La Maladie de Eales

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Journal français d’ophtalmologie (2016) 39, 474—482

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REVUE GÉNÉRALE

La maladie de Eales夽
Eales’ disease

M.-H. Errera ∗, A. Pratas , P. Goldschmidt , N. Sedira ,


J.-A. Sahel , J. Benesty

Inserm-DHOS CIC 1423, service d’ophtalmologie IV, médecine interne, laboratoire, université
Pierre-et-Marie-Curie-Paris 6, centre hospitalier national des Quinze-Vingts, DHU
SightRestore, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France

Reçu le 20 février 2016 ; accepté le 23 mars 2016


Disponible sur Internet le 13 mai 2016

MOTS CLÉS Résumé Le tableau d’hémorragies rétiniennes récidivantes chez de jeunes adultes a été
Maladie de Eales ; décrit pour la première fois en 1880 par Henry Eales. Les signes associés d’inflammation oculaire
Périphlébite ont été rapportés 5 ans plus tard. La maladie de Eales correspond à un tableau de vascularite
rétinienne rétinienne ischémique qui atteint en priorité la rétine périphérique des jeunes patients. La
idiopathique ; majorité des cas ont été rapportés en Inde. Son étiologie est inconnue mais elle semblerait
Tuberculose ; dans certains cas être liée à une hypersensibilité médiée par le système immun à l’antigène
Décollement de la Mycobacterium tuberculosis (MTB). Sa pathogenèse est reliée à une ischémie rétinienne exten-
rétine ; sive secondaire à une vasculopathie occlusive avec libération de facteurs angiogéniques de type
Bévacizumab ; VEGF. Les atteintes sont rétiniennes et comprennent des périphlébites, une ischémie rétinienne
Vitrectomie capillaire principalement en périphérie pouvant se compliquer de rétinopathie proliférante avec
néovascularisation rétinienne et/ou papillaire, d’hémorragies intravitréennes récidivantes et
de décollements de la rétine tractionnels. Ces complications peuvent mettre en jeu le pronostic
visuel. L’histoire naturelle de la maladie de Eales est assez variable avec une rémission tempo-
raire ou permanente dans certains cas et une progression continue pour d’autres. L’évolution
se fait vers la bilatéralisation de la maladie fréquemment ce qui nécessite un suivi régulier.
Le traitement de la maladie de Eales dépend du stade de la maladie et n’est pas bien défini.
L’observation simple, la chirurgie par vitrectomie et/ou les injections intravitréennes de VEGF

夽 Retrouvez cet article, plus complet, illustré et détaillé, avec des enrichissements électroniques, dans EMC Ophtalmologie : Errera MH.

Maladie de Eales. EMC - Ophtalmologie 2013;10(4):1—8 [Article 21-230-B-05].


∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (M.-H. Errera).

http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2016.03.001
0181-5512/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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font partie de la prise en charge d’une hémorragie intravitréenne dans ce contexte, en associa-
tion à la corticothérapie si une vascularite rétinienne est présente. Une pan-photocoagulation
rétinienne par laser est nécessaire en cas de néovascularisation rétinienne.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary The syndrome of recurrent vitreous hemorrhages in young men was described for
Eales disease; the first time by Henry Eales in 1880. The association with a clinical manifestation of ocular
Idiopathic retinal inflammation was reported 5 years later. Eales disease affects young adults who present with
periphlebitis; ischemic retinal vasculitis, with the peripheral retina most commonly affected. Most cases
Tuberculosis; have been reported in South Asia. Although the etiology of this abnormality is unknown, it
Retinal detachment; may be related to an immune sensitivity to Mycobacterium tuberculosis antigens. Its patho-
Bevacizumab; genesis is related to extensive ischemia that affects the retina, secondary to an obliterative
Pars plana vitrectomy retinal vasculopathy with release of angiogenic factors of the VEGF type. Involvement of the
retina is the hallmark of the disease, which manifests as follows: periphlebitis, retinal capillary
ischemia most often affecting the periphery with secondary proliferative retinopathy and reti-
nal and/or papillary neovascularization, recurrent vitreous hemorrhages and tractional retinal
detachment. These complications are potentially blinding. The natural history of Eales disease
varies, with temporary or permanent remission in some cases and continuous progression in
others. Progression is often bilateral, which necessitates regular follow-up. The treatment of
Eales disease depends on the stage of the disease and is not well defined. Observation only,
pars plana vitrectomy surgery and/or intravitreal injections of anti-VEGF are recommended in
cases of vitreous hemorrhage, associated with corticosteroids when retinal vasculitis is present.
Laser pan-retinal photocoagulation is necessary when neovascularization is present.
© 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Démographie rétinoïde) serait libéré, ce qui provoquerait une réponse


immune dans l’œil et pourrait initier le processus [8]. Des
Cette affection est le plus souvent diagnostiquée en Inde taux de cytokines élevés ont été identifiés dans le sérum
où dans les centres ophtalmologiques spécialisés en inflam- (IL1-␤) et le vitré de patients lors d’épisodes d’activité
mation oculaire, la maladie est rencontrée dans 1 cas pour inflammatoire de la maladie de Eales, tels l’interleukine-
135—200 patients [1,2]. La maladie a été décrite aux États- 6 (IL-6) et le VEGF [5,9,10] ; de plus des taux sériques
Unis, Canada, Corée et en Europe principalement [3—5]. augmentés de tissue necrosis factor (TNF-␣) ont été retrou-
Les jeunes hommes sont surtout les plus atteints avec vés lors de formes prolifératives de la maladie [11]. Le
l’apparition des symptômes dans la tranche d’âge entre 20 et stress oxydatif résultant provoquerait des altérations dans la
30 ans [6]. perméabilité membranaire et donc une dysfonction des pho-
torécepteurs rétiniens [12]. L’implication des cellules T dans
l’infiltration lymphocytaire des membranes épirétiniennes
Étiopathogénie et sous rétiniennes des patients avec une maladie de Eales
est également en faveur d’une réaction immune médiée par
L’étiologie de la maladie de Eales reste inconnue car sa défi- les cellules T [13].
nition reste une vascularite rétinienne primitive chez des
jeunes adultes. Certaines maladies oculaires et systémiques
accompagnées de vascularites rétiniennes peuvent prendre
un aspect similaire [7]. Tuberculose
Hypothèse d’un mécanisme auto-immun L’association de la maladie de Eales à la tuberculose est
une autre hypothèse et résulterait d’une hypersensibilité
La maladie de Eales est une réaction immunologique qui immune à l’antigène Mycobacterium tuberculosis (MTB).
peut être initiée par une exposition exogène. L’auto- Récemment, Singh et al. ont trouvé le génome de MTB dans
immunité aux antigènes rétiniens est une hypothèse 57 % des prélèvements de vitré de patients avec une maladie
étiologique. Suite à l’exposition à un agent extérieur, un de Eales. Ils concluent que la moitié des patients atteints
antigène uvéitopathogénique du système immun (antigène- de cette maladie seraient atteints en fait de vascularite
S rétinien et protéine se liant à l’interphotorécepteur tuberculeuse [14].
476 M.-H. Errera et al.

Un phénotype plus fréquent de HLA-A*02 and HLA-B*07,


HLA B51, DR1, et DR4 chez les patients atteints de maladie
de Eales en comparaison à des groupes témoins non atteints
[15,16]. Biswas et al. ont émis l’hypothèse d’une prédis-
position HLA à développer une vascularite rétinienne qui
résulterait d’une atteinte immunologique tissulaire induite
par l’antigène MTB dans une forme inactive [15].

Aspects cliniques
Symptomatologie
Les patients sont souvent asymptomatiques au stade ini-
tial de vascularite rétinienne. Dans une cohorte de patients
atteints de maladies de Eales, 75 % d’entre eux se plai-
gnaient de myodésopsies et 60 % souffraient de baisse
de vision non douloureuse [17] le plus souvent en raison
d’hémorragies intravitréennes. L’acuité visuelle est variable
de normale à réduite à « perception de la lumière ». La bila-
téralisation de l’atteinte oculaire est fréquente dans 50 à
90 % des cas [3,18].

Triade clinique
La maladie est représentée par la triade :
• inflammation (vascularite rétinienne périphérique) ;
• modifications ischémiques (non perfusion rétinienne péri-
vasculaire) ;
• et néovascularisation de la rétine et du nerf optique avec
un risque d’hémorragie intravitréenne [5].

Examen biomicroscopique
Dans la maladie de Eales, la présence d’uvéite antérieure
est peu fréquente [5].
Au fond d’œil, les signes ophtalmologiques varient selon
le stade de la maladie.
Figure 1. Rétinophotos : a : la rétine temporale de ce patient pré-
Vascularite rétinienne sente des engainements périvasculaires exsudatifs (périphlébites
Typiquement, une vascularite active avec des exsudats blanchâtres) et des hémorragies superficielles rétiniennes ; b : chez
cet autre patient, les periphlébites (ou vascularites veineuses) sont
et des engainements veineux sont retrouvés dans un ou
prédominantes et associées aux hémorragies.
plusieurs quadrants, souvent associés à des hémorragies
rétiniennes superficielles (Fig. 1a et b). La périphlébite réti-
nienne est plus fréquemment périphérique que centrale
[3,18,19]. Gieser et Murphy ont décrit une atteinte veinu- vascularites actives ou cicatricielles dans d’autres quadrants
laire et artériolaire sensiblement équivalente [20]. D’autres que celui affecté [5].
modifications vasculaires retrouvées sont des veinules sclé-
rosées (82,6 %, [21]) (Fig. 1 et 2), une irrégularité du calibre Atteintes maculaires rétiniennes
des veines, une pigmentation le long des veinules, des ana- Des cicatrices choriorétiniennes sont possibles ainsi qu’une
stomoses vasculaires anormales et des veines étirées vers la choroïdite multifocale [21], des exsudats maculaires, des
cavité vitréenne [3,22]. membranes épirétiniennes et des décollements séreux
rétiniens. Devant une choriorétinite d’autres diagnostics dif-
Occlusion veineuse rétinienne férentiels comme la sarcoïdose, la tuberculose ou la syphilis
doivent être recherchés [23].
Une vascularite active dans la maladie de Eales peut res-
sembler à une occlusion de la veine centrale de la rétine
Hémorragies intravitréennes, rétinopathie
(OVCR). Mais une occlusion de branche veineuse (OBVR) peut
s’associer dans 3,2 % des cas lors de la découverte de la mala- proliférante et leurs complications
die [6]. Le diagnostic de maladie de Eales par opposition à La néovascularisation rétinienne est fréquente (Fig. 3) et a
celui d’OBVR primitive est basée sur la présence de zones de été rapportée dans 36—84 % des cas, celle du nerf optique
La maladie de Eales 477

Figure 3. Rétinophoto d’une œil gauche (même patient que


Fig. 2b) montrant une hémorragie prérétinienne massive associée à
une néovascularisation papillaire.

Figure 2. a : rétinophoto d’un autre droit. Les veines tempo-


rales inférieures sont sclérosées, déshabitées (flèches). Il n’y pas
de perfusion rétinienne en aval des vaisseaux sclérosés ; b : angio-
graphie à la fluorescéine d’un œil droit (autre patient) montrant une
zone temporale rétinienne non perfusée associée à des hémorragies
rétiniennes. Figure 4. Rétinophoto montrant une prolifération néovasculaire
rétinienne extensive et décollement tractionnel de la rétine dans
un cas de maladie de Eales.

dans seulement 9 % [3,6,21,22,24,25]. Une hémorragie intra- Examens complémentaires ophtalmologiques


vitréenne est retrouvée dans un tiers des cas [18] (Fig. 3).
Cette hémorragie est liée soit à un saignement depuis les Des clichés angiographiques en périphérie rétinienne sont
vaisseaux prérétiniens ou de la papille, soit suite à une essentiels pour apprécier l’étendue de l’ischémie rétinienne
rupture des capillaires ou des larges veinules pendant une (Fig. 2b et 5), objectiver un engainement vasculaire péri-
activité inflammatoire de la maladie. Dans de tels cas, phérique avec fuite périvasculaire et anévrismes (Fig. 6)
il n’existe alors pas de néovascularisation détectable en (présent dans 20,6 % des cas en périphérie d’après Atmaca
l’angiographie. et al. [18]), et enfin, pour rechercher une anomalie vascu-
Les complications à type de décollement de la rétine laire. Les néovaisseaux ont une apparence caractéristique
tractionnel sont retrouvés dans 2,5 % à 13 % cas [18,21] en « sea-fan » avec une imprégnation au temps artério-
(Fig. 4). Rubéose irienne et glaucome néovasculaire sont des veineux précoce et une fuite de produit de contraste aux
complications éventuelles. temps tardifs [18] (Fig. 7).
478 M.-H. Errera et al.

Figure 5. Image composite en angiographie à la fluorescéine montrant une large zone de non-perfusion rétinienne temporale.

Figure 6. a et b : même patient qu’en Fig. 1. Les clichées angiographiques montrent les anomalies présentent à la bordure de la zone
non perfusée tels les néovaisseaux prérétiniens apparaissant après quelques semaines (b) ; c : après réalisation d’une pan-photocoagulation
laser sectorielle.

L’Optical Coherence Tomography (OCT) permet de confir- Classification


mer ou détecter la présence d’un œdème maculaire. La
réalisation d’une échographie oculaire mode B est utile Une classification a été établie basée sur la terminologie
quand il existe un trouble des milieux comme une cataracte standard et les caractéristiques cliniques [26] :
ou une hémorragie intravitréenne empêchant la visualisa- • stade 1 : péri-phlébite des vaisseaux de petits (1a) et large
tion du fond d’œil. Cet examen permet de rechercher un (1b) calibre avec hémorragies rétiniennes superficielles ;
décollement rhegmatogène et/ou tractionnel de la rétine. • stade 2a : zone de non-perfusion capillaire ;
La maladie de Eales 479

granulomatose de Wegener, lymphome, syphilis, borréliose


de Lyme, tuberculose ou sarcoïdose.
Les autres diagnostics différentiels sont les vascula-
rites purement oculaires ou pseudo-vascularites : choroidite
de Birdshot, la pars planite, maladie de Coat’s, rétinite
virale, syndrome d’Idiopathic Retinal Vasculitis, Aneurysms,
and Neuroretinitis (IRVAN), macroaneurysmes rétinien [5].
Dans le cadre d’une hémorragie intraoculaire, les investi-
gations doivent rechercher un diabète, une hypertension
artérielle, une sarcoïdose, une drépanocytose (ou autre
hémoglobinopathie) [28], une leucémie, une occlusion vei-
neuse rétinienne. L’intradermoréaction à la tuberculine et
le quantiféron-TB sont particulièrement utiles pour le dia-
gnostic.

Traitements
L’observation simple est recommandée si la vascularite
ne semble pas active ou l’hémorragie intravitréenne est
récente.

Traitement médical
Le traitement médical consiste en une corticothérapie orale
ou périoculaire aux stades de vascularite active avec péri-
Figure 7. En angiographie à la fluorescéine les néovaisseaux réti- phlébites rétiniennes.
niens ont une apparence en « sea-fan ». Tandis que les injections intraoculaires de triamcinolone
ont montré un bénéfice [29,30] ; l’Ozurdex® (dispositif intra-
• vitréen de dexaméthasone) n’a pas encore été évalué dans
stade 2b : néovascularisation rétinienne et/ou papillaire ;
• cette indication.
stade 3a : prolifération fibrovasculaire ;
• L’instauration d’un traitement antituberculeux est
stade 3b : hémorragie intravitréenne ;
• recommandée chez les patients avec une intradermoréac-
stade 4a : décollement de la rétine tractionnel/combiné
tion à la tuberculine positive et/ou un Quantiferon-TB positif
à un décollement de la rétine rhegmatogène et ;
• stade 4b : rubéose irienne, glaucome néovasculaire, cata- ou l’évidence clinique ou radiologique de tuberculose. Parmi
les 7 patients atteints de vascularite rétinienne étudiés par
racte compliquée et atrophie optique.
Rosen et al. et traités par corticoïdes systémiques avec
ou sans thérapie antituberculeuse, un des patients avait
présenté une réactivation de tuberculeuse miliaire avec
Histoire naturelle de la maladie tubercules choroïdiens et ce, sous corticothérapie seule.
Tous les autres patients avaient présenté une résolution de
Celle-ci a été documentée par une large étude rétrospective la vascularite rétinienne sous traitement [31].
regroupant une cohorte de 159 patients atteints de mala- En présence d’une hémorragie intravitréenne, il n’y a
die de Eales [27]. Soixante-douze pour cent des cas étaient pas de recommandations formelles mais trois options sont
bilatéraux. Les hémorragies intravitréennes représentaient possibles : l’observation, la chirurgie vitréo-rétinienne par
la forme de présentation la plus fréquente (50 %). L’acuité vitrectomie ou les thérapies anti-VEGF.
visuelle dépendait du stade à laquelle la maladie se pré- La chirurgie vitréo-rétinienne est recommandée si
sentait. Un pronostic visuel favorable était retrouvé aux l’hémorragie intravitréenne ne se résout pas spontané-
stades 1 à 3, modéré (2,5/10e à CLD) voire un mauvais résul- ment (Fig. 8) ; généralement après un délai d’observation
tat visuel (1/10e à CLD) aux stades 4a et 4b, respectivement. de 3 mois avec un examen ophtalmologique du fond
L’histoire naturelle de la maladie de Eales est assez variable d’œil ± échographie oculaire en mode B tous les
avec une rémission temporaire ou permanente dans certains 4—6 semaines. Sauf en cas de décollement de la rétine,
cas et une progression continue pour d’autres. pour laquelle une chirurgie vitréo-rétinienne rapide est
alors nécessaire [5].
Des études récentes ont montré une relation entre la
Diagnostics différentiels prolifération néovasculaire dans la maladie de Eales et
l’expression de VEGF [10]. Plusieurs études ont montré
En présence d’une vascularite rétinienne des examens le bénéfice de l’injection intravitréenne de bévacizumab
standards permettent d’exclure les étiologies habituelles, dans la régression des néovaisseaux et la réduction des
avec la recherche d’une maladie systémique ou d’une col- hémorragies intravitréennes [7,31—35]. Il faut toutefois
lagénose associée : maladie de Behçet, sclérose en plaque, rester prudent certaines auteurs ont rapporté la surve-
lupus érythémateux disséminé, toxocarose, toxoplasmose, nue en 2 semaines post-injection, de décollement de la
480 M.-H. Errera et al.

améliorations fonctionnelles plus modérées entre 26,5 à 30 %


[41,42].
L’existence d’un décollement postérieur du vitré (DPV)
dans les yeux opérés est reliée à une meilleure acuité
visuelle finale (moyennes d’AV de 5/10e versus 1,5/10e
quand le DPV est partiel ou absent). Les patients ayant béné-
ficié de photocoagulation laser avant la chirurgie vitréenne
ont un meilleur pronostic visuel [2].
Dans l’étude de Shukla et al., 18 % des patients ont
nécessité une ré-opération par vitrectomie pour différentes
raisons : décollement de la rétine (récidive ou princeps),
hémorragie intravitréenne récidivante, ou glaucome néo-
vasculaire. En tout 15,5 % des patients ont présenté un échec
chirurgical soit par développement de décollement de la
rétine inopérable, soit par phtyse du globe, ou refus de
réintervention [2]. Ce taux de 15 % d’échec est similaire à
d’autres études [23,40].
Les auteurs ont remarqué la difficulté de peler des mem-
branes tractionnelles en périphérie et noté l’importance de
Figure 8. Image peropératoire (pars plana vitrectomie) montrant réaliser un cerclage par indentation si ces membranes sont
une hémorragie prérétinienne massive associée à une néovascula- présentes [40].
risation papillaire. La présence d’un vitreoschisis est fréquent, ce dernier
entraîne une traction résiduelle tangentielle si non disséqué
[43].
rétine tractionnel après bévacizumab [36,37]. La pathoge-
nèse serait expliquée par régression de la néovascularisation
Traitements en fonction du stade de
avec développement de fibrose ; puis une contraction de la
prolifération fibrovasculaire au niveau de la hyaloïde posté- classification de la maladie
rieure conduisant à la survenue de déchirures rétiniennes en
Saxena et al. en 2007 [27] ont traité les yeux en fonction de
périphérie [37].
leur stade de classification : les stades 1a et 1b recevaient
un traitement médical.
Traitement par photocoagulation laser Les yeux au stade 2a étaient observés, tandis que le
stade 2b recevait une photocoagulation par laser argon. Le
Les indications de la photocoagulation par laser sont les stade 3a recevait une photocoagulation laser, et les yeux au
stades 2 et 3 de la maladie (stades de prolifération avec néo- stade 3b étaient surveillés en attendant que l’hémorragie
vaisseaux actifs) [10,19] avec traitement sectoriel des zones du vitré se résolve. Un traitement médical était recom-
de non-perfusion capillaire [10]. mandé à tous les stades de la maladie en cas de périphlébites
Après photocoagulation laser une régression de la néo- rétiniennes observées. Le stade 4a été traité par chirurgie
vascularisation rétinienne est observée dans 80—89 % des cas vitréo-rétinienne en raison de décollements de la rétine.
[38]. Une amélioration significative de l’acuité visuelle était
observée dans la majorité des stades de cette maladie
Chirurgie par vitrectomie (20/30 à 20/40) sauf dans les stades 4a et 4b. Dans le cadre
des yeux au stade 1a, le traitement a permis de maintenir
Les indications de la chirurgie par vitrectomie sont : une une excellente acuité visuelle sans permettre à la maladie
hémorragie intravitréenne non résolutive spontanément de progresser. En général, la perte de vision résultait de
[39], un décollement de la rétine tractionnel intéressant le l’hémorragie intravitréenne et du décollement de la rétine.
pôle postérieur, de multiples membranes vitréennes avec ou
sans décollement de la rétine tractionnel et un décollement
de la rétine mixte et/ou rhegmatogène [3]. Conclusion
En 2008 [40], une série de 71 yeux (63 patients) opé-
rés par vitrectomie a permis de montrer que de bons En présence d’un patient suspect de maladie de Eales,
résultats chirurgicaux sont possibles à certaines conditions. il convient de rechercher les diagnostics différentiels
Les indications de la vitrectomie pour ces auteurs étaient possibles. Une recherche de tuberculose active ou latente
les suivantes : une acuité visuelle < 5/10e en raison d’une par la réalisation d’une intradermoréaction, tests de
hémorragie intravitréenne datant d’au moins 2 mois ; un microbiologie (examen, direct, culture, PCR), d’imagerie
décollement de la rétine rhegmatogène ou de mécanisme et d’un test de détection de la production d’interféron
mixte ; un décollement de la rétine tractionnel menaçant la gamma (Quantiféron GiT® ) doit également être réalisée.
macula. Les patients suspects de tuberculose avec une vascularite
Les auteurs ont rapporté un succès anatomique (clarté rétinienne active doivent être traités par antituberculeux
des milieux) dans 84,5 % des cas et une amélioration fonc- dans l’hypothèse d’une réactivation de la tuberculose.
tionnelle dans 76 % des cas, la vision s’améliorant de 1/10e Une classification basée sur des données fundoscopiques
à 2,5/10e en moyenne [5]. D’autres séries rapportent des et angiographiques permet de déterminer la sévérité de la
La maladie de Eales 481

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