu’à révéler la
vérité ; à ce titre, l’hésitation dans les réponses apportées à l’accusation est le plus
souvent interprétée comme un aveu indirect de culpabilité que comme un signe possible
d’innocence. C’est toutefois dans ce contexte qu’une personne poursuivie pourra être
amenée tactiquement à rétracter ses aveux lorsque le contexte s’avèrera, en cours
d’instruction, plus favorable. Le but du délinquant est de parvenir à optimiser les
chances de minimiser sa responsabilité pénale, en dépit de ses aveux, en présentant un
raisonnement rationnel alors que, d’une part, son information est imparfaite (il ne sait
pas exactement quels sont les éléments dont disposent les enquêteurs et le parquet à son
encontre au moment de son audition) ; d’autre part, en raison de l’inégalité qui prévaut
en pareilles circonstances entre accusation et défense, le « jeu » judiciaire sera rarement
coopératif116.

Prenons l’exemple117 de deux délinquants mis en cause dans une même affaire
pénale auxquels les officiers de police judiciaire proposeraient, tout d’abord, le même
échange ou marché, avouer ou non, en contrepartie d’une indulgence possible du

116
Anne PETIT-ROBIN, Aborder la théorie des jeux, Paris, Seuil, 1998.
117
Cet exemple constitue également une synthèse tirée de mon expérience professionnelle. Il s’agit
d’entretiens que j’ai pu obtenir non seulement avec des enquêteurs de la brigade de répression du
banditisme (B.R.B.), des magistrats, mais également au sein d’établissements pénitentiaires avec des
détenus dont j’ai été le conseil. Les explications fournies sont concordantes sur la question de la stratégie
à adopter avant le passage aux aveux et des précautions dont il faut s’entourer du côté de la personne
soupçonnée.

87
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

magistrat ; ensuite, que les personnes soupçonnées aient pleinement connaissance que
cette proposition leur a été respectivement formulée. La question qui va se poser
relèvera davantage de la stratégie que de la question secondaire de leur innocence ou de
leur culpabilité. Car les deux intéressés devront intégrer une autre variable, celle de la
confiance mutuelle qu’ils peuvent escompter de leurs déclarations respectives, donc
parier sur une nécessaire solidarité mutuelle. De plus, ils devront s’interroger sur la
confiance qu’ils peuvent avoir dans le « tiers censeur » représenté par la figure de
l’accusateur : la police et la justice. C’est ainsi en intégrant un paramètre horizontal (la
confiance supposée dans l’autre personne mise en cause) et une dimension verticale (les
suspects dans leur rapport à l’institution judiciaire) que les auteurs pourront décider
d’avouer ou non. Du côté des mis en cause, la décision doit à la fois être rationnelle
mais également s’inscrire dans un contexte d’information imparfaite et donc non
réellement coopératif (les enquêteurs vont essayer de piéger les gardés à vue en leur
faisant avouer des faits qu’ils n’auraient pas reconnus de leur propre initiative et en leur
laissant miroiter une clémence de la juridiction). Les co-accusés devront par conséquent
anticiper sur la loyauté présumée de l’autre, qu’il soit l’auteur du « marché »,
l’accusateur ou l’autre suspect. Plusieurs hypothèses peuvent ainsi être envisagées
découlant de cas concrets. Le raisonnement du mis en cause « A » est le suivant : « je
préfèrerai avouer et être remis en liberté, mais à condition que le mis en cause « B »
n’avoue pas ; le problème c’est que je ne sais pas comment va réagir « B », car cela ne
dépend pas de moi, en plus « il est incontrôlable ». Plusieurs scenarii seront donc
possibles.

Tout d’abord, le raisonnement de « A » : si « B » n’avoue pas et que moi non plus, je


serai condamné à trois années d’emprisonnement ; si j’avoue je serai remis en liberté ;
donc si « B » n’avoue pas, j’ai tout intérêt à avouer ». En l’espèce, « A » escompte de
« B » un silence dont il ne veut pas, pour sa part, bénéficier ou prendre le risque afin
que les enquêteurs puissent, de sa reconnaissance de culpabilité et, a contrario, de
l’absence de coopération de « B », espérer davantage de clémence de la part de
l’accusation. Le juge pénal pourra effectivement s’avérer infiniment plus clémente
envers lui car ce dernier aura essayé, par son aveu de culpabilité, de participer à la
manifestation de la vérité et aura ainsi témoigné d’une contrition louable dont les
magistrats devraient tenir compte ; d’autant que, par ailleurs, « B » n’a « rien lâché ».
C’est par conséquent en essayant de se démarquer ou de se désolidariser de « B » que

88
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

« A » attend des enquêteurs dans un premier temps, puis de l’appareil judiciaire ensuite,
une « indulgence » dont, corrélativement, « B » ne devrait pas bénéficier car « lui » n’a
pas avoué. C’est en « trahissant » sa parole envers « B » que « A », en avouant, attend
réparation de l’institution à laquelle il décide de faire allégeance, afin d’en obtenir un
traitement ultérieur moins sévère par le procureur de la République.

Mais le raisonnement de « A » peut être inversé. En effet, il peut estimer, au


contraire, que « B » décidera de passer aux aveux, surtout s’il n’y a pas de confrontation
prévue entre eux. Son raisonnement pourra alors être modifié en ce sens : « si je
n’avoue pas, je prends vingt ans ; si j’avoue, je suis condamné à dix ans ; donc si « B »
avoue, j’ai également intérêt à avouer ; dans les deux cas, quoi que décide « B », j’ai
intérêt à avouer ». De son côté « B » tient exactement le même raisonnement. En
pareilles circonstances, « A » persuadé que « B » réagira de la même manière décide
donc encore d’avouer pour ne pas se départir de « B », estimant que, en toutes
hypothèses, un aveu valant mieux que le silence, la justice, d’une certaine manière, à
l’instar de Dieu, reconnaîtra les siens. Conséquence logique de cette querelle des
indulgences escomptées, en choisissant tous deux de passer aux aveux ils seront
respectivement condamnés à une peine de dix années de réclusion criminelle. En effet,
le raisonnement des deux mis en cause a conduit à des résultats sous-optimaux car, tout
d’abord, ils ont négligé la réaction du « tiers censeur » lequel tiers n’était pas dénué
d’arrière-pensées dans le prétendu marché qu’il avait proposé aux présumés co-auteurs,
l’échange proposé par les enquêteurs relevant, à l’évidence, davantage du stratagème
visant à les piéger qu’à leur laisser miroiter une indulgence de la juridiction
ultérieurement appelée à statuer ; ensuite, en l’absence d’aveux le quantum de la peine
eût été fort différent puisqu’ils auraient été condamnés respectivement à trois années, au
bénéfice du doute. C’est dire suffisamment à quel point l’aveu pénal doit s’entourer de
précautions non seulement pour la personne qui le recueille, l’officier de police
judiciaire, mais également de la part de celui dont il est attendu. A ce titre, la stratégie
n’est pas absente également dans le mode de poursuite de plaider coupable. En réalité,
la contrepartie escomptée par le prévenu d’une abdication au principe de présomption
d’innocence serait constituée par la quasi-certitude de s’en tirer avec une peine allégée.
La personne poursuivie préférant très largement la sérénité à la vérité, c’est-à-dire être
rapidement fixée sur son sort même si cela doit se faire au détriment du droit
constitutionnellement protégé de présomption d’innocence qui apparaît, en pareilles

89
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

circonstances, pour le prévenu comme un principe particulièrement abstrait sinon


secondaire.

51- Vers un compromis stratégique entre les parties. L’avocat risque par
conséquent de voir son rôle cantonné à la recherche, dans les intérêts de son client, d’un
compromis avec l’accusation, même si cet auxiliaire de justice essaiera de ne pas verser
toutefois dans la compromission ou la tutelle du parquet. Au nom de la célérité
recherchée de la justice répressive donc d’un objectif d’efficacité, l’avocat voit donc
progressivement son rôle bouleversé car sa mission intègre davantage la tactique dans le
cadre de l’assistance de son client. Aussi, l’intervention de l’avocat risque à terme de
n’être plus que le reflet de la stratégie mise en œuvre par le prévenu ou de ce dernier
avec son conseil ; voire celle de l’avocat avec le parquet, en concertation avec
l’intéressé. Il est probable que ces mutations viendront renforcer le primat de l’initiative
individuelle dans l’administration de la preuve, et que l’efficacité du système dépende,
en définitive, de la place qui sera conférée aux parties. Autrement dit, de savoir si elles
disposeront réellement de ressources équivalentes afin qu’aucun déséquilibre flagrant ne
puisse survenir en dépit du rééquilibrage amorcé.

1) Aveu des faits sans aveu de culpabilité

52- L’affaire de la « Josacine empoisonnée » (1994). Une autre tactique pour une
personne mise en cause pourra consister à avouer les faits qui lui sont reprochés sans
toutefois reconnaître l’infraction qui leur est attachée. C’est le cas par exemple dans
l’affaire dite de la « Josacine empoisonnée» 118.

Les faits sont les suivants. Samedi 11 juin 1994, un communiqué des laboratoires
BELLON indique qu'une fillette est morte par empoisonnement après avoir absorbé
l'antibiotique le plus prescrit aux enfants, la Josacine. Il s'agit de la petite
Emilie TANAY, âgée de neuf ans. En rentrant chez elle en fin d'après-midi avec les
enfants, Sylvie TOCQUEVILLE, secrétaire de mairie, donne une cuillérée de Josacine à
Emilie. Soudain l'enfant est prise de malaise et s'effondre, foudroyée en quelques
minutes, les secours ne pouvant que constater son décès. Après examen, il s’avère que

118
Source : Le Magazine, Affaires criminelles, L’affaire de la josacine empoisonnée, 10 août 2005.

90
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

cette prise médicamenteuse en est directement à l’origine. Toutefois, l'enquête mettra


rapidement hors de cause le laboratoire puisque les analyses étaient formelles, le poison
avait été introduit au dernier moment, soit dans l'après-midi du 11 juin. L'autopsie du
corps de l'enfant révélant des traces de cyanure, l'affaire pris donc une tournure
criminelle. Au bout de quelques jours, un individu fût soupçonné par les enquêteurs,
Jean-Marc DEPERROIS, 43 ans, conseiller municipal et exerçant des fonctions de
Président Directeur-Général d'une société d'imagerie industrielle. C'est néanmoins un
élément de sa vie privée qui va conduire les policiers à s'intéresser à lui. Marié et père
de deux enfants, il entretient, depuis plusieurs années, une liaison avec la secrétaire de
mairie qui n'est autre que Sylvie TOCQUEVILLE. Placé sur écoute téléphonique, le
suspect reçoit quelques jours après le drame, un appel téléphonique d'un prénommé
Alain, lequel s’inquiète de savoir s'il n'a pas été ennuyé à cause du produit dont il venait
de faire l’acquisition. Gêné, M. DEPERROIS détourne la conversation mais suscite
désormais une enquête des services de police. Identifié, Alain travaille dans un
laboratoire de la région parisienne qui a vendu à l’intéressé, le 6 mai 1994, un kilo de
cyanure de sodium. DEPERROIS est donc placé en détention provisoire le 27 juillet
1994. Lors de sa garde à vue, il va d’abord tout nier, y compris l'existence de son ami
Alain et du fameux coup de fil. Mais face aux factures qui lui sont présentées, il ne
pourra persister dans ses dénégations de sorte qu’à la fin de son audition le suspect
déclarera qu'il a effectivement fait l’acquisition d’un kilo de cyanure de sodium pour
son entreprise, soit un mois avant le drame, puis qu'il s'en est débarrassé dans la Seine,
peu de temps après la mort d'Emilie. Il expliquera avoir paniqué en apprenant que
l’enfant avait été empoisonnée par ce type de substance. Cependant, il niera le crime et
prétendra avoir menti parce qu'il avait peur. Sur un plan pénal, cette affaire est
intéressante car elle permet d’opérer une distinction entre la reconnaissance de faits et
l’aveu de culpabilité.

53- Une condamnation sans aveux. Au-delà des faits ayant conduit à la mort
tragique d’Emilie TANAY, l’affaire de la « Josacine empoisonnée » (juin 1994 - mai
1997) dont l’information judiciaire avait retenu la qualification d’infraction volontaire
d’empoisonnement, force est d’admettre que la mise en cause de Jean-Marc
DEPERROIS s’est déroulée dans un cadre peu protecteur des droits de la défense. Le
mis en cause devint le suspect principal de ce dossier pénal, en l’absence pourtant
d’écoutes téléphoniques accablantes le confondant directement et d’une décision de la

91
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

Cour de cassation qui avait établi, en l’espèce, une volonté d’obstruction aux procédures
engagées par l’accusé. C’est par conséquent sans réels aveux circonstanciés que
l’intéressé fut jugé puis condamné à vingt ans de réclusion criminelle, en l’état de fortes
convictions, mais en l’absence de preuves suffisamment probantes. Sans doute par
crainte des enquêteurs chargés de procéder à sa garde à vue, et dans l’espoir
maladroitement d’abréger rapidement cette mesure, l’accusé va reconnaître les faits de
la prévention, sans toutefois avouer le crime reproché. Dans un premier temps,
l’intéressé niera puis se rétractera, reconnaissant toutefois que « le cyanure était destiné
à des tests pour son entreprise » 119.

Dans un autre contexte, c’est parfois la stratégie de l’absence d’aveux qui sera
utilisée pour permettre de masquer pas uniquement sa culpabilité, mais également un
désir de vengeance, c’est notamment le cas dans l’affaire Simone WEBER (1991).

2) Absence d’aveux et vengeance privée

54- Aveu et non-dit. La stratégie du silence peut également être le reflet d’un
pouvoir, celui de se venger. L’aveu de culpabilité peut s’avérer impossible lorsque la
révélation des faits permettrait trop rapidement, dans l’esprit de l’accusé, à la partie
civile de faire son deuil ; or, c’est précisément ce que ne souhaite pas le mis en cause
lequel va utiliser le silence comme un moyen de se venger. Le choix du silence au cours
d’un procès peut parfois dissimuler une stratégie car, en l’absence de déclarations, il ne
sera pas possible à la partie civile de comprendre le réel mobile du crime. Cette posture
figurera, au-delà de l’infraction commise par la personne mise en cause, comme un
moyen de se venger, ce qui correspondra à l’attitude par exemple de Simone WEBER
devant la cour d’assises de Meurthe-et-Moselle le 17 janvier 1991. Condamnée à vingt
années de réclusion criminelle pour l’assassinat de Bernard HETTIER, infraction
qu’elle continue à nier, l’accusée est acquittée pour le décès de son ancien mari
Marcel FIXARD, décédé vingt-deux jours après son mariage, le 14 mai 1980. Dans
cette affaire, en dépit de l’obstination du magistrat instructeur et de lourdes
présomptions de culpabilité, la vérité n’est pas réellement rapportée, il n’y a ni aveux, ni
mobile, ni corps retrouvé. Ainsi, pour celle qui fut dénommée « la diabolique de

119
Les grandes histoires criminelles, op.cit., p. 158.

92
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

NANCY», reconnaître sa culpabilité eût constitué une forme d’auto-trahison car c’est,
précisément, Simone WEBER qui adoptera, tout au long du procès d’assises, une
posture paradoxale de martyr. Un aveu circonstancié de culpabilité aurait permis à la
famille de faire son deuil, ce que réclamait instamment la partie civile à l’accusée ; or,
c’est par le refus d’avouer que l’intéressée se vengera de la famille HETTIER, ceux
« qui restent », en ne leur permettant pas d’avoir une réelle explication sur le
déroulement des faits. Il n’en demeure pas moins que cet impossible aveu prendra la
forme paradoxale d’un aveu implicite de culpabilité puisque l’accusée sera lourdement
condamnée par la cour d’assises à vingt années de réclusion criminelle.

3) Stratégie et rétractation de l’aveu

55- Une rétractation en marge. Si la vérité en-soi ne recoupe pas la vérité


découlant logiquement de pièces versées à un dossier pénal, la rétractation d’aveux, en
incorporant une dimension stratégique, peut également se déployer en marge de ladite
vérité. A ce titre, il est possible pour un accusé de vouloir, pour s’en sortir – parfois à
ses dépens -, rétracter ses aveux non pas en raison de son innocence mais parce que son
avocat le lui aura suggéré en l’absence de preuves probantes. Par exemple, dans l’affaire
Bruay-en-Artois ou Pierre LEROY (1972)120, les soupçons se porteront tout d’abord sur
le notaire et sa maîtresse Monique MAYEUR lesquels bénéficieront d’un non-lieu en
1974 après avoir été pourtant accablés par un magistrat instructeur et divers intellectuels
soucieux de faire prévaloir, au mépris du secret de l’instruction, le combat judiciaire des
« petites gens » contre les « nantis » ; surtout, des soupçons pèseront sur un ami de la
victime, Brigitte DEWEVRE, en l’occurrence Jean-Pierre FLAHAUT lequel passera
aux aveux avant de se rétracter ; puis, soutenu par un comité Vérité-Justice, l’inculpé
sera acquitté par le tribunal pour enfants de Paris en 1975, en l’absence de preuves

120
Après la découverte, le 6 avril 1972, du corps de Brigitte DEWEVRE, une fille de mineur de seize
ans, le juge d'instruction de Béthune, Henri PASCAL, mit rapidement en examen un couple de notables,
le notaire Pierre LEROY et sa maîtresse Monique BEGHIN-MAYEUR, tous deux présents aux alentours
des lieux du crime au moment des faits. Leur appartenance à la bourgeoisie a transformé ce dossier pénal
en affrontement social. Toutefois, après trois mois de détention provisoire, l’accusé fut libéré. Le juge,
sévèrement mis en cause par les avocats des mis en cause, sera finalement dessaisi. Un ancien camarade
de classe de Brigitte DEWEVRE avouera ensuite avoir assassiné la jeune fille avant de se rétracter. En
l’absence de preuve matérielle, il sera remis en liberté. Enfin, cette affaire sera classée sans suite et le
crime prescrit en 2005.

93
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

suffisantes. Cette affaire pénale pose encore la problématique d’une vérité en soi et celle
résultant d’un dossier de procédure ; d’un côté, la vérité du ministère public garant
d’une culture de l’accusation, de l’autre, celle de l’avocat plaidant défenseur d’une
vérité parfois relative mais résultant le plus souvent des pièces versées dans un dossier
pénal. Or, c’est pourtant principalement sur le fondement de pièces s’apparentant à des
preuves que devrait reposer la déclaration de culpabilité et moins sur l’intime conviction
de jurés souvent peu expérimentés en matière judiciaire.

B) « L’aveu-renonciation » : la culpabilité avouée en marge de la vérité

56- Aveu extorqué et erreur judiciaire. Si l’aveu pénal vient sécuriser une
institution judiciaire hantée par le spectre de l’erreur judiciaire, l’affaire « DILS »
témoigne qu’en dépit des aveux librement consentis par une personne mise en cause,
ladite autoaccusation peut toutefois conduire à la survenance d’erreurs judiciaires
persistantes. C’est précisément l’existence de ces erreurs, nonobstant l’aveu de
culpabilité, qui rend si ardue la relation automatique entre la stricte vérité d’un dossier
pénal et les révélations pourtant librement effectuées de faits reprochés à un justiciable.
En l’espèce, l’erreur judiciaire ne provient pas d’un mensonge du délinquant sur les fins
de la poursuite mais, de sa reconnaissance de culpabilité, à la suite d’un interrogatoire
policier fondé sur des éléments parfaitement circonstanciés. Cette forme d’aveu qui se
déploie en marge de la vérité, s’apparente à une forme de capitulation ou une
renonciation si l’on admet que cet aveu de culpabilité ne laissera plus planer aucun
doute sur la culpabilité de l’accusé, lequel sera placé en détention provisoire, reléguant à
la portion congrue le rôle de la défense.

1) L’aveu de culpabilité par les actes (l’exemple de l’affaire COLONNA)

57- L’aveu de culpabilité comme acte performatif121. L’affaire « COLONNA »


donne une illustration intéressante des deux thèses qui se sont affrontées autour de
l’aveu. Tout d’abord, celle étayée par la partie civile qui va estimer qu’au-delà des faits,
la simple fuite du berger de CARGESE constitue un aveu implicite de culpabilité.
Ensuite, celle soutenue par la défense selon laquelle c’est précisément la fuite de

121
Un acte performatif dans la mesure où il ne sépare pas un acte (en l’espèce, la fuite de l’accusé), de sa
nécessaire culpabilité, et ce avant même qu’une juridiction pénale ne l’ait démontrée.

94
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

l’accusé qui constitue paradoxalement la preuve de son innocence (a). Enfin, selon la
défense, cette affaire pénale s’est caractérisée, en dépit des condamnations intervenues,
par des atteintes aux droits de la défense. A telle enseigne que la question du respect de
la hiérarchie des normes a été posée (b).

a) Deux thèses antagonistes articulées au sens de l’aveu

58- Bref rappel de l’affaire. Dénoncé à plusieurs reprises, pendant un an et demi


par des nationalistes co-accusés de l’assassinat du préfet ERIGNAC, ainsi que par leurs
épouses, plusieurs étant revenus sur leurs déclarations au bout de 18 mois, Yvan
COLONNA prend la fuite le 23 mai 1999. L’accusé sera arrêté en Corse, près
d’OLMETO, le 4 juillet 2003 après s’être soustrait pendant plus de quatre ans à la
justice française. Le même jour, le ministre de l’Intérieur, Nicolas SARKOZY, déclare
que la police française viens d’arrêter l’assassin du préfet, ce qui lui vaut des reproches
pour atteinte au principe de la présomption d’innocence et des poursuites judiciaires
engagées par l’accusé. En l’espèce, le tribunal de Paris n’a pu que reporter son jugement
à la fin des fonctions présidentielles de M. SARKOZY en raison de son immunité. Le
31 octobre 2006, la Cour d’assises de Paris spécialement composée renvoie Yvan
COLONNA pour assassinat en relation avec des entreprises terroristes devant la Cour
d’assises spéciale de Paris du 12 novembre au 12 décembre 2007, qui le condamne à la
réclusion criminelle à perpétuité. L’accusé est condamné de nouveau à la perpétuité le
27 mars 2009, peine assortie d’une période de sûreté de 22 ans en appel par la Cour
d’assises spéciale de Paris, qui a une compétence exclusive en matière terroriste et qui
est composée en appel de 9 magistrats professionnels. Le 30 juin 2010, la Cour de
cassation annule, pour des motifs de vice de procédure, la condamnation du 27 mars
2009, prononcée par la Cour d’assises spéciale de Paris. La juridiction suprême
reproche à cette dernière de n’avoir pas respecté l’article 331 du CPP interdisant
d’interrompre un témoin pendant sa déposition. Le lundi 2 mai 2011, s’est ouvert le
troisième procès à la cour d’assise de Paris d’Yvan COLONNA. Le lundi 20 juin 2011,
l’accusé est condamné pour la troisième fois à la réclusion criminelle à perpétuité, sans
période de sûreté, par la Cour d’assises spéciale de Paris. Pour la première fois de
l’histoire juridique française, une Cour d’assises a motivé son verdict, anticipant de fait
une évolution législative française visant à se mettre en conformité avec la

95
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

jurisprudence européenne. La défense d’Yvan COLONNA a annoncé qu’elle allait à


nouveau introduire un pourvoi en cassation.

59- La thèse de la partie civile : la fuite comme aveu de culpabilité. Bien qu’il
soit difficile de les concilier avec le respect de la présomption d’innocence, des preuves
peuvent apparaître valides, ce qui est le cas du témoignage anonyme prévu à
l’article 706-58 du CPP. Cette disposition permet la discussion contradictoire des
accusations effectuées par le témoin selon des procédés qui ne garantissent pas la
confrontation du mis en cause à son accusateur, donc dans un respect suffisant des
droits de la défense. Au cours du procès d’Yvan COLONNA, les avocats des parties
civiles vont assimiler la fuite de l’accusé de l'assassinat du préfet de Corse
Claude ERIGNAC en 1998 à un aveu de culpabilité, et ce d’autant plus aisément que la
personne mise en cause avait toujours nié sa culpabilité au cours de l’enquête. Ainsi,
cette fuite va venir soutenir la thèse du ministère public lequel n’avait en effet jamais
accrédité la rétractation des six membres du commando (condamnés en 2003) mettant
hors de cause l’intéressé dès l’automne 2000. Cette thèse fut pourtant partiellement
infirmée par la défense s’agissant d’une empreinte digitale non identifiée, laquelle trace,
après vérification, s’étant « révélée négative » selon le Président de la Cour d’assises
spéciale, Dominique COUJARD, donc n’appartenant pas, au regard des preuves
scientifiques, à l’accusé. Au-delà de la question de la culpabilité ou non de
M. COLONNA, il est toutefois curieux de noter, s’agissant de preuves reconnues par
ailleurs comme irréfutables dans divers dossiers criminels, que le même caractère
infaillible n’ait pas été attaché aux preuves apportées en défense, preuves scientifiques
qui, au demeurant, auraient dû lui bénéficier. En dépit donc de l’absence de force
probante attachée à cet élément matériel de l’infraction, Maître Vincent COURCELLE-
LABROUSSE, avocat du frère de Claude ERIGNAC, déclare, sans ambages : « il y a
des faits qui sont extrêmement têtus et qui méritent la sanction que vous devrez
prononcer (…)"122.

Au surplus, cet aveu de culpabilité est renforcé par les déclarations effectuées par les
épouses ou compagnes des mis en cause lesquelles vont réitérer, face à l’accusé, les
propos tenus lors de leurs mesures de garde à vue. En l’espèce, Jeanne FERRANDI

122
Ibid.

96
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

souligne : « J’ai tout de suite compris. J’étais en quelque sorte assommée, en me disant,
comme pour me rassurer: ce n’est pas possible. Mon mari a alors posé sa main sur mon
menton et m’a dit: “ça va?” d’un air interrogateur, probablement en voyant ma figure
qui s’était décomposée…Je lui ai répondu sur le même ton, “ça va”, et il a bien vu
qu’en fait, ça n’allait pas et que j’avais tout compris (…) Il y a eu en quelque sorte une
connivence pathétique dans ce bref échange car nous nous connaissons suffisamment
depuis toutes ces années communes pour nous comprendre sans parler”123. A Ajaccio,
au cours de la même période, Valérie DUPUIS s’étonne du comportement de son
compagnon Didier MARANELLI en ces termes : « Il avait changé. Le soir, il restait
sur le canapé, n’arrivait plus à dormir, il paniquait dès qu’il voyait une voiture
stationnée en bas de chez nous, et puis, il s’était mis à lire la Bible”124. “J’aurais eu
honte de révéler à quiconque que j’avais des doutes sur le fait que mon concubin avait
participé à l’assassinat”, devait-elle confier devant la Cour125. Après vingt mois
d’instruction, les mêmes personnes vont, à l’instar de leurs compagnons qui ont rétracté
leurs aveux mettant en cause l’accusé, également se rétracter. Elles consentiront
désormais à indiquer que les déclarations mettant en cause M. COLONNA non
seulement lors de leur garde à vue puis devant le magistrat instructeur sont erronées.
Dès lors, en défense, Me Antoine SOLLACARO déclarera : « Madame, votre
traumatisme, que je comprends très bien, ne peut pas vous exonérer de tenter d’exhumer
de votre mémoire certains faits. Nous défendons un homme qui, comme votre mari,
risque la réclusion criminelle à perpétuité. Qui, comme vous, a un fils. Madame, l’avez-
vous vu le soir du 6 février chez vous? S’il y était, dites-le. S’il n’y était pas, dîtes-le
aussi. Vous êtes sous serment. Avez-vous vu Yvan COLONNA ce soir là chez vous ou
ne l’avez-vous pas vu? » Un filet de voix lui a répondu: « Je ne sais pas »126. En
l’espèce, ce sont précisément les apparents mensonges des compagnes qui viendront
soutenir la thèse de l’accusation. Car, une possible mise hors de cause de l’accusé par la
cour d’assises aurait nécessité une réponse négative, laquelle infirmation eût été
cohérente avec les précédentes rétractations. C’est toutefois parce que la réponse
effectuée « je ne sais pas » reste incertaine donc entretient le doute qu’elle s’avère
totalement incohérente avec la rétractation des aveux et vient asseoir une culpabilité. En

123
Le Monde, 1er décembre 2007.
124
Ibid.
125
Ibid.
126
Ibid.

97
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

défense, les avocats de l’accusé vont s’efforcer de séparer l’acte (la fuite) de l’aveu (une
reconnaissance implicite de culpabilité). Au-delà de l’approche juridique, la thèse de la
partie civile considère, in fine, que la fuite de l’accusé vaut aveu implicite de culpabilité.
Ce faisant, elle fait abstraction de tout ce qui concerne, en matière pénale, les garanties
d’un procès équitable. L’audience peut constituer un important révélateur, notamment
au travers de l’interrogatoire de l’accusé, des divers témoignages et expertises, pouvant
conduire, même du côté de la partie civile, à semer le doute sur l’imputabilité pénale de
faits reprochés.

60- La thèse de la défense : la fuite comme moyen de clamer son innocence


dans un contexte de suspicion. Les déclarations de l’accusé n’étant pas considérées
comme probantes par le ministère public et en présence, par conséquent, d’importants
indices de culpabilité pesant sur M. COLONNA, l’intéressé va décider de fuir car
l’institution judiciaire ne lui apparaît pas suffisamment neutre à son encontre. En effet,
l’accusé avait promis qu’il s’expliquerait sur les motifs ayant motivé son départ
précipité le 26 mai 1999, soit immédiatement après les interpellations de ses complices.
Il déclarera le 5 décembre 2007 : « Depuis huit ans, je suis coupable et je suis l’assassin
du préfet ERIGNAC. Personne n’arrive à se mettre dans la situation d’imaginer que je
suis innocent. Il va falloir essayer, pendant quelques instants, de se mettre dans la peau
d’Yvan COLONNA, innocent (…). Je suis monté en montagne et je suis resté jusqu’au
26 car le problème que j’ai rencontré là-haut(…) était plus important que prévu. Et
ensuite, quand je redescends de la montagne, je rencontre une autre personne qui me
fait part de ce qui m’arrive [un mandat d’arrêt international lancé contre lui et la
manchette du journal France-Soir, qui publie sa photo sous le titre Assassin du préfet].
Pour moi, ça a été très dur. J’ai perdu 4-5 kilos en quelques jours et là, j’ai fait un
choix: celui de ne pas me présenter à la justice, de ne pas me rendre parce que j’avais
le sentiment que je n’aurais pas droit à quelque chose d’équitable » Mais puisque vous
êtes innocent, qu’est-ce qui vous fait dire ça ? interroge le président de la Cour. « Le
contexte de l’époque, c’est des dizaines de gens interpellés, transférés à Paris, mis en
prison. Alors, je pèse le pour et le contre, j’entends SARKOZY dire: “je recherche tous
les assassins et en particulier l’assassin du préfet ERIGNAC”. Moi, je suis désigné

98
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

comme l’assassin du préfet. Alors je me dis franchement, j’ai pas envie de me rendre.
Et là, j’ai décidé de prendre du recul. ”127.

b) Esquisse d’analyse

61- L’affaire COLONNA et la validité de la norme. En marge de la question de la


culpabilité ou de l’innocence de l’accusé, il est possible, au travers du déroulement de
ce procès d’assises, de réfléchir à la portée effective des normes existantes en droit
interne français, c’est-à-dire s’interroger sur la validité réelle d’une hiérarchie des
normes qui, pour être clairement établie, ne semble guère respectée, en pratique, au sein
du « bloc de constitutionnalité ». Appréhendé sous l’angle du droit positif, le principe
de présomption d’innocence revêtant un caractère supra-législatif, il apparaît surprenant
que la valeur constitutionnelle attachée à cette notion n’ait pas été prise en considération
par la Cour d’assises d’appel, laquelle dimension aurait peut-être dû conduire ladite
juridiction spécialement composée à décider de l’acquittement de l’accusé, en dépit des
charges pesant contre lui, et ce au bénéfice du doute. En l’espèce, il apparaît peu
cohérent avec les règles contradictoires du procès pénal, notamment celles d’égalité des
armes et d’innocence présumée, qu’un Président de cour d’assises ainsi qu’un procureur
de la République n’aient pas entendu faire état de correspondances qui leur auraient été
adressées par un haut fonctionnaire de la police, jetant ainsi un doute sur l’objectivité
attendue de ces deux magistrats. Il s’agit, en effet, selon la défense, d’un défaut de
loyauté de l’institution judiciaire sur deux points essentiels. D’abord, même si elle a
toutefois eu lieu en appel, par le refus initial du Président de la cour d’assises de
procéder à une reconstitution permettant la confrontation des versions des témoins
oculaires avec celles des membres du commando, en les comparant avec les constations
techniques des experts, légiste et balistique. Ensuite, cette atteinte aux droits de la
défense serait manifeste dans la dissimulation de la note du témoin M. VINOLAS,
adressée un mois avant le début du procès au parquet général et au président M.
WACOGNE, par laquelle il entendait effectuer des révélations sur l’assassinat et
l’attaque de la gendarmerie dont il donnait, par ailleurs, l’explication. Or, M. VINOLAS
précité déposera un vendredi soir à 19 heures en qualité de témoin de personnalité du
préfet, puis postérieurement à l’évocation des faits de PIETROSELLA à l’audience.

127
Le Monde du 7 décembre 2007.

99
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

Cette méthode peu loyale aurait été renouvelée à l’appui d’un certificat médical versé au
dossier par un fonctionnaire de police, M. LEBBOS. Ce dernier figurant comme un
rouage essentiel de l’enquête policière, car c’est lui qui aurait reçu les aveux spontanés
de l’équipe MARANELLI, lequel cite nommément Yvan COLONNA. En outre, comme
l’indique Maître Pascal GARBARINI, l’un des avocats de l’accusé, « l’envoi de ce
certificat a eu lieu le 6 février et a été réceptionné le 9 février au greffe de la cour
d’assises, soit le premier jour du procès, ce que le greffier d’audience savait et avait
noté sur la liste des témoins par l’abréviation (C.M.) » 128. En effet, des présomptions
fortes de culpabilité pèsent sur l’accusé, notamment les aveux passés par le commando
tout comme les déclarations concordantes effectuées lors des gardes à vue alors même
que lesdites mesures étaient étanches ; enfin, les rétractations tardives des épouses des
membres de l’équipe et la fuite de l’accusé. Mais, en même temps, comment ne pas
faire état des divers dysfonctionnements judiciaires constatés au regard de la procédure
pénale en dépit (à la suite des correspondances précitées) de la décision de la Cour
d’ordonner l’ouverture d’un supplément d’information (de quarante-huit heures), qui
relèvent davantage d’une raison d’Etat plus que du déroulement normal d’un procès
pénal équitable ? Car, de deux choses l’une. Soit, première hypothèse, les normes de
nature constitutionnelle revêtent un caractère supra-légal (dont les principes d’égalité
des armes et de présomption d’innocence), donc une dimension supérieure à celles des
dispositions des divers codes (Code pénal et CPP) ; par conséquent, au nom du droit
positif, en raison des irrégularités constatées dans le déroulement du procès laissant
planer un doute sur l’impartialité de la juridiction, M. COLONNA devait être acquitté,
car la présomption de procès politique l’emporte sur la recherche objective de la vérité.
Soit, seconde hypothèse, ce qui a prévalu c’est une raison d’Etat, c’est à dire une
conception métaphysique prenant sa source dans le droit naturel qui conduit parfois, en
marge des règles applicables, à déclarer coupable un accusé au nom d’impératifs qui,
subjectivement, apparaissent, selon la juridiction appelée à statuer, comme le reflet de la
vérité. Ce faisant, c’est davantage une métaphysique juridique de nature supra-
constitutionnelle ou a-constitutionnelle qui s’est manifestée. Il s’agit d’une approche
paradoxale de la justice qui, par définition humaine, invoque cependant une dimension
supra-humaine pour juger un homme, donc un principe métaphysique, et se déploie par

128
Source : www.nouvelobs.com, 3 avril 2009, « Yvan Colonna, le Dreyfus corse », par
Me Pascal GARBARINI.

100
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

conséquent en marge de la fonction distributive dont l’Etat de droit reste également


dépositaire. En l’espèce, l’aveu tend à introduire une forme de déphasage entre la parole
du délinquant présumé et le droit applicable, entre la révélation ou l’absence de
révélation de faits reprochés et leur réelle traduction en droit substantiel et dans le droit
qui lui est auxiliaire, la procédure pénale. Le processus d’autocondamnation vient ainsi
brouiller les repères de la hiérarchie des normes en la bouleversant. Enfin, le procès
COLONNA soulève la question du statut de la vérité judiciaire dont les contours
apparaissent assez flous, celle d’une vérité articulée à la seule rationalité (l’application
des textes) et celle fondée sur une part d’irrationalité (intime conviction ou intuition des
jurés en matière criminelle). De la confusion importante dans l’analyse et la
compréhension des réels critères d’appréciation naît le sentiment d’une justice
monologale (elle ne fait qu’un) réfractaire au dialogue (l’appréhension de l’Autre
constitué par la défense), creusant ainsi, en dépit de l’affaire d’OUTREAU, le fossé
entre, d’une part, l’accusation et la partie civile qui s’additionnent pour conjuguer leurs
forces et d’autre part une défense dont les pouvoirs demeurent assez limités. Ainsi, ce
n’est pas une norme de droit positif qui a inspiré la décision rendue le 27 mars 2009 par
une juridiction spéciale, c’est davantage sur un plan symbolique une instance
transcendante qui a jugé, c’est dire une métaphysique juridique qui considère, en marge
des codes applicables, que l’intuition d’une vérité judiciaire (celle découlant de pièces
versées à un dossier pénal) vaut vérité définitive et absolue, et par là-même relève du
registre d’une Vérité de nature transcendante. En clair, une norme immanente (la loi
positive), à destination de simples humains, doit s’effacer devant une norme de nature
transcendante censée la définir, la dépasser, car elle est la Vérité, c’est dire une essence
indiscutable donc tautologique (et non dialogique, puisque le contradictoire n’est plus
réellement possible) donc indépassable, une simple essence. La justice a donné, en
l’espèce, le sentiment d’être, comme pour le procès d’OUTREAU, repliée sur elle-
même ; c’est-à-dire celui d’une institution qui, en théorie et dans les discours, affirme
s’inspirer de normes composant le droit constitutionnel positif mais qui, en état
d’urgence ou période de crise, ce que le philosophe allemand Carl SCHMITT nomme
« l’état d’exception », en appelle au divin pour expier, a priori, la possible erreur
judiciaire qu’aurait pu constituer un acquittement ; invoque, in fine, un principe
transcendant pour justifier la rationalité de l’Etat. Un appareil judiciaire qui, en
définitive, sur le fondement d’aveux contradictoires, impose l’autorité d’une instance
quasi-divine pour sceller peut-être définitivement le sort d’un accusé qui aurait mérité
101
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

un procès juste et équitable. La question n’est pas tranchée de savoir quelle est la nature
ou le statut de cette norme métaphysique qui a jugé, ni davantage celle du réel critère
d’appréciation en matière judiciaire en général, en matière pénale en particulier. Celle
d’une vérité objective qui semble se dérober parfois à l’analyse rationnelle ou celle
d’une vérité intuitive ? Celle d’une légitimité étatique de nature supérieure à la légalité
dont se prévalent les juridictions ? Celle encore du conflit, en définitive, jamais résolu
entre vérité et justice. La logique de l’Etat de droit apparaît ainsi paradoxale. Tout
d’abord, il s’agit d’atténuer les effets pervers du système inquisitoire en substituant à
une culture de l’aveu celle de la preuve, ce qui conduira parfois à pardonner en dépit
d’aveux librement consentis, sur le fondement, notamment, d’un fait justificatif.
Ensuite, l’institution pourra accabler un présumé innocent en dépit d’irrégularités
procédurales dûment constatées et admises (le Président a fait droit à la demande
d’ouverture d’un supplément d’information) lorsque l’aveu de sa culpabilité n’est pas
obtenu. Or, cette déloyauté est rendue possible au nom d’impératifs de célérité et une
exigence accrue de sécurité qui tranchent avec le seul et réel souci de justice. En
définitive, qu’elle soit de nature métaphysique ou positive, la vérité ne sera connue
réellement et définitivement que d’un simple humain : Yvan COLONNA.

La question de l’obtention de l’aveu pénal peut également se poser avec une acuité
particulière dans des hypothèses de folie mentale avérée, ce qui soulève la double
difficulté de l’accessibilité à la sanction et donc de l’imputabilité pénale.

2) L’aveu de culpabilité indirect : l’écrit comme reconnaissance indirecte de


culpabilité : le cas « LANDRU »

62- Aveu et imputabilité pénale. La question se pose de savoir quelle est la valeur
que le magistrat peut accorder à une reconnaissance de culpabilité lorsque les aveux
sont consentis par des personnes considérées comme déficientes mentales sur le plan
médical dans la mesure où, lors d’une garde à vue, les déclarations doivent être
circonstanciées. Quel est le seuil, en effet, en-deçà duquel un accusé pourra faire l’objet
d’une poursuite pénale et au-delà duquel la même personne ne saurait encourir de
sanction pénale ? L’évaluation de la responsabilité pénale incombe essentiellement, in
fine, à des experts psychiatres dont les rapports auront une influence particulière sur la
décision judiciaire. C’est très souvent sur le fondement de ce travail que le magistrat
décidera celui du délinquant auquel il est possible d’imputer l’infraction reprochée. Il
102
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

revient donc à l’homme de l’art médical, en pratique, de dire le droit, ce qui pose
davantage de problème, à notre sens, que cela n’en résout. Or, aucune expertise
médicale n’est fiable de façon absolue ; de plus, la subjectivité de l’expert n’est pas
absente de son rapport, ce qui se conçoit aisément si l’on admet que la justice est
humaine donc faillible. C’est donc parfois indirectement que l’aveu de culpabilité
pourra être décelé, car l’aveu n’émanera pas d’une déclaration de la personne mis en
cause mais découlera d’indices figurant au dossier pénal. Dans l’affaire LANDRU
(1921), par exemple, cette problématique est à l’œuvre.

Henri Désiré LANDRU, né le 12 avril 1869 à Paris (XIXème arrondissement), exécuté


le 25 février 1922 à Versailles, est un criminel français auteur présumé de onze
assassinats. Au cours de son existence, il niera systématiquement être l'auteur des
infractions qui lui sont reprochées, concédant toutefois avoir volé et escroqué ses
prétendues victimes. Néanmoins, face à une série de témoignages accablants et un
faisceau concordant d’indices de culpabilité, il sera condamné à mort le
30 novembre 1921. Selon LANDRU, l’aveu apparaît comme une rupture de
l’isolement que constitue parfois l’espace privé. Il va donc reconnaître sa culpabilité
indirectement, davantage en la suggérant qu’en l’exprimant. Il s’en explique dans une
lettre adressée à son avocat, Maître NAVIERES DU TREUIL, au mois d’octobre 1921
en ces termes : « Mon cher maître. Permettez-moi de vous offrir ce modeste souvenir
(un dessin), fait pendant la préparation des débats et dont le sujet m’a été inspiré par la
déposition d’un témoin ; preuve incontestable et indiscutable de l’incommensurable
bêtise humaine, ce n’est pas le mur derrière lequel il se passe quelque chose, mais bien
la cuisinière dans laquelle on a brûlé (souligné trois fois par lui) quelque chose » 129.

En l’espèce, il s’agit d’un mode paradoxal de passage aux aveux. En effet, l’accusé
ne peut assumer son acte que s’il n’en apparaît pas précisément comme l’auteur ou le
sujet car sa personnalité ou son moi est réifié comme objet, ce qui signifie qu’il s’efface
derrière ses crimes. L’aveu sera donc indirect car il produira un sens au travers d’un
écrit mais l’intéressé ne s’en attribuera pas réellement la paternité. Il s’ensuit que les
explications classiques de la criminologie pour expliciter les mobiles du passage à l’acte
demeurent, en pareilles circonstances, peu opérantes. Car ce qui motive l’aveu chez
129
Francesca BLAGI-CHAL, Le cas Landru à la lumière de la psychanalyse, Paris, Editions Imago,
2007, p. 143.

103
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

LANDRU n’est pas le rapport qu’il entretient avec la vérité des faits laquelle vérité
judiciaire est hors-sujet, mais davantage le rapport que la vérité entretient avec son être
intime, sans que cette relation puisse s’extérioriser pour s’articuler à un objet extérieur,
en l’occurrence les faits reprochés. Ainsi, le refus de l’aveu est en même temps un refus
du social ou d’une société qui symboliquement ne produit pas de sens. Ce n’est que
l’expérience personnelle qui, elle, ne ment pas. Le cas LANDRU pose également la
question du plaisir dans le processus criminogène.

3) Aveu et processus criminogène : vers une remise en question de


l’explication causale

63- Approche problématique des crimes de jouissance. La difficulté soulevée


par les crimes de jouissance, ceux dont se rendent coupables notamment les tueurs en
série, réside dans l’impossibilité de passer aux aveux en dépit de la particulière gravité
des faits commis car le passage à l’acte incorpore une notion de plaisir, l’assassinat
inclue une dimension hédoniste. A ce titre, le passage à l’acte a été considéré, dès le
début du XIXème siècle, notamment avec l’essor de la psychanalyse, comme la résultante
d’une interaction de facteurs que la criminologie clinique centrait autour du sujet, celui
du délinquant étudié sous un aspect médico-social. Dans un souci de synthèse, la
criminologie contemporaine a donc réintroduit la notion de causalité comme schème
explicatif de l’étiologie criminelle en dégageant divers concepts censés appréhender la
totalité du processus criminogène. De l’association de facteurs130 à la notion de
structure131, il s’agit moins de penser le sujet comme agissant de façon parfaitement
autonome, c’est à dire indépendamment de ses déterminations sociales, que de l’intégrer
au sein d’une totalité complexe organisée venant déterminer ses actes. Selon
PINATEL132 les modalités du passage à l’acte délictueux s’intégreraient dans un
processus, une succession d’événements ou un « roman familial » selon le mot de
FOUCAULT133 reléguant à un rôle subalterne le phénomène individuel comme variable
explicative du crime134. Néanmoins, cette approche ne répond pas à la question des

130
Jacques LEAUTE, Criminologie et science pénitentiaire, Paris, PUF, 1972, p. 49-65.
131
Jean PIAGET, Le structuralisme, Paris, PUF, Que sais-je ?, 1968.
132
Jacques PINATEL, La criminologie, 1ère éd., Spes 1960.
133
Michel FOUCAULT, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975.
134
Raymond GASSIN, Sylvie CIMAMONTI, Philippe BONFILS, Criminologie, Paris, Précis, Dalloz,
7ème édition 2011, p. 350-369.

104
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

véritables mobiles ayant présidé à la transgression de la norme donc à celle du passage


à l’acte et des ressorts profonds permettant de différencier, dans la société, le délinquant
de celui qui ne l’est pas, celui qui observe une conduite conforme aux prescriptions de
la loi pénale et celui qui va les transgresser. Comme le soulignent M.M. LE BLANC et
LOEBER : « Nous ne pouvons plus nous satisfaire d’une conception myope des causes
des infractions commises par les individus, causes qui seraient enracinées dans un
moment particulier du temps, et qui seraient toutes censées être invariantes au cours
d’étapes de développement; nous devons plutôt adopter une conception systémique dans
laquelle de nombreux facteurs opèrent et interagissent tout au long du développement au
cours du temps» 135. Or, comment, par exemple, décrypter à l’aune des travaux
accomplis jusqu’à présent relatifs à la criminalité et aux facteurs de la délinquance
individuelle, la dimension hédoniste, centrée sur le plaisir, voire eudémoniste, articulée
à la recherche du bonheur, ou celle valorisante qui se traduit par un effet mimétique
comme référent étiologique du passage à l’acte ou du comportement criminogène.
Articulé au paradigme de l’acte criminel, pourquoi les risques anticipés du délit
(arrestation, condamnation) sont-ils si peu intégrés par certains délinquants ? En effet, la
décision du passage à l’acte semble inclure, sans aucune mauvaise conscience, les
conséquences judiciaires prévisibles attachées à la commission de l’infraction, voire
évacuer la crainte d’une quelconque sanction pénale, au bénéfice du seul plaisir procuré
au délinquant. De surcroît, l’intégration de cette nouvelle variable centrée autour du
plaisir dans le passage à l’acte n’est pas réductible aux trois paradigmes principaux de la
sociologie criminelle, le premier privilégiant l’étiologie du comportement criminel sans
en référer à cette dimension hédoniste136; le deuxième, prenant comme point de départ
l’acte criminel en faisant du délit l’élément central d’un affrontement entre le délinquant
et la victime ou de celui-là avec les forces de l’ordre ; le dernier paradigme se proposant
d’expliquer la criminalité comme un phénomène collectif. Concernant ce dernier
modèle définissant le crime comme un phénomène social pathologique, il revient
effectivement à DURKHEIM d’avoir opéré une rupture épistémologique par rapport au
courant bio-anthropologique, qui incluait des facteurs biologiques dans la production de
la criminalité et se proposait, in fine, d’analyser la criminalité en termes de
dégénérescence, c’est dire à partir d’un modèle médical, la phrénologie. Toutefois, si le
135
Marc LE BLANC et Rolf LOEBER, Crime and Justice: An Annual Review of Research, vol. 23,
Chicago, The University of Chicago Press, 1998, p. 115-198.
136
Jacques PINATEL, « Endocrinologie et criminologie », RSC, 1962, p. 551-561.

105
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

mérite en revient à DURKHEIM d’avoir dans Les règles de la méthode sociologique


(1894)137 refusé de réduire un fait social (le crime) à des considérations essentiellement
biologiques (l’organisme du délinquant), les trois paradigmes sus rappelés se sont peu
préoccupés des causes réelles servant de levier au passage à l’acte ; mobiles qui, loin de
s’apparenter systématiquement à des causes illogiques caractérisées par une carence
affective, peuvent, au contraire, être mûrement réfléchies et calculées. Cette dimension
se distingue de la notion de personnalité criminelle ou du concept forgé par
LOMBROSO138 relatif au « type criminel », celui-ci présentant un certain nombre de
traits anatomiques qui le distingueraient des non-délinquants et donc seraient à l’origine
de ses actes criminels. Selon DI TULLIO139, les traits de personnalité de ce type de
délinquant conduiraient un individu isolé ou en association à passer à l’acte plus
facilement, son « seuil délinquantiel » se trouvant abaissé dans une situation
précriminelle par rapport à d’autres individus ne présentant pas la même personnalité.
Cette théorie diffère à la fois de celle de LOMBROSO (pas d’hérédité criminelle
spécifique), et de celle proposée par l’Ecole de GRAZ laquelle fait dépendre la
constitution délinquantielle de l’individu de sa seule hérédité ou de son milieu, c’est à
dire, en définitive, exclusivement de la société. Néanmoins, cette approche de la
criminologie soucieuse d’envisager l’homme dans la totalité de son existence n’a pas
entendu incorporer des données positives comme le plaisir dans le passage à l’acte,
notamment dans sa contribution à l’anthropologie criminelle relative aux tueurs en série.
L’approche bio-psychologique de la criminologie semble avoir déserté les motivations
spécifiques du passage à l’acte fondées sur une réelle volonté et non uniquement comme
résultat d’une nécessité. Des analyses plus récentes 140 démontrent notamment chez les
individus atteints de paranoïa que le crime n’est quasiment jamais suivi d’un sentiment
de culpabilité. Pris dans la dynamique de l’action, ce dernier est par conséquent débordé
par un déchaînement pulsionnel justifiant pour des raisons virtuelles de survie le

137
Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, 13ème éd. 1956, p. 33.
138
Cesare LOMBROSO, L’homme criminel, trad. française de la 5è éd. italienne, 2 vol., Paris, Alcan,
1895.
139
Benigno DI TULLIO ; Manuel d’anthropologie criminelle, Paris, Payot, 1951, p. 161.
140
Voir notamment René ANGELERGUES, « Brève note psychiatrique à propos d'un texte
psychanalytique ». Rev. Française de Psychanalyse, 1982, 1 ; Piera AULAGNIER, La violence de
l'interprétation (1975), Paris, PUF, 1986 ; Jean CHAZAUD, « Contribution à la théorie psychanalytique
de la paranoïa ». Rev. Française de Psychanalyse, Paris, 1966, 1 ; Jean-Claude MALEVAL, « Les
meurtres immotivés ne sont pas sans cause ». Synapse, 1986. n°28. Paul-Claude RACAMIER, « Esquisse
d'une clinique psychanalytique de la paranoïa ». Rev. Française de psychanalyse, Paris, 1966, 1.

106
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

passage à l’acte. Ce passage à l’acte n’est pas exempt d’une sensation de plaisir ressenti
par le criminel. En effet, le plaisir peut constituer l’unique mobile du passage à l’acte et
non la contrainte, et être dicté par des motivations hétéronomes : la réaction aux stimuli
du monde extérieur, la survie de l’espèce, l’agressivité comme corollaire de l’activité
délictuelle, la prédominance de la composante « pulsionnelle » sur la « composante
normative »141. Ainsi, chez certains criminels considérés sur un plan psychiatrique
comme pervers, la question de l’aveu en matière pénale renvoie moins à celle de la
culpabilité qu’à une relation symbolique avec la Loi, approche qui, bien souvent,
semble se dérober à l’analyse des professionnels du droit.

§2 - Aveu et intériorisation de la Loi

64- Aveu pénal et autorité de la loi. Ce qui détermine le passage aux aveux est
bien souvent lié à la perception que le délinquant a de sa propre criminalité et le
processus d’autocondamnation est par conséquent inséparable de l’intériorisation chez
l’auteur d’une loi parfois considérée comme dénuée d’autorité et donc d’une justice sans
légitimité. L’étude du plaisir dans le passage à l’acte criminel diffère quelque peu des
grilles d’analyses communément admises en sociologie de la délinquance car le pervers
est conscient de ses actes et donc réalise des fantasmes associant plaisir et cruauté en
obéissant à une pulsion irrésistible. Si le criminel a conscience du caractère
répréhensible de ses actes, le risque pénal pouvant en découler est cependant évacué.

Dès lors, le droit, en tant qu’aboutissement nécessaire d’une volonté libre (A), n’est
pas extérieur à celui auquel il s’applique, à l’assujetti, le délinquant reconnaît toujours
le droit qui lui est applicable, même s’il voudrait cependant y faire exception, ce qui
relève davantage, in fine, de la psychologie de l’auteur de l’aveu (B)142.

141
Pierre GRAPIN ; « Biologie sociale et criminalités », RSC, 1971, p. 79-98.
142
Selon HOBBES cette obligation de non-résistance qui découle de cette fondation de la loi est décrite
en ces termes: « L’homme ou l’assemblée qui peuvent, par leur propre droit, qui ne dérive du droit
présent d’aucun autre, faire les lois ou les abroger, selon son ou leur bon plaisir, ont la souveraineté
absolue. Car, vu que les lois qu’ils font sont censées être faites de droit, les membres de la République,
pour qui elles sont faites, sont obligés de leur obéir ; et en conséquence de ne pas résister à leur
exécution ; cette non-résistance fait le pouvoir absolu de celui qui les ordonne ». Et d’ajouter, c’est « (...)
dans l’acte où nous faisons notre soumission que résident à la fois nos obligations et notre liberté (…) nul
ne supporte en effet aucune obligation qui n’émane d’un acte qu’il a lui-même posé, puisque par nature
tous les hommes sont également libres ». Thomas HOBBES, Eléments de droit naturel et politique, trad.

107
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

A) Le crime comme expression paradoxale de la liberté

65- Ordre juridique et normativité. En pure logique, aucun délinquant ne peut


s’affranchir des exigences de la normativité. En effet, par son acte, le criminel ne
s’inscrit pas en marge d’une loi qui le détermine mais, tente de faire prévaloir sa libre
volonté sur le caractère impératif de la norme, le crime n’étant en définitive que
l’expression paradoxale de sa liberté. Car le mal (l’homicide, par exemple) est
inséparable d’une réflexion sur la liberté humaine, dont le philosophe BERDIAEV
soulignait que cette dernière y était consubstantielle143 à partir des antinomies suivantes:
« Le bien libre suppose la liberté du mal. Mais la liberté du mal conduit à la destruction
de la liberté elle-même, à la dégénérescence en une nécessité mauvaise. D’autre part, la
négation de la liberté du mal et l’affirmation de la liberté exclusive du bien aboutissent
également à la négation de la liberté, à sa dégénérescence en une nécessité bonne.
Nécessité bonne qui n’est plus le bien puisqu’il n’y a rien de bien que dans la liberté
(…) ». Le droit pénal applicable à un délinquant constituera par conséquent la sanction
de l’affirmation par le criminel, par son acte, d’une liberté particulière contre les lois. Et
ce, par l’intermédiaire d’un tiers, le juge, qui confèrera au droit son effectivité dans le
cadre de la norme. Dès lors, le criminel n’est pas un « hors-la-loi » car il ne peut pas
inscrire son action en marge de la loi applicable. Mais sa volonté est libre et universelle,
donc ne se déploie pas en marge du droit en vigueur ; en tant que volonté indissociable
de sa particularité, le délinquant veut transgresser le droit. C’est ce que veut nous dire le
philosophe Jean-Jacques ROUSSEAU quand il écrit, à la première ligne du Contrat
Social (1762)144, que « l’homme est né libre, et partout il est dans les fers » ; loin de
s’enfermer dans un paradoxe, le philosophe met en exergue la double condition d’une
humanité qui ne peut exiger l’universalité de ses droits qu’en vertu d’une transcendance
de ses sources, érigeant ainsi l’essence du droit au-dessus du fait, de l’homme sur le
citoyen. Dans cette perspective, si la loi peut s’étendre à tous, c’est son « universalité »,
elle provient toutefois d’une origine plus haute. Car la règle transcende les rapports
individuels afin qu’en société aucun individu ne puisse se livrer à l’arbitraire en

fr. TRICAUD des Elements of laws, II, Chap. I, 19, p. 117, Lyon, 1977, et Léviathan., chap. XXI, p. 268,
trad. de F. TRICAUD. p. 229, Paris, sirey, 1971.
143
Nicolas BERDIAEV, L’Esprit de Dostoïevski, Paris, Stock, 1974, p. 82.
144
Jean-Jacques ROUSSEAU Du Contrat Social (1762), Livre I, chapitre VI, Paris, AUBIER-
MONTAIGNE, 1943, p. 90.

108
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

travestissant la force en droit et l’esclavage en obéissance. Ce penseur devait ainsi


placer les Droits de l’Homme « sous les auspices de l’Etre Suprême », conférant ainsi à
la raison du droit une origine supérieure, supériorité reconnue pourtant vingt-trois
siècles auparavant par PLATON lorsqu’il indiquait dans son texte Le Timée :

« C’est du côté du haut, là où eut lieu la naissance primitive de l’âme que le divin a
suspendu notre tête qui est comme une racine; de la sorte il a donné au corps tout entier
la station droite »145.

Il ne saurait donc exister de déliaison ou de séparation entre droit et pouvoir, loi et


souveraineté, celle-là n’étant que l’expression de celle-ci et le droit apparaît comme la
forme nécessaire du pouvoir, celui-ci investissant aussi bien ceux qui s’estiment en être
dépourvus que ceux qui le détiennent, si bien que, selon Gilles DELEUZE: « (…) toute
force est déjà rapport, c’est dire pouvoir et la force n’a pas d’autre objet ni sujet que la
force»146.

Il s’ensuit qu’il n’existe pas, en pure logique, d’hors-la-loi, au sens où la


transgression de la norme s’inscrit toujours dans un rapport de pouvoir qui la détermine,
qu’il n’existe pas de relation à la loi sans constitution corrélative d’un savoir qui la
définit. Le passage à l’acte criminel n’est donc pas extérieur à l’intériorisation par le
délinquant de la norme, ce dernier incluant de façon rationnelle la sphère du licite et de
l’illicite, c’est-à-dire les conséquences pénales qui peuvent découler d’une telle
violation de la règle de droit en termes de peines privatives de liberté. Ce rapport
consubstantiel entre l’Etat de droit et les individus renvoie par conséquent à une relation
paradoxale d’inclusion/exclusion ou de cercle autoréférentiel qui ne souffre donc
aucune exception. Il faut que l’ordre étatique soit établi pour que l’ordre juridique ait un
sens et que, par suite, la norme puisse soumettre l’organisation sociale à sa
réglementation normative. Selon Carl SCHMITT147, l’état d’exception ne constitue
toutefois pas le signe évident d’une transgression par l’Etat des principes qu’il énonce,
mais paradoxalement la condition de sa validité. Il s’ensuit que l’état d’exception n’est
pas un chaos qui précèderait l’ordre, mais la situation qui résulte de sa suspension, ou
145
PLATON, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1950 Timée, 90a.
146
Gilles DELEUZE, in FOUCAULT, Editions de Minuit, 1986, p.78.
147
Carl SCHMITT, La notion de politique, trad. fr, Paris, PUF, 1993, p. 66 et ss ; Théorie de la
constitution, Paris, PUF, 1993, p. 386 ; Théologie politique, Paris, Gallimard, vol. 2, 1970.

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PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

son prétexte d’exception. C’est, en effet, la relation entre « valeurs-fins et valeurs-


moyens» 148 qui signale l’intention, c’est dire l’élément moral de l’infraction. En
conséquence de quoi, vouloir infliger une peine à un criminel c’est ne vouloir déceler en
lui qu’un être rationnel doté d’une libre volonté. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle
il apparaît difficile d’infliger une sanction à ceux qui sont considérés comme
inaccessibles à une sanction pénale, c’est-à-dire les aliénés mentaux. La conscience
morale du criminel n’est pas séparée d’une conscience de la loi, en tant qu’elle constitue
une instance souveraine du bien ou mal. Le passage à l’acte, loin d’exprimer un
dysfonctionnement de l’appareil psychique chez le délinquant, ou le signe le plus
évident d’une rupture entre le registre de la parole et celui de l’action, n’est que la
marque la plus rationnelle et aboutie d’une volonté libre où la conscience de la faute est
dégagée de celle de la culpabilité, le droit dissocié de la morale. Cette conscience
séparée de la culpabilité a été soulignée par LACAN dans sa critique de la conception
freudienne, notamment celle défendue dans deux textes149, en ces termes :

« (…) On conçoit qu’ayant reçu en psychologie un tel apport du social, le médecin


FREUD ait été tenté de lui en faire quelques retours, et qu’avec Totem et Tabou en
1912, il ait voulu démontrer dans le crime primordial l’origine de la loi universelle. A
quelque critique de méthode que soit sujet ce travail, l’important était qu’il reconnût
qu’avec la Loi et le Crime commençait l’homme, après que le clinicien eut montré que
leurs significations soutenaient jusqu’à la forme de l’individu non seulement dans sa
valeur pour l’autre, mais dans son érection pour lui-même »150. Or, comment analyser
en criminologie le passage à l’acte lorsque ce dernier s’effectue non seulement en
évacuant tout risque pénal, le délinquant ayant pleinement conscience du risque encouru
mais ne témoignant cependant d’aucune forme de culpabilité dans la commission de
ladite infraction ; voire, plus grave encore, pouvant éprouver du plaisir dans ce passage
à l’acte, celui-ci s’accomplissant donc en marge de toute crainte des conséquences
répressives pouvant résulter de la transgression de la loi pénale et de ses incriminations.

148
Ibid, p. 63.
149
Sigmund FREUD, Dostoïevski et le parricide (1928), Paris, PUF, 1985 et Totem et Tabou, Paris,
Gallimard, 1912.
150
Jacques LACAN, Ecrit I, Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie,
Paris, Editions du Seuil, collection Point, essais, 1975.

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PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

66- Passage à l’acte et plaisir. La criminologie recherche divers facteurs


d’explication qui mettent en exergue soit un déficit de la société en tant qu’instrument
de régulation sociale ou d’intégration soit un déséquilibre inhérent au sujet, l’infraction
ne pouvant résulter que d’un dysfonctionnement de l’appareil psychique de l’individu
ou d’une nécessité (les crimes d’utilité). Du côté du sujet, dont le mobile serait la
nécessité, le passage à l’acte pourrait donc supposer a priori une intention louable qui
vient justifier l’infraction, la justification constituant une rationalisation a posteriori de
la transgression de l’interdit : en l’occurrence, la violation de la loi pénale pour subvenir
à des besoins domestiques. Or, lorsque le passage à l’acte est dépourvu de finalité sinon
celle du plaisir et que ledit acte se décline comme un simple jeu, la question se pose de
savoir quelles sont alors les déterminations psychologiques qui sont à l’œuvre dans
l’émergence de cette nouvelle délinquance. En pareilles circonstances, l’aveu de
culpabilité est impossible car l’institution judiciaire ne constitue pas un espace de
production de sens. De ce point de vue, la violence ne réside plus véritablement et
simplement dans l’usage de la force mais repose sur l’absence ou l’oubli de ce qui
devrait être intériorisé par le délinquant comme étant la norme. Et, ce qui
caractérise cette violence c’est précisément la négation de la dimension humaine dans
l’homme en tant que cette négation est sa visée propre. Car le pervers est conscient de
ses actes et donc réalise des fantasmes associant plaisir et cruauté en obéissant à une
pulsion irrésistible. L’étude criminologique des tueurs en série, par exemple, témoigne
notamment chez le psychopathe ou tueur organisé – la majorité d’entre eux – d’un lien
assumé entre intentionnalité et passage à l’acte criminel, ce dernier se réalisant dans et
pour le plaisir. Ce qui n’est pas le cas du tueur désorganisé ou psychotique, la psychose
constituant une maladie mentale dont le patient par définition n’a pas conscience,
affection psychique rendant inaccessible à une sanction pénale ce dernier car relevant
d’un régime d’irresponsabilité. De surcroît, si l’acte criminel peut se réaliser dans et
pour le plaisir il peut également être recherché postérieurement à cet acte151. Selon
Michel BARROCO, le tueur en série peut être défini comme : « (…) un meurtrier
récidiviste ayant tué au moins trois personnes, sans qu’il les connaisse au préalable, sans
mobile évident et avec une façon de procéder (modus operandi) similaire. Il est poussé
soit par des pulsions sexuelles, soit par un désir de puissance ou de domination (…). Le
statut d’objet que revêt la victime a pour conséquence que le serial killer n’éprouve

151
Martin MONESTIER, Cannibales, Le Cherche-midi, 2000.

111
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

aucun remord après les meurtres. La plupart d’entre eux sont pénalement
responsables »152. A ce propos, comme l’explique Daniel ZAGURY153, bon nombre de
tueurs en série se délectent à relater leurs crimes. Ces assassins jouissent de ne rien
ressentir lors du passage à l’acte154 en réduisant leurs victimes terrorisées à l'état de
choses. En l’espèce, loin d’ignorer la loi ou l’incrimination pénale qui y est attachée, le
rapport du pervers à la norme est significatif dans la mesure où celle-ci est défiée voire
provoquée, afin que le psychopathe puisse a posteriori en attester la validité, en dépit du
risque pénal. Au-delà de la question de l’aveu d’une culpabilité, le pervers, en
définitive, interroge l’appareil législatif et se fait donc soutien paradoxalement de
l’existence d’une Loi dont il n’a pas réussi à éprouver l’efficacité. Ce qui est à
l’œuvre selon René GIRARD c’est un mécanisme de « désir mimétique inversé », désir
qui peut prendre une forme réelle ou symbolique dans ce processus victimaire. Seul
l’être qui « (…) nous empêche de satisfaire un désir qu’il nous a lui-même suggéré est
vraiment objet de haine. Celui qui hait se hait d’abord lui-même en raison de
l’admiration secrète que recèle sa haine. Afin de cacher aux autres, et de se cacher à lui-
même, cette admiration éperdue (…) »155. Or, par son désir de faire souffrir la victime
lors du passage à l’acte, le sadique n’éprouve aucune culpabilité, aucun remord même si
ce criminel a pleinement conscience de son acte et du risque pénal afférent.
Contrairement à la description de FREUD dans Totem et Tabou156, il n’existe même pas
de « sentiment inconscient de culpabilité » chez le pervers criminel. Ce dernier décrit
même dans le texte précité les criminels par leur sentiment de culpabilité, soulignant
que ce sentiment préexiste à la faute. Le masochiste utilise l’autre, ce qui est une
démarche inverse, afin de se faire souffrir, son désir de souffrance étant intimement lié à
une culpabilité dont il ne peut se dégager que par une auto-punition ou flagellation. En
cela, le masochiste est davantage le dépositaire de la culture judéo-chrétienne
occidentale, car symboliquement la rédemption du Christ ne peut se réaliser que par le
truchement d’une violence à soi ; à l’inverse, il semblerait qu’il faille se départir de la
tradition occidentale érigeant le bien en vertu et corrélativement le mal en perversion de
l’âme pour appréhender la dimension sadique du crime, car, en l’occurrence, cette
152
Michel BARROCO, Le cavalier bleu, Paris, 2006, p. 3.
153
Daniel ZAGURY, L’énigme des tueurs en série, Paris, Editions Plon, 2008.
154
Stéphane BOURGOIN, Serial killers, enquête mondiale sur les tueurs en série, Paris, Grasset, 2011,
p.26.
155
René GIRARD, Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Pluriel, 1961, p. 24-25.
156
Op.cit.

112
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

dimension manichéenne est absente chez le tueur en série. Seul Dieu, dans une vision
théologique, refuse la violence et renvoie à une force extérieure qui serait la foi, il n’est
pas vengeur car le divin suggère une inversion de la violence en amour. Il s’agit donc
d’une posture éthique nécessitant une conversion, c’est dire une réelle empathie écartant
tout désir naturel de vengeance. Concernant la catégorie des sadiques pervers pour
lesquels le passage à l’acte n’est motivé que par le plaisir de faire souffrir ou par le jeu,
il semblerait que ces criminels renferment une attitude psychologique marquée à la fois
par le contrôle (dimension hédoniste de l’acte) et la désinhibition (ils « passent à
l’acte »). Une désinhibition ou un contrôle des émotions qui, selon Norbert ELIAS,
définirait à la fois la civilisation occidentale et la formation d’un pouvoir étatique de
plus en plus contraignant et centralisé157. Un processus, au surplus, qui conduirait à un
contrôle de « l’économie psychique de l’individu » permettant le recul des attitudes de
déviance. Autrement dit, ce n’est plus l’acte ou son événement qui définit le sujet
comme personnalité juridique mais ce qu’il est censé avoir effectué ou pouvoir encore
faire. C’est la question de la récidive qui est ainsi primordiale. Sur un plan
philosophique, il s’agirait donc de penser la constitution d’un sujet capable de poser des
actes libres et gratuits, et ce sans explication immédiate ni évaluation unique, ni
interprétation définitive. Ainsi, l’acte pur ne peut être que celui d’un Dieu, celui qui ne
passe pas à l’acte, à la différence des êtres humains qui doivent « passer » de la
puissance à l’acte, du virtuel à l’actuel, bref ceux qui ont à trouver un passage. C’est
cette temporalité qui définirait en dernière analyse le domaine de l’éthique et du
politique, de la vertu et du bonheur, de la situation individuelle ou mieux, collective, de
la vie humaine. Car c’est, en même temps, l’espoir d’une vie pouvant encore triompher
des pulsions de mort qui pourra conduire, pour se libérer, à passer aux aveux, soit
indirectement (LANDRU aura recours à l’écrit), soit en manipulant l’institution
judiciaire par un jeu pervers de séparation entre la reconnaissance de l’acte criminel
(Francis HEAULME, par exemple, admettra la plupart des faits reprochés) et
l’explication attachée à ces aveux, comme s’il s’avérait impensable de faire le lien entre
un passage à l’acte assumé et son internalisation psychique.

157
Norbert ELIAS, La Dynamique de l’Occident, Paris, Pocket, 1997.

113
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

B) Psychologie de l’aveu

« (L´) Aveu ? Je veux qu´il me lave (…)! », Michel LEIRIS, Langage et Tangage ou Ce que
les mots me disent, NRF, Paris, Gallimard, 1987, p. 11.

67- Crimes de jouissance et impossibles aveux : les affaires Lucien LEGER et


Francis HEAULME. Au visa de l’article 122-1 CPP, une juridiction pénale peut
déclarer irresponsable une personne pour cause de trouble mental. Mais la question de la
réception de l’aveu dans un contexte d’aliénation mentale renvoie surtout, d’abord, à la
fiabilité de ce moyen de preuve, ensuite, à la question de l’imputabilité pénale puisque,
le plus fréquemment, les auteurs ne se considèrent ni coupables ni, en conséquence,
responsables de leurs actes, fussent-ils graves. En effet, chez les pervers criminels, il
n’existe pas de liens symboliques suffisants pour pallier leur instinct de mort. Il s’ensuit
que lorsque leur imaginaire se charge de libido et qu’aucune fonction symbolique ne
peut les canaliser, le pervers ne pouvant plus résister à ce besoin qui l’envahit face à une
urgente pulsion de mort, va passer à l’acte. L’acte criminel remplit une fonction
cathartique de libération de cette pulsion qui l’emprisonne symboliquement dans son
moi. C’est l’affaire Lucien LEGER dit « l’Etrangleur » (1964) qui témoigne de cette
difficulté car elle met en cause une personne déséquilibrée en quête de reconnaissance
et de notoriété qui, au moment de passer aux aveux, le 5 juillet 1964, soit le jour de son
arrestation, déclarera avoir tué avec préméditation sous l’impulsion « d’une force
extérieure» 158. La reconnaissance de culpabilité est, en l’occurrence, inséparable d’un
message délivré par l’accusé à l’institution judiciaire. Il en est ainsi dans l’affaire
Francis HEAULME (1989).

68- L’aveu comme ultime jouissance. Francis HEAULME présente d’abord une
personnalité tortueuse révélant simultanément une extrême fragilité et une parfaite
maîtrise de soi, dualité qui tranche donc, au moment du procès, avec la particulière
gravité des faits reprochés, en l’espèce l’assassinat d’Aline PERES, poignardée et
égorgée sur la plage du Moulin-Blanc, à proximité de la ville de BREST. Un accusé qui
va se livrer à une minutieuse description de son passage à l’acte sur le plan matériel,
pour achever son propos par une négation absolue des faits, comme s’il délivrait
indirectement un message à l’attention des jurés. S’il reconnaît, en effet, devant l’expert

158
Les grandes histoires criminelles, op.cit., p 49.

114
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

psychiatre que « chaque fois (qu’il) passe quelque part, il y a un meurtre » 159, il ne s’en
attribue jamais la paternité, mais avoue toutefois indirectement sa culpabilité lors du
procès en ces termes : « c’est moi, mais c’est à vous à le prouver ». Le passage à l’acte
n’est donc pas dépourvu d’ambigüité car il mêle extrême souffrance et plaisir dans
l’étiologie criminelle. En cela, la distinction entre le crime d’utilité (commettre une
infraction pour nourrir ses enfants) et le crime de jouissance (passer à l’acte criminel par
simple plaisir, indépendamment du risque pénal attaché à cette infraction) peut s’avérer
opératoire pour décrypter le passage ou non aux aveux. Le crime d’utilité permet plus
facilement la reconnaissance de sa responsabilité pénale car il s’agit bien souvent de
délinquants ayant agi par nécessité. En revanche, le crime de jouissance renvoie
davantage à la psychogénèse de l’individu. Il s’agit de l’expression d’une souffrance qui
se manifeste dans l’exécution de l’acte, même si subsiste le plaisir à ne pas le
reconnaître, comme si l’accusé ne devait cette part de vérité qu’à lui-même, soit un
individu seul au monde depuis la mort, s’agissant de Francis HEAULME, de sa mère.
En l’occurrence, l’acte de contrition et l’acte de décès sont liés dans les mécanismes
psychologiques à l’œuvre dans la psychè de cet accusé. Car le décès de sa mère
constitue symboliquement l’acte fondateur de son propre décès, l’accusé se sentant ainsi
définitivement abandonné à un héritage sans testament, pour reprendre le mot de
René CHAR. Traumatisant décès de celle qu’il aimait passionnément, HEAULME, lors
des obsèques, se jetant menotté dans la tombe de la défunte en hurlant : « ne me quitte
pas ! », « ne m’abandonne pas ! », manifestation terrible d’une cruelle douleur d’être à
jamais privé de celle qui le maintenait encore « dans le monde », lui qui avait été pour
ainsi dire « jeté dans ce monde », sans espoir de revoir celle qui, par amour, pouvait
encore le maintenir en vie : sa mère. Dans ce contexte, l’aveu devient impossible car il
constitue désormais un non-sens, la seule personne pouvant l’en persuader l’ayant
précédé dans son funeste destin. Ainsi, ce malaise psychopathique se caractérise par une
prévalence de l’agir (l’acte criminel) sur l’internalisation psychique (la révélation
circonstanciée de son acte). Le drame naît par conséquent du décalage entre le passage à
l’acte et son impossible explication. Le hyatus s’explique en outre en intégrant la
dimension psycho-affective du criminel lequel s’avèrera incapable de concéder quelque
explication à l’institution qui, en définitive, au-delà de son parcours délinquantiel, lui
aura ôté tout espoir, en l’écartant de sa mère, pour l’éternité. Il s’agit d’une trajectoire

159
Ibid p.145.

115
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

personnelle tragique où se conjuguent, tout d’abord, la tentation criminelle et la


jouissance dans la transgression, ensuite, une position d’éviction de la relation à l’autre ;
sa psychè s’avérant vide de sens, réduite à néant. Il s’ensuit qu’aucune culpabilité ou
responsabilité n’est ressentie par ce pervers criminel ; or, en l’absence d’une conscience
individuelle desdits crimes, l’aveu circonstancié s’avère impossible car il supposerait
que l’accusé renoue avec son moi, ce que la mort de sa mère ne rend plus possible. En
définitive, s’agissant de Francis HEAULME, c’est en réalité la possibilité ou non de
l’aveu qui constitue peut-être l’ultime jouissance…

69- Mobile du passage à l’acte et faits avoués. Si l’aveu pénal permet l’éclosion
d’une vérité judiciaire, la signification de l’acte excède le simple dévoilement de faits
incriminés car il révèle la psychologie profonde du mis en cause. Par-delà son caractère
vrai ou faux ou partiellement vrai ou majoritairement fallacieux, l’aveu fonctionne
comme une catharsis et figure comme le siège d’une possible paix intérieure retrouvée.
Il rend également possible une récollection de soi à travers des mots. En revenant sur
ses précédentes déclarations et en décidant désormais d’avouer sa culpabilité, le
délinquant pourra parfois se reconstituer sur un plan psychique, une fois l’obstacle
franchi. En sens inverse, la rétractation ultérieure d’aveux pourra s’interpréter comme
un refus de s’approprier ces propos consentis dans un cadre procédural qui, pour être
légal, ne fait pourtant pas réellement sens pour le mis en cause car il n’est pas légitime.
En toutes hypothèses, une nouvelle rédaction des procès-verbaux davantage en
harmonie avec son traumatisme intérieur permettra une première réconciliation entre
l’accusé et lui-même, dans une sorte de monologue intérieur propice au passage à l’acte.
Car l’aveu en matière pénale vient fréquemment braver l’interdit posé par la conscience
et, dans ce contexte, la réécriture des faits viendra intégrer la situation d’aveu à une
réalité tangible, peut-être hors cadre pour les enquêteurs, mais davantage significative
pour la personne poursuivie laquelle, par cet aveu, se libèrera parfois de sa névrose.
L’aveu s’articulera ainsi non plus à une artificielle ou virtuelle confidence faite à un
officier de police judiciaire ou à un magistrat, mais à une réalité librement intériorisée et
donc acceptée par le délinquant.

70- Aveux de jactance et paranoïa. Si l’aveu n’entretient pas un rapport


obligatoire avec la vérité ne serait-ce que par la multiplication d’aveux de culpabilité
mensongers, il dénote un trouble mental, qu’il s’agisse d’aveux de psychopathes ou
116
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

aveux de jactance relatifs à des infractions imaginaires permettant à celui qui s’en dit
l’auteur d’exister aux yeux de ceux ou celles qui l’auraient dénigré. Il s’agit donc pour
l’auteur présumé des faits de réparer l’outrage subi, de retrouver l’honneur perdu ou
perçu comme tel, par souci de bienveillance ou désir inconscient d’attirer l’attention,
fût-ce à son détriment. Cet aveu de culpabilité témoigne également d’une demande
d’amour ou de reconnaissance sociale voire, inconsciemment ou pas, d’admiration chez
un faux coupable qui sera innocenté contre son gré puisqu’il aura avoué des forfaits
imaginaires.

71- Aveu et légitimité de l’institution judiciaire. Le passage aux aveux peut


parfois dépendre de l’idée que se fait l’accusé de la justice pénale. En effet, si la
personne mise en cause éprouve du respect ou de la confiance envers l’institution, le
passage aux aveux s’établira plus aisément ; en revanche, si l’appareil judiciaire n’est
pas considéré comme légitime par le justiciable donc ne revêt aucune légitimité, aucune
reconnaissance des faits ne sera effectuée car, selon l’accusé, ses « censeurs » ne
mériteront pas sa confiance mais de la défiance. C’est dire suffisamment à quel point la
légitimité du processus d’autoaccusation dépend étroitement du degré de confiance
éprouvé par la personne mis en cause envers le juge. Plusieurs affaires pénales en
donnent des illustrations.

72- L’Affaire « Fouad ALI SALEH » (1990) Le procès du ressortissant tunisien


Fouad ALI SALEH qui s’est ouvert devant la Cour d’assises spéciale de Paris le 30
janvier 1990 témoigne du rapport que peuvent entretenir avec la vérité judiciaire des
accusés relevant, d’une part, de juridictions françaises ne bénéficiant, a priori, d’aucune
légitimité car n’appliquant pas la loi islamique ; d’autre part, et corrélativement,
composée de magistrats par définition « impis ». Car l’Autre de façon monologale ou
tautologique est considéré par l’accusé comme un traitre par définition. En l’espèce, la
personne mise en cause va donc contester la validité du procès et délégitimer
l’institution en tant qu’Institution de l’Occident « judéo-chrétien » apostat, donc par
analogie « vendu » aux américains et, par conséquent, mensonger. Il s’ensuit que dans
ce contexte de délégitimation a priori de l’institution, la révélation de faits par l’aveu ne
fera pas sens car elle n’est pas pertinente, à supposer même que ladite accusation, dans
ces conditions, soit sur le principe envisageable. Des aveux obtenus de l’accusé dans ce
climat de défiance ne sauraient être considérés comme suffisamment fiables. En

117
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

l’espèce, en l’absence d’une confiance minimale réciproque entre les parties aucune
déclaration ne pourra être revêtue de la force probante car l’aveu, en pareilles
circonstances, est par définition sujet à caution. C’est dire toute la difficulté d’une
autocondamnation quand le présupposé théorique de l’accusé est celui d’une impossible
loyauté de l’appareil judiciaire censé le juger. C’est la raison pour laquelle
M. Fouad ALI SALEH va récuser ses trois avocats commis d’office, maîtres
Jean Yves LE BORGNE, Benoît CHABERT et Jean-Christophe MAIMAT lesquels,
comme le prévoit le CPP en matière criminelle, resteront au banc de la défense sans
pouvoir s’exprimer. La production de l’aveu dépend donc étroitement de la légitimité
qui est accordée à l’institution judiciaire. L’ autoaccusation ne pourra revêtir la forme
éventuellement d’un « aveu-vérité » que si un climat de confiance s’établit entre le juge
et la personne mise en cause ; si la légitimité du magistrat a été perçue comme non
douteuse (dans l’affaire Fouad ALI SALEH, l’accusé se réclamant d’un islamisme
« radical » va stigmatiser les juges en tant que « magistrats juifs »). Quand les membres
de la cour feront leur entrée, l’accusé restera assis (signe symbolique de défiance envers
l’institution) et commencera à psalmodier quelques versets du coran. Il indiquera, par
ailleurs, au Président qu’il ne se nomme pas Fouad ALI SALEH, mais
Abbas MOUSSAOUI, nom emprunté au dirigeant du Hezbollah pro-iranien,
assassiné dans le sud du Liban en février 1990 lors d’un raid israélien ; rajoutant, par
ailleurs, que sa profession est celle de « combattant terroriste ». L’accusé indiquera, de
surcroît, à l’adresse des témoins et parties civiles : « Les déclarations que j’ai à faire,
c’est que nous sommes musulmans et que nous vous exterminerons jusqu’au dernier ».
Et d’ajouter : « Au nom de Dieu tout-puissant, destructeur de l’Occident, que soient
maudits les fils mécréants d’Israël et de Jésus [...]. Je ne m’appelle pas
Fouad ALI SALEH, je m’appelle la mort de l’Occident [...]. Les juifs et les chrétiens,
fils de porcs, n’ont pas le droit de parler quand un musulman s’exprime, [...] Les crimes
que vous avez commis depuis des siècles justifient votre anéantissement total [...]. Le
terrorisme, c’est le prêche, c’est la guerre sainte (…) ! Les juifs veulent faire de la
planète un camp de concentration, avec les chrétiens comme gardiens et comme
bourreaux...» 160.

160
Extraits des déclarations de Fouad Ali SALEH publiées dans Le Monde et Libération les 30 et
31 janvier, 5 et 11 février 1990.

118
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

73- L’affaire de « l’Abbé d’URUFFE » (1950). L’affaire d’URUFFE ou


« Guy DENOYERS », prêtre d’une paroisse lorraine aux confins de la Meurthe-et-
Moselle, est emblématique du conflit pouvant surgir entre deux modes d’allégeance,
celle résultant d’un service sacerdotal, de nature religieuse ou théologique, en l’espèce,
la curie et celle résultant de la loi positive donc laïque dans laquelle s’inscrit le cadre de
recueillement de l’aveu. Selon la défense, au-delà des faits, la question de la légitimité
d’une responsabilité pénale d’un lieutenant de Dieu sur terre a pu se poser car, au regard
des règles du droit canon, seule une responsabilité devant Dieu pourrait, un jour,
éventuellement, être retenue contre l’abbé d’URUFFE. Un conflit d’allégeances
s’élevait entre, tout d’abord, la dimension laïque (l’institution judiciaire), ensuite,
l’institution religieuse dont dépendait ce clerc. En l’espèce, il s’agissait d’un sacrifice
humain, c’est à dire comme l’indique l’étymologie du mot sacrifice, renfermant encore
une dimension sacrée (sacre facere) dans cet assassinat. En effet, l’abbé
Guy DENOYERS déshabillera sa victime enceinte, l’éventrera avec un couteau avant
d’en extraire l’enfant puis, c’est la dimension sacrée ou sacrificielle, apportera les
derniers sacrements à l’infans avant de l’étrangler, lui percer le cœur et lacérer son
visage à coups de couteaux, afin qu’aucune ressemblance ne fût établie entre l’assassin
et l’enfant ainsi défiguré161. L’affaire de l’abbé d’URUFFE a donc soulevé la question,
tout d’abord, de la responsabilité pénale de l’accusé car, en l’espèce, si l’assassin n’avait
pas exercé un ministère de nature religieuse, il n’aurait pas commis ledit assassinat dans
la mesure où il n’aurait pas eu besoin de masquer des motivations moins honorables, en
l’espèce, assouvir sa soif de plaisirs charnels. Ensuite, ce dossier pénal renvoie à une
autre interrogation, celle d’une possible légitimation de l’aveu lorsque ladite confession
ne peut être établie, s’agissant d’un abbé, en pareilles circonstances que devant un
évêque et non devant une Cour d’assises composée de simples humains, alors même
que son ministère est par essence métaphysique. C’est donc le conflit entre un aveu
pénal par définition laïc et une confession d’essence religieuse qui se résoudra, du côté
de l’accusé, par un aveu de nature thérapeutique ou expiatoire. Guy DENOYERS
consentira à des aveux devant la Cour d’assises en se libérant de sa mauvaise
conscience, celle d’une tension effroyable entre son ministère et son amour de la chair.
C’est, d’une certaine manière, en reconnaissant sa propre trahison envers Dieu que

161
Bruno HECKMANN, Danièle DULHOSTE, Emmanuel CAEN, Les grandes histoires criminelles,
Editions Hors Collections, 2008, p. 30 et 31.

119
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

l’accusé pourra passer aux aveux devant une juridiction composée simplement
d’humains. C’est par conséquent davantage par défaut qu’il y consentira que par une
réelle volonté ; car, en définitive, il ne pouvait reconnaître d’autre légitimité qu’il ne
tirât de Dieu et surtout pas de ses censeurs, un jury criminel.

L’aveu est donc polymorphe et le processus d’autoaccusation intègre également la


stratégie de son auteur.

En effet, il existe des stratégies maîtrisées de l’aveu pénal et d’autres qui ne le sont
pas, ou moins.

74- Les stratégies maîtrisées de l’aveu. La personne détenue pourra essayer


d’instaurer une relation privilégiée avec le magistrat instructeur, ce qui lui permettra,
tout d’abord, d’espérer une meilleure compréhension du dossier pénal par le juge,
ensuite, de livrer des aveux plus circonstanciés afin d’essayer de clarifier l’enquête en
cours. Une autre stratégie maîtrisée car mûrement réfléchie, donc anticipée, consiste à
ne réserver ses aveux que pour le procès d’assises, dans l’espoir secret de provoquer un
revirement de situation lors de l’audience, ce qui ne pourra que difficilement être obtenu
lors de la phase d’instruction. Par conséquent, c’est en raison du caractère par définition
fragile de l’aveu et sa difficile exploitation par le juge pénal qu’une autre sous-division
est également possible dans lesquelles s’insèrent ces stratégies maîtrisées de l’aveu,
selon qu’ils s’agissent d’atteintes aux biens ou d’une atteinte aux personnes.

Concernant, tout d’abord, la stratégie de l’aveu lors d’atteinte aux biens, le


passage aux aveux s’effectue plus aisément, le délinquant considérant qu’il n’est peut
être pas de son intérêt tactiquement de persister dans le mensonge lorsqu’il ne s’agit pas
de l’atteinte à des personnes ; qu’en l’espèce, l’infraction commise est moins grave,
donc susceptible d’être plus facilement reconnue.

En revanche, la stratégie du délinquant diffère lorsqu’il s’agit d’une atteinte aux


personnes. En l’occurence, ces infractions ne conduiront que rarement à des aveux
rapidement consentis car, en l’occurrence, le risque pénal attaché à la révélation desdites
infractions étant plus important. Il s’avèrera donc nécessaire, le plus souvent, d’intégrer
chez le délinquant une stratégie dans le processus d’autoaccusation.

120
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

Toutefois, les atteintes sexuelles constituent une exception. En effet, elles


permettront bien souvent aux accusés de passer aux aveux car elles participent en amont
d’une démarche personnelle qui est du ressort du soulagement. Il s’agira pour ce type de
délinquant d’être, à la fin de leur existence, en accord avec leur conscience et d’obtenir
peut être ainsi des victimes un pardon, fût-il tardif.

75- Les stratégies non maîtrisées : les aveux de procès. A contrario, l’aveu n’est
pas maîtrisé lorsqu’il est consenti en marge d’une réelle volonté émanant de l’intéressé
mais qu’il découle d’un acte de procédure venant fragiliser la thèse de son innocence. Il
en est ainsi lors d’une confrontation ordonnée par le magistrat instructeur qui viendra
conforter la thèse de la culpabilité. En pareilles circonstances, la personne poursuivie, se
voyant accablée, préfèrera parfois avouer les faits plutôt que de braquer encore
davantage contre elle le juge chargé de l’enquête, espérant ainsi que ces aveux
permettront, à tous le moins, de démontrer à l’accusation sa bonne foi.

De la même manière, les aveux de procès passés lors d’une session de Cour d’assises
surviennent lors de la confrontation générale de l’accusé avec les divers acteurs au
procès. Parce qu’ils sont tardifs, ce qui tend à accréditer la thèse selon laquelle l’accusé
avait donc antérieurement menti, ces aveux sont en même temps ceux qui laissent le
plus de place à l’inconnu. Ils sont en effet imprévisibles donc non maîtrisés et, plus
grave encore pour les droits de la défense, suscités par l’émotion. Dans l’affaire, par
exemple, du bus incendié à Marseille en 2006162, non seulement aucun des
protagonistes n’avait souhaité se livrer à des aveux mais également moins les auteurs
présumés révélaient l’identité de celui ou ceux qui avaient incendié ledit bus, plus les
magistrats étaient tentés de retenir une responsabilité collective. Car le rapport à la

162
En 2006, cinq des six incendiaires du bus de la ligne 32 à Marseille qui avait failli couté la vie à une
étudiante, en l’occurrence Melle Mama GALLEDOU, ont été condamnés le 8 février 2008 à des peines
fixées entre cinq et neuf ans de réclusion criminelle. L’un des accusés a été acquitté. La peine la plus
lourde a été infligée au jeune homme qui, le soir du 28 octobre 2006, avait jeté un mouchoir enflammé
dans le bus à bord duquel se trouvait la victime. Elle avait été brûlée au deuxième et troisième degré sur
les deux tiers de son corps. Les peines prononcées par la Cour d’assises des mineurs ont été toutefois plus
faibles que celles qui avaient été requises par le parquet général puisque le quantum prononcé n’a pas
dépassé les quatre années d’emprisonnement.

121
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

vérité est central si l’on ne souhaite pas dénaturer le procès pénal. L’audition de la mère
d’un des accusés va s’avérer particulièrement importante car elle va conduire les
protagonistes à passer aux aveux, confirmant, si besoin était, que lorsqu’on avoue, on
est mieux jugé que lorsque l’on table sur des preuves. Un dialogue doit donc se nouer
entre l’institution et les auteurs présumés lorsqu’existe une conviction sur la culpabilité.
Le plus fréquemment, du côté de l’accusé, avouer c’est abdiquer ; donc il va n’avouer
que partiellement ou indirectement : « ce n’est pas moi, mais si vous voulez que je dise
que c’est moi, c’est moi ! ». Au surplus, il doit exister un accord tacite entre l’avocat et
son client, car si l’accusé ne souhaite pas changer de version en dépit du conseil de son
avocat lui suggérant d’avouer, c’est que confusément se joue autre chose dans l’esprit
de l’intéressé. En réalité, l’aveu rassure toutes les parties au procès. Il est sécurisant
surtout pour les magistrats et les jurés qui voient leurs thèses renforcées. L’aveu permet
ainsi le passage plus rapide de la question de la culpabilité à celle de la responsabilité
pénale. Du côté de l’avocat, l’aveu de culpabilité pourra s’avérer réconfortant, car
l’avocat ne sera pas contraint de plaider contre sa conscience au risque de se ridiculiser
auprès des magistrats donc se décrédibiliser ; ensuite, de soutenir une thèse contraire à
la morale dont il est dépositaire, lorsque son client lui demande instamment de plaider
l’acquittement. Toutefois, la tentation du confort doit également être maîtrisée, l’avocat
devant faire montre d’une grande disponibilité et vigilance dès le début, car son client
pourra faire état d’invraisemblances absolues ou relatives alors qu’en réalité, il a raison.
Le client sollicitant donc de plaider une version presque impossible à livrer car des tests
ADN viennent l’accabler, alors que la réalité lui donnera raison.

La recherche de l’aveu peut également répondre à un souci paradoxal d’humanité qui


s’inscrit en marge de la recherche prioritaire de vérité.

SECTION SECONDE : L’EXCEPTION : « L’AVEU-VERITE »

76- Des preuves scientifiques à l’alibi judiciaire. En dépit du développement des


preuves scientifiques, la persistance d’erreurs judiciaires rend difficilement lisible ou
déchiffrable le procès pénal à partir de matériaux tirés uniquement d’éléments
rationnels. A ce titre, force est d’admettre que les nouveaux procédés utilisés en matière
de police scientifique constituent, par leur haut degré de fiabilité, une preuve quasi
absolue venant réduire à la portion congrue les risques de défaillance de l’appareil
judiciaire (§1). Non seulement, en effet, les analyses ADN permettent de réduire la
122
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

marge d’erreur judiciaire en matière pénale mais elles peuvent également, dans
l’hypothèse d’aveux extorqués en garde à vue, innocenter un accusé quand le résultat de
l’analyse vient, contre toute attente, le mettre hors de cause, comme en témoigne
l’affaire DICKINSON. En l’espèce, M. Pascal PADE, personne initialement
soupçonnée, pourra bénéficier de ces avancées scientifiques, en dépit de ses aveux, et
sera innocenté. Car le seul indice probant provenait du sperme du meurtrier retrouvé sur
le cadavre de la victime ; un portrait-robot fut rapidement établi, puis, un suspect
interpellé, un sans domicile fixe âgé de quarante ans, dont le casier judiciaire portait
trace de plusieurs condamnations, M. PADE précité. Si l’analyse ADN peut accabler
une personne poursuivie pénalement en dissociant le processus d’aveu de la question de
sa validité puisque les marges d’erreurs sont infinitésimales, elle peut également
disculper, donc s’avérer protectrice des droits de la défense, lesquels droits n’avaient
précisément pas été respectés lors des aveux extorqués. Par ailleurs, à l’instar de l’aveu,
l’expertise psychiatrique ne repose pas sur une vérité matérielle indiscutable car, non
seulement les explications fournies s’inscrivent en marge du dossier pénal, mais
également le temps imparti à l’expert est insuffisant pour rapporter la preuve de la
culpabilité de l’intéressé (§2). C’est ainsi que pour éviter d’avoir à provoquer lesdits
aveux la tactique des enquêteurs pourra consister à obtenir des déclarations du suspect
de façon informelle ou hors cadre (§3) en essayant d’instaurer une relation de confiance
avec l’intéressé. Enfin, dans le cadre du plaider coupable, la vérité judiciaire découlera
des simples déclarations du prévenu, ôtant ainsi le plus fréquemment toute marge
d’erreur dans le prononcé de la sanction (§4).

§1 - Les nouveaux procédés de preuve scientifique : vers une preuve absolue ?

77- Développement scientifique et inutilité relative de l’aveu. Les avancées


scientifiques163 concernant la matière pénale semblent constituer une preuve absolue au

163
« Preuve scientifique, preuve juridique », (Sous la dir. d’Eve TRUILHE-MARENGO). L’ouvrage
rassemble les contributions de : Matilde BOUTONNET, Laurence DUMOULIN, Olivier GODARD,
Marie-Angèle HERMITTE, Catherine LABRUSSE-RIOU, Olivier LECLERC, Pierre LIVET, Sandrine
MALJEAN-DUBOIS, Rostane MEHDI, Alain PAPAUX, Dominique PESTRE, Anne-Lise SIBONY,
Eve TRUILHE-MARENGO, Etienne VERGES. Collec. : Droit des technologies. Ed. Larcier, Déc. 2011.
De plus en plus de questions concernent les rapports entre science et droit à travers la notion de preuve.
Les questions essentielles ont trait au caractère probant ou non de la preuve scientifique. Notamment, la
relation entre la science et le droit se conjugue-t-elle sur le mode d’une opposition définitive ? La
distinction entre la preuve juridique et la preuve scientifique est-elle pertinente si l’on considère que la

123
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

regard de l’établissement d’une vérité judiciaire. A telle enseigne que la question de


l’aveu et de sa validité ne se pose donc pas avec la même acuité. En outre, la force
probante de l’aveu dépend étroitement de la nature du service qui le recueille. L’aveu
recueilli à la suite d’une preuve scientifique versée au dossier par l’accusation, pourra
ainsi revêtir le caractère d’une vérité absolue lorsque ledit aveu aura été sollicité par la
Brigade de Répression du Banditisme (B.R.B.) ou la brigade criminelle, d’une part,
services plus expérimentés en raison de leur connaissance du « milieu » ; d’autre part,
parce que ces officiers de police judiciaire ont recours aux tests génétiques, en
interrogeant systématiquement le FNAEG (Fichier National des Empreintes
Génétiques). Or, la preuve scientifique vient annuler quasiment tout risque d’erreur,
donc vient anéantir du même coup le doute qui aurait pu profiter à l’accusé. En
définitive, les techniques modernes constituent la principale limite que peuvent apporter
les enquêteurs aux garanties prévues au sein du CPP. En présence de test ADN positif
auxquels se rajoutent parfois les aveux du mis en cause, l’idée que ce dernier pourrait
encore se prévaloir du principe de présomption d’innocence est vide de sens. Il est donc
nécessaire d’opérer une distinction au sein des services rattachés à la police judiciaire,
entre ceux qui sont en prise directe avec le crime et ceux qui ne le sont pas164.

78- Les sciences médicales au service de la recherche de l'aveu : prohibition de


l'aveu provoqué par des procédés scientifiques déloyaux. En principe, le procédé
consistant à extorquer l’aveu d’une personne en annihilant sa volonté ou sa conscience
contrevient à ses droits fondamentaux. Plus précisément, la narcose provoquée par
l'injection de penthotal en piqûre ou sérum de vérité ne peut servir à provoquer l'aveu de
l’accusé lors de son interrogatoire.

79- Procédés théoriquement interdits : penthotal et hypnose. Le principe est


celui de la prohibition de l’interrogatoire sous penthotal. En effet, les procédés de narco-

science juridique ne répond pas réellement aux critères de la scientificité ? Si oui, ne faut-il pas revenir
également sur le caractère prétendument « infra-scientifique » du droit ? Qu’est-ce qu’une donnée acquise
de la science ? Le droit peut-il être juge de la science ?, Cf. Shirley HENNEQUIN : « La preuve
numérique dans le procès pénal » sous la direction de Muriel GIACOPELLI, op.cit.
164
Aussi, une force probante relative est à déplorer concernant d’autres services rattachés à la police
judiciaire, notamment la brigade financière, entité dans laquelle le doute sur la culpabilité d’un suspect
reste permis parce que les dossiers sont plus complexes s’agissant d’infractions relevant de la délinquance
financière.

124
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

analyses, par emploi du penthotal, ou de recours à l’hypnose dont l’objet est de briser
les résistances de l'individu à l'aide de la science, afin de l'obliger à avouer, sont
prohibés165. Il est également déloyal même si la personne soupçonnée consent librement
à s’y soumettre car, en pareilles circonstances, l’individu est fragilisé et devient assujetti
à une procédure qui viole ses libertés et droits fondamentaux au nom de la recherche
d’aveux. Si l’accusé est relégué à un statut de sujet de la procédure il n’est pas certain,
en outre, que lesdits procédés scientifiques, notamment par narcose, garantissent de
façon absolue l’obtention de la vérité matérielle, celle qui résulte des pièces versées au
dossier pénal. L'aveu ainsi extorqué pourra être le résultat d'un fantasme ou mêler des
faits véridiques à des faits imaginaires. Ce produit est, dans ces conditions, un « sérum
de déballage » plutôt qu'un sérum de vérité166.

Si la vérité peut s’avérer aujourd’hui quasi absolue en raison de l’avancée des


méthodes scientifiques utilisées pour la révéler, il n’en demeure pas moins que la
perception qu’en ont les délinquants est souvent relative car ces derniers ont parfois
conscience que les moyens humains permettant à l’institution judiciaire une parfaite
manifestation de la vérité judiciaire sont imparfaits. Aussi, le juge pourra avoir l’intime
conviction que les faits incriminés ont effectivement été commis mais les moyens de
preuve au soutien de ladite conviction pourront faire défaut, ce qui induira parfois le
doute dans l’esprit du magistrat alors que son impression première était celle d’un fort
soupçon. En fait, c’est lorsque ce soupçon initial s’avère particulièrement lourd et qu’au
surplus se rajoutent des charges venant étayer la poursuite initiale que le soupçon
originaire se transformera en certitude absolue de la culpabilité de l’intéressé. C’est dire
suffisamment à quel point le principe d’intime conviction mêle rationalité et irrationalité
judiciaires mais qu’il ne saurait se limiter au seul sentiment de départ éprouvé par le
magistrat. Néanmoins, en dépit de ce cheminement intellectuel permettant au juge pénal
de passer du doute à la certitude, raisonnement le plus souvent conforté non seulement
par le ministère public mais également par la personne mise en cause qui, au travers
d’aveux obtenus dans un contexte anxiogène reconnaîtra sa culpabilité, l’erreur
judiciaire demeure persistante, ce qui témoigne du caractère également relatif
de l’absolu judiciaire dans la quête de vérité. C’est la raison pour laquelle l’histoire de la
165
V. not. Georges HEUYER, « Narco-analyse et narco-diagnostic», RSC, 1950. p. 7 et s; Jean CADÈNE,
La preuve en matière pénale : essai d'une théorie générale, thèse, Montpellier, 1963, p. 198 et s.
166
Michèle Laure RASSAT, Traité de procédure pénale, éd. PUF, coll. Droit fondamental, mai 2001.

125
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

justice criminelle est inséparable de celle des avancées techno-scientifiques car pour
rapporter la preuve d’un fait, l’institution judiciaire va avoir recours à la médecine
notamment aux empreintes génétiques. Preuve supplémentaire, si besoin était, que ces
procédés se multiplient pour pallier les risques toujours présents d’erreurs judiciaires.
Ce qui signifie également que la preuve scientifique est considérée comme supérieure à
l’aveu167. En effet, l’enquêteur bénéficie de moyens d’investigation sophistiqués, qu’ils
s’agissent des méthodes d’enregistrement de conversations téléphoniques, de procédés
de sonorisation de pièces, lesquels constituent autant de moyens de preuves venant
concurrencer l’aveu, sinon s’y substituer.

80- Espace et temps de l’aveu : le lieu de la confession, une vérité évolutive.


Dans l’affaire Guy GEORGES, par exemple, la création du fichier national automatisé
des empreintes génétiques (F.N.A.E.G.) va conduire l’accusé à consentir à des aveux
progressifs ; ni en garde à vue ni au début du procès d’assises la personne poursuivie
n’avouera rien puis, progressivement, à la suite des questions posées par son avocat, il
acceptera de passer aux aveux. La vérité est donc parfois évolutive lorsque la personne
poursuivie est confondue par des éléments d’ordre rationnel qui ne laissent plus planer
aucun doute sur sa culpabilité. De plus, l’aveu de culpabilité pourra être effectué
progressivement moins en vertu d’un besoin irrépressible de vérité qu’en raison de la
pression que fait parfois peser le magistrat indirectement sur les personnes mises en
cause : avouer ou être présenté devant le juge des libertés et de la détention. Ce qui
conduira à des conséquences souvent désastreuses car il s’agira d’aveux mensongers.
Mais la qualité de l’aveu dépend également étroitement de sa temporalité, c’est-à-dire
de l’instant du passage aux aveux, avec les incidences toujours possibles d’une
déclaration tardive de culpabilité pour l’intéressé. Les conditions de réception de l’aveu
lors de la phase de garde à vue sont les moins satisfaisantes pour la personne qui y
consent car, par définition, elle s’inscrit dans un contexte de fragilisation psychologique
de celui qui avoue. Cette mesure privative de liberté est considérée par les mis en cause
et leurs avocats comme un huis clos réel où les droits de la défense n’ont qu’une
incidence relative sur les décisions des magistrats. En effet, il n’existe pas d’égalité de

167
Olivier PASCAL et Alexandra SCHLENK, « L'empreinte génétique : le spectre de la preuve absolue »,
AJ pénal 2004, p. 24.

126
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

nature constitutionnelle entre les avocats et les magistrats, mais une soumission des
défenseurs aux juges168.

Aussi, lors de l’interrogatoire de première comparution, les aveux seront davantage


circonstanciés car la personne poursuivie d’une part, aura eu le temps de réfléchir aux
faits reprochés motivant les poursuites pénales ; d’autre part, aura pu s’entretenir, avant
sa présentation, une nouvelle fois avec son avocat, lequel lui aura peut-être conseillé
utilement l’honnêteté plus que l’ambigüité.

§2 - L’expertise psychiatrique et la vérité judiciaire

81- L’expertise comme moyen de preuve. En théorie, l'expert ne donne que des
avis. Le juge d'instruction, puis la juridiction de jugement sont donc libres de suivre ou
de ne pas suivre l'avis de l’Homme de l'Art. L'article 427 CPP énonce le principe selon
lequel le juge doit décider d'après son intime conviction. Il est le juge des preuves. En
pratique, l'expertise peut constituer une preuve. A ce titre, l’expertise est obligatoire en
matière criminelle lorsqu’il s’agit de savoir si, au visa de l’article 122-1 du Code pénal,
la personne était atteinte ou non, au moment des faits, d'un trouble psychique ou
neuropsychique ayant aboli ou altéré son discernement. Or, à l’instar de l’aveu,
l’expertise psychiatrique n’est pas davantage la garante d’une vérité matérielle car elle
se déploie, le plus fréquemment, en marge du dossier pénal lorsque le médecin tente de
faire prévaloir sa propre vision du dossier à celle découlant strictement de l’observation
des pièces qui y sont contenues. C’est ce qui explique sans doute la persistance
d’erreurs judiciaires fondées sur des rapports d’expertise dans des dossiers où, de bonne
foi, des magistrats influencés par le volet technique du rapport présenté ont tendance à
en oublier la réalité. Dans l’affaire d'OUTREAU par exemple, des erreurs d’analyse ont
été commises par les experts-psychiatres même si le Président de la cour d’assises fut
également trompé par des témoignages mensongers et de faux aveux. Car, ce sont
également les conditions de désignation de l’expert et la définition de sa mission qui,
ab initio, tendent à fausser l’objectivité de ce praticien. La dimension humaine n’est pas
absente dans la relation entre le juge et l’expert. Dans la plupart des cas, le magistrat

168
Il suffit pour s’en persuader de constater que ce sont les représentants du parquet général qui
instruisent les affaires de mise en jeu de la responsabilité professionnelle des avocats dans le cadre de
réclamations portées contre eux par leurs clients.

127
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

évoquera puis expliquera l’affaire à l’Homme de l’Art médical, lui montrera les pièces
essentielles du dossier pénal, l’information qu’il prodiguera ainsi à l’expert sera déjà,
d’une certaine manière, « in-formée » ou déjà pré-filtrée. En réalité, le juge adressera à
l’expert ou lui remettra une copie des pièces susceptibles de l'éclairer et de faciliter sa
mission. Le magistrat orientera ainsi la thèse de l’expert dans le sens de la culpabilité de
la personne mise en examen. La mission dévolue à l’expert par l’institution est par
conséquent rarement neutre ; en effet, lorsque le psychiatre ou le psychologue rendront
visite au détenu, ils disposeront déjà non seulement de l’opinion du juge qui a procédé à
leur désignation, opinion que certains experts ne contrediront qu’avec diplomatie c’est à
dire davantage sur la forme que sur le fond, mais également des faits reprochés au
prévenu ou à l’accusé, par conséquent son système de défense. Dans l’hypothèse d’une
contre-expertise, l’expert nouvellement désigné aura eu connaissance de l’avis du ou
des experts précédemment nommés avec la même mission. Au surplus, s’il résulte des
pièces du dossier pénal que la personne poursuivie est passée aux aveux, le rapport
d’expertise se verra ainsi conforté par la reconnaissance antérieure des faits de
l’intéressé, ce qui conduira l’expert psychiatre non pas à se poser la question, au regard
des pièces, de la vraisemblance des faits rapportés à l’aveu consenti, mais à se
concentrer sur la simple question de savoir si la personne détenue est ou non accessible
à une sanction pénale. Autrement dit, ce n’est pas la question essentielle du procès pénal
qui est d’emblée posée, celle de la manifestation de la vérité, mais davantage celle de
savoir, en définitive, si la personne poursuivie peut constituer un sujet de droit, c’est à
dire si l’infraction qui lui est reprochée peut lui être imputable, ce qui est fort différent.
A ce titre, les experts psychiatres n’ont pas l’obligation d’enregistrer l’entretien avec le
détenu ni d’en conserver une épreuve à la disposition du magistrat instructeur ou des
parties. Pourtant, aux termes de l’article 6 CEDH « Toute personne a le droit à ce que sa
cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un
tribunal indépendant et impartial, établi par la loi (...)»169. C’est donc in fine la question
de l’utilité de l’aveu qui est posée à l’heure du développement des preuves scientifiques,
ce qui soulèvera une difficulté dans le cadre, par exemple, du plaider coupable criminel.
Il ne s’agit pas de considérer ce mode de preuve devant la cour d’assises comme
totalement dénué d’intérêt, surtout lorsque l’accusé pourra tirer avantage de son aveu
lors de la fixation de la peine, mais de constater que cette révélation spontanée des faits

169
CEDH, Art. 6, préc.

128
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

se déploiera peut-être en marge de la vérité judiciaire puisque, d’une part, cette vérité
reposera principalement sur des preuves matérielles donc scientifiques ; d’autre part,
que l’aveu pénal s’avèrera inutile puisque l’objet essentiel du procès ne sera plus la
recherche de la manifestation de la vérité, mais davantage une autojustification de son
crime par l’accusé.

§3 - Une vérité révélée en marge

82- L’aveu de culpabilité séparé de la procédure ou « hors cadre ». Comme


l’affirment la plupart des officiers de police judiciaire ayant exercé leurs fonctions au
sein d’une brigade de répression du banditisme ou d’une brigade criminelle, les
délinquants d’habitude, bien souvent coutumiers des mesures de garde à vue,
concèderont peu d’éléments aux enquêteurs dans le cadre de leurs auditions afin que
leurs éventuelles révélations ne puissent être retranscrites sur les procès-verbaux. En
revanche, connaissant parfois les fonctionnaires de police qui procèdent à leur
interrogatoire, pour les avoir rencontrés à d’autres reprises au sein de leurs locaux, ils
admettront plus facilement des éléments dans le sens de leur culpabilité, hors cadre donc
de façon informelle. Les suspects de ce type savent pertinemment que leurs déclarations
ne pourront servir de fondement ni à la qualification pénale à laquelle procèdera
ultérieurement le parquet ni, à la suite de l’ordonnance de renvoi devant la juridiction
appelée à statuer, à une déclaration de culpabilité. Deux variantes toutefois de cet aveu
informel pourront être utilisées par les mis en cause. L’intéressé pourra, d’une part, ne
reconnaître que partiellement sa culpabilité (A) ou, d’autre part, décider de reconnaître
intégralement les faits qui lui sont reprochés en faisant état d’un fait justificatif pouvant
l’exonérer de sa responsabilité pénale (B).

A) Première variante : l’aveu partiel de culpabilité

83- Un succédané d’aveux. Cette technique, assez sophistiquée, consiste pour


des délinquants d’habitude à révéler au cours de leur garde à vue des éléments pouvant
asseoir une culpabilité sans révéler l’essentiel de ce qui constitue leur culpabilité. Par
exemple, dans le cadre de poursuites du chef de vol à mains armées, le suspect pourra
reconnaître sa participation mais soulignera que son rôle s’est cantonné à la conduite du
véhicule, sans reconnaître toutefois qu’il a, en réalité, activement participé à ladite
infraction. Le stratagème consiste à démontrer sa bonne foi aux officiers de police
129
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

judiciaire afin de fortifier leurs présomptions de culpabilité sans toutefois en concéder


l’essentiel c’est dire l’aveu de l’élément matériel. L’instrument de la manœuvre consiste
à éviter aux enquêteurs de fouiller davantage dans le dossier, puisque l’auteur aura
reconnu tactiquement partiellement sa culpabilité. Ainsi, cela pourra éviter des
confrontations parfois embarrassantes et cela anticipera les risques, toujours possibles,
que les suspects puissent réciproquement s’incriminer, ce qui est difficilement
admissible au sein de ce type de délinquance souvent structurée, dans laquelle le silence
doit prévaloir, car trop d’intérêts financiers sont en jeu.

Une autre ruse pourra être employée par la personne mise en cause. Il s’agira de faire
montre d’une transparence absolue devant les enquêteurs en reconnaissant
intégralement les faits objet de la poursuite initiale, tout en ne faisant pas état d’un fait
justificatif que l’intéressé a l’intention de soulever à l’audience afin de l’exonérer
totalement ou partiellement de sa responsabilité pénale devant le juge pénal.

L’aveu pénal pourra par ailleurs être qualifié de positif lorsqu’il sera spontané ou
autonome ; dans l’hypothèse inverse, il sera négatif, car obtenu à la suite d’un
processus, indépendant de la volonté du mis en cause.

84- L’aveu-vérité positif. L’aveu spontané des faits peut s’avérer dénué d’une
quelconque stratégie du côté du délinquant soit parce qu’il a décidé librement de
reconnaître sa culpabilité laquelle s’avère trop lourde à porter, soit lorsque ce dernier est
incapable de mesurer la gravité de ses actes. En pareilles circonstances, la frontière
entre le bien ou le mal n’étant pas intériorisée chez l’accusé, ce dernier n’éprouvera, en
conséquence, aucunement le besoin tactique de mentir pour échapper à la sanction
pénale. Il s’agira, d’une certaine manière, d’un aveu-vérité positif car ladite
reconnaissance de culpabilité procèdera d’une déclaration circonstanciée de l’accusé,
sans que le processus d’autoaccusation ainsi obtenu ne découle d’une longue et
fastidieuse procédure visant à confondre le délinquant avec des versions antagonistes. Si
les faits sont spontanément reconnus, il ne sera aucunement nécessaire, même devant
une Cour d’assises, de s’éterniser sur la question de la culpabilité puisqu’elle est
d’emblée tranchée. Il s’agira également d’un « aveu-vérité positif » en ce qu’il
interviendra au soutien d’une enquête parfaitement menée, la reconnaissance de
culpabilité n’étant qu’une confirmation du rapport de synthèse effectué par les officiers
de police judiciaire, puis de l’ordonnance de mise en accusation du magistrat instructeur
130
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

rédigée sur le fondement de cette enquête ; enfin, du réquisitoire définitif du parquet qui
reprendra quasiment à la lettre, le plus souvent, ladite ordonnance. Il s’agira donc en
pareilles circonstances d’un aveu autonome ou spontané. Ainsi, la stratégie personnelle
du délinquant est inséparable de la conscience qu’il a des conséquences pénales
attachées à ses fautes ; or, en l’absence d’une telle conscience, l’aveu de culpabilité sera
aisément consenti, ce qui posera la question face à de tels individus, de la légitimité
d’une mesure privative de liberté en milieu pénitentiaire, puisque ces personnes
devraient relever davantage d’établissements psychiatriques. C’est d’ailleurs toute la
différence entre l’affaire PAULIN (novembre 1984)170 où l’accusé avouera
spontanément les faits car s’avèrera incapable d’en mesurer la portée et l’affaire
SUCCO (1988)171 lequel avouera tout en admettant leur particulière gravité. En effet, le
10 février 1988, dans le cadre d’un mandat d’arrêt international le visant nommément,
M. Roberto SUCCO est interpellé dans la banlieue de Trévise, en Italie. Interrogé sur sa
profession, il rétorque sans sourciller : « Tueur ! » ; propos qu’il convient de mettre en
relation avec la lettre écrite en détention par l’accusé à Odino SPOLEAR : « Je ne sens
plus rien, je suis une personne privée de sentiment, mais pas égarée »172 .

85- L’aveu-vérité négatif. Il est en revanche des circonstances où l’aveu de


culpabilité ne va pas librement émaner de l’accusé en raison d’une démarche
personnelle ou intellectuelle qui lui est propre ni être la conséquence de procédures
policières ou judiciaires comminatoires, mais résulter d’une pression extérieure, celle

170
Thierry PAULIN était un tueur en série français né le 28 novembre 1963 à Fort-de-France en
Martinique et mort le 16 avril 1989. Il était surnommé le « Tueur de vieilles dames ». Entre octobre et
novembre 1984, ce jeune martiniquais a étranglé huit femmes âgées dans le 18ème arrondissement de
Paris. Entre décembre 1985 et juin 1986, il en a tué onze de plus. Toxicomane et pervers, il exerçait la
profession de serveur au Paradis Latin, puis a organisé des soirées privées "à thème" et flambait dans les
boîtes de nuit. Il perpétra l’essentiel de ses crimes en plein jour. La police ne l’a interpelé qu’en 1987. Il
était séropositif et est décédé en 1989 avant d’avoir comparu devant une Cour d’assises. Son amant et
complice, Jean-Thierry MATHURIN, a été reconnu coauteur de neuf des meurtres et condamné à la
prison à perpétuité. Sur un plan pénal, l’accusé Thierry PAULIN reste donc présumé innocent.
171
Assassin de nationalité italienne qui se rendit coupable de diverses infractions de nature criminelle en
France, en Savoie, au cours des années 1987 et 1988. Son véritable nom est Roberto ZUCCO. A 19 ans, il
avait déjà assassiné son père et sa mère, mais il ne put être jugé pour ce crime commis le 9 avril 1981,
considéré comme inaccessible à une sanction pénale en raison de sa folie. Après son évasion de l'hôpital
psychiatrique où il était interné depuis cinq ans, il prendra la direction de la France, où il commettra
diverses infractions en concours, de nature différente, notamment des meurtres, viols et cambriolages. Ses
crimes ne prendront fin qu'avec son arrestation le 28 février 1988. Trois mois plus tard, il se suicidera
alors qu’il était en détention provisoire ; il demeure, par conséquent, à ce jour, présumé innocent.
172
Les grandes histoires criminelles, op.cit., p. 120, 124 et 125.

131
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

pouvant s’exercer soit par les médias, soit par l’opinion à une période donnée de
l’histoire où la peine de mort recueille très majoritairement les suffrages des électeurs.
C’est le cas, en France, en 1974 lors de l’affaire RANUCCI. En dépit des rétractations
des aveux de l’accusé lors de l’instruction, les aveux initiaux seront considérés comme
définitivement probants en dépit des témoignages pourtant contradictoires des époux
AUBERT. L’aveu de culpabilité préalablement consenti deviendra, nonobstant les
rétractations tardives de l’accusé, une vérité absolue sur la culpabilité car la vindicte
populaire était trop intense.

86- L’aveu saisi par les neurosciences. La question se pose également lorsque la
vérité judiciaire sera recherchée au moyen des neurosciences. A ce titre, la question de
la réception des neurosciences par le droit pose une difficulté173. En effet, dans ce cadre,
un rôle de plus en plus limité semble réservé à la conscience donc à l’intention de
l’auteur de l’aveu. Au surplus, il apparaît paradoxal de vouloir susciter un acte
responsable en l’absence d’une réelle liberté de la personne concernée. Car si les
neurosciences, notamment l’imagerie thermale, l’empreinte du cerveau (Brain
Fingerprinting) et l’imagerie par résonance fonctionnelle (IRM), apparaissent
principalement au service de la vérité judiciaire, le droit pénal français considère
toujours ce type de preuve comme irrecevable. En définitive, selon Peggy LARRIEU,
« si la recevabilité de la preuve neuro-scientifique en droit pénal est tout à fait
envisageable en application du principe de liberté de preuve, la question de sa valeur
probante pose problème, eu égard aux incertitudes entourant la fiabilité de ces
techniques », et par conséquent des interrogations d’ordre éthique qu’elle soulève.
D’ailleurs la question se pose de savoir si oui ou non le cerveau est rationnel. Cette
difficulté est d’autant plus problématique au moment où une ressortissante indienne a
été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité dans son pays par le tribunal de
Pune pour l’empoisonnement de son ex-fiancé parce que son cerveau traitait le mot
« cyanure », comme un terme familier, et donc sur le fondement de preuves obtenues en
procédant à un scanner, c’est à-dire un examen d’imagerie cérébrale174. La technique de
l’IRM fonctionnelle pour montrer que l’activité dans les régions liées au traitement
affectif permet de prévoir l’intensité de la peine infligée en fonction de différents
173
Peggy LARRIEU « La réception des neurosciences par le droit », AJ Pénal 2011, p. 231.
174
AJ Pénal, mai 2001, p. 232.

132
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

scénarii criminels. Toutefois, à l’instar de la preuve par l’ADN, le régime de la preuve


neuroscientifique pose la question de sa faculté à s’ériger en véritable instrument de la
recherche de la vérité. Aujourd’hui, le débat autour du « neurodroit »175, néologisme
désignant les travaux de neurosciences susceptibles de trouver une application dans le
domaine judiciaire, risque de donner à l’aveu pénal une place de plus en plus limitée. En
effet, la sphère « neurojuridique » pourrait non seulement être utilisée pour
personnaliser les peines judiciaires sur un fondement biologique mais également
pourrait permettre d’établir un profil de risques de récidive plus précis. Dans ce cadre,
une véritable « neurodétection de mensonges » aux Etats-Unis tend à se développer
jusqu’à utiliser comme slogan « Notre business est la vérité »176. Dans le cadre de cette
évolution, l’aveu deviendra, à terme, une préoccupation secondaire pour les enquêteurs.

B) Seconde variante : l’aveu sans déclaration de culpabilité par le juge


pénal : le fait justificatif

87- Aveu et irresponsabilité pénale. Les articles 122-4 et suivants du Code pénal
prévoient toute une série d’hypothèses où, en vertu d’un fait justificatif, une personne
ayant reconnu sa responsabilité pénale par l’aveu, peut ne pas encourir toutefois les
sanctions pénales qui y sont attachées. Il s’agit de causes objectives d’irresponsabilité
pénale que sont l’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime177, la
légitime défense178 ou encore l’état de nécessité179. La question se pose de savoir quelle
valeur accorder à des aveux passés dans un contexte permettant d’attester d’un fait
justificatif lequel pourra ôter aux faits reprochés leur caractère infractionnel. En
pareilles circonstances, l’aveu librement consenti n’entraînera pas obligatoirement de
déclaration de culpabilité par le juge pénal au nom d’une cause objective
d’irresponsabilité pénale ; en d’autres termes, l’aveu dans ce contexte constitue “une
exception de vérité” dans la mesure où la révélation objective des faits incriminés
n’aura pas comme incidence automatique et certaine la sanction pénale mais une
décision de relaxe ou d’acquittement.

175
Olivier OUILLER et Sarah SAUNERON, « Le cerveau et la loi : éthique et pratique du neurodroit »,
Paris, Centre d’analyse stratégique, www.strategie.gouv.fr, p. 4.
176
Ibid, p. 5.
177
CPP art. 122-4.
178
CPP art. 122-5.
179
CPP art. 122-7.

133
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

En pratique, le système mis en place en France de plaider coupable constitue un


moyen de discriminer les types d’accusés en incitant ces derniers à s’autoaccuser. Aussi,
la procédure de CRPC constituerait un filtre parfait contre les erreurs judiciaires180.

§4 - Vérité et plaider coupable

88- Une erreur judiciaire inconcevable. Dans ce mode de poursuite, les faits qui
sont reconnus correspondent le plus souvent à la vérité judiciaire. A ce titre, si le mis en
cause ne reconnaît pas les faits lors de son audition devant les services de police, il ne
pourra pas faire l’objet d’une procédure de ce type. Ce n’est donc qu’à la marge que les
faits reconnus préalablement devant le procureur de la République seront infondés.
Cette approche est celle du système répressif américain. Néanmoins, si dans le modèle
pénal français, le procès a besoin de célérité, la justice doit également disposer d’un
temps suffisant pour la réflexion. La durée des instructions en matière criminelle
constitue en effet un élément d’appréciation de cette sérénité compte tenu de la
nécessité d’ordonner des expertises venant parfois rapporter la preuve scientifique des
faits allégués. Or, le plaider coupable inaugure un autre rapport à la temporalité
judiciaire, notamment celle d’une préférence pour l’immédiateté au détriment du futur.
Cette nouvelle relation à la temporalité justifie la recherche de la négociation plutôt que
l’incertitude qui préside à toute audience correctionnelle classique. La question, en
revanche, n’est pas tranchée de savoir quelle valeur attribuer à une procédure qui fonde
son efficacité, donc sa vérité, sur un refus du temps, et ce au nom de la liberté.
Le plaider coupable renvoie donc, au regard de l’histoire des idées, à une morale
utilitariste d’essence libérale reposant sur une rationalité limitée du prévenu et la
recherche d’une satisfaction immédiate même si cette satisfaction vient instaurer une
inégalité entre les parties. Car la négociation engagée entre le parquet et la défense
conduit inévitablement à une rupture d’égalité des armes au nom d’une possible liberté
de la personne poursuivie.

Du côté de l’opinion publique, la justice apparaît davantage comme un instrument


étatique répressif ou sanctionnateur que l’expression d’une institution compréhensive ou
tolérante, c’est à dire, à tort ou à raison, moins comme le symbole de la balance que

180
Lydie ANCELOT et Myriam DORIAT-DUBAN « Analyse économique du plaider coupable », Revue
économique, Paris 2010/2 – Vol.61, p.241.

134
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

celui du glaive. Au-delà de cette opinion communément admise entretenue par une
presse faisant régulièrement état de la survenance d’erreurs judiciaires, la difficulté
posée à l’institution réside, à notre sens, davantage dans la relation que cette dernière
entretient avec, d’une part, la vérité, d’autre part, la morale. Les mutations induites par
la modernité judiciaire reposent donc sur un conflit de valeurs.

89- Le simple récit comme critère judiciaire. Ce n’est plus, à l’évidence, la


question de la vérité qui est pertinente, puisque la culpabilité est admise, mais davantage
l’impression générale, bonne ou mauvaise, suscitée par le délinquant lors du procès181.
L’admission des moyens de preuve témoigne davantage d’une primauté de l’émotionnel
sur le factuel, de l’imagination sur la réelle et objective relation des faits. C’est donc
davantage, en marge de la vérité, la crédibilité du récit qui l’emportera ou le profil de
l’accusé, donc sa biographie plus que les faits reprochés. L’accusé ou le témoin pourra
davantage être attaqué pour « mauvaise crédibilité » que pour des éléments matériels,
fussent-ils graves, ayant motivé les poursuites pénales. Au surplus, dans le système
pénal américain, il sera possible au cours du procès, d’introduire des faits ne se
rapportant pas à la réalité de l’infraction commise mais permettant uniquement au jury
d’évaluer la capacité de « raconter la vérité » 182 par l’accusé, le récit l’emportant sur le
délit. Ce n’est en réalité pas la personnalité de l’accusé qui est prépondérante mais
surtout sa faculté à se raconter ; en conséquence de quoi, ce n’est pas une procédure
d’attestation de la vérité par le biais de l’aveu d’une culpabilité qui est déterminante
mais, en marge de la vérité judiciaire, davantage la faculté qu’aura le mis en cause à se
mettre en représentation. La philosophie pénale qui sous-tend cette conception est celle
de l’utilitarisme pénal183, théorie selon laquelle les gouvernants doivent prioritairement
incriminer les modèles de comportements à raison de leurs effets concrets et non leur
conformité à un idéal moral ou religieux a priori défini.

90- Utilitarisme pénal et aveu. Ce qui importe en criminologie ce sont davantage


les actes que les intentions. En réalité, le critère réel d’appréciation en matière

181
RIDP, La preuve en procédure pénale comparée. Association internationale de droit pénal, 1er et 2ème
trimestres, 1992, Toulouse, Editions Erès, p. 18.
182
Ibid, p. 173.
183
Dans le sillage d’historiens de la pensée pénale comme BECCARIA précité ou, au XIXème siècle,
Jérémy BENTHAM (1748-1842) qui la fonde en théorie.

135
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

judiciaire, loin de s’articuler à des idéaux considérés comme « théoriques » ne doit pas
méconnaître la vocation au bonheur individuel et son désir de liberté; il suit de là que le
délinquant, par calcul économique, fera en sorte que « le soin de sa propre « jouissance
(soit) laissé presque entièrement à l’individu », donc à lui-même184. Articulé à la
question de l’aveu en matière pénale, cette approche utilitariste conduit le prévenu à
renoncer au bénéfice d’un droit en contrepartie de la quasi certitude de l’obtention d’une
peine allégée. Toutefois, cette abdication volontaire du principe de présomption
d’innocence prévue par le dispositif de plaider coupable n’apparaît pas comme le signe
d’un déséquilibre inquiétant entre la défense et l’accusation mais peut s’interpréter
davantage comme la marque paradoxale d’une liberté accrue conférée à la personne
poursuivie. Il s’agit moins de garantir les grands principes du procès pénal que de
rechercher de façon pragmatique une solution équitable. Même si cette autolimitation
volontaire au bénéfice de droits peut susciter un sentiment de frustration relative pour la
personne poursuivie, elle n’en constitue pas moins une « préférence adaptative »185
selon l’expression de J. ELSTER, c’est à dire la meilleure solution par rapport à des
satisfactions considérées comme impossibles, en l’espèce rapporter la preuve de son
innocence dans une procédure dont l’efficacité recherchée repose sur l’aveu de
culpabilité. En effet, au travers de l’aveu, il s’agit de penser la question du statut de la
vérité judiciaire, et ce d’une manière assez problématique si l’on admet que la culture
française se concentre sur une vérité reposant sur l’établissement de faits résultant de
pièces versées dans un dossier pénal. Il s’agit donc de savoir quelle valeur attribuer à
cette vérité judiciaire lorsque, précisément, cette dernière n’a plus véritablement à être
recherchée dans une procédure, mais dans le simple aveu d’une personne poursuivie.
Dans le cadre de la CRPC, force est de constater que le juge homologue à 90 % des cas
la proposition émanant du procureur de la République, et donc rend une ordonnance
d’homologation sans que la question de l’innocence ou de la culpabilité, au-delà de
l’aveu de la personne poursuivie, ait réellement été abordée. Or, l’aveu ne constitue pas
en soi en matière pénale une preuve irréfragable de culpabilité. La démarche de
reconnaissance de culpabilité peut représenter une illusion, de sorte qu’elle doit rester
soumise à la libre appréciation du juge. Les risques d’atteinte aux droits de la défense se
posent dans un contexte particulier, celui de l’absence en droit pénal d’un véritable
184
Jérémy BENTHAM, Traité de législation civile et pénale, p. 97, Vol. I, éd. E. DUMONT, 3 vol.,
Paris, 1802.
185
Jon ELSTER, « Les Raisins verts », Paris, Bulletin du MAUSS, n°6 , 1983.

136
PREMIERE PARTIE - TITRE PREMIER - CHAPITRE SECOND – LE CARACTERE PROTEIFORME DE
L’OBTENTION D’AVEU

statut de la personne mise en cause ce qui tranche singulièrement, en outre, avec


l’intérêt croissant accordé aujourd’hui aux victimes dans une société qui tend à leur
conférer un place prépondérante, proche du sacré. Aussi, le débat qui s’est instauré entre
les partisans et les opposants de l’aveu de culpabilité conduit, au-delà de la procédure
pénale, tout d’abord, à s’interroger sur la validité de l’ordre normatif ; ensuite, renvoie
au rapport entre la vérité et la justice, c’est dire à la question du critère réel
d’appréciation en matière judiciaire dont les défenseurs du plaider coupable estiment
qu’il s’agirait de la notion d’équité. Un concept en toutes hypothèses qui s’inscrit à
l’interface des notions de vérité et de justice.

137
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – RECEPTION DE L’AVEU ET SOUMISSION AUX CONTROLES
JURIDICTIONNELS

TITRE SECOND : RECEPTION DE L’AVEU ET SOUMISSION AUX CONTRÔLES


JURIDICTIONNELS

91- Position du problème. Le principe de loyauté qui contraint les autorités


publiques repose sur le droit pour toute personne d’être présumée innocente jusqu’à ce
que sa culpabilité ait été légalement établie par une juridiction, ce qui constitue l’un des
principes fondamentaux du procès pénal posé à l’article 9 de la Déclaration des Droits
de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Or, le processus d’aveu vient anticiper les
conséquences pénales attachées à la révélation de faits reprochés en induisant une
culpabilité a priori qui s’inscrit en marge de la vérité judiciaire. Sur un plan juridique,
ce n’est que lorsque une personne a été définitivement condamnée par une juridiction
pénale et que cette décision est devenue irrévocable qu’elle a cessée d’être présumée
innocente. Et ce, sauf à admettre que l’idée d’une présomption d’innocence constitue un
idéal et non une réalité, c’est-à-dire un principe théorique ne pouvant recevoir une
application concrète. Car de deux choses l’une. Soit le principe susdit revêt un rang
constitutionnel et alors aucun aveu ne saurait se justifier. Soit le principe de
présomption d’innocence n’existe pas en réalité, ce que semblent considérer d’ailleurs la
plupart des magistrats, et alors l’aveu, fut-il extorqué, est légitimé. Désormais, et à la
suite de la réforme de la garde à vue découlant de la loi du 14 avril 2011, les aveux
passés hors la présence de l’avocat ne devraient plus être utilisés par le juge pénal
comme mode de preuve. Aussi, au fil de l’évolution du droit, un cadre normatif de plus
en plus protecteur a été forgé par le législateur dans le cadre de la réception de l’aveu
(CHAPITRE PREMIER). Toutefois, au-delà de cette vision normativiste, faisant
découler l’obtention de l’aveu du strict respect du droit positif en vigueur, force est
d’admettre, qu’en pratique, le juge pénal se fonde assez rarement sur l’arsenal législatif
dont il dispose pour garantir les droits de la défense. A telle enseigne, que le respect des
droits de la défense relève d’une lecture amphibologique, c’est-à-dire susceptible d’une
lecture à la fois théorique et pratique. Ainsi, il conviendra également de s’interroger sur
l’effectivité des contrôles mises en œuvre pour entourer le recueillement de l’aveu
(CHAPITRE SECOND). En effet, sur un plan juridique, les exigences de l’article 9 de
la DDHC peuvent apparaître comme contradictoires par rapport à la pratique qui est
celle de la recherche de l’aveu de culpabilité avant tout jugement. La question n’est
donc pas tranchée de savoir si, à l’heure du développement des procédures accélérées,
ce n’est pas uniquement un objectif d’efficacité de la politique pénale qui prime sur un
138
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – RECEPTION DE L’AVEU ET SOUMISSION AUX CONTROLES
JURIDICTIONNELS

strict respect de la hiérarchie des normes. A ce titre, puisque le juge constitutionnel a


estimé contraire à la Constitution diverses dispositions relatives à la mesure de garde à
vue, c’est le problème de la réception de l’aveu dans ce contexte qui doit être soulevé,
par conséquent celui de la vérité dans un contexte de fragilisation de la personne mise
en cause. Le cadre légal privilégié d’obtention de l’aveu en matière pénale demeure la
garde à vue, donc celui d’un contexte par définition déséquilibré entre les parties.

139
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

CHAPITRE PREMIER : L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL


DE RECEPTION DE L’AVEU

92- Régime juridique de l’aveu. En matière pénale, équité et impartialité doivent


aller de pair car l’acte de juger suppose que l’examen des faits l’emporte sur la personne
mise en cause. Or, le processus d’aveu vient modifier ce principe en conduisant
l’institution judiciaire, à titre principal, à faire porter une appréciation négative sur le
mis en cause, les faits risquant de n’être envisagés, a posteriori, qu’à l’aune des
déclarations de culpabilité déjà effectuées par l’intéressé. Autrement dit, le principe du
contradictoire186 permet d'écarter le principe de loyauté : peu importe la qualité de la
preuve obtenue, pourvu que l'on puisse en débattre et qu'elle ne constitue pas le seul
élément à charge. Aussi, la procédure pénale s'éloigne toujours davantage des principes
retenus en procédure civile187. Et la preuve ne fait guère l'objet de développements
approfondis, au contraire de la procédure civile. De sorte que l'aveu, preuve regardée
comme reine depuis l’Ancien Régime, n’est prévu que dans une disposition du CPP :
l'article 428. Ce texte est inclus dans un titre 2 dudit code, réservé aux jugements des
délits et prévoit que : « L'aveu, comme tout mode de preuve, est laissé à la libre
appréciation des juges » 188. Cette disposition laconique se contente de rappeler
implicitement que l'aveu n'est pas une preuve légale, donc a la même valeur que
n'importe quelle autre preuve. Au surplus, l'article 428 n'explique ni à quels principes
son recueil est soumis, ni les conditions régulières de son obtention. Ce qui pose la
question des conditions de validité de son recueil.

93- Aveu et droit au silence. Tout d’abord, l’aveu doit être effectué par l’auteur de
l’infraction, c’est-à-dire une personne consciente, afin que son consentement soit libre,
et ensuite, volontaire. Un interrogatoire est en effet nécessaire car, le plus fréquemment,
186
CPP., art. 427.
187
V. Coralie AMBROISE-CASTÉROT, « Recherche et administration des preuves en procédure pénale :
la quête du Graal de la vérité », AJ pénal 2005, p. 261 ; comp. avec la procédure civile : Cass. 2e civ.
7 oct. 2004, JCP 2005. II. p. 10025, note LEGER ; Philippe BONFILS, « Loyauté de la preuve et procès
équitable », D. 2005, p. 122.
188
On notera que l'article 536, relatif au tribunal de police, procède par renvoi à l'article 428.

140
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

le passage aux aveux s’opère durant la garde à vue de l’intéressé. Cette mesure
permettra également d’attester si la personne poursuivie confirme ses déclarations ou, à
l’inverse, décide de les rétracter. Même si le but de l’interrogatoire policier est la
recherche d’aveux, soit pour corroborer les indices de culpabilité dans le cadre d’une
information judiciaire soit pour servir de fondement à un mode de poursuite, il existe un
tempérament toujours possible, pour la personne mise en cause, c’est le droit au silence.
Il est notamment reconnu par l’article 14 (§3) g du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques de 1966 qui décide que « toute personne accusée d’une infraction
pénale a le droit de ne pas être forcée à témoigner contre elle-même ou de s’accuser
coupable ».

La jurisprudence de la CEDH le reconnaît également189. En 2001, un nouvel arrêt est


venu préciser les contours du droit à ne pas participer à sa propre incrimination. Il s’agit
de l’affaire HEANEY and MCGUINESS v Ireland. HEANEY et MCGUINESS avaient
été arrêtés car ils étaient soupçonnés d’avoir participé à des attaques terroristes. Les
enquêteurs leur demandèrent de fournir un rapport de leurs faits et gestes au moment de
l’attaque en vertu de la section 52 de l’Offence Against State Act 1939. Selon cette
disposition, le refus de répondre était constitutif d’une infraction pénale sanctionnée par
six mois de prison. Ils refusèrent de répondre et furent condamnés. Pour la Cour cela a
constitué une violation de l’article 6 CEDH car le degré de contrainte utilisé, aggravé
par la menace d’une peine d’emprisonnement, avait eu pour conséquence de les forcer à
donner des informations compromettantes ayant eu pour effet de dénaturer ce droit au
silence190.

94- Aveu et accusation. S'il n'est plus regardé comme la preuve parfaite, l’aveu est
toujours recherché en raison de sa faculté certaine à affermir la thèse de l'enquêteur et
189
CEDH 8 février 1996, MURRAY c/ Royaume-Uni, 2 mai 2000 (req. n°14310/88) ; CONDRON c/
Royaume-Uni, 2 mai 2000 (req. n° 35718/97).
190
Renée KOERING-JOULIN, « Droit de se taire et ne pas s’incriminer soi même », RSC, 1997, p. 476 ;
M. AYAT « Le silence prend la parole : la percée du droit de se taire en droit international pénal », APC
2002- 1 (n° 24). Pauline DANJOU, « Le silence est d’or » Droit du procès et de la preuve judiciaire,
Université Paris Ouest M2BDE ESM-Comete, analyse comparée du droit de ne pas participer à sa
propre incrimination en droit anglais, français et européen.

141
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

du juge. Il permet de consolider la justesse de l'accusation191. Mais cette sécurité


recherchée par le magistrat, ou plus généralement l'enquêteur, ne doit pas le conduire à
contraindre la personne poursuivie à avouer. L'aveu doit être libre et spontané. Par
conséquent, il ne doit pas avoir été extorqué, notamment par des procédés scientifiques
modernes qui seraient contraires au respect de dignité de la personne humaine.
L'essence de l'aveu est donc la liberté : il doit être recueilli dans le respect de celle-ci.
Ce mode de preuve peut être immédiatement corroboré par des faits venant attester de
sa validité lorsqu’il n’existe pas de décalage important entre l’espace, c’est dire le lieu
de commission de l’infraction, et le temps nécessaire à son élucidation ; en d’autres
termes, l’aveu n’acquiert une réelle force probante que dans l’hypothèse du flagrant
délit.

95- Aveu et garde à vue. Dans le système pénal français, l’aveu est le plus souvent
appréhendé sous un mode négatif. Il découle de cet a priori que la personne mise en
cause est davantage appréhendée par les enquêteurs, le parquet et le juge pénal sous
l’angle de sa nécessaire culpabilité donc de sa responsabilité pénale. L’institution
judiciaire utilise un instrument approprié pour obtenir cet aveu, c’est la garde à vue. Le
moyen spécifique de réception de l’aveu dans le cadre d’une enquête pénale demeure en
effet ce huis clos et ce face à face entre le suspect et les services de police dans
l’enceinte d’un commissariat. Aussi, l’aveu constitue toujours une épreuve difficile pour
le mis en cause puisque le contexte essentiel de sa réception demeure cette mesure
privative de liberté. Le procédé suscite toutefois des interrogations croissantes quant à
son principe et son déroulement, ce qui pose in fine la question de sa légitimité
(SECTION PREMIERE), au-delà du cadre légal dans lequel il s’inscrit (SECTION
SECONDE).
SECTION PREMIERE : GARDE A VUE ET LEGITIMITE

96- La coercition comme principe. Lors d’une mesure de garde à vue, le principe
qui prévaut est celui de l’exercice d’une pression morale sur le suspect pour le conduire
191
Thérèse GAMBIER, « La défense des droits de la personne dans la recherche des preuves en procédure
pénale française », Dr. pén. 1992, chron. 66, spéc. n°4.

142
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

aux aveux. Pour les officiers de police judiciaire, cette mesure donnerait davantage de
crédibilité aux déclarations de la personne soupçonnée. De leur côté, les avocats
pénalistes considèrent habituellement que le dénuement dans lequel est placé l’intéressé
amenuise ses facultés cognitives. Cette fragilisation du suspect contraste avec les
pouvoirs des enquêteurs, donc du parquet. Autrement dit, en garde à vue tout aveu serait
extorqué. C’est par conséquent dans un subtil dosage entre la dimension coercitive de la
mesure privative de liberté et celle de la nécessaire loyauté dont doivent faire preuve les
enquêteurs que se déroule la garde à vue. L’aveu sera ainsi recherché soit pour
corroborer la version policière qui viendra du même coup consolider le sentiment de
l’accusation d’une culpabilité a priori. D’où l’antinomie entre l’exigence de loyauté et
la réalité de cette mesure privative de liberté fondée essentiellement sur la contrainte
(§1). Dans ce contexte, ce qui apparaît comme essentiel renvoie donc à la question de la
validité de l’aveu lorsque l’autocondamnation sera recherchée sans réel motif reposant
sur une nécessité de l’enquête. En outre, le temps dont dispose l’enquêteur pour établir
la culpabilité du suspect n’est pas équivalent à celui de l’intéressé pour faire valoir ses
droits à ce stade (§2).

§1 - Contrainte et loyauté

97- Une recherche d’efficacité sans nécessité. La difficulté qui se pose est de
savoir s’il existe des situations d’urgence suffisantes pouvant justifier, au-delà de la
légalité de la mesure, un placement en garde à vue. Et dans le contexte de cette mesure
privative de liberté la personne pourra faire l’objet de poursuites pénales sur le seul
fondement de ses aveux (A). Autrement dit, la recherche d’efficacité repose sur des
exigences qui peuvent parfois apparaître comme contradictoires entre, d’une part, la
nécessaire contrainte inhérente à cette mesure et, d’autre part, la loyauté devant présider
à la réception de l’aveu lors de la mesure de garde à vue (B).

A) Justification théorique de la mesure

98- Domination, pouvoir d’influence et aveu pénal. L’Etat de droit de nature


démocratique est fondé en théorie sur la libre discussion et le contradictoire. Toutefois,

143
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

au nom de valeurs censées revêtir une urgence absolue ou immédiate, une personne peut
être condamnée, même en l’absence de preuves irréfutables, mais sur la simple foi
d’une culpabilité que rien ne vient borner, si ce n’est l’intime conviction du juge. Et ce,
sans renier les valeurs fondamentales sur lesquelles repose cette démocratie moderne.
Selon le philosophe Michel TERESTCHENKO, la légitimité d’une obtention
impérieuse de l’aveu ne peut se concevoir que dans un contexte d’urgence absolue
justifiant un état de nécessité. En pareilles circonstances, « quiconque interdirait
d’extorquer par la torture des informations vitales en pareille situation, ne serait-il pas
comparable à ces fanatiques religieux qui refusent toute transfusion sanguine, quand
bien même il en irait de leur vie ou de celle de leurs proches ? N’est-ce pas là, au
demeurant, une situation relevant de l’ « état de nécessité », dont le code pénal de
nombreux pays admet qu’il puisse légitimer la violation de la loi ?» 192. La question qui
est ainsi posée est celle de la légitimité de la garde à vue dont l’objectif principal est la
recherche de l’aveu, au-delà du cadre légal dans lequel elle s’inscrit. Pour reprendre la
grille de lecture de l’économiste Max WEBER193 il s’agit d’un type de légitimité légale-
rationnelle se définissant par l’obéissance à des règles abstraites, le détenteur de ce
pouvoir légal étant lié par cette dimension impersonnelle tout comme celui qui subit ce
pouvoir. C’est donc davantage comme citoyen que comme réellement suspect que la
personne mise en cause consentira à avouer, car elle acceptera la légitimité d’un pouvoir
légal justifié par la compétence présumée de celui qui l’exerce. Ce faisant, l’aveu
subjectif de culpabilité pourra ne pas correspondre à une réelle reconnaissance objective
de culpabilité qui aurait pu s’établir en l’absence de cette domination symbolique
exercée par l’enquêteur. C’est la raison pour laquelle, assez fréquemment, le suspect
avouera davantage pour dire ce que l’enquêteur attend de lui, qu’en raison du sentiment
d’une réelle culpabilité. L’influence qui s’exerce permet ainsi qu’un individu puisse
s’autoaccuser de faits imaginaires uniquement pour ne pas contrarier les objectifs des
enquêteurs même si cette disposition d’esprit aggravera le sort du mis en cause. L’aveu
ainsi obtenu ne sera pas celui d’un réel suspect mais celui d’un citoyen soucieux de ne

192
Michel TERESTCHENKO, Du bon usage de la torture ou comment les démocraties justifient
l’injustifiable, Paris, Editions La Découverte, 2008, p. 74.
193
Max WEBER, Economie et société, tome I, Paris, Pocket, 1995, p. 221.

144
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

pas s’opposer à la thèse d’une autorité censée être légitime, à laquelle il doit, à tort ou à
raison, obéissance, même si cette posture est contraire à ses intérêts. Par conséquent,
non seulement dans son principe la relation entre accusation et défense est inégalitaire
en matière pénale, mais la mesure de garde à vue génère également une attitude servile
du mis en cause face à l’autorité toute-puissante qui l’accuse. Il en résulte qu’une
personne pourra passer aux aveux davantage pour conforter la thèse de ses accusateurs
voire se rendre à leurs yeux digne d’intérêt. Il s’agira d’aveux de jactance, ce qui, du
même coup, comme un cercle vicieux, consolidera davantage la thèse de l’accusation,
puisque le mis en cause aura avoué. Pour utiliser la typologie classique de la science
politique, il s’agit, en l’espèce, davantage d’un pouvoir d’influence que d’un pouvoir
d’injonction194.

Le pouvoir d’injonction ne repose que sur la simple coercition ce qui suppose que
l’exercice d’une contrainte soit possible. Placé en garde à vue, le mis en cause subit
indiscutablement une forme de contrainte, ne serait-ce que, parfois, par la virulence de
l’interrogatoire. Mais, en réalité, il s’agit davantage d’un pouvoir d’influence lequel
propose, contrairement au pouvoir d’injonction, des gratifications et repose sur des
normes de conformisme. Ainsi, l’enquêteur demandera au suspect d’avouer en échange
d’une clémence du parquet ou de la juridiction appelée ultérieurement à statuer (« si tu
avoues, ils tiendront compte de ta bonne foi »). Car le pouvoir d’injonction interpelle le
principe de légalité tandis que le pouvoir d’influence convoque un autre principe : celui
de légitimité. Or, un pouvoir légal peut ne pas être légitime.

Dès lors, au-delà de la question de l’innocence ou de la culpabilité laquelle est en


réalité secondaire, la personne placée en garde à vue est, d’une certaine manière, piégée
non seulement par l’appareil judiciaire qui recherche l’aveu mais également par elle-
même, car dans un contexte de fragilisation, elle pourra être amenée à avouer pour se
libérer non pas nécessairement du poids de sa culpabilité, puisqu’elle peut être

194
Philippe BRAUD : « Du pouvoir en général au pouvoir politique » in Madeleine GRAWITZ
M. et Jean LECA, Traité de science politique, Paris, PUF, 1985 et Philippe BRAUD, Sociologie
politique, Paris, LGDJ, 1992.

145
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

considérée comme innocente, mais de l’emprise du pouvoir exercé par ceux qui la
soumettent à leur interrogatoire. C’est par conséquent la question de la loyauté dans la
réception de l’aveu qui est posée.

B) La question éthique dans la réception de l’aveu

99- Un jugement moral a priori. Au nom de la révélation d’une possible vérité, le


processus d’aveu s’inscrit en marge des principes fondateurs du droit car il substitue à la
vérité de l’enquête une forme de jugement moral a priori qui influencera l’opinion des
jurés au cours d’un procès d’assises ou celui des magistrats lors des audiences
correctionnelles classiques. En effet, l’aveu constitue la pierre angulaire du débat entre
modèle inquisitoire et système accusatoire, entre les tenants d’une vérité découlant de
l’enquête et ceux qui estiment cette dernière comme secondaire au profit d’une autre
conception de la justice plus réaliste ou utilitaire. Poussé à son extrême, le CPP français,
en permettant des dérives peu soucieuses des droits de la défense (menaces, chantage),
s’apparentait avant la réforme du 14 avril 2011 davantage à l’aveu pénal dans le
système judiciaire japonais qu’à un modèle reposant sur des normes à valeur
constitutionnelle. En effet, lorsque l’interrogatoire devenait trop pressant car les
officiers de police judiciaire avaient la certitude de tenir le coupable, la tentation existait
pour les enquêteurs de vouloir extorquer des aveux afin d’obtenir ce qui constituait en
réalité la vérité policière. Ces dérives rapprochaient le modèle français du modèle
japonais de réception de l’aveu195. Dans le système pénal japonais, l’aveu est recueilli
d’une manière paradoxale. Tout d’abord, la dimension de l’aveu pénal dans le procès
revêt une importance particulière car il est apprécié par les magistrats comme une
preuve d’une valeur supérieure à l’élément matériel pouvant servir de fondement à
l’enquête; ensuite, la rétractation étant impossible, elle lie définitivement la personne
mise en cause qui aura, par surcroît, avoué des faits qui auront été majoritairement
provoqués. Dans ce système pénal, les enquêteurs s’attachent, par tous moyens, dans un
délai préfix de vingt-trois jours à obtenir des aveux, en isolant le prévenu et en ne
permettant pas à l’avocat de s’entretenir avec lui et en censurant ses correspondances.
195
Jean PRADEL, Droit pénal comparé, 3e édition, Paris, Dalloz, 2008.

146
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

Les enquêteurs peuvent procéder à un interrogatoire strict sans relâche pendant plus de
dix heures par jour et donc arracher des aveux qui sont rarement empreints de sincérité
mais davantage dictés par le souci, du côté du prévenu, épuisé physiquement et
moralement, d’en finir pour bénéficier d’une peine parfois allégée. Sur le fondement de
ces aveux, les médias vont diffuser des informations dans les journaux qui concluent
systématiquement à une culpabilité définitive de l’intéressé avant même l’ouverture du
procès, ce qui contribuera à jeter le discrédit sur l’accusé dans l’opinion. Si un droit au
silence existe théoriquement, cette garantie est très souvent bafouée, ce qui conduit, en
pratique, à une déclaration de culpabilité avoisinant les 99,8 %196. Cette question
éthique dans la réception de l’aveu est d’autant plus problématique qu’à rebours des
inflexions juridiques découlant de la loi du 14 avril précitée relative à la garde à vue, le
Livre Blanc sur la sécurité publique publié le 26 octobre 2011197, propose de créer un
délit d’entrave à l’enquête judiciaire en cas d’obstruction active, et transposer pour les
témoins l’obligation de témoigner et l’incrimination de faux témoignage (sauf auto
incrimination). En effet, au visa de l’article 105 du CPP198, « Les personnes à l'encontre
desquelles il existe des indices graves et concordants d'avoir participé aux faits dont le
juge d'instruction est saisi ne peuvent être entendues comme témoins ». Or, les
prescriptions de l’article 105 précité ne sont pas violées dès lors qu’un suspect qui avait
sollicité qu’aucun procès-verbal de ses déclarations ne fût dressé, n’a pas été entendu en
qualité de témoin et qu’il ne peut s’en faire un grief. De plus, il n’y a pas violation de
l’article 105 si la personne n’a pas été entendue. Aucune décision de nullité n’est
d’ailleurs intervenue lorsque la personne n’avait pas encore reconnu les faits. En
revanche, l’audition comme témoin de la personne suspecte se justifie quand il y a lieu
de vérifier la sincérité de ses aveux199, ou de l’existence d’indices graves et

196
Mohammed AYAT, « Le silence prend la parole : la percée du droit de se taire en droit international
pénal », APC 2002- 1 (n° 24).
197
Michel GAUDIN et Alain BAUER, Livre Blanc sur la sécurité publique, Ministère de l’ntérieur, 25
octobre 2011.
198
Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 - art. 31 JORF 16 juin 2000 en vigueur le 1er janvier 2001.
199
Cass. crim., 21 mai 1985, Bull.crim, n° 194- Cass. crim., 1er sept. 1987, Bull.crim., n° 308.

147
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

concordants200. Enfin, l’aveu n’interdit pas l’audition d’une personne comme témoin dès
lors qu’il n’existait pas au préalable d’indices graves à son encontre. Cette audition peut
avoir pour but de vérifier la crédibilité de ses aveux201.

§2 - Un hyatus entre le temps de l’enquêteur et celui de la personne mise en


cause.

100- Des temporalités asymétriques. Il existe, en effet, un hyatus entre le temps


dont dispose l’enquêteur pour procéder à la garde à vue et obtenir des aveux
circonstanciés et le temps dont souhaiterait disposer le prévenu ou l’accusé pour
effectuer des déclarations. Il est, des personnes qui se livrent moins facilement et de
façon moins exhaustive : elles requièrent davantage de temps pour accepter de le faire.

101- Le temps de l’enquêteur n’est pas celui de l’auteur de l’aveu. En pratique,


les officiers de police judiciaire profitent des délais qui leur sont impartis, notamment
s’ils sont courts, pour procéder à une audition destinée à provoquer l’aveu. Toutefois, la
CEDH dans un arrêt FUNKE contre France daté du 25 février 1993 ou encore
SAUNDERS contre Royaume-Uni du 17 décembre 1996202a souligné que le droit au
silence, mettant à l’abri le gardé à vue d’une coercition abusive de la part des autorités,
est une arme concourant au respect de l’article 6 de la Convention. En France, ce
privilège existe car obligation est faite aux officiers de police judiciaire de le faire savoir
au gardé à vue. La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure avait supprimé cette
obligation pour les policiers, il incombait par conséquent à l’avocat d’informer son
client sur son droit de garder le silence et de ne pas répondre aux questions des
enquêteurs. En fait, il semblerait que soit davantage privilégié l’avancement de
l’enquête, notamment par l’obtention d’aveux, que le respect des droits de la défense.
Dans un contexte anxyogène non seulement pour la personne gardée à vue mais

200
Cass. crim., 24 fév.1987, Bull. crim. n° 93 ; v. les attendus s. n° 92.02 –v. aussi Cass. crim., 1er
févr.1988, Bull.crim., n°47- Cass. crim., 22 avr. 1999, Bull. crim., n° 172.
201
Cass.crim., 16 juin 1981, Bull. crim., n° 207.
202
CEDH, 25 fév. 1993, FUNKE c/ France (req. no10588/83); CEDH, 17 déc. 1996, SAUNDERS c/
Royaume-Uni (req. n° 19187/91).

148
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

également pour l’officier de police judiciaire chargé de procéder à la mesure, il est


important de comprendre la portée réelle d’aveu de culpabilité, ce qu’ignorent la plupart
des personnes interrogées. C’est la raison pour laquelle, par exemple, le système pénal
allemand prévoit à chaque audition que l’intéressé puisse consulter un défenseur avant
son interrogatoire, preuve que notre voisin rhénan ne nourrit pas la même suspicion
envers les avocats. C’est également dans cette perspective que la CEDH, dans un arrêt
MURRAY contre Royaume-Uni a expressément condamné l’absence d’avocat aux
interrogatoires de garde à vue en ces termes :

« La notion d’équité consacrée à l’article 6 exige que l’accusé ait le bénéfice de


l’assistance de l’avocat dès les premiers stades de l’interrogatoire de police. Dénier cet
accès pendant les 48 premières heures de celui-ci, alors que les droits de la défense
peuvent fort bien subir une atteinte irréparable, est incompatible avec les droits que
l’article 6 reconnaît à l’accusé »203.

A ce titre, l’aveu en matière pénale s’inscrit dans un contexte qui demeure celui
d’une marge d’appréciation importante de l’officier de police judiciaire, lequel pouvoir
est rappelé par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Dans un arrêt du 14 juin
2006, la Cour de cassation a souligné que les nécessités de l’enquête justifiant le
placement en garde à vue devaient être librement appréciées par l’officier de police
judiciaire190 ; il s’ensuit que cette mesure repose donc sur l’appréciation de l’enquêteur
s’apparentant à un rôle pré-juridictionnel, notamment en matière de prolongation des
gardes à vue laquelle est décidée davantage en raison de l’encombrement des
juridictions et la surcharge de travail imposé aux enquêteurs que pour de réelles
nécessités tirées de l’enquête. Depuis la loi du 14 avril 2011 précitée, six motifs de
placement en garde à vue ont été créés. En effet, l'article 2 de la loi du 14 avril 2011 a
introduit une notion d’objectifs de la mesure. Le placement en garde à vue d'une
personne nécessite que la mesure soit prise pour au moins l'un des motifs suivants (art.
62-2 du CPP) :

203
CEDH, 8 février 1996, n°18731/ 91.

149
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

- Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la


participation de la personne ;
- Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République
afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ;
- Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;
- Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes
ainsi que sur leurs familles ou leurs proches ;
- Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles
d'être ses coauteurs ou complices ;
- Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le
délit.

Ce qui conduit à évoquer la légalité de la garde à vue.

SECTION SECONDE : ACCUSATION ET LEGALITE

102- Théorie et pratique de l’aveu. Même si le législateur est intervenu pour


essayer d’entourer de garanties la mesure de garde à vue, le cadre légal demeure
insuffisamment protecteur. En effet, même si l’élaboration d’un cadre légal strict répond
à une impérieuse nécessité comme en témoigne la réforme de la garde à vue (§1), force
est d’admettre que la loi du 14 avril 2011 a une incidence limitée (§2). A ce titre, les
avancées du droit au silence constituent un progrès pour les droits de la défense. En
effet, si ce droit restait théorique jusqu’à présent, il a reçu récemment une application
concrète. En outre, une rétractation ultérieure (§3) sera toujours possible non seulement
lors de la phase de garde à vue mais également dans l’hypothèse d’une présentation de
la personne soupçonnée devant un magistrat instructeur ou devant les juridictions de
jugement (§4).

§1 – La nécessité d’un strict cadre légal d’audition

103- Une inégalité fondamentale entre les parties. Force est d’admettre qu’en
dépit des avancées du législateur par la réforme du déroulement de la garde à vue,

150
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

subsiste un déséquilibre entre les parties (A). L’aveu, même plus strictement encadré
sur un plan légal, demeure largement extorqué (B) d’une manière plus ou moins
implicite. Cette tendance persistante à la réception de l’aveu par les enquêteurs d’une
manière plus provoquée que proposée peut poser parfois également la question de la
loyauté des fonctionnaires chargés de le recueillir (C). Car la sincérité de l’aveu est
étroitement liée à l’éthique personnelle de celui qui le réceptionne, surtout dans un
contexte où le droit au silence n’est que rarement utilisé. En d’autres termes, l’outil
pénal que constitue la garde à vue est dissymétrique par rapport aux garanties concrètes
du justiciable. Aussi, le cadre légal entourant l’aveu répond à une nécessité comme nous
le montrent les limites du droit au silence dans le droit pénal européen comparé.

A) Déséquilibre des parties et sincérité de l’aveu

104- La mesure de garde à vue : un moyen approprié pour obtenir des aveux
d’un suspect. A notre sens, ce n’est pas tellement le principe d’une mesure privative de
liberté qui est contestable mais davantage, à la marge, les modalités de son déroulement.
C’était, en effet, jusqu’à la réforme du 14 avril 2011, dans un contexte particulier, celui
d’une situation d’isolement de la personne soupçonnée, qu’était recherché son degré
d’implication ou pas dans un dossier pénal. La mesure de garde à vue avait ainsi pour
objet de rechercher une efficacité accrue dans un temps assez court. Comme
conséquence de la loi du 8 décembre 1897 qui avait ouvert aux avocats les cabinets
d’instruction, le parquet et la police, en quête d’une meilleure efficacité, ont mis en
œuvre une enquête officieuse qui, jusqu’à la réforme du 14 avril 2011, s’effectuait hors
la présence d’un défenseur dans le seul but d’obtenir des aveux. Aussi, lorsqu’au cours
d’une mesure de garde à vue, les enquêteurs agissant pour l’exécution d’une
commission rogatoire se trouvaient dans l’impossibilité matérielle de déterminer le
degré d’implication d’une personne interrogée donc de déterminer exactement les faits
qui lui étaient reprochés, ces derniers étaient tentés de les lui extorquer. A ce titre, dans
le cadre d’une enquête préliminaire, le contradictoire n’existait pas puisque l’avocat
était absent de son déroulement, c’est la logique policière qui l’emportait sur toute
défense pénale car l’avocat n’avait pas connaissance du dossier ce qu’il n’a d’ailleurs

151
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

pas complètement encore aujourd’hui. Au-delà de la question de l’innocence ou de la


culpabilité, le système français de nature inquisitoire utilise des outils juridiques (garde
à vue, interrogatoire de première comparution) qui ont été forgés essentiellement à
destination de coupables. Il s’ensuit que, par nature, ils sont peu opératoires pour les
personnes à l’encontre desquelles ne pèsent que peu de charges mais qui, placées dans
un contexte de culpabilisation a priori, connaîtront les plus grandes difficultés pour se
défendre et démontrer leur innocence. En pratique, l’intéressé devra prouver son
innocence dans un environnement où, contrairement aux délinquants d’habitude, le
suspect n’a nullement conscience des pièges pouvant lui être tendus par les enquêteurs
ni connaissance que ses propos pourront être retenus à charge. Alors que l’aveu devrait
être librement recueilli par les officiers de police judiciaire à la suite d’une discussion
entre la personne soupçonnée et les enquêteurs, la démarche d’autoaccusation n’est que
rarement libre. Il s’agira ainsi le plus souvent d’une réelle épreuve de vérité dans
laquelle l’enquêteur devra confronter (pour conforter son opinion sur la culpabilité à
l’issue de la garde à vue) la rationalité des déclarations effectuées avec les indices
matériels dont il dispose, sans toutefois pouvoir tirer de conclusions hâtives sur la
culpabilité du mis en cause. En fait, contrairement à ce qui est communément admis,
l’interrogatoire policier n’a pas pour objet la recherche de la vérité mais repose
davantage sur la volonté de l’enquêteur de conduire la personne soupçonnée à accréditer
sa version du dossier, ce qui est fort différent. Aussi, les informations recherchées par
l’enquêteur sont déjà pré-établies ou préconçues voire in-formées en ce qu’elles
découlent de l’opinion que s’est déjà forgée le fonctionnaire de police en liaison avec le
magistrat du parquet et / ou le juge d’instruction. Or, ce qui est inquiétant c’est que cette
pré-opinon servira de fondement au travail du juge d’instruction lors de la décision de
mise en examen. Car en dépit de la vraisemblance des déclarations du suspect, la
question de sa culpabilité ne pourra être tranchée que devant le magistrat instructeur lors
du débat contradictoire. A ce titre, si les officiers de police judiciaire sont dans
l’impossibilité matérielle de vérifier les déclarations recueillies, il appartiendra au juge
pénal de décider du sort de l’intéressé.

Un autre facteur vient fausser le déroulement de la mesure de garde à vue, c’est la


personnalité du suspect. Car toutes les personnes, à l’évidence, n’ont pas le même

152
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

caractère et réagissent par conséquent différemment aux difficultés rencontrées ; a


fortiori, si lesdits obstacles s’avèrent objectivement pénibles, ce qui est le cas d’une
mesure privative de liberté. Par suite, la valeur de l’aveu recueilli dépendra, le plus
fréquemment, de la personnalité de l’intéressé qui y aura consenti ; à telle enseigne,
qu’avant le recueil dudit aveu, il faudrait, au préalable, s’enquérir de l’état
psychologique de la personne devant affronter ladite mesure, examen médical que la
présence d’un praticien, même à la première heure de garde à vue, ne remplit
qu’imparfaitement. Il s’ensuit qu’une personne pourra passer aux aveux alors même que
lesdits faits ne lui sont nullement imputables. Car, la garde à vue n’interroge pas
uniquement des faits mais également questionne un individu lequel s’avère, par nature,
compte tenu de son existence, plus ou moins préparé à subir cette épreuve. Il s’agira
parfois d’individus particulièrement intimidés comme ce fut le cas, par exemple, dans
l’affaire DILS. En l’espèce, âgé de seize ans lorsqu’il a reconnu sa culpabilité, la
personne soupçonnée était, d’une part, traumatisée par la mesure dont elle faisait
l’objet ; d’autre part, et surtout, ne comprenait pas les questions qui lui étaient posées.
En réalité, les garanties théoriques (avocat, médecin, droit au silence), sont en pareilles
circonstances peu efficientes. Elles concernent, tout d’abord, majoritairement des
personnes peu coutumières des procédures pénales, ensuite, ignorantes des garanties
concrètes dont elles pourraient faire état. Il s’agit par conséquent d’un rapport de forces
déséquilibré sur un plan psychologique entre un suspect fragilisé par le déroulement de
la garde à vue et une accusation qui, tenue par le secret, ne concède que peu d’éléments
à la défense, l’interrogatoire d’identité ne prévoyant d’ailleurs que trois hypothèses : se
taire, faire des déclarations ou répondre aux questions. Cette inégalité se traduit, au
surplus, par l’admission particulièrement rare par la Cour de cassation de nullités de
l’instruction. Et lorsque, par extraordinaire, la chambre criminelle y consent elle écarte
le plus souvent une pièce du dossier mais continue à poursuivre la personne mise en
examen. Ce qui conduit les magistrats et policiers à recourir à tous les moyens pour que
les preuves viennent corroborer leurs premières impressions. Dans ce contexte, les
aveux bien souvent davantage provoqués que suggérés risquent ultérieurement d’être
contestés voire rétractés, même si l’intéressé aura à subir tout au long de la procédure un
handicap intial consécutifs à ses aveux. D’où un décalage important entre l’efficacité

153
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

recherchée dans des délais impartis souvent assez courts et la réelle fiabilité de
l’enquête. Car l’espace (les locaux des services de police ou de gendarmerie) et le temps
(très limité) peuvent conduire à une déloyauté émanant des enquêteurs. Or, cette
inégalité vient creuser davantage le fossé entre défense et accusation en dépit des efforts
louables du législateur en mars 2007 pour « tendre » à équilibrer la procédure pénale204.

105- Le déroulement de l’interrogatoire. L'aveu peut être recueilli soit lors


d’un interrogatoire effectué par un officier de police au cours de l'enquête, soit devant
un juge d’instruction ou une juridiction de jugement ; enfin, par un expert dans le cadre
de l’exercice de la mission qui lui a été dévolue par la juridiction. Dès lors, se pose
d’emblée la question de la compatibilité entre le secret médical auxquels sont tenus les
médecins, notamment les psychiatres, et l’aveu consenti par l’accusé aux autorités
judiciaires qu’ils ne seront pas obligés de partager. En toutes hypothèses, dans le cadre
d’une enquête policière, toute personne susceptible de fournir des renseignements utiles
peut être auditionnée205, mais elle ne peut être retenue au-delà du temps indispensable à
cette audition car aucune charge, en principe, ne pèse sur elle. L’intéressé bénéficie du
statut de témoin. En revanche, s'il existe des raisons plausibles de soupçonner que le
suspect a pu commettre ou participer de quelque manière que ce fut à la commission
d’un délit, il pourra être placé en garde à vue. L'interrogatoire policier a évidemment
pour but de recueillir un aveu, car l’objectif premier de cette mesure privative de liberté
demeure la recherche de la vérité par l’aveu. En l’espèce, tout enquêteur escompte de
cet affrontement avec la personne soupçonnée le passage spontanément des aveux,
évitant ainsi que les autocondamnations ne soient extorquées mais obtenues aisément.
Idéalement, le fonctionnaire de police souhaiterait qu’un pacte implicite s’établisse avec
la personne interrogée au terme duquel, volontairement, le mis en cause offrirait peu de
résistances lors de son audition. A telle enseigne que, le plus souvent, s’agissant de
délits mineurs, l’officier de police judiciaire adoptera une attitude plus clémente envers
une personne considérée comme davantage coopérative qu’envers celle qui, en dépit de
preuves irréfutables, s’obstinera à nier les évidences. L’enquêteur va parfois se heurter

204
Loi n°2007-291 du 5 mars 2007, tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale.
205
CPP, art.62.

154
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

au silence de la personne mise en cause laquelle s’enlisera dans ses mensonges et/ou
dénégations. Dans ce cas, l’enquêteur éprouvera des difficultés, en dépit de preuves
irréfragables, pour obtenir des aveux circonstanciés. Lorsqu’il s’agit, en effet, de
délinquants récidivistes ces derniers sont particulièrement habiles pour mentir
précisément parce qu’ils disposent d’une mémoire redoutable. En effet, pour être un
excellent menteur encore faut-il, expliquent les psychologues, être doté d’une excellente
mémoire. Il est d’autant plus difficile de prendre en défaut une personne mise en cause
que cette dernière, coutumière des mesures de garde à vue et des prétoires, a souvent un
temps d’avance sur les enquêteurs car son existence quotidienne est rythmée par la
délinquance. Par suite, l’intéressé saura davantage anticiper les questions qui lui seront
posées et les réponses adéquates à effectuer. Car le délinquant a déjà intégré le risque
attaché à ses actes et préparé les explications ou justifications qu’il fournira
ultérieurement devant le capitaine de police. C’est dire suffisamment à quel point
s’instaure un bras de fer entre certains délinquants et enquêteurs lesquels ne sortent pas
toujours vainqueurs car, tout d’abord, au-delà des preuves matérielles, ils ont un temps
de retard bien souvent sur les délinquants ; il s’ensuit, que les faits reprochés ne
permettent pas, à l’issue d’une courte garde à vue d’asseoir une culpabilité ; ensuite,
parce que le CPP prévoit, en pareilles circonstances, que le doute doive profiter à la
personne mise en cause. En outre, le rapport de force entre ce type de délinquants et les
officiers de police judiciaire constitue un rapport au temps. A ce titre, puisque l’activité
criminelle est considérée comme un métier pour les membres du grand banditisme, elle
suppose toute une préparation en amont afin de pallier les risques d’une garde à vue, en
termes d’alibis à fournir le cas échéant ou d’éventuels témoins à citer à décharge car,
dans le système inquisitoire, les témoins qui seront cités par le parquet seront toujours,
par définition, à charge. C’est sans doute la raison pour laquelle le but essentiel de
l’interrogatoire est précisément d’obtenir cette reconnaissance des faits qui permettra au
magistrat de procéder à la qualification pénale appropriée, même si la procédure pourra
néanmoins aboutir sans confession de la personne soupçonnée. Car l’interrogatoire de
première comparution dans la perspective d’une mise en examen peut seulement être

155
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

réalisé par un juge, jamais par un officier de police judiciaire, même agissant en vertu
d’une commission rogatoire délivrée par le magistrat instructeur206.

B) La prohibition de la torture, des traitements inhumains et dégradants (art.


3 CEDH)

106- Vers une banalisation de la garde à vue. En matière pénale, la mesure de


garde à vue qui devrait constituer une exception tend à être systématisée, ce qui
témoigne de l’émergence d’une culture du soupçon de la part de l’appareil étatique
particulièrement problématique si l’on admet que l’objectif de l’institution judiciaire est
de réduire l’insécurité et non d’entretenir la peur. Ainsi, une logique contradictoire est à
l’œuvre car elle conduit l’Etat à porter atteinte à un sentiment de sécurité dont il était le
garant et le dépositaire, donc instaurer davantage de défiance entre les pouvoirs publics
et les justiciables que de créer du lien. C’est donc cette relation dissymétrique ou
d’échange inégal qui en constitue le drame sur un plan psychologique pour le suspect.
Non point que cette épreuve ne soit pas également difficile, sur un plan émotionnel,
pour les enquêteurs chargés d’y procéder, mais le rapport de domination étant inversé,
c’est surtout pour la personne soupçonnée qu’il s’avère anxiogène. Même si l’enquête
devait démontrer ultérieurement que la personne incriminée n’avait, en réalité que peu
de choses à se reprocher, le mal sera définitivement fait, surtout si le prévenu ou
l’accusé bénéficiait d’une certaine reconnaissance sociale, car les dégâts occasionnés à
une personne sont souvent proportionnels à son rang.

Si l’aveu constitue un moyen de preuve en matière pénale, il convient de bien


distinguer ce processus qui peut être volontaire et le moyen d’y parvenir,
l’interrogatoire, lequel n’aboutira pas systématiquement à l’obtention d’une
reconnaissance de culpabilité par la personne soupçonnée. Bien souvent librement ou à
son insu par un moyen de ruse employé par les enquêteurs, la personne mise en cause va
participer à la recherche de la manifestation de la vérité. Si la personne poursuivie
bénéficie désormais d'un droit au silence, cette garantie n’est jamais considérée comme

206
CPP. art.152.

156
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

neutre et le juge en tire souvent une impression négative. Au surplus, le prévenu n'a pas
à prêter serment de dire la vérité car il bénéficie du droit à ne pas s'auto-incriminer donc
d’un droit corrélatif au mensonge, fut-il théorique, car il sera rarement mentionné par
les officiers de police judiciaire lors de la notification de la garde à vue.

107- Aveux extorqués et violation de l’article 3 CEDH. Confrontée à la question


d’aveux extorqués lors d’une garde à vue en violation de l’article 3 de la Convention
européenne des droits de l’homme, la CEDH a rendu un arrêt surprenant le
30 juin 2008. En l’espèce207, les tribunaux allemands ont reconnu de manière explicite
et non équivoque que le traitement infligé au requérant lors de son interrogatoire était
contraire à l’article 3 CEDH relatif à l’interdiction de la torture et des traitements
dégradants par ces moyens déloyaux. Dans le cadre, en effet, d'une enquête portant sur
la disparition d'un enfant, le requérant fut interrogé par un policier ; à cette occasion, il
lui était indiqué qu'il se verrait infliger de vives souffrances s'il ne révélait pas où se
trouvait la victime. Les enquêteurs durent recourir à cette menace car la vie de l'enfant
se trouvait gravement menacée. L’intéressé passa aux aveux puis fut condamné à la
réclusion criminelle à perpétuité pour enlèvement et meurtre, notamment sur le
fondement d'éléments à charge obtenus grâce aux déclarations recueillies sous la
contrainte. Les juridictions nationales - dont la Cour constitutionnelle fédérale -
reconnurent que la menace de la police consistant à infliger des souffrances au requérant
afin d'en obtenir des aveux constituait une méthode d'interrogatoire prohibée par le droit
interne comme par l'article 3 de la Convention. Devant la Cour, le requérant alléguait en
effet avoir été soumis à la torture, au mépris de l'article 3 de la Convention. Il prétendait
également que son droit à un procès équitable avait été méconnu, en raison de
l'utilisation à son procès d'éléments de preuve recueillis sous la contrainte. En l’espèce,
des enquêteurs avaient extorqué des aveux à l’intéressé. La Cour a toutefois considéré
que ce sont essentiellement de nouvelles déclarations effectuées par la personne mise en
cause lors de son procès qui avaient fondé le jugement du tribunal régional, alors que les
autres éléments de preuve avaient revêtu un caractère accessoire et n’avaient servi qu’à

207
CEDH, 30 juin 2008, 5ème section, Aff. X…c/ Allemagne (req. n°22978/05).

157
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

vérifier l’authenticité desdits aveux. Que par conséquent, en dépit des moyens utilisés
contraires à l’article 3 précité, il n’y avait pas eu violation de l’article 6 §§ 1et 3 CEDH.
Dès lors, la CEDH a admis que des aveux obtenus de façon brutale lors d’un
interrogatoire, donc en violation de l’article 3 CEDH, puissent toutefois entraîner la
condamnation du requérant car, tout d’abord, des poursuites engagées contre les
policiers mis en cause avaient contribué à redresser la violation, ensuite, parce que
lesdits aveux passés postérieurement mais conformes à la phase d’interrogatoire
devaient conduire le tribunal régional à rentrer en voie de condamnation.

108- L’arrêt de Grande chambre de la CEDH du 1er juin 2010,


GÄFGEN c/ Allemagne. Par un arrêt du 1er juin 2010208, la formation plénière de la
Cour de STRASBOURG a rappelé au visa de l'article 3 que ledit article ne prévoyait
pas de restriction, même en cas de danger public menaçant la vie de la Nation209 et que
la nature de l'infraction reprochée au requérant était ainsi dépourvue de pertinence (§
87). La Cour a cherché ensuite à qualifier juridiquement le traitement infligé au
requérant en examinant au visa de sa jurisprudence sous l’article 3 210 : la durée du
traitement, ses effets physiques ou mentaux, son caractère intentionnel ou non, le but
poursuivi et le contexte dans lequel il s'était inscrit. Elle a souligné en l’espèce que
l'interrogatoire sous menace de mauvais traitements avait duré environ dix minutes ;
qu'au regard des effets produits (le requérant avait non seulement rapidement avoué où
se trouvait le corps mais avait également continué à fournir des détails sur la mort de
l'enfant tout au long de la procédure d'enquête), les menaces proférées devaient passer
pour avoir provoqué chez l'intéressé une peur, une angoisse et des souffrances
mentales considérables ; que de surcroît, elles furent préméditées et conçues de
manière délibérée et intentionnelle. Il s’ensuit qu’elles poursuivaient le but de lui
extorquer des informations sur le lieu où se trouvait l'enfant. Compte tenu des
208
CEDH, Gde ch., 1er juin 2010, affaire GÄFGEN c/ Allemagne (req. no 22978/05).
209 V. not. CEDH, Gde ch., 28 juillet 1999, SELMOUNI c/ France, n°25803/94, Rec. CEDH, p. 1999-V,
§ 95 ; D. 2000, somm. p. 31, obs. MAYAUD ; ibid. somm. p. 179, obs. RENUCCI ; RSC 1999, p. 891,
obs. MASSIAS ; RTD civ. 1999, p. 911, obs. Marguénaud.
210 V. not. CEDH 18 janv. 1978, IRLANDE c/ Royaume-Uni, série A n°25, § 162 ; 18 décembre 1996,
Aksoy c/ Turquie, Rec. CEDH, p. 1996-VI, § 64 ; RSC 1997, p. 453, 459, 471 et 487, obs. Koering-
Joulin.

158
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

éléments relevés, la Cour a donc estimé que « les menaces réelles et immédiates
proférées à l'adresse du requérant afin de lui extorquer des informations ont atteint le
degré minimum de gravité voulu pour que le comportement litigieux tombe sous le
coup de l'article 3 » (§ 108) et considéré par conséquent que « la méthode
d'interrogatoire à laquelle le requérant a été soumis dans les circonstances de la
présente affaire a été suffisamment grave pour être qualifiée de traitement inhumain
prohibé par l'article 3, mais n'a pas eu le niveau de cruauté requis pour atteindre le
seuil de la torture » 211. Toutefois, la Cour a noté que « la non-exclusion des preuves
matérielles litigieuses, recueillies à la suite d'une déclaration extorquée au moyen d'un
traitement inhumain, n'avait pas joué dans le verdict de culpabilité et la peine
prononcés » et que « les droits de la défense et le droit de ne pas contribuer à sa propre
incrimination ont eux aussi été observés, de sorte qu'il y a lieu de tenir l'ensemble du
procès du requérant pour équitable » (§ 187)212. Pourtant, selon M. LAMBERT213 :
« N'est-ce pas une forme de torture que l'interrogatoire qui se prolonge des heures et
des heures, et où les policiers se relaient jusque dans la nuit pour profiter de
l'épuisement intellectuel de leur adversaire, finalement acculé au vertige mental d'où
procède l'aveu (...). C'est au criminel d'abréger lui-même sa torture morale en disant au
plus tôt la vérité. Torture encore et même torture physique, pourtant nullement
prohibée, que d'avoir à demeurer assis sur une chaise, un jour entier puis une nuit et
davantage encore : facteur d'aveu. Tortures aussi et tortures physiques, la faim de
l'interrogé (...), son sommeil que nous refusons, son besoin de fumer, que nous
méconnaissons : toutes tortures licites, tous facteurs d'aveu ». En toutes hypothèses, si
le silence de l’accusé ne peut à lui seul permettre de conduire à sa culpabilité, il peut
venir corroborer d’autres éléments à charge.

Si le juge européen rappelle le lien étroit existant entre la présomption d’innocence


et le droit de ne pas s’auto-incriminer214, c’est également parce que de plus en plus

211 Ibid.
212
Sabrina LAVRIC, « L'Allemagne condamnée pour des méthodes d'interrogatoires », Dalloz actualité
16 juin 2010.
213
Louis LAMBERT, Traité théorique et pratique de police judiciaire, ed. Desvigne, Lyon 1947.
214
MURRAY, 8 février 1996, cette chronique in JCP G 1997, I, 4000, n°18.

159
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

d’Etats sont condamnés par la CEDH pour des motifs de violences exercées lors des
interrogatoires policiers215. Les garanties entourant l’aveu doivent être strictes dans le
cadre de la recherche de ce qui est l’essence même du procès pénal : la vérité. Il en
découle que seuls des procédés légaux excluant toute ruse peuvent être admis, afin de
ne pas violer le principe de loyauté dans la réception de l’aveu.

C) La loyauté dans le cadre d’une mesure privative de liberté

109- La liberté des parties dans le choix des modes de preuve. En matière pénale,
la loyauté dans l’administration de la preuve est le corollaire d’un autre principe, celui
de la liberté de cette preuve. En théorie, prévaut un principe d’égalité entre les parties
dans la recherche d’indices pouvant servir à la manifestation de la vérité ; en revanche,
en procédure civile, il existe une hiérarchie des preuves, ce qui participe d’une autre
logique. C’est parce que les principes d’égalité et de liberté doivent présider aux
destinées du procès pénal que le magistrat fera reposer son jugement sur son intime
conviction. Toutefois, la question se pose de savoir si dans le cadre d’une mesure de
garde à vue, le principe de loyauté dans l’administration de la preuve sera respecté.
L’exigence du respect des droits de la défense du suspect pourra apparaître comme
théorique car les enquêteurs auront tendance à les transgresser en conduisant le suspect
à passer aux aveux, c’est-à-dire à admettre une vérité judiciaire laquelle pourra n’avoir
qu’un rapport lointain avec la vérité au cas d’espèce. C’est toute la différence entre la
théorie et la pratique en matière pénale car si, au regard des textes législatifs en vigueur,
l’intéressé doit être prémuni contre toute forme de contrainte, qu’elle soit de nature
psychologique ou corporelle, force est d’admettre que la réalité est fréquemment
éloignée de ce cadre juridique. C’est la raison pour laquelle la violence physique ou
symbolique qui pourra être exercée par les policiers conduira parfois les personnes
gardées à vue à se rétracter, une fois la menace passée.
215
CEDH, 27 août 1992, (req. N° 12850/87), TOMASI c/ France, D. 1993. 383, obs. Jean-
François RENUCCI, RSC. 1993, p. 33, obs. Frédéric SUDRE ; CEDH 28 juillet 1999, (req. n°25803/94),
SELMOUNI c/ France, D. 2000, somm. p. 179, obs. Jean-François RENUCCI; JCP 1999, II, 10193, obs.
Frédéric SUDRE.

160
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

110- Les enregistrements de conversations privées par bande magnétique216 :


Une partie civile peut communiquer au juge d'instruction des enregistrements qu'elle n'a
pu obtenir qu'au prix d'une infraction pénale. Ce procédé n'avait pu être obtenu qu'au
prix de la violation de la loi. Il s'agissait ici de l'infraction prévue à l'article 226-1 du
code pénal sanctionnant les atteintes à la vie privée par enregistrement, captation ou
transmission des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel. Dans cette affaire,
l'épouse avait enregistré dans l’intimité à l'aide d'un magnétophone les prétendus aveux
de son mari lequel reconnaissait le meurtre de leur fils. Les experts ne rejetaient pas la
possibilité d'une manipulation et d'un montage des bandes. Néanmoins, pour la Cour de
cassation, il pouvait être fait état librement de ce procédé en justice en tant qu’indices de
preuve, expression que n'auraient pas reniée les magistrats officiant sous l'empire de la
Grande ordonnance de 1670. A ce propos, la doctrine invitait à la plus grande prudence
et dénonçait également les risques de manipulation de ce type de preuve : « bandes
coupées, collées, trafiquées » 217. Pour la chambre criminelle, l'aveu obtenu au prix
d'une infraction pénale est par conséquent parfaitement recevable. En outre, dans un
arrêt du 30 mars 1999218, le juge d'instruction avait joint, en premier lieu, à une
procédure des enregistrements de conversations téléphoniques (et leurs transcriptions)
effectuées par la partie civile à l'insu de ses interlocuteurs, ensuite, annexé au dossier
pénal des documents obtenus frauduleusement par une personne mise en examen et par
un témoin. Il s'agissait bien d'une administration de preuves obtenues au prix d'une
infraction pénale puisque les intéressés avaient été condamnés pour avoir détourné ces
pièces au préjudice de leur employeur219.

La chambre criminelle a décidé que « la circonstance que des documents ou des


enregistrements remis par une partie ou un témoin aient été obtenus par des procédés

216
V. égal. Cass. crim., 6 avr. 1993, n° 93-80.184, JCP 1993, II, p. 22144, note Michèle-Laure RASSAT ;
Jean PRADEL et A. VARINARD, ibid.
217
V. Pierre MIMIN, « La preuve par magnétophone », JCP 1957, I, p. 1370.
218
Cass. crim., 30 mars 1999, n° 97-83.464, Bull. crim. n° 59, Procédures 1999, comm. 215, obs.
Jacques BUISSON, D. 2000, p. 391, note Th. GARE.
219
Cass. crim., 11 mai 2004 [2 arrêts], n° 03-80.254 et n° 03-85.521, et Cass. Soc. 30 juin 2004, D. 2004,
p. 2326, note H. KOBINA GABA.

161
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

déloyaux ne permet pas au juge d'instruction de refuser de les joindre à la procédure,


dès lors qu'ils ne constituent que des moyens de preuve qui peuvent être discutés
contradictoirement »220. A ce titre, cette jurisprudence a été consacrée par le législateur
en matière de discrimination. Cette absence de soumission des personnes privées au
principe de loyauté dans la recherche des preuves a encore été rappelée dans des affaires
de testing organisées par SOS Racisme devant des établissements de nuit221en ces
termes : « Attendu qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter
les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de
façon illicite ou déloyale ; qu'il leur appartient seulement, en application [de l'article 427
CPP] d'en apprécier la valeur probante après les avoir soumis à la discussion
contradictoire. » Il s’ensuit que la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 a consacré ces
opérations de testing en créant un nouvel article 225-3-1 dans le code pénal qui prévoit
que les délits de discrimination « sont constitués même s'ils sont commis à l'encontre
d'une ou plusieurs personnes ayant sollicité l'un des biens, actes, services ou contrats
mentionnés à l'article 225-2 dans le but de démontrer l'existence du comportement
discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement est établie ».

111- La liberté du juge dans l’appréciation des preuves. L'aveu peut également
être recueilli de manière quasi-clandestine, en procédant à des enregistrements ou des
écoutes de la personne soupçonnée à son insu. En matière de criminalité organisée les
articles prévoient par exemple la possibilité pour des officiers de police judiciaire de
procéder à des infiltrations222, au cours desquelles pourront être recueillies toutes
informations utiles à la manifestation de la vérité même si un simple témoignage ne
saurait suffire à asseoir une condamnation223. Autre évolution favorable, la loi du 5 mars
2007 a introduit une nouvelle garantie du respect des droits de la défense au cours de la
garde à vue : l’enregistrement des interrogatoires. Il s’agit d’un dispositif visant à

220
Cass. crim. 30 mars 1999, préc.
221
Cass. crim. 12 septembre 2000, n° 99-87.251 , solution confirmée par Cass. crim. 11 juin 2002, n° 01-
85.559, Bull. crim., n° 131; D. 2003, p. 1309, note COLLET-ASKRI, Jean PRADEL et André
VARINARD, op. cit., ibid.
222
CPP. art.706-81 et s.
223
CPP. art.706-87.

162
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

garantir la sincérité des procès verbaux d’interrogatoires mais également à protéger le


gardé à vue de toute violence policière tout comme l’enquêteur de toute accusation
mensongère, ce qui n’est pas réellement novateur puisqu’il est inspiré de la procédure
applicable aux mineurs. Désormais, l’enregistrement est accessible au cours de
l’information et même devant la juridiction de jugement sur décision du magistrat
instructeur, du juge des enfants ou de la juridiction appelée à statuer sur le fond.
Toutefois, l’article 64-1 nouveau du CPP dispose que : « Les interrogatoires des
personnes placées en garde à vue pour crime, réalisés dans les locaux d'un service ou
d'une unité de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire font
l'objet d'un enregistrement audiovisuel. ( …) Le présent article n'est pas applicable
lorsque la personne est gardée à vue pour un crime mentionné à l'article 706-73 du
présent code ou prévu par les titres Ier et II du livre IV du code pénal, sauf si le
procureur de la République ordonne l'enregistrement. » En l’état actuel du texte,
l’enregistrement n’est prescrit que lorsque la garde à vue porte sur des faits de nature
criminelle. Il existait toutefois des possibilités d’exclusion de l’enregistrement en
matière de criminalité organisée ; cette exclusion ayant donné lieu à deux QPC. Est
exclu du dispositif d’enregistrement audiovisuel des interrogatoires, que ce soit au stade
de la GAV (64-1 al.7 CPP) ou de l’instruction (116-1 al.7 CPP), les infractions relevant
de la criminalité organisée entrant dans le champ d’application de l’article 706-73 CPP.
Par deux arrêts du 18 janvier 2012, la chambre criminelle de la Cour de cassation a
renvoyé au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité224
portant sur la conformité à la Constitution, de cette exclusion. La chambre criminelle a
estimé que ces QPC présentaient un caractère sérieux, cette exclusion conduisant à «
une différence de traitement entre des personnes mises en cause pour des infractions
recevant la même qualification criminelle, ce qui est de nature à porter atteinte au
principe d'égalité »225.

224
n° 2012-228 QPC et n° 2012-229 QPC.
225
Cass. crim., 18 janv. 2012, n° 11-90.115, F P+B ; Cass. crim., 18 janv. 2012, n° 11-90.116, F P+B.
Décision n° 2012-228/229 QPC du 06 avril 2012.

163
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

En conséquence, les gardés à vue sur le fondement d’un délit ne voient pas leurs
droits renforcés, la protection des droits de la défense en matière correctionnelle
demeure inchangée, autrement dit, très faible. En outre, l’article 3 alinéa 5 du décret du
3 mai 2007 dispose : « Pour l'application des dispositions de l'article 64-1 relatif à
l'enregistrement audiovisuel de l'interrogatoire de la personne gardée à vue pour crime,
il est tenu compte de la nature de l'infraction dont est informée cette personne
conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 63-1, sans préjudice d'une
nouvelle qualification des faits à tout moment de la procédure par l'officier de police
judiciaire, le procureur de la République ou le juge d'instruction. L'enregistrement
original est placé sous scellé fermé et une copie est versée au dossier. » Dans un arrêt
du 3 avril 2007, la chambre criminelle estime que « le défaut d’enregistrement
audiovisuel des interrogatoires d’un mineur placé en garde à vue, non justifié par un
obstacle insurmontable, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne
concernée »226.

Il s’agit en l’espèce d’une nullité d’intérêt privé qui présente l’intérêt pour la victime
de la violation d’être bénéficiaire d’une présomption de grief : elle n’a donc pas à
démontrer que la violation de la formalité a porté atteinte à ses intérêts. Cette
présomption peut néanmoins être combattue par l’accusation en apportant la preuve de
circonstances insurmontables mais cette jurisprudence apparaît toutefois favorable au
gardé à vue.

La Cour de cassation a réaffirmé cette solution dans un arrêt du 12 juin 2007 dans les
mêmes termes bien que les circonstances de fait étaient différentes227. En vertu de la loi
du 5 mars 2007, l’enregistrement des déclarations doit être effectué sauf s’il ne peut
l’être en raison d’une impossibilité technique qui doit être versée au procès-verbal.
Aussi, en adaptant la solution antérieure de la Cour aux nouvelles dispositions, il
semblerait que l’impossibilité technique doive résulter d’une circonstance
insurmontable, d’un cas de force majeure rendant véritablement irréalisable

226
Cass. crim., 3 avril 2007, n° 06-87.264.
227
Cass. crim., 12 juin 2007, n° 07-80.94; Bull. crim. n° 155.

164
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

l’enregistrement ; une simple défaillance ne pouvant entrer dans ce cadre. Dès lors, la
Cour de cassation relève, au visa de l’article 4-VI de l’ordonnance de 1945, pris en sa
rédaction issue de la loi du 5 mars 2007 que : « Lorsque l’enregistrement audiovisuel
des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue ne peut être effectué en raison
d’une impossibilité technique, il en est fait mention dans le procès verbal, qui précise la
nature de cette impossibilité, et le procureur de la République ou le juge d’instruction
en est immédiatement avisé »228. La Cour estime que la méconnaissance de cette double
formalité conduit à l’annulation d’office de l’interrogatoire. Cette solution marque ainsi
une évolution eu égard aux précédentes : la Cour ne fait plus référence à la présomption
d’atteinte absolue aux droits du mineur. Il apparaît par conséquent que le défaut
d’enregistrement ne relève plus de la catégorie des nullités substantielles d’ordre privé
pour ne concerner que celles des nullités d’ordre public, dispensées de la preuve d’un
quelconque grief. Il s’ensuit que le gardé à vue n’est plus seul face aux policiers lors de
l’interrogatoire, la caméra instaurant une certaine distance entre ces derniers et le
suspect, en constituant un tiers neutre. L’enregistrement permet également de
déterminer les circonstances de l’interrogatoire, de savoir si l’aveu était réellement
sincère ou s’il a été influencé ; il peut servir de preuve, de fondement en défense. En
l’occurrence, cet aveu obtenu indirectement par un enregistrement a été résolu par la loi
et la jurisprudence. La reconnaissance des faits, ainsi extorquée à un individu placé sur
écoutes, a longtemps été considérée comme un moyen de preuve parfaitement valable.
Pourtant, dès les années 1980, ce procédé fut contesté dans la célèbre affaire
TOURNET229. En l’espèce, la défense soutenait que les écoutes étaient nulles ainsi que
toute la procédure subséquente pour irrespect du principe général de loyauté dans la
recherche des preuves et pour violation des articles 114 à 118 du CPP relatifs à
l'interrogatoire. Le rapprochement entre écoutes téléphoniques et législation sur
l'interrogatoire était astucieux : si le juge d'instruction recherchait l'aveu, alors il devait
respecter les exigences du CPP. Cependant, la Cour de cassation balaya ces arguments
et valida la procédure sur le fondement de l'article 81 CPP. Il s’ensuit que le système

228
Cass. crim., 26 mars 2008, n° 07-88.554 ; AJ Pénal 2008, p. 286.
229
Cass. crim. 9 octobre 1980, Bull. crim., n° 255, D. 1981, p. 332, note Jean PRADEL, JCP 1981, II,
19578, note DI MARINO.

165
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

français accorde une place importante à l’établissement des faits, qui, en matière pénale,
revêt, un caractère primordial. Ce rôle décisif conféré à l’élément matériel est souvent
rappelé par la Cour de cassation qui, dans un arrêt rendu le 7 décembre 2005, statuant
sur les pourvois formés par M. William X…et autre contre un arrêt rendu par la
chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a souligné, au visa
des dispositions contenues à l’article 81 CPP, le lien entre l’établissement des faits et la
vérité judiciaire, en ces termes :

« (…) aucune disposition légale n’interdit au juge d’instruction chargé de deux


informations distinctes d’annexer à l’une des procédures des éléments provenant de
l’autre dont la production est de nature à contribuer à la manifestation de la vérité, à
condition que cette jonction ait un caractère contradictoire et que les documents
communiqués puissent être soumis à la discussion des parties (…) »230.

Avant cette décision, les contestations relatives à la régularité du versement des


transcriptions d'écoutes téléphoniques réalisées lors d'une autre instruction préparatoire
dans laquelle la personne à laquelle elles étaient opposées n'était pas partie, donnaient
lieu, de la part de la Chambre criminelle, à une réponse systématique de rejet ainsi
formulée : « aucune disposition conventionnelle ou légale n'interdit d'annexer à une
procédure pénale des écoutes téléphoniques tirées d'une autre procédure et dont la
transcription effectuée en application de l'article 81 du CPP peut être de nature à éclairer
le juge pour les faits dont il est saisi. La chambre d'accusation n'a pas à statuer sur la
régularité de la commission rogatoire ayant prescrit ces écoutes, cette pièce étant
étrangère au dossier qui lui est soumis et cette décision d'interception n'étant pas,
d'ailleurs, susceptible de recours »231. Cette jurisprudence a été condamnée par l'arrêt
MATHERON c/ France du 25 mars 2005232.

230
Cass. crim. du 7 décembre 2005, n° 327, de pourvoi 05-85876, p. 1123.
231
Cass. crim. 6 octobre 1999, Bull. crim. n° 210 ; 16 mai 2000, Bull. crim. n° 190 ; 15 janvier 2003, Bull.
crim. n° 10.
232
CEDH, 25 Mars 2005, Arrêt MATHERON c/ France du 25 mars 2005, (req. n° 57752/00), RSC, 2006,
p. 343, obs. Laurent DI RAIMONDO.

166
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

112- L’arrêt de la CEDH MATHERON c/ France du 25 mars 2005. Dans cette


affaire, la Cour européenne était saisie par le requérant d'une violation de l'article 8 de la
CEDH résultant du versement, dans une procédure en cours le concernant, de la
transcription d'écoutes téléphoniques à laquelle il était demeuré étranger et dont il
n'avait pu contester la régularité. Dans le droit fil de ses décisions, la chambre
criminelle qualifiait l'interception d'une communication téléphonique d'ingérence de
l'autorité publique dans l'exercice d'un droit garanti par l'article 8 alinéa 1er de la CEDH.
Elle affirmait la légitimité du but poursuivi par cette immixtion, en ce qu'elle avait pour
objet de permettre la manifestation de la vérité et la défense de l'ordre. Le fondement de
la violation résultait, en l’espèce, du fait que le requérant n'avait « jamais joui de la
protection de la loi nationale » et du « contrôle efficace tel que voulu par la prééminence
du droit et apte à limiter à ce qui était nécessaire dans une société démocratique
l'ingérence litigieuse ». En effet, l’intéressé ne pouvait ni intervenir dans la procédure
pénale diligentée à NANCY, à laquelle il n'était pas partie et dans le cadre de laquelle
les écoutes avaient été ordonnées, ni contester la régularité des écoutes dans le cadre de
la procédure diligentée à son encontre, compte tenu de la position de la Cour. C'est
dans ces conditions que la chambre de l'instruction près la Cour d'appel d'Aix-en-
Provence a été saisie par une personne mise en examen de la problématique du contrôle
de la régularité des pièces faisant partie d'une instruction préparatoire distincte et
versées dans la procédure instruite contre ce dernier. Inspirée de la jurisprudence
MATHERON précitée et de la nécessité de mettre en place les modalités d'un contrôle
effectif de la régularité des écoutes ordonnées sur la ligne téléphonique d'un tiers et
versées, à charge, d'un dossier à un autre, elle a d'abord rendu un arrêt avant-dire droit
ordonnant la production, par le juge d'instruction, des copies certifiées conformes d'un
certain nombre de pièces relatives à cette procédure : réquisitoire introductif,
désignation du juge d'instruction, pièces faisant apparaître que, dès avant la commission
rogatoire du 8 octobre 2004 par laquelle ledit magistrat instructeur avait ordonné cette
écoute, la personne écoutée était en relation avec les faits objet de cette première
saisine. Ensuite, par arrêt du 29 juin 2005233, la Cour a analysé les interceptions

233
Arrêt MATHERON, n° 57-752100, 29 mars 2005.

167
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

téléphoniques dans le dossier d'origine selon la grille de lecture classique de la CEDH :


après avoir admis que l'écoute par l'autorité publique constitue une ingérence dans la vie
privée des personnes écoutées, elle a observé successivement que :

- cette ingérence était prévue et codifiée par les articles 100 et suivants du CPP ,
l'article 173 permettant à la personne mise en examen de contester devant la chambre de
l'instruction la régularité des actes de la procédure d'information suivie à son égard ;

- le versement par un juge d'instruction de constatations effectuées dans une


procédure, dans le dossier d'une autre information pénale, correspond à l'un des actes
utiles à la manifestation de la vérité prévu par l'article 81 dudit code ;

- s'agissant de poursuites pour trafic international de stupéfiants, la mise en œuvre de


tous moyens permettant de connaître les contacts des membres déjà identifiés du réseau
participe de la défense de l'ordre et de la prévention des infractions pénales ainsi que de
la protection de la santé publique ;

- la commission rogatoire ordonnant les écoutes répond, en raison de son caractère


écrit et l'indication de la nature des infractions poursuivies, tout comme par les peines
encourues et les précisions relatives à l'identité et au numéro de téléphone de la
personne soumise à l'interception ; enfin, par sa durée limitée, à toutes les prescriptions
légales du droit interne et elle émane d'un juge saisi in rem de ces premiers faits. Par
conséquent, la chambre criminelle a conclu à la régularité de la décision ordonnant
lesdites écoutes, au regard des exigences légales et conventionnelles. Puis répondant
plus précisément aux observations du requérant qui prétendait que sa propre
conversation avec la personne écoutée n'aurait pas dû être enregistrée ni retranscrite,
elle a estimé que « l'interception d'une conversation téléphonique n'a d'utilité que si la
signification peut en être comprise, qu'il est inconcevable de n'enregistrer et de ne
retranscrire que les questions, réponses ou bribes de phrase prononcées par un seul
interlocuteur... et que l'identification de l'interlocuteur de la personne écoutée fait partie
des investigations nécessaires à la recherche des auteurs du trafic de stupéfiants ». Après
avoir noté que le contenu des conversations enregistrées ne faisait pas apparaître

168
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

l'identité du correspondant de la personne écoutée, mais annonçait la livraison prochaine


de stupéfiants, ce qui avait conduit à la mise en place d'une surveillance géographique
visuelle et permis l'arrestation du mis en examen, elle a ainsi rejeté sa requête en nullité.
Enfin, avec l’arrêt précité du 7 décembre 2005, la Chambre criminelle approuve
pleinement cet « examen de la régularité des actes litigieux dans chacune des
procédures, au regard tant des articles 100 et suivants du CPP que des principes
conventionnels ». En soulignant que « l'ingérence ainsi opérée [...] a été prévue par la
loi [...], placée sous l'autorité et le contrôle d'un juge, [...] a répondu à une finalité
légitime [...], a été proportionnée à la gravité des infractions commises et en cours de
commission au regard de l'ordre public ainsi que de la protection de la santé et [...]
strictement limitée aux nécessités de la manifestation de la vérité », elle écarte le moyen
tiré du fait que le CPP ne règle pas de façon précise et détaillée les conditions dans
lesquelles l'interlocuteur de la personne titulaire de la ligne écoutée peut voir ses propos
retranscrits. Pour rejeter le pourvoi, qui prétendait encore que l'annexion des pièces
d'une procédure à une autre ne peut avoir lieu que sur demande du magistrat saisi de la
seconde procédure et par un officier de police judiciaire délégué à cette fin par ce même
magistrat, elle énonce qu'« aucune disposition légale n'interdit au juge d'instruction
chargé de deux informations distinctes d'annexer à l'une des procédures des éléments
provenant de l'autre dont la production est de nature à contribuer à la manifestation de la
vérité, à condition - ce qui a été le cas - que cette jonction ait un caractère contradictoire
et que les documents communiquées puissent être soumis à la discussion des parties ».

Les arrêts subséquents répondent aux exigences posées par la CEDH. Dans une
décision du du 31 janvier 2006234, la Chambre criminelle a censuré, au visa de
l'article 593 CPP, un arrêt de chambre de l'instruction qui, saisie par un mis en examen
d'une requête en annulation d'actes d'une procédure ouverte des seuls chefs de faux et
usage de faux, escroquerie, abus de confiance et recel, sur le fondement d'une enquête
distincte versée au dossier, diligentée en application de l'article 45 de l'ordonnance du
1er décembre 1986, disposition permettant l'usage de moyens de coercition spécifiques,

234
N° 05-80.640.

169
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

avait refusé d'examiner le grief de détournement de procédure, au motif que l'enquête


économique ne figurait qu'à titre de simple renseignement dans une procédure de droit
commun et n'était pas soumise aux conditions de forme régissant une enquête
préliminaire de police judiciaire.

Toutefois, l’arrêt du 11 mai 2006235 apparaît plus nuancé. A la demande des policiers
de la brigade des mineurs, M. X. s'était connecté, sur le réseau Internet, à un site de
rencontre homosexuel en se faisant passer pour un adolescent de quatorze ans. Il était
entré en relation avec C. qui avait accepté de lui transmettre des images de mineurs à
caractère pornographique. Les deux hommes ont pris rendez-vous et, sur les indications
de M., les policiers ont interpellé C au lieu fixé pour la rencontre. Ce dernier,
reconnaissant avoir conservé dans la mémoire de son ordinateur les photographies
litigieuses, a été cité directement devant le tribunal correctionnel pour détention,
diffusion et transmission en vue de leur diffusion d'images de mineurs présentant un
caractère pornographique. Malgré l'irrégularité des poursuites, C. fut condamné par le
tribunal correctionnel et la condamnation fut confirmée en appel. Devant la Cour de
cassation, C. invoqua la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des
droits de l'homme et des articles 53, 56, 76, 385, 591 et 593 du CPP, l'arrêt d'appel ayant
rejeté la demande d'annulation des poursuites malgré l'existence d'éléments de preuve
provenant d'une procédure à laquelle le prévenu est étranger et dont il n'avait pu
apprécier la régularité : il n'avait donc pu bénéficier d'un contrôle effectif et efficace de
la régularité de la procédure. Pour écarter l'exception de nullité prise du défaut de
versement aux débats d'une procédure d'enquête initiale mettant en causé un tiers, l'arrêt
d'appel retînt que les actes de la procédure engagée contre le prévenu étaient étrangers à
la première enquête. Pour la Chambre criminelle, le moyen ne saurait être accueilli
parce que la procédure mise en œuvre contre C. résultait des seules déclarations de
M. : la cour d'appel avait par conséquent bien justifié sa décision.

235
Cass. crim.. 11 mai 2006, Bull. crim. 2006, n°132, p. 482, n° 05-84.837, D. 2006, IR p. 1772 ; AJ pénal
2006, p. 354, note E.VERGES.

170
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

Enfin, dans un arrêt du 30 septembre 2008, la chambre criminelle de la Cour de


cassation a expliqué que : « contrairement à ce qui est allégué au moyen, le juge
d'instruction n'a pas procédé à la jonction des deux informations, le versement dans la
procédure d’instruction, à titre de renseignements, de copies de pièces issues d’un autre
dossier ne pouvant en tenir lieu »236.

Toutefois, à l'exception de quelques règles relatives à la valeur probante de l'aveu ou


d'un procès-verbal, et qui concernent l'administration de la preuve, assez peu de
dispositions régissent les moyens de recherche de preuves. Si en effet l’article 706-96
du CPP introduit par la loi PERBEN II du 09 mars 2004 permet au juge d'instruction
d'ordonner la sonorisation de lieux ou de véhicules (ainsi que la fixation d'images), le
dispositif n’est prévu qu’en matière de délinquance ou de criminalité organisée237. A ce
titre, la CEDH a condamné la France238. En l’espèce, un juge d'instruction désireux de
sonoriser un lieu d'habitation avait ordonné cette mesure par commission rogatoire sur
le fondement des articles 81239 (le texte le plus large, déjà utilisé dans les années 1980
pour justifier les écoutes téléphoniques), 100 et suivants du CPP. Ces enregistrements
furent jugés irréguliers tant au regard de l'article 8 (relatif à la vie privée) que de l'article
6, § 1er (relatif au procès équitable) de la CEDH. Si le droit impose donc une certaine
236
Cass.crim., n° 08-83.064, 3 septembre 2008, Bull. crim. 2008, n° 198.
237
JCP 16/01/2012, RSC 2011, p.217, Damien ROETS. Par un arrêt du 2 septembre 2010 concernant
l'Allemagne, la CEDH a jugé que la surveillance par GPS au cours d'une enquête portant sur des
infractions d'une particulière gravité, ne méconnaissait pas le droit au respect de la vie privée garanti par
l'article 8 de la CEDH (CEDH, 2 sept. 2010, n° 35623/05, UZUN c/ Allemagne) ; Crim. 22 novembre
2011, n° 11-84308.
238
CEDH 31 mai 2005, VETTER c/ France, (req. n° 59842/00), RPDP 2006, p. 133, obs.
Coralie AMBROISE-CASTEROT ; Patricia HENNION-JACQUET, « L'encadrement relatif de la liberté
de la preuve par la Convention européenne des droits de l'homme », D. 2005, p. 2575.
239
Avant la loi du 10 juillet 1991, les écoutes téléphoniques n'étaient soumises à aucun régime légal. La
Cour de Strasbourg avait fort logiquement sanctionné la France pour violation de l'article 8 de la
Convention (CEDH, 24 avril 1990, HUVIG et KRUSLIN c/ France (req. n° 18005/91).
Assez rapidement le législateur avait pris les dispositions nécessaires. Dans un récent arrêt, la Cour
affirme que cette loi répond aux exigences de l'article 8 (CEDH, 29 mars 2005, MATHERON c/ France
préc. ; déjà dans le même sens, CEDH, 24 août 1998, LAMBERT c/ France (req. n° 23618/94).
Néanmoins, dans cette affaire, la France est quand même condamnée en raison du versement au dossier
pénal du requérant de la transcription d'écoutes téléphoniques réalisées dans une procédure à laquelle il
était étranger et dont il n'a pu contester la régularité a été contraire à l'article 8 de la Convention qui a été
violé.

171
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

loyauté dans la recherche de la preuve par les magistrats240ou par les policiers agissant
pour l’exécution d’une commission rogatoire241, en encadrant strictement les écoutes
téléphoniques sauvages ou l’enregistrement clandestin242, aucune disposition légale ne
permet toutefois au juge pénal d’écarter les moyens de preuve présentés par les parties
au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale243. Mais il leur
appartiendra, en application de l’article 427 susdit, d’en apprécier la valeur probante
après les avoir soumis au débat contradictoire244. Aussi, l’exigence d’une
communication des pièces à la partie adverse avant l’audience, ne peut être tirée des
dispositions de l’article 427 CPP245. Par conséquent, encourt la cassation l’arrêt qui
écarte les pièces produites aux débats au motif qu’elles auraient dû être communiquées
au ministère public avant l’audience246.

§2 - L’incidence limitée de la loi du 14 avril 2011

113- Droit au silence et utopie. Même si, en théorie, les contours d’un droit au
silence sont constamment rappelés, force est d’admettre, qu’en pratique, les atteintes à
l’innocence constitutionnellement présumée restent nombreuses. Plus récemment, la loi
précitée n°2011-392 relative à la garde à vue impose la notification du droit au silence
par l’officier de police judiciaire247. Il s’agit désormais d’une obligation et non d’une

240
Ch. Réunies, 31 janv. 1888, WILSON, S. 1889, 1, 241, déloyauté d'une procédure où un juge
d'instruction avait téléphoné à un suspect pour obtenir des éléments de preuve sans mentionner sa qualité.
241
Cass. crim. 12 juin 1952, IMBERT, JCP 1952, II, 7241, déloyauté dans une procédure où un policier
avait organisé une conversation téléphonique, en dictant les questions et les réponses d'un des
intervenants.
242
Cass. crim. 16 décembre 1997, Bull. crim. no 131: l’enregistrement effectué de manière clandestine par
un officier agissant dans l'exercice de ses fonctions des propos tenus fussent spontanément par un suspect
élude les règles de la procédure pénale et compromet les droits de la défense.
243
Cass. crim. 11 juin 2002, Bull. crim. n° 131 p. 482.
244
Cass. crim. 10 novembre 2004, Bull. crim. n° 285 p. 1065.
245
Cass. crim., 12 janvier 2005, Bull. crim. n° 17 p. 46.
246
Cass. crim., 11 mai 2006, Bull. crim. n° 132 p. 482. Jurisprudence postérieure : Cass. crim., Cassation
partielle, 9 août 2006, n° 06-83.219, Bull. crim. 2006, n° 202, p. 721. Cass. crim., 4 juin 2008, n° 08-
81.045, Bull. crim 2008, n° 141, RSC 2008, p. 621 ; Cass. crim., 7 février 2007, n° 06-87.753, Bull. crim
2007 n° 37 p. 241; RSC 2008, p. 663, obs. Jacques BUISSON.
247
Article 63-1 CPP : « La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de
police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle

172
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

simple faculté. Cette notification devrait, en théorie, garantir l'effectivité des droits de la
défense surtout lorsque la personne gardée à vue ne sollicitera pas l'assistance de son
avocat durant ses interrogatoires. Car désormais dans l’hypothèse de pressions
policières, le suspect pourra se taire, sans que l’on puisse déduire de son attitude une
quelconque culpabilité. En outre, lors de la présence de l’avocat, une discussion pourra
s’instaurer entre les enquêteurs et la défense s’apparentant à une phase préalable du
procès notamment par la jonction d'observations écrites de l'avocat. Désormais, le
suspect bénéficie d’un droit absolu de se taire, par conséquent de n’effectuer aucune
déclaration et de ne répondre à aucune question.

En pratique, le respect de ce droit semble relever davantage de l’utopie que d’une


réelle avancée des droits de la défense. Car le silence restera toujours interprété par les
enquêteurs, le parquet et le juge pénal, comme un aveu de culpabilité. En dépit des
garanties théoriques prévues par la loi précitée relative à la garde à vue, des lacunes
restent à déplorer. Il convient, par conséquent, de distinguer deux types de procès-
verbaux selon qu’il s’agit de la phase de garde à vue ou de celle relative à ce mode
particulier de poursuite. Lors de la mesure de garde à vue, l’aveu de culpabilité sera
désormais sollicité lors d’une audition248 à laquelle l’avocat peut en principe assister.

114- Un droit théorique au silence : l’exemple en droit pénal comparé. Dans le


système accusatoire de Common law, le juge ne dispose pas de pouvoir réel
d’investigation mais d’un rôle d’arbitre entre deux parties à égalité d'armes, à savoir
l'accusé et l'accusateur, lequel doit apporter les preuves à l'appui des charges dont il
soutient l'existence. Il incombe donc à la victime de déclencher le processus. A
l’inverse, le modèle type inquisitoire repose sur un culte de l'aveu laissant une forte
marge d’appréciation au juge. La vérité est donc de nature privée dans les systèmes

comprend, le cas échéant au moyen de formulaires écrits : du droit d’être assistée par un avocat,
conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 (3°) et du droit, lors des auditions, après avoir décliné son
identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ».
248
Le terme interrogatoire a désormais disparu au profit de celui d’audition. Denis SALAS, « Le
consentement à l’aveu. A propos de « Crime et Châtiment » de Dostoïevski », Les cahiers de la justice,
avril 2011, p.49 ; Hervé VLAMYNCK, « Le questionnement policier », Les cahiers de la justice, avril
2011, p.57 ; Paolo NAPOLI, « L’art d’interroger », Les cahiers de la justice, avril 2011, p.11.

173
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

romano-germanique tandis qu’elle est davantage publique dans le modèle anglo-saxon.


En France, il s’agit de rechercher la vérité par l’obtention d’aveux ; en revanche, dans le
droit anglo-saxon l’objectif principal est moins l’obtention d’aveux que la mise en
concurrence des divers récits des protagonistes, ce qui aboutit à faire du jury le témoin
principal de cet affrontement qui, in fine, fait prévaloir le vraisemblable sur le vrai249.
Dans la Common law, la vérité est procéduralisée, ce qui importe est moins la vérité que
la bonne utilisation de la procédure pénale pour aboutir à une vérité, la plus fidèle
possible aux vraisemblances du dossier pénal. Le droit au silence ne s’est pas seulement
imposé historiquement comme une garantie procédurale en faveur du suspect mais
également comme une conséquence inévitable de l’occupation de plus en plus étendue
par l’avocat de l’espace pénal250. Ce droit au silence est, tout d’abord, étroitement lié à
la règle de l’égalité des armes entre la défense et l’accusation; ensuite il a toujours
existé en tant que principe de procédure251. Un accusé est par conséquent libre d'adopter
la défense qu'il souhaite et pourra s'expliquer, mentir ou demeurer silencieux. La Cour
européenne affirme que le droit « de se taire et de ne point contribuer à sa propre
incrimination » est une exigence élémentaire du procès équitable252. Dans l’arrêt
FUNKE précité, la CEDH analyse l’obligation faite au réquérant par l’Administration
des douanes de produire des documents bancaires sous peine de se voir imposer des
astreintes et d’encourir des sanctions pénales253 en une tentative « de contraindre le
réquérant à fournir lui-même la preuve d’infractions qu’il aurait commises » 254, qui
méconnait le droit de ne pas s’incriminer. De son côté, le juge communautaire protège
également le droit de ne pas témoigner contre soi-même (au bénéfice des personnes
morales dans le domaine des infractions au droit de la concurrence) comme élément

249
Ioannis PAPADOPOULOS – « Pas d’américanisation du droit mais des convergences avec les droits
anglo-saxons ». Propos recueillis par Loïck CORIOU, Le Monde, 1er juin 2004.
250
Charlotte GIRARD, Culpabilité et silence en droit comparé, Première partie chapitre I intitulé “La
tradition inquisitoire contre le droit au silence”, Coll. “Logiques juridiques”, Paris, L’Harmattan, 1997,
p. 27.
251
CEDH 25 février 1993, FUNKE c/ France, D. 1993, p. 457, obs. PANSIER, D. 1993, somm. 387, obs.
RENUCCI, JCP 1993, II, 22073, note GARNON.
252
CEDH, 25 février 1993, FUNKE c/ France, § 44 : A 256-A ; JCP G 1994, I, p. 3742, chron.
Frédéric SUDRE.
253
C. douanes, art. 431 et 432 bis, 1.
254
§ 44.

174
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

d’un principe général du droit communautaire – les droits de la défense255 – circonscrit à


la matière pénale, au sens de la Convention, ce droit intègrant les dispositions
répressives du droit douanier français256. Ainsi, il ne s’agit pas de l'affirmation d'un droit
général de toute personne mise en cause ou d'un principe de procédure applicable aux
interrogatoires. Écrit ou non, il n'en demeure pas moins que ce droit de se taire (et de
mentir), est un droit fondamental de la personne poursuivie et rien ne doit jamais
l'obliger à répondre aux questions qui lui sont posées.

115- Le modèle britannique du droit au silence. Le droit de se taire place le


prévenu face à un trilemne : se taire et risquer d’être condamné pour refus de coopérer,
courir le risque de révéler aux autorités des informations compromettantes, mentir et
risquer le parjure. Le privilege against self incrimination consacré en Common law veut
qu’une personne à qui l’on demande de produire une preuve dans un contexte judiciaire
ou quasi judiciaire, s’exposant ainsi à des poursuites, puisse invoquer le privilege
against self incrimination afin que cette preuve ne soit pas versée au débat (Section 14
(1) du Civil Evidence Act de 1968)257. En matière pénale, le droit de ne pas participer à
sa propre incrimination permet d’équilibrer la balance de la justice. Il n’y a pas, en
Angleterre, d’obligation de fournir des preuves à l’audience, aucun désavantage ne
devant découler du refus du défendeur de coopérer avec la police ou de témoigner. Le
suspect est averti que s’il possède une défense, il a tout intérêt à l’exposer tout de suite,
au risque de voir sa défense mise en doute au cours de l’audience s’il ne s’est pas
exprimé auparavant258.

255
CSCE, 18 octobre 1989, aff. 394/97, ORKEM : Rec. CJUE 1989, p. 3283, pt 30, concl. M. DARMON.
256
CEDH, 7 octobre 1988, SALABIAKU c/ France : A 141 – A. – CEDH, 25 février 1993, FUNKE c/
France, préc. supra n° 155 ; CEDH, 3 mai 2001, JB c/Suisse : JCP G, 2001, I, 342, chron. Frédéric
SUDRE.
257
La première définition de ce droit a été donnée par le juge GODDARD dans Blunt v. Park Lane Hotel
en 1942. « Le silence est d’or» ? Analyse comparée du droit de ne pas participer à sa propre incrimination
en droit anglais, français et européen - Pauline DANJOU, Droit du procès et de la preuve judiciaire,
Université de Paris, Nanterre, 30 juin 2009.
258
Serge GUINCHARD et Jacques BUISSON, Procédure pénale 7éme édition 2011 ; Philippe BONFILS
et Coralie AMBROISE-CASTEROT, Procédure pénale, Paris, Thémis, PUF, 1ère Ed. 2011 ; Etienne
VERGES, Procédure pénale, Paris, Broché, 2011 ; Charlotte GIRARD, Culpabilité et Silence en Droit
Comparé, Paris, L’Harmattan, 1997 ; Philippe CONTE, Patrick MAISTRE DU CHAMBON, Procédure

175
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

En effet, lorsque la police est chargée de mener une enquête, il lui appartient de
décider de poursuivre ou non l'auteur de l'infraction. La décision relève de l'autorité
exclusive de l'officier de police une fois les preuves rassemblées et le suspect
interrogé259. Selon les dispositions du Police and Criminal Evidence Act, lorsque la
personne interpelée n’est pas informée de ses droits, les preuves obtenues à la suite de
cette omission, notamment les confessions du suspect peuvent être exclues par le
tribunal. Cette exclusion n’est pas automatique ; elle est soumise à l’appréciation du
juge260. Un respect absolu est, en outre, attaché à ce droit ; ce qui signifie que le tribunal
appelé à statuer ne pourra tirer de conclusions hâtives, contrairement à ce qui prévaut,
en pratique, dans le procès pénal français, dans le sens d’une culpabilité de la personne
mise en cause. Si l’accusé choisit ultérieurement de se livrer à des déclarations, son
statut sera celui d’un simple témoin et sous serment, non seulement pour répondre aux
questions de son avocat « examination chief » mais également pour se soumettre à
l’interrogatoire par le ministère public « cross examination ». Or, en pareilles
circonstances, l’accusé ne pourra plus mentir car il ne sera plus protégé contre
l’autoaccusation pouvant résulter de ses propos. En revanche, si l’accusé choisit
l’absence de témoignage, le parquet ne pourra pas en tirer de conclusions prématurées
relatives à ce renoncement dans le sens de sa culpabilité261.

116- L’exemple américain : un droit au silence de rang constitutionnel. Tiré du


cinquième et quatorzième amendement de la Constitution américaine, la règle du silence
est destinée à protéger le suspect contre les abus possibles de l’investigation policière

pénale, 4ème Edition, Paris, Armand COLIN, 2002 ; François FOURMENT, Procédure pénale, Paradigme
Publications Universitaires, 2004 ; Renée KOERING-JOULIN, Droit de se taire et ne pas s’incriminer soi
même, RSC, 1997, p. 476 - Mohammed AYAT, Le silence prend la parole : la percée du droit de se taire
en droit international pénal, APC 2002- 1 (n° 24).
259
Code C., paras 16.1 to 16.3; Police and Criminal Evidence Act 1984, s. 47 (3) (b).
260
Peter ALLBRIDGE « Reform Movements in Criminal Procedure and the Protection of Human Rights
in England » in « Movements to Reform Criminal Procedure and to Protect Human Rights » RIDP, 64ème
année, 3ème et 4ème trimestre 1993, p.1115-1125 et notamment p.1121 et s.
261
Stephen J.SHULLHOFER, Frank & Bernice J. GREENBERG « Rapport de synthèse pour les pays du
Common law » in La preuve en procédure pénale comparée, op.cit., 2002, p. 39.

176
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

tendant à lui extorquer des aveux262. Dans la célèbre affaire MIRANDA contre Arizona
(1966), par exemple, la Cour suprême américaine décida qu’en vertu des dispositions
contenues dans le cinquième amendement de la Constitution, le suspect devait être avisé
par la police des prérogatives dont il disposait pour éviter de s’accuser lui-même. Cette
information obligatoire devant au surplus être communiquée au suspect dès que la
police entend le mettre en état d’arrestation. L’aveu obtenu en violation de cette règle
sera entaché de nullité263. Mais un aveu ultérieur du suspect venant à la suite d’une
nouvelle procédure ayant respecté l’obligation d’information violée précédemment
pourra être retenu s’il n’a résulté d’aucune sorte de contrainte264.

117- France et Etats-Unis : analyse comparée. Dans le système pénal américain,


les interrogatoires des personnes gardées à vue apparaissent comme un élément
essentiel du modèle accusatoire. En effet, il permet de proscrire l’aveu au risque d‘une
certaine impunité, même si en pratique les suspects pourront toujours renoncer au droit
au silence et accepter de répondre aux questions posées par les enquêteurs. Au cours du
procès, le procureur pourra ainsi utiliser les aveux du suspect comme moyen de preuve
à son encontre. En l’espèce, M. Ernesto MIRANDA sera condamné pour enlèvement et
viol. Son avocat, Alvin MOORE, tentera de faire rejeter ses déclarations en relevant
appel de la décision devant la Cour suprême d’Arizona laquelle juridiction confirmera la
décision au mois d’avril 1965. Or, dans ce cas de figure, les aveux pouvaient facilement
être obtenus de la part de suspects ne présentant pas un niveau d’éducation élevé et
donc, bien souvent, ignorant l’étendue de leurs droits constitutionnels. Compte tenu de
la nature coercitive de l’interrogatoire lors de la garde à vue au cours de laquelle le
Chief Justice Earl WARREN fera référence à divers manuels de police, la Cour va
estimer que les droits de la personne interrogée avaient été insuffisamment garantis en
se fondant sur le cinquième amendement du Bill of Rights qui dispose que nul ne peut
être forcé à témoigner contre lui-même et le sixième amendement selon lequel l'accusé a
262
B.J. GEORGE, Jr. « Due Process Rights of the Criminal Defendant in the Pre-Trial Phase » in
« Protection of the Human Rights in the Criminal Procedure of Egypt, France and the United States » p.
28.
263
Ibid, p.31.
264
Ibid, p.31.

177
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

nécessairement droit à un avocat. Dans cet arrêt, la Cour va déclarer : « La personne en


garde à vue doit, préalablement à son interrogatoire, être clairement informée qu’elle a
le droit de garder le silence et que tout ce qu’elle dira pourra être utilisé contre elle
devant les tribunaux ; elle doit être clairement informée qu’elle a le droit de consulter un
avocat durant l’interrogatoire, et que, si elle n’en a pas les moyens, un avocat lui sera
désigné d’office» 265.

Dès lors, la recevabilité de l’aveu est déterminée par la volonté libre de celui qui y
consent. En France, la personne gardée à vue a le droit de se taire et son silence ne doit
pas conduire le juge pénal à en tirer une quelconque conséquence juridique, dans le sens
de sa culpabilité. A ce titre, la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 précitée a rétablie la
notification à la personne soupçonnée de son droit à garder le silence. Aussi, l’article
préliminaire du CPP a été modifié par cette loi, dans son article premier, qui prévoit
qu’en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être
prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites
sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui.

Le suspect, placé en garde à vue est informé de ce droit lors des auditions, après
avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui
sont posées ou de se taire. Outre le caractère théorique de cette garantie, l’attitude
consistant pour l’intéressé à garder le silence reste perçue, par les magistrats, comme
défavorable, notamment devant la juridiction de jugement. Malgré son silence, l’accusé
pourra toutefois être acquitté si les juges approuvent souverainement que les preuves
rapportées contre lui ne sont pas suffisantes pour entraîner leur conviction. Il faut alors
combattre l’adage qui dit que « L’aveu est une confession de bouche ; le silence est une
confession de fait» 266. Et garantir qu’aucun argument ne soit déduit de ce rôle passif.
Car si le droit au silence va de pair avec le principe à valeur constitutionnelle de la
présomption d’innocence, force est d’admettre que, d’une part, le législateur, d’autre
part, le juge pénal résistent face à ce qui est encore considéré comme un aveu implicite

265
Ibid.
266
Jérémy BENTHAM, Traité des preuves judiciaires, 3ème éd. Bruxelles, 1840, Tome II, op.cit.

178
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

d’une culpabilité de la personne mise en cause, contrairement de ce qui prévaut dans les
pays de Common law267. Il a en effet été jugé que la contribution à sa propre
incrimination sans assistance d’un avocat ne peut avoir de force probante, pas même
valeur de preuve « corroborante »268 . Il s’en déduit a contrario que les procès-verbaux
d’audition de garde à vue tenue sans l’assistance d’un Conseil ne peuvent fonder même
avec d’autres preuves une décision de condamnation. Cette décision posait
inévitablement la question de la conventionalité de l’alinéa ajouté par la loi n° 2011-392
du 14 avril 2011 à l’article préliminaire du CPP qui dispose : « En matière criminelle et
correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le
seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat
et être assistée par lui » en vigueur à compter du 1er juin 2011. Toutefois, la
jurisprudence ultérieure dit que si le juge se fonde sur autre chose que les déclarations
effectuées sans assistance d’un avocat, la condamnation pourra être prononcée269. En
effet, lorsque les juges du fond, pour condamner un prévenu, ne se fondent pas sur les
déclarations recueillies lors de sa garde à vue, l'absence de l'avocat lors de cette dernière
n'entraîne pas nécessairement la nullité des procès-verbaux d'audition.

118- Le droit au silence dans la procédure pénale belge. Dans la procédure


pénale belge, le prévenu peut garder le silence au cours de l’enquête depuis 1980270. Le
droit au silence dont il bénéficie suppose de la part des autorités chargés d’enquêter
qu’elles ne puissent déduire de l’absence de collaboration de la personne mise en cause,

267
Renaud DULONG, « Le silence comme aveu et le « droit au silence » », Langage et société n° 92, juin
2000, p. 59. Charlotte GIRARD, « Culpabilité et silence en droit comparé », Logiques juridiques, 1997,
268
Crim., 11 mai 2011, n°10-84.251; article de Jean DANET, in RSC 2011, p. 414 ; Jean DANET « Le
nouvel alinéa de l’article préliminaire du CPP nous prémunit-il des erreurs judiciaires », AJPénal 2011,
p. 311 ; Crim. 31 mai 2011, n° 10-88293 ; Crim. 21 septembre 2011, n° 11-84979 ; Crim. 14 décembre
2011, n° 11- 81329.
269
Crim. 6 décembre 2011, n° 11-80326 ; Crim. 7 février 2012, n° 11-83676 ; Crim. 21 mars 2012, n°
11- 83637.
270
Cass (Belge). 13 mai 1986, Rev. dr. pén 1986, p. 905. Voir également H.-D BOSLY, « La régularité de
la preuve en matière pénale », J.T. 1992, p. 125; Henri-Damien BOSLY et D.VANDERMEERSCH, Droit
de la procédure pénale, Bruges, Die Keure, 2003, p. 548; Philippe QUARRE, « Le droit au silence », J.T.
1974, p. 525.

179
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

un quelconque aveu de culpabilité de sa part271. En France, entre la loi du 18 mars 2003


et celle du 14 avril 2011 précitées, aucune information n’était donnée à l’intéressé relatif
à l’existence de ce droit au silence, ce qui conduisait les enquêteurs à ne rien dévoiler
des droits de la défense dont pouvait se prévaloir la personne poursuivie afin de la
conduire à des aveux, qui auraient été obtenus en méconnaissance de cette garantie272.
En Belgique, cette garantie est plus ancienne, même si le procureur du Roi et le juge
d'instruction doivent veiller à la régularité des moyens de preuve rassemblés car tout
élément de preuve à charge acquis en dépit du principe de loyauté est nul273. Dans
l’hypothèse, enfin, où le prévenu souhaiterait plaider coupable, la collaboration à
l’enquête pourra conduire le juge pénal à considérer que cet aveu spontané sera
récompensé par une circonstance atténuante lors de la fixation de la peine274.

§3 – Le cadre légal de rétractation de l’aveu face à l’accusation

119- Le moment de la rétractation. En droit pénal, l'aveu peut être rétracté à


tout moment du procès, même après la clôture des débats275 et sa valeur, tout comme
celle de la rétractation, est laissée à l'appréciation souveraine des juges, en vertu du
principe de l'intime conviction276. En fait, si les preuves en matière pénale revêtent la
même force probante, la personne mise en cause pourra toutefois se rétracter, le juge
devant apprécier la validité de l’aveu s’il n’a pas été réitéré ou si le prévenu s’est
rétracté277. La rétractation de l’aveu est à l’initiative de l’intéressé car il porte sur le
contexte global de l’aveu judiciaire. En effet, la personne poursuivie peut revenir sur de

271
Léonard VAN DEN WYNGAERT, Chr., Strafrecht, Strafprocesrecht & Internationaal Strafrecht,
Anvers, Maklu, 2003, p. 596. A. SAZDOT, « Le droit au silence et le droit à l'assistance d'un avocat dès
les premiers stades de la procédure », note sous CEDH., arrêt MURRAY du 8 février 1996, J.L.M.B.
1997, p. 466 et R. VERSTRAETEN, Handboek strafvordering, Anvers, Maklu, 1999, nr. p. 728.
272
H.-D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Bruges, Die Keure, 2003, p.
549.
273
Cass. 22 mai 2001, T. Strafr. 2002, p. 36.
274
Chr. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruxelles, Bruylant, 2003, n° 510; Françoise
TULKENS et Michel VAN DE KERCHOVE, Introduction au droit pénal, E. Story-Scientia, 1997, p.
411.
275
Cass. crim. 19 août 1841, Bull. crim., n° 252 ; 28 juillet 1881, D. 1882, I, p. 185.
276
Cass. crim. 18 avril 1961, Bull. crim., n° 208 ; 17 déc. 1969, Bull. crim., n° 352.
277
Cass.crim., 29 octobre 1956, Bull. crim n° 476.

180
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

précédentes déclarations soit pour s’autoaccuser soit, à l’inverse, pour essayer de se


mettre hors de cause en invalidant de précédentes affirmations mensongères. Aussi,
l’aveu peut être rétracté en raison de sa fragilité. A ce titre, l’intéressé pourra redécrire
le contexte dans lequel il a été produit aux fins de faire apparaitre aux enquêteurs si ses
déclarations ont été ou non empreintes de sincérité. Il n’en demeure pas mois que la
possible rétractation figure comme la contrepartie d’une fragilité structurelle de l’aveu
(A) d’autant plus que, en matière de plaider coupable par exemple, cet outil pénal est
exclu (B). Au-delà des pièces versées à un dossier pénal, le juge d’instruction se fonde
également sur l’intuition, ce qui signifie qu’il ne dit pas que la preuve de la culpabilité
est établie, mais seulement qu’il existe des charges. Enfin, parce que l’aveu en matière
pénale est divisible, il pose encore la question du statut de la vérité judiciaire (C).

A) La rétractation : corollaire de la fragilité de l’aveu

120- Sans être totalement mensonger, l'aveu peut aussi déformer la réalité. Ainsi en
va-t-il des aveux de jactance où un individu, par vanité, entendra se faire de la publicité
en s’accusant de faits imaginaires. Ces aveux de jactance pourront se révéler conformes
mais le plus souvent seront inventés. Ce qui sera surtout prépondérant est l’incidence
réelle de l’aveu rétracté sur la suite du procès (1) dans un contexte où, à tort ou à raison,
la rétractation d’aveux de culpabilité préalablement passés, sera considérée en pratique
comme un mensonge (2) donc relèvera de la stratégie de l’auteur de l’aveu. En toute
hypothèse, c’est le juge qui, en dernier ressort, appréciera souverainement la valeur
réelle de cette rétractation (3).

1) Une position doctrinale : la faible incidence de la rétractation sur le procès

121- Le caractère amphibologique de l’aveu rétracté. Le processus de


rétractation de l’aveu est susceptible de deux lectures possibles, une théorique, l’autre
pratique. Si, en droit pénal l’aveu peut être rétracté à tout moment du procès, et ce
jusqu’à la clôture des débats, la valeur dudit aveu tout comme celle de la rétractation est
laissée à l’appréciation souveraine des juges. Il apparaît difficile d’en conclure avec
certitude, au nom d’un juridisme parfois décalé de la pratique, que l’aveu ait une faible

181
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

incidence sur le procès pénal. S’agissant de la portée réelle de l’aveu sur l’issue du
procès, il apparaît nécessaire de distinguer l’opinion que peuvent en avoir certains
professeurs de droit pénal du sentiment des praticiens, notamment les avocats pour
lesquels la rétractation n’a aucune influence sur l’issue du procès. De manière plus
nuancée, les auteurs estiment que l’aveu n’a qu’une incidence limitée sur l’issue du
procès car la personne mise en cause dispose toujours de la faculté de se rétracter ; au
surplus, l’aveu non circonstancié ne disposerait d’aucune valeur juridique. La
rétractation de l’aveu devra découler d’une cause d’erreur de fait admissible c’est-à-
dire, par exemple, obtenu par ruses ou menaces, donc par une preuve prépondérante. Or,
en vertu du principe d’intime conviction278, la valeur de l’aveu, tout comme celle de la
rétractation, est laissée à l’appréciation souveraine des juges, dont découle le système de
preuve morale. C’est à l’institution judiciaire qu’il appartiendra de déterminer,
librement et en conscience, si les preuves qui lui sont soumises emportent sa conviction.
En fait, le caractère anxiogène attaché à la reconnaissance de culpabilité est d’autant
plus fort que le type d’infraction à avouer revêt un caractère particulièrement grave car,
psychologiquement, le délinquant d’habitude saura anticiper la réponse pénale qui
résultera de son aveu, car il aura connaissance du quantum de la peine prévue en
l’espèce. C’est la raison pour laquelle, par exemple, en matière criminelle, si l’accusé
peut, à l’issue d’une garde à vue, reconnaître être l’auteur de l’infraction, il lui sera, en
revanche, très difficile de reconnaître que son acte a été prémédité, l’intéressé espérant
ainsi échapper à la qualification pénale d’assassinat au bénéfice du simple meurtre, dont
le quantum de la peine est inférieur. L’aveu pénal est ainsi étroitement lié à la stratégie
du délinquant qui anticipe dans son processus de décision (« avouer » ou pas) la
connaissance dont il dispose en matière pénale (« compte tenu de l’infraction que j’ai
commise, j’encours X années de prison ») ; or, en l’espèce, il va de soi que le délinquant
d’ habitude ou d’avenir prévoit plus aisément les conséquences attachées à ses actes
qu’un primodélinquant. En outre, le plus souvent, les délinquants habitués des prétoires,
ceux qui sont fichés au grand banditisme, n’avouent pas grand-chose, à telle enseigne
que la question de la rétractation de leurs aveux ne se pose pas ou rarement. Aussi,

278
Cass. crim. 18 avril 1961, Bull. crim. n° 208.

182
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

l’ignorance des conséquences juridiques attachées à l’aveu, que ce dernier ait été
consenti par erreur, par méprise ou obtenu par ruse, n’est pas de nature à constituer un
motif de rétractation, car seule la preuve prépondérante devra l’établir pour contredire
ou nuancer ledit aveu. A ce titre, par exemple, le code pénal espagnol a prévu un
système dans lequel, en dépit des aveux, la reconnaissance de culpabilité ne dispense
pas le juge d’instruction d’effectuer tous les actes nécessaires aux fins d’acquérir la
conviction de la sincérité de l’aveu et de l’existence de l’infraction. Aux termes de
l’article 406 du CPP espagnol, le juge doit ainsi interroger : « (…) l’inculpé qui a avoué
pour qu’il explicite toutes les circonstances de l’infraction et qu’il contribue, s’il le peut,
à conforter son aveu, en précisant s’il a été auteur ou complice et s’il connaît des
personnes qui ont été témoins ou qui ont eu connaissance du fait ».

2) En pratique : la rétractation considérée comme un mensonge

122- Une rétractation considérée comme suspecte. Pour le juge pénal, l’aveu
rétracté est assez fréquemment perçu comme un mensonge inadmissible. Dépositaire
d’une culture de l’accusation, le ministère public notamment estimera que la
reconnaissance des faits reprochés vaut déclaration certaine et définitive de culpabilité
même lorsque lesdits aveux émanent de personnes dont les casiers judiciaires ne portent
trace d’aucune condamnation. L’énigme de la rétractation peut cependant s’énoncer
comme suit : comment un individu considéré comme innocent de ce qui lui est reproché
pourrait-il en arriver à s’auto-accuser, donc mentir, sans que ledit aveu de culpabilité ne
traduise autre chose de plus intime chez ce « faux avouant » ? Autrement dit, cette
abdication volontaire ne signifie pas autre chose qui serait de l’ordre d’une souffrance
rendant possible cette auto-incrimination, dont le processus s’apparente à une forme de
suicide ? C’est la raison pour laquelle le juge tient de la loi la faculté d’interpréter l’aveu
comme tout élément de preuve. Ainsi, en raison de la fragilité de l’aveu comme mode
de preuve, le consensus qui peut en découler demeure douteux car il s’agira parfois
d’une incitation à s’auto-incriminer. A ce titre, par exemple, en matière de CRPC,
l’inexécution des termes de l’accord conduira au déclenchement de poursuites
classiques non seulement par le procureur de la République mais également par la partie

183
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

civile. L’aveu est par conséquent instable non seulement en raison de l’incertitude qui
plane sur la sincérité des propos tenus par l’accusé mais également parce que le
magistrat sera libre d’apprécier la force probante ou non de ladite rétractation au nom du
principe de divisibilité de l’aveu. La rétractation pourra s’avérer bénéfique pour la
personne poursuivie et lui profiter lorsque le juge estimera qu’elle neutralise les aveux
initiaux de culpabilité ; à l’inverse, la rétractation accablera davantage l’auteur de l’aveu
si le magistrat estime que cette démarche n’est pas sincère, donc que l’intéressé utilise
encore un stratagème pour tromper la religion de la juridiction. Dans la première
hypothèse, la rétractation sera réparatrice car elle viendra neutraliser la mise en cause
intiale découlant des aveux de culpabilité ; dans la seconde, elle s’avèrera afflictive ou
aggravante car elle ajoutera aux fausses déclarations intiales l’absence réitérée de bonne
foi du suspect.

3) Rétractation réparatrice et rétractation afflictive

123- Une liberté d’appréciation des aveux initiaux rétratés. Le juge pénal
dispose de toute latitude pour interpréter la rétractation des aveux de la même manière
que le contenu des aveux rétractés ; voire estimer que lesdits aveux spontanés étaient
inexacts. La liberté d’appréciation du magistrat fondée sur le principe de la divisibilité
de l’aveu peut se retourner contre la personne ayant rétracté sa culpabilité. Il est
possible d’affirmer que la rétractation des aveux pourra s’avérer soit réparatrice pour la
personne mise en cause lorsque, à l’issue de l’enquête il sera démontré que les aveux
rétractés permettent effectivement de l’innocenter ; soit, à l’inverse, la rétractation
pourra l’affliger davantage lorsque le juge estimera qu’en dépit de cette rétractation
tardive, l’auteur aura menti. En réalité, l’aveu est à l’image de celui qui y consent,
provisoire et précaire. Et si l’institution admet qu’une condamnation puisse reposer sur
l’unique aveu, les magistrats estimeront que lesdits aveux ne doivent pas être corroborés
par des témoignages ou des preuves matérielles afin d’être confortés par d’autres
éléments de preuve. En raison de la rétractation qui peut être soit afflictive soit
accablante, la question des garanties devant entourer la réception de l’aveu s’est posée
avec acuité, en France, à partir notamment de l’affaire Patrick DILS. L’accusé, en
l’espèce, avouera les faits six mois après son arrestation, soit le 30 avril 1987 avant de

184
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

tout nier en bloc, donc se rétracter. Certes, l’intéressé avait simultanément avoué puis
s’était ravisé à diverses reprises ; il fut condamné le 27 janvier 1989 à la réclusion
criminelle à perpétuité pour meurtre puis, au bout de treize années passées en détention,
fut innocenté. Or, c’est au nom d’une forme de sacralisation de l’aveu comme mode de
preuve que cette erreur judiciaire a été commise. Dans ce contexte, des critiques ont été
émises à l’encontre du déroulement de la garde à vue afin que cette mesure demeure
fidèle à la réalité de l’entretien. Il était, en effet, soutenu que les propos de l’accusé
avaient été recueillis de façon déloyale par un enquêteur attaché davantage à piéger le
suspect qu’à rechercher réellement la vérité en modifiant spontanément ses propos.
Dans ce cadre, l’officier de police judiciaire essaiera d’imposer sa version des faits et
non celle livrée par l’intéressé. Or, ces éléments attentatoires à la défense ont laissé
planer un doute sur la fiabilité d’une telle procédure. Pourtant, les aveux n'avaient pas
été isolés car les enquêteurs avaient réussi à faire avouer trois fois des meurtres commis
en septembre 1986. Toutefois, en dépit du caractère récurrent de ces fausses
déclarations, la culture inquisitoire française reste réfractaire à l’idée qu’elle puisse
commettre une erreur judiciaire.

Le législateur a également prévu que la rétractation serait impossible lors d’une


CRPC, estimant qu’il s’avèrerait difficile de reprendre des investigations interrompues
prématurément par un aveu dans l’hypothèse d’une rétractation. Il n’en demeure pas
moins qu’en vertu d’une tradition persistante en France davantage fondée sur une
culpabilité originaire que respectueuse du principe de la présomption d’innocence, la
rétractation de l’aveu de culpabilité reste souvent suspecte pour les magistrats chargés
de le recueillir. Car il subsiste, au-delà des louables intentions du côté du juge pénal
pour s’en défendre, une tendance naturelle le conduisant en pratique à accorder
davantage de crédit à une reconnaissance spontanée de faits qu’à un processus
conduisant une personne à se rétracter partiellement ou totalement.

185
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

B) Garde à vue, aveu puis CRPC : une rétractation impossible

124- La décision du Conseil d’Etat du 26 avril 2006279. Le juge administratif a


annulé certains points de la circulaire du 2 sept. 2004280 en ce qu'ils permettaient aux
policiers et aux délégués du procureur de «pré-proposer » à la personne poursuivie la
procédure de CRPC. La motivation de cette annulation est l'absence des garanties
prévues par l'art. 495-8 CPP lors de cette proposition par les policiers ou le délégué du
procureur, à savoir le respect des droits de la défense : en effet, à ces phases de la
procédure, l'avocat n'est pas présent aux côtés de la personne pour lui expliquer
l'incidence exacte de son accord à une CRPC et l'intéressé n'a pas une connaissance
précise de son dossier auquel seul l'avocat aura accès ultérieurement. Selon le
commissaire du gouvernement, une possibilité de suggestion d'orientation de la
procédure vers une CRPC sans la garantie que l'intéressé ait été assisté de son avocat
laisse planer le risque d'obtention d’aveux sous pression.

Dans le plaider coupable la personne bénéficie en effet d’un délai de réflexion de dix
jours durant lequel elle sera placée en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire.
Le Président du tribunal de grande instance s'assurera ensuite du consentement réitéré
de l’intéressé à la procédure et décidera ensuite d'homologuer ou non la proposition. Un
nouveau délai de dix jours s'ouvrira ainsi pour l'appel. Hors ce cas de figure, aucune
rétractation ne sera donc admise, la reconnaissance de culpabilité s’avérant irrévocable
avant même que la décision soit devenue irrévocable. Il s’agira, d’une certaine manière,
d’une culpabilité définitive avant-dire droit.

C) Divisibilité de l’aveu et marge d’appréciation du juge pénal

125- Divisibilité de l’aveu pénal et tri sélectif opéré par le juge. Contrairement à
l’aveu civil, l’aveu en procédure pénale est divisible, ce qui signifie que le juge peut
apprécier la valeur probante de l’aveu dans sa totalité ou bien ne retenir que certains

279
C.E., Syndicat des avocats de France n° 273757.
280
Cass. crim. 04-12 E8.

186
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

éléments de l’aveu qui lui paraissent probants. L’aveu est apprécié d’après les
circonstances subjectives et objectives qui ont accompagné l’infraction. Or, en matière
pénale, l’aveu ne constitue pas nécessairement une preuve en lui-même en raison
principalement de la faculté laissée à la personne mise en cause de se rétracter. Ce qui
n’est, en revanche, pas concevable en matière civile. Toutefois, en pratique, la question
se pose de savoir si le magistrat effectuera ce travail de tri sélectif entre les aveux qu’ils
lui paraissent probants et ceux qui, en revanche, ne seront pas retenus. Ce qui soulève la
question subséquente du critère d’appréciation du juge dans le choix ainsi opéré.

126- Indivisibilité de l’aveu en matière civile. En vertu de l’article 1356, alinéa 3


du Code civil, l’aveu judiciaire est indivisible281 même si cette règle d’indivisibilité
reste susceptible d’aménagements dans l’hypothèse, par exemple, d’aveu complexe,
c’est-à-dire lorsque, tout en reconnaissant le fait allégué par l’adversaire, l’intéressé
articule un élément matériel secondaire et distinct qui vient neutraliser indirectement la
portée du premier en créant une exception à son profit. La règle de l’indivisibilité subit
alors un aménagement. Selon le principe de connexité, l’aveu sera considéré comme
indivisible si le fait est connexe au premier, de telle sorte qu’il en présuppose
l’existence. Il suffit alors que l’aveu porte sur des faits ayant entre eux un rapport
naturel282. Et ce même si les faits se réfèrent à des périodes distinctes ou ne forment pas
un acte continu283. L’aveu est donc indivisible dans deux cas : s’il est judiciaire et non
extrajudiciaire284.

127- Divisibilité de l’aveu en matière pénale. En vertu de l’article 428 CPP,


l’aveu, comme tout élément de preuve, est laissé à la libre appréciation du juge.
L’institution apprécie souverainement la valeur probante des déclarations de

281
CA Paris, 5eme ch. B, 4 mai 1995: Juris-Data n° 021545. – CA Aix, 1re ch., 18 janvier 1994: Juris-Data
n° 042118. –CA Angers1re ch. B, 6 janvier 1993 : Juris-Data n° 043289.- CA Poitiers, ch., civ., 2eme sect.,
23 juin 1993 : Juris-Data n° 048651.
282
Cass.civ., 31 mai 1932 : DH 1932, p. 378. – Cass. 1re civ., 5 mars 1956 : Bull. civ. I, n° 110.
283
T. civ. Thonon, 26 février 1932 : Mon. J.P. 1932, p. 153.
284
Cass. 1re civ, 2 février 1970, jurispr. p. 265. – En matière pénale : Cass. crim., 20 mars 1974 :JCP G
1974, IV, p. 168. – 10 mai 1988 : JCP G 1988, IV, p. 248.

187
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

l’intéressé285. Alors qu’en matière civile, l’aveu est indivisible et irrévocable, l’aveu en
matière pénale est divisible286. En vertu du principe d’intime conviction, le juge pénal
pourra apprécier l’aveu dans toutes ses parties et ne retenir que ce qui lui paraît probant.
Toutefois, il devra déceler dans les faits de la cause la preuve de l’inexactitude partielle
de l’aveu287. Car l’intime conviction est la conséquence logique d’un sytème de preuve
morale qui laisse au magistrat le soin de déterminer, en conscience et librement, si les
preuves soumises à son appréciation sont suffisamment convaincantes pour emporter sa
conviction. Il s’ensuit que l’aveu peut donc être rétracté. Il a ainsi été jugé que
lorsqu’une personne se présente spontanément aux services de police et effectue des
aveux, elle pourra être intérrogée comme témoin pour la confronter à ses dénégations
antérieures288. Toutefois, l’aveu n’est divisible que s’il porte sur la preuve et
l’imputabilité de l’infraction pénale. Il est donc indivisible lorsque le juge doit se
prononcer, accessoirement au procès pénal, sur une question de droit civil soumise aux
règles civiles de la preuve. Ainsi, lorsque l’infraction suppose la violation d’un contrat,
par exemple, le dépôt en matière d’abus de confiance, tel qu’il était prévu par l’ancien
article 408 du Code pénal, le principe de l’indivisibilité de l’aveu s’applique à la preuve
de l’existence du contrat car cette preuve est gouvernée par les règles du droit civil289.
Cependant, la règle de l’indivisibilité de l’aveu édictée par l’article 1356 du Code civil
ne s’applique pas, en revanche, aux délits d’abus de biens sociaux et de détournement
d’actif290 ou à la preuve du détournement, élément de fait extérieur au contrat en matière
d’abus de confiance291. Il en est de même lorsque le juge trouvera la preuve de
l’inexactitude partielle de l’aveu dans la fausseté et l’invraisemblance des déclarations
du prévenu292.

285
Cass. crim., 28 octobre 1981 : Bull. crim. 1981, n° 224. – Cass. crim., 4 janvier 1985 : Bull. crim. 1985,
n° 11.
286
Cass. crim., 13 mars 1973 : Bull. crim. 1973, n° 123.
287
Cass. crim., 3 mai 1966 : Bull. crim. 1966, n° 134.
288
Cass.crim., 25 juin 2003, pourvoi n° 02-86.723.
289
Cass. crim., 20 mars 1974 : Bull. crim. 1974, n° 123.
290
Cass. crim., 20 mars 1974, cité supra n° 96.
291
Cass. crim., 27 avril 1968 : Bull. crim. 1968, n° 127 ou au délit de recel; Cass. crim., 10 mai 1988 :
Bull. crim. 1988, n° 204.
292
Cass. crim., 6 août 1932 : Bull. crim. 1932, n° 202.

188
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

L’aveu peut donc être rétracté par son auteur à tout moment de la procédure et même
après la clôture des débats293. Mais les juges restent libres d’apprécier souverainement
la valeur d’une telle rétractation294.

§4 - Interrogatoire devant les juridictions d’instruction et de jugement

128- La rétractation de l’aveu peut effectivement intervenir à l’issue de la mesure de


garde à vue, lors de la présentation de la personne soupçonnée devant le juge
d’instruction (A), voire, après la clôture de l’enquête, lors du renvoi de l’intéressé
devant la juridiction de jugement (B).

A) L’aveu devant le magistrat instructeur

129- Prohibition des mises en examen tardives. Au visa des dispositions


contenues à l’article 105 CPP, l’aveu passé par un témoin au cours d’une instruction
n’entraîne pas l’obligation pour les enquêteurs de cesser l’audition et de déférer
l’intéressé. Les policiers pourront donc vérifier si ledit aveu est vraisemblable295. Ainsi,
le magistrat instructeur qui continuera à entendre en qualité de témoin, donc sous
serment, un individu qui sera passé aux aveux ne contreviendra pas aux dispositions de
l’article précité. Dès lors, ce juge pourra procéder à des vérifications de nature à le
convaincre de la crédibilité desdits aveux, à condition que la poursuite de l’audition
n’entrave pas les droits de la défense296. De surcroît, si la personne entendue comme
témoin se révèle être ultérieurement impliquée dans les faits poursuivis, aucune cause
de nullité ne pourra être tirée de sa prestation de serment précédente297. Dès lors, seule
l'existence d'indices graves et concordants proscrivent l'audition de l'individu gardé à
vue sous serment et entraînent la nullité.

293
Cass . crim., 28 juillet 1981 : DP 1882, 1, jurispr. p. 185.
294
Cass. crim., 18 décembre 1969 : Bull. crim. 2003, n° 24 ; Procédures 2003, comm. p. 123, note
Jacques BUISSON.
295
Cass. crim. 24 février 1987, Bull. crim., n° 93.
296
Cass. crim. 16 juin 1981, Bull. crim., n° 207.
297
Cass. crim. 14 mai 2002, n° 02-80.721 , Bull. crim., n° 111 ; 15 janvier 2003, n° 02-86.962.

189
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

Une autre difficulté provient de la contradiction entre le principe du secret de


l’instruction et la logique induite par l’aveu de culpabilité.

130- Secret de l’instruction et aveu de culpabilité. En théorie, le principe du


secret de l’instruction consiste à empêcher la recherche des preuves de l’innocence
avant la clôture de l’information judiciaire. Or, la raison même de la garde à vue et de la
présentation ultérieure de la personne soupçonnée devant un magistrat instructeur dans
le cadre d’un interrogatoire de première comparution est précisément l’obtention
d’aveux. D’un côté, la vérité de l’instruction ne doit en rien être dévoilée mais, d’autre
part, il est instamment requis de la personne mise en cause qu’elle révèle sa vérité ou la
vérité. Témoin en est, par exemple, l’exigence du secret de l’instruction confronté à la
question de l’aveu de culpabilité. Face au secret de l’instruction, la personne mise en
examen craint parfois pour sa vie (familiale et professionnelle) en avouant, l’aveu de
culpabilité s’apparentant ainsi à une concession gratuite envers l’institution judiciaire
dans la mesure où l’intéressé ne dispose d’aucune garantie en retour que l’accusation se
montrera plus clémente à l’issue de ses déclarations. Aussi, le juge ne peut, dans le
cadre de son enquête, user de procédés déloyaux afin de provoquer et d'obtenir des
aveux. Cette solution a été affirmée dans un célèbre arrêt rendu par la Cour de cassation
le 31 janvier 1888298 : un magistrat instructeur avait téléphoné à un complice en imitant
la voix d'une des personnes mises en cause et avait, par ce subterfuge, obtenu des aveux.
La recherche de l'efficacité ne saurait permettre une violation claire des préceptes de
procédure pénale, et notamment du principe de loyauté dans la recherche des preuves299.
Si l’aveu est recueilli lors d’une expertise, le procédé doit être alors entouré de toutes les
garanties légales. Seul le juge d'instruction pourra exercer des pouvoirs d'enquête et
d'interrogatoire, sous réserve des règles propres aux commissions rogatoires. C'est la
raison pour laquelle la Cour de cassation déclare nulles les expertises dites « psycho
criminologiques» 300 à fins de « formuler toutes observations techniques qui paraîtront

298
Cass. (Ch. réunies) 31 janvier 1888 (S. 1889 I 241)
299
Pierre BOUZAT, La loyauté dans la recherche des preuves, in Mélanges Hugueney, Paris, Sirey,
1964, p. 155.
300
Cass. crim. 29 janvier. 2003, n° 02-86.774, Bull. crim. n° 22.

190
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

utiles à la manifestation de la vérité » : la Cour de cassation a estimé que sous couvert


de mission d'expertise, le juge était parfois conduit à déléguer des pouvoirs relevant de
sa seule compétence. La personne expertisée doit avoir la garantie que l'expert ne
partagera pas le secret des entretiens puisqu’il s’agit de faits qui sont niés par
l’intéressé. En toute hypothèse, aucune personne poursuivie ne se confierait à l'expert
psychiatre si elle n'avait l'assurance que ses propos ne sont couverts par le secret
médical. En cas d'aveu, aucun procès-verbal constatant celui-ci n'est établi, et il
n’importe que les dires de l'accusé divergent selon qu'il s'adresse à l'expert psychiatre ou
au juge d'instruction. Il n'y a ni aveu judiciaire, ni rétractation de celui-ci. Cependant,
bien qu'il ne le consigne pas dans un procès-verbal, l'expert fait état de cette
reconnaissance des faits dans son rapport d'expertise sans être poursuivi pour violation
du secret médical. En revanche, de tels procédés ne sont pas entièrement écartés
lorsqu'ils sont utilisés dans le cadre d'une expertise scientifique diligentée par le juge, et
qu'ils entrent dans le cadre des mesures autorisées par le CPP. On distingue à cet égard,
depuis la célèbre affaire de « Cens »301, la narco-analyse (prohibée) et le narco-
diagnostic. En l’espèce, il s'agissait non pas de rechercher l'aveu de l'individu, mais
seulement de vérifier si le sujet, qui se prétendait aphasique, était ou non un simulateur.
Un autre procédé est celui du détecteur de mensonge ou polygraphe destiné à recueillir
les réactions physiques de l'individu pendant un interrogatoire où sont mêlées des
questions anodines et des questions liées aux circonstances de l'infraction302. Dans ce
cadre, le polygraphe est censé indiquer si le sujet ment ou dit la vérité. Utilisé aux États-
Unis, il est interdit non seulement en France, mais également dans les pays d'Europe,
car on considère qu'il traduit davantage l'émotivité d'un sujet que sa culpabilité
éventuelle et ne permet pas d'obtenir une vérité matérielle. Le procédé est donc rejeté. À
la différence des pays anglo-saxons, la législation française ne connaît pas le détecteur

301
T. corr. Seine, 23 février 1949, D. 1949, p. 287, JCP 1949, II, p. 4786, note BADIE et KOOPS.
302
F. MANDET, « Le polygraphe et son utilisation en justice », RICPT 1959, p. 298 ; J. SUSINI, « Un
nouveau chapitre de police scientifique : la détection objective du mensonge », RI crim. et pol. tech. 1960,
p. 326. Pour une étude plus récente, voir le mémoire de Melle Gersende LEMAITRE intitulé La maîtrise
de la police scientifique et technique par la gendarmerie nationale, DEA Droit et justice (2001-2002),
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Lille II.

191
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

de mensonge, les autorités judiciaires ne l'utilisent pas et cet instrument ne suscite pas
de débats en droit interne.

B) L’aveu devant les juridictions de jugement

131- La simple réception des déclarations de l’accusé par le Président. Devant la


Cour d'assises, au visa de l'article 328 CPP, « Le président interroge l'accusé et reçoit
ses déclarations. Il a le devoir de ne pas manifester son opinion sur la culpabilité » 303.
Cette disposition prévoit ainsi que le président de la cour voit, en théorie, son office le
plus souvent cantonné à l’interrogatoire de l’accusé et à la réception de ses déclarations.
Il ne faut toutefois pas confondre cet interrogatoire sur le fond de l'affaire avec celui
d’identité prévu à l'article 294 dudit code où le magistrat vérifie seulement les nom,
prénom, date et lieu de naissance, profession et résidence de l’intéressé.

132- Les garanties encadrant l'aveu : prohibition du serment et garantie contre


un possible mensonge. Dans tout débat judiciaire, la question de la preuve est
primordiale, même si elle s’avère difficile à rapporter, hors le cas du flagrant délit. C’est
dire combien l’aveu doit être entouré de garanties qui doivent en attester la validité. Sur
un plan historique, le serment de l'accusé fut supprimé à la Révolution304. En vertu du
principe de liberté de défense, il était désormais reconnu implicitement un droit au
mensonge ou, à tout le moins, celui de ne pas s'auto-accuser et de garder le silence. A ce
titre, il est étonnant de constater que ce droit au mensonge est contemporain, dans
l’histoire des idées, de l’émergence en Europe en général, en France en particulier, d’un
« siècle des Lumières » dont l’idée principale était celle de progrès et qui, au nom de
louables intentions, a légitimé le mensonge pénal comme symbole paradoxal d’une
liberté retrouvée. En effet, dès 1780, dans son pamphlet consacré à L’art du mensonge
(1783), Jonathan SWIFT déclare : « l’art du mensonge est l’art de faire croire (…) des

303
Loi 93-1013 1993-08-24 art. 28 JORF 25 août 1993 en vigueur le 2 septembre 1993.
304
L. des 8 et 9 octobre 1789.

192
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER - L’ELABORATION D’UN CADRE LEGAL
DE RECEPTION DE L’AVEU

faussetés salutaires, pour quelque bonne fin (…)»305. Aussi, dès le XVIIIème siècle,
l’interrogatoire d'un accusé entendu sous la foi du serment serait entaché d’une nullité
d'ordre public306. En conséquence, seuls les témoins sont astreints au serment de dire la
vérité, tant durant l'instruction (art. 103) que lors de l'audience de jugement devant la
cour d'assises (art. 331, al. 3, à l'exception des personnes visées par l'article 335 devant
le tribunal correctionnel (art. 437 et s.) et devant le tribunal de police (art. 536 qui
renvoie aux dispositions applicables au jugement des délits).

305
Jonathan SWIFT, La question de 1780 était la suivante : « Est-il utile de tromper le peuple ? », in L’art
du mensonge, Grenoble, Editions Jérôme MILLION, 1993, p. 34.
306
Cass. crim. 6 janvier 1923, DP 1924, 1, 175 ; S. 1923, I, p. 185, note ROUX ; CA Riom
23 novembre. 1960, JCP 1961, II, p. 11952, note CHAMBON.

193
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

CHAPITRE SECOND : EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

133- Propos liminaires : aveu pénal et Etat de droit, des logiques antinomiques.
Sur le plan jurisprudentiel et législatif, l’aveu reste fortement encadré. Dans le cadre
d’une garde à vue, l’obtention d’aveux factices en raison de l’épuisement physique et
moral du suspect alors que lesdits aveux auraient été obtenus, au surplus, avant
notification des droits à l’intéressé « porte nécessairement atteinte aux intérêts de la
personne concernée» 307. La CEDH a considéré qu’« une condamnation fondée
uniquement sur les dépositions d’un témoin à charge, que l’accusé ou son conseil n’a
pu interroger à aucun stade de la procédure, est contraire aux dispositions de l’article
6 de la CEDH »308 ; la présomption a pour conséquence le droit de ne rien dire qui
puisse s’accabler. Le processus d’aveu se doit donc d’être particulièrement contrôlé. En
effet, il demeure un mode de preuve fragile car il consiste pour une personne
soupçonnée à reconnaître non seulement sa culpabilité mais également les conséquences
pénales qui en découleront. L’aveu doit cependant être libre et spontané même si, en
réalité, il ne l’est que rarement. Ce que le juge souhaite déceler, au travers des réponses
qui lui sont fournies, c’est une certitude quant à la culpabilité, c’est à dire à la fois une
responsabilité pénale mais aussi son imputabilité. Sa valeur probante découle d’une
présomption, celle que la personne interrogée n’effectue pas de déclaration fausse et
nuisible non seulement aux intérêts de la justice mais également à ceux qu’elle entend
défendre. Aussi, durant la phase d'enquête policière, aucun serment n'est requis des
personnes qui sont auditionnées309, car certains pourraient rapidement s'avérer être non
des témoins, mais des suspects310. En réalité, ce droit au mensonge en matière pénale ne
recoupe pas exactement une véritable permission de nature législative à tromper
l’enquêteur dans le cadre d’une garde à vue. Si le mensonge est communément défini
307
Cass. crim., 30 avril 1996, Bull. crim., n° 182; RSC 1996, p. 879, obs. Jean Pierre DINTILHAC; 18
juin 1998, Bull. crim., n° 200 ; D. 1998, IR p. 209 ; RSC 1998, p. 785, obs. Jean Pierre DINTILHAC ;
Procédures 1999, Comm. n° 15, obs. Jacques BUISSON. - V. aussi, 15 décembre 1999, Bull. crim., n°
311 ; 31 oct. 2001, Bull. crim., n° 226 ; D. 2001, IR p. 3586.
308
CEDH 13 novembre 2003, RACHDAD c/ France. (req. nº 71846/01).
309
C. pr. pén., art. 62 et 78.
310
V. SCREVENS, « Le statut du témoin et sa protection avant, pendant et après le procès pénal », RSC
1989, p. 3.

194
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

comme l’art de tromper sciemment et délibérément l’autre, le droit au mensonge en


matière pénale ne revêt pas exactement la même signification. Il renvoie davantage à un
droit de ne pas contribuer, par l’aveu, à son autoaccusation, donc de faciliter le travail
des officiers de police judiciaire, puis du magistrat instructeur. A ce titre, le mensonge
peut s’avérer partiel et non absolu. Car la personne soupçonnée pourra souhaiter
masquer la vérité lorsque des éléments matériels versés au dossier ne la confondent pas
suffisamment ; en revanche, reconnaître partiellement les faits reprochés lorsqu’ils
s’avèreront accablants, par exemple lors d’interceptions d’écoutes téléphoniques. De
plus, ce droit au mensonge n’est pas davantage un droit au silence, lequel renvoie
davantage au secret de la confession qu’à un acte positif (les déclarations effectuées lors
de son audition par le suspect), fût-il partiellement ou totalement fallacieux. La faculté
dont dispose le suspect de mentir ou de se dérober à la réalité avec plus ou moins de
bonheur dépendra étroitement de la nature du service qui recueille ses propos. Il
apparaîtra particulièrement difficile d’essayer de tromper un enquêteur spécialisé
exerçant ses activités au sein d’une la brigade criminelle car les moyens sophistiqués
dont disposent ces services ne laissent planer que peu de doutes sur l’implication des
personnes soupçonnées, notamment lorsque l’examen approfondi des empreintes
génétiques de la personne interrogée vient corroborer la thèse des enquêteurs, donc
asseoir une future culpabilité.

En même temps, sur un plan théorique, il n’existe pas d’interprétation objective des
lois : « subjective et intensément politique, l’interprétation judiciaire des lois semble
vouée à demeurer fondamentalement antidémocratique »311et arbitraire. Il s’ensuit que
l’Etat « n’est pas un Etat soumis au droit » comme l’écrit Michel TROPER, mais
davantage, en réalité, un « Etat soumis au juge»312 et s’agissant des magistrats du
parquet, un ministère public soumis au pouvoir politique. Aussi, l’examen de la
conformité des actes de l’Etat à un droit supérieur se conclut-il nécessairement par un
jugement qui n’est pas l’énoncé d’une vérité, mais l’expression d’une décision. Par
conséquent, ce n’est pas en vertu d’une vérité que le droit s’impose mais en raison de
l’autorité du juge, autorictas non veritas facit jus. Dès lors, la certitude de la répression

311
Michel TROPER, « Le concept d’Etat de droit », Droits, n° 15, 1992, p. 57.
312
Michel TROPER, ibid p. 57.

195
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

constitue l’objectif essentiel de cette défense de l'ordre social. Il s’ensuit que la peine est
un élément juridique définissant le droit sur un mode essentiellement négatif. Or, cet
impératif contrevient au principe d’innocence présumée dont peut se prévaloir le mis en
cause car il a rang constitutionnel (SECTION PREMIERE). En effet, si la culpabilité est
considérée, dans notre tradition religieuse fondée sur le pêché originel, comme
fondamentale, pourquoi ne reconnaître alors qu’une culpabilité de fait, celle découlant
de la commission d’une infraction donc de l’examen proritaire de l’élément matériel.
Par conséquent, le contrôle de l’aveu apparaît d’autant plus important qu’il favorise un
équilibre des acteurs aux procès (SECTION SECONDE). En effet, l’observation
attentive des juridictions tend à réduire les inégalités découlant du rapport de force entre
le ministère public et la défense. A la faveur du développement des procédures
accélérées de traitement du contentieux pénal, notamment le mode particulier de
poursuite du plaider coupable, le risque d’un aveu pénal recueilli sans réel contrôle du
juge du siège est à craindre, ce qui renforcera encore davantage les pouvoirs dévolus au
ministère public, et donc un recul des droits de la défense. En marge du domaine de la
CRPC, une autre évolution globale semble se dessiner en faisant de l’aveu un élément
non déterminant du choix des modes de poursuite par le parquet. En effet, le ministère
public va, a priori, choisir un mode de poursuite rendu nécessaire par l’orientation
d’une politique pénale d’écoulement des dossiers. Ainsi, l’aveu viendra justifier a
posteriori le choix d’un mode de règlement des contentieux pénaux.

SECTION PREMIERE : AVEU ET PRINCIPE DE PRESOMPTION D’INNOCENCE

134- Une religion de l’aveu. Avec l’émergence d’une religion de l’aveu de plus en
plus prégnante, la question se pose de savoir quelle valeur réelle, au-delà des louables
intentions et de son rang constitutionnel, accorder à l’article 9 de la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen (§1). Tout se passe comme si le texte précité, en dépit
de sa dimension supra-législative, ne revêtait, pour la plupart des magistrats, in
concreto, qu’une valeur symbolique voire mythique plus que juridique. Il existe un
décalage entre la théorie juridique (la place de ce principe au sein de la hiérarchie des
normes) et les garanties concrètes dont peuvent se prévaloir les justiciables. Cette
dissociation légitime ainsi des atteintes à la présomption d’innocence considérées
comme nécessaires à l’administration de la preuve (§2).

196
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

§1 - Le sens de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen


de 1789 (DDHC)

135- L’autorité judiciaire garante de la liberté individuelle. Il résulte des


dispositions combinées des articles 8 et 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du
Citoyen ainsi que 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 que l’autorité judiciaire, en
tant que gardienne de la liberté individuelle, doit assurer le respect de la présomption
d’innocence ainsi que la sauvegarde des principes de nécessité et de proportionnalité des
peines. Cette garantie constitutionnelle apportée aux droits de la défense suppose, en
conséquence, que lorsque le Parlement intervient en matière pénale, le législateur doit
veiller à une stricte proportionnalité entre les exigences de nature constitutionnelle et la
nécessaire préservation de l’ordre public. Il s’infère de ces dispositions que la procédure
pénale doit cantonner les pouvoirs dévolus aux autorités de poursuite afin que les
prérogatives dont disposent les parties ne soient pas trop déséquilibrées. C’est
également pour cette raison que le législateur se doit de réglementer l’office du juge
répressif pour, le cas échéant, contrecarrer la toute-puissance du parquet. C’est toutefois
avec la mise en oeuvre de la procédure de CRPC et l’idée d’étendre ce mode de
poursuite en matière criminelle que cette question a été soulevée avec le plus d’acuité.
Après avoir rappelé les contours du principe constitutionnel de présomption
d’innocence (A) nous examinerons dans quelle mesure il apparaît antinomique de
solliciter dans ce cadre l’aveu pour établir une culpabilité. En effet, sur un plan logique,
si une personne mise en cause est censée être présumée innocente, on ne s’accorde pas
alors sur la nécessité paradoxale de devoir obtenir ses aveux. Ce qui permettra en outre
aux autorités de poursuite, avant même le jugement sur le fond, de se fonder sur des
présomptions de culpabilité ab origine (B). Il est donc possible d’avancer qu’à rebours
des avancées du droit positif, s’opère en pratique un contournement du principe de
présomption d’innocence par cet aveu explicite de culpabilité ainsi requis (C).

A) L’origine du principe constitutionnel de présomption d’innocence

136- Des objectifs antinomiques. En théorie, l’exigence de l’aveu dans un contexte


où la personne soupçonnée est présumée innocente constitue un objectif
contradictoire (1) lié davantage à une quête d’efficacité du côté des enquêteurs, qu’à un
strict respect des normes en vigueur. En effet, si l’origine du principe de présomption
197
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

d’innocence doit être recherchée dans l’esprit des philosophes du siècle des Lumières
dont on retrouve l’expression dans l’article 9 de la Déclaration des droits, principe érigé
par le Conseil constitutionnel en principe à valeur constitutionnelle (2), il n’en demeure
pas moins qu’en pratique reste posée la question de la valeur et de la portée effective de
ce texte (3).

1) Présomption d’innocence et autoaccusation

137- Un décalage entre la théorie et la pratique. La notion de présomption


d’innocence s’articule difficilement à une logique conduisant à l’autoaccusation. En
effet, puisque la personne est présumée innocente, on ne s’accorde pas sur les raisons
pour lequelles il serait urgent de rechercher l’aveu. Il s’ensuit que l’aveu doit toujours
être corroboré objectivement et ne pas refléter la simple intuition du juge pénal lequel
ferait prévaloir sa subjectivité, donc une conception méta-juridique non seulement
contraire au droit positif mais également à son office. L’aveu doit ainsi être attesté par
des éléments objectifs et circonstanciés. Or, la question de l’innocence présumée semble
relever du paradoxe car, tout d’abord, en pratique, les deux exigences, celle de
présomption et celle d’innocence apparaissent antinomiques ; ensuite, le justiciable
éprouve toujours autant de difficultés à comprendre la logique d’une présomption
d’innocence rapportée à l’exigence contradictoire de détention provisoire. A ce titre, les
abus de l’incarcération provisoire conduisent à envisager le principe de présomption
d'innocence davantage sous l’angle paradoxal de la privation de liberté. Il s’agit, par
conséquent, d’un principe à valeur constitutionnelle solide sur un plan théorique mais,
en pratique, peu respecté par le juge pénal313. Sur le fondement de la violation de
l’article 6§1 CEDH, la Cour européenne a posé le principe du « droit à de ne pas
témoigner contre soi-même », cette garantie procédurale constituant un principe général
consacré dans les ordres juridiques des Etats contractants, la Convention européenne et
le Pacte international sur les droits civils et politiques (article 14) : il l’est également par
la CJCE, dans l’arrêt ORKEM du 18 octobre 1989314. En outre, l’article 14, §3, g, du
Pacte international sur les droits civils et politiques adopté à New York le 16 décembre
1966 par l'Assemblée générale des Nations unies, énonce que toute personne accusée

313
Cass. crim. 28 janvier 1998, n° 97-83.196.
314
CJCE, 18 octobre 1989, aff. 394/97, Orkem: Rec. CJCE 1989, p. 3283, pt 30, concl. Marco DARMON.

198
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, à ne pas être forcée de témoigner
contre elle-même ou d’avouer sa culpabilité. Cependant, ce texte ne comporte pas de
protection internationale obligatoire et contraignante en cas de non-respect d’un Etat ;
en revanche, l’article 6 CEDH ne fait pas référence expressément au droit de garder le
silence mais à un droit « (…) à de ne pas s’incriminer soi-même » lequel est protégé par
la Convention. Toutefois, à partir du moment où un litige, relève même partiellement de
la qualification d’« accusation en matière pénale » au sens de l’article 6 susdit, une
obligation au respect du droit de se taire et de ne point contribuer à sa propre
incrimination naît à la faveur de la partie du litige visée par ladite qualification.

En réalité, il semblerait que la temporalité du procès pénal soit binaire ; elle est celle
de l'innocence puis devient celle de la culpabilité et inversement315. Or, la présomption
d'innocence n'est pas protectrice de la personne poursuivie, mais davantage rassure le
magistrat car le jugement vient désormais transformer un possible innocent en probable
coupable. Car celui qui est reconnu coupable par le juge sur le fondement d’aveux doit
être coupable pour la société, cette culpabilisation étant récupérée et instrumentalisée
par un espace médiatique souvent enclin, par ignorance ou connaissance partielle du
dossier, à l’exagération. Pourtant, la notion de présomption d’innocence a été
rapidement érigée par le Conseil constitutionnel en principe à valeur constitutionnelle.

2) Un principe à valeur constitutionnelle dégagé par le Conseil constitutionnel

138- Portée de l’article 9 DDHC. Il découle de cette disposition que :

« Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il
est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour

315
C’est cette idée qui transparait dans l’affaire KONSTAS c/ Grèce, (CEDH, 1ère section, 24 mai 2011,
KONSTAS c/ Grèce (req. n° 53466/07)). En effet, le requérant alléguait qu’il n’avait été autorisé ni à
produire certaines preuves devant la Cour d’assises d’Athènes ni à examiner un témoin à décharge,
éléments qui auraient été cruciaux pour l’issue de la procédure. En outre, selon M. KONSTAS la
présomption d’innocence aurait été violée, ce qui aurait gravement porté préjudice à ses droits. En
l’espèce, la Cour a rappelé, tout d’abord qu’elle avait déjà considéré lors de la phase préliminaire d’une
affaire pénale, que les déclarations des autorités publiques ne sauraient inciter le public à croire à la
culpabilité de l’accusé ; ensuite, de préjuger de l’appréciation des faits par les juges compétents. Enfin,
que l’invalidation du principe de présomption d’innocence ne pouvait intervenir que par la condamnation
légale définitive de l’intéressé.

199
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi [DDH, 26 août 1789,
art. 9] ».

Deux principes peuvent être dégagés du texte précité : celui de présomption


d’innocence et celui de proportionnalité appliqué, en l’espèce, aux mesures de
coercition. La procédure pénale doit ainsi contenir les pouvoirs dévolus à l’autorité de
poursuite et réglementer l’office du juge répressif. Erigée en principe à valeur
constitutionnelle par le Conseil constitutionnel, la présomption d’innocence repose sur
trois décisions316, celles du 8 juillet 1989317 et du 2 février 1995318 relative à
l’acceptation d’une injonction pénale prononcée par le ministère public,319 ensuite, celle
n°99-408 DC du 22 janvier 1999 à propos du « Traité portant statut de la Cour
pénale »320 en vertu duquel, en application de l’article 67 dudit texte, l’accusé bénéficie
de la garantie incombant au ministère public de la charge de la preuve ainsi que de celle
de la réfutation. L’article 9 de la DDHC de 1789 pose le principe d’une présomption
d’innocence jusqu’à la déclaration de culpabilité et, combiné à l’article 66 de la
Constitution, il appartient à la juridiction judiciaire, non au parquet, à l’issue d’un débat
contradictoire puis public de se prononcer sur l’innocence ou la culpabilité de la
personne mise en cause. Il s’ensuit qu’il incombe à l’autorité de poursuite de rapporter
la preuve de la culpabilité de la personne poursuivie sans que celle-ci puisse renoncer à
cette garantie conférée par le juge constitutionnel aux droits de la défense.

3) La question subséquente de la valeur juridique réelle de la Déclaration des


droits de 1789

139- Une interprétation subjective du domaine de la loi par le juge


constitutionnel. Le constitutionnaliste Dominique ROUSSEAU déclare à ce propos :

316
L’article 9 DDH n’est pas visé dans la décision n° 80-127 DC (Cons. const. 19 et 20 janvier 1981, aff.
Sécurité – Liberté : Rec. Cons. const. p. 15).
317
Cons. const. 8 juillet 1989, Loi d’amnistie : Rec. Cons. const. p. 48 ; D. 1990, somm. obs.
Dominique CHELLE et Xavier PRETOT, p. 138.
318
Code constitutionnel, Paris, Litec, 2010 p. 195.
319
Thierry Sylvain RENOUX et Michel de VILLERS, Code constitutionnel, Dominique ROUSSEAU,
droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien, 9ème édition, 2010, Préface du Doyen VEDEL p.
110.
320
Cons. const. 22 janvier 1999, Traité portant statut de la Cour pénale, Décision n° 98-408DC, portant
statut de la CPI, D. 1999, p. 285.

200
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

« Aucune hiérarchie ne peut prendre appui sur le défaut du mode d’élaboration de l’un
ou de l’autre : les deux textes (la Déclaration et le Préambule de 1946) ont été
proclamés dans les mêmes formes, par des Assemblées également constituantes et selon
une procédure également régulière. Aucune inégalité de valeur ne peut être tirée de la
contrariété de leur contenu : sauf à introduire sa subjectivité, son opinion
personnelle (…) ».321 Dans une décision du 29 décembre 2005, le Conseil a ainsi jugé
que s’il est loisible au législateur statuant dans le domaine de sa compétence de modifier
des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant d’autres dispositions, il ne
saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En
l’espèce, il méconnaîtrait la garantie des droits proclamés par l’article 16 de la
Déclaration de 1789 s’il portait atteinte aux situations légalement acquises « une atteinte
qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant »322. Dès lors, l’impératif de
sécurité doit être concilié et non se heurter avec un autre droit, celui à la sûreté, tel qu’il
découle de l’article 2 dudit texte, c’est dire avec le droit de n’être ni poursuivi, ni arrêté,
ni condamné arbitrairement.

La protection de la liberté individuelle repose aussi sur l’article 16 de la Déclaration


susvisée selon laquelle : « Toute société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas
assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».

A ce titre, les textes prévoyant le droit à la sûreté (articles 7, 8 et 9 de la Déclaration


de 1789), tout comme ceux composant le texte révolutionnaire, font partie intégrante
d’un bloc de constitutionnalité ayant une valeur supra-législative, c’est-à-dire une
autorité équivalente à celle de la Constitution. La loi du 9 mars 2004 susvisée contredit
la portée théorique de la Déclaration précitée car elle pose la question de sa valeur
juridique effective au sein de notre Etat de droit. Il s’agit d’une difficulté d’autant plus
délicate que la Déclaration de 1789 s’était vue reconnaître un rôle majeur dans la
consécration en France de l’Etat de droit. L’interrogation porte sur la réelle signification
et portée du principe précité confronté au processus d’aveu non seulement au regard du

321
Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, 4ème édition, 1995, p. 110. Préface de
Georges VEDEL, Montchrestien.
322
Const. cons. décision n° 2005-530 DC, 29 décembre 2005, p. 20705 et CEDH, 25 février 1993, série
A, aff. FUNKE c/ France, n° 256, JCP, 1993, II, p. 22073, note Jean-François RENUCCI.

201
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

droit et de la procédure pénale mais également de la philosophie pénale pouvant en


découler. Une contradiction est à déplorer entre les intentions louables du principe
susdit et la pratique des magistrats lesquels, le plus fréquemment, ne tirent de cette
dimension supra-légale aucune conséquence immédiate dans le sens d’une plus grande
prudence envers les personnes mises en cause, en faisant du mandat de dépôt une
mesure d’instruction alors qu’il devrait rester, comme l’a rappelé la loi du 5 mars 2007
relative à l’équilibre de la procédure pénale, une mesure exceptionnelle.

140- Contrôle des pratiques d’extorsion de l’aveu par le Conseil


constitutionnel : la décision du 30 juillet 2010. Force est d’admettre qu’une étude
concernant l’aveu de culpabilité est indissociable d’une réflexion sur la garde à vue. Or,
la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010323 relative au régime de la
garde à vue soulève également un problème de sources. En théorie, les dispositions de
l'article 23-2 de la loi organique du 10 décembre 2009 interdisent le réexamen de
dispositions déjà déclarées conformes à la Constitution, même si, en pratique, à titre
dérogatoire donc exceptionnel, un tel réexamen peut être effectué en cas de
« changement de circonstances », qu'il s'agisse de circonstances « de droit ou de fait»
324
. Il appartient au juge constitutionnel saisi d'une question prioritaire d'en apprécier la
recevabilité en vérifiant la réalité de ce bouleversement. A contrario, en l'absence d'un
tel changement, le Conseil refusera de procéder à un nouvel examen des dispositions325.
C'est ce qu'il va décider, en l’espèce, (cons. 12 et 13), s’agissant des dispositions
relatives au régime particulier de la garde à vue en matière de criminalité et de

323
Séverine BRONDEL, « Changement de circonstances justifiant le réexamen d'une disposition déclarée
constitutionnelle, Décision rendue par Conseil constitutionnel le 30 juillet 2010 » (2010-14/22-QPC),
AJDA 2010, p. 1556.
324
Cons. const., 3 décembre 2009, n° 2009-595-DC, AJDA 2009, p. 2318 ; ibid. 2010, p. 80, étude A.
ROBLOT-TROIZIER ; ibid. 88, étude M. VERPEAUX ; RFDA 2010. 1, étude B. GENEVOIS ;
Constitutions 2010, p. 229, obs. A. LEVADE ; RSC. 2010, p. 201, obs. B. DE LAMY ; RTD civ. 2010, p.
66, obs. P. PUIG , cons. 13.
325
Cons. const., 2 juillet 2010, n° 2010-9-QPC, AJDA 2010, p. 1340 ; D. 2010, p. 1714 , Section
française de l'Observatoire international des prisons, cons. 3 à 5 ; décis. n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet
2010, Loi LME.

202
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

délinquance organisées qui avaient été jugées conformes à la Constitution par la


décision précitée du 2 mars 2004326.

Ainsi, c’est en reconnaissant un changement de circonstances que cette juridiction va


réexaminer le régime de droit commun de la garde à vue en en abrogeant certaines de
ses dispositions. Il rappelle à cet effet que depuis sa décision du 11 août 1993327, des
évolutions dans les conditions de mise en œuvre de la procédure pénale ont conduit à un
recours de plus en plus fréquent à la garde à vue. De sorte que l'équilibre des pouvoirs
et des droits fixés par le CPP (cons. 15) en ont été substantiellement modifiés. En outre,
cette évolution s’est trouvée accrue par la pratique du traitement en temps réel des flux
pénaux. Il s’ensuit que la personne soupçonnée sera le plus souvent jugée sur le
fondement des éléments de preuve rassemblés avant l'expiration de sa garde à vue,
notamment sur les aveux qu'elle aura effectués (cons. 16). Dès lors, se livrant à un
contrôle de proportionnalité, le Conseil va estimer que la conciliation entre, d'une part,
la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions,
d'autre part, la protection des droits de la défense « ne peut plus être regardée comme
équilibrée ». Par conséquent, les dispositions contestées sont déclarées contraires aux
articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789 et abrogées à compter du 1er juillet 2011 afin
de laisser le temps au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité328.

C’est bien parce que les circonstances ont changé que les dispositions relatives à la
garde à vue, hier déclarées conformes à la Constitution, sont devenues
inconstitutionnelles. Pour autant, comment une norme antérieurement conforme à la
Constitution pourrait-elle désormais y être contraire sans que le texte de la Constitution
en soit révisé ? En l’occurrence, l’argument du changement de circonstances va
conduire le juge constitutionnel à s'appuyer sur l'évolution des pratiques en matière de

326
Cons. const., 2 mars 2004, n° 2004-492-DC, D. 2004, p. 2756, obs. B. DE LAMY ; ibid. 2005, p.
1125, obs. V. OGIER-BERNAUD et C. SEVERINO ; RSC. 2004, p. 725, obs. C. LAZERGES ; ibid.
2005, p. 122, étude V. BÜCK ; RTD civ. 2005, p. 553, obs. R. ENCINAS DE MUNAGORRI).
327
Le Conseil constitutionnel avait déclaré conforme à la Constitution des modifications apportées aux
articles litigieux du CPP dans sa décision n° 93-326 DC du 11 août 1993.
328
Pascal PUIG, « Le changement de circonstances source d'inconstitutionnalité » (à propos de Cons.
const., 30 juillet 2010, n° 2010-14/22- QPC) RTD Civ. 2010, p. 513 ;

203
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

garde à vue, suggérant ainsi un véritable revirement. Ce qui revient à dire, en définitive,
que l’invocation de circonstances nouvelles peut fournir un moyen de revenir sur un
contrôle qui a pu être mal effectué ab initio ou réalisé précédemment avec
insuffisamment de précaution et de clairvoyance. Or ce revirement ne constitue-t-il pas
la preuve implicite que dès l’origine les dispositions déclarées conformes étaient en
réalité contraires à l’ordonnancement juridique ? En effet, sous couvert d'un
changement de circonstances, la QPC permet au juge constitutionnel de décider
autrement sans avoir à se désavouer. Il n’en demeure pas moins que ce droit
n'explique en rien comment l'application d'une norme peut en révéler
l'inconstitutionnalité. Car de deux choses l’une : soit une loi est conforme à la
Constitution soit elle ne l’est pas mais elle ne devient pas contraire après avoir été
conforme, sauf à ce qu'elle ait été modifiée ou que la Constitution ait été révisée, au
terme d’une procédure lourde étant donné que la Constitution française n’est pas
souple mais rigide. Cependant, la pratique qu'elle engendre, aussi critiquable soit-elle,
ne devrait nullement interférer sur son bien-fondé. La distinction majeure entre
création et application de la règle issue de la théorie normativiste s'oppose à ce que
l'application d'une disposition puisse en conditionner la validité. Au lieu de
présenter la pratique de la garde à vue comme un simple indice révélateur de
l'inconstitutionnalité des dispositions la régissant, ne devrait-on pas considérer que ce
sont ces pratiques en elles-mêmes que le Conseil a voulu condamner en ce qu'elles
heurtent les droits et libertés garantis par la Constitution ? En d’autres termes, ce que
l’institution juge contraire à la Constitution, ce ne sont peut-être pas tant les dispositions
incriminées que les pratiques d’extorsion de l’aveu qui en découlent. C'est bien parce
que l'utilisation de la garde à vue n'est pas suffisamment respectueuse des droits et
libertés de la personne que le Conseil constitutionnel décide d'intervenir pour y mettre
un terme. Ce faisant, le juge constitutionnel apprécie davantage les comportements
que les dispositions législatives, même si ces comportements sont rendus possibles par
l'application de celles-ci. Le brevet de conformité délivré lors du contrôle antérieur ne
serait, d'un point de vue substantiel en tout cas, nullement remis en cause même si le
contrôle exercé par le Conseil change de nature. Cependant, sauf à admettre que la
pratique s’incorpore à la disposition appliquée, force est d’admettre que l’orientation
jurisprudentielle donnée par cet organe de contrôle demeure surprenante. Le Conseil va
réaffirmer la valeur constitutionnelle du principe de présomption d’innocence mais en

204
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

admettant, par la loi du 9 mars 2004, une technique procédurale de reconnaissance de


culpabilité, par exception au principe sus rappelé. En effet, si la procédure susdite
comporte tous les effets d’un jugement de condamnation, la difficulté provient de savoir
si elle en a également la nature puisque, dans ce mode de poursuite, la personne
poursuivie, pourra, tout d’abord, être tentée, en contradiction avec le droit tiré de
l’article 116 du CPP de ne pas garder le silence ; ensuite, le risque demeure, en
l’absence de charges suffisantes, que le bénéfice du doute ne puisse réellement lui
profiter.

B) L’aveu dans le cadre de présomptions de culpabilité

141- Aveu et charge de la preuve. Si le Conseil constitutionnel a affirmé qu’ « il


incombe à l’accusation d’offrir les preuves suffisantes pour fonder sa déclaration de
culpabilité », cela ne l’empêche pas d’admettre, à titre exceptionnel, des renversements
de la charge de la preuve lesquels consistent à admettre des présomptions légales de
culpabilité. Ce qui signifie qu’un personne peut être considérée comme coupable
a priori de faits qui lui sont reprochés329. Cette position du Conseil permet ainsi à la
Chambre criminelle de la Cour de cassation d’approuver une décision de culpabilité aux
motifs que la critique ne serait que partiellement fondée, en vertu de la théorie de la
peine justifiée330 ; la technique consistant à déclarer fondé un arrêt de condamnation
lorsque la peine prononcée est identique à celle que le juge du fond aurait pu prononcer
si l'erreur n'avait pas été commise331. Lorsqu’une infraction aura été commise, la
Chambre criminelle procèdera par substitution de base légale, pour affirmer que la peine
est justifiée. Or, le rejet d’un pourvoi sur le fondement de la théorie de la peine justifiée
entraîne une rupture d'égalité. Par conséquent, le condamné se voit « refuser en
définitive la garantie élémentaire d'une sanction appropriée332 », en méconnaissance du
principe de personnalisation de la peine. Cette rupture d’égalité est d’autant plus
surprenante qu’en dépit d’une déclaration de culpabilité erronée, ladite déclaration va
toutefois produire tous ses effets en matière de récidive, comme si l'infraction retenue

329
Cons. const. 19-20 janvier 1981, n° 80-127 DC.
330
Jean-Marie ROBERT, « La peine justifiée », in Mélanges Patin, préc. p. 567. D. 27/01/2011, article de
Louis BORE.
331
Ibid.
332
Jacques BORE, La cassation en matière pénale, Paris, LGDJ, 1985, § 3166.

205
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

avait été réellement commise. Si la Cour s’efforce d’inclure une mention selon laquelle
son arrêt ne pourra servir de premier terme à la récidive, il a été observé qu' « il s'agit là
d'un vœu pieux qui ne peut s'opposer au jeu normal de l'autorité de la chose jugée »333.

Dans sa décision du 16 juin 1999 portant sur la loi relative à la sécurité routière, le
juge constitutionnel a estimé qu’il pouvait résulter des « (…) dispositions de l’article 9
de la Déclaration des droits de l’homme qu’en principe le législateur ne saurait
instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ; toutefois, à titre
exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière
contraventionnelle, dès lors qu’elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu’est
assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la
vraisemblance de l’imputabilité334 ». Bien avant le Conseil, la CEDH avait déjà admis
que la présomption d’innocence puisse être tenue en échec dès lors que les
présomptions contraires pouvaient être écartées et qu’elles ne dépasseraient pas des
« limites raisonnables » prenant en considération la gravité de l’enjeu et la sauvegarde
des droits de la défense335. Ainsi, la Cour avait mis en exergue trois types de
dérogations légales aux règles de la charge de la preuve. Tout d’abord, qu’il incombait à
la défense de prouver l’élément moral de l’infraction ; ensuite, qu’il était acceptable que
la charge de la preuve pût peser sur l’accusé en matière d’irresponsabilité notamment en
matière de preuve des causes de non-imputabilité 336; enfin, que la preuve fut
susceptible d’obéir à des règles particulières s’agissant d’infraction qui ne présentait pas
un caractère de particulière gravité, notamment au visa de l’article L. 121-2 du Code de
la route qui fait peser les infractions à la réglementation relative au stationnement de
véhicule sur le titulaire de la carte grise. Cette présomption fait d’ailleurs foi jusqu’à ce
que l’intéressé soit en mesure de fournir des renseignements permettant d’identifier le
véritable auteur de l’infraction. Dans la décision précitée du 16 juin 1999, la Haute
Autorité a donc admis une exception au principe de présomption d’innocence d’origine

333
Cass. crim., 14 mai 1915, Bull. crim. n° 96. La Cour de cassation, par cet ancien arrêt, avait également
décidé que la déclaration de culpabilité, erronée mais définitive, pouvait fonder des condamnations à
dommages et intérêts au profit de la victime, bien qu’un seul des deux délits retenus dans la déclaration de
culpabilité soit légalement constitué.
334
CEDH 7 octobre 1988, n°141- A, SALABIAKU c/ France préc.
335
Cons. const. 16 juin 1999, n° 99-411 DC : JO 19 juin, p. 9019.
336
Cass. crim. 20 déc. 1949, JCP 1950, II, p. 5614.

206
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

législative. Le Conseil a ainsi ouvert une brèche en admettant « à titre exceptionnel »


[Décision du 16 juin 1999],337que des présomptions de culpabilité puissent être établies,
notamment en matière contraventionnelle dès lors qu’elles ne revêtent pas un caractère
irréfragable et que sont respectés les droits de la défense ; et ce, nonobstant les termes
de l’article 9 susvisé s’opposant à ce que le législateur puisse instituer des présomptions
de cette nature en matière répressive. Cette position avait toutefois été admise par la
CEDH dès 1988 qui avait reconnu la compatibilité de présomptions de culpabilité avec
l’article 6 § 2 CEDH en précisant, de surcroît, que la gravité des enjeux devait permettre
d’apporter la preuve contraire, les juges devant s’efforcer d’établir l’innocence du
délinquant338. Dans une autre espèce, la chambre criminelle a considéré que cette
présomption légale n’était pas contraire à l’article 6-2 de la CEDH339. En application, en
effet, des articles 537 du CPP et R.253 du Code de la route, les procès-verbaux
337
Cons. const. 99-411 D.C, 16 juin 1999, Rec. p. 75 ; Cons. Const. n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 (loi
Hadopi) sur la « Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet ». En effet, saisi de
la loi favorisant la diffusion et de la protection de la création sur internet, le Cons. const. a annulé, le 10
juin 2009, deux de ses dispositions et notamment le mécanisme permettant à une autorité administrative
indépendante de suspendre l'accès à internet des personnes responsables d'atteintes au droit d'auteur. V.
de Séverine BRONDEL, « Une autorité administrative ne peut pas suspendre l'accès à internet- Cons.
const. 10 juin 2009, n° 2009-580- DC », Dalloz jurisprudence, 2009.
338
CEDH, 7 octobre 1988, SALABIAKU (req. n° 10519/83), RSC 1989, p.167, obs. Louis PETTITI ;
CEDH, 25 septembre 1992, PHAM HOANG c/ France, (req. n° 13191/87). Ici, la CEDH admet la
compatibilité des renversements de la charge de la preuve avec l'article 6, paragraphe 2, de la Convention
européenne des droits de l'homme sous condition que soit prévue, dans le droit national, la faculté d'une
preuve contraire. Encore faut-il que cette preuve contraire puisse effectivement être rapportée par le
défendeur. C'est donc plus à l'effectivité du moyen qu'à sa faculté qu'il conviendrait de s'attacher. En
l’espèce, une condamnation avait été prononcée en appel pour délit douanier et présomptions édictées par
les articles 369 § 2, 373, 392 § 1 et 399 du code des douanes. A la suite de quoi, il fut opposé au
condamné de s’associer les services d’un avocat commis d'office aux fins de se pourvoir en cassation. La
CEDH conclu à la non-violation de l'article 6, § 1 et 2 de la Convention (« Il apparaît, dès lors, que la
Cour d’appel ne manqua pas de peser les diverses données en sa possession, de les apprécier avec soin et
d’appuyer sur elles son constat de culpabilité. Se gardant de tout recours automatique aux présomptions
qu’instituent les clauses litigieuses du code des douanes, elle ne les appliqua pas d’une manière
incompatible avec l’article 6 paras. 1 et 2 de la Convention »), mais à la violation de l'article 6, § 3 c. En
effet, les "intérêts de la justice" exigeaient en l’espèce la désignation dudit avocat afin de préserver les
droits de l’intéressé. Faute d’avoir pu bénéficier d’une telle assistance, le requérant a été victime d’une
violation de l’article 6, in Frédéric SUDRE, Les grands arrêts de la CEDH, Paris, PUF, Thémis, 1ère éd.,
2003, p. 195 et 274 ; RSC 2004 p. 428, Preuve contraire contre les indications d'un procès-verbal, (Cass.
crim. 18 juin 2003, Officier du ministère public près le Tribunal de police de Remiremont, n° 03-80262,
inédit titré), Jacques BUISSON, Président de la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Grenoble
Professeur associé à l'Université Jean-Moulin (Lyon-III).
339
Cass. crim. 1er février 2000, Bull. crim. n° 51.

207
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

constatant les infractions à la réglementation sur le stationnement payant des véhicules


font foi jusqu'à preuve contraire ; en conséquence de quoi, il appartient au prévenu
d'apporter la preuve du fonctionnement défectueux de l'appareil horodateur ayant
permis la constatation du délit. De son côté, la Cour de cassation justifie une telle
orientation en ces termes : « L’article 6 §2 de la Convention EDH, qui n’a pas pour
objet de limiter les modes de preuve prévus par la loi interne mais d’exiger que la
culpabilité soit légalement établie, ne fait pas obstacle aux présomptions de fait ou de
droit instituées en matière pénale, dès lors que les dites présomptions, comme en
l’espèce celle de l’article 396 dans le Code des douanes, prennent en compte la gravité
de l’enjeu et laissent entiers les droits de la défense » 340.

Face à ces présomptions de culpabilité, l’avocat devra être particulièrement vigilant


tout au long de la procédure pour contrôler le recueillement de l’aveu afin que les
déclarations du suspect n’emportent pas la conviction définitive des autorités de
poursuites de sa culpabilité. Car dans ce contexte l’aveu devra être particulièrement
maîtrisé afin qu’il n’accable pas le mis en cause. Le rôle de l’avocat sera donc
déterminant. En effet, le principe demeure le suivant : « Tout prévenu étant présumé
innocent, la charge de la preuve de sa culpabilité incombe à la partie poursuivante »341.
Ce qui pose, in fine, la question de la valeur juridique réelle du texte
révolutionnaire. Car, en pratique, le plus fréquemment, le système judiciaire tend à
interpréter le dossier pénal plutôt à charge qu’à décharge.

C) Renversement du principe de présomption d’innocence et aveu sur


proposition de culpabilité

142- Les griefs formulés par la saisine. Dans le cadre de la mise en œuvre en
France du mode de poursuite de plaider coupable, le principal grief soulevé par les
auteurs de la saisine reposait sur l’article 137 de la loi portant adaptation de la justice
aux évolutions de la criminalité. Dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, le
Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution, à
l’exception de celles qui prévoyaient que la présentation de la personne lors de la phase

340
Cass. crim. 10 février 1992, Bull. crim. n° 62 ; Crim. 1er février 2000, Bull. crim. n° 51.
341
Cass. crim. 29 mai 1980, Bull. crim. n° 164.

208
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

d’homologation avait lieu en chambre du conseil et sous le bénéfice de certaines


réserves d’interprétation. En effet, lors de l’adoption de la loi du 9 mars 2004, il était
prévu que l’accord conclu entre le procureur de la République et le prévenu devait faire
l’objet d’une homologation par le président du tribunal de grande instance. Mais cette
audience d’homologation devait se dérouler en chambre du conseil, seule la lecture de
l’ordonnance d’homologation étant publique. Ainsi, le juge constitutionnel laissait la
voie ouverte non seulement à une entente entre le parquet et la défense mais également
à une possible négociation de la peine pouvant favoriser de faux aveux de la part de mis
en cause soucieux de régler leur affaire rapidement. Selon les adversaires de la CRPC,
ladite procédure serait contraire à la décision du 16 juin 1999342et aux dispositions tirées
de l’article 8 selon lesquelles « nul n’est punissable que de son propre fait ». Le mode
de poursuite consistant en une reconnaissance préalable de culpabilité ouvre
effectivement la voie à un aveu sans que ce processus conduise toutefois à une peine
privative de liberté à l’issue d’un procès public. Lors de la saisine du Conseil
constitutionnel, les auteurs ont-ils invoqué le fait que cette phase de la procédure serait
contraire aux droits de la défense et à l’égalité des armes ? En effet, la publicité des
audiences permet d’assurer un certain contrôle de la procédure par l’opinion publique et
ainsi d’éviter les pressions sur la personne. A ce titre, il fut soutenu que les droits de la
défense ne se résumaient pas à l'article 6 CEDH, mais exigeait que la procédure fut
publique. De surcroît, que la présence de l’avocat assurait une garantie de l'égalité des
armes ; le renforcement du pouvoir hiérarchique pesant sur les magistrats du parquet
rendant plus inacceptable la mise en œuvre d'une procédure à moitié secrète.

143- La réponse du Conseil constitutionnel. Le juge constitutionnel a ainsi


considéré que l’ordonnance d’homologation ou le refus d’homologation de l’accord
constituait une décision juridictionnelle qui pouvait conduire à une privation de liberté.
Rappelant, dans ce cadre, que l’article 495-11 du CPP précise que « l’ordonnance a les
effets d’un jugement de condamnation » qui est par définition une décision
juridictionnelle. Or, le jugement d’une affaire pénale pouvant conduire à une privation
de liberté doit en principe faire l’objet d’une audience publique. Si la publicité permet le
contrôle du bon fonctionnement de la justice par l’opinion publique, cette exigence d’un

342
Cons. const, décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999.

209
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

contrôle est d’autant plus pressante lorsque la personne jugée peut être privée de sa
liberté. Le Conseil en déduit donc la nécessité de rendre l’audience d’homologation
publique.

144- Portée de la décision. En renversant le principe constitutionnel d’une


présomption simple au bénéfice d’un aveu explicite de culpabilité, la charge de la
preuve n’incombant plus à l’autorité de poursuite, la présomption d’innocence cesse
d’être une technique de preuve fondée sur les droits de la défense pour s’orienter
prioritairement et préalablement vers une culpabilité de la personne poursuivie. Il
apparaît par conséquent mal aisé de connaître avec certitude quelle est la source des
droits de la défense. Si, en effet, dans sa décision Sécurité et Liberté sus rappellée le
Conseil a estimé que ces droits constituaient un des principes fondamentaux reconnus
par les lois de la République (P.F.R.L.R), l’interprétation ainsi dégagée n’est pas de
nature à identifier exactement lequel de ces principes est réellement concerné.
Néanmoins, sur le plan strict du respect de la hiérarchie des normes, la loi du
9 mars 2004 a été déclarée conforme à la Constitution alors même que le principe
d’innocence présumée revêt un caractère qui lui est supérieur, de nature
constitutionnelle. Il s’agit d’une curieuse interprétation des neuf membres composant
cette institution qui, dans un souci légitime de traitement accéléré des affaires pénales,
semblent avoir fait abstraction de l’Etat de droit - ordre juridique hiérarchisé - au nom
d’un impératif de sécurité qui tranche avec le droit à la sûreté. En l’espèce,
l’interprétation du Conseil eût été logique si elle s’était accompagnée, au sein du « bloc
de constitutionnalité », d’une hiérarchisation des normes le composant. Or, il n’existe
pas de hiérarchie entre les normes composant le bloc de constitutionnalité puisque
les normes qui y sont insérées ont la même valeur juridique. C’est le principe
d’égalité entre les normes qui prévaut au sein du bloc et non celui d’une hiérarchie entre
elles même si les textes ont été conçus à des dates différentes. Sur le plan du droit
positif, rien ne permet de fonder une différence de valeur entre ces divers textes,
fussent-ils hétérogènes. Il est ainsi possible de considérer que le processus d’aveu tend à
bouleverser l’édifice institutionnel français. Et ce, de façon paradoxale car en même
temps que l’aveu pénal crée les conditions d’un débat sur la norme applicable, il vient
simultanément à bouleverser ses principes directeurs. En effet, l’aveu introduit le

210
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

désordre dans l’édifice institutionnel français en remettant en cause la valeur juridique


des normes composant le droit positif.

§ 2 - Les atteintes à la présomption d’innocence dans d’administration de la


preuve

145- Une présomption d’innocence essentiellement formelle. Il est donc possible


d’avancer qu’il existe un décalage entre la théorie juridique (la place de ce principe au
sein de la hiérarchie des normes) et les garanties concrètes dont peuvent se prévaloir les
justiciables, dont l’explication est également liée à l’histoire de la rationalité en
Occident (A). C’est peut-être l’histoire de la rationalité occidentale qui nous fournit, au-
delà du droit, un début d’explication quant à ce décalage entre la théorie et la pratique.
Il n’en demeure pas moins que ce hyatus entre la théorie et la pratique peut conduire à
de l’arbitraire dans le prononcé de peines fondées sur l’aveu, notamment dans le cadre
du mode de poursuite de CRPC (B).

A) Aveu pénal, rationalité occidentale et présomption d’innocence

146- Fondements du décalage entre le discours et la pratique. Sans prétendre à


l’exhaustivité, deux explications peuvent être avancées pour expliquer cette rupture
entre la théorie et la pratique, l’une historique, en relation avec la tradition judéo-
chrétienne (1) ; la seconde, d’ordre métaphysique (2), car elle articule le principe de
présomption d’innocence à une philosophie nominaliste, défendue par un théologien
scolastique anglais du XIIIème siècle, le franciscain Guillaume d’OCKHAM (1285-
1347).

1) Une explication d’ordre historique

147- Aveu pénal et Occident chrétien. La question de l’innocence présumée ou


originaire n’est pas un concept spécifiquement occidental car la tradition chrétienne
repose davantage sur l’idée d’une culpabilité originelle, celle dérivant du péché originel,
que sur une innocence primordiale. Le christianisme ne considère pas, en effet, que les
hommes naissent innocents, ce qui le distingue sur ce point notamment d’une autre
religion monothéïste, l’Islam, pour laquelle les hommes sont absous originairement de

211
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

toute culpabilité. Inspiré par la croyance que toute créature est par essence portée par le
péché adamique de désobéissance, Dieu envoie son propre Fils Jésus pour racheter ce
péché. Les musulmans, en revanche, considèrent que cette notion est incompatible avec
la justice divine en soulignant que cette thèse est une addition postérieure opposée, de
surcroît, à la miséricorde et à la justice divine. Au Moyen Âge, l’idée occidentale d’une
culpabilité primordiale entraînera également une inquiétude face au péché qui conduira
massivement les chrétiens à se confesser donc se justifier de leurs actes. Dès lors, la
contrition des péchés, ancêtre de l’aveu pénal, trouve sa source dans la tradition
occidentale chrétienne car les pénitents pouvaient se confesser pour des motifs
considérés parfaitement anodins aujourd’hui. La tradition chrétienne est donc celle
d’une culpabilité originelle qui suppose que l’homme doive, au cours de sa vie, par ses
actes, passer des ténèbres à la lumière, gage d’une vie éternelle. Or, il n’existe pas, après
examen, de péché originel dans le texte de la Genèse car le concept a été forgé dans
l’épître aux Romains explicité par Saint-Augustin dans sa lutte contre Pelage. Si le
pélagianisme considérait la création comme une bonne chose et, a contrario, ne croyait
pas au péché originel au nom d’un certain rationalisme, l’évêque d’Hippone va conférer,
en revanche, au péché originel une dimension dramatique car Adam a reçu en Eden une
grâce le rendant pleinement libre et responsable de ses actes. Le péché originel suppose
une projection de la culpabilité de sa violence sur l’autre, c’est le processus
d’accusation. Comme l’explique René GIRARD, ce mythe d’une culpabilité originaire
est fondateur de la civilisation occidentale laquelle devra s’efforcer d’expulser de sa
conscience ce meurtre fondateur343. Dans cette tradition, tout aveu ne saurait être qu’un
aveu de culpabilité et l’innocence présumée n’est qu’un mot, ce qui signifie un terme
conventionnel insusceptible de recevoir une application concrète. C’est cette doctrine
que l’on retrouve dans la philosophie nominaliste, celle notamment du théologien
médiéviste Guillaume d’OCKHAM (1285-1347).

2) Innocence présumée et « rasoir d’OCKHAM »

148- L’approche d’Ockham. Selon OCKHAM, la philosophie nominaliste renvoie


à des « Universaux » ou des concepts abstraits insusceptibles de recevoir une possible

343
René GIRARD, Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Editions Grasset, 1961.

212
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

expérimentation concrète ; il s’agit simplement de représentations qui tranchent avec le


réalisme, ou « réalité substantielle ». Ces mots remplissent toutefois une fonction, celle
d’aider la pensée humaine à se forger, par conséquent à nourrir la réflexion. Pourtant, ils
ne constituent qu’un « discours mental » ou « lingua mentalis » car leur signification est
arbitraire en ce qu’elle renvoie uniquement au royaume des idées pas à celui des actes,
hic et nunc. Il en découle le fameux concept du « rasoir d'OCKHAM », selon lequel il
ne faut pas multiplier les « êtres sans nécessité » (entia non sunt multiplicanda prater
necessitatem) » 344; en clair, ne pas démultiplier à l’infini des idées ou abstractions
lesquelles s’avèrent, en réalité, peu applicables, à supposer d’ailleurs que lesdits
schémas mentaux ne soient que des représentations dont l’objectif n’est pas
paradoxalement d’avoir été forgées pour recevoir une application, mais davantage pour
laisser accroire qu’ils existent, ce qui peut s’avérer rassurant. Articulé au problème de la
présomption d’innocence, il est possible de considérer que le principe est rarement
appliqué mais souvent contourné au nom davantage d’indices de culpabilité que de
preuves, cette attitude relevant sur un plan philosophique d’une approche nominaliste.

B) CRPC et possible arbitraire judiciaire

149- Un risque assumé par l’institution. Dans l’hypothèse où une décision


d’homologation non frappée d’appel emportera le constat qu’un individu a reconnu les
faits qui lui sont reprochés mais ne déclarera pas formellement, au sens de l’article 9
précité, la culpabilité de cette personne, l’intéressé pourra subir une peine privative de
liberté sans qu’il ait été mis fin théoriquement à sa présomption d’innocence. De
surcroît, si l’audience est fixée aussitôt l’acceptation des peines proposées, le dispositif
reste silencieux en cas d’impossibilité d’organiser cette audience immédiatement et, par
suite, la question n’est pas tranchée de savoir si l’on doit ou si l’on peut, par exemple,
retenir le prévenu. Dès lors, s’il résulte des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789
qu’une peine ne peut être infligée qu’à la condition que soient respectés divers
principes, notamment celui de légalité des délits et des peines et de leur nécessité, celui
de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ainsi que la présomption d’innocence, il

344
Claude PANACCIO, Les Mots, les concepts et les choses. La sémantique de Guillaume d'OCKHAM et
le nominalisme aujourd'hui, Montréal, Bellarmin, et Paris, Vrin, 1991.

213
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

appartient néanmoins au législateur d’exclure le risque d’arbitraire dans le prononcé des


peines dans le respect du principe constitutionnel dégagé par le Conseil.

Cette protection se trouve toutefois méconnue si, en l’absence de l’établissement


légal de la culpabilité d’un prévenu, « une décision judiciaire le concernant reflète le
sentiment qu’il est coupable (…) donnant à penser que le juge considère l’intéressé
comme coupable (…) »345. Dès lors, si la lettre de l’article 9 de la DDHC ne permet pas,
en théorie, d’exception au principe d’innocence, force est d’admettre qu’en réalité le
législateur est intervenu pour apporter des tempéraments à cette garantie.

SECTION SECONDE : AVEU ET EQUILIBRE DES ACTEURS EN PLAIDER COUPABLE

150- Une inégalité fondamentale entre accusation et défense. Le contexte de


réception de l’aveu demeure celui d’une inégalité entre les parties en dépit des avancées
de la loi du 14 avril 2011, notamment en ce qui concerne le droit au silence. Ainsi, la
réception de l’aveu n’est pas séparable, tout d’abord, du contexte dans lequel elle
s’effectue, en l’occurrence celui d’un déséquilibre des parties ; ensuite, d’une inégalité
renforcée par le fait qu’il n’existe pas de réel statut protecteur conféré par la
Constitution du 4 octobre 1958 à l’avocat. Or, cette absence soulève une difficulté
supplémentaire que la voie procédurale de plaider coupable ne permet
qu’imparfaitement de surmonter. Dans ce mode de poursuite se trouvent désormais
modifiés les rôles impartis aux quatre principaux acteurs du procès pénal, à savoir le
ministère public, le juge du siège chargé d’homologuer la proposition de peine du
parquet, l’avocat, enfin le prévenu. Le procureur de la République dispose en l’espèce
d’une prérogative qui tranche avec ce qui est communément admis, en France, au sein
du procès pénal, à savoir le principe d’une séparation des autorités de poursuite et de
jugement, qu’il s’agisse de la décision de recourir à la voie procédurale de CRPC tout
comme celle de la détermination du quantum de la peine proposée. Aussi, il n’est pas
étonnant que des critiques souvent sévères, voire injustifiées, aient été émises s’agissant
de droits de la défense bafoués. A ce titre, le grief principal opposé à la procédure de
CRPC réside dans les circonstances réelles de réception de l’aveu. En réalité, les aveux

345
Ibid.

214
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

ne sont pas consentis devant le procureur de la République mais bien en amont devant
les services de police, lesquels transmettent leur rapport au représentant du parquet. La
circulaire du 29 juillet 2005 souligne à cet effet qu’il y a un intérêt évident pour la
personne suspectée de reconnaître sa culpabilité afin que, a posteriori, le parquet ne
s’engage dans un mode de poursuite qui sera voué à l’échec.

En réalité, l’aveu de culpabilité s’établit moins devant le substitut du procureur que


devant l’officier de police judiciaire (§1), ce qui tend à rapprocher ce mode de poursuite
du système pénal britannique d’admission de la preuve. En même temps, la loi précitée
du 14 avril 2011 prévoit un droit au silence pour la personne soupçonnée. Pourtant, cette
garantie apportée au justiciable apparaît fragile dans le cadre de la procédure de
reconnaissance de culpabilité non seulement sur un plan interne car son incidence est,
en pratique, assez limitée (§2) mais également force est d’admettre que sa consécration
a été relativement récente par la CEDH. A ce titre, en dépit d’une législation européenne
de plus en plus favorable à un droit au silence, l’article 6 § 3 CEDH est pourtant resté
discret sur ce point, jusqu’à l’arrêt FUNKE contre France datant de 1993 puis
SAUNDERS contre Royaume-Uni en 1996346, enfin la décision BRUSCO du
14 octobre 2010347. Dans ces trois décisions la Cour avait estimé que le droit au silence,
mettant à l’abri le prévenu ou l’accusé d’une coercition abusive de la part des autorités,
constituait désormais une arme concourant au respect de l’article CEDH.

§1 - La réception de l’aveu lors de l’enquête préalable à la CRPC

151- La circulaire du 19 avril 2005. Ce texte pris par la Direction des affaires
criminelles et des grâces prescrit le caractère facultatif de la présence du représentant du
ministère public à l’audience d’homologation. Elle confirme par conséquent la position
adoptée par le ministère de la Justice dans la circulaire du 2 septembre 2004. Cette
circulaire, publiée le lendemain de l’avis de la Cour de cassation qui estimait obligatoire

346
CEDH, 25 février 1993, FUNKE c/ France (req. n° 10828/84) ; CEDH, 17 déc. 1996, SAUNDERS c/
Royaume-Uni (req. n° 19187/91).
347
Dans l’affaire BRUSCO c/ France (req. n° 1466/07), la CEDH, conclut, à l’unanimité, à la violation de
l’article 6 §§ 1 et 3 (droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de garder le silence) de la
Convention européenne des droits de l’homme. CEDH, BRUSCO c/ France du 14 octobre 2010, (req. n°
1466/07).

215
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

la présence d’un magistrat du parquet à l’audience où est lue l’ordonnance


d’homologation, a été contestée par les deux juridictions souveraines si l’on admet que
le Conseil d’Etat, statuant en référé, a adopté la même position que la Cour par deux
ordonnances du 11 mai 2005348. En l’espèce, la Haute Autorité a prononcé la suspension
des deux circulaires précitées en tant qu’elles prévoyaient la présence facultative du
parquet lors de l’homologation. Le législateur est donc intervenu349pour prévoir le
caractère facultatif à l’audience du procureur ; la circulaire du 29 juillet 2005 abrogeant
celle du 19 avril 2005. Le point 1.2.2.1. de ce texte énonce en effet que « la décision du
procureur de la République de recourir à une CRPC suppose (…) que la personne est
susceptible de donner son accord aux peines qui lui seront proposées par le parquet, et
qu’elle se trouve dans un état d’esprit d’acceptation de sa responsabilité pénale lui
permettant d’adhérer à une sanction. Il n’y a ainsi que des avantages à ce que l’enquête
permette de vérifier ce point, afin d’éviter que le parquet ne mette en œuvre une
procédure de CRPC qui serait vouée à l’échec »350.

152- Une logique contradictoire du Conseil constitutionnel : les décisions du


2 mars 2004 et du 22 juillet 2005. Dans la première décision, le Conseil fait de
l’audience publique d’homologation le moment ultime du procès pénal initié dans le
bureau du procureur. Il incombe à ce magistrat de discuter avec le prévenu et son avocat
le montant de la peine en échange d’aveux de culpabilité, même si cet entretien s’avère
assez formel si l’on admet que ni les observations de l’intéressé ni celles de l’avocat ne
seront retenues par le représentant du ministère public. Le professeur Jacques ROBERT
déclare à ce propos : « (…) en vertu des impératifs du droit à un procès équitable, il eut
été normal que toutes les parties intéressées soient présentes du début à la fin de la
procédure : le prévenu, la victime, et le parquet. La Cour de cassation s’en est émue,
rappelant l’obligation du procureur d’assister à cette audience de jugement, et pourtant
le lendemain, la Chancellerie faisait savoir aux procureurs que leur présence n’était pas
indispensable. Trois semaines plus tard, le Conseil d’Etat suspend la circulaire du
ministre. Mais deux mois plus tard, le 12 juillet 2005, le Parlement reprend la position
du ministre et vote une loi disant que la présence du procureur est indispensable (…) Le

348
Nos 279833 et 279834.
349
La loi du 26 juillet 2005 modifiant l’article 495-9 du CPP.
350
Circulaire du 29 juillet 2005, préc.

216
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

Conseil constitutionnel une nouvelle fois saisi, on eut attendu qu’il censure cette loi. Pas
du tout. Dans sa décision du 22 juillet 2005, il valide la loi estimant, sans autre
motivation, qu’elle ne méconnaît ni le principe d’égalité ni les exigences
constitutionnelles relatives au respect des droits de la défense et à l’existence d’un
procès équitable (…) »351. Par conséquent, le juge de l’homologation risque d’être tenté
d’exercer un contrôle plus léger en réduisant son office à un simple examen de la
procédure sans un réel pouvoir d’appréciation sur la peine. Pourtant, seule la
jurisprudence du juge de l’homologation pourra sauvegarder les intérêts de la personne
mise en cause ; car, dans l’hypothèse où le parquet proposera une peine en dehors de
cette interprétation, il prendra alors le risque de voir sa requête rejetée. Pour que le
pouvoir de punir ne soit pas transféré au pouvoir exécutif, en méconnaissance du
principe selon lequel la déclaration de culpabilité doit être établie par un magistrat
indépendant et impartial, il est essentiel que le juge du siège puisse exercer la plénitude
des pouvoirs qui lui a été conférée par la Constitution.

Du reste, des droits différents sont dévolus au prévenu en fonction de la procédure


initiée. Dans le cadre des procédures accélérées, il semblerait que les garanties
accordées aux personnes mises en cause soient différents, ce qui accrédite la thèse d’une
portée relative attachée à la défense. En effet, s’agissant de la procédure de comparution
immédiate, l’article 397-1 alinéa 3 du CPP dispose :

« Si le prévenu ne consent pas à être jugé séance tenante ou si l’affaire ne paraît pas
en état d’être jugée, le tribunal, après avoir recueilli les observations des parties et de
leur « avocat », renvoie à une prochaine audience qui doit avoir lieu dans un délai qui ne
peut être inférieur à deux semaines, sauf renonciation expresse du prévenu, ni supérieur
à six semaines (…) ».

Il s’ensuit que l’avocat peut demander au tribunal d’ordonner tout acte relatif aux
faits reprochés qu’il estime nécessaire à la manifestation de la vérité ou à la personnalité
de son client. L’article 397-2 dudit code prévoit la possibilité, à la demande des parties
ou d’office, de solliciter un supplément d’instruction, et ce dans les conditions prévues à

351
Jacques ROBERT, « Force ou faiblesse de la constitutionnalisation du droit pénal », « Cycle de
conférence de procédure pénale », Cour de cassation, Paris, 16 mars 2006, Dalloz, p. 6.

217
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

l’article 83 alinéa premier CPP. Le tribunal dispose en outre de la faculté, s’il estime
que la complexité de l’affaire le justifie, de renvoyer le dossier au procureur de la
République afin de procéder à des investigations supplémentaires approfondies. Il s’agit
par conséquent d’une procédure accélérée qui ne démunit pas la personne poursuivie de
la faculté de s’associer le concours de la juridiction devant laquelle elle doit être
déférée, ce qui apparaît davantage protecteur du principe de présomption d’innocence
car le tribunal conserve un rôle actif dans la recherche des preuves.

A l’inverse, lorsque la voie procédurale de CRPC est initiée, les déclarations par
lesquelles la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés sont recueillies, et la
proposition de peine est formulée par le ministère public. Le rôle attribué au juge du
siège demeure limité au contrôle de la réalité des faits et de leur qualification juridique,
ainsi qu’à celui de l’aveu du prévenu et de son acceptation de la peine proposée,
reléguant l’avocat de la défense à un rôle de simple conseil. La procédure de plaider
coupable ne respecte qu’insuffisamment le droit pour la personne mise en cause de se
taire, c’est dire son droit au silence tel qu’il est posé à l’article 63 -1 du CPP.

Aussi, le recueil de l’aveu n’apparaît pas suffisamment entouré de garanties au


regard des droits de la défense car, dès la phase de l’enquête, il est confié aux services
de police. Ce qui signifie qu’une présélection des affaires à traiter est opérée
s’apparentant à une phase préalable de comparution devant le représentant du parquet
ou préparatoire devant les forces de l’ordre. L’atteinte aux droits de la défense est ainsi
possible dans la mesure où la personne mise en cause est invitée à répondre à des
questions consignées dans un procès-verbal relatives aux peines proposées par le
ministère public ; et ce, avant sa comparution devant ce magistrat dans son bureau. En
outre, les dispositions de l’article 495-8 CPP prévoient que le procureur de la
République puisse proposer à la personne « (…) d’exécuter une ou plusieurs des peines
principales ou complémentaires encourues ; la nature et le quantum de la ou des peines
(étant) déterminés conformément aux dispositions de l’article 132 -24 du code pénal
(…) ». Ce qui conduit, en pratique, à conférer au parquet des prérogatives confiées à un
juge du siège. Puisqu’en application des dispositions tirées de l’article 132 -24 dudit
code et dans les limites fixées par la loi, « (…) la juridiction prononce les peines et fixe
leur régime (…) ».

218
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

Dès lors, puisque l’aveu doit être effectué dans le bureau du représentant du
ministère public en présence de l’avocat, et non lors d’une phase de pré-reconnaissance
ou préparatoire dans les locaux des services de police, cette reconnaissance de
culpabilité risque d’être altérée en raison de l’état psychologique de la personne
poursuivie. Il s’ensuit que ce contexte particulier de réception de l’aveu pourra conduire
le suspect à reconnaître sa culpabilité pour échapper aux pressions et obtenir avec une
quasi certitude une peine allégée sinon négociée, plutôt qu’à faire valoir ses moyens de
défense pour rapporter éventuellement la preuve de son innocence. De son côté, le juge
constitutionnel a exigé que le juge de l’homologation vérifie non seulement l’existence
de cette reconnaissance, mais également son caractère « libre et sincère »352. La
circulaire prescrit que le parquet doit s’assurer auprès des enquêteurs « que l’intéressé
est bien susceptible d’accepter une proposition de peine » ; par suite, le ministère public
pourra demander aux enquêteurs d’informer la personne qu’il envisage de recourir à la
CRPC le cas échéant, en leur indiquant la nature des peines qu’il envisage de proposer.
Il s’ensuit que l’enquêteur pourra informer la personne mise en cause des intentions du
procureur concernant la voie procédurale envisagée ainsi que de la ou des peines
proposées.

Au-delà des conditions de réception de l’aveu dans le cadre particulier du plaider


coupable, il est possible d’avancer que l’on assiste toutefois, non seulement dans le
système pénal français mais également à l’échelon européen, à une difficile mise en
œuvre, en pratique, d’un droit au silence.

§2 - Une nouvelle orientation du système pénal : une reconnaissance des faits


sans réel contrôle du juge

153- L’aveu comme acte préliminaire du processus judiciaire. Au-delà des aveux
passés au cours d’un procès, les débats devant la Cour d’assises vont se prolonger, ne
serait-ce que pour que la partie civile puisse connaître le mobile du crime. Il s’agit donc,
pour la victime, par cet aveu de culpabilité, de se libérer d’un poids trop important.

352
Décision n° 2010-77 QPC du 10 décembre 2010 - Mme Barta Z. [Comparution sur reconnaissance
préalable de culpabilité].

219
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

L’aveu remplit ainsi une fonction cathartique pour la victime car au drame vécu parfois
par une famille se rajoute la méconnaissance de l’identité réelle de l’auteur de
l’infraction lequel persiste à nier les faits qui lui sont reprochés. Par conséquent, au-delà
de la reconnaissance de culpabilité du délinquant, la victime souhaitera avoir
connaissance non seulement des explications ayant conduit l’auteur à passer à l’acte
mais également du déroulement des faits ; autrement dit, c’est la question du réel critère
d’appréciation de la culpabilité en matière répressive qui est posée (A). En effet, cette
difficulté à penser le fondement de l’acte de juger s’inscrit dans un contexte
problématique s’agissant notamment de procédures sans réel contrôle, puisque
l’essentiel de la décision appartient au parquet. En outre, la procédure de plaider
coupable témoigne de l’absence d’égalité entre les juridictions dans l’infliction des
peines concernant des infractions similaires. Un intérêt différent est donc attaché aux
procédures de reconnaissance de culpabilité en fonction des juridictions appelées à
statuer, ce qui tend à dissocier l’égalité de la légalité (B). Et ce, de façon assez
paradoxale, si l’on admet qu’au-delà de l’objectif de traitement accéléré des flux
pénaux, la CRPC se donnait comme ambition de lutter contre l’erreur judiciaire (C).

A) Fondement de la déclaration de culpabilité en CRPC

154- Un conflit de valeur entre l’avocat et son client. Face aux procédures
accélérées de traitement des flux pénaux, la défense pénale va devoir consentir des
efforts d’adaptation qui risquent de conduire à un déséquilibre important entre l’autorité
de poursuite et les droits conférés à l’avocat dans sa mission d’assistance et de
représentation de son client. C’est non seulement le statut de la personne poursuivie qui
est soumis à controverse mais également celui de l’avocat qui sera tenté de rapporter la
preuve de l’innocence de son client après avoir recueilli éventuellement des éléments
probants dans le dossier, alors que l’intéressé préfèrera reconnaître, parfois sous la
pression, sa culpabilité afin d’obtenir une peine allégée. Un conflit de valeurs rique ainsi
de s’élever également entre l’avocat, soucieux de la vérité des faits résultant strictement
des pièces versées à un dossier, et son client lequel considèrera que son seul intérêt est
sa remise en liberté, et ce même s’il doit être conduit à avouer des faits dont il n’est pas
l’auteur. Il s’agira par conséquent non seulement d’une procédure sans juge, puisque le
magistrat du siège n’aura qu’un rôle d’authentification de la procédure, l’essentiel des
pouvoirs étant en réalité transférés au parquet mais aussi, sur le fond, d’une procédure
220
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

dans laquelle la recherche de la vérité sera secondaire, ce qui en pratique ôtera à


l’avocat l’essentiel de sa mission au profit de la seule volonté de son client. La question
essentielle du procès pénal, à savoir celle de la manifestation de la vérité, sera reléguée
à la portion congrue au nom, tout d’abord, d’exigences se situant en marge des garanties
constitutionnelles ; ensuite, en marge d’une réelle réflexion sur le rapport que cette
vérité entretient avec la justice. La voie procédurale de plaider coupable renvoie ainsi à
la difficulté de savoir, in fine, quel est le critère qui sert réellement de fondement à la
décision judiciaire si l’on admet qu’au nom d’exigences parfois contradictoires, celles
de la célérité et de l’efficacité, la question de la réelle culpabilité du prévenu n’est plus
essentielle. Le rôle assigné à l’avocat se cantonnera à conseiller utilement son client non
pas sur la question de savoir s’il s’avère opportun ou non d’essayer de rapporter la
preuve de sa culpabilité car cette préoccupation est, en matière de CRPC, hors débats,
mais reposera davantage sur les avantages stratégiques à tirer du recours à cette
procédure et à lui en expliquer le bien-fondé. La tactique et le conseil se substituant aux
garanties protectrices prévues par la loi. Il s’agira, en l’espèce, de se positionner en
fonction de la jurisprudence habituelle du tribunal, par conséquent d’anticiper pour
envisager quelle pourrait être la peine prononcée par cette juridiction et si elle serait
similaire ou inférieure à ce qui est prévu en matière de plaider coupable. Contrairement
au rôle dévolu habituellement à l’avocat en matière pénale, celui de plaider, son
intervention sera ainsi réduite à une mission de conseil voire limitée à un simple
dialogue avec le ministère public. Et ce, afin d’adapter, le cas échéant, la peine ou la
mesure proposée à la personnalité de l’individu mis en cause, compte tenu de sa
situation familiale et professionnelle ou des circonstances ayant conduit à la
commission de l’infraction. En contrepartie, l’avocat sera conduit à faire preuve d’un
sens plus important des responsabilités car, en l’occurrence, le conseil prodigué au
prévenu ne sera pas exempt de risques, le juge homologateur pouvant refuser la
proposition de peine proposée par le représentant du parquet353. Dans ce contexte, force
est d’admettre que ce sont bien souvent les avocats qui se désintéressent de cette

353
En pratique 97.8 % des procédures sont homologuées. Source Infostat Justice 2009, site :
www.justice.gouv.fr.

221
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

procédure sans juge, et ce d’autant que l’indemnisation allouée de quarante six euros354
dans le cadre de l’aide juridictionnelle dont peut bénéficier l’intéressé, donc son conseil,
apparaît dérisoire, voire peu soucieuse d’une réelle garantie apportée au justiciable. Il
s’agit ainsi d’une procédure dénuée de véritable juge car les membres du parquet sont,
certes, des magistrats mais ne sont pas, à proprement parler, sur le plan statutaire, de
véritables juges car ils ne bénéficient pas de l’inamovibilité dont peuvent se prévaloir
leurs collègues du siège355. Une voie procédurale qui, en outre, malmène les droits de la
défense par les délais importants pouvant s’écouler entre les rendez-vous fixés par le
parquet et l’homologation éventuelle par le magistrat du siège.

B) Egalité et légalité de l’aveu dans le plaider coupable

155- Aveu pénal et déséquilibre des pouvoirs. La procédure initiée emporte un


réel risque pour la personne mise en cause : celui de décisions rendues trop rapidement
et de façon différenciée d’une juridiction à une autre en vertu d’un principe d’efficacité
ou d’une logique de rendement judiciaire préjudiciable au respect de la présomption
d’innocence et de l’égalité de traitement des justiciables. Il est ainsi possible d’avancer
qu’en matière de CRPC, la légalité (la loi du 9 mars 2004 n’a pas été déclarée contraire
à la Constitution par le Conseil) est dissociée de l’égalité (toutes les juridictions ne
percevant pas, d’une part, le même intérêt à mettre en place la CRPC en tant que mode
de poursuite, d’autre part, et surtout, connaissant des différences de traitement pour les
prévenus s’agissant des mêmes infractions). Une étude réalisée par Lydie ANCELOT et

354
Sur l’indemnisation de 46 euros allouée dans le cadre de l’aide juridictionnelle : Article 132-2 du décret
n° 91-1266 du 19 Décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 Juillet 1991 relative à
l’aide judiciaire.
355
CEDH 23 novembre 2010, MOULIN c/ France, Dalloz actualité, 24 novembre 2010, obs. S. LAVRIC ;
D. 2010. AJ Pénal, 2010, p. 2776, obs. S. LAVRIC ; AJ Pénal p. 2761, édito. F. ROME, « Le parquet
français n’est pas une autorité judiciaire selon l’article 5, § 3 CEDH ». Dans le même sens, Cass. Crim. 5
décembre 2010 n° 10-83.674, Cahiers du Conseil constitutionnel 2011, p. 231 ; Dalloz 2011 p. 338 ; RSC
2011, p. 142 ; CEDH MOULIN c/ France, 23 novembre 2011, n° 37104/06; AJ Pénal 2011 p. 106 ; J.
PRADEL, « Quel(s) magistrat(s) pour contrôler et prolonger la garde à vue ? Vers une convergence entre
la Cour de Strasbourg et la Chambre criminelle de la Cour de cassation », D. 2011, p. 338 ; Jacques
BUISSON, « Le procureur de la République n’est pas un magistrat au sens conventionnel », Procédures
2008, comm. p. 343 ; J.-F. RENUCCI, « Le procureur de la République est-il un magistrat au sens
européen du terme ? », in Mélanges COHEN-JONATHAN, Bruylant, 2001, p. 1345 s.

222
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

Myriam DORIAT-DUBAN356, a ainsi démontré que le lieu de comparution affecte la


condamnation à une peine privative de liberté. Dès lors, l’aveu pénal tend à bouleverser
l’ordre judiciaire en modifiant le statut des divers acteurs convoqués au sein de cette
voie procédurale, et ce au détriment des droits de la défense. Ce qui pose donc
également la question de la légitimité de l’aveu.

156- Aveu et légitimité. La réception de l’aveu en matière pénale peut ainsi justifier
des atteintes aux droits de la défense prévus par la loi, ce qui pose, en définitive, la
question de sa légitimité. En effet, l’aveu s’inscrit dans un contexte paradoxal par
rapport aux normes existantes, fussent-elles de rang constitutionnel ou de nature
législative. En effet, si la liberté individuelle est un droit substantiel dont peut bénéficier
une personne mise en cause, force est d’admettre que la privation ex ante de sa liberté
avant toute décision judiciaire dans le cadre d’une reconnaissance préalable de
culpabilité, revêt un caractère dérogatoire, même si elle est admise par le juge
constitutionnel (1). Enfin, à la faveur de la mise en œuvre du plaider coupable en
France, il semblerait que l’équilibre des pouvoirs soit bouleversé. Il s’ensuit que les
acteurs au procès assistent à une confusion entre l’acte de juger et l’organe de poursuite
(2). Pourtant, notre système pénal prohibe, en théorie, tout pré-jugement (3).

1) Des aveux en marge du droit positif ?

157- Le contexte : un renforcement des prérogatives du parquet. L’équilibre des


pouvoirs est manifestement modifié en faveur d’un renforcement des pouvoirs du
parquet car il ne s’agit pas, comme en matière de composition pénale d’une simple
alternative aux poursuites mais, dans le cas de la technique de CRPC, bien davantage
d’un mode de poursuite. Dans ce cadre, non seulement le procureur ou, plus
exactement, son substitut, dispose du monopole des poursuites mais également ce
magistrat connaît une évolution de ses prérogatives. Les pouvoirs dévolus
traditionnellement au parquet se voient complétés par la faculté laissée au ministère
public de proposer une peine, ce qui lui confère un pouvoir de pré-jugement, le

356
Lydie ANCELOT et Myriam DORIAT-DUBAN, « La procédure de CRPC: l’éclairage de l’économie
du droit sur l’équité du plaider coupable », APC, Paris 2011, p.282.

223
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

procureur de la République s’intégrant au jugement, en induisant une confusion entre


l’action de poursuite et la décision de justice, acte devant appartenir à un juge
indépendant seul habilité à prononcer une peine privative de liberté. En effet,
l’article 66 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu.
L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe
dans les conditions prévues par la loi »357.

De plus, en revenant sur l’interdiction de la double convocation, l’article 129 de la


loi du 12 mai 2009358 conduit à une forme de chantage du côté de l’accusation qui
témoigne d’un nouveau renforcement de ses prérogatives. L’article 495-12 CPP prévoit,
en l’espèce, que le tribunal correctionnel ne peut être saisi qu'en cas d'échec de la
procédure. En réalité, les parquets ont tendance à doubler la convocation de la CRPC
d'une citation en audience classique devant le tribunal correctionnel. Cette pratique a été
censurée par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 14 octobre
2008 en ces termes : « Attendu que, pour annuler la convocation par officier de police
judiciaire ainsi que le jugement et renvoyer le ministère public à se mieux pourvoir,
l'arrêt énonce, notamment, qu'il ressort expressément des dispositions de l'article 495-
12 du CPP que la saisine du tribunal selon l'un des modes prévus par l'article 388 du
même code est subordonnée à l'échec de la procédure introduite sur reconnaissance
préalable de culpabilité ; que les juges en concluent que la convocation en justice
délivrée au prévenu est nulle et qu'il en est de même du jugement subséquent ; qu'ils
ajoutent que, le tribunal étant incompétent pour statuer, la règle de l'évocation, prévue
par l'article 520 du CPP, ne peut recevoir application ; qu'en se déterminant ainsi, et
dès lors que les premiers juges n'avaient pu être saisis de la poursuite par une
convocation par procès-verbal que le procureur de la République n'avait pas le pouvoir
de délivrer, en l'état, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'article 520 du
CPP»359. Ainsi, lorsque le parquet met en œuvre la procédure de comparution sur
reconnaissance de culpabilité, par convocation à cette fin devant lui, il ne peut
concomitamment saisir, pour les mêmes faits, le tribunal correctionnel selon l'un des

357
Code constitutionnel préc. p. 576.
358
Article 129 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et
d'allègement des procédures JORF n° 0110 du 13 mai 2009, p. 7920 texte n° 1.
359
Cass.crim 14 octobre 2008, n° 08-82.195.

224
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

modes prévus par l'article 388 du CPP avant que le prévenu ait déclaré ne pas accepter
la ou les peines proposées ou que le président du tribunal ait rendu une ordonnance de
refus d'homologation. Dès lors que le ministère public n'avait pas, en l'état, le pouvoir
de saisir le tribunal, c'est à bon droit que la cour d'appel a refusé d'évoquer après
annulation360. La loi du 12 mai 2009 est venue modifier l’article 495-15-1 en ce sens :
« La mise en œuvre de la procédure prévue par la présente section n'interdit pas au
procureur de la République de procéder simultanément à une convocation en justice en
application de l'article 390-1. La saisine du tribunal résultant de cette convocation en
justice est caduque si la personne accepte la ou les peines proposées et que celles-ci font
l'objet d'une ordonnance d'homologation » 361. Le Conseil constitutionnel a ainsi été
saisi le 5 octobre 2010362 par la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l'article
61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme
BARTA Z. Cette QPC était relative à la conformité de l'article 495-15-1 du CPP aux
droits et libertés que la Constitution garantit363. La requérante soutenait que cette faculté
était notamment contraire au respect des droits de la défense. Le juge constitutionnel a
considéré que, par elle-même, cette faculté est insusceptible de porter atteinte aux droits
de la défense garantis par d'autres articles du CPP. Si une procédure de CRPC n'aboutit
pas, la loi interdit que le procès-verbal des formalités accomplies pendant cette
procédure soit transmis à la juridiction de jugement. Il appartient au procureur de la
République de veiller à ce que la convocation en justice soit effectuée à une date
suffisamment lointaine pour garantir qu'au jour fixé pour la comparution du prévenu
devant le tribunal correctionnel, la procédure de CRPC a échoué ou que les peines
proposées ont été homologuées. Il s’ensuit que l'article 495-15-1 du CPP n’est pas
360
Sur l'impossibilité de l'évocation d'une affaire par la cour d'appel lorsque la juridiction de première
instance a été irrégulièrement saisie, à rapprocher : Crim., 21 mars 1979, pourvoi n° 78-92.998, Bull.
crim. 1979, n° 115 (2) (cassation) Sur l'impossibilité pour le ministère public de convoquer
concomitamment un prévenu selon la procédure de CRPC et devant le tribunal correctionnel selon la
procédure ordinaire, dans le même sens que : Crim., 4 octobre 2006, pourvoi n° 05-87.435, Bull. crim.
2006, n° 244 (rejet).
361
Cass. crim. 29 septembre 2010, n° 10-90102.
362
QCP 10 décembre 2010, BARTA.Z., décision n° 2010-77, aussi, l’article 495-15-1 du CPP ne porte pas
atteinte au principe constitutionnel de la présomption d’innocence. Ces dispositions sont conformes à la
Constitution. Par ailleurs, cf. Cour de cassation, 17 septembre 2008, pourvoi n° 08-80.858, Bull. crim.,
2008, n°19 ; D. 2008, p. 2904, note J. PRADEL ; D. 2009, p. 2238, J. PRADEL ; RSC 2009, p. 412, obs.
B. BOULOC.
363
Albert MARON et Marion HAAS, « Le doublé CRPC - convocation en justice », Droit pénal n° 12,
décembre 2010, comm. p. 145.

225
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

contraire à la Constitution. Une décision de la cour d’appel de Toulouse du 2 avril


2008364 apparaît, à ce propos, assez symptomatique. En l’espèce, une jeune femme était
poursuivie selon la procédure de CRPC des chefs de vol et usage de chèques falsifiés.
En dépit de l’acceptation des peines, un appel fut interjeté par le ministère public ; par
suite, l’affaire était portée devant la chambre des appels correctionnels de Toulouse, au
motif qu’il ne pouvait être recouru, en pareilles circonstances, à la procédure susdite,
celle-ci ne pouvant s’appliquer qu’à une personne ayant reconnu avoir commis un délit
puni à titre principal d’une peine d’amende ou d’emprisonnement d’une durée inférieure
ou égale à cinq années. Après avoir constaté la nullité de l’ordonnance d’homologation,
la Cour d’appel, au visa de l’article 520-1 CPP, condamnait la prévenue par défaut à une
peine identique à celle préalablement homologuée. Or, aux termes de l’article 495-11
dudit code, l’ordonnance d’homologation ne doit pouvoir faire l’objet d’un appel
principal que de la part de la personne poursuivie, ce recours étant personnellement
circonscrit à l’intéressée. Le procureur de la République, loin de se cantonner à de
simples réquisitions, en vient en l’espèce à déterminer la sanction. C’est la raison pour
laquelle le législateur, sous l’article 495-11 CPP, ne lui a reconnu qu’une faculté
d’appel incident sur une ordonnance dont la substance répressive a, au préalable, été
déterminée par le parquet365.

De la même manière la faculté ouverte au ministère public de revenir à une


procédure classique quand il renonce à proposer une peine au visa de l’article 495-8
CPP apparaît sur la forme, susceptible de quelques détournements. En effet, dans le
cadre de la double convocation, la logique induit une incitation à l’aveu puisque, si tel
n’est pas le cas, le tribunal correctionnel, sauf élément nouveau, sera saisi ; cette
pression sera accentuée précisément par la pratique de la double convocation. Or, c’est
parce que la seule décision de recourir à la procédure de plaider coupable suffit au
déclenchement de l’action publique, qu’un autre mode de poursuite ne saurait être
choisi simultanément. Selon Pierre-Jérôme DELAGE366 : « (…) à l’indisponibilité de

364
Cour d'appel de Toulouse, 2 avril 2008, n° 08-80.067, Bull. crim. n° 92 ; AJ pénal 2008, p. 377, obs.
C. DUPARC ; RSC 2008, p. 637, obs. A. GIUDICELLI.
365
Ibid Cour d'appel de Toulouse, 2 avril 2008, n° 08-80.067, Bull. crim. n° 92 ; AJ pénal 2008, p. 377,
obs. C. DUPARC ; RSC 2008, p. 637, obs. A. GIUDICELLI.
366
Cass. crim. 29 octobre 2008, D., 2009, p. 534.

226
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

l’action publique qu’engendre le recours à la procédure de plaider coupable se


superpose logiquement l’irrévocabilité du choix des modalités de la poursuite (…) ».

Il s’agit néanmoins d’un dispositif paradoxal si l’on admet que l’accroissement des
pouvoirs dévolus au parquet ne s’est pas accompagné, ce qui eût été logique, et a
d’ailleurs fait l’objet d’une réclamation lors de la conférence des procureurs du mois de
décembre 2011, d’une indépendance statutaire, à l’instar de celle dont peuvent
bénéficier leurs collègues du siège. Si le ministère public tend à s’arroger les pouvoirs
dévolus à un juge du siège sui generis, l’avocat risque de voir son rôle également se
déplacer en se substituant, en fait, au représentant du parquet pour conduire le juge à
homologuer une proposition déjà consentie par son client. Aussi, un contrôle effectif du
juge et non un simple contrôle des décisions du parquet apparaît d’autant plus
nécessaire que la loi PERBEN II a renforcé les pouvoirs hiérarchiques du Garde des
sceaux sur le parquet, ce qui permet au pouvoir exécutif de donner des instructions
générales sur le montant des peines proposées.

On assiste ainsi à une difficile conciliation entre les exigences contradictoires du


droit à la sûreté et celles de sécurité juridique.

158- Sécurité et sûreté. Selon le Conseil constitutionnel : « Il appartient au


législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à
l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, toutes deux nécessaires à la
sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et d’autre part,
l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent la
liberté d’aller et venir protégée par l’article 2 de la DDHC, ainsi que la liberté
individuelle que l’article 66 de la Constitution place sous la surveillance de l’autorité
judiciaire ». Toutefois, jusqu’à la réforme précitée de la garde à vue du 14 avril 2011,
les lois des 9 septembre 2002, 18 mars 2003 et 9 mars 2004 précitées tendaient à
multiplier les hypothèses de mesures de garde à vue dérogatoires voire à supprimer
l’obligation faite aux officiers de police judiciaire d’informer l’intéressé de son droit au
silence pendant que, de façon asymétrique, les enquêteurs chargés d’y procéder
recherchaient à extorquer les aveux à la personne soupçonnée. En absence d’aveux, les
fonctionnaires de police tout comme le parquet, considéraient le plus fréquemment que
le suspect, par son silence, était nécessairement coupable : Consentit qui tacet. En effet,
227
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

la mesure de garde à vue vient légitimer par la loi une atteinte à la personne, en
contradiction avec l’article préliminaire du CPP. Pourtant, il en est de même de la phase
subséquente qui permettra parfois, alors que les affaires eussent méritées, en raison de
leur complexité, l’ouverture d’une information judiciaire devant un magistrat
instructeur, la présentation de l’intéressé en comparution immédiate donc sa
présentation devant un juge des libertés et de la détention en application de l’article 144
CPP. Selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, il n’est pas porté atteinte aux
droits de la défense si un arrêt se borne à constater l’existence d’une condamnation de la
cour d’assises de première instance, sans préjuger de la culpabilité de l’accusé et qui
énonce, en conséquence, que la détention provisoire est l’unique moyen d’empêcher des
pressions sur les témoins et la victime, ainsi que de garantir le maintien de l’intéressé à
la disposition de la justice367.

159- Un aveu pénal à l’interface de la légalité et de la légitimité. La technique


procédurale de CRPC méconnaît le principe de séparation des autorités de poursuite et
de jugement en créant une confusion entre le rôle traditionnel imparti à l’organe de
poursuite et ce qui constitue l’essentiel de l’office d’un juge indépendant, celui de
décider seul ou en formation collégiale. Le renforcement des prérogatives du parquet
conduit, en pratique, cette institution à décider car le taux d’homologation de la peine
qui est proposée tout d’abord est de 87 %368 ; ensuite, ladite peine n’est que rarement
discutée par le juge homologateur qui, en réalité, enregistrera dans la plupart des cas la
peine ainsi proposée. Or, si le pouvoir de juger est transféré en pareilles circonstances
au procureur de la République lequel décide à la fois de cette proposition de peine, de la
fixation de son quantum puis, in fine, du jugement à intervenir, cette confusion des rôles
apparaît peu protectrice de la liberté individuelle, telle qu’elle résulte de la décision du
2 février 1995 qui énonce le principe selon lequel : « (…) en matière de délits et de
crimes, la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de
jugement concourt à la sauvegarde de la liberté individuelle» 369. Dès lors, un risque
d’amalgame existe en matière de CRPC entre l’action de poursuivre et l’office du juge.

367
Crim. 19 septembre 2001, Bull. crim. n° 185.
368
Source site du Ministère de l’Intérieur.
369
Décision n° 95-360 DC, précitée.

228
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

2) Aveu pénal et principe constitutionnel de séparation des autorités de


poursuite et de jugement

160- La décision du Conseil constitutionnel du 2 février 1995. En matière pénale,


plus que dans d’autres disciplines pour lesquelles il n’y a pas de risque de privation de
liberté, le respect de l’équilibre des parties devrait constituer un principe intangible ; il
découle à ce titre de la séparation constitutionnelle des fonctions juridictionnelles celle
de l’interdiction de tout pré-jugement au fond sur la culpabilité de l’intéressé. Ainsi,
l’aveu ne constitue pas en soi une preuve irréfragable de culpabilité. Dans la décision
précitée, le Conseil constitutionnel du 2 février 1995, notamment dans ses 5ème et 6ème
considérants, est venu rappeler qu’en vertu de l’article 9 de la DDHC « tout homme est
présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable » ; qu’en matière de délits et
de crimes, « la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de
jugement concourt à la sauvegarde de la liberté individuelle ». La Haute juridiction a
souligné, en l’espèce, au triple visa des articles 9 et 66 de la Constitution ainsi que du
préambule de 1946 que le prononcé et l’exécution de mesures de nature à porter atteinte
à la liberté individuelle ne peuvent, s’agissant de la répression de délits de droit
commun, « intervenir à la seule diligence d’une autorité chargée de l’action publique
mais requièrent la décision d’une autorité de jugement (…) »370. Selon le Conseil
constitutionnel, le principe de présomption d’innocence exprimé par l’article
préliminaire, paragraphe premier, alinéa 2 CPP constitue un principe de valeur
constitutionnelle. Il en découle celui de séparation des autorités chargées de l’action
publique et des autorités de jugement. Ainsi, le procureur qui a engagé les poursuites ou
y a participé ne peut siéger comme juge au tribunal correctionnel pour juger celui qu’il a
poursuivi. Cette notion de séparation des fonctions qui distingue la procédure pénale de
la procédure civile apparaît toutefois altérée par la technique procédurale de plaider
coupable. Le Conseil constitutionnel ayant souligné, au surplus, dans deux autres
décisions, que le principe d’indépendance du juge est « (…) indissociable de ses
fonctions judiciaires »371et, par voie de conséquence, que l’indépendance et

370
N° 95-360 DC du 2 février 1995, Injonction pénale : Rec. Cons. Const ; p. 195 ; D. 1995, p. 171,
chron. Jean PRADEL, et p. 201 chron. J. VOLFF.
371
Déc. n° 40 DC du 9 juillet 1970.

229
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

l’inamovibilité étaient inextricablement liées372. Pendant toute la procédure de CRPC le


juge du siège doit par conséquent faire abstraction de la proposition formulée par le
parquet s’il veut remplir parfaitement son office et donc s’assurer de la réelle sincérité
de la personne mise en cause indépendamment de la proposition du ministère public. En
réalité, le juge rend une ordonnance d’homologation sans que la question de l’innocence
ou de la culpabilité ait réellement été démontrée. L’aveu ne constitue pas en soi une
preuve irréfutable de culpabilité mais peut représenter une illusion, de sorte qu’il doit
rester soumis à la libre appréciation du juge. Selon le psychologue
Enrico ALTAVILLA373 divers faux aveux peuvent être passés, ce sont d’une manière
non exhaustive : les faux aveux sous le coup de l’émotion, ceux arrachés par la
contrainte ou ceux effectués par des malades mentaux ou par des personnes dans un but
intéressé, pour défendre autrui, voire relatifs à de fausses circonstances insérées dans
des aveux véridiques. Ce risque est souligné par le professeur Anne LEBORGNE en ces
termes : « Que penser de ce mode de preuve qui repose sur les seules affirmations d’un
justiciable, notamment aujourd’hui avec le développement des preuves scientifiques ?
Ne doit-on pas s’en méfier et privilégier les démonstrations extérieures à la partie au
procès concernée ? Parce que l’aveu est une manifestation de volonté, les juges devront
d’abord s’assurer que celle-ci est non équivoque, qu’elle soit explicite ou implicite, ce
qui laisse un large pouvoir d’appréciation aux magistrats »374.

Si la force probante d’un tel aveu reste discutable, il s’apparente ainsi à un pré-
jugement sur la culpabilité, pré-décision théoriquement interdite si l’on se réfère à la
jurisprudence précitée du 2 février 1995.

161- Portée du principe dégagé par le juge constitutionnel : l’interdiction de


tout pré-jugement. Selon le Conseil constitutionnel, un contrôle effectif doit être opéré
par un juge du siège concernant la procédure de plaider coupable. Or, ce dispositif

372
Consid. 111 de la décision n° 2004-492 préc.
373
Enrico ALTAVILLA, Psychologie judiciaire, traduit et adapté par Marie-Thérèse et Roger BERAUD,
avant-propos de Georges LEVASSEUR, Paris, 1959, Cujas, p. 20 et s, p. 51 et s.
365 Anne LEBORGNE, Christus, n° 235, juillet 2012, p. 3.

230
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

procédural, sinon inadapté sur le plan technique, du moins peu soucieux de la réelle
culpabilité de la personne mise en cause, peut remettre en cause la notion de liberté
individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution. Ainsi, pour le juge
constitutionnel, la séparation des fonctions pénales est de nature à sauvegarder la
présomption d’innocence.

3) La CRPC au détriment de l’indépendance et de l’impartialité de la


juridiction

162- Une réserve d’interprétation du juge constitutionnel essentiellement


théorique ? Par une réserve d’interprétation375, le Conseil constitutionnel a précisé que
le juge pénal pourrait refuser l’homologation s’il estimait que la nature des faits, « la
personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société
justifient une audience correctionnelle ordinaire (ou) si les déclarations de la victime
apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l’infraction a été
commise ou sur la personnalité de son auteur » 376. Il incombe donc au magistrat chargé
d’homologuer d’exercer la plénitude des attributions de contrôle incombant au juge du
fond, ce qui revient à dire que sa compétence ne doit en aucun cas être liée par la
proposition formulée par le parquet, le juge pouvant, en effet, obtenir également du
parquet toutes les explications lui permettant d’apprécier la pertinence des observations
formulées. Si un contrôle est prévu par le magistrat du siège sur le travail effectué par
son collègue du parquet, force est d’admettre, qu’en pratique, en raison de l’inégalité de
traitement qui prévaut entre les juridictions en matière de CRPC, cet examen n’est que
rarement effectué, au nom d’un traitement accéléré des flux pénaux. Il s’ensuit que, tout
d’abord, le risque est réel d’une dissociation entre des faits qui seront dans la plupart des
cas reconnus par la personne poursuivie et le caractère établi desdits faits, le
consentement à la procédure ne constituant en rien, du côté de la personne mise en
cause, une quelconque reconnaissance de culpabilité. Ensuite, que les aveux obtenus par
le procureur dans un contexte particulier, celui d’une menace d’une mesure coercitive
pouvant aller jusqu’à la détention provisoire en dépit d’un possible délai de réflexion, ne
s’apparentent en rien à une réelle reconnaissance de culpabilité. Autrement dit, que le

375
Décision précitée n° 004-42 DC du 2 mars 2004.
376
Ibid.

231
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

parquet dispose dans ce mode de poursuite de pouvoirs renforcés qui risquent d’attenter
au principe d’indépendance et d’impartialité de la juridiction si l’on admet que le
jugement à intervenir ne reflètera pas obligatoirement la vérité du dossier puisque
l’accusation sera affranchie de l’obligation de soumettre les éléments probants de la
culpabilité de l’intéressé à une autorité judiciaire indépendante, c’est à dire, en
définitive, d’en démontrer la régularité. Par conséquent, le risque existe que l’auteur des
faits accepte une ou des peines proposées tout en considérant qu’il est en réalité
innocent des faits qui lui sont reprochés mais pour lesquels il admettra toutefois, pour
des raisons tenant au caractère anxiogène du procès, d’être sanctionné sur le plan pénal.
Ainsi, le consentement à la peine s’apparente par définition à une renonciation
volontaire au principe de présomption d’innocence dont l’intéressé devrait bénéficier. Il
s’ensuit que la décision d’homologation risque de conduire, en dépit des garanties
théoriques prévues par le législateur, à un jugement sur la culpabilité d’un prévenu qui
pourra reposer sur un mensonge. Désormais, la question n’est plus de savoir si oui ou
non la personne est coupable, ce qui semble admis ab origine par le parquet, mais
davantage si la voie procédurale de CRPC n’est pas tout simplement un débat entre le
prévenu et l’accusation sur la peine à infliger. Dans cette perspective, l’homologation de
la proposition du parquet apparaitra plus légitime car plus cohérente.

En réalité, l’homologation du juge s’établit en marge d’un réel débat sur la


culpabilité. Or, en même temps, l’aveu pénal s’inscrit dans un contexte particulier, celui
d’une institution judiciaire hantée, notamment en matière criminelle où les enjeux en
termes de quanta de peines sont plus importants, par le spectre de l’erreur judiciaire.
Lorsque les voies de recours ont été épuisées, ce que le juge a consacré n’est qu’une
vérité judiciaire, par essence relative et évolutive. Or, la crainte de l’erreur judiciaire
n’est pas éloignée pour autant et avec elle un sentiment mêlé d’impuissance et
d’injustice suscité par la condamnation d’une personne qui, peut-être un jour, sera
déclarée innocente.

Dans sa décision du 8 décembre 2011377, le Conseil constitutionnel a jugé que


l’extension du champ de la CRPC n’est pas contraire à la Constitution dès lors que le

377
Cons. const. n° 2011-641 DC du 8 décembre 2011.

232
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

cadre jurisprudentiel qu’il a fixé en 2004 est respecté. Le Conseil a repris les termes de
la réserve énoncée au considérant 107 de la décision du 2 mars 2004 précitée selon
laquelle, dès lors qu’il appartient au président du TGI d’homologuer la peine proposée,
il a la possibilité de refuser l’homologation s’il estime que la nature des faits, la
personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société
justifient une audience correctionnelle ordinaire ou si les déclarations de la victime
apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l’infraction a été
commise ou sur la personnalité de son auteur. Ainsi, la compétence du juge du siège
pour valider une peine privative de liberté est respectée et il n’est porté atteinte ni au
principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement ni à l’article 66 de la
Constitution.

163- L’homologation du juge en marge d’un réel débat sur la culpabilité. Dans
la mesure où l’office du juge est limité à un simple contrôle de la procédure sans un réel
pouvoir d’appréciation sur la peine, ce dernier sera tenté d’exercer un contrôle plus
léger. Or, seule la jurisprudence du juge de l’homologation pourra sauvegarder les
intérêts de la personne mise en cause ; car, dans l’hypothèse où le parquet proposera une
peine qui s’en écartera, il prendra alors le risque de voir sa requête rejetée. Aussi, afin
que le pouvoir de punir ne soit pas étendu au pouvoir exécutif, il est essentiel que le
siège puisse exercer la plénitude des pouvoirs qui lui a été conférée par la Constitution.
Dans ce cadre, une solution pourrait consister à accorder au magistrat homologateur non
pas une simple alternative manichéenne, pour le moins simpliste, entre validation ou
absence de validation, mais un réel pouvoir d’appréciation qui éviterait que l’audience
ne se réduise à une peine tout en permettant un contrôle de la décision du procureur de
la République.

164- Sens et portée de l’homologation en CRPC devant le juge. Le premier alinéa


de l’article 495 -9 du CPP dispose que lorsque, en présence de son avocat, la personne
accepte la ou les peines qui lui sont proposées, elle est aussitôt présentée devant le
président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui, saisi par le procureur
de la République d’une requête en homologation. Pourtant, aux termes de l’article 495-9
CPP, le juge doit vérifier la réalité des faits et leur qualification, l’homologation n’étant
donc pas limitée à la simple vérification de la régularité de la procédure en amont qui

233
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

limiterait le président du tribunal de grande instance à délivrer une sorte d’exequatur.


Car le rôle du parquet est limité à l’aveu du prévenu et à l’acceptation de la peine
proposée, et l’article 495-9 prévoit que le juge a le pouvoir de refuser son homologation.
Aussi, l’homologation déplace la problématique principale du procès pénal en centrant
presque exclusivement ses préoccupations sur le quantum de la peine.

165- Homologation et mesure privative de liberté. En pratique, le juge du siège,


par manque de temps, ne vérifie que rarement si la personne poursuivie a consenti
sincèrement et librement à avouer les faits qui lui sont reprochés. Il s’ensuit que
l’homologation pourra reposer sur de faux aveux, et ce au nom d’un traitement accéléré
des affaires pénales. Ainsi, les exigences dictées par l’efficacité judiciaire et de
traitement des affaires pénales en mode accéléré, conduisent à écorner le principe de
présomption d’innocence sans que cela n’émeuve outre mesure ni le justiciable ni le
juge homologateur. Et l’oubli, par le jeu de la prescription, constituera un moyen de
rendre sans objet la recherche judiciaire de la vérité, le juge se trouvant dispensé, au-
delà d’un certain laps de temps écoulé, d’examiner le bien-fondé de prétentions dont
l’appréciation le conduirait inévitablement à réexaminer les circonstances de l’espèce
pour en rechercher réellement la vérité.

C) Un hyatus entre les mentalités sociales et le droit existant

166- Une approche paradoxale de la culpabilité par l’institution. En matière


judiciaire, la France a toujours entretenu une forme d’a priori, celui de la culpabilité de
la personne pénalement poursuivie et rarement celui de son innocence présumée. Il
s’agit d’une position étonnante. Non seulement le législateur est amené à adopter des
textes favorables aux personnes mises en cause mais également le juge constitutionnel
veille à ce que les principes à valeur constitutionnelle ne soient pas écornés. Pourtant,
l’opinion publique a plutôt tendance à considérer, ab origine, les suspects comme plutôt
coupables a priori qu’innocents. De sorte que le système français inquisitoire fait
paradoxalement de la vérité judiciaire sa référence, tout en étant porté davantage à
rechercher « un coupable » plutôt que « le coupable ». De façon contradictoire, en
même temps que la France témoigne d’une passion pour la vérité (son modèle est
inquisitoire donc fondé sur l’investigation), elle considère que la vérité est, également
inatteignable ce qui, en pratique, conduit son système de preuves à éluder la question de
234
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

la vérité. Cette contradiction difficilement surmontable peut s’énoncer comme suit : la


France entretient sur un plan judiciaire une réelle passion pour la vérité tout en évitant
soigneusement la question de ladite vérité car demeure l’idée de la nécessité d’éprouver
les faits pour dégager la vérité. C’est la raison pour laquelle l’aveu pose au juge un
problème de conscience car il interpelle ce qu’il existe de plus intime dans le lien entre
son office et la question de la vérité. Il semblerait par conséquent que coexistent dans le
système pénal français des exigences contradictoires entre, d’abord, l’établissement
impérieux de l’élément matériel pour asseoir une culpabilité ; ensuite, la liberté des
parties ; enfin, l’intervention du juge. C’est sans doute la raison pour laquelle l’aveu ne
lie plus le juge. Contrairement au système de Common law selon lequel le seul devoir
du tribunal est de décider si la partie poursuivante a pu convaincre la juridiction du
bien-fondé de son accusation, le procès pénal français érige la recherche de la vérité en
un but ultime avec toutefois un penchant fort, celui d’une innocence a priori
culpabilisée.

A telle enseigne que les mots employés témoignent également de cet a priori négatif.
Il s’agirait d’une sorte de réflexe mental que l’on retrouve dans des expressions peu
équivoques pour le profane, celle d’inculpé, ledit inculpé bénéficiant aujourd’hui d’une
dénomination guère plus avantageuse de mis en examen ; celle de « chambre
d’accusation » qui prévalait avant qu’opportunément le législateur lui ait substitué celle
plus juste de chambre de l’instruction, laquelle juridiction d’appel reste, en pratique,
davantage une « chambre d’accusation » si l’on en juge par le faible taux d’infirmation
des ordonnances rendues par les cabinets d’instruction, en moyenne 4 à 5 %378. Il
s’avère particulièrement ardu de désavouer un juge d’instruction en faisant infirmer, en
interjetant appel, une ordonnance prise par ce magistrat. Le président de la chambre de
l’instruction tient de l’article 186-1 du CPP, la faculté d’opérer un filtre et par
conséquent de décider discrétionnairement que l’ordonnance frappée
d’appel sera insusceptible d’une voie de recours. La règle a fait l’objet d’une QPC. En
l'espèce, une partie avait saisi le juge d'instruction d'une demande tendant à constater la
prescription de l'action publique, en application de l’article 82-3 du CPP379. En pareilles

378
Source Infostat justice 2009, site : www.justice.gouv.fr
379
Lucile PRIOU ALIBERT, « Action en prescription de l'action publique pendant l'instruction : refus de
renvoi de la QPC », par Dalloz actualités 8 décembre 2010.

235
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

circonstances, si le magistrat instructeur ne se prononce pas dans un délai d'un mois, les
parties ont la possibilité de saisir directement le président de la chambre de l'instruction
en application du dernier alinéa de l’article 81 dudit code. Le président de cette chambre
rend alors une ordonnance non susceptible de recours aux termes de laquelle il décide
de saisir ou non la chambre de l'instruction de cette demande (art. 186-1 c. pr. pén.). Or,
cette procédure était jugée non seulement contraire aux droits de la défense par les
auteurs de la question prioritaire de constitutionnalité, mais également au droit à un
recours effectif. En outre, cette pratique contreviendrait au principe d'égalité devant la
loi et à celui d’égalité des armes. Pourtant, la Cour de cassation refusa de renvoyer au
Conseil constitutionnel cette QPC. En l’espèce, elle estima, tout d’abord, que le
président de la chambre de l'instruction, saisi de la requête à laquelle le juge
d'instruction n'avait pas répondu, devait rendre une décision motivée en cas de non
saisine de la chambre de l'instruction, cette décision étant susceptible d'être censurée en
cas d'excès de pouvoir. Ensuite, que la question de la prescription de l'action publique
pouvait toujours être soulevée devant le juge du fond380.

167- Intime conviction et culpabilité a priori. Il est possible de mettre en relation


cette méfiance envers l’innocence présumée et celle de recherche de la vérité avec la
spécificité du modèle inquisitoire français lequel confère au magistrat instructeur des
pouvoirs exorbitants dans le procès. Une enquête qui tend à basculer dans un modèle
inquisitorial venant déséquilibrer les droits de la défense au bénéfice de ceux dont
dispose l’accusation. En attribuant ainsi des pouvoirs exorbitants au juge pénal, l’Etat de
droit se confond d’une certaine manière avec une religion civile. Il n’est pas surprenant
que le caractère laïc de la République française ait hérité des prérogatives divines de
l’église catholique d’essence monarchique ; inspiration religieuse de l’Etat de droit à
l’œuvre dans l’affaire OUTREAU instruite principalement à charge. C’est sans doute la
raison pour laquelle l’aveu a toujours occupé une place centrale dans le système de
preuves en droit et procédure pénaux. Et ce, alors même que, ni l’institution judiciaire ni
la rationalité scientifique ne parvenaient à traiter le moindre indice. La charge de la
preuve de la culpabilité d’un individu repose sur des éléments parfois subjectifs,

380
Cass. crim., QPC incidente - non lieu à renvoi au CC, 23 novembre 2010, n° 10-86.067, Publié au
bulletin.

236
PREMIERE PARTIE – TITRE SECOND – CHAPITRE SECOND - EFFECTIVITE DU CONTROLE DE L’AVEU

notamment le témoignage et l'aveu, considéré comme des moyens de preuve pouvant


tendre vers la vérité. Pourtant, en raison de la persistance d’erreurs judiciaires
nonobstant des aveux, un système rationnel de preuves a été progressivement élaboré
afin d’articuler de façon plus optimale la science et la vérité en matière pénale.

237
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

168- L’aveu comme justification a posteriori. L’aveu constitue le mode de preuve


le plus approprié pour construire la décision judiciaire. Si la vérité transcende le procès
pénal car elle existe nécessairement, la question se pose toutefois de savoir de quelle
vérité il s’agit exactement. En effet, la vérité judiciaire ne recoupe pas toujours, loin
s’en faut, la vérité. En principe, la vérité de la chose jugée est celle qui découle
logiquement d’une décision. Elle n’est par conséquent pas la vérité absolue mais celle
qui correspond à une construction juridique opérée par le juge sur le fondement de faits
soumis à son examen. C’est à l’issue d’un processus qui répond à une dialectique
contradictoire que naît cette vérité judiciaire qui deviendra, l’espace d’un instant, la
vérité même si le jugement prononcé pourra faire l’objet de recours. Le juge, par
manque de temps, n’a pas réellement la possibilité d’une étude exhaustive, il doit se
cantonner à celle découlant de pièces versées à un dossier, puis prendre une décision qui
acquiert l’autorité de la chose jugée, necesitas non veritas facit jus.

En même temps, cette vérité est évolutive. Il s’ensuit que dans le cadre du
développement des procédures simplifiées, dictées par l’urgence et l’immédiateté, ce
n’est plus le débat classique entre la vérité judiciaire et la vérité absolue qui est
désormais posé, mais celui de l’abandon de cette problématique binaire au profit d’un
autre critère : celui de l’efficacité dans le traitement des flux pénaux. Il ne s’agit plus de
rechercher une quelconque vérité, mais de susciter l’aveu en marge de la question de la
vérité. L’aveu, en d’autres termes, n’est plus souhaité parce qu’il serait le signe évident
d’une vérité judiciaire, ce qui est hors débats, mais davantage pour consolider la thèse
de l’accusation. L’aveu, dans cette perspective, devient donc un simple alibi car,
émancipée de la morale, la vérité devient secondaire, au profit d’un simple pragmatisme
judiciaire. La place croissante occupée par l’aveu permettrait, au nom d’un impératif de
célérité, de pallier les inconvénients d’audiences surchargées donc le risque d’une
préparation insuffisante des procès. C’est en ce sens que l’aveu devient, d’une certaine
manière, l’allié objectif de l’appareil judiciaire car il permet de désengorger les

238
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

juridictions, même si cette évolution s’effectue au détriment d’un réel équilibre des
parties et d’un renforcement des prérogatives du parquet.

169- Chose jugée et statut de la vérité judiciaire. L’aveu en matière pénale


renvoie au statut de la vérité judiciaire, et ce d’une manière assez problématique si l’on
admet que la culture française se concentre sur une vérité qui repose sur l’établissement
de faits résultant de pièces versées à un dossier. C’est dans ces conditions que se pose la
question de l’aveu de culpabilité donc de sa sincérité dans un contexte où la décision à
intervenir répond davantage à une nécessité qu’à un souci de vérité. Ce qui structure par
conséquent la décision judiciaire c’est davantage le doute qu’une certitude absolue sur
son bien-fondé. En effet, l’institution ne fait reposer son jugement que sur une
rationalité limitée. Or, l’étude exhaustive d’un dossier pénal ne suffit pas à pallier le
risque d’erreur en raison notamment du manque de moyens matériels ou de temps dont
disposent les magistrats. Aussi, pour asseoir une culpabilité sur le fondement d’aveux, il
semblerait que le juge se fonde, en réalité, sur une intuition pré-judiciaire et non sur une
certitude fondée sur des éléments matériels dans le sens d’une réelle culpabilité.

Par ailleurs, aux termes de l’article 10 du Code civil : « chacun est tenu d’apporter
son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité »381. Il découle de ce
principe que si le juge est en droit d’exiger de chacun qu’il concoure à la manifestation
de la vérité, il ne saurait toutefois se contenter d’une simple intuition qui aurait pour but
d’alléger sa tâche. L’alternative est la suivante : ou bien l’exigence de vérité répond à un
besoin impérieux sans lequel il ne saurait exister réellement de justice, cette exigence de
vérité constituant donc un devoir ; ou bien, la recherche d’une vérité judiciaire constitue
un vœu pieux, voire une illusion, et dans ces conditions les droits de la défense devront
être renforcés pour contrecarrer les risques d’atteintes aux libertés individuelles. C’est
dans ce contexte que le mode de poursuite de plaider coupable par exemple met en
lumière les contradictions de la vérité judiciaire dans la culture pénale française. Celle
de l’avocat, défenseur du principe de présomption d’innocence, celle des magistrats,
notamment ceux du parquet, garants d’une culture de l’accusation, pour lesquels, par
principe, tout le monde ment. Or, la technique de CRPC renvoie à la valeur judiciaire de

381
Art. 10 du Code civil, préc.

239
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

l’aveu, c’est-à-dire à la reconnaissance par le prévenu d’une vérité à mi-chemin entre


deux vérités proposées, celle du défenseur et celle de l’accusation. Il existe, à ce titre, ce
que Pierre LEGENDRE nomme une « culture de l’aveu » qui se déploie : « (…) dans
des espaces de discours diversifiés. Mais ces discours ne peuvent être tenus que parce
qu’ils se réfèrent à une instance tierce, une instance logique, (…) l’instance absolue de
la vérité. C’est à travers ce montage dogmaticien du tiers (le juge), qu’une société est en
mesure de faire tenir, en la fondant, une institution aussi importante et délicate que
l’aveu » 382. Ainsi, considérer qu’il incombe à la partie poursuivante de rapporter la
preuve de la culpabilité d’un prévenu signifie qu’a priori cette personne bénéficie
d’une innocence judiciaire, qu’aucun aveu ne saurait, en principe, altérer.

170- Une vérité relative. La chose jugée n’est pas la vérité mais une vérité car
coexistent au moins deux vérités qui s’opposent tout au long du procès pénal, celle de
l’avocat, soucieux défenseur de son client au nom et pour le compte du principe de
présomption d’innocence, celle du magistrat du parquet qui, par tradition héritée de
l’histoire, est dépositaire d’une culture de l’accusation, d’un temps où le Roi de France
refusait au juge tout pouvoir qu’il ne tînt pas de lui, car le juge était tout à la fois la loi et
le roi, ce que disait notamment son pouvoir d’évocation.

Ce qui apparaît ainsi comme essentiel dans le procès pénal, ce sont les éléments
versés à une procédure, surtout des documents établis par les experts et les huissiers.
Aux Etats-Unis, la manifestation de la vérité est recherchée davantage de manière
procédurale, avec, par exemple, l’obligation qui pèse sur les parties de verser tout
document ou témoignage, même si cela va à l’encontre de leurs propres intérêts. A
l’inverse, dans le système pénal français, le justiciable dispose de la faculté de taire une
information, cette garantie procédurale étant appréhendée comme le corollaire du
principe de présomption d’innocence. Il s’ensuit que la possibilité du mensonge est
mieux acceptée dans la culture latine car il est communément admis par les magistrats, à
tort ou à raison, que si le mensonge est le principe, la vérité du dossier réside
nécessairement dans les documents transmis par les tiers experts, la vérité judiciaire

382
Pierre LEGENDRE, « De confessis », Remarques sur le statut de la parole dans la première
scolastique », in Renaud DULONG et Jean-Marie MARANDIN, L’aveu, Antiquité et Moyen Age, Paris,
PUF, 2001 p. 405.

240
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

étant conçue, en conséquence, comme une vérité principalement de nature technique.


Or, cette opinion selon laquelle, par essence, tout justiciable aurait une inclinaison
naturelle au mensonge est problématique en droit français où la présomption de vérité
s’attache à la chose jugée : res judicata pro veritate habetur, règle dont l’article 1350 du
Code civil tire une présomption légale, puisqu’ aux termes de l’alinéa 3, cette
présomption légale renvoie à : « l’autorité que la loi attribue à la chose jugée »383. La
Cour de cassation a même énoncé, dans divers arrêts, que : « le principe de l’autorité de
la chose jugée est général et absolu et s’attache même aux décisions erronées »384. La
question se pose ainsi de savoir quelle valeur attribuer à cette vérité judiciaire lorsque,
précisément, cette dernière n’a plus véritablement à être recherchée dans des pièces
versées à un dossier ou à une procédure, mais dans le simple aveu d’une personne
poursuivie. Il est de nombreux exemples où une personne mise en cause dans une
affaire pénale a avoué les faits qui lui étaient reprochés lors de sa garde à vue, mais a
bénéficié d’un non-lieu, a été relaxée ou acquittée, par la juridiction ultérieurement
saisie. Cette difficulté est redoublée par l’incidence de l’offre de preuve sur les moyens
de défense du justiciable. Selon la Cour, l’offre de preuve ou aveu lie le juge, et ce
nonobstant l’imprécision éventuelle des faits allégués par le prévenu385. Ce qui signifie,
a contrario, que sur le fondement de faits rapportés par une personne mise en cause
même de façon spontanée, le juge pénal pourra motiver un jugement sur la vérité des
faits en dépit de leur approximation ; la juridiction saisie en venant donc à articuler une
vérité judiciaire sur une offre de preuve incertaine. Or, si la vérité peut être définie sur
un plan philosophique inspiré du thomisme comme l’adéquation entre la pensée et le
réel adequatio rei et intellectus, la vérité judiciaire qui résultera de l’offre de preuve
précitée, celle résultant des pièces du dossier, risque de s’écarter de la vérité (l’aveu
peut reposer sur des affirmations fausses ou inexactes), celle-ci n’ayant pas réellement
été établie, elle pourra être fondé sur un mensonge. De sorte que, dans le système pénal
américain, un citoyen ne doit jamais être contraint par la loi à s’auto-incriminer, ce qui
résulte du cinquième amendement de la Constitution et le droit au silence apparaît
comme le lieu d’un affrontement entre deux conceptions antagonistes de la vérité

383
Art. 1350 du Code Civil.
384
Civ. 3ème, 4 mars 1998, pourvoi n° 96 11-399 et Soc. 19 mars 1998, Bull. crim. n° 158.
385
Crim. 29 novembre 1994, Bull crim. n° 381 ; Crim. 14 avril 1992, Bull crim. n° 162 ; Crim. 22 mai
1990, Bull crim. n° 211.

241
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

judiciaire ; en outre, la vérité est recherchée d’une manière plus procédurale afin de
verser au dossier tous les éléments permettant d’établir une sélection des jurés. Il
s’ensuit que le rôle de l’avocat consistera à s’assurer que toutes les pièces au soutien de
sa thèse soient vraies et répondent aux questions, sous peine de se voir infliger une
lourde sanction. C’est la raison pour laquelle en France, la procédure de CRPC, par
exemple, pose la question de la valeur judiciaire de l’aveu, c’est-à-dire celle de la
reconnaissance par le prévenu d’une vérité à mi-chemin entre deux vérités proposées,
celle du défenseur et celle de l’accusation, et renvoie, in fine, au problème de savoir si,
en matière pénale, il doit exister une vérité en-soi (celle que recherche le parquet) ou si
la vérité résultant du dossier peut suffire (celle à laquelle se cantonne l’avocat). A ce
propos, M. Philippe BILGER, avocat général près la cour d’appel de PARIS commente
la position des avocats pénalistes en ces termes :

« Faire acquitter un innocent, c’est la moindre des choses. Sortir un coupable, c’est
plus intéressant, ça prouve que les règles sont respectées». Sans vouloir faire dire à ce
propos plus qu’il ne contient, j’y vois tout de même cette idée centrale qu’il n’y a rien
de choquant dans l’absolution d’un coupable, que le doute lui ait bénéficié ou un grave
défaut de clairvoyance judiciaire. J’entends bien que la condamnation d’un innocent
véritable constitue, pour lui et, au-delà, pour la société tout entière une violation d’un
principe fondamental qui doit nous mobiliser. Mais l’acquittement d’un coupable
indiscutable relève-t-il d’un pur jeu où la vérité et le mensonge n’auraient qu’une
incidence judiciaire ou peut-il nous indigner au même titre que le scandale
précédent ? » 386.

De la confrontation de ces deux vérités, celle de l’accusation et celle de la défense, la


philosophie antique a forgé deux conceptions opposées du monde, celle des platoniciens
recherchant la Vérité, c’est dire un absolu, et celle des sophistes pour lesquels seule la
force du discours oratoire doit l’emporter. Elle correspond aussi à deux traditions
juridiques, le modèle inquisitoire pour lequel l’objectif est la vérité et le système
accusatoire anglo-saxon pour lequel le référent principal est la justice, même si les
risques d’une asymétrie procédurale entre défense et accusation sont présents, compte

386
Philippe BILGER, Pour l’honneur de la justice, Paris, éd. Flammarion, 2006, p. 20.

242
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

tenu de l’inégalité des ressources existant entre les parties. Corrélativement, la


rétractation d’aveux consentis lors de la mesure de garde à vue pourra également
s’effectuer en marge de la question de la vérité ; car la démarche de rétractation d’aveux
pourra également parfois intégrer une dimension stratégique du côté de la personne mise
en cause.

171- Le rapport du justiciable à la vérité. La relation entre une personne mise en


cause et la vérité judiciaire se pose aujourd’hui avec une particulière acuité, notamment
par la possibilité d’enregistrer et de filmer les gardes à vue. En effet, la présence des
caméras au sein des locaux des services de police risque, en dépit de louables intentions,
de réhabiliter une culture de l’aveu judiciaire alors que l’objectif assigné de la mesure
était précisément d’encadrer plus loyalement les déclarations des supects. Mais surtout
cette possibilité demeure problématique au regard des droits de la défense. Tout
d’abord, les avocats pénalistes considèrent qu’il convient de dissocier l’innocence
judiciaire d’une innocence réelle. Ensuite, les magistrats du parquet rechignent à voir
relaxée ou acquittée une personne soupçonnée de faits mais dont le dossier pénal ne
vient pas rapporter la preuve irréfragable de la culpabilité, le principe d’égalité des
armes entre la défense et l’accusation demeurant un élément de controverse entre
magistrats du parquet et avocats387. La difficulté provient du fait qu’en théorie, le
respect dû au principe de présomption d’innocence devrait conduire l’institution
judiciaire à admettre plus facilement l’idée selon laquelle la relaxe d’un prévenu ou
l’acquittement d’un accusé puisse l’honorer et non la dévaloriser. L’adage selon lequel
il « vaut mieux un coupable en liberté qu’un innocent en prison », ne semble pas être
communément admis par l’institution, qui perçoit comme un échec judiciaire toute mise
hors de cause infondée. Schématiquement deux arguments principaux sont avancés par
l’accusation au soutien de cette thèse. Tout d’abord, cela constituerait la preuve

387
Comme en a témoigné un colloque organisé par l’Institut de Défense Pénale à Marseille, s’étant tenu le
2 décembre 2006 sur le thème : « l’Avocat et la vérité ». Séminaire de formation sous la direction de
Maitre Alain MOLLA, avocat au barreau de Marseille. Les principaux thèmes traités ont été les suivants :
« La vérité : exigeante ou encombrante ? repère ou piège », intervenant, Maitre Jacques MARTIN, avocat
au barreau de Montpellier ; « Vérité (s) construite(s) : distance, coopération ou compromission »,
intervenant, Maitre Eric DUPOND-MORETTI, avocat au barreau de Lille, « Vérité (s) recherchée (s) :
accès à la recharche de la vérité pour l’avocat », intervenant, Maitre Gaétan DI MARINO, avocat à la
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, professeur agrégé ; « Vérité (s) débusquée (s) : l’avocat et
l’investigation », intervenant, Maitre Michel BRAUNSCHWEIG, avocat à la Cour d’appel de Paris.

243
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

définitive d’un désintérêt, du côté des avocats, pour l’utilité sociale ; ensuite, la position
précitée serait inacceptable au regard de l’éthique car elle contribuerait à détériorer
davantage la vie de la victime.

Cependant, si l’aveu se pose principalement au stade de la déclaration de culpabilité,


on peut également retrouver paradoxalement cette question en bout de la chaîne pénale,
notamment lors de la phase de l’exécution de peine, au moment d’une éventuelle remise
en liberté dans le cadre d’une requête en aménagement de peine déposée par un détenu.

172- Aveu et exécution des peines. La décision d’une personne condamnée


définitivement d’avouer ou non son infraction, ce à quoi elle ne s’est jamais résignée
auparavant, dans le cadre d’une requête en aménagement de peine sollicitée par
l’intéressée peut également conduire à des effets pervers. En effet, bien souvent388, lors
de la phase d’aménagement de peine, l’alternative présentée par le juge de l’application
des peines (JAP), ainsi que par les divers membres de la commission (procureur de la
République, représentant du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) et
un fonctionnaire de l’Administration pénitentiaire), est la suivante : soit avouer les faits
pour lesquels l’intéressé a été condamné et bénéficier de ladite demande (il sera donc
fait droit à la requête sur le fondement de l’aveu) ; soit, à l’inverse, persister dans ses
dénégations et alors se voir refuser la remise en liberté au motif que la personne détenue
n’aurait pas accompli « un travail sur soi » dans le sens de la reconnaissance de sa
culpabilité donc de sa responsabilité pénale. Le plus fréquemment, la demande d’aveu
comme condition préalable d’un élargissement résulte des rapports d’expertise
psychiatrique, lesquels font état de l’absence d’acte de contrition de la part du détenu ;
en d’autres termes, si l’exécution de sa peine privative de liberté en milieu carcéral ne
lui a pas permis de prendre conscience de la gravité de ses actes et de sa responsabilité,
le risque d’une réitération des faits reste important ; il s’ensuit que l’intéressé ne mérite
pas, en l’absence d’aveux circonstanciés, d’être libéré. En France, la méthode
dominante d’évaluation de la probabilité de récidive reste l’expertise clinique. La
difficulté provient du fait que certaines personnes, en dépit de leur condamnation, donc
d’une vérité judiciaire, se considèrent innocentes des faits ayant conduit la juridiction à

388
Cet exemple ne peut pas être généralisé, même si le choix d’un aveu contre le bénéfice d’un
aménagement de peine pour le détenu est assez fréquent au stade de l’aménagement de la peine.

244
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

les déclarer coupables ; il s’ensuit que l’alternative proposée par le JAP et le parquet
constitue un réel cas de conscience pour ces détenus. Pourtant, l’intéressé conserve,
même à ce stade, un droit théorique au mensonge. Si le détenu ne pouvait bénéficier de
ce droit au mensonge, on s’accorderait mal sur la nécessité, pour le JAP et le parquet, de
devoir rapporter la preuve de sa culpabilité, encore lors de la phase de l’exécution de
peine.

245
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL

SECONDE PARTIE : PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE


DE GESTION DU CONTENTIEUX PENAL

173- Vers une banalisation de l’aveu. Loin de constituer un objectif absolu à


atteindre dans le contexte de l’aveu traditionnel389, la question de l’aveu devient
aujourd’hui un impératif secondaire dans un contexte où la manifestation de la vérité
n’est plus primordiale. Comme le souligne Yvonne MULLER, l’efficacité recherchée ne
correspond pas systématiquement à la vérité judiciaire390. Le temps du procès peut
parfois s’avérer nécessaire à une bonne justice pénale. Or, les procédures accélérées
conduisent in fine à une automatisation de la réponse pénale au détriment d’une
individualisation de la sanction. Aussi, le débat se déplace. Ce qui devient essentiel
n’est plus la vérité judiciaire mais la gestion de stocks puisque l’aveu devient un mode
de gestion du contentieux pénal parmi d’autres, ce qui est tout autre chose, surtout au
sein d’un système inquisitoire dans lequel la vérité est le critère du procès. A telle
enseigne que l’aveu obtenu hors de la présence de l’avocat ne devrait plus conduire seul
à la condamnation391. En théorie, l’intime conviction d’un magistrat ne devrait plus
pouvoir reposer uniquement sur l’aveu.

389
C’est ce que nous avons examiné dans la première partie.
390
Voir à ce propos l’étude d’Yvonne MULLER intitulée « La réforme de la garde à vue ou la figure
brisée de la procédure pénale française », in Dr. Pénal n° 2, février 2011, p. 6.
391
Crim. 4 janvier 2011, n° 10-85.520, Dalloz actualité, 17 janvier 2011, obs. M. LENA ; AJ Pénal
2011, p. 83, obs. J. DANET : La chambre criminelle, saisie par la procureure générale, rejette le pourvoi
formé contre un arrêt d’une chambre correctionnelle ayant annulé les actes d’audition et de perquisition
d’une garde à vue. Cette annulation avait été prononcée en première instance en raison de l’absence
d’assistance effective d’un avocat ainsi que des conditions des auditions et d’une perquisition accomplie
durant la garde à vue. L’annulation de la garde à vue était confirmée en appel. La cour d’appel avait
ensuite évoqué et condamné le prévenu sur la base d’un témoignage, d’un enregistrement sonore et d’un
film vidéo recueillis par les enquêteurs en dehors de la garde à vue. La Haute Cour explique que si c’est à
tort que la cour d’appel a prononcé la nullité de la garde à vue avant l’entrée en vigueur de la loi devant,
conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de
la garde à vue ou, en l’absence de cette loi, avant le 1er juillet 2011, l’arrêt n’encourt pas la censure dès
lors qu’il a eu pour seule conséquence que les actes annulés n’ont pas constitué des éléments de preuve
fondant la décision de culpabilité du prévenu. Crim., 18 janvier 2011, n° 10-83.750, Dalloz actualité, 20
février 2011, obs. Emmanuelle ALLAIN : dans la droite ligne de la décision du 4 janvier 2011, la
chambre criminelle réaffirme sa position quant à l’annulation des gardes à vue sans assistance d’un
avocat. Dans cette décision du 18 janvier 2011, la Cour de cassation est saisie d’un pourvoi du procureur
général à la suite du prononcé de la nullité de la garde à vue par la cour d’appel d’Angers pour défaut
d’assistance effective d’un avocat. Un homme fût interpellé et placé en cellule de dégrisement puis ses
droits de gardé à vue lui furent notifiés. Il fût entendu par les policiers avant de voir un avocat puis

246
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL

174- Aveu et paradoxe pénal. La mutation contemporaine de l’aveu apparaît, à


bien des égards, contradictoire. En pratique, rien n’empêchera un magistrat de tirer des
conclusions hâtives dans le sens de la culpabilité d’une personne mise en cause sur le
fondement desdits aveux. Il s’agit par conséquent d’un processus singulier car, tout
d’abord, l’aveu devient secondaire dans la recherche de la manifestation de la vérité
puisque la modernisation des services de police ou de gendarmerie contribue à
substituer une culture de la preuve à une culture de l’aveu 392mais, ensuite, il devient un
pivot essentiel lorsqu’il s’agit de gérer des flux pénaux en temps réel. C’est ainsi la
place assignée à l’aveu qui se modifie car il remplit désormais davantage une fonction
pragmatique qu’un rôle plus ambitieux de recherche du vrai, il devient moins sublime
qu’utile, par conséquent une simple faculté offerte à l’intéressé. D’une certaine manière,
l’aveu s’est démocratisé ou laïcisé suivant en cela les mutations induites par la
modernité libérale. Ce qui ne signifie pas que ce mode de preuve ait disparu, loin s’en
faut. Si la procédure pénale évacuait totalement l’aveu pour asseoir une culpabilité, elle
prendrait un double risque. Soit elle pousuivrait la quête de la vérité judiciaire par ses
propres moyens en ne la faisant reposer que sur l’établissement de faits matériels mais,
ce faisant, elle risquerait d’échouer à faire réellement œuvre de justice pénale. Soit, elle
abandonnerait la recherche de la vérité judiciaire pour se consacrer uniquement au volet
répressif. C’est la raison pour laquelle l’obtention de l’aveu constitue encore une
impérieuse nécessité, notamment au cours de l’enquête, même si, à la faveur du
développement des procédures accélérées, on assiste toutefois à sa mutation. Cette
transformation de l’aveu va d’ailleurs de pair avec l’évolution significative de deux
professions, celle de fonctionnaire de police tout d’abord celle d’avocat ensuite. En

condamné en première instance pour toute une série d’infractions liées à sa conduite sous l’emprise de
l’alcool. La cour d’appel, après avoir annulé la garde à vue, confirme la condamnation aucun acte n’aynt
été diligenté, après l’interrogatoire de l’intéressé. La chambre criminelle pour rejeter le pourvoi, reprend
les termes exacts de l’attendu de son précédent arrêt : « si c’est à tort que la cour d’appel a prononcé la
nullité de la garde à vue avant l’entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du Conseil
constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue ou, en l’absence de cette
loi, avant le 1er juillet 2011, l’arrêt n’encourt pas la censure dès lors qu’il a eu pour seule conséquence que
les actes annulés n’ont pas constitué des éléments de preuve fondant la décision de culpabilité du
prévenu ». Ainsi, bien que la garde à vue sans l’assistance d’un avocat ne puisse être annulée avant le 1er
juillet 2011, les éléments recueillis lors de l’interrogatoire de l’intéressé qui n’a pas eu accès à un avocat
ne peuvent constituer des éléments de preuve suffisants pour fonder sa condamnation.
392
Rapport en annexe de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la
performance de la sécurité intérieure, dite loi « LOPPSI 2 » p. 56, JO n° 0062 du 15 mars 2011 p. 4582.

247
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL

effet, la réception de l’aveu n’est plus un impératif catégorique dans un contexte de


fonctionnarisation accrue du métier de policier liée à la réduction du temps de travail.
Ce changement dans la réorganisation du travail tend à réduire l’aveu à un objectif
parmi d’autres car les enquêteurs disposent de moins de temps à y consacrer. Ainsi, les
contraintes budgétaires qui restreignent leurs moyens financiers conduisent les officiers
de police judiciaire à privilégier, dans le laps de temps qui leur est imparti, d’autres
éléments plus essentiels d’une enquête, où la question de l’aveu devient un objectif
parmi d’autres. Mais c’est également l’attitude des avocats qui modifie la nature de
l’aveu. Les avocats pénalistes n’hésitent plus à déposer systématiquement des plaintes à
l’encontre de policiers pour violences commises lors de la garde à vue ainsi que des
requêtes en nullités. A ce propos, le dispositif relatif à la question prioritaire de
constitutionnalité (QPC) entrée en vigueur le 1er mars 2010, a instauré le droit
désormais reconnu à tout citoyen de contester la constitutionnalité d’une loi portant
atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. La loi organique du
10 décembre 2009393 a précisé les conditions d’application de l’article 61-1 de la
Constitution qui ouvre aux citoyens le droit de contester, à l'occasion des procès intentés
devant les juridictions administratives et judiciaires ou celles régies par le code des
juridictions financières, la constitutionnalité d’une disposition législative portant atteinte
aux droits et libertés protégés par la Constitution. Il est possible en outre d’obtenir
réparation du préjudice subi en relation avec une détention provisoire injustifiée même
dans l’hypothèse d’aveux passés par une personne mise en cause, ce qui devrait
conduire les juges des libertés et de la détention à décider de l’incarcération provisoire
de façon moins fréquente, même en présence d’aveux. En réalité, on assiste à un
changement de la nature de l’aveu dans la mesure où nous sommes passés d’un aveu
traditionnel qui était souvent facilité lors de la phase de garde à vue à un aveu de
compromis car fondé sur une possible discussion entre les parties au procès ; autrement
dit, à une discussion de l’aveu sur déclaration. Il s’agit par conséquent d’un aveu
davantage positif, car reposant sur une forme d’entente entre les autorités de poursuite et
la défense permettant, le plus fréquemment, au suspect de voir son sort amélioré à
l’issue des divers interrogatoires. Cet aveu sur déclaration en contrepartie d’une remise
en liberté plus rapide de l’intéressé est d’ailleurs souvent à l’initiative du mis en cause

393
JO du 11 décembre 2009, n° 2009-1523.

248
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL

lui-même, en accord avec ce que lui suggère l’enquêteur et parfois à l’encontre de ce


que lui conseille son avocat. Il s’agit d’un aveu davantage plébiscité par la personne
soupçonnée, qui se décline donc sous la forme d’un plaidoyer ; en effet, il permet aux
autorités de pousuites de clôturer plus rapidement l’enquête, puisque les faits objet de la
poursuite sont spontanément reconnus, ce qui facilite également le travail du parquet.

Mais ce sont surtout les procédures accélérées qui font de l’aveu le pivot central de
gestion du contentieux pénal même en marge de la question de la vérité judiciaire.

175- Modes alternatifs et portée exorbitante de l’aveu. Les modes alternatifs de


règlement du contentieux pénal ne sont pas exempts de reproches, voire de dérives,
puisque les garanties juridictionnelles sont quasiment inexistantes. En effet, les
procédures accélérées soulèvent une difficulté au regard du respect des droits de la
défense, même si l’aveu y apparaît comme le socle indispensable. Il semblerait, à ce
titre, que les modes alternatifs gagnent en célérité ce qu’ils perdent en protection des
droits. En l’occurrence, si la nécessité de traiter rapidement un contentieux de masse
justifie le recours à la simplification des procédures, force est d’admettre que l’aveu
ainsi obtenu suffit à justifier le recours à une sanction. Il apparait cependant que cette
admission de culpabilité est une condition d’accomplissement des mesures prononcées
et donc de succès de l’alternative. Il s’agit de considérer l’auteur des faits comme
coupable et l’autre protagoniste comme victime. Le premier renonce donc, par
l’acceptation de participation à cette mesure, à son statut de présumé innocent et l’autre
acquiert directement le statut de victime pénale. Si ces remarques n’ont que peu
d’influence dès lors que la procédure est couronnée de succès, il en est tout autrement
lorsque la médiation échoue notamment à raison de prétentions exorbitantes de la
victime. En ce cas, une situation plus embarrassante voit le jour par la transmission du
rapport du médiateur au procureur de la République. Si le parquet propose une
médiation c’est qu’il résulte déjà de l’enquête que l’auteur a reconnu les faits qui lui
étaient reprochés. Or, la question qui se pose est de savoir si l’intéressé les a
volontairement reconnus ou s’il a agi sous une forme de contrainte morale, en raison du
risque accru de sanctions plus importantes. A fortiori, l’inexécution des obligations
résultant de l’accord conclu pourra conduire à la mise en mouvement de l’action
publique par le ministère public ou la victime. Par conséquent, même si les aveux n’ont

249
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL

pas de force probatoire, ils peuvent servir à forger la conviction de la juridiction de


jugement ; en d’autres termes, le prévenu aura contribué à sa propre condamnation.
Aussi, le processus d’aveu aboutit à un renversement de la charge de la preuve, et ce
davantage au sein de la composition pénale, et à une méconnaissance corrélative des
droits de la défense. La simplification de la procédure à travers la négociation porte
également atteinte à la personne mise en cause car cette négociation constitue une
incitation à s’auto-incriminer dans laquelle, en outre, il n’est laissé aucune place à
l’argumentation de la défense. De la même manière que les explications fournies par
l’intéressé n’auront aucune influence sur la sanction proposée par le procureur ; laquelle
ne repose que sur la relative gravité des faits reconnus donc sur l’aveu de ceux-ci par
l’intéressé. Si le principe des alternatives aux poursuites ne contrevient pas en théorie
aux droits de la défense puisque l’avocat peut assister son client, le Conseil ne sera en
réalité chargé que d’une mission d’explication auprès de son client sur ses droits, mais
ne pourra en aucun cas exercer une réelle mission de défense pénale. L’article 41-2 du
CPP relatif à la composition pénale n’impose d’ailleurs pas au procureur d’informer
l’intéressé de son droit d’être assisté d’un avocat. Les avocats considèrent que
l'évolution de leur profession les conduit à privilégier la transaction, le compromis et la
recherche de solutions amiables même si le débat sur la culpabilité est écarté. Par
conséquent, l’obtention de l’aveu ôte tout intérêt et tout attrait aux explications fournies
par l’intéressé. Dans le cadre d’une composition pénale, le droit de la preuve est réduit à
l’obtention du seul aveu. Celui-ci est obtenu sous la menace de poursuites ultérieures
donc sous une forme de contrainte morale qui existe d’autant plus lorsque la
composition est proposée au cours de la garde à vue donc à un moment où la personne
est privée de liberté. La rapidité de la procédure apparait donc acquise au travers de
l’allègement du contenu de la preuve de la culpabilité et de la discussion de celle-ci, ce
qui confère une portée exorbitante à l’aveu. S’il conduit, dans le cadre de la
composition, au prononcé d’une sanction relativement acceptée par l’intéressé, des
risques de dérives sont à déplorer en cas d’échec du mode alternatif de règlement. Les
procédures accélérées doivent donc être qualifiées de véritables contrats se rapprochant
du plea bargaining américain selon lequel toute la preuve de la culpabilité s’articule
autour de l’aveu. L’aveu est ici sollicité par une offre transactionnelle, moins sévère que
la peine normalement encourue, ce qui permet l’accélération de la réponse pénale.

250
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL

176- Développement de l’aveu comme réponse à la défaillance du système


pénal. La justice négociée est le résultat d’une évolution de la justice pénale face au
phénomène de « surcriminalisation » et d’incapacité du système pénal à y remédier. La
déjudiciarisation a favorisé le développement des alternatives aux poursuites et par
conséquent l’émergence d’une nouvelle réponse pénale du procureur de la République,
associé au pouvoir d’homologation du juge. Le représentant du parquet, en-dehors des
cas de déclenchement des poursuites par les victimes d’infraction, dispose de la faculté
d’orientation de la procédure. Aux termes de l’article 40 CPP précité, le procureur devra
non seulement estimer le bien-fondé de l’action publique et examiner la légalité de la
poursuite mais aussi s’interroger sur son caractère opportun. Pour les infractions de
faible gravité, le ministère public pourra proposer à l’auteur une alternative aux
poursuites pénales devant un tribunal. Cette mesure consistera en un rappel à la loi, une
mesure de réparation ou une médiation pénale voire, dans un registre plus contraignant,
une composition pénale. Cependant, le principe d’opportunité des poursuites prend fin
après l’exercice de l’action publique, comme l’a souligné la Cour de cassation dans un
arrêt du 24 septembre 2008. Cette décision est venue clarifier la distinction entre le droit
d’action publique et son exercice : le procureur dispose du droit de déclencher les
poursuites ou pas, mais lorsque qu’il a opté pour la mise en œuvre de l’action publique,
celle-ci ne lui appartient plus et les juridictions ne sont donc pas liées par ses
positions394. La déjudiciarisation a donc consisté à promouvoir des solutions de
rechange pour répondre à la commission d’infractions au travers d’une négociation sur
la peine entre les parties. Dans ce cadre, l’aveu est apparu comme le socle de ces modes
alternatifs aux poursuites, ce qui témoigne, au-delà des critiques qui peuvent toujours se
manifester, du caractère fécond de ce processus qui participe d’un enrichissement du
droit.

177- Annonce du plan. L’évolution des pratiques en matière pénale tend à banaliser
la question de l’aveu. En effet, ce ce mode de preuve semble désormais davantage
soumis à la discussion entre les divers acteurs au procès (TITRE PREMIER). En
pratique, la réception de l’aveu repose davantage sur un dialogue noué entre le suspect
et l’enquêteur que sur un mode autoritaire. Cette mutation de l’aveu est d’abord

394
Cass. crim., 24 sept. 2008, n° 08-80.872.

251
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL

cohérente d’ailleurs avec une société moderne davantage encline au contrat, à la


discussion ou au compromis qu’à l’imposition unilatérale d’une version unique, parfois
imposée de façon coercitive. Il s’agit d’une transformation reposant sur l’élision du
conflit au profit d’un progressif rapprochement des parties. Cette approche gagne en
transparence ce qu’elle risque toutefois de perdre au regard de l’exigence de vérité
judiciaire.

Ensuite, les procédures accélérées permettent l’ébauche, en pratique, d’une


contractualisation de la justice pénale. Ainsi, le délinquant est désormais davantage
responsabilisé par le fait qu’il participe au processus pénal et à la réparation du
préjudice occasionné. Il en découle un meilleur climat pénal entre l’auteur et la victime,
comme par exemple en matière de médiation pénale395qui témoignerait d’un
pragmatisme accru dans les conflis pénaux. Toutefois, cette évolution, en garantissant
une meilleure efficacité de l’institution judiciaire, n’en bouleverse pas moins notre
système pénal de nature inquisitoire. Le développement croissant d’un utilitarisme pénal
conduit en même temps à une parcellisation de la justice qui risque à terme de
restreindre les garanties des justiciables et de donner raison in fine aux nostalgiques du
droit, ceux qui en souligne le dépérissement. En revanche, les défenseurs de ces
nouveaux modes de règlement du contentieux pénal font valoir que c’est davantage en
terme de pluralité de formes d’actions au sein même du cadre légal qu’il faut envisager
ces pratiques étatiques ; qu’en d’autres termes, l’enjeu serait désormais ailleurs, c’est-à-
dire dans l’introduction de davantage de conciliation dans les procédures pénales afin de
lutter contre l’exclusion.

395
V. en ce sens, M.-C. DESDEVISES, Les fondements de la médiation pénale, Mélanges Blaise, Paris,
Economica 1995, p. 185. J.-P. BONAFE-SCHMITT, La médiation : une autre justice, Paris, Syros-
Alternatives 1992, p. 253 ; M. GUILBOT, S. ROJARE, « La participation du ministère public à la
médiation, » APC, n° 14, Pédone, 1992, p. 56.

252
SECONDE PARTIE – PLAIDOYER : L’AVEU EN DISCUSSION, UN MODE DE GESTION DU
CONTENTIEUX PENAL

Dans cette perspective, l’aveu deviendrait un objectif secondaire car l’essentiel ne


serait plus désormais la quête de vérité mais davantage un but de pacification sociale. Si
l’aveu figure au sein de tous les modes alternatifs aux poursuites, en pratique, il ne
suscite pas d’attention particulière car il est considéré comme une simple formalité.
Ainsi, dans une perspective de gestion des flux pénaux, c’est le plus souvent parce que
le mis en cause souhaite accepter une procédure alternative qu’il avoue et non pas parce
qu’il avoue qu’il se voit proposer une telle procédure. Ce qui témoigne de l’originalité
de la réception de l’aveu dans les modes alternatifs aux poursuites car désormais la
reconnaissance des faits repose essentiellement sur le registre de la proposition (TITRE
SECOND). C’est par conséquent davantage l’adhésion préalable à un mode de
poursuites qui suscite l’aveu de culpabilité, la reconnaissance des faits reprochés
apparaissant en réalité comme secondaire. Ainsi, la problématique se déplace. Il n’en
demeure pas moins que la ligne de partage relève au moins autant de l’idéologie, donc
du politique, que d’un réel débat de fond sur l’avenir de notre droit.

253
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – LA DISCUSSION DE L’AVEU SUR DECLARATION

TITRE PREMIER : LA DISCUSSION DE L’AVEU SUR DECLARATION

178- Vers une transformation du système pénal. Il s’agit désormais pour les
divers acteurs d’instaurer une discussion dans le cadre de la réception de l’aveu. L’idée
communément admise, même si elle est rarement reconnue par les autorités de
poursuite, c’est que la vérité judiciaire, en définitive, est un impératif secondaire
lorsque, d’une part, les faits sont reconnus par le suspect ; d’autre part, qu’il s’agit de
clôturer le plus rapidement une enquête, faute de temps et de moyens matériels. Ce
changement de mentalités induit également une modification de la relation entre
l’enquêteur et le mis en cause où l’échange devient davantage policé. En outre, si la
recherche de l’aveu lors de la phase de garde à vue conduisait fréquemment les officiers
de police judiciaire à user de ruses, menaces et intimidations pour obtenir une
reconnaissance de culpabilité, force est d’admettre que la multiplication des nullités
pouvant être soulevées par l’avocat dans le cadre de cette mesure apportent des
tempéraments au déséquilibre entre défense et accusation. C’est dans cette perspective
qu’un aveu davantage encadré dans sa réception sur un plan juridique (CHAPITRE
PREMIER) demeure une garantie pour le justiciable.

Toutefois, c’est en pratique que la défense pourra juger de l’efficacité des armes dont
elle est dotée, dans un contexte également d’évolution du droit. En effet, la recherche de
l’aveu et le respect du droit au silence se combinent aujourd’hui au sein de notre
procédure pénale. Or, cette transformation pose davantage problème dans un système de
droit de nature romano-germanique fondé sur une enquête privilégiant, par définition,
l’obtention de l’aveu au détriment du droit de se taire. Ce hyatus au sein de la culture
judiciaire est à l’origine d’une mutation dans la réception de l’aveu (CHAPITRE
SECOND).

254
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE

CHAPITRE PREMIER : L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA


DEFENSE

179- Remarques liminaires : la nouvelle garde à vue et l’étendue des droits de


la défense. L’avocat n’a pas accès à toutes les pièces du dossier, seuls les procès-
verbaux relatifs aux interrogatoires et aux confrontations lui sont communiqués. Si le
principe du droit à l’assistance de l’avocat dès le début de la garde à vue constitue un
progrès, la loi recense également un certain nombre de cas, où non seulement la venue
de l’avocat est différée mais également l’enregistrement des interrogatoires est proscrit,
notamment en matière de criminalité et de délinquances organisées, de terrorisme et de
trafic de stupéfiants. Jusqu’à présent, l’enregistrement n’était prescrit que lorsque la
garde à vue concernait des faits de nature criminelle, à l’exception des plus graves à
savoir tous les crimes relevant de la criminalité organisée. Ce qui excluait par
conséquent les suspects devant répondre d’infractions de nature correctionnelle, lesquels
ne voient donc pas leurs droits renforcés.

Le Conseil constitutionnel396 a toutefois censuré les septièmes alinéas des articles 64-
1 et 116-1 du CPP qui excluaient, en principe, tout enregistrement audiovisuel des
interrogatoires du suspect lorsque celui-ci avait été placé en garde à vue ou mis en
examen du chef de l’un des crimes prévus par l’article 706-73 dudit code – criminalité
organisée –, par les titres Ier – atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation – ou II –
terrorisme – du livre IV du Code pénal. Dans sa décision du 6 avril 2012, le Conseil
constitutionnel affirme, tout d’abord, qu’« aucune exigence constitutionnelle n'impose
l'enregistrement des auditions ou des interrogatoires des personnes suspectées d'avoir
commis un crime ». Cependant, il souligne, ensuite, qu’« en permettant de tels
enregistrements, le législateur a entendu rendre possible, par la consultation de ces
derniers, la vérification des propos retranscrits dans les procès-verbaux d'audition ou
d'interrogatoire des personnes suspectées d'avoir commis un crime » (cons. 9). Par
conséquent, l’exception législative constitue une « discrimination injustifiée » (cons. 9)
et le régime auquel il était fait exception par les dispositions finalement censurées

396
Cons. Cont., Décision n° 2012-228/229 QPC du 6 avril 2012, M. Kiril Z. (Enregistrement audiovisuel
des interrogatoires et des confrontations des personnes mises en cause en matière criminelle).

255
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
prévoit déjà les garanties de nature à permettre la prise en compte des particularités des
enquêtes liées à la criminalité organisée, aux crimes terroristes ou aux crimes portant
atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation. Avec sa décision du 6 avril 2012, le
Conseil constitutionnel généralise donc à l’ensemble des crimes l’enregistrement
audiovisuel des interrogatoires et contribue, du même coup, à compenser le possible
retard de l’intervention de l’avocat en garde à vue397, et ce, même si une telle
compensation demeure soumise à son effectivité. Sur le terrain des nullités,
l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires apparaît plus protecteur que le droit à
l’intervention d’un avocat en garde à vue dès lors que la Haute juridiction judiciaire
considère désormais que la violation de ce dernier droit constitue une cause de nullité
soumise à grief398. Cependant, l’octroi de garanties procédurales supplémentaires, tel
que l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires, revient à créer une « mesure
d’investigation spéciale »399 et peut donc être limité aux seules infractions graves et
complexes.

Désormais, aux termes de l’article 64-1 CPP : « Les interrogatoires des personnes
placées en garde à vue pour crime, réalisés dans les locaux d'un service ou d'une unité
de police ou de gendarmerie exerçant une mission de police judiciaire font l'objet d'un
enregistrement audiovisuel. ( …) Le présent article n'est pas applicable lorsque la
personne est gardée à vue pour un crime mentionné à l'article 706-73 du présent code
ou prévu par les titres Ier et II du livre IV du code pénal, sauf si le procureur de la
République ordonne l'enregistrement. ».

Par ailleurs, la loi du 5 mars 2007 a également prévu la possibilité de ne pas procéder à
l’enregistrement. L’alinéa 5 et 6 de l’article 64-1 disposent que : « Lorsque le nombre
de personnes gardées à vue devant être simultanément interrogées, au cours de la même
procédure ou de procédures distinctes, fait obstacle à l'enregistrement de tous les
interrogatoires, l'officier de police judiciaire en réfère sans délai au procureur de la

397
Pour les infractions de « droit commun » : articles 63-4-2, alinéas 4 et 5, du CPP ; pour les infractions
de criminalité ou de délinquance organisées : article 706-88, alinéas 6 et 7, du CPP
398
Cass. crim., 7 février 2012, n° 11-83.676 : Gaz. Pal. 19-21 février 2012, pp. 17-20, note Olivier
BACHELET.
399
Olivier BACHELET, « Censure de la limitation du champ d’application de l’enregistrement
audiovisuel des interrogatoires menés en matière criminelle » in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du
CREDOF, 10 avril 2012.

256
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
République qui désigne, par décision écrite versée au dossier, au regard des nécessités
de l'enquête, la ou les personnes dont les interrogatoires ne seront pas enregistrés.
Lorsque l'enregistrement ne peut être effectué en raison d'une impossibilité technique, il
en est fait mention dans le procès-verbal d'interrogatoire qui précise la nature de cette
impossibilité. Le procureur de la République en est immédiatement avisé. » Il en résulte
que le ministère public peut considérer comme inutile l’enregistrement de certaines
personnes ce qui rend le dispositif aléatoire et va à l’encontre du principe d’égalité.
Toutefois, en dépit de la clôture du procès-verbal d’audition au cours duquel des aveux
seraient passés, des précisions complémentaires pourront être recueillies.

Les enquêteurs peuvent également décider du report de la présence de l’avocat lors


des interrogatoires lorsque des raisons impérieuses l’exigent. Dans l’hypothèse d’un
refus opposé par les fonctionnaires de police, quels que soient les motifs invoqués,
l’avocat peut toutefois en théorie déposer une requête en nullité de la procédure. Ce qui
soulèvera une difficulté lorsque l’avocat de permanence pénale sera commis d’office,
donc peu expérimenté, car il n’aura pas le courage nécessaire ou l’audace suffisante
pour rentrer en conflit avec les officiers de police judiciaire. Le risque existe que ces
avocats prennent leur rôle d’auxiliaires de justice à la lettre en se transformant
davantage en auxiliaires des enquêteurs. Même en présence d’un avocat pénaliste
confirmé, les fonctionnaires de police auront toujours la faculté de faire remplacer ledit
avocat trop zélé, et ce en application des dispositions contenues à l’article 63-4-3 du
CPP. Aussi, la question de l’admissibilité de la preuve et de sa liberté dépend
étroitement de ce qui apparaîtra comme primordial pour le juge, ce qui restreint la
marge de manœuvre de la défense. Dans le système pénal français, la preuve annulée ne
peut être un élément à charge, mais peut constituer, en revanche, un élément à décharge.
Les déclarations obtenues de façon coercitive, ne sauraient être des preuves à décharge
pour la victime, car il n’est nul besoin d’employer la force pour que la personne
poursuivie cherche à s’innocenter lors de son interrogatoire. Les cas où les aveux
obtenus par la force peuvent constituer des preuves à décharge ne se présentent donc
que lorsque plusieurs personnes sont coaccusées.

180- Culpabilité ab origine et contrôle de la régularité des actes. Dans le cadre de


la réception de l’aveu, la question se pose de savoir quelle est la réelle incidence des
nullités pouvant être soulevées par la défense. Si, en définive, le sentiment que se sera

257
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
forgé l’accusation, nourri par l’enquête policière, donc par une impression plutôt
négative dans le sens de la culpabilité, pourra être infléchie sur un plan juridique par la
requête en nullité.

Après avoir examiné cette faculté offerte à l’avocat de soulever une nullité
(SECTION PREMIERE), nous examinerons l’orientation qui en est donnée par la
jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation (SECTION SECONDE).

SECTION PREMIERE : NULLITES DE L’INSTRUCTION VERSUS AVEU DE CULPABILITE

181- Une institution hostile à la nullité. Il existe un dispositif important des droits
de la défense qui prévoit, si besoin, de contrecarrer les possibles excès ou erreurs non
seulement des enquêteurs mais également du juge pénal (§1), c’est la possibilité de
soulever une nullité dans le cadre de la procédure. Toutefois, cette garantie pour le
justiciable intervient, en pratique, dans un contexte d’affrontement entre défense et
accusation, donc de défiance et non de confiance entre les parties (§2).

§1 - Le dispositif théorique

182- Anéantissement rétroactif de l’aveu. Dès le début de la mesure de placement


en garde à vue, l’information du procureur ou du juge d’instruction doit avoir lieu
immédiatement400, le cas échéant par voie de télécopie401.

De la même manière, la notification des droits doit être immédiate402. Tout retard
injustifié par une circonstance insurmontable porte donc nécessairement atteinte aux
intérêts de la personne concernée et permet d’annuler la procédure403. L’absence de
notification de la prolongation et des droits qui y sont attachés constitue également une
cause de nullité404. En théorie, les nullités de l’instruction pouvant être soulevées
doivent permettre d’anéantir rétroactivement l’aveu préalable de culpabilité de la
personne mise en examen. En pratique, la question se pose toutefois de savoir si la

400
Cass. crim., 31 oct. 2001, Bull.crim., n° 227.
401
Cass. crim., 10 déc. 2003, pourvoi n° 03-80.203.
402
Cass. crim., 11 oct. 2000, Bull. crim., n° 296.
403
Cass. crim., 30 avr. 1996, Bull. crim., n° 182, RSC 1996, p. 879, obs. DINTILHAC ; Procédures 1997,
comm. n° 68, obs. J. BUISSON.
404
Cass. crim., 30 janv. 2001, Bull. crim., n° 26.

258
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
cancellation dudit acte n’aura aucune incidence pour asseoir ultérieurement la
culpabilité de l’intéressé qui aura, dans un premier temps, avoué puis, dans un deuxième
temps, aura bénéficié de ladite nullité. Car la pratique pénale démontre que
l’institution est hostile à la nullité405, et ce surtout si la personne concernée a
préalablement avoué les faits qui lui étaient reprochés. Il s’agit par conséquent de
déterminer si les moyens de procédure pouvant être soulevés en défense peuvent
réellement contrecarrer le déséquilibre entre défense et accusation ; si, en définitive, la
seule arme dont dispose en pratique l’avocat face aux diverses techniques mises en
œuvre pour extorquer les aveux, fussent-ils après coup circonstanciés, n’est pas
constituée par la parfaite maîtrise des droits de la défense tels qu’ils résultent du CPP ,
s’agissant des nullités textuelles et substantielles. Autrement dit, la méconnaissance de
cette faculté offerte au prévenu de soulever lesdites nullités avec les conséquences qui y
sont attachées dans la sauvegarde de ses droits conduira inéluctablement à creuser
davantage le fossé entre les parties. La portée de l’annulation d’une mise en examen
prématurée, par exemple, a été limitée. Selon les dispositions de l’article 174-1 CPP, en
cas d’annulation de la mise en examen, les interrogatoires qui auraient été menés sous le
régime de cette mesure ne seront pas annulés. Il n’y a pas de raison de retirer du dossier
des déclarations qui auraient pu être faites en qualité de témoin assité, en présence d’un
avocat. Pourtant, il n’existe pas, sur un plan strictement juridique, de déséquilibre
définitif entre défense et accusation surtout à la suite du dispositif PERBEN II, mais en
pratique un réel fossé se creuse entre ceux des avocats qui sauront soulever lesdites
nullités, ce qui aboutira à limiter le déséquilibre susdit et ceux qui, moins coutumiers de
la matière pénale, ne disposeront pas de l’expérience suffisante pour apporter des
tempéraments à ce qui pourra s’avérer comme excessif. Si l’aveu de culpabilité demeure
l’objectif essentiel de la garde à vue, le prévenu ou l’accusé dispose d’une arme pouvant
conduire la chambre de l’instruction à retirer l’acte du dossier pénal, c’est la nullité. Car
c’est en soulevant un moyen de nullité que la personne poursuivie pourra
éventuellement contrecarrer les charges contenues dans un dossier pénal ; éléments
matériels d’autant plus importants qu’ils auront été reconnus par le prévenu ou l’accusé
lors de sa garde à vue.

405
D. 2002 p. 438, Garde à vue : les fictions de la loi du 15 juin 2000.

259
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
§2 - Aveu et nullité : un contexte d’affrontement entre la défense et l’accusation

183- Droits de la défense et environnement institutionnel agonistique. Si les


aveux ont été obtenus au cours du déroulement de la mesure de garde à vue, la nullité
soulevée par l’avocat est souvent vécue par les enquêteurs et le parquet comme une
volonté systématique du défenseur d’entraver sinon saboter la procédure pour aider son
client au-delà de sa culpabilité, puisqu’il a préalablement reconnu les faits qui lui sont
reprochés. Même si cela participe d’un non-dit entre l’avocat et le parquet, soucieux de
sauver les apparences entre auxiliaires de justice, s’instaure en réalité un affrontement
diplomatique entre ceux qui ne s’attachent qu’à l’essentiel, la culpabilité du suspect, et
considèrent donc que les erreurs éventuellement commises par les enquêteurs sont
secondaires même si lesdites irrégularités pourront faire l’objet à bon droit d’une
requête en nullité ; de l’autre côté, les avocats pénalistes, qui considèreront qu’en dépit
de l’aveu circonstancié de culpabilité de leur client, l’intéressé doit pouvoir bénéficier
de l’annulation d’un acte si ledit acte est entaché d’irrégularité. Le parquet estime, en
effet, qu’il faut en toutes hypothèses faire prévaloir l’essentiel, c’est à dire en définitive
le fond du dossier pénal ; en revanche, l’avocat sera attentif à la forme, au déroulement
régulier sur un plan juridique de la procédure. C’est ainsi que l’accusation et l’avocat
pourront s’opposer, le parquet considérant que l’avocat est presque, par le dépôt
uniquement procédurier de sa requête en nullité, l’allié objectif du coupable qu’il
prétend défendre ; l’avocat considèrera, de son côté, que le magistrat du parquet
considère son client comme coupable a priori puisqu’il refusera d’admettre les
irrégularités commises pour maintenir coûte que coûte le suspect en détention. Cette
version du dossier sera assez majoritairement celle du juge des libertés et de la
détention, magistrat habituellement plus enclin à suivre les réquisitions du parquet,
surtout si des aveux ont été préalablement obtenus, qu’à remettre en liberté
immédiatement l’intéressé sur le fondement d’une requête en nullité, pour laquelle il
attendra que la chambre de l’instruction ait statué. L’enquête constitue l’étape
essentielle du procès pénal dans la mesure où la vérité sur les faits est considérée
acquise, bien souvent, par les enquêteurs et le parquet, avant la transmission dudit
dossier au magistrat instructeur. A telle enseigne qu’il n’est pas rare que le représentant
du parquet, lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention,
décide de prendre des réquisitions à fins de mandat de dépôt sur les seuls
renseignements fournis par les enquêteurs, c’est dire sans avoir eu le temps ou la

260
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
volonté de prendre connaissance des pièces versées au dossier pénal, donc uniquement
en s’en tenant à la vérité policière issue de l’enquête, laquelle vérité deviendra celle du
ministère public. Force est d’admettre qu’en pratique, la vérité policière, surtout si elle
est étayée par des aveux circonstanciés, se transformera systématiquement en vérité du
parquet, la culpabilité sera donc acquise ab origine, avant que l’instruction soit achevée.
Il appartiendra donc à l’avocat, en pareilles circonstances, de rappeler qu’au nom du
principe de présomption d’innocence la détention provisoire n’apparaît néanmoins pas
comme la solution appropriée surtout s’il n’existe pas, au-delà des aveux, de réelles
preuves découlant dudit dossier pénal mais de simples indices. En réalité, le Conseil
bénéficiera d’une écoute variable selon le magistrat appelé à se prononcer, surtout si le
juge de permanence assure le même jour, dans le cadre de comparutions immédiates, à
la fois des fonctions dévolues au magistrat instructeur et celles incombant au juge des
libertés et de la détention, ce qui alourdira, à l’évidence, considérablement sa tâche,
voire la rendra quasiment impossible lorsqu’il s’agira de se prononcer trop rapidement
sur une question aussi grave que celle d’une privation ou non de liberté. Or, la détention
provisoire induit souvent des conséquences sociales (perte du travail) et familiales
dramatiques que l’institution n’a pas réellement le temps de mesurer, notamment
lorsque le suspect est la seule personne à subvenir aux besoins de sa famille. Il s’agira,
en l’espèce, davantage d’une détention préventive que provisoire voire d’une
incarcération à titre conservatoire. D’où la particulière importance de la phase
d’interrogatoire de la personne gardée à vue par des officiers de police judiciaire
lesquels seront soucieux d’obtenir voire d’extorquer des aveux à la personne
soupçonnée, laquelle estimant naïvement, pour alléger sa peine, qu’il est préférable
d’avouer, même si elle n’est pas l’auteur des faits ou que sa responsabilité dans la
commission de l’infraction est secondaire.

SECTION SECONDE : UNE PROTECTION RELATIVE DES DROITS DE LA DEFENSE PAR


LA COUR DE CASSATION

184- La garde à vue : un procédé amphibologique. Si en théorie aucun aveu ne


saurait être extorqué par l’exercice d’une violence policière (§1), force est d’admettre
que c’est non seulement la pratique des enquêteurs qui parfois infirme le dispositif mais
également la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui admet
des procédés déloyaux dans le cadre de cette mesure (§2).

261
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
§1 - Le principe : absence de coercition dans la réception de l’aveu

185- Une interdiction de principe. En France, la jurisprudence de la Cour de


cassation rappelle l’interdiction qui est faite aux enquêteurs d’utiliser la violence
physique ou symbolique (le chantage ou la coercition) pour obtenir des aveux, selon
l’adage issu du droit romain nemo tenetur se ipsum accusare, nul n’est tenu de s’accuser
lui même406. La jurisprudence prohibe en effet aux enquêteurs d’agir par ruse, donc de
tendre des pièges au suspect afin que ce procédé déloyal ne serve à le confondre. Il
s’agit ainsi d’éviter que ce soit le stratagème donc la tromperie qui serve de fondement à
la manifestation de la vérité et non une procédure loyale. Tous moyens de preuve sont,
en théorie, admissibles même s’il appartiendra au juge d’en faire le tri, en vertu du
pouvoir souverain d’appréciation qui est le sien407. Sur un plan juridique, la Cour de
cassation prohibe donc les artifices ou stratagèmes utilisés dans l’établissement de la
preuve408 ainsi que, dans la réception de l’aveu, la menace qui s’assimile à l’emploi de
la violence. Aux termes de l’article 172 CPP dans sa rédaction issue de la loi du 25 août
1993, il y a nullité « lorsque la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue par
une disposition du présent code ou toute autre disposition de procédure pénale a porté
atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ». L’utilisation de méthodes coercitives
pour extorquer des aveux ne saurait donc servir les intérêts de la personne qui les subit.
Aussi, en cas d’interrogatoires menés en violation des principes de respect de la dignité
humaine et de loyauté, cette condition est, en théorie, toujours remplie. La notification
des droits doit être immédiate, dès que la personne est sous la contrainte, mise à la
disposition d’un officier de police judiciaire pour son audition ou plus largement pour
les nécessités de l’enquête409. Ainsi, tout retard non justifié par une circonstance
insurmontable porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée et
permet donc d’annuler la procédure410.

406
Cass. crim. 2 mars 1971, Gaz. Pal. 1971, 1, p. 324 (enquêteur se présentant comme un acheteur
potentiel de stupéfiants) ; 17 oct. 1991, JCP G 1992, I, 3551 p. 43 (policiers se présentant comme des
consommateurs anonymes dans un bar ouvert au public pour constater un délit de proxénétisme) ;
22 avril 1992, Dr. pénal 1992, comm. 215 (enquêteurs se dissimulant dans le bureau d'un maire pour y
constater un délit de corruption.
407
Cass. crim., 11 juin 2002, JCP G 2002, IV, 2370, RSC. 2002, obs. J.-F. RENUCCI.
408
Cass. crim., 28 octobre 1991, JCP 1992/II/21952, note J. PANNIER.
409
Cass. crim., 11 octobre 2000, Bull. crim., n° 296.
410
Cass. crim., 30 avril 1996, Bull. crim., n° 182, RSC. 1996, p. 879, obs. DINTILHAC.

262
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
§2 - L’exception : les procédés déloyaux d’obtention de l’aveu

186- Licéité de procédés déloyaux. Dans la recherche de l’aveu lors de l’enquête


policière, la Cour admet que des procédés déloyaux puissent servir de fondement à la
manifestation de la vérité, même si elle y apporte une limite.

Les agissements des officiers de police judiciaire dans l’élucidation de l’infraction


constatée ne doivent également pas être répréhensibles pénalement. Cette difficulté
avait été soulevée dans le cadre d’une perquisition à la suite d’une enquête préliminaire
portant sur un trafic de stupéfiants411. En l’espèce, une personne avait été interpellée en
flagrant délit, puis placée en garde à vue, à l’issue de cette mesure elle avait été soumise
à une injonction thérapeutique prononcée par le procureur de la République. L’intéressé
critiquait la régularité de l’opération en invoquant deux arguments. Le premier
contestait la nature de l’enquête ayant donné lieu à la perquisition litigieuse en
soutenant qu’aucun délit flagrant ne pouvait être retenu à son encontre, qu’en
conséquence la procédure aurait dû être poursuivie selon les règles de l’enquête
préliminaire donc avec son assentiment préalable. Qu’au surplus, il lui avait été
fortement suggéré d’avouer les faits reprochés sous peine d’une condamnation
particulièrement grave. Quant au second argument, il invoquait la nullité de la
perquisition, dans la mesure où celle-ci aurait été effectuée par des agents de police
judiciaire n’ayant pas compétence pour l’accomplir. En effet, ces derniers auraient
procédé sous couvert d’une sécurisation des lieux, à une véritable perquisition, en
excédant leurs pouvoirs. En l’espèce, concernant le premier point, la haute juridiction
n’a pas hésité à valider cette opération au seul visa de l’article 53, alinéa 2, du CPP qui
prévoit que l’enquête menée à la suite d’une constatation d’un crime ou d’un délit
flagrant, sous le contrôle du procureur de la République, « peut se poursuivre sans
discontinuer pendant une durée de huit jours ». La Cour de cassation écartait donc
l’argument faisant valoir qu’après la présentation au représentant du parquet de la
personne ayant fait l’objet de la première interpellation en flagrant délit, la procédure
aurait dû être poursuivie selon les règles de l’enquête préliminaire, si bien que la
perquisition en cause était entachée de nullité puisque le consentement exprès de
l’intéressé n’avait pas été préalablement recueilli. En outre, sur le deuxième moyen

411
Cass. crim., 12 mai 2009, pourvoi n° 09-81434.

263
SECONDE PARTIE – TITRE PREMIER – CHAPITRE PREMIER – L’AVEU FACE AUX DROITS DE LA
DEFENSE
invoqué, l’intéressé faisait valoir que la perquisition était nulle car « immédiatement
menée » par des agents de police judiciaire, qui n’avaient pas attendu les directives de
leur supérieur hiérarchique. Ainsi, pour dissimuler l’irrégularité de l’opération, les
enquêteurs avaient indiqué dans leur procès-verbal qu’ils avaient procédé à une
« sécurisation de l’appartement ». L’intéressé a contesté cette décision en faisant valoir
qu’un procès-verbal ne vaut que jusqu’à preuve contraire et que la chambre de
l’instruction aurait donc méconnu les règles relatives à la valeur probante de tels procès-
verbaux. Par ailleurs, le contenu d’un procès-verbal pouvant être contesté librement,
l’absence de mention d’une perquisition effectuée par les agents de police judiciaire,
ayant excédé le cadre de leurs pouvoirs, n’était pas de nature à exclure la réalité de cette
opération. La chambre de l’instruction aurait donc dû rechercher si effectivement une
perquisition irrégulière n’avait pas été réalisée ; or, en s’abstenant de le faire, elle a
privé sa décision de tout fondement légal412.

412
En l’espèce, la présente décision suscite des réserves car en définitive elle ne pose aucune limite au
droit de perquisitionner chez un tiers en cas de flagrance, ce qui jutifie de graves intrusions dans la vie
privée, Haritini MATSOPOULOU, « Existe-t-il des limites au droit de perquisitionner en cas de
flagrance ? », D. 2009, p. 2900.

264
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

CHAPITRE SECOND : L’AVEU FACE A LA CULTURE


JUDICIAIRE

187- La culture judiciaire dans le cadre de l’aveu. La culture judiciaire repose sur
un mode de production de la vérité413. En effet, le procès est l’expression d’une culture
à la fois juridique et culturelle, et rend manifeste les pratiques sociales d’une
communauté à une époque donnée. Il s’agit par conséquent de montrer le lien de la
production d’une vérité judiciaire avec la constitution d’une subjectivité. Selon Michel
FOUCAULT, « les pratiques judiciaires, la manière par laquelle, entre les hommes, on
arbitre les torts et les responsabilités, le mode par lequel, dans l’histoire de l’Occident,
on a conçu et défini la façon par laquelle les hommes pouvaient être jugés en fonction
des erreurs commises, la manière par laquelle on a imposé à des individus déterminés la
réparation de quelques une de leurs actions et la réparation d’autres, toutes ces règles
(…) me semblent l’une des formes par lesquelles notre société a défini des types de
subjectivités, des formes de savoir et, par conséquent, des relations entre l’homme et la
vérité (…) »414. Aussi, la vérité recherchée est davantage le résultat d’une mise à
l’épreuve, c’est-à-dire qu’elle repose principalement sur l’enquête, dont le but principal
est la recherche non pas désormais de l’aveu mais plus précisément d’un aveu, quel
qu’il soit. L’aveu permet ainsi, au-delà de la question de la vérité judiciaire, à la création
indirecte d’un lien de droit, c’est-à-dire à une dette que l’accusé devra régler à la
société. Cette mutation de l’aveu dans notre culture judiciaire est inséparable d’une
transformation de notre système pénal.

188- Vers un bouleversement des hiérarchies judiciaires. Le rapport entretenu


entre la défense et l’accusation dépend étroitement de la marge de manœuvre dont peut
disposer l’avocat devant le procureur ou son représentant. Avec l’aveu en matière
pénale, ce qui apparaît subjectivement comme équitable et bon pour la personne
poursuivie se substitue à ce qui pourrait être considéré comme juste par une juridiction

413
Voir sur la question de la culture judiciaire, notamment : Denis SALAS, Du procès pénal : éléments
pour une théorie interdisciplinaire du procès, Paris, Presses universitaires de France, 1992 ; Paul
RICOEUR, Le juste, Paris, Ed. Esprit, 1995 ; Jacques CHEVALLIER, L’Etat de droit, Paris, La
Documentation Française, 2004 ; Alain ETCHEGOYEN, Vérité ou Libertés. La justice expliquée aux
adultes, Paris, Fayard, 2001.
414
Michel FOUCAULT, « La vérité et les formes juridiques », Dits et écrits I, 1954-1975, Paris,
Gallimard, 1994, p. 1411.

265
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

au cours d’une audience classique. Aussi, dans son cheminement vers la décision, le
juge ne peut faire l’économie du doute, la justice pénale constituant un subtil
compromis entre l’intime conviction du magistrat et le doute qui doit nécessairement
présider à son jugement. Autrement dit, si la transformation de l’aveu sur déclaration
apparaît originale, c’est peut-être aussi parce qu’elle inaugure en marge du modèle
inquisitoire et accusatoire traditionnels un système intermédiaire pour lequel, tout
d’abord, la vérité ne serait pas l’objectif principal du procès (modèle inquisitoire) ;
ensuite, la justice pas davantage le principal référent (modèle accusatoire), celle-ci
pouvant être rendue au nom d’impératifs (célérité, efficacité) qui peuvent, à bon droit,
heurter les principes directeurs du droit. En effet, ces nouvelles exigences de la
procédure pénale viennent bouleverser les hiérarchies en matière judiciaire non
seulement entre l’avocat et le parquet mais également entre le juge du siège et le
représentant du ministère public. Or, il s’agit d’une réelle mutation dans la tradition
légicentriste française. L’Assemblée Nationale Constituante de 1789 avait placée la loi
et les Droits de l’Homme et du Citoyen sous les auspices de l'Etre suprême415. A ce
titre, Hannah ARENDT, dans le chapitre V de son Essai sur la révolution, rapprochait
ce culte d'une recherche d'un absolu légitimant la Loi. Elle le nommait « Grand
Législateur Universel »416. Or, en matière pénale, cette vision théophilanthropique
articulée autour d’une Loi de nature métaphysique s’est aujourd’hui laïcisée en laissant
place à l’urgence et à l’immédiateté dans la gestion des flux pénaux ; à telle enseigne,
que le nouvel Etre suprême judiciaire n’a plus qu’un raport lointain avec Dieu mais
répond davantage aux acronymes STD (service du traitement direct) ou TTR (service du
traitement en temps réel). De sorte que c’est désormais, au nom de la rapidité, le statut
de l’action pénale qui s’en trouve modifié.

189- Vers le crépuscule de la justice pénale ? Comme l’indique Marie-Odile


THEOLEYRE417, « (…) le juge est dans la position d’un équilibriste : il applique la loi,
les règles, et en même temps il doit prendre position. Il doit effectuer un tri entre le vrai

415
Jacques LE GOFF et René REMOND (dir.), Histoire de la France religieuse, XVIIIe siècle - XIXe
siècle, Paris, éd. Seuil, novembre 1991 ; Michel VOVELLE et Serge BONIN, 1793 : la révolution contre
l'Église : de la Raison à l'être suprême, Paris, éd. Complexe, 1988 ; Timothy TACKETT, La Révolution,
l'Église, la France, Paris, éd. Cerf, 1986.

416
Hannah ARENDT, Essai sur la révolution, Paris, Gallimard, 1985.
417
Marie-Odile THEOLEYRE, La fin des juges ?, Paris, Ed. Ellipses, 2012, p ; 31.

266
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

et le faux, le possible et l’impossible. Il doit rapporter en principe une situation de fait à


une norme ou à une règle pré-établie ». Malgré le grave manque de moyens dont souffre
l’institution judiciaire, le Recueil des obligations déontologiques des magistrats rédigé
par le CSM au cours de l’année 2007 prévoit que « Le magistrat agit avec diligence
dans un délai raisonnable » (D 22)418. Ce faisant, une doctrine utilitaire d’essence
libérale s’impose à notre procédure pénale.

On assiste aujourd’hui à un changement de philosophie jurisprudentielle. En effet,


malgré la censure des cours souveraines, le législateur continue à soutenir des pratiques
judiciaires. La présomption d’innocence ne doit plus être envisagée désormais comme
un droit mais davantage comme un calcul de la procédure en faveur de l’innocence. La
présomption peut donc s’inverser. D’ailleurs, si une présomption de véracité des dires
de la victime ou de l’accusation est souvent ressentie face aux déclarations effectuées
par une personne mise en cause ou son conseil, la présomption d’innocence est alors, de
façon symétrique, écartée, ce qui explique, en outre, qu’une possibilité de présomption
de culpabilité ait été introduite dès 1995 au titre de l’injonction pénale pour rendre
cohérent ce principe. Cette évolution témoignerait, selon Eric GILARDEAU, d’un
crépuscule de la justice pénale419.

190- Une révolution culturelle de la justice pénale ? La révolution culturelle


concerne, tout d’abord, la réforme de la garde à vue. A ce titre, parmi les principaux
bouleversements, il convient de noter, d’une part, le droit du mis en cause à être assisté
par un avocat dès le début de la garde à vue, d’autre part, la réaffirmation du droit à
conserver le silence. En théorie, la réforme est censée être un véritable progrès vers une
administration équitable de la justice. En pratique, toutefois, les services de police
judiciaire estiment que l’on a ainsi porté atteinte à leur efficacité, donc aussi à une
culture du résultat. Car désormais la notification obligatoire au suspect de son droit au
silence constitue une entrave à l’élucidation d’affaires pénales. En outre, la présence de
l’avocat tout au long de l’interrogatoire policier occasionne une gêne aux enquêteurs de
police qui estiment, à tort ou à raison, que cette situation a des effets néfastes sur leur
travail en conduisant la personne soupçonnée, par l’intermédiaire de son conseil, à
vouloir systématiquement soulever des requêtes en nullité, et ce parfois de manière

418
Ibid, p. 37.
419
Eric GILARDEAU, Au crépuscule de la justice pénale, Paris, éd. L’Harmattan, 2011.

267
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

injustifiée. Mais ce qui apparaît surtout comme un frein au travail des policiers, c’est la
fin de l’aveu comme objectif essentiel de la garde à vue.

Ensuite, la deuxième révolution dans la culture judiciaire est la faculté ouverte


désormais à toute personne de soulever une question prioritaire de constitutionnalité
(QPC). La culture juridique française repose sur la loi, entité juridique qui est sacrée et
l’expression d’une volonté générale et non d’une volonté privée. Or, tout justiciable
peut maintenant soulever à l'occasion d'un procès la question de la constitutionnalité de
la loi qui lui est applicable. Le risque existe toutefois que le droit soit de plus en plus
asservi au fait, chaque catégorie particulière souhaitant voir couronné de succès sa
propre prétention. C’est sans doute la raison pour laquelle si de nombreuses QPC ont
déjà été posées, la plupart n’atteignent pas leur but420.

Enfin, une autre évolution notable pour les droits de la défense est la possibilité
d’obtenir réparation d’une détention provisoire injustifiée même en cas d’aveu. En effet,
si la réception de l’aveu s’effectue principalement à l’encontre de quelqu’un, il existe
également l’hypothèse où une personne s’accusera de faits imaginaires pour faire
échapper un autre individu aux poursuites pénales, c’est le cas notamment dans le
dispositif de réparation mis en œuvre par la Commission nationale de réparation de la
détention provisoire (CNRD).

La culture judiciaire fondée sur notre système inquisitoire semble donc se


transformer non seulement à la faveur de la possibilité reconnue à un suspect de garder
le silence lors d’un interrogatoire policier mais également par la présence de l’avocat
tout au long du déroulement de cette mesure. A ce titre, par quatre arrêts rendus le
lendemain de cette réforme, soit le 15 avril 2011421, l’assemblée plénière de la Cour de
cassation a statué sur la régularité de mesures de garde à vue au regard de l’article 6, §
1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
qui consacre le droit à l’assistance effective d’un avocat. L’assemblée plénière,

420
Selon Jean-Louis DEBRE, sur 110 QPC rendues par le Conseil constitutionnel depuis l’entrée en
vigueur de cette procédure, 30 dispositions législatives ont été annulées, 50 ont été confirmées et 20 ont
abouti à des décisions de non–lieu, in Le Figaro, 20 janv. 2012.
421
Cass. plén., 15 avril 2011, n°s 10-17. 049 ; 10-30. 313 ; 10. 30. 316 et 10-30. 242. Comm. J. AFANE-
JACQUART, site de Maître J. AFANE-JACQUART, 18 avril 2011.

268
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

reprenant la solution retenue par la chambre criminelle dans ses arrêts du 19 octobre
2010 précités, a constaté que les règles posées par l’article 63-4 CPP ne satisfaisaient
pas aux exigences posées par l’article 6, § 1 de la CEDH et a surtout considéré, à la
différence du Conseil constitutionnel et de la chambre criminelle, ne pas devoir reporter
dans le temps les effets de sa jurisprudence. Il s’agit par conséquent d’une révolution
culturelle qui vient améliorer la culture judiciaire, même si cette transformation
demeure incomplète. Diverses questions ne sont cependant toujours pas tranchées,
notamment la question de l’indemnisation des avocats ou celle d’un accès à l’intégralité
de l’enquête de police, dès le début de la garde à vue. Aussi, le Conseil constitutionnel a
été saisi le 4 mars 2011 par la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l’article
61-1 de la Constitution, d’une QPC posée par M. ABDERRAHMANE L422. Cette
question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit
des articles 393 et 803-2 du CPP. En l’espèce, l’article 803-2 susdit est relatif à la
présentation devant le parquet de la personne déférée, le jour même, à l’issue de la
garde à vue. Le Conseil constitutionnel avait à ce titre déjà jugé conforme à la
Constitution l’article précité relatif au défèrement le jour suivant la garde à vue423. Pour
les mêmes motifs, il a jugé conforme à la Constitution l’article susvisé. En outre,
l’article 393 CPP permet au procureur de la République de notifier à la personne
poursuivie la décision prise sur la mise en œuvre de l’action publique et de l’informer
sur la suite de la procédure. Le respect des droits de la défense n’impose pas que la
personne poursuivie ait alors accès au dossier avant de recevoir cette notification et
bénéficie alors de l’assistance d’un avocat à l’occasion de celle-ci. Ensuite, la même
disposition permet au parquet de recueillir les déclarations de la personne déférée si elle
en fait la demande. Le Conseil constitutionnel a donc formulé une réserve pour s’assurer
du respect des droits de la défense : l’article 393 ne saurait permettre que soient
recueillies et consignées, à cette occasion, les déclarations du suspect sur les faits qui
font l’objet de la poursuite. Du côté des enquêteurs, cette mutation de la justice pénale
est perçue de façon différente car les services de police considèrent que la présence de
l’avocat peut constituer une entrave au bon déroulement de l’enquête, les défenseurs
intervenant trop fréquemment. Les enquêteurs déplorent surtout un alourdissement de la
procédure, de nouvelles contraintes juridiques. Mais surtout, la présence de l’avocat et
la notification du droit au silence constituent des mesures qui laissent penser que les

422
N° 2011-128 QPC du 6 mai 2011.
423
N° 2010-80 QPC du 18 décembre 2010.

269
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

enquêteurs obtiendront moins d’aveux qu’auparavant au cours des gardes à vue.


Toutefois, cette réforme de la garde à vue combinée aux droits dont peuvent déjà
bénéficier les avocats, notamment par la faculté de soulever une nullité de procédure,
viennent rééquilibrer les droits de la défense, ce qui témoigne d’une évolution salutaire.
La question n’est pas tranchée toutefois de savoir si, en réalité, au-delà des textes
applicables, un réel changement sera opéré, car si l’avocat dispose notamment de la
faculté de soulever une nullité de procédure pour garantir les droits de la défense, force
est d’admettre que la Cour de cassation, en pratique, continue à limiter la portée de cette
sanction.

Toutefois, au-delà de ces divers bouleversements de notre procédure pénale, la


question reste ouverte de savoir si, en pratique, ces avancées du droit seront réellement
effectives pour conduire à une véritable révolution judiciaire.

En effet, alors que la nullité sanctionne de façon quasi automatique la violation de la


plupart des règles relatives à la garde à vue, la Cour de cassation limite en pratique la
portée de cette sanction en affirmant que « seules doivent être annulées, en conséquence
de la nullité de la garde à vue, les pièces de la procédure dont cette mesure est le support
nécessaire » 424. Les juges du fond, qui analysent souverainement les pièces de la
procédure affectées par l’irrégularité initiale de la garde à vue, ont pu décider qu’une
garde à vue irrégulière ne portait atteinte ni à la mise en examen ni au placement en
détention provisoire ultérieurs. Tout en soulignant que la personne gardée à vue n’avait
effectué aucune déclaration lors de son audition, ils ont justifié leur position car la garde
à vue n’était pas le préalable nécessaire à une mise en examen425. De même, il a été jugé
qu’une notification tardive n’entraîne pas l’annulation des procès-verbaux d’audition
postérieurs à la notification, ni celle de la perquisition effectuée pendant la garde à vue
si celle-ci n’en est pas le support426. La question se pose de savoir quelle est, en
définive, la portée effective des nullités pouvant être soulevées par le justiciable
puisque, en pratique, l’aveu passé par la personne soupçonnée aura des conséquences
souvent définitives sur le déroulement de la procédure, nonobstant l’acte litigieux
annulé. En effet, il persistera dans l’esprit du magistrat du parquet et du juge pénal
comme une preuve a priori incontestable dans le sens de la culpabilité de la personne
424
Cass. crim., 22 juin 2000, Dr. Pénal 2000, comm. n° 108.
425
Cass. crim., 26 mai 1999, Dr. Pénal 1999, Chron. 28 ; 26 janv. 2000, Dr. pénal 2000, comm. n° 95.
426
Cass. crim., 27 juin 2000, Bull.crim., n°246.

270
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

mise en cause (SECTION PREMIERE). Ce décalage pose d’ailleurs également une


difficulté, celle de la marge de manœuvre du juge dans leur admissibilité. Au-delà des
textes, c’est par conséquent la question du réel équilibre des pouvoirs qui est posée, en
dépit du lent développement des droits de la défense (SECTION SECONDE).

SECTION PREMIERE : LA PERSISTANCE DE L’AVEU AU SEIN DE L’ACTE ANNULE

191- La consécration du caractère substantiel conféré à l’aveu. En dépit d’aveu


passés au cours d’une mesure de garde à vue, les droits de la défense sont toutefois
garantis par la faculté laissée au plaideur de soulever une nullité. En pratique, l’acte
annulé sera retiré du dossier, même si en réalité cette cancellation de l’acte ne conduira
que rarement la chambre de l’instruction à décider de la remise en liberté sur le
fondement de cette simple annulation. Ceci pose la question du rapport de l’aveu et de
l’acte annulé, donc in fine celle de son incidence sur la validité d’une mesure de garde à
vue (§1). Si nonobstant l’annulation d’un acte, l’aveu formulé continue à produire un
effet de culpabilité dans l’esprit du juge, n’est-ce pas la consécration d’un caractère
substantiel conféré à l’aveu, lui octroyant une portée dépassant le cadre procédural
strict ? Cette ambivalence entre le caractère substantiel de l’aveu confronté à un acte
annulé, revient à reconnaître que la procédure pénale et les sanctions qu’elle comporte
ne doivent pas rentrer dans une situation d’opposition flagrante avec la vérité judiciaire,
trouvant ses fondements dans la règle substantielle de droit pénal posant les éléments
constitutifs de chaque infraction. La procédure pénale se limiterait donc à un droit
auxiliaire ou « servant »427 face au droit pénal.

Pourtant, cette évolution s’inscrit plutôt dans le cadre d’une meilleure prise en compte
des droits de la défense. En effet, à la faveur de la récente mise en œuvre de la question
prioritaire de constitutionnalité, certaines des dispositions concernant la mesure de
garde à vue ont été déclarées inconstitutionnelles, ce qui témoigne d’un progrès
significatif dans la défense pénale des justiciables (§2).

427
Jean-Jacques GALLI, op.cit., thèse de doctorat en droit, décembre 1995, le rôle du juge civil dans la
recherche de la vérité ; bibliothèque de la fac de droit d’Aix-en-Provence.

271
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

§1- : Incidence de la nullité sur la validité de la garde à vue

Une suspicion a priori du juge. En pratique, comme pour la phase préparatoire, les
nullités sont rarement accueillies par les juges. Pour autant qu’elles le soient, c’est avec
une certaine fermeté: la règle violée à l’audience est généralement qualifiée par la Cour
de cassation de substantielle – ou d’ordre public – sans qu’il soit besoin de démontrer
un grief subi par les parties. Mais l’aléa naît également de ce que la matière est, pour
beaucoup, une création jurisprudentielle : c’est le juge pénal qui analyse la règle violée
et décide, selon l’atteinte portée d’une part, selon le caractère substantiel ou non de la
règle d’autre part, s’il convient d’annuler ou valider la procédure. Or, la Chambre
criminelle ne distingue plus selon que la nullité est textuelle ou substantielle, mais selon
qu’elle est d’ordre public ou d’intérêt privé, ne sanctionnant dans ce dernier cas que
lorsque l’irrégularité a porté atteinte aux droits de la défense, conformément à l’article
802 CPP. La jurisprudence hésite donc à mettre à mal des procédures arrivées presque à
leur terme. Au surplus, les contradictions entre le procès-verbal des débats et l’arrêt de
cour d’assises n’emportent-elles plus nécessairement cassation : la jurisprudence
s’attache à rechercher si l’irrégularité a porté atteinte aux intérêts de l’accusé,
notamment en ce qui concerne l’exercice du pourvoi en cassation428. En effet, la
chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que faisait une exacte application
des articles 179, alinéa 6, et 385, alinéa 4, du CPP et ne méconnaissait pas l'article 6, §
3, de la Convention européenne des droits de l'homme l'arrêt qui, d'une part, pour
déclarer irrecevables les exceptions de nullité des procès-verbaux d'interrogatoire de
deux condamnés, établis au cours de leurs gardes à vue menées en 2005 et 2006 sans
l'assistance d'un avocat, retenait que, lorsque la juridiction correctionnelle était saisie
par l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction, les parties étaient irrecevables à
soulever des exceptions tirées de la procédure antérieure et qui, d'autre part, pour
déclarer coupables les prévenus, ne se fondait pas exclusivement, ni même
essentiellement, sur les déclarations recueillies au cours des gardes à vue. L'arrêt du 6
décembre 2011, qui admet que des aveux obtenus hors la présence d'un avocat figurent
au dossier de la procédure et fondent, parmi d'autres éléments de preuve, la déclaration

428
V. notamment l’ouvrage consacré aux nullités et autres exceptions de procédure pénale, sous la
direction de M.M. Alain MOLLA et Philippe VOULAND, Paris, éd. Dalloz, 2010, p. 367.

272
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

de culpabilité de la personne mise en cause, apparaît donc en contradiction avec les


exigences conventionnelles429.

La chambre criminelle s’est également prononcer sur la nouvelle règle, issue de la loi
du 14 avril 2011, selon laquelle en matière criminelle et correctionnelle, aucune
condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de
déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par
lui. En l'espèce, en rejetant les pourvois au motif que les aveux litigieux n'ont pas
exclusivement fondé la décision de culpabilité, la Cour de cassation prend donc le
contrepied de sa jurisprudence antérieure et se range à la position du législateur. Or, la
chambre criminelle rejette les pourvois en indiquant que les aveux n'ont fondé les
condamnations des prévenus, ni de manière exclusive, ni de manière essentielle. En
d'autres termes, bien qu'elle admette que des aveux obtenus hors la présence d'un avocat
peuvent figurer au dossier parmi d'autres preuves à charge, la haute juridiction considère
qu'ils ne sauraient constituer la preuve majeure de culpabilité430. De la sorte, le
législateur a entendu dissocier la question de la force probante de la question de la
nullité : même dans les cas où la nullité des procès-verbaux d’interrogatoire n’a pas été
prononcée, les indications qu’ils contiennent ne peuvent à elles seules fonder une
condamnation. Dès lors, bien que la purge des nullités ait permis le maintien au dossier
des déclarations du suspect obtenues sans l’assistance d’un avocat, celles-ci ne
présentent qu’une valeur probante minorée.

Enfin, sur le fondement de l’article 6 §3 de la CEDH, la chambre criminelle de la


Cour de Cassation a reproché au juge du fond d’avoir rejeté la requête en annulation
formée par une prévenue, fondée sur l’irrégularité d’une mesure de garde à vue subie
hors la présence de l’avocat431. Aucune restriction ni exception n’est prévue, ce qui
entretient le doute sur la conventionnalité des nouvelles dispositions législatives
instituant des reports du droit à l’assistance d’un avocat.

C’est par conséquent en raison des conditions de la garde à vue, c'est-à-dire d’aveux
parfois extorqués sous la violence, que des voix se sont élevées pour exciper d’une

429
Cass. crim., 6 déc. 2011, n°11-80326 : M. X et M. Y – Rejet pourvoi c/ CA Reims, 30 juin 2010
KOERING-JOULIN, Dominique GUIRIMAND, Messieurs Didier GUERIN, Gilles STRAEHLI,
430 Olivier BACHELET « Garde à vue : la persistante religion de l'aveu », Gaz. Pal., 24 janvier 2012
n°24, p. 7
431
Crim. 14 déc. 2011, n°11-81.329.

273
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

nullité de la mesure devant les juridictions nationales et supranationale (A). Aussi,


l’interdiction qui était faite à l’avocat d’assister son client durant la totalité de la phase
de garde à vue, au cours de lquelle des aveux auraient été extorqués, a été supprimée par
la réforme de la garde à vue du mois d’avril 2011. Cette interdiction est désormais
frappée de nullité (B).

A) Le sort des aveux recueillis hors la présence de l’avocat

192- Vers une protection plus concrète des droits de la défense par la CEDH.
En application de l’article 55 de la Constitution (« Les traités ou accords régulièrement
ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois,
sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. »), le
juge judiciaire doit ainsi écarter l’application de la loi interne lorsque celle-ci s’avère
contraire à un traité432. L’article 6 §3 CEDH dispose :

« Tout accusé a droit notamment à : a. être informé, dans le plus court délai, dans
une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de
l’accusation portée contre lui ; b. disposer du temps et des facilités nécessaires à la
préparation de sa défense ; c. se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un
défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir
être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice
l’exigent ».

La CEDH rappelle constamment que la Convention a pour but de « protéger des


droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs ».

« La Cour rappelle par ailleurs que ni la lettre ni l’esprit de l’article 6 de la


Convention n’empêche une personne de renoncer de son plein gré, que ce soit de
manière expresse ou tacite, aux garanties d’un procès équitable. Toutefois, pour être
effective aux fins de la Convention, la renonciation au droit de prendre part au procès

432
Cass. ch. mixte, 24 mai 1975, société des Cafés Jacques VABRE, D. 1975, p. 497, note J.
BOULOUIS.

274
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

doit se trouver établie de manière non équivoque et être entourée d’un minimum de
garanties correspondant à sa gravité » 433.

De ce principe, la Cour en déduit que les juridictions turques ne pouvaient


notamment valablement se contenter de « la mention figurant dans le formulaire
exposant les droits du requérant selon laquelle l’intéressé avait été informé de son droit
de garder le silence ». Force est de constater qu’en la matière, la législation turque ne
présente toutefois pas de garanties suffisantes. Dans un arrêt PISHCHALNIKOV
c/ Russie du 24 septembre 2009434, la Cour souligne, au paragraphe 77, que : « La
renonciation à un droit… ne doit pas seulement être volontaire, mais doit aussi
constituer la renonciation consciente et intelligente à ce droit. Avant qu’un accusé
puisse être considéré comme ayant renoncé implicitement, par sa conduite, à un droit
important au regard de l’article 6, il doit être démontré qu’il pouvait raisonnablement
avoir anticipé quelles pouvaient être les conséquences de son attitude ». La CEDH juge
également que l’impossibilité pour une personne de se faire assister par un avocat alors
qu’elle se trouve en garde à vue ou toute mesure privative de liberté pouvant être
assimilée à la garde à vue, notamment lors de ses auditions, viole le doit au procès
équitable. La Cour souligne que l’assistance d’un avocat doit être accordée dès la
première audition. Aux termes d’une motivation elle précise que si le droit à l’assistance
d’un avocat pendant la garde à vue ou toute mesure privative de liberté pouvant être
assimilée à la garde à vue, peut être restreint à la lumière de circonstances particulières
de l’espèce, pour des raisons impérieuses, la loi ne saurait en revanche priver les
justiciables de ce droit de façon systématique. Ainsi a-t-il été jugé à l’unanimité par la
CEDH siégeant en une grande chambre (17 juges) aux termes de l’arrêt SALDUZ c/
Turquie rendu le 27 novembre 2008435 ? En l’espèce, le requérant, condamné par la
justice turque à une peine de trente mois d’emprisonnement pour des faits à caractère
terroriste, se plaignait de s’être vu refuser l’assistance d’un avocat pendant sa garde à
vue. Le gouvernement turc prétendait qu’il fallait prendre en considération l’intérêt de
l’intégralité de la procédure et que dès lors, dans la mesure où le requérant avait été
représenté par un avocat postérieurement à sa garde à vue pendant la procédure devant

433
CEDH 27 nov. 2008, SALDUZ c/ Turquie (req. n° 36391/02); 13 oct. 2009, n° 7377/03, DAYANAN
c/ Turquie, D, 2009, p. 2897, note J-F RENUCCI ; AJ pénal 2010, p. 27, étude Claire SAAS ; RSC 2010,
p. 231, obs. Damien ROETS.
434
CEDH 24 Sept. 2009, arrêt PISHCHALNIKOV c / Russie (req. n° 7025/04), D. 2010, p. 868, note
Gabriel ROUJOU DE BOUBEE.
435
Requête n° 36391/02.

275
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

la Cour de sûreté de l’Etat et devant la Cour de cassation, son droit à un procès équitable
n’avait pas été violé. A l’unanimité, sur le fondement d’une violation de l’article 6 de la
Convention, la Cour a écarté cette argumentation et condamné l’Etat turc dans un arrêt
rendu le 13 octobre 2009 à l’unanimité436. La CEDH sanctionne désormais
systématiquement l’absence de l’avocat en garde à vue437. Ainsi la Cour a estimé qu’en
application des articles 6§1 et 6§3, c, de la Convention, la loi doit consacrer au bénéfice
des personnes gardées à vue ou soumises à toute mesure privative de liberté pouvant
être assimilée à cette mesure, le droit à l’assistance d’un avocat dès la première audition,
et que ce droit ne puisse être restreint qu’au cas par cas. Conforme au droit européen,
cette solution privilégie les droits de la défense sur le souci de sécurité juridique
invoqué par le Conseil constitutionnel438et par la chambre criminelle elle-même439.

La CEDH a interprété, le 27 octobre 2011, l’article 6 §3 de la CEDH relatif au droit à


l’assistance d’un avocat, combiné avec l’article 6 §1 relatif au droit à un procés
équitable en matière d’audition d’un témoin assisté hors la présence d’un avocat. 440 Le
réquérant se plaignait d’une violation des droits de la défense, résultant de ce qu’il avait
entendu par la police belge, sur commission rogatoire internationale d’un juge français
qui avait prescrit son audition comme témoin assisté, sans bénéficier de l’assistance
d’un conseil. La Cour a estimé que les autorités judiciaires françaises n’avaient pas
remédié à l’atteinte causée aux droits de la défense et ce, alors même que la commission
rogatoire internationale avait prescrit que le réquérant soit interrogé en présence de son
avocat et que celui-ci avait demandé à être assisté d’un avocat. La Cour a précisé que
malgré le silence observé ensuite par le réquérant devant le juge d’instruction français,
après qu’il eût bénéficié de l’assistance d’un conseil, ses propos initiaux, tenus à la suite
d’une demande de ce juge, en présence de celui-ci et d’un magistrat du parquet français,
ont fondé sa mise en examen puis son renvoi devant la Cour d’assises. Or, ces étapes de
la procédure étaient des préalables indispensables à sa comparution et donc à sa
condamnation. Le fait qu’il ait par la suite, devant la juridiction de jugement, reconnu
l’intégralité des faits, ne peut donc suffire à régulariser l’atteinte initialement commise,

436
CEDH, 13 Oct. 2009, DAYANAN c / Turquie (req. n° 7377/03), spec. § 30 s, D. 2009, p. 2897, note
J.-F. RENUCCI ; AJ pénal 2010, p. 27, étude C. SAAS ; cette revue 2010, p. 231, obs. D. ROETS.
437
PISHCHLANIKOV c/ Russie, 24 septembre 2009, (req. n° 7025/04) ; KOLESNIK c/ Ukraine, 19
novembre 2009, (req. n° 17551/02).
438
Cons.const., 30 juillet 2010, préc.
439
Cass. crim., 19 octobre 2010, préc.
440
CEDH, 27 oct. 2011, STOJKOVIC / France et Belgique (req n° 25303/08).

276
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

d’autant qu’il n’était, à ce stade, plus en mesure de contester la validité de l’audition


litigieuse. La Cour conclut qu’il y a eu, en l’espèce, violation de l’article 6 §3 c, de la
Convention combiné avec l’article 6 §1 par les autorités françaises uniquement441.

B) La nullité de la procédure comme sanction de la violation du droit à


l’assistance d’un défenseur

193- Violation des dispositions de la Convention et annulation de la procédure.


La Haute juridiction rend des décisions annulant des procédures pénales pour violation de
la CEDH442. Au surplus, l’article 802 du CPP dispose : « En cas de violation des formes
prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles,
toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande
d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que
lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle
concerne. » Or, le droit à l’assistance d’un avocat est une formalité substantielle comme
l’a rappelé la CEDH aux termes de la motivation de l’arrêt SALDUZ précité : «

441
Sur le fondement de l’article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour de
cassation avait déjà indiqué que « toute personne placée en garde à vue doit pouvoir bénéficier de
l’assistance d’un avocat dès qu’elle en fait la demande Crim. 14 déc. 2011, req. n° 11-81.329. Si la
chambre criminelle a pu avoir des doutes quant à l’applicabilité immédiate des dispositions de la
Convention européenne des droits de l’homme (CEDH –, Crim. 19 oct. 2010, n° 10-82.902, 10-85.051,
10-82.306, D. 2010. 2809, obs. Sabrina LAVRIC, note Emmanuel DREYER ; ibid. 2425, édito. F. Rome;
ibid. 2696, entretien Yves MAYAUD; ibid. 2783, chron. Jean PRADEL; ibid. 2011, 1713, obs. V.
Nicolas BERNAUD ; AJ Pénal 2010. 479, étude Emmanuelle ALLAIN ; RSC 2010, 879, chron.
Emmanuelle GINDRE ; V. égal. S. PELLE, « La réforme de la garde à vue : problèmes de droit
transitoire », AJ Pénal 2011. 235), elle a depuis fait sienne l’affirmation de l’assemblée plénière selon
laquelle les « États sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme
sans attendre une condamnation par celle-ci ou un changement dans leur législation » (Cass., ass. plén.,
15 avr. 2011, n° 10-17.049 ; obs. ; ibid. 1128, entretien Gabriel ROUJOU DE BOUBEE ; ibid. 1713, obs.
Nicolas BERNAUD ; AJ pénal 2011. 311, obs. Cristina MAURO ; Constitutions 2011. 326, obs. Anne
LEVADE ; RTD civ. 2011. 725, obs. Jean-Pierre MARGUENAUD ; JCP 2011. 483, note Stéphane
DETRAZ ; dans le même sens, V. égal. Crim. 31 mai 2011, n° 10-88.809, D. 2011. 2084, note Haritini
MATSOPOULOU ; Constitutions 2011. 326, obs. Anne LEVADE ; RSC 2011. 412, obs. André
GIUDICELLI ; 21 sept. 2011, n° 11-84.979, Dalloz jurisprudence). Sur le fondement de l’article 6 § 3, de
la CEDH, la Cour reproche ainsi aux juges du fond d’avoir rejeté la requête en annulation formée par la
prévenue, fondée sur l’irrégularité d’une mesure de garde à vue subie hors la présence de l’avocat.
442
Cass. crim., 24 mai 2006, n° 05-85685, violation de l’article 6 de la CEDH en raison du rejet d’une
demande de renvoi, en l’absence de son conseil, présentée par le prévenu refusant l’assistance de l’avocat
de permanence ; Cass. crim. 21 mars 2007, n° 06-89444, violation de l’article 8 de la CEDH du fait, pour
les enquêteurs, d’avoir photographié clandestinement, au moyen d’un téléobjectif, les plaques
d’immatriculation de véhicules se trouvant à l’intérieur d’une propriété privée non visible de la voir
publique; Cass. crim. 23 juin 2009, n° 09-81695, violation de l’article 6 de la CEDH à raison du défaut de
traduction d’une ordonnance pénale dans une langue pouvant être comprise du prévenu.

277
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

L’attitude d’un prévenu à la phase initiale des interrogatoires de police a des


conséquences déterminantes pour les perspectives de la défense lors de toute procédure
pénale ultérieure (…). La Cour souligne l’importance du stade de l’enquête pour la
préparation du procès, dans la mesure où les preuves obtenues durant cette phase
déterminent le cadre dans lequel l’infraction imputée sera examinée au procès.
Parallèlement, un accusé se trouve souvent dans une situation particulièrement
vulnérable (…). Dans la plupart des cas cette vulnérabilité particulière ne peut être
compensée de manière adéquate que par l’assistance d’un avocat (…) ».

Plusieurs juridictions ont également fait application de ce principe parmi lesquelles il


convient de citer un jugement rendu par la 12ème chambre du tribunal correctionnel de
Paris en date du 28 janvier 2010 « Toute personne accusée d’un crime ou d’un délit et
placé en garde à vue doit bénéficier, outre les dispositions protectrices prévues par le
CPP français, des principes issus de la Convention européenne des droits de l’homme et
des règles du procès équitable telles qu’elles ont été dégagées par la jurisprudence de
la CEDH, en application de l’article 6.1 de la convention ». Ces règles doivent
prévaloir sur la loi française qui leur serait contraire conformément à l’article 55 de la
Constitution. L’entretien avec l’avocat de trente minutes ne correspond pas aux
exigences européennes. Il est impossible à l’avocat de s’entretenir de l’affaire dont il ne
connaît rien si ce n’est la date des faits et la nature de l’infraction retenue et ce que la
personne gardée à vue (simplement informée de la nature de l’infraction » article 63-1)
peut en savoir elle-même. Il lui est impossible d’organiser la défense dans la mesure où
il ignore quels sont les raisons plausibles de soupçons retenus par l’officier de police
judiciaire pour décider de la garde à vue. La recherche de preuves favorables à l’accusé
ne peut être qu’aléatoire faute de savoir quelles sont les preuves défavorables et les
circonstances de l’affaire. Il en va de même de la préparation des interrogatoires
auxquels il ne peut en toutes hypothèses réellement participer. Cette mission de
spectateur impuissant est d’autant plus préjudiciable que la garde à vue reste une
atteinte à la liberté individuelle. Il appartient au juge en tant que garant de la liberté
individuelle, de faire respecter les principes du procès équitable, notamment dans cette
composante que sont les droits de la défense.

278
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

Il a été jugé que la méconnaissance des formalités substantielles auxquelles est


subordonnée la garde à vue ne peut être invoquée à l'appui d'une demande d'annulation
d'acte ou de pièce de procédure que par la partie qu'elle concerne443. Dès lors, viole ce
principe et les articles 171 et 802 du CPP la cour d'appel qui, pour déclarer recevable
l'exception de nullité soulevée par le prévenu de la garde à vue de son coprévenu, retient
que l'audition de ce dernier l'incrimine et lui fait grief et que, lors de cette garde à vue,
le droit au silence n'a pas été notifié au coprévenu et qu'il n'a pas bénéficié de
l'assistance d'un avocat, alors que le demandeur est sans qualité pour se prévaloir de la
méconnaissance d'un droit qui appartient en propre à une autre personne Manifestement,
l'arrêt du 14 février 2012 constitue un revirement de jurisprudence dès lors qu'il refuse à
la personne poursuivie le droit de contester la régularité de la garde à vue subie par un
coprévenu – sans l'assistance d'un avocat et sans notification du droit au silence – au
cours de laquelle ce dernier l'a mise en cause. Pour ce faire, la chambre criminelle
considère que le demandeur est « sans qualité pour se prévaloir de la méconnaissance
d'un droit qui appartient en propre à une autre personne ». La Cour de cassation se
révèle donc plus exigeante que le législateur puisqu'elle considère que la « qualité »
n'implique pas seulement que le requérant soit partie à la procédure, mais impose
également qu'il ait été concerné par « la méconnaissance des formalités substantielles
auxquelles est subordonnée la garde à vue »444. De la sorte, au titre de la « qualité »
attendue du requérant, non seulement la chambre criminelle exige la satisfaction d'une
condition qui n'est pas prévue par la loi, mais en plus néglige l'intérêt à agir. Or, en
l'espèce, il est manifeste que le requérant présentait un intérêt à obtenir l'annulation de la
garde à vue de son coprévenu dès lors qu'au cours de celle-ci avaient été tenus des
propos le mettant en cause. Avec l'arrêt du 14 février 2012, la Cour de cassation revient
à son interprétation restrictive des articles 171 et 802 du CPP qui l'avait menée à
considérer que celui qui invoque l'absence ou l'irrégularité d'une formalité protectrice
des droits des parties n'a qualité pour le faire que si cette irrégularité le vise
personnellement. Finalement, avec l'arrêt du 14 février 2012, il semble qu'une nouvelle
distinction au sein des nullités puisse être opérée. À côté des nullités d'ordre public,
dont le caractère implique qu'elles puissent être soulevées par toute partie, il y aurait,
d'une part, les nullités d'ordre privée « partagées » – pouvant être soulevées par toute
partie dès lors qu'elles concernent un acte ou une pièce constituant une ingérence dans

443
Cass. crim., 14 févr. 2012, no 11-84694, note Olivier BACHELET.
444
« La peau de chagrin des nullités »,Gazette du Palais, 6 mars 2012 n° 66, P. 17.

279
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

un droit relationnel– et, d'autre part, les nullités d'ordre privé « personnelles » –
invocables seulement par les personnes ayant fait l'objet de l'acte litigieux. Cette
distinction est critiquable car elle favorise une nouvelle entorse à l'effectivité de la
légalité procédurale, déjà fort malmené ne serait-ce qu'avec les mécanismes de « purge
des nullités ».

§2 - Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et garde à vue

194- La loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à


l’application de l’article 61-1 de la Constitution. Cette disposition vient consacrer
une nouvelle voie de droit devant le Conseil constitutionnel : la question prioritaire de
constitutionnalité. Il s’agit donc d’une nouvelle compétence de contrôle a posteriori de
la conformité de la loi à la norme supérieure. Elle va entraîner pour la juridiction de
nouvelles obligations, au premier rang desquelles l’ouverture de son prétoire aux
parties. En raison des difficultés soulevées par la garde à vue, c’est dans ce cadre que le
Conseil Constitutionnel a été saisi.

195- La décision du Conseil constitutionnel sur la QPC du 30 juillet 2010. Le


juge constitutionnel a été saisi les 1er et 11 juin 2010 par la Cour de cassation, dans les
conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de questions prioritaires de
constitutionnalité (QPC) posées par M. Daniel W. et trente-cinq autres requérants. Ces
questions ont porté sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution
aux articles 62, 63, 63-1, 63-4, 77 et 706-73 du CPP relatifs au régime de garde à vue.
Dans sa décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, le Conseil constitutionnel avait déclaré
conformes à la Constitution les modifications apportées aux articles 63, 63-1, 63-4 et 77
du CPP alors soumises à son examen. Si la garde à vue demeure une mesure de
contrainte nécessaire à certaines opérations de police judiciaire, elle doit s’entourer de
garanties assurant la protection des droits de la défense. En l’espèce, le Conseil
constitutionnel a souligné que les dispositions attaquées n'instituent pas les garanties
appropriées à l'utilisation qui est faite de la garde à vue445.

445
Diverses QPC ont été soulevées qui viennent renforcer les droits de la défense, notamment Décision n°
2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W et autres, confirmée par la décision n° 2010-
30/34/35/47/48/49/50 QPC du 6 août 2010, M. Milhoud K. et autres ; décision n° 2010-31 QPC du 22
septembre 2010, M. Bulent A. et autres ; JCP 2010, n° 35 p. 1564 ; Gaz. Pal., 4-5 Aout 2010, n° 216-217,
obs BACHELET ; Gaz. Pal. 2010 n° 223, p. 3-10, obs. F. CHALTIEL ; D. 2010, n° 29, p. 1928, obs.
CHARRIERE- BOURNAZEL, AJ Pénal 2010, n° 10 p. 37-42, obs. C. HASS et A. MARON ; RTD CIV

280
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

Les articles 63-4, alinéa 7, et 706-73 du CPP, issus de la loi du 9 mars 2004, mettent
en place un régime particulier de garde à vue pour la criminalité et la délinquance
organisées. La durée totale de la garde à vue peut notamment être portée jusqu'à 96
heures. Le Conseil constitutionnel446 a rappelé qu'il avait jugé ces dispositions
conformes à la Constitution à l'occasion de l'examen de la loi du 9 mars 2004 par la
décision n°2004-492 DC du 2 mars 2004. En l'absence de changement de circonstances,
et en application de l'article 23-2 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958, le
juge constitutionnel a déjà estimé que ces dispositions été conformes à la Constitution
dans leur motif et leur dispositif. En effet, dans sa décision n° 2010-14/22 QPC du 30
juillet 2010, le Conseil a donc jugé qu'il n'y avait pas lieu pour lui de procéder à un
nouvel examen de ces dispositions au 1er juillet 2011 pour laisser au gouvernement le
temps de voter des règles conformes à sa décision. En d’autres termes, le Conseil
interdit de contester les mesures prises avant le 1er juillet 2011. Les procédures en cours
ne sont pas annulées. Par trois arrêts du 19 octobre 2010, TISSET, BONNIFET et
SAHRAOUI447 la chambre criminelle de la Cour de cassation, statuant en formation
plénière, a jugé que certaines règles actuelles de la garde à vue ne satisfaisaient pas aux
exigences de l’article 6 de la CEDH telles qu’interprétées par la Cour européenne448.

En effet, la chambre criminelle s’est donc trouvée face à une situation juridique
inédite : une non-conformité à la Convention européenne des droits de l’homme de

2010 n° 3, p. 513, obs. P. PUIG : confirme la décision précitée du 30 juillet 2010 relative au régime de la
garde à vue en matière de terrorisme, déclaré conforme à la Constitution ; enfin, décision n° 2010-32
QPC du 22 septembre 2010, M. Samir M. et autres. En l’espèce, le Conseil constitutionnel a jugé que le
3°de l’article 323 du code des douanes n’opére pas une conciliation équilibrée entre, tout d’abord, les
préventions des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions et, ensuite, l’exercice
des libertés constitutionnelllement garanties.
446
Cons. const. n° 2004-492, DC du 2 mars 2004.
447
Cass. crim., n° 5699 du 19 octobre 2010 (10-82.902) ; Cass. crim., n° 5700 du 19 octobre 2010 (10-
82.306) Cass. crim., n° 5701 du 19 octobre 2010 (10-82.051).
448Il en résulte que, pour être conformes à ces exigences, les gardes à vue doivent être menées dans le
respect des principes suivants:- la restriction au droit, pour une personne gardée à vue, d’être assistée dès
le début de la mesure par un avocat, en application de l’article 706-88 du CPP instituant un régime spécial
à certaines infractions, doit répondre à l’exigence d’une raison impérieuse, laquelle ne peut découler de la
seule nature de l’infraction ;- la personne gardée à vue doit être informée de son droit de garder le silence
; la personne gardée à vue doit bénéficier de l’assistance d’un avocat dans des conditions lui permettant
d’organiser sa défense et de préparer avec lui ses interrogatoires, auxquels l’avocat doit pouvoir
participer. A ce titre, la contribution à sa propre incrimination sans assistance d'un avocat ne peut avoir de
force probante, pas même valeur de preuve « corroborante », Crim., 11 mai 2011, n° 10-84.251, D. 2011.
1421, obs. C. GIRAULT.

281
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

textes de procédure pénale fréquemment mis en oeuvre et par ailleurs en grande partie
déclarés inconstitutionnels, dans le cadre du contrôle a posteriori du Conseil
constitutionnel, cette déclaration ayant un effet différé dans le temps. Les règles
nouvelles ne s’appliqueront toutefois pas aux gardes à vue antérieures à cette échéance.
La chambre criminelle considère que ces arrêts ont pour but de sauvegarder la sécurité
juridique, principe nécessairement inhérent au droit de la Convention européenne des
droits de l’homme. Ils assurent enfin la mise en oeuvre de l’objectif de valeur
constitutionnelle qu’est la bonne administration de la justice, laquelle exige que soit
évitée une application erratique, due à l’impréparation, de règles nouvelles de
procédure. Parfaitement en phase avec l’arrêt SALDUZ de la Cour de Strasbourg449,
l’arrêt TISSET condamne clairement les régimes dérogatoires de garde à vue
(criminalité organisée, stupéfiants, terrorisme), dont la raison d’être réside précisément
dans l’organisation d’une exception systématique. Cette décision inflige par ailleurs un
démenti à la Chancellerie qui a souvent considéré que les arrêts rendus par la CEDH à
l’égard d’autres pays que la France ne concernait en rien la France. Dans l’arrêt
BONNIFET, le raisonnement de la Cour de cassation est identique. Elle considère
qu’une chambre de l’instruction a fait « l’exacte application de l’article 6 de la
Convention européenne des droits de l’Homme » en considérant que « la restriction du
droit d’être assisté dès le début de la garde à vue, par un avocat, imposée à M.
BONNIFET (...) ne répondait pas à l’exigence d’une raison impérieuse, laquelle ne
pouvait découler de la seule nature de l’infraction450 ». Dans l’arrêt SAHRAOUI, qui

449
Arrêt du 27 novembre 2008 de la CEDH, SALDUZ c/ France, préc.
450
Cass. crim., 27 octobre 2010, n° 09-88.733 ; AJ Pénal 2011, obs J. DANET ; RSC 2011, p. 144. Ici, la
cour d’appel a rejeté l’exception de nullité de la procédure relative à la notification des droits au gardé à
vue ; Crim., 4 janvier 2011, n° 1085.520. En l’espèce, le Tribunal correctionnel, saisi par le prévenu
d’une requête tendant à l’annulation de la procédure, a, par jugement avant-dire droit, prononcé la nullité
de la garde à vue en raison de l’absence d’assistance effective d’un avocat, ainsi que de l’audition et de la
perquisition accomplies pendant la durée de cette mesure, mais validé le procès-verbal par lequel le
procureur de la République l’avait saisi ; que ce dernier et le requérant ont interjeté appel de cette
décision ; Attendu qu’après avoir confirmé l’annulation prononcée, le CA retient, pour refuser d’en
étendre les effets à l’ensemble de la procédure, qu’avant de se présenter au domicile de M. X… et de
l’interpeller, les enquêteurs disposaient d’un témoignage désignant formellement l’immeuble d’où étaient
partis les coups de feu, avaient identifié sa voix sur l’enregistrement de l’alerte conservé au centre
opérationnel de la gendarmerie, et avaient intercepté sur un service d’hébergement et de partage de vidéos
en ligne, un film le représentant avec une arme ; que la cour d’appel déduit de ces constatations que la
garde à vue et les procès-verbaux d’audition et de perquisition annulés ne sont pas le support nécessaire
des poursuites ; La cour de cassation, elle, va venir dire que si c’est à tort que la cour d’appel a prononcé
la nullité de la garde à vue avant l’entrée en vigueur de la loi devant, conformément à la décision du
conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, modifier le régime juridique de la garde à vue ou, en l’absence
de cette loi, avant le 1er juillet 2011, l’arrêt n’encourt pas la censure dès lors qu’il a eu pour seule

282
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

concerne une affaire de tentative d’assassinat, la Cour consacre ainsi l’interprétation


d’une chambre de l’instruction : « Attendu que, pour prononcer l’annulation des procès-
verbaux de garde à vue et des auditions intervenues pendant celle-ci, les juges énoncent
que M. SAHRAOUI a bénéficié de la présence d’un avocat mais non de son assistance
dans des conditions lui permettant d’organiser sa défense et de préparer avec lui les
interrogatoires auxquels cet avocat n’a pu, en l’état de la législation française,
participer (…). Attendu qu’en prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a fait
l’exacte application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de
l’Homme ».

SECTION SECONDE : VERS UN EQUILIBRE REEL DES POUVOIRS ?

196- Equité procédurale et assistance immédiate de l’avocat. Dans l’arrêt


DAYANAN c/ Turquie du 13 octobre 2009, la CEDH a relevé que « l’équité d’une
procédure pénale requiert d’une manière générale, aux fins de l’article 6 de la
Convention, que le suspect jouisse de la possibilité de se faire assister par un avocat dès
le moment de son placement en garde à vue ou en détention provisoire» 451. Or, les
décisions de la CEDH s’imposant à tous les Etats signataires de la Convention
européenne des droits de l’homme, il convient de tirer une conséquence immédiate de
l’arrêt précité : le régime français de la garde à vue applicable à certaines infractions
(terrorisme, bande organisée, trafic de stupéfiants) était, jusqu’à la réforme de la garde à
vue entrée en vigueur au mois de juin 2011, contraire à ce texte puisque le septième
alinéa de l’article 63-4 CPP prévoyait l’intervention différée de l’avocat à la 48 ème
heure, voire à la 72 ème dans certains cas. L’article 63-2 CPP réaffirme en effet le
principe du droit de toute personne à garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre
incrimination. Cette disposition ayant pour but d’éviter des pressions illégitimes à
l’encontre de la personne gardée à vue visant à obtenir d’elle, par une contrainte
physique ou morale, des éléments qui pourraient être retenus à son encontre dans le
cadre de la procédure.

conséquence que les actes annulés n’ont pas constitué des éléments de preuve fondant la décision de
culpabilité du prévenu.
451
CEDH, DAYANAN c/ Turquie 13 octobre 2009, (req. n° 7377/03).

283
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

Aussi, malgré un progrès notable (§1), la réforme initiée entend fournir un cadre
juridique soucieux de ménager un équilibre entre la recherche de la vérité et le respect
des droits de la défense.

Toutefois, et pour pallier les risques d’une mesure privative de liberté excessive,
comme dans l’hypothèse d’un placement en détention provisoire injustifié, une
réparation donc une indemnisation est prévue, nonobstant l’hypothèse d’aveux de la
personne mise en cause (§2).

§1 - Perspective critique de l’aveu en garde à vue

197- La résurgence de l’aveu traditionnel dans des cas exceptionnels. Même si le


nouveau dispositif vient en théorie renforcer les droits de la défense, il subsistera, dans
des cas exceptionnels, une mesure de garde à vue plus classique, excluant la présence de
l’avocat de son déroulement intégral. Ce qui, par ailleurs, permettra la résurgence en
pareilles circonstances de l’aveu traditionnel puisque qu’il sera nécessaire de le
recueillir. Sur le principe, l’aveu ne pourra plus désormais servir de fondement à une
condamnation s’il est recueilli hors la présence de l’avocat, même si, en pratique, il
demeurera un indice important de culpabilité pour l’enquêteur452.

En outre, des dérogations sont prévues qui en limitent la portée. En effet, les services de
police pourront « interdire la présence de l’avocat »453, ou du moins la retarder jusqu’à
la 12ème heure dans des cas exceptionnels. Ainsi, aux termes de l'article 336 du code des
douanes, " les procès-verbaux de douane rédigés par deux agents des douanes ou de
toute autre administration font foi... jusqu'à preuve contraire de l'exactitude et de la
sincérité des aveux et déclarations qu'ils rapportent ".

452
Cass. crim., 18 janvier 2011, n° 10-83.750, D., 20 février 2011, obs. E. ALLAIN ; D. 2011, actu 381 ;
AJ Pénal 2011, p. 83, obs. J. DANET, Ibid. p. 198, obs. L. ASCENSI.
453
Aux termes de l’article 63-4-2 alinéa 4 du CPP « A titre exceptionnel, sur demande de l’officier de
police judiciaire, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention, selon les
distinctions prévues par l’alinéa suivant, peut autoriser, par décision écrite et motivée, le report de
présence de l’avocat lors des auditions ou confrontations, si cette mesure apparaît indispensable pour des
raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête, soit pour permettre le bon
déroulement d’investigations urgentes tenant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour
prévenir une atteinte imminente aux personnes »).

284
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

La question de la sincérité de l’aveu se pose également avec acuité en droit pénal des
mineurs.

198- Fiabilité de l’aveu en droit pénal des mineurs. L’article 4- VI de


l’ordonnance de 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007, prévoit que :
« Lorsque l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires des mineurs placés en garde
à vue ne peut être effectué en raison d’une impossibilité technique, il en est fait mention
dans le procès verbal, qui précise la nature de cette impossibilité, et le procureur de la
République ou le juge d’instruction en est immédiatement avisé. »454. La Cour estime
que la méconnaissance de cette double formalité conduit à l’annulation d’office de
l’interrogatoire. La Cour ne fait plus référence à la présomption d’atteinte absolue aux
droits du mineur et le défaut d’enregistrement n’entre plus désormais dans la catégorie
des nullités substantielles d’ordre privé s’assimilant à l’ordre public pour intégrer la
catégorie des nullités d’ordre public, dispensées de la preuve d’un quelconque grief. Ce
renforcement du dispositif à l’égard des mineurs ne s’accompagne pas, de façon
paradoxale, d’un refus d’avouer (le mineur pourrait anticiper une sanction trop sévère et
préférer en conséquence se taire) mais d’un passage aux aveux beaucoup plus
systématique, cette attitude face à l’appareil judiciaire se combinant au sentiment
d’impunité ressenti le plus souvent chez les mineurs délinquants. Le durcissement de la
situation des mineurs délinquants se rajoute au sentiment d’impunité dont ils se
prévalent ordinairement. Il n’existe pas, du côté des mineurs, de culture du silence,
l’aveu étant le plus souvent librement consenti455.

D’abord, les faits sont reconnus sans que le mineur ait conscience de reconnaître
l’infraction reprochée ; ensuite, son sentiment d’impunité le conduira à révéler tous les
éléments dont il a eu connaissance, sans que ce dernier ne perçoive, ce faisant, qu’il
passe aux aveux, lesquels viendront, le plus fréquemment, asseoir sa condamnation
ultérieure devant le tribunal pour enfants. C’est la raison pour laquelle la reconnaissance
des faits objet de la poursuite est majoritairement admise par les mineurs, ce qui facilite,
en outre, l’office du juge des enfants. Ce magistrat spécialisé n’aura que rarement à se

454
Cass. crim., 26 mars 2008, n° 07-88.554 ; AJ Pénal 2008, p. 286.
455
D’où l’extension de la composition pénale aux mineurs par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative
à la prévention de la délinquance. Ce qui permet à un procureur de proposer cette mesure à une personne
reconnaissant avoir commit un délit en lui évitant ainsi l’action devant une juridiction pénale.

285
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

pencher sur la question de la culpabilité mais à réfléchir davantage en termes de


sanction et de réparation.

C’est dans ce cadre que le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 mai 2011 par la
Cour de cassation, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une
QPC posée par M. J. TAREK relative à la conformité aux droits et libertés que la
Constitution garantit des articles L. 251-3 et L. 251-4 du code de l'organisation
judiciaire (COJ) portant sur la composition du tribunal pour enfants (TPE)456. En
premier lieu, ils prévoient que cette juridiction est composée d'un juge des enfants,
président, et d'assesseurs non professionnels. En outre, ils ne sont accompagnés
d'aucune disposition faisant obstacle à ce que le juge des enfants qui a instruit l'affaire
préside le tribunal. Ainsi, en tant que juridiction spécialisée, aucune règle
constitutionnelle ne s'oppose à ce qu'il soit majoritairement composé d'assesseurs non
professionnels457.

Aussi, l’aveu traditionnel en tant que reine des preuves, en dépit des différentes
décisions remettant en cause le déroulement de la garde vue, ne sera pas remis en
question dans des hypothèses dérogatoires, notamment lors de la disparition d’un
enfant. Comme a pu l’écrire George MOREAS, Commissaire principal honoraire de la
Police nationale : « L’aveu d’un crime donne bonne conscience aux enquêteurs, aux
magistrats et aux citoyens qui composent le jury d’assises. Puisqu’« il » a avoué son
crime, nous ne risquons pas l’erreur judiciaire… C’est sans doute la principale raison
qui justifie cette concentration des moyens et des efforts dans la recherche de cette
preuve. Pourtant, à la différence de celui qui clame son innocence et qui souvent profite
du doute qu’il fait naître dans l’esprit de ses juges, l’accusé qui avoue n’en tire aucun

456
Décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011, M. J. TAREK [Composition du tribunal pour enfants],
commentaire de Sabrina LAVRIC, « Justice des mineurs : cumul de fonctions d'instruction et de
jugement », D. 2011, p. 1903.
457
Il est à noter que l'article L. 251-4 ne méconnaît ni le principe d'indépendance indissociable de
l'exercice de fonctions judiciaires ni les exigences de capacité qui découlent de l'article 6 de la
Déclaration de 1789. Il s’ensuit que l’article L. 251-4 du COJ est conforme à la Constitution. Le principe
d'impartialité des juridictions ne s'oppose donc pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure
puisse, à l'issue de cette instruction, prononcer des mesures d'assistance, de surveillance ou d'éducation.
En permettant au juge des enfants qui a été chargé d'accomplir les diligences utiles pour parvenir à la
manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le TPE de présider cette juridiction de
jugement habilitée à prononcer des peines, l'article L. 251-3 porte au principe d'impartialité des
juridictions une atteinte contraire à la Constitution. Il s’ensuit que le Conseil constitutionnel a jugé cet
article contraire à la Constitution.

286
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

avantage. Car contrairement à ce qu’il pourrait espérer, faute avouée n’est jamais
pardonnée » 458.

Le législateur est toutefois intervenu pour que les personnes ayant subi une détention
provisoire injustifiée sur le fondement de leurs aveux, puissent obtenir réparation.

§2 - La réparation de la détention provisoire injustifiée459 nonobstant les aveux

199- Le principe : un droit à indemnisation nonobstant les aveux ou


dénégations. Les dispositions relatives à la réparation des détentions provisoires
injustifiées ont été sensiblement modifiées par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000,
renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, et la loi
n° 2000-1354 du 30 décembre 2000 tendant à faciliter l’indemnisation des condamnés
reconnus innocents. Le nouvel article 149 CPP prévoit un mécanisme de réparation du
préjudice tant matériel que moral subi par une personne ayant bénéficié d'un non-lieu,
d'une relaxe ou d'un acquittement devenus définitifs, après avoir été détenue
provisoirement. Dans ce cadre, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire
au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe
ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du
préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Ce principe de réparation
trouve son fondement dans le principe selon lequel, même en l'absence de faute
imputable à ses agents, la puissance publique doit supporter les conséquences du risque
social créé par le fonctionnement du service de la justice. Dans ce cadre, une réparation
de la détention provisoire injustifiée nonobstant les aveux est prévue par le dispositif.

458
Article du journal Le Monde, du 7 août 2009.
459
Il existe de plus en plus d’articles sur la question de la détention provisoire injustifiée, voir
notamment : Sylvie CIMAMONTI : « La détention provisoire injustifiée », Mélanges, PUAM, p. 147-
187, 2007. Adolphe TOUFFAIT, “Les principes applicables à l'allocation de l'indemnité réclamée à
raison d'une détention provisoire”, D. 1971, chron. 186; John RAWLS, Théorie de la Justice, Paris, Seuil,
1987, p. 117 ; Jean-Claude DIEMER, “La Commission nationale d'indemnisation”, Gaz. Pal. 1990, 1, p.
280 ; Ahmed ABDEL RAZEK, L'indemnisation des personnes poursuivies ou condamnées à tort, thèse,
Paris-I, 1992 ; Geneviève GIUDICELLI-DELAGE, Institutions juridictionnelles, 2e éd., Paris, PUF,
collect. Droit fondamental, 1993, p. 121; Henri LECLERC, “La peine injuste” in De l'injuste au juste,
Dalloz, collect. Thèmes et commentaires, 1996, p. 113 ; Geneviève GIUDICELLI-DELAGE, “La
responsabilité des magistrats et de l'Etat en matière pénale”, Justices, n° 5, janv.-mars 1997, p. 33 ;
Francis LE GUNEHEC, “Aperçu rapide de la loi du 30 décembre 1996 relative à la détention provisoire
et aux perquisitions de nuit”, JCP 1997, n° 4, Actualités ; RSC 1998, p. 11, André GIUDICELLI
“L’indemnisation des personnes injustement détenues ou condamnées”.

287
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

Aussi, dans deux décisions du 27 mai 2002460, la CNRD a souligné que les aveux
consentis par le requérant au cours de l'enquête préliminaire et de l'instruction
préparatoire sur les faits qui ont entraîné sa mise en examen, et les conditions ou
circonstances dans lesquelles ces aveux ont été rétractés sont sans portée sur le principe
et sur le montant de la réparation. Il a en outre été jugé que des aveux rétractés
postérieurement à un placement en détention provisoire peuvent ouvrir droit à
indemnisation461. Il existe toutefois des cas d’exclusions de ce droit à indemnisation.

200- Exceptions : l’aveu de complaisance. Selon l’article 149 du CPP, aucune


réparation n’est due à une personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire pour
s’être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire
échapper l’auteur des faits aux poursuites. Doit être rejetée la demande en réparation
formée par une personne placée sous mandat de dépôt pour s’être librement accusée
d’un crime en vue de faire échapper son auteur aux poursuites, même si elle a
ultérieurement rétracté ses aveux462. En revanche, est recevable une requête en
réparation formée par une personne dont les aveux sont intervenus deux mois et demi
après son placement en détention et ont été maintenus pendant un temps très bref, et
alors que, selon l’ordonnance de mise en accusation, l’intéressé avait expliqué ses aveux
mensongers par l’effet d’un traitement médicamenteux ainsi que les conseils de son
avocat463. Il convient également de mentionner une autre hypothèse, celle où un suspect
se serait librement et volontairement accusée ou laissée accuser à tort en vue de faire
échapper le réel auteur des faits aux poursuites. Il s'agit de conditions cumulatives. La
personne doit avoir recherché à faire échapper le véritable auteur des faits aux
poursuites et ce de manière libre et volontaire. Toutefois, aucune réparation n’est due
quand, en dépit d’aveux, l’interessé a voulu protéger une autre personne. L’hypothèse
est celle d’une personne qui s’est effectivement librement et volontairement accusée ou
laissée accuser à tort en vue de faire échapper l’auteur des faits aux poursuites.
L’appréciation d’une telle auto-incrimination s’effectue évidemment en fonction des
éléments de l’espèce464. Dans une autre espèce, s’agissant d’une confrontation avec des

460
CNRD n° 01RDP014 et 01RDP015.
461
CRD 016 décision du 18 octobre 2010.
462
(CNRD, 10 janvier 2006 , n° 5C-RD.013 , bull. n° 1).
463
CNRD, 18 octobre 2010, n° 0C-RD.016.
464
CNRD, 18 octobre 2010, Bull. crim. n° 10 et AJ Pénal, dans son numéro 7-8/2011, a consacré un
dossier à l’erreur judiciaire. Il est constitué, notamment de l’article suivant: « Aime la vérité, mais
pardonne à l'erreur » - Libres propos relatifs à la procédure de révision des condamnations pénales par

288
SECONDE PARTIE – CHAPITRE SECOND- L’AVEU FACE A LA CULTURE JUDICIARE

membres d’une même famille, en l’occurrence des frères, organisée par le juge
d'instruction et en présence de son avocat, un accusé avait reconnu avoir étranglé la
victime en donnant des renseignements très précis sur le mobile et le déroulement du
meurtre. Or, ses faux aveux étaient destinés à dissimuler la participation de certains
membres de sa famille à un trafic de stupéfiants et à l'homicide volontaire, objet de
l'information. Le requérant faisait valoir s'être accusé du crime quatre mois après son
placement en détention et seulement pendant dix jours, ce dont il se déduit que les
conditions d'application du cas d'exclusion de l'article 149 du CPP n’étaient pas réunies,
l'aveu n'étant pas le motif de sa détention. Il était toutefois rappelé qu’aucune réparation
n'est due lorsque une personne a été incarcérée à titre provisoire pour s'être librement et
volontairement accusée ou laissée accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des
faits aux poursuites. Les aveux de M. X... étaient intervenus deux mois et demi après
son placement en détention et maintenus pendant un temps très bref, soit vingt jours sur
une détention d'une durée totale de mille trois cent quatre-vingt sept jours. M. X... avait
donc été placé sous mandat de dépôt pour s'être librement et volontairement accusé d'un
meurtre en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites. Qu’en conséquence
de quoi, l'exclusion du droit à indemnisation n'étant pas justifiée, la décision critiquée
devait être réformée.

François FOURNIÉ, p. 326.

289
DEUXIEME PARTIE – TITRE SECOND- LA DISCUSSION DE LA RECONNAISSANCE DES FAITS SUR
PROPOSITION

TITRE SECOND : LA DISCUSSION DE LA RECONNAISSANCE DES FAITS SUR


PROPOSITION

201- Modernité des procédures accélérées. Le champ de l’aveu en matière pénale


ne saurait se réduire au simple mode de poursuite que constitue le plaider coupable. En
effet, les hypothèses où l’aveu de culpabilité est requis dépassent largement la simple
reconnaissance préalable de culpabilité suggérée par le parquet à un justiciable dans le
cadre de la CRPC. Ces dernières années, le législateur a donc souhaité, tant en
procédure civile qu'en procédure pénale, développer des modes alternatifs ou de
règlement accéléré des contentieux (une « troisième voie »)465, afin de désengorger les
juridictions et d'assurer des réponses simples et rapides aux citoyens en conflit466. Ces
procédures accélérées s'inspirent de l'idée selon laquelle le ministère public peut
proposer lui-même une sanction (en lieu et place du juge), et ce, en contrepartie de
l’aveu. Si auparavant le ministère public n’avait d’autre choix que de classer sans suite
ou de poursuivre, ses possibilités dépassent aujourd’hui cette simple option. Les
procédures alternatives aux poursuites prévoient donc une troisième voie entre le
déclenchement de l’action publique et le classement sans suite pur et simple. Il s’agit, à
n’en pas douter, d’un renforcement des prérogatives du parquet puisque le représentant
du parquet, comme en CRPC, suggère une mesure ou une peine. Surtout, ces procédures
atypiques sont un moyen d’évitement de l’audience pénale classique sous sa forme
collégiale467.

Dès lors, si l’audience n’apparaît plus comme le lieu exclusif où est infligée la
sanction, le juge n’est plus le seul organe en charge du prononcé de la peine. Aussi,
l’idée d'une justice négociée, reposant sur une reconnaissance de culpabilité pénètre

465
Voir not. Art. 1528 et 1544 du NCPC et art. 2062 et suivants du Code civil intitulé : « De la
convention de procédure participative », et not. art 2065 qui dispose : « Tant qu’elle est en cours, la
convention de procédure participative rend irrecevable tout recours au juge, pour qu’il statue sur le
litige ». En l’occurrence, ces dispositions apparaissent comme une forme de confiscation du libre recours
au juge dans le cadre du procès équitable au sens de la CEDH. En effet, ce qui transparaît dans les
dispositions de l’article 1528 NCPC c’est le développement progressif d’un recours à la justice privée en-
dehors de l’office du juge. Cette évolution risque, à terme, de justifier une logique de vengeance privée de
la victime en procédure pénale.
466
V. Rapport du sénateur François ZOCCHETTO, « Juger vite, juger mieux ? », op.cit.
467
Jean-Paul CÉRÉ et Pascal REMILLIEUX, « De la composition pénale à la comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité: le “plaider coupable” à la française », AJ Pénal, 2003, p. 45.
Dominique CHARVET, « Réflexions autour du plaider-coupable », D. 2004, chron, p. 2517.

290
DEUXIEME PARTIE – TITRE SECOND- LA DISCUSSION DE LA RECONNAISSANCE DES FAITS SUR
PROPOSITION
progressivement notre système pénal. En même temps, la reconnaissance de faits
reprochés ne saurait se confondre avec l’aveu de culpabilité, lequel ne se confond pas
davantage avec la vérité mais strictement avec la vérité judiciaire, ce qui est fort
différent. Il est parfaitement possible à une personne de reconnaître les éléments
matériels reprochés sans que celle-ci ait conscience du caractère répréhensible desdits
faits. Car reconnaître des faits et reconnaître une infraction, ce qui définit l’aveu de
culpabilité, ne sauraient se confondre468. L’originalité de l’aveu de culpabilité réside,
dans le cadre d’une procédure, dans le rapport privilégié, sinon exclusif qui s'y établit
entre aveu et vérité. L’aveu repose sur un acte volontaire469qui entraînera inévitablement
des conséquences pénales pour le suspect ; en revanche, une simple reconnaissance de
faits n’est pas associée obligatoirement à des poursuites si les faits ne permettent pas de
confondre la personne soupçonnée. En réalité, la reconnaissance des faits n’est qu’une
forme particulière d’aveu qui n’intègre pas systématiquement un élément reposant sur la
culpabilité de l’auteur des déclarations.

Dès lors, la difficulté soulevée est celle de savoir si la transformation de la procédure


pénale par la reconnaissance des faits va, à terme, définitivement bouleverser notre
système judiciaire répressif (CHAPITRE PREMIER). L’aveu par la personne mise en
cause risque en effet d’être de plus en plus sollicité. Celle-ci, bien souvent, préfèrera
avouer afin d’obtenir une peine allégée que de comparaître en audience classique devant
le juge pénal avec les aléas inhérents à toute audience. L’extension du processus d’aveu
vient non seulement ébranler les mentalités en rendant attrayant ce qui participait d’une
crainte mais risque également de modifier notre système pénal470. Toutefois, ce qui

468
Jérôme Lasserre CAPDEVILLE, « De l'usage limité de la reconnaissance de culpabilité », D. 2008, p.
2904.
469
Ainsi, si la décision d’avouer, du côté de la personne mise en cause, relevait d’un simple souhait elle
ne s’apparenterait qu’à l’attitude du velléitaire qui en reste à la représentation d'un souhait sans parvenir à
l’assumer. Dans la volonté, en revanche, il n'y a pas cette distance entre le sujet et l’objet car elle
constitue une réelle conscience en acte, engagée dans le mouvement même de la réalisation des
motivations de l’intéressé. L’auteur de l’aveu pourra ainsi, après mure réflexion, et en accord avec sa
conscience décider librement de reconnaître sa culpabilité ou une culpabilité. C’est lorsque l’accusé aura
le sentiment qu’il est préférable dans ses intérêts d’avouer que le simple souhait initial deviendra plus
rationnel et qu’il avouera. La relation entre volonté et désir est cependant plus subtile. Dans le désir réside
une puissance, une énergie qui est celle de la vie. Or, la volonté excède le simple désir, c'est un désir que
l’accusé va s’approprier car il ne heurte pas sa conscience. A ce titre, la volonté impose un but, un ordre
et une constance car elle est intentionnelle. Elle n’est pas réductible à l’intellect qui permet de séparer le
vrai du faux mais elle est la conscience de l’ego dans son affirmation vivante.
470
Alexandra FABBRI et Christian GUERY, « La vérité dans le procès pénal ou l'art du catalogue », RSC
2009, p. 343.

291
DEUXIEME PARTIE – TITRE SECOND- LA DISCUSSION DE LA RECONNAISSANCE DES FAITS SUR
PROPOSITION
apparaît en pratique comme essentiel est moins la place de l’aveu comme pivot de ces
nouvelles procédures que l’importance qu’il revêt. L’aveu est également pris en compte
dans l’infliction de la peine (CHAPITRE SECOND) car le débat contradictoire sur la
culpabilité est absent, ce qui tend, du même coup, à un rapprochement des parties au
procès. Si le traitement en temps réel du contentieux pénal présuppose que les faits
soient reconnus, il n’est plus question ab origine de vérité judiciaire même si la question
de la sincérité de l’aveu demeure posée.

292
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

CHAPITRE PREMIER : VERS UNE MUTATION DE LA


PROCEDURE PENALE

202- De la crainte de l’aveu à l’aveu plébiscité. Les procédures alternatives aux


poursuites articulées à l’aveu sont de plus en plus plébiscitées par les divers acteurs au
procès pénal. L’aveu vient structurer non seulement la procédure pénale devant les
juridictions internationales471, mais également sur un plan interne, il est de plus en plus
spontanément accepté par les personnes mises en cause.

En effet, ce type de réponses pénales est encouragé par les parquets et délégués du
procureur qui les présentent comme une chance à saisir pour le justiciable avec la
menace d’être sanctionné plus lourdement si l’affaire est renvoyée en audience
classique. Face à la pression exercée par le représentant du ministère public, il est rare
que le justiciable refuse la proposition du parquet car il anticipe, à tort ou à raison, une
sévérité accrue du procureur de la République à son encontre devant le tribunal
correctionnel lors de ses réquisitions. Elles sont, en outre, privilégiées par les
justiciables qui y voient plus d’avantages (une peine plus clémente) que d’inconvénients
(l’aléa d’une comparution publique devant la juridiction de jugement). Si le ministère
public estime que les avantages excèdent les inconvénients, il privilégiera une
alternative aux poursuites car, au regard des faits reprochés au prévenu, l’intéressé
encourt une peine plus légère. En revanche, si les inconvénients inhérents au traitement
d’une affaire pénale apparaissent trop importants, le parquet optera pour une procédure

471
M. Jean-Jacques LAVENUE, « La procédure en cas d’aveu de culpabilité devant la CPI », site:
www.droit.univ.lille2.fr. Ainsi, le statut de la CPI, notamment dans son article 27, prévoit que lorsque
l’accusé reconnaît sa culpabilité la Chambre de première instance va au préalable vérifier trois éléments.
Tout d’abord, si l’accusé comprend la nature et les conséquences de son aveu de culpabilité ; ensuite, si
l’aveu de l’intéressé a été fait volontairement après consultation suffisante avec le défenseur de l’accusé ;
enfin, si l’aveu de culpabilité est étayé par les faits de la cause tels qu’ils ressortent des charges présentées
par le procureur et admises par l’accusé ou de toutes pièces présentées par le procureur qui accompagnent
les charges et que l’accusé accepte. Il sera également fait état de tous autres éléments de preuve, tels que
les témoignages, présentés par le procureur ou l’accusé. Si la Chambre de première instance est
convaincue que ces conditions ne sont pas réunies, elle considère qu’il n’y a pas eu aveu de culpabilité.
Les consultations entre le procureur et la défense relatives à la modification des chefs d’accusation, à
l’aveu de culpabilité ou à la peine à prononcer n’engagent pas la Cour (limite à une possibilité de Plea
Bargain).

293
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

plus classique. Dans le cadre de l’obtention de l’aveu, il n’est plus question, en pareilles
circonstances, de rechercher une vérité matérielle, mais de se contenter d’une vérité
juridique laquelle n’est que le reflet d’une vérité policière puis celle du ministère public.
Du côté des magistrats du siège enfin, l’intérêt de ces procédures atypiques est double.
Tout d’abord, elles évitent un renvoi devant des juridictions qui sont déjà fortement
encombrées ; ensuite, elles répondraient à une opinion publique davantage sensible à
l’exigence de célérité qu’aux vertus utopistes de l’innocence présumée. Les procédures
accélérées de gestion des flux pénaux répondent donc à un large consensus.

Même si un impératif d’efficacité et non de vérité caractérise ces nouveaux modes de


traitement du contentieux pénal (SECTION PREMIERE), et que cette évolution
effectue par conséquent une impasse sur un réel débat sur la culpabilité (SECTION
SECONDE), force est d’admettre qu’elles procurent un bénéfice à tous les acteurs du
procès.

SECTION PREMIERE : LA RECONNAISSANCE DES FAITS DANS LES PROCEDURES ACCELEREES

203- Description des alternatives réparatrices articulées à l’aveu pénal. Apparus


ces dix dernières années ces modes de traitement du contentieux pénal sont fondés sur
la reconnaissance de faits reprochés et l'acceptation de la sanction proposée par le
ministère public : la médiation472, la composition pénale473 et la CRPC 474. Les textes
révèlent que la composition pénale et le nouveau plaider-coupable issu de la loi du 9
mars 2004 reposent explicitement sur l'aveu. Aux termes de l’article 41-1 CPP , s’il
apparaît au représentant du parquet qu’un mode alternatif aux poursuites « (…) est
susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au
trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, le
procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique,
directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un
médiateur du procureur de la République :

472
CPP art.41-1.
473
CPP art.41-2.
474
CPP art.495-7 et s.

294
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

1° Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi ;

2° Orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ;
cette mesure peut consister dans l'accomplissement par l'auteur des faits, à ses frais, d'un
stage ou d'une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou
professionnel, et notamment d'un stage de citoyenneté, d'un stage de responsabilité
parentale ou d'un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants ;
en cas d'infraction commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur,
cette mesure peut consister dans l'accomplissement, par l'auteur des faits, à ses frais,
d'un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;

3° Demander à l'auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la loi ou des


règlements ;

4° Demander à l'auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci ;

5° Faire procéder, avec l'accord des parties, à une mission de médiation entre l'auteur
des faits et la victime. En cas de réussite de la médiation, le procureur de la République
ou le médiateur du procureur de la République en dresse procès-verbal, qui est signé par
lui-même et par les parties, et dont une copie leur est remise ; si l'auteur des faits s'est
engagé à verser des dommages et intérêts à la victime, celle-ci peut, au vu de ce procès-
verbal, en demander le recouvrement suivant la procédure d'injonction de payer,
conformément aux règles prévues par le code de procédure civile ;

6° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son
partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son
conjoint, concubin ou partenaire, demander à l'auteur des faits de résider hors du
domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, de s'abstenir de paraître dans ce
domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si
nécessaire, de faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les
dispositions du présent 6° sont également applicables lorsque l'infraction est commise
par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle
par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime.

295
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

204- Portée de la composition pénale. La procédure prévue au présent article


suspend la prescription de l'action publique. En cas de non-exécution de la mesure en
raison du comportement de l'auteur des faits, le procureur de la République, sauf
élément nouveau, met en œuvre une composition pénale ou engage des poursuites ».

Cette disposition législative prévoit donc la possibilité de mettre fin au trouble


résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits, de
procéder au rappel des obligations résultant de la loi, d’orienter le délinquant vers une
structure sanitaire ou sociale ou encore de lui enjoindre d’effectuer, à ses frais, un stage
de sensibilisation dès avant de se prononcer sur l’action publique. En dehors des
procédures de composition pénale et de CRPC d’autres mesures réparatrices ont été
instituées par le législateur, confèrent à l’aveu une place variable donc relative. Le
rappel à la loi est une possibilité offerte au parquet, en cas d'infraction de faible gravité,
de faire prendre conscience à l'auteur de l'infraction qu'il a commis un acte illégal pour
éviter qu'il ne récidive. Ce dispositif n'est pas mentionné dans le casier judiciaire
puisqu'il ne constitue pas une condamnation. Un arrêt récent de la Cour de cassation
vient d’en définir la valeur. La chambre sociale de la Cour de cassation, le 21 mai 2008,
a estimé que le rappel à la loi auquel procède le procureur de la République en
application de l’article 41-1 du CPP est dépourvu de l’autorité de la chose jugée et
n’emporte pas par lui-même preuve du fait imputé à un auteur et de sa culpabilité475.
Cependant, il suspend la prescription de l'action publique et, en cas d'échec, laisse au
procureur la faculté de mettre en œuvre une composition pénale ou d'engager des
poursuites tout comme l’orientation de l’auteur vers une structure sanitaire, sociale ou
professionnelle qui est la seconde option dont dispose le procureur.

205- La mesure de médiation pénale constitue également une alternative à laquelle


il est loisible au ministère public de faire procéder. Celle-ci consiste, sous l’égide d’un
tiers neutre chargé de concilier les différents points de vue, à mettre en relation l’auteur
et la victime d’une infraction afin de trouver un accord sur les modalités de réparation
mais aussi de rétablir un lien et de favoriser, autant que possible, les conditions de non
réitération de l’infraction alors même que les parties sont appelées à se revoir. Si un

475
Cass. soc., 21 mai 2008, n° 06-44.948.

296
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

accord est effectivement trouvé et exécuté, le procureur classera alors le dossier ; à


défaut, une composition pénale ou l’engagement des poursuites pourront être mis en
œuvre. Toutefois l’arrêt du 21 mai 2008 de la chambre sociale de la Cour de cassation
vise spécifiquement le rappel à la loi, mais parait pouvoir s’appliquer indistinctement
aux différentes alternatives précédemment envisagées. La récente loi organique du 29
mars 2011 relative au Défenseur des droits476, notamment dans ses articles 26 et 28,
apporte un éclairage nouveau sur ce point. En effet, aux termes de l’article 26 précité,
« les constatations effectuées et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne
peuvent être ni produites, ni invoquées ultérieurement dans les instances civile ou
administrative sans le consentement des personnes intéressées, sauf si la divulgation de
l’accord est nécessaire à sa mise en œuvre ou si des raisons d’ordre public l’imposent ».
Ce mécanisme est à rapprocher de celui expérimenté en Grande-Bretagne même s’il
s’avère plus protecteur.

206- France et Grande-Bretagne: une proximité technique dans les logiques


procédurales. Le rapprochement concerne non seulement les formes d’organisation
judiciaire mais également les procédures pénales qui jusqu'à présent étaient
différenciées. Même si les modèles français et anglais de justice pénale reposent sur un
dualisme judiciaire puisque le premier s’est construit autour de l’Etat comme instrument
privilégié de restauration et le second par une méfiance historique à l’égard de la
puissance publique, force est d’admettre que dans ces deux pays, les réformes de la
justice pénale entreprises depuis 1980 reposent sur trois axes principaux : équité
procédurale, efficacité répressive et modernisation administrative477. Toutefois, en
France comme en Angleterre, la valorisation axiologique de l’équité procédurale autour
de l’aveu traduit une volonté affichée de mieux protéger les individus aux prises avec
l’institution judiciaire par l’allocation de nouveaux droits aux justiciables. Ainsi
s’ébauche, dans le droit processuel, un dispositif de cross-examination jusqu’alors
étranger à la tradition juridique française. En même temps, en Grande-Bretagne avec le
Police and Criminal Evidence Act de 1984 comme en France avec la loi du 9 mars

476
Loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, JORF n° 0075 du 30
mars 2011, p. 5497, texte n° 1.
477
Renaud COLSON et Stewart FIELD « La fabrique des procédures pénales : comparaison franco-
anglaise des réformes de la justice répressive », RSC 2010, p. 365.

297
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

2004, dite loi PERBEN II, le pouvoir discrétionnaire des agents de police a été étendu,
notamment en ce qui concerne la détermination des suspects à l’occasion des contrôles
d’identité et des placement en garde à vue, et les conditions de perquisition et de
surveillance ont été assouplies. Néanmoins, c’est la procédure de plaider coupable qui
constitue aujourd’hui, en Grande-Bretagne comme en France, le dispositif le plus
novateur de la justice négociée. A ce titre, la promesse d’une réduction de peine ou
l’abandon de certains chefs d’inculpation, en échange de la reconnaissance de
culpabilité guilty plea de la personne mise en cause, y sont régulièrement utilisés. Le
suspect est interrogé à la fois par son avocat (examination in chief) et par le ministère
public (cross examination) ; l’intéressé n’a pas le droit de mentir. Toutefois, sans faire
l'objet d'un cadre juridique précis, la reconnaissance de culpabilité devant les
juridictions pénales est encadrée par différentes normes législatives et jurisprudentielles.
Ainsi, les règles législatives qui régissent la procédure pénale ont été modifiées au cours
des dernières années pour inciter notamment les accusés à reconnaître leur culpabilité le
plus rapidement possible, afin d'accélérer le traitement des affaires et de limiter le coût
du fonctionnement de la justice, tout en ménageant les témoins et les victimes. La même
évolution est à l’oeuvre en France avec l’idée d’un plaider coupable criminel, même si,
pour l’instant, la réforme paraît abandonnée.

SECTION SECONDE : UN AVEU EN MARGE D’UNE REELLE CULPABILITE

207- Aveu sollicité et perversion judiciaire. L’aveu sollicité par le procureur ou


son délégué dans le cadre des alternatives aux poursuites relève d’une forme de
perversion de l’appareil judiciaire puisque cette reconnaissance de culpabilité est
requise alors qu’en réalité elle ne présente aucun intérêt dans la procédure puisque, en
toutes hypothèses, la personne mis en cause sera généralement condamnée. Aussi, il est
possible de considérer que cet aveu, instamment requis par le délégué du procureur de la
République, n’est en rien utile au déroulement de l’alternative aux poursuites ; car, en
pratique, il est négligé (§1) par le parquet dans le cadre de l’infliction de la sanction. En
effet, le caractère systématique de la peine rend cet aveu inutile même s’il remplit une
fonction para-judiciaire de légitimation de la réponse pénale chosie laquelle permet de
consolider la thèse de l’accusation concernant la culpabilité de l’intéressé puisqu’il la
reconnaitra dans la plupart des cas. En revanche, l’aveu est davantage intégré à la

298
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

procédure en CRPC car il lui est consubstantiel. En effet, il initie et rend donc possible
ce mode de poursuite (§2). Ce qui participe d’une logique différente.

§1 - L’aveu négligé : les modes alternatifs aux poursuites

208- Un aveu inutile en pratique. L’appareil judiciaire sollicite du mis en cause le


cautionnement d’un système tout en lui ôtant tout bénéfice ; en effet, l’institution
réclame un blanc-seing à celui qu’elle condamne donc une autojustification de son
action alors que cette formalité n’est en rien nécessaire. En pareilles circonstances,
l’aveu est en réalité négligé et requis de façon paradoxale car il sert de socle à un mode
alternatif qui ne l’exige pas. La question n’est donc pas tranchée de savoir, au-delà de
ces modes alternatifs, pour quel motif paradoxal l’institution judiciaire recherche l’aveu
pour asseoir une culpabilité, tout en l’excluant puisque même en l’absence d’aveux, elle
pourra rentrer en voie de condamnation sur le fondement des pièces versées à la
procédure ou d’une intime conviction. Il s’agit d’un mode original de traitement des
affaires pénales reposant sur une forme d’ « inclusion-exclusion » qui témoigne
davantage de la fragilité de l’institution que de sa force.

209- Aveu pénal et omnipotence du parquet : la médiation pénale. Ce mode de


réponse alternatif semble évacuer le fondement du procès pénal qui est l’établissement
de la culpabilité, donc d’une vérité matérielle, au profit d’une rapidité procédurale et
d’une répression systématisée. Dans ce cadre, le législateur a, par la loi n° 93-2 du
4 janvier 1993, introduit le système de médiation dans notre procédure478. La médiation
est réservée aux infractions les moins graves, sans que celles-ci ne soient définies, ni le
quantum de la peine déterminé. Institutionnalisée par la loi du 4 janvier 1993, il s’agit
d’un classement sans suite sous conditions : préalablement au déclenchement de l’action
publique, le parquet pouvait décider de recourir à une médiation si elle était susceptible
d’assurer la réparation de l’infraction ou le reclassement de l’intéressé. Ce mécanisme
était à l’oeuvre jusqu’à la loi du 9 juillet 2010 et reposait jusque là sur l’accord des
parties. Depuis cette disposition, c’est « à la demande ou avec l’accord de la victime»
478
Gérard BLANC, « La médiation pénale », JCP 1994, I, p. 3760 ; Elisabeth CARTIER, « Les modes
alternatifs de règlement des conflits en matière pénale », RGDP 1998, p. 1 ; S. VOISIN, « La médiation
pénale est-elle juste ? », Petites affiches 2002, n°170, p. 49.

299
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE
479
. La question se pose de l’avenir de la médiation pénale lorsque le mis en cause refuse
cette mesure. En droit, à tout instant, chaque partie peut d’ailleurs mettre fin à la
médiation si les positions sont bloquées, mais, les discussions entre les parties sous le
contrôle du médiateur reprendront ultérieurement. La personne mise en cause, même en
l’absence de son avocat, peut s’engager à verser tout ou partie de la somme demandée.
Si la demande est jugée trop élevée et l’offre insuffisante, il y a rupture de la médiation ;
c’est l’échec, et le dossier est renvoyé au procureur qui dispose de l’opportunité des
poursuites. En réalité, le parquet peut décider de recourir à une médiation si elle est
susceptible d’assurer la réparation de l’infraction ou le reclassement de l’intéressé. Si la
mise en œuvre de celle-ci relève d’un intermédiaire neutre chargé de concilier
l’intéressé et la victime, l’initiative de celle-ci n’appartient qu’au parquet. Or, l’organe
habilité pour proposer la médiation est le ministère public, c'est-à-dire l’organe de
poursuites, ce qui ne confère pas de garanties suffisantes d’impartialité. Deux arrêts de
la CEDH, « MEDVEDYEV c/ France » et BRUSCO480 ont affirmé que le procureur de
la République n’est pas une autorité judiciaire481. En effet, aux termes de l’article 5 § 3
CEDH, le parquet français ne présente pas les garanties d’indépendance exigées par la
jurisprudence pour recevoir la qualification de juge ou d’autre magistrat habilité par la
loi à exercer des fonctions judiciaires. Sur le plan conventionnel, la CEDH apprécie à la
fois des critères objectifs tenant au statut du juge (notamment le mode de désignation) et
un critère subjectif tenant à l’apparence d’indépendance aux yeux du justiciable ; or,
non seulement les membres du parquet peuvent recevoir des instructions du garde des
Sceaux ce qui constitue le corollaire de leur absence d’inamovibilité mais également ces

479
CPP art. 41-1-5°.
480
Affaire BRUSCO c/ France (req. n° 1466/07), 14 octobre 2010, (arrêt devenu définitif le 14 janvier
2011), communiqué de presse du greffier de la CEDH, n° 742 14.10.2010
481
Au sens de l’article 6 CEDH en raison notamment de sa dépendance au pouvoir exécutif, Cf. CEDH,
5ème section, 10 juillet 2008, MEDVEDYEV et a. c/ France (req. n° 3394/03). Comm. Recueil Dalloz
2008, p. 3055, de Patricia HENNON-JACQUET ; Jean-François RENUCCI : « Un séisme judiciaire :
pour la Cour européenne des droits de l'homme, les magistrats du parquet ne sont pas une autorité
judiciaire », Recueil Dalloz 2009 p. 600 ; Jean-Pierre MARGUENAUD : « Tempête sur le parquet », à
propos de l’arrêt de la CEDH, 5e section, 10 juillet 2008, MEDVEDYEV C/ France, in RSC 2009 p. 176 ;
Jean-François RENUCCI : « L'affaire Medvedyev devant la grande chambre : les « dits » et les « non-dits
» d'un arrêt important », Recueil Dalloz, 2010 p. 1386 ; Patricia HENNION-JACQUET : « L'arrêt
Medvedyev : un turbulent silence sur les qualités du parquet français », Recueil Dalloz 2010 p. 1390 ;
RSC 2011 p. 685, « Tempête sur le parquet : bis sed non repetita » (CEDH, Grande Chambre, 29 mars
2010, Medvedyev c. France), CEDH, 29 mars 2010, MEDVEDYEV, n° 3394/03, AJDA 2010.p. 648 ; D.
2010. 1386, obs. S. LAVRIC, note J.-F. RENUCCI

300
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

magistrats sont susceptibles d’agir à la fois en tant qu’autorité de poursuite et en tant


qu’autorité d’instruction au sens de la Convention. Aussi, dans le cadre des alternatives
aux poursuites, s’agissant d’infractions de faible gravité, c’est le parquet qui dispose de
l’essentiel des pouvoirs, que ce soit du déclenchement jusqu’à l’extinction pour
l’exécution de la peine. Le ministère public français est par conséquent peu contrôlé par
l’autorité judiciaire, notamment en matière d’alternatives aux poursuites, où le juge ne
fait qu’homologuer (ou pas) la décision du parquet et ne statue aucunement sur la
culpabilité. Cela pose un problème en matière d’impartialité de l’autorité de jugement,
par principe séparée de l’autorité de poursuite en raison précisément de son statut. En
outre, de par sa proximité accrue avec l’exécutif notamment dans le cadre des politiques
locales de prévention et de sécurité, le parquet tend à s’éloigner d’autant plus d’une
autorité judiciaire au sens strict. Toutefois, s’inspirant directement de l’article 1er, I, de
l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature, le Conseil constitutionnel a rendu une décision le 30 juillet 2010 dans le
cadre d’un contrôle a posteriori de la loi rappelant que « l’autorité judiciaire comprend
à la fois les magistrats du siège et du parquet » (consid. 26)482. C’est une même
orientation que retient le Conseil constitutionnel lorsqu'il considère que le parquet ne
peut être investi de pouvoirs conduisant à une privation de la liberté individuelle que
dans une limite de temps restreint (maximum 48 heures ou deux jours ouvrables). Au-
delà, l'intervention d'un magistrat du siège est exigée. Ainsi, dès sa décision n° 80-127
DC des 19-20 janvier 1981, le Conseil a jugé qu'au-delà de 48 heures « l'intervention
d'un magistrat du siège pour autoriser, dans ces cas, la prolongation de la garde à vue,
est nécessaire conformément aux dispositions de l'article 66 de la Constitution » (Cons.
25). La France se doit ainsi de modifier la loi du 15 juillet 1994 pour placer la privation
de liberté sous le contrôle d'un magistrat du siège. Selon le Conseil constitutionnel «
l'autorité judiciaire qui, en vertu de l'article 66 de la Constitution, assure le respect de la
liberté individuelle, comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet »483.
Derrière l'idée que le ministère public n’est pas composé de magistrats indépendants,
c'est l'ensemble du système judiciaire français qui se trouve contesté, donc son unité.
Ainsi, les attributions du parquet ne devraient pas être étendues aux procédures

482
Cons.const. n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010.
483
Cons. const. n° 93-326 DC du 11 août 1993.

301
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

accélérées de gestion des flux pénaux. C’est l’organe de poursuite qui apprécie la
culpabilité du prévenu dans un contexte paradoxal où il aura reconnu les faits reprochés,
ce qui apparente curieusement le parquet aux prérogatives dont disposent les
juridictions de jugement puisque le substitut dispose en réalité d’un réel pouvoir de
jugement avant tout déclenchement de l’action publique ainsi que d’un pouvoir de
sanction. Autrement dit, si le parquet n’est pas une autorité judiciaire, il n’a pas
réellement de faculté d’appréciation, il doit poursuivre toute infraction conformément à
la finalité de ses fonctions dans le sens de la légalité des poursuites. C’est ainsi que si
l’on considère que le ministère public n’est pas une autorité judiciaire, cela condamne
l’opportunité des poursuites. Or, dans les procédures alternatives, le parquet estime qu’il
est une autorité judiciaire au sens de l’article 66 de la Constitution ; que par conséquent,
il peut enclencher sous son autorité toutes procédures alternatives lesquelles ne
déboucheront pas sur une saisine du juge. Aussi, le débat participe encore de l’idée
d’une gestion la plus rapide des stocks pénaux pour éviter une trop grande durée de
l’action publique.

210- Composition pénale et contrepoids insuffisant du juge. Le législateur a


ensuite institué, par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999484, la composition pénale485. Cette
procédure est envisagée aux articles 41-2 et 41-3 du CPP486. Elle peut être définie
comme une forme de transaction permettant au procureur de la République de proposer
à une personne majeure qui reconnaît avoir commis un délit ou une contravention, dont
la liste est limitativement fixée par la loi, d'effectuer certaines mesures présentant le
caractère d'une sanction ; l'acceptation de ces mesures doit être validée par le tribunal ;
leur exécution éteint l'action publique487. La composition est applicable à toute personne
qui reconnaît avoir commis des faits contraventionnels488, un ou plusieurs délits punis à
titre de peine principale d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans,

484
D. 1999, p. 311.
485
Jocelyne LEBLOIS-HAPPE, « De la transaction pénale à la composition pénale », JCP 2000, I, p. 198
; F. LE GUNEHEC, « Présentation de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999. Première partie : dispositions
relatives aux alternatives aux poursuites », JCP 1999, actualités, p.1325 et s ; Jean PRADEL, « Une
consécration du plea-bargaining à la française : la composition pénale instituée par la loi n° 99-515 du
23 juin 1999 », D. 1999, p. 379.
486
Modifiée par la loi du 9 mars 2004.
487
Définition proposée par Françis LE GUNEHEC, op. cit., p. 1326.
488
CPP art. 41-3.

302
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes489. Cette


composition pénale ne fut à l'origine possible que pour les délits et contraventions
prévus par le texte. Il en allait ainsi dans les cas d'appels téléphoniques malveillants490,
menaces491, vol simple492. Depuis la loi PERBEN II précitée du 9 mars 2004, elle
concerne tous les délits dont la peine n'excède pas cinq années d'emprisonnement493 et
les contraventions494. En raison de la fragilité de l’aveu, sa réception revêt une
importance particulière en droit pénal des mineurs depuis la loi du 5 mars 2007 relative
à la prévention de la délinquance495. A ce titre, la mise en œuvre d’une mesure de
composition pénale exige le consentement du mineur ainsi que celui de ces
représentants légaux, ces accords devant obligatoirement être recueillis en présence
d’un avocat. A cette fin, l’article 7-2 de l’ordonnance de 1945 a également prévu qu’il
appartient au juge des enfants de valider la composition pénale mise en œuvre à l’égard
d’un mineur en lieu et place du président du tribunal de grande instance. Cette
homologation apparaît favorable à l’intérêt du mineur puisque c’est un magistrat
spécialisé dans la délinquance juvénile et parfois même son juge référent qui y procède.
En sus, celui-ci a l’obligation, s’il lui en est fait demande ou même d’office, de procéder
à l’audition du mineur et de ses représentants légaux, ce qui évite les agréments de pure
complaisance envers le ministère public.

En l’espèce, le droit de la preuve est réduit à l’obtention de l’aveu, et la menace des


poursuites ultérieures pourra contraindre l’intéressé à nier ou pas, même si, par ailleurs,
ce dernier aurait pu apporter un éclairage nouveau au dossier qui, peut-être, l’aurait
innocenté. Aussi, face à la menace implicite des enquêteurs, la personne soupçonnée
pourra décider de passer aux aveux à la suite de la proposition du représentant du
parquet de souscrire à une composition pénale dès la phase de garde à vue. Cette
transgression des droits de la défense ne répond pas à l'exigence d'une répression
efficiente, en ce que l'aveu constitue la seule preuve justifiant la sanction. En fait, une

489
CPP art. 41-2.
490
CPP art. 222-16.
491
CPP art. 222-17.
492
CPP art. 311-3.
493
CPP art. 41-2.
494
CPP art. 41-3.
495
Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance.

303
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

intervention plus active du juge pourrait notamment consister à vérifier la crédibilité des
aveux ayant conduit à un accord sur la peine, ce qui dépasserait le simple contrôle
formel. De cette manière, le rôle du juge ne serait plus limité à une simple
authentification.

En matière de transaction pénale, une évolution doit être signalée découlant de


l’article 28 II de la loi organique précitée du 29 mars 2011496. Le défenseur des droits
peut désormais, si des faits constitutifs du délit de discrimination sont constatés mais
n’ont pas déjà donné lieu à la mise en mouvement de l’action publique, proposer à
l’auteur des faits une transaction qui doit être acceptée par l’intéressé ainsi que, s’il y a
lieu, par la victime. Par suite, cette transaction devra être homologuée par le procureur
de la République. En cas de refus de la proposition de transaction ou d’inexécution
d’une transaction acceptée et homologuée par le parquet, le défenseur des droits,
conformément à l’article 1er CPP, pourra mettre en mouvement l’action publique par
voie de citation directe.

211- Portée de la composition pénale : des aveux librement appréciés par


l’organe de poursuite. Aux termes de l’article 41-2 CPP, la composition pénale
correctement exécutée entraine l’extinction de l’action publique. Cependant, cette
extinction n’entrave pas le droit pour la partie civile de délivrer une citation directe
devant le tribunal correctionnel ne statuant alors que sur les seuls intérêts civils. En
revanche, si l’intéressé ne l'accepte pas ou s’il n'exécute pas intégralement les mesures
décidées, le procureur de la République met en mouvement l'action publique. La Cour
de cassation a, dans un premier temps, précisé que la signature du procès verbal de
proposition de composition pénale, même non transmis par le parquet pour validation,
entraine la nullité de la citation directe délivrée par le parquet497. Ainsi, dès que la
proposition du ministère public est acceptée, celle-ci devient définitive et exclut toute
496
Loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. Bénédicte DELAUNAY,
« Les réformes tendant à améliorer les relations des citoyens avec les administrations », AJDA 2011, p.
1180 ; Olivier DORD, « Le Défenseur des droits ou la garantie rationalisée des droits et libertés », AJDA
2011, p. 958. Voir également le commentaire de Marie PIQUEMAL, « Le Défenseur des droits, une
instance fourre-tout qui fait polémique » dans Libération du 04/06/2010 et Rhita BOUSTA, « Le
Défenseur des droits : une apparence trompeuse d’innovation », communication, VIIIème Congrès
français de droit constitutionnel, AFDC - Nancy 16, 17, 18 juin 2011.
497
Cass. crim., 20 novembre 2007 ; Bull. crim. n° 287.

304
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

possibilité pour l’organe de poursuite de faire retour arrière. Cette jurisprudence


apparait conforme à l’esprit même de l’alternative en ce que celle-ci est une sorte de
négociation de l’aveu contre une peine moindre et qu’un possible repli du procureur
reviendrait à extorquer l’aveu sans aucune contrepartie. Dans le cadre d’une
composition pénale, contrairement à la CRPC, l’aveu est passé en marge d’une réelle
condamnation puisque cette réponse judiciaire ne peut pas servir comme premier terme
d’une récidive498. Ensuite, l’alternative n’est pas appréhendée comme un réel acte
juridictionnel. L’aveu se déploie donc en marge de ce qui constitue la sphère judiciaire,
la composition pénale demeure certes une mesure réparatrice mais ne peut être assimilée
à une sentence pénale. C’est ainsi que l’homologation a lieu hors de tout débat et n’est
pas susceptible de recours. De même, l’action publique peut toujours être mise en
mouvement en cas de mauvaise exécution. Dans un arrêt de la chambre criminelle du 24
juin 2008, la Cour de cassation a souligné que l’article 41-2 al. 9 du CPP prévoit que
l’exécution de la composition pénale éteint l’action publique mais ne fait pas échec au
droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel
statuant sur les seuls intérêts civils quand bien même l’auteur des faits aurait déjà versé
des indemnités à la victime en exécution de la composition pénale, celle-ci ne
499
s’analysant pas comme une transaction entre la victime et l’auteur . Par cet arrêt, la
haute juridiction dénie tout caractère juridictionnel et ainsi toute autorité de chose jugée
à la composition pénale ce qu’elle confirmera en 2009. Dans un arrêt du
13 janvier 2009, la chambre sociale a statué dans le même sens en estimant que
« l’ordonnance aux fins de validation de la composition pénale rendue par le président
du tribunal en application de l’article 41-2 du CPP , sans débat contradictoire à seule fin
de réparer le dommage, l’action publique étant seulement suspendue, n’a pas autorité de
chose jugée au pénal sur le civil » 500. Cette décision réfute expressément toute autorité
de chose jugée à l’ordonnance de validation de la composition et soulève une nouvelle
difficulté qui est celle de l’absence de voie de recours pour contester celle-ci dès lorsque
la composition était injustifiée en raison de l’absence d’infraction. Cette jurisprudence
ouvre le débat quant à l’opportunité de la mise en œuvre d’une alternative aux
poursuites en présence d’infractions pour lesquelles ce traitement parait inapproprié

498
Cass. crim. 18 janvier 2010, Bull. crim. n° 718, Gaz.Pal. 25 mars 2010.
499
Cass. crim., 24 juin 2008 ; Bull. crim. n° 162.
500
Cass. soc., 13 janv. 2009, n° 07-44.718.

305
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

compte tenu du risque important d’erreur de qualification du ministère public.


L’ordonnance de validation n’est donc pas une décision juridictionnelle et est
dépourvue de toute autorité de chose jugée. Ainsi, si sa correcte exécution met obstacle
au déclenchement des poursuites par le procureur, elle ne prive pas la victime de son
droit de demander réparation. Tout comme pour la médiation pénale, c’est l’organe de
poursuites qui apprécie librement les aveux de la défense, choisit la sanction la plus
appropriée et sollicite l’accord de l’intéressé avec un rôle subsidiaire assigné au juge.
Enfin, puisque l’aveu est à l’origine de la composition pénale, force est d’admettre
qu’en dépit desdits aveux un prévenu pourra échapper aux poursuites pénales si la
procédure se voit entachée d’irrégularité.

212- L’abandon des poursuites en composition pénale nonobstant l’aveu.


Diverses décisions des juridictions du fond et de la Cour de cassation attestent de
l’abandon des poursuites pénales sur le fondement d’une composition pénale, et ce en
dépit des aveux de l’intéressé. Ce qui témoigne, si besoin était, que si l’aveu permet le
déclenchement de cette procédure accélérée il n’emporte pas obligatoirement
condamnation pour le mis en cause. L’aveu est donc, in fine, secondaire même s’il est
requis pour le déclenchement de la composition pénale.

En effet, il a été jugé également qu’un individu conduisant sous l’empire d’un état
alcoolique et auquel il avait été proposé, à ce titre, une composition pénale qu’il avait
refusée pouvait être relaxé, en dépit d’aveux, devant le tribunal correctionnel501. En
l’espèce, l’affaire avait été portée devant le tribunal correctionnel de BAYONNE qui va
relaxer le prévenu des chefs de conduite sous l’empire d’un état alcoolique au motif que
les dispositions de l'article R. 234-4 du CPP n'avaient pas été respectées, les agents
n'ayant notifié les résultats du contrôle que cinq jours après qu'il y ait été procédé502. La
Cour d’appel de PAU ne va pas suivre le raisonnement du tribunal correctionnel et
condamner le prévenu.

Dans une autre affaire, un homme avait accepté une amende de composition pénale
501
CA Pau, Ch. correctionnelle, 15 janvier 2009, n° 08/00585.
502
T. corr. Bayonne, Pau 30 novembre 2007.

306
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

du seul chef de travail dissimulé d'un montant de 750 € que, par ordonnance en date du
17 juillet 2007, le Président du Tribunal de grande instance a refusé de valider cette
alternative aux poursuites. Or, la Cour d’appel va relaxer le prévenu. Il était établi par
les pièces produites aux débats que le bassin de Thau avait été frappé par des crises
anoxiques connues sous le nom de Malaigues en juillet 2006. Compte tenu de cette
crise, Monsieur I… avait été mis en demeure, comme tous les autres producteurs
sinistrés, de libérer les tables d'élevage des cordes de coquillages morts afin de pouvoir
bénéficier des aides de calamité agricole. Un premier contrôle de la Mutualité Sociale
Agricole (MSA) est donc intervenu en juillet 2006, alors que la crise avait déjà frappé
l'exploitation gérée par l’intéressé. Lors du second contrôle effectué le 21 novembre
2006, ce dernier avait déjà perdu 76 % de sa récolte. C'est dans ce contexte que les
contrôleurs ont constaté le travail des parents et de la soeur de l'exploitant I. Yves. Cette
entraide familiale entre ce dernier, l'entrepreneur et les membres de sa famille en
parentèle directe, est intervenue de façon occasionnelle et spontanée, pour répondre à
une crise conchylicole aigue. L'aide avait par conséquent été fournie par les membres de
la famille du prévenu sans contrepartie financière et sans démonstration par les
contrôleurs de l'existence d'un lien de subordination, à seule fin de permettre à leur
proche qui se trouvait dans une situation financière difficile et ne pouvait pas
embaucher de salariés, de surmonter la difficulté ponctuelle qu'il traversait. Il
apparaissait ainsi que l’intéressé ne s'était pas rendu coupable de travail dissimulé503.

Enfin, la Cour de cassation a rendu une décision novatrice. Les faits de l'espèce
étaient les suivants : à la suite de l'interpellation d'un individu pour rébellion et outrage
envers des personnes dépositaires de l'autorité publique, le substitut en charge du
dossier proposait à celui-ci une composition pénale. Ce n'est qu'après la signature, par
l'intéressé, du procès-verbal de composition pénale que le parquet, déplorant l'attitude
insolente du prévenu, décidait de changer de voie procédurale, en omettant de saisir le
président du tribunal aux fins de validation de la composition pénale et en faisant
délivrer à l'intéressé une citation directe devant le tribunal correctionnel. Le tribunal
condamnait le prévenu mais, saisie de l'appel de celui-ci, la cour prononçait, sur les
réquisitions du ministère public ayant relevé l'irrégularité de la procédure, l'annulation

503
CA Montpellier, Ch. correctionnelle 03, 7 mai 2009 n° 08/00263.

307
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

du jugement et la nullité de la citation ayant saisi la juridiction. Dans le mémoire


produit au soutien de son pourvoi, le procureur général de PARIS invoquait un moyen
unique de cassation fondé sur le fait que « la composition pénale, procédure alternative
aux poursuites sans mise en mouvement de l'action publique, relève du seul pouvoir
d'appréciation de l'opportunité des poursuites conféré par la loi au procureur de la
République ».

Cet argument n'a pas convaincu la Chambre criminelle qui a, au contraire, estimé que
le ministère public ne pouvait ainsi changer de voie procédurale504.

§2 - L’aveu intégré ou consubstantiel au mode de poursuite : le plaider coupable

213- Discordance entre le plaider coupable et la transaction. Depuis 1995, date à


laquelle le législateur français s’est engagé sur la voie de l’alternative pénale par
l’introduction de l’injonction pénale, il est largement question « de cette idée de
transaction»505. Est considérée comme une transaction toute forme de tentative du
ministère public de proposer une discussion ou une mesure contraignante afin d’éviter
des poursuites, ce qui était déjà le cas pour la médiation pénale. Le régime juridique du
plaider coupable semble éloigné de celui de la transaction dont la particularité est de ne
pas faire intervenir un juge au litige, c’est-à-dire éviter d’une part, le débat judiciaire,
d’autre part, l’existence d’une décision juridictionnelle. Pourtant, le terme homologation
utilisé par le législateur pour qualifier l’audience ainsi que l’ordonnance du « plaider
coupable » a pu contribuer à entretenir l’idée que cette forme de poursuite pouvait être

504
Cass. crim., 20 nov. 2007, pourvoi n° 07-82.808 ; D. 2008 p. 109, chronique de jurisprudence de la
Cour de cassation, Chambre criminelle, Danièle CARON, et Sylvie MENOTTI.
505
Sur la question du lien entre aveu pénal et modes alternatifs de règlement du contentieux pénal :
Eric GHERARDI, « Réflexions sur la nature juridique des transactions pénales », RFD adm. 1999, p.
906 ; P. CATALA et G. FLECHEUX, « Avant propos », in Mission de recherche Droits et Justice, Les
modes alternatifs de règlement des litiges : les voies nouvelles d’une autre justice, Paris, La
Documentation française, coll. « Perspectives sur la justice », 2003, p. 8 ; J. LEBLOIS-HAPPE, « De la
transaction pénale à la composition pénale », JCP 2000, I, p. 198, n° 23 ; P. CONTE et P. MAISTRE DU
CHAMBON, Procédure pénale, Collection Dalloz, 20ème éd. 2008, p. 228 ; P. PONCELA, « Quand le
procureur compose avec la peine », RSC. 2002, p. 632 ; J. PRADEL, « Une consécration du plea
bargaining à la française : la composition pénale », D. 1999, p. 379. ; M. REDON, « Transaction », Rép.
Pén., n° 2 ; M. REDON, « Transaction », préc. n° 1. ; J-E. SCHOETTL, « La loi Perben II devant le
Conseil constitutionnel », Gaz. Pal. 11-15 avril 2004, p. 3-26. ; F.BUSSY, « Nul ne peut être juge et
partie », D. 2004, p. 1745. ; F.PELLETIER, « Ne pas transiger sur la transaction », D. 2005, p. 958.

308
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

une transaction. Le contrat de transaction peut être judiciaire et pour autant ne pas
perdre sa nature conventionnelle si l’homologation est purement formelle. Lors de
l’audience d’homologation de la proposition de la peine acceptée, le rôle du juge est à
l’évidence réduit à la portion congrue. Le législateur ne lui a en effet accordé que le
pouvoir d’ « homologuer les peines proposées par le procureur de la République ».
Même si le Conseil constitutionnel506 a estimé que cette disposition devait s’entendre
comme impliquant également la possibilité de refuser l’homologation de la proposition,
sa marge de manœuvre reste réduite. Il ne semble pas que le juge « homologateur »
puisse modifier le quantum de la peine, voire prononcer la relaxe du prévenu. Il est
certain que le juge ne tranche pas le litige et que l’accord des parties prime sur l’aspect
juridictionnel. Pareillement, le législateur507 qui avait initialement prévu que l’audience
d’homologation ne devait pas être publique, a décidé que la présence du procureur de la
République aux débats n’est pas obligatoire. C’est dire si ce minimalisme procédural
n’est pas en soi exclusif d’une qualification contractuelle de l’accord entre le ministère
public et le prévenu. Il s’ensuit que l’on est proche d’un contrat judicaire où l’aspect
conventionnel l’emporterait sur l’aspect judiciaire même si une décision juridictionnelle
n’est pas rendue. Toutefois, des différences subsistent entre transaction pénale et CRPC.
Le plaider coupable n’est pas une transaction ni une réelle innovation. Dès 1999, date
de la création de la procédure de composition pénale, un individu qui reconnaît sa
culpabilité, concernant aujourd’hui une infraction dont la peine d’emprisonnement est
inférieure ou égale à cinq ans peut se voir proposer une sanction qu’il doit accepter pour
qu’elle soit exécutée. Concernant l’existence d’engagements réciproques, il convient de
rappeler que face à ceux du prévenu, la concession du ministère public est presque
inexistante. La négociation est restreinte en raison du peu de choix offert au prévenu,
mais elle n’est pas absente. Le plaider coupable n’est pas une transaction puisque dans
cette procédure, l’individu qui aura avoué sa culpabilité aura finalement pour seule
certitude qu’une négociation sur sa propre liberté pourra le cas échéant en découler.

506
Décision 2004-492 DC du 2 mars 2004 relative à la « Loi portant adaptation de la justice aux
évolutions de la criminalité ».
507
Loi n° 2005-847 du 26 juillet 2005 précisant le déroulement de l’audience d’homologation de la
CRPC. Par une décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a ainsi déclaré
cette loi conforme à la Constitution.

309
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

Toutefois, la question subsiste de savoir si, dans le cadre de la CRPC, la défense pénale
n’est pas, en définitive, renforcée à la marge, en dépit du simple appel incident dont
dispose le parquet. En effet, la chambre criminelle a tranché pour la première fois la
question de l'étendue du droit d'appel du ministère public dans le cadre d'une procédure
de plaider coupable508. En l’espèce, l'article 496 du CPP, qui prévoit que les jugements
rendus en matière correctionnelle peuvent être attaqués par la voie de l'appel, pose,
selon une jurisprudence constante, une règle générale qui doit recevoir application à
moins qu'il n'y soit dérogé par une disposition légale expresse. L'article 495-11 dudit
code, issu de cette loi, dispose que l'ordonnance par laquelle est homologuée la peine
proposée par le procureur de la République et acceptée par la personne concernée, a les
effets d'un jugement de condamnation et est immédiatement exécutoire. Dans tous les
cas, précise l'alinéa 3, cette ordonnance « peut faire l'objet d'un appel de la part du
condamné, conformément aux dispositions des articles 498, 500, 502 et 505. Le
ministère public peut faire appel incident dans les mêmes conditions». Cet appel du
parquet a d’ailleurs pour conséquence la réouverture de l’échelle des peines. Aussi, le
législateur a entendu limiter le droit d'appel du ministère public en ne lui permettant que
d'interjeter appel incident. L'amendement, d'origine sénatoriale, était fondé sur l'idée
qu'un appel principal du parquet était difficilement concevable dans la mesure où les
peines objet de l'appel avaient été proposées par le parquet lui-même509. En revanche,
afin d'éviter que les prévenus ne puissent être condamnés en appel à une peine plus
sévère, il a été prévu que le parquet puisse interjeter appel à titre incident510. De même,
la circulaire du 2 septembre 2004 présentant les dispositions de la loi du 9 mars 2004
relatives à la procédure de CRPC, prescrit que le parquet de première instance ou
d’appel ne puisse pas relever appel à titre principal. La volonté du législateur a été

508
Pour un rappel récent de cette solution, cf. Crim. 3 février 2010, n° 09-82.472, Bull. crim. n° 17 ;
D. 2010, p. 585, obs. M. LENA, p. 942, note S. DETRAZ, et p. 2732, obs. G. ROUJOU de BOUBEE, T.
GARE et S. MIRABAIL ; AJ pénal 2010, p. 244, obs. G. ROYER, s'agissant d'une décision
d'hospitalisation d'office prise sur le fondement de l'art. 706-135 CPP, et D. 2011, p. 124.
509
Chronique de jurisprudence de la Cour de cassation, Chambre criminelle, Laurence LAZERGES-
COUSQUER, Anne LEPRIEUR, Emmanuelle DEGORCE.
510
Pour une jurisprudence rendue sur QPC sur cette question de l’ouverture de la voie de recours dans
d’autres hypothèses, voir notamment la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-153 QPC du 13
juillet 2011, M. Samir A. En l’espèce, s’agissant des voies de recours pouvant être exercés à l’encontre
des ordonnances du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention, l’article 186 du CPP ne
peut être interprété de manière limitative quant au droit d’appel par le mis en examen des décisions le
concernant.

310
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

d’interdire au procureur de la République de former appel d'une condamnation


conforme à sa proposition et ainsi de méconnaître le contrat passé. Un tel objectif peut
emporter l'adhésion. Certains auteurs avaient néanmoins émis l'opinion qu'en dépit de la
lettre de la loi, et à raison du principe de l'égalité des armes, le procureur était en droit
d'interjeter appel principal. Il convient à ce titre d'observer que le prévenu, mais
également la partie civile511, ont le droit d'interjeter appel principal, à la différence du
ministère public. Or, la chambre criminelle a énoncé que « le principe de "l'égalité des
armes" tel qu'il résulte de l'exigence d'un procès équitable, au sens de l'article 6 de la
CEDH, impose que les parties au procès pénal disposent des mêmes droits ; qu'il doit en
être ainsi, spécialement, du droit à l'exercice des voies de recours. Ce principe a été
affirmé à plusieurs reprises pour censurer le droit d'appel réservé au seul procureur
général en vertu de l'ancien article 546 du CPP en ce qui concerne les contraventions
des quatre premières classes512. On pouvait penser que ce principe, de par la généralité
de ses termes, avait vocation à être appliqué dans une hypothèse inverse, où seul le
parquet se voyait privé du droit à l'exercice d'une voie de recours. Cela étant, la notion
d'égalité des armes, dans la jurisprudence de la CEDH, est moins axée sur l'idée
d'égalité que sur celle de juste équilibre entre les parties513. En réalité, la limitation du
droit d'appel du ministère public vise à compenser un déséquilibre créé par les
importants pouvoirs reconnus au ministère public dans le cadre de la procédure de
CRPC. A ce titre, la pratique révèle que des erreurs de droit peuvent parfois être
commises par le magistrat du parquet et ne pas être détectées par le juge chargé de
l'homologation, comme dans notre espèce, d'où le prononcé d'une condamnation
illégale. Ainsi, l'arrêt attaqué, pour déclarer recevable l'appel principal du procureur
général, énonce que l'appel du procureur général, qui est chargé de veiller à l'application
de la loi pénale par l'article 35 CPP, vise la violation des dispositions de l'article 775,
alinéa 3, du même code interdisant l'exclusion du bulletin n° 2 du casier judiciaire des
condamnations prononcées pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47
dudit code, soit notamment les infractions d'agression ou d'atteinte sexuelle. Les juges
en déduisent que l'appel du procureur général, concernant une décision dont une des

511
Art. 495-13, al. 1, C. pr. pén.
512
Crim. 21 mai 1997, n° 96-85.532, Bull. crim. n° 191 ; D. 1997, 171 ; RSC 1997, p. 858, obs. J.-P.
DINTILHAC ; 17 juin 1998, n° 97-85.801, Bull. crim. n° 196.
513
Cf. en ce sens CEDH 27 oct. 1993, n° 14448/88, Dombo Beheer.

311
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

dispositions est contraire à la loi, doit être déclaré recevable. Il n'est pas contestable que
la peine proposée par le parquet et homologuée par le juge contenait une disposition
illégale, en ce qu'elle avait ordonné la non-inscription de la condamnation au bulletin n°
2 du casier judiciaire, et ce, en méconnaissance flagrante des dispositions du dernier
alinéa de l'article 775-1 du CPP, issu de la loi du 9 mars 2004, lequel interdit désormais
aux auteurs de l'une des infractions visées par l'article 706-47 CPP la possibilité
d'obtenir une telle dispense du moins pour les condamnations prononcées, comme en
l'espèce, pour des faits commis postérieurement à l'entrée en vigueur desdites
dispositions514. Toutefois la chambre criminelle a entendu faire respecter l’esprit de la
loi en énonçant que le ministère public ne dispose que d'un droit d'appel incident des
décisions rendues sur reconnaissance préalable de culpabilité. Elle a par conséquent
cassé sans renvoi l'arrêt attaqué et dit irrecevable l'appel interjeté, ce qui a eu pour
conséquence de donner son plein et entier effet à l'ordonnance d'homologation et à la
dispense d'inscription au casier judiciaire. Néanmoins, la Cour a jugé excessifs les
pouvoirs d’un président de la chambre des appels correctionnels qui, pour dire n'y avoir
lieu à admettre un appel, a énoncé de façon injustifié que celui-ci était tardif515.

214- Un modèle original entre transaction pénale et CRPC : l’exemple du


système pénal tunisien. L’article 335 du CPP tunisien prévoit un système original de
transaction pénale qui consiste en un accord directement passé entre la personne mise en
cause et la partie civile, et ce sous le contrôle du procureur de la République. En
pareilles circonstances, nonobstant des aveux de culpabilité effectués par le prévenu, ce
dernier va transiger directement avec la partie civile. Si la partie civile accepte le
règlement proposé par le mis en cause, les poursuites pénales sont immédiatement
abandonnées, il s’agit donc d’un classement sans suite, et ce en dépit de l’infraction
commise et reconnue. Dans l’hypothèse inverse, le prévenu sera renvoyé devant le
tribunal correctionnel pour y être jugé. Il s’agit donc d’une ébauche de transaction
civile en matière pénale mise en œuvre lorsque les faits sont reconnus et dont la
sanction pécuniaire est acceptée par la partie civile. Toutefois, dans l’hypothèse où

514
Crim. 24 mai 2006, n° 05-85.971, Bull. crim. n° 151 ; D. 2006, p. 1702, obs. Emmanuel PIWNICA.
515
Crim. 2 avril 2008, n° 08-80.067, Bull. crim. n° 92 ; AJ pénal 2008, p. 377, obs. C. DUPARC ; RSC
2008, p. 637, obs. A. GIUDICELLI.

312
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

ladite transaction échouerait, les déclarations préalables effectuées par la personne mis
en cause ne sauraient valoir aveu de culpabilité516. La transaction par médiation en
matière pénale tend à garantir la réparation des dommages causés à la victime des faits
imputés au prévenu et à raviver le sens de la responsabilité de ce dernier tout comme à

516
CPP tunisien. Livre IV. - De quelques procédures particulières. Chapitre IX. - De la transaction par
médiation en matière pénale. Chapitre ajouté par la loi n° 2002-93 du 29 octobre 2002. JORT n° 89 du
1er novembre 2002, p. 2537. Cf notamment : Article 335 bis : La transaction par médiation en matière
pénale tend à garantir la réparation des dommages causés à la victime des faits imputés au prévenu et à
raviver le sens de la responsabilité en ce dernier et à préserver, son intégration dans la vie sociale. Article
335 ter : Le procureur de la République peut, avant le déclenchement de l'action publique, soit de sa
propre initiative, soit sur demande du prévenu ou de la victime ou sur demande de l'avocat de l'un d'eux,
proposer aux parties la transaction par médiation en matière pénale, et ce, en matière de contravention et
dans les délits prévus par l'alinéa 1er de l'article 218 et les articles 220, 225, 226 bis, 247, 248, 255, 256,
277, 280, 282, 286, et 293, 296 et ainsi que par l'alinéa 1er de l'article 297, les articles 298, 304 et 309 du
code pénal et le délit prévu par la loi n°62-22 du 24 mai 1962 relative à la non-présentation de l'enfant
sous la garde.(Paragraphe deux ajouté par la loi n°2009-68du 12 août 2009). Si les circonstances du fait
objet de la poursuite l’exigent, le procureur de la République peut seul proposer la transaction par
médiation pour l’infraction citée à l’article 264 du code pénal à condition que le prévenu ne soit pas
récidiviste et que le procureur considère que la tendance criminelle n’est pas encrée chez le prévenu sur la
base d’une enquête sociale menée par les services de l’action sociale sur sa situation familial, matérielle
morale. Article 335 quater : Le procureur de la République prend l'initiative de convoquer les deux parties
par voie administrative. Il peut ordonner à l'une des parties de convoquer les autres parties par huissier de
justice. Le prévenu est tenu d'assister personnellement à l'audience fixée. Il peut se faire assister par un
avocat. La victime peut se faire représenter par un avocat. Toutefois, si elle ne comparait pas
personnellement, la transaction ne peut être établie que sur présentation d'un mandat spécial à cet effet.
Article 335 quinquies : Le procureur de la République, en appelant les parties à la transaction, prend en
considération leurs intérêts et consigne les accords conclus entre les parties dans un procès verbal coté
dans lequel il les avise des obligations et des conséquences qui découlent de la transaction. Il doit leur
rappeler les dispositions de la loi et leur fixer un délai pour l'exécution de toutes les obligations qui
résultent de la transaction sans que ce délai ne dépasse six mois à compter de la date de sa signature. Le
procureur de la République peut, exceptionnellement, et en cas de nécessité absolue, proroger ce délai de
trois mois une seule fois par décision motivée. Le procès-verbal doit être lu aux parties qui 'doivent en
signer chaque page. De même il doit être signé par le procureur de la République, le greffier et, s'il y a
lieu, l'avocat et l'interprète. Article 335 sexies : La transaction par médiation en matière pénale ne peut
être révoquée même par le consentement des parties sauf dans le cas où apparaissent des éléments
nouveaux de nature à changer la qualification de l'infraction de façon à rendre la transaction interdite par
la loi. La transaction ne profite qu'à ses parties et ne peut produire d'effets qu'à l'égard de leurs ayants
droit ou ayants cause. Son contenu n'est pas opposable aux tiers. On ne peut se prévaloir de ce qui a été
déclaré par les parties auprès du procureur de la République à l'occasion de la transaction par médiation
en matière pénale. Il ne peut valoir comme aveu. Article 335 Septies : S'il a été impossible de conclure
une transaction ou si celle ci n'a pas été intégralement exécutée dans les délais impartis, le procureur de la
République apprécie la suite à donner à la plainte. L'exécution totale de la transaction dans le délai
imparti ou l'inexécution due au fait de la victime entraîne l'extinction de l'action publique à l'égard du
prévenu. Les délais de prescription de l'action publique sont suspendus durant le déroulement de la
procédure de transaction par médiation en matière pénale ainsi que durant le délai imparti pour son
exécution.

313
SECONDE PARTIE - TITRE SECOND – CHAPITRE PREMIER – VERS UNE MUTATION DE LA
PROCEDURE PENALE

préserver son intégration dans la vie sociale. Au visa de l’article 335 quinquies : « Le
procureur de la République, en appellant les parties à la transaction, prend en
considération leurs intérêts et consigne les accords conclus entre les parties dans un
procès-verbal coté dans lequel il les avise des obligations et des conséquences qui
découlent de la transaction ». Son contenu de surcroît n’est pas opposable aux tiers;
ensuite, la partie civile ne pourra se prévaloir de ce qui a été déclaré auprès du procureur
à l’occasion de la transaction pénale pour en tirer la conséquence que le prévenu a
avoué les faits reprochés. Dans l’hypothèse d’un succès de la mesure mis en oeuvre, il y
a extinction de l’action publique.

Aussi, c’est la contrepartie d’une peine allégée proposée par le parquet à l’intéressé
qui fait le départ entre d’abord, la CRPC, ensuite les autres modes alternatifs aux
poursuites pénales, l’une négligeant totalement l’aveu dans la prise de décision car,
même en l’absence d’aveux, une sanction sera infligée ; l’autre intégrant l’aveu au prix,
certes, d’une abdication volontaire et définitive des droits de la personne concernée,
mais de la quasi certitude d’obtenir une condamnation peu sévère.

314
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

CHAPITRE SECOND : L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA


SANCTION PENALE

215- Aveu et mécanisme de la peine. Tout comme les procès de l'Ancien Régime
où l'aveu dispensait de rechercher toute autre preuve, le plaider coupable517 permet de
discuter immédiatement de la peine. Il y a une sorte de contractualisation de la peine, un
« consensualisme judiciaire » 518. Présentée à l’origine comme une technique répondant
à une attente légitime de traitement en temps réel des procédures en cas de faits simples
et reconnus, la CRPC, inspirée des expériences américaine et européenne (SECTION
PREMIERE), concerne progressivement d’autres contentieux, ce qui témoigne, contre
toute attente, de la vitalité de l’aveu. Cette ironie de l’histoire excède le simple cadre
pénal car elle a sans doute une explication plus profonde, en lien avec la modernité de
nos sociétés occidentales, davantage enclines à abdiquer une certaine morale fondée sur
l’honneur ou celle d’une recherche de la vérité à tout prix qu’à concéder une part, fût-
elle infime, de liberté individuelle. Autrement dit, peu importe que les droits soient
bafoués pourvu que ce qui apparaît subjectivement comme étant l’essentiel donc
indiscutable, c’est dire la liberté, ne soit pas entravée. L’aveu pénal permet ainsi, dans
une certaine mesure, le passage d’une société archaïque ou jugée comme telle en raison
de valeurs considérées comme passéistes mais qui la structuraient, à une sphère
moderne du droit, moins concernée par le sublime (l’honneur, la vérité) que par l’utile
(allègement de peine donc liberté accrue), préférant le court terme (le plaider coupable)
au long terme (le circuit long de l’ouverture de l’information judiciaire) ; en définitive,
l’espace au temps, le particulier à l’universel. Aussi, l’aveu participe d’un processus a-
temporel donc an-historique car la vérité est expulsée de la temporalité qui la rendait
possible. En même temps, cette révolution judiciaire est inséparable de l’évolution
libérale des mentalités car elle privilégie l’éphémère au réel, la forme au fond, la
517
CPP, art. 495-7 à 495-16, et 520-1 devant la chambre des appels correctionnels, Jean-Paul CÉRÉ et
Pascal REMILLIEUX, « De la composition pénale à la comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité : le « plaider coupable » à la française », AJ Pénal 2003, p. 45 ; Dominique CHARVET,
« Réflexions autour du plaider coupable », D. 2004, p. 2517 ; Jean DANET, « La CRPC : du modèle
législatif aux pratiques... et des pratiques vers quel(s) modèle(s) ? », AJ Pénal 2005, p. 433, François
MOLINS, « Contribution pour un premier bilan de la CRPC dans une grosse juridiction », AJ Pénal 2005,
p. 443.
518
Jean PRADEL, « Vers un « aggiornamento » des réponses de la procédure pénale à la criminalité.
Apports de la Loi no 2004-204 dite Perben II », JCP 2004, I, p. 132, spéc. n°20 ; François MOLINS,
« Plaidoyer pour le « plaider coupable » : des vertus d'une peine négociée », AJ Pénal 2003, p. 61.

315
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

procédure pénale au droit substantiel, la vitesse à la lenteur, l’urgence et l’immédiateté,


en définitive, à une exigence éthique. Elle gagne en quantité (elle permet un traitement
en mode accéléré du contentieux pénal) ce qu’elle perd inévitablement en qualité (des
enquêtes approfondies), elle privilégie l’idée de coupables potentiels en liberté (idée
légitimée par un taux d’occupation des maisons d’arrêt parfois de 300 %) à de possibles
innocents détenus. C’est ce qui explique sans doute le succès de l’aveu dans le champ
d’application de la réponse pénale (SECTION SECONDE). La sanction fondée sur
l’aveu librement consenti privilégie ce qui apparaît comme essentiel pour le justiciable :
sa liberté. Maix c’est également le rôle assigné au juge qui se voit bouleversé. Contre
toute attente, c’est le procureur qui tend à se rapprocher de l’avocat puisqu’une
discussion peut s’instaurer dans le cadre de ce mode de poursuite entre le parquet et le
défenseur. Ce changement tend par conséquent à rééquilibrer les droits de la défense
dans le sens d’un rapprochement salutaire entre les parties au procès (TROISIEME
SECTION). Mais c’est également le rôle assigné à l’avocat qui se voit modifié, car la
CRPC affecte sa mission classique au profit d’un contrôle a priori de l’opportunité de la
mesure, en concertation avec le prévenu. Enfin, l’office du juge est bouleversé dans le
cadre de la CRPC, puisqu’il est limité à un rôle d’authentification d’une procédure à
laquelle il n’a pas réellement participé. C’est par conséquent le rôle des tiers au procès
qui est transformé (QUATRIEME SECTION). L’aveu apparaît ainsi davantage comme
un moyen procédural que comme une preuve de vérité, ce qui dissocie, in fine, l’aveu de
la vérité judiciaire.

SECTION PREMIERE : LE PLAIDER COUPABLE DANS LE DROIT PENAL COMPARE

216- Un traitement de la réponse pénale en temps réel. La technique de


comparution sur reconnaissance de culpabilité répond à une attente légitime de
traitement en temps réel des procédures en cas de faits simples et reconnus. A ce titre,
l’article 137 de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité519 a
introduit au sein du CPP (articles 495-7 à 495-16 et 520-1) une technique procédurale
originale, inspirée du modèle américain de plaider coupable, celle de CRPC reposant sur
l’aveu (§1). Dès lors, même si d’autres Etats de l’Union européenne ont déjà

519
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, art. 137-I, entrée en vigueur le 1er octobre 2004 dite PERBEN II.

316
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

expérimenté une procédure accélérée de reconnaissance de culpabilité (§2), ce mode de


poursuite demeure largement inspiré du modèle anglo-saxon du plea bargaining (§3).

§1 - L’aveu dans le plaider coupable

217- Aveu pénal et reconnaissance de culpabilité. L’objectif du dispositif


PERBEN II a consisté, tout d’abord, en un allègement des audiences correctionnelles,
en une diminution, ensuite, des délais de jugement ; enfin, en la mise en œuvre d’une
réponse pénale adaptée et plus efficace car acceptée par l’auteur du délit donc fondée
sur l’aveu de culpabilité de l’intéressé. Toutefois, l’aveu pénal exède les notions de
reconnaissance de culpabilité, d’acceptation ou d’accord. A ce titre, le professeur Xavier
PIN a démontré dans sa thèse consacrée au consentement en matière pénale520que la
théorie générale des actes juridiques repose, d’une part, sur une classification des
différents types de consentement lors de l’applicabilité de la loi pénale (consentement à
l’infraction), d’autre part, au cours de la phase de son effectivité (consentement à la
mesure pénale). Le consentement à l’infraction recouvre deux réalités, celui du
consentement de la victime, ensuite celui d’un consentement révélant une participation
criminelle. Il sera permissif dans le premier cas, et participatif dans le second. Le
consentement à la mesure pénale ne saurait se confondre avec une justice contractuelle
ou négociée. C’est davantage par contrainte que la personne concernée pourra avouer
que parce qu’elle est réellement en accord avec la sanction qui lui sera infligée. En
réalité, l’aveu passé au cours du mode de poursuite de plaider coupable s’apparente
davantage à un consentement abdicatif qu’à une acceptation volontaire sur les faits
reprochés. Il y a acceptation de la sanction sans reconnaissance de son bien-fondé.
L’aveu vient par conséquent dissocier la reconnaissance des faits de la reconnaissance
de l’infraction, en abandonnant un bénéfice légal (présomption d’innocence,
renonciation à une nullité) au profit d’un traitement accéléré des flux pénaux. Le souci
légitime de traitement en temps réel des procédures afférentes à des affaires simples
répond également aux souhaits plusieurs fois exprimés par les avocats de ne pas voir
s’éterniser les audiences correctionnelles ou de trouver des solutions adaptées à des
contentieux mineurs. A cet égard, Maître Dominique INCHAUSPE, avocat au Barreau
de PARIS, affirme que « (…) la durée moyenne des procès où l’accusé plaide

520
Xavier PIN, Le consentement en matière pénale, op.cit.

317
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

coupable (…) est de cinquante-quatre minutes ; quand l’accusé plaide innocent, il dure
sept heures (…) »521. Applicable aussi bien aux personnes physiques qu’aux personnes
morales, la technique de comparution sur reconnaissance de culpabilité est toutefois
exclue en matière de délits de presse, de délits d’homicides involontaires, de délits
politiques ou de délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale522.

§2 - L’expérience de quatre autres Etats européens (Italie, Espagne, Portugal


et Allemagne)

218- Aveu de culpabilité et complexité accrue des procédures. Le patteggiamento


déjà en vigueur en Italie, l'absprache, appliqué en Allemagne ou le proceso abreviado
argentin sont tous motivés, comme le plaider coupable à la française, par "l'explosion
des procès et la sophistication procédurale"523. En Europe, outre l’Angleterre524, quatre
Etats ont déjà adopté une procédure similaire, le Portugal en 1987, l’Espagne en 1988,
l’Italie où, depuis 1989, 70 % des affaires correctionnelles sont traitées sur le mode de
l’aveu (le « marchandage » de la peine) ainsi que l’Allemagne qui connaît également
une pratique de peine négociée, cette mesure ayant d’ailleurs été validée par la Cour
constitutionnelle de Karlsruhe525. Dans le système portugais526 le système de preuves

521
Dominique INCHAUSPE, L’innocence judiciaire Paris, Litec, 2001, p. 244.
522
Article 495-7 CPP modifié par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 - art. 27 : Pour tous les
délits, à l'exception de ceux mentionnés à l'article 495-16 et des délits d'atteintes volontaires et
involontaires à l'intégrité des personnes et d'agressions sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 du
code pénal lorsqu'ils sont punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à cinq ans, le
procureur de la République peut, d'office ou à la demande de l'intéressé ou de son avocat, recourir à la
procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité conformément aux dispositions de
la présente section à l'égard de toute personne convoquée à cette fin ou déférée devant lui en application
de l'article 393 du présent code, lorsque cette personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés.
523
Le Monde, 1er juin 2004.
524
En Angleterre, par exemple, toutes les infractions peuvent faire l’objet d’une reconnaissance préalable
de culpabilité, et il est généralement admis que la reconnaissance de culpabilité conduit le juge à accorder
une réduction de peine comprise entre 20 et 30 %. C’est au cours d’une audience préliminaire, que l’acte
d’accusation est lu et l’accusé, à cette occasion, dispose d’une alternative : soit il plaide coupable et il
obtiendra généralement une réduction de peine ; soit il ne plaide pas coupable, l’affaire se déroule selon la
procédure traditionnelle applicable aux infractions relevant de l’une ou de l’autre des juridictions. Dans la
pratique, la réduction de peine est d’autant plus importante que l’accusé plaide coupable rapidement
même si, en théorie, toute indication anticipée de la réduction de peine est actuellement exclue, car elle
est contraire à la jurisprudence Turner de 1970, source : site du Sénat, « Le plaider coupable ». Etude de
législation comparée n°122- mai 2003.
525
Comme l’indique le professeur Ergon MULLER, un arrêt de principe du Bundesgerichtshof (Cour de
Cassation) de Karlsruhe a validé la pratique du plaider coupable le 9 décembre 2004, en admettant qu’une

318
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

est, autant que possible, administré devant le tribunal, en formation collégiale ou, ce qui
est la règle depuis l’année 2000, à juge unique. La procédure pénale est à la charge du
parquet ou de la police judiciaire, le juge d’instruction jouant un rôle de contrôle de la
légalité des actes et de réception de l’accusation» 527. En l’espèce, l’article 344 du CPP
prévoit que la reconnaissance de culpabilité a lieu après la phase d’instruction. Aussi
longtemps que l’audience n’est pas achevée, l’accusé peut se rétracter. En cas de
confession partielle ou conditionnelle, de même que lorsque l’accusé encourt une peine
de prison supérieure à cinq ans, le tribunal décide librement de la production des
preuves en audience publique. La procédure pénale espagnole prévoit que la peine
encourue pour l’infraction objet de l’acte d’accusation ne doit pas dépasser six ans
d’emprisonnement. Dans ce système pénal, la technique de reconnaissance de
culpabilité doit précéder le début de la phase orale du jugement, c’est-à-dire être
effectuée avant les séances consacrées aux dépositions des témoins et des experts. C’est
toutefois le système pénal italien qui présente la plus grande originalité car,
contrairement à la procédure de plaider coupable initiée en France, il prévoit un
véritable marchandage entre l’accusation et le prévenu. L’application de la peine sur
requête des parties, couramment appelée pattegiamento (marchandage), consiste pour le
ministère public et l’accusé à demander au juge de prononcer une peine sur laquelle un
accord est intervenu entre les deux parties. Il s’agit, en l’espèce, d’un jugement abrégé,
en ce qu’il permet au juge de prononcer son verdict sur le fondement du dossier du
ministère public528, puisque l’accusé renonce au débat contradictoire sur la preuve. Dans
la procédure de jugement abrégé, le parquet et l’inculpé établissent un accord
concernant les preuves ; l’accord des parties consistant, par ailleurs, en un accord
portant sur la peine à appliquer. Dans les deux cas, l’inculpé obtiendra une réduction
substantielle de sa peine. La reconnaissance de culpabilité conduisant, en conséquence,
à une peine automatiquement allégée car négociée, ce qui n’est pas le cas dans la
procédure de plaider coupable initiée en France où la personne poursuivie qui reconnaît

telle reconnaissance de culpabilité pouvait donner droit à une réduction d’un tiers au moins de la peine
normalement encourue, in « Chronique de droit pénal allemand », RIDP, mars 2005.
526
Evelyne MONTEIRO, , Actualités du droit portugais (années 2006-2007), RSC 2008, p. 463.
527
Loïc CADIET, Dictionnaire de la justice, Paris, PUF, octobre 2004, p. 1001.
528
Massimo VOGLIOTTI, « Mutations dans le champ pénal contemporain vers un droit pénal en réseau »
RSC 2002, p. 721. Mario CHIAVARIO, « Limites en matière de preuve dans la nouvelle procédure
pénale italienne », RSC 1992, p. 30. Mario CHIAVARIO, « Aperçus sur la procédure d’audience en Italie
entre réforme et « post-réforme » » RSC 1994, p. 207.

319
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

les faits devant le représentant du ministère public pourra toutefois voir sa


reconnaissance préalable de culpabilité non homologuée par le juge du siège. Le
principe qui prévaut donc dans le système pénal italien est celui de l’impossibilité pour
le magistrat de prononcer une peine différente de celle convenue par les parties. Par
ailleurs, contrairement à la technique de CRPC, la décision du juge n’est pas susceptible
d’appel mais peut faire l’objet d’un recours en cassation. Autre originalité, le système
allemand529 où le principe même d’une reconnaissance préalable de culpabilité est exclu
du CPP mais dans lequel, toutefois, les transactions portant sur des remises de peine en
échange d’aveux de culpabilité sont acceptées par la jurisprudence pour autant que la
culpabilité de l’accusé ne fasse aucun doute, et que les grands principes découlant des
droits de la défense soient préservés.

§3 - Les systèmes pénaux canadien et américain

219- L’institution pénale canadienne. Dans le modèle pénal canadien, il s’agit


moins de viser le châtiment des coupables que de favoriser à titre principal
l’acquittement des innocents. Selon Maître Jean-C. HEBERT, avocat au barreau du
Québec, « (…) pour augmenter l’efficience de la justice pénale, rien ne sert de muscler
les pouvoirs de police et d’alléger le fardeau de la preuve du poursuivant. A peine 10 %
des dossiers d’inculpation feront l’objet d’un procès, le reste faisant l’objet d’aveux de
culpabilité. Passés en jugement, plus de la moitié des accusés sont condamnés. Il coule
de source que l’érosion des droits de la défense ne ferait qu’accroître inutilement les
risques d’erreur judiciaire, sans pour autant éreinter la criminalité. Mieux vaut faire
échapper une poignée de coupables que d’accroître le risque d’anéantir la vie d’un seul
innocent »530. Le code criminel canadien confère au juge un pouvoir généralisé de
contrôle et de direction de l’instance, tout en laissant aux avocats des fonctions
importantes de préparation et de présentation de la preuve. C’est le cas notamment au
Québec où une place moindre est donc accordée à la procédure investigative ou
inquisitoire, où les parties ont un rôle actif dans la conduite du procès. Le code criminel
prévoit, dans ce cadre, la possibilité pour tout inculpé d’avouer sa culpabilité avant que
celle-ci ne soit formellement établie par un juge ou un jury, ce dernier ayant alors

529
Martine MERIGEAU, « La victime et le système pénal allemand » RSC 1994, p. 53.
530
Journal du Barreau du Québec, Volume 34, n° 16. 1er octobre 2002, p. 12.

320
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

l’obligation d’enregistrer le « plaidoyer de culpabilité » si celui-ci n’est pas équivoque.


Cet aveu conduisant systématiquement à une atténuation de la peine de l’inculpé car ce
dernier, après avoir été informé des contreparties requises, devra manifester
librement sa volonté de collaborer à leur mise en œuvre. Il s’agit principalement des
délits concernant la législation sur les stupéfiants, de vols à l’étalage, et comme en
France, des personnes ayant conduit sous l’empire d’un état alcoolique. Enfin, dans le
système pénal américain, le plaider coupable prend la forme, à l’instar du système
italien, d’une véritable négociation entre l’accusation et la défense (plea bargaining).

220- Analyse comparée des modèles américain et français de plaider coupable.


Dans la procédure pénale américaine531, en échange de l’aveu de culpabilité, l’accusé
obtient du procureur une révision de l’inculpation ou la promesse de recommandations
de clémence au juge. Les pressions institutionnelles en faveur du plea bargaining
menées exclusivement entre les avocats de l’accusation (prosecutors) et ceux de la
défense, visent à une transaction. Ce qui rapproche davantage, en l’espèce, le modèle
américain du système polonais issu de la réforme de la procédure pénale de 1997 dans
lequel le procureur, avec le consentement de la personne mise en cause, peut solliciter
de la juridiction de jugement le prononcé d’une peine sans que l’intéressé n’ait pu
comparaître si le quantum de la peine ne dépasse toutefois pas cinq années
d’emprisonnement532. Ce qui présente l’avantage de permettre au système judiciaire de
traiter toutes les poursuites dont il est saisi. A ce titre, « les juges déclarent être
beaucoup plus sévères lorsque la culpabilité est acquise au terme d’un procès plutôt
qu’à la suite d’un plea bargaining. Quant aux procureurs, ils n’ont pas à livrer leurs
preuves ni au juge ni, le cas échéant, au jury. Ils n’ont donc pas à justifier de leur
recevabilité ni même de leur existence »533. Toutefois, ce procédé juridique présente un
inconvénient. Le plea-bargaining peut inciter des innocents à s’accuser de crimes
qu’ils n’ont pas commis, afin de leur éviter d’éventuelles condamnations plus lourdes,
rendues à l’issue d’un véritable procès534. Cette technique procédurale est néanmoins

531
Voir à ce propos l’étude d’Ioannis PAPADOPOULOS, in La pratique américaine, le texte français,
Paris, PUF, 2004.
532
Jean CEDRAS, « La célérité du procès pénal dans le droit de la common law », RIDP 1995, vol. 66, p.
695.
533
Sénat, « Le plaider coupable », série Législation comparée, préc.
534
Brigitte PEREIRA, « Justice négociée : efficacité répressive et droits de la défense ? », in D. 2005, p.
2041.

321
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

utile, car non seulement la majorité des accusés préfère plaider coupable, mais
également parce qu’il provoquerait, a priori, « en amont de l’audience l’évacuation de
90 % des affaires » 535. Il semblerait que « la réduction de peine consécutive d’une
reconnaissance de culpabilité devant les juridictions fédérales soit d’environ 30 % » 536.
Il existe toutefois trois différences entre le plea bargaining appliqué aux Etats-Unis et le
mode de poursuite de plaider coupable. Tout d’abord, la personne poursuivie ne peut
aucunement, en théorie, négocier sa peine avec le parquet ni la qualification juridique
retenue. Ensuite, contrairement à la formule américaine, la CRPC n’est prévue que pour
des délits limitativement énumérés sous l’article 495 -7 du CPP. Enfin, le juge de
l’homologation, à l’inverse du système américain, n’a qu’une alternative : soit
homologuer les propositions du parquet, soit les refuser.

En France, le développement, de surcroît, des mécanismes d’alternatives aux


poursuites, notamment la formule du rappel à la loi (article 41-1 du CPP) ou la mise en
œuvre du système de composition pénale (article 41-2) sont inspirés de la voie
procédurale américaine de plea bargaining. Toutefois, dans le système précité, à la
différence du modèle français, toutes les infractions peuvent faire l’objet d’une
reconnaissance de culpabilité même si certains Etats refusent à l’accusé le droit de
plaider coupable lorsqu’il a commis une infraction particulièrement grave et s’il encourt
la peine capitale ou l’emprisonnement à perpétuité. D’autres excluent le plaider
coupable pour quelques infractions considérées comme particulièrement sensibles.
Ainsi, le code pénal californien interdit explicitement toute transaction entre
l’accusation et la défense lorsque l’accusé est suspecté d’avoir utilisé personnellement
une arme à feu ou conduit sous l’empire d’un état alcoolique ou de produits stupéfiants.
Corollaire de la procédure accusatoire, le plea bargaining est un instrument
particulièrement efficace si l’on admet qu’en l’absence de cette voie procédurale, la
justice américaine ne pourrait plus fonctionner. D’ailleurs, le système n’est pas dénué de
garanties puisque l’accusé doit comprendre toutes les implications de sa reconnaissance
de culpabilité, donc qu’il n’agit pas sous l’influence de la menace.

535
Jean PRADEL, « Observations brèves sur une loi à refaire », in D. 1993, p. 39.
536
Ibid.

322
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

SECTION SECONDE : CRPC ET CHAMP D’APPLICATION DE LA REPONSE PENALE

221- Vers une diversification de la matière répressive. En raison de son succès, le


plaider coupable pourrait, à terme, être étendu à de nouveaux contentieux (§1). Ce mode
de poursuite présente en effet deux avantages principaux. D’abord, si l’on admet que
dans la plupart des cas, les faits qui sont reconnus par le prévenu devant le procureur de
la République correspondent à la vérité, le plaider coupable fonctionne ainsi comme un
filtre contre les erreurs judiciaires. Ensuite, dans l’hypothèse où, pour les mêmes faits,
l’intéressé aurait comparu en audience classique, la condamnation aurait été rarement
moins lourde que celle découlant d’une procédure de CRPC. Dans le meilleur des cas,
elle aurait été identique mais, le plus souvent, plus sévère. Autrement dit, ce mode de
poursuite est proche d’un jugement correctionnel ordinaire. Ce qui est apparu pour les
membres du Comité LEGER537 comme une aubaine pour la justice pénale (§2).

§1 - L’extension à de nouveaux contentieux ?

222- Avenir du plaider coupable. Sur le plan législatif, l’aveu devient avec la loi
du 9 mars 2004 le fondement de la CRPC dans un objectif de diversification de la
réponse pénale. Le dispositif mis en oeuvre n’a, en théorie, pas pour but, en dépit de
l’absence de procès, de priver le justiciable de justice. La voie procédurale initiée par le
dispositif PERBEN II contribue à assurer, pour le prévenu, une justice de qualité en
allégeant les audiences correctionnelles, en diminuant les délais de jugement et en
rendant, in fine, plus efficace, donc mieux adapté, le prononcé de la peine, celle-ci ayant
été acceptée par l’auteur du délit. A cet égard, la mise en œuvre de la CRPC s’avère
positive et, en ce sens, davantage protectrice de la procédure pénale que ce qu’elle en
altère les principes. En réponse à la question d’un parlementaire à propos du bilan à tirer
de la procédure du plaider coupable, l’ancien garde des Sceaux, M. Pascal CLEMENT
soulignait que cette nouvelle technique constituait un progrès dans le mode de
traitement judiciaire depuis l’entrée en vigueur du dispositif (19 octobre 2004)538.
Schématiquement, les points positifs mis en exergue par le ministre de la justice sont les
suivants. D’abord, concernant la célérité escomptée de cette voie procédurale, il est

537
Rapport du comité de reflexion sur la justice pénale (1er septembre 2009), Paris, la documentation
française, Septembre 2009.
538
Rép. Min. à Q.E n° 92066, JOAN Q., 4 juillet 2006, p. 7107.

323
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

indiqué, que les délais d’audiencement tendent à diminuer car le plaider coupable évite
la lourdeur d’un examen en audience dès lors qu’un accord existe sur la culpabilité, le
choix de la ou des peines et de leur montant. Elle permet à diverses juridictions de
supprimer des audiences à juge unique ce qui conduit à alléger cette juridiction de
divers contentieux. Ensuite, la technique de CRPC, compte tenu des conditions légales
relatives à la peine encourue est efficace en matière de conduite sous l’empire d’un état
alcoolique. De plus, la voie procédurale initiée constitue une réponse pénale
particulièrement adaptée pour certains délits d’atteinte aux biens et pour les contentieux
techniques (non-respect des règles d’hygiène et de sécurité prévues par le Code du
travail, travail dissimulé, infractions au Code de la consommation, en constant
accroissement). Une diminution des délais d’exécution des peines prononcées est
également constatée en raison du caractère immédiatement exécutoire de l’ordonnance
d’homologation (article 495 -11, alinéa 2). Le recours à la CRPC, s’est accompagné du
développement des Bureaux de l’Exécution des peines (B.E.X) lesquels pourront
contribuer à accroître l’efficacité du dispositif en réduisant davantage le délai de mise
en exécution des décisions539. Quantitativement, la part moyenne de la CRPC dans les
modes de poursuite a été en 2011 de : 2.9 % dans les juridictions du groupe 1540, de 5 %
dans les juridictions du groupe 2541, de 5 % dans les juridictions du groupe 3542; enfin,
de 5 % dans les juridictions du groupe 4543. Il est à noter, par ailleurs, qu’à ce jour le

539
CRIM-AP N° 04-18. D2 Tome III.
540
Annuaire statistique de la Justice, Edition 2012 F, Service support et moyens du ministère, SOUS-
DIRECTION DE LA STATISTIQUE ET DES ETUDES. Juridictions du groupe 1 : Lyon, Toulouse,
Paris, Bobigny, Lille, Bordeaux, Evry, Pontoise, Nanterre, Versailles, Marseille, Créteil.
541
Juridictions du groupe 2 : Rouen, Draguignan, Strasbourg, Toulon, Nantes, Nîmes, Meaux, Grasse,
Dijon, Rennes, Grenoble, Béthune, Montpellier, Nancy, Aix-en-Provence, Mulhouse, Metz, Tours, Caen,
Nice, Perpignan, Melun.
542
Juridictions du groupe 3 : Bourg-en-Bresse, Valence, Dunkerque, Avignon, Orléans, Fort-de-France,
Le Havre, Thionville, Thonon-les-Bains, Arras, Boulogne-sur-Mer, Sarreguemines, Saint-Étienne,
Amiens, Limoges, Pau, Reims, Chalon-sur-Saône, Besançon, Chambéry, Angers, Brest, Evreux, Tarbes,
Lorient, Bayonne, Poitiers, Annecy, Douai, Avesnes-sur-Helpe, Blois, Senlis, Colmar, Clermont-Ferrand,
Angoulême, Valenciennes, Chartres, Béziers, Epinal, Le Mans, Saint-Pierre, Pointe-à-Pitre, La Roche sur
Yon, Bourges, Troyes, Quimper, Saint-Nazaire, Beauvais, Cayenne, Charleville-Mézières, Saint-Denis.
543
Juridictions groupe 4 : La Rochelle, Cambrai, Guéret, Carpentras, Rodez, Agen, Niort, Tulle,
Abbeville, Sens, Alençon, Laon, Dieppe, Bernay, Montbéliard, Basse-Terre, Bressuire, Roanne, Bergerac,
Brive-la-Gaillarde, Cherbourg, Lisieux, Marmande, Hazebrouck, Argenta, Digne-les-Bains, Coutances,
Belfort, Saumur, Carcassonne, Millau, Montargis, Vienne, Avranches, Dole, Auch, Libourne, Péronne,
Briey, Lons-le-Saunier, Périgueux, Cahors, Saint-Gaudens, Saintes, Auxerre, Albertville, Vesoul, Albi,
Villefranche sur Saône, Morlaix, Bougoin-Jailleu, Dax, Laval, Tarascon, Saint-Malo, Compiègne, Mont-
de-Marsan, Les Sables-d’Olonne, Lure, Bar-le-Duc, Narbonne, Saint-Quentin, Nevers, Gap, Saverne,
Guingamp, Rochefort, Verdun, Bastia, Bonneville, Privas, Saint-Dié, Châteauroux, Dinan, Foix, Vannes,

324
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

taux d’homologation est de 81,7 %, mais ce chiffre doit être porté à 71,4 % une fois
déduits les refus d’homologation imputables à l’absence de la personne mise en cause
lorsque celle-ci ne s’est pas présentée au terme du délai de réflexion de dix jours dont il
avait par ailleurs demandé à bénéficier. Toutefois, en dépit de son succès, la Direction
des affaires criminelles et des grâces544 souligne que si depuis octobre 2006, vingt
parquets se refusent toujours à mettre en oeuvre le dispositif et dix-huit n’y ont en
recours qu’à dix reprises, la part de CRPC dans le mode des poursuites reste inférieur à
2 % dans le ressort de sept cours d’appels, alors que dans six autres elle est supérieure à
9 % et supérieure à 15 % dans deux autres cas, en raison principalement du manque
d’effectif, de la lourdeur et de la complexité de la procédure pour les magistrats et pour
les justiciables.

L’article 27 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 apporte plusieurs


modifications à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
(CRPC) qualifiée communément de « plaider coupable » à la française. Jusqu’alors
limitée aux délits punis d’une peine d’amende ou d’une peine inférieure ou égale à 5 ans
d’emprisonnement par l’article 495-7 du CPP, cette procédure est en premier lieu
généralisée à l’ensemble des délits, quelle que soit la peine encourue. Demeurent
cependant exclues du champ de cette procédure les atteintes à l’intégrité de la personne
et les agressions sexuelles prévues par les articles 222-9 à 222-31-2 du CP, ainsi que les
infractions mentionnées par l’article 495-16 du CPP (infractions contre un mineur de
moins de 18 ans, délits de presse, délits d’homicides involontaires ou délits politiques).
D’autre part, la loi crée un nouvel article 180-1 du CPP aux termes duquel la
comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pourra également être proposée
par le procureur de la République, ou avec son accord, à l’issue d’une procédure
d’instruction. La mise en œuvre de cette procédure aura pour effet de mettre un terme,
de manière automatique, à la détention provisoire, au contrôle judiciaire ou à
l’assignation à résidence sous surveillance électronique, sauf si ces mesures sont
maintenues par le juge d’instruction par ordonnance spécialement motivée. Par décision
n° 2011-641 du 8 décembre 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions

Soissons, Chaumont, Ajaccio, Alès, Aurillac, Belley, Castres, Châlons-en-Champagne, Cusset,


Fontainebleau, Le Puy, Mende, Montauban, Montbrison, Montluçon, Moulins, Riom, Saint-Brieuc, Saint-
Omer. Source : Site du Sénat, « Le plaider coupable », Mai 2003, série Législation comparée, op.cit.
544
Circulaire CRIM n° 04-18, Tome III, du 3 mars 2006 relative à la mise en œuvre de la CRPC.

325
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

conformes à la Constitution, en se référant notamment à sa décision du 2 mars 2004 par


laquelle il avait déjà déclaré conforme à la Constitution les dispositions créant la CRPC.
Toutefois, il a émis une réserve d’interprétation relative au pouvoir d’homologation de
la peine par le juge du siège : ce dernier peut refuser d’homologuer la peine compte tenu
des déclarations de la victime, si elles éclairent la personnalité de l’auteur ou les
circonstances dans lesquelles l’infraction a été soumise.

§2 - La CRPC : une aubaine pour la justice pénale ?

223- L’extension de l’aveu de culpabilité. La loi du 13 décembre 2011 précitée


relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures
juridictionnelles545prévoit non seulement l’aménagement de la procédure du plaider
coupable (A) mais pose également la question de l’utilité et du but de l’audience pénale
ainsi que de la place du juge. Si, le procès se limite à une discussion sur la peine, le
fragile équilibre sur lequel repose toute la procédure pénale risque de basculer avec un
pouvoir accru accordé au parquet. Il parait difficilement envisageable que les juges et
les jurés ne prennent en compte que le parcours personnel de l’accusé en éludant
complètement le récit des faits et les circonstances entourant la commission de son
crime et rendant vraisemblable les aveux formulés. Si tel était le cas, cela reviendrait à
vider de son sens l’audience pénale. A la suite du rapport GUINCHARD546, il s’agit
d’étendre à terme la procédure de CRPC à tous les délits, quelle que soit la peine
encourue (les quelques exceptions actuelles étant toutefois maintenues) par une
modification de l’article 495-7 CPP. En ce qui concerne l’aveu, le texte précise que les
déclarations faites pendant la garde à vue, en dehors de la présence de l’avocat, ne
pourront fonder à eux seuls une condamnation547. Une procédure simplifiée sur le
fondement de l’aveu préalable de culpabilité devant la cour d’assises a également été
envisagée. Exclue pour les infractions les plus graves, cette procédure assurera un débat
public et contradictoire uniquement sur la peine et une minoration de cette dernière en
contrepartie de l’allègement procédural qu’impliquerait l’aveu. Cette proposition a été
formulée par la commission LEGER. Le comité estime que la procédure d’assises

545
Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 parue au JO n° 289 du 14 décembre 2011 et décision du
Cons. const. n° 2011-641 DC du 8 décembre 2011.
546
Dalloz actualité, 1er juillet 2008, obs. Dargent.
547
Ibid.

326
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

pourra varier en fonction de la reconnaissance ou non des faits par l’accusé. Il observe,
à cet égard, qu’il n’est pas logique que la procédure obéisse aux mêmes règles dans les
deux hypothèses car il peut être inutile de consacrer une partie de l’audience à un débat
sur la matérialité des faits lorsque ceux-ci ne sont pas contestés (B).

A. Aménagement de la procédure de plaider coupable en matière


correctionnelle.

224- Modification procédurale et souplesse accrue des juridictions. L'alinéa


premier de l'article 495-9 du CPP dispose : « si la personne n'est pas détenue, elle peut
être convoquée devant le président du Tribunal de grande instance ou le juge délégué
par lui dans un délai inférieur ou égal à un mois». Ainsi, suite à l'acceptation de la ou
des peine (s) proposée (s) par le procureur de la République, lorsque le prévenu est
détenu, il est immédiatement présenté au président du TGI ou au juge délégué par lui,
en vue de l'homologation. Mais, si le prévenu n'est pas détenu, la présentation peut être
effectuée dans un délai d'un mois maximum. Cette modification procédurale vise à
donner davantage de souplesse aux juridictions dans la mise en œuvre de la CRPC.
Désormais, lorsque le prévenu n'est pas détenu, l'homologation ne s'impose pas aussitôt
après l'acceptation de la proposition faite par le procureur de la République.

Par ailleurs, justifie sa décision la cour d'appel qui, après avoir constaté que le
procureur de la République a fait délivrer concomitamment au prévenu deux
convocations pour les mêmes faits, l'une en vue d'une CRPC et une en vue d'une
audience correctionnelle, annule le jugement de condamnation prononcé par le tribunal,
dit n'y avoir lieu à évocation et renvoie le ministère public à se mieux pourvoir. Lorsque
le procureur de la République mettait en œuvre la procédure de comparution sur
reconnaissance de culpabilité, par convocation à cette fin devant lui, il ne pouvait
concomitamment saisir, pour les mêmes faits, le tribunal correctionnel selon l'un des
modes prévus par l' article 187 du CPP avant que le prévenu ait déclaré ne pas accepter
la ou les peines proposées ou que le président du tribunal ait rendu une ordonnance de
refus d'homologation548. Protectrice des droits de la défense, cette jurisprudence avait
cependant été nuancée et la chambre criminelle avait reconnu au ministère public la
548
Cass. crim., 4 octobre 2006, n° 05-87.435 : Bull. crim. 2006, n° 244 ; Dr. pén. 2007, comm. 27, obs.
A. MARON. – Cass. crim., 14 oct. 2008 ; Bull. crim. 2008, n° 208.

327
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

possibilité de saisir la juridiction correctionnelle selon l'un des modes prévus par
l'article 388 du CPP lorsque, après la délivrance d'une convocation en vue d'une CRPC,
il renonçait à proposer une peine dans les conditions prévues par le CPP 549. Rien
d'étonnant en conséquence que la chambre criminelle, saisie d'une QPC, ait considéré
qu'elle présentait un caractère sérieux en ce que les dispositions concernées étaient
susceptibles de mettre en cause les droits de la défense. Le Conseil constitutionnel a
donc été saisi le 5 octobre 2010 par la Cour de cassation550 dans les conditions prévues à
l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à
la conformité de l'article 495-15-1 du CPP aux droits et libertés que la Constitution
garantit551. Selon le Conseil Constitutionnel, la méconnaissance de l'objectif de valeur
constitutionnelle de bonne administration de la justice, qui découle des articles 12, 15 et
16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne peut, en elle-
même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le
fondement de l'article 61-1 de la Constitution. Les dispositions tirées de l’article 495-
15-1 CPP sont insusceptibles, par elles-mêmes, de porter atteinte aux droits de la
défense puisque l'article 495-14 fait obstacle à ce que le procès-verbal des formalités
accomplies en application des articles 495-8 à 495-13 au cours de la procédure de
CRPC soit transmis à la juridiction de jugement. En outre, il est fait interdiction au
parquet et aux parties de faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des
documents remis au cours de la procédure de CRPC. Cependant, il appartient au
procureur de la République, dans la mise en œuvre de l'article 495-15-1, de veiller à ce
que la convocation en justice adressée en application de l'article 390-1 soit faite à une
date suffisamment lointaine pour garantir qu'au jour fixé pour la comparution du
prévenu devant le tribunal correctionnel, la procédure sur reconnaissance préalable a
échoué ou que les peines proposées ont été homologuées552.

B. Le plaider coupable au criminel (Rapport LEGER du 1 er septembre 2009)

225- La volonté d’un aveu au criminel. Le rapport tendant à proposer une réforme
de la procédure pénale ou comité LEGER a proposé, outre la suppression du juge
549
Cass. crim., 29 octobre 2008, n° 08-84.857 ; Bull. crim. 2008, n° 219.
550
Cass.crim., 29 septembre 2010 ; Bull. crim. n° 5551.
551
Cons. const., n° 2010-77 QPC du 10 décembre 2010.
552
Albert MARON et Marion HAAS, Le doublé CRPC – convocation en justice, Droit pénal n° 12,
décembre 2010, comm. p. 145.

328
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

d’instruction, la mise en œuvre d’une procédure d’aveu de culpabilité en matière


criminelle. Il s’agit essentiellement d’une étude concernant la modification aussi bien de
la phase préparatoire du procès pénal que de celle du prononcé de la décision.
L’introduction du plaider coupable en matière criminelle permettrait, selon le comité
LEGER, un éventuel allègement de la phase décisoire du procès pénal en cas de
reconnaissance préalable de sa culpabilité par l’accusé. En pareilles circonstances, une
procédure simplifiée originale serait mise en œuvre qui se distinguerait du mode de
poursuite de CRPC, par l’existence d’une véritable audience en présence des parties.
Les débats devraient ainsi concerner uniquement la peine à prononcer, à l’exclusion de
la question de la culpabilité de l’accusé laquelle serait préalablement admise.
Néanmoins, cette procédure devrait être exclue dans l’hypothèse de crimes présentant
un caractère d’une particulière gravité. Il s’agit par conséquent d’introduire, au criminel,
un jugement abrégé qui a déjà été instauré dans d’autres législations étrangères. Le
risque principal du dispositif sera de cantonner l’aveu pénal à un aspect des faits,
souvent de faible gravité, pour dissimuler tactiquement ceux qui sont plus graves. Par
exemple, l’accusé pourra reconnaître avoir été informé du projet criminel de ses co-
accusés surtout s’il est confondu par des écoutes téléphoniques sans toutefois
reconnaître sa participation à l’infraction pour laquelle il est poursuivi. L’intéressé
espèrera ainsi, par son aveu partiel des faits, encourir une peine plus légère car le jury ne
pourra pas lui faire grief de ne pas avoir avoué. Mais la peine ne sera cependant pas
aussi lourde que s’il avait reconnu l’intégralité des faits ayant motivé les poursuites. Le
processus d’aveu devant la cour d’assises présentera peut-être l’avantage de simplifier
et d’accélérer cette procédure, sauf si les plaidoiries des avocats concernant la peine
s’avèrent trop longues, ce qui sera le cas le plus fréquemment.

Dès lors, en raison de la gravité des faits examinés par les cours d’assises, la
commission a tenu à différencier la nouvelle procédure simplifiée de la CRPC. La
commission propose ainsi une véritable audience en présence de l’accusé et de la
victime. Au cours de celle-ci, la cour se devra de vérifier le bien fondé de la
reconnaissance de culpabilité sans instaurer aucun débat sur la question, ni auditionner
aucun témoin ou expert pour démontrer la culpabilité. Une discussion pourra néanmoins
s’instaurer s’agissant de la peine à prononcer au cours de laquelle les parties seront
autorisées à citer des témoins pour définir la personnalité de l’accusé. En cas
d’application de cette procédure, une minoration de la peine maximale encourue sera

329
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

obtenue. En seront exclus les crimes de tortures ou actes de barbarie sur des mineurs, en
raison de la peine encourue, notamment la perpétuité. Quant au bénéfice de cette
procédure, il pourra être acquis seulement si l’aveu de culpabilité intervient
préalablement à l’audience, l’accusé y procédant en présence de son avocat ;
proposition qui tendra à donner une apparence de respect des droits de la défense mais
qui ne fera cependant pas taire les critiques soulevées à son encontre. Le système
proposé est révolutionnaire car dans la tradition pénale française, le procès est le lieu où
émerge la vérité. Par conséquent, si une brèche avait déjà été introduite avec la CRPC,
elle est a fortiori creusée par l’élargissement de cette procédure aux affaires les plus
graves. Il convient néanmoins de nuancer le rapprochement de ces deux voies
procédurales.

226- CRPC et plaider coupable criminel. Dans le cadre de la CRPC, le procureur


peut discuter directement d'une peine avec la personne qui reconnaît les faits qui lui sont
reprochés. Il s’agit d’un mode de poursuite sans procès, en dépit de l’audience
d’homologation. De surcroît, cette procédure allégée est réservée aux infractions
pénales punies jusqu'à cinq ans d’emprisonnement. La commission LEGER entend
généraliser le principe à des affaires plus lourdes, mais avec des nuances. Devant la cour
d’assises, les aveux entraineront automatiquement un allègement de la peine maximale
encourue : trente ans de prison au lieu de la perpétuité, dix ans au lieu de quinze.
Contrairement à la CRPC, la peine ne sera pas discutée à l'instruction mais fixée et
prononcée par un jury d'assises, après délibération. L'audience n'examinera plus la
question de la culpabilité de l'accusé mais seulement sa personnalité et les circonstances
du crime et le verdict sera par conséquent rendu, comme actuellement, à l'issue du
délibéré.

227- Les risques d’une telle procédure devant la cour d’assises. Les
professionnels du droit demeurent toutefois sceptiques quand au bien-fondé de la
procédure envisagée. De nombreuses craintes ont été exprimées tant par les magistrats
et les avocats que par le principal syndicat de la magistrature, l’Union syndicale des
magistrats, quand à la fiabilité des aveux susceptibles d’être formulés. Le système pénal
français éprouve quelque difficulté, en raison de son histoire, à épouser totalement la
tradition américaine. Au criminel, la peine ne fera pas l'objet d'une négociation durant
l'instruction, après aveux, entre le coupable et le parquet mais bien à l’audience. Or la

330
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

spécificité du « plead guilty » anglo-saxon repose sur la négociation de la peine par


l’accusé dans le bureau du procureur. Par conséquent, le Comité LEGER n'envisage pas
une transposition intégrale du système pénal américain. Aux Etats-Unis, un accusé peut
éviter un procès public en plaidant coupable, un juge prononçant ensuite directement
une sentence. Il existera toujours, selon la Commission, une audience avec des jurés afin
que le plaider coupable criminel ne prive pas la victime de son procès, ni l'accusé de sa
défense. Le processus démocratique du vote par le jury sera sauvegardé dans cette
procédure en dépit de l’exigence de motivation des arrêts d’assises.

228- Aveux de procès et exigence de motivation de l’arrêt criminel. Les aveux de


culpabilité passés par l’accusé devant la cour d’assises devront être suffisamment
fiables pour que la motivation de l’arrêt soit fondée en droit et en fait, et non sur
l’intime conviction. Après s'y être longtemps refusé, la Chambre criminelle a ainsi
accepté de renvoyer au Conseil constitutionnel, par deux décisions du 19 janvier 2011,
deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur la motivation, ou plutôt
l'absence de motivation des arrêts d'assises. L’absence de motivation figurant comme
une possibilité accrue de voir le sort de l’accusé scellé sur le strict fondement de ses
déclarations. En l’espèce, les requérants, condamnés l'un à vingt années de réclusion
criminelle pour meurtre et l'autre à trente ans de réclusion pour assassinat, avaient
soulevé la question de la constitutionnalité des dispositions applicables devant la cour
d'assises et tout particulièrement des règles concernant le délibéré. Plus précisément, les
questions visaient ici l'interprétation qu'en donnait la jurisprudence constante de la Cour
de cassation qui considérait que la seule obligation pesant sur les jurés de rendre leur
décision d'après leur intime conviction emportait pour conséquence que les arrêts
d'assises ne devaient pas être motivés. Cette absence de motivation explicite était ici
contestée au regard du principe d'égalité devant la loi et d'égalité devant la justice, du
respect des droits de la défense et d'une façon plus générale au regard du principe de
légalité. Pour apprécier la constitutionnalité des dispositions critiquées, le Conseil va
considérer que les dispositions critiquées ne sont pas contraires au principe d'égalité des
citoyens devant la justice, et que le respect des droits de la défense est assuré. Surtout,
l'absence de motivation des arrêts de cours d'assises n'est pas contraire à l'exigence

331
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

constitutionnelle de jugements exempts d'arbitraire553. Par ailleurs, dans un arrêt de


grande chambre du 16 novembre 2010554, la CEDH a refusé d'imposer aux États-parties
la motivation des verdicts d'assises555. En l’espèce, le requérant avait fait l'objet d'un
acte d'accusation au sein duquel figuraient, notamment, les déclarations d'un témoin
anonyme selon lesquelles il avait participé, avec d'autres personnes, à l'assassinat d'un
ministre d'État. À l'issue d'un procès de près de trois mois, le jury rendit son verdict à
partir de trente-deux questions posées par le président de la cour d'assises. Le jury
répondit par l'affirmative aux quatre questions concernant le requérant, qui fut
condamné à vingt années de réclusion criminelle. Après le rejet de son pourvoi en
cassation, le requérant saisit la CEDH en alléguant une double violation de l'article 6 de
la Convention. Il soutenait n’avoir, tout d’abord, pas bénéficié du droit à un procès
équitable en raison de l'absence de motivation du verdict d'assises rendu à son encontre ;
ensuite, faisait état d’une atteinte aux droits de la défense en raison de l'absence de

553
Cons. const. 1er avril 2011, n° 2011-113/115-QPC ; « Constitutionnalité de la (non) motivation des
arrêts d'assises », Cons. const. 1er avril 2011, n° 2011-113/115- QPC ; Jean PRADEL, « De la motivation
des arrêts d'assises », D. 2009, p. 2778 ; H. MATSOPOULOU, « Faut-il motiver les arrêts de la cour
d'assises ? », JCP G 2009, p. 456 ; M. HUYETTE, « Quelles réformes pour la cour d'assises ? », D. 2009,
p. 2437; H. ANGEVIN, « De la motivation des décisions des juridictions comportant un jury », Dr. pénal,
1996, chron. 32; Crim. 19 janv. 2011, D. 2011, p. 800, obs. J.-B. PERRIER; Crim. 14 oct. 2009, AJ Pénal
2009, p. 495, obs. J. LASSERRE CAPDEVILLE; Dr. pénal, 2009, comm. 143, A. MARON et M.
HAAS; D. 2009, p. 2545, obs. K. GACHI ; CEDH 13 janv. 2009, 1er arrêt TAXQUET c/ Belgique, D.
2009, p. 1058, note J.-F. RENUCCI ; AJ Pénal 2011, p. 35, obs. C. RENAUD-DUPARC.
554
CEDH, 16 novembre 2010, req. n° 926/05, affaire TAXQUET c/ Belgique. En effet, depuis l'affaire
ZAROUALI (req. n° 20664/92, décision de la Commission du 29 juin 1994, DR 78), une évolution se fait
sentir tant sur le plan de la jurisprudence de la Cour que dans les législations des Etats Contractants. Dans
sa jurisprudence, la Cour ne cesse d'affirmer que la motivation des décisions de justice est étroitement liée
aux préoccupations du procès équitable car elle permet de préserver les droits de la défense. La
motivation est indispensable à la qualité même de la justice et constitue un rempart contre l'arbitraire.
Ainsi, certains Etats, à l'instar de la France, ont institué un double degré de juridiction pour les procès en
assises ainsi que la mise en forme des raisons dans les décisions des juridictions d'assises. La Cour
considère que si l'on peut admettre qu'une juridiction supérieure motive ses décisions de manière
succincte, en se bornant à faire sienne la motivation retenue par le premier juge, il n'en va pas forcément
de même pour une juridiction de première instance, statuant au plus au pénal. Il est donc important, dans
un souci d'expliquer le verdict à l'accusé mais aussi à l'opinion publique, au « peuple », au nom duquel la
décision est rendue, de mettre en avant les considérations qui ont convaincu le jury de la culpabilité ou de
l'innocence de l'accusé et d'indiquer les raisons concrètes pour lesquelles il a été répondu positivement ou
négativement à chacune des questions. Dans ces conditions, la Cour de cassation n'a pas été en mesure
d'exercer efficacement son contrôle et de déceler, par exemple, une insuffisance ou une contradiction des
motifs. Aussi, dans l’affaire TAXQUET, la Cour conclut qu'il y a eu violation du droit à un procès
équitable, garanti par l'article 6 § 1 de la Convention.
555
Olivier BACHELET, « Motivation des verdicts d'assises : la demi-mesure de la Cour européenne »,
(Obs. sous CEDH, 16 nov. 2010, Taxquet c. Belgique, n° 926/05), Recueil Dalloz (Paris), n° 43, 9 déc.
2010, p. 2841.

332
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

confrontation avec le témoin anonyme. Dans un arrêt du 13 janvier 2009, la deuxième


section de la Cour européenne a accueilli favorablement l'argumentation du
requérant556. Considérant en l’espèce que la motivation constitue un rempart contre
l'arbitraire, la Cour a affirmé qu'il est important, dans un souci d’explication au bénéfice
de l’accusé et au nom du peuple pour lequel la décision est rendue, de mettre en avant
les considérations qui ont convaincu le jury de la culpabilité ou de l'innocence de
l'accusé et d'en indiquer les raisons concrètes. Le renvoi de l'affaire ayant été accordé au
gouvernement belge, la grande chambre tint une audience publique le 21 octobre 2009.
C'est par conséquent plus d'une année plus tard que l'arrêt fut rendu. Pour le
gouvernement français « la Cour ne devrait pas étendre sa compétence à une
harmonisation du droit interne des États parties, sous peine de désorganiser les systèmes
juridiques, de porter atteinte à l'autorité de ses arrêts comme au jeu normal de la
démocratie dans les États membres » (§ 82). En réponse, la Cour a souligné que, si dans
les procédures qui se déroulent devant des magistrats professionnels, les juridictions
internes doivent exposer avec une clarté suffisante les motifs sur lesquels elles se
fondent557, devant les cours d'assises avec participation d'un jury populaire, « il faut
s'accommoder des particularités de la procédure où, le plus souvent, les jurés ne sont
pas tenus de - ou ne peuvent pas - motiver leur conviction » (§ 92). La grande chambre
a donc considéré que « la Convention ne requiert pas que les jurés donnent les raisons
de leur décision » et « ne s'oppose pas à ce qu'un accusé soit jugé par un jury populaire
même dans le cas où son verdict n'est pas motivé » (§ 90). Par conséquent, après avoir
souligné que le système belge ne prévoit pas la possibilité d'interjeter appel contre un
verdict d'assises, la Cour conclut à la violation de l'article 6, § 1er, de la Convention.
Tout en admettant que les verdicts d'assises ne soient pas motivés, la Cour affirme que
les questions posées au jury doivent être suffisamment précises afin que l'accusé
comprenne les raisons de sa condamnation. En réalité, pour beaucoup, la motivation des
verdicts criminels remettrait en cause l'existence du jury d'assises qui statue selon son
intime conviction. Pourtant, ce principe de l'intime conviction est également appliqué
aux juridictions correctionnelles (art. 427, al. 1er, CPP) auxquelles est bien imposée une
obligation de motivation de leurs décisions (art. 485 et 593 CPP de la loi du 10 août

556
CEDH 13 janv. 2009, Taxquet c/ Belgique, n° 926/05, D. 2009, p. 1058, note J.-F. RENUCCI ; RFDA
2009, p. 677, étude L. BERTHIER et A.-B. Caire ; RSC 2009, p. 657, obs. J.-P. MARGUENAUD ; JDI
2010, p. 966, note O. BACHELET.
557
V. not. CEDH 16 déc. 1992, HADJIANASTASSIOU c/ Grèce, (req. n° 12945/87).

333
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

2011). S’il incombe désormais au juge de motiver sa décision, cette obligation consiste
seulement à rendre compte des éléments de preuve qui ont permis au juge d'affirmer sa
conviction sur l'existence du fait et la culpabilité de la personne mise en cause. Mais,
ces éléments de preuve ne sont pas les motifs de sa conviction. Ce ne sont que les
éléments ou les sources dans lesquels le juge a puisé cette conviction, mais ils
n'expliquent pas l'appréciation qu'il a pu en faire, ni ses raisonnements pour se
convaincre. La loi précitée du 10 août 2011 ayant institué la motivation des verdicts
criminels, a implicitement repris cette distinction puisque les cours d'assises n'ont pas à
détailler leur raisonnement mais simplement, si elles entrent en voie de condamnation, à
mentionner les principaux éléments à charge, sans avoir alors à s'expliquer sur leur
force de conviction. Dès lors, faute de pouvoir déterminer quel poids a véritablement été
donné à telle ou telle preuve, il se révèle impossible de savoir si les aveux obtenus hors
la présence d'un avocat ont fondé de manière déterminante une décision de
condamnation. À cet égard, seule la prohibition de toute référence aux aveux de la
personne mise en cause, obtenus hors l'assistance d'un avocat, semble véritablement de
nature à garantir une protection effective du droit à un procès équitable et du droit de ne
pas s'auto-incriminer. Pourtant, la chambre criminelle s'y refuse558.

SECTION TROISIEME : VERS UN RAPPROCHEMENT DES PARTIES AU PROCES DANS LE CADRE


DE L’INFLICTION DE LA SANCTION

229- L’intime conviction comme dissociation de l’aveu et de la preuve. Compte


tenu de l’inégalité entre défense et accusation, la contractualisation de la justice pénale
par l’aveu est inséparable non seulement d’une renonciation volontaire (§1) du prévenu
à ses droits mais également de la sauvegarde des intérêts de la victime. Si l’on admet
que les législations européennes qui se sont inspirées de la procédure pénale française,
ont renoncé en 1789 au système des preuves légales559 pour adopter celui plus moral de
l’intime conviction, il en résulte que l’aveu en lui-même ne peut faire nécessairement
pleine preuve et sa sincérité ne s’impose pas au juge. Le système de la liberté de la
preuve vient désormais dissocier l’aveu de la preuve en privilégiant la discussion entre
les parties (§2).

558
Cass. crim., 6 déc. 2011, n° 11-80326 : M. X et M. Y – Rejet pourvoi c/ CA Reims, 30 juin 2012.
559
Eric DESMONS « La preuve des faits dans la philosophie moderne », Droits 1996, n°23, p. 13.

334
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

§1 - De l’abdication volontaire du justiciable

230- L’esprit de la loi. Le législateur est intervenu pour modifier l’édifice de la


procédure pénale en la faisant reposer sur le socle d'une offre acceptée, d'un
consentement, autrement dit, sur les fondements d'un accord. L’aveu, si longtemps
regardé avec méfiance en raison de sa fragilité, est de plus en plus utilisé voire
plébiscité par les mis en cause eux-mêmes sans qu’aucune pression n’ait été exercée sur
eux, ce qui bouleverse notre approche du procès pénal. A telle enseigne que la réponse
pénale pénale se voit de plus adaptée à l’interface entre un souci de vérité et de justice
(A) dans un espace fonctionnant moins de façon normative mais davantage sur l’idée
d’accord ou d’engagement réciproque donc, in fine, de contrat. Ce faisant, la relation
entre le justiciable et le parquet tend à se modifier (B), elle devient moins autoritaire que
partagée voire discutée. Aussi, en plébiscitant volontairement l’aveu pénal, la personne
mise en cause établit consciemment ou pas une distinction entre la vérité matérielle et la
vérité juridique, la première pouvant faire l’objet d’un renoncement ou d’un abandon au
profit de la seconde emportant donc culpabilité sur le fondement possible au mieux
d’une inexactitude au pire d’un mensonge. Une personne considérée comme innocente
sur un plan matériel pourra reconnaître sa culpabilité pour abréger sa souffrance et donc
en finir rapidement sur un plan judiciaire.

A) Une alternative : vérité ou justice ?

231- Aveu pénal et schizophrénie. D’une certaine manière, la recherche de l’aveu


évolue dans un contexte schizophrénique puisqu’il est tiraillé entre des exigences
contradictoires (vérité ou justice) correspondant à des modèles différents sur un plan
historique et procédural (inquisitoire et accusatoire) (1). Ce rôle assigné au processus
d’autocondamnation peut heurter ceux qui considèrent inacceptable la séparation entre
la culpabilité et la condamnation mais est parfaitement légitime dans le modèle anglo-
saxon au sein duquel toute condamnation est justifiée à partir du moment où la décision
découle du libre consentement du suspect (2).

1) Procédure accusatoire, procédure inquisitoire et schizophrénie judiciaire

232- Vérité matérielle et vérité juridique. La procédure pénale française est


aujourd'hui atteinte de schizophrénie car elle se dédouble en deux systèmes
335
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

incompatibles, ne répondant pas aux mêmes exigences ni aux mêmes logiques. Le


procès est ainsi tiraillé entre ses fondements inquisitoires ancestraux et le modèle anglo-
américain, dit accusatoire. Comme en témoigne la justice répressive traditionnelle où le
ministère public, voire, dans les cas les plus graves, le juge d'instruction, recherche la
vérité matérielle. Dans ce système, l'aveu, considéré à l'origine comme la reine des
preuves, est regardé avec prudence. A ce titre, procureurs et juges craignent les aveux
contraints, effectués sous diverses pressions policières. Ce modèle pénal se méfie de
l'aveu, dernier avatar de l'ancienne procédure inquisitoire. Seul, il ne saurait suffire car
il est par définition humain donc fragile. Il doit être étayé par d’autres éléments plus
concrets, plus scientifiques560. Le juge ne se fiera pas à la seule parole de la personne
poursuivie. L'enquête aura lieu, en théorie, en dépit de l'aveu. On cherchera à le
conforter comme à en vérifier la véracité. Ainsi, même si le suspect refuse d’avouer lors
de la garde à vue, il pourra faire toutefois l’objet d’une procédure de CRPC fondée sur
une reconnaissance des faits. En outre, si la chambre criminelle censurait
systématiquement la pratique récurrente du ministère public de la double
convocation561, cette interdiction est aujourd’hui dépassée. Les parquets peuvent
doubler ladite convocation de façon dissuasive donc tactique, le prévenu étant convoqué
à 8 heures du matin pour une CRPC et le même jour pour des faits identiques à 11 h en
audience classique sur le fondement d’une COPJ. Si le mis en cause ne comparaît pas
ou ne reconnaît pas sa culpabilité, il sera jugé sur le fond trois heures plus tard, ce qui
signifie, en réalité, que majoritairement le prévenu reconnaîtra les faits et consentira à la
peine proposée afin d’échapper à des modes de poursuites plus classiques. Toutefois, un
changement progressif est à l’œuvre qui déplace la problématique binaire classique
accusatoire/inquisitoire puisque désormais, l'aveu est recherché et admis presque sans
condition, qu'il corresponde ou non à la vérité. Cet aveu s’apparente en quelque sorte à
une dispense de preuve. Il renvoie à une transaction sur la peine. Il n'est plus question
ici de rechercher une vérité matérielle, ce qui est hors débat, mais de se contenter d'une
vérité juridique. Le juge entérine cette vérité, issue d'un accord entre deux parties,
publique et privée, qui lui est présentée car toute transaction suppose des concessions.
Cette nouvelle vérité pénale ne correspondra néanmoins jamais entièrement à la vérité

560
Coralie AMBROISE-CASTÉROT, « Recherche et administration des preuves en procédure pénale : la
quête du Graal de la vérité », AJ pénal 2005, p. 261 ; « Les prélèvements corporels et la preuve pénale »,
in Mélanges JULIEN, 2003, Edilaix, p. 9.
561
Cass. crim., du 14 octobre 2008, n° 08-82, p. 195.

336
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

matérielle des faits, dont certains ont été amputés, volontairement oubliés voire
minimisés en échange d'une peine réduite.

2) Une loi pénale de fond soumise à la procédure ?

233- Normes substantielles et normes auxiliaires. La difficulté soulevée par les


modes alternatifs de règlement du contentieux pénal fondés sur l’aveu est également
celle de la place assignée aux normes substantielles et celles considérées comme
auxiliaires. Il semblerait que les lois pénales de forme, ce que M. Jean-Jacques GALLI
nomme le « droit servant » 562, en viennent à entraver les lois applicables en matière
pénale dites substantielles, que la forme l’emporte sur le fond, au nom d’impératifs
dictés par la célérité ou le traitement accéléré des procédures pénales. Au travers de la
recherche de l’aveu pénal, le risque existe qu’au mépris de règles de nature
constitutionnelle, le droit se trouve soumis à la procédure ; ce qui témoignerait, si besoin
était, d’abord, d’un rapprochement toujours croissant entre les modèles inquisitoire et
accusatoire, le système anglo-saxon privilégiant l’oralité ; ensuite, et corrélativement,
d’un changement de culture judiciaire. En distinguant les procédures civile et pénale, le
professeur GARRAUD notait qu'« il ne suffit pas qu'un accusé consente à être
condamné pour que sa condamnation soit légitime, il faut que sa culpabilité soit
établie » 563. Or, le système anglais conduit précisément à ce résultat. Lorsque l'accusé
plaide coupable (plea of guilty) puis se prête à ces négociations que constitue le plea-
bargaining, il consent effectivement à être condamné, et la condamnation est légitime
par l'effet de ce seul consentement564. Le ministère public n'aura pas à démontrer sa
culpabilité. A l’inverse, s’il désire prendre la parole, il le fera en tant que témoin. Dans
le cas où l'individu plaide coupable, il n'y a pas de procès véritable, mais validation par
le juge d'une transaction quasi contractuelle réalisée entre le ministère public et l'accusé,
c’est le modèle pénal français aujourd’hui.

562
Jean-Jacques GALLI, « La table des catégories kantiennes et la méthodologie de la recherche
juridique.», Revue de Recherche Juridique Droit prospectif, Cahiers de méthodologie juridique n°11,
PUAM 1996, p. 1158.
563
Jean-Paul GARRAUD, Traité théorique et pratique d'instruction criminelle et de procédure pénale, 6
tomes, 1912-1929, Sirey, tome II, n° 459.
564
Coralie AMBROISE-CASTÉROT, « Le consentement en procédure pénale », in Mélanges PRADEL,
Cujas, 2006, p. 29 et s.

337
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

B) Parquet et justiciable : une relation en évolution

234- Une fonction de régulation sociale. Depuis 1975, le droit positif français
connaît des procédures d’urgence permettant d’accélérer la prise de décision judiciaire à
la suite d’une infraction à la loi pénale. En même temps, par leur emploi généralisé, les
modes de traitement du contentieux pénal, de par leur intégration à différents dispositifs
d’action publique, participent à une fonction de régulation sociale en associant
intimement l’institution judiciaire à cette donnée565. En concrétisant le lien qui unit le
droit et la procédure à l’évolution sociale, le traitement en temps réel modifie également
la relation verticale entre le parquet et le mis en cause, entre la justice et le justiciable.
Les diverses situations infractionnelles permettant d’user de procédures rapides rendent
possible un dialogue inédit entre les divers acteurs au procès. En réalité, c’est parce que
l’Etat moderne est confronté à une crise (d’autorité et de légitimité), aggravée par
l’urgence et l’immédiateté, que le procès en général, la justice pénale en particulier,
s’ouvre au social en se rapprochant du plaideur. Les mutations de l’institution induites
par la modernité libérale brisent progressivement la relation verticale entre prévenus et
procureurs en suggérant, de surcroît, une réflexion accrue à l’institution. La justice
pénale négociée, qui repose sur l’aveu, signe l’échec des verticalités au profit de
l’horizontalité en modifiant la hiérarchie des pouvoirs, même si, aux yeux de l’opinion,
ce bouleversement relève de l’utopie car il s’accompagne d’une dissociation accrue de
l’aveu de la preuve.

235- Situations infractionnelles permettant d'user des procédures rapides. En


brouillant les prérogatives judiciaires dévolues à chacun des acteurs (siège/ministère
public ; parquet/justiciable), le processus de reconnaissance volontaire de culpabilité
permet l’émergence d’un contrat atypique, fondé sur une offre (1) et une acceptation
dans le cadre de la réception de l’aveu (2), ce qui tend à rendre plus intime ou privée la
relation entre accusation et défense (3).

565
Selon Denys DE BECHILLON: « (…) tout système de Droit de la responsabilité porte et constitue
ainsi une « lecture », plus ou moins singulière, de la relation entre les choses, les faits, les hommes et les
événements (…). En bref, le Droit nous dévoile. Et ouvre par là un champ de réflexion immense » Denys
de BECHILLON, « La valeur anthropologique du Droit. Eléments pour prendre un problème à l’envers »,
RTDCiv., n°4 octobre-décembre 1995, p. 848.

338
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

1) L’auteur de l'offre

236- La médiation pénale. Le procureur peut directement ou par l'intermédiaire soit


d'un officier de police judiciaire, soit d'un délégué, soit d'un médiateur du procureur de
la République566, proposer une mesure de médiation. Pour être mise en œuvre, il faut
que cette mesure permette d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de
mettre fin au trouble causé par l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur
des faits illicites. Les mesures sont énoncées à l'article 41-1 du CPP.

237- En composition pénale. C'est le procureur (ou une personne habilitée) qui
propose la mesure de composition pénale à la personne qui avoue être l'auteur des faits
incriminés.

238- Initiative de la procédure de CRPC. Dans cette hypothèse, contrairement à la


composition pénale, l'action publique a déjà été déclenchée. Cette procédure peut soit
être choisie d'office par le ministère public et la personne est informée à la fin de sa
garde à vue du choix du parquet. Soit lors du déferrement de l’intéressé ou directement
par un officier de police judiciaire qui lui communique la date de la convocation devant
le procureur afin que ce magistrat lui en formule la proposition. La personne poursuivie
peut également être informée par courrier. La procédure peut, en outre, être sollicitée
par son avocat ou le mis en cause lors de son déferrement ou bien lorsqu'elle est
poursuivie par la voie d’une citation directe. Si le parquet accepte la demande, les voies
initialement engagées deviennent caduques, sauf si, en définitive, la CRPC n'aboutit pas
(ex : refus des peines proposées) ou bien si le juge n'homologue pas la négociation.

2) Offre et acceptation autour de la reconnaissance de l’infraction

239- L’offre faite en échange de l’aveu. Par analogie avec le droit civil, on pourrait
dire qu'il s'agit d'un contrat d'adhésion. Il résulte d’une forme de compromis, d'abord,
car l'aveu est consenti en échange d'une sanction plus faible que le maximum encouru ;
d'adhésion, ensuite, car il n'existe pas de réelle négociation. L'auteur présumé ne peut
qu'accepter ou refuser la proposition du parquet, non en faire modifier les clauses à son
bénéfice. Cette troisième voie repose sur un schéma simple : une offre, une acceptation.
566
CPP, art. R. 15-33-30 et s.

339
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

240- Dans la médiation pénale. L'action publique n'étant pas déclenchée, les
mesures proposées ne sont guère coercitives. Le procureur (ou son délégué : CPP,
art. R. 15-33-30 et s.) peut choisir de procéder à un rappel à la loi, d'orienter l'auteur des
faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle (stage, formation...), de
demander à l'auteur de réparer le dommage résultant de l'infraction ou de régulariser sa
situation, de procéder à une mission de médiation, avec l'accord des parties. Si la
mesure n'est pas exécutée, le ministère public peut engager des poursuites (C. pr. pén.,
art. 41-1, dern. al.).

241- Lors d’une composition pénale, il est toujours possible de proposer une
amende mais encore diverses remises ou dessaisissements (ex : remise du véhicule,
remise du permis de conduire) ou l'interdiction de rencontrer la victime ou les éventuels
coauteurs ou complices de l'infraction pour l'ensemble de ces mesures567. Mais aucune
peine privative de liberté ne peut être prononcée.

242- En CRPC, les poursuites ont été déclenchées, les sanctions seront donc plus
sévères ; il convient donc, en contrepartie de l'aveu, de diminuer les seuils maximaux
prévus par le code. Ainsi, la peine d'emprisonnement ne saurait excéder la moitié de la
peine normalement encourue, et ce, dans la limite d'un an d'emprisonnement ferme,
seuil qui ne peut jamais être dépassé quelle que soit la sanction prévue au texte. La
peine d'amende ne doit pas, bien entendu, dépasser le montant prévu par la loi. En
revanche, il convient de noter que ces peines peuvent être éventuellement cumulées
avec d'autres et que le bénéfice du sursis est toujours possible.

243- Pouvoir du ministère public quant à la détermination de la sanction :


déjudiciarisation des conflits et troisième voie. Ces nouveaux modes alternatifs ou
« troisième voie » mettent en lumière un déplacement de la fonction de juger, de dire le
droit (juris dictio), puisque c'est désormais le procureur de la République qui se trouve
investi de la tâche de choisir et prononcer la peine, en plus de celle de se réserver le
choix de poursuivre ou non. Le magistrat du siège n'a plus qu’une compétence déléguée
voire réservée, et restreinte, outre le champ de la validation ou de l'homologation,

567
CPP, art. 41-2 pour les délits et 41-3 pour les contraventions.

340
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

lorsque le législateur la requiert568. Cette évolution participe donc d’un phénomène de


déjudiciarisation des conflits.

3) Vers une privatisation de la procédure pénale par l’aveu

244- Une relation judiciaire modifiée. La CRPC bouleverse donc le rapport du


justiciable au système inquisitoire qui repose sur la toute-puissance du juge
d’instruction symbole d’un Etat fort. La mise en œuvre de la procédure de CRPC
suppose corrélativement une ébauche de privatisation de la défense pénale, donc un
autre rapport qui se noue entre le parquet et l’accusation. Cette évolution fait écho au
déclin de l’autorité du magistrat instructeur dont désormais seulement 3 %569 des
affaires pénales passent par son filtre, c’est dire nécessitent un circuit long. Un
affaiblissement de l’Etat qui s’accompagne également d’un regain de la justice privée,
c’est dire d’un désir accru des particuliers de recourir davantage à l’accord plus qu’au
contentieux, à l’arbitrage davantage qu’au procès classique. C’est donc dans ce contexte
d’une privatisation du droit face à une norme jugée trop lointaine ou abstraite que la
procédure de reconnaissance préalable de culpabilité rend légitime, du même coup, au
nom paradoxalement de sa liberté, l’abandon par la personne poursuivie de ses droits,
notamment son innocence présumée. Face à un sens de la loi qui se dérobe, en dépit des
efforts louables bien souvent fournis par l’avocat pour en expliciter la portée à leurs
clients, l’ordre juridique se reconstruit donc sur le fondement d’autres valeurs plus
subjectives où la justice négociée s’oppose à la justice imposée570 instaurant ainsi un
rapprochement entre les parties.

§2 - Vers une dissociation de l’aveu et de la preuve au profit de la discussion


entre les parties

245- L’aveu comme moyen procédural dissocié de la vérité. En matière de

568
V. not., C. SAAS, « De la composition pénale au plaider-coupable : le pouvoir de sanction du
procureur », RSC 2004, p. 827.
569
Bref commentaire de l’annuaire statistique 2009-2010 en matière pénale, par Jean DANET, AJ Pénal
2011, p. 122. Sur ce point, les instructions continuent de régresser en chiffres relatifs et absolus depuis
cinq ans (23 409 en 2008). Elles ne représetent plus que 3,5 % des affaires poursuivies et 1,8 % des
affaires donnant lieu à une réponse pénale.
570
Denis MONDON, « Justice imposée, justice négociée : les limites d’une opposition », Droit et société,
1995, n° 30-31, p. 349 et s.

341
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

composition pénale comme de plaider coupable, l'intéressé doit reconnaître les faits qui
lui sont reprochés. L'expression même de comparution sur reconnaissance préalable de
culpabilité témoigne de cette idée centrale des nouveaux modes alternatifs aux procès
traditionnels. Le délinquant doit consentir. Dans la procédure de comparution sur
reconnaissance de culpabilité, le consentement de la personne poursuivie emporte aveu
de culpabilité. Il s’agit donc pour la personne mise en cause d’un consentement à la
mesure pénale qui lui est proposée. Selon le Professeur AMBROISE-CASTEROT, le «
droit pénal est fondé sur la faute et l’on ne discute pas de ses péchés avec le pécheur
(…), parce que la société qui renoncerait à sévir contre le crime – et négocier avec le
délinquant l’ouverture ou la poursuite de l’action pénale, c’est accepter de le faire – se
rendrait complice de ce crime ». C’est donc parce que le procès pénal est articulé à la
recherche de la vérité que la phase d’instruction, c’est dire la mise en état des affaires
pénales, reste le principe et la gestion négociée l’exception. Toutefois, l’acte qui
consiste à reconnaître sa culpabilité n’est pas en soi condamnable si l’on admet, dès le
début de la procédure, le principe d’une dissociation de l’aveu de la preuve, l’aveu
librement consenti ne figurant que comme un moyen procédural et non comme la
preuve définitive d’une vérité. La CRPC nous invite par conséquent à renoncer à notre
innocence présumée, à abandonner volontairement les grands principes directeurs du
procès pénal au profit d’un consensus recherché entre la défense et accusation. Le
processus d’abdication volontaire à ses droits conbstitutionnels est consubstantiel à la
32- démarche de plaider coupable. En même temps, l’émergence d’une peine
négociée peut s’analyser comme une protection accrue de la personne mise en cause.
Parce qu’il s’agit essentiellement d’une technique procédurale n’ayant vocation à
s’appliquer que pour des faits librement reconnus par la personne poursuivie, la CRPC
tend à inaugurer un autre rapport entre la défense et l’accusation où l’avocat verra son
rôle évoluer dans sa mission de préservation des droits du prévenu. D’inspiration
libérale, le plaider coupable permet ainsi l’instauration paradoxale d’une discussion
entre les parties même si ce mode de poursuite avait été considéré à l’origine comme le
symbole d’un déséquilibre au sein de la procédure pénale. C’est le principe de liberté
qui, en dernière analyse, reste le moteur de ce mode de poursuite puisqu’il est fondé sur
le consentement de la personne poursuivie à la peine qui lui est proposée.

342
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

246- Aveu en plaider coupable et composition pénale : l’étendue relative des


pouvoirs des parties, publique et privé. Contrairement au système américain, la
personne poursuivie n'a pas un réel pouvoir de tractation. En échange d’aveux, le
parquet va proposer des peines dont la nature et le quantum sont déterminés par la loi.
Autrement dit, puisque la personne poursuivie renonce à proclamer son innocence, le
ministère public a le pouvoir de proposer des peines allégées. Ainsi, selon l'article
495-8 du CPP, une fois cette voie choisie, le procureur doit obtenir les aveux de la
personne poursuivie, en présence de son avocat. C'est la reconnaissance des faits
incriminés qui permet d'asseoir la CRPC. A contrario, si le prévenu refuse de
reconnaître sa culpabilité, il sera obligatoirement renvoyé devant le tribunal
correctionnel.

L’hypothèse s’est présentée dans la célèbre affaire dite « de la gifle ». Le maire


d’une petite commune avait été condamné pour avoir giflé un de ses administrés mineur
dont le comportement laissait, selon ses dires, à désirer. Sur le fond, le procureur de la
République a reproché au maire d’avoir refusé le plaider coupable consistant en une
proposition de peine fixée à 600 euros. Or, la loi interdit de faire état devant le tribunal
d’une procédure de CRPC n’ayant pas abouti. En effet, le parquet ayant fait état de la
proposition de peine, il a nécessairement fait mention d’une pièce de la procédure ou
d’une déclaration des parties, puisqu’il a bien fallu que cette proposition de peine soit
formulée dans le dossier. Renvoyé devant le tribunal correctionnel, le prévenu a été
condamné à une peine de 500 euros d’amende, soit moins que la peine proposée en
CRPC, ce qui revient à reconnaître implicitement que le maire a eu raison de refuser
cette peine. Les motivations du jugement sont éclairantes sur les moyens de défense du
prévenu. Celui-ci a soulevé la légitime défense (art. 122-5 du Code pénal) pour plaider
la relaxe. Voici comment le tribunal écarte cet argument.

“Le prévenu soutient qu’il doit être relaxé des fins de la poursuite car il estime qu’il
était en état de légitime défense. Il fait valoir que son geste, qu’il regrette, a été un
réflexe face à une insulte, il ajoute que sa réaction a été proportionnée à cette
insulte reçue. Au vu des éléments du dossier, il est vraisemblable que l’attitude et les
paroles de Pierre D., qui se trouvait en un lieu non accessible au public, aient pu être
perçues comme provocantes par Maurice BOISART. Cependant, une telle attitude,
voire l’insulte “bâtard” évoquée par le prévenu, ne sont pas de nature à justifier une

343
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

réaction de violence, fût-elle légère, sur le fondement de la légitime défense, en


l’absence de toute tentative de violence physique. Dès lors, il convient d’écarter ce fait
justificatif et de déclarer Maurice BOISART coupable des faits de violence par
personne dépositaire de l’autorité publique (…) »571.

En l’occurence, une analogie avec le droit civil des contrats s'impose. Ce contrat, qui
s’apparente au contrat d'adhésion, doit réserver des garanties, une protection particulière
de l'auteur des faits.

247- Garanties octroyées lors de la procédure de composition pénale. La


présence de l'avocat n'est pas indispensable. Si la personne ayant reconnu les faits le
désire et que sa situation le lui permet, elle peut bénéficier de l'aide juridictionnelle. La
personne ayant reconnu les faits, dispose d'un délai de réflexion de dix jours avant de
donner son accord à la proposition572. Mais ce délai n'est pas obligatoire, et l'individu
qui a reconnu les faits pourra également accepter la proposition immédiatement. Cet
accord est recueilli par procès-verbal contenant toute une série de mentions prévues par
l'article R. 15-33-40 du CPP. Le procureur de la République adresse au président du
tribunal une requête en validation de la composition pénale. Le juge (qui peut être un
juge de proximité, même en matière délictuelle) vérifiera le respect des formes et la
régularité de la procédure. Il s’agit donc pour la personne mise en cause d’un
consentement à la mesure pénale qui lui est proposée. Le dispositif mis en œuvre tend à
rapprocher le système pénal français du modèle accusatoire anglo-saxon car l’idée
d’une négociation entre les justiciables et les juridictions est étrangère aux systèmes de
droit d’inspiration romano-germanique. La composition pénale diffère du processus de
plaider coupable. Contrairement aux critiques, bien souvent fondées qui se sont
exprimées relativement au déséquilibre des parties, le dialogue qui vient s’instaurer en
matière de CRPC entre magistrats du parquet et avocats dans la préparation à la décision
apparaît positif si, en dernière analyse, il permet pour la personne poursuivie d’obtenir
une peine allégée car négociée. Or, cette marge de manœuvre est exclue en composition
pénale. Cette procédure institue une ébauche de contrôle a priori d’opportunité d’une
mesure proposée par une autorité de poursuite agissant ainsi, in fine, comme un filtre

571
TC d’Avesnes Sur Helpes, 17 février 2012. Source: atlantico.fr.
572
CPP, art. R. 15-33-39.

344
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

entre le parquet et le juge homologateur. Un contrôle qui s’exercera davantage a


posteriori lors de la phase de l’audience pénale lorsqu’il s’agira de savoir si, à la suite
du refus d’homologation, il convient d’interjeter appel.

248- Des droits de la défense préservés. Contrairement aux critiques formulées par
les opposants à la CRPC, ce mode de poursuite permet également une implication
accrue de la personne poursuivie au sein du procès pénal. La loi prévoit ainsi que
l’avocat puisse, à tout le moins, jouer un rôle de conseil auprès de la personne faisant
l’objet d’une CRPC, ce qui laisse au prévenu une marge d’appréciation non négligeable
au regard de la ou des propositions de peine formulées par le parquet. En outre, les
droits de la victime sont protégés. Si la victime est identifiée, elle sera informée dans les
meilleurs délais du choix opéré par le procureur de la République d’opter pour le mode
de poursuite de CRPC ; d’autre part, si la victime n’a pas pu exercer l’action civile, elle
sera informée par le ministère public de sa possibilité de faire citer directement la
personne mise en cause devant le tribunal correctionnel. Le magistrat devant alors
rendre une ordonnance d’irrecevabilité. La procédure initiée conduit à une implication
accrue de la personne poursuivie au sein du déroulement du procès pénal. Loin de
démunir le justiciable de ses droits, ce mode de poursuite permet l’intervention de la
personne mise en cause aussi bien lors de sa comparution devant le procureur de la
République que devant le juge homologateur où elle conserve, en dépit de sa
reconnaissance de culpabilité formulée auparavant devant le représentant du parquet le
droit d’interjeter appel de la décision rendue . Ainsi, le rôle imparti au juge chargé de
l’homologation n’est pas, en théorie, réduit à un simple rôle d’homologation. Ce
magistrat conserve une entière latitude pour ne pas suivre la proposition formulée par
son collègue du parquet ni, au surplus, pour homologuer automatiquement ladite
proposition s’il la considère pas assez sévère au regard des faits incriminés ; ce qui
préserve les droits de la défense et, in fine, le principe de présomption d’innocence.

249- Une technique procédurale n’ayant vocation à s’appliquer que pour des
faits librement reconnus par la personne poursuivie. Puisque le principe de liberté
tend à l’emporter progressivement face à l’omnipotence de l’Etat, le justiciable va
recourir davantage à l’accord qu’au contentieux, à la médiation davantage qu’au procès
classique. C’est donc dans ce contexte d’une privatisation du droit face à une norme
jugée trop lointaine ou abstraite que la procédure de reconnaissance préalable de
345
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

culpabilité rend légitime, du même coup, au nom paradoxalement de sa liberté,


l’abandon par la personne poursuivie de ses droits, notamment son innocence présumée.
Le rôle de l’avocat va donc évoluer. La procédure de plaider coupable mise en œuvre
par le législateur en 2004 ne méconnaît pas les droits et garanties dont dispose la
personne mise en cause si l’on admet effectivement que cette technique procédurale n’a
vocation à s’appliquer que pour des faits librement reconnus. La brèche ouverte par le
législateur au mois de mars 2004 risque, à terme, de bouleverser le modèle pénal
français et modifier, du même coup, le rôle de l’avocat. Si l’introduction de la procédure
de plaider coupable a suscité un vif débat entre opposants et thuriféraires de ce mode de
poursuite, c’est surtout en raison de la montée en puissance de l’aveu au sein de cette
justice pénale contractuelle. Toutefois, dans l’hypothèse d’un refus du prévenu de la ou
des peines qui lui seront proposées, l’intéressé pourra échapper à la procédure. Dans ce
cadre, le parquet sera conduit soit, hypothèse défavorable, à recouvrer son pouvoir
d’opportunité des poursuites qu’il tient de l’article 40 du CPP soit, au bénéfice du
prévenu, de décider le classement sans suite. Quoi qu’il en soit, lorsque la règle de droit
est méconnue par les juridictions du fond, la cassation est donc encourue, nonobstant
une reconnaissance antérieure des faits, ce qui toutefois n’a pas d’incidence réelle sur la
caractérisation de l’infraction. Ainsi, la contrepartie escomptée par le prévenu d’une
abdication au principe de présomption d’innocence serait constituée par la quasi-
certitude de s’en tirer avec une peine allégée. Cette mutation vient également
bouleverser notre approche du droit en le soumettant au fait.

250- Un assujetissement du droit au fait. A la faveur du développement de l’aveu


de culpabilité, deux observations peuvent être formulées concernant la relation entre le
droit et le fait. Tout d’abord, la question se pose de savoir si l’activité des auxiliaires de
justices, fussent-ils avocats ou magistrats, est encore, dans le contexte particulier de ce
mode de poursuite, une activité juridique. Autrement dit, si les juristes modernes ne sont
pas condamnés à s’occuper davantage de fait que de droit dans un contexte où la norme
a changé. C’est la nature de la règle à laquelle on va comparer l’acte ou le
comportement qui a muté car elle n’est plus réellement de nature juridique mais relève
soit d’un ordre infrajuridique soit d’une dimension métajurique. En matière de plaider
coupable ce n’est pas tellement l’application du droit qui est en question car le
représentant du ministère public n’a pas le temps nécessaire pour vérifier la réalité de la
reconnaissance préalable de culpabilité effectuée par l’intéressé mais d’autres
346
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

considérations plus pratiques (célérité, rationalité, utilité) qui s’inscrivent en marge de la


règle de droit appplicable. Le droit est par conséquent en déclin car la loi est de plus en
plus politisée. Ensuite, même si le débat relève davantage de la philosophie que du droit
pénal, force est d’admettre qu’une des tendances de nos sociétés modernes consiste à
justifier de plus en plus fréquemment une revendication accrue de droits qui évoluent
d’ailleurs au gré des idéologies. Ainsi, cette évolution tend paradoxalement à faire
perdre aux droits leur universalité au profit d’intérêts particuliers. En définitive, nos
sociétés modernes tendent à donner la primauté au fait sur le droit, c’est-à-dire à un
rapport de forces qui constitue théoriquement le contraire du droit. Comme en témoigne
par exemple la modification partielle du CPP à la suite d’un procès médiatique,
notamment l’affaire d’OUTREAU (juin 2004). C’est précisément dans ce contexte
qu’il faut appréhender la place importante accordée aux diverses revendications
catégorielles en général, aux victimes en particulier. A ce titre, l'attrait particulier qui en
résulte peut conduire à des abus, notamment, par exemple, lors de fausses accusations
d'agressions formulées par des personnes désireuses de s’en attribuer le statut envié lors,
par exemple, de la prétendue agression antisémite alléguée (affaire du RER parisien en
juillet 2004) ou par le recours à des mensonges (dossier OUTREAU). En matière
pénale, l’évolution de ces dernières décennies semble, en effet, se traduire par le poids
accru d’une opinion publique, relayée par les medias, de plus en plus revendicatrice en
termes de droits. Cette orientation conduira à transformer le droit, celui-ci devenant de
plus en plus réactif car il doit satisfaire chaque fois davantage à des exigences parfois
contradictoires, celle de sécurité et celle de protection des libertés individuelles, par
exemple, en l’absence d’un réel consensus. Dans ce contexte, la mise en œuvre de la
technique procédurale de CRPC, en dépit d’efforts louables pour préserver les droits de
la défense, participe de cette tendance à vouloir, par exemple, marginaliser la juridiction
d’instruction, le magistrat instructeur apparaissant bien souvent depuis les années
soixante-dix comme un justicier ce qui conduit corrélativement à un renforcement des
prérogatives du parquet.

251- L’accord de la partie civile dans la sanction infligée en plaider coupable.


L’article 495 -13 du CPP dispose : « lorsque la victime de l’infraction est identifiée, elle
est informée sans délai, par tout moyen, de cette procédure. Elle est invitée à
comparaître en même temps, que l’auteur des faits, accompagnée le cas échéant de son
avocat, devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui pour
347
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

se constituer partie civile et demander réparation de son préjudice » 573. La victime est,
en revanche, invitée à donner son accord concernant la sanction et la mesure ainsi
proposée par le parquet. Aussi, la procédure concerne schématiquement des affaires
dans lesquelles, soit il n’y a pas de victime, soit il existe une victime qui souhaite
demander réparation en application des dispositions de l’article 420-1 CPP mais qui
sollicite toutefois de ne pas comparaître devant la juridiction ; soit, enfin, une victime
pour laquelle le préjudice a déjà été réparé au cours de l’enquête. C’est dire que les
intérêts de la victime ont été largement pris en compte par le législateur qui a entendu
l’associer tout au long de ce mode de poursuite. Il découle des dispositions susvisées
dudit code que la victime de l’infraction est convoquée en même temps que l’auteur des
faits. Aux termes du même article, le procureur de la République doit informer la
victime « de son droit de lui demander de citer l’auteur des faits à une audience du
tribunal correctionnel statuant conformément à l’article 464 CPP pour lui permettre de
se constituer partie civile »574. Le tribunal statuant sur l’action civile pourra de ce chef
ordonner le versement provisoire en tout ou partie de dommages-intérêts ; les juges du
fond ayant un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer le montant de la
réparation due à la partie civile575. L’article 464 précise que ce renvoi est de droit si la
partie civile le demande. Si la CRPC fait ultérieurement suite à une convocation de la
personne poursuivie, la victime est convoquée après son audition ; dans l’hypothèse, en
revanche, d’un déferrement, elle sera informée par les enquêteurs de la même manière
que la personne mise en cause lors de la procédure de comparution immédiate. En
réalité, le représentant du parquet doit veiller, à toutes les phases de la procédure, à ce
que les enquêteurs informent la victime de la procédure initiée. Par suite, le juge de
l’homologation invitera la victime à comparaître devant le juge de l’homologation dans
le cadre de la sauvegarde de ses droits. La partie civile ayant été informée par ailleurs de
son droit de faire appel de l’ordonnance d’homologation et, dans le cas contraire, de sa
faculté de faire citer directement le prévenu à une audience statuant uniquement sur
intérêts civils. Malgré toutes les garanties qui lui sont offertes, la partie civilei considère
parfois que l’absence d’un réel débat devant le juge du siège l’a privée d’un moyen de
faire réellement valoir ses droits, en dépit des précautions qui entourent cette procédure

573
CPP. Art. 495-13, préc.
574
CPP. Art. 464.
575
Cass. crim., du 28 juin 1966 : Bull. crim. n° 177.

348
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

lorsque sont en cause ses intérêts. En toute hypothèse, il restera toujours à la victime le
dernier mot, c’est dire la faculté d’interjeter appel de l’ordonnance d’homologation.

252- L’incidence de l’aveu de culpabilité du côté des victimes. Il ne s’agit pas


d’envisager uniquement l’aveu en relation avec la personne mise en cause mais
également au regard de la réparation due aux victimes. En matière pénale, les victimes
réclament que la vérité soit affirmée dans sa complexité et que leurs droits à la
reconnaissance, à l'accompagnement et à la réparation globale des traumatismes subis
soient effectivement garantis. L’aveu de culpabilité de l’accusé permettra non seulement
une rétribution de l’acte (en principe proportionnée depuis la loi du Talion), mais
également une protection de la société (autour de l’utilité de la sanction tant d’un point
de vue collectif qu’individuel). La victime veut avoir le sentiment qu’elle participe à la
manifestation de la vérité en général et à la réparation des répercussions du crime, en
particulier, dans l’échange, le partage et la réciprocité, dans une posture plus adaptée de
vengeance vindicatoire. La philosophie de la justice restaurative est d’accompagner la
restauration la plus complète possible de tous ceux qui sont atteints par le crime, de
rétablir, pour l’avenir, leurs relations interpersonnelles et sociales. La justice
restaurative576 porte, finalement, la promesse de retrouver, au-delà des ambiguïtés de la
« victime intime », la « victime pensée »577. Il s’agit donc pour la partie civile de donner
du sens à la peine car le procès ne visera pas à restituer toute la réalité ; la vérité sera
amputée. Dans le procès pénal, la vérité est affaire de paroles peu écoutées car entendre
une parole, c'est retenir partiellement ce qui est dit en laissant à notre partie créative le
soin de combler le vide. Selon Denis SALAS578, « la vérité des procès dominés par les
victimes ne prend sens que par leurs attentes de récit (…). L’aveu, dans ce contexte se
rapproche davantage d’une confession publique ayant valeur de premier pas dans une
démarche critique à l’égard de soi-même »579. C’est une certaine transparence à l’égard

576
Lode WALGRAVE, « La justice restauratrice et les victimes », Journal International de Victimologie,
n° 4, 2009 ; Howard ZEHR, « Restorative justice » : when Justice and Healing Go Togheter », Track
Two, 6, 1997 ; Marshall ROSENBERG, « Dénouer les conflits par la communication non violente »,
Bernex (Suisse), Ed ; Jouvence, 2006, p. 42 ; Pascale SANTI, « Le langage du cœur », arme anti-
conflits », article publié le 13 décembre 2009, in Le Monde.
577
Daniel ZAGURY, « La justice est-elle thérapeutique ? », in Justice, 2006 - 188, p. 30-33 ; Robert
BADINTER, « Ne pas confondre justice et thérapie », in Le Monde 9-10 sept 2007, p. 13.
578
Denis SALAS, « L’inquiétant avènement de la victime », Scienceshumaines.com, 2007.
579
Ibid p. 3.

349
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

des victimes qui permettra d’instaurer : « une justice relationnelle » pouvant satisfaire
une pluralité des récits580.

En réalité, certaines victimes souhaitent non pas que l'auteur fournisse des
explications, mais qu'il présente des excuses : c'est une façon, sans doute, de redonner à
la victime sa vérité. Si l'auteur fait acte de contrition, il reconnaît la thèse de la victime,
par conséquent sa souffrance. Seuls les aveux effectués par le coupable, non aux
autorités policières et judiciaires mais à sa victime, ont une vertu apaisante. Ils
permettent la rencontre de la vérité de celui qui a commis l'acte avec la vérité de celui
qui l'a subi581. Dès lors, réparer c'est d'abord nommer l'acte - le crime ou le délit. Pour la
victime, dire sa souffrance et entendre dire ses représentations reste essentiel. C'est la
condition pour briser la violence qui reste enfermée dans le corps et le coeur de la
victime. En effet, la justice est le lieu d'exigibilité de la parole, le lieu du retour au
monde du dicible après la violence destructrice des catégories du langage et rendre ces
catégories symboliques à nouveau disponibles pour la victime est sa première
mission582.

Au-delà de l’aveu de culpabilité, la question se pose donc de savoir si la


condamnation de l’auteur des faits est réellement l’objectif poursuivi par la victime.
L’aveu ne rendra pourtant ni l’enfant assassiné à sa mère ni n’atténuera sa peine. Mais
peut-on réellement pardonner l’impardonnable ? Le doit-on ? Et dans l’affirmative, au
nom de quel principe supérieur devrait-on sacrifier sa souffrance ? Le pardon réclamé
par l’accusé ou par l’institution suppose du côté de la victime, en même temps, un
consentement tragique à l’irréversible donc, in fine, à l’abandon du cycle de la
rétribution pénale. Il met fin à ce rapport de créance et de dette qui réunit la victime et
son agresseur. La justice table en réalité sur une épreuve transformatrice pour la victime
qui devra désormais vivre avec le manque. Elle ne renvoie pas à un quelconque deuil,
par définition insuffisant pour la partie civile, mais suppose davantage l’intervention
d’un système d'équivalences symboliques et non la réparation de l'intégrité perdue car
rien ne viendra, en réalité, remplacer la tristesse d’une famille. La victime est seule face

580
Ibid p. 4.
581
Xavier PIN, « La privatisation du procès pénal », RSC 2002 p. 245.
582
Denis SALAS, « La trace et la dette. Les victimes. (1). A propos de la réparation », RSC 1996 p. 619.

350
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

à la liberté tragique pour elle de renoncer à être la victime et briser ce rapport de


créance et de dette pour entrer dans une mémoire.

583
SECTION QUATRIEME – AVEU PENAL ET TRANSFORMATION DU RôLE DES TIERS

253- L’office du juge en question. C’est également le rôle assigné au juge qui se
voit du même coup bouleversé puisque son office est limité à l’authentification d’une
procédure à laquelle il n’aura pas réellement participé puisqu’elle est, pour l’essentiel,
de la compétence du procureur de la République. C’est dire à quel point non seulement
l’aveu vient transformer de façon verticale la relation entre le prévenu et le représentant
du parquet mais également, de manière horizontale, le lien entre magistrat du siège et
ceux du ministère public, en confiant, en fait, la décision à un organe de poursuite
puisque dans la quasi-totalité des cas la peine est acceptée par l’intéressé puis
homologuée par le juge, même si, en droit, le président du tribunal n’est pas dénué de
pouvoirs pour faire avorter la procédure car, en définitive, il a le dernier mot. C’est donc
le rôle des « tiers », notamment celui dévolu à l’avocat, qui permet, contre toute attente,
ce rapprochement entre les divers acteurs au procès. Non seulement l’émergence de
l’aveu bouleverse la mission classique de l’avocat qui se voit attribuer davantage un rôle
de conseil que de plaideur devant le juge pénal (§1) mais c’est également l’office du
juge qui doit être repensé (§2).

§1 - L’avocat en CRPC : une simple mission de conseil

254- Un mode d’intervention décentré. Le principe d’une reconnaissance


préalable de culpabilité aboutit à déplacer le périmètre d’intervention de l’avocat
pénaliste car sa mission s’inscrit désormais en marge de ce qui constituait l’essence de
sa profession : la défense pénale par la plaidoirie. Cette dynamique tend à rapprocher
également l’avocat du parquet, alors que sa profession est essentiellement d’exercice
libéral, ce qui lui permetta toutefois de lui faire gagner en efficacité ce qu’il perdra en
étendue de sa mission. Le renoncement au bénéfice d’une innocence présumée souvent
jugée plus théorique que réelle, fût-elle constitutionnellement protégée, ne conduit pas
en réalité à priver le prévenu de tous moyens de défense, mais instaure bien au contraire

583
Le terme juridique de tiers est employé ici par rapport aux parties au procès.

351
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

un autre type de rapport à l’institution judiciaire fondé moins sur une quête parfois
illusoire de vérité que sur la recherche de l’efficacité. La pratique confirme la réalité
d’un dialogue entre l’avocat et le représentant du ministère public, qui peut conduire
parfois le procureur de la République à modifier la proposition initialement envisagée à
la lumière de la personnalité de l’auteur des faits ou des circonstances de l’infraction. La
procédure de plaider coupable bouleverse ainsi le rôle de l’avocat en modifiant les
modalités de son intervention. Si l’assistance du prévenu se cantonne davantage à le
conseiller sur l’opportunité ou non de donner suite à la demande du parquet,
l’intervention de l’avocat risque d’être le simple reflet d’une stratégie préalable mise en
œuvre en relation avec la personne mise en cause pour obtenir une peine allégée. Il
s’agira par conséquent d’une peine négociée davantage avec l’intéressé qu’avec le
parquet dont les textes prévoient d’ailleurs que toute discussion sur la peine soit exclue.

255- Vers une conjonction relative d’intérêts entre le parquet et la défense ? Au


nom de la célérité recherchée de la justice répressive donc d’un objectif d’efficacité,
l’avocat va devoir intégrer davantage la stratégie dans le cadre de l’assistance de la
personne poursuivie. A telle enseigne que l’intervention de l’avocat risque de ne refléter
que la tactique mise en œuvre par le prévenu voire celle de l’avocat avec l’accusation.
En France, cette métamorphose du rôle assigné à l’avocat, davantage orienté vers le
simple conseil que fondé sur la plaidoirie, va rapprocher le système pénal continental du
modèle accusatoire anglo-saxon car il est possible que les mutations induites viennent
renforcer le primat de l’initiative individuelle dans l’administration de la preuve.
L’efficacité du système dépendra de la place qui sera conférée aux parties, donc de
savoir si si ces dernières disposent de ressources équivalentes afin qu’aucun
déséquilibre flagrant ne puisse survenir entre la défense et l’accusation.

256- Une évolution paradoxale : aveu pénal et dialogue entre les parties.
Curieusement, l’aveu n’est plus le signe évident d’une impuissance du justiciable face à
l’autorité tutélaire du juge mais la marque d’un rééquilibrage des pouvoirs. Non
seulement en CRPC la personne mise en cause n’est plus totalement passive lors de sa
comparution (A) mais elle dispose également de la faculté d’interjeter appel à titre
principal contre la décision prononcée (B), ce qui témoigne de garanties suffisamment
protectrices de ses droits.

352
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

A. L’intervention de l’avocat lors de la comparution du prévenu devant le juge du


siège

257- Un délai de réflexion de dix jours accordé au mis en cause. Aux termes de
l’article 495 -8 du CPP: « Le procureur de la République peut proposer à la personne
d’exécuter une ou plusieurs des peines principales ou complémentaires encourues (…).
Celle-ci est avisée par le procureur de la République qu’elle peut demander à disposer
d’un délai de dix jours avant de faire connaître si elle accepte ou si elle refuse la ou les
peines proposées »584. La personne mise en cause dispose donc après avoir consulté son
avocat de trois possibilités : accepter ce délai de réflexion proposé par le parquet, ou
refuser la proposition.

A ce propos, le grief principal qui avait été soulevé par les auteurs de la saisine du
Conseil constitutionnel585 relativement au délai de réflexion prévu par le législateur
avait consisté à souligner que cette option n’était pas entourée de toutes les garanties en
amont au regard du principe de présomption d’innocence dont bénéficie tout prévenu.
L’argument d’un délai possible de réflexion sur un plan théorique se heurtait, en
pratique, à une menace de mesure coercitive du parquet, celle d’un placement en
détention provisoire pour des délits mineurs pour lesquels la peine encourue ne peut
excéder cinq ans. Cette hypothèse découle de l’article 495 -10 CPP qui renvoie aux
articles 395 et 396 dudit code. Toutefois, à l’épreuve des faits, rares sont les personnes
poursuivies à faire l’objet d’une mesure coercitive de présentation devant le juge des
libertés et de la détention en vue d’une détention provisoire, incarcération qui revêt un
caractère exceptionnel586, et ce en dépit de leur souhait de solliciter un délai de
réflexion. Ce délai587 peut être porté à vingt jours (article 495-10 CPP) dans l’hypothèse
où la personne poursuivie serait placée sous contrôle judiciaire ou en détention
provisoire. En l’occurrence, le placement sous contrôle judiciaire peut donc être requis
et, le cas échéant, ordonné conformément aux dispositions de l’article 394 CPP en
matière de comparution sur procès-verbal. Il est à noter que les réquisitions de mandat
de dépôt restent très rares en matière de CRPC, cette décision, notamment lors d’une

584
CPP, art. 495-8, préc.
585
Conseil constitutionnel, décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004.
586
Ibid.
587
Un délai existe également en matière de composition pénale (article 41-2 CPP).

353
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

comparution immédiate suite à un déferrement, requérant que le maximum de la peine


d’emprisonnement encourue soit au moins égal à deux ans, soit, s’il s’agit d’un délit
flagrant, à six mois. Le prévenu et son avocat, au visa des articles 394, 395 et 396 du
CPP, pourront faire valoir leurs arguments devant le juge des libertés et de la détention.
De plus, le droit de la personne de demander un délai de dix jours avant de connaître sa
décision doit lui permettre par ailleurs, en concertation avec son avocat, de s’informer
suffisamment sur les peines susceptibles d’être effectivement prononcées par le tribunal
en cas de refus de la procédure initiée. Enfin, dans l’hypothèse où à l’issue du délai de
reflexion, le prévenu et son avocat n’auraient pas accepter la proposition du parquet, ni
le procureur de la République ni la défense ne pourront faire état des éléments de la
procédure de proposition devant le tribunal correctionnel ou le juge d’instruction
postérieurement saisis des poursuites (article 495-14).

258- La présence obligatoire de l’avocat comme garantie des droits de la


défense. Les déclarations de l’intéressé et l’offre du magistrat donnent lieu à
l’établissement d’un procès-verbal à peine de nullité de la procédure. Sur le plan
procédural, le parquet doit donc recueillir les déclarations par lesquelles la personne
poursuivie reconnaît les faits et formuler sa proposition en présence de son conseil, le
prévenu ne pouvant renoncer « à son droit d’être assisté par un avocat »588. Si le
prévenu accepte la ou les peines proposées, le procureur de la République doit alors
saisir le président du tribunal ou le juge par lui désigné aux fins d’homologation. Il est à
noter, que le recueil des déclarations de l’intéressé et l’offre du magistrat donnent lieu à
l’établissement d’un procès-verbal en application des dispositions de l’article 495-14
dudit code, et ce à peine de nullité de la procédure. Or, cette éventualité d’un rejet
immédiat de la proposition par la personne poursuivie signe l’échec de la procédure
envisagée par le parquet. En application par ailleurs des dispositions prévues à l’article
494 -14 CPP, la loi prévoit que dans ce cas de figure : « (…) le procès-verbal ne peut
être transmis à la juridiction d’instruction ou de jugement, et ni le ministère public ni les
parties ne peuvent faire état devant cette juridiction des déclarations faites ou des
documents remis au cours de la procédure »589. Cette disposition a été introduite par le
législateur qui a considéré que des aveux n’étaient pas forcément sincères lorsqu’ils

588
CPP, Art. 495-8, al. 4.
589
CPP, Art. 494-14, al. 2.

354
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

étaient passés par la personne poursuivie au début de la procédure judiciaire, ces


derniers pouvant constituer un moyen efficace d’en finir rapidement et d’obtenir, sans
doute, une peine allégée. L’objectif de la double interdiction prévue à l’article 494 -14
alinéa 12 précité consiste à éviter que les déclarations faites par la personne poursuivie
ne puissent porter atteinte au libre exercice de sa défense, donc lui porte préjudice
devant le tribunal correctionnel. Loin de porter atteinte au principe de présomption
d’innocence, les dispositions précitées permettent, en théorie, de préserver les droits de
la défense, contrairement aux affirmations tendant à accréditer la thèse d’un rôle
exclusivement passif de l’avocat et du juge de l’homologation590. Compte tenu de la
spécificité du plaider coupable qui répond à un urgent besoin de traitement accéléré
des affaires pénales et du caractère relativement discret de sa mise en œuvre, rien ne
s’oppose à ce que le mis en cause en vienne à solliciter plus fréquemment la conversion
de citations directes ou de convocations déjà délivrées en comparution sur
reconnaissance de culpabilité, et ce en concertation avec son avocat. A supposer admise
ladite substitution par le procureur de la République, le prévenu pourrait même tirer un
avantage d’un tel changement procédural en espérant, par son aveu, obtenir une peine
plus légère. La stratégie de l’auteur des faits consistant à rechercher une plus grande
clémence de la juridiction de jugement précisément par sa reconnaissance des faits.
Surtout, l’ordonnance d’homologation peut faire l’objet d’un appel principal de la part
de l’intéressé.

259- Une proposition soumise au principe de personnalisation des peines.


L’article 495-14 susvisé doit être mis en relation avec les dispositions prévues à
l’article 132-24, alinéa 1er du code pénal concernant le principe de personnalisation des
peines. Aux termes, en effet, de l’article précité : « Dans les limites fixées par la loi, la
juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de
l’infraction et de la personnalité de son auteur. Lorsque la juridiction prononce une
peine d’amende, elle détermine son montant en tenant compte également des ressources
et des charges de l’auteur de l’infraction »591. En l’espèce, la procédure de CRPC
semble garantir les droits de la défense du prévenu car, d’une part, les pouvoirs dévolus

590
J-P. LEVY et P. MAISONNEUVE pour lesquels : « l’avocat a donc la charge de faire accepter par le
client et le juge du siège la proposition du parquet », Journal Libération, 12 octobre 2004.
591
CP. art.132-24, préc.

355
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

au ministère public restent encadrés ; d’autre part, la personne poursuivie est invitée à
accepter ou refuser en présence de son avocat .

260- Vers une « CRPC à la carte » ? Si le procureur de la République propose à la


personne mise en cause une peine d’emprisonnement, la durée de celle-ci ne peut
excéder un an ni la moitié de la peine encourue. Le sursis partiel ou total peut, en outre,
être prononcé ; au surplus, le législateur a prévu que le représentant du ministère public,
puisse, en application des dispositions de l’article 712-6 CPP, proposer que la peine
fasse l’objet de mesures d’individualisation (placement à l’extérieur, semi-liberté,
placement sous surveillance électronique). Toutefois, cet article a été modifié par
l’article 74 de la loi pénitentiaire592 du 24 novembre 2009 qui permet au juge de
l’application des peines de renvoyer au tribunal de l’application des peines les dossiers
complexes, comme peut le faire le juge unique en matière correctionnelle. En théorie, la
circulaire précitée du 2 septembre 2004 prescrit qu’aucune négociation entre le parquet
et la défense ne puisse intervenir, car le représentant du parquet n’est pas invité à tenir
compte des observations éventuelles de l’avocat. Force est pourtant d’admettre que,
d’un barreau à un autre, la marge d’appréciation laissée au procureur de la République
diffère considérablement lors de la proposition de peine. En cas d’acceptation de la
peine proposée, les difficultés pour en obtenir l’homologation devant le juge du siège
sont accrues devant certaines juridictions alors qu’elles ne revêtent que le caractère
d’une simple formalité devant un autre tribunal de grande instance. Par exemple, lors de
la phase de la comparution de l’intéressé devant le procureur de la République, la marge
de manœuvre de l’avocat est réelle devant le tribunal de grande instance d’AIX-EN-
PROVENCE ; elle est, en revanche, quasi nulle devant le représentant du parquet du
tribunal de grande instance de MARSEILLE593. Lors de la proposition de peine,
l’avocat pourra, par exemple, pour un délit de conduite sous l’empire d’un état
alcoolique, obtenir du substitut du procureur d’AIX-EN-PROVENCE une peine de

592
Loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 modifiant le code pénal et le CPP.
593
Cet exemple comparé dans la réponse pénale effectuée entre le Tribunal de grande instance d’Aix-en-
Provence et celui de Marseille est tiré de mon expérience professionnelle. Il va de soi que ce sont les
hommes qui font les institutions. En effet, cette différence entre ces deux juridictions pourrait s’estomper
en cas de changement de direction du parquet. En d’autres termes, cet exemple est relatif à mon
expérience professionnelle au moment de la rédaction de cette thèse de doctorat. La sévérité accrue du
parquet de Marseille comparée à celui d’Aix-en-provence traduit non seulement le contexte local, puisque
la cité phocéenne est plus criminogène que celle du roi René, maisest encore autorisée par les textes
relatifs à la CRPC.

356
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

prison avec sursis ainsi qu’une amende dont le montant sera également négocié en
fonction des ressources de l’auteur des faits. En outre, la proposition de peine sera
davantage liée à la personnalité du prévenu, ses antécédents judiciaires, sa situation
professionnelle que le reflet d’une interprétation stricte de la loi pénale pour l’infliction
d’une sanction. Il semblerait donc que l’interprétation donnée à la loi par le TGI d’AIX-
EN-PROVENCE soit téléologique pendant que celle qui prévaut à MARSEILLE serait
plus littérale. En dépit de la gravité de l’infraction, le procureur de la République de la
cité aixoise proposera une peine après avoir discuté avec l’avocat, et la peine soumise à
l’homologation du juge du siège tiendra compte des observations formulées. En
revanche, pour des faits le plus souvent identiques, le parquet phocéen sollicitera, outre
les condamnations susdites, le retrait supplémentaire du permis de conduire pour un
délai supplémentaire de six mois, ce qui, à l’évidence, compromettra lourdement
l’avenir professionnel de l’intéressé. De surcroît, une personne en état de récidive se
présentant devant le représentant du parquet d’AIX-EN-PROVENCE ne se verra pas
proposer une peine plus sévère que celle proposée par son homologue marseillais à un
primodélinquant. La marge de discussion donc de manœuvre de l’avocat devant le
représentant du parquet du tribunal de MARSEILLE est totalement nulle, cette
juridiction faisant en tous points une application stricte de la circulaire sus rappelée
selon laquelle le magistrat du parquet ne doit pas tenir compte des observations
éventuelles du conseil de la personne poursuivie. Force est d’admettre qu’un traitement
fort différencié est donc à l’œuvre d’un tribunal à un autre.

Dans le même sens, si des peines d’emprisonnement ferme sont proposées par le
parquet dans certaines juridictions, d’autres, notamment celui de TOULOUSE, se refuse
à les proposer.

Il existe également une différence lors de l’audience d’homologation. Compte tenu


de la marge de manœuvre pouvant également exister d’un tribunal à un autre lors de la
phase d’homologation, la question se pose de savoir si cette audience devant le juge du
siège ne revêt que le caractère d’une formalité, comme par exemple à AIX-EN-
PROVENCE, ou si cette procédure d’homologation reste, en dépit de la technique de
CRPC, totalement indépendante de la proposition formulée par le procureur de la
République. D’un côté, le magistrat du siège ne fait qu’homologuer, c’est-à-dire se
cantonne à vérifier les déclarations du prévenu pour entériner le plus souvent la requête
357
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

en homologation du parquet, donc celle acceptée préalablement par la personne


poursuivie. Dans ce cas de figure, l’avocat de la défense ne formule donc aucunes
observations car elles s’avèrent inutiles compte tenu de l’homologation systématique de
la peine proposée ; l’avocat ne faisant qu’assister la personne poursuivie devant le juge
du siège. Et le magistrat du siège, parce qu’il homologue systématiquement, ne
demandera même pas à l’avocat s’il a des observations à formuler, la réponse négative
de l’avocat étant elle aussi présumée. De sorte que le prévenu connaîtra lors de sa
comparution préalable devant le procureur de la République d’AIX-EN-PROVENCE, le
sort définitif qui lui sera réservé. La mise en œuvre de la procédure de CRPC au sein de
cette juridiction tranche singulièrement avec les modalités d’application devant d’autres
tribunaux. Devant, par exemple, le tribunal correctionnel de MARSEILLE, l’avocat
devra bien souvent, en dépit de l’aveu préalable de culpabilité du prévenu, plaider pour
en obtenir l’homologation. L’audience d’homologation, loin de constituer une simple
formalité, apparaît indépendante de la proposition du parquet. Il existe par conséquent
une sévérité accrue d’une juridiction à une autre où, a priori, les marges de manœuvre
pour l’avocat diffèrent et sont surtout susceptibles d’entraîner pour la pesonne
poursuivie pour des infractions identiques des peines plus sévères. Une CRPC « à la
carte » risque donc de s’esquisser progressivement selon les juridictions au sein
desquelles les peines infligées dépendront davantage de la « jurisprudence du tribunal »
que d’une application stricte de la loi dans certains cas ; ou tout simplement de la mise
en oeuvre des dispositions sus rappelées dans d’autres hypothèses, sans que le
justiciable puisse s’y reconnaître car, pour des faits similaires, le justiciable convoqué
devant un autre TGI verra sa peine allégée et les droits de la défense davantage
respectés.

261- L’aveu de culpabilité face aux droits de la défense. Aux termes de


l’article 495 -8, alinéa 4 du CPP: « (…), les déclarations par lesquelles la personne
reconnaît les faits qui lui sont reprochés sont recueillies, et la proposition de peine est
faite par le procureur de la République, en présence de l’avocat de l’intéressé choisi par
lui ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier de l’ordre des avocats (…) La personne
ne peut renoncer à son droit d’être assistée par un avocat. L’avocat doit pouvoir

358
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

consulter sur-le-champ le dossier »594. Cette disposition apparaît respectueuse des droits
de la défense et des intérêts de l’auteur des faits : il prévoit obligatoirement l’assistance
d’un avocat, ce qui, en matière correctionnelle, est rare voire le seul cas où notre droit
pose une telle règle. Le principe de présomption d’innocence est préservé nonobstant la
reconnaissance de culpabilité. Il est souligné aux considérants 110 et 111 de la décision
du Conseil constitutionnel du 2 mars 2004 que « s’il découle de l’article 9 de la
Déclaration de 1789 que nul n’est tenu de s’accuser, ni cette disposition, ni aucune autre
de la Constitution n’interdit à une personne de reconnaître librement sa culpabilité »595.
La loi prévoit donc que l’avocat puisse jouer un rôle de conseil auprès de la personne
faisant l’objet d’une CRPC, ce qui laisse au prévenu une marge d’appréciation non
négligeable au regard de la ou des propositions de peine formulées par le parquet.
Comme le prévoit la circulaire sus rappelée du 2 septembre 2004 si toute négociation
entre le parquet et la défense relative à la peine est exclue, le parquet étant : « (…)
totalement libre de choisir la ou les peines qu’il entend proposer » 596, a contrario, le
prévenu est également libre d’accepter la peine soumise à son examen. Deux hypothèses
pourraient conduire le représentant du ministère public à ne pas mettre en mouvement
l’action publique. En cas, tout d’abord, d’irrégularité de l’enquête dont le parquet
reconnaîtrait l’existence ; ensuite, dans l’hypothèse où ce refus résulterait de la
constatation que le prévenu n’est pas l’auteur de l’infraction. Mais surtout la personne
mise en cause a la faculté de refuser la ou les peines qui lui sont proposées, cette liberté
accordée, en dernière instance, au prévenu apportant un tempérament aux prérogatives
renforcées dont peut disposer le procureur de la République dans la mise en œuvre de
cette voie procédurale.

B) La possibilité de relever appel à titre principal pour le condamné et son


avocat597

262- L’article 495 -11 alinéa 3 CPP. Aux termes de cette disposition, la personne
condamnée peut, dans tous les cas, interjeter appel. De son côté, le ministère public
pourra relever appel à titre incident dans un délai de quinze jours à compter de

594
CPP, Art. 495-8, préc.
595
Décision n° 2004-92 DC du 2 mars 2004, préc.
596
Circulaire CRIM 04-12 E8 du 2 septembre 2004, préc.
597
CPP, Art. 495-11.

359
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

l’ordonnance, en application des dispositions contenues à l’article 500 CPP. En matière


de CRPC, le procureur de la République n'a donc qu'un droit d'appel incident. La Cour
de cassation reconnaît l'autonomie et la spécificité de la procédure de CRPC en
affirmant que le ministère public, conformément à l'article 495-11 du CPP, ne dispose
pas du droit de relever appel à titre principal d'une ordonnance d'homologation des
peines proposées à un prévenu598. Le procureur de la République, qui est à l'origine de
la procédure, qui est partie à l'accord d'homologation et qui en fixe les modalités, ne
peut contester une décision dont « la substance répressive a tout entière été déterminée
par lui 599». L'application de cette règle n'est cependant pas sans soulever quelques
difficultés lorsque la proposition du ministère public sort des limites fixées par la loi et
que le contrôle judiciaire se révèle impuissant à la corriger. Dans un arrêt du
21 novembre 2007, la cour d'appel de TOULOUSE a d'ailleurs fort opportunément
décidé de s'en affranchir dans une espèce où la procédure du plaider coupable avait été
mise en œuvre pour un délit n'entrant pas dans son champ d'application600. Il est
possible de soutenir que l'interdiction faite au parquet d'interjeter appel à titre principal
ne porte que sur les termes de l'ordonnance d'homologation. En ce sens, un auteur
soutient que « la ratio legis de l'article 495-11 du CPP paraît fondamentalement
exprimer l'interdiction faite au ministère public de disposer à sa guise de la substance
homologuée, et uniquement d'elle» 601. Le procureur général se réserve également le
droit de saisir la cour d’appel à titre incident dans un délai de deux mois et non à titre
principal comme le prévoyait le projet initial. A défaut, l’ordonnance d’homologation
acquiert les effets d’une décision revêtue de la force de la chose jugée.

Au visa de l’article 498 CPP, le délai d’appel dont dispose le condamné est de dix
jours et court à compter du jour où l’ordonnance, immédiatement notifiée à la personne,
a été rendue. Il est formé de surcroît au greffe de la juridiction ce qui n’exclut pas, qu’au
visa de l’article 503 du code précité, la personne détenue puisse relever appel auprès du
chef de l’établissement pénitentiaire. La faculté ouverte au condamné d’exercer cette
voie de recours à titre principal de la décision d’homologation apparaît, de prime abord,
pour le moins paradoxale dès lors que la condamnation avait donné lieu à un accord

598
Cass. crim., du 10 novembre 2010, n° 10-82.097.
599
Pierre-Jérôme DELAGE, note ss. Toulouse, 21 novembre 2007, Dr. pénal 2008, étude 23.
600
Toulouse, 21 novembre 2007, note préc.
601
Pierre-Jérôme DELAGE, ibid.

360
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

préalable de l’intéressé en présence, de surcroît, de son avocat. Si une telle possibilité


peut heurter la logique, l’appel apparaît néanmoins protecteur des droits de la défense au
moins pour trois raisons : la première par la volonté de donner à la personne un ultime
droit de rétractation ; par ailleurs, par le souci de respecter l’article préliminaire du CPP
introduit par la loi du 15 juin 2000602 ; enfin, par l’impossibilité faite à la cour de
prononcer en appel une peine plus sévère que celle homologuée en premier ressort.

263- Le souhait du législateur de donner à la personne un ultime droit de


rétractation. Parce que l’aveu, comme tout moyen de preuve, est par nature fragile, la
garantie des droits de la défense suppose comme condition de sa validité juridique que
le prévenu puisse y avoir recours en pleine connaissance de cause. Pour conférer une
force probante à cette reconnaissance de culpabilité, encore faut-il que la personne
poursuivie soit accessible à une sanction pénale. Compte tenu de la spécificité de la
procédure de CRPC qui repose notamment sur des impératifs de célérité excluant, par
définition, que soient ordonnées des expertises psychiatriques, il s’avère utile à la
manifestation de la vérité que ce mode de preuve ne soit pas appréhendé comme une
manifestation de volonté définitive ou irréversible pour la personne mise en cause.
Quelle serait en effet la valeur d’un aveu arraché à une personne dépressive ou
déficiente mentale aujourd’hui compte tenu des importantes avancées en matière de
preuves scientifiques ? C’est la raison pour laquelle le législateur est intervenu pour
prévoir en application de l’article 498 CPP que « (…) l’appel est interjeté dans un délai
de dix jours à compter du prononcé du jugement contradictoire »603. Cette disposition
ouvrant droit pour le condamné à un ultime droit de rétractation devant la chambre des
appels correctionnels.

264- Respect du principe de présomption d’innocence et article préliminaire du


CPP découlant de la loi du 15 juin 2000. Selon les termes de l’article préliminaire du
CPP inséré par la loi du 15 juin 2000 : « Toute personne suspectée ou poursuivie est
présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa
présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions
prévues par la loi. Elle a le droit d'être informée des charges retenues contre elle et d'être

602
Article préliminaire inséré par la loi nº 2000-516 du 15 juin 2000, Art. 1, JO. du 16 juin 2000.
603
Ibid.

361
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

assistée d'un défenseur. Les mesures de contraintes dont cette personne peut faire l'objet
sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent
être limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l'infraction
reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne. Il doit être définitivement
statué sur les faits qui lui sont reprochés dans un délai raisonnable. Toute personne
condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction »604. Il
découle en outre de l’article 9 de la Déclaration de 1789 que le prévenu doit pouvoir
bénéficier d’une procédure équilibrée pour pallier toute reconnaissance de culpabilité
trop étendue et donc une sanction excessive. L’appel possible du prévenu de la décision
d’homologation, en dépit de l’accord que ce dernier avait préalablement consenti dans
le bureau du procureur de la République, apparaît comme protecteur des droits de la
défense, l’aveu de la personne mise en cause ayant pu être consenti pour des raisons
autres que celles ayant motivé une sincère et réelle reconnaissance de culpabilité. Selon
l’article 428 CPP, l’aveu, comme tout élément de preuve, doit être laissé à
l’appréciation des juges605 ; car l’aveu ne correspond pas nécessairement à la vérité. De
surcroît, ce mode de preuve qui, en théorie, témoigne de la libre volonté du prévenu est
fragile en raison du risque toujours réel, au-delà même de cet aveu, de l’erreur judiciaire
et des conséquences souvent dramatiques qui y sont attachées.

265- Le rôle imparti à la cour par l’article 520-1 du CPP. Aux termes de l’article
520 -1 précité : « En cas d’appel d’une ordonnance rendue en application de l’article
495 -11, la cour évoque l’affaire et statue sur le fond sans pouvoir prononcer une peine
plus sévère que celle homologuée par le président du tribunal ou le juge délégué par lui,
sauf s’il y a appel formé par le ministère public»606. La chambre des appels
correctionnels statue dans les mêmes conditions que celles existant lorsqu’un prévenu a
interjeté appel d’une condamnation prononcée par le tribunal correctionnel, et que la
cour a annulé ce jugement et évoqué l’affaire. Toutefois, elle ne peut ni confirmer ni
infirmer l’ordonnance d’homologation qui ne s’assimile pas, sur le plan juridique, à un
réel jugement, même si cette décision en a tous les effets. La cour va donc évoquer
l’affaire et statuer sur le fond sans pouvoir néanmoins prononcer une peine plus lourde

604
CPP, Art. Préliminaire préc.
605
CPP, Art. 428, préc.
606
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, art. 137-II, entrée en vigueur le 1er octobre 2004, préc.

362
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

qu’en premier ressort. Même si, conformément aux prescriptions de la circulaire


précitée du 2 septembre 2004, « rien n’interdit à la cour, au cours des débats et dans les
motifs de son arrêt, de faire référence au contenu de l’ordonnance d’homologation et
d’en tenir compte pour prendre sa décision »607, cette disposition apparaît suffisamment
protectrice et respectueuse des droits de la défense puisque, d’une part, le prévenu se
voit accorder le droit d’interjeter appel d’une décision dont il avait, au préalable,
accepté les termes par son aveu de culpabilité ; d’autre part la cour, par son pouvoir
d’évocation, va s’emparer de l’intégralité de l’affaire, et donc l’examiner sur le fond,
pour la deuxième fois. La faculté ainsi ouverte à la personne poursuivie de relever
appel, dans ces conditions, de l’ordonnance d’homologation vient renforcer le principe
de présomption d’innocence dont elle bénéficie. Cette possibilité d’appel vide quelque
peu de leur sens les critiques qui s’étaient manifestées lors de la mise en œuvre du
plaider coupable selon lesquelles il s’agirait d’une justice davantage encline à sacrifier
sur l’autel de la quantité des affaires à traiter la qualité d’un procès équitable. Ce qui
aurait consacré au surplus une garantie prétorienne de célérité voire un moyen de gérer
les flux policiers au détriment de l’élaboration d’une réelle vérité judiciaire, plus
protectrice des droits de la défense608. La possibilité de former appel de l’ordonnance
d’homologation permettra donc également à l’avocat d’examiner pour la deuxième fois
devant la cour la réalité et la régularité des éléments probants opposés à la personne
mise en cause. Au visa, par ailleurs, de l’article 505 CPP l’appel dont dispose le
procureur général ne présente un intérêt pratique qu’autant que le procureur de la
République aura renoncé, en premier ressort, à son appel incident. C’est dire que
l’auteur des faits n’est pas, loin s’en faut, démuni des garanties procédurales affectant le
procès pénal puisque l’appel du magistrat du parquet est conditionné par l’appel
principal dont bénéficie le condamné, ce qui tend à rééquilibrer une procédure qui, en
amont, par l’aveu de l’intéressé apparaissait déséquilibrée. D’une certaine manière,
l’avocat devra effectuer devant le représentant du parquet un contrôle a priori de la
sanction pour apprécier si elle est juste puis, à l’audience pénale, le contrôle s’effectuera
a posteriori, pour décider s’il est ou non opportun de relever appel. Même si la décision

607
Art. 3.1.2.2. de la circulaire, préc.
608
Le plaider coupable, selon ses nombreux détracteurs, reléguant au second plan le principe fondamental
de recherche de la vérité. Plus généralement, l’aveu de culpabilité sollicité devant toutes les juridictions
pénales aboutirait ainsi « (…) à ce que la justice puisse être rendue sur la base d’un mensonge », in
Xavier PIN, Le consentement en matière pénale, LGDJ, Paris, 2002, p. 594-595.

363
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

d’homologation du président revêt un caractère exécutoire, il s’agit par conséquent d’un


appel qui confère au prévenu un ultime droit de rétractation et permet, du même coup, à
charge d’appel, au juge pénal d’exercer pleinement son office, dans la plénitude de son
indépendance. En fait, si le principe de présomption d’innocence revêt un caractère
constitutionnel en matière pénale, il semblerait que cet idéal dont bénéficie, en théorie,
toute personne mise en cause devant les juridictions répressives soit quelque peu altéré
dans la procédure de plaider coupable notamment lors de la phase de comparution du
prévenu devant le procureur de la République. En revanche, la procédure est davantage
rééquilibrée en appel au profit, cette fois, de la personne mise en cause, l’appel
permettant de contrecarrer les prérogatives du ministère public dans sa conduite de la
politique pénale.

266- Les garanties dans les modes alternatifs aux poursuites. S’agissant d’une
décision extra-judiciaire, la procédure de médiation ne peut pas faire l’objet d’un appel
ou d’un recours en cassation : aucun juge, à la différence de la composition pénale ou de
la CRPC, n’intervenant dans ce contentieux pénal. Dans la composition pénale, si un
juge intervient, sa décision n’est pas, contrairement au plaider coupable, susceptible de
voies de recours609. Si la procédure de CRPC, en pratique, ne rend pas le choix du
procureur de la République définitif610, en matière de composition pénale, le choix du
parquet est définitif611. Selon la Cour de cassation, il résulte de l’article 41-2 CPP que,
« lorsque l’auteur des faits a donné son accord aux mesures proposées par le procureur
de la République, ce dernier est tenu de saisir le président du tribunal aux fins de
validation de la composition pénale et ne recouvre la possibilité de mettre en
mouvement l’action publique que si ce magistrat refuse de valider la composition ou si,
une fois la validation intervenue, l’intéressé n’exécute pas intégralement les mesures
décidées ».

609
CPP, art. 41-2, al. 6.
610
Cass. crim., du 29 octobre 2008, D. 2009, n° 8, p. 534.
611
Cass.crim., du 20 novembre 2007, n° 07-82. 808, F-P + F + I.

364
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

§ 2- Aveu et modification de la relation horizontale entre magistrats du


parquet et du siège

267- Aveu pénal et office du juge. Si les nouveaux modes de gestion des flux
pénaux s’apparentent à des concessions réciproques, il convient de s'interroger alors sur
le rôle des tiers : tout d'abord, qu'en est-il du juge, lorsque celui-ci est amené à
intervenir ? Peut-il modifier cette ébauche de contrat négocié entre les parties ? En
réalité, le dialogue s’instaurant entre avocat et procureur vient garantir surtout les droits
de la personne mise en cause qui bénéficiera contre toute attente, en dépit de sa
reconnaissance des faits qu’il n’aurait pas avoués, d'une garantie importante en tant que
prévenu. En définitive, à la faveur du développement de l’aveu c’est l’avocat qui se
rapproche du parquet et, par un système de vases communicants, le procureur qui
s’éloigne de son collègue du siège. En pratique, s’agissant des procédures s’exerçant sur
un « circuit court », donc sollicitant davantage l’aveu, le renforcement des prérogatives
du parquet consolide paradoxalement la mission de l’avocat ; en revanche, dans le cadre
de l’ouverture d’une information judiciaire, il n’est pas sûr que le justiciable ait tiré
profit de l’idée d’une suppression, aujourd’hui abandonnée, du juge d’instruction. Dans
la mesure où la validation de la mesure alternative aux poursuites intervient
majoritairement, l’office du juge se limite au contrôle du bon déroulement de la
procédure engagée, ce qui conduit à considérer que les modes alternatifs tendent à un
système pénal « sans juge » qui, à l’instar d’un juge aux affaires familiales dans le cadre
de divorce par consentement mutuel, ne fera qu’entériner un accord sans réellement
l’apprécier.

268- Validation de la composition pénale. Le juge n'est ici qu'un vérificateur se


cantonnant à contrôler la régularité de la procédure, c’est dire de la forme. Il s’agit ici
d'une validation, non d'une véritable homologation, comme cela est le cas dans la CRPC
où une motivation est exigée612. Il possède peu de pouvoirs. Selon l'article 41-2,
alinéa 19, du CPP, « le président du tribunal peut procéder à l'audition de l'auteur des
faits et de la victime, assistés, le cas échéant, de leur avocat ». Si le juge refuse de
valider la proposition elle est rendue caduque. Il n'a aucune latitude quant au contenu de
la proposition : il ne peut la modifier. Soit il la valide telle quelle, soit il la refuse. Le
612
Jean PRADEL, « Vers un « aggiornamento » des réponses de la procédure pénale à la criminalité.
Apports de la Loi n° 2004-204 dite PERBEN II », JCP 2004, I, p. 132, spéc. n° 22.

365
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

ministère public pourra alors dans ce dernier cas, éventuellement, mettre en mouvement
l'action publique « sauf élément nouveau ».

269- Homologation de la comparution sur reconnaissance de culpabilité :


liberté du juge et garantie des droits de la défense. La garantie essentielle d’une
préservation des droits de la défense et, in fine, du principe de présomption d’innocence,
est l’exigence d’homologation par le président du tribunal de grande instance ou un
magistrat délégué par lui, l’ordonnance devant, en outre, être motivée. Les conditions de
cette homologation ont été clairement fixées par la loi. A ce titre, aux termes du
deuxième alinéa de l’article 495 -9 du CPP selon lequel le magistrat ne peut décider
d’homologuer les peines proposées qu’ après avoir vérifié la réalité des faits. Lors de
cette phase, ni le juge chargé de l’homologation ni la personne mise en cause ne peuvent
formuler de proposition de peine alternative ; la seule dont il est question, à ce stade, est
celle qui a recueilli l’accord du prévenu devant le représentant du parquet ; la présence,
en conséquence, du procureur de la République lors de l’audience d’homologation n’est
pas nécessaire dès lors que ce magistrat ne peut formuler aucune nouvelle proposition
de peine. Il résulte de l’article 592 du CPP, que le représentant du ministère public est
présumé avoir assisté à toutes les audiences de la cause, dès lors qu’il a été entendu en
ses réquisitions lors des débats613. Les dispositions de procédure relatives à la présence
du représentant du parquet semblent relever davantage du pouvoir d’appréciation du
législateur. Il est divers exemples d’audiences pénales qui se dispensent de la présence
du procureur sans que cela conduise à des critiques particulières tirées d’une quelconque
violation des dispositions en vigueur. Un magistrat du parquet n’est d’ailleurs pas
systématiquement présent lorsque le tribunal correctionnel statue après renvoi sur
intérêts civils ni devant le juge des libertés et de la détention statuant en chambre du
conseil sur ses réquisitions aux fins de détention provisoire dans le cadre de la
procédure de comparution immédiate lorsque le tribunal, en application de l’article 396
dudit code, ne peut se réunir le jour même. Cette décision est grave si l’on admet que
l’ordonnance rendue n’est pas susceptible d’appel. Au plus fort, le représentant du
ministère public n’est pas davantage présent devant le juge des enfants ordonnant en
audience de cabinet des sanctions éducatives à l’encontre d’un mineur délinquant. Le
législateur a donc estimé que la présence d’un magistrat du parquet ne s’avérait pas

613
Cass. crim., du 26 mars 1996 : Bull. crim. n° 134.

366
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

indispensable. Dans sa décision du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a déclaré


conforme à la Constitution la loi n° 2005-847 du 26 juillet 2005 précisant le
déroulement de l’audience d’homologation de la comparution sur reconnaissance de
culpabilité614. Le juge constitutionnel a considéré « qu’en précisant que le procureur de
la République n’est pas tenu d’être présent [à l’audience d’homologation], la loi déférée
n’a méconnu, contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, ni les dispositions
de l’article 34 de la Constitution aux termes desquels : « la loi fixe les règles
concernant : la procédure pénale », ni le principe d’égalité devant la justice, ni les
exigences constitutionnelles relatives au respect des droits de la défense et à l’exigence
d’un procès équitable, ni le principe d’individualisation des peines qui découle de
l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ni aucun autre
principe constitutionnel. »615. Le juge constitutionnel se fonde, dans sa motivation, sur
l’idée que l’homologation constitue un véritable jugement pénal et donc est soumis à
l’ensemble des obligations et garanties de procédure instituées pour ce type de
jugement. Toutefois, rien n’interdit au représentant du parquet, s’il l’estime utile,
d’assister à tout ou partie de l’audience d’homologation. En fait, la présence du parquet
ne présente une utilité que lorsque ce magistrat estime devoir apporter des explications
oralement au juge du siège, ce qui signifie que cette présence ne doit s’imposer que dans
des hypothèses exceptionnelles616. Dans la plupart des cas, le substitut sera absent lors
de l’audience d’homologation. Par ailleurs, dans sa décision précitée du 2 mars 2004, le
Conseil, par sa réserve d’interprétation617, a précisé que le juge « pourra refuser
l’homologation s’il estime que la nature des faits, la personnalité de l’intéressé, la
situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle
ordinaire (ou) si les déclarations de la victime apportent un éclairage nouveau sur les
conditions dans lesquelles l’infraction a été commise ou sur la personnalité de son
auteur »618. On relèvera que l’homologation porte bien sur la peine elle-même, et non
pas sur l’accord entre le procureur et l’intéressé. La peine tire donc sa force juridique de
la décision unilatérale du juge du siège, et non pas d’une convention entre le ministère
public et l’auteur des faits. Ainsi, la CRPC aboutit à un véritable jugement prononcé par

614
Cons. const. du 22 juillet 2005 n° 2005-520 DC.
615
Ibid.
616
Cass. Crim., 2005 – 19 E8/29-07-2005.
617
Considérant n° 107.
618
Op.cit.

367
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

le juge du siège, et en audience publique. En outre, le juge du siège doit également


vérifier la « qualification juridique » des faits. Et dans l’hypothèse où cette qualification
ne correspondrait pas à la réalité des faits commis, le juge du siège ne pourra donc pas
homologuer. Le magistrat ne se contentera donc pas de l’aveu formulé par l’intéressé
devant le procureur de la République. Il vérifiera la sincérité de cette reconnaissance de
culpabilité donc la réalité du consentement du prévenu, cette condition résultant de
l’exigence de motivation. Surtout, la liberté du juge au cas d’espèce reste entière car il
pourra refuser d’homologuer, en application des dispositions de l’article 495 -11 du
CPP, s’il estime que la peine proposée est trop sévère. Il s’agit, par conséquent, d’un
véritable contrôle de la proportionnalité des peines proposées au regard des
circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. Cette liberté
d’appréciation du magistrat du siège est importante et apporte un tempérament aux
critiques qui s’étaient exprimées, selon lesquelles, notamment, le juge chargé de
l’homologation était relégué à une chambre d’enregistrement avec un rôle limité de
vérificateur de la procédure.

270- L’essence d’une juridiction. Le rôle d'une juridiction est de dire le droit (juris
dictio). Dans le cadre du plaider coupable, son rôle tend également à être bouleversé, à
l’instar de celui assigné habituellement à l’avocat. L’office du juge peut être défini,
selon le dictionnaire de vocabulaire juridique de l'association CAPITANT619, comme
« tout organe doté d'un pouvoir juridictionnel, du pouvoir de dire le droit, de trancher le
litige». Depuis l'entrée en vigueur des procédures accélérées qui consacrent une
troisième voie pénale, on ne peut que constater la mutation des fonctions du magistrat
du siège, qui se trouve relégué dans une fonction de simple validation d'une décision
pénale (une sanction) déjà très majoritairement prise avant lui par le procureur de la
République. La preuve de cette prépondérance du parquet transparaît dans la réforme de
la loi no 2005-847 du 26 juillet 2005 qui modifie l'article 495-9 du CPP620. Ce texte
prévoit que, lors d'une procédure d'homologation de la CRPC, « la présence du
procureur de la République à cette audience n'est pas obligatoire ». Autrement dit, la

619
Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, éd. PUF, coll. Quadrige, 2003.
620
Coralie AMBROISE-CASTÉROT, Avis de la Cour de cassation du 18 avril 2005 à propos de la place
du procureur de la République dans la procédure de « plaider-coupable », Rev. pénit. 2005, p. 408, AJ
Pénal 2005, p. 214, actualités, C.-S. Enderlin ; Jean DANET, « La CRPC : du modèle législatif aux
pratiques... et des pratiques vers quel(s) modèle(s) ? », AJ Pénal 2005, p. 433.

368
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

décision a été prise, la sphère de l'exercice du pouvoir s'est déplacée : elle est ailleurs.
Le ministère public n'a plus à perdre son temps lors d'une audience de pure forme où le
débat (qui constituait l'essence du principe du contradictoire) a disparu : le prévenu a
déjà renoncé à sa présomption d'innocence, il a déjà échangé son aveu contre une
réduction de peine accordée par le ministère public, non par le juge. Il incombe
désormais au magistrat du siège d’entériner cette forme atypique de contrat, à l'instar de
ses fonctions en matière de changement de régime matrimonial.

271- Eléments de conclusion sur les procédures accélérées. En matière de


procédures alternatives aux poursuites ou du mode de poursuite particulier de CRPC, il
s’agit toujours de la recherche pour le prévenu d’une prévisibilité accrue de la peine au
détriment de droits de la défense qui apparaissent en pareilles circonstances comme
abstraits. Cette approche renvoie à des valeurs opposées qui dépassent sans doute le seul
cadre de la justice pénale car il s’agit bien souvent d’une opposition idéologique entre
les partisans du modèle inquisitoire centralisé dont le symbole demeure le juge
d’instruction auquel s’oppose le versant accusatoire pour lequel la vérité est
secondaire621. Aussi, les critiques les plus vives qui se manifestent autour de l’aveu en
matière pénale concernent, bien souvent, ceux qui s’en tiennent à une vision
essentiellement théorique du principe de présomption d’innocence et qui, du même
coup, s’opposent avec le plus de véhémence au modèle accusatoire dans lequel la
majorité des affaires concernent des personnes qui reconnaissent leur culpabilité afin
d’obtenir une peine allégée. A cette vision théorique ou abstraite de la Déclaration
s’opposent les thuriféraires du plaider coupable qui, d’une part, viennent rappeler que
des présomptions de culpabilité ont été reconnues par le Conseil constitutionnel; d’autre
part, que dans la pratique, la plupart des prévenus consentent facilement à renoncer au
bénéfice de leur innocence présumée pour éviter les aléas d’une audience
correctionnelle classique. Pour les défenseurs du processus d’autoaccusation, ce qui
compte c’est moins la question de la culpabilité que celle de la peine, c’est moins le
principe abstrait de présomption d’innocence que la question concrète de la sanction qui
sera infligée. Et ce qui constitue le droit positif en vigueur, par exemple le rang
constitutionnel conféré à la Déclaration, doit laisser place à ce qui est considéré comme

621
Pour cette opposition des approches, Cf. Jean DANET, Le nouveau procès pénal après la loi Perben II,
éd. Dalloz, Paris, 2004.

369
SECONDE PARTIE- TITRE SECOND- CHAPITRE SECOND- L’INFLUENCE DE L’AVEU DANS LA
SANCTION PENALE

juste par le prévenu. Le débat se déplace donc. Il s’agit, davantage d’une recherche
d’équité que d’un débat centré autour de la vérité au prix d’une négociation. En matière
de CRPC, les risques d’atteintes aux droits de la défense de la personne poursuivie se
posent dans un contexte particulier, celui de l’absence en droit pénal d’un véritable
statut de la personne mise en cause ce qui tranche singulièrement avec l’intérêt croissant
accordé aujourd’hui à l’attention des victimes dans une société qui tend à leur conférer
un statut social prestigieux, proche du sacré. Aussi, le débat qui s’est instauré entre les
partisans et les opposants au mode de poursuite de plaider coupable conduit, tout
d’abord, à s’interroger sur la validité de l’ordre normatif ; ensuite, renvoie au rapport
entre la vérité et la justice, c’est à dire à la question du critère réel d’appréciation en
matière judiciaire dont les défenseurs du plaider coupable estiment qu’il s’agit de la
notion d’équité. Une notion qui s’inscrirait à l’interface de la vérité et de la justice.

370
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

« Je veux qu’il me batte, moi (…)

Il me plaît d’être battue. »

(Molière, Le médecin malgré lui, I, 2)

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

272- Un aveu paradoxalement créateur de droit. En s’imposant progressivement


comme le socle des modes alternatifs de règlement du contentieux pénal, l’aveu
privilégie le contrat à la loi, la discussion à une sanction plus sévère pouvant découler
d’une audience classique. Par là-même, l’aveu devient paradoxalement créateur de droit
et d’une nouvelle relation entre le plaideur et le parquet. C’est du même coup la
perception du justiciable envers l’institution judiciaire qui s’en trouve modifiée. La
justice est désormais considérée à la fois moins éloignée (c’est l’idée qui préside à la
transaction pénale) même si les sanctions prononcées s’avèrent plus automatiques car
insusceptibles d’être soumises à discussion. Ainsi, dans les procédures accélérées, il y a,
du côté du prévenu, simultanément reconnaissance de l’infraction et consentement à la
mesure pénale ; en revanche, en CRPC, une acceptation de la sanction pénale sans que
nécessairement le mis en cause reconnaisse réellement le délit reproché. En effet, même
en l’absence d’aveux au cours de la garde à vue, l’intéressé pourra toutefois faire l’objet
d’une procédure de plaider coupable. Il s’agit par conséquent, sur le fondement de faits
reconnus, davantage de l’émergence d’un dialogue pénal que d’un véritable contrat de
droit pénal lequel n’existe pas.

En réalité, la question que posent les diverses mesures de gestion des flux pénaux,
dépasse la simple sphère juridique. La difficulté relève davantage de la philosophie du
droit. Il s’agit de savoir, plus fondamentalement, quelles sont les rationalités pénales qui
viennent se substituer à la logique essentiellement répressive comme archétype d’une
technologie du pouvoir et d’instrument de normalisation. En effet, l’adhésion de la
personne mise en cause repose à la fois sur une reconnaissance juridique des faits par
l’aveu mais également une reconnaissance morale de la légitimité de la règle. L’aveu en
matière pénale s’inscrit donci à l’interface entre la légalité et la légitimité. Il repose
obligatoirement sur les normes en vigueur pour être valide et nécessite que l’acte pris
371
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

sur le fondement d’une reconnaissance de culpabilité ne soit pas entaché d’irrégularité à


peine de nullité. En même temps, il doit être suffisamment légitime pour ne pas être
ressenti comme dénué de morale par le justiciable et que ce dernier puisse, en dernière
analyse, s’en considérer comme responsable. L’adhésion objective à la sanction est par
conséquent inséparable de la subjectivité de l’avouant. Car au-delà du droit, c’est la
question de la loyauté qui est posée dans cette relation entre une potentielle confession
de l’avouant et celui qui en recherche le bénéfice, l’enquêteur puis le magistrat. C’est
dans ce conflit entre légalité et légitimité que se loge l’aveu, et ce en marge de
l’infraction elle-même reprochée. C’est par conséquent la faculté ou non de faire
confiance à son accusateur ou pas qui se joue ou se noue, c’est la question de l’abandon
de soi, donc celle de l’amour propre qui est à l’œuvre, dans cet acte d’autocondamnation
qui emportera, à titre définitif, la culpabilité de l’intéressé ; car dans l’acte d’aveu ce qui
est légal doit en même temps être considéré comme légitime. Le processus d’aveu
s’inscrit donc à mi-chemin entre légalité et légitimité, entre ce qui participe de la norme
et du sacré (la loyauté, la confiance), entre l’indiscuté et le discutable. Il se situe non pas
uniquement en marge de la vérité judiciaire mais également, du côté de l’auteur de
l’aveu, tire sa justification ailleurs, dans ce qui constitue le for le plus intime de sa
conscience. C’est ce mystère qui, en dernière analyse, permettra ou non le passage à
l’aveu, c’est dire une donnée qui a davantage partie liée avec l’intériorité éthique de
l’accusé qu’avec le caractère impératif d’une norme pénale.

372
CONCLUSION GENERALE

« Ce dont je rêve, ce que j’essaie de penser comme la “ pureté ” d’un pardon digne
de ce nom, ce serait un pardon sans pouvoir : inconditionnel mais sans souveraineté »

Jacques DERRIDA, « Le siècle et le pardon », Entretien publié dans Le Monde des


débats, déc. 1999.

"Ecartons tous les faits car ils ne font rien à la chose” Jean-Jacques ROUSSEAU

CONCLUSION GENERALE

273- Justice et humanité. L’aveu en matière pénale n’a pas réellement pour objet,
contrairement à une idée communément admise, de décrypter la réalité ou la relation des
faits, mais davantage de créer un lien ; il n’est donc pas affaire d’événements mais de
sentiments, il n’a pas de rapport, en réalité, et paradoxalement, avec la loi, mais
davantage avec ce qui constitue l’essence même de toute relation dialogique, la
dimension parfois cachée de l’humain. L’aveu de culpabilité constitue ainsi un mode
contradictoire de production du sens. En effet, un individu, bien souvent, se définit
davantage par la somme de ses secrets que par ses déclarations, voire ses actes, dans la
mesure où la vérité, qui existe toujours quelque part, est intérieure. C’est ce qui permet
d’ailleurs dans d’autres espaces (politique ou privé) qu’elle soit largement dissimulée.
Articulé au procès pénal, la validité de l’aveu est également étroitement liée à la
légitimité qui est, a priori, reconnue à l’institution judiciaire, car si le justiciable ne
reconnaît pas au juge la faculté de dire le vrai il n’est alors nul besoin de la lui révéler.
Cette difficulté pose une difficulté accrue aujourd’hui dans un contexte croissant de
défiance entre les justiciables et l’Etat de droit ; plus généralement, entre les administrés
et leurs administrations ou, de façon peut-être définitive, entre les citoyens et la sphère
politique. Dans ce contexte, le processus d’autoaccusation, qu’il soit librement consenti
ou obtenu à la suite d’un interrogatoire, renvoie donc à un pari, celui, in fine, d’une
justice rendue à l’échelle humaine, c’est à dire en l’état de l’option engagée, celle d’une
intelligibilité des rapports sociaux. En l’absence de cet espoir sur l’humanité de

373
CONCLUSION GENERALE

l’institution il n’y a pas, en définitive, de justice possible, car la pérennité du système


s’en trouve menacée. L’aveu participe donc de la structure et de la pérennité de
l’appareil judiciaire non seulement en l’humanisant mais également en constituant un
préalable à l’élaboration d’un travail juridique. Et, contre toute attente, l’aveu rend
possible les conditions d’un réel débat entre l’institution judiciaire et le justiciable, non
seulement dans l’intérêt de la personne mise en cause mais également et peut-être
surtout pour sauvegarder l’idée d’une justice réellement humaine. Dès lors, au-delà de la
question du réel critère d’appréciation en matière judiciaire, l’aveu permet de déplacer
la problématique en articulant l’institution judiciaire moins dans un souci récurrent de
vérité ou mensonge voire d’innocence ou de culpabilité que dans un lien se nouant
intimement avec une idée de justice. Au travers de l’aveu, la justice engage une sorte de
monologue intérieur sur, d’une part, son essence, d’autre part, les conditions objectives
de sa survie. Bien loin des interrogatoires d’identité lesquels débouchent presque
systématiquement sur des mises en examen, c’est davantage un questionnement sur sa
propre identité que l’appareil judiciaire doit parvenir à résoudre en tant qu’institution.
De façon paradoxale, l’aveu recherché ne concerne pas véritablement la personne à
laquelle la confession est suggérée mais s’adresse davantage, de façon tautologique et
monologale, à l’institution judiciaire elle-même, à son essence, donc sa possible mort,
in fine son identité, son avenir. L’aveu fonctionne ainsi comme un processus expiatoire
ou une technique de réactivation du lien social qui va, d’une certaine manière, prendre
l’accusé à témoin davantage comme un confident que comme l’auteur d’un crime.
Même s’il s’inscrit dans une cérémonie judiciaire, l’aveu pénal produit un sens qui
excède le procès ; il a trait davantage à la généalogie d’une institution qu’à la
chronologie ou à la relation de faits lui servant de fondement. Il privilégie l’analyse
causale à la simple histoire contée. Les aveux ne sont donc pas seulement des
confessions mais des gémissements à l’égard de la clémence des juges ou de Dieu.
L’autocondamnation intéresse moins les actes que les intentions de l’avouant, donc sa
part de liberté supposée ou de conscience. C’est davantage la personnalité du justiciable
qui apparaît essentielle au travers de ses déclarations que l’acte répréhensible pour
lequel il est pénalement poursuivi. L’aveu, dans cette perspective, se situe donc en
marge de la simple dimension juridique, sphère à laquelle, en toutes hypothèses, le
justiciable ne pourra pas échapper puisqu’il sera le plus fréquement condamné. C’est
ainsi que la justice s’humanise car elle va privilégier les mobiles du passage à l’acte, les
motifs permettant de déterminer si la personnalité de l’accusé est en-deçà ou au-delà de

374
CONCLUSION GENERALE

son acte ; en définitive, si les normes prennent le pas sur les valeurs éthiques et
juridiques.

Il ne s’agit plus, dans cette perpective, de se satisfaire ou de déplorer la place de


l’aveu mais de s’interroger sur les motifs pour lesquels l’institution judiciaire continue à
le solliciter.

Cette question doit être articulée à une autre problématique concernant l’institution
judiciaire, à savoir sa faculté au pardon.

274- Aptitude au pardon et dimension métaphysique de l’Institution. Il


semblerait, en effet, que seul l’appareil judiciaire puisse s’arroger le droit et le privilège
de pardonner en se posant, de façon paradoxale, à la fois comme une institution
humaine mais également en fonctionnant comme une instance supra-humaine ou de
nature religieuse. En effet, sur un plan symbolique, seul Dieu en sa puissance
souveraine et son infinie bonté peut pardonner. Autrement dit, par l’aveu de culpabilité,
ce n’est plus réellement au coupable que l’on pardonne car, le pardon pur et
inconditionnel n’a pas réellement de finalité, presque aucune intelligibilité, mais
davantage, de façon solipsiste622 ou autoréférentielle, à soi-même. Il est une folie de
l’impossible dans la nuit de l’inintelligible. C’est donc à soi que renvoie, in fine, le
pardon. En tant que réalisation d’un désir, fût-il provisoire et relatif, accomplissement
ou parachèvement d’une décision, le passage à l’acte est essentiel à la condition
humaine. Ce n’est donc plus l’acte ou son événement qui définit le sujet comme une
personnalité juridique mais ce qu’il est censé avoir effectué ou pouvoir encore faire qui
le relie à l’humanité. Le passage à l’aveu renvoie par conséquent à la constitution d’un
sujet capable de poser des actes libres et gratuits, sans toutefois pouvoir fournir
d’explication immédiate ni d’évaluation unique, ni a fortiori interprétation définitive.
Car l’acte pur ne peut être que celui d’un Dieu, celui qui précisément ne passe pas à
l’acte, à la différence des êtres humains qui doivent passer de la puissance à l’acte, du
virtuel à l’actuel, autrement dit ceux qui ont à trouver un passage pour donner un sens à

622
Le solipsisme (du latin solus, seul et ipse, soi-même) est une attitude générale, pouvant, le cas échéant,
être théorisée sous une forme philosophique et non métaphysique, " (...) d'après laquelle il n'y aurait pour
le sujet pensant d'autre réalité que lui-même (..)", in André Lalande, Vocabulaire technique et critique de
la philosophie, Paris, PUF, Quadrige, 8è édition, 1960. Aussi, l’ego est la seule manifestation de
conscience dont nous ne puissions douter, esse est percipi (être c'est être perçu).

375
CONCLUSION GENERALE

leur vie. C’est cette temporalité qui définit en dernière analyse le domaine de l’éthique
et du politique, de la vertu et du bonheur, de la situation individuelle et collective de la
vie humaine.

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M. DARMON

2. Conseil constitutionnel :

- Cons. const. Décision n° 70-40 DC du 09 juill. 1970, D. 2009, p. 133-152


- Cons. const. Décision n° 71-44 DC 16 juill. 1971, Rev. du droit public, 1971, p.
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- Cons. const. Décision n° 80-127 DC 19-20 janv. 1981; JCP, 1981, II, 19701
- Cons. const. 8 juill. 1989, Loi d’amnistie : Rec. Cons. const. p. 48 ; D. 1990, somm.
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- Cons. const., n° 95-360 DC du 2 fév. 1995, D, 1995, p. 45; D. 1995, p. 171
- Cons. const., 22 janv. 1999
- Cons. const., 99-411 DC, 16 juin 1999, Procédures, 1999 (12), p. 3
- Cons. const., n° 2004-92 DC du 2 mars 2004, JCP., 2004 (14), p. 597-601
- Cons. const., du 22 juill. 2005 n° 2005-520 DC, Procédures, 2005 (10), p. 21
- Cons. const., décision n° 2009-595 DC du 3 déc. 2009
- Cons. const., n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, D. 2010, n° 29, p. 1928

3. Cour de cassation :

a) Chambre criminelle de la Cour de cassation :

- Cass. crim. 19 août 1841, Bull. crim. n° 252


- Cass. crim, 28 juill. 1881, D. 1882, I, p. 185
- Cass. crim., 14 mai 1915, Bull. crim. n° 96
- Cass. crim., 6 août 1932 : Bull. crim. 1932, n° 202
- Cass. crim. 20 déc. 1949, JCP 1950, II, p. 5614
- Cass. crim. 22 mai 1959, Bull. crim. n° 268
- Cass. crim. 18 avr. 1961, Bull. crim. n° 208
- Cass. crim. 6 janv. 1966, n° 65-91.866, Bull. crim. n°5 , Gaz. Pal. 1966, I, p. 209
- Cass. crim., 3 mai 1966, n° 65-93.805, Bull. crim. 1966, n° 134
- Cass. crim., 27 avr. 1968, n° 67-91.540, Bull. crim. 1968, n° 127,
- Cass. crim., 17 déc. 1969, n° 69-91.486, Bull.crim. n° 349,
- Cass. crim., 18 déc. 1969 : Bull. crim. 2003, n° 24 ; Procédure 2003, comm. 123,
note Jacques BUISSON
- Cass. crim., 13 mars 1973, n° 72-91.967 : Bull. crim. 1973, n° 123, p.288.
- Cass. crim., 20 mars 1974, n° 73-91.685 : Bull. crim. 1974, n° 123, p. 318
- Cass. crim., 21 mars 1979, pourvoi n° 78-92.998, Bull. crim. 1979, n° 115
- Cass. crim., 19 nov. 1979, n° 79-91.256, Bull. crim n° 324
- Cass. crim., 29 mai 1980 n° 79-93.508, Bull. crim. n° 164

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PRADEL
- Cass. crim., 16 juin 1981, n° 81-91.690, Bull. crim. n° 207.
- Cass. crim., 28 juill. 1981 : DP 1882, 1,
- Cass. crim., 28 oct. 1981, n° 80-94.479 , Bull. crim. 1981, n° 284
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20626, note BONZOM.
- Cass. crim., 4 janv. 1985, n° 82-93.066, Bull. crim. 1985, n° 11, JCP 1985, II, p.
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- Cass. crim., 24 fév.1987, n° 86-96.293, Bull. crim. 1987 n° 93 p. 253
- Cass. crim., 24 fév. 1987, n° 86-96.293, Bull. crim. n° 93, p.253.
- Cass. crim., 28 avr. 1987, n° 86-96.621, Bull. crim. n° 173. p 462
- Cass. crim., 1er sept. 1987, n° 85-92.518, Bull.crim. n° 308, p. 819
- Cass. crim., 1er fév.1988, n° 86-95.678, Bull. crim. 1988 n° 47 p. 120
- Cass. crim., 10 mai 1988, n° 86-92.545, Bull. crim. 1988, n° 204, p.535,
- Cass. crim., 22 mai 1990, n° 87-81.387, Bull. crim. 1990 n° 211 p. 530 ;
- Cass. crim., 26 fév. 1991, n° 90-87.295, Bull. crim. n° 97. p. 242 ; D. 1992. Somm.
99, obs. PRADEL.
- Cass. crim., 4 sept. 1991, n° 90-86.786, Bull. crim. n° 312, JCP 1992, II, p. 21802,
note Wilfrid JEANDIDIER; 22 avr. 1992, D. 1995. p. 59, note Haritini
MATSOPOULOU.
- Cass. crim., 28 oct. 1991, n° 90-83.692, Bull. crim. 1991 n° 381 p. 952, JCP 25 juin
1992 n° 318, note PANNIER; Dr. pénal 1992. Comm. n° 42, obs. ROBERT
- Cass. crim., 6 nov.1991, n° 91-82.211, Bull. crim. 1991, n° 397. p. 1006;
- Cass. crim., 10 fév. 1992, n° 90-83.278, Bull. crim. 1992 n° 62 p. 150;
- Cass. crim., 10 mars 1992, n° 91-86.944, Bull. crim. n°105. p. 272 ;
- Cass. crim., 9 avr. 1992, n° 91-80.672; Bull. crim. 1992, n°155. p.401
- Cass. crim., 14 avr. 1992, n° 87-80.411, Bull. Crim. 1992 n° 162 p. 417
- Cass. crim., 6 avr. 1993, n° 93-80.184, JCP 1993, II, p. 22144, note RASSAT.
- Cass. crim., 26 oct. 1994, pourvoi n° 94.81.526.
- Cass. crim., 29 Nov. 1994, n° 92-82.815; Bull. crim. 1994 n° 381 p. 931
- Cass. crim., 27 fév. 1996, n° 95-81.366, Bull. crim. 1996 n° 93 p. 273
- Cass. crim., 26 mars 1996, n° 93-84.306, Bull. crim. 1996 n° 134 p. 384 ;
- Cass. crim., 30 avr. 1996, Bull. crim. n° 182, RSC. 1996, p. 879, obs. DINTILHAC ;
- Cass. crim., 28 janv. 1998, n° 97-83.196.
- Cass. crim., 19 janv. 1999, n° 98-83.787 ; Bull. crim. 1999 n° 9 p. 17, JCP 1999, II,
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- Cass. crim., 12 mars 2003, n° 02-85.313, Bull. crim. 2003 n° 67 p. 246, D.2003 p.
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- Cass. crim., 12 mars 2003, n° 02-85.112 Bull. crim. 2003 n° 66 p. 244
- Cass. crim., 6 mai 2003, n° 02-80.284, Bull. crim. 2003 n° 94 p. 359
- Cass. crim., 10 déc. 2003, pourvoi n° 03-80.203
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- Cass. crim., 10 nov. 2004, n° 03-87.628, Bull. crim. 2004 n° 285 p. 1065;
- Cass. crim., 12 janv. 2005 n° 04-81.982, Bull. crim. 2005 n° 17 p. 46;
- Cass. crim., 24 mai 2005, pourvoi n° 04-86.432, Bull. crim. 2005 n° 152 p. 546 ;
- Cass. crim., 7 déc. 2005, Bull. crim. 2005 n° 327 p.1123, pourvoi n° 05-85876 ;
- Cass. crim., 11 mai 2006, n° 05-84.837, Bull. crim. 2006 n° 132 p. 482;
- Cass. crim., 24 mai 2006, n°05-85.685; Bull. crim. 2006 n° 147
- Cass. crim., 4 oct. 2006, pourvoi n° 05-87.435, Bull. crim. 2006, n° 244 p. 865
- Cass. crim., 14 juin 2006, n° 02-83.401.
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et HAAS; ibid. 2009. Chron. 1, obs. GUERIN.
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- Cass. crim., 24 sept. 2008; n° 08-80.872, Bull. crim. 2008, n° 196 ; D. 2009 p. 1723
- Cass. crim., 14 oct. 2008, n° 08-82.195, Bull. crim. 2008, n° 208 ; D. 2008.
- Cass. crim., 17 sept. 2008, pourvoi n° 08-80.858 ; Bull. crim. 2008, n° 192 ;
- Cass. crim., 29 octobre 2008 , pourvoi n° 08-84.857, Bull. crim. 2008, n° 219
- Cass. crim., 12 mai 2009, pourvoi n° 08-85.732, Bull.crim. 2009, n° 88 ;
- Cass. crim., 23 juin 2009, pourvoi n° 09-81.695.
- Cass. crim., 12 mai 2009, pourvoi n° 09-81434 ; Bull. crim. 2009, n° 90 ;
- Cass. crim., 23 juin 2009, n°09-81695 ;
- Cass. crim., 6 déc. 2011, n°11-80326.

b) Chambres réunies, Chambres mixtes

- Cass. Ch. réunies, 31 janvier 1888, Vergès, Provocation policière, loyauté de la


preuve et étendue de la nullité procédurale, AJP, 2006, p. 354
- Cass. Ch. mixte, 24 mai 1975, Société des Cafés Jacques Vabre, n° 73-13.556,
Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambres mixtes n° 4, p. 6
- Cass. plén., 15 avril 2011, n°s 10-17. 049 ; 10-30. 313 ; 10. 30. 316 et 10-30. 242.
Comm. J. AFANE-JACQUART, site de Maître J. AFANE-JACQUART, 18 avril 2011.

c) Chambres civiles de la Cour de cassation

- Cass. civ., 31 mai 1932 : DH 1932, p. 378


- Cass. civ., 2ème, 25 mars 1992, BIRGAENTZLE, Dr. Pén. Juin 1992, n° 166
- Cass. civ., 3ème, 4 mars 1998, pourvoi n° 96 11-399
- Cass. civ., 2ème, 28 mai 2009, pourvoi n° 08-12.748.
- Cass. civ., 1re, 28 janvier 2010, pourvoi n° 09-10992

d) Chambre sociale de la Cour de cassation

- Cass. Soc., 19 mars 1998, n° 95-45.205, Bull. 1998 V n° 158 p. 116


- Cass. Soc., 13 janv. 2009; n° 07-44.718 ; Bull. 2009, V, n° 1 ; D. 2009 p. 291; D.
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- CA Angers1re ch. B, 6 janv. 1993 : Juris-Data n° 043289.


- CA Poitiers, ch. civ., 2e sect., 23 juin 1993 : Juris-Data n° 048651.
- CA Aix, 1re ch., 18 janv. 1994 : Juris-Data n° 042118.
- CA Paris, 5e ch., B, 4 mai 1995 : Juris-Data n° 021545.
- CA Montpellier, Ch. Correctionnelle 03, 7 mai 2009, n° 08/00263.
- CA Pau, Ch. Correctionnelle, 15 janvier 2009, n° 08/00585.
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VI/ THESES-MEMOIRES

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- “L'indemnisation des personnes poursuivies ou condamnées à tort”, thèse, Paris-I,
1992.

Jean CADÈNE
- « La preuve en matière pénale : essai d'une théorie générale », thèse, Montpellier,
1963.

Jean DEVEZE,
- « Contribution à l’étude de la charge de la preuve en matière civile », Thèse,
Toulouse, 1980.

Elise FONS
- « L’expert judiciaire », Master 2, sous la direction de M. ARTZ, Faculté de Droit
Montpellier 1, promotion 2005-2006.

Shirley HENNEQUIN
- « La preuve numérique dans le procès pénal » sous la direction de Muriel
Giacopelli. Thèse soutenue le 12 décembre 2011.

Delphine LE DREVO

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- « Vérité et défense pénale », Master Recherche “Sciences Criminelles”, sous la


direction de Mme Muriel GIACOPELLI, Université Paul-Cezanne-Aix-Marseille III,
année 2009-2010.

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- « Censure de la limitation du champ d’application de l’enregistrement audiovisuel des
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CREDOF, 10 avril 2012.

Jacques DERRIDA
- « Le siècle et le pardon », Entretien publié dans Le Monde des débats, déc. 1999.

J-P. LEVY et P. MAISONNEUVE


- « l’avocat a donc la charge de faire accepter par le client et le juge du siège la
proposition du parquet », Journal Libération, 12 oct. 2004.

Charles NTAMPAKA,
« Droit et croyances populaires dans la société rwandaise traditionnelle », Dialogue,
Juillet-Août 1999, p 3-18.

Ioannis PAPADOPOULOS
- « Pas d’américanisation du droit mais des convergences avec les droits anglo-
saxons ». Propos recueillis par Loïck CORIOU, Le Monde, 1er juin 2004.

Marie PIQUEMAL
- « Le Défenseur des droits, une instance fourre-tout qui fait polémique », Libération,
du 04 Juin 2010.

Denis SALAS
- « Eléments pour une théorie interdisciplinaire du procès », Paris, Presses
universitaires de France, 1992.

Pascale SANTI
- « Le langage du cœur, arme anti-conflit », article publié le 13 Décembre 2009, Le
Monde.

400
INDEX ALPHABETIQUE

INDEX ALPHABETIQUE
Les numéros de l’index renvoient aux numéros de développement

Abdication, 11, 13, 15, 23, 46, 48, 84, 125, 241, 260.

Accusation, 1, 2, 8, 9, 11, 13, 19, 20, 21, 25, 26, 27, 34, 42, 48, 49, 55, 57, 68, 73, 77,
84, 85, 89, 9, 93, 94, 98, 00, 105, 106, 109, 117, 125, 131, 135, 142, 146, 147,
148, 154, 156, 158, 160, 161, 162, 163, 169, 175, 177, 178, 179, 180, 184, 186,
187, 188, 189, 190, 198, 214, 216, 224, 234, 235, 236, 237, 240, 246, 255, 256,
260, 261, 268, 284, 286.

Alternatives aux poursuites, 182, 183, 215, 26, 224, 237, 286.

Appel, 13, 30, 36, 50, 120, 127, 138, 154, 159, 165, 175, 177, 180, 197, 198, 203, 211,
228, 235, 258, 259, 262, 267, 272, 274, 279, 281, 282, 283, 284, 285, 288.

Appel incident, 154, 165, 281, 284.

Appel principal, 154, 165, 280, 284.

Atteintes aux biens, 72, 238.

Attrition, 5, 6, 10, 13, 29, 179.

Audience, 9, 13, 21, 29, 34, 55, 57, 72, 73, 80, 82, 84, 85, 94, 111, 115, 118, 127, 138,
149, 155, 156, 169, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 176, 178, 180, 184, 197, 198,
215, 228, 230, 234, 235, 237, 238, 239, 258, 260, 262, 272, 273, 278, 284, 286.

Audience classique, 13, 154, 180, 216, 237.

Autoaccusation, 1, 2, 11, 68, 118, 126, 135, 178, 210, 286, 288.

Autojustification, 13, 111, 224.

Aveu intégré, 230.

Aveu négligé, 225.

Aveu par défaut, 69.

Aveu-confession, 9, 11, 94.


401
INDEX ALPHABETIQUE

Aveu-stratégique, 11.

Aveu-vérité, 11, 44, 45, 68, 75, 77, 78.

Aveu-vérité négatif, 4, 78.

Aveu-vérité positif., 77.

Aveux contra legem, 165.

Aveu de soumission, 32.

Avocat, 11, 12, 13, 17, 19, 2, 24, 26, 27, 42, 49, 55, 57, 58, 68, 71, 73, 74, 82, 86, 93,
95, 97, 105, 106, 117, 118, 120, 124, 127, 131, 148, 149, 150, 152, 153, 154,
155, 158, 160, 161, 162, 163, 171, 172, 173, 175, 176, 178, 180, 181, 182, 186,
187, 189, 190, 194, 197, 198, 199, 203, 205, 206, 207, 208, 209, 211, 212, 214,
220, 226, 232, 234, 236, 237, 239, 240,249, 255, 256, 257, 258, 259, 260, 261,
262, 265, 266, 267, 268, 269, 271, 273, 275, 276, 277, 278, 279, 280, 281, 284,
286.

B
Bloc de constitutionnalité, 57, 85, 140, 143, 154, 286.

C
CEDH, 19, 88, 97, 106, 107, 109, 111, 114, 135, 137, 138, 142, 147, 148, 150, 159,
165, 175, 194, 198, 199, 206, 210, 225, 261, 263, 275, 284.

Célérité, 12, 13, 16, 49, 57, 84, 85, 152, 154, 156, 165, 180, 182, 216, 238, 239, 244,
268, 282, 284.

Chambre de l’instruction, 13, 63, 159, 177, 189, 190, 193, 196, 203, 205, 267.

Chambre des appels correctionnels, 154, 165, 282, 284.

Code criminel canadien, 236.

Code de l'organisation judiciaire, 171, 213.

CPP, 1, 16, 26, 55, 57, 68, 76, 87, 95, 98, 100, 108, 110, 111, 124, 137, 142, 144, 150,
154, 155, 158, 159, 165, 177, 180, 181, 189, 193, 198, 199, 203, 205, 210, 212,
217, 218, 226, 227, 228, 231, 233, 235, 237, 239, 247, 257, 258, 262, 263, 271,
272, 273, 275, 279, 280, 281, 283, 284.

402
INDEX ALPHABETIQUE

Code pénal, 2, 57, 76, 81, 93, 100, 101, 102, 114, 124, 130, 149, 204, 214, 237, 277.

Common law, 11, 13, 42, 117, 118, 120, 177.

Comparution immédiate, 21, 165, 203, 262, 272, 275.

Composition pénale, 154, 182, 183, 217, 218, 219, 226, 227, 228, 230, 237, 248, 249,
252, 257, 258, 271, 275, 285.

Conduite sous l’empire d’un état alcoolique, 228, 238, 278.

Conseil constitutionnel, 11, 85, 133, 134, 135, 136, 137, 139, 141, 142, 144, 154, 155,
165, 167, 168, 169, 177, 181, 194, 200, 201, 202, 203, 205, 208, 225, 230, 239,
272, 279, 286.

Consentement, 11, 88, 127, 169, 181, 193, 219, 226, 234, 237, 241, 242, 244, 255, 258,
264, 270, 272, 276, 287.

Constitution du 4 octobre 1958, 133, 148.

Constitutionnalité, 16, 57, 85, 139, 140, 143, 154, 177, 181, 186, 196, 200, 201, 202,
203, 211, 239, 286.

Constitutionnalité douteuse, 16.

Contentieux techniques, 238.

Contractualisation, 13, 185, 232, 240.

Contrainte, 25, 59, 88, 92, 93, 106, 107, 109, 117, 119, 167, 181, 182, 192, 194, 203,
206, 208, 234, 239, 283.

Contrition, 5, 6, 10, 13, 27, 29, 34, 48, 64, 146.

Contrôle a priori, 13, 148, 232, 258, 284.

Contrôle judiciaire, 63, 85, 127, 165, 203, 239, 275, 281.

Cour d'appel, 13, 63, 154, 159, 160, 163, 165, 180, 198, 213, 214, 228, 239, 267, 281.

Cour de cassation, 11, 51, 97, 98, 100, 101, 102, 105, 111, 127, 135, 138, 142, 148,
149, 154, 155, 158, 159, 160, 165, 177, 178, 181, 183, 184, 187, 191, 192, 193,
194, 195, 197, 198, 199, 201, 202, 205, 210, 213, 218, 219, 227, 228, 239, 261,
275, 281, 285.

403
INDEX ALPHABETIQUE

Critère d’appréciation en matière judiciaire, 8, 10, 57, 288.

CRPC, 8, 9, 11, 13, 26, 33, 85, 122, 125, 126, 127, 131, 133, 138, 140, 148, 150, 152,
153, 154, 155, 160, 165, 166, 167, 169, 171, 173, 174, 175, 177, 181, 185, 216,
219, 225, 228, 231, 232, 233, 236, 238, 239, 240, 244, 250, 254, 256, 257, 258,
259, 260, 261, 263, 267, 268, 272, 273, 275, 276, 278, 279, 280, 281, 282, 283,
285, 286, 287, 288.

Culpabilité, 1, 2, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 23, 25, 26, 27, 28, 29, 31,
32, 33, 36, 37, 40, 41, 42, 43, 45, 46, 47, 48, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58,
59, 61, 62, 63, 64, 65, 70, 71, 72, 73, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 83, 84, 85, 86, 87,
88, 90, 91, 93, 94, 95, 97, 98, 105, 106, 107, 108, 109, 111, 114, 115, 118, 120,
121, 123, 124, 125, 126, 127, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140,
141, 142, 144, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 157, 158, 161,
162, 163, 165, 167, 168, 169, 170, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 179, 180, 181,
182, 183, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 210, 212, 216, 217, 218, 219, 220, 221,
225, 226, 228, 231, 232, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 242, 243, 244, 245,
247, 256, 257, 260, 261, 262, 265, 267, 273, 274, 276, 279, 280, 281, 282, 283,
284, 285, 287, 288, 289.

D
DDHC, 11, 133, 136, 138, 165, 167,

Décision, 2, 9, 13, 14, 20, 25, 26, 27, 38, 40, 41, 42, 48, 51, 57, 59, 63, 81, 86, 87, 93,
100, 105, 106, 110, 118, 120, 124, 127, 131, 134, 136, 137, 138, 139, 140, 142,
143, 144, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 163,
164, 165, 166, 167, 169, 170, 173, 176, 178, 180, 181, 182, 184, 194, 196, 200,
204, 205, 206, 207, 209, 210, 213, 214, 215, 219, 222, 226, 228, 229, 231, 232,
236, 239, 240, 241, 243, 246, 259, 260, 261, 262, 264, 268, 273, 274, 275, 276,
280, 282, 284, 285, 286, 289.

Déferrement, 204, 250, 263, 276.

Détention provisoire, 13, 50, 53, 63, 85, 86, 127, 135, 154, 165, 169, 179, 182, 187,
191, 196, 204, 207, 213, 214, 215, 240, 261, 273, 276.

Divisibilité de l’aveu, 125, 126, 128, 130.

Droit au silence, 11, 12, 13, 16, 88, 95, 96, 97, 103, 104, 105, 106, 109, 115, 117, 118,
119, 120, 121, 148, 149, 150, 155, 160, 165, 187, 195, 209, 245.

Droits de la défense, 2, 17, 55, 211, 340; 374,375, 377, 378, 380, 381
404
INDEX ALPHABETIQUE

Droit pénal, 1, 11, 25, 61, 70, 78, 85, 117, 122, 124, 178, 180, 211, 212, 218, 227, 256,
287, 288.

Droit pénal comparé, 117.

E
Efficacité, 6, 9, 11, 12, 13, 16, 25, 32, 43, 49, 62, 84, 85, 86, 98, 105, 152, 153, 156,
165, 172, 181, 182, 186, 187, 217, 218, 239, 267, 269, 287.

Egalité des armes, 27, 57, 84, 85, 117, 162, 165, 178, 262.

Emprisonnement, 48, 88, 154, 165, 175, 176, 177, 199, 209, 227, 231, 236, 238, 239,
254, 276, 279.

Enregistrement, 1, 13, 87, 100, 101, 102, 111, 205, 212, 273.

Equilibre des parties, 9, 105, 148, 156, 166, 259.

Equité, 19, 26, 85, 87, 97, 207, 218, 287.

Erreur judiciaire, 11, 17, 37, 41, 43, 53, 57, 75, 82, 111, 126, 169, 178, 179, 210, 237,
284.

Espagne, 236.

Etat de droit, 8, 11, 13, 16, 21, 26, 27, 35, 57, 87, 93, 106, 131, 135, 140, 143, 150, 163,
179, 181, 185, 199.

Etats-Unis, 120, 160, 176, 238.

F
Fiction juridique, 85, 147, 287.

France, 1, 9, 13, 42, 43, 49, 56, 78, 81, 85, 97, 98, 109, 110, 115, 117, 120, 126, 143,
148, 150, 158, 159, 160, 164, 178, 180, 193, 206, 226, 236, 237, 238, 259, 262,
268, 269, 287.

G
Garde des Sceaux, 13, 131, 154, 239, 269.

Garde à vue, 11, 12, 15, 19, 26, 47, 50, 51, 55, 58, 71, 75, 79, 80, 86, 88, 90, 91, 93, 95,
96, 97, 98, 100, 103, 104, 105, 106, 108, 109, 115, 120, 124, 126, 138, 144, 148,
150, 154, 160, 162, 164, 165, 177, 182, 183, 187, 190, 191, 192, 194, 195, 196,
405
INDEX ALPHABETIQUE

197, 198, 199, 200, 204, 205, 206, 207, 208, 209, 211, 212, 215, 227, 244, 250,
288.

Grande-Bretagne, 220, 221.

H
Hiérarchie des normes, 13, 57, 85, 86, 131, 132, 140, 141, 287.

Homologation, 13, 85, 127, 138, 149, 152, 154, 155, 165, 166, 167, 169, 170, 171, 172,
175, 185, 227, 228, 231, 236, 238, 239, 240, 255, 259, 260, 263, 272, 273, 274,
276, 277, 279, 281, 282, 284, 285, 287.

Hors-la-loi, 22, 23, 32, 34, 60, 61, 70.

Humanité, 13, 18, 29, 41, 43, 60, 73, 74, 180, 289.

I
Idéologie, 11, 179, 262.

Illusion, 85, 158, 167, 288.

Impunité, 36, 120, 212.

Incrimination, 2, 61, 62, 88, 102, 107, 109, 118, 125, 135, 147, 207, 211.

Infraction, 1, 7, 8, 13, 22, 25, 26, 28, 29, 34, 50, 51, 52, 55, 58, 59, 60, 61, 62, 64, 66,
70, 72, 73, 74, 76, 80, 83, 85, 87, 88, 89, 98, 100, 101, 102, 107, 109, 110, 114,
118, 124, 130, 135, 142, 144, 151, 152, 153, 159, 165, 169, 173, 174, 175, 178,
180, 184, 191, 200, 204, 205, 206, 207, 211, 212, 219, 220, 222, 226, 228, 230,
231, 232, 235, 236, 238, 239, 240, 246, 247, 248, 252, 253, 261, 262, 263, 264,
267, 273, 278, 279, 280, 284, 288.

Injonction pénale, 136, 230.

Interrogatoire de première comparution, 11, 71, 98, 105, 108.

Intime conviction, 2, 8, 13, 17, 19, 25, 26, 27, 41, 44, 57, 86, 93, 109, 110, 111, 114,
122, 124, 130, 161, 176, 179, 180, 181, 182, 215, 225.

Italie, 77, 236.

J
Jeu, 48, 62, 80, 142, 160, 172, 176.

406
INDEX ALPHABETIQUE

Juge d’instruction, 1, 11, 13, 26, 29, 85, 87, 98, 100, 101, 102, 105, 106, 108, 111, 114,
121, 124, 158, 159, 173, 178, 190, 194, 204, 212, 213, 236, 244, 257, 260, 268,
270, 276, 287.

Juge des libertés et de la détention, 71, 165, 191, 204, 209, 273, 278.

Jurisprudence, 25, 39, 43, 85, 88, 96, 100, 102, 107, 111, 138, 141, 148, 152, 155, 158,
159, 165, 167, 170, 171, 185, 188, 192, 193, 195, 198, 200, 226, 228, 235, 236,
240, 262, 264, 279.

Juste, 6, 7, 8, 9, 13, 22, 23, 29, 31, 32, 37, 38, 40, 43, 57, 70, 82, 85, 165, 178, 181, 182,
259, 285, 287.

Justice, 1, 2, 5, 7, 9, 11, 13, 17, 20, 21, 27, 29, 30, 35, 36, 40, 42, 48, 49, 56, 57, 60, 67,
71, 74, 82, 84, 85, 87, 94, 98, 100, 101, 111, 118, 120, 124, 131, 138, 140, 146,
149, 152, 154, 158, 160, 161, 165, 179, 180, 181, 182, 184, 185, 186, 187, 191,
195, 199, 206, 211, 213, 215, 216, 217, 221, 234, 235, 237, 238, 239, 240, 241,
243, 246, 257, 261, 262, 265, 267, 269, 273, 285, 287, 288, 289.

L
Légalité, 2, 13, 25, 57, 92, 93, 138, 153, 154, 163, 165, 166, 184, 189, 236, 288.

Légitimité, 11, 13, 22, 27, 34, 45, 57, 60, 67, 68, 69, 77, 85, 90, 91, 93, 159, 164, 166,
246, 287, 288, 289.

Loi constitutionnelle, 6

Loyauté, 16, 25, 26, 31, 48, 57, 68, 86, 87, 91, 92, 93, 94, 98, 99, 100, 102, 104, 109,
110, 111, 121, 193, 288.

M
Marchandage, 85, 236.

Médiation pénale, 184, 220, 226, 228, 230, 248, 252.

Mensonge, 8, 11, 16, 19, 21, 22, 23, 29, 38, 39, 42, 44, 53, 55, 66, 71, 72, 76, 98, 106,
108, 115, 123, 125, 160, 162, 163, 169, 181, 213, 215, 242, 262, 285, 287, 289.

Mineur, 9, 29, 70, 94, 100, 108, 159, 174, 199, 211, 212, 222, 224, 227, 235, 273, 276.

407
INDEX ALPHABETIQUE

Mode de poursuite, 7, 8, 11, 13, 48, 82, 85, 88, 132, 137, 141, 148, 153, 154, 165, 169,
173, 175, 181, 185, 216, 225, 233, 234, 235, 238, 256, 260, 261, 263, 276, 285,
287.

Modèle accusatoire, 13, 49, 85, 120, 181, 259, 269, 287.

Modèle inquisitoire, 9, 11, 13, 26, 85, 94, 160, 179, 181, 268, 287.

Modes alternatifs aux poursuites, 219.

N
Négociation, 15, 84, 85, 140, 176, 183, 184, 228, 231, 237, 245, 250, 251, 259, 279,
280, 287.

Normativiste, 9, 85, 144, 287.

Norme, 3, 12, 13, 22, 23, 34, 54, 57, 59, 60, 61, 62, 70, 85, 86.

Nullités de l’instruction, 11, 98, 189.

O
Opportunité des poursuites, 184, 229, 261.

Ordre normatif, 85, 287.

Ordre public, 70, 100, 115, 133, 138, 144, 159, 165, 198, 199, 204, 211, 212, 220.

P
Paradoxe, 11, 21, 60, 135.

Pardon, 6, 7, 13, 23, 28, 29, 31, 32, 34, 35, 36, 46, 57, 72, 210, 265, 288, 289.

Parquet, 11, 13, 16, 19, 21, 25, 26, 27, 41, 48, 49, 57, 77, 79, 82, 84, 90, 93, 105, 108,
118, 125, 127, 131, 133, 136, 140, 148, 149, 150, 151, 152, 154, 155, 156, 158,
160, 162, 165, 166, 167, 169, 170, 171, 176, 177, 121, 183, 184, 185, 191, 192,
194, 195, 204, 216, 217, 219, 223, 226, 227, 228, 229, 236, 238, 239, 240, 241,
244, 246, 247, 250, 251, 257, 258, 259, 260, 261, 262, 263, 267, 269, 270, 273,
274, 276, 277, 279, 280, 281, 282, 285, 286, 287, 288.

Pattegiamento, 236,

Peine, 2, 6, 8, 9, 10, 11, 13, 26, 28, 29, 36, 40, 43, 48, 60, 61, 74, 78, 82, 84, 85, 88, 94,
95, 107, 109, 111, 121, 124, 127, 133, 137, 138, 140, 142, 148, 149, 150, 151,
408
INDEX ALPHABETIQUE

152, 153, 154, 155, 159, 160, 165, 166, 169, 170, 171, 173, 174, 175, 176, 177,
179, 180, 181, 183, 184, 191, 199, 200, 209, 216, 217, 225, 226, 227, 228, 231,
232, 233, 235, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 244, 250, 253, 254, 255, 256, 258,
259, 260, 261, 265, 268, 273, 274, 276, 277, 278, 279, 280, 281, 282, 285, 287,
288.

Perben II, 13, 154, 190, 235, 239, 261, 287.

Philosophie du droit, 16, 85, 262, 287.

Plaider coupable, 7, 9, 11, 13, 26, 33, 40, 48, 75, 82, 84, 85, 111, 121, 127, 131, 133,
140, 148, 149, 152, 154, 155, 158, 164, 165, 167, 168, 173, 175, 176, 181, 185,
231, 232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 140, 256, 258, 259, 260, 261, 263,
264, 274, 281, 282, 285, 286, 287, 288.

Plaidoyer de culpabilité, 237, 260, 276.

Plea bargaining, 13, 183, 233, 234, 237, 238.

Pouvoir, 6, 11, 13, 21, 22, 23, 26, 29, 31, 32, 34, 35, 36, 38, 41, 42, 46, 47, 52, 57, 60,
62, 85, 93, 97, 98, 102, 105, 106, 117, 131, 133, 136, 143, 144, 152, 154, 155,
160, 164, 165, 166, 167, 170, 171, 177, 178, 179, 184, 193, 199, 204, 206, 211,
215, 226, 229, 231, 237, 240, 241, 246, 255, 258, 261, 263, 268, 269, 272, 273,
274, 275, 278, 285.

Pré-jugement, 154, 164, 166, 167, 168.

Présomption d’innocence, 8, 9, 10, 11, 13, 25, 26, 29, 33, 48, 55, 57, 76, 84, 85, 86,
106, 109, 120, 126, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 145,
147, 152, 153, 154, 155, 158, 160, 162, 163, 165, 167, 168, 169, 172, 178, 180,
181, 185, 191, 213, 235, 260, 261, 268, 273, 274, 276, 280, 281, 284, 285, 287.

Présomption de culpabilité, 1, 26, 98, 135, 139, 140, 142, 185.

Prévisibilité, 1, 3, 85, 287.

Principe à valeur constitutionnelle, 85, 120, 134, 135, 136, 178, 180.

Procédure sans juge, 131, 152.

Procédure pénale, 1, 4, 8, 13, 16, 19, 21, 26, 36, 38, 47, 55, 57, 68, 76, 79, 85, 87, 95,
98, 99, 100, 105, 108, 110, 111, 117, 121, 124, 128, 133, 136, 137, 142, 143,
144, 147, 150, 154, 155, 158, 159, 165, 167, 173, 177, 178, 181, 185, 187, 190,

409
INDEX ALPHABETIQUE

193, 194, 199, 200, 204, 206, 207, 211, 213, 216, 217, 218, 219, 221, 227, 228,
229, 232, 233, 234, 236, 238, 239, 240, 242, 244, 248, 256, 257, 258, 259, 262,
263, 264, 268, 272, 273, 274, 276, 280, 282, 284, 285, 287.

Procès équitable, 55, 107, 109, 111, 155, 165, 176, 199, 200, 262, 273, 276, 285.

Proposition de peine, 148, 149, 152, 153, 155, 166, 273, 277, 279, 280.

Q
Quantum, 48, 124, 148, 149, 166, 171, 226, 231, 238, 258.

R
Rasoir d’Ockham, 147.

Réalisme, 25, 147.

Réaliste, 11, 85, 94, 179, 287.

Récidive, 29, 32, 142, 219, 228, 279.

Récidiviste, 62, 106.

Réparation, 9, 13, 18, 23, 24, 29, 34, 35, 37, 40, 48, 58, 107, 108, 156, 180, 182, 184,
187, 199, 200, 206, 207, 212, 213, 214, 215, 219, 220, 226, 228, 230, 232, 237,
248, 259, 262, 263, 264, 265.

Réponse pénale, 124, 182, 183, 233, 234, 239, 242.

Rétractation, 4, 26, 55, 57, 65, 78, 95, 98, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 160, 161, 215,
276, 282, 283, 285.

Rétractation afflictive, 126.

Rétractation réparatrice, 126.

S
Sanction pénale, 11, 23, 33, 59, 61, 62, 77, 81, 114, 179, 283, 288.

Secret de l’instruction, 11, 97, 98, 161, 262.

Séparation des autorités de poursuite et de jugement, 148, 166, 167.

Sincérité, 3, 5, 21, 23, 29, 95, 100, 104, 105, 124, 125, 157, 167, 194, 215, 216, 273.

410
INDEX ALPHABETIQUE

Souveraineté, 23, 34, 35, 38, 60.

Statut de la vérité judiciaire, 57, 85, 105, 123, 128.

Stratégie, 13, 19, 22, 29, 45, 46, 47, 48, 49, 51, 52, 71, 72, 73, 77, 123, 124, 161, 268,
269, 281.

Stratégie maîtrisée de l'aveu pénal, 71, 72.

Stratégies non maîtrisées de l'aveu pénal, 73.

T
Tactique, 11, 13, 34, 47, 48, 49, 50, 72, 74, 75, 77, 152, 173, 244, 269, 270.

Théorie juridique, 8, 38, 124, 133, 141.

Tiers, 7, 21, 23, 24, 29, 31, 34, 35, 48, 61, 100, 106, 158, 159, 160, 178, 194, 209, 220,
232, 241, 266, 270.

Torture, 2, 73, 93, 99, 106, 107, 109, 174.

Traitement accéléré des affaires pénales, 2, 11, 13, 140, 172, 179, 268, 281.

U
Utopie, 41, 150, 247.

V
Validité, 8, 11, 14, 22, 23, 38, 45, 57, 60, 62, 68, 75, 76, 85, 87, 89, 91, 96, 115, 122,
144, 283, 287, 289.

Vérité judiciaire, 1, 7, 9, 10, 11, 14, 16, 18, 19, 20, 21, 28, 37, 38, 40, 46, 57, 58, 65, 68,
75, 76, 78, 82, 83, 85, 86, 94, 98, 105, 109, 111, 122, 128, 131, 156, 157, 158,
160, 162, 178, 180, 181, 182, 194, 216, 233, 285, 287, 288.

Victime, 18, 20, 23, 35, 36, 46, 58, 59, 62, 69, 72, 74, 75, 85, 87, 100, 107, 117, 151,
155, 161, 162, 165, 169, 174, 176, 183, 184, 185, 211, 213, 217, 219, 220, 221,
226, 227, 228, 229, 230, 232, 235, 240, 241, 248, 253, 260, 262, 263, 264, 265,
270, 272, 273, 276, 287.

411
TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ........................................................................................................................ 1
PREMIERE PARTIE : Réquisitoire : l’aveu sous influence, un mode de preuve dissocié de la
vérité judiciaire ............................................................................................................................. 30
TITRE PREMIER : Notion d’aveu et dissociation de la vérité judiciaire ................................... 33
CHAPITRE PREMIER : Le fondement incertain de la recherche d’aveux ................................. 35
SECTION PREMIERE : Aveu et vérité judiciaire : un lien peu pertinent .................................. 37
§1- La dissociation aveu-vérité du côté de l’institution judiciaire .......................................... 39
A) Aveu et vérité: il n’existe pas de « hors-la-loi » .............................................................. 42
B) Aveu et vérité : un rapport hors sujet ............................................................................... 45
C) Erreur et tabou judiciaires ................................................................................................ 58
D) Le doute comme fondement de la décision judiciaire ...................................................... 62
§2- La dissociation aveu-vérité du côté de l’avouant .............................................................. 64
A) Attrition ou contrition ?.................................................................................................... 65
B) Une volonté de renoncer................................................................................................... 68
C) La recherche d’un pardon pur en matière pénale ............................................................. 73
SECTION SECONDE : Aveu et autojustification de l’institution judiciaire............................... 75
§1- Aveu et rationalité juridique limitée .................................................................................. 76
§2- Aveu et infaillibilité judiciaire .......................................................................................... 78
CHAPITRE SECOND : Le caractère protéiforme de l’obtention d’aveu .................................... 84
SECTION PREMIERE : Les diverses manifestations de l’aveu confrontées à la question de
leur validité ................................................................................................................................... 85
§1- Accusé et crédibilité de l’aveu .......................................................................................... 85
A) « L’aveu-stratégie » : une relation de pouvoir ................................................................. 86
1) Aveu des faits sans aveu de culpabilité ........................................................................ 90
2) Absence d’aveux et vengeance privée.......................................................................... 92
3) Stratégie et rétractation de l’aveu ................................................................................. 93
B) « L’aveu-renonciation » : la culpabilité avouée en marge de la vérité............................. 94
1) L’aveu de culpabilité par les actes (l’exemple de l’affaire COLONNA)..................... 94
a) Deux thèses antagonistes articulées au sens de l’aveu ............................................ 95
b) Esquisse d’analyse ................................................................................................... 99
2) L’aveu de culpabilité indirect : l’écrit comme reconnaissance indirecte de
culpabilité : le cas LANDRU............................................................................................ 102

412
TABLE DES MATIERES

3) Aveu et processus criminogène : vers une remise en question de l’explication


causale............................................................................................................................... 104
§2- Aveu et intériorisation de la Loi ........................................................................................ 107
A) Le crime comme expression paradoxale de la liberté ...................................................... 108
B) Psychologie de l’aveu ....................................................................................................... 114
SECTION SECONDE : L’exception : « l’aveu-vérité » .............................................................. 122
§1- Les nouveaux procédés de preuve scientifique : vers une preuve absolue ? ..................... 123
§2- L’expertise psychiatrique et vérité judiciaire .................................................................... 127
§3- Une vérité révélée en marge .............................................................................................. 129
A) Première variante : l’aveu partiel de culpabilité .............................................................. 129
B) Seconde variante : l’aveu sans déclaration de culpabilité par le juge pénal : le fait
justificatif............................................................................................................................... 133
§4- Vérité et plaider coupable.................................................................................................. 134
TITRE SECOND : Réception de l’aveu et soumission aux contrôles juridictionnels ................. 138
CHAPITRE PREMIER : L’élaboration d’un cadre légal de réception de l’aveu ........................ 140
SECTION PREMIERE : Garde à vue et légitimité ...................................................................... 142
§1- Contrainte et loyauté ......................................................................................................... 143
A) Justification théorique de la mesure ................................................................................. 143
B) La question éthique dans la réception de l’aveu............................................................... 146
§2- Un hyatus entre le temps de l’enquêteur et celui de la personne mise en cause. .............. 148
SECTION SECONDE : Accusation et légalité ............................................................................ 150
§1- La nécessité d’un strict cadre légal d’audition .................................................................. 150
A) Déséquilibre des parties et sincérité de l’aveu ................................................................. 151
B) La prohibition de la torture, des traitements inhumains et dégradants (art. 3 CEDH) ..... 156
C) La loyauté dans le cadre d’une mesure privative de liberté ............................................. 160
§2- L’incidence limitée de la loi du 14 Avril 2011 ................................................................. 172
§3- Le cadre légal de rétractation de l’aveu face à l’accusation.............................................. 180
A) La rétractation : corollaire de la fragilité de l’aveu .......................................................... 181
1) Une position doctrinale : la faible incidence de la rétractation sur le procès ............... 181
2) En pratique : la rétractation considérée comme un mensonge ..................................... 183
3) Rétractation réparatrice et rétractation afflictive .......................................................... 184
B) Garde à vue, aveu puis CRPC : une rétractation impossible ............................................ 186
C) Divisibilité de l’aveu et marge d’appréciation du juge pénal ........................................... 186
§4- Interrogatoire devant les juridictions d’instruction et de jugement ................................... 189

413
TABLE DES MATIERES

A) L’aveu devant le magistrat instructeur ............................................................................. 189


B) L’aveu devant les juridictions de jugement ...................................................................... 192
CHAPITRE SECOND : Effectivité du contrôle de l’aveu ........................................................... 194
SECTION PREMIERE : Aveu et principe de présomption d’innocence .................................... 196
§1- Le sens de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
(DDHC) ................................................................................................................................... 197
A) L’origine du principe constitutionnel de présomption d’innocence ................................ 197
1) Présomption d’innocence et autoaccusation ................................................................ 198
2) Un principe à valeur constitutionnelle dégagé par le Conseil constitutionnel ............. 199
3) La question subséquente de la valeur juridique réelle de la Déclaration des droits de
1789 .................................................................................................................................. 200
B) L’aveu dans le cadre de présomptions de culpabilité ....................................................... 205
C) Renversement du principe de présomption d’innocence et aveu sur proposition de
culpabilité ............................................................................................................................. 208
§2- Les atteintes à la présomption d’innocence dans l’administration de la preuve ............... 211
A) Aveu pénal, rationalité occidentale et présomption d’innocence..................................... 211
1) Une explication d’ordre historique ............................................................................... 211
2) Innocence présumée et « rasoir d’OCKHAM » ........................................................... 212
B) CRPC et possible arbitraire judiciaire .............................................................................. 213
SECTION SECONDE : Aveu et équilibre des acteurs en plaider coupable ................................ 214
§1- La réception de l’aveu lors de l’enquête préalable à la CRPC .......................................... 215
§2- Une nouvelle orientation du système pénal : une reconnaissance des faits sans réel
contrôle du juge ...................................................................................................................... 219
A) Fondement de la déclaration de culpabilité en CRPC...................................................... 220
B) Egalité et légalité de l’aveu dans le plaider coupable ...................................................... 222
1) Des aveux en marge du droit positif ? .......................................................................... 223
2) Aveu pénal et principe constitutionnel de séparation des autorités de poursuite et de
jugement ........................................................................................................................... 229
3) La CRPC au détriment de l’indépendance et de l’impartialité de la juridiction .......... 231
C) Un hyatus entre les mentalités sociales et le droit existant .............................................. 234
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE ............................................................................ 238
SECONDE PARTIE : Plaidoyer : l’aveu en discussion, un mode de gestion du contentieux
pénal ............................................................................................................................................. 246
TITRE PREMIER : La discussion de l’aveu sur déclaration ....................................................... 254

414
TABLE DES MATIERES

CHAPITRE PREMIER : L’aveu face aux droits de la défense ................................................... 255


SECTION PREMIERE : Nullités de l’instruction versus aveu de culpabilité ............................. 258
§1- Le dispositif théorique ....................................................................................................... 258
§2- Aveu et nullité : un contexte d’affrontement entre la défense et l’accusation .................. 260
SECTION SECONDE : Une protection relative des droits de la défense par la Cour de
cassation ....................................................................................................................................... 261
§1- Le principe : absence de coercition dans la réception de l’aveu ....................................... 262
§2- L’exception : les procédés déloyaux d’obtention de l’aveu .............................................. 263
CHAPITRE SECOND : L’aveu face à la culture judiciaire......................................................... 265
SECTION PREMIERE : La persistance de l’aveu au sein de l’acte annulé ................................ 271
§1- Incidence de la nullité sur la validité de la garde à vue .................................................. 272
A) Le sort des aveux reccueillis hors la présence de l’avocat .......................................... 274
B) La nullité de la procédure comme sanction de la violation du droit à l’assistance
d’un défenseur .................................................................................................................. 277
§2- Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et garde à vue ..................................... 280
SECTION SECONDE : Vers un équilibre réel des pouvoirs ? .................................................... 283
§1- Perspective critique de l’aveu en garde à vue ................................................................... 284
§2- La réparation de la détention provisoire injustifiée nonobstant les aveux ........................ 287
TITRE SECOND : La discussion de la reconnaissance des faits sur proposition........................ 290
CHAPITRE PREMIER : Vers une mutation de la procédure pénale .......................................... 293
SECTION PREMIERE : La reconnaissance des faits dans les procédures accélérées. ............... 294
SECTION SECONDE : Un aveu en marge d’une réelle culpabilité............................................ 298
§1- L’aveu négligé : les modes alternatifs aux poursuites ....................................................... 299
§2- L’aveu intégré ou consubstantiel au mode de poursuite : le plaider coupable .................. 308
CHAPITRE SECOND : L’influence de l’aveu dans la sanction pénale ...................................... 315
SECTION PREMIERE : Le plaider coupable dans le droit pénal comparé ................................ 316
§1- L’aveu dans le plaider coupable ........................................................................................ 317
§2- L’expérience de quatre autres Etats européens (Italie, Espagne, Portugal et Allemagne) 318
§3- Les systèmes pénaux canadien et américain ..................................................................... 320
SECTION SECONDE : CRPC et champs d’application de la réponse pénale............................ 323
§1- L’extension à de nouveaux contentieux ? ......................................................................... 323
§2- La CRPC : une aubaine pour la justice pénale ? ............................................................... 326
A) Aménagement de la procédure de plaider coupable en matière correctionnelle .............. 327
B) Le plaider coupable au criminel (Rapport LEGER du 1er septembre 2009) ................... 328

415
TABLE DES MATIERES

SECTION TROISIEME : Vers un rapprochement des parties au procès dans le cadre de


l’infliction de la sanction .............................................................................................................. 334
§1- De l’abdication volontaire du justiciable........................................................................... 335
A) Une alternative : vérité ou justice ? .................................................................................. 335
1) Procédure accusatoire, procédure inquisitoire et schizophrénie judiciaire .................. 335
2) Une loi pénale de fond soumise à la procédure ? ......................................................... 337
B) Parquet et justiciable : une relation en évolution ............................................................. 338
1) L’auteur de l’offre ........................................................................................................ 339
2) Offre et acceptation autour de la reconnaissance de l’infraction ................................. 339
3) Vers une privatisation de la procédure pénale par l’aveu ............................................ 341
§2 - Vers une dissociation de l’aveu et de la preuve au profit de la discussion entre les
parties ....................................................................................................................................... 341
SECTION QUATRIEME : Aveu pénal et transformation du rôle des tiers ................................ 351
§1- L’avocat en CRPC : une simple mission de conseil .......................................................... 351
A) L’intervention de l’avocat lors de la comparution du prévenu devant le juge du
siège .................................................................................................................................. 353
B) La possibilité de relever appel à titre principal pour le condamné et son avocat ........ 359
§2- Aveu et modification de la relation horizontale entre magistrats du parquet et du siège.. 365
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE ............................................................................. 371
CONCLUSION GENERALE : Justice et Humanité.................................................................... 373
BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................................... 377
INDEX ALPHABETIQUE .......................................................................................................... 401

416
SUMMARY

If a confession doesn't have a mandatory connection with legal truth, the mental conception of a
confession leads to an infinitely more complex question which goes beyond the field under study. It
would seem that, not only does the confession imply a real criterion in terms of legal appreciation, but is
also based on practice linked to personal factors, stemming from negative experience, connected to values
and standards prevailing within a given social history. For it is within the mystery of the subject’s
conscience that committing the act is possible; that is to say in a sphere more closely connected with his
personal ethics, than with the constraints of legal norms. At the same time, the confession is a reflection
of the evolution of modern society. If the confession was previously sought unconditionally, and
represented an absolute imperative, even to the detriment of the truth, it has today been tendered
mundane, as has moreover the measure which made it necessary, legal detainment. What was formerly
prevalent, when the confession was considered as the ultimate proof, was more a form of an ethical
requirement which made truth the standard. This concept of the confession as an absolute was also that of
a society based on confidence, that is to say, one in which truth could effectively become known more
easily, as it was a structural value. It would seem that this society based on confidence, has given way to a
society based on mistrust, in which truth is no longer the essential reference but rather the effectiveness or
the rapidity of procedures. The value criteria of our modern societies have therefore changed; they have
lost their ethical consideration, in the interest of other values, supposed to be more useful or time-saving.
Negotiated legal justice, based on the confession, is a symptom of the failure of the verticality between
justice and the accused, in the interests of the horizontality or social regulation, by modifying the
hierarchy of the powers, even if, in the eyes of public opinion, this change is a form of utopia and
ultimately poses the problem of the future of the guiding principals of law.

RESUME

Si l’aveu n’entretient pas de rapport obligatoire avec la vérité judiciaire, penser l’aveu en matière pénale
renvoie à une question infiniment plus complexe qui excède le domaine exploré. Non seulement, en effet,
il semblerait que l’aveu renvoie au réel critère d’appréciation en matière judiciaire mais également il
repose sur une pratique qui concerne des éléments personnels vécus sur un mode négatif, en relation avec
des valeurs et des normes acceptées au sein d’une société historique donnée. Car c’est dans le mystère de
la conscience de l’auteur de l’aveu que le passage à l’acte est possible, donc dans une sphère qui a
davantage partie liée avec son intériorité éthique qu’avec le caractère impératif d’une norme pénale. En
même temps, l’aveu est le reflet de l’évolution de nos sociétés modernes. Si l’aveu devait être recherché
hier inconditionnellement et constituait un impératif absolu même au détriment de la vérité, il s’est
aujourd’hui banalisé comme d’ailleurs la mesure qui le rendait nécessaire, la garde à vue. Ce qui prévalait
antérieurement, sous le règne de l’aveu traditionnel comme reine des preuves, c’était davantage une
forme d’exigence éthique qui faisait de la vérité la norme. Cette conception absolue de l’aveu était
également celle d’une société fondée sur la confiance, c’est-à-dire celle où précisément une vérité pouvait
se manifester plus aisément car elle en constituait une valeur structurante. Il semblerait que cette société
de confiance ait laissé place à une société de défiance dans laquelle la vérité n’est plus le référent
essentiel, mais davantage l’efficacité ou la célérité des procédures. Les critères de valeurs de nos sociétés
modernes ont donc changé, ils ont perdu leur souci éthique au profit d’autres valeurs censées être plus
utiles ou immédiates. La justice pénale négociée, qui repose sur l’aveu, signe l’échec de la verticalité
entre justice et justiciable, au profit de l’horizontalité ou de la régulation sociale, en modifiant la
hiérarchie des pouvoirs, même si, aux yeux de l’opinion, ce bouleversement relève de l’utopie et pose en
définitive le problème de l’avenir des principes directeurs du droit.

417
INTRODUCTION……………………………………………………………...1 SECONDE PARTIE : Plaidoyer : l’aveu en discussion, un mode de gestion
du contentieux pénal……………………………………………………. 246
PREMIERE PARTIE : Réquisitoire : l’aveu sous influence, un mode de
preuve dissocié de la vérité judiciaire……………………………………….30 TITRE PREMIER : La discussion de l’aveu sur déclaration………….. 254

TITRE PREMIER : Notion d’aveu et dissociation de la vérité judiciaire…..33 CHAPITRE PREMIER : L’aveu face aux droits de la défense……….. 255

CHAPITRE PREMIER : Le fondement incertain de la recherche d’aveux....35 SECTION PREMIERE : Nullités de l’instruction versus aveu de
culpabilité……………………………………………………………… 258
SECTION PREMIERE : Aveu et vérité judiciaire : un lien peu pertinent….37 §1- Le dispositif théorique……………………………………….. 258
§1- La dissociation aveu-vérité du côté de l’institution judiciaire…..….39 §2- Aveu et nullité : un contexte d’affrontement entre la défense et
§2- La dissociation aveu-vérité du côté de l’avouant……………..…… 64 l’accusation……………………………………………………….. 260

SECTION SECONDE : Aveu et autojustification de l’institution judiciaire 75 SECTION SECONDE : Une protection relative des droits de la défense par la
§1- Aveu et rationalité juridique limitée……………………………… 76 Cour de cassation……………………………………………………….. 261
§2- Aveu et infaillibilité judiciaire………………………………….… 78 §1- Le principe : absence de coercition dans la réception de l’aveu… 262
§2- L’exception : les procédés déloyaux d’obtention de l’aveu…….. 263
CHAPITRE SECOND : Le caractère protéiforme de l’obtention d’aveu. 84
CHAPITRE SECOND : L’aveu face à la culture judiciaire……………… 265
SECTION PREMIERE : Les diverses manifestations de l’aveu confrontées à
la question de leur validité…………………………………..……………… 85 SECTION PREMIERE : La persistance de l’aveu au sein de l’acte annulé 271
§1- Accusé et crédibilité de l’aveu…………………………………….. 85 §1- Incidence de la nullité sur la validité de la garde à vue……….. 272
§2- Aveu et intériorisation de la Loi…………………………………. 107 §2- Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et garde à
vue………………………………………………………………… 280
SECTION SECONDE : L’exception : « l’aveu-vérité »…………………. 122
§1- Les nouveaux procédés de preuve scientifique : vers une preuve SECTION SECONDE : Vers un équilibre réel des pouvoirs ?.................. 283
absolue ?............................................................................................... 123 §1- Perspective critique de l’aveu en garde à vue………………….. 284
§2- L’expertise psychiatrique et vérité judiciaire…………………… 127 §2- La réparation de la détention provisoire injustifiée nonobstant les
§3- Une vérité révélée en marge……………………………………. 129 aveux……………………………………………………………….. 287
§4- Vérité et plaider coupable………………………………………. 134
TITRE SECOND : La discussion de la reconnaissance des faits sur
TITRE SECOND : Réception de l’aveu et soumission aux contrôles proposition................................................................................................... 290
juridictionnels............................................................................................... 138
CHAPITRE PREMIER : Vers une mutation de la procédure pénale……. 293
CHAPITRE PREMIER : L’élaboration d’un cadre légal de réception de
l’aveu…………………………………………………………………….... 140 SECTION PREMIERE : La reconnaissance des faits dans les procédures
accélérées………………………………………………………………… 294
SECTION PREMIERE : Garde à vue et légitimité……………………… 142
§1- Contrainte et loyauté……………………………………………. 143 SECTION SECONDE : Un aveu en marge d’une réelle culpabilité……. 298
§2- Un hyatus entre le temps de l’enquêteur et celui de la personne mise §1- L’aveu négligé : les modes alternatifs aux poursuites…………. 299
en cause……………………………………………………………… 148 §2- L’aveu intégré ou consubstantiel au mode de poursuite : le plaider
coupable………………...…………………………………………..... 308
SECTION SECONDE : Accusation et légalité…………………………... 149
§1- La nécessité d’un strict cadre légal d’audition………………….. 150 CHAPITRE SECOND : L’influence de l’aveu dans la sanction pénale… 315
§2- L’incidence limitée de la loi du 14 Avril 2011…………………. 172
§3- Le cadre légal de rétractation de l’aveu face à l’accusation…….. 180 SECTION PREMIERE : Le plaider coupable dans le droit pénal comparé 316
§1- L’aveu dans le plaider coupable……………………………….... 317
CHAPITRE SECOND : Effectivité du contrôle de l’aveu………………. 194 §2- L’expérience de quatre autres Etats européens (Italie, Espagne,
Portugal et Allemagne)………………………………………………. 318
SECTION PREMIERE : Aveu et principe de présomption d’innocence… 196 §3- Les systèmes pénaux canadien et américain……………….….… 320
§1- Le sens de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 (DDHC)…………………………………………...... 197 SECTION SECONDE : CRPC et champs d’application de la réponse
§2- Les atteintes à la présomption d’innocence dans l’administration de la pénale…..................................................................................................... 323
preuve………………………………………………………………. 211 §1- L’extension à de nouveaux contentieux ?................................... 323
§2- La CRPC : une aubaine pour la justice pénale ?......................... 326
SECTION SECONDE : Aveu et équilibre des acteurs en plaider coupable 214
§1- La réception de l’aveu lors de l’enquête préalable à la CRPC….. 215 SECTION TROISIEME : Vers un rapprochement des parties au procès dans
§2- Une nouvelle orientation du système pénal : une reconnaissance des le cadre de l’infliction de la sanction........................................................ 334
faits sans réel contrôle du juge …………………………………….… 221 §1- De l’abdication volontaire du justiciable……………………… 335
§2 - Vers une dissociation de l’aveu et de la preuve au profit de la
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE………………………….... 238 discussion entre les parties ………………………………...………… 341

SECTION QUATRIEME : Aveu pénal et transformation du rôle


des tiers………………………………………………………….………… 351
§1- L’avocat en CRPC : une simple mission de conseil…………….. 351
§2- Aveu et modification de la relation horizontale entre magistrats du
parquet et du siège................................................................................. 365

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE …………………………… 371


CONCLUSION GENERALE : JUSTICE ET HUMANITE…………….. 373

418

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