Tema 7
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Tema 7.
La communication orale. Éléments et normes régissant le discours oral.
Routines et formules habituelles. Stratégies propres à la communication
orale.
Par rapport à la dichotomie oral/écrit, il est évident que la tradition grammaticale prend
implicitement pour objet la langue écrite, et de ce fait, néglige ou ignore la langue orale.
Certes, l’oral et l’écrit partagent des structures communes, mais l’oral présente toutefois des
caractéristiques qui lui sont propres :
Ces éléments, trop souvent considérés comme simples « accidents » de parole qui ne
supposent aucun apport informationnel, sont cependant fonctionnels : d’une part, ces
« scories » témoignent de l’état émotionnel du locuteur (trouble, excitation, dépression) ;
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C’es du moins le cas dans les interactions quotidiennes, que nous prenons comme modèle de la communication
orale. Il existe, bien entendu, des situations ou la réversibilité des rôles n’est pas possible, la communication
étant dans ces cas unidirectionnelle : conférences, cours magistraux, émissions radiophoniques, etc.
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d’autre part, elles coïncident souvent avec une baisse d’attention momentanée de
l’auditeur que le locuteur essaie de corriger :
L’interruption a donc pour fonction de reconquérir ce regard et cette attention, la phrase se poursuivant
normalement une fois le contact rétabli. Tout autant que le symptôme d’un trouble dans la
communication, l’interruption apparaît alors comme une sorte de stratégie inconsciente du locuteur,
visant à restaurer le bon fonctionnement de l’échange – car à quoi bon produire des phrases
impeccablement grammaticales, si elles échappent à l’attention de leur destinataire ? Au lieu de
démontrer le caractère défectueux des sujets parlants, de tels phénomènes constituent autant de
manifestations de sa capacité à construire des énoncés efficaces interactivement (Kerbrat-Orecchioni,
1996b : 24-25).
Les régulateurs accomplissent aussi une fonction de feedback : dans certains cas, ils
encouragent le locuteur à poursuivre, et n’ont d’autre fonction que de lui signaler le soutien et
une attitude d’écoute active ; dans d’autres cas, ils servent au locuteur à prévoir et à corriger
des incompréhensions ou des formulations mal choisies. Il s’agit, pour la plupart, de réactions
involontaires, de réflexes qui témoignent de la co-construction active du sens des discours :
L’absence de régulateurs est sentie comme impolie ou agressive, et vécue comme gêne, signal de retrait
ou d’hostilité. C’est dire que le locuteur appelle et attend les régulateurs chez son récepteur, le locuteur
les provoque et il y obéit. Le flux conversationnel est constamment géré par les activités coordonnées du
locuteur et du réacteur : techniques complexes qui réclament leur vigilance, non leur attention consciente,
pour assurer un contrôle de la conduite du discours. (De Gaulmyn, 1987 : 221)
2.— caractéristiques syntaxiques : l’oral emploie très souvent des procédés de mise en relief.
Le locuteur peut faire usage de structures emphatiques, antéposer un complément
circonstanciel ou modifier l’ordre des mots pour donner plus d’expressivité à son discours.
L’emphase commande davantage la structuration du discours oral que l’organisation
canonique sujet-verbe-compléments. L’usage des phrases nominales s’explique pour la même
raison: Excellent, ce café! Ce livre, quel chef d’oeuvre!.
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multicanale : elle exploite un matériel comportemental fait de mots, mais aussi d’inflexions, de regards,
de gestes, de mimiques. Ces différents canaux sont complémentaires, et également nécessaires à la
communication orale, car chacun d’eux possède des propriétés spécifiques avec lesquelles on ne cesse de
jongler pour le plus grand bénéfice de l’interaction (Kerbrat-Orecchioni, 1990 : 150-151).
Si l’on exclut de l’analyse tous les éléments non verbaux, on sera donc dans bien des cas incapable de
rendre compte de la cohérence du dialogue, dans la mesure où y interviennent successivement des actes
verbaux et non verbaux. Mais en outre, il sera impossible à l’analyste de rendre compte de son
fonctionnement global, dans la mesure où y interviennent simultanément des éléments verbaux et non
verbaux (et bien sûr paraverbaux) (Kerbrat-Orecchioni, 1990 : 142).
Les premières études sur la communication ont élaboré un schéma des composantes qui
interviennent dans le processus communicatif : le message, produit par un émetteur pour un
récepteur, le contexte auquel renvoie le message, le canal et enfin le code (t. 4).
Tout discours est par ailleurs produit dans le cadre de certaines données spatio-
temporelles dont l’influence est également déterminante pour la forme et pour le contenu
des discours échangés, à commencer par la présence simultanée des interlocuteurs dans le
lieu de l’échange communicatif. Lorsque la communication se produit en face à face, elle se
trouve tout naturellement enrichie par les composantes de ce que l’on appelle le langage non
verbal et par l’entourage immédiat, ce qui permet des usages plus elliptiques et des
verbalisations minimales des référents. Il n’en va pas de même lorsque la communication
emprunte un autre canal (communication téléphonique). Deuxièmement, il va de soi que l’on
ne parle pas de la même façon partout et à tout moment : « à chaque “site” institutionnel
correspond un “scénario” particulier […]. Le cadre spatio-temporel est donc déterminant pour
le thème des échanges, mais aussi pour leur “style” » (Kerbrat-Orecchioni, 1990: 108-109).
La dimension spatio-temporelle de la communication dessine ainsi en filigrane la notion
d’opportunité, d’adéquation des propos au moment et au lieu, et ce en fonction aussi des
normes discursives et socio-culturelles de la communauté de référence. La communication,
en effet, comme toute pratique sociale, se trouve soumise à un certain nombre de normes et de
principes implicites mais nécessairement respectés (cf. t. 7,8), que les individus intériorisent
au cours de leur développement cognitif.
Enfin, il est un autre facteur constitutif du cadre spatio-temporel qui exerce une
influence considérable dans les interactions: c’est la présence potentielle de témoins. Très
souvent, en effet, surtout lorsque la communication se déroule dans des lieux publics,
plusieurs personnes se trouvent entendre, sans le vouloir2, des propos qui ne leur sont pas
adressés. Ces témoins, que Kerbrat-Orecchioni (1996: 17-18) désigne sous le nom de
« récepteurs en surplus », n’ont pas le statut conversationnel d’interactants « ratifiés »: ils
n’appartiennent pas à l’échange communicatif. Or, les interlocuteurs, qu’ils le veuillent ou
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Il se peut, au contraire, que le témoin écoute la conversation qui se déroule entre les interactants à leur insu et
de façon tout à fait délibérée. Il appartient depuis lors à la classe des « eavesdroppers » ou espions.
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non, dès qu’ils perçoivent cette présence, ne peuvent qu’en tenir compte, ce qui se traduit
dans la communication par l’adoption, soit d’un ton chuchoté qui vise à exclure le témoin,
soit d’un ton plus élevé qui lui permette d’entendre ce qui est dit. Un témoin peut,
occasionnellement, s’arroger le statut de locuteur et intervenir dans la conversation, comme
dans l’exemple suivant:
A — Je ne sais pas comment on va faire pour arriver à la gare. Il faudrait peut-être demander à quelqu’un...
B — Mais non, c’est sûr que c’est par ici...
C (qui ne fait pas partie de la conversation) — Excusez-moi, je n’ai pu m’empêcher de vous entendre.
Vous cherchez la gare ? Je peux bien vous y conduire.
Nous pouvons depuis lors élargir le schéma traditionnel de la communication afin d’y
intégrer, outre les composantes du schéma jakobsonien, des données concernant le nombre et
le type d’interlocuteurs impliqués (identité, statut, rôle, relation avec l’interlocuteur,
représentation que chacun se fait de l’autre...), les données spatio-temporelles, les
intentions de communication de chacun ainsi que les effets produits sur l’autre. Le schéma de
la communication pourrait être alors représenté comme suit3 :
REPRÉSENTATIONS
relations
(référent)
DE QUOI
statut statut
rôle interventions hypothèses rôle
attitude projections attitude
groupe L1 L2 groupe
d’appartenance DISCOURS d’appartenance
groupe de groupe de
intentions effet
référence référence
(fonction)
Où ? Quand ? Où ? Quand ?
Pour quoi faire ? POURQUOI Pour quoi faire ?
Devant qui ? Devant qui ?
Conditions de production
Nous envisagerons sous cette rubrique des règles et des maximes qui montrent que,
malgré leur allure souvent chaotique, les conversations quotidiennes se conforment à un
certain nombre de principes. Mis à part l’ensemble de règles « génériques », qui déterminent
des contraintes de forme et de structure (une interview ne suit pas le même déroulement
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Adapté de S. Moirand, 1982.
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Dans un article devenu célèbre4 H.P. Grice pose l’existence d’un principe général
auquel doivent se plier les interactants dans le but de faire réussir une interaction et qui veut
que chaque participant à l’échange y contribue de la façon adéquate. Ce principe est explicité
par quatre maximes :
— maxime de quantité : elle concerne le contenu informationnel des interventions et
prescrit de donner la quantité juste d’information requise par les conditions de l’échange ;
— maxime de qualité : elle a trait à la véracité de l’information, et contraint à ne dire
que la vérité ou ce que l’on a suffisamment de raisons de tenir pour vrai ;
— maxime de relation : contraint à respecter la pertinence ;
— maxime de modalité ou de manière : en rapport avec la forme du discours (être bref,
concis, éviter les ambiguïtés, etc.).
Toutes ces maximes ne sont pas toujours respectées, mais la communication peut
fonctionner tant que le principe général de coopération sera maintenu. En effet, l’intérêt de
ces maximes réside pour Grice dans le fait qu’elles peuvent être enfreintes, et que toute
violation des maximes s’avère significative. Quatre cas sont à considérer, dans lesquels le
locuteur peut :
— violer discrètement une maxime afin de tromper l’interlocuteur (mensonge),
— se placer en marge du principe de coopération, par exemple, s’il refuse de répondre à
une question,
— violer une maxime qui entre en contradiction avec une autre afin de satisfaire à cette
dernière. Par exemple, opposition ente la maxime de quantité et celle de modalité si l’on a
à fournir une information trop complexe,
— enfreindre ouvertement une maxime, alors que ne se donne aucune des trois situations
précédentes. Dans ce dernier cas, l’interlocuteur est amené à rechercher le sens au niveau
du contenu implicite.
Telles sont donc les situations qui expliquent, pour Grice, les infractions au principe de
coopération : le désir de mentir, le refus de coopérer, le désir de faire prévaloir une maxime au
détriment d’une autre, ou enfin, le désir de créer des implicitations. Or, ces possibilités
n’épuisent pas sans doute l’éventail des circonstances dans lesquelles nous sommes
quotidiennement amenés à enfreindre l’une ou l’autre de ces maximes. Imaginons que ma
meilleure amie me demande si sa nouvelle robe lui va bien. Est-ce parce que je désire mentir,
ne pas coopérer ou créer des implicitations que je réponds qu’elle lui va très bien, alors que je
ne le crois pas ? Certainement pas. Il faut aussi garder à l’esprit que la communication se
produit entre des êtres munis d’affects et de désirs d’épanouissement personnel et
interpersonnel. C’est ce qui explique le besoin de respecter un autre principe essentiel : le
principe de politesse.
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“Logic and Conversation”, 1975.
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Depuis la fin des années 1970, plusieurs modèles, dont ceux de G. N. Leech, Brown et
Levinson ou Kerbrat-Orecchioni essaient de rendre compte du fonctionnement de la politesse,
non plus comme simple répertoire de « formules », mais comme phénomène exerçant une
influence directe sur les comportements langagiers, et qui est définie comme la mise en
oeuvre de diverses stratégies qui visent à préserver le caractère harmonieux de la
relation interpersonnelle.
Ainsi, par exemple, G. Leech (1983) pose que la politesse est un principe, au même titre
que le principe de coopération, constitué comme lui par un certain nombre de maximes (de
tact, de modestie, d’accord, de sympathie, etc.). Brown et Levinson, de leur coté, ont bâti leur
modèle de politesse sur la notion de face. Concept élaboré par Goffman, la face renvoie en
principe à la représentation que chacun se fait de soi et de l’autre. Elle est ensuite
développée dans le modèle de Brown et Levinson (1987 : 61), qui distinguent ainsi deux faces
que tout être social possède :
— face positive : l’ensemble des images valorisantes de soi que chacun des interactants
essaie de transmettre et de maintenir.
— face négative : qui correspond à ce que Goffman appelle le « territoire du moi » et
que l’on peut considérer comme étant le territoire corporel, spatial, la libre disponibilité de
son propre temps, les biens matériels, etc.
Ces deux faces que chacun des interactants met en jeu dans toute activité sociale sont
susceptibles d’être menacées lors de l’interaction par les actes que chacun accomplit à l’égard
de soi-même ou de l’autre. Ces actes menaçants pour les faces sont appelés FTAs (Face
Threatening Acts). Les actes de langage peuvent dès lors être classées, selon la face menacée
du locuteur ou de l’allocutaire, en quatre catégories :
La politesse apparaît donc pour ces auteurs comme un désir mutuel de préserver toutes
les faces, ce que l’on peut faire à travers un certain nombre de stratégies de politesse.
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Les stratégies de politesse peuvent être divisés en deux grands groupes, selon qu’elles
relèvent de la politesse négative, de nature essentiellement abstentionniste ou réparatrice,
selon les cas, ou qu’elles reflètent la politesse positive, à caractère productif.
— stratégies de politesse positive : elles impliquent tout acte ayant pour le destinataire
un caractère essentiellement bénéfique —compliment, cadeau, invitation, formule votive ou
de bienvenue, etc. Contrairement aux actes menaçants, qui doivent être adoucis, les actes
favorisant l’interlocuteur tendent à être hyperbolisés et renforcés (« merci mille fois ! » « t’es
super belle ! »)
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—lorsque la réparation est entamée par le propre locuteur, on trouve des procédés tels que
les hésitations, les reprises visant à gagner du temps pour formuler sa pensée de façon plus
explicite, les reformulations du type je veux dire que.., les corrections instantanées après un
faux départ, etc.
—en ce qui concerne les réparations entamées par l’interlocuteur, elles empruntent en
général la forme de questions du type pardon? comment? quoi? Qu?est-ce que tu veux dire?
Qu’est-ce que tu entends par là? ou de paraphrases et reformulations de son partenaire du
type tu veux dire que..., j’imagine.
Quant à l’interlocuteur, il ne peut de toute évidence rester passif. S’il est constamment
sollicité par le locuteur à l’aide de phatèmes et de questions, c’est que le sens naît d’une co-
construction. En effet, l’interaction conversationnelle constitue un cas particulier de
communication, dans la mesure où la planification et la production du discours ne relèvent
plus du seul locuteur, mais que celui-ci doit à tout instant tenir compte de son allocutaire.
Comme le note J.-P. Bronckart, il s’agit « d’une planification co-gérée […], planification qui
échappe souvent à la conscience même des coproducteurs » (Bronckart, 1994 : 52). De ce fait,
les phases de production et de compréhension ne sont plus nettement dissociées, comme dans
le cas de réception d’un discours écrit, mais elles se déroulent parallèlement et de façon
partiellement simultanée :
On peut aussi penser que le processus de compréhension chez l’auditeur chevauche partiellement les
phases initiales de son processus de production, s’il veut réagir immédiatement à son interlocuteur,
comme il l’est normalement concevable en situation d’interaction verbale. Cela signifie que l’auditeur, en
construisant le sens de l’énoncé que son interlocuteur est en train d’achever oriente déjà son attention vers
la planification du thème de sa propre énonciation. (H. Kayser, 1988 :139).
Par ailleurs, la présence simultanée des interlocuteurs est susceptible d’introduire des
changements dans les paramètres de la situation de communication, ce qui oblige parfois à des
réajustements :
[…] s’ils sont déterminés par les données contextuelles, les événements conversationnels ne cessent en
même temps de remodeler ces données : fixé à l’ouverture de l’interaction, le contexte est aussi construit
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au fur et à mesure que celle-ci progresse ; définie d’entrée, la situation est sans cesse redéfinie par la
façon dont sont manipulés les signes échangés (Kerbrat-Orecchioni, 1992 : 37)
Ceci implique :
2.— que les deux interlocuteurs s’engagent dans un processus constant de négociation
concernant non seulement les procédés d’expression et d’interprétation (vérification des
connaissances de l’autre, reformulation au besoin), mais aussi la gestion des prises de parole
et des thèmes du discours.
3.3. La négociation
La plupart des auteurs signale que ce qui caractérise les interactions verbales c’est le
processus de négociation :
En effet, ce qu’on observe quand on étudie attentivement les conversations authentiques, ce n’est pas
seulement une interaction, mais une véritable négociation entre les interlocuteurs (E. Roulet, 1991 : 14).
Le sens d’un énoncé est le produit d’un « travail collaboratif » […], il est construit en commun par les
différentes parties en présence – l’interaction pouvant alors être définie comme le lieu d’une activité
collective de production du sens, activité qui implique la mise en œuvre de négociations explicites ou
implicites (Kerbrat-Orecchioni, 1990 :28-29)
Or, qu’entend-on au juste par négociation ? Pour comprendre ce concept, il faut d’abord
admettre que l’espace de la parole est un espace potentiellement conflictuel, où des problèmes
de compréhension, des menaces et des ruptures sont toujours susceptibles de paraître, d’où le
besoin d’un travail « collaboratif », c’est-à-dire d’un engagement, d’une coopération, et le
respect des normes de la politesse. Ces normes concernent aussi bien les mécanismes de prise
de parole que la gestion de l’objet de discours. On sait ainsi, par exemple, que l’on ne doit pas
interrompre l’autre pour prendre la parole n’importe comment, que l’on ne doit pas imposer à
l’autre un sujet de conversation susceptible de le gêner particulièrement, que certains actes de
parole sont « impolis » dans certaines circonstances, etc. De ce point de vue, la négociation
concerne à tout instant le degré d’adéquation de nos interventions. Elle s’inscrit dans le cadre
des grands principes généraux qui gouvernent tout échange communicatif, le principe de
coopération et le principe de la politesse, et s’applique à tout aspect de l’interaction : toute
prise de parole, tout changement de ton, de sujet, de rôle, toute modification dans la
relation interpersonnelle, etc. doit faire l’objet d’une négociation, d’un accord entre les
interactants.
— négociation des tours de parole : l’alternance des tours de parole se fonde sur un
système de droits et de devoirs selon lequel le locuteur a le droit de garder la parole, mais
aussi l’obligation de la céder à un moment donné ; l’interlocuteur a le devoir de laisser parler
le locuteur, le droit de demander la parole, et le devoir de la prendre quand le locuteur la lui
cède. Dans l’exercice de leurs droits et devoirs, les interactants déploient tout un éventail de
signaux verbaux et non verbaux (hochements de tête, gestes des mains, expressions du visage,
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Le respect des normes conversationnelles implique que l’alternance des tours de parole
soit un rituel négocié, que chacun puisse intervenir à un moment donné. Mais il se peut,
évidemment que la négociation échoue, soit que L1 ne cède pas la parole à L2, soit que celui-
ci décide d’interrompre L1 au lieu d’attendre son tour.
Le « déjà dit » peut concerner non seulement le contenu d’une interaction concrète,
mais aussi celui de l’histoire conversationnelle commune. Il constitue pour les interactants
aussi bien un arrière-plan de connaissances partagées qu’un horizon d’attentes qui s’articule à
la nature des relations interpersonnelles (si la relation est hiérarchique ou non-familière, on
s’attend à des sujets impersonnels et généraux) et aux paramètres spatio-temporels (avec la
même personne, on parle différemment si la rencontre a lieu dans un « site » institutionnel ou
dans un café, par exemple) pour déterminer le choix des thèmes plausibles de paraître dans
une interaction concrète. Il va sans dire que tout changement dans ces paramètres doit être
signalé par celui qui l’entreprend, et accepté par son allocutaire, s’ils veulent au moins que la
communication réussisse.
Enfin, on peut signaler que la gestion des thèmes abordés et développés obéit également
à une contrainte thématique (F. Jacques, 1988 : 58-59), qui résulte en quelque sorte de la
conjonction du principe de pertinence et du principe de politesse. La pertinence contraint à un
traitement des sujets qui exige le minimum de coût cognitif, ce qui implique que l’on
s’abstienne d’effectuer des changements brusques de sujet ou alors qu’on les introduise de
manière adéquate. La politesse, de son côté, enjoint non seulement de projeter une image de
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soi favorable tout en essayant de respecter celle des autres, mais aussi d’aborder des sujets
susceptibles d’intéresser tous les interactants et d’éviter en même temps les thèmes frappés
d’interdiction dans une situation donnée —questions indiscrètes, discours exclusivement auto-
centrés et autres tabous conversationnels dont témoigne par exemple l’emploi fréquent
d’euphémismes.
Du point de vue de la forme du message, il est évident que la « mise en paroles » d’un
projet communicatif implique à tout instant un choix des formules qui s’adaptent le mieux
aux intentions de communication, mais aussi aux paramètres de la situation (relation avec
l’interlocuteur, image que l’on se fait de lui, données spatio-temporelles, etc.). Ce choix est
opéré à tous les niveaux : à celui des contenus sémantiques, des formes morphosyntaxiques,
des schémas intonatifs, etc. Or, parmi ces formulations linguistiques, il y en a qui sont
fortement ritualisées et qui constituent ce que l’on connaît comme routines.
Ces routines sont facilement repérables au niveau de ce que l’on appelle séquences
phatiques d’ouverture et de fermeture d’un dialogue (t. 35), c’est-à-dire la façon d’entamer
et de conclure un échange dialogal, et elles sont normalement constituées par des paires
adjacentes du type : bonjour/bonjour ; salut ça va?/ oui, ça va ; comment allez vous?/très
bien, et vous même?; au revoir/au revoir ; à bientôt/à bientôt.
Ces routines apparaissent également dans des échanges plus ou moins typifiés tels que,
par exemple :
Enfin, les routines se manifestent également dans le cadre de ce qu’on appelle les
macro-fonctions linguistiques (t. 26) visant à transmettre une visée illocutoire déterminée :
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Si nous faisons porter ces réflexions sur le domaine de l’acquisition d’une langue
étrangère, il devient vite évident que la communication en langue étrangère ne saurait, pas
plus qu’en langue maternelle, se réduire à la mise en exercice de la langue. C’est pour cette
raison que l’on ne peut pas borner l’acquisition au seul apprentissage du « code linguistique »
avec son lexique et ses règles phonétiques, grammaticales, syntaxiques. Cette compétence
doit nécessairement être élargie par l’acquisition parallèle de compléments discursifs,
socioculturels et stratégiques qui permettent d’obtenir en langue étrangère les mêmes
capacités communicatives que nous déployons en langue maternelle. C’est ce que les
approches communicatives en didactique des langues étrangères ont mis en évidence, en se
marquant comme objectif l’acquisition d’une compétence de communication, non seulement
d’un savoir, mais aussi d’un savoir faire intégrant toutes les composantes de la
communication. Si l’apprenant jouit, à cet égard, d’un avantage incontestable, fourni par la
compétence déjà acquise en langue maternelle, qui lui permet d’affronter quotidiennement
avec succès des centaines d’échanges communicatifs, il n’en demeure pas moins que
l’acquisition de l’oral ne peut pas être limitée à la seule activité productrice. Celle-ci constitue
un enjeu fondamental dans le cadre de l’enseignement/apprentissage d’une langue, mais elle
doit s’accompagner d’une aptitude également développée en ce qui concerne la
compréhension des discours oraux, ce qui passe par un entraînement à l’écoute à travers une
exposition convenable aux discours produits en langue étrangère dans des situations réelles de
communication.
Bibliographie
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