Le Mariage

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S‘il est un sujet qui accapare les pensées des chrétiens, c’est bien celui du mariage !

Et c’est à juste titre : il s’agit d’un évènement majeur de la vie, de même que l’une des
décisions les plus importantes qu’un homme ou une femme puisse prendre au cours de
son existence.
Pour autant, comprenons-nous réellement ce qu’est le mariage dans la pensée de
Dieu ? Qu’en disent les Ecritures ? Vaste sujet qu’il est difficile de couvrir en seulement
1200 mots…
C’est pourtant ce que nous allons tenter de faire, en vous présentant tout d’abord
quelques unes des grandes approches historiques, avant de définir ce qu’est le mariage
biblique.
 
 

Trois principales approches sur le


mariage
Il convient d’introduire cette section en rappelant au lecteur qu’il existe bien plus que
trois approches différentes du mariage. Celles que nous présentons ci-dessous ont été
les plus influentes tout au long de l’histoire de la pensée chrétienne.
 
Approche sacramentelle

Selon cette vue, le mariage est un sacrement qui confère une grâce. En d’autres
termes, les époux qui sont unis par “le lien du sacrement” en retirent une efficacité
salvifique (1). Le mariage fait partie de la liste des sept sacrements de l’Eglise
Catholique et des saints mystères dispensés par les Eglises Orthodoxes.
S’appuyant initialement sur Augustin (354-430), le premier à avancer une théologie
biblique du mariage dans De bono conjugali, la position Catholique a grandement
évoluée à travers les siècles. Elle n’a officiellement été codifiée que lors du Concile de
Trente (1545-1563), principalement en réaction aux vues jugées plus permissives
d’Erasme et des Réformateurs Protestants. (2)
Le modèle sacramentel envisage le mariage comme une problématique exclusivement
chrétienne, placée sous le contrôle spirituel et juridique de l’Eglise.
 
Approche contractuelle

Cette position définit le mariage comme un contrat bilatéral, volontairement formé,
maintenu, et éventuellement dissout par deux individus.
En règle général, l’approche contractuelle envisage le mariage dans une perspective
séculière qui peut éventuellement prendre une “teinte christianisée”, si la loi le permet
(en France, par exemple, le législateur n’autorise pas les ministres du culte à marier
deux personnes).
La position contractuelle enracine donc le mariage dans la loi civile, accordant à l’état la
possibilité de  prononcer mariages et divorces/séparations.
Selon John Witte, l’un des plus grands spécialiste de l’histoire du droit du mariage, il
s’agirait du modèle le plus répandu aujourd’hui dans le monde occidental. (3)
Pour autant,  cette approche n’est pas si récente. Bien que la pensée des Lumières a
largement contribué à son développement, il semble que certaines décisions des
tribunaux ecclésiastiques médiévaux tendaient déjà dans cette direction. (4)
Gratien, célèbre canoniste médiéval et peut être frère de Pierre Lombard, a
probablement été le premier à qualifier le mariage de contractus (contrat), et ce dès le
XIIème siècle. (5)
 
Approche alliancielle

Bien que le modèle contractuel prévale dans la culture occidentale, la plupart des
spécialistes évangéliques continuent de définir le mariage comme une alliance biblique.
Selon ce modèle, le mariage est une alliance tri-partie, impliquant non seulement les
deux conjoints mais également Dieu. (6)
L’approche alliancielle envisage le mariage comme une ordonnance créationnelle,
enracinée dans la loi divine, qui crée un lien permanent entre un homme, une femme, et
Dieu.
Cette position, la plus répandue parmi les Pères de l’Église avant le développement de
l’approche sacramentelle (7), fut redécouverte par les Réformateurs et leurs héritiers.
Elle suscite un intérêt croissant chez les spécialistes évangéliques du mariage. (8)
 
 
 
 
 

Le mariage selon les Ecritures : une


alliance
 
Les textes inspirés nous paraissent plaider sans équivoque pour l’approche
alliancielle. Andreas Köstenberger avance que ce modèle est appuyé par deux groupes
de passages (9) :
 Premièrement, les passages usant d’un langage spécifique aux alliances bibliques.
C’est le cas, par exemple, à plusieurs reprises en Genèse 2, avec cette référence
notable aux os et la chair en Gen. 2:23. (10)

 Deuxièmement, les passages des Ecritures qui définissent explicitement le mariage
comme une alliance biblique, comme par exemple Prov. 2:16-17 et Mal. 2:14-15.
Relevons également les nombreuses métaphores qui traversent l’ensemble de la
révélation, présentant sous la forme de mariage l’alliance de Dieu avec son peuple. A
ce titre, le parallèle paulinien entre le mariage et la relation entre Christ et son Eglise
(Eph. 5:22-33) doit également être signalé. Paul encourage maris et femmes à
accorder leurs relations sur la base de celles que Christ entretient avec l’Église. La
mention de l’oeuvre expiatoire de Christ est une allusion certaine à la Nouvelle Alliance,
un thème récurrent dans la lettre aux Ephésiens (cf. Eph. 2:12). Par conséquent,
lorsque Paul déclare que le mariage se réfère au mystère profond de la relation entre
Christ et l’Église (Eph 5:32), il connecte par le moyen d’une analogie l’alliance du
mariage et la Nouvelle Alliance.
 
L’union d’Adam à Ève (Gen 2:18-25) fait office de cas paradigmatique du mariage.
Gen. 2:24, qui n’est pas, comme certains l’ont imaginé, une affirmation prononcée par
Adam (11) mais bien un commentaire éditorial ou divin (12), sert de fondement à
l’alliance biblique du mariage :
C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils
deviendront une seule chair.
Ce passage est mentionné 4 fois dans le Nouveau Testament (Matt. 19:5-6; Marc
10:8; 1 Cor. 6:16, Eph. 5:31), toujours pour désigner l’alliance du mariage (avec
l’exception notable de 1 Cor. 6:16, où la citation ne porte d’ailleurs que sur Gen. 2:24c).
Il est également possible que Mal. 2:15 fasse allusion à Gen. 2:24. (13)
Le texte est introduit par la préposition ‘al-kēn (c’est pourquoi) et consiste en trois
affirmations :

1. “l’homme quittera son père et sa mère” (Gen. 2:24a)


2. “s’attachera à sa femme” (Gen. 2:24b)
3. “et ils deviendront une seule chair” (Gen. 2:24c)
Il ne nous est pas possible de commenter en profondeur chacune de ces clauses.
Notons simplement qu’elles contiennent la substance de qu’est l’alliance du mariage,
notamment ces trois ingrédients essentiels relevés fort justement par Henri Blocher : le
consentement mutuel, la socialité (le fait que le mariage soit reconnu par la société),
et l’union sexuelle. (14)
Chacun de ces ingrédients est nécessaire à l’alliance. Un mariage forcé, privé (non
reconnu par la société), ou non consommé ne peut pas être considéré comme une
alliance biblique et peut potentiellement être annulé. (15)
D’autres éléments sont implicites en Gen. 2:24 : la monogamie, la fidélité requise entre
les deux époux, la durabilité, la fertilité (en lien avec le mandat créationnel de Gen.
1:27-30), la complémentarité, l’hétérosexualité, etc.
 
 
 

Conclusion
 
Nous aimerions refermer cet article en reproduisant la définition que John Stott donne à
l’alliance du mariage. Celle-ci, basée à juste titre sur Gen 2:24, est des plus précises :
Le mariage est une alliance exclusivement hétérosexuelle entre un homme et une femme,
ordonnée et scellée par Dieu, précédée par un acte public de départ de la cellule parentale,
consommée au travers de l’union sexuelle, résultant en un partenariat et un support
mutuel permanent, et normalement couronné par la naissance d’enfants. (16)
Le mariage est donc une alliance biblique -l’une des plus anciennes- instituée par Dieu
et placée directement sous son autorité.
 
 
 
 
 
 
Notes et références :

(1) Voir Catéchisme de l’Eglise Catholique, § 1131 et 1601.
(2) Cf. “Doctrine of Sacrament of Matrimony,” in James Waterworth, The Canons and
Decrees of the Sacred and Œcumenical Council of Trent, Celebrated under the
Sovereign Pontiffs, Paul Iii, Julius Iii and Pius Iv (Chicago, Ill.,: The Christian symbolic
publication soc.), 192-232.
(3) John Witte, From Sacrament to Contract: Marriage, Religion, and Law in the
Western Tradition (Louisville, KY: Westminster John Knox, 1997). Voir aussi Paul F.
Palmer, “Christian Marriage: Contract or Covenant?” Theological Studies 33, no. 4
(Dec. 1972): 617–65; Laura S. Levitt, “Covenant or Contract? Marriage as
Theology,” Cross Currents 48, no. 2 (Summer 1998): 169–84.
(4) G. R. Dunstan, “The Marriage Covenant” Theology 78 (May 1975): 244–45.
(5) Paul F. Palmer, “Christian Marriage: Contract or Covenant?” Theological Studies 33,
no. 4 (Dec. 1972): 635–39.
(6) Andreas J. Köstenberger, God, Marriage, and Family: Rebuilding the Biblical
Foundation (Wheaton, Ill.: Crossway, 2010), 73-78
(7) A vrai dire, nous pensons qu’Augustin défendait l’approche alliancielle dans De
bono conjugali. En réalité, le terme sacramentum est utilisé par Augustin pour désigner
les mysterion du Nouveau Testament, et c’est une une interprétation anachronique de
ce terme par les interprètes Catholiques médiévaux qui les a conduit à comprendre son
oeuvre dans une perspective sacramentelle.
(8) Voir par ex. David Atkinson. To Have and to Hold: The Marriage Covenant and the
Discipline of Divorce (Grand Rapids: Eerdmans, 1979); Gary D. Chapman. Covenant
Marriage: Building Communication and Intimacy (Nashville: Broadman & Holman,
2003); Hugenberger, Gordon P. Marriage as a Covenant: Biblical Law and Ethics as
Developed from Malachi (Grand Rapids: Baker, 1998); Fred Lowery. Covenant
Marriage: Staying Together for Life (West Monroe, LA: Howard, 2002).
(9) Köstenberger, God, Marriage, and Family, 73-78.
(10) Walter Brueggemann compare les multiples références aux os et à la chair dans
l’Ancien Testament (en particulier en 2 Sam 5:1) et conclut qu’il s’agit d’un langage
dédié aux serments et à la loyauté dans le cadre d’une alliance. Par conséquent,
l’exclamation d’Adam “Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair!”
n’est rien moins qu’une affirmation de son engagement envers son épouse dans le
cadre de l’alliance du mariage que Dieu vient d’instituer. Voir Walter Brueggemann, “Of
the Same Flesh and Bone (Gen 2:23a),” Catholic Biblical Quaterly 32 (1970): 532-542.
(11) Par ex. Dietrich Bonhoeffer, Creation and Fall: A Theological Interpretation of
Genesis 1-3 (New York: Macmillan, 1959), 100. Certains ont même d’affirmer que Gen
2:24 serait une glose plus tardive, cf. Angelo Tosato, “On Genesis 2:24,” Catholic
Biblical Quaterly 52 no.1 (1990): 406.
(12) La concordance des temps dans l’original ne permet pas de rattacher Gen. 2:24 à
l’exclamation d’Adam. Voir John H. Sailhamer, “Genesis,” in Tremper Longman and
David E. Garland, The Expositor’s Bible Commentary, Rev. ed., 13 vols. (Grand Rapids,
Mich.: Zondervan, 2006).
(13) Joyce G. Baldwin, Haggai, Zechariah, and Malachi: An Introduction and
Commentary, Tyndale Old Testament Commentaries (Downers Grove, Ill.: IVP Books,
2009), 261.
(14) Henri Blocher, “Mariage et cohabitation : perspectives bibliques et théologiques”
dans Fac-Réflexion n°16, avril 1990, et accessible ici.
(15) Notre affirmation mériterait certainement d’être développée, ce qui dépasse
largement l’espace alloué à cet article. Henri Blocher aborde rapidement ce point dans
le document mentionné en note (14), notamment du point de vue de la consommation
sexuelle du mariage. Voir aussi à ce sujet Guillaume Bourin, The Function of the One
Flesh Union in the Covenant of Marriage (disponible sur demande). Hugenberger
aborde l’ensemble de ces aspects, dans un ouvrage que nous vous recommandons de
lire si le sujet vous intéresse, cf. Marriage as a Covenant: Biblical Law and Ethics as
Developed from Malachi (Grand Rapids: Baker, 1998). La section de ce livre
interagissant avec les données sémitiques et d’autres peuples du proche orient ancien
est précieuse pour notre compréhension pastorale de ce que doit être le mariage
biblique.
(16) John R. W. Stott, Involvement: Social and Sexual Relationships in the Modern
World, vol. 2, A Crucial Questions Book (Old Tappan, NJ: F.H. Revell Co., 1985), 162.
 

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