Ville Nature Carnet Detude de La Missio
Ville Nature Carnet Detude de La Missio
Ville Nature Carnet Detude de La Missio
ville
nature
introduction
remerciements Georges Demouchy, Mathieu Gontier,
Laure Letoublon et Gilles Zamo
La Mission interministérielle pour le projet métropolitain Aix-Marseille-
Parler des « rapports ville/nature » est en soi pro-
Provence anime depuis deux ans un travail collectif de partage des enjeux et
blématique. D’abord, que recouvrent ici les termes
de propositions de projets pour orienter le futur de ce territoire.
de ville et de nature ? Touchons-nous au domaine
Les écoles et universités représentent un formidable potentiel de créativité des représentations, s’agit-il de deux entités bien
et de production. Comment construire le savoir vivre ensemble dans cette déinies, procède-t-on à une distinction culturelle
métropole sans la vision des jeunes ? propre à nos sociétés urbanisées ? À quelle échelle ce
C’est ainsi que dans le cadre d’un partenariat 2013-2014, nous avons questionnement agit-il réellement, surtout lorsqu’on
associé à l’aventure de la préiguration du projet métropolitain, plus de le pose au regard des enjeux métropolitains ?
200 étudiants de l’École nationale Supérieure du Paysage, de l’École
Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille, de l’Institut d’Urbanisme On distinguait, jusqu’à récemment, des formes
et d’Aménagement Régional/Aix-Marseille Université et de l’École de « nature organisée », intégrées au fonctionne-
d’Architecture de la Ville et des Territoires de Marne-la-Vallée. Professeurs ment et au paysage de la ville. Au cœur de cette
et étudiants ont investi quatre thèmes, la cartographie pour représenter dernière, se déploie une nature ordonnée et sélec-
ce territoire à la grande échelle, le rapport ville-nature qui marque si tionnée selon les traditions et les modes : parcs,
singulièrement l’identiication des citoyens à cette métropole, les secteurs squares, promenades plantées, mais également
d’enjeux, étudiés dans une diversité territoriale des villages aux quartiers les jardins de particuliers et les jardins partagés.
d’habitat social ou encore les grands axes qui feront demain les liens entre Les limites de la ville sont alors marquées par une
les diférents pôles de cette métropole. couronne suburbaine agricole, dépendant des
Les travaux des étudiants synthétisés dans ces livrets d’études sont tous ressources disponibles (eau, sol), de la mobilité
d’une grande qualité, très adaptés aux diférents contextes locaux, dont ils des produits alimentaires et des hommes.
ont pris soin d’arpenter les lieux, soucieux de nos ressources naturelles et
humaines. En Méditerranée, les montagnes et collines, es-
paces sauvages, ont été des lieux de ressources :
Cette collaboration préigure l’institut méditerranéen de la ville et
bois, pastoralisme, chasse, chaux, pierre, aroma-
des territoires qui devrait rassembler les trois écoles et Aix-Marseille
tiques… On distinguait ces diférentes formes
Université et constituer ainsi une ingénierie de haut niveau sur les
de « nature » —les traditionnels ager, saltus, et
questions urbaines et territoriales, si nécessaire à notre développement
silva — selon leur disposition par rapport au sys-
euro-méditerranéen.
tème urbain, et leur fonction. Découlait de cette
Je remercie sincèrement les jeunes pour leur investissement et leur organisation un gradient de rapports à la nature
enthousiasme au service de cet enjeu d’avenir. et des interactions qui permettaient de répondre
aux diférents besoins : ressources, représenta-
Laurent Théry, préfet délégué en charge du projet métropolitain tions, pouvoir politique, organisation sociale...
Aix-Marseille-Provence
La ville actuelle, fragmentée, étalée, complexiiée, environs de Marseille et Aix-en-Provence pré- ce secteur permet de comprendre une géogra-
ne permet plus ce type de rapports. L’hétérogé- sentent actuellement plusieurs de ces hauts lieux phie exceptionnelle fondée sur les spéciicités
néité de ce tissu, la déprise agricole et les change- naturels qui font l’objet d’une politique de conser- physiques d’un site dominé par deux éléments
ments sociétaux créent de multiples hybridations vation : Parc National des Calanques —premier naturels forts : l’eau d’une part, marquée par la
à toutes les échelles. Il devient désormais diicile parc péri-urbain de ce type—, Archipel du Frioul présence incontournable de la mer et celle plus
de nommer et de percevoir la diversité d’espaces et Grand Site de la Ste-Victoire... Les décrets suc- discrète d’une rivière (le Jarret) et d’un ruisseau
qui apparaissent ou disparaissent. Dans les cessifs issus de la volonté de préservation et du (les Aygalades) et les reliefs calcaires, d’autre
centres, la ville traditionnelle reste lisible, avec Grenelle Environnement ont multiplié les types part, faits de collines et de massifs, véritables
son héritage de parcs et de jardins, mais de nou- de protection des espaces de nature entourant « no-man’s land naturels » (M. Roncayolo), entre
velles formes de jardinage urbain s’approprient la ville, dans un gradient très complexe, tout en lesquels s’intercalent de rares espaces plans.
les dents creuses et la voie publique. En outre, la marquant un changement de repère important
fonction des espaces publics est remise en ques- dans les politiques de conservation avec l’atten- L’ENSA Marseille propose une rélexion à dif-
tion par les nouveaux usages de notre société tion portée à une « nature ordinaire ». Quel rôle férentes échelles et suivant diférents cadrages
(citons par exemple l’appropriation spontanée de ces espaces joueront-ils sur le long terme ? pour interroger et mettre en relation un système
lieux délaissés par des groupes d’habitants ou la de parcs, constitué par les massifs naturels mé-
randonnée pédestre en ville), comme le change- Le contexte de la constitution de la métropole tropolitains, un paysage interstitiel qui s’insère
ment radical de rapport au temps et à l’espace, la incite à une vision à grande échelle de l’avenir du entre ces grands massifs naturels, les espaces
densiication du tissu urbain... territoire. Cependant, nous pouvons déjà consi- de production agricole en frange de ville et les
dérer que la dichotomie ville/nature posée dans espaces considérés comme des « paysages de
Aux abords de la ville, cependant, la disparition de nombreux documents oiciels ne suit pas à campagne » sur un des grands espaces clés péri-
des activités agricoles, le déclin de l’activité indus- contenir les échelles incertaines où la nature et urbains de la métropole. Cette rélexion se fonde
trielle, le développement de diférentes formes les usages de la ville s’entrelacent. Il semble que sur une interprétation cartographique mettant
urbaines entre habitat collectif et individuel, la ville actuelle doive développer à la fois une paix en relation diférentes strates choisies de l’aire
les plateformes économiques et de loisirs et les avec les espaces de nature qui l’habitent, mais métropolitaine. Certaines de ces cartes sont ex-
grandes infrastructures ont contribué à dessiner aussi une rélexion multiscalaire sur les enjeux traites de l’ « Atlas [métropolitain] », œuvre col-
une mosaïque de lieux dont la condition reste des rapports homme-nature, pleine d’inventions lective des étudiants de l’ENSA Marseille.
« lottante » : talus, entre-deux, reliquats… Sou- et non dénuée d’une vision à long terme.
vent qualiiés de délaissés ou de non-lieux, ces L’IUAR/Aix-Marseille Université présente un
espaces res nullius accueillent des formes, des Dans ce livret, l’ENSP Versailles-Marseille texte issu des rélexions du groupe « agricultures
milieux écologiques et des pratiques sociales ex- fonde son raisonnement sur divers ateliers et politique alimentaire » du chantier Ville-Na-
trêmement diverses. conduits par l’école sur le site de Marseille : ture, animé conjointement par l’Institut d’Urba-
l’atelier « grand territoire urbain » du premier nisme et d’Aménagement Régional de l’Univer-
Quant aux espaces sauvages qui environnent la semestre de troisième année, deux travaux per- sité d’Aix-Marseille, la Chambre d’Agriculture et
ville, ils composent une autre strate qui tend à se sonnels de in d’étude (TPFE) et un atelier péda- le Centre d’Études et d’expertise sur les Risques,
fragmenter, et dont la sanctuarisation est souvent gogique régional (APR). l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement.
conçue comme l’unique alternative à leur dispari- Les sites de ces diférents ateliers se concentrent Il témoigne de la large consultation réalisée, au
tion. Il faut souligner que des dispositifs de plani- essentiellement sur le secteur nord marseil- sein du groupe, auprès des acteurs du territoire
ication à l’échelle régionale et nationale ont déjà lais, au cœur de la métropole. À la fois porte sur (représentants de la profession agricole, services
efectué, selon les caractéristiques de l’époque la commune de Marseille, mais également trait de l’État et des collectivités, associations, cher-
des Trente Glorieuses, un tri des « espaces natu- d’union spatial entre l’hypercentre de la cité pho- cheurs, etc.).
rels de loisirs » dans un zonage des territoires. Les céenne et le reste de son territoire métropolitain,
ENSP
VILLE, NATURE ET MILIEU
À L’ÉCHELLE DE LA MÉTROPOLE
de Versailles-Marseille
École Nationale Supérieure de Paysage
Les éléments qui constituent la métropole, comme férentes échelles (de l’aluent au bassin versant, du abordés comme les acteurs d’un même milieu, et
le bouclage autoroutier par exemple, redonnent piémont à l’ensemble du massif montagneux…) est sur un temps long. La notion de milieu permet une
une pertinence à cette question des rapports ville- une partie importante des missions de la Métropole. meilleure appréhension des relations entre ce tissu
nature, à l’échelle des questionnements sur la mo- Si les choix métropolitains s’appliquent notamment urbain et les espaces qu’il englobe. Elle permet de
bilité, le développement économique, la gestion de à l’échelle du territoire : au développement écono- relire ces rapports dans l’évolution historique, dans
l’environnement… mique, aux transports en commun, à la gestion des l’espace, et d’évoquer un ensemble de nouveaux
déchets, aux trames vertes et bleues, il s’agit d’être usages entre ville et nature : dans l’habiter, le vivre,
Depuis les années 1970, avec l’avènement de l’écolo- particulièrement attentif à l’échelle locale, à celle du le respect et l’échange.
gie, et avec une certaine vision holistique globale qui territoire vécu.
tend à se difuser, on ne considère plus les espaces C’est certainement par le rapport de l’habitant au Mais comment, dès lors, concevoir une telle
de nature comme des entités isolées, mais bien paysage que peuvent se dessiner les questions pros- complexité à l’échelle du vingt-cinq millième, en
comme des systèmes d’interrelations complexes pectives sur les mutations possibles et souhaitables. intégrant la parcelle du particulier, le talus de
intégrant l’homme dans un écosystème. Ainsi, la né- La dichotomie ville/nature peut être reconsidérée bord d’autoroute, le jardin familial ou encore la
cessité de prendre en compte, simultanément, dif- si la nature, sous toute ses formes, et l’humain, sont mobilité d’une espèce animale ?
ville nature 3
LES OUTILS DU PAYSAGISTE : UNE APPROCHE DU SITE À PARTIR DE DONNÉES TRÈS VARIÉES, ET LA COLLECTE DES INFORMATIONS. ICI : EXPLORATION DES TALUS
DE LA CITÉ DU CASTELLAS, MARSEILLE 15E. RELEVÉS BOTANIQUES, RELEVÉS DES PRATIQUES, DES AMBIANCES, PROFONDEURS DE SOL...
4 carnets d’études
ENSP
ville nature 5
PASSAGE SOUS L’AUTOROUTE
(EXISTANT)
« L’alternative du paysage » dance du local (les lieux) et du global (le métropolitain). » simultanément scientiique et sensible.
« Le paysage est tout à la fois un « prisme » pour ana- C. Tamisier, Enseignant ENSP Marseille, in Le posi- C’est d’abord une posture d’observateur, de capteur,
lyser et comprendre les situations territoriales, et en tionnement métropolitain de l’ENSP-Marseille, 2014. qui lui permet d’appréhender les contraintes et les
même temps une sorte de « banc d’essai » pour juger de enjeux qui engageront le projet.
la bonne insertion des projets dans l’évolution du terri- Le paysagiste navigue, par nécessité, entre les La démarche du paysagiste-concepteur passe avant
toire. L’approche du paysage est un travail pragmatique échelles. Son rapport au vivant, et donc à des di- tout par un travail de terrain, de collecte, pour gla-
sur l’espace associant une perception sensible à la prise mensions temporelles variées – temps géologique, ner les ressources, les opportunités existantes. Il
en compte de toutes les causalités naturelles ou anthro- temps politique, temps d’une crue – lui donnent une consiste en une pratique du dessin, de l’arpentage,
piques qui ont produit cet espace tel qu’il se présente à posture singulière. C’est dans les interactions et le de l’herborisation ou bien, simplement, de l’échange.
nous aujourd’hui, ainsi que ses divers usages et repré- frottement entre les choses qu’il se situe. En outre, le lieu présente toujours des formes d’éco-
sentations dans une vue d’ensemble. (…) L’École Natio- nomies, des types de gestion, des pratiques et des
nale Supérieure du Paysage a toujours travaillé en au- imaginaires, dont le projet peut se nourrir, et qu’il
to-commande mais en lien avec les acteurs (habitants Outils et démarche faut parvenir à saisir. À chaque projet son expéri-
et techniciens) comme si elle avait une mission d’exper- mentation, ses modes de gestion, et des inventions
du paysagiste
tise exploratoire sur « l’alternative du paysage » dans possibles.
certaines situations urbaines mettant en jeu les rap- Sa démarche s’appuie avant tout sur le socle qui La notion de lien est centrale dans l’approche du
ports ville-nature, le morcellement spatial issu tant de constitue le lieu, sur son historicité, entre pratiques paysagiste-concepteur, puisqu’il travaille dans l’es-
la morphologie naturelle que de l’urbanisme technique locales et contexte global. Cette dentelle, complexe, pace public, et se préoccupe du vivre-ensemble et
et mono-fonctionnel du dernier XXe siècle, l’interdépen- qui fait la singularité du lieu, exige une approche des rapports homme-nature, l’enjeu restant une fer-
6 carnets d’études
ENSP
tilisation croisée des objets et des espaces. La parti- La colline : espace de soule paysage de résistance, à l’image des stratégies d’adap-
cipation peut être un des outils de mise en place du tation de sa lore à la pression hydrique et la chaleur
projet. Il ne s’agit pas forcément d’appliquer un dis- Le paysage de la Métropole englobe des massifs, estivale. Et qu’il faut d’abord apprendre, rencontrer.
positif participatif déterminé mais bien de mettre espaces de nature, qui sont souvent les hauts-lieux
au centre du lieu les personnes qui l’habitent, le sanctuarisés : la Ste-Victoire ou le Parc des Calanques Les traces d’économie vernaculaire y sont toujours
connaissent, le vivent… par exemple. Certains de ces massifs, comme l’Étoile lisibles à travers les vestiges d’habitat, les fours à
C’est ainsi que le paysagiste-concepteur se posi- ou la Nerthe, semblent demeurer dans une certaine chaux, les bergeries, et avec elles une mémoire col-
tionne naturellement entre milieu humain et na- forme d’oubli. Néanmoins, tous présentent une na- lective, un patrimoine ténu et remarquable.
ture, conscient que ce dialogue peut orienter les ture riche mais fragilisée, tant par les risques d’incen- On y observe les carrières qui creusent ces collines,
projets vers une hybridation des espaces, une com- dies que par la pollution et la forte pression urbaine. ofrant leurs entrailles à une ville née de leur chair.
munication souhaitable entre eux. Généralement considérée comme un « désert », la Elles portent l’imaginaire de la Provence sauvage,
colline sèche est un paysage écologiquement riche, celle de Pagnol et de Giono.
avec sa garrigue, héritage de siècles d’exploitation. Un
Échelle du paysage et contexte
méditerranéen
Ainsi l’échelle du paysage vu, vécu, traversé, pose
la question des espaces concernés par l’évolution
métropolitaine, et de leur valeur.
Sur les pourtours méditerranéens, à l’heure d’une
urbanisation littorale continue, le thème « ville/
nature » met d’abord en question la relation
« littoral / arrière-pays ». L’exemple de la métropole
Aix-Marseille-Provence nous amène à considérer
les échelles multiples de relations entre métropole
et paysage, qui se difusent de la bande littorale au
piémont des collines où se dessinent les limites de
la ville. Penser la Métropole, n’est-ce pas d’abord
revenir à ces notions fondamentales : traverser les
paysages, habiter la pente, cheminer à l’ombre des
ruisseaux, s’extraire de la ville dans un vallon, se
retourner et observer la vallée depuis les hauteurs
calcaires ?
La métropole doit certainement pouvoir être lue et
comprise par l’habitant et le visiteur, surpris tou-
jours de la complexité des espaces et des moyens
qui lui sont oferts.
DEPUIS LA COLLINE,
TRAVAILLER EN ÉCOSYSTÈME:
COUPE TRANSVERSALE DU MASSIF
DE L’ÉTOILE À LA CITÉ DU CASTELLAS
ville nature 7
La colline, c’est l’espace de la liberté, du soule, qui qu’il est un départ : celui de l’eau et des sources qui
permet de s’extraire et prendre du recul par rapport aleurent depuis la colline, celui aussi du voyage
au rythme efréné de la ville, de la quotidienneté. vers le sommet. Du point de vue écologique, c’est
Elle ofre un temps lent, celui de la marche, du res- un milieu de transition entre colline sèche, agri-
sourcement. La consommation de loisir ne résume culture irriguée, jardins privatifs et ville.
pas tout le potentiel de ces espaces. Des pratiques Sa situation en belvédère permet le partage démo-
traditionnelles y perdurent : chasse, cueillette, cratique de la vision surplombante du pouvoir,
formes d’économies rudimentaires, qui continuent englobant la ville et la métropole.
de les habiter. Christian Tamisier, parle à ce propos d’un Système
Cependant, l’accès aux collines est souvent empê- Piémont qui « n’exprime pas la mobilité, mais plutôt
ché par l’urbanisation récente, ou pour des raisons la stabilité, dans un certain retrait par rapport à la
de « sauvegarde ». Une rupture entre ville et colline, mobilité, la concentration et la trépidation du Sys-
que l’on constate aussi dans le discours des habi- tème Vallée. » ( Ibid.).
tants et leurs pratiques. Cette forme de déconsidé- À Marseille, le piémont est dessiné par la ligne du
ration se matérialise notamment par la présence Canal, qui marque historiquement la limite entre la
des zones d’enfouissement de déchets, d’aires de colline-nature sèche et la ville-campagne irriguée.
stockage, de décharges sauvages... C’est pourtant là, dans cet espace menacé par
une urbanisation pavillonnaire qui l’enferme et le
Outre le travail sur les accès physiques à la colline, il morcelle, que se matérialise la dissension entre la
s’agit de retrouver le lien des habitants à ce paysage ville et sa colline. En outre, qu’elle provienne des
sec fondamental de la culture provençale: paysage- talwegs, des sources ou du canal , l’eau qui était
ressource, réservoir de nature et de l’eau invisible. autrefois abondante et partagée y a été canalisée,
privant les quartiers de certains loisirs et d’une
nature accueillante.
Le piémont : rencontre Un des enjeux forts du piémont, c’est ce statut de
porte d’entrée vers la colline, de première rencontre
à mi-pente
visuelle entre sauvage et urbain.
Le piémont est l’inlexion entre la colline et la
plaine, à mi pente. C’est à l’origine une zone fer- C’est un seuil où bascule le temps de la ville vers
tile : les matériaux charriés par l’eau formant ici celui de la colline, avec une impression de « cam-
un substrat riche. Par la pente, le piémont force pagne ». Pourtant, le lien aux massifs se délite petit
l’adaptation de l’habitat et des usages. Hétérogène, à petit... Les infrastructures (canal, ligne SNCF) qui
riche de frottements entre l’urbain, les reliquats parcourent ce piémont redeviennent alors de véri-
agricoles, le passage d’infrastructures et la col- tables atouts pour sa desserte et sa découverte.
line, il accueille souvent des pratiques marginales. Une gradation des modes de déplacement, prenant
Se développent là diférentes formes d’habitat, en compte ce changement de rythme, serait plus
toujours contraintes par la pente : bastides, cités adaptée à la temporalité du piémont. Les cités d’ha-
d’habitat social, emprise du pavillonnaire, qu’en- bitat social qui le jalonnent, autrefois isolées, sont
tourent de nombreux espaces « délaissés ». Le pié- aujourd’hui des lieux clés pour penser ce rapport à
mont est aujourd’hui perçu comme un bord, alors la colline : le sol y est peu clôturé, les habitants sont
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ENSP
demandeurs d’accès à la nature proche. La présence
de l’eau, d’un sol fertile, de reliquats agricoles, en
font également le lieu où se jouent le maintien de
l’agriculture et le développement potentiel du projet
d’une couronne agricole piémontaise, comme on le
constate dans les environs d’Aix-en-Provence.
Le vallon : réceptacle
de la colline et de la ville
Le vallon, dans le contexte méditerranéen, est à la
fois un espace de la fraîcheur, de l’abondance, à la
végétation généreuse. Le sol y est riche et profond,
irrigué par l’eau des collines, nourri des matériaux
de leur lente érosion. C’est un espace fortement
contraint, où le régime des ruisseaux est irrégulier
et les usages concentrés. Cette étroitesse lui confère
pourtant les qualités de l’intimité, de l’abri.
S’il n’est pas urbanisé, le vallon est une entrée douce
vers la colline, sorte d’antichambre boisée, avant les
grands espaces ouverts de la garrigue.
Le vallon habité, quant à lui, est une sorte de village-
rue où s’avancent coude à coude l’eau canalisée, la
voirie, l’habitat étroit et resserré. On aperçoit tou-
jours la colline en fond de décor, et c’est de sa pierre
que le hameau historique est issu. C’est, en somme,
une sorte de réceptacle entre nature et milieu hu-
main.
Quand le vallon progresse dans le tissu urbain frag-
menté de la ville dense, il tend à disparaître. L’eau
des ruisseaux, caractérielle, est alors canalisée. La
végétation rivulaire seule signale ponctuellement
sa présence.
Pourtant, nous savons aujourd’hui que le vallon
joue un rôle primordial dans les continuités et les
dynamiques écologiques. Fil conducteur entre la
PIÉMONT: DU MASSIF colline et le bas, il donne la possibilité de repenser
DE L’ÉTOILE À LA CITÉ
DU CASTELLAS
la négociation entre le milieu urbain et la nature
lointaine des sommets. Il semble essentiel, mais
ville nature 9
CHEMINÉE
CASSE
SNCF
PRAIRIE
ROUTE
GARRIGUE
EMBLAVURE VÉGÉTATION
BASSE
ROUTE
JARDIN
10 carnets d’études
ENSP
En Provence, elle fut un signe de richesse et d’abon- Vallée et littoral : systèmes à la logique de la plus grande pente et de la planéité,
dance, notamment par sa mise en scène dans les de mobilité et nature maîtrisée lié à l’échange et à la mobilité.»
fontaines et les jeux d’eau. De la ville polycentrique au hameau, c’est le terri-
Aujourd’hui, la gestion de l’eau permet de penser la La vallée, par ses espaces dilatés, accueille tra- toire des contrastes, de la rapidité, du plein.
ville comme un écosystème, si on la considère sous ditionnellement les activités économiques et Cependant, l’actuelle déprise agricole, au proit de
toutes ses formes : eau sauvage des ruisseaux, eau de d’échange, ainsi que l’agriculture. C’est d’abord l’étalement des lieux de vie, peut conduire à poser
ruissellement, eau usée... ici que se développe le système économique mé- la question de territoires privés d’une certaine
Les infrastructures liées à la gestion de l’eau à tropolitain : grandes infrastructures routières, autonomie alimentaire. Le changement du sol,
l’échelle du bassin-versant, tels les bassins d’orages, aéroports, plate-formes logistiques, zones indus- imperméabilisé, joue un rôle important dans la ges-
réservoirs, canaux, noues, stations d’épuration, trielles, port, commerce... Une organisation qui tion des crues, et le recul des espaces de nature. En
étangs, ponts, sont autant de supports pour de nou- tend à concentrer chaque fonction en « zone ». quelque sorte, l’hybridation qui existait dans le pas-
veaux usages. L’eau a cette particularité d’hybrider Selon C. Tamisier (Ibid) : « Les vallées monopo- sé, entre ville / sol cultivé / eau gérée, est boulever-
et de transformer la matière, soumise à la pente, de lisent la plus grande densité d’usages alors que leur sée par les nouvelles logiques de l’étalement urbain.
permettre des interactions riches, et d’animer les surface est minoritaire. (...) Le Système Vallée obéit Nous savons aujourd’hui que la nature de la ville
sites qu’elle traverse. peut osciller entre une gestion forte et une certaine
liberté. Les mobilités douces prennent de plus en
plus comme supports des «continuités vertes» aux
caractères divers.
ville nature 11
urbains (Prado, Corniche...), des espaces hyper- La problématique des rapports ville-nature est
urbains (Vieux-Port), des espaces économiques intrinsèquement liée à la géographie du terri-
(Port Autonome de Fos-Marseille).... La grande toire méditerranéen. Cela implique d’aborder
richesse de ce linéaire réside dans le fait que l’on la question de l’activité humaine et des dyna-
passe du paysage rocheux et tendu de la Provence miques naturelles, conjointement, depuis les
calcaire aux grandes étendues du Delta du Rhône. sommets, depuis l’arrière, et dans un territoire
D’un point de vue écologique, cette bande littorale vécu. Avec une attention profonde portée à des
est extrêmement riche, que ce soit sur ou sous l’eau. paysages en voie de fragilisation, et qui sont
C’est dans le domaine entre espèces tolérant ou non pourtant la ressource commune de la Métro-
le sel, et dans les premiers mètres de roches sous- pole future.
marines que s’exprime la plus grande diversité bio-
logique.
Ici se pose donc le problème de l’imperméabilisa-
tion des sols sur la côte (remontée du gradient salé),
de la gestion des zones polluées (lourd héritage in-
dustriel) et des rejets impliqués par l’aire urbaine. L’enseignement de l’École Nationale
En efet, la mer est un exutoire, et l’eau s’y jetant a Supérieure de Paysage de
parcouru et incorporé toute la charge, la matière, Versailles-Marseille s’oriente
des activités de la métropole : les eaux douces de la logiquement autour des rapports
Durance et du Rhône, les eaux usées de la ville, les
ville-nature. Plusieurs ateliers
boues rouges de Gardanne, l’exhaure minière ache-
soulignent particulièrement cette
minée par la Galerie de la Mer...
problématique, notamment l’Atelier
Enin, le littoral pose une question essentielle dans Vallon de deuxième Année,
la relation ville-nature : celle de l’accessibilité aux ou l’Atelier Grand Territoire
aménités. Les quartiers nord de Marseille, ville Péri-Urbain en troisième Année.
arrière-portuaire, ont un linéaire de mer accessible En outre, un Atelier Pédagogique
très limité et des liaisons quasi inexistantes. Pour- Régional, en 2014, avait pour
tant de nombreuses pistes ont été soulevées, et cer-
thème « les franges ville-nature
taines infrastructures comme la Digue du Large,
à Marseille ». Les documents qui
sorte de corniche industrielle ou de trait de côte
artiiciel, semblent être, en négatif, ce qu’est le Canal illustrent ce propos sont issus des
au piémont : un moyen pour les habitants de par- travaux personnels de in d’études
courir un espace identitaire, d’éprouver les limites de Laure Letoublon et Gilles Zamo.
de la ville, des collines à la mer.
12 carnets d’études
ENSAM
NATURES
MÉTROPOLITAINES
À l’ENSA Marseille, au sein du département Architecture Ville Territoire, la question ville-nature a été abordée à l’échelle
de Marseille
École Nationale Supérieure d’Architecture
du territoire de la métropole, puis dans un cadrage autour d’Aix-en-Provence, sur la question de la campagne péri-urbaine.
Le système de parcs des massifs sur la déinition de Forestier. Nous avons cherché, en Si pour J.C.N. Forestier, les systèmes de parcs,
du territoire de la métropole premier lieu, à mettre en évidence les espaces natu- comme il l’énonce, s’appliqueraient à une seule ville
Aix-Marseille-Provence rels protégés du site. et sa banlieue, ici, c’est à l’échelle métropolitaine que
Ensuite, nous avons déini, selon nos propres cri- l’enjeu se dessine. En efet, au-delà d’une « prévision
En 1908, le paysagiste Jean Claude Nicolas Fores- tères, les grandes masses végétales qui, mises en du développement des villes dans l’avenir, des prome-
tier déinit ainsi le système de parcs : « un ensemble relation avec le relief, ont notamment révélé les nades, des jardins publics », il s’agit là d’anticiper le
hiérarchisé de réserves foncières, du paysage protégé principaux massifs et leurs vallées, la grande plaine devenir des connexions dans un réseau d’impor-
jusqu’au jardin d’enfants, reliées par un réseau de la Camargue qui constitue un parc à part entière tance nationale, de villes et villages, avec des es-
d’avenues–promenades, voies de communication et celle de l’Arc. paces naturels intensément présents.
aisées, accès aux parcs et à la campagne, pouvant
également contribuer à mettre en valeur les points de
vue, les bords des rivières, les paysages intéressants
ou pittoresques. »
ville nature 13
De cette étude, résulte une certaine continuité entre que l’hydrographie et les zones inondables qui
les diférents composants qui permet l’ébauche d’un dessinent la vallée, et enin les infrastructures
système de parcs, celui des massifs de la métropole. routières. On peut y voir les logiques de conti-
nuité naturelles et de morcellement entre les
LE SYSTÈME DE PARC massifs ainsi qu’une nouvelle lecture des vallées.
DES MASSIFS DANS LA PARTIE
EST DU TERRITOIRE MÉTROPOLITAIN
LAURA STUM, CAROLINE ZARUBA, 2013
Entre les massifs, le paysage interstitiel
La carte a ainsi révélé des espaces non déinis que
Pour ce paysage de l’entre-deux, il a été décidé l’on a alors cherché à identiier. Ces zones sont des
de faire abstraction des grands massifs naturels sols perméables de natures diverses, des délais-
patrimonialisés pour se concentrer sur les fonds sés, des espaces naturels subissant l’inluence de
de vallée et les plaines, là où la nature, la ville et l’homme ou des jardins privés. Les imbrications
l’agriculture se disputent l’espace. Il s’agit ici de sont complexes et la carte nous montre qu’il sub-
voir comment la nature est présente entre les mas- siste entre l’activité industrielle, agricole et l’éta-
sifs par des enjeux de continuité, en efet la préser- lement urbain un environnement riche et peu
vation de la biodiversité passe par un système de considéré, fragmenté et articulant en même temps
trames vertes et bleues permettant aux espèces de toutes ces composantes. Ces sols sont perméables
se déplacer d’un espace d’habitat à l’autre. et accueillent souvent de la végétation, maîtri-
Une carte a été ainsi élaborée s’intéressant aux sée ou non, mais qui n’est jamais patrimonialisée.
dynamiques de la nature à l’œuvre dans les plaines Nous le déinirons comme un paysage interstitiel.
et les vallées. La végétation y est répertoriée ainsi Le paysage interstitiel comprend une part de « tiers
14 carnets d’études
ENSAM
paysage » (« Le Tiers-Paysage —fragment indécidé du
Jardin Planétaire— désigne la somme des espaces où
l’homme abandonne l’évolution du paysage à la seule
nature. » Gilles Clément) et de ce que l’on pourrait
appeler un tiers foncier. Ces espaces sont en autant
de zones de potentialité pour le développement de
la métropole. Il s’agit d’un foncier invisible et de ter-
ritoires à réinvestir, certaines friches ou délaissés
peuvent être porteurs de projets urbains pour den-
siier sans étalement urbain. Même le foncier des
jardins pavillonnaires privés représente par exemple
une opportunité de densiication au sein d’un tissu
déjà existant par un redécoupage parcellaire. D’autres
présentent des qualités paysagères indéniables ou
sont de véritables réservoirs de biodiversité. Certains
lieux pourraient devenir des jardins même s’ils ne
sont pas aujourd’hui reconnus comme tels. Le pay-
sage interstitiel peut constituer une armature pour
établir des continuités écologiques luttant contre le
morcellement des espaces ou refaire entrer la nature
en ville. Cette trame peut aussi être couplée à une
trame circulatoire, des vélos notamment, donnant à
la ville une adaptabilité pour le futur.
L’agriculture périurbaine
15
L’AGRICULTURE PÉRIURBAINE (VERT) ET LA DISTRIBUTION DE L’EAU générant des frictions importantes par la poussée
(BLEU) AUTOUR D’AIX-EN-PROVENCE
ANTOINE LANDREAU, EMMANUEL VERZURA, 2014 de l’habitat sur les parcelles agricoles.
En dessinant le réseau d’irrigation, on remarque
bien évidemment que les terres agricoles suivent le
tracé de ce réseau, mais aussi qu’il existe une corré-
lation entre cette irrigation et des zones d’habitat.
En efet, la Société du Canal de Provence, à l’origine
à vocation agricole, est devenue un facteur d’urba-
nisation périurbaine. Paradoxalement, un service
initialement destiné aux zones de cultures, parti-
cipe à changer la vocation de ces territoires en zones
d’habitation générant ainsi des conlits d’usages
entre agriculture et habitat. L’urbanisation afecte
la continuité des espaces agricoles, des structures
paysagères qui y sont liées, et de leurs dessertes et
ainsi, les fragilise.
La « ville-nature » du périurbain
16 carnets d’études
ENSAM
LES COMPOSANTES PAYSAGÈRES DU PÉRIURBAIN : LES MASSIFS (VERTS Ici, cette tâche d’urbanisation difuse est limitée par
FONCÉS), L’AGRICULTURE (JAUNE) ET LES JARDINS PRIVÉS (VERT CLAIR)
ASYA DIMITROVA, MÉLANIE FRETTI, CORALIE MARAVAL, LAURA STUM, 2014 les grandes « infrastructures » paysagères que sont
les massifs boisés. On remarque que le système agri-
cole est implanté autour des cours d’eau et qu’il tient
une place importante dans le territoire. La sensation
d’habiter à la campagne est sans doute induite par
la présence de l’agriculture qui crée des ouvertures
visuelles vers les éléments de paysage.
ville nature 17
ÉVOLUTION URBAINE.
FORMATION
D’UNE MOSAÏQUE
AGRICULTURE(S)
METROPOLITAINE(S) CULTURES SÈCHES
L’agriculture métropolitaine, par son caractère secteur structurant du territoire qui ne pourra
multifonctionnel, s’inscrit dans le chantier Ville- pas subsister sans irrigation dans un contexte de
BASTIDES
Nature. L’ensemble des participants du groupe a réchaufement climatique.
tout de même tenu à préciser que, sur le territoire,
elle relève avant tout d’enjeux alimentaires, produc- Le maraîchage mobilise 320 exploitations sur
tifs et donc économiques. C’est pourquoi il s’agit, 1 648 ha. Son potentiel de développement au sein
dans un premier temps, de revenir sur les réalités et de la métropole est évident, notamment pour ser-
les enjeux économiques de l’agriculture métropoli- vir la restauration collective et privée. Il nécessite
taine, avant d’identiier, dans un second temps, ses cependant la mise en place ou le confortement de
portées sociales, culturelles et environnementales. politiques agricoles intégrées : foncier, maîtrise VILLAGES
Il convient également, dans un troisième temps, de technique, commercialisation.
restituer les rélexions du groupe quant aux enjeux
fonciers de l’agriculture métropolitaine ain de dé- L’arboriculture est pratiquée par 480 exploitations
gager quelques conclusions et perspectives. sur 3 546 ha. Elle se centre principalement sur de
la production de fruits à pépins en Val de Durance
(pommes, poires), des fruits à noyaux au sud et à
Les agricultures et leurs dynamiques l’est (abricots, pêches et cerises) et d’oléiculture en
piémont et en fond de vallons à proximité des mas-
au sein de la Métropole
sifs forestiers. Ain d’approvisionner en direct les
GRANDS ENSEMBLES
Sur le territoire métropolitain 60 500 ha sont consommateurs métropolitains, le redéploiement ÉTALEMENT URBAIN
voués à l’agriculture, soit 20% de la surface. Cette de l’arboriculture de fruits à noyaux présente un
activité assure à la métropole 4 200 emplois di- réel intérêt. Certaines exploitations arboricoles en
rects et 12 600 emplois induits. Le maraîchage, la pommes et poires du Val de Durance alimentent
viticulture et l’arboriculture sont les secteurs les déjà en partie ce marché et sont en mesure de ré-
plus générateurs d’emplois. pondre à l’approvisionnement total de la métropole.
Si 80 % de la production provençale de rosé part à L’oléiculture est le plus souvent une activité com- ZAC
l’export, il convient de signaler que l’essentiel de la plémentaire car elle nécessite des surfaces impor-
production de vins métropolitains est consommé tantes (8 ha en moyenne) pour assurer un revenu
localement. La viticulture représente donc un principal.
18 carnets d’études
IUAR
Au sein de la métropole, les grandes cultures ÉCLATEMENT PARCELLAIRE. TERRES ÉTEINTES ET PATRIMOINE EN PERDITION.
LES HAUTS DE SAINTE MARTHE. VERS UN AGRO-QUARTIER. ALAIN MILLIAS
concernent essentiellement les céréales (blé dur)
et les oléoprotéagineux (tournesol). Il s’agit de
productions à forte valeur ajoutée qui nécessitent
un savoir-faire spéciique. Ces grandes cultures
occupent 316 exploitations pour 12 936 ha. Avec le
et d’Aménagement Régional
Institut d’Urbanisme
réchaufement climatique, la culture de céréales au
sec devient de plus en plus aléatoire. Les cultures
de céréales semences ont encore un bon potentiel
de développement au nord de la métropole.
ville nature 19
PLAN DE L’AGRO-QUARTIER DES HAUTS DE SAINTE MARTHE. ALAIN MILLIAS
RASSEMBLER :
CRÉER DES POINTS
DURS AGRICOLES :
LES DOMAINES
MISE EN SYNERGIE
AVEC LA VILLE :
INTERACTIONS
ENTRE L’AGRICOLE
ET LA VILLE
DE LA VILLE
À L’AGRICOLE PAR
LA TRAME: ACCÈS
PAR LES VALLONS
20 carnets d’études
IUAR
proposer à une population citadine en quête de Fonctions environnementales et paysa- L’agriculture biologique : un véritable atout
loisirs et de nature. Dans les zones périurbaines, gères. L’agriculture remplit des fonctions iden- pour le territoire métropolitain. Sur le ter-
on peut ainsi enregistrer une diversiication des titaires et environnementales essentielles pour ritoire, l’évolution des surfaces d’agriculture bio-
services liés à l’exploitation : vacances à la ferme, le développement métropolitain. Les paysages logique est en constante augmentation depuis
activités pédagogiques, etc. L’un des enjeux ma- façonnés par les pratiques agricoles structurent le le début des années 2000. Le département des
jeurs de l’agriculture métropolitaine est donc territoire et lui donnent son identité. Bouches-du-Rhône est, par exemple, le deuxième
d’ordre social et culturel. L’agriculture devient, Les espaces agricoles contribuent également à la pré- département français pour la Surface Agricole
pour les urbains, la référence culturelle essentielle servation de la capacité d’évolution des espèces natu- Utile en bio et pour les surfaces en conversion. Au
de leur lieu de résidence. relles fortement impactées par la pression urbaine et sein de la métropole, les exploitations certiiées
le changement climatique : selon le Schéma Régional « Agriculture Biologique » sont très diversiiées.
Forte de ces caractères, elle s’impose également de Cohérence Écologique, 22 % des espaces agri- L’activité maraîchère biologique est supérieure en
en vecteur de projets sociaux importants. Face aux coles métropolitains participent à la préservation de nombre d’exploitations à proximité des grands pôles
méfaits de la crise économique, elle est de plus en la trame verte, 9 % sont situés dans les réservoirs de urbains. La viticulture biologique est, quant à elle,
plus souvent présentée comme le cadre d’opéra- biodiversité et 13 % au sein des corridors écologiques. plus importante autour d’Aix-en-Provence et dans
tions d’insertion ou de réinsertion de populations Sis dans des zones de transition, les espaces agricoles les communes limitrophes du département du Var.
défavorisées. peuvent avoir des incidences sur le maintien de la
Au sein des tissus urbains denses, les jardins col- biodiversité. Ils ont également un rôle signiicatif La métropole a un fort potentiel de consommation
lectifs, en plein développement, témoignent de cet dans la gestion des risques naturels lorsqu’ils sont locale de produits agricoles bio notamment autour
état de fait. Ils se présentent comme des territoires situés dans les zones naturelles d’expansion de crues des pôles urbains de Marseille et d’Aix-en-Provence.
de liberté où chacun peut trouver son agrément. ou d’interface ville/massif, dans le cadre de la lutte
Aussi, ces formes d’agriculture urbaine génèrent- contre les incendies. De fait, les enjeux de préservation des fonctions so-
elles des pratiques diverses. Dans ces collectifs de ciales, culturelles, paysagères et environnementales
potagers, chacun vient chercher des plaisirs qui lui La production agricole participe également à la de l’agriculture rejoignent aujourd’hui les préoccu-
sont propres. Fondés sur des pratiques collectives gestion de la ressource en eau. Le territoire mé- pations des consommateurs métropolitains, mais
qui nécessitent la participation de tous et la cohé- tropolitain bénéicie d’un réseau d’irrigation im- aussi celles des consommateurs des pays d’Europe
sion autour d’un règlement commun, ils sont égale- portant. Pour autant, le changement climatique du Nord. En ce sens, préserver ces fonctions doit
ment perçus comme des lieux privilégiés d’appren- impliquera la réalisation d’économie d’eau et un participer au projet économique de la Métropole :
tissage de la citoyenneté, d’éducation à la nature et nouveau partage de la ressource. Dans ce contexte, airmer une ilière maraîchère de proximité tout en
à l’environnement. Si l’incidence quantitative de conserver le potentiel agricole de demain oblige soutenant une agriculture d’expédition.
l’agriculture urbaine sur l’alimentation des popu- à protéger les espaces irrigués et les bons sols de
lations reste mineure au sein du territoire métro- toute urbanisation et adapter les productions agri-
politain, il s’agit de souligner son impact en termes coles à ce nouveau contexte : nature de culture, Des ressources foncières nécessaires
qualitatifs. Les jardins collectifs apparaissent, par itinéraire technique, etc. Il convient également de
exemple, comme des sas de questionnement sur signaler, la contribution des sols au fonctionnement Pour maintenir et développer l’agriculture métro-
les comportements alimentaires des habitants. Ils de l’écosystème métropolitain dans la captation de politaine, il convient de revenir sur les dynamiques
établissent des traits d’union entre l’agriculture carbone et l’épuration de l’air. foncières (pression, urbanisation massive) qu’elle
intra-urbaine de loisir et l’agriculture métropoli- La prise en compte de ces diférentes fonctions est subit. Si l’on souhaite orienter l’agriculture vers
taine professionnelle. L’un des enjeux métropoli- en cours. L’accroissement des surfaces en agricul- des pratiques respectueuses de l’environnement,
tains est donc aussi de créer une synergie entre ces ture biologique constitue, à ce titre, un levier non toutes les surfaces agricoles disponibles doivent
formes d’agriculture. négligeable. être mobilisées. La rélexion doit alors s’étendre
ville nature 21
ÉTUDE SUR LES JARDINS
PARTAGÉS MARSEILLAIS.
BRICE DACHEUX ET ALAIN MILLIAS.
aux espaces en déprise, aux friches agricoles, sou- de léopard ». Ce secteur est idéal pour l’approvi- en organisant, à long terme, la préservation de la
vent en contact direct avec des tissus urbains com- sionnement de la ville en circuit court structuré ressource foncière agricole. Pour ce faire, il s’agit,
posites : banlieues, quartiers résidentiels, zones par de petites unités maraîchères. à court terme, de créer un outil d’installation et
d’activité, hameaux en expansion, etc. de transmission intégrée (aide à la recherche de
Plus au nord, le territoire agricole permet l’ins- foncier, conseil technique, marque territoriale
Ce contexte justiie la mise en place de protec- tallation d’exploitations spécialisées qui peuvent et identiication d’opportunités). Il convient éga-
tions particulières dans la continuité d’expé- à la fois servir les marchés d’expédition et ceux lement de structurer la ilière maraîchère pour
riences phares du territoire : Charte agricole du internes à la Métropole. les besoins d’approvisionnement de proximité et
Pays d’Aubagne et de l’Étoile, Charte agricole de la l’expédition en encourageant la production et les
Communauté du Pays d’Aix, Schéma de Cohérence pratiques respectueuses de l’environnement.
Territoriale de Marseille Provence Métropole, Conclusions Enin, il est nécessaire de débuter l’action métro-
PAEN (périmètre de protection et de mise en va- politaine en faveur d’une politique alimentaire
leur des espaces agricoles et naturels périurbains) Quels sont aujourd’hui les secteurs à enjeux et de et agricole par une action fédératrice : cantines
de Velaux, projet de Zone Agricole Protégée à projets potentiels dans la métropole en constitu- scolaires et restauration collective, marque terri-
Vitrolles, dont on peut légitimement s’inspirer. tion ? En réalité, en matière agricole, tout le terri- toriale.
Une politique foncière agricole en convention toire est concerné. En efet, pour constituer un sys-
avec la SAFER doit, par ailleurs, être imaginée sur tème alimentaire métropolitain, il s’agit d’articuler
l’ensemble du territoire. l’agriculture spécialisée du nord avec l’agriculture
« métropolisée » du sud, ain de jouer des complé-
Au sud de la métropole, autour de l’Étang de Berre, mentarités entre un secteur productif tourné vers
en périphérie d’Aix, Marseille et Aubagne, le ter- l’exportation et une demande urbaine en attente de
ritoire agricole est soumis à une forte pression produits agricoles locaux, diversiiés et de qualité.
foncière alors qu’il joue le rôle de tampon entre les Quel cadre métropolitain pour assurer une poli-
espaces urbanisés et les espaces naturels. Le par- tique agricole et alimentaire intégrée ? La métro-
cellaire est de petite taille et les espaces voués à pole peut constituer un trait d’union entre les dif-
l’agriculture sont hétérogènes, disposés en « peau férentes formes d’agriculture et leurs territoires,
22 carnets d’études
IUAR
ville nature 23
crédits
Carnets d’études / Ville Nature
Coordination : Vincent Piveteau et Mathieu Gontier, ENSP Versailles-Marseille
Conception et réalisation graphique : Flgraf
Synthèse réalisée par Laure Letoublon et Gilles Synthèse réalisée par Laurent Hodebert à partir
Rapport du groupe « Agriculture et politique
Zamo. des travaux des étudiantes citées et avec
alimentaire » du chantier Ville-Nature :
Illustrations : travaux de in d’études l’assistance de Isaline Maire
Jean-Noël Consalès -Aix Marseille Université
et Atelier Quartiers Nord de Laure Létoublon Travaux réalisés dans le cadre de l’atlas et IUAR- et Jean-Marc Bertrand - Chambre
et Gilles Zamo. [métropolitain], une action du département d’Agriculture.
Rédacteurs : Georges Demouchy, Architecture, Ville, Territoire.
Illustrations d’étudiants : Alain Millias
Laure Letoublon et Gilles Zamo. Atelier de projet de 5e année sous la direction et Gilles Dacheux (ENSP).
Coordination : Mathieu Gontier. de Jean-Michel Savignat et Laurent Hodebert en
2013 – 2014.
Étudiants : Asya Dimitrova, Mélanie Fretti, Julie
Freychet, Antoine Landreau, Frédéric Lapeyrin,
Florence Martin, Coralie Maraval, Charlotte
Salles, Arnaud Sibilat, Laura Stum, Eugénie
Toucas, Emmanuel Verzura, Caroline Zaruba
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