Cours Jan Lacki
Cours Jan Lacki
Cours Jan Lacki
DES SCIENCES
Jan Lacki
Un argument général :
L’activité scientifique va-t-elle de soi ? Pas plus aujourd’hui qu’à ses débuts, mais
pour des raisons différentes :
Aujourd’hui ses apports positifs sont mis en doute :
crainte des « dérapages » technologiques,
relativisation de la notion de progrès scientifique ;
Aux philosophes :
les interrogations métaphysiques : quelle ontologie sous-jacente du
monde ?
les interrogations axiologiques : quelles valeurs véhicule la science ?
les interrogations politiques : quelle modalité du contrôle citoyen sur la
science ?
Aux sociologues :
la science offre l’exemple un corps social d’un rare degré d’organisation :
corporatismes, stratégies institutionnelles, individu versus collectivité ;
collectivité versus société.
Aux scientifiques enfin :
comprendre son histoire pour mieux décoder les tendances
contemporaines,
pour mieux aussi rompre avec les habitudes du passé ;
pour être à l’affût des interventions des préjugés et des doctrines ;
par respect pour leur propre discipline
A tous ceux curieux enfin d’un de plus grands faits culturels de l’humanité
INTRODUCTION À L’HISTOIRE ET LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
Sans (une bonne) histoire des sciences, la philosophie des sciences court le risque
d’une pure spéculation sans pertinence pour la théorie de la connaissance.
Sans une philosophie des sciences, l’historien des sciences est dépourvu des
instruments pour interpréter les faits historiques.
La perspective du cours
La méthode du cours
Situation historique : la naissance de la science moderne sur fond de rupture avec la scolastique
Eléments de réflexion :
- les différentes visions du Moyen âge
- Différence entre l’observation du sens commun et celle préparée
- Les faits scientifiques sont des faits « calibrés »
- La science ne s’occupe que des faits calibrés
- Un fait calibré « appartient-il » à la Nature ?
Textes :
Aristote : Physique, du Ciel, Histoire des animaux, Parties des animaux
Galilée : L’essayeur (il Saggiatore); Dialogues, Discours
Shapin et Shaffer : Leviathan et la pompe à air.
Goodman : Faits, Fictions et Prédictions.
INTRODUCTION À L’HISTOIRE ET LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
Eléments de réflexion :
- La « latitude des formes » – le « théorème » du Merton College
- Science du mouvement : Galilée et le mouvement uniforme
- le problème de la définition de la vitesse instantanée
- les infinitésimaux, les indivisibles, etc…
Textes :
Duhem, Système du monde
Galilée : Discours et démonstrations…
Blay, Les raisons de l’infini
Rougier : Traité de la connaissance
Marc Balaguer, Platonism in mathematics.
INTRODUCTION À L’HISTOIRE ET LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
Eléments de réflexion :
- La méthode scientifique de Newton ? Laquelle ?
- L'espace et le temps absolus : nécessités empiriques ou impositions
théoriques ?
- Critique de Leibniz
- Critique de Berkeley
- Le newtonianisme : un réductionnisme efficace
Textes :
Newton, Principes (Principia) : Scholie I et II ;
Correspondance Leibniz-Clarke
Berkeley : De Motu
Mach, La mécanique.
INTRODUCTION À L’HISTOIRE ET LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
4. Causalité et déterminisme
Situation historique : ??
Eléments de réflexion :
- La critique de Hume
- La « solution » de Kant
- Développements modernes
Textes :
??
??
INTRODUCTION À L’HISTOIRE ET LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
Eléments de réflexion :
- le passage d’une conception matérielle de la chaleur (calorique) à celle
d’un mouvement
- émergence des principes de la thermodynamique,
- controverse autour de la théorie cinétique, les attaques contre
l’atomisme à la fin du XIXe siècle.
Textes :
Lavoisier et Laplace : Traité élémentaire de Chimie
Carnot :Réflexions sur la puissance motrice du feu
Clausius : mémoires sur la chaleur
Maxwell, interventions à la BAAS
Duhem : La théorie physique
INTRODUCTION À L’HISTOIRE ET LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
Eléments de réflexion :
- les critiques philosophiques de la relativité
- la relativité comme archétype d’une « bonne » théorie scientifique
- les débuts de l’empirisme logique
- l’analyse philosophique selon les empiristes logiques
Textes :
- Meyerson : La déduction relativiste ; Identité et
- Bergson : Durée et simultanéité
- Schlick : Raum und Zeit in der gegenwärtigen Physik
- Reichenbach : The theory of space and time
- Ryckman : The reign of relativity
INTRODUCTION À L’HISTOIRE ET LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
Eléments de réflexion :
- Le passage du monde aristotélicien au monde ouvert (infini) de la
science moderne
- la véritable contribution d’Einstein
- la théorie quantique comme rupture avec le déterminisme
Textes :
Koyré, Etudes galiléennes
Kuhn, La structure des révolutions scientifiques
Lakatos, La méthodologie des programmes scientifiques
Feyerabend, Contre la méthode
INTRODUCTION À L’HISTOIRE ET LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
Eléments de réflexion :
- les théories fondamentales comme théories « régulatrices »
- l’exact et l’approché
- le statut des « entités perturbatives »
Textes :
Cartwright, How the laws of physics lie
Steiner, The applicability of mathematics as a philosophical problem
INTRODUCTION À L’HISTOIRE ET LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
Eléments de réflexion :
- Le rôle des mathématiques comme constitutives de la physique
- Les structures et les principes de symétrie : quels liens causaux avec
notre monde
- le réalisme structurel
- le réalisme « voilé » de la physique quantique
Textes :
A choix…
INTRODUCTION À L’HISTOIRE ET LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
Eléments de réflexion :
- Le mécanisme newtonien versus celui de Descartes
- Le newtonianisme : un réductionnisme efficace
- le programme de la vision électromagnétique du monde
- la quête des constituants élémentaires
- unification ou fragmentation ?
Développements philosophiques :
Textes :
A choix …
INTRODUCTION À L’HISTOIRE ET LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES
Eléments de réflexion :
- Science comme méthode, science comme pratique
- la récupération de la science par des entreprises « non-scientifiques »
Textes :
Bricmont et Sokal : Impostures intellectuelles
Pestre : Autour de l’affaire Sokal…
La naissance de la science moderne sur fond de rupture avec la scolastique
Eléments de réflexion :
Une certaine vision de l’histoire des sciences, heureusement révolue, présentait son
développement selon des lieux communs dont voici quelques exemples :
Les débuts de la science doivent être identifiées avec le « miracle » grec qui voir
s’instaurer une attitude de rationalité face au monde, attitude qui constitue l’étape
initiale et nécessaire au développement de la science.
Avec le déclin de l’empire romain, héritier du classicisme grec, commence une
période d’environ dix siècles (500 -1500) de totale stagnation où non seulement rien
de nouveau n’est apporté, mais où au contraire les acquis du passé sont oubliés.
Avec la Renaissance commece une période de véritable renouveau où l’on retrouve
la veine du classicisme antique, et où le progrès intellectuel reprend
La Renaissance débouche directement sur la modernité fondée par les travaux et
réflexions des génies du XVIIe siècle, tels Galilée (1564 - 1642), Descartes (1596 –
1650), Newton (1642 – 1727) etc.
Désormais le train est en marche : après les Lumières, on entre dans le XIXe siècle
qui voit l’édification de la science classique, puis, après les deux révolutions de la
relativité et de la théorie quantique, on entre dans la période contemporaine.
La naissance de la science moderne sur fond de rupture avec la scolastique
L’opposition entre un moyen âge obscurantiste, qui fut une éclipse de la raison, et
une Renaissance ,renouveau de pensée débouchant sur l’époque moderne, est une
vision qui remonte aux XVIIe et XVIIIe siècles, et elle fut souvent le fait des milieux
anticléricaux qui ont voulu ainsi stigmatiser le rôle rétrograde de l’église. Il a fallu
attendre la fin du XIXe siècle pour rendre justice à cette période en fait riche en
innovations, découvertes et qui a su, y compris sur des points de la philosophie
naturelle, rompre avec les dogmes de la philosophie péripatéticiens (Aristote).
Quelques citations qui montrent l’ampleur du préjugé dont fut victime le Moyen âge :
- « Une histoire barbare des peuples barbares qui sont devenus chrétiens mais n’en
sont pas devenus meilleurs pour autant… On se doit de connaître cette histoire
seulement pour la mépriser » (Voltaire !)
- « un millier d’années sans prendre de bain… »
- « un seul et immense hoquet dans l’histoire du progrès humain »
Selon cette vision caricaturale, « à un certain moment l’Europe s’est réveillée, a pris
un bain, et s’est mise à penser et créer à nouveau » (Grant 2004)
La naissance de la science moderne sur fond de rupture avec la scolastique
Selon ses détracteurs, e fut un enseignement centré sur des commentaires stériles de la
pensée aristotélicienne, et la nécessité de respecter les dogmes de l’église. L’activité
intellectuelle, logique, de philosophie naturelle et théologique de la scholastique est
l’archétype même d’une pensée inféodée à des traditions et des systèmes du passé qui
préfère l’argument d’autorité (celle d’Aristote) à celui basé sur l’usage de la raison assistée
par la prise en compte de ce que l’expérience nous révèle.
Ce jugement négatif, depuis le XVIe siècle, s’explique, mis à part la polémique anti-
cléricale déjà évoquée, par l’incapacité de ceux qui ont critiqué la scholastique d’entrer,
faute de tradition perdue, dans la logique, le style argumentatif, enfin la signification et les
enjeux des débats scholastiques. On n’en a retenu, et donc critiqué que les aspects
anecdotiques et l’apparente gratuité des interrogations.
Il faut aussi prendre en compte que les textes des auteurs antiques qui pouvaient
présenter une véritable altérnative au système englobant de la pensée aristotélicienne ne
deviennent connus qu’à la fin du XVe siècle. Ainsi entre 1200 et 1450 la pensée
aristotélicienne est dominante par défaut. Avec l’apparition des traductions de Platon et
d’autres philosophes grecs, on entre dans une période d’intenses remises en question.
On peut en particulier souligner l’importance d’Archimède dont les travaux fonderont, à
travers une postérité affirmée, un style autonome dans l’approche des problèmes de la
statique et de la mécanique histoire de la statique de Pierre Duhem.
La naissance de la science moderne sur fond de rupture avec la scolastique
Part à Athènes suivre les cours d'Isocrate. Pas satisfait, décide de rentrer à l’Académie de Platon
à l’âge de 18 ans (vers 367 aJC). Il y est remarqué notamment pour son intelligence. Platon lui
donne même le droit d'enseigner. Il y rédige de nombreux récits.
Il demeure à Athènes jusqu’en 348 aJC, (mort de Platon). Il rejoint à Assos, en Éolide, le roi
Hermias, un ancien condisciple. À la mort de son protecteur, il rentre en Macédoine et devient le
précepteur d’Alexandre le Grand.
Menacé par le parti anti-macédonien à la mort d’Alexandre le Grand, il fuit Athènes et, sentant la
mort arriver, rédige son testament où il lègue son Lycée à Théophraste. Il meurt finalement à
Chalcis en 322 aJC.
La naissance de la science moderne sur fond de rupture avec la scolastique
Aristote : Il n’y a pas de séparation entre les choses de ce monde et les formes
idéales : l’observation est réhabilitée. Pour Aristote, l’observation fournit aussi
la base des constats à venir. On ne peut parvenir à l’universel, objet de la
science, que par prise en compte de l’individuel. Il ne s’agit cependant pas d’un
empirisme, et le but principal est la connaissance des causes ( les quatre
causes aristotélicinennes), but avec lequel les représentants de la philosophie
expérimentale du XVII seront fortement en désaccord, voir plus loin
La naissance de la science moderne sur fond de rupture avec la scolastique
Alors que Galilée est avant tout un savant isolé, une vingtaine d’années
après sa mort, un groupe de savants britanniques s’organise autour d’une
véritable philosophie expérimentale. Cet épisode nous permettra d’examiner
quelques points essentiels dans le passage d’une science ayant recours à
une observation occasionnelle, spontanée, à une science qui se définit
comme science des faits expérimentaux.
Avant de commencer, il faut préciser que la naissance de la science
expérimentale ne doit pas être comprise comme l’avènement de ce qui nous
est familier aujourd’hui, c’est-à-dire la démarche hypothético-déductive où
les hypothèses donnant lieu à des théories sont testées par des
expériences qui ont une fonction essentiellement corroborative (ou
falsificatrice, voir cours suivants).
Il s’agît plutôt d’un moment fort de l’histoire de la science où la science sera
définie comme une démarche de connaissance qui fait de la production
des faits (scientifiques) son but, et qui y trouve sa validité et sa (seule)
justification. La notion de production des faits va nous intéresser ici de plus
près.
La naissance de la science moderne sur fond de rupture avec la scolastique
Quelques écrits :
Les faits de la philosophie expérimentale sont donc des faits produits et soumis à une calibration du
fait de leur association au fonctionnement des instruments agréés. Hors d’un discours sur ces faits, il
n’y a pas de science.
Notre science contemporaine en est l’héritière plus ou moins directe, et nombre de ses
caractéristiques s’expliquent par ses racines qui plongent dans la philosophie expérimentale. De plus,
des nombreux problèmes de philosophie des sciences sont directement liés à la notion et au statut
épistémologique de la notion de fait. Hobbes, dans sa critique de la philosophie expérimentale, avait
en fait anticipé un certain nombre de problèmes dont celui qui fonde tout sur la notion de fait doit être
conscient et qu’il doit prendre en compte dans la critique de sa propre démarche.
Parmi ceux-ci, nous avons:
Le problème du « theory ladeness of facts » (les faits sont chargés des théories, Boyle a une idée
préconçue de comment fonctionne sa pompe à air !).
Le problème de la nécessité de l’assentiment préalable sur ce que sont les faits scientifiques, ou
plutôt sur ce que sont les faits scientifiques pertinents pour un domaine donné. L’histoire des sciences
montre que des faits jugés sans importance deviennent par la suite emblématiques et fondateurs de
nouvelles théories (voir la conception des révolutions scientifiques de Thomas Kuhn), alors que,
réciproquement, des faits capitaux d’une science se voient relégués au rang de simples illustrations,
sont réinterprétés comme des produits des mécanismes fondamentaux décrits par des théories bien
différentes, ou carrément sont jugés comme des artefacts.
La naissance de la science moderne sur fond de rupture avec la scolastique
Critique anti-empiriste
Débuts
Pierre Duhem, La Théorie Physique, 1905.
Ouvrages classiques
Norwood Russel Hanson, Patterns of Discovery, 1958
Thomas Kuhn, The structure of scientific revolutions (La structure des revolutions
scientifiques), 1962, 1970.
Paul Feyerabend, Against Method (Contre la méthode), 1975.
Stephen Toulmin, Human Understanding, vol. 1 The Collective Use and Evaluation of
Concepts, 1972.
Frederick Suppe (et al.), The structure of Scientific Theories, 1977.
Nelson Goodman, Facts Fictions and Prediction (Faits, Fictions et prédiction, 1975,
et Ways of World-making, chap. 1 et surtout 5, 1978.
La naissance de la science moderne sur fond de rupture avec la scolastique
But du cours
L’avènement de la science moderne au XVIIe siècle est concrétisé, de manière indéniable, par la
création de la science de la mécanique couronnée par les Principia de Newton (1686-87). Pour y
arriver, il a fallu surmonter des difficultés considérables liées, en premier lieu, à la description du
mouvement (cinématique), en particulier à la conceptualisation et la définition mathématique de la
vitesse instantanée. Ces difficultés étaient déjà connues et étudiées au Moyen âge, et des avancés
notables y ont été enregistrées. Galilée et ses contemporains, puis ceux qui ont prolongé son
œuvre, ont pu s’appuyer sur ces premiers résultats, pour finalement bâtir un outil mathématique
performant pour exprimer la variation du mouvement sous l’effet de forces, et poser ainsi les bases
de la science de la mécanique. En examinant quelques épisodes de ce développement, nous
pouvons prendre conscience d’un certain nombre de traits remarquables dans la manière dont
nous quantifions le réel, et dans la manière dont nous mettons à contribution les mathématiques
pour le décrire et le comprendre.
Eléments de réflexion :
La « latitude des formes » et le problème de la variation d’une qualité (grandeur
intensive)
Galilée, le mouvement uniforme et la théorie du mouvement uniformément accéléré
Le problème de la définition de la vitesse instantanée
Les infinitésimaux, les indivisibles
Le statut des êtres mathématiques: problèmes de la philosophie des mathématiques.
Le problème de la quantification du réel et le rôle des mathématiques
A partir des travaux de Pierre Duhem au début du XXe siècle, repris et amendés par Anneliese
Maier et plus récemment par Marshall Clagett et nombre de ses élèves, on s’accorde à penser que
la scolastique médiévale a apporté des réelles avancées dans le domaine de la mécanique.
Duhem dans ses Etudes sur Léonard de Vinci, puis Maier et Clagett, ont établi que les milieux
scolastiques du début du XIVe siècle, surtout à Paris et à Oxford, avaient développé une
cinématique (le mouvement étudié selon l’effet ) et une dynamique (le mouvement étudié selon la
cause ) comportant des éléments remarquablement novateurs par rapport aux traditions antique ou
arabe. En particulier, un courant anti-aristotélicien au cours du XIVe siècle a rompu avec certaines
positions du péripatéticien et a ouvert la voie aux concepts modernes du mouvement et à sa
mathématisation.
Références :
Pierre Duhem, Etudes sur Léonard de Vinci, Paris, Hermann, 1913, reprint Paris, Gordon and
Breach, 1984; Le système du monde, vols 7 et 8: La physique parisienne au 14e siècle, Paris,
1954.
Anneliese Maier, Zwischen Philosophie und Mechanik, Rome, Edizioni di storia e letteratura, 1958;
Zwei Grundprobleme der Scholastischen Naturphilosophie, Rome, 1968.
Marshall Clagett, The Science of Mechanics in the Middle Ages, Madison, The University of
Wisconsin Press, 1959
Cours 2 Le problème de la quantification du réel et le rôle des mathématiques
Le mouvement, compris donc dans le sens général d’un changement, est plus ou moins facile à
concevoir selon la catégorie considérée.
Dans le cas de la quantité, qu’elle soit discrète ou continue (divisible à l’infini) le mouvement est
compris comme un mouvement d’augmentation (ou de diminution) qui se réalise en additionnant
(ou soustrayant) à la quantité actuelle des parties de même espèce. En effet, de par la définition
d’une quantité, celle-ci admet des parties, homogènes entre elles, et que l’on peut alors cumuler ou
séparer : une quantité est dans ce sens « extensive ». Le mécanisme de sa variation découle donc
immédiatement de sa définition.
Cours 2 Le problème de la quantification du réel et le rôle des mathématiques
Le mouvement selon la catégorie de la qualité est plus délicat à concevoir : il n’est tout d’abord
possible que pour une certaine espèce de qualités, celles susceptibles justement de varier dans
leur « intensité » (voir plus loin). Ceci étant dit, le mouvement d’une qualité, qui n’admet de prime
abord pas de parties, ne peut se concevoir en termes de l’ajout ou de soustraction de parties
homogènes. Une qualité correspond donc, en terminologie moderne, à une notion « intensive »
(songeons au concept de température). Le mouvement d’une qualité ne peut donc être un
mouvement d’augmentation, et on parlera plutôt d’un mouvement le d’altération. Le problème que
ses poseront les maîtres du Moyen âge sera de concevoir un mécanisme par lequel s’effectue le
mouvement des qualités.
Prenant en compte cette notion généralisé de mouvement, la notion de sa « velocitas », terme latin
que nous traduirions volontiers par « velocité » est à comprendre ce par quoi un mouvement peut
être jugé plus rapide qu’un autre. Ce n’est pas une qualité puisque le mouvement n’est pas une
substance, mais on peut parler de son intensification (exaltation, dixit Duhem) ou atténuation.
Cours 2 Le problème de la quantification du réel et le rôle des mathématiques
Autant le mouvement selon la catégorie de la quantité est donc facile à concevoir, autant le
mouvement selon la catégorie de la qualité est problématique. Comment comprendre en effet
l’altération dans une qualité ? Le problème n’est pas trivial comme le montre le cas bien connu et
débattu par la scolastique, celui de donner un sens à des variations, ou à des jugements sur
variation de la … charité. La scolastique, qui s’appuyait essentiellement sur une pratique de
commentaires d’œuvres précédentes, s’était en effet posée le problème de la variation des qualités
à l’occasion d’un texte de l’évêque de Paris, Pierre Lombard (environ 1100 -1160), qui dans son
fameux Livre des Sentences (Libri quatuor sententiarum,1152) avait posé un jugement d’inégalité
entre deux charités. Les docteurs et commentateurs qui suivirent Lombard, toujours friands de
défis intellectuels où ils pouvaient faire preuve de leur subtilité et de leur science, s’emparèrent de
ce problème, en l’abstrayant de ses origines théologiques, pour en faire le terrain d’une réflexion
générale sur la théorie du mouvement selon la catégorie de la qualité.
Le mouvement critique, au XIVe siècle, envers la pensée d’Aristote, et que nous avons déjà
évoqué à l’occasion de la théorie de l’impetus de Jean Buridan, avait là aussi conduit à reconnaître
l’insuffisance des conceptions aristotéliciennes. Dans le cas de la variation d’une qualité, la pensée
péripatéticienne concevait ce changement en termes d’un changement de la participation du
contraire de la qualité envisagée. Cependant, ce mécanisme, pour ingénieux qu’il soit, ne semble
pas s’appliquer au cas de la charité, puisque celle-ci n’a pas de contraire.
Parmi les formes qui pouvait affecter le sujet, on distinguait les « essentielles », qui ne peuvent être
conçues comme susceptibles de variation car elles participent directement à l’essence du sujet
(ainsi l’essence d’un Homme c’est son humanité, et celle-ci ne peut varier, si l’Homme est censé
demeurer Homme), et les « accidentelles », qui peuvent varier dans leur « intensité », sans que
cela ne vienne affecter l’essence du sujet (ainsi un Homme peut être par ailleurs plus ou moins
« blanc », la blancheur étant définie ici comme une qualité accidentelle). Les formes accidentelles
susceptibles de variation au sens ci-dessus étaient dites susceptibles de « latitude », et le
problème de comprendre le mécanisme de leur variation était connu, à l’époque comme le
problème de la latitude des formes.
C’est dans le cadre de tentatives de résoudre le problème de la latitude des formes que les
docteurs de la scolastique développèrent des outils conceptuels qui se révélèrent utiles, en fin de
compte, pour penser le changement de vitesse d’un mouvement. Appliqués à l’analyse d’un
mouvement local variable, ces outils furent cruciaux pour l’avènement d’une cinématique du
mouvement, c’est-à-dire d’une science qui décrit le mouvement dans ses caractéristiques spatiales
et temporelles. Les études scholastiques ouvrirent ainsi la voie à une conceptualisation de la notion
d’un mouvement local à vitesse variable et, en fin de compte, à la notion de vitesse instantanée, et
de l’accélération. C’est l’une des grandes contributions du Moyen âge à la science moderne. Dans
la suite, nous examinerons quelques aspects du problème de la latitude des formes et nous
verrons ensuite comment on en trouve encore des traces chez Galilée.
Cours 2 Le problème de la quantification du réel et le rôle des mathématiques
On peut distinguer, en gros, au Moyen âge, deux conceptions du mécanisme par lequel une qualité susceptible de
latitude peut varier. Ceux qui suivent l’opinion de Saint Thomas d’Aquin (vers 1225-1274), à qui nous devons
l’accommodation de la pensée aristotélicienne aux dogmes de l’église, conçoivent une variation de la qualité dans
un sujet comme une variation de la manière dont le sujet participe à la qualité en question. Cette dernière, pour
Thomas et ses continuateurs, ne peut pas, en effet, varier en elle-même : les jugements sur une différence
d’intensité d’une qualité donnée dénotent donc nécessairement des variations dans la manière dont le sujet y
participe. Pour reprendre un exemple, il n’y a pas différentes blancheurs, mais différents manières de participer à
une seule et unique blancheur qui elle-même demeure unique et immuable. Thomas d’Aquin dira : On ne peut pas
dire d’une blancheur qu’elle est plus ou moins blancheur, mais bien d’un corps qu’il est plus ou moins blanc.
Les critiques de la position de Thomas d’Aquin, regroupés derrière la figure du maître Henri de Gand (c1217-1293),
estiment au contraire qu’une variation de la qualité est possible de manière intrinsèque, par variation de ses
« degrés ». Cette position connaître une grande popularité au XIVe siècle, où elle sera reprise et poussée plus loin.
En particulier, on en viendra petit à petit à concevoir que la variation d’une qualité se fait en ajoutant à ses degrés
déjà actuels des nouveaux degrés qui l’intensifient ainsi dans le sujet. Le langage des degrés, et le mécanisme
associé de la variation d’une qualité, auront pour effet de gommer toute différence entre la catégorie de la quantité
et celle de la qualité, du moins en ce qui concerne leur mécanisme de variation. Le grand bénéfice qui en sera retiré
consistera dans la possibilité de donner une représentation graphique des variation de la qualités dans le sujet.
On pourrait se demander quel intérêt y-a-t-il d’examiner, pour une histoire des sciences, le
problème de la latitude des formes. Celui-ci semble, sous certains aspects, exemplaire des
problèmes oiseux et détachés du monde dans lesquels se complaisaient les docteurs de la
scolastique, et l’on ne voit pas comment il a pu avoir une quelconque influence sur le
développement de la science.
Dans la première moitié du XIVe siècle, Oxford connaît un remarquable mouvement prolongeant la
réflexion d’un de ses maîtres emblématiques, Thomas Bradwardine (fin XIIIe- 1349). Dans son
Traité des proportions (1328), celui-ci a entre autres donné la loi qui porte son nom, et qui résulte
de sa tentative de donner un sens aux considérations dynamiques d’Aristote dans sa Physique. La
loi de Bradwardine constituait une première tentative de quantifier la physique d'Aristote.
La réflexion sur le problème de la latitude des formes engendra, chez les maîtres d’Oxford, un
résultat mathématique remarquable. Celui-ci, connu sous le nom de la règle de Merton, permet de
comparer un mouvement uniformément accéléré à un mouvement uniforme équivalent. Plus
précisément, la règle de Merton donne la vitesse du mouvement uniforme qui correspond à un
même espace total parcouru qu’un mouvement uniformément accéléré.
Un peu plus tard, le grand savant Nicole d’Oresme (1320 – 1382) proposera une représentation
graphique de ce théorème en termes de ce qui suggère fortement, pour nous, un système d’axes
de coordonnées. Il faut cependant rester très attentif à ne pas se laisser trop fortement influencer
par des similarités de surface: la réalité intellectuelle dans laquelle venaient s’insérer les
diagrammes d’Oresme dépasse largement nos considérations de géométrie analytique au service
de la représentation des gradeurs que nous jugeons bonnes à mathématiser ( penser à
l’exemple de la charité !).
Nicole Oresme est né vers 1320 près de Caen. En 1348 il est admis au collège de Navarre, fondé
en 1304 pour accueillir, sans condition de naissance, de famille ou d'âge, tout français pauvre qui
se destinait à l'étude de la grammaire, de la logique ou de la théologie Nicole Oresme y reste treize
ans et s'y distingue très vite; il en devient finalement grand-maître le 4 Octobre 1356.
Devenu protégé du roi Charles V il entame une nouvelle carrière. En 1362 il bénéficie de
prébendes au chapitre de Rouen et devient doyen du chapitre en 1364. Il séjourne à Rouen, mais
en même temps fréquente la cour, il a le titre de secrétaire du roi puis de conseiller et de chapelain.
Dans cette dernière partie de sa vie, Oresme écrit ses œuvres en français et publie ses traductions
commentées des livres d'Aristote. Il est sacré évêque de Lisieux le 28 janvier 1378. Nicole Oresme
s'installe à Lisieux à partir de juin 1378. Il meurt à Lisieux le 11 juillet 1382. Son corps est déposé
dans la cathédrale, près de la porte gauche du chœur.
Cours 2 Le problème de la quantification du réel et le rôle des mathématiques
Nicole Oresme expose sa méthode de représentation graphique des variations d'une qualité dans son
traité Tractatus de configurationibus qualitatum et motum (Traité sur la configuration des qualités et du
mouvement, titre original et date de composition inconnus).
Examinons comment Oresme traite le cas d’un un corps dont la chaleur (la qualité) n'est pas
homogène mais varie suivant l'endroit où on la mesure. Afin de représenter ces variations de la
chaleur, il imagine une droite tracée dans une dimension de ce corps. Il appelle longitudino la longueur
qui sépare un point courant de la droite à un point origine arbitrairement fixé. En chaque point de cette
droite il élève une perpendiculaire dont la hauteur (latitudino) est proportionnelle à l'intensité de la
chaleur au point correspondant du corps. Il obtient ainsi une figure géométrique dont l'examen rend
plus aisé l'étude des variations de la chaleur (voir figure 1). «Les propriétés de cette qualité, écrit-il, en
seront examinées plus clairement et plus facilement dès lors que quelque chose qui lui est semblable
est dessiné en une figure plane, et que cette chose, rendue claire par exemple visible, est saisie
rapidement et parfaitement par imagination ...car l'imagination des figures aide grandement à la
connaissance des choses même»
Il se livre ensuite à une étude mathématique des figures planes que produisent les représentations
graphiques des qualités. Il leur fait subir des transformations géométriques simples en cherchant des
propriétés invariantes, ce qui le conduit à une classification des courbes. Il semble que nous assistions
là aux premiers balbutiements de la géométrie analytique. C'est pour cela que certains considèrent
Nicole Oresme comme un précurseur de Descartes.
Réf. P. Duhem, Système du monde, vol. 7, pp. 534-561.
Figure 1
Cours 2 Le problème de la quantification du réel et le rôle des mathématiques
La représentation graphique introduite par Oresme permet une démonstration très suggestive de la
règle de Merton. Tout d’abord, Oresme s’intéresse à la portion de plan balayée par des
perpendiculaires successives de sa représentation. Par l'examen de cas particuliers simples et en
généralisant, il aboutit à la conclusion que l'aire de la surface balayée par les perpendiculaires élevées
au dessus de chaque graduation d'un intervalle de longitudino donné est proportionnelle à la quantité
de la qualité. Dans le cas de l’application au mouvement local, avec la vitesse comme latitudino, on
obtient comme quantité du mouvement la distance parcourue. Oresme démontre la règle de Merton à
partir de l’observation géométrique suivante (figure 2)
Figure 2
Cours 2 Le problème de la quantification du réel et le rôle des mathématiques
Au début de la troisième journée de ses Discours, Galilée pose les axiomes du mouvement
uniforme. Sous leur caractère anodin, voire trivial, ces axiomes ont en fait une fonction importante
et leur énoncé laisse apparaître tout l’ancrage de la réflexion galiléenne dans la tradition, les
problématiques, et le vocabulaire de la théorie du mouvement de la scholastique (voir documents
unif1-unif3).
Réf : Discorsi e dimostrazioni matematiche intorno a due nuove scienze in Opere di Galileo Galilei,
Favaro éd., Edizione nazionale, Florence, 1890-1909;
traduction française de Maurice Clavelin, Discours concernant deux sciences nouvelles, P.U.F.
1995, Troisième journée, pp. 125-130.
Document : les axiomes galiléens du mouvement uniforme
Les axiomes du mouvement uniforme de Galilée ont pour but de rendre possible l’étude de ce
mouvement au moyen de la théorie des proportions impliquant des rapports des grandeurs
nécessairement homogènes (cette théorie est exposé dans le livre V des Éléments d’Euclide). La
vitesse, terme primitif, n’apparaît donc qu’implicitement, comme une caractérisation du mouvement
qui permet sa comparaison avec un autre, mais elle n’est pas définie explicitement en termes d’un
quotient de l’espace parcouru par le temps de ce parcours. On pourrait dire que cette vitesse
constante, qui caractérise le mouvement uniforme de manière complète, et qui épuise ainsi sa
signification, est le concept autour duquel « tournent » les axiomes, sans pour autant pouvoir
l’expliciter. Cette manière indirecte d’invoquer la vitesse, de la dire, sans pour autant la définir
comme un rapport de quantités inhomogènes, explique l’apparente redondance des axiomes
galiléens: pour nous, qui sommes habitués à la définition de la vitesse en termes d’un quotient d’un
espace par un temps, Galilée semble tourner dans tous les sens une même proportionnalité (A
partir de la simple relation x=v.t, mais que justement Galilée ne définit pas, on obtient
successivement v = x/t, t=x/v, ou encore v=x/t).
Cours 2 Le problème de la quantification du réel et le rôle des mathématiques
Dans l’étude du mouvement accéléré qui suit celle du mouvement uniforme, la tradition scolastique
dans laquelle baigne encore Galilée est plus flagrante. On le voit manier un vocabulaire qui laisse
transparaître qu’il pense le problème d’un mouvement accéléré, où la vitesse varie continument,
encore en termes d’une situation où une qualité, forme du mouvement, est sujette à un mouvement
d’altération. Tout comme les docteurs du XIVe siècle qui avaient choisi de prendre le contre-pied la
de philosophie péripatéticienne, il analyse la variation de la vitesse en termes d’un ajout, aux
degrés de vitesse déjà existants dans le mouvement, de nouveaux degrés (voir documents diff1-
diff6). En fait, le situation mentale de Galilée est plus complexe. Comme le montre la suite de son
texte, Galilée, tributaire encore du vocabulaire et de certains modes de pensée qui deviendront
sous peu obsolètes, se projette pourtant déjà dans une problématique résolument moderne: il a
déjà les intuitions caractéristiques de la science moderne, mais ne possède pas encore les moyens
conceptuels, et formels (mathématiques), pour exprimer ces intuitions d’une manière dénuée
d’ambiguïté…
Le meilleur exemple de ce Galilée qui garde encore un pied dans le Moyen âge, et a placé déjà
l’autre dans la science moderne, est fourni par sa discussion de la loi du mouvement uniformément
accéléré. Tout d’abord, il s’agit de se donner la règle de Merton.
Réf. : Discours concernant deux sciences nouvelles, P.U.F. 1995, Troisième journée, pp. 130-141.
Document : la démonstration galiléenne de la règle de Merton ;
La preuve de Galilée de la règle de Merton présuppose, comme condition de son acceptation, que
les verticales représentant les degrés de vitesse (voir le texte de Galilée) ont un lien clair avec les
espaces parcourus. C’est seulement sous cette condition que l’on peut inférer, à partir de l’égalité
entre « l’agrégat des verticales du triangle », et l’agrégat des verticales du trapèze, que les
espaces parcourus sont les mêmes. Malgré l’invitation de Galilée à accepter ce lien, il n’est, à ce
stade, pas du tout justifié. Il nous faut bien comprendre ici que ce qui nous fait, aujourd’hui,
« comprendre » ce que Galilée veut dire, et accepter donc sa conclusion, est justifié seulement par
le concept de vitesse instantanée, et par son lien avec l’espace total parcouru à travers la
sommation des espaces infinitésimaux de parcours correspondants (donc une intégrale). Galilée
semble en avoir l’intuition, mais il ne peut pas nous expliquer, faute de langage adéquat, pourquoi
nous devrions le croire.
Son disciple Evarista Torricelli (1608-1647), qui pourtant reformulera d’une manière plus rigoureuse
certains résultats galiléens après sa mort, fera ici un peu mieux sans pour autant atteindre, à vrai
dire, plus de rigueur (voir document torri). L’intuition intéressante de Torricelli est celle d’attribuer
au point spatial sur le chemin d’un mouvement plus rapide (OH dans son texte) plus de
« longueur » qu’à celui situé sur le mouvement uniforme plus lent (GF). Ce faisant, il considère en
fait les segments infinitésimaux parcourus avec les deux vitesses instantanées différentes. C’est
bien vu de sa part, mais ses mathématiques ne sont pas adaptées à dire cette intuition.
Réf. Michel Blay, Les raisons de l’infini. Du monde clos à l’univers mathématique. Gallimard, 1993.
Document : la discussion torricelienne de la relation entre profil de
vitesse et espace parcouru ;
voir page scannée torri
Cours 2 Le problème de la quantification du réel et le rôle des mathématiques
La règle de Merton acceptée, toute la stratégie démonstrative de Galilée, pour obtenir sa loi du
mouvement accélérée, va consister à comparer le mouvement uniformément accéléré à un
mouvement uniforme ayant le même « effet total » c’est-à-dire correspondant, dans le temps du
mouvement accéléré donné, au même espace parcouru. Voilà pourquoi la règle de Merton est ici
absolument cruciale : elle permet de parler du mouvement uniformément accéléré par le
truchement d’un mouvement uniforme « équivalent » (voir documents diff7-diff8). Il semble qu’on a
ainsi contourné l’obstacle de l’absence d’une définition explicite de la vitesse instantanée. Bien
entendu, ce n’est pas le cas : comme nous venons de le voir, le problème a été simplement
renvoyé à la démonstration de la règle de Merton, où il réapparaît immédiatement dans toute sa
difficulté.
Passé cet (gros) écueil, on peut néanmoins savourer la preuve galiléenne de sa loi, qui affirme que
dans un mouvement uniformément accéléré, les espaces successifs parcourus sont comme les
carrés des temps.
Il est crucial de remarquer que l’écueil de la vitesse instantanée n’est pas qu’un obstacle à une
démonstration qui aurait alors toutes les marques de la rigueur. Ce qui se joue ici est en fait la
possibilité même d’une véritable mathématisation du mouvement qui met en correspondance
univoque les concepts cinématiques et leurs relations, d’une part, avec la représentation
mathématique qu’ils reçoivent et qui permet de les exprimer, de les penser, et surtout d’analyser
les conséquences nécessaires de leur déterminations, de l’autre.
Christian Huygens (1629-1695), un des plus grands savants du XVIIe siècle, va reprendre la
mécanique galiléenne dans les années 1650-1660 en en dérivant des résultats remarquables qu’il
publiera plus tard dans son fameux ouvrage le Horologium Oscillatorium (1673), un des
monuments de la mécanique du XVIIe siècle, avant d’être éclipsé par els Principia de Newton. En
particulier, évitant de se confronter frontalement aux problèmes de la sommation des verticales
galiléennes», il dérivera une démonstration très élégante de la règle de Merton, dans le plus pur
style euclidien, mais qui pour cela, est aussi bien indirecte et peut sembler, pour le lecteur
moderne, inutilement compliquée (documents huy1-huy3). La prouesse de Huygens consiste a
approximer (en minorant et majorant) l’espace couvert par le mouvement accéléré par deux
espaces parcourus par des mouvements fictifs faits de tronçons de mouvements uniformes.
Prenant ce que l’on appellerait aujourd’hui une limite, Huygens aboutit sur la base de deux
raisonnements par l’absurde, à la conclusion voulue. Le lecteur averti remarquera que Huygens
n’évite pas vraiment la difficulté, mais qu’il la masque par le recours à la limite, ce qui est déjà bien
dans l’esprit de nos définitions modernes.
En 1684, Leibniz publie dans les Acta Eruditorum un texte très condensé qui expose son calcul
différentiel. Laissons de côté la question de sa rivalité (attisée par d’autres) avec Newton sur la
question de la paternité des méthodes différentielles (voir aussi prochain cours).
Examinons plutôt les premières pages de son texte (voir documents leib1-leib2) : Leibniz définit ses
différentielles sur la base de la pente des tangentes correspondantes, et de manière remarquable
donne, comme s’il définissait les règles d’un jeu calculatoire, les résultats bien connus
correspondants à la différentiation des produits, quotients, etc. L’idée des règles d’un calcul qui
permet une certaine automatisation des problèmes est bien présent dans l’esprit de Leibniz, qui
appellera son calcul un algorithme ! Bien que Leibniz ait perdu la bataille de la priorité contre
Newton, c’est ses notations et son esprit que le XVIIIe siècle reprendra, et qui sont encore les
nôtres aujourd’hui.
L’analyse de Michel Blay montre de manière convaincante que, en contraste avec ce que ferait croire une histoire
des sciences aveuglée encore jusqu’à peu par l’étoile glorieuse et exclusive de Newton, c’est à un « second
couteau » que l’on doit l’impulsion décisive pour une mathématisation moderne, différentielle, de la notion de
vitesse instantanée.
Pierre Varignon (1654-1722) est membre de l’Académie Royale. Devenu ardent défenseur du nouveau calcul (il le
défendra notamment contre les attaques de Michel Rolle (1652-1719)), il développe, dès les années 1695,
l’application des méthodes différentielles leibniziennes aux problèmes mécaniques. En particulier, dans deux
mémoires de 1698, il définit, en langage différentiel, le concept de vitesse instantanée, et donne ainsi à la science
du mouvement un nouveau point de départ (voir documents vari1-vari6).
L’astuce de de Varignon consistera à considérer la vitesse correspondante à l’instant t, et de la déclarer valide sur
tout l’intervalle infinitésimal de temps dt (où dt est la différentielle leibnizienne) en faisant remarquer que cette
vitesse ne varie pas sur l’intervalle dt, puisque l’on a que t+dt ~ t (sic !) et ainsi v(t)~v(t+dt). Ce passage a un sens
dans le calcul des infinitésimaux leibniziens, mais il causa néanmoins beaucoup d’émoi, voire de dérision chez
certains critiques (comme le Berkeley de l’Analyste 1734) du nouveau calcul différentiel. Il faudra atteindre le XIXe
siècle pour voir le calcul des « infiniment petits » remplacé par des énoncés fondés sur la notion de limite de
quotients finis (ce sera l’œuvre de Cauchy). Néanmoins, grâce à son astuce, Varignon peu dès lors facilement
écrire que v=dx/dt, ou alors encore que dx=v.dt, qui est la clé du lien entre l’espace total parcouru et l’effet successif
des vitesses arbitraires le long du parcours.
But du cours
Eléments de réflexion :
- La méthode scientifique de Newton ? Laquelle ?
- L'espace et le temps absolus : évidences empiriques ou nécessités
théoriques ?
- Critique de Leibniz
- Critique de Berkeley
- Critique de Mach, le principe de Mach
Textes :
Newton, Principes (Principia) : Scholie I et II ;
Correspondance Leibniz-Clarke
Berkeley : De Motu
Mach, La mécanique.
Cours 3 Les métaphysiques cachées de la science : au-delà de l’empirisme
But du cours
En 1686, Newton entame la publication de ses Principes mathématiques de la philosophie naturelle. Cet œuvre passe,
et c’est amplement justifiée, pour l’un des plus grands traités scientifiques jamais écrits. Si son contenu strictement
scientifique ne souffre d’aucune discussion, au sens ou la mécanique newtonienne est toujours adéquate à rendre
compte des phénomènes connus et visés par Newton (elle n’est surclassée que par des théories - relativité,
mécanique quantique - rendues nécessaires par une physique des phénomènes hors de la catégorie des phénomènes
du monde du sens commun), le cadre « philosophique » dans lequel Newton place sa conception de la mécanique ne
bénéficie pas de la même cohérence et laisse apparaître des sérieux manquements aux règles mêmes que Newton
s’était fixé pour conduire sa démarche. Si sa physique est solide, elle baigne dans une métaphysique luxuriante que la
méthode déclarée de Newton ne peut pourtant pas cautionner. Le cours se propose d’examiner ces aspects
« métaphysiques », et pour cela controversés des Principia, de discuter comment ils ont pu s’imposer en bénéficiant de
l’effet d’entraînement de la mécanique newtonienne, et comment des philosophes critiques des thèses philosophiques
newtoniennes, et lucides sur leur manque des fondement, n’ont pas réussi à s’y opposer efficacement faute de n’avoir
pas su proposer une alternative scientifique aussi efficace. En arrière-fond de la séance, la question récurrente sera
celle de la possibilité de formuler des théories scientifiques qui soient véritablement libres de toute métaphysique.
L’exemple newtonien sera pris comme suggérant une réponse négative, et la question que nous poserons en fin de
compte, sera celle de savoir si une isolation à tout prix entre le contenu scientifique et les positions philosophiques
sous-jacentes n’est pas, non seulement impossible, mais en fait, si elle n’est pas, d’une certaine façon, même
souhaitable (dans les cadres de certaines limites qui garantissent bien sûr sa compatibilité avec ce que nous
admettons être la pratique de la science…) !
Cours 3 Les métaphysiques cachées de la science : au-delà de l’empirisme
Isaac Newton naît à Woolsthorpe [Angleterre] le 25 décembre 1642 dans une famille de
fermiers. Orphelin de naissance (son père décède deux mois avant sa naissance), Newton,
qui s’accommode mal du remariage de sa mère, est partiellement élevé par sa grand-mère ;
son enfance n’est pas très heureuse. A l'école publique de Grantham, Newton ne ressort
pas du lot, au contraire. Vers 16 ans, il est rappelé par sa mère pour s'occuper du domaine
familial, mais ce travail ne lui convient guère, et il retourne à l'école pour préparer son entrée
à l'Université. Il entre au Trinity College de Cambridge en 1661.
A l'été 1665, la peste s'abat sur l'Angleterre, et Newton fuit le fléau en retournant dans sa
région natale. La période de deux ans qui suit est pour lui d’une extraordinaire créativité : de
là datent ses premières avancées spectaculaires en mathématiques, physique, et plus
particulièrement en optique (expériences du prisme). A son retour à Cambridge, son maître
Isaac Barrow détecte son génie, l'aide à réussir ses derniers examens universitaires, et en
1669 lui cède sa chaire de mathématiques. En 1672, Newton entre à la Royal Society de
Londres.
Suite à une sollicitation de Edmund Halley (1656-17 ), Newton rédige son œuvre majeure,
les Philosophiae naturalis principia mathematica qui apparaissent sous forme complète en
1687.
En 1693, Newton souffre d'une grave crise de dépression nerveuse, qui lui fait abandonner
toute recherche nouvelle, au profit d'une synthèse et des perfectionnements de ses résultats
antérieurs. Il occupe également des fonctions administratives prestigieuses : il est nommé
directeur de la Monnaie, et en 1703, il est élu Président de la Royal Society. Anobli en 1705,
il décède le 19 mars 1727 à Londres, et est inhumé à l'abbaye de Westminster, aux côtés
des rois d'Angleterre.
Cours 3 Les métaphysiques cachées de la science : au-delà de l’empirisme
Newton retourne chez lui pour fuir la peste qui sévit en Angleterre ; il passe la période 1664-
1666 quasiment reclus. L’origine de ses plus importantes découvertes date de cette époque.
Newton reçoit la visite de Halley à Cambridge en août 1684. Celui-ci lui pose le problème de
la forme d’une orbite résultant de l’action d’une force centrale.
La réponse complète de Newton (c’est une ellipse) est le traité De Motu Corporum in
Gyrum. Ce sera l’embryon des Principia: Halley, enthousiaste, persuade Newton de rendre
ses résultats publics sous la forme d’un ouvrage plus exhaustif.
La rédaction des versions consécutives dès les premiers mois de 1685 (livre I), puis
rédaction, en 1686 des livres II et III, déposition du livre I en avril 1686 (décision de
publication aux frais de la RS en mai), jusqu’à la publication de la totalité des Principia en
1687.
Le scholie du livre 1 est situé à la fin de l’énoncé des définitions qui ouvrent le livre I ; Newton s’y
propose de revenir sur un certain nombre de notions qui figurent en filigrane des définitions. Il s’agit
en particulier de spécifier ce que l’on entend par espace, temps, et aussi de préciser quel est, au-delà
des évidentes applications, l’objectif plus profondément philosophique de l’ouvrage. Comme nous le
savons aujourd’hui, la réflexion « philosophique » de Newton était en fait encore plus
« métaphysique » que ce que Newton voulait bien laisser transparaître dans ses propos Newton
alchimiste, initié, et féru d’ésotérisme.
Cours 3 Les métaphysiques cachées de la science : au-delà de l’empirisme
Se rapporter à l’annexe réunissant les citations de Galilée, Newton, Leibniz, Berkeley et Mach, avec
un commentaire et une bibliographie sur le sujet.
Cours 3 Les métaphysiques cachées de la science : au-delà de l’empirisme
Lettres à Henry Oldenburg (1615-1677) de 1672 : statut des hypothèses et méthode expérimentale
Autres motivations ? Donner un sens à la mécanique en tant que bâtissant toute la théorie du
mouvement en prenant comme norme le mouvement inertiel difficulté à extirper la notion de
l’espace absolu de la construction newtonienne.
L’argumentation de Newton n’a pas été accepté par tous. Des philosophes de premier plan en avaient
décelé des faiblesses, motivés en général par un désaccord de fond avec la philosophie naturelle de
Newton. Leibniz et Berkeley ont en particulier mis en doute les conclusions de Newton, soit en
mettant en lumière les aspects paradoxaux de l’hypothèse de l’existence de l’espace absolu (Leibniz),
soit en rejetant d’emblée les prémisses du raisonnement de Newton (Berkeley). Ce que les critiques
de Leibniz et Berkeley ont essentiellement en commun, c’est avant tout la mise en évidence de
l’absence d’un support empirique aux thèses de Newton. On ne perçoit que des mouvements relatifs,
d’un corps par rapport à un autre corps. Newton semble être allé, sur la question de l’espace absolu,
bien au-delà des faits, en violation de ses déclarations d’intention méthodologiques (voir ses règles de
raisonnement, ses scholies (le je ne forge point d’hypothèses), et ses lettres à Oldenburg ou Cotes).
Cours 3 Les métaphysiques cachées de la science : au-delà de l’empirisme
Ni Leibniz, ni Berkeley ne sont en mesure d’opposer à Newton un argument qui puisse rivaliser et
offrir une alternative crédible à ses deux expériences qui mettent en jeux toute la question de
l’explication de l’inertie. Newton suggère en effet que l’espace absolu développe un effet physique
sur les corps qui sont en mouvement (non uniforme), effet par lequel on peut donc le déceler
indirectement. Si nous reformulons le problème en termes anachroniques qui seront ceux de la
discussion qui émergera de la preuve de Newton (principe de Mach, relativité générale, voir plus
loin), on peut dire que Newton « prouve » l’existence de l’espace absolu par la nécessité d’introduire
un principe qui distingue les mouvements qui donnent lieu à la manifestation de l’inertie, et les
autres, ce qui revient à poser la question de l’origine, de l’explication de l’inertie. Cet effet, c’est
l’opposition du corps à ce que son état de mouvement change, et qui se manifeste par sa tendance à
l’inertie. Les forces que l’on voit ainsi se manifester (l’eau qui remonte le long des parois, le fil tendu
entre les deux sphères en rotation, voir scholie du livre 1), dites les forces « inertielles », témoignent
de cette « résistance », dont elles témoignent indirectement de l’existence de l’espace absolu.
L’espace absolu est chez Newton le générateur de l’inertie au sens où un mouvement non uniforme
dans (par rapport à) cet espace donne lieu à la manifestation des effets inertiels : pour maintenir ce
mouvement non uniforme, il faut contrebalancer ces effets par l’application des forces qui
contrebalancent les forces inertielles.
Cours 3 Les métaphysiques cachées de la science : au-delà de l’empirisme
- La relativité met fin à la possibilité de déterminer une vitesse absolue par rapport à l’éther, siège
hypothétique de la propagation du champ électrodynamique. L’éther de la théorie électromagnétique
pré-relativiste joue, en offrant un cadre de référence à cette détermination, le même rôle que l’espace
absolu newtonien, et c’est dans cette mesure que la mort de l’éther est synonyme d’une (seconde)
mort de l’espace absolu (la première est déjà due à Mach).
- Cependant, du point de vue de la physique relativiste, l’idée d’un « vaste réceptacle », siège des
événements physiques, le « contenant » de la physique, n’est pas à proscrire: ce que la relativité
affirme, c’est l’impossibilité totale et définitive de pouvoir se repérer dans ce cadre, et non pas
l’inexistence de ce cadre en tant que tel. Pour nier l’existence de ce cadre, il faut adjoindre, aux
conclusions de la relativité, une position de positivisme (fort), qui nie l’existence de tout ce qui est
superflu à l’expression des lois physiques, et qui n’a aucun effet physique attesté.
Ceci dit, il ne faut pas voir dans les conceptions leibniziennes une remarquable anticipation des idées
relativistes. Leibniz défend avant tout une thèse ontologique, faisant de l’espace une notion
relationnelle, alors que la physique contemporaine ne s’avance pas sur ce terrain ontologique (enfin,
pas explicitement, voir les développements récents dans les domaines frontières, et encore largement
spéculatifs, comme celui de la gravitation quantique).
Causalité et lois de
nature
Flavia Padovani
Un philosophe
empiriste par
Introduction à l'histoire excellence : David
Hume
23 Novembre 2006
David Hume
Causalité et lois de
nature
Flavia Padovani
David Hume (26 avril 1711 - 25 août 1776) : philosophe,
économiste et historien, qui fut l'un des plus importants penseurs Un philosophe
empiriste par
de la période des Lumières écossaises. Il fut l'un des fondateurs excellence : David
Hume
de l'empirisme moderne, et l'un des plus radicaux critiques, avec David Hume : les
÷uvres de théorie
Locke (et Berkeley) de la philosophie de Descartes. de la connaissance
David Hume et sa
méthode
Hume est bien connu comme l'un des grands empiristes anglais.
Impressions, idées et
Son ÷uvre majeure est le Traité de la nature humaine, qu'il écrit relations
Hume et le problème
durant son séjour en France dans les années 1734-37. Cette de la causalité
÷uvre fondamentale, publiée à Londres en 1739-40, comprend Le problème de
l'induction
trois livres : le premier est dédié à la connaissance, le deuxième
La solution
aux passions et le troisième à la morale et à la politique. En 1748 transcendentale
il remanie les idées contenues dans le premier livre, et il publie les Les lois de nature
dans la réexion
Essais philosophiques sur l'entendement humain une ÷uvre philosophique
contemporaine
consacrée à la théorie de la connaissance, désormais connue sous
Références
le titre de Enquête sur l'entendement humain, suivie, en 1751, par Bibliographiques
valeur quand il s'agit de matières de fait. En ce cas, il n'y a rien qui Hume et le problème
de la causalité
soit immédiatement évident, ou rigoureusement démontrable. Deux vérités
L'analyse de la
En accord avec la distinction leibnizienne entre vérités de raison et causalité
La critique de la
vérités de fait, dans le cas des vérités de fait, on peut imaginer un état causalité
de fait contraire à une certaine vérité observée sans entrer en Le problème de
l'induction
contradiction avec la raison, car notre analyse ne peut pas concevoir La solution
une innité de cas et que, par dénition, l'ensemble des données transcendentale
d'observation étant inni, le contraire d'une proposition relative à une Les lois de nature
dans la réexion
vérité d'observation est toujours pensable sans contradiction. philosophique
contemporaine
=⇒ Les vérités de fait ne sont en principe pas dénitives ou Références
prouvables rigoureusement (au moyen des concepts mathématiques Bibliographiques
d'intuition et démonstration)
[À noter : distinction entre analytique et synthétique]
La relation entre faits est souvent établie par recours à une Flavia Padovani
Un philosophe
empiriste par
Mais le principe de causalité dérive aussi, au fond, des nos excellence : David
Hume
impressions, comme toute idée.
Impressions, idées et
relations
Pour connaître pleinement l'idée de pouvoir ou de Hume et le problème
connexion nécessaire, examinons son impression ; et,
de la causalité
Deux vérités
pour trouver l'impression avec plus de certitude, L'analyse de la
causalité
cherchons-la à toutes les sources d'où elle peut La critique de la
causalité
découler. Quand nous regardons hors de nous vers les Le problème de
l'induction
objets extérieurs et que nous considérons l'opération
La solution
des causes, nous ne sommes jamais capables, dans un transcendentale
seul cas, de découvrir un pouvoir ou une connexion Les lois de nature
dans la réexion
nécessaire, une qualité qui lie l'eet à la cause et fait de philosophique
contemporaine
l'un la conséquence infaillible de l'autre. [Enquête, p.
Références
130] Bibliographiques
Il n'y a rien dans un objet considéré en lui-même qui puisse Un philosophe
nous apporter une raison de tirer une conclusion qui le
empiriste par
excellence : David
dépasse ; et même après l'observation d'une fréquente ou Hume
constante conjonction d'objets, nous n'avons aucune raison Impressions, idées et
relations
de tirer aucune inférence au sujet d'aucun objet autre que
Hume et le problème
ceux dont nous avons eu l'expérience. [Traité, pp. 222-23] de la causalité
Deux vérités
Si nous dénissons une cause comme un objet antérieur et L'analyse de la
causalité
contigu à un autre, tel que tous les objets semblables au La critique de la
causalité
premier soient placés dans une relation semblable de priorité
Le problème de
et de contiguïté par rapport à des objets semblables au l'induction
second, nous pouvons aisément concevoir qu'il n'y a pas de La solution
transcendentale
nécessité absolue, ni métaphysique, à ce que tout
Les lois de nature
commencement d'existence s'accompagne d'un tel objet. dans la réexion
philosophique
[Traité, p. 259] contemporaine
Références
=⇒ La causalité peut représenter un lien trompeur si nous Bibliographiques
Un philosophe
Du point de vue strictement logique, la justication de la empiriste par
excellence : David
causalité dans le cadre de la critique humienne présente deux Hume
problèmes : Impressions, idées et
relations
I L'inférence inductive ne peut pas être établie logiquement, Hume et le problème
de la causalité
car elle passe de cas observés à des cas non observés, sur
Le problème de
lesquels on ne peut en principe connaître ou savoir l'induction
La méthode
absolument rien. L'inférence inductive `dépasse' illicitement inductive
Les problèmes
les cas observés ; logiques impliqués
par la causalité
Une conclusion
I L'inférence inductive (ou de probabilité) ne peut pas être sceptique ?
justiée empiriquement, car il est impossible d'inférer sa La solution
transcendentale
validité du fait qu'elle a toujours fonctionné jusqu'à présent Les lois de nature
dès le passé ; cette inférence est elle-même une inférence dans la réexion
philosophique
probabiliste, qui se fonde sur la conception de l'induction contemporaine
Références
qu'on voulait démontrer. Preuve circulaire ! Bibliographiques
Un philosophe
empiriste par
excellence : David
Hume
La conjonction constante de deux événements et l'attente ou
Impressions, idées et
anticipation qui en résulte pour nous est tout ce que nous relations
pouvons connaître de la causalité, i.e. nos idées ne peuvent Hume et le problème
de la causalité
pénétrer plus avant dans la nature de la relation de la cause à Le problème de
eet. l'induction
La méthode
inductive
En général, nous n'avons pas la possibilité d'obtenir d'une Les problèmes
logiques impliqués
connaissance vraie et nécessaire (= vérité de raison) de la nature, par la causalité
Une conclusion
mais nous avons une connaissance pratique, fondée sur la sceptique ?
La solution
méthode inductive, sur laquelle nous pouvons néanmoins transcendentale
construire nos certitudes scientiques solides, mais relatives du Les lois de nature
dans la réexion
point de vue logique. philosophique
contemporaine
Références
Bibliographiques
Un problème actuel
Causalité et lois de
nature
Flavia Padovani
Un philosophe
empiriste par
excellence : David
Hume
Le problème demeure : qu'est-ce qui justie notre croyance en la
Impressions, idées et
connexion causale et en quoi consiste cette connexion ? Pour relations
Hume, cette croyance est une sorte d'instinct, fondé sur le Hume et le problème
de la causalité
développement de nos habitudes et de notre système nerveux. Le problème de
Cette croyance est donc inéliminable, mais ne peut être prouvée l'induction
La méthode
par aucune sorte d'argument (déductif ou inductif ). inductive
Les problèmes
logiques impliqués
La diculté présentée par Hume est encore tout à fait d'actualité par la causalité
Une conclusion
dans le débat philosophique et elle est telle que des `humiens' sceptique ?
La solution
fameux comme Bertrand Russell ont entièrement rejeté l'idée de transcendentale
causalité, idée qu'ils ramenèrent à une sorte de superstition Les lois de nature
dans la réexion
populaire. philosophique
contemporaine
Références
Bibliographiques
David Hume, qui est, parmi tous les philosophes, celui qui s'est Flavia Padovani
Un philosophe
empiriste par
Immanuel Kant(1724-1804) admet que toute notre connaissance excellence : David
Hume
commence avec l'expérience, mais il souligne qu'elle ne termine Impressions, idées et
relations
ni dérive pas complètement de l'expérience. Ce que l'expérience
Hume et le problème
ne peut ni fonder ni montrer, comme l'a souligné Hume, est une de la causalité
validité universelle et nécessaire de notre connaissance (dette de Le problème de
l'induction
Kant envers Hume, déclarée dans la `Préface' aux Prolégomènes :
La solution
il l'a réveillé de `son sommeil dogmatique'). transcendentale
Les lois de nature
Selon Kant, les intuitions et les concepts sont les éléments dans la réexion
philosophique
essentiels et fondamentaux de la connaissance et leur coopération contemporaine
est nécessaire pour pouvoir parler de connaissance. Nous ne Références
Bibliographiques
devons pas mettre en doute la connaissance (scientique) du
moment qu'elle est, nous devons plutôt nous demander quelles
sont les conditions de sa possibilité.
La révolution copernicienne
Causalité et lois de
nature
Flavia Padovani
Le but de Kant est de construire un système qui puisse fournir et
garantir la validité et nécessité des instances de la raison par Un philosophe
empiriste par
rapport à la connaissance en général. La validité universelle et excellence : David
Hume
nécessaire qui est typique des jugements mathématiques est le Impressions, idées et
relations
modèle de référence de l'analyse de Kant. Ces jugements sont
Hume et le problème
vrais en vertu des opérations de la pensée, mais pas de la causalité
indépendamment de l'expérience, ou bien d'une forme de Le problème de
l'induction
contenu qui est en n de compte reconductible à une synthèse
La solution
sensible. Dans le langage de Kant, ce sont des connaissances a transcendentale
priori mais aussi synthétiques, à savoir qui apportent de toute Les lois de nature
dans la réexion
façon un contenu de connaissances authentique. philosophique
contemporaine
La révolution proposée par le système Kantien par rapport à la Références
Bibliographiques
philosophie précédente est toute dans l'idée que notre
connaissance ne dépend pas du monde, mais que au contraire la
représentation que nous en avons dépend de notre pouvoir de
connaître. Ainsi, c'est non pas le sujet qui doit se régler sur
l'objet, mais l'objet sur le sujet (= révolution copernicienne de
Kant).
La solution transcendentale
Causalité et lois de
nature
Flavia Padovani
a priori ).
Un philosophe
empiriste par
excellence : David
Hume
Impressions, idées et
relations
En général, l'idée de loi implique une certaine forme de nécessité
Hume et le problème
(objective ou subjective, basée sur une interprétation probabiliste de la causalité
Un philosophe
empiriste par
excellence : David
Hume
Impressions, idées et
relations
3. La position la plus cohérente du point de vue du réalisme
Hume et le problème
qui soutient qu'il n'existe aucune loi mais qui accepte l'idée de la causalité
Un philosophe
empiriste par
excellence : David
Hume
I Une lois peut être entendue comme une assertion qui
Impressions, idées et
exprime une régularité que nous trouvons dans la nature relations
Hume et le problème
(Hume) de la causalité
I Une lois peut être entendue comme le résultat d'une Le problème de
l'induction
construction articielle. Les régularités que nous observons La solution
dans la nature et sur lesquelles nous comptons dans transcendentale
Les lois de nature
l'élaboration des théories scientiques ne sont que le résultat dans la réexion
philosophique
des opérations (instrumentations de laboratoire, apparats contemporaine
techniques, constructions théoriques = machine Les lois du point de
vue ontologique
nomologique) qui nous permettent de formuler une loi. Entre théorie de la
connaissance et
ontologie
(Cartwright)
Références
Bibliographiques
Un philosophe
empiriste par
excellence : David
Hume
I Nous pourrions tout simplement faire sans cette notion, Impressions, idées et
relations
utilisant des notions comme la symétrie et la probabilité
Hume et le problème
(typiquement défendue par van Fraassen) ; de la causalité
Le problème de
I Une loi peut être entendue comme une caractéristique l'induction
nécessaire (Bigelow, Ellis & Lierse ; Shoemaker) ou La solution
transcendentale
contingente (Dretske ; Tooley ; Armstrong) du monde
Les lois de nature
(universel de deuxième ordre) ; dans la réexion
philosophique
I Une loi peut être comprise uniquement à l'intérieur et à contemporaine
Les lois du point de
vue ontologique
partir d'un système déductif (Earman, selon l'interprétation Entre théorie de la
connaissance et
dite de `Mill-Ramsey-Lewis') ontologie
Références
Bibliographiques
Un philosophe
Roughly, the idea is that the laws of this world are the empiriste par
excellence : David
axioms or theorems of the best deductive system, where Hume
a deductive system is an axiomatizable, deductive Impressions, idées et
relations
closed set of true statements and where the best such
Hume et le problème
system is the one that achieves the best compromise de la causalité
between simplicity and strength. Scientic theorizing Le problème de
l'induction
can be seen as a groping towards the optimal system. I La solution
transcendentale
emphasize the world 'groping'. Even with respect to a
Les lois de nature
limited domain of inquiry - say, gravitational physics - dans la réexion
philosophique
scientists don't consider all possible theories contemporaine
(=deductive systems) of the domain. For given our Les lois du point de
vue ontologique
limited computational powers and limited imaginations Entre théorie de la
connaissance et
ontologie
we are lucky if we can explicitly produce more than a
Références
handful of theories that would be judged as minimally Bibliographiques
adequate. [Earman (1993), p. 416]
Un philosophe
empiriste par
Armstrong, D.M. (1985), What Is a Law of Nature, excellence : David
Hume
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Impressions, idées et
relations
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Hume et le problème
of a Kind : Natural Necessity and Laws of Nature', British de la causalité
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l'induction
Cartwright, N. (1999), The Dappled World. A Study of the La solution
transcendentale
Boundaries of Science, Cambridge : Cambridge University Les lois de nature
dans la réexion
Press. philosophique
contemporaine
Dretske, F. (1977), `Laws of Nature', Philosophy of Science, Références
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Un philosophe
empiriste par
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Hume
fr. : Traité de la nature humaine, Paris : Aubier, 1983. Impressions, idées et
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Understanding ; trad. fr. : Enquête sur l'entendement
Le problème de
humain, Paris : Flammarion, 1983. l'induction
La solution
Kant, I. (1787), Immanuel Kant : Kritik der reinen Vernunft transcendentale
[2. Au.] ; trad. fr. : Critique de la raison pure, Paris : Les lois de nature
dans la réexion
Flammarion, 2001. philosophique
contemporaine
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Bibliographiques