Syllabus Archeologie

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LFIAL 1140 Notions d'histoire de l'art, d'archéologie et de musicologie

Partie 1 : ARCHEOLOGIE DES ORIGINES ET CIVILISATIONS ANTIQUES


MEDITERRANEENNES ET EUROPEENNES
PROFS. MARCO CAVALIERI ET LAURENT VERSLYPE A.A. 2020-2021

1. Introduction générale : les pratiques archéologiques

L’archéologie est une discipline mondiale qui participe à l’écriture de l’Histoire. Une excellente mise en perspective
actualisée de la discipline, de ses acteurs et de l’évolution de ses méthodes est succinctement donnée avec un
certain détachement et humour dans le guide de Paul BAHN, L’archéologie1. Encore plus abordable, la fiction
illustrée de David MACAULEY2 aide à jeter un regard tout aussi critique sur les méthodes, les théories et les
interprétations de l’archéologie – quoiqu’une culture générale en la matière soit indispensable pour goûter le
pastiche (la fouille en 4022 d’un motel américain après un cataclysme en 1985). Cet ouvrage fait également
référence aux archéologues du XIXe siècle (Schliemann et Troie) et du début du XXe siècle (Carver et la tombe de
Toutankhamon). Une magnifique projection de la considération sur le passé matériel dans le futur... comme
Thucydide !

1.1. Étymologie

1.1.1. Le mot « archéologie » provient de deux termes grecs ‘archaia’, les ‘choses anciennes’, et ‘logos’, ‘parole’
ou ‘discours sur’, dont l’association donne la définition littérale suivante discours sur les choses anciennes ou sur le
passé. L’archéologie est indissociable d’une recherche des origines, du passé, notion désignée par le terme ‘archê’
(origine, commencement), qui donne l’adjectif ‘archaios’ (ancien, qui a rapport aux origines).

Platon utilise le premier le terme dans ce sens quand il fait exposer par Hippias d’Elis à Socrate les raisons de son
succès à Sparte. Selon le philosophe d’Elis, ce que les Spartiates apprécient chez lui, ce sont « les sujets de
généalogie, concernant les héros ou les hommes, ce sont les établissements de population, la façon dont furent
dans les temps anciens, fondées les cités, d’une façon générale, tout ce qui est relatif à l’Antiquité », soit
‘archaialogia’ selon Platon (Hippias majeur).

1.1.2. Pas d’archéologie sans histoire. La naissance d’une conscience historique est donc préalable à la prise
en compte des témoignages matériels laissés par les hommes.

a. Naissance d’une conscience historique


L’introduction de L’Enquête d’Hérodote (484-425 av. J.-C.) spécifie : « Hérodote de Thourioi expose ici ses
recherches, pour empêcher que ce qu’ont fait les hommes avec le temps s’efface de la mémoire, et que de grands
et merveilleux exploits accomplis tant par les Barbares que par les Grecs cessent d’être renommés ».

b. Observations et confrontation des sources


La Description de la Grèce de Pausanias, IIe siècle ap. J.-C. « Sur le fait qu’au temps d’Homère toutes les
armes des héros étaient en bronze, les chants d’Homère m’en donnent la preuve, qu’il s’agisse de la hache de
Pisandre ou de l’arc de Mérion. Et mon argument est conforté par la lance dédiée à Athéna à Phasélis et l’épée de
Memnon dans le temple d’Asklépios à Nicomédie. La pointe et la hampe de la lance ainsi que l’épée tout entière
sont faites de bronze » (Pausanias, Historiè, III, III).

c. La subjectivité du témoin
Thucydide, v. 470-60 – v. 400-395 av. J.-C. « Et sans doute s’il est vrai que Mycènes ou telle ou telle place
d’alors nous paraît aujourd’hui peu importante, on ne saurait tirer une indication sûre pour mettre en doute que
l’expédition ait eu l’ampleur que lui donnent les poètes et dont la tradition s’est maintenue. Supposons en effet que

1
P. BAHN, L’archéologie, Gollion, 2006 (Illico, 9).
2
D. MACAULEY, La civilisation perdue. Naissance d’une archéologie, Paris, 1985.
1
Sparte soit dévastée et qu’il subsiste seulement les temples avec les fondations des édifices : après un long
espace de temps sa puissance soulèverait, je crois, par rapport à son renom, des doutes sérieux chez les
générations futures ; pourtant, les Lacédémoniens administrent les deux cinquièmes du Péloponnèse et ont
l’hégémonie sur l’ensemble ainsi que sur de nombreux alliés au-dehors ; mais malgré cela comme ils ont une ville
qui n’a pas de centre ou d’édifices fastueux, mais qui se compose de villages indépendants, comme c’était
autrefois l’usage en Grèce, leur puissance paraîtrait inférieure. Tandis que si le même sort frappait Athènes, on lui
prêterait, d’après les apparences extérieures, une puissance double de la sienne. Il ne faut donc pas élever de
doutes, ni s’arrêter à l’apparence des villes plutôt qu’à leur puissance ; et il faut considérer que cette expédition fut
plus importante que les précédentes, mais inférieures à celles de nos jours, si l’on veut, ici encore, ajouter foi aux
poèmes d’Homère : sans doute il est vraisemblable qu’étant poète il l’a embellie pour la grandir, et pourtant même
ainsi elle apparaît inférieure. » (Thucydide, Guerre du Péloponnèse, I, 10).

L’enquête et la leçon historique tendent à dissocier les faits des opinions, à comprendre le cadre de la production,
à critiquer l’information. Voir vos cours d’histoire et de critique de l’information

Utilité de la considération de la source matérielle au regard des sources écrites et orales


Une expérience édifiante : le Tucson Garbage Project,.. ou de la subjectivité des sources

Au terme grec ‘archaiologia’ répond le terme latin ‘antiquitates’. Le Ve siècle av. J.-C. grec marque l’origine de la
dualité entre antiquaires et historiens, se distinguant par deux manières d’écrire l’histoire. Chez les uns, comme
Thucydide, il s’agit d’expliquer les comportements humains, en jetant les bases d’une science du politique : c’est
de l’histoire contemporaine en son temps. L’historien s’appuie donc sur des questions qui constituent sa
problématique, le ramenant aux objets et aux faits. Inversement, à l’instar de Pausanias, d’autres historiens
s’intéressent à un passé très lointain des cités, établissant une description minutieuse et érudite des faits. Cette
démarche fonde celle des antiquaires qui partent des faits et des objets cette fois, en anticipant les questions
contemporaines d’objectivité, de contexte, de critique interne et externe (soit celle du cadre de production et celle
de la forme : authenticité et signification).

1.2. Définition de l’archéologie 10-19

Au sens strict, l’archéologie est une science du passé qui se construit autour de sa réalité matérielle. L’archéologie
est l’étude du passé, même récent, à travers la découverte et l’analyse des vestiges matériels, produits de l’activité
humaine.
Sa pratique peut être distribuée en trois niveaux de recherche :
a. La prospection et la fouille ;
b. L’enregistrement et l’archivage ;
c. Le traitement et l’interprétation des données.

L’archéologie désigne donc un ensemble de méthodes universelles mises en oeuvre dans un cadre
pluridisciplinaire, quelque soient les vestiges découverts et les civilisations concernées.

1.3. Jalons historiographiques 22-23

1.3.1. Antiquité et Moyen Âge

1.3.2. De la Renaissance au XVIIIe s.


L’exhumation de la Sainte Croix, manuscrit
La Légende dorée, France, XVIe siècle, ms 244, f° 146, Paris,
Bibliothèque nationale de France

2
Les premiers carnets de voyage du XVIe siècle.

Butin de Philippe de Macédoine. Croquis de la base du colosse


des Naxiens avec un pied. Cod. Monac. lat. 716, fol. 32 :
croquis de Cyriaque d’Ancône (1391-1452).

Traduction des indications portées sur le croquis (de haut en


bas):
- Visible sur une base en pierre noire, légèrement brisée sur le
bord
- Le roi des Macédoniens, Philippe, fils du roi Démétrios, à
Apollon sur le butin de ses combats sur terre.
- Colosse d’Apollon, statue en marbre blanc, haute de 24
coudées (coudée = 0,50 m), base en marbre de la Statue
colossale d’Apollon en marbre. Largeur = 12 pieds. Longueur =
16 pieds. Les Naxiens à Apollon.

« Les monnaies ou les monuments sont les sceaux de


l’histoire » écrit Cyriaque d’Ancône.

Le goût des classiques

Les Romains exhumant les restes de la tombe


du roi semi-légendaire Numa Pompilius, qui
aurait régné au VIIe siècle, Polidoro da
Caravaggio, 1525.

Ces « fouilles » datées de 181 BC rappellent la


quête des antiquités contemporaines de sa
réalisation (réglementation du pape Sixte IV à
Rome).

Par ailleurs, Le Laocoon (200 av. J.-C.)


découvert en 1506 va considérablement
influencer Michel Ange.

Les cabinets de curiosités et les premiers musées

Cabinet de curiosité, Worms.

- Ashomlean Museum Oxford, 1683- Fondation de la Society of


Dilettanti à Londres, 1733- British Museum Londres, 1753
- Explosion (1617) et démantèlement du Parthénon, Athènes
(Lord Elgin, 1799-1802)
- Fondation du Musée du Louvre, Paris, 1793
- Fondation de l’Institut d’Egypte, Le Caire, 1798

3
Les fouilles de Pompéi et d’Herculanum

Pour que les objets soient considérés comme


outils de connaissance du passé à part entière,
il faut attendre notamment les fouilles
d’Herculanum (1738) et de Pompéi (1748), et la
quête romantique et aventureuse des vestiges
intacts.

Mais si les objectifs de ces études sont


louables, il manque encore la méthode. Goethe
écrit par exemple qu’il « est déplorable que les
fouilles [de Pompéi] n’aient pas été faites
d’après un plan régulier par des mineurs
allemands ». On utilisait en effet des armées de
centaines d’ouvriers sur tous les chantiers de
l’époque. Ce n’est qu’en 1860 que les fouilles
seront rationnalisées à Pompéi, avec
l’intervention de Giuseppe Fiorelli (1823–1896).

Les carnets des voyageurs du XVIIIe siècle impressionnent


beaucoup. Les publications sur l’archéologie se multiplient :
- Athènes par George Wheler en 1760 dans Journey into
Greece ;
- Les temples grecs doriques intacts de Poséidonia ou
Paestum relatés par Thomas Major en 1768
- Nicholas Revett et James Stuart, Antiquities of Athens
measured and delineated, 1762-1816.

Dans son ouvrage Histoire de l’art de


l’Antiquité3, J.J. Winckelmann (1717-1768)
défend la primauté de l’objet et le schéma
formaliste qui postule un cycle répétitif de
l’évolution des cultures et des arts, de
l’archaïsme à la décadence en passant par le
classicisme.
Anne-Claude-Philippe de Tubières comte de
Caylus (1692-1765), fut un important antiquaire
et archéologue, le premier à développer
l’approche comparative à l’étude de l’objet
archéologique et à s’intéresser aux problèmes
techniques de l’art antique (fonte du bronze,
production du verre, peinture à l’encaustique). Il
est fameux pour son Recueil d’antiquités
égyptiennes, étrusques, grecques et romaines.

1.3.3. Romantisme et états-nations

Alors que les Anglais pillent Athènes et le mausolée d’Halicarnasse (1856), l’italien Giovanni Belzoni (1778-1823)
saccage la Vallée des Rois en Egypte, les Français achètent la Vénus de Milo et la Victoire de Samothrace et les
Allemands vandalisent l’autel de Zeus à Pergame.

Quelques personnalités marquantes:

3
J. J. WINCKELMANN, Histoire de l’art de l’Antiquité, 1764.
4
- Campagne d’Egypte de Napoléon Bonaparte (1798) : Vivant Denon (1747-1825), Voyage dans la Basse et la
Haute Egypte pendant les campagnes du Générale Bonaparte (1802) ; Description de l’Egypte (1809-1822) ; Jean-
François Champollion élucide l’écriture hiéroglyphique égyptienne (découverte 1799 - déchiffrement 1822) [1].

- Heinrich Schliemann (1822-1890), fouilles de Troie-Hissarlik (1871-1873) ; Mycènes (1876) [2].

- Arthur Evans (1851-1941), fouilles de Cnossos, 1900 [3].

[1] [2] [3]

[1] La pierre de Rosette ; [2] l’épouse de Schliemann parée de riches bijoux troyens ; [3] anastylose et restitution
des palais crétois de Cnossos dans la mouvance art nouveau.

1.4. Méthodologie. L’espace-temps archéologique

24-32
1.4.1. L’acquisition des données en archéologie
La constitution de l’archéologie moderne au XXe siècle est indissociable de l’élaboration de méthodes, qu’il
s’agisse de méthodes de prospection et de fouille, d’enregistrement du matériel, ou de l’analyse des données.
Quatre phases caractérisent le travail archéologique :
1. Prospection
2. Fouille
3. Etude
4. Publication

1.4.2. Les méthodes de prospection


Le terme ‘prospection’ provient du latin ‘prospicere’ regarder en avant, autrement dit comment déceler ou voir ce
qui est invisible, enfoui.
Il existe différentes méthodes de prospection : prospection pédestre et cartographie, la photographie aérienne, les
prospections électriques, magnétiques/électromagnétiques et radar.

1.4.3. Les méthodes de fouilles stratigraphiques


- H.-L. Pitt-Rivers (1827-1900)
- Sir Mortimer Wheeler (1890-1976)

5
1.4.4. Les chronologies

a. La typo-chronologie
- typologie : classer les objets par familles (types)
- typo-chronologie : chronologie de l’évolution des types

O. Montelius (1843-1921) et William Flinders Petrie (1853-1942)

b. La chronologie relative

c. La chronologie absolue et les méthodes de datation

• Carbone 14 (mesure de la radioactivité – matériaux organiques – cycle de 5730 ans)


• La dendrochronologie (mesure des cernes de croissance des bois et courbes de référence)
• Les périodes très anciennes : archéomagnétisme (mesure du magnétisme des objets ou structures en terre cuite)

6
2. Des origines de l’humanité aux premières cultures humaines

p. 36-43
2.1. Introduction : l’entrée de l’homme dans l’histoire

2.1.1. Les échelles de temps. Définition de la Préhistoire

La Préhistoire commence avec l’apparition de l’homme sur terre, il y a entre 3


et 4 millions d’années. Cette très longue période, par rapport
aux 5 milliards d’années d’existence de la Terre, ne représente pourtant que
moins d’1/1000e du temps écoulé.

La définition de la Préhistoire repose d’une part sur


l’apparition du genre humain (hominidés), et d’autre part sur
l’apparition de l’écriture (pictographiques : idéogrammes,
hiéroglyphes,… et alphabétiques).
On distingue dès lors :
- la préhistoire
- la protohistoire
- l’histoire.

Cette définition ne possède pas de valeur strictement


chronologique : des asynchronismes culturels existent selon
les parties de la planète ; la préhistoire peut donc coexister
avec l’histoire. Le concept de protohistoire reflète en partie
cette coexistence.

Depuis Thomsen et Lubock, la Préhistoire est divisée en


deux grandes périodes :

- Christian THOMSEN (1836) 1788-1865

La préhistoire est subdivisée en Ages - de la pierre


- et des métaux - du bronze
- du fer

- John LUBOCK (1865) 1834-1913

Il subdivise à son tour l’Age de la pierre en deux périodes - Paléolithique


- Néolithique

7
2.1.2. Culture et civilisation : définitions
2.1.3. Les types d’organisation sociale
• bandes
• sociétés segmentaires ou tribus
• souverainetés ou chefferies
• états

8
2.2. Chronologie et anthropologie

La chronologie de la Préhistoire : le Paléolithique

• le Paléolithique inférieur: 4/2.000.000 > 300.000 BC


• le Paléolithique moyen: 300.000 > 40.000 BC
• le Paléolithique supérieur: 40.000 > 10.000-5.000 BC

Ensuite…

•le Mésolithique : vers 12.000-10.000 >


• [2] le Néolithique : vers 7000/5000 >
•le Chalcolithique : vers 5000/4000 > vers 2300-1800

Et enfin :
• la Protohistoire : l’Âge du Bronze et l’Âge du Fer à partir de vers 2300-1800 jusque 47 av. J.-C.

Comment les dates sont-elles exprimées dans la littérature ? Une utile traduction...
MA = millions d’années
BC : before Christ = ACN (ante Christum natum) = avant Jésus-Christ AC : after Christ = PCN (post Christum natum) = après
Jésus Christ
BP : before present = AP avant le présent = avant 1950 (par convention)

2.2.1. Les fondements méthodologiques : les sciences de la nature


Trois nouvelles conceptions ont dû être mises en œuvre pour aboutir à une lecture différente des vestiges du
passé :

1°on admet l'immensité des durées dans l'histoire de la terre.


2°les êtres vivants ne sont plus immuables mais se transforment au cours de l'histoire de la nature.
3°l’histoire de la place de l'homme a sa part au sein de la nature, où se situent ses racines animales.

a. La chronologie biblique
La Bible et la chronologie de la Création :
- Lecture allégorique de la Genèse par saint Augustin, évêque d'Hippone (354-430 ap. J.-C.).
- James Usher (1581-1656) : la Création en 4004 BC et des hypothèses qui varient de 3194 ans.
- Buffon (1707-1788) : de 10 millions d’années au moins à 74832 BC.

b. La stratigraphie
En géologie, il existe une relation entre le niveau d’enfouissement et le degré d’ancienneté. Les premiers constats
archéologiques de faits antédiluviens datent de 1855. Les antécédents sont :
-les Scandinaves : Olof Rudbeck, Atlantica, 1697
-les fouilles de William Pengelly (1812-1894), grotte de Torquay, Kent
-les fouilles de Jacques Boucher de Crèvecoeur de Perthes (1788-1868) à Saint-Acheul, Somme ;
« Antiquités celtiques et antédiluviennes »

2.2.2. Caractérisation et principe de l’évolution

Les sciences naturelles : géologie et paléontologie


• théories plutonique et diluvienne
• Nicolas Sténon (1638-1686) : « Les corps qui ressemblent aux plantes et aux animaux trouvés dans la terre ont la
même origine que les plantes et les animaux auxquels ils ressemblent ».

• Carl von Linné (1707-1778) : Systema naturae (1735). Il introduit la taxonomie binomale (1758) : noms latins
doubles désignant le genre et l’espèce consacrant le classement en familles (ressemblances) en vertu du principe
d’un dessein primitif lointain. Ce classement est toujours en vigueur et a fortement influencé les démarches des
premiers archéologues (comparaisons des objets, ressemblances, élaboration de typologies).

• Georges Louis Leclerc de Buffon (1707-1788), à propos de Linné (Histoire naturelle): « Si l’on admet une fois qu’il
y ait des familles dans les plantes et dans les animaux, que l’âne soit de la famille du cheval (…), on pourra dire
également que le singe est de la famille de l’homme (…), que l’homme et le singe ont une origine commune
comme le cheval et l’âne (…) ; et même que tous les animaux sont venus d’un seul animal qui, dans la succession
du temps a produit, en se perfectionnant et en dégénérant, toutes les races des autres animaux ». Ce constat
9
caricaturé et désavoué par son auteur même, était pourtant en avance d’un siècle sur son temps ! Il introduit le
principe d’évolution et de dégradation des espèces. Plusieurs théories se succèdent alors en vue de donner forme
à la notion d’évolution.

• Jean-Baptiste de Monet, chevalier de Lamarck (1744-1829), Philosophie zoologique (1809)


> Transformisme
- apparition spontanée de la vie
- perfectionnement des espèces en lignées parallèles

• Georges Cuvier (1769-1837)


> Catastrophisme
- principe de la fixité des espèces, anatomie comparée
- développement de la paléontologie

• Charles Darwin (1809-1882)


> Transformisme et darwinisme
- évolution par génération
- variabilité individuelle
- particularisme des individus
- sélectivité des descendances
- développement de la paléoanthropologie

Adoption des généalogies arborescentes qui prévalent encore

En ce qui concerne l’homme dans ce schéma :


- évolution physique et adaptation relative à tous les milieux
- donc - aucune spécificité à un milieu particulier
- développement de nouvelles capacités physiques et nécessité des outils

La naissance symbolique de la Préhistoire comme discipline date de 1859


- publication de De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle par Charles Darwin
- reconnaissance des travaux de J. de Boucher de Perthes
- fondation de la Société d’anthropologie de Paris (paléoanthropologie)

2.2.3. Les données actuelles

Paléolithique inférieur : des origines à Homo sapiens (300.000)


• l’ordre des Primates apparaît il y a 65 millions d’années.
• le premier témoignage attesté de la lignée des Hominidés : Australopithecus africanus (déc. en 1924-1925), ou
« grand singe méridional d ’Afrique » - 4,2 millions d’années.

• les Hominidés apparaissent il y a au moins 6 à 8 millions


d’années, mais depuis août 2007, on soupçonne que la
séparation des Hominidés et des Paninés (gorilles,
chimpanzés) pourrait remonter à 10 millions d’années.

Laetoli, Kenya : traces de pas


d’Australopithecus afarensis.

(3,8 à 3,6 millions d’années).

10
Conséquences successives de
l’émancipation du milieu :

- les bras et les mains sont


libérés ;
- développement de la
capacité de préhension ;
évolution des os inférieurs,
du bassin et de la colonne
vertébrale ; évolution du
volume crânien.

L’émancipation du
milieu il y a 7 à 6
millions d’années
s’accompagne plus
précisément de :

• l’augmentation du
volume crânien et de
sa configuration

• l’adaptation de
l’appareil masticateur
à un régime omnivore

• la possibilité de
langage articulé
(mâchoires e.a.)

11
Les jalons paléoanthropologiques :

• capacité de bipédie, début du régime omnivore


Orrorin tugenensis 6 millions d’années
Sahelanthropus tchadensis 7 millions d’années

• fin de séparation de la lignée des grands singes (Paninés/Hominidés), régime omnivore


Ardipithecus ramidus 4,5 millions d’années

• bipédie attestée Australopithecus afarensis 3,5 millions d’années

Vers 4,5 millions d’années, la bipédie est attestée et le régime omnivore établi

• le genre humain : Homo habilis vers 2 millions d’années

Homo ergaster, il y a 1,8 millions d’années en Afrique orientale, puis Homo erectus en Asie sont les premiers à
satisfaire tous les critères du genre Homo. En effet, ce sont de grands individus qui n’ont plus besoin de se réfugier
dans les arbres et leur morphologie démontre une bipédie permanente.

Homo erectus et Homo sapiens archaïques se développent ensuite de 1MA à vers 200.000. Deux scénarios
peuvent alors être envisagés : soit des développements régionaux continus sont apparus à partir des premiers
groupes d’ergaster et d’erectus venus d’Afrique vers 1,8 MA, soit il s’est produit un mouvement d’expansion
générale des premiers hommes modernes au départ de la branche africaine moderne.

Plusieurs modèles d’évolution récente coexistent donc :


- le modèle « Out of Africa » ou dit de l’Arche de Noé
- le modèle régionaliste ou en candélabre
- le modèle intermédiaire ou réticulé

La complexité des milieux et des mouvements de nos ancêtres au cours de plusieurs centaines de milliers
d’années, les problèmes d’interprétation paléoanthropologique et les premiers apports de la génétique plaident
pour des modèles intermédiaires. Les néandertaliens occupent une place particulière et significative dans ces
scénarii.

12
2.3. Développement de la pensée prévisionnelle : l’homme moderne et l’outillage

Paléolithique inférieur

Les outils les plus anciens sont de simples galets


réalisés par percussion (choppers, ou chopping
tools). Il s’agit d’une des premières traces de
production humaine connue sous le nom d’industrie
oldowayenne, du nom des gorges d’Olduvai (Kenya).

Homo habilis 2,6 – 1,4 MA

La hache de l’industrie acheuléenne a évolué


durant des centaines de milliers d’années sous une
forme symétrique caractéristique des outils bifaces,
taillés dans la masse avec des arêtes vives.

Homo erectus 1,4 MA


Bifaces : 500.000 > 300.000 ans

Paléolithique moyen

La technique Levallois apparait aux environs de


200.000 ans et se caractérise par le débitage plutôt
que la taille d’un bloc de pierre : le nombre, les types
et la finesse des outils produits avec une masse de
pierre identiques s’accroissent donc.

Neandertal 300.000 > 40.000 ans

Paléolithique supérieur

Au Paléolithique supérieur, la technique du débitage


laminaire associe un burin au percuteur pour débiter
de plus fines lames de silex. Les outils et les armes
s’affinent.

Homo sapiens sapiens 40.000 > 10.000 ans

L’apparition de l’outillage en pierre fournit les premiers critères pour caractériser et reconnaître une culture
humaine. Elle ne constitue pas le seul critère qui témoignerait d’un développement culturel, bien antérieur et plus
complexes que ces seuls témoins ne le laissent penser.

Son évolution reflète le développement de la pensée prévisionnelle qui caractérise le développement humain et la
complexification des organisations sociales, accompagnées par l’importance des liens entre et dans les bandes, de
la spécialisation progressive dans les activités domestiques et de chasse, et de la transmission des connaissances
acquises.

13
2.4. L’organisation des habitats : la structuration sociale

Terra Amata : premiers témoins de construction structurée dotée d’un foyer (Alpes Maritimes), Acheuléen,
Paléolithique inférieur, vers 400.000 ans.

Quelques exemples - références au catalogue du manuel

Cas en relation avec le cours : p. 44-51

14
Fouille, plan et restitution d’une maison en
ossements de mammouths, fréquentes en
Russie, en Moldavie, en Ukraine, en
Biélorussie, en Pologne ou en Roumanie.

Photo et plan du site de Mezine et


restitution du site de Mezhirich, sur le Dniepr,
au nord de Kiev en Ukraine (vers 15000-13000
ans, Paléolithique supérieur).

Dans les steppes et la toundra, l’absence de


bois d’œuvre a forcé l’utilisation de ces
matériaux et a permis d’en conserver les
vestiges bâtis, contrairement à de nombreux
établissements de nos régions, réalisés en
bois et en peau. Ils constituent en quelque
sorte les premières ruines monumentales
conservées.

Restitution (Ripiceni-Izvor, Moldavie roumaine)

15
Pincevent, Seine-et-Marne (Paléolithique
supérieur, vers 10.000 ans)

Les interprétations contradictoires, basées sur


les vestiges et les comparaisons
ethnographiques (les tipis indiens d’Amérique
du Nord, et les rassemblements autour de
foyers en Alaska et en Afrique australe par
exemple), montrent la fragilité des
reconstitutions et la nécessité de vérifier les
hypothèses établies. L’anthropologie vient
fréquemment au secours de l’archéologie.

Les habitats préhistoriques nous livrent


donc les premières traces de l’organisation
des pratiques domestiques et artisanales,
du souci accordé à l’apprentissage, et donc
de l’existence de compétences
hiérarchisées.

Restitution d’Etiolles W11 / U5 (Oise),


Paléolithique supérieur, vers 13.000 ans

- répartition des activités


- spécialisation/habileté
- compétences organisées
- hiérarchies - organisation sociale

16
Avec le développement de la pensée prévisionnelle se développe une pensée symbolique.

Quatre faits accompagnent et reflètent cette évolution :


1. l’acquisition et le développement du langage,
2. l’apparition des sépultures et la création de rites associés au traitement des dépouilles,
3. le développement de notions et de concepts à caractère religieux,
4. le développement de l’art : il constitue en quelque sorte l’expression synthétique de ces préoccupations
et des modes de communication développés.

2.5. Les premières sépultures : développement d’une pensée symbolique


2.5.1. Paléolithique moyen
Sépultures intentionnelles et aménagements sommaires :
- Neandertal : la Chapelle-aux-Saints (100.000 ans ; [1]), Taboun et Kebara en Palestine (200.000 ans).
- Cro-Magnon ou Homo sapiens sapiens : Combe-Capelle (France) et Qafzeh (Israël, ca 95.000 ans), Tehisk Tash
(Ouzbekistan), Shanidar (Irak) (ca 50.0000 ans).

2.5.2. Paléolithique supérieur


- Sungir (Russie, 25.000-21.000 ans ; à droite et en bas [3]) – Grimaldi (Alpes Maritimes, 25.000-20.000 ans ; au
milieu [2]) : dotations de mobiliers (parures vestimentaires et corporelles, armes) et utilisation de l’ocre.
[1] [2] [3]

17
2.6. La naissance de l’art... une nouvelle forme de caractérisation culturelle

p. 52-69

...en milliers d’années

18
2.6.1. Repères culturels

Les quatre cultures du Paléolithique supérieur

Monochromes

• Aurignacien : 35.000-25.000 (symboles sexuels : Dordogne ;


apparition des représentations animalières : Grotte Chauvet)

Apparition de l’art mobilier (28.000-24.000) « Vénus »


Grotte Chauvet (Rhône-Alpes)
• Gravettien : 25.000-18.000 (style schématique : La Ferrassie, Arcy-sur Cure ; Aurignacien, vers 30.000 ans
puis style monochrome animalier : Rouffignac, Pech-Merle)

Traces de rituels hypothétiques

Polychromes

• Solutréen : 18.000-15.000 (style polychrome: Trois Frères)

Transition solutréen-magdalénien: Le Portel, Lascaux

• Magdalénien : 15.000-9000 (style naturaliste et reliefs : Rouffignac (Dordogne),


Altamira, Font-de-Gaume, Niaux) Gravettien (25.000-18.000 ans)

2.6.2. L’art pariétal et le thème animalier. Techniques et dispositions

a. Quatre moyens de datation


- datation des pigments (C14, accélérateur de particules)
- comparaisons formelles (techniques, stylistiques)
- relation aux objets associés (niveaux d’occupation)
- ou dans les comblements (stratigraphie, chronologie relative)
Pech Merle (Lot), Gravettien
b. Quatre moyens plastiques (25.000-18.000 ans)
Les quatre cultures citées ci-dessus se différencient par les moyens plastiques
mis en œuvre pour représenter la figure animal dans l’art :

• la ressemblance,
• la troisième dimension et la mise en relief,
• l’animation,
• et aussi l’abstraction et la symbolisation,
quête parfois contradictoire des précédentes.

- Edouard LARTET (inventeur de la paléontologie, transformisme)


Lascaux (Dordogne)
- Louis LARTET : première description d’une œuvre d’art préhistorique
Solutréen (18.000-15.000)
(Un mammouth gravé sur ivoire, La Madeleine, exposition universelle de 1867)
- l’abbé Henri BREUIL : reconnaissance de l’art pariétal

c. Quatre sujets privilégiés


• animaux herbivores (équidés et bovidés surtout)
parois latérales et plafonds : cervidés, bouquetins, mammouths, chevaux
fonds et espaces reculés : rhinocéros, aurochs, bisons, félins et
hommes
• sujets humains : schématisme, connotation sexuelle
• signes tectiformes, pictogrammes
• le «non-dit» : pas d’horizon, de sol ni de paysage, sans scènes de
chasse, sans combat, ni de blessés Altamira (Espagne)
- comportements explicites dans l’art magdalénien avec un souci de réalisme Magdalénien 15.000-9000 ans
animalier plus détaillé

19
2.6.3. L’art mobilier et la première statuaire, les représentations humaines

1 2

4 5 6

1. Propulseur du Mas-d’Azil (Ariège) – Magdalénien


2. Cheval sculpté et incisé, Lourdes (Pyrénées) – Magdalénien
3. Bisons du Tuc d’Audoubert (Ariège) – Magdalénien
4. Vénus de Willendorf (Autriche) – Gravettien
5. Vénus de Brassempouy (Landes) - Gravettien
6. Vénus de Laussel (Dordogne) - Gravettien

20
3. Le Néolithique du Proche-Orient à l’Europe

p. 70-79

3.1. La néolithisation : définition

21
3.2. Les stades du Néolithique et l’expansion des techniques agricoles

Entre environ 18.000 et 10.000 ans prit fin la dernière période glaciaire. Dès le Mésolithique, qui en Europe
commence vers 10.000 ans, l’environnement sera plus généreux, entraînant les hommes plus au nord. Les zones
tempérées vont conquérir le nord du bassin méditerranéen et le Proche et le Moyen-Orient vont se réchauffer.
Cette amélioration climatique entraîne une diversification de la faune et de la flore. Dès 10.000 ans, la végétation
se diversifie donc dans nos régions : apparition de bouleaux, de saules et de pins. À partir d’environ 6000 :
noisetiers, chênes, ormes et tilleul. Entre 8000 et 6000, les animaux actuels que nous connaissons aujourd’hui
sont présents à l’état sauvage puis seront progressivement domestiqués. Le hêtre et le sapin se répandent avant
l’Age du Bronze, vers 2500 ans. Plusieurs étapes climatiques plus ou moins sèches, froides ou humides se
succèdent.

Cette diversification autorise à son tour des possibilités d’exploitation régionale continue, et induit donc la capacité
des populations à se fixer de manière permanente tout en ayant des ressources au fil des saisons.

Les premières techniques agricoles et d’élevage, c’est-à-dire la maîtrise de la culture des céréales sauvages et la
domestication d’espèces animales vont progressivement gagner l’Europe, vers 10.000 ans, au début du
Mésolithique. De nouveaux problèmes vont se poser avec la sédentarité et trouvent des réponses appropriées :
concernant le stockage tout d’abord (on ne collecte plus seulement des ressources au gré des besoins : greniers et
silos).

Ensuite, les installations sont fixes (maisons permanentes) rassemblées (premiers villages) ; des protections pour
protéger les biens stockés et les maisons seront établies car les concurrences vont être plus vivaces entre
exploitants de territoires fixes et délimités ; de nouvelles techniques artisanales se développent : mouture des
grains en farine, travail de terre cuite, techniques de cuisson des viandes, travail du textile.

Les stades du Néolithique, à travers ces variations sont les suivantes

- 3.2.1. Sédentarisation. Encore au Mésolithique : apparition de la sédentarité avec modifications


d’ordre social ; les espèces sont récoltées systématiquement ; climat plus tempéré, fixation plus ou
moins pérenne des gibiers.
12.000-10.000

- 3.2.2. Développement des techniques agricoles. Proto-Néolithique et Néolithique ancien. L’homme passe
de la gestion à la production des ressources alimentaires. Les grains ne seront plus tous consommés mais
sélectionnés et réensemencés : sélection des végétaux et pratique de la chasse, puis domestication et élevage de
la faune.
ca 10.000-7000

[selon les régions du monde, ces deux premières périodes sont aussi appelées Mésolithique, le Néolithique ancien
et le Mésolithique se chevauchent donc en fonction de la diffusion de l’agriculture]

- 3.2.3. Néolithique accompli : apparition et développement de la céramique et du tissage, influence sur la


biologie des espèces par sélection ; les animaux sont gardés sur pied en vue d’une reproduction.

ca 7000-2000

NB. On parle de Sub-Néolithique quand il y a emprunt aux agriculteurs par les populations périphériques.

- 3.2.4. Techniques métallurgiques. Au Chalcolithique ou Age du Cuivre (épi-Néolithique), la maîtrise des


métaux natifs, non réduits et sans alliages, marque la transition vers l’Age du Bronze, premier Age des Métaux.
Avec le cuivre, l’or (electrum) et, dans une moindre mesure le plomb, sont également utilisés. Cette période est à
cheval sur le Néolithique et l’Âge du Bronze selon les régions.

ca 4000-2000

C’est avec l’étain en alliage que les Ages des métaux vont véritablement démarrer entre 2300 et 1800. En effet, Cu
+ Sn [cuivre et étain] = bronze. À Çatal Höyük, vers 6000-5000, apparaissent cependant déjà le tissage, les plus
vieux tissus du monde emballant des corps décharnés, et le travail du cuivre.

22
3.2.5. Principes et cartes de diffusion générale

La néolithisation progresse donc parallèlement et - en Chine : millet 6500/6000 ans puis soja, pêche,
indépendamment en plusieurs régions du globe : abricots, élevage de chèvres et de buffles ;
- en Inde et en Papouasie-Nouvelle-Guinée : 7000
ans ;
- au Proche-Orient : des céréales sont domestiquées - Sud-Est asiatique : riz, agrumes (citron, orange) :
dès 9000 à 8000 ans. La sélection par une première 6000 ans
culture intensive porte sans doute sur le blé et - Afrique centrale : sorgho (graminée), bovidés aussi
l’avoine, dont la tige est plus dure, et plus facile à vers 6000
moissonner. La domestication animale suit de peu - Égypte vers 5000 ;
avec les chèvres, il y a également 9000 à 8000 ans, - Sahara vers 4500 ;
y compris en Afrique du Nord, puis en Grèce vers - Andes : manioc, arachides, cacao, pomme de terre,
7000-6500. Quelques siècles plus tard suivent les tomates, lamas et alpagas vers 6000 ;
moutons (Tigre et Euphrate). Les bœufs et les porcs - Amérique centrale : courges, haricots, maïs, piment
sont domestiqués entre 8000 et 7000 dans les vers 5000 ;
mêmes régions et en Anatolie. - Pacifique : 1500 ans.

23
3.2.6. Principes de diffusion en Europe

La voie continentale danubienne et la voie maritime méditerranéenne.

24
3.3. Le berceau : les sociétés pré-céramiques (PPN) du Proche-Orient (ca 12.000-4000 av. J.-C.)

3.3.1. Le Natoufien

Les sites natoufiens sont répartis du Sinaï à l’Euphrate, essentiellement en Israël, au Liban et en Syrie. Ce sont
les premières agglomérations villageoises identifiées, datées d’entre 12.500 et 10.000 ans av. J.-C. Nous sommes
donc à la transition du Paléolithique vers le Mésolithique. La sédentarisation est née avant l’agriculture. Les
sépultures sont intégrées à l’habitat. Comme les propulseurs à sagaies du Paléolithique, taillés en forme d’animaux
(chasse), les manches de faucilles sont parfois sculptés en forme de gazelle (récoltes). Des statuettes humaines
apparaissent, notamment des accouplements.

Cellule circulaire – sédentarité – société segmentaire ou tribale – chasse


Plan et restitution du village d’Eynan (Aïn Mallalha-Israël, 12.000-10.200 av. J.-C.) – Autre site : Mureybet (VIIIe
mill.) a. tombe principale
b. foyer
c. sépultures établies dans des fosses à provision désaffectées

25
Sédentarité – structuration des habitats – naissance de l’urbanisme – agriculture

[1] Carte de localisation de Jéricho (voir aussi Çatal Höyük, Anatolie ; et Halaf et Hassuna en Mésopotamie – voir
plus loin)

Jéricho
[2] A gauche, crâne remodelé.
[3] A droite, passage du plan circulaire au plan carré. (Pre-Pottery
Neolithic B-PPNB)
[4] Ci-contre, plan de la ville avec son rempart monumental.

Sur le site de Jéricho, le village du Xe millénaire compte environ


500 habitants. En 8000 av. J.-C., le site compte 1500 habitants
sur 3 ha. Les maisons adoptent ensuite progressivement des
plans quadrangulaires, composés de cellules imbriquées.
Témoins du passage de la forme circulaire, typiquement
naturelle, à la forme rectangulaire, fruit de l’intellect humain, elles
répondent à la pression démographique et à une densité
croissante de l’occupation du sol devenue pérenne, tout comme
le développement de la culture des céréales. Les maisons sont
donc désormais associées à des silos de conservation des
récoltes. Des courettes et des ruelles séparent ou sont intégrées
aux habitats : nous assistons donc à la naissance de l’urbanisme.

26
3.3.2. L’Anatolie

Çatal Höyük : Plan et restitution d’un


niveau d’occupation avec sanctuaires
intégrés (S), espaces ouverts (cours et
dépotoirs), entrées par les toitures

Dans les premiers grands villages


anatoliens qui comptent plusieurs milliers
d’habitants, comme celui de Çatal
Höyük, les sentiments esthétiques et
religieux vont s’exprimer pour la première
fois dans les mausolées, les peintures
pariétales, les figurines et les statues, les
stèles sculptées et les rituels funéraires
élaborés. On peut également parler d’un
véritable urbanisme (superficie : 13 ha ;
habitants : 5000 ; habitations contiguës
de 25 m2 ; entrée par les toits
caractéristique propre au site, à ne pas
généraliser pour la période évidemment).

• 7000/6000 av. J.-C. : récipients en


chaux, travail du Cu et du Pb à l’état
natif.

• 6000/5000 av. J.-C.: première


céramique en terre modelée décorée à
l’ocre, premiers tissus.

Comme sur de nombreux sites :


« déesses mères », crânes manipulés
dans les habitats (ancêtres, filiations,
vautours), représentation des bovidés
(chasse, symbole de la nature sauvage,
maîtrisée).
27
3.3.3. La céramique : les cultures d’Hassuna, de Samarra et d’Halaf (VIe-Ve mil. av. J.-C.)

Ce n’est qu’à partir d’environ 5000 ans av. J.-C. que la céramique se diffuse dans toute l’Europe. On relie souvent
la naissance de la céramique à la sédentarisation agricole des hommes (démographie, distribution des rations,
problèmes logistiques : conservation et préparation des aliments). Les cultures successives d’Hassuna, de
Samarra et d’Halaf (VIe mil. av. J.-C.), voient se développer l’abstraction artistique, bien mise en évidence sur les
décors peint de la céramique.

En Mésopotamie du nord, les cultures Hassuna puis Halaf, vont produire les premières céramiques peintes durant
le VIe millénaire av. J.-C. Elles atteignent un niveau technique et esthétique élevé. Elles sont faites à la main, en
argile très fine, et elles sont ornées de peinture habilement appliquée, de motifs géométriques, des résilles
quadrillées, majoritaires dès le VIe mil. av. J.-C., et plus rarement des animaux comme des oiseaux, et des fleurs.
La période Halaf voit aussi la recrudescence des figurines de déesses mères modelées et peintes. Les peintures
de la culture Samarra au sud de la Mésopotamie sont les plus inventives, créant dès cette période des figures de
danseuses et de femmes tatouées, représentant des animaux comme des daims, des scorpions ou des chèvres.

A gauche : la technique est celle du colombin.


(Céramique modelée et lissée : le tour n’est pas encore
inventé)
En bas : motifs caractéristiques des cultures d’Hassuna,
de Samarra et d’Halaf (VIe-Ve mil. av. J.-C.).

28
3.4. Développement des artisanats et caractères culturels des sociétés

• Objets : • Style : caractère artistique de ces objets


- techniques : matériaux-processus (économie,
expertise des chaînes opératoires) • Typologie : science du classement d’objets
- fonctions (économie, société) en série selon leurs ressemblances au vu de
- formes (fonctions et esthétique, capacité ces critères
technique de production)
- décors (courant artistique, société) • Typochronologie : contemporanéité de
groupes d’objets qui se ressemblent,
• Fabrique : famille d’objets dont les succession de groupes d’objets dont les
caractères techniques et stylistiques sont caractères partagés évoluent dans le temps.
communs

Relation culture matérielle-société V. Gordon CHILDE 1893-1957

29
• un exemple de culture matérielle : l’expansion de la culture rubanée durant le Néolithique, au VIe mil. av. J.-C.
en Europe (céramique).

Bon exemple de chronologie culturelle dans le cadre de l’expansion du


Néolithique en Europe. Les cultures rubanées doivent leur nom au type
de décor de céramique qui les caractérise. La culture rubanée s’étend
d’environ 5500 à 4500 ans av. J.-C., et du Hainaut belge à la Hongrie et à
la Pologne.

30
3.5. Le Néolithique en Europe

3.5.1. Jalons et caractères généraux

Aux Ve-IVe millénaires, nous sommes dans le Néolithique accompli en Europe, soit un peu plus tard que
dans le bassin méditerranéen où la période démarre dès les VIIIe et VIIe millénaires av. J.-C., en Syrie et
en Anatolie notamment. Les âges des métaux européens, du bronze puis du fer, débutent entre 2300 et
1800 av. J.-C.

3.5.2. Les innovations du Néolithique en Europe

Outre les armes de chasse perfectionnées durant le Paléolithique final et le Mésolithique,


des outils spécifiques se développent au Néolithique, avec l’amélioration des techniques
d’emmanchement héritées de ces périodes antérieures : faucilles, araires et meules,
herminettes, en bois et en pierre puis en bronze et en fer. Ces outils facilitent la moisson
et le travail du bois.

Influence considérable sur l’environnement : déboisement,


sélection et domestication des espèces.

Les sciences paléoenvironnementales, la


paléobotanique.
La palynologie identifie les pollens fossiles sur les sites
archéologiques et fournit des informations sur l’agriculture
(espèces cultivées), et sur l’impact de l’homme sur son
environnement : déboisement, intensité de la fréquentation
des sites, élevage) – à droite.

3.5.3. Habitat néolithique

Développement d’une architecture de


terre et de bois dans les milieux
maritimes et continentaux tempérés,
associant les fonctions dans l’habitat :
artisanales, domestiques, agricoles
(étable, logement, réserves).

31
3.5.4. Le mégalithisme. Architectures et statuaires monumentales

a. Architecture funéraire
Pendant vingt-cinq siècles, les chambres à couloir
ou dolmen dominent le paysage. Les tombes sont
soit construites en élévation et éventuellement
recouvertes, soit creusées et recouvertes. Ces
tombes dites mégalithiques, c’est-à-dire
construites à l’aide de pierres monumentales,
naissent et se diffusent en suivant les axes de
naissance et de diffusion de l’agriculture, d’Espagne
à la Suède. Il s’agit le plus souvent de sépultures
collectives, enfermées dans un espace confiné avec
une seule ouverture extérieure, et souvent enterrées
sous un cairn ou un tumulus (cairn : pierrier ;
tumulus : tertre en terre).

L’exemple de la tombe à couloir de Newgrange


en Irlande illustre une utilisation par plusieurs
générations de paysans perpétuant des liens
ancestraux avec leur territoire. En réalité, ce sont
trois énormes tombes mégalithiques et une
quantité importante de plus petits monuments qui
forment un vaste ensemble mortuaire et
cérémonial à Knout, Doit et Newgrange, au nord
de Dublin, vers 3000 ans av. J.-C.

On pénètre dans la chambre funéraire par une


entrée étroite et un couloir : ils sont dans l’axe
exact du soleil levant au solstice d’hiver. À
Newgrange, le tumulus mesure 85 m de diamètre
et 11 m de haut. Le périmètre est marqué par 97
blocs de pierre granitique dressés, parfois gravés
de spirales entrelacées dans un style
caractéristique de l’art mégalithique, et servent de
base à un mur formant un tambour, érigé en
galets de quartz blanc éclatant autour de l’entrée.
Des cellules funéraires sont réparties autour de la
chambre centrale sur un plan cruciforme. Le toit
est formé d’une coupole de petites pierres plates.
C’était un lieu de funérailles rituelles et une
sépulture collective particulièrement importante.
Le profil des dolmens découverts, construits en
élévation mais dénués de leur tertre de terre, est
mieux connu (en haut : dolmen, plateau de Burren
en Irlande).

32
b. Temples mégalithiques

Les temples maltais, Hal Tarsien et Hagar Kim, illustrent un des faits marquants du Néolithique : l’apparition de
sanctuaires religieux monumentaux. Depuis le VIe mil. av. J.-C., au Proche-Orient, de véritables temples marquent
les territoires, des sanctuaires s’inscrivent dans les premières agglomérations. Sur le plan architectural, les temples
mégalithiques de Malte sont impressionnants (3500-2500 av. J.-C.). Une trentaine de temples et d’hypogées
abritant des milliers d’individus servent à une population locale et extérieure (peuples navigateurs) : les besoins
locaux seuls ne justifient pas ces implantations. Hal Tarsien, par exemple, mesure trente mètres de long, possède
plusieurs chambres oblongues, des façades concaves accueillant les fidèles, une chambre terminale latérale dotée
d’une niche, probablement destinée à la prêtresse. Ces structures sont parfois rassemblées autour d’une cour
commune, et dotée de couvertures à encorbellement. Les décors sont constitués de spirales (rappel de
Newgrange) et de défilés d’animaux. Le mobilier comprend des vasques, des autels et des sculptures de déesses
et de prêtresses obèses. La statuaire en pierre est monumentale (deux mètres de haut par exemple).

c. Habitat mégalithique : une exception localisée

A Skara Brae, dans les îles Orcades (Ecosse), la


construction d’un village mégalithique témoigne de la zone
d’extension septentrionale des agriculteurs néolithiques
dans cette région, entre 3100 et 2500 ans av. J.-C. Ils
élèvent des bovidés et des moutons, et pratiquent la
chasse et la pêche. On compte huit maisons centrales en
pierre, enterrées, formant des rectangles de 4,5 x 6 mètres,
centrées sur un foyer et dotées d’alcôves latérales. Les
toits étaient réalisés en matériaux osseux de cétacés et de
peaux d’animaux. Des couloirs de liaison en pierre abritent
les habitants des intempéries. Des “ meubles ” en pierre
comme des coffres et des étagères, garnis de fourrures,
illustrent cette manifestation étonnante du mégalithisme.
On retrouve une fois encore des galets décorés de spirales,
des perles en pierre et en coquillage.

33
3.5.5. Les sépultures individuelles : hommes et femmes artisans et agriculteurs

3.6. Le Chalcolithique
3.6.1. Evolution sociale et expression artistique

Du Ve au IIIe millénaire, des cultures localisées en Hongrie connaissent l’usage du cuivre (Chalcolithique). Cet
usage s’était répandu au départ de l’Anatolie où il apparaît dès de le Ve millénaire av. J.-C. Avec la maîtrise des
métaux émerge une société plus complexe. La maîtrise des ressources minéralogiques et métallifères, ainsi que le
produit de leur commerce alimentent désormais une richesse relative de certains membres des communautés. Les
maisons sont plus abouties, rectangulaires avec fours, foyers et banquettes répartis dans les nombreuses pièces,
toujours en bois et en torchis. Les statuettes en terre cuite représentent des personnages assis parfois couverts
d’incisions géométriques, véritables idoles parfois équipées d’une hache ou d’une faucille (exemples de statuettes
de la culture de la Tisza, Hongrie, et d’Hamangia, Roumanie, Ve millénaire av. J.-C.).

3.6.2. Nécropoles et sépultures individuelles : l’aristocratie naissante


A Varna, en Bulgarie, sur la côte de la mer Noire,
dans un site de 300 tombes, exemple de la
tombe 43, 4500-4000 ans av. J.-C.,
- fosses profondes (2,5 m) : notion de
l’investissement consenti par les survivants en
fonction de l’importance individuelle ou familiale
(fonction, richesse)
- début de la pratique du cénotaphe : pas de
corps, tombes symboliques
- sur le site de Varna, toutes les tombes
contiennent des objets et 1/5 des tombes
contient de l’or

- ici : homme de 40-50 ans, 990 objets en or dont


d’épais bracelets, des perles cousues sur le
vêtement, sceptre, haches et ornements en
cuivre dont un “ sceptre ” à manche de bois
recouvert d’or martelé, surmonté d’une tête de
massue, perles de coquillages, objets en pierre,
silex, et en argile.

34
3.6.3. Développement de la statuaire monumentale occidentale : vers les chefferies des Âges des Métaux

Les phénomènes combinés du mégalithisme, du


développement des sanctuaires et donc d’une organisation
religieuse sont des phénomènes presque universels. Mais il
n’y a pas forcément de filiation directe ni de communication
des usages, qui peuvent se développer indépendamment et
simultanément. La statuaire monumentale apparaît par
exemple en Egypte et en Mésopotamie dès le IVe millénaire
av. J.-C. alors que l’Europe, depuis le Néolithique jusqu’au
début de l’Age du Bronze voit naître des stèles et des statues
menhirs. Dans différentes régions d’Europe se développent
par exemple des styles particuliers, toujours associés à une
production nouvelle de grands personnages avec armes,
éléments de vêtements et de ceinture, des fibules...
(exemples : les statues menhirs de l’Aveyron, de Sardaigne,
d’Europe centrale...). Ici : deux exemples aveyronnais, et un
exemple corse, Musée de Rodez, à droite : Filitosa V,
Sollacaro).

La naissance de la statuaire monumentale aux IVe-IIIe


millénaire av. J.-C. dans le monde néolithique reflète
l’évolution notable des sociétés à l’aube des Âges des
Métaux. Comme dans le monde funéraire, les individus
dirigeants des sociétés hiérarchisées, et plus seulement les
groupes communautaires marquent le territoire de leur
pouvoir. A la fin du Néolithique, cette statuaire participe au
phénomène mégalithique (voir aussi les statues de Malte).
Avec le développement des réseaux d’échange et leur
maîtrise par une minorité, avec les changements sociaux,
nous atteignons la fin du Néolithique.

p. 88-95

35
4. Les civilisations proche- et moyen-orientales : émergences des structures étatiques
4.2. Les premiers empires mésopotamiens
4.2.1. L’empire akkadien (2450-2285 av. J.-C.)
4.2.2. Les empires néo-sumériens (2285-2016 av. J.-C.) et babyloniens (2016-1595 av. J.-C.)
4.2.3. Les empires assyriens (1245-606 av. J.-C.) et néo-babyloniens (990-539 av. J.-C.)
4.3. L’Egypte pharaonique
4.3.1. Une émergence spectaculaire – une identité pérenne
a. chronologies
b. l’époque archaïque (vers 3000-2635 av. J.-C.)
4.3.2. Les caractères artistiques majeurs à travers l’Ancien Empire (2670-2195 av. J.-C.),
le Moyen Empire (2040-1781) et le Nouvel Empire (1550-1075 av. J.-C.)
a. L’architecture funéraire et religieuse
b. Les arts visuels

4.1. L’essor des premières cités-états : la Mésopotamie


4.1.1. Introduction, chronologies

Carte de la région : en orange, les régions où le développement des premières agglomérations sédentaires
organisées se manifeste dès le VIIIe millénaire (voir le chapitre sur la période néolithique ; en vert : les bassins du
Tigre et de l’Euphrate en Mésopotamie, et du Nil en Egypte et au Soudan).

4.1.2. Périodes d’el Obeid (5000-3800/3500 av. J.-C.) et d’Uruk (3800/3500-3100/2800 av. J.-C.)
a. Périodes d’el Obeid (IVe millénaire av. J.-C.)

p. 240-309

L’architecture urbaine connaît un développement considérable aux périodes d’el Obeid et d’Uruk. Au début du Ve
millénaire av. J.-C., au début de la période d’el Obeid, se développe ainsi une architecture monumentale
caractéristique à murs à redents, en briques crues, élevée sur des plates-formes artificielles, avec accès via des
rampes et des escaliers monumentaux.

36
Elle puise ses racines dans la culture d’Halaf (VIe
millénaire av. J.-C.). Pour la première fois, à la
période Halaf, on peut parler d’architecture sacrée.
Un des premiers sanctuaires identifiés est localisé
dans l’agglomération d’Eridu, à la transition du VIe-
Ve millénaire, soit plus de 2000 ans avant le
fonctionnement des temples mégalithiques de
Malte précédemment illustrés.
Exemple d’architecture tripartite en briques crues :
- trois « nefs » et travées latérales cloisonnées,
pièces d’angles saillantes et animation des
surfaces murales par des redents et des
contreforts (stabilité des édifices en brique de
hauteur considérable, assises larges, murs épais).

b. Période d’Uruk (IVe et début du IIIe millénaire)

Exemple d’urbanisme de la période d’Uruk : intégration des


plans tripartites (magasins ou greniers, habitats
« aristocratiques ») dans le réseau des voiries, places et
courées.

Les interprétations anciennes systématiques de l’architecture


tripartite monumentale dans le domaine religieux
(identification de temples), est aujourd’hui nuancée avec la
reconnaissance des fonctions civiles et liées à l’exercice du
pouvoir. Ce type de cité de la période d’Uruk comptait entre
5000 et 8000 habitants.

À la période d’Uruk, le plan tripartite se confirme et devient le


stéréotype de la grande architecture pendant 1500 ans en
Irak, en Syrie, en Turquie et en Palestine. Mais tous les
édifices bâtis sur ce canevas ne sont pas toujours des
temples. Plusieurs fonctions pourront progressivement trouver
une place dans ces bâtiments monumentaux tripartites.

Ils se distinguent toujours des habitations ou des installations


du quotidien : ils sont fréquentés, de toute évidence, par les
détenteurs du pouvoir, les décideurs, les gestionnaires de
l’intérêt public : dans ce cas, des prêtres, des fonctionnaires
et des militaires. Ces édifices sont regroupés en grands
complexes isolés dans la ville, qui réunissent – à défaut de
confirmation par l’iconographie ou par des textes – des salles
de réunion, de cérémonie, d’audience, des résidences
palatiales et des sanctuaires. Seule chose qui soit sûre :
l’architecte affiche la différence de statut et de fonction par un
programme spécifique répondant à l’une de ces fonctions. La
topographie aide à isoler ces complexes des quartiers urbains
agglomérés.

Durant la période d’Uruk (3800/3500-3100/2800 av. J.-C.),


ces édifices monumentaux peuvent donc être :
- des habitats princiers, des résidences de notables : les
premiers palais. Au Néolithique final et au Chacolithique, la
société est peu hiérarchisée, mais une première élite se
distingue, développée en chefferie, sans encore de clergé à plein temps (ci-dessus : bâtiments tripartites,
convergence des rues, maison du « souverain », du « chef » ou du conseil, architecture à redents)
- des lieux de culte avec équipement spécifique : tables à offrandes, bassins à libation, tables d’autels..., sont
cependant rarement indiscutables
- des magasins publics ou communautaires : les récoltes centralisées sont garantes de la survie de la société
urbaine

37
- enfin, ce sont aussi des salles de réunions et de conseil dans le contexte démocratique des sociétés
segmentaires et des premières chefferies, avec exercice soit d’un pouvoir collégial soit individuel.

L’urbanisme et l’architecture témoignent donc du passage des sociétés segmentaires égalitaires aux chefferies
(période d’Uruk), tandis que l’émergence des cités sumériennes sur ce substrat aboutit à l’apparition de la structure
étatique.

Plan de la cité d’Uruk :


- en rose (niveau IV) : édifices d’avant 2500 av. J.-C. (période d’Uruk) : voir plan page suivante
- en rouge : édifices palatiaux, cultuels et magasins de la période sumérienne (vers 2500 av. J.-C.) conservés et
remaniés jusque 500 av. J.-C. (périodes néo-sumériennes, babyloniennes, néo-babyloniennes...).
Les reconstructions et réaménagements induisent une superposition des périodes dans les édifices occupés
durant plusieurs siècles.

Si l’eau joue un rôle capital dans l’établissement des cités et de leurs périmètres fortifiés, le relief participe de la
mise en valeur des grands édifices publics organisés en terrasses (zones figurées en mauve), dans la cité et à
l’égard des campagnes environnantes.
Uruk comptait plus de 10.000 habitants.

38
Uruk (site éponyme de la période,
aujourd’hui Warka), illustre le
développement caractéristique d’une
bourgade urbanisée dans la deuxième
moitié du IVe mil. (3500-3000 av. J.-
C.), comme il y en a une douzaine
entre Tigre et Euphrate. Uruk était née
dès le Ve millénaire av. J.-C. et était
cependant deux fois plus étendue que
toutes les autres. Elle comptait 10.000
habitants au IVe millénaire et en
comptera 50.000 environ au IIIe
millénaire av. J.-C. Dès le départ, le
développement urbain se cristallise
autour des temples et des grands
ensembles monumentaux notamment
dédiés au panthéon mésopotamien
hérité d’Eridu.

On y voit l’architecture tripartite


caractéristique de la période, des
halles rectangulaires et d’autres
édifices de différentes formes. Les
fondations labyrinthiques font croire à
de hautes élévations. Les murs sont
décorés de cônes en terre cuite aux
têtes peintes, superposés en grande
quantité le long des parois, et formant
de véritables mosaïques.

L’édifice appelé « temple calcaire »


est un grand bâtiment sur fondations
de pierre, d’environ 80 x 30 m, et doté
d’une salle de 11 m de large. Il y a un
regroupement des édifices autour
d’une cour fermée de 50 m de côté ; le
complexe monumental entier forme un
ensemble de 300 x 200 m. Il s’agit
d’une architecture ostentatoire : la
superficie des édifices varie entre 1200
et 4600 m2 ! C’est seize fois plus grand
qu’à Eridu ; en outre, ces édifices ne
sont plus isolés mais regroupés. On les
interprète comme de grands quartiers
palatiaux, alors qu’on croyait naguère
exclusivement à la fonction religieuse
comme les appellations le démontrent :
temple calcaire, temple blanc...
Ces désignations sont impropres, comme le nom de ziggurat, commode, utilisée pour certains édifices de ces
périodes. Il est cependant vrai que les ziggurats qui apparaissent à la période sumérienne s’inspirent des
architectures terrassées ainsi malhabilement désignées de la période d’Uruk. Si ces complexes ne sont pas
seulement religieux, le souverain cumule les prérogatives civiles et religieuses.

Ces premières cités sont donc apparues sur la plaine inondable du Tigre et de l’Euphrate au cours du IVe
millénaire av. J.-C. Elles jouaient le rôle de centres collecteurs et redistributeurs des surplus agricoles issus des
sols alluviaux fertiles de la plaine, et elles prirent la forme d’états indépendants dominant chacun la campagne
environnante. Une complexe combinaison de facteurs a déterminé la formation des cités et des premiers états,
mutation sociale et économique à laquelle contribuèrent la croissance démographique, l’augmentation des
rendements agricoles, la lutte pour le contrôle des ressources, l’accentuation des différences sociales, la nécessité
de mobiliser divers groupes pour organiser un système complexe d’irrigation et la protection contre les crues et,
enfin, l’affirmation d’une religion structurée. La liste sumérienne des rois composée vers 2100 av. J.-C. et
reproduite à de maintes reprises, montre que toujours une cité donnée était désignée pour dominer les autres
depuis que « la royauté était descendue du ciel », et que la compétition fut âpre durant le IIe millénaire.

39
Le temple d’Inanna (Ishtar) recelait des
vases d’albâtre sculptés dans la première
moitié du IIIe millénaire, vers 3000-2500 av.
J.-C. (vase de Warka). Les trois registres qui
en composent le décor d’un mètre de haut,
illustrent les règnes animal et végétal
(troupeaux de moutons et de béliers, épis de
blé et d’orge). Les hommes sont au centre,
portant des offrandes à Inanna, déesse de
l’amour et de la fécondité.

La cérémonie divine de la rencontre entre la déesse et le grand-


prêtre, intercesseur au nom des rois et des sujets, est au-dessus.
Cette scène courante atteste l’importance des temples comme centre
de collecte et de redistribution des réserves agricoles de la cité, à
mettre en relation avec l'ingénierie hydraulique des hinterlands
urbains. Les offrandes permettaient notamment de nourrir les
personnels des ensembles religieux.

Les quatre grands temples d’Uruk recevaient ainsi tous les jours 250
pains, plus de 1000 tartelettes de dattes, 50 moutons, 8 agneaux, 2
bœufs, un veau. En 3000 av. J.-C., les surplus des temples d’une
autre cité – Lagash – permettaient encore à 1200 personnes de
recevoir chaque jour une ration de viande, de pain et de bière.

Outre ces scènes religieuses et à connotation cosmologique, pour la


première fois, des souverains se font représenter. Nous sommes en
présence d’une première représentation des pouvoirs dont les arts
de construire et l’iconographie servent la démonstration et le rôle.
Nous sommes à la fin du IVe millénaire av. J.-C. Pour rappel, les
premières représentations d’une élite aristocratique à la fin de la
période néolithique en Europe continentale n’apparaissent qu’un
millénaire plus tard.

40
À la fin du IVe mil. av. J.-C., la stèle de la chasse aux lions [1] représente un thème qui sera souvent répété de
manière allégorique par la suite, y compris de manière tout à fait comparable en Egypte, le thème du souverain qui
terrasse l’ennemi. L’universalité du thème accompagne le développement des sociétés, l’émergence des états,
ainsi que l’importance de l’art de la guerre qui se professionnalise. Autre type de scène qui se répandra rapidement
dans toute la Mésopotamie et dans toute l’Egypte : des cortèges de prisonniers entravés, menacés et abattus.

[1] [2]

La ronde-bosse, qui se distingue de l’art du relief et se développe à cette période, représente aussi le dirigeant
déférent face aux divinités : [2] on voit le roi prêtre bras croisés, respectueux. De nombreuses scènes
représentent de façon métaphorique le roi pasteur, garant de l’ordre et de la prospérité du peuple : rôle de la
maîtrise des techniques et des ressources agricoles, de la gestion de l'eau, du stockage collectif et de la
redistribution des denrées. Dans le paysage urbain et dans l'organisation sociale, les prérogatives politiques,
religieuses et économiques sont étroitement liées et sont aux mains des souverains locaux.
Jalons chronologiques :

• sociétés segmentaires
période d’Halaf (Ve mil.) et d’el Obeid (IVe mil.) 5000-3800/3500 av. J.-C.
• souverainetés ou chefferies
période d’Uruk 3800/3500-3100/2800 av. J.-C.

développement de l’écriture 3300-3000 av. J.-C.

• états
cités états sumériennes 2900/2800-2450/2334 av. J.-C.
ou période dynastique archaïque
empire akkadien 2334-2285 av. J.-C.
empire néo-sumérien 2285-2016 av. J.-C.
empire babylonien 2016-1595 av. J.-C.
empire assyrien 1245-606 av. J.-C.
empire néo-babylonien 990-539 av. J.-C.

41
4.1.3. Les cités états sumériennes (2900/2800-2334 av. J.-C.) ou période dynastique archaïque

Le mouvement de centralisation et de représentation monumentale observé à la période d’Uruk préfigurait donc la


période suivante : celle des cités états sumériennes (2900/2800-2334 av. J.-C.). Il s’agit de la période dite
dynastique ancienne ou archaïque. Avec l’apparition des cités états sumériennes, la société sera plus clairement
fondée sur la centralisation du pouvoir et sur une pratique de la religion au service du pouvoir. L’architecture et la
sculpture reflètent cette tendance. C’est à cette période que les composantes des populations du nord et du sud de
la plaine alluviale mésopotamienne sont intégrées à un seul ensemble culturel : les temples ovales reflètent cette
uniformisation à travers la région. Ils témoignent aussi désormais de la dissociation des palais et des temples dans
la cité, vers le milieu du IIIe millénaire – à Kish, dès 2700 av. J.-C. – (ci-dessous : Khafadje, vers 2450 av. J.-C.).

Participant également de
l’uniformisation culturelle, les
systèmes d’écriture développés dans
les deux régions du nord et du sud,
encore pictographiques au IVe
millénaire, vont se schématiser et
aboutir à la création de l’écriture
cunéiforme vers 3300-3000 (tableau
ci-dessus). Les plus anciens
spécimens d’une écriture encore
pictographique remontent à 3300 à
Uruk. La lecture des pictogrammes
simples (700 à cette période) se fait
par association d’idées. Ces signes
se sont simplifiés et sont sortis du
seul domaine de la comptabilité vers
2400 (codes législatifs, lettres,
chroniques, textes religieux et
littéraires, récits mythiques).

Les scribes deviennent alors les acteurs de la gestion publique de l’Etat. A Ebla, (Tell Mardihk, 60 kms au sud
d’Alep, en Syrie), l’incendie du palais de ce royaume syrien par Sargon d’Akkad en 2350-2300 av. J.-C. va cuire les
tablettes des archives royales ainsi miraculeusement préservées : comptabilité, administration, luttes entre les
grandes familles et les souverains, informations commerciales et économiques, les textes reflètent le quotidien.

42
La sculpture en ronde-bosse continue de se
développer. Celle de la période dynastique
archaïque possède un caractère religieux
indéniable : des hommes et des femmes se font
représenter de leur vivant en attitude de prière.
Ces statuettes sont déposées dans les édifices
publics et les sanctuaires pour attirer les
faveurs des protecteurs et des divinités (par ex.,
ci-contre : Tell Asmar ca 2700 av. J.-C.).

Chose nouvelle, le développement du bas-relief


concerne désormais également l’histoire des
états. Sur la stèle des vautours (première
moitié du IIIe millénaire av. J.-C.), histoire et
religion sont mêlées. On observe une division en
registres distincts, caractéristiques : les faits sont
exposés en suivant la chronologie, avec deux
versions.

D’un côté, le travail des hommes, de l’autre le


geste divin. Sur la première face : le roi est en
tête, cadavres piétinés, dépecés. Roi sur son
char à l’attaque, l’infanterie le suit. En dessous :
on achève un vaincu. Notons en passant
l’apparition du char dans l’art de la guerre,
conséquence de la diffusion de la roue à partir
de 4000 av. J.-C. environ.

Sur l’autre face : éléments fragmentaires de divinités et d’un dieu


colossal qui assomme les ennemis pris dans un filet qu’il tient
fermé à l’aide d’un emblème symbolique léontocéphale. Oeil
énorme, fixé vers un ennemi invisible, personnage empâté (plis).

43
Ur

Fondée au début de la période d’el


Obeïd, Ur était une cité importante de
la dynastie archaïque et le principal
port de Mésopotamie, par où
transitaient notamment les échanges
avec l’Inde. Le cimetière « royal »
reflète sa richesse.

Les sépultures des hauts dignitaires


favorisés qui forment l’entourage du
roi, véritables tenants du pouvoir,
deviennent richissimes. Les plus
connues sont les 17 tombes du
cimetière royal d’Ur en service de
2600 à 2400 av. J.-C.

L’étude des dispositifs d’enterrement


de ces 17 tombes ont révélé le
sacrifice de 74 hommes, soit un
cortège funéraire complet avec ses
attelages, des gardiens, des soldats,
des domestiques et des notables. Ces
fastes et ce pouvoir de vie et de mort,
sur les ennemis à la guerre comme
dans la vie au cœur de la cité et alors
que la mort survient, caractérisent au
plus haut point la structure étatique : le
pouvoir des souverains et de leur
entourage, famille et hauts
fonctionnaires, ainsi que du clergé permet de maîtriser, de centraliser et d’administrer les ressources de l’état.

Ci-dessus – Ur, plan de l’enceinte sacrée : en rose, vestiges de la période dynastique archaïque (2600-2400 av.
J.-C.) ; en gris : la période où Ur devint capitale de l’empire néo-sumérien (IIIe dynastie, voir plus loin : 2285-2016
av. J.-C.). C’est à cette période que remonte une des premières véritables ziggurats, élevée lors de la
reconstruction de la cité. Elle est alors entourée de la résidence de la grande prêtresse (Giparou, et d’un trésor ou
temple (E-noun-mah), ainsi que d’une résidence royale (E-hoursag)).

Ci-dessous : [1] Colliers de feuillages, récipients et casque d’apparat figurant une coiffe, tous finement ciselés, fait
d’électrum (alliage d’or et d’argent) [2] Bélier dressé derrière un arbuste doré. Statuette en or, lapis-lazuli et
coquillage blanc.
[1] [2]

44
Une des tombes recelait un lutrin à deux faces richement décoré d’une scène narrative, faite d’incrustations d’ivoire
et de coquillages ainsi que de lapis-lazuli dans du bitume. On l’appelle l’étendard d’Ur. Il faisant cependant
probablement partie du résonateur d’un instrument de musique dont on a trouvé des exemplaires richement
décorés. Chaque face reflète un des aspects de l’existence : la guerre et la paix. Ce thème ne fait plus intervenir
directement de dieu, contrairement à la stèle des vautours. Le succès de la campagne militaire est l’œuvre de
l’homme. Le souverain s’en attribue le mérite : l’art sert la propagande du pouvoir.

On lit l’œuvre du bas en haut. Côté guerre : première représentation d’un combat de chars e. a., en action, rendu
des phases du mouvement des attelages (marche, pas, galop). De l’autre côté : un banquet de récompense et de
délassement couronne le retour victorieux, avec le butin. On y voit une des harpes du type retrouvé dans les
tombes.

45
4.2. Les premiers empires mésopotamiens

4.2.1. L’empire akkadien (2334-2285)


Alors que l’Egypte étendait sa domination dans tout le Proche-Orient, les premières dynasties sumériennes stables
feront place à un peuple concurrent du Nord de la Mésopotamie, les Akkadiens, de la cité d’Akkad. En proie à des
rivalités incessantes, les cités-états sumériennes de Lagash, de Kish, d’Uruk et d’Ur pour ne citer que les mieux
connues, furent en effet conquises par Sargon d’Akkad. Les rois d’Akkad (2334-2279 av. J.-C.) furent les premiers
à dominer la totalité d’Akkad et de Sumer, en contrôlant de nombreuses cités de Chypre au golfe persique.

Et si à la période sumérienne nous avons vu se développer


pour la première fois une ronde bosse élémentaire, avec des
statuettes d’hommes et de femmes en prière, comme les rois
prêtres en dévotion de la période antérieure d’Uruk, un
véritable art du portrait apparaît cette fois. La perfection
sévère et minutieuse a pour seul souci la représentation du
pouvoir et sa pérennité. Avec cette statue de Naram Sin
(2254-2218 av. J.-C.), petit-fils successeur de Sargon (2334-
2279 av. J.-C.), on remarquera que – contrairement à l’Egypte
– la métallurgie du cuivre à la cire perdue a fait son apparition
en Mésopotamie.

[1] Naram Sin (souvent présenté comme Sargon,


son prédécesseur) est ici sculpté dans la seconde
moitié du IIIe millénaire av. J.-C. avec une moue
ironique, méprisante et un spectaculaire souci du
détail.

[2] Quant à l’art du bas-relief, il reflète un


décloisonnement développant de nouvelles
conventions, plus libres.

La stèle dite de Naram Sin, en comparaison avec


la stèle des Vautours, reflète une plus grande
liberté de l’artiste. Ici, l’allusion aux divinités
favorables est faite par la représentation
métaphorique des astres. Le souverain à tiare
dotée de cornes, est donc assimilé au dieu. Si le
dieu ne terrasse plus directement l’ennemi,
l'intercession des souverains est clairement
représentée.

46
4.2.2. Les empires néo-sumériens (2285-2016 av. J.-C.) et babyloniens (2016-1595 av. J.-C.)
a. La période néo-sumérienne (2285-2016 av. J.-C.)

47
Avec la ziggurat, la formule architecturale développée à partir des architectures terrassées sur plates-formes, en
briques crues, de la fin de la période d’Uruk mille ans plus tôt, on donne une ampleur nouvelle à des signaux
monumentaux exceptionnels (exemple : la ziggurat d’Ur-Nammu, fondateur de la IIIe dynastie sumérienne à Ur
(2112-2095 av. J.-C.), est une des plus anciennes avec Eridu et Uruk – voir les plans de ces villes aux périodes
néo-sumériennes plus haut).

Les premières comportent de trois à huit degrés superposés, avec des paliers intermédiaires, et trois grands
escaliers en Basse-Mésopotamie. En Haute Mésopotamie, la ziggurat ne comporte pas d’escalier et est intégrée à
un complexe. Ces monuments colossaux sont visibles dans la campagne environnante, marquant la puissance du
souverain et des dieux. Cette architecture fait évidemment penser aux premières pyramides d’Egypte, comme la
pyramide à degrés de Saqqarah. Ici, c’est pourtant totalement différent : la vocation n’est pas funéraire mais
religieuse. C’est un piédestal géant qui aide les divinités à descendre sur terre : un temple d’accueil au sommet (un
lit vide est destiné au sommeil du dieu, accompagné d’une seule prêtresse, comme le temple de Mardouk à
Babylone), un temple de séjour en bas. Des escaliers les relient pour les cortèges processionnels. Il s’agit d’une
architecture en briques crues. En Egypte, les pyramides sont en pierre, elles facilitent l’accès du dieu souverain sur
terre à accéder au ciel après son décès.

Dans le climat concurrentiel de la période néo-sumérienne,


la sculpture présente une période de répit. Gudea, du royaume de
Lagash (centre administratif : Girsou), se fait représenter en roi
pacifique (vers 2100 av. J.-C.). C’était un excellent administrateur,
un grand mécène plutôt qu’un conquérant : contraste donc avec les
rois guerriers précédents. Au cours d’une période troublée, il
apporta paix et prospérité. Le roi Gudea se fait représenter les
mains jointes, assis ou debout, déférent et respectueux face à la
divinité, la tête souvent enturbannée (retour au thème du roi prêtre).
On notera le thème du vase jaillissant, la simplicité dans l’habit, la
volumétrie, l’aspect schématique et massif.

b. La période babylonienne (2016-1595 av. J.-C.)

Après une période troublée et transitoire de régime, c’est en 1894


av. J.-C. que Babylone devient centre régional. Observant une
tradition juridique établie à Sumer, le roi Hammourabi resté célèbre
pour son Code législatif, souhaite que « la justice prévale dans le
pays, que disparaisse l’iniquité et le mal, que le fort ne puisse
opprimer le faible ». Mais le Code est d’une sévérité qui tranche avec la coutume sumérienne.

48
Les 282 articles du Code sont gravés sur un pilier de basalte noir, à l’intention des dieux (vers 1760 av. J.-C.). Ce
n’est pas le premier texte de loi édicté par les souverains mésopotamiens ni un système législatif complet, la
législation étant garante de la bonne administration des Etats, mais c’est le plus imposant qui soit conservé. On y
réglemente le commerce, les bénéfices et les prix, la famille, le régime des propriétés, l’esclavage, les salaires...

La société mésopotamienne est représentée de manière idéalisée. Hammourabi législateur est représenté debout
en respect devant le dieu de la justice. Au sommet figure le dieu solaire Shamash, seigneur de justice, nanti des
attributs du pouvoir, qui dicte la loi au souverain qui lui fait face. Scène majestueuse, intemporelle : la divinité et
son représentant, peut-être sur une montagne (trois rangs de pierres sous les pieds du dieu assis, idéalisant les
trois classes sociales mésopotamiennes que dominent le roi et le dieu : les hommes libres, l’homme du peuple,
l’esclave). La scène rappelle l’universalité du thème de la révélation sur la montagne jusqu’au don des tables de la
loi à Moïse.

Sur le plan formel, on assiste à une continuité stylistique en dépit de l’instabilité frappante des premiers empires
mésopotamiens. La succession rapide des cités à la tête de la région était fonction de la faveur des dieux, et – plus
prosaïquement – à l’habileté des rois guerrier et conquérants.

4.2.3. Les empires assyrien (1245-606 av. J.-C.) et néo-babyloniens (990-539 av. J.-C.)
a. Les Assyriens (1245-606 av. J.-C.)

Brisant cette période de calme relatif, l’expansion


assyrienne est le fruit d’une conquête dure et violente,
assortie de la mise sur pied d’un régime autoritaire qui
repose sur une bureaucratie et une administration générale
centralisée et performante. Les réalisations sont
impressionnantes, à la mesure de la crainte et de la dureté
du régime. Les palais gigantesques tout d’abord. Ils sont
nombreux car les souverains, pour éviter les concurrences
ou les contestations qui pouvaient naître à la cour,
déménagèrent à chaque succession. Assurnasirpal II (883-
759 av. J.-C.) choisit Nimrud, Sargon II (721-705 av. J.-C.)
construit Dur-Sharrukin ou Khorsabad, Sennachérib (704-
681 av. J.-C.) érige Ninive.

Ninive comptait par exemple plus de 100.000 habitants :


cela implique une agriculture productive, l’exploitation des
populations vaincues déplacées, la permanence et
l’amélioration de la gestion des eaux et de l’irrigation
héritées des babyloniens. Les moyens dévolus à l’art
monumental, aux riches librairies, au mécénat des
souverains assyriens contrastent avec leur brutalité. L’art
est cependant au service du pouvoir politique et militaire et
célèbre cette brutalité avec un réalisme impressionnant. La
structure des complexes urbains hérite des dispositifs
sumériens et babyloniens : les ensembles palatiaux et
religieux, avec la formule pérenne de la ziggourat,
marquent encore le paysage de la cité. Sargon II conçoit
par exemple Khorsabad dans un grand carré de 3 km de
côté, doté d’une enceinte entourant deux autres ensembles
enclos de murs. L’un protège le palais, élevé sur une plate-
forme de 10 m de haut, des temples, une ziggurat comme
celle d’Ur, et les résidences des hauts personnages de
l’Etat.

Ci-dessus, à droite : le quartier palatial fortifié de


Khorsabad, en marge de la ville, ses temples et la ziggurat,
ainsi que la porte ouvrant vers la cité, richement décorée de
reliefs polychromes. Les techniques employées marquent
une évolution dans l’art de la Mésopotamie. Elles
caractériseront ensuite l’art néo-babylonien (briques en relief
émaillées) tandis que le bas-relief monumental sera
particulièrement exploité par les Perses.

49
Dans toutes ces villes, la sculpture monumentale est à
l’échelle de l’architecture : colossale, comme les taureaux
ailés, gardiens de la cité. Le décor sculpté est omniprésent.
Le bas-relief et la peinture murale sont remarquables : les
palais en livrent des exemples à foison. Ces décors sont
destinés à impressionner et à convaincre : ils servent la
propagande du souverain tout puissant. On privilégie la
narration. La place du souverain est dans l’histoire, et s’il est
représenté de manière stéréotypée, les récits sont eux par
contre très réalistes. Comme pour mieux impressionner, toute
l’horreur de la guerre est dépeinte à la faveur d’un réalisme
cruel. Les scènes de chasse d’Assurbanipal, allégories de la
guerre et passe temps favori des souverains, guerriers mais
lettrés, sont parmi les plus grands chefs-d’œuvre de l’art. On
notera la foison de détails et la finesse technique de la
sculpture.
[1]

[1] scène de chasse du palais de Ninive (Sennacherib)


[2] taureau ailé monumental, avec perspectives décomposées (bas-relief 2D, et non statuaire 3D)
[3] enduits peints muraux, Khorsabad (Sargon II)
[4] Sargon II à Khorsabad, bas-relief

[2] [3] [4]

50
4.2.4. La période néo-babylonienne (990-539 av. J.-C.)

Face à la puissance assyrienne, les Babyloniens se sont maintenus vaille que vaille. Babylone survécut donc au
côté des autres capitales. Au VIIe siècle av. J.-C., une nouvelle dynastie dite néo-babylonienne est instaurée.
Nabuchodonosor II symbolise, avec la prise de Jérusalem en 586 av. J.-C., la politique de grandeur poursuivie.
Babylone est remodelée : elle couvre 8,5 km2 des deux côtés de l’Euphrate, avec une grande enceinte doublée de
fossés. C’est de cette Babylone-ci que l’on se souvient en général. Deux mille ans s’étaient cependant écoulés
depuis l’apparition des premières ziggurats à Sumer. Rien n’y manque : portes solennelles, ziggurats, temples,
palais, jardins suspendus... La ziggurat de Marduk, à la base carrée de 90 m de côté, mesurait près de 100 m de
haut. Elle correspond, avec la ziggurat d’Ur, prototype du thème architectural, à l’image qui sera répandue au
Moyen Age et à la Renaissance de la tour de Babel biblique. Revêtue de briques bleues, émaillées et s’élevant sur
7 niveaux, elle dominait le légendaire palais de Nabuchodonosor, sur les rives de l’Euphrate.

Ces architectures gigantesques étaient décorées par de somptueux décors de briques émaillées figurant des lions
la déesse Ishtar), des griffons (Mardouk, dieu de la ville et dispensateur d’éternité) et des motifs floraux
magnifiques.

Ci-dessous, à gauche : la porte d’Ishtar, accès majeur à la limite du quartier palatial fortifié, sur l’allée
processionnelle également reliée aux sanctuaires principaux avec la ziggurat (règne de Nabuchodonosor II, vers
575 av. J.-C.).

La brique et la pierre constituent les matériaux de base utilisés au Proche-Orient dans la haute Antiquité. Les
architectures étaient en briques crues. Le parement des murs des grands monuments religieux comme les
ziggurats étaient en briques cuites, assurant la pérennité des structures et la netteté des lignes. Les lits de briques
n’étaient pas liés au mortier, mais parfois au bitume avec des fibres naturelles. Les souverains comme Ur Nammu
à Ur, marquaient d’un timbre chaque brique servant à la construction. A la période assyrienne puis néo-
babylonienne, les parements seront décorés de briques cuites émaillées polychromes.

51
4.3. L’Egypte pharaonique

p. 124-217

L’art de l’Egypte ancienne est le reflet d’une société strictement hiérarchisée. Il répond à l’obsession pour la mort et
l’au-delà. Il joue sur les matériaux somptueux et les dimensions démesurées. Ses formes caractérisées par un
conservatisme obstiné n’ont pas changé pendant 3000 ans. Au IVe siècle av. J.-C., Platon affirmait que l’art
égyptien n’avait pas changé en 10.000 ans. En dépit d’une chronologie défaillante, il touchait une vérité centrale :
la continuité de l’art de l’Egypte antique est quasiment unique.

4.3.1. Une émergence spectaculaire – une identité pérenne


a. Chronologie
Nous ferons des choix en présentant de manière volontairement réductrice quelques thèmes pour chaque période.

Quatre périodes principales seront présentées, séparées par des périodes intermédiaires de déliquescence
du pouvoir central :

- l’époque archaïque ou protohistoire (vers 3000-2635 av. J.-C.) (Ie-IIe dynasties)


- l’Ancien Empire (2670-2195 av. J.-C.) (IIIe-VIe dynasties)
- le Moyen Empire (2040-1781 av. J.-C.)
- le Nouvel Empire (1550-1075 av. J.-C.)

b. L’époque archaïque (vers 3000-2635 av. J.-C.)

La palette de Narmer, v. 3000 av. J.-C. Schiste sculpté en bas-relief.

La « palette » qui célèbre Narmer, le premier pharaon qui unifia


l’Egypte environ 3100 av. J.-C., contient déjà de nombreux éléments
essentiels de la tradition fixée, durant l’Ancien Empire, codifiée
durant le Moyen Empire, copiée jusqu’au Nouvel Empire. Le plus
frappant est la pose dans laquelle il est représenté. La tête, les bras
et les jambes sont de profil, les jambes légèrement ouvertes, dans
une position caractéristique. Pourtant, grâce à une distorsion
anatomique évidente, son torse nous fait face. On trouvera la même
pose dans les œuvres produites 2500 ans plus tard. L’art est avant
tout symbolique : dans ce cas, il s’agit de représenter le triomphe de
Narmer sur ses ennemis. Plus les personnages sont grands, plus ils
sont importants. La nudité indique l’infériorité. Bien que les détails
individuels soient rendus avec une grande précision, à de rares
exceptions d’autant plus remarquées [voir l’évolution de la sculpture
au Moyen Empire et Akhénaton au Nouvel Empire], on ne décèle de
manière générale aucun naturalisme. Moins le sujet et les
personnages sont importants, plus la représentation reflète le cadre
réaliste. Bien que les personnages se tiennent sur le sol, aucun
repère n’est donné ni ne représente l’espace occupé.

Les témoins de cet art caractéristique se sont essentiellement


développés sur des supports monumentaux (bas-reliefs et fresques
pariétaux, statuaire...) et sur des supports mobiliers (art funéraire,
parure...).

Durant la période prédynastique, les communautés qui pratiquent l’agriculture se développent le long du Nil : de
7000 à 3000 av. J.-C., comme en Palestine, en Mésopotamie et en Anatolie, le mouvement est similaire. En
Egypte cependant, la constitution en état n’intervient qu’un millénaire après l’apparition des premières architectures
monumentales d’el Obeid et d’Uruk, entre la mer Rouge, le Tigre et l’Euphrate. Néanmoins, la naissance de l’état y
est simultanée à la constitution des cités états sumériennes de Mésopotamie. L’apparition et le développement de
l’écriture sont contemporains de celle qui apparaît en Mésopotamie, vers 3000 av. J.-C.

52
4.3.2. Les caractères artistiques majeurs à travers l’Ancien Empire (2670-2195 av. J.-C., IIIe-VIe dynasties), le
Moyen Empire (2040-1781 av. J.-C., XIe-XIIIe dynasties) et le Nouvel Empire (1550-1075 av. J.-C., XVIIIe-XXe
dynasties)

a. L’architecture funéraire et religieuse


Alors qu’en Mésopotamie, on ne suit pas à pas l’évolution progressive de la monumentalisation de l’architecture,
toujours en briques crues avec parfois des fondations en pierre, en Egypte, la pyramide trouve une origine dans
l’adaptation soudaine des sites funéraires à la réalité d’un pouvoir fort et unifié sur la région, mis en place durant
les deux premières dynasties. L’architecture égyptienne se caractérise par des éléments massifs en pierre, des
murs talutés plus larges à la base qu’au sommet, les pyramides et des statues colossales, de puissantes
colonnades. Les formes végétales symboliques de l’Egypte sont utilisées pour les chapiteaux (lotus, lys et papyrus)

Sur le plan architectural, les pyramides n’apparaissent cependant pas immédiatement sous la forme idéale, elles
ont une histoire, même si l’idée de leur réalisation est effectivement soudaine. D’emblée, la formule est totale et ne
sera que peu transformée : cela implique que l’organisation religieuse et que les rites adoptés sont totalement en
place dès le départ. Il n’y a pas de véritable étape intermédiaire entre la période dite archaïque et cette
démonstration théocratique immédiate : théocratie car ces réalisations sont à la mesure de la puissance d’un
pouvoir religieux et politique. Les pharaons sont déifiés et représentant des dieux, ils sont les guides et les
administrateurs tout puissants de la nation.

Le tombeau pyramidal à degrés de Djéser (2675-2625 av. J.-C.), v. 2650 av. J.-C., Saqqarah, architecte Imhotep.
Les premiers complexes funéraires monumentaux n’apparaissent en Egypte que sous Djéser, à Saqqarah, près
de mille ans après les premiers complexes monumentaux d’el Obeid et d’Uruk (ci-dessus).
Le tombeau du pharaon Djéser est le premier grand monument de
pierre au monde. Il s’agit aussi de la plus ancienne pyramide d’Egypte.
Sa conception révolutionnaire fut l’œuvre du vizir Imhotep, ingénieur,
médecin...et architecte qui sera ensuite adoré comme dieu de la
sagesse et maître des architectes. La pyramide à degrés se compose
en fait comme si l’on avait empilé six monuments traditionnels à un seul
niveau (mastabas), superposés les uns sur les autres en cinq degrés de
taille décroissante, en calcaire blanc, atteignant une hauteur de 60 m.
La base mesure 125 sur 109 m. L’édifice faisait partie d’un ensemble
religieux entouré d’une enceinte en pierre calcaire de 547 x 278 m. Une
seule véritable entrée parmi de nombreuses fausses portes répartie le
long des redents aboutissait dans une immense cour où se dressaient
des édifices factices reproduisant les façades du complexe palatial de
Djéser. On y trouvait des avenues, des vestibules à colonnades, des
autels, des chapelles et des entrepôts ou magasins. Il s’agit du premier
usage de la pierre dans un monument de cette envergure. Le caveau
funéraire est situé à 27 m sous terre, sous le monument.

Pour la première fois aussi, le roi se fait représenter par une statue
monumentale intégrée au complexe funéraire (à droite). On perçoit
encore la distinction avec la première sculpture mésopotamienne, où
nous avions vu les premiers rois prêtres, représentés les bras croisés et
modestes devant les dieux, tandis qu’ici le roi est immédiatement
représenté sévère et tout puissant, divin presque. La statue de Djéser
ne mesure que 1,42 m de haut pourtant. On le voit sur le trône avec
une barbe de cérémonie et une perruque royale : aura de puissance.
Ce type de représentation sera répété durant des millénaires.

53
Pyramides de Snefrou (Meidoum, noyau à degrés ; Dashur : forme rhomboïdale), Kheops (2545-2520 av. J.-C.)
(Gizeh)

54
55
Le temple mortuaire est presque toujours sur la face est de la pyramide, le temple de la vallée, le long du Nil,
étant relié à la pyramide par une longue allée. Prenons un des ensembles les plus caractéristiques de ce type de
dispositif. La pyramide et les temples de Khephren, fils de Kheops, à Gizeh (2510-2485 av. J.-C.). Le temple de la
vallée était utilisé pour des rites de purification durant les funérailles. 33 statues étaient vouées à des rites de
survie du souverain dans l’au-delà (avec dons d’offrandes).

Le temple funéraire de Khephren est


accessible grâce à un couloir de 400 m de
long. C’est le premier temple qui présente
5
les cinq divisions classiques de la typologie
religieuse égyptienne : 1. vestibule d’entrée
4
à colonnes - 2. cour centrale ouverte - 3. les
niches de 5 statues du pharaon - 4. des 3
magasins pour stocker les offrandes - 5. une
niche au plus profond du sanctuaire avec
une statue du pharaon, destinée à la
2
présentation et au don des offrandes.
1
Dans le complexe de Khephren, la statue la
plus monumentale jamais conçue est
localisée à côté du temple de la vallée : le
fameux Sphinx. Il s’agit du corps d’un lion
haut de 20 mètres et long de 73 mètres. Il
est sculpté dans le roc. La coiffe royale était 1
parée du cobra déployé. On discerne encore
le départ de la barbe de cérémonie (voir
illustrations page suivante).

56
La planimétrie des temples de l’Ancien Empire, adopté dans l’exemple du temple funéraire
de Khephren à Gizeh, est désormais standardisée et aboutit dans l’architecture du Nouvel
Empire dont les exemples les mieux connus sont ceux de Thèbes, proches de la vallée
des Rois et des Reines : Louqsor et Karnak ([1] le temple de Louqsor dont on observe
l’agrandissement au cours des règnes, et l’usurpation monumentale alors couramment
pratiquée, e.a. par Ramsès II, 1290-1224 av. J.-C. ).

[1]

Louqsor
Aménophis III
Ramsès II

8-9. sanctuaires Un trait récurrent de


l’architecture
7. salle hypostyle monumentale
égyptienne est
6. cour péristyle l’intégration des
symboles des royaumes
de haute et de basse
Egypte dans les
supports (piliers,
5. colonnade colonnes) : supports
campaniformes (lys) et
2. pylône papyriformes (papyrus)
pour la basse Egypte
(ci-dessous), et
3. cour péristyle lotiforme (lotus en
bouton) pour la Haute
Egypte (ci-dessus).

57
Les tombeaux royaux sont désormais des structures rupestres censées se soustraire aux yeux des pillards. Ces
temples rupestres d’une monumentalité extraordinaire s’intègrent au paysage, marquent notamment la périphérie
des royaumes et caractérisent le Nouvel Empire : Deir-el Bahari (Hatshepsout, 1479-1458 av. J.-C.) et Abou
Simbel, érigé par Ramses II (1290-1224 av. J.-C.) pour son culte, le panthéon égyptien et son épouse Néfertari.

b. Les arts visuels

Après Djeser, qui fixe en quelque sorte le canon de la représentation des souverains, assis bien droits, puis debout
en marche ou figés dans le thème des piliers osiriaques (Osiris), les pharaons seront représentés dans tous les
grands temples de l’Empire, de manière colossale souvent, et en sphinx notamment.

Peintures et reliefs : la fixation des canons artistiques.


Durant la très brève période de 250 ans que dure le Moyen
Empire, par rapport aux trois millénaires de l’histoire de l’art
égyptien, les artistes ont épuisé toutes les possibilités
créatrices. Les normes établies sur base des pratiques
artistiques d’emblée considérée comme parfaites durant
l’Ancien Empire, sont fixées pour les deux millénaires
suivants. Le siège de la dynastie est localisé en Haute
Egypte et les influences soudanaises et nubiennes, portes
de l’Afrique noire, se ressentent. Les artistes s’inspirent
donc de l’art de l’Ancien Empire, pour en accentuer les
valeurs traditionnelles, les idéaliser et les transmettre
comme fil conducteur. Cette transmission de l’héritage de
l’Ancien Empire est également perceptible dans l’adoption
des complexes funéraires pyramidaux qu’ils reproduisent à
de plus petites échelles, dans un souci de filiation avec les
premières dynasties puissantes. Toutes les expressions
sont représentées et témoignent d’une grande variété de
représentations artistiques. Nous en soulignons deux
aspects : le travail des proportions et l’absence de
perspectives très caractéristiques des canons de l’art
égyptien, notamment en peinture et en bas-relief ; puis
l’évolution du portrait dont l’idéalisme s’effacera peu à peu
au profit d’un réalisme parfaitement maîtrisé et employé à
des fins démonstratives sur la personnalité du roi.

58
Cette stèle dite d’Anef (vers 2050 av. J.-C., XIe dynastie), est le premier exemple de carroyage utilisé comme
système d’esquisse. Ce système apparaît à la fin de l’Ancien Empire et permet au Moyen Empire, de subdiviser
les systèmes de proportion antérieurs : on augmente les repères et on trace un canevas de carrés. Dans cette
tentative, on constate que le système est peu précis et ne coïncide pas avec les éléments de la représentation
(pieds, tabouret). Dans l’entêtement d’une formalisation théorique plutôt que d’une représentation naturelle, celle-
ci est donc parfois maladroite. Quand le canevas n’est pas maîtrisé, on aboutit à des maladresses. En fait, de
l’Ancien Empire au Moyen Empire, l’on passe d’un art spontané à une réflexion analytique qui transmet les
caractères artistiques normatifs pour les périodes postérieures, jusqu’au dernier millénaire av. J.-C.

Scène de chasse au gibier


d’eau (Nouvel Empire).
Tombeau de Nebamon
(XVIIIe dynastie), chassant
dans les fourrés sur une
barque de roseaux,
accompagné de sa femme
et de sa fille, tient à la main
un boomerang. Dans cette
représentation classique
des plaisirs de la vie en
espérant qu’elle se
reproduise dans l’au-delà,
on observe le traitement
des plans successifs de la
scène, traités en 2D, avec à
peine esquissée, une
suggestion de la troisième
dimension et des
perspectives : oiseaux en
enfilade, le chat et les
oiseaux emmêlés.

59
60
- La sculpture en ronde bosse (illustrations p.60)

La sculpture égyptienne est réalisée pour toujours être vue de face.

Ancien Empire (p.60, illustration supérieure gauche)

- Khephren (2510-2485 av. J.-C.), rappel Djéser. Œuvre la plus remarquable de l’Ancien Empire. Perfection
technique. Dogme royal pétrifié : pagne court, barbe et perruque. Visage idéalisé. L’aspect humain de la royauté
s’efface devant l’aspect divin. Ici, Horus protège directement le roi avec ses ailes, ne faisant qu’un avec lui.

Moyen Empire

- Mentouhotep II (2061-2010 av. J.-C.) (p.60, illustration supérieure droite) : caractère sauvage qui précède la
réunification de l’Empire. Caractère divin qui montre que sa souveraineté dépasse son existence terrestre.
- Sésostris Ier (1971/62-1926 av. J.-C.) (p.60, illustrations milieu). Il existe des différences selon la main de certains
artistes, selon l’âge du roi aussi, mais encore selon l’emplacement des statues. Sésostris Ier représenté en Osiris,
en suaire de momie, bras croisés et sommé de la couronne blanche. Il figure un dieu mort devenu terre qui
remonte régulièrement à la surface du monde souterrain. Illustration de gauche, la statue est d’Abydos, temple
d’Osiris ; illustration de droite, elle est à Karnak, temple de la religion solaire d’Amon Râ. On voit la différence de
représentation : à gauche dans le temple d’Osiris même, la conscience de la mort du dieu est perceptible ; le
regard porte vers l’au-delà. À Karnak, à droite, le même personnage représenté dans le même thème, répond au
dynamisme du style dicté par le culte au dieu solaire, roi des dieux. L’aspect et la conscience du roi passent avant
l’apparence des dieux. Loin d’être un dieu mort, cette fois Sésostris est quasiment prêt à parler, les mains tiennent
des insignes plutôt que d’être passivement croisées. La tête est élancée. Le regard est vivant. Osiris est représenté
comme roi vivant, figurant non plus Osiris près du monde souterrain de la mort mais ressuscité, à la lumière du
soleil, dieu de la végétation. Plus réaliste.
Avec Sésostris II (p.60, illustrations en bas, milieu), apparaît un certain individualisme associé à représentation de
l’Etat consolidé. Physionomie sauvage de Sésostris III (18781840 av. J.-C.) : les européens voient, après un
examen superficiel, une expression de mélancolie et de tragique. Une analyse objective et le recours aux textes
qui relatent son règne, font découvrir dans ses traits les signes de la décision et de la conscience de soi. Mais le roi
est représenté vieilli et fatigué par l’exercice difficile de son pouvoir. Réalisme sans concession.

Nouvel Empire

- Thoutmosis III (1490-1439 av. J.-C.) (p.60), illustrations en bas à droite): tendance au raffinement, finesse,
préciosité aussi. Entre idéal et fragilité, assurance tout à la fois. La reine Hatshepsout (1479-1458 av. J.-C.),
représentée sous des traits masculins du pharaon dont elle occupait la fonction a fait sculpter de magnifiques
statues de ce style.

Les ruptures éphémères du Nouvel Empire (1550-1075 av. J.-C., XVIIIe-XXe dynasties)
Akhenaton (1365-1347 av. J.-C.), Néfertiti, Toutankhamon (1347-1336 av. J.-C.) : l’art amarnien

Une exception inédite tant dans les canons artistiques, que dans la manière même de représenter la famille du
pharaon : Amenhotep ou Amenophis IV, qui prend le nom d’Akhenaton et Néfertiti. Comme le nom l’indique, ce
pharaon désigne Aton, dieu soleil, comme dieu unique dont il se consacre l’incarnation, et s’oppose ainsi à
l’influence des prêtres d’Amon. Ceux-ci contrôlèrent par exemple jusqu’à toute la partie sud du pays tandis que le
pharaon ne conservait un pouvoir véritable que sur le nord. Cet abandon du panthéon polythéiste, dès son décès,
forcera son effacement de la mémoire collective par les prêtres d’Amon. Caractères principaux : sensibilité inédite,
suggestion de perspective, individualisation étonnante, représentation de face rare dans l’art égyptien, plastique
sculpturale raffinée, et – surtout – revendication de l’humanité des membres de la famille du pharaon :
représentation intimiste de jeux et d’embrassades avec des enfants. Comme son nom l’indique également, son fils
Toutankhamon rétablit les cultes traditionnels y compris celui d’Amon, succombe à nouveau à l’influence des
clergés, mais conserve encore durant son règne cette liberté inédite dans l’art égyptien.

61
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[1] [2] [3]

[4] [1] Eléments inachevés de


bustes de la reine Néfertiti,
similaire à celui de
l’Ägyptisches Museum de
Berlin [2], découverts à
Tel el Amarna dans un
atelier dont l’artiste se
nommerait Thoutmosis (?).
Tel el Amarna donne son
nom à l’art amarnien de ce
règne, en vert du nom de
la capitale alors appelée
Akhetaton. Celui-ci est
représenté de manière
tout-à-fait inédite et à vrai
dire curieuse et sans
concession physique [3].
Les scènes intimistes sont
nombreuses dans l’art de
la cour de cette période
[4].

62
5. La Grèce

5.1. L’Age du Bronze p. 322-343

Thalassocratie égéenne : les Minoens 3000-1600 à 1400 av. J.-C. : la Crète

La civilisation minoenne, la première connue en Europe, constitue la première phase de l’Age du Bronze. Cette
première période dure en Grèce du IIIe millénaire au XVIe siècle av. J.-C. On qualifie cette civilisation de minoenne.
Cela est dû à Arthur Evans qui fouilla Cnossos et s’inspira de la tradition faisant de Cnossos le palais du roi semi-
légendaire Minos. On passe alors de sociétés segmentaires caractérisées par de nombreux villages
qu’accompagnent des tombeaux communautaires comme les tombes à coupoles (tholoï) de la plaine de Messara,
à des chefferies rassemblées autour de quatre capitales de royaumes (Phaïstos, Zakros, Mallia et Cnossos)
possédant des palais caractéristiques. On parle de période proto-palatiale.

La première phase de l’histoire minoenne se termine entre 1700 av. J.-C. et l’éruption du volcan
de Théra, île située plus au nord, entre 1630 et 1620 av. J.-C. (cf. Akrotiri). Durant cette nouvelle
période, dite néo-palatiale, Cnossos domine l’île. Les palais minoens et les fermes rurales seront
tous détruits lors de raids mycéniens en 1450 av. J.-C. environ.

La domination continentale : les Mycéniens 1600-1100 av. J.-C. : Mycènes

5.1.1. La civilisation égéenne : la Crète et Cnossos (3000-1600 à 1400 av. J.-C.)

Les Minoens ne semblent pas se rattacher aux indo-européens, si l’on en juge par l’écriture hiéroglyphique et
l’écriture dite linéaire A qu’ils utilisent (disque de Phaistos), aux références non indo-européennes. Des documents
écrits en linéaire A sont retrouvées en Crète, et également dans des colonies présumées ou chez des partenaires
commerciaux des Cyclades. Ces écritures restent indéchiffrées. C’est avec l’arrivée des Mycéniens que le linéaire
B apparaît et se répand dans le courant des XVe et XIVe siècles av. J.-C. Adaptée du linéaire A, le linéaire B est
une écriture syllabique de laquelle va dériver l’écriture grecque, alphabétique cette fois. Elle comporte donc des
signes individuels de la valeur d’une syllabe qui cohabitent avec des signes pictographiques. Les textes conservés
sur des tablettes en terre crue séchée ou sur des sceaux et des céramiques nous renseignent sur la vie sociale,
économique surtout et rarement religieuse. On mentionne ainsi des dieux qui seront intégrés dans le futur
panthéon grec (Zeus, Athéna, Apollon et Poséidon).

63
Cnossos, sur le littoral nord de la
Crète, est le plus grand palais
minoen. Le palais a été construit vers
1900 av. J.-C. sur les vestiges de la
cité antérieure d’un millénaire. Ses
bâtiments à plusieurs étages sont
disposés autour d’une cour centrale
et abritent des pièces d’apparat
somptueusement décorées, des
entrepôts de grain et d’huile, des
ateliers, des sanctuaires et des
archives. Les Mycéniens l’occupent à
partir de 1450 av. J.-C. jusqu’à sa
destruction au XIIIe mil. av. J.-C.

Fresque de l’aile est du palais. On ignore si les nombreuses scènes de tauromachie représentées dans l’art
minoen sont le reflet d’un rituel ou d’un sport [1]. A droite [2], exemple de peinture murale réaliste caractéristique
de l’art minoen, teinté de caractères orientalisant (fresque d’une maison d’Akrotiri, île de Théra).

[1] [2]

L’agriculture intensive du blé, de l’olivier et de la vigne dans les plaines, l’élevage dans les zones montagneuses et
les activités maritimes – activités commerciales et de pêche – font de la civilisation minoenne une société
dynamique ayant de nombreux échanges avec toutes les régions de la Méditerranée. Textile, poterie et métallurgie
sont également des activités importantes sur l’île.

Déesse aux serpents. Figurine en ivoire peint (1600-1550 av. J.-C.), palais de
Cnossos. Il s’agit peut-être une prêtresse. Les palais et les maisons comportaient
des pièces réservées au culte et de petits sanctuaires.

Représentations de danseuses. Les


représentations empruntent aux
courants artistiques orientaux (yeux
en amande, bustes de face et vues
de profil...)

64
5.1.2. La civilisation continentale : Mycènes (1600/1400-1200/1100 av. J.-C.)

Mycènes est un site isolé entre deux ravins, formant une acropole naturelle. Fondé au XVIIe siècle av. J.-C., il
domine les voies qui joignent l’isthme de Corinthe au Péloponnèse. Les premières fouilles y furent réalisées par H.
Schliemann en 1876, dans sa longue quête des
vestiges et des témoignages des récits homériques.
Ce site a donné son nom à une civilisation guerrière
continentale. La civilisation mycénienne domina le
centre et le sud de la Grèce de vers 1650 à 1100 av.
J.-C. au départ des sites majeurs de Thèbes,
Athènes, Pylos, Tirynthe et Mycènes.

Cette Grèce mycénienne était gouvernée par une


classe guerrière héréditaire dirigée par des rois. Le
palais constitue le centre de chaque royaume. Il est
construit dans une citadelle imprenable, tandis que la
majorité de la population vivait hors-les-murs. Ces
palais sont décorés de peintures murales illustrant
des scènes de guerre et d’attelage (Pylos). Des
centres cultuels sont dédiés à des dieux qui seront
encore vénérés durant l’âge grec classique. Ils sont
intégrés à ces citadelles.

Des dagues en bronze incrustées d’or, de cristal et de lapis-lazuli provenant de riches sépultures du XVIe siècle av.
J.-C. représentent aussi des scènes de chasse entre les membres de l’aristocratie guerrière et des fauves. Ces
matériaux et l’iconographie témoignent des relations commerciales étendues, jusqu’à l’Asie centrale, à l’Âge du
Bronze.

Des habitations sont


construites à l’ouest du site,
dans la ville basse, à côté
d’une nécropole. Un rempart
entoure la citadelle,
protégeant l’éperon naturel et
incorporant un des deux
cercles de tombes. Une autre
nécropole, un peu plus
ancienne, est située à
l’extérieur (tombes de l’élite).
Un premier palais occupe le
centre de la citadelle. Il
semble donc qu’une dynastie
ait occupé le palais durant un
siècle, de vers 1650 à 1550
av. J.-C., en utilisant les
tombes de ces nécropoles.
Ce sont des tombes à fosses
aménagées, simplement
creusées dans la roche et
couvertes de dalles.

65
Un siècle plus tard, aux XVe et XIVe siècles av. J.-C., un nouveau type
de tombes apparaît : des tombes à tholos (tholoï), ou à chambre
souterraine couverte d’une coupole. Elles sont peut-être liées à un
changement dynastique et à la pratique de nouveaux cultes. Neuf sont
connues. Elles sont plus monumentales : taillées à flanc de colline,
elles sont construites avec de gros blocs, couvertes de tumulus et
accessibles via un dromos (couloir). Le matériel de ces tombes est
remarquable, démontrant la prospérité de la cité et du monde
mycénien plus en général (masque dit d’Agamemnon du premier cercle
de tombes à l’intérieur des murailles de Mycènes [1] et coupe dite de
Nestor à Pylos [3], gobelets de Vaphio [2], dagues de Mycènes,
armure de Dendra).

[1] Masque mortuaire en or, dit d’Agamemnon, réalisé vers 1550 av. J.-C., bien avant la date probable de la guerre
de Troie, en dépit des allégations de Schliemann, toujours en quête des témoins des récits homériques.

[2] [3]

La citadelle est réaménagée à plusieurs reprises. Sa construction et les


habitations de Mycènes sont surtout datées du XIIIe siècle av. J.-C. Une
enceinte cyclopéenne, car les Grecs croyaient que seuls des Cyclopes
pouvaient bâtir avec de tels blocs, est construite, agrandissant la première.
On construit la célèbre porte des lions ou des lionnes : la rampe d’accès y est protégée par deux bastions.
L’enceinte est épaisse de six mètres et atteint encore jusqu’à 17 mètres de hauteur. Au nord-est, un passage
souterrain accède à une citerne d’eau accessible en toute sécurité depuis le site fortifié. Le palais est doté d’une
grande cour, on y accède par un escalier monumental, menant à la salle du trône, aux magasins et à un sanctuaire
(14-17 : temple), via un corridor. Le Mégaron contigu comprend un portique, un vestibule et une salle à foyer
central. Par ailleurs des représentations d’idoles ont été découvertes dans une maison particulière. Les greniers
sont également localisés dans la citadelle.

66
5.1.3. Les « Ages obscurs » (début de l’Age du Fer) : 1200/1100-800/700 av. J.-C. p. 344-359

Entre le XIe et la fin du VIIIe siècle av. J.-C., après les invasions des Peuples de la Mer, survient ce qu’on appelle
l’âge sombre. Ces bouleversements surviennent également dans le monde oriental. Les caractéristiques de la
civilisation mycénienne perdureront après le XIIe siècle av. J.-C., malgré la disparition des couches sociales
supérieures. C’est donc la fin des souverainetés mycéniennes. Mais les sites bien fortifiés seront toujours occupés
et les bourgs et les villages abandonnés (Tirynthe, Mycènes par exemple), avec une population et un niveau de vie
amoindris.

L’usage de l’écriture disparaît pendant 400 ans. Au Xe siècle av. J.-C., les langues préhelléniques et helléniques
divisent la Grèce en unités régionales bien définies. Une certaine stabilité réapparaît et des villes ré-émergent.
Elles se développent invariablement autour d’une acropole, citadelle de hauteur, qui sert de refuge. Aux XIe et Xe
siècles av. J.-C. de nombreux Grecs quittent leur pays pour essaimer en mer Egée.

Les poèmes d’Homère, composés au VIIIe siècle av. J.-C. rendent compte des chefferies ou souverainetés qui
coexistent alors, le roi cumulant les charges politiques et religieuses dans une communauté tribale. Son aristocratie
l’aide à exploiter les domaines ruraux avec l’aide d’esclaves et d’ouvriers. Les guerres sont essentiellement
conduites pour des questions de prestige.

5.2. Les cités états grecques VIIIe- IVe siècles av. J.-C.

5.2.1. La céramique
Elle constitue une des productions les plus caractéristiques de l’art et de l’artisanat grec. Les potiers grecs
introduisent l’usage du tour rapide.

[1] céramique de l’art “ naturaliste ” crétoise (XVe siècle av.


J.-C., cruche au poulpe) reflétant l’attrait pour la nature et
les sujets marins chez les Minoens ; systématisation du
recours à la tournette et au tour rapide
[2] abstraction chez les Mycéniens (ondes et vagues
d’influence crétoise XIe siècle av. J.-C., Athènes)
[3-4-5] évolution des décors abstraits : céramique à décors
géométriques (VIIIe-VIIe siècles av. J.-C.)

[1] [2]

[3]
[4]

67
[6] proto-corinthien et corinthien [7] ; figuration sur fond blanc-rouge (VIIe siècle av. J.-C.)
[8] figures noires sur fond rouge (à p. VIIe-VIe siècles av. J.-C.)
[9] figures rouges sur fond noir (à p. fin VIe-Ve siècle av. J.-C.)
[10] polychromie (comme les fresques ?) : à p. du Ve siècle av. J.-C.

[5] [7]
[6]

[8] [10]

[9]

68
- période archaïque : 800/700-480 (IXe-Ve siècles av. J.-C.)

- période classique : 480-323 (Ve-IVe siècles av. J.-C.)


(Philippe de Macédoine, † 336 et Alexandre le Grand † 323 av. J.-C.)

- période hellénistique : 323-31 (IVe-Ier siècle av. J.-C.)


(Bataille d’Actium, 31 av. J.-C.)

5.2.2. Les ordres architecturaux

L’architecture grecque va formaliser les premiers ordres architecturaux, qui marquent l’architecture jusqu’à nos
jours. Les deux ordres majeurs sont le dorique et l’ionique. Le corinthien s’y additionne avec un style végétal
caractéristique en adoptant les conventions de l’ordre ionique. Avec Rome, se diffusera l’ordre toscan, courant
dans nos régions. Les éléments fondamentaux de l’architecture antique classique gréco-romaine sont résumés ci-
dessous.

5.2.3. Urbanisme et architecture


Ce sont les colonies qui développeront des principes urbanistiques réellement originaux, dès le VIIe siècle av. J.-
C., adoptant une organisation ex nihilo en îlots quadrangulaires réguliers, et anticipant les principes de l’urbanisme
hellénistique qui influencera les modèles urbains romains et gallo-romains jusque dans nos régions du Nord-Ouest
européen.

a. Paestum [1], au sud de Naples, est un des sites grecs les mieux conservés en Italie. C'est une colonie du VIIe
siècle av. J.-C. qui monopolise le commerce régional avec les Etrusques, au nord de l'Italie. Le rempart de la ville
est long de 5 km. Le plan orthogonal est créé ex nihilo, sur une grande terrasse aménagée près de la mer. Le plan
est caractéristique de l'urbanisme gréco-romain : carroyage, grands secteurs publics : agora (ici : forum), et
temples des VIe et Ve siècles av. J.-C. (Héra, déesse de la Fécondité, Poséidon ou Neptune (dorique), et Athéna
(Cérès, déesse des moissons).

b. Corinthe [2] a une position stratégique sur l'isthme qui relie le Péloponnèse et le reste de la Grèce. Elle
prospère comme carrefour commercial durant les VIIe et VIe siècles av. J.-C., notamment grâce à la production
spécialisée de céramiques. Elle est détruite en 146 av. J.-C. par les Romains puis refondée en 44 av. J.-C. sur le
même canevas. Son urbanisme illustre la pérennité des principes initiés en Grèce au Ve siècle, et qui constituent le
69
prototype de la ville romaine puis gallo-romaine, jusque chez nous (carroyage, forum,…). Toujours, au pied d’une
colline où est perchée une citadelle. On distingue le secteur des loisirs et le secteur public : le premier représenté
par le théâtre et l’odéon, le second par l’agora. Le temple d'Apollon, du VIe siècle, avec celui de la colonie de
Paestum, est un des plus anciens de Grèce. L'odéon et le théâtre, repris par les Romains, constituent ici un des
apports majeurs dans un nouveau type d'architecture : l'architecture de spectacle qui fait son apparition dans la
trame urbaine (odéon : spectacles musicaux ; théâtre : comédie et tragédie). Les cirques et les amphithéâtres
n’existent pas encore chez les Grecs, et seront ultérieurement édifiés par les Romains. Par contre, des stades sont
construits sur les sites où se déroulent les jeux panhélleniques.

c. Les sanctuaires panhélleniques les plus importants sont situés à Olympie et à Delphes.

p. 360-437

[1] Plan et vue de Paestum et de son plan carroyé, avec l’agora et les temples doriques.

[2] Plan de Corinthe, caractéristique des cités développées au pied des citadelles perchées mycéniennes, avec les
temples archaïques et classiques, les portiques hellénistiques, les basiliques, amphithéâtres et les odéons
romains.

70
[3] [1]

[4] [2]

• [1] temple d’Apollon à Corinthe, premier temple dorique de Grèce (milieu VIe siècle av. J.-C.)
• [2] temple dorique d’Héra à Paestum, typique du dorique archaïque (milieu VIe siècle av. J.-C.)
• [3] temple dorique de Zeus à Olympie et statue chryséléphantine de Zeus (440-430 av. J.-C.) par Phidias (490-
432 av. J.-C.)
• [4] temple dorique d’Héphaïstos, agora d’Athènes (vers 450 av. J.-C.)

d. Athènes - l’agora
L’organisation de la démocratie athénienne ne va s'accompagner
de fondations monumentales qu'au Ve siècle, sous Périclès
notamment, après le siège de la ville par les Perse en 480 av. J.-
C. Athènes contrôle toute l'Attique. Le port du Pirée était le
principal point de départ vers les cités grecques d'Asie Mineure.
Ce rayonnement assure une richesse culturelle sans pareil et
durable : la parure monumentale de la ville est ainsi faite
d'additions jusqu'à la période romaine.

Les édifices de l’agora sont le cœur de la démocratie athénienne.


C’est une zone située au nord de l’acropole, site de la première
citadelle de la période mycénienne. Sur l’acropole se développe,
dès le VIe siècle, un centre cultuel tandis que la cité grandit.
L’agora sert à des réunions politiques dès la fin du VIIe siècle A
l'image de la ville, elle sera sans cesse réaménagée, jusqu’à la
période romaine (voir périodes sur le plan). Trois grands
monuments dominent l’agora : un long portique (le portique de la
période hellénistique 356-31 av. J.-C.) ; l’odéon d’Agrippa doté de
trois statues colossales (période romaine) ; et le temple dorique
d’Héphaïstos, de la moitié du Ve siècle (période classique).
Pausanias décrit ces monuments et leurs fonctions au IIe s ap. J.-
C.
71
5.2.4. Le théâtre
• Athènes, le théâtre de Dionysos
Le théâtre grec est né des fêtes
consacrées à Dionysos à Athènes. Des
chants choraux sur la vie du dieu étaient
exécutés. La tragédie se développe vers le Cavea
milieu du VIe siècle, des personnages
individualisés dialoguant avec un chœur de
chanteurs et danseurs. Un concours de Orchestra
théâtre fut organisé à partir de 534 av. J.-C.
lors des fêtes dionysiaques, dans le théâtre
naturel formé par le flanc de l'acropole face Scène - skênê
au temple dédié à Dionysos. A l'origine, le - proskênion
public était assis sur des bancs en bois
placés autour d'une piste, l'orchestra. Le
nombre d'acteurs se multiplia et le rôle du
chœur diminua, une maison des acteurs,
une scène, la skênê, fut alors construite Athènes, théâtre
face au public. On lui ajouta un proskênion, de Dionysos
surélevé, réduisant encore l'orchestra. Les
gradins furent construits en dur et
s'appuient sur les reliefs naturels.
Aménagée dans le flanc de la colline, la
cavea du théâtre de Dionysos est creusée
dans le rocher. Tous les théâtres grecs, à
travers la Méditerranée, possèdent une
uniformité remarquable et connaissent la
même évolution (ex. : théâtre construit sur le modèle d’Athènes, Epidaure [2])

[2]

5.2.5. L’Acropole d’Athènes

72
Le Parthénon est le temple dédié à Athéna à Athènes. Construit entre 447 et 432 av. J.-C. Les frises et les frontons
étaient ornés de sculptures en bas-relief. Son plan est caractéristique des édifices de culte grecs dont le type sera
repris par les Romains.

Parthénon 447-437 av. J.-C.


1. stylobate
2. péristasis
3. pronaos
4. naos
5. opisthodome

[1]

[2]

[1] Statue chryséléphantine d’Athéna à Athènes, temple d’Athéna (437-432 av. J.-C.) par Phidias (copie). Haute de
12 mètres, cette statue est reconstituée de manière hypothétique car elle fut emmenée par Justinien à
Constantinople et fut détruite au Moyen Âge. [2] Vue sur l’esplanade du Parthénon, dont le dégagement actuel
fausse la vision antique.

Vers 1400 av. J.-C. un palais mycénien s’élevait sur le site, avec ses dépendances, ses lieux de culte, entourés de
fortifications successives. L’entrée était une rampe monumentale (Propylées). Une seconde entrée dérobée était
située au nord, desservie par un escalier (rappel de la citadelle de Mycènes). Au VIe siècle av. J.-C., la ville et la
citadelle font l’objet de grands projets, dignes d’un état unifié et puissant. Vers 525 av. J.-C., le premier temple
d’Athéna est érigé à l’emplacement de l’ancien palais mycénien, alors qu’un premier temple était construit sur le
futur site du Parthénon (Panathénées 570-566). Des offrandes de statuettes archaïques de jeunes hommes et de
jeunes femmes y sont déposées (kouroï et koraï). Cet ensemble sera abattu par les Perses en 480 av. J.-C. Le
Parthénon de la moitié du Ve siècle érigé sous Périclès entre 447 et 437 av. J.-C. et décoré par Phidias entre 437
et 432 av. J.-C., est donc le troisième ou le quatrième des temples successifs sur le site. Ce chef d’œuvre de l’art
classique du Ve siècle, démantelé par lord Elgin au XIXe siècle, mesure 30,88 x 69 m. Ses colonnes doriques sont
hautes de 10,43 m, la hauteur maximale atteint 13,73 m.
Les proportions calculées sur des bases de 2 et de 3 (nombre d’or), rappellent pourtant que l’architecture grecque
est considérée comme un simple art d’exécution, au même titre que les mathématiques et la géométrie voire les
arts militaires. L’édifice est vu comme un volume : les colonnes sont très légèrement penchées pour corriger les
effets de perspectives fuyantes, les horizontales sont en réalité légèrement courbées, les colonnes ont de légères
différences d’épaisseur selon leur emplacement dans le rang (influence sur la réception de la lumière au centre ou
aux angles), la diminution de l’entraxe au niveau des colonnes des angles autorise un traitement harmonieux du
rapport entre les triglyphes et les métopes de l’angle de la frise. L’entablement et les tympans étaient couverts de
décors sculptés, notamment par Phidias, et le pronaos accueillait une statue chryséléphantine d’Athéna. Les
frontons représentaient le combat entre Athéna et Poséidon pour le contrôle de l’Attique et la naissance d’Athéna
sortie du crâne de Zeus, son père. Les métopes, longs reliefs sculptés en panneaux intercalés entre les triglyphes,
représentent des combats entre les Grecs et les Amazones, les Dieux et les Géants, les Lapithes et les Centaures,
et la guerre de Troie.

73
[2] Le temple d’Athéna Nike d’ordre ionique est situé aux Propylées, jouxtant l’escalier monumental d’accès à
l’Acropole. Conçu par l’architecte Callicratès et construit entre 427 et 424 av. J.-C.
[3] L’Erechthéion construit entre 421 et 405 av. J.-C. rassemble les cultes anciens du site, avant ses
transformations au Ve siècle av. J.-C., et est caractérisé par son portique sud aux Caryatides, qui remplacent ici les
colonnes classiques. Le portique nord est de style ionique [4].

[2] [3] [4]

5.2.6. La sculpture de la période classique (Ve-IVe siècles av. J.-C.) à la période hellénistique (IIIe-IIe siècles
av. J.-C.)

Dès le VIIe siècle av. J.-C., les sculptures


monumentales grecques servaient de dédicaces dans
les sanctuaires et de marqueurs dans les tombes (e.a.
dans le premier temple du VIe siècle, sous le Parthénon
d’Athènes). Les plus anciens modèles représentaient
des jeunes hommes appelés kouroï et des femmes
drapées nommées koraï. Inspirés par l’art oriental,
phénicien et égyptien, comme les arts étrusques de
l’Italie archaïque, les premiers sculpteurs grecs
façonnent ces statues de koraï drapées vers 660 à 500
av. J.-C. La tendance progressive des artistes sera le
réalisme : le schématisme des plis du vêtement (le
chiton, robe portée sur la tunique, dont la draperie est
gravée en lignes sinueuses, et
l’himation, manteau souvent
rejeté diagonalement sur la
partie supérieure du corps) et le
traitement du visage gagneront
par exemple en finesse et en
souplesse (féminisation, yeux
en amande, commissures des
lèvres). Les représentations
sont réalisées en terre cuite
comme en pierre et sont
polychromes. En Italie, au
contraire, on va entretenir ces
traits archaïques pour
s’opposer à la domination
grecque dont l’art évoluait vers
l’idéal. On en retrouve les traits
caractéristiques dans l’art
étrusque à l’Âge du Fer.
74
On perçoit encore le schématisme hiératique de la sculpture archaïque des cités états grecques, dans le célèbre
Aurige de Delphes [1], caractéristique de la genèse de la sculpture classique. C’était un trophée placé dans le
sanctuaire après une victoire des Siciliens (Polyzalos de Gela) vers 470 av. J.-C., lors des jeux dont les champions
étaient célébrés. Verticalité, position rigide et absence de mouvement sont frappantes. Les statues en bronze
étaient assez nombreuses mais c’est le goût des Romains pour la sculpture grecque qui nous permet de connaître
la plupart des œuvres originales des Ve et IVe siècles av. J-C., perdues, grâce à leurs copies en marbre. Parmi les
plus célèbres figurent les copies des œuvres attribuées à Polyclète, sculpteur grec de la période grecque
classique. Ce sculpteur du Ve siècle était célèbre pour ses jeunes athlètes. Se démarquant de la tradition de pose
frontale rigide antérieure, ses corps s’expriment autour d’un axe vertical qui définit une harmonie subtile et inédite
entre mouvement et équilibre, entre instant et éternité. Le Doryphore porteur de lance (deuxième moitié du Ve
siècle) en est un bel exemple (ici, copie à Pompéi [2]).

[1] [2]
[3]

Dans la sculpture classique, l’idéalisation prévaut, mais elle est servie par un style réaliste : c’est la mimesis,
dogme selon lequel l’art imite le réel. Au-delà de la maîtrise de l’expression du mouvement, une des dominantes de
la sculpture grecque est le réalisme anatomique, qui est sans égal. Le classicisme grec privilégie l’homme, corrige
les observations réalistes et multiples de la nature par une unité harmonieuse (anatomie). On cherche à figurer un
type d’homme plutôt qu’un individu. Platon dit par exemple que l’art doit continuer à remplir ses fonctions
religieuses et politiques avant de rechercher le Beau. La maîtrise du mouvement, l’équilibre sont à leur apogée
(Myron, le discobole, vers 450 av. J.-C.) [3].

Peu à peu, le naturalisme va personnaliser les figures humaines. L’Héraclès de Farnèse est une copie d’un
bronze colossal attribué à Lysippe, dans le courant du IVe siècle av. J.-C., et surtout connu pour son naturalisme
et ses silhouettes longilignes. La copie est due à un sculpteur grec athénien (Glycon) au cours du IIIe siècle av. J.-
C. [4]

À cette période, sous Alexandre le Grand surtout, durant le IVe siècle av. J.-C., ce naturalisme est porté à son
paroxysme et va définitivement supplanter le classicisme du Ve siècle dans ce qu’on appelle l’art hellénistique.
L’énergie n’est plus contenue et l’on exalte le mouvement et la gloire héroïque sans retenue. Les trois dimensions
sont conquises au maximum. Praxitèle et Scopas sont deux sculpteurs majeurs de la période de transition vers cet
art.

75
La représentation des corps ayant atteint son apogée, on travaille de nouvelles proportions. Hermès portant
Dionysos enfant (Olympie, vers 330-340 av. J.-C.) reflète bien cette tendance. Langueur du personnage confinant
à l’efféminement, corps plus lourds, têtes plus petites, adoucissement des visages et du traitement du corps par
rapport aux trais classiques [5]. Du même sculpteur, annonçant le début de l’art hellénistique par le
décloisonnement du corps dans la troisième dimension : Apollon Sauroctone [6].

[5] [6]

[4]

Art hellénistique. [7] Gaulois se donnant la mort avec sa femme, fin IIIe siècle av. J.-C. Œuvre du sanctuaire de
Pergame où Attale Ier (241-197 av. J.-C.) célèbre sa victoire contre les Gaulois – [8] Le groupe du Laocoon, prêtre
de Troie qui lutte avec ses deux fils contre le serpent envoyé par Apollon. Œuvre signée par Hagésandre, Polydore
et Athénodore de Rhodes, Ie siècle ap. J.-C. – [9] Victoire de Samothrace, ornant le bassin supérieur d’une
fontaine commémorant une victoire navale, vers 190 av. J.-C. Depuis Lysippe, les œuvres invitaient le spectateur à
regarder la statue sous tous ses angles. La Laocoon qui adopte un point de vue unique, de face, est une
exception. Le traitement des drapés entrecroisés participe à l’expression d’un mouvement débridé dans la
statuaire. [10] La Vénus de Milos présente des traits inspirés par l’art classique du IVe siècle, en renouvelant la
pose articulée en spirale autour d’un axe vertical, auquel échappent précisément les compositions hellénistiques.
Cette torsion, et la suggestion du mouvement du genou par le drapé, la nonchalance de la pose, caractérisent
cependant clairement une œuvre du IIe s.

[7] [8] [9] [10]

[7] [8] [9] [10]

76
6. De la civilisation romaine au haut Moyen Age

6.1. L’Age du Bronze au sud et au nord des Alpes (2300-900 av. J.-C.)
6.1.1. L’Italie (2200-2000 à 1500 av. J.-C.) p. 104-113

L’Italie méridionale est sous l’influence des peuples méditerranéens, e.a. via les contacts commerciaux maritimes
avec les Mycéniens du XIVe au XIIe siècle av. J.-C. Cela a des conséquences sur la vie économique, sociale,
artistique et artisanale de l'ensemble de l'Italie.
Sur le plan des techniques, les régions du nord de l’Italie importeront une nouveauté du nord des Alpes, le battage
des feuilles de bronze, qui faciliteront la fabrication des armures, des casques, des boucliers, influençant alors l’art
de la guerre à travers toute l’Europe septentrionale, comme on l’a vu au sud avec la métallurgie et l'iconographie
mycéniennes.
Ces régions, toujours sous l’influence des cultures européennes du Nord des Alpes, adopteront également un
nouveau rite funéraire : la crémation des corps, e.a. dans la culture de toute l’Italie septentrionale et continentale
du centre, de Villanova et dite campaniforme (incinérations dont les cendres sont déposées dans des vases d’où
ce nom). Les cimetières reflètent alors une égalité sociale relative. Au sud, l’inhumation se maintient : carte de
partage.
Sur le plan des techniques artisanales, les régions du sud introduiront l’invention grecque du tour rapide qui
autorise une expansion inégalée de la production de vaisselle et récipients de stockage en terre cuite.

6.1.2. L’Europe du Nord-Ouest (2000/1800 à 900 av. J.-C.)

Au Nord, au-delà des Alpes, la culture des champs d’Urnes se développe en Europe septentrionale et centrale.
Exemple Age du Bronze nord européen : incinérations [1] et tertres [2]. (page suivante)

77
[1]

[2]

6.2. Le premier Age du Fer et la période de Hallstatt au nord des Alpes (750-450 av. J.-C.)

6.2.1. Les Etrusques en Italie (VIIIe-IIIe siècles av. J.-C.) p. 450-463


Durant le dernier millénaire, avec le premier Âge du Fer, on assiste à une diminution progressive des liens de
l’Italie avec les Grecs tandis que les relations avec les cultures d’Europe centrale se maintiennent.

Les Etrusques (VIIIe-IIIe siècles


av. J.-C.) sont la première culture
archaïque d’Italie centrale.

L’exploitation du Cuivre et de
l’Etain (bronze) en Etrurie favorise
le commerce. Aux VIIe et VIe
siècles av. J.-C., les Etrusques
étendent leur suprématie sur
toute l’Italie centrale et
septentrionale.
La maîtrise des gisements
métallifères et la concentration
des revenus que génère son
commerce favorisent l’émergence
d’une riche aristocratie
guerrière.

Sur base des apports orientaux,


e.a. par contact avec les
Phéniciens et les Grecs, se
développe la civilisation étrusque,
au départ de la culture de
Villanova de l’Age du Bronze.

78
Influences orientales : Apollon de Portonaccio, Véies, 510-490 av. J.-C. [1]

La présence de Grecs en pays étrusque introduit la coutume du banquet (symposium)


et de la consommation de vin, qui caractériseront ensuite l’art de vivre romain et gallo-
romain pendant un millénaire. [2]

[1]

[2]

Le couple occupe également une place importante, accentuant le rôle du noyau familial dans la société, rôle qui
caractérisera la société romaine et la typologie des habitats individuels dans les villes, les agglomérations et les
villas rurales.
Un exemple : sarcophage des époux de Cerveteri (riches tombeaux étrusques) vers 525 av. J.-C., couchés à un
symposium, importation orientale venue d’Orient.

Cette noblesse possède des tombes à inhumation circulaires sous de grands tertres (haches, épées, mors de
chevaux) qui témoignent d’une influence celtique (char à deux roues). Véritables champs de tertres artificiels, une
cité des morts avec des "maisons" familiales apparaissent avec plusieurs générations de familles aristocratiques.

L’inhumation est donc à nouveau privilégiée : le rite de l’incinération tendait à lisser les identités sociales (urnes en
forme de maison ou de buste humain) ; les tombeaux à inhumation sont monumentaux et documentent mieux la
vie de l’époque que les sites d’habitats. Leur contenu témoigne d’une grande richesse matérielle et d’une
conscience de classe.

Les tombes possèdent des fresques où sont célébrés les usages du banquet familial et des scènes bibitives
(influence grecque dans le mode de vie et dans le style des représentations). Certaines sont ornées de reliefs
abondants, reproduisant la maison des vivants (armes, ustensiles de cuisine, meubles, outils, coussins…), et sont
dotées d’offrandes alimentaires.

79
Fresque du Banquet de la tombe des Léopards, Tarquinia, vers 450 av. J.-C.

Globalement, il persiste toujours la croyance en une vie heureuse dans l’au-delà, unité familiale dans les funérailles
et dans la mort.

Des figurines en bronze de petits guerriers et du dieu de la


guerre, prédécesseur de Mars, sont déposées dans les
tombeaux. Des statuettes figurent aussi les ancêtres de la
famille, anticipant les usages romains qui se répandront en
Italie et en Gaule, avec les autels domestiques aux dieux
Mânes, les ancêtres, dans les maisons.

Productions métallurgiques remarquables.


Exemple : Chimère d'Arezzo, vers 500 av. J.-C.

Durant cette période en Italie, sur le plan des transformations


sociales : spécialisation des artisanats e.a. huit guildes potiers,
bronziers, orfèvres, charpentiers, teinturiers, tanneurs, selliers,
joueurs de flûte.

Les travaux influençant l’environnement sont de plus en plus conséquents : métallurgie, grandes tuileries et ateliers
de potiers > déboisement.

La spécialisation des artisanats et des productions implique tout d’abord de plus grandes concentrations de
populations autour des centres d’activité aux quartiers spécialisés. L’urbanisme se développe alors comme jamais
auparavant. Il nécessite à son tour de plus grand besoins et toujours plus de corporations spécialisées.

Tout d’abord, les cabanes en bois, terre et chaume sont remplacées par des maisons à toits de tuiles, inventée en
Grèce mais diffusée et généralisée en Italie puis en Gaule, plus vite qu’en Grèce.

En Italie, cette ère de stabilité culturelle dure jusqu’à la conquête


romaine.

Suite au premier mouvement d’urbanisation étrusque, Rome, située au


centre de la zone d’influence étrusque, prend son essor aussi vers la fin
du VIIe siècle. La vallée en contrebas des collines du Palatin, de
l’Esquilin et du Quirinal, où se situaient les villages de l’Age du Fer,
devient un marché, futur forum.

Le Forum est le lieu où les habitants de Rome vont se retrouver pour


s'exprimer et discuter, acheter et accomplir la plupart de leurs activités
de citoyens de la ville. Le terme s'est généralisé jusqu'à la notion de
Forum sur Internet qui traduit assez bien le rôle du Forum dans la vie
sociale de Rome.

Les premiers bâtiments du Forum Romain sont apparus à la fin du VIIe


siècle av. J.-C. Le Forum s'est développé régulièrement pendant toute
l'Histoire de Rome, de la République à l'Empire.

80
p. 464-557

En 509 av. J.-C., la Monarchie étrusque se termine et la République est fondée. Dans toute l’Etrurie, les rois et
les tyrans sont alors renversés et les pouvoirs confiés à des clans d’aristocrates constitués en Sénat. Il délègue le
pouvoir à des magistrats et à deux consuls.
L’administration républicaine est complexe et très bien organisée dans tous les secteurs (finances, cultes, édifices
publics, législation, recensement des populations…).
Les premiers temples et bâtiments publics y sont bâtis à cette période, comme le plus important, le temple de
Jupiter au Capitole.

Le temple de Jupiter sur le Capitole sous la République romaine (illustration de Friedrich Polack, 1896)

81
En 264-265 av. J.-C., toute la péninsule italique passe sous la domination des armées romaines.

De 282 à 270 av. J.-C., Rome conquiert la Grande Grèce. L’hellénisation de l’Italie est alors profonde : le goût des
Romains pour la sculpture et la littérature grecque est profondément ancré et caractérisera la culture romaine et
gallo-romaine pour plusieurs siècles. La plupart des œuvres sculptées grecques sont connues grâce aux copies en
marbre des bronzes originaux, aujourd'hui disparus.

6.2.2. Les périodes de Hallstatt (750-450 av. J.-C.) et de La Tène (450-50 av. J.-C.) au nord des Alpes

Au même moment, en Europe centrale et


septentrionale, nous sommes au premier Âge du Fer
ou période de Hallstatt, nom hérité d’un site minier
éponyme autrichien, où l’on exploitait des gisements de
sel. Cette période dure de vers 750 à vers 450 av. J.-C.
Les élites de cette première culture celte tiennent leur
richesse du commerce du sel, et par la même occasion
du commerce des minerais de cuivre, d’étain, et de fer.

Apparaissent les tombes princières caractéristiques


sous tumulus avec richesses venant de Méditerranée,
chars, vaisselle et aliments, armes.

Tumuls d’Hochdorf, Age du Fer, Hallstatt, 600-500 av.


J.-C. (Hochdorf, Allemagne)

A Hochdorf, près de Stuttgart, se trouve un tumulus de la période de Hallstatt, mesurant près de 60 m de diamètre.
Cette tombe est contemporaine de la tombe de Vix (Châtillon-sur-Seine). Une fosse à tombe centrale contenait
deux chambres en bois emboîtées. Un homme y reposait sur une litière en bronze doublée de fourrures et de
tissus, et possédant huit pieds en bronze figurant des femmes aux bras tendus.
Un chaudron en bronze italique hellénisant contenait de l’hydromel, également versé dans une coupe. Il y avait
aussi un chariot rituel en bois à quatre roues. Les parois étaient drapées de tentures où pendaient neuf cornes à
boire. L’homme portait un chapeau conique en écorce de bouleau. Ses vêtements et ses chaussures étaient ornés
de bandes d’or martelé. Il portait un torque en or au cou.

Phénomène important à l’Age du Fer : la fonction guerrière est magnifiée. Se développent des sites cultuels avec
trophées des cadavres de vainqueurs, exposition des corps. En Italie, les valeurs familiales, la joie et la tranquillité
célébrées dans les sépultures témoignent d'une culture radicalement différente.

Le premier témoignage marquant de ce phénomène et de la mutation sociale du milieu du Ve siècle av. J.-C.
environ, est la présence des harnachements de chevaux et de chars de combat à deux roues dans les tombes.
Les défunts y sont couchés, tête placés vers le timon. Les exemples en sont très nombreux en Ile-de-France, en
Picardie et perdurent jusqu'à la fin de l'Âge du fer dans les Ardennes belges (cf. Libramont) et la Meuse française.

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6.3. L’Empire romain et la Gaule romaine (27 av. J.-C. - 284 ap. J.-C.)

L’Imperium romanum est le nom donné à la civilisation romaine antique entre 27 av.
J.-C. et 476 ap. J.-C. Durant cette période, l'État romain s'est considérablement
agrandi, au point d'englober un territoire allant de l’actuelle Angleterre à l’Egypte,
créant ainsi l'une des plus grandes entités politiques de l'histoire, qui influença
profondément le monde méditerranéen, sur le plan culturel, linguistique et finalement
religieux, tout en assurant la conservation de la civilisation grecque antique.

La période impériale fut aussi un temps de développement des échanges


économiques, facilité par la construction d'un important réseau routier qui a perduré
parfois jusqu'à l'époque moderne.

Éteint en Occident en 476 ap. J.-C., l'Empire romain persista en Orient, autour de sa
capitale, Constantinople. Centré sur la Grèce, le nouvel État mêla, comme l'ancien
Empire, des éléments de civilisation grecs et latins, mais la part grecque étant
prépondérante, il est justifié de parler, pour cette partie orientale de l'Empire romain,
« d'Empire byzantin ». Cette nouvelle civilisation, très riche, dura plus un millénaire,
jusqu'en 1453.

6.3.1. Les modes artistiques et de la représentation sociale romaine

Statuaire

La statutaire impériale : évolution entre l’empereur guerrier et le pontifex


rassurant (voir page suivante). Déification des dirigeants et des empereurs.
Importance des bustes. Masques funéraires, rôle des ancêtres, coutumes funéraires
(famille, société ; incinération).

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Auguste en « Empereur » (12 av. J.-C.) et « Pontifex » (2 av. J.-C.)

Artisanats

Le bronze est d’usage domestique courant, notamment


pour la vaisselle.

Concernant la céramique, l’invention de la céramique


moulée est capitale : on crée des modèles décorés par
moulage en grande série, avec des scènes mythologiques,
des scènes de chasse, des courses de chars et des
combats de gladiateurs, des motifs floraux et des pampres
de vigne, etc., sans devoir faire appel à des peintres
spécialisés qui travaillent à la pièce. Ateliers spécialisés qui
exportent dans toute les Gaules : terre sigillée du Sud, de
l'Est et du Centre de la France, imitation des récipients
métalliques également (métallescentes).

La verrerie soufflée et parfois aussi moulée, se développe


à partir de 50 av. J.-C. et est présente dans toutes les
sépultures riches de nos régions (tumulus de Hesbaye).

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6.3.2. Les innovations techniques et la culture matérielle

Les Romains sont actifs sur le plan du commerce des biens et des esclaves
dans toute la Méditerranée et en Gaule. Les industries de masse se
développent.

Les problèmes d’approvisionnement des villes se multiplient et des progrès


techniques importants sont enregistrés : développement du génie civil.
Multiplication des aqueducs monumentaux à Rome à partir du IIIe siècle av. J.-C.
Le pont du Gard, 270 m de long, construit en 20 av. J.-C. sous Auguste, fait
partie d'un aqueduc de 24 kms de long alimentant en eau la ville de Nîmes. Le
dénivelé de 17 m seulement témoigne de la maîtrise inégalée des topographes
romains (pente de 0,07 %).

Productions industrielles et importation des grains de l'Empire : moulins à bras


et à traction animale pour moudre la farine et produire le pain dans des
boulangeries artisanales et parfois industrielles (dès 200 av. J.-C. : ex. à
Pompéi).

Invention du moulin à eau (Ier siècle av. J.-C.) avec applications dans la forge et pour les huiles et les farines.
Exemple, près d’Arles : deux rigoles avec seize roues de 2 m de diamètre, reliées à des meules horizontales pour
produire 27 tonnes de farine par jour, de quoi nourrir 12500 personnes.

Sur le plan des techniques agricoles, organisation programmée et


rationnelle des campagnes. Système centralisé de production :
domaines aux mains de familles importantes, d'investisseurs.
Cadastration pour occuper le sol. Influence durablement les
paysages des Gaules : la cadastration et la voirie est encore
perceptible dans nos paysages ; sur le plan des techniques
agricoles : usage de la herse, de l’araire, de moissonneuses, traités
d’agriculture et d’architecture. Ceci révolutionne en grande partie
l'économie celtique, encore basée sur l'exploitation communautaire
et familiale. Méditerranéisation de la société (habitudes alimentaires
: condiments, vaisselle, vin) et adaptation de plus en plus fréquente
de la maçonnerie plutôt que le bois et le torchis dans les habitats.
Celui-ci subsiste, mais sur des plans et organisation romaine :
société gallo-romaine. Ex. typique de cette société : villae qui
désigne un domaine foncier comportant des bâtiments d'exploitation
et d'habitation. On distingue, à l'époque romaine, la villa de
campagne « rustica » de la villa suburbaine « urbana ».

6.3.3. Le cadre de vie et le modèle urbain en Italie et en Gaule

Maisons familiales : la domus (toutes les villes, avec adaptation dans les provinces, mais toujours le même
principe, jusque dans les agglomérations rurales parfois où on trouve les boutiques et maisons accolées plus
simples). Vici : agglomérations artisanales rurales et centres cultuels.

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6.3.4. La structuration des campagnes et le cadre de la vie rurale

La voirie couvre toute l’Empire, de l’Ecosse à la Syrie et facilite les mouvements des troupes. Cependant, pour le
commerce, la voie d’eau plus économique est préférée (rivières et fleuves et cabotage).

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Le commerce à longue distance voit véhiculer les céréales, le vin, l’huile d’olive, les marbres, des biens précieux et
les céramiques. Apport de la céramologie. Amphores à Braives.

Urbanisme : carroyage urbain, hérité du modèle de la ville hellénistique (colonies grecques). Des immeubles
comptant plusieurs étages, atteignant plus de 20 mètres, sont construits dans les grandes villes. Rome compte
jusqu’à un million d’habitants. Cimetières à incinération autour des villes et près des agglomérations, tombes riches
aux limites et dans les domaines, en vue (voies).

La structuration autour des villes : le centre est le forum, centre politique et commercial, avec les bâtiments
religieux et administratifs.

Dans les quartiers se développent les bains publics (thermes), aux théâtres et aux odéons hérités de
l’architecture grecque, sont ajoutés des édifices accueillant des jeux et des combats de gladiateurs ou nautiques
(amphithéâtres et cirques).

Comme le théâtre en Grèce, ces édifices se retrouvent à différentes échelles dans toutes les cités de l’Empire, de
manière stéréotypée. Sur des sites ruraux, sanctuaire dont les origines remontent à l'époque celtique à Blicquy,
même théâtre classique mais en bois.

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6.4. Le Bas-Empire (284-476)

Jamais auparavant une si grande population n’avait bénéficié


d’un progrès technique et matériel aussi largement et aussi
longtemps. Mais la stabilité militaire relative dans un si grand
territoire repose sur la prospérité économique.

Au IIIe siècle, avec les Perses à l’Orient et les Germains en


Occident, la situation militaire se détériore. Une période
d’anarchie militaire survient à partir de 225, quand des
usurpateurs surgissent çà et là.

Mais la réorganisation radicale sauve l’Empire avec Aurélien


(270-275) puis Dioclétien (284-305 ap. J.-C.), qui instaure la
Tétrarchie : quatre préfectures sont créés en Orient et en
Occident avec e.a. une capitale à Trèves et une à Milan pour
nos régions occidentales.

Les frontières et les toutes les villes de l’Empire sont fortifiées.

Constantin (306-337 ap. J.-C.), règnera à nouveau seul à partir


de 324 ap. J.-C. avec deux capitales, Rome à nouveau et
Byzance pour l’Orient. L’Italie est désormais une province parmi
les autres, et les différences s’accentuent entre l’Occident latin
et l’Orient grec.

A la fin du IIIe siècle, les villes sont donc fortifiées et leur


superficie se réduit. Une période de mutation urbaine est
amorcée : on abandonne de nombreux équipements du confort
romain comme les bains domestiques par exemple, souvent
réduits, transformés voire abandonnés.

Constantin adopte le Christianisme parmi les religions


orientales qui se développent en grand nombre, dont le culte de
Mithra. Entre l’Edit de Milan de 313 ap. J.-C. et la fin du IVe
siècle, le Christianisme devient la seule religion légale dans
l’empire.

La basilique civile romaine devient le prototype des sanctuaires


chrétiens.

Son origine : salles de réunion du forum (assemblées, affaires


judiciaires).

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Basilique de Maxence et Constantin à Rome : 306-312 ap. J.-C. ; vaisseau central voûté d’arêtes, 39 m de
hauteur, berceaux à caissons octogonaux en béton sur les bas-côtés ou collatéraux ; abside avec statue colossale
de Constantin.

• A Trèves : basilique civile de Constance (Tétrarchie) et de Constantin, 310. Basilique civile rectangulaire deux
niveaux de fenêtres (lumière !), abside et arc triomphal (trône impérial) ; fermes de charpentes de 27 m de portée ;
plafond à caissons avec charpentes : plus de voûte en béton ; portique ou narthex, contreforts plats et hauts avec
arcatures aveugles (décor extérieur). Usage jusque 395 ap. J.-C. (transfert de la capitale vers Milan).

• Des salles du même type sont mises à disposition des chrétiens, à partir de Constantin ; avant : clandestinité et
maisons particulières. Narthex : les fidèles s’y rassemblent. Axialité : nefs, colonnades, absides. Les premières
sont des basiliques martyria sur les sites des persécutions.

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 Saint-Pierre, Constantin, longue de 119 m, large de 64 (44 colonnes de remploi).

Rome : la basilique paléochrétienne saint Pierre d’après un dessin du XVe. Edifiées sous Constantin vers 326

 Basilique Saint-Vital à Ravenne


La Basilique Saint-Vital est l’un des monuments les plus importants de l’art paléochrétien en Italie, en particulier
pour la beauté de ses mosaïques. Fondée par Giuliano Argentario sur ordre de l’évêque Ecclesio, la basilique à
plan octogonal fut consacrée en 548 ap. J.-C. par l’archevêque Massimiano.

L’influence orientale, typique des monuments de Ravenne, est dominante dans cette église, tant sur le plan
architectonique, car elle mêle des éléments des traditions occidentale et orientale, que sur le plan décoratif qui
exprime clairement l’idéologie et la religiosité de l’époque de Justinien. La basilique traditionnelle à trois nefs est
remplacée par une structure centrale de forme octogonale, surmontée d’une coupole, reposant sur huit piliers et
arches.

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