Babel 5002
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Littératures plurielles
36 | 2017
La Méditerranée au pluriel. Cultures, identités,
appartenances
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/babel/5002
DOI : 10.4000/babel.5002
ISSN : 2263-4746
Éditeur
Université de Toulon
Édition imprimée
Pagination : 143-159
ISSN : 1277-7897
Référence électronique
Lobna Mestaoui, « Le « butin de guerre » camusien, de Kateb Yacine à Kamel Daoud », Babel [En ligne],
36 | 2017, mis en ligne le 07 février 2018, consulté le 18 janvier 2023. URL : http://
journals.openedition.org/babel/5002 ; DOI : https://doi.org/10.4000/babel.5002
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- CC BY-NC-ND 4.0
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/
Le « butin de guerre » camusien, de Kateb Yacine à Kamel Daoud 1
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Le « butin de guerre » camusien, de Kateb Yacine à Kamel Daoud 2
éléments prisés par les lecteurs et les éditeurs métropolitains, était souvent
encouragée.
4 Au Maghreb, l’enseignement et l’affirmation du français rivalisent avec la langue
endogène, l’arabe, langue du livre sacré, d’une identité scripturaire millénaire et de la
vie sociale. La lutte entre l’idiome colonisateur et l’idiome endogène arabe, porteur
d’une tradition d’écriture qui a eu partie liée au rayonnement des savoirs, semble y être
poursuivie avec plus d’acharnement que dans le texte subsaharien. C’est aussi que, dans
le contexte maghrébin, l’école française s’impose comme la rivale de l’école
traditionnelle : l’école coranique.
5 Cependant, les indépendances devaient rapidement insuffler l’esprit d’une écriture
nouvelle qui, dépassant le mimétisme imposé par la juxtaposition des idiomes et des
cultures, passe par l’hybridation des œuvres, qui porteront en leur sein toute la
complexité du postcolonial où le sujet est défini comme pluriculturel, plurilingue,
dépassant l’univocité imposée par le processus d’assimilation. De ce fait, les auteurs
postcoloniaux, maghrébins ou, plus généralement, africains, incarnent l’émergence des
narrations rivales, selon l’expression d’Edward Saïd. Des narrations qui empruntent à
l’héritage littéraire occidental pour lui imposer une mutation au contact d’autres
cultures et d’autres esthétiques.
6 Nedjma (1956) et Le Polygone étoilé (1966) de Kateb Yacine ou En attendant le vote des bêtes
sauvages (1998) de Kourouma, par exemple, participent pleinement de cette écriture
transgressive, signe des œuvres postcoloniales, de leur affranchissement progressif des
tutelles littéraires, même si le travail de réécriture qu’imposent souvent les éditeurs
parisiens relativise profondément la marge de liberté de ces écrivains.
7 Je m’attacherai ici à l’actualité littéraire la plus proche, potentiellement la plus
parlante, pour opérer ensuite un saut dans le temps d’un demi-siècle. Mai 2014 : Kamel
Daoud renvoie, avec Meursault, contre-enquête, à ce trait-d’union littéraire Nord-Sud
qu’incarne ce dernier livre de l’auteur journaliste algérien qui a failli être couronné
prix Goncourt. Un ouvrage qui s’inspire de L’Étranger (1942) d’Albert Camus, qu’il
« prend comme tremplin » en même temps qu’il revisite certains aspects narratifs de La
Chute (1956).
8 Dès la première de couverture, on est amené à s’inscrire dans le sillage d’une œuvre et,
dès le titre, confronté à la volonté de signaler au lecteur le procès littéraire intenté au
non-dit de ladite œuvre et à un héritage littéraire, pour ne pas dire colonial, auquel
appliquer un droit d’inventaire. D’emblée, pour un lecteur avisé, la subversion, la
transgression travaille cet écrit, le modèle et l’impose comme une « contre-enquête ». À
charge.
9 Au reste, la première page de Meursault, contre-enquête donne le ton, expose les griefs et
impose la revendication d’un autre dire, rival et contestataire :
« .... C’est une histoire qui remonte à plus d’un demi-siècle. Elle a eu lieu et on en a
beaucoup parlé. Les gens en parlent encore, mais n’évoquent qu’un seul mort – sans
honte vois-tu, alors qu’il y en avait deux, de morts. Oui, deux. La raison de cette
omission ? Le premier savait raconter, au point qu’il a réussi à faire oublier son
crime, alors que le second était un pauvre illettré que Dieu a créé uniquement,
semble-t-il, pour qu’il reçoive une balle et retourne à la poussière, un anonyme qui
n’a même pas eu le temps d’avoir un prénom.
Je te le dis d’emblée : le second mort, celui qui a été assassiné, est mon frère. Il n’en
reste rien. Il ne reste que moi pour parler à sa place, assis dans ce bar, à attendre
des condoléances que jamais personne ne me présentera » 2.
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« M’ma était derrière moi et je sentais son regard comme une main me poussant
dans le dos, me maintenant debout, dirigeant mon bras, inclinant légèrement ma
tête au moment où je visai » (85).
35 Le narrateur brosse le tableau convoquant, comme dans la scène de L’Étranger, le décor
et ses éléments : à la plage, topos toujours magnifié dans les écrits de Camus, s’oppose le
village indigène Hadjout et à la scène solaire imposant un régime diurne implacable
s’oppose une scène lunaire :
« C’était la nuit mais on y voyait très clair. À cause de la lune phosphorescente.
Tellement proche qu’on aurait pu l’atteindre en s’élançant haut vers le ciel » (85).
36 Cette scène est un pastiche remarquable où la référence à l’œuvre source est explicite.
Le roman de Daoud introduit ce rapport ambigu à l’œuvre de Camus, « entre moquerie
et référence admirative », selon la définition que Genette retient du pastiche. La scène
du meurtre du Français condense la visée parodique de l’auteur et l’intention critique
sous-jacente de cette obsession camusienne d’une nature détachée de son contexte,
picturale, rivée sur un passé anhistorique.
37 Le texte renvoie également à la question épineuse des races, dont l’essor est lié aux
conquêtes impérialistes du XIXe siècle. Le narrateur de la contre-enquête enregistre :
« Il a fallu donc le regard de ton héros pour que mon frère devienne un arabe et en
meure » (71), avant de poursuivre :
« Arabe, je ne me suis jamais senti arabe, tu sais. C’est comme la négritude qui
n’existe que par le regard du Blanc. Dans le quartier, dans notre monde, on était
musulman, on avait un prénom, un visage et des habitudes. Point. Eux étaient les
étrangers, les roumis que dieu avait fait venir pour nous mettre à l’épreuve, mais
dont les heures étaient de toute façon comptées : ils partiraient un jour ou l’autre,
c’était certain » (70).
38 Si le narrateur met l’accent sur le regard racialisant du Blanc, il livre aussi la version
indigène de la représentation des autochtones. À ce prisme, la présence coloniale n’est
qu’un intermède, un épisode, une épreuve qu’il faut subir. Cette lecture recadre les
idées qui peuvent s’exprimer dans des écrits comme Misère de la Kabylie ou Chroniques
algériennes, y compris l’article où Camus charge les « bateaux de l’injustice » : « Il ne
suffira pas en effet de donner à l’Algérie le grain dont elle a besoin, il faudra encore le
répartir équitablement. J’aurais préféré ne point l’écrire, mais il est vrai que cela n’est
pas fait »10.
39 Dans l’article qu’il consacre aux salaires, Camus dénonce : « on m’avait prévenu que les
salaires étaient insuffisants. Je ne savais pas qu’ils étaient insultants. On m’avait dit que
la journée de travail excédait la durée légale. J’ignorais qu’elle n’était pas loin de la
doubler. Je ne voudrais pas hausser le ton. Mais je suis forcé de dire ici que le régime du
travail en Kabylie est un régime d’esclavage »11.
40 Pourtant, comme le rappelle à juste titre Yves Ansel, en dépit des événements de Sétif
et de Guelma, héritage des espérances qu’avaient fait naître le projet Blum-Viollette,
Camus « continue de croire à la mission civilisatrice de la France ». « Tout au long des
Chroniques algériennes, Camus en appelle à une politique de réparation, à une politique
du dialogue, de la concertation, de la conciliation »12 bien lisible dans ce qu’il déclarait
en 1947, à propos de L’Été (1937) : « J’ai ainsi avec l’Algérie une longue liaison qui sans
doute n’en finira jamais et qui m’empêche d’être tout à fait clairvoyant à son égard » 13.
Faute de cette clairvoyance, Camus, soucieux de déboucher sur un accord, un dialogue,
un terrain d’entente entre les diverses populations présentes en Algérie, n’aura de
cesse de défendre une option de compromis et de vouloir réformer le système colonial
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de l’intérieur, tout en le laissant intact14. C’est patent dans les Chroniques algériennes, où
il avance :
« Car, si la conquête coloniale pouvait trouver une excuse, c’est dans la mesure où
elle aide les peuples conquis à garder leur personnalité. Et si nous avons un devoir
en ce pays, il est de permettre à l’une des populations les plus fières et les plus
humaines en ce monde de rester fidèle à elle-même et à son destin » 15.
41 L’option du compromis relevant de l’impasse – comme de l’imposture –, Camus n’a
d’autre choix que de s’enfoncer dans le silence.
42 Mais le truchement de Meursault ne sert pas à Kamel Daoud qu’à entreprendre le
procès de l’invisibilité de l’Arabe dans l’œuvre de Camus : par-là, il interpelle également
des invisibilités plus contemporaines. Dans le contexte de rigidité religieuse où il
intervient, il impose une autre visibilité qu’on ne peut ignorer : celle du non-croyant, ce
qui lui vaudra une fatwa réclamant sa tête. En proférant : « La religion, pour moi, est un
transport collectif que je ne prends pas. J’aime aller vers ce Dieu, à pied s’il le faut, mais
pas en voyage organisé. Je déteste les vendredis depuis l’indépendance, je crois » (76), il
fait le procès des sociétés arabo-musulmanes contemporaines. Il agite le drapeau de la
rébellion et endosse le rôle de fauteur de trouble en dévoilant l’échec cuisant des
indépendances.
43 Cependant, il est un autre auteur qui s’est donné pour tâche de répondre à Camus, un
contemporain des événements d’Algérie, contemporain aussi de la parution des œuvres
de ce « compatriote ». Il s’agit de Kateb Yacine.
44 Dès les années 1940, et notamment suite au massacre de Sétif, Kateb Yacine va
s’imposer comme l’interlocuteur de Camus par œuvre interposée. Lors des
manifestations du 8 mai 1945, Kateb Yacine avait 15 ans. En participant aux
manifestations, il se retrouve exclu de son établissement scolaire, arrêté le 17 mai, et
envoyé ensuite au bagne de Lambèse. Kateb a certainement lu les enquêtes de Camus
sur les événements du Constantinois et sur les massacres. Répondant par des vers aux
articles de Camus appelant à la légalité républicaine et à la justice, Kateb constate que
l’espoir s’est mué, depuis ces événements, en un désespoir qui suit l’épreuve de la mort
gratuite et absurde et dénonce le déni de justice de la puissance coloniale à laquelle
Camus, opiniâtrement, continue de réclamer justice et démocratie. Contre cette vision
angéliste, Kateb Yacine fait entendre une voix dissonante dans le poème qui ouvre son
premier recueil, Soliloques, en 1946 :
« Quoi que dise la vieille espérance,
Forçons les portes du doute...
Pourquoi ne plus vivre
Quand les morts s’arrachent les cercueils… ».
45 Au reste, nombreuses sont les œuvres de Kateb que l’on peut interpréter comme des
réponses aux textes de Camus. Les Déshérités des Aurès (1950) répondent ainsi à Misère de
la Kabylie (1939), mettant l’accent sur les déportations subies en se focalisant sur une
région berbère affamée et exploitée. Et de même pour Le Cadavre encerclé, du recueil Le
Cercle des représailles (1959), qui fait pendant aux Justes (1948), combattant le lamento
par une esthétique qui prône la révolte. Kateb Yacine figure parmi les premiers
intellectuels à imposer la voix de l’indigène, une voix de résistant marquant sa
différence et soulignant sa présence, d’une œuvre à l’autre, avec notamment Le Cadavre
encerclé comme porte-parole poétique de la lutte, de la transmission de la mémoire, de
l’histoire, qui consiste à « inventer une nouvelle façon de dire, et par là, d’interagir sur
le politique »16. Cette pièce permet à Kateb Yacine de mettre en scène l’horreur et la
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BIBLIOGRAPHIE
Corpus d’étude
CAMUS Albert L’Été, in Œuvres complètes, III, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2006
Ouvrages critiques
ANSEL Yves, Camus, totem et tabou : politique de la postérité, Rennes, Presses Universitaires de Rennes,
« Interférences », 2012
BOURDIEU Pierre, Sociologie de l’Algérie, Paris, PUF, « Que sais-je ? », n° 802, 1959.
GANDOUNOUP Albert, Le Roman ouest-africain de langue française : étude de langue et de style, Paris,
Karthala, 2002.
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Le « butin de guerre » camusien, de Kateb Yacine à Kamel Daoud 11
HARLOW Barbara, « The Maghrib and The Stranger », Alif, n° 3, printemps 1983, p. 39-55.
KASSOUL Aïcha et LAKKHDAR MAOUGAL Mohammed, Albert Camus et le choc des cultures, I. À l’ombre de la
patrie des morts, Alger, Mille-Feuilles, 2008.
LOUFTI Martine, Littérature et colonialisme, l’expansion coloniale vue dans la littérature romanesque
française, 1871-1914, Paris, Mouton, 1971.
NOTES
1. Albert Gandounoup, Le Roman ouest-africain de langue française : étude de langue et de style, Paris,
Karthala, 2002, p. 154.
2. Kamel Daoud, Meursault, contre-enquête, Arles, Actes Sud, 2014, p. 11. Les références à ce livre
seront désormais données entre parenthèses dans le corps du texte.
3. Poète persan de langue arabe du VIIIe /IXe s. (né Ahwaz en 757, mort à Bagdad en
815). D’abord disciple et admirateur de Waliba Ibn al- Houbab, son talent littéraire lui
valut de séjourner à la cour de Haroun Al-Rachid. Grand libertin et homme de génie, ses
poèmes témoignent de ses prouesses poétiques et de sa grande érudition. Il a été
reconnu comme d’une étonnante modernité, notamment en raison de ses poèmes
mettant en scène son penchant immodéré pour les plaisirs et les amours
homosexuelles. Favori et courtisan des souverains à Bagdad, ses audaces littéraires et
amoureuses avaient été tolérées. Voici le début de l’un de ses poèmes, preuve
irréfutable de son audace :
J’ai quitté les filles pour les garçons
et, pour le vin vieux, j’ai laissé l’eau claire.
Loin du droit chemin j’ai pris sans façon
Celui du péché, car je préfère.
J’ai coupé les rênes et sans remords.
J’ai enlevé la bride avec les mors.
4. Maurice Blondel, L’Action, I, Paris, PUF, 1949, p. 55.
5. Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville, in Œuvres de Diderot, I, Paris, A. Belin, 1818,
p. 470-471.
6. Edward W. Saïd, Culture et impérialisme, Paris, Fayard, 2000, p. 258
7. Ibid., p. 244.
8. Albert Camus, Chroniques algériennes, 1939-1958, Paris, Gallimard, 2002, p. 202.
9. Albert Camus, L’Envers et l’endroit, in Œuvres complètes, I, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la
Pléiade », 2006, p. 48.
10. Albert Camus, Chroniques algériennes, op. cit., p. 105.
11. Ibid., p. 50.
12. Yves Ansel, Camus, totem et tabou : politique de la postérité, Rennes, Presses Universitaires de
Rennes, « Interférences », 2012, p. 49.
13. Albert Camus, L’Été, in Œuvres complètes, III, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade »,
2006, p. 594.
14. Yves Ansel, Camus, totem et tabou : politique de la postérité, op. cit., p. 33.
15. Albert Camus, Actuelles III, Chroniques algériennes, in Œuvres complètes, IV, Paris, Gallimard,
« Bibliothèque de la Pléiade », 2006, p. 336.
16. Albert Camus, Synergie Algérie, n° 14, p. 78.
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Le « butin de guerre » camusien, de Kateb Yacine à Kamel Daoud 12
17. Albert Camus, « La Contagion», Combat, 10/05/1947, Essai, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de
la Pléiade », 1972, p. 322.
18. Aïcha Kassoul et Mohammed Lakkhdar Maougal, Albert Camus et le choc des cultures, I. À l’ombre
de la patrie des morts, Alger, Mille-Feuilles, 2008, p. 62.
19. Ibid., p. 61.
20. Ibid., p. 70.
RÉSUMÉS
Les œuvres postcoloniales, longtemps regardées comme périphériques, sont par essence des
œuvres porteuses d’une écriture transgressive mettant en scène la complexité du sujet
postcolonial plurilingue et pluriculturel. Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud s’inscrit dans
ce sillage. En s’inspirant de L’Étranger et de La Chute d’Albert Camus, l’écrivain algérien revisite
ces écrits et impose « un dire rival » aux narrations coloniales. À travers ce roman, Daoud fait de
la langue française la langue de l’affranchissement des différentes tutelles, de l’avènement du
dire postcolonial, franc et incisif. Si cette œuvre replace « l’indigène », « l’Arabe », au premier
plan de la scène littéraire, dénonce la déshumanisation, l’oubli et la visibilité négative, voire
l’invisibilité, elle rend, toutefois, un hommage vibrant à l’orfèvre Camus. Sur les traces d’un
Kateb Yassine considérant la langue française comme « un butin de guerre », il campe les
modalités d’une écriture hautement subversive déboulonnant au passage de multiples symboles.
Le opere poscoloniali, per lungo tempo viste come periferiche, sono nella loro essenza portatrici
d’una scrittura trasgressiva che mette in scena la complessità del tema postcoloniale plurilingue
e pluriculturale. Il caso Mersault di Kamel Daoud s’inserisce su questa scia. Ispirandosi a Lo
Straniero e a La caduta di Albert Camus, lo scrittore algerino rivisita questi scritti e impone un
« dire rival » riespetto alle narrazioni coloniali. Attraverso questo romanzo, Daoud fa della lingua
francese la lingua dell’affrancamento dalle differenti tutele, dell’avvento del discorso
postcoloniale, franco e incisivo. Se da un lato quest’opera ricolloca « l’indigeno », « l’Arabo » al
primo piano della scena letteraria, denunciando la disumanizzaione, l’oblio e la visione negativa,
o anche l’invisibilità, dall’altro essa rende, tuttavia, un omaggio vibrante all’ « orefice » Camus.
Sulle tracce di un Kateb Yassine che considera la lingua francese come « un botino di guerra »,
egli accampa le modalità di una scrittura altamente sovversiva che si smonta al passaggio di
moltepici simboli.
INDEX
Parole chiave : letteratura postcoloniale, sovversione, narrazione rivale, letteratura del Sud,
colonizzazione
Mots-clés : littérature postcoloniale, subversion, narration rivale, littérature du Sud,
colonisation
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Le « butin de guerre » camusien, de Kateb Yacine à Kamel Daoud 13
AUTEUR
LOBNA MESTAOUI
Université Paris-Est Créteil
Babel, 36 | 2017