Note Sur La Traduction Du Sophiste (Crubellier)
Note Sur La Traduction Du Sophiste (Crubellier)
Note Sur La Traduction Du Sophiste (Crubellier)
Je me réjouis qu'un texte de philosophie ancienne aussi important et aussi intéressant ait
été mis au programme pour tous les candidats ; par ailleurs je sais qu'il n'y a rien de plus facile
que de critiquer une traduction. Celle de Cordero n'est peut-être pas plus mauvaise que les
autres traductions françaises existantes. Je ne les ai pas confrontées systématiquement, mais j'ai
vu aussi des difficultés dans Diès et dans Robin, et je crois que le même genre de problème se
serait posé si on avait adopté l'une ou l'autre de ces traductions. Les difficultés tiennent avant
tout au caractère très minutieux des arguments du Sophiste, dont une bonne part, en outre,
s'appuient précisément sur des faits de langage
J'ai relevé, à l'intention de mes étudiants, tous les points qui me paraissaient difficiles
pour une raison ou pour une autre. Ce que j'appelle ici, pour simplifier, ‘erreurs’, recouvre des
faits hétérogènes : il y a de simples coquilles (mais certaines pourraient produire des effets
ravageurs, par ex. en 265c), des omissions, des choix lexicaux contestables, des erreurs sur la
syntaxe.
J'ai eu conscience, et tout particulièrement en cherchant à arrêter cette liste, de la limite
très floue entre ce qui devrait être reconnu par tout le monde comme une erreur (notamment en
matière de syntaxe) et ce qui relève plutôt d'un désaccord d'interprétation. Dans les remarques
ci-jointes, j'ai parfois mentionné un désaccord d'interprétation, mais – en principe – seulement
pour signaler des traductions trop fermées, excluant des possibilités qui me paraissent
intéressantes.
237b (p. 124 en haut) : ‘le témoignage principal sera donné par l'argument lui-même’ : la
traduction est acceptable en soi. Je suppose qu'en ce cas il faudrait compredre ‘l'argument [de
Parménide]’ ; mais la suite (237b-239b) est-elle vraiment l'analyse d'un argument de
Parménide ? Aucun élément du texte ne l'indique ; alors que l'insistance sur des faits
grammaticaux, et sur le fait que celui qui veut énoncer le non-être se trouve contredit par les
formes linguistiques qu'il ne peut pas éviter d'employer, suggère que c'est le langage, en lui-
même ou en général, qui corrobore l'intedit de Parménide
traduire : qu'un tel homme (= celui qui tient un tel discours) dit bien quelque chose – bien qu'il
ne dise rien [ou : qu'il dise un rien].
Dans la version de NC, la proposition en italique, dont le sujet n'est pas spécifié, apparaît
comme un paradoxe tellement insoutenable qu'on ne voit pas pourquoi l'Etranger demande la
permission de le refuser. Si au contraire il vise spécifiquement le discours de celui qui prononce
l'expression ‘ce qui n'est absolument pas’ ou qui parle de quelque chose qui n'est absolument
pas (voir la note précédente), son hésitation devient sensée.