Cours L1 Geographie 2022 2023 PDF
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FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT D’HISTOIRE
LICENCE 1
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Le contact entre les sociétés sénégambiennes et les Européens à partir du XVème siècle a
imprimé une évolution à ces sociétés, entrainant toutes une série d’adaptations et
d’ajustements aux sollicitations du commerce négrier qui a eu entre autres conséquences,
la désorganisation et la fragilisation des formations économiques et sociales africaines par
la déstructuration de leur mode de production et d’échange élaborés. Dans tous les
domaines, la régression économique est attestée par de nombreuses crises politiques,
économiques et sanitaires qui jalonnent l’histoire de la Sénégambie pendant cette longue
période des négriers.
Avec la traite, toute l’organisation de la vie productive n’est plus réalisée en fonction des
besoins de la population africaine mais en fonction des besoins des populations d’une
Europe en pleine mutation.
Dans le courant du XVIIème siècle, la gomme devient à son tour un produit commercial très
recherché en raison de son emploi dans la pharmacopée et l’industrie textile.
En 1659, une compagnie à privilège fonde le comptoir de Saint-Louis en réaction à la
concurrence des Hollandais installés à Gorée depuis 1617. Cette implantation n’est pas le
fruit d’une conquête mais plutôt d’un modus vivendi avec le Brak du Waalo. Le choix de
Saint –Louis correspond à des considérations aussi bien commerciales que défensives. L’ile
est protégée contre une éventuelle mauvaise surprise venue du large par la « barre » qui
interdit l’entrée du fleuve aux navires de fort tonnage. De plus, elle est facilement
défendable et dispose d’une habitation fortifiée dont les quelques canons peuvent
décourager des agresseurs venus des environs.
Au cours de cette période, les relations entre la France et les Etats riverains du fleuve
Sénégal sont des rapports de souveraineté à souveraineté. Il n’y a pas encore de visée
expansionniste. Les commerçants français peuvent commercer librement sur tout l’axe du
fleuve à condition d’accepter de payer les coutumes et les taxes imposées par les souverains
locaux, d’où l’expression « les Français sont les maitres de l’eau et les Africains sont les
maitres de la terre».
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Cette cruauté s’exerce indistinctement sur les « coupables » et sur les innocents selon le
principe de la responsabilité collective. En effet pour tous les militaires qui sont passés par
l’Algérie : « Si un pillage est commis par les habitants d’un village, tout le pays auquel
appartient le village, en est responsable et doit s’attendre à une espèce de représailles… ».
Les représailles ont dès lors une fonction d’intimidation, de punition et d’intégration dans le
dispositif de domination. Elles ont aussi paradoxalement une fonction d’expulsion.
C’est aussi au cours de cette période que Faidherbe jette les bases du régime hégémonique
avec la création d’une Direction des Affaires politiques (réplique des Bureaux arabes
d’Algérie), d’un tribunal musulman de l’Ecole des Otages, plus tard baptisée Ecole des fils de
chefs et Interprètes. Cette école a contribué par le grand nombre d’auxiliaires qu’elle a
produits à jouer un grand rôle dans la conquête. Par ailleurs des dignitaires locaux ont été
envoyés à la Mecque aux frais de l’administration. Faidherbe a fait des notables
musulmans ses principaux alliés, il a contribué au travail sur les langues de la Sénégambie
septentrionale et aux collectes des traditions orales et historiques publiées dans l’Annuaire
du Sénégal et le Moniteur du Sénégal. Faidherbe encouragea les militaires et les négociants
européens qui presque vivaient seuls à la colonie à prendre maitresse dans les familles
sénégalaises influentes dans le but entre autres, de renforcer les liens politiques entre la
communauté expatriée et les sociétés locales. Il donna lui-même l’exemple en épousant une
fille originaire du Haut –Fleuve et dont il eut des enfants.
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Les métis et mulâtres, tous de confession chrétienne fréquentaient les écoles des Missions
dont les programmes au contraire de ceux de l’ Ecole des Otages étaient identiques aux
programmes métropolitains. Beaucoup de jeunes métis furent ainsi en mesure de
poursuivre leurs études dans les écoles françaises soit aux frais du gouvernement soit à
l’aide du soutien de leurs parents. Sous le régime de Faidherbe, les métis acquirent une
position clé dans l’appareil colonial. Comme officiers, traitants ou employés, ils le servirent
avec zèle à l’image de Paul Holle qui défendit le fort de Médine, lors du siège de cette ville
par AlHajj Umar en 1857 ou du sous-lieutenant d’Etat – Major Descemet qui fut tué au cours
de ce même siège.
Conscient que tout système colonial, pour assurer sa survie et une efficience selon sa propre
logique doit reposer sur une classe sociale intermédiaire produit ou façonné par le choc
entre la masse colonisée et l’appareil de domination étrangère, Faidherbe déploya des
efforts pour convaincre les gros négociants européens de collaborer avec les métis. Il réussit
à mettre fin aux rivalités entre les deux groupes de la bourgeoisie coloniale qui dès lors
acceptèrent de coopérer dans l’économie de traite.
Loin d’être un « constructeur », Faidherbe est surtout un « destructeur» et tranche par
rapport aux précédents gouverneurs. D’abord parce qu’il n’est pas marin, mais officier du
génie, une arme qui le rend plus apte à penser le contrôle et le combat terrestre.
Vaincue par l’Allemagne de Otto Von Bismarck lors de la guerre de 1870, la France est
obligée de différer toute politique d’expansion coloniale.
Après 1876, la reprise de l’expansion commerciale est amorcée et la première victime est
sans aucun doute le Kajoor où le Damel Lat Joor, abandonné par les Jaami Buur, par la
plupart des notables jambuur, sans compter les communautés maraboutiques, se retrouve
face à face avec la Colonie du Sénégal dont l’expansion suit de près le développement de
l’arachide. Ainsi le projet de chemin de fer entre Saint- Louis et Dakar qui a pour fonction
fondamentale de consolider et d’élargir l’espace colonial, devient de ce fait, la cause
majeure du conflit entre Lat Joor et la Colonie qui organise la campagne de décembre 1882
à janvier 1883 pour expulser du pays tous les opposants et créer les conditions favorables à
l’exécution des travaux. Le 26 octobre 1886, l’armée française oblige Lat Joor à livrer une
bataille rangée à Déxelé ou le dernier grand Damel du Kajoor trouve la mort.
Dans une certaine mesure, les campagnes du Kajoor coincident avec la conquête du Siin et
du Saloum dont l’annexion sur l’axe de la côte Sénégambienne est largement liée à
l’expansion de l’arachide.
La marche vers le Soudan est toutefois compromise par la résistance de Mamadou Lamine
Dramé qui après avoir polarisé le mécontentement populaire enclenche son projet de
conversion et de prosélytisme religieux vis-à-vis des Mandingues paiens et tente d’appeler
ses disciples à participer massivement à la guerre sainte pour construire un nouvel ordre
politique et social fondé sur la sharia. Son action se situe, dans une perspective plus large de
contestation générale des populations du Haut fleuve Sénégal contre le pouvoir colonial en
place depuis 1857. Après avoir envahi le Boundou en 1886, puis la région de Bakel en 1887,
il dut battre en retraite et s’enfuir en Gambie ou il meurt en décembre 1887. Après sa
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défaite, l’administration française exerce une répression sauvage contre les soninkés. Cette
défaite donne aussi aux troupes françaises la liberté du mouvement pour la conquête de
l’Etat de Samori.
C’est à partir des années 1860 que Samori crée son empire sur une base politique et
sociale restreinte : le réseau d’un groupe minoritaire et très riche de commerçants (les
Dyula) qui jalonnaient les pistes du négoce depuis le Niger jusqu’aux abords de la zone
forestière guinéenne, transportant captifs de traite, noix de cola, sel marin et produits
manufacturés européens.
Innovateur politique dans une zone qui n’avait guère jusqu’alors connu de formation
centralisée, Samori fonde son pouvoir sur une organisation efficace de l’espace, assurant à
une échelle nouvelle, le contrôle des pays soumis par des gouvernements territoriaux
administrés par des chefs militaires. Il procède dès lors à partir des années 1880, par
conquêtes successives visant surtout à enrôler l’ensemble de ses nouveaux sujets dans
l’armée dont il a besoin ; il cherche enfin, à partir de 1884 1885, à fonder une autorité sur le
principe unificateur de l’islam, en se proclamant almami, puis en affirmant un pouvoir
théocratique impliquant la conversion obligatoire des sujets.
Fin stratège, Samori n’était pas pour sa part hostile à la présence européenne, d’où un
premier compromis avec Gallieni. Puis, au fur et à mesure que les relations avec les Français
devenaient plus encombrantes, il tente de leur opposer les Anglais avec lesquels il conclut
même à cet effet un traité de protectorat en 1890. Enfin face à la progression française,
Samori n’hésite pas à pratiquer la tactique de la « terre brûlée » qui consiste à faire le vide
devant l’ennemi, ne lui abandonner ni hommes, ni réserves tout en le harcelant sans trêve et
en réoccupant le terrain après son passage. Luttant pied à pied avec les Français, il prolonge
la résistance pendant sept ans. En 1898, il est capturé par surprise et déporté au Gabon ou il
meurt en 1900.
Autre résistance, mais que l’on pourrait qualifier de nationale, c’est celle du royaume
d’Abomey.
Ce royaume s’est formé au XVIIème siècle en soumettant ses voisins jusqu’à atteindre les
côtes de Guinée au XVIIIème siècle, quand il réussit sa reconversion économique et sociale
en exploitant le palmier à huile. Cette reconversion s’est avérée rentable car jusqu’aux
années 1860, la forte demande en produits oléagineux en Europe a maintenu des prix élevés
et des termes de l’échange favorables au royaume. Jusque dans les années 1870, les
contacts franco dahoméens sont des relations d’affaires, amicales grâce surtout à l’habileté
diplomatique d’un grand souverain, le roi Ghezo. Mais la tension monte ensuite en rapport
avec la prétention des Français sur le port de Cotonou et l’alliance conclue avec le royaume
rival de Porto Novo. A la suite de la première guerre du Dahomey (1889 -1890), les Français
obtiennent le droit de s’établir à Cotonou. Mais leur intention est de réduire le Dahomey. En
1892, une colonne fortement armée pénètre dans le pays et atteint Abomey après s’être
heurtée à une résistance héroïque et acharnée. Mais bien que le général Dodds eût
proclamé la déposition de Béhanzin, les Dahoméens ne manifestèrent nulle intention de le
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remplacer, tandis que celui-ci réfugié au nord, tentait de reconstituer son armée. Seule la
trahison de son frère le conduit à se livrer. Il meurt en déportation en 1906.
De 1891 à 1913, les Français affrontent une résistance farouche en Côte d’ivoire,
précisément en pays Baoulé. En 1891 c’est un premier échec et à l’occasion d’une opération
qui tourne mal, ils constatent que les méthodes qui ont fait leurs preuves dans les savanes
du Nord sont ici inopérantes face à des adversaires qui disposent vieux mousquets mais
aussi de quelques fusils modernes. Le pays Baoulé est en outre difficile à pénétrer en
raison de son hydrographie et de son important couvert forestier, autant de facteurs
favorables aux combattants africains qui maîtrisent par ailleurs l’art de l’embuscade. Ce n’est
qu’en 1910 que les derniers foyers de révolte vont être anéantis.
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La première phase de la résistance est celle de la lutte contre le conquérant européen. Elle
s’organise autour de l’Etat, des sociétés lignagères et des chefs religieux et apparaît tournée
vers la restauration de l’ordre ancien. Elle a essentiellement un aspect militaire, mais une
fois vaincus, les Etats s’effondrent totalement. Samori capturé entraîne dans sa chute celle
de son Empire. Ces évènements ne déclenchent pas à proprement parler de soulèvement
national.
En revanche, les populations forestières ou montagnardes qui n’avaient jamais été
contrôlées par un Etat se révèlent les plus difficiles à dominer. Ainsi en basse Côte d’ivoire,
la domination est sans cesse remise en cause jusqu’en 1915 et n’est jamais définitive. On
peut remarquer que les sociétés dites segmentaires, c’est-à-dire, celle qui ne sont pas dotés
de pouvoir centralisé sont souvent plus rebelles à l’autorité coloniale, c’est le cas en
Casamance des Balant ou des Joola.
Les typologies sont fatalement réductrices, mais elles permettent des rapprochements entre
des mouvements qui se manifestent dans l’empire colonial. Trois types de résistances sont
souvent retenus : les mouvements lancés par les souverains dépossédés par les conquérants
de leur autorité, les soulèvements spontanés et les résistances religieuses. Dans le premier
cas, les échecs sont répétés et témoignent de l’incapacité des aristocraties au pouvoir à
répondre au défi colonial, sinon en envisageant un seul retour à l’ordre ancien.
L’inadaptation est peut être une des clés pour comprendre l’échec de ce type de résistance.
La confrontation militaire entre Africains et Européens pose de nombreux problèmes. Le
premier est celui de l’information dont disposent les premiers sur les capacités de leurs
adversaires. Le second plus important tient au type de guerre. Pour l’historiographie
coloniale, s’il existe un art de la guerre, il est occidental pour ne pas dire européen. Lorsque
le thème de la guerre est abordé, il est souvent réduit à des formes
« tribales » ou « primitives » et correspond à des sociétés qui, elles- mêmes, sont restées à
un stade primitif d’organisation, la « tribu ». Le vocabulaire pérennise cette idée. Ainsi, on
utilise le terme guerrier et pratiquement jamais celui de soldat voire même de combattant.
L’organisation des armées africaines est aussi présentée en termes de bandes plutôt que
d’unités. Dans ces conditions, l’Afrique ne peut connaître le même type de guerre que
l’Occident. C’est ce que prétend le capitaine Burton au XIXème siècle lorsqu’il affirme que
les Africains ne font la guerre que pour deux raisons : le vol du bétail ou la capture des
esclaves.
La permanence de ces clichés s’explique par un eurocentrisme qui dure dans le domaine de
l’histoire militaire de l’Afrique plus que d’autres. L’Etat occidental est considéré comme le
modèle de l’efficacité qu’elle soit militaire ou administrative.
Tout cela pose aussi la problématique de la question des armes et des combattants. La
plupart des historiens mettent en avant la supériorité des armes à feu qui sont vendues en
quantité considérable depuis le XVII siècle, mais les Africains n’en fabriquent pas, ou très
peu, et sont par conséquent soumis aux importations. Ils produisent aussi de la poudre, mais
celle-ci est en général de qualité médiocre et ne permet pas de se dispenser des achats à
l’étranger.
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L’arrivée des fusils modernes impose une munition adaptée que l’on peut rarement
fabriquer sur place. Elle consacre dès lors la supériorité des Européens dans le domaine de
l’armement car quelle que soit l’habilité des forgerons africains, ils ne peuvent reproduire ce
type d’arme et ces munitions en quantités importantes. De plus, à la conférence de Bruxelles
en 1890, les puissances coloniales s’accordent pour interdire l’exportation des armes de
guerre en Afrique tropicale. Après cette date, il devient donc de plus en plus compliqué de
s’en procurer.
Le marché africain est aussi influencé par les changements d’armes qui interviennent en
Europe
En Afrique occidentale les armées sont composées de combattants occasionnels et de
professionnels. En pays malinké les hommes sont levés par classe d’âge sans tenir
compte de leurs origines pour répondre aux besoins du souverain dans le cadre d’une
campagne. Ce système constitue aussi la base de l’organisation de l’armée. Mais il est
abandonné au début du XIX siècle puis transformé par Samori qui crée une armée
permanente .Celle-ci est constituée par de jeunes gens fournis par le territoire
conquis, mais aussi par des combattants qui sont des prisonniers de guerre
Les armées africaines qui résistent à la conquête diffèrent considérablement entre elles
selon leur taille, leur organisation, leur armement ou encore leur tactique. Par
ailleurs dans un grand nombre de cas les Etats locaux sont engagés dans un double,
voire une triple confrontation non seulement avec les Français mais aussi avec leurs
voisins. Ainsi en 1887 Samori doit à la fois se battre contre les Français, lever le siège
de Sikasso et réprimer une grande révolte dans le Wasulu
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grande mobilité et peut réaliser des attaques surprises. Elle est aussi adaptée à la
guerre de siège qui est la forme dominante des combats dans cette partie soudanaise
de l’Afrique.
L’armée dahoméenne est remarquablement organisée. Les troupes permanentes comptent
entre 2000 et 3000 combattants dont un contingent d’amazones organisé depuis la
fin du XVIII et dont une partie sert de garde personnelle au souverain. Ces effectifs
peuvent être complétés dans le cas de campagne importante par des levées
d’hommes libres dans tout le royaume.
Ce n’est qu’au début du XIXème siècle que les armes à feu s’imposent, mais lors de leur
première confrontation avec les Français en 1889, les dahoméens sont encore
équipés de fusils à pierres pour les combattants professionnels, d’arcs et d’armes
blanches pour les autres. Deux ans plus tard le roi Béhanzin achète à des
commerçants allemands des fusils modernes, essentiellement des Chassepots mais
aussi 4 ou 5 mitrailleuses et une dizaine de ceanots krupp de 58 et 87mm. Ces
acquisitions sont illusoires puisque l’armée régulière ne reçoit d’une part aucun
entrainement au combat et ne peut par conséquent avoir de réelles chances de
succès, d’autre part, le Dahomey ne peut pas résoudre ses problèmes
d’approvisionnement en raison de la présence des Français sur la côte.
A la décharge des armées africaines, elles ont dû s’adapter dans un temps très court, aux
nouvelles formes de combat que pratiquent les Européens.
L’échec des résistances armées au cours de la phase de conquête peut ainsi s’expliquer par deux
éléments principaux qui sont d’une part la supériorité technique des troupes coloniales et, d’autre
part, l’impossible ou la difficile adaptation des armées africaines au type de guerre auquel elles sont
confrontées.
A la suite de nombreuses guerres et expéditions punitives, tous les pays africains (à l’exception de
certaines régions de l’intérieur) se trouvaient à la fin du XIXème siècle, occupés par les puissances
impérialistes. Toutefois, cela ne signifie pas maitrise du territoire et la « pacification» qui lui fait suite
ou la prolonge n’empêche pas que subsistent des poches de territoire qui échappent à l’emprise
coloniale, tandis que de multiples soulèvements défient en permanence le pouvoir colonial comme
par exemple en Guinée de 1900 à 1906 et en Côte d’Ivoire de 1902 à 1906 et de 1908 à 1915. Bien
souvent, sous le couvert de « campagne de pacification », les impérialistes menaient de nouvelles
guerres d’occupation. Au moyen de telles campagnes de conquête, les Français ont pu rattacher à
l’AOF, une nouvelle colonie, le Niger.
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l’économie moderne, l’administration coloniale eut recours au travail forcé, au travail obligatoire et
à l’impôt. Pour justifier le travail forcé on allégua que l’Africain était atteint d’une apathie
congénitale, d’une paresse innée qui l’empêchait de rechercher et de se livrer à un travail régulier.
Quelques soient les subtilités morales de l’administration pour justifier cette pratique, le travail
forcé n’est qu’un régime habilement plagiaire de l’esclavage. Au nom de l’intérêt général, on forçait
au travail les Africains et on portait ainsi atteinte à leur liberté et à leur dignité. Le travail forcé
évoquait fatalement une notion de bagne avec le grand éventail d’abus qu’entrainait le recrutement
de la main d’œuvre. Aussi l’administration coloniale exigeait des Africains des prestations gratuites
de service pour les travaux publics d’intérêt général ou d’intérêt local. Elle recrutait également des
porteurs et des pagayeurs pour les transports administratifs. Tout Africain devait en effet 10 à 12
jours de corvées par an. Pour procurer aux maisons de commerce privées européennes la main
d’œuvre nécessaire à la prospérité de leurs affaires, l’administration coloniale mit sur pied une
réglementation instituant le travail obligatoire. Une législation très sévère réprimait en effet le
vagabondage et l’oisiveté. Tout africain qui ne travaillait pas pour son compte personnel et qui était
incapable d’exhiber un contrat d’engagement avec un colon pour une durée déterminée était
poursuivi comme vagabond et puni comme tel. Toutefois l’Africain demeurait libre de choisir le genre
de travail qu’il préférait. Ce travail salarié impliquait néanmoins une certaine contrainte puisqu’il
s’agissait pour l’Africain d’éviter la poursuite résultant du non paiement de l’impôt et des peines
réprimant le vagabondage. Toutefois, il était classé dans la catégorie des travailleurs libres.
L’administration coloniale instaura également un système fiscal très lourd dont le taux variait selon
les circonscriptions administratives. Etait imposable tout individu âgé au moins de sept ans. Seuls
étaient exemptés, les Africains sous les drapeaux et ceux qui fréquentaient l’école (pour encourager
la fréquentation scolaire et pour qu’à leur sortie, les élèves deviennent des agents au service de la
colonisation).
Cette conception s’est révélée irréalisable d’autant que les Africains étaient les héritiers d’une
culture qui a été lentement façonnée par plusieurs siècles de pensée et d’efforts.
A partir de 1905, on ne tarda pas à se rendre compte de l’erreur assimilationniste, on se tourna alors
vers la politique de l’association qui affirme qu’il n’y a pas d’identité entre les cultures si divergentes
que celles de l’Europe et de L’Afrique. En conséquence, le pouvoir métropolitain devait administrer
les Africains par l’intermédiaire de leurs propres institutions. Le gouvernement français comprit que
coloniser ce n’est pas reconstituer en Afrique une société identique à la société métropolitaine sans
créer une société nouvelle ayant sa civilisation et ses institutions propres. Toutefois, l’assimilation
était un leurre puisque n’ayant aucune portée pratique car la reconnaissance des lois et des
coutumes des communautés africaines, la conservation des formes et des méthodes traditionnelles
de gouvernement sont des choses extrêmement relatives. Les traditions et
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les lois des sociétés africaines sont conservées et respectées par le pouvoir colonial pour autant
qu’elles puissent totalement servir leurs intérêts. Dès qu’une loi ou qu’une coutume africaine semble
mettre en danger ou simplement leurs intérêts, les impérialistes français la rejettent aussitôt. Par
ailleurs dans de nombreux cas, le « pouvoir traditionnel » n’est qu’une fiction car dans plusieurs
territoires, les chefs coutumiers sont remplacés par les agents des impérialistes.
Au plan économique, bouleversant l’ancienne agriculture centrée sur des productions vivrières, les
bourgeoisies colonialistes implantent en AOF des monocultures d’exportation. Ainsi, l’arachide
devient la nouvelle production quasi exclusive de l’économie coloniale au Sénégal, au Soudan
français ( Mali), au Niger, tandis que le café et le cacao jouent désormais un rôle comparable en Côte
d’ivoire, au sud du Cameroun et que le coton sert aux mêmes usages ailleurs. C’est ce que l’on
appelle l’économie de traite, caractérisée par une agriculture étroitement spécialisée, sans aucun
rapport avec les besoins du pays, exclusivement orientée vers l’exportation en direction des
métropoles coloniales où sont accomplies les transformations industrielles des denrées en question.
Il s’agissait ainsi de soumettre les formes précapitalistes de l’économie africaine aux formes
capitalistes. Le passage au nouveau mode d’exploitation des colonies de l’AOF ouvrit aux
impérialistes français d’immenses perspectives tant au point de vue des possibilités d’exploiter les
richesses naturelles de ces que celui de la création de nouveaux marchés et débouchés pour les
investissements de capitaux.
Pour augmenter la production l’administration songea à instruire les Africains. Les économistes, les
industriels et les commerçants étaient unanimes à souligner l’importance des matières premières
tirées de l’Afrique et affirmaient que la seule façon d’en augmenter à la fois la quantité et la qualité
était d’améliorer la production par l’éducation. Des raisons morales et des motifs utilitaires
formèrent donc un faisceau d’arguments pour réclamer l’instruction des Africains. Après avoir
abandonné le système de Dard au début du XIXème siècle, l’administration adopta définitivement le
français comme langue d’enseignement. On créa un enseignement élémentaire dont les meilleurs
élèves auraient accès à des écoles professionnelles que réclamait l’activité économique. Il n’était pas
encore question d’études secondaires. La première organisation de l’enseignement au Sénégal et en
AOF date de 1903 et proposait de de diffuser le plus largement possible chez les Africains, le français
parlé. Mais même si en principe, l’enseignement était ouvert à tous, o procéda à une sélection qui
dans un premier temps portait sur les fils de chefs et de notables. La fréquentation de l’école par
cette catégorie d’enfants était obligatoire. La société africaine étant fortement hiérarchisée, la
considération qui s’attachait au rang social devait se doubler du prestige que donne l’instruction.
Après trois ou quatre ans de scolarité à l’école de village, les meilleurs écoliers intègrent l’école
régionale, les autres, l’immense majorité étaient rendus à leurs familles et remplacés par de
nouvelles recrues. Il s‘établit ainsi un roulement qui permet au plus grand nombre d’enfants de
s’initier aux rudiments de la langue française. Le recrutement pour l’école régionale était très sévère
puisqu’on voulait faire de l’enseignement qui y est dispensé une chose très précieuse réservée
exclusivement au mérite. Les études dispensées étaient sanctionnées par l’obtention du Certificat
d’études primaires indigènes (CEPI). A l’échelon supérieur se trouvait l’école primaire supérieure et
professionnelle qui comportait deux sections :
1) la section d’enseignement général qui recrutait ses élèves parmi les titulaires du CEPI. Pendant
deux ans, les apprenants suivaient le programme du cours supérieur, ils bifurquaient pour se
préparer à devenir des agents, soit des cadres généraux, soit des cadres locaux. Ceux qui se
destinaient aux cadres généraux de l’enseignement ou du Service de santé étaient dirigés sur l’école
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normale William Ponty de Gorée. Les autres continuaient à suivre pendant un ou deux ans dans des
sections spéciales, qui formaient des postiers, des interprètes, des douaniers et des imprimeurs.
2) Les sections manuelles d’apprentissage étaient considérées comme des sections professionnelles
mais le recrutement s’y opérait de façon sensiblement différente. Les élèves étaient choisis de
préférence dans les castes d’artisans qui travaillaient le bois, le cuir ou les métaux. Ils apprenaient la
technique de leurs métiers.
Cet enseignement qui répondait à des préoccupations utilitaires n’atteignit pas la masse des
Africains. Après avoir formé une catégorie de jeunes gens appelés à seconder leurs efforts, les colons
se préoccupèrent de développer l’éducation en donnant au plus grand nombre d’Africains sinon
l’assimilation du moins l’empreinte française. Il s’agissait pour l’essentiel de former des agents de
diffusion de l’influence française. L’enseignement de l’histoire devait faire comprendre aux enfants,
la différence profonde entre le passé de leur pays jugé instable et sanglant et le présent considéré
comme pacifique et fécond.
Au moment où éclate la Première Guerre mondiale, la France se sert de ses colonies africaines en
tant que source de « chair à canon». Le gouvernement français organisa en AOF, une vaste
campagne de recrutement et enrôla en un an 30000 Africains qui sont tous envoyés au front. En
outre les colonies françaises d’AOF présentaient une grande importance stratégique en tant que
bases de matières premières et de ravitaillement. Les troupes africaines étaient envoyées sur les
fronts les plus dangereux. Les généraux français les jetaient en masse dans la bataille. La majorité
des soldats africains mobilisés par la France périrent à la guerre au cours de la guerre mais aussi par
les maladies que provoquaient les conditions climatiques auxquelles ils n’étaient pas habitués. Blaise
Diagne dit notamment : « Ce qu’ils durent subir, par l’insouciance de quelques généraux n’est rien
d’autre qu’un meurtre de masse sans aucun avantage… »
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