Coudreuse 2011
Coudreuse 2011
Coudreuse 2011
MISE AU POINT
L’entorse de la cheville
The ankle sprain
a
Service de médecine du sport, hôpital Salvator, 249, boulevard Sainte-Marguerite,
13009 Marseille, France
b
23, avenue Niel, Paris, France
MOTS CLÉS Résumé Face à un traumatisme de la cheville, les données de l’interrogatoire et de l’examen
Entorse de la clinique sont fondamentales. Elles vont permettre de pouvoir se faire une idée de la gravité
cheville ; d’une éventuelle entorse mais surtout de pouvoir s’orienter vers la détection d’une lésion
Traitement ; associée dont le diagnostic précoce permet dans la plupart des cas d’éviter les complications.
Rééducation Actuellement, les données de la littérature sont en faveur d’un traitement fonctionnel de
l’entorse isolée du ligament collatéral latéral. Le traitement fonctionnel repose, d’une part,
sur le port d’une attelle pour une durée variant selon la gravité de l’entorse et, d’autre part,
sur un programme de rééducation. Après le classique protocole RICE des premiers jours, le
programme de rééducation a pour but de lutter contre les déficiences : il s’attache donc à
restaurer les qualités de force des muscles périarticulaires de la cheville, de récupérer les
amplitudes articulaires et les qualités d’équilibre grâce au travail proprioceptif.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Summary Facing an ankle trauma, interrogation and clinical data are essential. They allow
Ankle sprain; to form an idea of gravity of a possible sprain, but overall to turn toward detection of an
Treatment; associated lesion of which premature diagnosis permits in most case to avoid complications.
Rehabilation Currently, literature data are favourable to a functional treatment for isolated lateral ligament
sprain. Functional treatment is based on one hand on functional bracing for a variable duration
according to sprain gravity and on the other hand on rehabilitation. After classical RICE protocol
in the first days, rehabilitation’s goal will be fighting against deficiencies: it persists in restoring
strength qualities of ankle periarticular muscles, recovering articular amplitudes and balance
qualities thanks to proprioceptive training.
© 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (J.-M. Coudreuse).
0765-1597/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.scispo.2011.03.003
104 J.-M. Coudreuse, J. Parier
L’entorse de la cheville est une lésion particulièrement troisième temps. La douleur a trois temps orientant plutôt
fréquente devant laquelle il faut avoir une démarche très vers une lésion bénigne ;
rigoureuse afin de définir l’importance des lésions liga- • la tuméfaction ou l’œdème (œuf de pigeon) est un signe
mentaires pour déterminer la gravité de cette entorse et de gravité s’il se constitue très rapidement ;
éliminer des lésions associées. • l’ecchymose si elle apparaît rapidement (quelques
En ce sens, lorsqu’il est confronté à un diagnostic sup- heures) est également évocatrice d’une lésion grave. Elle
posé d’entorse de la cheville, le praticien doit se poser deux reste toujours limitée au bord inférieur du pied. Toute
questions : ecchymose plantaire signe dans la quasi-totalité des cas
• Quelle est la gravité de l’entorse ? la présence d’une fracture ;
• Existe t-il une lésion associée ? Cette question est parti- • l’impotence fonctionnelle n’est pas toujours un élément
culièrement importante car c’est la méconnaissance de fiable pour apprécier l’importance d’une lésion mais si le
cette lésion associée qui sera le plus souvent à l’origine patient a pu poursuivre ses activités sportives « à chaud »
d’une cheville douloureuse post-traumatique dont le malgré son entorse, c’est un élément plutôt rassurant (par
retentissement sur l’activité sportive peut être très péjo- exemple, poursuite d’une compétition sportive).
ratif.
On peut donc retenir comme éléments en faveur d’une
lésion ligamentaire grave :
• la perception d’un craquement ;
1. Bilan clinique • le gonflement immédiat ;
• une impotence fonctionnelle majeure ;
Il faut surtout éliminer d’autres pathologies associées.
• une douleur syncopale qui persiste ou suivie d’une indo-
Les entorses peuvent concerner différents éléments de
lence relative.
cette région :
• le ligament collatéral latéral avec l’atteinte de l’un ou
plusieurs de ses trois faisceaux ; 1.1.2. L’examen clinique
• le ligament collatéral médial ; L’inspection recherche un gonflement, une ecchymose ou
• l’articulation tibiofibulaire inférieure ; une déformation du pied.
• l’articulation sous-talienne ; L’étude des amplitudes articulaires est souvent difficile
• l’articulation du médio-pied ; en raison de la douleur mais peut déceler une laxité lors
• la capsule antérieure. des mouvements en varus ou lors de la recherche du tiroir
astragalien.
Dans le cadre de l’urgence, on peut se retrouver sché- On peut également retrouver un ballottement ou un choc
matiquement en face de deux situations : astragalien.
• l’appui sur la cheville est douloureux, il peut être associé
Cette recherche de mouvements pathologiques est capi-
à un œdème ou à des ecchymose et il existe une impo- tale car leurs présences sont en faveur d’une rupture
tence fonctionnelle relative. ligamentaire.
Il faut alors commencer un examen clinique (décrit ci- Cependant, en raison de la douleur, on ne peut les mettre
dessous) ; en évidence que rarement pendant la phase initiale doulou-
• l’appui est impossible, il existe une déformation de la che-
reuse.
ville avec une augmentation de volume associée à une Les contractions isométriques concernent en priorité les
ecchymose ou à des phlyctènes. fibulaires et permettent de déceler une atteinte de leurs
Il faut demander dans un premier temps des radiogra- gaines, une luxation ou une subluxation ou une lésion de la
phies afin d’éliminer une fracture. base du cinquième métatarsien avec une douleur exquise de
celui-ci à la palpation.
1.1. L’évaluation clinique de la cheville Ces tests isométriques concerneront également le tibial
postérieur, le tibial antérieur et le fléchisseur commun des
1.1.1. L’interrogatoire orteils.
C’est le premier temps de l’examen et il permettra de se En ce qui concerne le tendon d’Achille, on demande au
faire une idée de l’importance des lésions en précisant plu- patient de décoller le talon du sol en appui monopodal et
sieurs éléments : on effectue la classique manœuvre de Thomson.
• le mécanisme : si la gravité de l’entorse n’est pas forcé- La palpation a une valeur localisatrice importante. En ce
ment liée à la violence du traumatisme, ce mécanisme sens, on recherche une douleur sur différentes structures
peut également permettre de s’orienter vers une patho- osseuses selon les règles d’Ottawa pour éviter de négliger
logie associée (par exemple dans l’entorse tibiofibulaire une fracture.
inférieure, on retrouve souvent une notion de rotation On palpe également les autres structures ligamentaires :
externe forcée du pied par rapport à la jambe avec une tibiofibulaire inférieure, ligament collatéral médial et du
situation de « pied bloqué ») ; médio-pied.
• l’impression de déchirure ou la perception d’un craque- Le but de cet examen clinique est d’essayer d’évaluer
ment qui sont des signes relativement fiables de gravité ; la gravité de l’entorse mais surtout de détecter une lésion
• la douleur et surtout l’évolution de celle-ci peuvent orien- associée dont le pronostic si elle n’est pas traitée à temps
ter vers une rupture ligamentaire si on a une diminution est souvent plus grave que celui d’une simple entorse.
rapide des douleurs après une douleur initiale très impor- Ces diagnostics différentiels ou lésions associées selon les
tante (syncopale), sans réapparition de douleur dans un cas sont d’autant plus délicats à mettre en évidence qu’ils
L’entorse de la cheville 105
peuvent être parfois associés à l’entorse du ligament colla- Les articles en faveur du traitement chirurgical sont moins
téral latéral et masqués par celle-ci surtout lorsqu’il existe nombreux mais Pijnenburg [7] fait état d’une étude pros-
un œdème important de la cheville. pective randomisée qui compare le traitement chirurgical
Dans tous les cas, il faut impérativement revoir le patient au traitement fonctionnel chez 370 patients avec une supé-
entre le troisième et le cinquième jour. riorité du traitement chirurgical.
Bien qu’une méthodologie rigoureuse (en double
aveugle) soit difficile à mettre en place, de nombreux
auteurs ont essayé d’évaluer l’efficacité du traitement fonc-
2. Traitement
tionnel.
2.1. Introduction Les résultats montrent que, globalement, ce traitement
semble le plus adapté dans la prise en charge de l’entorse
Devant un traumatisme de la cheville, les trois traitements de la cheville par rapport au traitement orthopédique ou
possibles sont : au traitement chirurgical. Les revues de la littérature [8,9]
• le traitement fonctionnel associant le port d’une orthèse étaient déjà allées dans ce sens.
stabilisatrice à des séances de rééducation ; Dans la plupart des cas, les études comparent le traite-
• le traitement orthopédique comprenant une immobilisa- ment fonctionnel au traitement par immobilisation [10—15].
tion stricte suivie de séances de rééducation ; D’autres auteurs, comme Pilardeau [16] avec une étude
• le traitement chirurgical comprenant une intervention comportant un suivi détaillé des patients mettent en avant
chirurgicale suivie également d’un programme de réédu- les bons résultats du traitement fonctionnel.
cation. La question reste donc ouverte même si globalement, à
quelques exceptions près, tout le monde conclut à l’intérêt
Kannus dès 1991 [1] avait mis déjà en avant l’intérêt du traitement fonctionnel pour les lésions ligamentaires.
du traitement fonctionnel par rapport au traitement ortho- Le point important à souligner est que ce panorama thé-
pédique et au traitement chirurgical en comparant un rapeutique ne concerne que les lésions ligamentaires isolées
certain nombre de paramètres : la durée de l’arrêt de tra- du ligament collatéral latéral de la cheville et qu’en aucun
vail, l’instabilité fonctionnelle, la douleur, la sensibilité, le cas, on ne peut appliquer cette stratégie thérapeutique
gonflement, les amplitudes articulaires, l’amyotrophie, le lorsque la lésion ligamentaire s’accompagne de lésions asso-
retour à l’état antérieur, les récidives, la stabilité objective ciées que ce soient des lésions osseuses, tendineuses ou la
radiologique, les complications et, à la suite de cet article, présence d’une autre lésion ligamentaire associée comme
un panorama thérapeutique avait même été proposé en 1996 par exemple la tibiofibulaire inférieure.
[2].
Depuis la conférence de consensus en médecine 2.2. Déficience et capacité
d’urgence de 1995, on sait que le traitement qui doit être
privilégié dans une entorse de la cheville est le traitement Depuis la classification de la CIF qui a été mise en place
fonctionnel [3]. Cette conférence de consensus a été actua- en 2001 [17], la prise en charge d’un patient blessé, qu’il
lisée en 2004 [4] ce qui a permis d’apporter des informations soit handicapé ou non, doit répondre à une stratégie pré-
complémentaires, en particulier sur la pratique des méde- cise. Celle-ci doit comporter dans un premier temps un bilan
cins dans les services d’urgence : en ce sens, il a été constaté des déficiences puis des capacités et enfin des activités de
que la conférence de consensus de 1995 est connue par 74 % participation dans le but d’améliorer la qualité de vie.
des personnels d’urgence interrogés. Elle aurait induit une
modification de leur pratique dans 69 % des cas. 2.2.1. Bilan des déficiences
Le traitement fonctionnel décrit ici consiste à limiter
La déficience (impairment) se caractérise par toute
l’immobilisation et la décharge du membre inférieur au
anomalie ou modification physiologique, anatomique ou his-
strict nécessaire. Dès que les phénomènes initiaux (dou-
tologique.
leur, œdème) ont cédé, un appui partiel ou total du
Dans l’entorse de la cheville, on peut retrouver trois défi-
membre inférieur, associé à une immobilisation partielle
ciences : la douleur, le déficit de force et la diminution des
de la cheville pendant les premières semaines est proposé.
mobilités.
L’actualisation au vu de deux méta-analyses de Kerkhoffs en
Ces déficiences concernent donc la douleur dont il
2003 [5] montre la supériorité du traitement fonctionnel. La
faudra déterminer les caractéristiques, puis l’examen
première (21 essais) comparant une immobilisation stricte
clinique précis permettra également d’apprécier les dimi-
versus traitement fonctionnel de l’entorse de la cheville et
nutions d’amplitude articulaire ainsi que le déficit de force
la seconde (70 essais) comparant la chirurgie de première
musculaire par les tests isométriques qui peuvent d’ailleurs
intention versus immobilisation ou traitement fonctionnel.
être complétés dans certains cas par un bilan isocinétique
Les études sont basées sur les critères suivants : récupéra-
mais cela dans un deuxième temps. Il faudra être vigilant sur
tion fonctionnelle de la cheville, délai de reprise sportive ou
le fait que la diminution de force découle le plus souvent de
récupération des capacités fonctionnelles, moindre douleur,
la douleur mais que dans certains cas, elle peut révéler une
durée plus courte des œdèmes, meilleure satisfaction du
lésion neurologique sous-jacente.
patient. Dans une seconde revue de littérature [6], le même
auteur reste plus circonspect et met en avant la nécessité
de faire d’autres études. Pour d’autres critères comme par 2.2.2. Les capacités
exemple risque de récidive de l’entorse, il n’est pas apparu Elles concernent l’individu dans sa totalité. On s’intéresse
de différence significative entre les méthodes comparées. ici aux qualités d’équilibre et de proprioception avec des
106 J.-M. Coudreuse, J. Parier
tests simples permettant d’apprécier la possibilité d’un 2.3.2. Principes du traitement fonctionnel
appui ou pas ou la possibilité de tenir en équilibre sur un Si ce traitement fonctionnel basé sur une mobilisation pré-
pied. L’incapacité (disability) relève donc des altérations coce semble intéressant, il manque encore des éléments
de ces possibilités fonctionnelles. concernant le contenu précis des programmes de rééduca-
tion dont on sait qu’il doit être basé essentiellement sur la
2.2.3. Le handicap restauration des déficiences.
l’entorse de la cheville et quand c’est le cas, c’est surtout pour ce type de traitement), les orthèse stabilisatrices pré-
dans la phase finale de la rééducation. fabriquées, la botte plâtrée, la résine semi-rigide et la botte
Les massages peuvent être effectués dans trois buts : plâtrée.
• tout d’abord dans un but antalgique de manière Il est intéressant de bien noter la terminologie concer-
indirecte, éventuellement avec une utilisation d’anti- nant ces différents moyens : on distingue le bandage à la fois
inflammatoires locaux dont ils améliorent la pénétration. non adhésif et élastique et le bandage compressif. Le strap-
Cette technique peut être intéressante en début du ping est adhésif et élastique, le tapping est une contention
traitement. De manière directe, le massage transversal adhésive non élastique, le bracing est un support préfabri-
profond réalisé quotidiennement semble apporter une qué externe et enfin l’orthèse. Tous ces éléments ont été
sédation de la douleur, rarement utile plus de 15 jours ; décrits par Vaes [29] en 1998.
• dans un but vasculaire : une technique précise doit La compression est effectuée par un bandage compressif
être appliquée pour une meilleure efficacité. Les pres- lorsque le patient n’a pas l’autorisation d’appui. La
sions glissées et les pressions statiques permettent compression qui utilise une mousse en forme de fer à
d’augmenter la vitesse de circulation du retour veineux. cheval périmalléolaire est plus efficace que la simple
On peut aussi effectuer un drainage veineux du pied avec compression uniforme par bande élastique (grade C). La
un résultat intéressant mais seulement si la technique est contention adhésive ou l’orthèse semi-rigide est proposée
rigoureuse ; quand le patient reprend l’appui. Ces éléments permettent
• dans un but extéroceptif : le massage du pied permet de d’éviter une récidive pendant la période de cicatrisation.
recruter différents récepteurs cutanés et prépare ainsi à Après cette période, une contention peut être proposée
la reprogrammation neuromusculaire. pour mieux stabiliser la cheville pendant l’exercice. Si
une contention adhésive est utilisée, une sous-bande en
Au total, le massage reste utile entraînant une diminu- mousse est conseillée. La contention adhésive doit per-
tion de la douleur et de l’œdème et une amélioration de la mettre le verrouillage calcanéen et limiter le varus-valgus
« perception du pied ». de l’arrière-pied, d’au moins troisquarts de la mobilité par
En cas de persistance de l’œdème, la pressothérapie et le rapport au côté sain. Les bandes de contention réalisant un
drainage lymphatique manuel peuvent également être uti- huit (bandage de secouriste) sont inefficaces (grade C). Les
lisés. La pressothérapie est efficace dans la thérapeutique bandes de contention en forme de U (basket-ball Wave) et
post-traumatique en phase aiguë (grade C). Cette technique en forme de cravate, sont efficaces (grade C).
est proposée comme option thérapeutique car la technique Toutes les attelles « actives » de stabilisation, réalisées
manuelle est plus adaptée. Il y a peut-être un intérêt dans avec des bandes adhésives non élastiques, sont plus effi-
l’association d’une botte à la fois réfrigérante et pressive. caces que les bandes adhésives élastiques mêmes étirées
L’indication du drainage lymphatique manuel ne paraît (grade C). Elles doivent être posées en prenant garde de
pas prioritaire dans l’entorse sauf en cas d’œdème particu- ne pas provoquer de douleur. La durée de chaque conten-
lièrement résistant et elle est alors utilisée dans un second tion varie en fonction de la limitation de la mobilité en
temps. varus-valgus de l’arrière-pied.
latéral de la cheville. Toutefois, ces techniques de gain de Des exercices sont effectués en chaîne musculaire
mobilité permettent également de stimuler la cicatrisation ouverte puis semi-fermée et enfin fermée. La rééduca-
ligamentaire. tion musculaire globale optimise la rééducation analy-
Aucune publication traitant des techniques de mobilisa- tique.
tion spécifique dite de « réharmonisation ou de normalisa-
tion », utilisée par certains thérapeutes, n’a été retrouvée, 3.3. Restauration de la stabilité
ni aucune étude clinique de leurs effets.
En revanche, le travail de posture, la mobilisation L’altération de la stabilité est la conséquence essentielle
active, les techniques de contracté-relâché ou de stretching de l’entorse et favorise bien sûr la survenue de réci-
apportent un complément aux autres techniques. dive. En effet, l’entorse de la cheville s’accompagne
d’une modification de l’information proprioceptive entraî-
nant une diminution de la stabilité de la cheville [37,38].
3.2. Le renforcement musculaire Il faut savoir que chez le sujet sain, le jugement d’une
position articulaire est meilleur de manière passive que
Le travail de renforcement musculaire est probablement de manière active. En revanche, chez le sujet qui a
un des aspects les plus importants de la rééducation de présenté une entorse, il n’y a plus de différence sta-
l’entorse de la cheville car si les tests isométriques restent tistiquement significative entre ces deux jugements de
souvent normaux ou subnormaux dans une entorse bénigne, position. On conçoit donc l’importance de la rééduca-
on peut mettre en évidence des déficits plus importants dans tion.
les entorses graves. Le plus souvent, le testing manuel est Les techniques d’amélioration de la stabilité sont
probablement insuffisant pour apprécier des petits déficits variées.
de force. La reprogrammation neuromusculaire (RNM) ou réédu-
Les études isocinétiques ou électromyographiques mesu- cation proprioceptive consiste à placer le patient dans
rant la force des inverseurs et des éverseurs de la cheville des positions de déséquilibre en utilisant différents outils
donnent des résultats contradictoires : Kaminski [33] n’avait instables afin de solliciter les réactions de défense de
pas retrouvé de déficit en isométrie en concentrique et l’organisme. Cette technique permet la reprise d’activité
en excentrique des éverseurs de chevilles instables par précoce (grade B), améliore la stabilité (grade C) et diminue
rapport à des chevilles saines. De son côté, Fox [34] en les récidives (grade C). Elle doit être utilisée le plus préco-
comparant des sujets ayant des antécédents d’instabilité cement possible en fonction de l’indolence de l’articulation
à des sujets sains ne retrouve aucune différence statisti- (grade C).
quement significative pour les inverseurs, les éverseurs et De nombreux éléments d’appréciation de la progression
les fléchisseurs dorsaux mais retrouvent un déficit de force sont possibles [24].
excentrique pour les fléchisseurs plantaires, ce qui pour L’amélioration de la stabilité fonctionnelle introduite
lui, contribue à l’instabilité de la cheville. En revanche, dans un premier temps par Freeman a été reprise par de
on note un retard de la réponse des éverseurs, par rap- nombreux auteurs.
port aux inverseurs. En revanche, Graziani [35] avait mis De nombreux travaux font état d’un effet positif de la
en évidence, lors de bilans isocinétiques, d’importants défi- reprogrammation neuromusculaire sur la reprise d’activité
cits de force en particulier lors de tests effectués sur un précoce et de la stabilité de la cheville.
mode excentrique après des entorses de la cheville réédu- Il semble que la RNM diminue le nombre de récidives. En
quées. Le travail excentrique des muscles fibulaires semble revanche celle-ci n’a aucune incidence sur l’œdème et la
donc intéressant dans l’entorse de la cheville. Toutefois, douleur.
il faut noter que l’on ne connaît pas encore avec préci- La RMN en charge doit être utilisée le plus précoce-
sion l’influence de ce type de travail sur la prévention des ment possible en fonction de l’indolence de l’articulation.
récidives. Les modalités physiologiques de cette reprogrammation
Sekir [36] de son côté a trouvé en isocinétisme un déficit basées sur la réactivation du mécanisme neuromusculaire
de force des inverseurs des chevilles instables par rapport de boucle fermée, protégeant la cheville de l’entorse,
aux chevilles saines et a montré qu’un renforcement iso- sont actuellement très discutées. Elles avaient déjà été
cinétique des inverseurs en concentrique augmentait leur remises en cause depuis les travaux de Thonnard [39] qui
force mais également les qualités proprioceptives et fonc- avait montré que dans 90 % des cas, la latence des fibu-
tionnelles. laires est supérieure à 60 millisecondes alors qu’il faut
Toutes les techniques de recrutement musculaire ont moins de 30 millisecondes pour que se produise une rup-
pour but de préparer la reprogrammation musculaire et le ture du ligament collatéral latéral. La RNM ne consiste
renforcement musculaire analytique est donc un élément donc pas à solliciter les réflexes médullaires, mais à sol-
préalable à la RNM. liciter la coordination et l’anticipation des contractions
La rééducation musculaire analytique est réalisée en musculaires périarticulaires. La RNM englobe la stimulation
appliquant une résistance manuelle sur les faces latérales, des mécanorécepteurs par le massage et par la mobili-
médiales, antérieures et postérieures du pied. Dans un sation passive par la stimulation analytique des muscles
deuxième temps, de nombreux exercices fonctionnels glo- périarticulaires et par les exercices sur support instable
baux sont ensuite largement utilisés. type planche de Freeman. Différents éléments de progres-
Les moyens utilisés sont classiques : travail actif analy- sion sont été proposés et différents outils permettant la
tique manuel selon différents modes : travail statique puis RNM ont été regroupés par Danowski et Chanussot [40] en
concentrique puis excentrique. 1995.
L’entorse de la cheville 109
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