Sujet L'avenir Du Droit Coutumier Africain

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GRANDE DOCTRINE JURIDIQUE

Sujet : L’avenir du droit coutumier africain

La coutume est l’une des sources du droit la plus ancienne, voire la plus attachante. C’est
une règle juridique spontanée, « une donnée immédiate de la conscience sociale » selon
Bergson. Le rôle de la coutume diffère selon trois situations : il y’a des pays où la coutume
n’occupe qu’une place marginale en tant que source du droit à côté des autres sources,
notamment la plus part des sociétés modernes ; ensuite, nous avons les pays où celle ci
coexiste de façon reconnue avec la loi écrite, en occurrence dans les pays anglo-saxons ;
enfin nous retrouvons les pays vivant sous l’empire de la coutume, tels que les pays de
l’Afrique sub-saharienne et du Madagascar. Les peuples de ces pays ne connaissent, près
que, pas d’autres sources du droit. L’expression « droit coutumier africain » désigne les
droits en vigueur avant la colonisation. Ces droits n’étaient pas écrits, ils résultaient de la
pratique. Durant la colonisation, on en a mis par écrit, dans des ouvrages appelés coutumiers
et on a parlé de droit coutumier.

La nature coutumière du droit africain s’explique par la civilisation des peuples vivant dans
cette zone. Les sociétés traditionnelles africaines de l’époque précoloniale se présentent sous
la forme de groupements hiérarchisés, mais non discriminatoire car les droits et les
obligations de l’individu sont déterminées en fonction de sa place dans la société et par
rapport à la société à laquelle il appartient. A la tête de ces chefferies on retrouve
généralement un chef entouré de notables. La façon d’accéder au pouvoir se faussait dans
certaines zones, tant tôt de façon démocratique, tant tôt de manière autocratique. Les
sociétés traditionnelles africaines avaient une vision assez différente du monde dans lequel
nous vivons. Pour elles, l’individu se trouve à cheval entre le monde des vivants et l’au-delà
et il existe des interactions entre ces deux mondes à travers la croyance à l’esprit des
ancêtres qui reste parmi les vivants. Cette cosmogonie a un impact sur la formation du droit
qui est considéré comme l’émanation de la volonté ancestrale. Du coup, les membres du
groupe social ne jouent qu’un rôle de second plan dans la formation du droit. La civilisation
africaine est diversifiée et l’étude du droit coutumier africain permet de découvrir un ordre
juridique nouveau assez différent des autres systèmes de droit que nous connaissons. De
plus, elle permet d’appréhender la notion de coutume et son évolution de manière générale.

Actuellement on pourrait, très logiquement, s’interroger sur l’influence du droit coutumier


africain à travers son évolution? Tout en gardant à l’esprit que les coutumes africaines sont
très diverses et ont déjà fait la rencontre d’autres civilisations étrangères notamment
occidentale et musulmane. Pour bien rendre compte de l’influence de ce droit spécifique, une
analyse chronologique s’impose à nous. Il s’agira pour nous de retracer l’évolution du droit
africain avant l’avènement de la colonisation (I), en passant par la période coloniale pour
arriver à l’ère postcoloniale (II).
I. La période antérieure à la colonisation :

L’Afrique noire se caractérise par l’extrême diversité des coutumes, conséquence naturelle
de la multiplicité des groupes ethniques qui y résident. Cette diversité culturelle a laissé
certains auteurs perplexes sur l’existence d’un système juridique africain (A), mais plus tard
des études ont permis de conclure à l’existence d’un ordre juridique africain autonome à
travers l’identification de ces caractéristiques (B).

A. L’existence d’un système de droit coutumier africain :

Si on considère le droit comme l’ensemble des règles juridiques sanctionnées par des
organes spécialisés étatiques, la réponse est négative. L’Afrique à cette époque ne
connaissait pas une telle organisation sociale à l’image des pays européens. Dans une même
région plusieurs groupes ethniques pratiquaient des coutumes différentes et leur organisation
sociale était différente. On pouvait trouver des situations diverses notamment des peuples à
régime aristocratique ou monarchique (royaumes d'Abomey, du Buganda, du Serer;
confédération ashanti), des peuplades à régime démocratique (démocratie villageoise des
Anuak du Soudan), et parfois des communautés qui ne connaissent aucune organisation
politique (Tiv du Nigeria, Tallensi du Ghana, Diola du Sénégal). Le statut familial, le
régime juridique de la terre étaient soumis à des règles qui différaient à l’intérieur d’une
même région : « Entre les droits sur la terre d’un paysan du haut-plateau éthiopien, droits
hautement individualisés… et le village du haut-plateau érythréen voisin où les terres sont
annuellement redistribuées par tirage au sort entre tous les habitants en lots soigneusement
équilibrés… il y a un monde de différences , encore que les conditions géographiques sont
identiques dans l’un et l’autre cas. Et les droits sur la terre qui en résultent de cette situation
présentent entre eux autant de différences que celles les distinguant à leur tour des modes de
tenure foncière pratiqués au Rwanda ou dans la cuvette centrale Zaïroise ».

La diversité des coutumes africaines découlant de sa diversité culturelle ne devrait pas


constituer un obstacle à la reconnaissance d’un ordre juridique africain autonome, même si

elle peut rendre difficile son identification Mais, si on considère le droit comme un
ensemble de règle qu’une société impose à ses membres, on pourrait bien affirmer qu’il
existe un droit africain. Il existait bien des règles qui régulaient le fonctionnement des
sociétés africaines. Une société ne saurait se réduire à l'État ou aux institutions émanant
d'une autorité politique centrale, présentée comme unique, au-dessus des citoyens et des
autres institutions ou corps sociaux. S'il en était ainsi, nous ferions alors face à l'existence
d'un ordre, exclusif, auquel tous les autres seraient redevables et réductibles. Partout où il
y’a un groupe social d’une certaine densité et d’une certaine permanence, il y’a un droit,
quelque soit par ailleurs le niveau qu’il occupe dans l’échelle des civilisations. Le droit est
plus qu'un ensemble de normes, ses références étant les notions d'organisation et de
structure. Il est donc institution, c'est-à-dire ordre juridique. Et puisqu'il « habite » tout corps
social, l'ordre juridique étatique n'est qu'une entité parmi d'autres. Malgré la grande diversité
qui marque les coutumes africaines, plusieurs comparatistes ont admis qu’il existe entre elles
plusieurs similitudes permettant de les regrouper à l’intérieur d’un même système juridique.
En effet, les coutumes africaines forment une unité au niveau de leurs origines, de la
procédure, les principes, les institutions et les techniques. L’existence de ces traits
communs a rendu possible la détermination des caractéristiques du droit coutumier africain.

B. Les caractéristiques du droit coutumier africain

Les coutumes africaines, à l’époque précoloniale, étaient extrêmement nombreuses et


variées. Elles se distinguaient d’une communauté à une autre et d’une ethnie à une autre.
Les différences peuvent être liées à divers facteurs tels que la langue, la proximité, l’origine,
l’histoire, la structure sociale et l’économie. Par exemple, le système de droit coutumier d’un
groupe ethnique dans une ville peut être différent de celui d’une ville voisine, même si les
deux groupes parlent la même langue. Mais les règles de droit qui découlaient de ces
coutumes, présentaient certaines caractéristiques communes à tous les groupes ethniques.
Ces traits communs, qui sont reconnus par de nombreux auteurs, confirment indirectement
l’unité profonde du fonds coutumier africain. Ce qui permet de différencier ce droit des
autres systèmes notamment occidentaux. Ainsi la majorité des droits africains présentent les
caractéristiques suivantes :

En premier lieu, il y a le caractère communautaire ou collectiviste de ceux-ci qui découle de


la nature des sociétés africaines où individu et groupe sont complémentaires. Dans ces
sociétés, en effet, l’individu n’a de sens qu’exprimé à l’intérieur du groupe ; il est l’élément
constitutif dont le groupe a besoin pour son existence mais n’existe pas en dehors de lui. Le
groupe donc n’est pas une entité abstraite pas plus que l’individu n’est une réalité autonome ;
de l’autre il ya des individus qui tiennent leurs droits de leur appartenance au groupe. La
meilleure illustration de ce caractère communautaire réside dans le fait que la terre était
considérée comme un bien collectif. Le droit coutumier africain, de par ce caractère, se
différencie du droit occidental notamment romano-germanique qui est axé sur une
conception individualiste. En fait le système occidental est axé sur l’individu en tant fin
suprême du droit, contrairement à l’esprit collectiviste qui dominait la vie sociale africaine.
Bien qu’il ne s’agisse que de l’homme considéré dans ses rapports avec ses semblables, c’est
l’homme seule qu’on cherche à atteindre à travers le groupe. L’individu est considéré, dans
cette conception individualiste du système occidental, comme titulaire des droits naturels,
inaliénables et sacrés. Il possède une zone d’autonomie dans laquelle le pouvoir public ne
peut pas pénétrer. L’exclusion de l’appropriation individuelle des terres s’explique
également par un autre trait commun aux droits africains, qui est son caractère agraire ou
paysan. En effet ce caractère est né du fait que les règles de droit sont plus ou moins
marquées par les nécessités économiques d’une civilisation agraire. En fait les règles établies
évoluaient en fonction de l’évolution des activités agricoles. Alors que dans les législations
européennes, le droit était beaucoup plus général et touchait à tous les domaines d’activités.
L’oralité constitue sans doute un autre caractère essentiel des droits africains. La
caractéristique orale est liée aussi bien à la tradition orale des sociétés africaines qu’à la
coutume. Mais il ne faut pas en déduire, pour autant, que ces droits avaient un caractère
exclusivement coutumier. Si la coutume jouait un rôle de premier plan, elle était cependant
que l’un des nombreux procédés de la constatation du droit ; l’Afrique précoloniale
connaissait d’autres sources de droit. Par exemple la législation édictée par l’autorité
politique, dans certains pays comme l’Ethiopie ou le Madagascar. Ainsi ce caractère oral fait
aussi parti des aspects qui font la particularité des droits coutumiers africains par rapport aux
droits occidentaux où le droit présente un caractère statique, rigide et dogmatique. Les droits
africains se caractérisent également, avant la colonisation, par leurs aspects mystique et
religieux. Cette caractéristique sacrée ou religieuse est connue dans les sociétés où l’individu
est à cheval sur le monde des vivants et celui des morts. En fait, depuis toujours, la crainte
des puissances surnaturelles ou magiques, comme le respect des ancêtres, incitaient les
particuliers à se conformer aux règles coutumières et aux manières traditionnelles de vivre.
Plusieurs bases d’application des sanctions du droit coutumier africain ont été identifiées, y
compris les croyances religieuses, des notions de responsabilité collective, et la peur du
ridicule et de l’ostracisme (exclusion sociale). La sanction religieuse est fondée sur la
conception du clan vu comme entité continue composée à la fois des vivants et des morts qui
se préoccupent les uns comme les autres du plein respect de la loi. La peur que l’esprit des
ancêtres ne punisse infailliblement les contrevenants assure le respect des règles de la
société. Lorsqu’un délit a été commis, le contrevenant est instamment invité à s’acquitter
d’un dédommagement pour éviter le châtiment spirituel qui pourrait s’abattre sur lui. Cette
imbrication étroite et profonde du droit et de la religion, dont les éléments se fondent dans un
tout indivisible, fait encore la différence des droits coutumiers africains aux législations
européennes où le juridique et le religieux sont deux mondes distincts. Il faut préciser
cependant que cette conception religieuse et mystique du droit devait fléchir sous l’influence
de l’islam, qui s’est largement répandu en Afrique depuis le XIème siècle et aussi sous
l’effet du christianisme.

La caractéristique de l’inégalité relative, quant à elle, est courante dans les sociétés africaines
où les droits de l’individu sont déterminés en fonction de sa place dans la société. Ces
sociétés ont gardé, pendant longtemps, des traits marquants de cet égalitarisme primitif. En
ce qui concerne la formation même du droit, les membres du groupe social n’y jouaient
qu’un rôle de second plan par le fait qu’à travers le chef qui est le représentant de l’ancêtre
sur terre, le droit est considéré comme émanant de la volonté ancestrale. La justice africaine,
durant cette période précoloniale, s’apparentaient d’avantage à une sorte d’arbitrage qu’à de
véritables juridictions cherchant à appliquer le droit. Ce qui fait encore sa particularité par
rapport aux législations européennes qui assuraient l’application du droit à travers
l’instauration de juridictions et de la formation de juristes. Les droits africains traditionnels
étaient essentiellement des systèmes juridiques de protection et de réhabilitation de l’homme,
la répression étant exceptionnelle. D’où la place centrale accordée au dialogue et à la
réconciliation par le biais de la palabre. Ainsi tous ces traits dominants des cultures
africaines ont marqué d’une empreinte indélébile les conceptions juridiques africaines. En
effet les droits traditionnels africains traduisent très fortement le mode de vie, la façon
d’envisager les rapports sociaux entre africain. C’est dans ce contexte précis que sont nées et
se sont développées, les différentes conceptions humanitaires. Le système de pensée africain,
étant essentiellement imprégné d’humanisme, à généré des conceptions et des pratiques qui
placent les peuples d’Afrique au rang des civilisations humanitaires.

II. Le droit coutumier africain durant la colonisation et l’indépendance

L’Afrique noire a connu deux systèmes de colonisation : le système britannique


d’administration indirecte et le système des pays latins (France, Espagne, Belgique)
d’assimilation des peuples indigène. L’avènement de la colonisation a tout simplement eu
pour conséquence l’imposition d’un nouveau système de droit pour assurer la réalisation de
ces objectifs et la régression du droit traditionnel africain (A), et un développement du droit
moderne et la marginalisation du droit coutumier (B).

A. L’imposition du droit moderne : une régression du droit coutumier africain

Pour réussir à changer les structures socio-économiques africaines le droit était l’outil
incontournable. Les réformes entreprises dans ce sens ont abouti à la dénaturation pure et
simple du droit coutumier déjà en place. Désormais, le droit coutumier africain cessera
d’être uniquement paysan, avec l’introduction de nouveaux droits jusque là méconnus tels
que le droit des sociétés, le droit du travail, le droit commercial particulièrement les effets de
commerce, le droit maritime etc. Le droit ne sera plus le fruit de la volonté des anciens mais
celle du colonisateur qui cherche à imposer sa législation jugée supérieure au droit
coutumier. Par ailleurs, le régime des terres se transforme. La propriété individuelle se
développe au détriment de la propriété collective. Les ventes foncières deviennent, en
conséquence, possibles. Le droit ne vise plus à protéger la communauté ou le groupe, mais
l’individu en tant que réalité isolée et autonome. Une conception individualiste inspirée des
droits européens a été imposée aux pays colonisés au mépris des valeurs ancestrales fondées
sur la solidarité et la vie communautaire. Aussi le droit africain cesse d’être religieux et
devient laïc. Le temporel et le spirituel, le sacré et le profane deviennent deux mondes
distincts, bien que, dans la réalité, ils agissent l’un sur l’autre. Enfin, des juridictions
modernes ont été instituées pour assurer l’application du nouveau droit, ce qui a eu pour
conséquence de réduire sensiblement le champ d’action des instances coutumières qui
n’intervenaient que sur les litiges familiaux, la gestion des terres et parfois dans le domaine
pénal.

Avec la colonisation, le droit coutumier se trouve dans une situation précaire. Les pays
africains sont placés dans une situation de dépendance pure et simple par rapport au
colonisateur et, en conséquence, leurs droits cessent d’être des droits autonomes. Cette
situation constitue des lors un obstacle tendant vers une régression du droit coutumier
africain. Il faut également ajouter que la régression du droit coutumier africain peut être
attribuée à divers facteurs, notamment l’absence de reconnaissance officielle des systèmes de
justice non statutaires (juridictions coutumières), la mainmise de l’Etat sur certains du droit
coutumier par l’intermédiaire des tribunaux coutumiers statutaires ; par la codification du
droit coutumier , le sentiment général que le droit occidental est supérieur entraînant un
obstacle déterminant mais aussi le fait que le droit coutumier n’est plus enseigné dans les
établissements scolaires .Entre autres raisons de régression, selon la jurisprudence, il était
possible d’écarter le droit traditionnel au profit du droit moderne pour des raisons d’ordre
public. Une autre technique permettait également de choisir le droit métropolitain. C’était
l’option de législation qui était possible en toutes matières. Les reformes relatives à
l’organisation judiciaire avaient conduit à faire perdre aux juridictions coutumières leur
autonomie, par les contrôles imposés ou à la faveur des magistrats européens désignés pour y
siéger. Directement ou indirectement, ces aménagements ne pouvaient conduire qu’à
dénaturer le droit coutumier ou à donner la préférence au droit moderne sur le droit
traditionnel.

Il faut également noter que l’une des erreurs la plus grave tendant à faire régresser le droit
coutumier africain par le colonisateur, c’est d’avoir détruit toutes les anciennes valeurs
africaines sans les avoir remplacées par des valeurs nouvelles supérieures. Au lieu d’adapter
le droit coutumier aux circonstances nouvelles, comme il aurait été nécessaire,
l’administration coloniale a travaillé de manière à le figer, à le scléroser ; ce qui constitue un
obstacle notoire entraînant sa régression. Par ailleurs, il faut également noter que la
coutume est en général imprécise, ce qui peut être une cause d’insécurité pour les intéressés.
Vue sa nature particulière, le droit coutumier africain varie suivant les lieux, les professions,
les milieux sociaux, ce qui peut être néfaste pour l’unité politique d’un pays. Ce qui revient à
dire que la coutume ne peut réaliser des reformes rapides puisque l’usage ne devient
coutume que quand il a duré assez longtemps. On peut donc déduire de ce qui précède
qu’aucune nation ne peut vivre sans coutume, mais compte tenu des réalités sociales du
monde actuel, il faut une certaine adaptation des règles coutumières aux réalités
contemporaines pour promouvoir un processus de développement loin des handicaps
engendrés par la coutume et ce, en écartant les règles coutumières dépassées.

B. Le développement du droit moderne : une marginalisation du droit coutumier

Du point de vue idéologique, il y’avait bien un mouvement révolutionnaire qui prônait la


décolonisation intégrale, dans tous les domaines, en particulier dans le domaine
juridique .Mais finalement, c’est la tendance modérée qui a pu, en mettant en avant les
apports positifs de l’héritage colonial, imposer le principe de continuité : tout le droit
d’inspiration occidentale, que les puissances colonisatrices avaient établi , a été confirmée
dans les nouveaux Etats ;même dans les pays qui se sont déclarés socialistes , aucune voix ne
semble s’être élevée pour en réclamer l’abrogation. Aucune loi importante n’a été abolie
dans un esprit de retour au passé. Les mesures qui ont été prises, ici et là, manifestent au
contraire avec netteté la volonté de maintenir en vigueur et perfectionner le « droit moderne
» mis en place à l’époque de la colonisation cette suprématie du droit moderne peut être
observée aussi bien dans les pays francophones que dans les pays anglophones.
Au niveau du premier groupe, la confirmation du droit d’origine coloniale est généralement
consacrée par la constitution et mise en application par la cour suprême du pays concerné.
Bien plus, le principe n’est retenu même en l’absence d’une disposition constitutionnelle
formelle. Il en va de même dans le cadre des pays anglophones. D’autant plus que la grande
Bretagne prenait soin avant l’accès à l’indépendance, d’implanter le modèle constitutionnel
anglais et de réaliser, par la même occasion, la continuité du droit colonial. Les arguments
avancés pour expliquer la survie et même l’épanouissement des droits d’inspirations
européennes sont multiples : Nécessité de maintenir le système colonial pour éviter de
provoquer le vide juridique l’ordre économique ancien n’ayant pas changé de façon radicale,
le besoin ne s’est pas fait sentir de modifier la législation correspondante, en particulier le
droit des affaires. Compte tenu de la faiblesse de l’encadrement africain, il était nécessaire de
maintenir en fonction les techniciens étrangers, qui étaient le plus souvent d’anciens cadres
de la colonisation. Insuffisance des moyens humains et matériels pour africaniser, dès le
lendemain de l’indépendance, la formation des juristes. De plus, les Etats utilisent rarement
le droit africain comparé comme source d’inspiration, sans parler de l’absence d’échange
d’information Par ailleurs, le développement du droit moderne, après l’avènement de
l’indépendance a pu être considéré à la fois comme un facteur de cohésion nationale pour
neutraliser les ethnies et les communautés disparates, d’une part, et d’autre part, un facteur
de progrès économique. Pour moderniser, il est souvent nécessaire de donner la préférence
aux droits étrangers sur les coutumes nationales. Sans doute les dirigeants africains ont
souvent manifesté leur attachement aux valeurs traditionnelles et aux pratiques
locales .Certains d’entre eux, comme L.S.Senghor, ont même développé une idéologie
fondée sur la négritude ou l’africanité. D’autres hommes politiques ont proposé une réforme
totale des législations, axée sur le droit traditionnel. Les composantes d’un éventuel droit
africain doivent être nécessairement le droit coutumier, le droit musulman, le droit français
Seulement les impératifs d’ordre politique et économique, unification nationale,
développement ont fini par l’emporter .Les lois et les codes nouveaux sont dominés, non par
les droits traditionnels mais par les règles d’inspiration européenne. C’est le cas des matières
de droit public et des matières de droit privé qui sont fortement influencées par le droit
public étranger: droit pénal, droit du travail , droit international privé , droit foncier ,
organisation judiciaire. Une autre manifestation de cette marginalisation du droit traditionnel
réside dans le fait que de nombreux pays africains, anglophones ou francophones, n’ont pas
hésité à supprimer les tribunaux coutumiers. Ces réformes seront probablement lourdes de
conséquences : appliquées par les tribunaux modernes et les juristes de formation
européenne, le droit coutumier risque d’être dénaturé et de disparaître progressivement La
primauté du droit moderne et le recul du droit traditionnel se révèlent également dans le
cadre des matières de droit privé proprement dites, notamment dans le domaine du droit des
contrats, en matière d’obligations et de mariage. Il reste que dans la pratique la coutume
ancestrale continue à régir les rapports quotidiens entre Africains .Malgré les réformes
introduites, elle parait même, surtout dans le domaine du statut personnel et familial, plus
vivante, plus effective que les lois inspirées par la législation française ou anglaise.

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