PIVETEAU Le Secteur Automobile Marocain 16 11 2019 V01b
PIVETEAU Le Secteur Automobile Marocain 16 11 2019 V01b
PIVETEAU Le Secteur Automobile Marocain 16 11 2019 V01b
Manifestation locale
d’une dynamique mondiale ou émergence industrielle
décisive ?
Alain Piveteau
Alain Piveteau*
Introduction
Au début de la décennie en cours, le Maroc fait une entrée remarquée dans le club
restreint des pays producteurs d’automobiles. Avec une production de 402.085
véhicules en 2018, multipliée par dix en une décennie, le Royaume chérifien se place
au deuxième rang des producteurs en Afrique, juste derrière l’Afrique du Sud
(610.854), l’Algérie (70.957), l’Egypte puis la Tunisie. A l’échelle des 95 millions de
véhicules produits la même année dans une quarantaine de pays, la 28ème place du
Maroc, soit 0,45% du marché mondial, peut sembler modeste1. Mais au regard du
processus national d’industrialisation étudié dans le cadre du « Made in Morocco »,
l’émergence de pôles automobiles organisés autour de la présence de constructeurs
mondiaux et de leur parc de fournisseurs fait figure de discontinuité industrielle,
générée par l’implantation en 2012, près de Tanger à Melloussa, d’une usine
d’assemblage Renault d’une capacité initiale de 360.000 véhicules par an (Benadeljlil
et al., 2017).
* Economiste à l’IRD (Prodig, UMR 8586 / Laboratoire Economie du Développement, Rabat). Ce travail a bénéficié de
toutes premières investigations effectuées dans le cadre du « Made in Morocco » (cf. Programme Made In Morocco,
Grille du profil sectoriel – Le Secteur de l’automobile, 27 p.). Il s’appuie sur des travaux de terrain conduits avec Nadia
Benabdeljlil et Yannick Lung dans le cadre d’un projet de recherche franco-marocain sur l’installation de l’Usine
Renault dans le nord du pays. Enfin, en plus d’un état de l’art sur le secteur, il mobilise la documentation
institutionnelle, la littérature grise et les données de comptabilité nationale fournies par le HCP en août 2019.
1 Les données de production par pays – véhicules de tourisme et véhicules utilitaires légers – proviennent de
1
automobile. Depuis le lancement de la stratégie industrielle d’émergence2, pour de
nombreux commentateurs et analystes de la vie économique marocaine, le secteur
fait figure, au côté de l’industrie aéronautique, de « plus grand succès de la politique
industrielle »3 ou de « moteur[s] du développement industriel et de l’emploi au
Maroc » (Banque mondiale, 2019 : 91). Le changement de profil des exportations
marocaines consécutif à la mise en production de l’usine de Melloussa – les véhicules
automobiles, plus sophistiqués, passant devant les traditionnelles exportations de
phosphates en tant que premier produit exporté – est alors pris à témoin par la
littérature académique pour mettre en lumière le potentiel transformateur de
l’industrie automobile et de la présence de superstar de l’exportation (Freund et
Moran, 2017).
2 On regroupe sous cette expression unique le Plan émergence industrielle (2005-2009), le Pacte national pour
l’émergence industrielle (PNEI : 2009-2014) et l’actuel Plan d’accélération industrielle (PAI : 2014-2020). Ils traduisent
l’impulsion donnée par les pouvoirs politiques centraux à l’industrie à compter de la fin de l’année 2005.
3 L’expression provient du service économique régional de l’Ambassade de France au Maroc dans une note sur le
2
Dans la version fordiste du capitalisme industriel5, la production automobile forme le
socle de la production industrielle et du rapport salarial, autrement dit du
développement économique et de la transformation des modes de mise au travail.
Les dérivées de cette centralité continuent d’alimenter le débat post-fordiste sur le
développement économique quant à l’aptitude de l’industrie automobile et de son
développement national à stimuler, dans la configuration actuelle des Chaînes de
valeur mondiale (CVM), l’industrialisation des économies en développement (Breuil &
Bastide, 2003 ; Kane & Baimbill-Jonhson, 2017). La littérature continue de souligner le
rôle clef (key driver) de l’industrie automobile dans la création d’emplois,
l’amélioration de la productivité, dans l’innovation et dans la transformation
structurelle de l’activité économique. Empiriquement pourtant, le débat est loin
d’être tranché. Aux succès Chinois, Thaïlandais, Mexicain et Turque, on oppose les
échecs des politiques gouvernementales dans de nombreux pays d’Afrique, mais aussi
en Australie (Barnes, 2017).
La difficulté à passer d’une entrée réussie dans les CVM de l’automobile, dominées
par un groupe retreint de constructeurs et d’équipementiers mondiaux, au
développement effectif d’une industrie automobile central pour le développement
économique national reste élevée. Elle requiert, pour être levée, des politiques
publiques ajustées aux marchés et au besoin d’accumulation d’actifs technologiques
qui contrastent avec une simple stratégie d’attraction et de sécurisation des IDE (op.
cit.). C’est la phase cruciale dans laquelle le Maroc semble pouvoir entrer.
5L’expression popularisée par l’Ecole de la régulation caractérise le mode de régulation qui a assuré la progression
générale et cohérente de l’accumulation du capital pendant les trente glorieuses – production de masse,
consommation de masse, processus auto-entretenu de redistribution des gains de productivité en augmentation de
salaires et de pouvoir d’achat (Boyer & Freyssenet, 2000 : 51).
3
principalement, mais non exclusivement, à l’intégration du Maroc dans le
redéploiement spatial et stratégique de l’industrie automobile européenne. On
s’appuiera sur les grandeurs statistiques et comptables disponibles pour apprécier le
poids et la dynamique relatives du secteur dans l’ensemble de l’économie. On
discutera des effets potentiellement industrialisant de la croissance des activités
manufacturières automobiles dans le pays. Les réponses proposées tiendront compte
à la fois des conditions externes, à savoir des profondes transformations du secteur
automobile en général6, et des conditions internes, qui restent déterminantes pour
organiser l’intégration productive, sociale et territoriale d’une transformation
productive originellement exogène.
6 Changement dans les demandes de mobilité, dans les réponses stratégiques des constructeurs face au risque
écologique, « basculement du barycentre de la géographie des marchés et de la production vers les émergents »
(Jullien & Smith, 2102), changement dans la nature des produits fabriqués, les technologies utilisées et les rendements
exigés des multinationales leaders de la CVM (Barnes, 2017).
4
1. Autonomie et dépendance : du rêve national étatique à l’intégration aux marchés
centraux, le rôle des constructeurs mondiaux
1959 1974 1982 1994 1996 2000 2003 2005 2007 11/12 2015 2017 2019
Source : auteur.
5
Genèse étatique ou l’automobile au cœur du projet industriel
7 Bureau d’études et de participation industrielle détient 40%. Bras financier de l’Etat développeur, il est, au côté de
Fiat (20%), Simca (20%) et de porteurs privés marocains (20%), à l’initiative de la création de la SOMACA et de
l’installation, près de Casablanca, de la toute première usine de montages de véhicules personnels à destination du
marché national dont l’activité démarre en 1962 (cf. Monde diplomatique, juin 1962, p. 15).
8 Principalement des batteries, pneus, glaces, sièges, radiateurs, équipements électriques, etc., des produits peu
sophistiqués.
9 Association Marocaine de l’Industrie et du Commerce Automobile devenue, fin 2017, l’Association Marocaine de
6
structuration et de l’institution du secteur, la vision des autorités marocaines d’une
industrie nationale intégrée autour de la Somaca ne se traduit pas dans les faits.
Bifurcation marchande ou le site marocain pris dans les intérêts et contraintes d’un
secteur mondialisé
Cette sous-traitance internationale s’ancre prioritairement sur Tanger. Elle est le fait
d’équipementiers internationaux qui choisissent, à la fin années 1990, de délocaliser
une partie de leur production pour faire face au rattrapage des coûts salariaux dans
la péninsule ibérique. Dans ce contexte d’internationalisation et de nouvelle stratégie
de localisation des fournisseurs, la « quasi-contiguïté » du Maroc et du sud de l’Europe
devient un avantage compétitif significatif. Il est activé au début de la décennie 2000,
après que la démonstration a été faite par Delphi, premier équipementier
international à implanter une usine d’assemblage de faisceaux à Tanger (Layan &
Lung, 2008), qu’un investissement d’ancrage est possible. Les mesures fiscales visant
à promouvoir le développement économique du Nord amplifient l’attractivité du
territoire septentrional. Les investissements étrangers dans la fabrication des
faisceaux et de câbles intensive en travail peu qualifiée et féminin se multiplient. La
création de Tanger Free Zone (TFZ) en 2000 à Gzenaya, à l’entrée de la ville,
accompagne et consolide cette « maquiladorisation » de l’industrie automobile au
nord du pays. Le rêve premier d’une industrie nationale servant les besoins
7
domestiques laisse place à une stratégie d’exportations de composants sur les
marchés centraux européens adossée à une politique d’attraction des IDE. La « zone
franche » devient, au côté d’autres dispositifs fiscaux et d’aide avantageux, l’outil
privilégié d’une promotion publique proactive de cette stratégie de développement
de la sous-traitance pour les constructeurs européens.
10 De faible volume – environ 15.000 véhicules par an en 2010 –, l’usine ne possède pas d’atelier d’emboutissage et
procède par assemblage de kits démontés (CKD) en partie importés.
11 Augmentation de 26% des coûts salariaux pour Renault entre 2010 et 2013 (cf. M. Amiot, Les Echos, 5 mai 2015)
8
du risque lié aux coûts de découverte, pris par les « précurseurs » (Hausmann &
Rodrik, 2003)12. La politique industrielle, devenue quasi-assurantielle pour des
investisseurs en recherche de nouvelles périphéries productives compétitives à
intégrer dans leurs réseaux mondiaux de production, repose sur la mise en place de
partenariats public-privé, la fourniture d’infrastructures, la mise à disposition d’une
main d’œuvre formée et à bas-coût, et la promesse de stabilité économique et
politique.
12 Ces différentes mesures auxquelles il convient d’ajouter la mise à disposition d’infrastructures de standard
international comme le port en eau profonde Tanger Med mis en service en 2007 sont listées et décrites dans
Benadeljlil & al. (2016 : 4).
13 Cf. https://www.automobile-magazine.fr/toute-l-actualite/article/25696-lusine-psa-de-kenitra-debute-la-
9
groupe comme outil de reconquête des marchés africains et moyens-orientaux mis en
difficulté par l’arrêt du partenariat avec l’IRAN, elle vient en fait, à l’image de Renault
en Roumanie, redonner des marges de compétivité aux véhicules du segment B des
marques Peugeot et Citroën destinés aux marchés centraux européens ; le site
slovaque de Trnava initialement envisagée pour cette délocalisation arrivant à
saturation et devant tenir compte d’une pression salariale à la hausse14.
14 En particulier, Les remplaçantes des 208 et C3 dont les versions précédentes étaient produites en France dans l’usine
de Poissy, fragilisée par la stratégie du groupe PSA de délocalisation de la production des citadines de segment B.
10
écosystèmes avaient fait l’objet d’un contrat15 et 3 supplémentaires étaient en cours
de création (ingénierie, pièces de rechanges et extérieurs véhicules).
15 Câblage, intérieur et sièges, métal emboutissage, batterie, PSA, moteur, Renault, Delphi et Valeo. Cf. Médias 24, 6
février 2019, https://www.medias24.com/MAROC/ECONOMIE/ECONOMIE/189701-Industrie-automobile-Bilan-
encourageant-les-objectifs-revus-a-la-hausse.html.
16 Est également annoncé dans ce protocole la construction à terme de trois autres usines : batteries électriques, bus
constructeurs et équipementiers chinois » est une « modalité de la mondialisation des constructeurs occidentaux et
japonais » (2018 : 146) ; 80% des véhicules produits en Chine sont fabriqués sous le contrôle d’entreprises étrangères
(Richet, 2015 ; Mira, 2017 ; cités par Pairault, 2018).
11
2. Performances économiques relatives
Pour ce qui nous concerne, cela oblige à identifier précisément l’origine et l’état de
référence de toute statistique produite sur le secteur. La Nomenclature des activités
2010, conforme à la quatrième révision de la nomenclature internationale de la
Commission statistique des Nations-Unies (CITI rev4), définit la branche Industrie
automobile (29) comme la somme des sous-branches Construction de véhicules
automobiles (291), Fabrication de carrosseries et remorques (292) et Fabrication
d’équipements automobiles (293). Du point de vue de la comptabilité nationale et de
la statistique officielle produites par le Haut commissariat au plan (HCP), la plupart
des documents directement accessibles18 ou fournis sur demande ne permettent pas
de suivre, au-delà de la branche « Industrie mécanique, métallurgique et électrique
(D04) », l’évolution des sous-branches dont l’industrie automobile fait partie (D34)19.
Des données sectorielles sont également produites par le Ministère de l’industrie, de
l’investissement, du commerce et de l’économie numérique (MIICEN) qui procède,
depuis 1973, à une enquête annuelle, en principe exhaustive, auprès des entreprises
et industries de transformations. Les informations collectées sont présentées par
grands secteurs et secteurs d’activités20 et sont reprises dans le chapitre « Industrie
et Artisanat » de l’Annuaire statistique du Maroc publié annuellement par le HCP21.
Cette seconde source d’information correspond aux grandeurs industrielles du Maroc
présentées par l’Organisation des Nations-Unies pour le développement industriel
Comptes Nationaux, Base 2007, 2007-2012. La branche (et secteur) d’activité (D04) « Industrie mécanique,
métallurgique et électrique » se composent de 10 sous-branches au niveau 1 d’agrégation (D27, D28, D29, D30, D31,
D32, D33, D34, D35 et D37).
20 Les cinq grands secteurs sont : Industrie agroalimentaire, Industrie textile cuir, Industrie chimique para-chimique,
Industrie mécanique et métallurgique (IMM qui correspond à D04 - IEE), Industrie électrique et électronique (IEE ; soit
D31, 32 et 33). Les sous-secteurs correspondent à la NAM 2010, (34) pour l’automobile.
21 https://www.hcp.ma/Bookcases-des-annuaires-statistiques-du-HCP_a2071.html
12
(ONUDI)22. En revanche, les données communiquées par et sur le site du MIICEN
diffèrent sensiblement de ces sources pour coller aux priorités du PAI. Mais surtout,
la correspondance des données statistiques sectorielles fournies par les différentes
institutions n’est pas toujours assurée, HCP et MIICEN en tête ainsi que la
documentation produite par les associations professionnelles ; ce qui peut faire débat
dans la société, notamment quand il s’agit d’évaluer la création d’emplois industriels
(Piveteau & al., 2018 : 95 ; Hahn & Vidikan Auktor, 2018 : 11-12 ; Banque mondiale
2019, note 14 : 145).
Source : Banque mondiale (2019 : 94), repris de Vidikan-Auktor & Hahn (2018), adapté de JICA. Les données de production ont été actualisées.
13
fournisseurs de rang 2 approvisionnent les rang 1. Et plus on passe aux niveaux
inférieurs, moins les produits sont transformés jusqu’à ce qu’on arrive à la matière
première. Jusqu’à présent le parc de fournisseurs se composent d’équipementiers
internationaux qui ont suivi l’implantation du constructeur où étaient déjà présent au
Maroc, mais beaucoup plus rarement de firmes marocaines ; la Chaîne
d’approvisionnement ayant encore massivement recours aux importations pour
produire les véhicules exportés (Benabdeljlil, 2017). L’enjeu attendu de la politique
sectorielle consiste alors à approfondir le niveau d’intégration locale, ce qui revient à
compléter sur place la chaîne d’approvisionnement pour diminuer le contenu en
importations des produits exportés, en attirant de nouveaux fournisseurs ou en
favorisant l’inclusion d’entreprises locales afin de capter in fine un maximum de valeur
ajoutée.
24Données du Chapitre VI « Industrie et artisanat », Annuaire Statistique du Maroc produit annuellement par le HCP.
Les données de 2015 ont été fournies par le HCP.
14
du quart des exportations de l’industrie de transformation en fin de période. En
revanche, au regard de la richesse annuelle créée, le secteur ne représente que 4,3%
de la valeur ajoutée industrielle en 2016.
30,0%
25,0%
20,0%
15,0%
10,0%
5,0%
0,0%
2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
Taux d'exportation Taux de valeur ajoutée Productivité apparente Taux d'exportation Taux de valeur ajoutée Productivité apparente
Le taux de valeur ajoutée des IMM en est bien évidemment affecté mais dans une
moindre mesure puisqu’il est de 7 point supérieur à celui du secteur automobile, le
15
taux de valeur ajoutée de l’Industrie Mécanique et Métallurgique hors automobile
étant de 25% en 2016 (31% pour l’ensemble de l’industrie de transformation). En
résumé l’automobile crée relativement moins de richesse économique annuelle que
le reste des entreprises de transformation dans son ensemble.
3 000
2 500
Véhicules personnels
450 000
Pièces automobiles
400 000
2 000
350 000 Fils et câbles
300 000
1 500
250 000
200 000
150 000 1 000
100 000
50 000
500
0
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
0
Production et assemblage Vente véhicules neufs
UE – entrée en vigueur
accord association
Production voiture
Source : OICA, http://www.oica.net/production-statistics/, Source : COMTRADE,économique,
nomenclatureFiat
STIC-Rev3
Auto (781 ; 784 et 7731),
consulté en août 2019. consulté en août 2019.
16
diversifié, peu sophistiqué, se transforme rapidement avec la production de véhicules
de la gamme Entry à compter de 2005 à Casablanca, puis avec le démarrage de l’usine
de Melloussa en 2012 (graphique 3b).
Tableau 1. Exportations du secteur automobile dans l'ensemble des exportations de biens du Maroc
(millions de MAD, 2007 - 2018)
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
Exp. auto. 9 709 13 065 11 054 18 624 21 013 23 280 31 448 40 415 46 941 55 985 61 048 67 267
dont véhic. 1 325 1 559 1 802 2 056 3 445 8 164 13 825 20 615 25 783 30 764 32 915 36 370
dont câbles et fils 8 384 11 506 9 252 16 568 17 568 15 115 17 623 19 800 21 158 25 221 28 134 30 897
Exp. total biens 123 564 156 654 113 350 177 357 180 839 183 786 185 677 194 350 202 125 226 398 259 143 274 294
Exp. auto. / Exp. 7,9% 8,3% 9,8% 10,5% 11,6% 12,7% 16,9% 20,8% 23,2% 24,7% 23,6% 24,5%
25 Office des changes du Maroc, requête annuaire statistique en ligne, aout 2019.
26 COMTRADE, requête novembre 2019.
27 Selon les données de l’Office des changes du Maroc, les réexportations de véhicules en suite d’ATPA représentent
53% des exportations de véhicules en 2007, 97% en 2012 et 85% en 2018. Le constat est identique pour l’ensemble
des produits exportés du secteur établi sur la base de la liste des entreprises de l’automobile communiquée par le
Ministère de l’industrie (Office des changes, 2013 : 5-7).
17
internationaux de rang 1 important la quasi-totalité des composants et de la matière
que les importations en AT diminuent mais dans une moindre proportion (Benabdeljlil
& al., 2017). La part de la valeur ajoutée dans le total des réexportations se redresse
donc pour atteindre 63% des réexportations de véhicules en 2018 contre 83% en 2010
(graphique 4). Cette correction de trajectoire, obtenue par une politique
gouvernementale volontariste d’attraction de grandes entreprises étrangères, ne
permet pas cependant d’améliorer significativement le taux d’intégration locale qui,
in fine, dépend d’une inclusion plus forte des entreprises locales dans la chaîne
d’approvisionnement (Piveteau & al., 2018 ; Banque mondiale, 2019 : 93).
28 Lesstatistiques de l’Atlas of Economic Complexity auxquelles on a recours ici proviennent des rapports du Maroc à
la Division de statistique de l’ONU (COMTRADE) pour ce qui est des données brutes sur le commerce des biens et de
la base de données de la Direction des statistiques du commerce du Fonds monétaire international (FMI), via les
Indicateurs du développement dans le monde, pour ce qui est des données sur le commerce des services.
18
atteint 10,6%29. Ces données de structure sont de nouveau altérées lorsqu’on observe
cette fois-ci les flux commerciaux nets (exportations – importations de produits).
L’automobile (HS 4, nomenclature à 2 chiffre) disparaît alors des flux nets
d’exportations du Maroc. Il ne reste au côté des équipements et machines électriques
(2,34%) que les exportations de produits traditionnels (services touristiques, produits
primaires, textiles confections et produits issus du phosphate) et les TIC. Il faut entrer
dans un niveau plus fin de la nomenclature produits (à 4 chiffres) pour voir
réapparaître dans la structure des flux commerciaux nets du Maroc des produits du
secteur automobile (3,5% pour les véhicules). Cela signifie que les segments qui
forment le secteur contribuent différemment à ses performances commerciales
(figure 5a).
5a. Solde de la balance commerciale du secteur auto 5b. Marchés de destination des véhicules personnels
par segment (millions de dollars, 1993-2018) (2017)
2 500
2 000
1 500
1 000
500
0
-500
-1 000
-1 500
-2 000
1993 1998 2003 2008 2013 2018
Source : Comtrade, SITC rev.3, nov. 2019, calcul de l’auteur. Source : Atlas of Complexity Index, 7810 (SITC rev4), nov. 2019.
29 Un poste de produits qui comprend l’exportation des fils et câbles électriques et vient de fait diminuer le poids du
« secteur automobile ». Si on les regroupe, le secteur auto au sens large pèse alors près de 18% et passe devant
l’exportation de services touristiques.
30 En 2018, Renault a produit 318.652 véhicules de la marque Dacia (Lodgy, Sandero 2, Dokker, Logan 2 MCV) dans son
19
paraissent pas devoir ralentir malgré la forte attraction d’investissements étrangers
dans le secteur. En 2014, le secteur automobile reste très dépendant des fournisseurs
étrangers avec un taux de dépendance de 74% pour plus de 30 milliards de DH
d’importations (El Mataoui & al., 2019 : 110). En conséquence, le redressement du
solde commercial doit aussi au maintien et au développement de l’activité de câblage
au côté de la construction. Cette dernière devrait une nouvelle fois être relancée en
2019, puis dans les années à venir, avec la mise en production du complexe industriel
de Kenitra (Peugeot).
Les ventes de véhicules (figure 5b) se concentrent sur quelques pays, la France (36%),
l’Espagne (10,3%) et l’Italie (10,1%) alors que le Maroc ne détient qu’une faible part
de ces marchés. Si le pays a clairement pu gagner des parts de marché à l’international
dans un marché mondial en croissance, la question de sa dépendance au marché
automobile européen mature en difficulté est posée. Une forte concentration des
marchés de destination accroît la vulnérabilité du secteur. La diversification vers les
marchés émergents et africains réduirait ce risque (Banque mondiale, 2019 : 96). Mais
il convient de préciser qu’elle est le produit de stratégies croisées d’implantations et
de délocalisations des donneurs d’ordre internationaux. Ce sont eux qui décident
avant tout des modèles à produire, des marchés à viser et de la compétition entre
usines du même groupe.
20
spécialisation traditionnelles comme la confection. La comparaison dans le temps du
positionnement respectif de ces deux spécialisations constitutives du secteur
automobile rend compte de la difficulté à sortir de spécialisations peu sophistiquées
même après avoir « attirée » une industrie plus haut placée dans l’échelle de la
sophistication. A défaut d’une politique ambitieuse d’accumulation de dotations
factorielles, sauf à compter sur un ruissellement spontané de technologies et de
compétences sur les autres spécialisations productives du Maroc, la faible densité de
l’espace produit qui entoure les exportations les plus sophistiquées du secteur traduit
un manque de perspective économique due, cette fois encore, au manque
d’intégration locale et de connexion avec l’économie productive nationale (graphique
6).
Graphique 6. Espace produit et connexions des deux principaux segments du secteur automobile
21
4. Conclusion
22
exceptions à intégrer la chaine d’approvisionnement qui s’est constitué autour de
Renault (Benabdeljlil & al., 2017).
- la première est que la concurrence sur les marchés externes de pays disposant,
comme le Maroc, de petits marchés domestiques est telle qu’il est
difficilement envisageable d’espérer maintenir la compétitivité du site
marocain sans améliorer durablement celle des PME marocaines qui
composent l’essentiel du système économique ;
- la seconde est que sans l’intégration croissante de PME nationales aux CVM,
la lenteur de la transformation structurelle devrait se confirmer et continuer à
entretenir la faible dynamique du marché du travail.
Bibliographie
23
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