LL 6
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Introduction :
Dans l’œuvre volumineuse Mémoires d’un homme de qualité est extrait du tome
VII: Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, aujourd’hui
simplement nommé Manon Lescaut. Ce qui nous prouve d’ores et déjà l’intérêt
prédominant pour cette héroïne.
Mais rappelons qu’il s’agit d’un récit encadré (un récit s’insérer dans un autre
récit) puisque le marquis de Renoncourt raconte sa rencontre avec DG et ce
dernier se confie a lui. Il y a donc un décalage temporel puisque 3 ans se sont
écoulés entre les aventures de DG et de ML et son récit. DG en tant qu’homme mûr
raconte une partie de son passé qui est accompli et il ne peut le modifier.
Plan :
I ) Les circonstances de la rencontre : du début à «la curiosité»
II ) La fascination de Des Grieux : de «il en sortit quelques femmes» à «de mon
cœur»
III ) Les premières paroles échangées : de «Quoiqu’elle»» à la fin
« J’aurais porté chez mon père toute mon innocence. » L’emploi du conditionnel
passé traduisant l’irréel du passé souligne à nouveau le caractère irréversible
des conséquences associées à la perte de son innocence ( portrait moral du héros
avant sa rencontre avec ML).
Il s’agit bien d’un jugement rétrospectif du je narrant qui met en évidence les
changements profonds qui ont affecté le personnage depuis cette date. DG
narrateur montre ainsi qu’il n’était pas en son pouvoir d’échapper à cette
rencontre qu’il présente comme une œuvre de son destin.
« La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener
avec mon ami, qui s’appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d’Arras, et
nous le suivîmes jusqu’à l’hôtellerie où ces voitures descendent. » Effets
réalistes, encrage d’un cadre spatio-temporel précis < présent de vérité
générale qui renvoient à la vie quotidienne d’une ville de province et
contribuent à l’effet de réel. Le passé simple place aussi l’apparition du coche
comme un élément perturbateur. Tiberge (l’Athéna, le mentor de DG) et DG
modifient leur trajet.
« Nous n’avions pas d’autre motif que la curiosité. » La négation restrictive
met en relief un événement en apparence anecdotique qui va s’annoncer comme un
élément perturbateur.
« Mais il en resta une, fort jeune, qui s’arrêta seule dans la cour, pendant
qu’un homme d’un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur,
s’empressait pour faire tirer son équipage des paniers. » Conjonction de
coordination va introduire une opposition entre « quelques femmes » et « une » =
singularité de Manon qui est aussi en opposition avec le conducteur
« s’empressait » alors qu’elle « s’arrêta ». Ce contraste met en valeur
l’immobilité de la jeune fille qui se distingue au milieu de l’effervescence.
NB : seule caractéristique du portrait de Manon « fort jeune », aucun détail
physique
« Elle me parut si charmante que moi, qui n’avais jamais pensé à la différence
des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention, moi, dis-je, dont tout
le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d’un
coup jusqu’au transport. »
L’adverbe intensificateur « si » + étymologie de charmante = envoûtante, qui a
des pouvoirs magiques, maléfiques prolonge le portrait peu précis de Manon.
2 PSR annoncent un contraste entre DG avant sa rencontre avec Manon : négation
complexe souligne qu’il est encore impur « n’avais jamais pensé à la différence
des sexes » et le voc mélioratif « sagesse et retenue » révèle sa bonne
personne (l’incise renforce cette idée)
Son comportement va changer puisqu’il devient acteur de la rencontre avec
l’emploi du passé simple « trouvai » et le vocabulaire de la passion amoureuse
chez Racine « enflammé » « transport ». DG semble dépossédé de lui-même.
La rencontre produit un véritable bouleversement chez DG car elle lui révèle la
violence de la passion.
« Quoiqu’elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesse sans
paraître embarrassée. »
La proposition subordonnée de concession + comparatif d’infériorité révèle l’âge
plus jeune de la fille et son aisance (d’habitude, c’est l’inverse !)
Politesse du XVIII eme siècle : il la complimente et lui propose ses services au
discours indirect.
« L’amour me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu’il était dans mon
cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. » Voc de
la passion amoureuse
Attention au proverbe : l’amour rend aveugle contourné ici en « l’amour me
rendait déjà si éclairé ». Quand la passion s’abat sur quelqu’un, on ne peut
plus lui échapper = registre tragique = DG n’est pas maître de lui, il est
aveugle par le destin qui le rend irresponsable.
« Je lui parlai d’une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle
était bien plus expérimentée que moi ».
Discours narrativisé qui permet de ne garder que la teneur du propos.
Comparatif de supériorité de l’expérience de Manon face à DG
« C’était malgré elle qu’on l’envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son
penchant au plaisir, qui s’était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite,
tous ses malheurs et les miens. »
Le discours indirect libre « C’était malgré elle qu’on l’envoyait au couvent »
dans une proposition juxtaposée qui donne l’impression d’un flot de parole
continu.
Les paroles rapportées, DG informé ses auditeurs de la raison qui amène Manon au
couvent « son penchant au plaisir »
Prolepse « qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens. »
anticipation des événements : le sort des 2 amants est scellé dès le départ. DG
est plus âgé lorsqu’il raconte sa 1ère rencontre avec Manon , il laisse échapper
quelques mauvais augures. La dimension tragique de cette rencontre suscite
l’empathie et la curiosité de ses auditeurs/lecteurs qui attendent des
péripéties nombreuses, comme le suggèrent les pluriels employés.
Conclusion :
La scène de 1ère rencontre est une scène attendue dans un roman.
Prévost renouvelle le genre en inversant les rôles puisque le véritable innocent
est l’homme et que tout est raconté de son PDV (on ignore ce que pense Manon !)
La beauté de l’extrait tient aussi dans la peinture de la naissance des
sentiments ainsi qu’à cette rencontre naturelle, vraie et donc différente de
celle de la Princesse de Clèves qui était organisée par la Cour.