Rapport Final
Rapport Final
Rapport Final
2016
Mathieu CARLINO
Quentin PAGAT
ICNA13A
Mémoire de fin d'études
Octobre 2016
Les Aléas de la Communication Sol / Bord
L a r é f é re n c e a é ro n a u t i q u e
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Titre du projet de fin d’études :
Sujet détaillé :
Despite the fact that flying is the safest way to travel on this day, air
transport safety still needs to be improved. Indeed, only one accident per
million of flights occurs but this figure has not progressed for almost 30
years. Several studies about technical improvements are conducted these
days, but only a few deal with communication ones. However, communi-
cation issues can represent a real threat to air navigation safety, as some
events that occured at Roissy-Charles-de-Gaulle airport have shown. What
sort of communication issues can be found on this airport ? How can they
be detected, understood, and what actions can be conducted to reduce their
number and their impact ? In order to understand these issues, this paper
firstly presents the history and the description of the specialized language
that must be used, then contains our description and understanding of these
issues, based on our control experience at CDG airport. It finally includes
the study of two important topical problems and some possible resolutions
to them.
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“Entre ce que je pense,
ce que je veux dire,
ce que je crois dire,
ce que je dis,
ce que vous voulez entendre,
ce que vous entendez,
ce que vous croyez en comprendre,
ce que vous voulez comprendre,
et ce que vous comprenez,
il y a au moins neuf possibilités
de ne pas se comprendre.”
B. Werber
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Table des matières
Introduction 1
3 Agir à Roissy-Charles-de-Gaulle 31
3.1 Présentation de la plateforme et contexte . . . . . . . . . . . 31
3.2 Problématique du “hold short” . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
3.3 L’anglais : vers une meilleure conscience partagée de la situation 37
Conclusion 41
Les Aléas de la Communication Sol / Bord
Glossaire 43
Bibliographie 45
Annexes 47
Introduction
De nos jours, la sécurité du transport aérien est une problématique plus
que jamais d’actualité. En effet, la sécurité aérienne est certes bonne, avec
un accident par million de départs, mais elle ne progresse plus depuis près
de 30 ans. En combinant la stagnation du taux d’accident avec la croissance
du trafic aérien commercial, les spécialistes de la sécurité se sont aperçus
que dans un avenir proche, le nombre d’accidents pourrait atteindre une li-
mite insupportable aux yeux du grand public ; il faut donc continuer à faire
progresser la sécurité du transport aérien.
Ces différents documents, au fil des années (voire des décennies) et des
retours d’expérience, ont été régulièrement mis à jour, plusieurs fois réédités
et, pour la plupart, traduits en plusieurs langues. Ce travail gigantesque réa-
lisé depuis ses débuts par l’OACI, en collaboration avec ses pays membres,
est à l’origine du contrôle aérien tel qu’il est assuré de nos jours. Basique-
ment, ces documents contiennent les réponses aux questions “WHEN to say
something, WHAT to say, WHAT to understand, and HOW to pronounce
messages”.
Ces échanges ont pour but de transmettre une instruction ou une auto-
risation de manœuvre à un pilote, de faire la demande d’une requête spéci-
fique, de demander des informations concernant un vol, ou encore de fournir
une aide optimale en cas de situation non-routinière. Même lorsqu’il s’agit
de sa langue maternelle, il est très difficile de comprendre ces échanges si
l’on n’est pas sensibilisé au préalable à la spécificité de ces derniers. Selon
Mell, cette difficulté provient essentiellement “des bruits et des distorsions
associés au canal, de l’absence d’hésitations ou de pauses dans l’énonciation,
du vocabulaire spécialisé employé et, enfin, des connaissances des locuteurs
qui associent les messages à des tâches professionnelles”.
1.2.3 La syntaxe
Dans la plupart des messages, on constate l’utilisation de la forme im-
pérative de la part du contrôleur. L’omniprésence de cette forme est due au
rôle d’administrateur du contrôleur dont la tâche principale est d’émettre
des instructions de manœuvre aux pilotes (clairances). Comme le dit Philps :
"Cette prépondérance de phrases impératives, qui se trouvent sans exception
dans les énoncés “contrôleur”, soit 88% de l’ensemble des énoncés consignés
dans la phraséologie, ne doit pas surprendre, le rôle essentiel du contrôleur
étant d’émettre des instructions, et l’impératif constituant le véhicule privi-
légié de cet acte de langage.
effacés des formes “be/have + participe passé” et “be + verbe-ing”. Cet effa-
cement est généralement assorti de la suppression du pronom sujet. Notons
que les collationnements sont généralement caractérisés par de tels efface-
ments.
Exemple : “Citron Air 1 2 3, Bastié Tower, are you ready for imme-
diate departure ?”
Exemple :
C : “Citron Air 1 2 3, contact Ground on 1 2 1 decimal 7 8 0”
P : “Contacting Ground on 1 2 1 decimal 7 9 0, Citron Air 1 2 3”
C : “Citron Air 1 2 3, negative, 1 2 1 decimal 7 8 0”
Dans le but d’éviter toute confusion entre les lettres de l’alphabet com-
posant ces messages, le domaine du contrôle aérien possède un alphabet
spécifique. Cet alphabet, probablement une des caractéristiques de la phra-
séologie les plus connues du grand public, consiste à représenter chaque lettre
de l’alphabet par un mot entier commençant par la lettre en question. Ainsi,
la lettre A est représentée par le mot Alpha dans l’alphabet de l’OACI, la
lettre B par le mot Bravo, la lettre C par le mot Charlie, et ainsi de suite
[voir Annexe 1].
Enfin, dans les communications sol / bord, “un nombre est transmis par
énonciation de chacun des chiffres qui le composent”. Cependant, l’emploi du
code horaire pour indiquer, par exemple, la position d’un aéronef par rap-
port à un autre (“traffic 11 o’clock”) fait exception à la règle : les nombres
10, 11 et 12 doivent être transmis comme tels.
de contact visuel : une étude montre qu’elle est diminuée de 40% pour la
simple raison que les deux interlocuteurs ne peuvent se voir.
Le contrôleur, de son côté, est également affecté par des périodes d’hy-
povigilance, notamment après une lourde charge de trafic. Le relâchement
physique et mental conduit souvent à des erreurs. Il est important de ne pas
négliger ces périodes de travail et apprendre à rester attentif. Une des solu-
tions adoptée par certains contrôleurs est de faire, lorsque cela est possible,
une pause après une période de forte charge. Aussi, les médecins de préven-
Par exemple, si l’on a faim alors que nous sommes en train de nous dé-
placer en voiture, nous serons certainement plus attentifs aux informations
indiquant des restaurants. Dans les communications sol / bord, il peut se
passer la même chose. En effet, si un contrôleur s’attend à avoir un conflit
entre deux avions, son attention se portera davantage sur ce trafic et peut
passer à côté d’un conflit auquel il ne s’attendait pas.
De plus, un pilote prépare son vol en amont, il aura donc avant le départ
une vision assez précise de ce que sera celui-ci, ou plus exactement de ce
que devrait être celui-ci, en fonction des données qu’il a, quelles en seront
les étapes, quelles actions seront à mettre en oeuvre et à quel moment, etc.
Il a un projet d’action à long terme, des attentes précises définies par ses
prévisions. Le contrôleur, lui, travaille sans cette préparation en amont de sa
séquence de travail. L’anticipation de ses décisions est de l’ordre de quelques
minutes, et n’est pas le fruit d’une préparation qui aurait lieu avant de s’ins-
taller sur la position. Dans cette phase préparatoire, les deux opérateurs ont
des fonctionnements temporels différents. Par la suite, dans la phase d’in-
Exemple :
Situation : Citron Air 123 est le dernier avion à décoller de la piste 27L
avant une inspection de piste. Citron Air 456 prévoit un décollage de la piste
27R et maintient avant la piste 27L. Citron Air 789 maintient avant la piste
27L. Flyco 1 est prêt à inspecter la piste 27L. Citron Air 123 est autorisé au
décollage piste 27L. Quelques instants plus tard, alors que celui-ci s’élance,
le contrôleur autorise Citron Air 456 à traverser la piste 27L. Citron Air
123, voyant un avion Citron Air prêt à traverser la piste devant lui, entend
une clairance de traversée et décide d’interrompre son décollage.
Les écarts à la phraséologie étudiés dans cette partie sont des erreurs ba-
siques qui pourraient facilement être évitées, tout comme leurs conséquences
parfois désastreuses. Nous allons voir quelques uns de ces écarts et les consé-
quences associées au niveau de la compréhension des locuteurs.
De plus, certains mots font l’objet d’un usage très strict, comme notam-
ment le mot “décollage” ou “take off”. L’OACI impose ainsi son utilisation :
“The words "take off" are used only when an aircraft is cleared for take-off,
or when cancelling a take-off clearance. At other times, the word "departure"
or "airborne" is used”.
Exemple :
C : “Citron Air 123, contactez 120 Ø 950”
P : “Contactons 129 Ø 150, Citron Air 123”
C : “Négatif, Citron Air 123, contactez 120 décimal 950”
P : “Contactons 120 décimal 950, Citron Air 123”
Par exemple, le mot “seuil” peut prêter à confusion dans certains cas,
notamment lorsqu’il existe un seuil décalé sur la piste. Pour certains, il peut
représenter le seuil physique de la piste, et pour d’autres le seuil décalé,
c’est-à-dire le seuil d’atterrissage. C’est notamment le cas à l’aéroport de
Roissy-CDG : la piste 27L comporte un seuil décalé au niveau du point
d’arrêt Q4.
Exemple :
Dans son rapport, le pilote du Lemon Air a assuré : “We actually were
at the threshold, as we lined up on the threshold markings and the previous
AC was also departing from the threshold”.
sol et le bord sur la signification du terme “seuil de piste”. Pour les pilotes,
cette notion réfère au seuil d’atterrissage, matérialisé par le marquage au
sol ; pour le contrôleur, il s’agit du seuil physique, soit l’extrémité de piste.
Un sondage rapide suggère que cette dernière définition est partagée par
la majorité des contrôleurs de Roissy. Or, une investigation du même type
auprès de la compagnie indique que la majorité de leurs pilotes comprend
le terme “seuil” comme se référant au seuil d’atterrissage s’il y a présence
d’un seul décalé comme dans le cas présent.
Exemple :
C : “Citron Air 1 2 3, turn left heading 300, intercept ILS 2 7 Right, speed
at convenience”
P : “Descend 3000ft, cleared ILS 2 7 Right, descent at convenience, Citron
Air 1 2 3”
Dans cet exemple, le pilote confond le cap donné par le contrôleur avec
une altitude. Dans le rapport du compte rendu de la réunion thématique de
sécurité à type CLS (Comission Locale de Sécurité) du 18 juin 2015 , il a
été signalé que “le rythme de parole du contrôleur n’est pas jugé facilitant
la compréhension des clairances”, ce qui est donc une fragilité de la commu-
nication sol / bord.
Une étude sur la phraséologie sous forme d’un questionnaire a été me-
née par l’IATA (International Air Transport Association), conjointement
avec l’IFALPA (International Federation of Air Line Pilots’ Association)
et l’IFATCA (International Federation of Air Traffic Controllers’ Associa-
tion). Plusieurs questions concernant la phraséologie et la communication
sol-bord en général ont été adressées aux pilotes et contrôleurs du monde
entier. L’analyse de ce questionnaire conduit à des résultats très pertinents,
notamment grâce au nombre important de réponses. En effet, 2070 pilotes
et 568 contrôleurs internationaux y ont participé.
Exemple : “Citron Air 123, montez niveau 1 2 0” puis plus tard “Citron
Air 123, stoppez la montée niveau 9 0”.
Exemple :
3 Agir à Roissy-Charles-de-Gaulle
3.1 Présentation de la plateforme et contexte
L’aéroport de Paris-Charles de Gaulle, situé à une quinzaine de kilo-
mètres au nord-est de la capitale, accueille un trafic quasi exclusivement
IFR commercial. Chaque année, environ soixante cinq millions de passa-
gers y empruntent des vols domestiques, moyens et longs courriers, générant
une moyenne d’environ mille cinq cents mouvements quotidiens sur la pla-
teforme.
Les deux doublets de piste sont utilisés en mode spécialisé : les avions
se posent sur la piste extérieure et décollent de la piste intérieure. De ce
fait, il est nécessaire que toutes les arrivées traversent la piste intérieure afin
d’accéder aux terminaux.
Afin de limiter au maximum les risques liés à une traversée inopportune
d’une piste intérieure par un avion à l’arrivée, le nombre de voies de traversée
a été limité à trois par QFU, et elles sont toutes situées très en aval des seuils
de piste.
Exemples :
Exemples :
Enfin, 100% des pilotes étrangers ont répondu “oui” à la question “Do
you think that English should be the only language used by ATCs at CDG as
Il est bien confirmé dans les réponses que cette mesure améliorerait la
conscience partagée de la situation, comme c’est déjà le cas en Allemagne,
où le “tout anglais” a été adopté, tout en ayant la possibilité de revenir à
l’allemand en cas de nécessité. Le débat reste ouvert en France et notamment
à CDG. D’ailleurs, une étude de sécurité vient d’être initiée par le STAC
(Service Technique de l’Aviation Civile) pour objectiver l’intérêt et les limites
de l’utilisation du “tout anglais” à CDG.
Conclusion
Dans 60% des cas d’accidents, les défaillances humaines se révèlent être
le facteur causal essentiel. La communication Sol / Bord étant un des pi-
liers des facteurs humains, améliorer la sécurité passe nécessairement par
l’amélioration de la qualité des échanges entre pilotes et contrôleurs. Les
modalités de ces échanges sont au centre de nombreuses discussions, tant au
niveau local à l’aéroport Roissy-CDG, qu’au niveau européen avec les normes
que l’EASA souhaite imposer. C’est dans ce cadre que s’inscrit ce mémoire,
dans lequel ont été étudiés les aléas de la communication pilote / contrôleur.
Glossaire
AC Aircraft
ATC Air Traffic Controller
ATM Air Traffic Management
AVISO Aide à la Visualisation au Sol
BEA Bureau d’Enquêtes et d’Analyses
CAG Circulation Aérienne Générale
CDG Aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle
CLS Commission Locale de Sécurité
DGAC Direction Générale de l’Aviation Civile
EASA European Aviation Safety Agency
ENAC Ecole Nationale de l’Aviation Civile
IATA International Air Transport Association
ICAO International Civil Aviation Organization
IFALPA International Federation of Air Line Pilots’ Association
IFATCA International Federation of Air Traffic Controllers’ Association
IFR Instrument Flight Rules
MANEX Manuel d’Exploitation
OACI Organisation de l’Aviation Civile Internationale
PANS Procedures for Air Navigation Services
QS/S Qualité de Service et Sécurité
RCA Réglementation de la Circulation Aérienne
REX Retour d’Expériencel
SERA Standard European Rules of the Air
STAC Service Technique de l’Aviation Civile
UAF Union des Aéroports Français
VFR Visual Flight Rules
Bibliographie
Arrêté du 6 juillet 1992 relatif aux procédures pour les organismes ren-
dant les services de la circulation aérienne aux aéronefs de la circulation
aérienne générale (RCA/3) ;
Annexes
Annexe 1
Annexe 2