DNB A Grammaire Et Compréhension PDF
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SESSION 2020
FRANÇAIS
Grammaire et compétences linguistiques
Compréhension et compétences d’interprétation
Série générale
Dès que le sujet vous est remis, assurez-vous qu’il soit complet
Sors-toi de là, disaient les voix, prends le large : la beauté s’ouvre ailleurs, le temps s’ouvre
ailleurs, le cœur s’ouvre ailleurs. Ça commence ici, sur ce pont, dans une rafale de lumières,
mais ne t’attarde pas : attrape le vent, laisse-toi conduire. Personne ne te demandera rien, et toi
ne demande rien non plus. Attrape le vent. D’une seule poussée, avec la Seine qui ondulera dans
5 ton corps, tu seras loin.
J’ai ouvert ma sacoche, et par-dessus la rambarde, très haut, là-bas, vers les tours de
Notre-Dame, vers la pointe de la Sainte-Chapelle, vers les îles de Paris, sous le regard
goguenard1 de la tour Eiffel, j’ai commencé à lancer ma paperasse. Par petites liasses, les
documents, un à un, je les ai envoyés tourner dans l’air. À chaque liasse de papiers, le geste
10 mûrissait. Délié vers le ciel, l’avant-bras replié d’abord vers ma poitrine, puis la détente brusque
et la main qui lâche sa flèche : une liasse, puis une autre, dispersées en éventail au-dessus du
fleuve, c’était très beau. Car avec le vent léger qui rôde aux alentours du pont, les feuilles se sont
mises à planer très doucement. Un groupe de touristes chinois, avec le tee-shirt des jeux
Olympiques de Pékin, a applaudi ; il y en avait même un qui filmait. […] À chaque liasse
15 disparaissait un embarras. À chaque liasse jetée au vent, je me disais : ce sont les rendez-vous
qui s’envolent. Une autre liasse : les horaires qui s’éparpillent. À un moment, les liasses, portées
par la brise, ont voltigé très haut ; j’ai levé brusquement les yeux et avec le soleil qui lançait des
reflets blancs vers les grandes baies vitrées des tours sur le front de Seine, j’ai eu un
éblouissement. Le lilas enveloppait ma gorge, trois secondes de fièvre, la tête qui tourne et
20 brusquement j’ai tout vu en clairières : un univers de rosée, avec des feuillages qui me bruissaient
les jambes, puis le changement des saisons dans mes bras, une humidité de mousse entre les
doigts, et mon corps tout entier lanciné en style d’ombre et de lumière. Un arbre ! Oui, nous ferons
des merveilles, rien qu’avec nos mains. Donnez-moi de l’encre et du papier. Donnez-moi les
après-midi, les matins, les soirs. Un point vide se formera, une silhouette, le cheminement de
25 l’eau. Je ne serai plus un homme, ni une femme, mais l’un et l’autre éclaboussés dans un sang
nouveau irrigué de sève : feuillage, écorce, bourgeon, fleur, éternellement penché vers la Seine,
et buvant les couleurs du brouillard, étreignant chaque vague dans un grondement silencieux de
caresses. Au diable la vie bien remplie des hommes, me disais-je. […]
Lorsque enfin je me suis penché avec les Chinois au-dessus de l’eau, j’ai vu toutes ces
30 pages qui flottaient à la surface, ces feuillets noircis de tableaux et de chiffres dont l’encre se
noyait doucement. Les feuillets ondulaient comme des nymphéas2 : pétales blancs, fleurs noires,
une éclosion luisante.
1
Le regard goguenard : le regard moqueur.
2
Nymphéas : fleurs qui poussent à la surface de l’eau.
2. Lignes 1- 2 : « Sors-toi de là, disaient les voix, prends le large : la beauté s’ouvre ailleurs,
le temps s’ouvre ailleurs, le cœur s’ouvre ailleurs ».
a- Quel est le rapport logique exprimé par les deux points ? (1 point)
b- Réécrivez cette phrase en remplaçant les deux points par une conjonction de
coordination ou de subordination de même sens. (1 point)
5. Lignes 2 à 4 : « Ça commence ici, sur ce pont, dans une rafale de lumières, mais ne
t’attarde pas : attrape le vent, laisse-toi conduire. Personne ne te demandera rien, et toi
ne demande rien non plus. »
1. Lignes 1- 5 :
a- Quels conseils les « voix » donnent-elles au narrateur ? Vous justifierez votre réponse
en citant le texte. Deux éléments de réponse sont attendus. (3 points)
b- En prenant appui sur la suite du texte, dites si le narrateur tient compte ou non de ces
conseils ? Deux éléments de réponse sont attendus. (3 points)
2. Lignes 22-28 :
3. Lignes 31-32 : « Les feuillets ondulaient comme des nymphéas : pétales blancs, fleurs
noires, une éclosion luisante. »
4. Dans le roman de Yannick HAENEL, le chapitre qui suit cet extrait s’intitule « Corps de
printemps ».
a- Relevez le champ lexical qui fait référence à cette saison. Quatre éléments de réponse
sont attendus. (2 points)
b- Quel lien pouvez-vous faire entre cette saison et ce que vit le narrateur ? (3 points)
5. En quoi ce texte est-il poétique ? Vous développerez deux éléments de réponse. (4 points)