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Persepolis
Sortie prévue en salles en
Suisse romande
22 août 2007
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La révolution iranienne :
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_iranienne
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Bibliographie
Persepolis, de Marjane Satrapi (L’Association). Paru en 4 tomes, mais
aussi en monovolume.
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Christian Georges, collaborateur scientifique à la Conférence
intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du
Tessin (CIIP). Août 2007. Actualisé en septembre 2018.
Annexe 1 : Entretien avec Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud
Vincent Paronnaud : On n’est pas d’accord sur tout, mais on ne s’est jamais engueulés. Parce que seul l’objectif
d’avoir le meilleur film possible nous intéressait. Au final, on choisissait l’idée qui nous paraissait la meilleure. Mais il
faut savoir se connaître, se respecter.
Dans la transposition des dessins statiques aux dessins animés, qu’est-ce qui vous a donné le plus de
mal ?
Marjane Satrapi : Le langage cinématographique est très différent du langage de la BD. Devant une BD, vous êtes
un lecteur actif. Entre deux cases, vous devez opérer votre propre mouvement. Vous pouvez choisir le rythme de
lecture, revenir en arrière. Devant un film, vous êtes passif. Le rythme et le son vous sont imposés. Le plus difficile a
donc été de se détacher de l’œuvre originale.
Vincent Paronnaud : On a gardé certains codes graphiques de Marjane et certains personnages. Ensuite nous
avons posé les BD sur un meuble et nous sommes partis dans d’autres directions.
Les autorités iraniennes ont exprimé un certain mécontentement suite à la sélection du film à Cannes. Elles
ont parlé de « tableau irréel » du pays…
Marjane Satrapi : Comme je suis une vraie amoureuse de la démocratie, les critiques et protestations sont aussi
bienvenues. Mais il serait néfaste que trois ans de travail acharné se résument à cette toute petite polémique.
Quelqu’un du Ministère de la culture a en effet écrit à l’attaché culturel de l’ambassade de France en Iran. Il y a eu
réponse, mais ce n’est pas un incident diplomatique. Voilà un film qui parle à tout le monde. La partie la plus
exotique se situe à Vienne, pas du tout en Iran ! C’est une histoire sur l’amour, la famille, qui montre comment les
changements dans un pays font que la vie bascule et comment on trouve son chemin. C’est un point de vue très
personnel, pas un tract politique. J’y vois un film sur l’adolescence, sur le sentiment d’être moche à cette période,
sur le fait de tomber amoureux la première fois, de se marier dans la précipitation et de le regretter le lendemain. Je
pense aussi que ce film va à l’encontre de tous les clichés sur l’Iran. Car ces gens qui font tellement peur à tout le
monde nous ressemblent : ils mangent, font la fête, tombent amoureux, divorcent... Et l’histoire s’arrête en 1994 : ce
n’est même pas un sujet d’actualité. Quand on a commencé le film, les polémiques tournaient autour de l’Irak et pas
du tout sur l’Iran.
S
entez-vous protégée par rapport à es cinéastes comme Samira Mkhmalbaf ?
Vous sentez-vous protégée par rapport à des cinéastes comme Samira Makhmalbaf ?
Marjane Satrapi : Il n’y a aucune filiation entre ce que nous racontons et le cinéma iranien. Je suis bi-culturelle et
nous avons fait un film français. Les codes narratifs sont différents. Nous pouvons dire certaines choses
frontalement, les cinéastes iraniens en sont empêchés. Il n’y a pas plus de lien de parenté entre Vincent et Chabrol
qu’entre moi et Kiarostami !
Vincent Paronnaud : Je n’aurais pas pu m’impliquer sur un tel projet, si ça n’avait pas été un peu plus large qu’un
film historico-politique. Je me sens proche de ce personnage ballotté par les événements, qui a un côté universel.
Mon grand-père a été déporté en camp de concentration, mon père a été syndicaliste communiste…
Marjane Satrapi : L’abstraction du décor et du trait permet à n’importe qui de s’identifier. Tout orientalisme a été
gommé de la partie iranienne, la musique n’est pas de là-bas. On a préféré mettre de l’orientalisme dans la partie
viennoise, avec du Strauss et de la Sacher Torte.
Marjane Satrapi : On vient de découvrir avec Vincent que nous sommes hippies : dans les interviews, nous ne
parlons que de tolérance, d’amour et de paix ! Comment un film humaniste, qui casse les clichés, a-t-il pu être fait
par des gens comme nous, très désabusés et individualistes ? Parce qu’il y en a besoin. Aujourd’hui on trace des
frontières entre le Nord et le Sud, l’Orient et l’Occident, les musulmans et les chrétiens. Comme si le stupide
appartenait à un pays et à une ethnie. Alors que le con est international ! Le fanatique est le même, qu’il soit
chrétien, juif, musulman ou bouddhiste. Le film en appelle à une certaine intégrité : rester droit, assumer ce qu’on
est, rester ouvert aux autres. Dès qu’on réduit les gens à des notions abstraites (« fanatique », « musulman »,
« terroriste »…), on les déshumanise. C’est ensuite plus facile d’aller leur déverser des bombes sur la tête. Trois
cents Irakiens peuvent mourir tous les jours, il n’y aura pas une minute de silence en leur mémoire. Cela fait partie
de notre quotidien et l’on s’en fout ! A partir du moment où on les regarde autrement, comme des gens comme
nous, qui ont père et mère, de l’espoir, de la musique, des rêves, alors là c’est beaucoup plus difficile d’aller les tuer.
S’il y a un message, il est là.
Vous avez un caractère rebelle et ne mettez pas votre langue dans votre poche. Que pensez-vous de la
majorité résignée ?
Marjane Satrapi : Avoir une pensée personnelle et individualiste est semble-t-il associé à la rébellion de nos jours.
Je ne me sens pas rebelle : mon chien et mes fleurs sont ce qui m’occupe le plus dans la vie ! Je refuse juste d’être
un mouton qui suit une idéologie. Les intellectuels que j’admire sont ceux qui ont eu cette pensée personnelle.
Comme Raymond Aron, à mes yeux bien plus important que Jean-Paul Sartre.
Vincent Paronnaud : C’est un peu ambitieux de croire que l’art peut changer les choses. Je ne suis même pas sûr
que ce soit sa fonction.
Marjane Satrapi : S’il y a une chose à laquelle je crois encore, c’est à la culture et à l’instruction. Et ce n’est pas fait
pour frimer dans les soirées mondaines. La culture est un vocabulaire mondial et unique. Il n’y a pas de choc des
cultures, quelle vilaine expression ! Le choc des cultures, c’est Vincent et moi. Tout nous oppose sur le papier et
pourtant on a la même intelligence. On a pu travailler parce qu’on a ces mêmes références, ce même vocabulaire.
Le problème surgit quand il n’y a plus ce vocabulaire et qu’on ne connaît plus les références de l’autre.
Vous dites n’avoir pas voulu réaliser un film pour les enfants, mais il y a quand même une dimension
pédagogique. Avez-vous l’intention de le montrer dans les écoles ?
Marjane Satrapi : Un film d’adultes peut être vu par les enfants ! Dans l’autre sens, ça ne marche pas : un film
connoté « enfants » ne sera pas vu par les adultes. « Persepolis » est un film pour adultes qui peut convenir aux
enfants, comme bien d’autres qui sont déjà montrés dans les écoles. Du reste, si l’on peut attendre du changement,
c’est justement en passant par l’Ecole. Le Ministère de l’Education nationale est intéressé à reprendre le film dans le
cadre des cours d’Histoire.
La bande dessinée d’origine est intégralement en noir et blanc, alors que le film comporte une touche de
couleur. Comment l’expliquer ?
Vincent Paronnaud : Marjane m’avait raconté qu’elle avait erré un jour à Orly et pleuré toute la journée, très
nostalgique. Mettre de la couleur sur cette scène permettait de prendre de la distance par rapport à cette histoire
horrible et par rapport au livre, qui relevait plutôt de la nécessité de témoigner. Le film est plus construit, plus
scénarisé.
Marjane Satrapi : Nous avons réalisé un film d’1h35 en couleur, dans lequel il y a un long flash-back d’1h32 en noir
et blanc.