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Fiche pédagogique

Persepolis
Sortie prévue en salles en
Suisse romande
22 août 2007

Film d’animation long Résumé Marjane, qui doit porter le voile,


métrage, France, 2007 se rêve désormais en
Téhéran, 1978 : Marjane, huit révolutionnaire.
Réalisation : Marjane ans, rêve de devenir le dernier
Satrapi, Vincent Paronnaud prophète de la galaxie. Bientôt, la guerre contre l’Irak
Interprètes (voix) : Chiara entraîne bombardements,
Mastroianni (Marjane) , Choyée par des parents privations et disparitions de
Catherine Deneuve, Danielle modernes et cultivés, proches. La répression intérieure
Darrieux, Simon Abkarian, particulièrement liée à sa grand- devient chaque jour plus sévère.
Gabrielle Lopes mère, elle suit avec exaltation les Dans un contexte de plus en plus
Production: Marc-Antoine événements qui vont mener à la pénible, sa langue bien pendue
Robert, Xavier Rigault révolution et provoquer la chute et ses positions rebelles
Version française du régime du Shah. deviennent problématiques. Ses
Durée : 95 minutes parents décident alors de
Prix du jury, Cannes 2007 Avec l’instauration de la l’envoyer en Autriche pour la
république islamique débute le protéger.
Public concerné : Age légal temps des « commissaires de la
10 ans, Age conseillé 14 révolution » qui contrôlent tenues A Vienne, Marjane vit à quatorze
ans et comportements. ans sa deuxième révolution :
l’adolescence, la liberté, les
vertiges de l’amour mais aussi
l’exil, la solitude et la différence.
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Commentaires Marjane Satrapi est née en


1969. Elle grandit à Téhéran où
C’est sa propre histoire que elle étudie au lycée français. Elle
raconte Marjane Satrapi avec poursuit ses études à Vienne,
une verve démultipliée par la puis s’installe en France en
puissance graphique et poétique 1994. En arrivant à Paris, elle
des dessins. Ce premier long rencontre des dessinateurs qui la
métrage d’animation est un coup font entrer à l’Atelier des Vosges.
de maître, réalisé en partenariat
avec Vincent Paronnaud (alias Dans un premier album,
Winshluss, lorsqu’il travaille Persepolis 1, publiée par
dans la bande dessinée). l’Association en novembre 2000,
Marjane retrace une partie de

Nos pistes pédagogiques


l’histoire de sa famille à travers le humanisent le film et préviennent
Disciplines et thèmes récit de ses dix premières tout manichéisme.
concernés années, jusqu’à la chute du
régime du Shah et le début de la Les souvenirs sont parfois d’une
Histoire : La révolution guerre Iran-Irak. Dans cruauté atroce, mais le dessin
iranienne ; la guerre Iran-Irak ; Persepolis 2, paru en octobre stylisé (en noir et blanc) permet
l’influence occidentale sur les 2001, elle raconte la guerre Iran- de les situer à bonne distance.
régimes du Moyen-Orient Irak et son adolescence jusqu’à Le registre visuel du film fait
son départ pour Vienne à l’âge cohabiter le merveilleux et le trait
Education aux citoyennetés : de 14 ans. Persepolis 3 et 4 sec et incisif. On y repère les
L’engagement politique et ses racontent son exil en Autriche et libertés piétinées par la morale
conséquences dans un Etat non son retour en Iran. d’Etat. Mais Marjane Satrapi ne
démocratique ; les causes et les pose pas en martyre. Elle rit
conséquences d’une révolution. Marjane Satrapi nous embarque souvent d’elle-même. Un rire
avec la verve d’une conteuse salvateur que les gardiens de la
Arts visuels (dessin) et orientale. Elle revit ses élans révolution sont incapables
Education aux médias : d’enfant sans idéaliser l’enfance. d’avoir, l’auto-dérision publique
Représentation de sa propre Elle se souvient de la maîtresse n’étant pas leur fort.
personne et de sa propre famille qui faisait aimer le Shah. Des
par le dessin. opposants torturés. De l’euphorie Ce film revigorant détaille des
qui suivit la défaite du monarque. étapes reconnaissables par tous
Adaptation d’une bande De l’oncle Anouche, éliminé parce les adolescents (conditonnement
dessinée pour le grand écran. qu’il était communiste. De familial ; tourments de la puberté
l’attaque de l’Irak contre son pays et des premières amours ;
Recours à des techniques affaibli. Des cassettes d’Iron évasion par la musique ;
d’antan avec des choix Maiden vendues sous le manteau. tentation des paradis artificiels).
stylistiques forts : personnages De l’exil à Vienne… Sans jamais verser dans la
dessinés à la main ; recours au lourdeur démonstrative, il illustre
noir et blanc. Tout en restant pudique, ce film à merveille l’interaction subtile
d’animation témoigne d’une entre environnement extérieur et
Donner couleur aux franchise et d’une fraîcheur constitution de sa propre
personnages par la voix. réjouissantes. Les défauts et les personnalité, détermination de
limites des personnages ses propres choix dans la vie et
dans la sphère politique.
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Objectifs  Apprendre à identifier les


effets d’un choix
 Apprendre à reconnaître stylistique sur le public
les caractéristiques et d’un film
les contraintes d’une
oeuvre autobiographique
 Apprendre à repérer les
 Montrer la distance qui éléments qui favorisent
sépare un témoignage l’identification du
brut d’une œuvre dart spectateur

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Pistes pédagogiques Marjane Satrapi, en noir et


blanc.
Activité pratique (dessin) :
Mettre en évidence la stylisation
Sur la base d’une planche de des personnages.
« Persepolis » (voir par exemple
Annexe 2), proposer aux élèves Mettre en évidence le style épuré
d’illustrer un épisode de leur (peu de décors, pas de
propre vie « à la manière de » perspective)
Après la vision du film, 4) Mettre en évidence la
s’interroger avec les élèves position du spectateur dans
sur la démarche les deux démarches citées au
autobiographique. point 3). Montrer que Marjane
Satrapi s’adresse à chacun de
1 ) Qu’est-ce qui pousse un nous de manière personnelle,
individu à parler de soi , de comme à un(e) confident(e), ou à
manière générale? Lister les un(e) ami(i). Alors que la
réponses des élèves au télévision exploite plus souvent
tableau et compléter les notre instinct de voyeur
propositions : (par exemple : (focalisation sur des mœurs hors
témoigner de faits méconnus du normes ou sur des détails
grand public ; partager une croustillants ; nous sommes
expérience personnelle ; faire amenés à découvrir jusqu’où
revivre une époque ; exorciser quelqu’un va s’abaisser à parler
un passé difficile ; flatter son de sa vie affective ou intime).
ego ; rendre hommage à des Montrer que l’absence de
parents ou à des membres de contexte (familial, social,
son entourage ; dénoncer des politique) ramène souvent les
injustices subies ; soulager sa témoins de la télévision à
conscience ; dénoncer une illustrer des « cas ». On ne fait
situation politique ; travailler au pas réellement connaissance
changement des mentalités, avec une personne. On se
etc…). penche superficiellement, sur
son « problème ». Souligner à
2) Dans la liste établie, mettre quel point l’artiste ne se
en évidence les raisons qui contente pas de livrer un
s’appliquent à Marjane Satrapi. témoignage brut : il y a tout un
S’efforcer de justifier chaque processus de décantation
réponse par une séquence bien (élaguer les souvenirs, mettre en
précise de « Persepolis ». Mettre forme un récit, donner du
en évidence les raisons qui ne rythme…)
font pas l’unanimité dans la
classe et ce qui prête à Analyser les mécanismes de
contestation. l’identification :

3) Comparer la demarche de 1) Rechercher tous les éléments


Marjane Satrapi avec les qui nous rapprochent des
confessions publiques de personnages du récit de
certains sur les plateaux de « Persepolis ».
television bien connues de la
plupart des élèves ou étudiants. 2) Mettre en évidence tout ce
Mettre en évidence les qui, chez Marjane, peut aussi
analogies (mettre en scène une s’appliquer à n’importe quelle
existence individuelle dans jeune fille européenne. Lister
laquelle d’autres peuvent se ses défauts avoués.
reconnaître; lever un coin de
voile sur une vérité douloureuse ; 3) S’interroger sur la portée
montrer sa force de caractère) et universelle d’une histoire, d’un
les différences (Marjane Satrapi roman, d’un film : quels éléments
reste maîtresse de ce qu’elle nous aident à nous sentir
veut révéler ou cacher. Il n’y a proches des personnages ?
pas quelqu’un qui la pousse Quels éléments font qu’ils nous
dans ses derniers restent étrangers, exotiques,
retranchements. L’exploration de incompréhensibles ?
l’intime ne verse pas dans la
vulgarité).
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Pour aller plus loin
Entretien avec Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud à Cannes
(voir annexe 1)

Le site du film sur My space : www.myspace.com/persepolislefilm

Entretien avec Marjane Satrapi au sujet de "Persepolis" :


https://www.youtube.com/watch?v=zpk49lE8esQ

Sur l’Iran, un dossier complet de l’Université de Laval (Canada) :


http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/asie/iran.htm

Relations France-Iran (site gouvernemental français) :


https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/iran/relations-
bilaterales/

La révolution iranienne :
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_iranienne

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Bibliographie
Persepolis, de Marjane Satrapi (L’Association). Paru en 4 tomes, mais
aussi en monovolume.
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Christian Georges, collaborateur scientifique à la Conférence
intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du
Tessin (CIIP). Août 2007. Actualisé en septembre 2018.
Annexe 1 : Entretien avec Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud

Qui avait le dernier mot dans votre travail en duo?

Vincent Paronnaud : On n’est pas d’accord sur tout, mais on ne s’est jamais engueulés. Parce que seul l’objectif
d’avoir le meilleur film possible nous intéressait. Au final, on choisissait l’idée qui nous paraissait la meilleure. Mais il
faut savoir se connaître, se respecter.

Dans la transposition des dessins statiques aux dessins animés, qu’est-ce qui vous a donné le plus de
mal ?

Marjane Satrapi : Le langage cinématographique est très différent du langage de la BD. Devant une BD, vous êtes
un lecteur actif. Entre deux cases, vous devez opérer votre propre mouvement. Vous pouvez choisir le rythme de
lecture, revenir en arrière. Devant un film, vous êtes passif. Le rythme et le son vous sont imposés. Le plus difficile a
donc été de se détacher de l’œuvre originale.

Vincent Paronnaud : On a gardé certains codes graphiques de Marjane et certains personnages. Ensuite nous
avons posé les BD sur un meuble et nous sommes partis dans d’autres directions.

Les autorités iraniennes ont exprimé un certain mécontentement suite à la sélection du film à Cannes. Elles
ont parlé de « tableau irréel » du pays…

Marjane Satrapi : Comme je suis une vraie amoureuse de la démocratie, les critiques et protestations sont aussi
bienvenues. Mais il serait néfaste que trois ans de travail acharné se résument à cette toute petite polémique.
Quelqu’un du Ministère de la culture a en effet écrit à l’attaché culturel de l’ambassade de France en Iran. Il y a eu
réponse, mais ce n’est pas un incident diplomatique. Voilà un film qui parle à tout le monde. La partie la plus
exotique se situe à Vienne, pas du tout en Iran ! C’est une histoire sur l’amour, la famille, qui montre comment les
changements dans un pays font que la vie bascule et comment on trouve son chemin. C’est un point de vue très
personnel, pas un tract politique. J’y vois un film sur l’adolescence, sur le sentiment d’être moche à cette période,
sur le fait de tomber amoureux la première fois, de se marier dans la précipitation et de le regretter le lendemain. Je
pense aussi que ce film va à l’encontre de tous les clichés sur l’Iran. Car ces gens qui font tellement peur à tout le
monde nous ressemblent : ils mangent, font la fête, tombent amoureux, divorcent... Et l’histoire s’arrête en 1994 : ce
n’est même pas un sujet d’actualité. Quand on a commencé le film, les polémiques tournaient autour de l’Irak et pas
du tout sur l’Iran.
S
entez-vous protégée par rapport à es cinéastes comme Samira Mkhmalbaf ?
Vous sentez-vous protégée par rapport à des cinéastes comme Samira Makhmalbaf ?

Marjane Satrapi : Il n’y a aucune filiation entre ce que nous racontons et le cinéma iranien. Je suis bi-culturelle et
nous avons fait un film français. Les codes narratifs sont différents. Nous pouvons dire certaines choses
frontalement, les cinéastes iraniens en sont empêchés. Il n’y a pas plus de lien de parenté entre Vincent et Chabrol
qu’entre moi et Kiarostami !

Vincent Paronnaud : Je n’aurais pas pu m’impliquer sur un tel projet, si ça n’avait pas été un peu plus large qu’un
film historico-politique. Je me sens proche de ce personnage ballotté par les événements, qui a un côté universel.
Mon grand-père a été déporté en camp de concentration, mon père a été syndicaliste communiste…

Marjane Satrapi : L’abstraction du décor et du trait permet à n’importe qui de s’identifier. Tout orientalisme a été
gommé de la partie iranienne, la musique n’est pas de là-bas. On a préféré mettre de l’orientalisme dans la partie
viennoise, avec du Strauss et de la Sacher Torte.

Ce film correspond à quoi dans votre parcours personnel ?


Ce film correspond à quoi dans votre parcours personnel ?

Marjane Satrapi : On vient de découvrir avec Vincent que nous sommes hippies : dans les interviews, nous ne
parlons que de tolérance, d’amour et de paix ! Comment un film humaniste, qui casse les clichés, a-t-il pu être fait
par des gens comme nous, très désabusés et individualistes ? Parce qu’il y en a besoin. Aujourd’hui on trace des
frontières entre le Nord et le Sud, l’Orient et l’Occident, les musulmans et les chrétiens. Comme si le stupide
appartenait à un pays et à une ethnie. Alors que le con est international ! Le fanatique est le même, qu’il soit
chrétien, juif, musulman ou bouddhiste. Le film en appelle à une certaine intégrité : rester droit, assumer ce qu’on
est, rester ouvert aux autres. Dès qu’on réduit les gens à des notions abstraites (« fanatique », « musulman »,
« terroriste »…), on les déshumanise. C’est ensuite plus facile d’aller leur déverser des bombes sur la tête. Trois
cents Irakiens peuvent mourir tous les jours, il n’y aura pas une minute de silence en leur mémoire. Cela fait partie
de notre quotidien et l’on s’en fout ! A partir du moment où on les regarde autrement, comme des gens comme
nous, qui ont père et mère, de l’espoir, de la musique, des rêves, alors là c’est beaucoup plus difficile d’aller les tuer.
S’il y a un message, il est là.

Vous avez un caractère rebelle et ne mettez pas votre langue dans votre poche. Que pensez-vous de la
majorité résignée ?

Marjane Satrapi : Avoir une pensée personnelle et individualiste est semble-t-il associé à la rébellion de nos jours.
Je ne me sens pas rebelle : mon chien et mes fleurs sont ce qui m’occupe le plus dans la vie ! Je refuse juste d’être
un mouton qui suit une idéologie. Les intellectuels que j’admire sont ceux qui ont eu cette pensée personnelle.
Comme Raymond Aron, à mes yeux bien plus important que Jean-Paul Sartre.

Quelle force attribuez-vous au cinéma et à l’art en général ?

Vincent Paronnaud : C’est un peu ambitieux de croire que l’art peut changer les choses. Je ne suis même pas sûr
que ce soit sa fonction.

Marjane Satrapi : S’il y a une chose à laquelle je crois encore, c’est à la culture et à l’instruction. Et ce n’est pas fait
pour frimer dans les soirées mondaines. La culture est un vocabulaire mondial et unique. Il n’y a pas de choc des
cultures, quelle vilaine expression ! Le choc des cultures, c’est Vincent et moi. Tout nous oppose sur le papier et
pourtant on a la même intelligence. On a pu travailler parce qu’on a ces mêmes références, ce même vocabulaire.
Le problème surgit quand il n’y a plus ce vocabulaire et qu’on ne connaît plus les références de l’autre.

Vous dites n’avoir pas voulu réaliser un film pour les enfants, mais il y a quand même une dimension
pédagogique. Avez-vous l’intention de le montrer dans les écoles ?

Marjane Satrapi : Un film d’adultes peut être vu par les enfants ! Dans l’autre sens, ça ne marche pas : un film
connoté « enfants » ne sera pas vu par les adultes. « Persepolis » est un film pour adultes qui peut convenir aux
enfants, comme bien d’autres qui sont déjà montrés dans les écoles. Du reste, si l’on peut attendre du changement,
c’est justement en passant par l’Ecole. Le Ministère de l’Education nationale est intéressé à reprendre le film dans le
cadre des cours d’Histoire.

La bande dessinée d’origine est intégralement en noir et blanc, alors que le film comporte une touche de
couleur. Comment l’expliquer ?

Vincent Paronnaud : Marjane m’avait raconté qu’elle avait erré un jour à Orly et pleuré toute la journée, très
nostalgique. Mettre de la couleur sur cette scène permettait de prendre de la distance par rapport à cette histoire
horrible et par rapport au livre, qui relevait plutôt de la nécessité de témoigner. Le film est plus construit, plus
scénarisé.

Marjane Satrapi : Nous avons réalisé un film d’1h35 en couleur, dans lequel il y a un long flash-back d’1h32 en noir
et blanc.

Propos recueillis à Cannes par Christian Georges


Annexe 2 : Deux planches originales de « Persepolis »

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