Cours de Droit Constitutionnel
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Introduction générale
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E- Iceberg constitutionnel et ressorts cachés du droit constitutionnel
Introduction générale
L'enseignement du droit constitutionnel n'a jamais été, dans les sociétés politiques
actuelles, une activité de toute aise.
Le droit constitutionnel est entouré d'un mystère intellectuel du fait de son caractère
quelque peu fuyant et insaisissable. On peut donc légitimement être amenée à se
demander quelles sont les fonctions du droit constitutionnel, discipline politico-juridique.
Il est important d’avoir en esprit cette donnée afin de permettre aux nouveaux étudiants
de la Licence 1, système LMD obligeant (autrement dit de la 1ère Année) et même aux
anciens de se préparer psychologiquement à affronter les arcanes de cette discipline qui
n'est pas comme les autres, en tout cas comparativement à toutes les matières qui
figurent ou programme des enseignements.
La première des difficultés, mais pas la plus importante, c'est de se demander, lorsqu’on
aborde le droit constitutionnel, ainsi qu'il en est pour toute matière du Droit, si l'on veut
connaître les règles qui composent cette matière ou alors si on veut appréhender la
discipline scientifique proprement dite, c'est-à-dire en l'espèce la science du droit
constitutionnel. Pour répondre directement à cette interrogation, on dira que c'est à la
fois l'une et l’autre préoccupation.
D'entrée de jeu, il convient en effet de préciser qu’il s'agit ici pour nous d'étudier la
science, c’est-à-dire la démarche, la méthode par laquelle on doit appréhender le
phénomène constitutionnel par ses acteurs, ses règles son effectivité et le contexte
politique de son implémentation.
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Une telle démarche inclut nécessairement l’objet même de la constitution, c’est-à-dire,
les règles juridiques principales ou fondamentales de l'État, le régime politique, les
institutions politiques.
Dans l’une et l’autre Posture, le droit constitutionnel est avant tout porté par des
exigences : l'acceptation d’une organisation sociale rationnelle, en d'autres termes, l'État,
il est également porté à l'exigence de la gouvernabilité politique.
Il est ensuite porteur de valeurs sans lesquelles cette matière n'aurait aucun sens ; il
s'agit, entre autres, du respect du Droit, de l’exigence de la gouvernance et de la
démocratie, de la quête de l’État de droit.
Avant d'aller à la découverte de ces exigences, de ces valeurs, il est impératif de mettre
en exergue l’état d'esprit qui sous-tend cet enseignement ; il s'agit, se plaçant en position
d'observateur constitutionnel - posture nécessaire à l'indépendance d'esprit qui
s'impose, de situer la matière (I) et la méthode du droit constitutionnel (II).
Avec cette définition, nous ne sommes guère avancés. On ne peut pas se satisfaire d'une
définition qui est expéditive et extrêmement lacunaire. Puisqu'il s'agit de découvrir le
contenu de la matière, on réalise à la vérité que sous ce thème de droit de la constitution,
deux perspectives différentes s'offrent à nous ; elles ne s'excluent pas pour autant.
La première met en exergue les phénomènes qui permettent de nous situer sur la
source de production des règles en la matière. En d’autres termes, le droit
constitutionnel découle-t-il des phénomènes sociaux ou des données du droit ? Il s’agit,
pour tout dire, de la relation entre le droit et les phénomènes politiques (A).
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A- Le droit constitutionnel entre les phénomènes politiques et
la régulation juridique
Les règles de droit, notamment celles du droit constitutionnel ont pour objet de
rationaliser les phénomènes politiques, de les encadrer. On doit en même temps
constater qu’il y a une dynamique en Droit constitutionnel qui révèle une variation dans
le temps de la force d'intensité de ces deux phénomènes que sont les facteurs politiques
et la régulation juridique (1).
Quels que soient les tableaux et figures qui peuvent s'offrir à nous, et pour simplifier,
nous dirons que la dynamique entre les phénomènes politiques et la régulation
juridique peut être traduite en termes de relation entre Science politique et Droit
constitutionnel, en considérant que la Science politique se préoccupe des phénomènes
politiques alors que le Droit constitutionnel, dans sa définition positiviste, a pour champ
d’action la régulation juridique de l'action politique. En regardant de près, on réalise qu’il
convient d'exposer successivement l’opposition Droit constitutionnel/Science Politique
(2) avant d'exposer la conciliation possible entre ces deux matières (3).
Le Droit Constitutionnel n'est pas moulé dans un marbre pour s'offrir comme un produit
définitivement et depuis longtemps achevé, et surtout prêt à être livré à la
consommation.
Il connaît des évolutions cycliques dues à la position variable du curseur entre les deux
champs qui sont en même temps ses terrains d'expression : les données du droit et les
considérations politiques et sociologiques.
Sous ce regard, le droit constitutionnel est balancé entre des données politiques et des
éléments juridiques ; en d’autres termes, entre le fait et le droit. Il s'agit donc pour nous
de trouver la frontière actuelle ou virtuelle entre le juridique et le politique.
Ainsi certains auteurs sont, par exemple, amenés aujourd'hui à distinguer entre trois
temps, trois périodes, du moins pour ce qui concerne l'évolution de la discipline dans les
pays occidentaux, entre le premier temps, celui des « obsédés textuels », le deuxième
temps, celui des politistes et enfin l'état actuel, celui du « droit constitutionnel nouveau
qui est arrivé » (Dominique TURPIN, Droit constitutionnel. Paris, Presses
Universitaires de France). Cet auteur reprend ainsi, d'une certaine façon,
l'évolution décrite par le Doyen Louis FAVOREU dans le manuel de Droit
constitutionnel qu'il a dirigé ; dans cet ouvrage, on distingue « trois stades » : le
premier stade qui couvre la période avant la deuxième guerre mondiale, celui du
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droit constitutionnel classique marqué par un objet unique, les institutions
politiques (le droit institutionnel) ; le deuxième stade, celui de l’après-guerre,
caractérisée par l’envahissement du droit constitutionnel par la science politique ;
et enfin, le droit constitutionnel contemporain caractérisé par « une profonde et
irréversible mutation » (Louis FAVOREU et autres, Droit constitutionnel, manuel
précité).
Non : en tout cas, pas en sa forme entière. Sur les évolutions des systèmes
constitutionnels africains, on doit plutôt distinguer entre l'ancien ordre politique, celui
des partis uniques, et l’ordre politique né de l'avènement du multipartisme.
Certains auteurs recourent à la notion des cycles constitutionnels pour traduire les
mutations, les changements politiques auxquels connaissent ainsi les pays, y compris
lorsque de tels changements rapportent à la place du Droit dans le système social.
Ce schéma qui est surtout utilisé pour décrire l’histoire constitutionnelle française
(Olivier DUHAMEL, Droit Constitutionnel et institutions politiques. Paris, Éditions
du Seuil, 2011, 2e édition. Jean GICQUEL, Jean-Éric GICQUEL, Droit constitutionnel et
institutions politiques. Éditions, paris, Montchrestien extenso-éditions. Dmitri
Georges LAVROFF, Le droit constitutionnet de la Ve République Paris, Éditions
Dalloz, 2e édition, 1997) est pertinent.
La notion de transition politique pourrait ainsi s'inviter dans cette analyse, dans la
mesure où elle implique une certaine évolution du régime politique considéré.
Cela étant, la variation des rapports de force entre phénomènes politiques et régulation
juridique va être traduite dans la dialectique Science Politique/Droit Constitutionnel, soit
en termes d’opposition, soit en termes de conciliation.
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2- L'opposition Science Politique / Droit Constitutionnel
Sous cette première approche, on peut dire que l'objet du droit constitutionnel, c'est de
régir les institutions politiques ; pour tout dire, le pouvoir politique au sein de l'État.
Elle est, en effet, inhérente au pouvoir, à toutes les formes de pouvoir et plus encore au
pouvoir politique. Celle-ci est même nécessaire à l’exercice du pouvoir, même si par
ailleurs, elle est insuffisante pour assurer la pérennité du pouvoir.
Dans cette conception que d’aucuns qualifient de duvergeriste (du nom de Maurice
DUVERGER dont l’image est associée en France à cette conception) et axée sur la
sociologie politique, le droit constitutionnel est défini essentiellement comme l'étude de
données liées aux politiques : les institutions politiques, le système politique, l’interaction
politique, le développement politique et les idées politiques.
Dans son manuel de droit constitutionnel publié dans les années 1950, Maurice
DUVERGER écrivait en effet que « les institutions politiques doivent faire l’objet d’une
analyse plus Complète et plus large de nature sociologique » (Maurice DUVERGER,
Institutions politiques et Droit constitutionnel).
Dans tous les pays et surtout sous les tropiques, il y a une tendance extrêmement forte à
la sacralisation des dirigeants politiques, présentés comme guidés par Dieu ou par les
dieux, à moins de considérer que ceux-ci sont dotés d'une intelligence inouïe,
extraordinaire qui est un don du Ciel ou de la nature.
Sauf dans les dictatures folles, la domination cherche à se fonder sur le sacré ou sur la
raison. En dehors de la conception théocratique du pouvoir où le contexte s’y prête à
l'évidence, dans les autres formes de régimes, le sacré s'exprime également.
L'influence est telle que le Vocabulaire politique, et pas seulement pour le serment
politique, emprunte au sacré (voir chartes DEBBASCH et Jean-Marie PONTIER,
Introduction à la Politique. Paris, 2000, p. 20 et s.). C’est également le cas du cérémonial
et des rites en droit constitutionnel.
Mais le sacré ne s’exprime pas uniquement dans le religieux et dans le magique ; il tient
également à la représentation de vérités inaccessibles au commun des mortels. Quelle
signification y voit-on ici ? Nous avons trouvé des éléments de réponse dans ce large
extrait du manuel de sociologie politique de Jacques LAGROYE, Bastien FRANÇOIS et
Frédéric SAWICKI :
« Dans les sociétés laïcisées contemporaines, où la religion tend à être cantonnée dans la
sphère des activités privées, où le fondement du pouvoir est recherché dans la raison, la
science ou la volonté générale exprimée par les citoyens, la dimension sacrée du pouvoir peut
sembler évacuée. Pour apprécier les limites de cette impression, il convient de s’arrêter un
instant sur la signification du terme "sacré"...
Cet ordre peut être divin sans doute, il peut aussi être celui des mythes (le progrès, la
prospérité, le retour à l’ordre, meilleur...) et des valeurs (la justice, l'égalité, la vérité) qui
fondent les prétentions à la légitimité.
Le sacré donne aux activités, notamment politiques, une signification qui les fait échapper à
l'insignifiance et à la contingence ; il est connaissance Suprême. Aucun régime politique
contemporain ne manifeste autant cette présence du sacré qu’un régime totalitaire...
La production de sacré résulte donc, par définition, de l'activité de "pontifes" qui peuvent
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n’avoir aucune caractéristique sacerdotale, au sens que ce terme prend dans les sociétés
imprégnées de croyances religieuses : savants, professionnels de l'interprétation des textes
fondateurs, hommes politiques "inspirés", voire visionnaires, ils sont en commun de tenir un
discours inaccessible aux "profanes", et qui, pourtant, parle d'eux et les concerne directement.
Ce n'est pas seulement le caractère abstrait de leurs paroles qui les tient à l’écart, les isole du
commun, mais une mise en scène (notamment médiatique) de leur compétence, de leur
qualité de "spécialiste".
L'interprétation qu'ils donnent des actes politiques reçoit sa légitimité du rituel qui
accompagne leur prise de parole, de l'exhibition de leurs titres et du respect que leurs
interlocuteurs affichent en s’adressant à eux.
Le message qu'ils délivrent peut alors établir la légitimité même du pouvoir politique dont ils
parlent, ou dont ils énoncent les fondements. » (Jacques LAGROYE, Bastien FRANÇOIS,
Frédéric SAWICKI, Sociologie politique. Paris, Presses de Sciences Po/ Dalloz, 2012,
p. 459-461).
Toutes ces manifestations rituelles autour du sacré servent à renforcer l'adhésion des
citoyens au pouvoir et leur soumission aux autorités (Pierre PACTET, Ferdinand MELIN-
SOUCRAMANIEN, Droit constitutionnel). En effet dans cette conception politiste de la
Constitution, la norme constitutionnelle n'est qu'un élément parmi d’autres de régulation
politique et d’action politique.
Les regards les plus pessimistes posés sur cette conception aboutissent à une négation
du droit constitutionnel, puisque non seulement l'existence de la norme
constitutionnelle n'est pas exigée (la norme juridique étant un facteur parmi d’autres de
régulation des comportements politiques) ; mais aussi parce que la sanction de la
violation de la norme est beaucoup plus poitique que juridique.
Dans cet état de fait, on peut dire comme Georges BURDEAU que le droit constitutionnel
est en survivance (Georges BURDEAU, une survivance : la notion de constitution, in
Etudes offertes à Achille MESTRE. Par. Sirey Editions, 1956).
À l'opposé de cette conception, le droit constitutionnel est présenté comme étant une
donnée juridique.
C'est le droit positif entendu comme l'ensemble des normes en vigueur et qui sont
appliquées aux institutions politiques. L’un des plus ardents défenseurs de cette
conception dans la doctrine française écrivait en 1984 : « on assiste à une "redécouverte
" de la constitution comme base de l’ordre juridique et en quelque sorte un
"néoconstitutionnalisme" est en train de s’affirmer. »
Dans la Préface au manuel collectif qu'il a dirigé (jusqu’à sa disparition), Louis FAVOREU
constate avec une fierté à peine contenue que l'enseignement du droit Constitutionnel a
changé d’approche : « alors que beaucoup estimaient qu’il usurpait quelque peu son
appellation de "droit constitutionnel" et mettaient plus l’accent sur "institutions
politiques", le rapprochant ainsi de la science politique dans laquelle il s’était, en fait, Peu
à peu dilué, la matière, sinon son enseignement, s'est progressivement juridicisé à partir
des années soixante-dix sous l'influence de la jurisprudence du Conseil constitutionnel...
Cette évolution, visible aux États-Unis d'Amérique et en Europe, repose selon les
spécialistes, sur quatre séries de raisons : la désacralisation de la loi, l'expansion des
constitutions et ou constitutionnalisme due au phénomène de décolonisation, la
diffusion internationale de l’idéologie des droits de l'homme, et enfin l'apparition de la
justice constitutionnelle (Louis FAVOREU et autres, Droit constitutionnel. Paris,
Éditions Dalloz).
La définition du droit positif intègre la norme juridique et mieux encore, les décisions du
juge Constitutionnel. Avec le droit constitutionnel Positif, « la politique est saisie par le
droit » (Louis FAVOREU, La politique saisie par le droit- alternances, cohabitation et
Conseil Constitutionnel. Paris, Economica, 1988) ; et on peut penser que rien ne se
fait de régulier en dehors des normes juridiques et hors du regard du juge
constitutionnel.
Cette orientation a par ailleurs des incidents sur l'enseignement en droit constitutionnel,
ainsi que bien évidemment sur les publications dans la matière. Depuis ces cinq
dernières années, en effet, il y a une prolifération de publications diverses.
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a/ Des recueils de jurisprudence constitutionnelle ; voir à ce propos :
- Louis FAVOREU, Loïc PHILIP, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, Paris,
Éditions Dalloz. Cet ouvrage a joué un rôle pionnier dans la littérature française de
l'analyse des décisions de jurisprudence constitutionnelle.
c/ Des monographies :
Otto PFERSMANN, André ROUX et Guy SCOFFONI, Droit Constitutionnel. Paris, Editions
Dalloz, 2012, 14° édition.
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- Michel VERPEAUX, Pierre de MONTALIVET, Agnès ROBLOT-TROIZIER, Ariane VIDAL-
NAQUET, Droit constitutionnel. Les grandes décisions de la jurisprudence. Paris, Presses
Universitaires de France.
Le droit constitutionnel en Afrique n’est pas resté en marge de cette évolution. On peut
ainsi recenser les Ouvrages de :
- Ismaïla Madior FALL (rassemblés et commentés sous la direction de), Les décisions et
avis du Conseil constitutionnel du Sénégal. Dakar, du Conseil constitutionnel du Sénégal.
Dakar, Centre de Recherche, d’Étude et de Documentation sur les Institutions et les
Législations africaines (CREDILA), Université Cheickh Anta Diop de Dakar, 2008.
Ces ouvrages sont ceux qui sont publiés en langue française et qui se rapportant aux
pays d’Afrique noire francophones. Il est probable que d’autres projets d'ouvrages de ce
genre sont en chantier, et on verra fleurir de nouveaux ouvrages d’auteurs africains ou
africanistes dans ce domaine.
Certains manuels tels que celui de Bernard CHANTEBOUT est passé de l’intitulé Droit
constitutionnel et Science politique (Bernard CHANTEBOUT, Droit constitutionnel et
Science politique. Paris, Armand colin) tout simplement à Droit constitutionnel avec
un changement sans importance de maison d’édition (Bernard CHANTEBOUT , Droit
Constitutionnel, Paris, Dalloz).
En dépit de ce qui les oppose, ces perspectives que nous venons de présenter
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séparément s’inscrivent toutes deux dans le moule du droit constitutionnel, on peut donc
envisager une conciliation Droit Constitutionnel / Science Politique.
Il convient avant tout d'avoir en esprit les situations objectives qui permettent d'analyser
les rapports entre le droit et les faits dans cette matière.
Ensuite, aucune société politique ne peut par le droit et seulement par le droit encadrer
systématiquement, pleinement et définitivement les facteurs politiques et sociologiques.
Il reste toujours une place pour les rapports de force.
En tirant les conséquences de cette évolution, on peut dire qu'on assiste ainsi à une
résurrection du droit constitutionnel. (Voir Dominique ROUSSEAU, Une résurrection :
La notion de constitution. Revue du droit Public 1990. P. 5 et s. comme pour
répondre à Georges BURDEAU qui écrivait en 1956 "Une survivance : La notion de
constitution").
Le Professeur Pierre AVRIL résume cette situation en ces termes : « La dualité droit /
politique correspond d'abord au double système de régulation inhérent à toute
constitution : La régulation des actes par le droit, la régulation des comportements par la
responsabilisation politique. Le dosage entre les deux modes variant selon les régimes et
les époques...
Dans de telles situations, "Le droit saisit la politique", mais, réciproquement, il arrive que
la politique infléchisse l'interprétation du droit écrit. »
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(Pierre AVRIL, La Constitution : Lazare ou Janus ? Revue du Droit Public, 1990).
La double perception que l'on peut ainsi avoir des phénomènes constitutionnels semble
avoir l’adhésion d’un nombre de plus en plus important de spécialistes. Cette perception
est dite à la fois plus éclairante et plus utile pour la science du Droit constitutionnel
(Claude LECLERCQ, Droit constitutionnel et institutions politiques. Paris, Litec, p.
13 et s.).
Il écrit en effet « alors que le droit Constitutionnel paraît en pleine renaissance au fur et à
mesure que la science politique s'enlise quelque peu, il risque de s’engager lui-même
dans un formalisme stérile, s'il ne soumet pas ses concepts de base à une critique
impitoyable... ...
Mais en même temps, l'éminent auteur précise à juste titre d’ailleurs qu'il n'est
nullement question d'entretenir une confusion entre les approches. Il écrit en effet : «
L'emploi simultané de l'analyse juridique et de la science politique ne doit pas aboutir
cependant à confondre les règles du jeu explicitées par la première et les rapports de
force ou les stratégies des joueurs qui relèvent de la seconde. Seule la délimitation claire
des deux plans permet de comprendre les règles et le jeu. » (Maurice DUVERGER, Le
système politique français. Paris, Presses Universitaires de France, 1996, P. 7).
La science politique fait état des lieux ; elle décrit les institutions, elle décèle leur
dysfonctionnement. Le droit vient proposer les remèdes ; il assure la régulation des
institutions politiques ( Catherine ROUVIER, sociologie politique. Paris, Litec).
Cette conciliation, perceptible à travers les manuels qui ont presque tous pour titre : «
droit constitutionnel et institutions politiques. » ou « droit constitutionnel et science
politique », permet d’éviter :
- L’excès de normativisme qui consiste à croire ou à faire croire que le droit peut tout
régenter, peut tout saisir et qu'il peut saisir tout le système politique. Cette attitude ne
tient pas compte des branches mortes qui peuvent exister en droit constitutionnel. De
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plus, elle tend à réduire ou à ramener le droit constitutionnel aux règles énoncées dans
l'écriture constitutionnelle.
- L'excès de factualisme qui présente l'inconvénient d'être extensif et qui identifie le droit
constitutionnel à toutes les manifestations du pouvoir.
Quelle est la fonction première du droit constitutionnel ? Sur cette question, les réponses
ne sont pas définitivement arrêtées, même s’il y a une évolution tendancielle vers l'idée
du Droit constitutionnel porteur de valeurs.
C’est, et pour reprendre la formule de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, le
droit politique. On retrouve chez des auteurs actuels, cette définition de la matière par la
référence au pouvoir politique. Maurice DUVERGER le définit ainsi que nous l'avons déjà
signalé, comme le droit des institutions politiques ; mais d’autres auteurs, certainement
pas avec la même ardeur, retiennent ce renvoi au politique (Philippe ARDANT,
Bertrand MATHIEU, Institutions politiques et Droit constitutionnel. Librairie
Générale de Droit et de Jurisprudence, 2008, 20e édition. Bernard CHANTEBOUT,
Droit constitutionnel. Paris, Dalloz. Olivier DUHAMEL, Droit constitutionnel et
institutions politiques. Paris, Éditions du seuil, 2011, 2e édition. Jean GICQUEL,
Jean-Eric GICQUEL, Droit Constitutionnel et institutions politiques. Éditions, Paris,
Montchrestien. Dmitri Georges LAVROFF, Le droit constitutionnel de la Ve
République. Paris, Éditions Dalloz, 2e édition, 1997. claude LECLERCQ, Droit
constitutionnel et institutions politiques. Paris, Litec. Pierre PACTET, Ferdinand
MELIN-SOUCIRAMANIEN, Droit constitutionnel. Paris, Éditions Dalloz, 2012) ou à
l’État (Francis V. WODIÉ, Institutions Politiques et Droit Constitutionnel en Côte
d'Ivoire. Abidjan, Presses Universitaires de Côte d’Ivoire. Louis FAVOREU, Patrick
GAÏA, Richard GHEVONTIAN, Jean-Louis MESTRE, Otto PFERSMANN, André ROUX et
Guy SCOFFONI, Droit constitutionnel. Paris, Éditions Dalloz, 2012, 14e édition, p. 2) ;
ce qui est considéré par certains auteurs comme étant une approche qui souffre d'une
incertitude grave (Francis HAMON , Michel TROPER, Droit constitutionnel, Paris,
Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, p. 9 et s.).
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Le Professeur Jean GlCQUEL, reprenant la formule de son maître André HAՍRIOԱ, définit
tout simplement le droit constitutionnel comme « l’encadrement juridique des
phénomènes politiques » (Jean GICQUEL, Jean-Eric GCQUEL, Droit constitutionnel et
institutions politiques. Éditions, Paris, Montchrestien).
Le pouvoir et plus encore, le pouvoir politique ne peut se concevoir sans l’autorité qui en
constitue le soutien indispensable. Le droit constitutionnel est par conséquent et dès le
départ un droit du pouvoir politique, un droit de l'autorité politique. Or, il n'y a pas de
pouvoir, d'autorité sans commandement.
Mais de l'autorité à l'autoritarisme, le pas est vite franchi et le pouvoir peut privilégier la
force aveugle et l'arbitraire. C’est très tôt que le constitutionnalisme au XVIIIe siècle s'est
construit autour des idées d’aménagement du pouvoir et surtout de limitation du
pouvoir.
La conciliation entre autorité et liberté a été développée au début du XXe siècle par
Maurice HAURIOU, prolongée par André HAURIOU (voir sa réflexion testamentaire «
Réflexions sur les statuts épistémologiques respectives du Pouvoir et de la Liberté
» Revue du Droit Public 1974, p. 645 et s) et reprise aujourd’hui par Jean GICQUEL qui y
voit essentiellement un droit de garantie de l’État de droit (Jean GICQUEL, Jean-Éric
GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques. Paris, Montchrestien,
lextenso éditions).
Quels que soient les cieux sous lesquels nous vivons, le droit constitutionnel est défini
par rapport à la Constitution qui elle-même s’expose dans chaque État comme la norme
de référence, la norme suprême.
La matière du droit constitutionnel est diversement organisée, son contenu n'est pas
uniforme ; mais au moins une idée est incontournable, c'est celle de la suprématie de la
constitution.
Mais de la proclamation à l'effectivité, des écarts sérieux existent dans nos États. La voie
semble plutôt tracée pour montrer qu'il s'agit bien souvent d'une incantation.
Le sens commun ordinaire serait tenté de dire que le droit constitutionnel n'est pas
scientifique parce qu’il s’intéresse à un domaine dans lequel l'irrationnel semble
prévaloir. Pourtant, cette matière (véritablement) scientifique est soutenue par une
méthode. En faisant abstraction des grandes considérations théoriques, il s’agit
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modestement de savoir sous quel regard appréhender le droit constitutionnel, du moins
par quelle démarche conduire l’enseignement de cette matière et la réflexion sur cette
matière.
Un certain nombre de considérations sont à prendre en compte ; elles portent sur les
relations du droit constitutionnel avec d’autres disciplines scientifiques (A), la position du
droit constitutionnel entre les principes universels et les spécificités politiques et sociales
(B), l’exigence d’une approche comparatiste en droit constitutionnel (C), la prise en
compte de la relativité des classifications en droit constitutionnel (D), la perception du
droit constitutionnel entre l'iceberg constitutionnel et les ressorts cachés du droit
constitutionnel (E).
Pensant plus particulièrement à la Côte d'Ivoire et à tous les autres qui ont connu ou qui
sont (encore) exposés à des crises, on doit se demander s'il est possible d'étendre la
notion de droit constitutionnel aux sociétés en crise (F). Quoiqu’il en soit, le fait est que
le droit constitutionnel doit être enseigné dans un esprit d'objectivité (G).
Les relations que le droit constitutionnel entretient avec les disciplines scientifiques
doivent être analysées en faisant une place particulière aux liens avec la science politique
(1). Les rapports du droit constitutionnel avec toutes les autres sciences sociales seront
examinés séparément (2).
C'est avec un regard spécifique qu’il faut examiner les relations que le droit
constitutionnel entretient avec la science politique. Cette question a été justement
examinée dans le cadre des développements sur les relations entre les phénomènes
politiques et la régulation juridique (Voir supra).
Nous devons situer le Droit constitutionnel parmi les disciplines non juridiques (a) et
dans ses relations avec les autres matières juridiques (b).
a- Le droit constitutionnel dans ses rapports avec les disciplines non juridiques
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Le droit constitutionnel est la discipline juridique qui se trouve être le plus en contact
avec les autres sciences sociales : histoire, sociologie, anthropologie, géographie,
économie, philosophie. La compréhension de l'esprit des lois et des institutions et de
leur évolution est mieux assurée par la prise en compte non juridiques.
Parmi les classiques du Droit constitutionnel, certains ont été écrits par des grands
Maîtres qui ont effectué le voyage de l'Histoire vers le Droit constitutionnel. C'est
notamment le cas d'Adhémar ESMEIN (de son vrai prénom, Jean-Paul Hippolyte
Emmanuel) qui publie en octobre 1895 Éléments de droit constitutionnel français et
comparé.
Des constitutionnalistes contemporains ont fait œuvre d'historiens ; on doit citer dans ce
sens Guy CARCASSONNE et Olivier DUHAMEL (Jean-Jacques CHEVALLIER, Guy
CARCASSONNE, Olivier DUHAMEL, La Ve République 1958-2004. Histoire des
institutions et des régimes politiques de la France. Paris, Armand Colin) qui
prolonge l'excellent ouvrage de Jean-Jacques CHEVALLIER (Jean-Jacques CHEVALLIER,
Histoire des institutions et des régimes politiques de la France moderne (1789 à
1958). Paris, Librairie Dalloz, 1967, 3e édition) et seydou Madani SY (seydou Madani
SY, Les régimes politiques sénégalais de l'indépendance à l’alternance politique
1960-2008. Yaoundé, Paris, Dakar, Iroko Éditions / Karthala/CREPOS, 2009).
On doit enfin rappeler que dans leurs manuels de Droit constitutionnel, les auteurs
consacrent de larges développements si ce n’est des Chapitres entiers aux aspects
historiques des régimes ou des systèmes politiques.
b- Le droit constitutionnel dans ses rapports avec les autres disciplines juridiques
Il faut dire que le droit constitutionnel se situe dans la branche du droit public, celle qui
met en relief l'État, l'intérêt général et l'autorité.
Le droit constitutionnel est au carrefour de toutes les disciplines juridiques ; surtout, il les
irrigue par la constitutionnalisation de toutes les branches du droit.
Il les surplombe, car comme l'écrit Louis FAVOREU « le droit constitutionnel est la
Constitution du droit.» Il en résulte donc que partie d'un sous ensemble (le Droit public),
le droit constitutionnel acquiert le statut d’essence de la totalité (le Droit).
D’autre part, la constitutionnalisation est moins le produit d'une imposition que d'une
relation de dialogue et de complémentarité entre la matière constitutionnelle et les
autres disciplines.» (Dominique ROUSSEAU, Droit constitutionnel et institutions
politiques. La Ve République. Paris, Eyrolles Université).
Mais on doit remarquer que dans les systèmes politiques en marche vers une plus
grande coopération internationnale, et même une intégration comme c'est cas du
modèle européen, le droit international ne peut pas ne pas être évoqué, et même
invoqué en étudiant le droit constitutionnel.
D’ailleurs, pour autant qu'elle commence, ce n'est pas sous ce nom, mais dans le
juspublicum » (Olivier JOUANJAN, Sous-titre 2 - Histoire. Chapitre 1, Histoire de la
science du droit Constitutionnel, in Michel TROPER, Dominique CHAGNOLLAUD
(sous la direction de), Traité international de droit constitutionnel. Tome 1, Théorie
de la Constitution. Paris, Dalloz, 2012, p. 69 et s.).
Malgré les nombreux scrupules, on comprend tout de suite qu'en prenant comme
repère le XVIe siècle, correspondant à la fin du Moyen-Age, période de constitution de
l'État même sous sa forme embryonnaire (Pierre PACTET, Ferdinand MELIN-
SOUCRAMANIEN. Droit constitutionnel, Paris, Éditions Dalloz, 2012, p. 9 et s.) ou en
posant comme point de départ l'État moderne et le mouvement idéologique du XVIIIe
siècle (Francis HAMON, Michel TROPER, Droit constitutionnel, Paris, Librairie
Générale de Droit et de Jurisprudence, 2009, 31e édition, p. 9 et s.), en évoquant ne
serait-ce que par exemple des institutions tettes que les juridictions constitutionnelles
qui ne fonctionnent pour la plupart qu'en Occident, alors qu'ailleurs, elles sont de façade
(Philippe ARDANT, Bertrand MATHIEU, Institutions Politiques et Droit
constitutionnel. Paris, Librairie, 2008, 20e édition, p. 4), le droit constitutionnel est
historiquement "situé" en Occident.
Sur cette question, quelques auteurs font des réponses directes et précises. Il est ainsi
du professeur Jean GICQՍEL qui ne trahit pas la pensée de son Maître Maurice HAURIOU
; analysant le caractère rationalisé de la politique, il écrit en effet : « Par suite d’une
longue évolution, qui s'est esquissée en Occident, à partir du XVIIe siècle, le droit
constitutionnel a pour objet, tel un jeu rituel, de réglementer l’activité politique, c'est-à-
dire de le juridiciser ».
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En forant encore plus profondément, avec les arguments de la Philosophie et de
l'Histoire, Mauro BARBERIS rappelle ceci : « L’idéal de la limitation juridique du pouvoir
apparaît déjà dans les textes antiques et médiévaux, bien entendu formulé dans des
termes ni de constitutionnalisme, ni de constitution, mais de gouvernement des lois (en
grec antique : nomos basileus)...
Si l'Occident doit à Jérusalem, la religion monothéiste, et à Rome l'idée d'un droit (en latin
: jus) qui commence à se distinguer de la religion (fas) et de la coutume (mos), il doit à
Athènes cette forme de réflexion rationnelle qui, au moins à partir de Platon, se nomme
philosophie.
Cette réflexion, c’est bien Connu, se déplace très tôt du monde naturel au monde
humain et se concentre en particulier sur la justice (en grec antique : dikaion), divisée en
justice naturelle (en grec antique : dikaionfusei) et justice conventionnelle (en grec
antique : dikaionthesei).
Une grande partie des textes grecs qui nous sont parvenus provient de la démocratie
athénienne et porte sur la loi (nomos) comme détermination du dikaion ; oscillant en
particulier entre acceptation et refus du nomos, considéré par certains comme souverain
(basileus), par d'autres comme tyran (tyrannos) (Mauro BARBERIS, sous-titre 2 -
Histoire. Chapitre II, Idéologies de la Constitution – Histoire du
constitutionnalisme, in Michel TROPER, Dominique CHAGNOLLAUD (Sous la
direction de), Traité international de droit constitutionnel. Tome 1, Théorie de la
Constitution. Paris, Dalloz, 2012, p. 113 et s.)
C'est donc dans le droit européen et plus encore dans le droit de quelques pays
européens que se situent les origines de la Constitution et l’idée de suprématie de la
Constitution (Christian STARCK, La suprématie de la constitution, in Académie
Internationale de Droit Constitutionnel, La Suprématie de la Constitution.
Recueil des cours, Volume 1. Casablanca, Les éditions Toubkal, 1987, p. 20) .
N’y a-t-il pas eu hors du monde occidental et plus précisément dans l’Afrique ancienne,
un vécu constitutionnel, tout au moins un chef ou un groupe politique qui ait été capable
de proposer ou de mettre en place des règles et des institutions qui auraient le mérite
de prendre la dénomination de droit constitutionnel ?
Le problème, et tel est bien souvent la situation à laquelle on est confronté, demeure
l'accès aux informations s'y rapportant. Sur l’existence dans les temps anciens de
sociétés politiquement organisées, en Afrique comme ailleurs dans le monde, il n’y a pas
de doute (voir Hubert DESCHAMPS, Peuples et nations d’outre-mer (Afrique - Islam -
Asie du Sud). Paris, Librairie Dalloz, 1954).
De ce point de vue, les Africains n’ont pas attendu les Européens pour trouver des
solutions à ces problèmes. Notamment dans les empires, dans les royaumes, voire les
chefferies, sur lesquels se sont penchés les historiens et les ethnologues, il existait un
appareil d’État, dont la perfection n'avait rien à envier à celui qui existait dans les
monarchies européennes de l'ancien régime, et des techniques de création du droit
parfaitement adaptées aux caractéristiques des sociétés africaines. » (Pierre François
GONIDEC, Introduction, in Encyclopédie juridique de l’Afrique. Tome premier L’État
et le droit. Abidjan, Dakar, Lomé, Les Nouvelles Éditions Africaines, 1982).
Des références sont quelquefois faites à des documents qui ont anciennement servi de
ce qu'on appelle lois fondamentales (Code d'Hammourabi, Constitution de l'Empire
du Mali). On a quelquefois invoqué l'authenticité africaine selon une certaine lecture du
constitutionnalisme (voir quelques contributions sur cette question in Gérard
CONAC (Sous la direction de), Dynamiques et Finalités des Droits africains. Paris,
Economica, 1980).
Mais de tout ceci, il apparaît en définitive qu’on ne puisse retenir (garder) aujourd’hui
que peu de choses parce que ces documents et idéologies ne semblent pas avoir laissé
de traces visibles en tout cas, actuelles.
Elle est due avant tout à l'universalité du phénomène étatique. L'État est en effet, le
modèle universel d'organisation de la société politique. Tous les États reposent sur des
éléments sociologiques que l'on peut considérer comme étant juridiquement identiques.
Il est fondé sur l’idée de constitutionnalisme, c’est-à-dire sur l'idée selon laquelle le
pouvoir des hommes trouve sa source dans la constitution et est limité par la
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constitution. Aujourd’hui, avec l’ universalisation de la démocratie libérale et la
revendication de l’idée d’État de droit (Voir Jacques CHEVALLIER, l’État de droit. Paris,
Montchrestien. Louis FAVOREU et autres, manuel précité), les principes
constitutionnels deviennent communs à l’humanité. C'est pourquoi l'apprentissage du
droit constitutionnel commence par la théorie générale.
Dans une mesure moindre et sans doute plus réaliste, on étudie des principes et des
pratiques communes à des États appartenant à un même groupe régional. (Voir
Constance GREWE et Hélène RUIZ FABRI, Droits constitutionnel européen. Paris,
Presses Universitaires de France, coll. Droit fondamental, 1995. Philippe LAUVAUX,
Les grandes démocraties contemporaines, Paris, Presses Universitaires de France.
Elizabeth ZOLLER, Droit constitutionnel. Paris, Presses Universitaires de France.).
Elles découlent de la diversité des États, des formes d'organisation du pouvoir, et des
systèmes politiques. Un auteur observe simplement : « La multiplicité des expériences
constitutionnelles, hier et aujourd'hui, montre qu'à des problèmes identiques peuvent
être données des solutions très différentes, même dans les sociétés que tout rapproche,
l'histoire, les mœurs, les valeurs. Il n'y a pas de solution universellement admise à des
problèmes aussi banals que : qui est électeur ?
Comment désigner le chef de l’État ou les parlementaires ? Faut-il une ou deux chambres
au Parlement ? Quelle sera la durée de leur mandat ? » (Philippe ARDANT, Droit
constitutionnel et institutions politiques. Préparation à l’examen. Paris, Librairie
Générale de Droit et de Jurisprudence).
Il faut recourir à l'analyse systémique pour découvrir la réalité d'un régime politique.
Chaque système politique doit être analysé en lui-même et compte tenu de son
environnement afin d’appréhender sa spécificité.
Il apparaît par conséquent qu’au-delà des règles, du moins qu'avec les règles, il faut
appréhender la pratique politique ; et qu’au-delà des structures, il faut saisir les
fonctions des organes politiques. C'est avec ces données qu'on peut ébaucher ou
entreprendre une comparaison entre les régimes.
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Il y a encore peu de temps, on pensait que le comparatisme était l’affaire exclusive des
spécialistes de Droit privé ; aujourd'hui, le comparatisme connaît un intérêt certain en
droit public, et plus précisément en droit constitutionnel.
De façon générale, la détermination des catégories juridiques n'est pas chose aisée (Voir
les quasi-contrats, quasi-délits, catégories sui generis). En droit constitutionnel, le
champ d’application est très variable ; les classifications ne sont pas toujours
opératoires.
Le droit constitutionnel doit les prévoir et tente de leur apporter une solution par un
régime approprié. » (Benoît JEANNEAU, Droit constitutionnel et institutions
politiques. Paris, Éditions Dattox, Collection Mémento, 1991, p. 288)
Les réponses à cette problématique ne se trouvent pas que dans le droit et plus encore
dans le droit constitutionnel. Il faut certainement interroges l'anthropologie juridique ou
la science politique pour comprendre les maux dont souffre cette société.
Un ouvrage de droit constitutionnel est le lieu d'une prise de position doctrinale. Ce n’est
ni un pamphlet ni une tribune politique.
Il faut reconnaître que la tâche du constitutionnaliste se révèle délicate dans les sociétés
dans lesquelles le spécialiste doit contribuer au développement d'une prise de
conscience de l’utilité sociale de la discipline.
Plus encore, dans les sociétés politiques en crise, le risque est grand de voir certains
constitutionnalistes perdre leurs repères. Pour s’en sortir, il nous faut certainement
emprunter à Raymond ARON la solution qu'il propose dans le cadre des études de
Sociologie politique : « Être enraciné dans une certaine société, en dégager des
problèmes, mais simultanément se détacher d'elle pour la comprendre pour la voir aussi
surprenante que toutes les autres, peut-être, est-ce là essentiellement l’attitude
sociologique...
Pour atteindre cet échange entre deux sociétés dont chacune se considère comme
évidente, il faut d’abord être enraciné dans la sienne, mais ensuite être capable de s’en
dépendre. » (Raymond ARON, Dix-huit leçons sur la société industrielle, p. 24).
Ces développements qui viennent d’être faits vont nous permettre de forer plus en
profondeur la matière du Droit constitutionnel. Les grands axes de cette matière sont
classiques et s’exposent en deux temps — démarche d’ailleurs renforcée par les
exigences de semestrialisation qu’impose le LMD : tout d’abord, La Théorie Générale du
Droit constitutionnel (Première Partie) ; ensuite, Les Institutions Politiques (Deuxième
Partie).
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