La Maladie de Eales
La Maladie de Eales
La Maladie de Eales
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REVUE GÉNÉRALE
La maladie de Eales夽
Eales’ disease
Inserm-DHOS CIC 1423, service d’ophtalmologie IV, médecine interne, laboratoire, université
Pierre-et-Marie-Curie-Paris 6, centre hospitalier national des Quinze-Vingts, DHU
SightRestore, 28, rue de Charenton, 75012 Paris, France
MOTS CLÉS Résumé Le tableau d’hémorragies rétiniennes récidivantes chez de jeunes adultes a été
Maladie de Eales ; décrit pour la première fois en 1880 par Henry Eales. Les signes associés d’inflammation oculaire
Périphlébite ont été rapportés 5 ans plus tard. La maladie de Eales correspond à un tableau de vascularite
rétinienne rétinienne ischémique qui atteint en priorité la rétine périphérique des jeunes patients. La
idiopathique ; majorité des cas ont été rapportés en Inde. Son étiologie est inconnue mais elle semblerait
Tuberculose ; dans certains cas être liée à une hypersensibilité médiée par le système immun à l’antigène
Décollement de la Mycobacterium tuberculosis (MTB). Sa pathogenèse est reliée à une ischémie rétinienne exten-
rétine ; sive secondaire à une vasculopathie occlusive avec libération de facteurs angiogéniques de type
Bévacizumab ; VEGF. Les atteintes sont rétiniennes et comprennent des périphlébites, une ischémie rétinienne
Vitrectomie capillaire principalement en périphérie pouvant se compliquer de rétinopathie proliférante avec
néovascularisation rétinienne et/ou papillaire, d’hémorragies intravitréennes récidivantes et
de décollements de la rétine tractionnels. Ces complications peuvent mettre en jeu le pronostic
visuel. L’histoire naturelle de la maladie de Eales est assez variable avec une rémission tempo-
raire ou permanente dans certains cas et une progression continue pour d’autres. L’évolution
se fait vers la bilatéralisation de la maladie fréquemment ce qui nécessite un suivi régulier.
Le traitement de la maladie de Eales dépend du stade de la maladie et n’est pas bien défini.
L’observation simple, la chirurgie par vitrectomie et/ou les injections intravitréennes de VEGF
夽 Retrouvez cet article, plus complet, illustré et détaillé, avec des enrichissements électroniques, dans EMC Ophtalmologie : Errera MH.
http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2016.03.001
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font partie de la prise en charge d’une hémorragie intravitréenne dans ce contexte, en associa-
tion à la corticothérapie si une vascularite rétinienne est présente. Une pan-photocoagulation
rétinienne par laser est nécessaire en cas de néovascularisation rétinienne.
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KEYWORDS Summary The syndrome of recurrent vitreous hemorrhages in young men was described for
Eales disease; the first time by Henry Eales in 1880. The association with a clinical manifestation of ocular
Idiopathic retinal inflammation was reported 5 years later. Eales disease affects young adults who present with
periphlebitis; ischemic retinal vasculitis, with the peripheral retina most commonly affected. Most cases
Tuberculosis; have been reported in South Asia. Although the etiology of this abnormality is unknown, it
Retinal detachment; may be related to an immune sensitivity to Mycobacterium tuberculosis antigens. Its patho-
Bevacizumab; genesis is related to extensive ischemia that affects the retina, secondary to an obliterative
Pars plana vitrectomy retinal vasculopathy with release of angiogenic factors of the VEGF type. Involvement of the
retina is the hallmark of the disease, which manifests as follows: periphlebitis, retinal capillary
ischemia most often affecting the periphery with secondary proliferative retinopathy and reti-
nal and/or papillary neovascularization, recurrent vitreous hemorrhages and tractional retinal
detachment. These complications are potentially blinding. The natural history of Eales disease
varies, with temporary or permanent remission in some cases and continuous progression in
others. Progression is often bilateral, which necessitates regular follow-up. The treatment of
Eales disease depends on the stage of the disease and is not well defined. Observation only,
pars plana vitrectomy surgery and/or intravitreal injections of anti-VEGF are recommended in
cases of vitreous hemorrhage, associated with corticosteroids when retinal vasculitis is present.
Laser pan-retinal photocoagulation is necessary when neovascularization is present.
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Aspects cliniques
Symptomatologie
Les patients sont souvent asymptomatiques au stade ini-
tial de vascularite rétinienne. Dans une cohorte de patients
atteints de maladies de Eales, 75 % d’entre eux se plai-
gnaient de myodésopsies et 60 % souffraient de baisse
de vision non douloureuse [17] le plus souvent en raison
d’hémorragies intravitréennes. L’acuité visuelle est variable
de normale à réduite à « perception de la lumière ». La bila-
téralisation de l’atteinte oculaire est fréquente dans 50 à
90 % des cas [3,18].
Triade clinique
La maladie est représentée par la triade :
• inflammation (vascularite rétinienne périphérique) ;
• modifications ischémiques (non perfusion rétinienne péri-
vasculaire) ;
• et néovascularisation de la rétine et du nerf optique avec
un risque d’hémorragie intravitréenne [5].
Examen biomicroscopique
Dans la maladie de Eales, la présence d’uvéite antérieure
est peu fréquente [5].
Au fond d’œil, les signes ophtalmologiques varient selon
le stade de la maladie.
Figure 1. Rétinophotos : a : la rétine temporale de ce patient pré-
Vascularite rétinienne sente des engainements périvasculaires exsudatifs (périphlébites
Typiquement, une vascularite active avec des exsudats blanchâtres) et des hémorragies superficielles rétiniennes ; b : chez
cet autre patient, les periphlébites (ou vascularites veineuses) sont
et des engainements veineux sont retrouvés dans un ou
prédominantes et associées aux hémorragies.
plusieurs quadrants, souvent associés à des hémorragies
rétiniennes superficielles (Fig. 1a et b). La périphlébite réti-
nienne est plus fréquemment périphérique que centrale
[3,18,19]. Gieser et Murphy ont décrit une atteinte veinu- vascularites actives ou cicatricielles dans d’autres quadrants
laire et artériolaire sensiblement équivalente [20]. D’autres que celui affecté [5].
modifications vasculaires retrouvées sont des veinules sclé-
rosées (82,6 %, [21]) (Fig. 1 et 2), une irrégularité du calibre Atteintes maculaires rétiniennes
des veines, une pigmentation le long des veinules, des ana- Des cicatrices choriorétiniennes sont possibles ainsi qu’une
stomoses vasculaires anormales et des veines étirées vers la choroïdite multifocale [21], des exsudats maculaires, des
cavité vitréenne [3,22]. membranes épirétiniennes et des décollements séreux
rétiniens. Devant une choriorétinite d’autres diagnostics dif-
Occlusion veineuse rétinienne férentiels comme la sarcoïdose, la tuberculose ou la syphilis
doivent être recherchés [23].
Une vascularite active dans la maladie de Eales peut res-
sembler à une occlusion de la veine centrale de la rétine
Hémorragies intravitréennes, rétinopathie
(OVCR). Mais une occlusion de branche veineuse (OBVR) peut
s’associer dans 3,2 % des cas lors de la découverte de la mala- proliférante et leurs complications
die [6]. Le diagnostic de maladie de Eales par opposition à La néovascularisation rétinienne est fréquente (Fig. 3) et a
celui d’OBVR primitive est basée sur la présence de zones de été rapportée dans 36—84 % des cas, celle du nerf optique
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Figure 5. Image composite en angiographie à la fluorescéine montrant une large zone de non-perfusion rétinienne temporale.
Figure 6. a et b : même patient qu’en Fig. 1. Les clichées angiographiques montrent les anomalies présentent à la bordure de la zone
non perfusée tels les néovaisseaux prérétiniens apparaissant après quelques semaines (b) ; c : après réalisation d’une pan-photocoagulation
laser sectorielle.
Traitements
L’observation simple est recommandée si la vascularite
ne semble pas active ou l’hémorragie intravitréenne est
récente.
Traitement médical
Le traitement médical consiste en une corticothérapie orale
ou périoculaire aux stades de vascularite active avec péri-
Figure 7. En angiographie à la fluorescéine les néovaisseaux réti- phlébites rétiniennes.
niens ont une apparence en « sea-fan ». Tandis que les injections intraoculaires de triamcinolone
ont montré un bénéfice [29,30] ; l’Ozurdex® (dispositif intra-
• vitréen de dexaméthasone) n’a pas encore été évalué dans
stade 2b : néovascularisation rétinienne et/ou papillaire ;
• cette indication.
stade 3a : prolifération fibrovasculaire ;
• L’instauration d’un traitement antituberculeux est
stade 3b : hémorragie intravitréenne ;
• recommandée chez les patients avec une intradermoréac-
stade 4a : décollement de la rétine tractionnel/combiné
tion à la tuberculine positive et/ou un Quantiferon-TB positif
à un décollement de la rétine rhegmatogène et ;
• stade 4b : rubéose irienne, glaucome néovasculaire, cata- ou l’évidence clinique ou radiologique de tuberculose. Parmi
les 7 patients atteints de vascularite rétinienne étudiés par
racte compliquée et atrophie optique.
Rosen et al. et traités par corticoïdes systémiques avec
ou sans thérapie antituberculeuse, un des patients avait
présenté une réactivation de tuberculeuse miliaire avec
Histoire naturelle de la maladie tubercules choroïdiens et ce, sous corticothérapie seule.
Tous les autres patients avaient présenté une résolution de
Celle-ci a été documentée par une large étude rétrospective la vascularite rétinienne sous traitement [31].
regroupant une cohorte de 159 patients atteints de mala- En présence d’une hémorragie intravitréenne, il n’y a
die de Eales [27]. Soixante-douze pour cent des cas étaient pas de recommandations formelles mais trois options sont
bilatéraux. Les hémorragies intravitréennes représentaient possibles : l’observation, la chirurgie vitréo-rétinienne par
la forme de présentation la plus fréquente (50 %). L’acuité vitrectomie ou les thérapies anti-VEGF.
visuelle dépendait du stade à laquelle la maladie se pré- La chirurgie vitréo-rétinienne est recommandée si
sentait. Un pronostic visuel favorable était retrouvé aux l’hémorragie intravitréenne ne se résout pas spontané-
stades 1 à 3, modéré (2,5/10e à CLD) voire un mauvais résul- ment (Fig. 8) ; généralement après un délai d’observation
tat visuel (1/10e à CLD) aux stades 4a et 4b, respectivement. de 3 mois avec un examen ophtalmologique du fond
L’histoire naturelle de la maladie de Eales est assez variable d’œil ± échographie oculaire en mode B tous les
avec une rémission temporaire ou permanente dans certains 4—6 semaines. Sauf en cas de décollement de la rétine,
cas et une progression continue pour d’autres. pour laquelle une chirurgie vitréo-rétinienne rapide est
alors nécessaire [5].
Des études récentes ont montré une relation entre la
Diagnostics différentiels prolifération néovasculaire dans la maladie de Eales et
l’expression de VEGF [10]. Plusieurs études ont montré
En présence d’une vascularite rétinienne des examens le bénéfice de l’injection intravitréenne de bévacizumab
standards permettent d’exclure les étiologies habituelles, dans la régression des néovaisseaux et la réduction des
avec la recherche d’une maladie systémique ou d’une col- hémorragies intravitréennes [7,31—35]. Il faut toutefois
lagénose associée : maladie de Behçet, sclérose en plaque, rester prudent certaines auteurs ont rapporté la surve-
lupus érythémateux disséminé, toxocarose, toxoplasmose, nue en 2 semaines post-injection, de décollement de la
480 M.-H. Errera et al.
maladie et de décider d’un traitement médical et/ou chi- [7] Das T, Pathengay A, Hussain N, Biswas J. Eales’ disease: diag-
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de l’occlusion capillaire répond à un pan-photocoagulation [8] Saxena S, Srivastava P, Kumar D, Khanna VK, Seth PK. Decrea-
rétinienne. La place de la vitrectomie est réservée aux sed platelet membrane fluidity in retinal periphlebitis in Eales’
hémorragies intravitréennes persistantes avec prolifération disease. Ocul Immunol Inflamm 2006;14:113—6.
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néovasculaire ou aux décollements de la rétine tractionnels.
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[10] Murugeswari P, Shukla D, Kim R, Namperumalsamy P, Stitt AW,
Points forts
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• La maladie de Eales est définie par la triade clinique :
ferative Diabetic Retinopathy and Eales’ Disease patients. PLoS
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périphérique) ; [11] Saxena S, Khanna VK, Pant AB, et al. Elevated tumor necrosis
◦ modifications ischémiques (non perfusion factor in serum is associated with increased retinal ischemia in
rétinienne périvasculaire) ; proliferative Eales’ disease. Pathobiology 2011;78:261—5.
◦ et néovascularisation de la rétine et du nerf [12] Saxena S, Rajasingh J, Biswas S, Kumar D, Shinohara T, Singh
optique qui souvent entraîne une hémorragie VK. Cellular response to retinal S-antigen and interphotorecep-
intravitréenne. tor retinoid binding protein fragments in patients with Eales’
• En présence d’un patient suspect de maladie de disease. Pathobiology 1999;67:37—44.
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Eales, les diagnostics différentiels de vascularite
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rétinienne et/ou hémorragie intravitréenne et/ou
tumor necrosis factor-alpha gene polymorphisms with occur-
de décollement de la rétine tractionnel doivent rence and severity of Eales’ disease. Invest Ophthalmol Vis Sci
être éliminés. Une recherche de tuberculose par 2011;52:171—8.
la réalisation d’une intradermoréaction et d’un [14] Singh R, Toor P, Parchand S, Sharma K, Gupta V, Gupta
quantiféron doit également être réalisée. A. Quantitative polymerase chain reaction for Mycobacte-
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bevacizumab in patients with vitreous hemorrhage or tractio- enrichissements électroniques, dans EMC Ophtalmologie : Errera
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