Problématique D'ouverture - Surfwear en Crise

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Fanny CAZAUX

Master 2 « Mode et Création »

Université de la Mode, Promotion 2011-2012

Rapport de stage

RIP CURL EUROPE


TRADE MARKETING - EVENEMENTIEL

Problématique d’ouverture

Surfwear en crise : entre sport et mode, une industrie à la croisée des chemins.
L’exemple de Rip Curl Europe.

Tutrice :

Audrey Gaston, Marketing Services Manager

Rip Curl Europe SAS, 407 avenue de la Tuilerie, 40150 Soorts-Hossegor

Jury composé de :

Martine Villelongue, Directrice de l’Université de la Mode, Lyon

Caroline Bianzina, Directrice Marketing du bureau Martine Leherpeur Conseil, Paris


PARTIE 2

Problématique d’ouverture

Surfwear en crise : entre sport et mode, une industrie à la croisée des


chemins. L’exemple de Rip Curl Europe.

2
Introduction

Le surf a longtemps montré une insolente bonne santé, mais depuis quatre ans, il souffre
en Europe. La crise n’épargne pas le secteur de la glisse et ébranle des marques de sportswear
établies depuis longtemps. Des revendeurs ferment boutique, des filiales disparaissent, à l’image
de Rusty en Espagne. Le groupe australien Billabong, (propriétaire de Von Zipper, de la moitié de
Nixon, de Tigerlily ou encore d’Element) a enregistré une perte nette de 275,6 millions d’euros
sur l’exercice 2011-20121. Il étudie actuellement des offres de potentiels acquéreurs, et doit
réaliser que le groupe a perdu beaucoup de sa valeur. Plans de restructuration, fermeture de
boutiques, réduction de la production… Ce refrain devient familier aux marques du secteur.

Ce recul du chiffre d’affaires et les restructurations qu’il entraine, j’ai pu les constater
lors de mon immersion au sein de Rip Curl Europe. Durant quatre mois, marqués par un plan
social, je n’ai eu de cesse de me demander où en était ce secteur du textile habillement. Quelle
place a-t-il dans l’esprit du consommateur, et dans ses dépenses ? Pourquoi cette crise profonde,
alors que le surf continue d’alimenter l’imaginaire collectif mais également la création de mode ?
La mode, c’est justement ce dont veut s’éloigner la marque Rip Curl pour se concentrer sur une
offre technique. Mais cette stratégie adoptée par l’entreprise pour affronter la crise est-elle
pertinente ?

Au regard de ces interrogations, nous avons déterminé la problématique suivante :

Surfwear en crise : entre sport et mode, une industrie à la croisée des chemins.
L’exemple de Rip Curl Europe.

Pour mener à bien cette réflexion nous tenterons d’infirmer ou de confirmer les
hypothèses suivantes :

1. Les marques de surf ne feraient plus rêver le consommateur.

Dans une première partie, nous tenterons d’expliquer pourquoi les principales marques
du surfwear subissent aujourd’hui un manque d’intérêt de la part du public. La crise serait-
elle révélatrice d’un secteur en manque de réactivité ?

1 « Bain Capital proposerait d'acquérir Billabong pour 564 millions d'euros », lesechos.fr, 6 septembre 2012

3
2. L’imaginaire des sports de glisse semble pourtant être une source de créativité
considérable dans le secteur de la mode.

Nous verrons, dans un deuxième temps, comment le surf continue d’alimenter la création
de mode et l’imaginaire collectif. Nous évoquerons l’idée que le surfwear aurait le potentiel
de se renouveler en se nourrissant de ces inspirations.

3. Pour survivre dans un secteur textile étouffé par les marques de mode, il faudrait
s’en détacher et se concentrer sur une offre technique

Enfin, riches de ces constatations, nous étudierons la stratégie de Rip Curl Europe, et
déterminerons si elle est une des clés du succès du renouvellement des marques de glisse.

4
I. Le surfwear fait-il encore rêver ?

Depuis plus de vingt ans, les entreprises de l’industrie du surf, pour la plupart d’origine
australienne ou américaine, ont élargi leurs gammes, des accessoires et tenues de surf au
sportswear puis aux vêtements plus modes. Dans le même temps, elles ont segmenté leur offre
(femmes, jeunes, pratiquants ou amateurs), et lancé des magasins en propre dans toute l’Europe.
Ces différents choix ont porté l’industrie, dont la courbe de croissance a été longtemps solide.
Mais aujourd’hui, faire le choix de s’adresser à une clientèle qui va bien au-delà des seuls
surfeurs c’est avoir beaucoup plus à perdre avec la crise de l‘habillement.

De nombreuses marques de textile connaissent un recul de leurs ventes à cause la crise


qui les touche depuis 2008. Mais la situation du surfwear semble aller plus loin. Selon Pierre
Agnès, Président de Quiksilver Europe, « nombre de marques ont vieilli aux yeux des 15-25 ans »2.
Si l’on en croit les échanges menés avec les clients Citadium au mois de juin dernier à Paris
concernant les principales marques de surfwear (Rip Curl bien sûr mais aussi Billabong et
Quiksilver), nous ne pouvons qu’affirmer cette idée. Leur offre est considérée comme « pas assez
poussée stylistiquement. » Un client remarque : « Ça allait quand j’étais ado… Mais ça n’a pas
changé depuis ! »3

1. L’après Surf-mania

La culture surf a amorcé un virage radical vers la fin des années 70 avec la
professionnalisation du sport, et l’industrie naissante du secteur de l’équipement et des
vêtements. Parties prenantes de la mode du streetwear, ces marques internationales ont connu
un véritable âge d’or du milieu des années 80 au début des années 2000. Elles étaient les griffes
chéries des adolescents, mais aussi des adultes, qui s’identifiaient à cette culture.

La cible adolescente et pré-adolescente, est toujours très présente, chez Rip Curl et ses
concurrents. L’offre scolaire (cartables, agendas, trousses…) revient sans arrêt dans les
discussions avec les jeunes : « Rip Curl, c’est des maillots et des trucs pour les cours : l’agenda, la
trousse… ! Mais y’a pas de collection de vêtements, si ? ». Contrairement aux années 2000, les
vêtements Rip Curl semblent moins portés à la ville par les teenagers qui ne les jugent plus
vraiment « cool », en dehors des vacances bien sûr. Car la pratique du surf reste « hyper classe »
pour ce public. Simplement, le surfeur, ou l’amateur de surf, ne rentre plus dans la logique
d’achat systématique de vêtements logotypées «de surf ». Pourquoi ? Les influences

2 ETCHELEKU (Pierre), Malgré la crise, l’industrie de la glisse a retrouvé son allant, Les échos n°20701,18 Juin 2010
3 Concernant les verbatim, voir Bilan Citadium, rubrique Analyse qualitative p.43

5
vestimentaires se sont multipliées et le sportswear doit désormais se mélanger au chic. De plus
il n’y a pas eu de renouvellement de l’offre dans un marché pourtant extrêmement mouvant. La
faute à des dirigeants passionnés, trop sûrs de la valeur de leurs produits ? Fred Basse, Directeur
Marketing de Rip Curl Europe, et président de l’Eurosima (syndicat des marques de glisse),
affirme concernant la crise du secteur « je ne suis pas très inquiet car cela fait quarante ans que
nous sommes bien campés sur nos valeurs et que nous investissons dans le marketing de nos
marques ». Faut-il rester fidèle à la même ligne, au même discours ?

Les consommateurs de plus de 25 ans interrogés sont unanimes : « les produits sont très
sport, trop surf… Pas assez street pour la vie de tous les jours ». Souvent mal connues, les
collections de vêtements ne convainquent pas les jeunes actifs qui ne s’identifient plus à ces
griffes considérées comme trop immatures dans leur offre. Bien sûr, il s’agit de l’avis de citadins,
l’opinion ne serait peut-être pas la même en bord de plage, même si la encore, d’autres marques
ont pris le pas dans le vestiaire des consommateurs.

2. Une image de marque à redynamiser, l’exemple d’Insight51

Les marques « authentiques » de surf ne sont pas considérées comme actuelles. Une offre
textile parfois dépassée, des produits qui restent chers, et une image de marque qui ne séduit
plus vraiment les clients. Trop simplistes, les publicités innovent peu dans leur représentation
du surf. Or le discours publicitaire peut être multiple et proposer une vision particulière de la
culture de la glisse. Etudions l’exemple d’une marque de surfwear, qui affirme avec force son
ADN et sa créativité auprès d’une communauté pointue.

La marque australienne Insight 51, joue sur le caractère de contre-culture du surf,


soucieuse de créer une image distincte, parfois rebelle. Elle nous ramène à la fin des années 50
sur les plages californiennes, là où les surfeurs se présentent comme marginaux et créent pour la
première fois un véritable « mode de vie alternatif ». Ils s’inspirent alors des écrivains de la Beat
Generation, et en particulier de Jack Kerouac, dont on retrouve le nom sur une des publicités de
la marque. Celle-ci s’inspire aussi de la fin des années 1960 où les mouvements contestataires
viennent renforcer les bases de la culture surf avec leurs dérivés dans le domaine des arts et de
la musique. Cette marque de surfwear créée dans les années 80 par deux australiens Down et
Weber est à la base uniquement dédiée à la création de planche de surf. A la fin des années 90,
elle connait un tournant décisif avec la réalisation de vêtements. Aujourd’hui, c’est la créatrice
Nathalie Wood qui élabore les collections. Insight51 représente un véritable mode de vie qui
englobe aussi bien le surf, le street, l’art, la musique et la culture. Mais ce qui distingue Insight
des autres marques de surf, au-delà de la sphère mode et de ses coupes audacieuses, ce sont ses

6
campagnes publicitaires, à la fois trashs et ingénieuses. En 2007, une série photo proche du
happening est récompensée par la SIMA (Surf Industry Manufacturers Association). Après ce
succès, Insight51 récidive avec « Dopamine », un nom révélateur pour une campagne photo et
vidéo réalisée par Dustin Humphrey, photographe trentenaire, connu pour ses clichés de surf
extrême. Il offre une vision décalée et originale de ce sport : un univers fantasmagorique où l’art
de la glisse se mêle à une imagination à la fois torturée et poétique aux arrières goûts Beatnik.
Chaque saison voit naître une nouvelle collaboration comme dernièrement celle avec Mike
Piscitelli, pour la campagne « UNTITLED » qui offre un travail sur l’absurde et le grotesque
d’une génération nouvelle.

Campagne 2008, « Dopamine » par Dustin Humphrey

Campagne 2011,
« UNTITLED » par Mike Piscitelli

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Cette vision propre à la marque Insight 51 joue sur l’univers du surfeur-bohème qui
« rejette la professionnalisation et sa récupération par la « surf industry ». Voulant se distinguer de
ses compatriotes séduits par la société de consommation, il tend à s’écarter des biens matériels et
d’une carrière toute tracée, pour faire de sa vie une œuvre d’art qui se créerait au fil des cessions de
surf, de vague en vague. »4

Les grandes marques de surfwear comme Rip Curl, Billabong ou Quiksilver se sont-elles
trop éloignées de l’image de ce soul surfeur ? Avec la généralisation d’un lifestyle lié aux sports de
glisse, ce n’est plus tant l’acte de surfer qui est au centre de cette culture mais plutôt les
représentations collectives et identitaires d’une attitude, de valeurs que l’on associe au surf.
Mais ces marques historiques, qui se définissent comme « authentiques », quels symboles
représentent-elles ? Elles qui ont connu un succès immense par le passé, au temps de la logo
mania et du développement du streetwear, en ont peut-être perdu leur crédibilité aujourd’hui ?
Aux yeux du public, elles ne transmettent plus la philosophie anticonformiste du surf, auquel il a
envie d’accéder. Et toute la contradiction est là : comment prôner un état d’esprit en décalage
avec la société de consommation alors que ces marques ont été à l’origine du business du surf ?
Le surf est passé de l’être au paraître, doit-il désormais retourner à son essence, une façon d’être
au monde ?

3. Une aura en sommeil

Entre consommateurs et grands noms du surfwear, il n’y a pas de véritable rupture, de


désamour, mais plutôt une certaine passion endormie. Car autour de ces marques il existe
toujours une aura, celle de la pratique d’un sport transcendant, esthétique, dans des
environnements souvent à couper le souffle. Le surf fait toujours rêver, mais les griffes de
surfwear, qui ont bercé l’Europe des années durant, ont perdu leur ascendant et ne savent plus
comment adapter leur discours dans un monde qui a évolué. Bien sûr, elles restent crédibles
concernant leur offre de matériel technique car Rip Curl, Quiksilver et Billabong sont les
principaux acteurs de l’évolution du surf professionnel. Ces institutions continuent de
rassembler, sur les plus belles plages du monde, un très grand nombre de spectateurs, petits et
grands à l’occasion des compétitions internationales de surf qu’elles organisent. Mais alors que
ce sport de glisse et ses dérivés connaissent un véritable engouement sur les côtes, l’offre
vestimentaire de ces marques perd peu à peu son attractivité au profit de plus petites griffes. Ces
labels plus intimes offrent une créativité et une vision nouvelles de la culture surf. Le potentiel
des marques de glisse est ainsi encore exploitable, en témoigne le récent rachat par le groupe

4 Maillot (Adolphe), « Sea, sex and sun » : la sexualité dans la mythologie du surf way of life, Genre, sexualité et société
[en ligne] 2010, http://gss.revues.org

8
PPR de la marque américaine Volcom. Cet investissement vise à construire un pôle lifestyle au
sein du groupe de François-Henri Pinault. Celui-ci n’a pas choisi de marques d’envergure
mondiale comme Quiksilver mais « plutôt des entités plus petites dotées d’un fort potentiel »5,
comme la marque Volcom qui affiche une croissance régulière auprès d’une communauté de
clients fidèles, conquise par ses modèles étudiés et graphiques.

Publicités
Volcom

La crise du surfwear qui touche les principales marques de surf en Europe semble être le
révélateur d’une industrie qui s’essouffle, dans laquelle « les grandes entreprises sont un peu à la
croisée des chemins ».6 Pourtant le rêve demeure actif, et le surf continue de nourrir notre
imaginaire collectif. Mais seules les marques de surf qui réinterprètent la philosophie et
l’histoire des sports de glisse avec audace et imagination parviennent à séduire de nouveaux
adeptes. Car si la pratique du surf est hors du temps, elle doit s’accompagner d’une offre et d’un
discours en phase avec la réalité d’un monde et d’un marché en constante évolution.

II. Le surf, une tendance à la mode

L’imaginaire des sports de glisse possède un grand potentiel de séduction et inspire le


milieu de la mode et du luxe. Créations publicitaires ou textiles, les interprétations de l’univers
du surf sont variées. Après un tour d’horizon de ces réalisations « tendance », nous
découvrirons que si le surfwear n’est plus vraiment à la mode, le surf, lui, est dans la mode.

5 « Avec Volcom, PPR mise sur un potentiel de croissance », Les échos, 2 mai 2011.
6 Gibus de Soultrait, cité par J-B Gilles, « Comment le surf change de peau », Sud-Ouest, 14 février 2012

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1. Imaginaire du surf et publicité, l’exemple Chanel

Chaque été, les maisons de luxe ont pour habitude de mettre en avant l’élément
aquatique dans leurs publicités pour parfum. Mais l’été 2012 a été spécialement marqué par le
spot Allure Homme Sport Eau Extrême signé Chanel. Cette campagne célèbre en effet la pratique
du surf, incarnée par l’hawaïen Danny Fuller.

Le spot télévisé et la publicité papier, réalisés en noir et blanc, contrastent avec l’univers
très coloré que l’on associe souvent au surf. Bien sûr, ce code élégant rappelle le noir et blanc de
la maison Chanel (repris sur le corps de la planche et son aileron), mais aussi les vidéos datant
d’avant l’arrivée de la couleur sur les téléviseurs. Une époque où le surf était une rencontre avec
soi, sans artifices. Il n’y a aucune musique, le spectateur entend seulement le cri de l’eau secouée
par les vagues. La scène est simple : une personne, et l’océan pour seul terrain de jeu. L’homme
prend la vague, entre dans le tube, puis en ressort, toujours debout sur sa planche. C’est un
homme de culture qui a appris à dompter l’océan et à en accepter les règles. Le surf représente
ici la quintessence du sport de glisse, le sport extrême dans sa plus pure expression : l’homme
affrontant les forces de la nature, ou plutôt entrant en harmonie avec elle, utilisant sa puissance
pour provoquer une rencontre introspective et une expérience de pure adrénaline. Selon
Élisabeth de Feydeau, historienne et experte en parfums, la mise en images de ce retour à l’effort
physique, au mental inébranlable a un lien avec la crise actuelle « Les périodes tourmentées
poussent chacun des genres vers des valeurs rassurantes […] les hommes reviennent aux
fondamentaux de la virilité, comme le sport ». Il s’agit ici de « reconquérir un public qui ne se
reconnaît plus dans un excès de raffinement. »7

L’homme n’a pas peur d’affronter la nature, même chargée de périls, chaque vague se
présente à lui comme une occasion de vivre, unique et euphorique. La montre, qui apparait au
poignet du surfeur, nous renseigne sur sa double vie. Il flirte entre un quotidien moderne, où
chaque minute compte, et des sessions de surf hors du temps, dans la matière océane. « Les

7 GRAINDORGE (Muriel), « Les eaux « sport » dans les starting blocks », madame.lefigaro.fr, 28 mars 2012

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surfeurs ont fait du déséquilibre, des tensions propres adjacentes à la vague, la conduite éphémère
de leur équilibre et par la même de leur « être au monde » »8.

La publicité Chanel, est ici une ode à l’équilibre de vie, au dépassement de soi, à la
communion avec les éléments. La pratique de ce sport extrême, où l’homme fait corps avec la
nature, l’amène vers la sérénité. Le surf est ici le symbole d’une virilité puissante et maitrisée,
mais aussi d’une sensualité où le désir des vagues n’est pas sans rappeler le désir charnel.

2. La planche de surf, le nouvel objet incontournable du luxe

Cette publicité n’est pas le premier rapprochement de la marque Chanel avec ce sport. Celle-
ci propose même à la vente, depuis 2010, ses propres planches de surf bicolores. Alors objet
d’art ou raffinement ultime des nouveaux fashion surfeurs ?

Toute une symbolique et une mythologie entourent l’objet culte qu’est devenue la
planche de surf. Elle est l’emblème d’une pratique sportive qui illustre la liberté individuelle, une
expérience spirituelle intérieure et une certaine affirmation de soi. La planche, ou la board, est
un objet emblématique que l’on utilise pour glisser, mais que l’on peut aussi emporter sous le
bras pour signaler son appartenance à un groupe identitaire fort. Mises en scène du corps par le
déplacement, mais aussi mises en scène atypiques du paraître et du statut du surfeur dans
l’espace, la planche est devenue un accessoire de mode incontournable. Planches de surf ou de
skate apparaissent entre les mains des mannequins prenant la pose, comme dans les publicités

8 SAYEUX (Anne Sophie), Surfeurs, l’être au monde, préface de DE SOULTRAIT Gibus, Ed. PUR, avril 2011, p.10

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Céline de 2010. « La planche comme objet cool permet ainsi de rejoindre des clientèles plus jeunes,
branchées, et vient surtout se rallier au style de vie véhiculé par la culture surf »9.

Campagne
Givenchy
SS12

Planches de surf
Chanel, Marc
Jacobs pour
Louis Vuitton et
Dior

« Baignade interdite »,
série mode Vogue juin-
juillet 2012

La planche est l’emblème de la culture surf. Mais finalement, quel lien y’a-t-il entre le
luxe et cette pratique sportive ? Est-ce seulement un moyen marketing mis en place pour
rajeunir une image de marque ? Ces deux mondes sont-ils compatibles ?

9 LEFEBVRE (Sylvain), ROULT (Romain), Les nouveaux territoires du surf dans la ville in Téoros, revue de recherche en
tourisme, 28 février 2009, teoros.revues.org/455

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Dans les deux cas il s’agit de pouvoir vivre des moments exceptionnels dans des cadres
de vie époustouflants. Alors, las du golf, du tennis ou du polo, le monde du luxe aurait-il trouvé
son nouveau divertissement ? Le surf c’est une allure, et même une certaine élégance. Comme le
luxe, il est indémodable et traverse le temps. Il donne la sensation d’être au-dessus de tout et de
tous. D’être unique au monde. Ce ressenti semble donc trouver naturellement son écho dans les
publicités de marques prestigieuses, qui intègrent parfois, à l’image de Givenchy ou de
Balenciaga, cet univers de manière inattendue ou indicielle.

Campagne
Givenchy - SS12

Campagne Balenciaga
FW 12/13

Par la multiplication de ses apparitions dans les médias, l’imaginaire du surf est-il en
train de se démocratiser ? Est-il, au contraire, en train de créer une nouvelle génération de
surfeurs qui, à mille lieux de la philosophie originelle de ce sport, ne jure que par l’apparence et
non les sensations ? Est-il une réponse à la crise, une respiration au milieu d’une situation
anxiogène ?

En tous les cas, l’esthétique du surf a évolué et son potentiel de séduction est
considérable. La mode l’a bien compris.

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3. Les Suburbains Cool, les surfeurs urbains

Au-delà de la publicité, les créateurs déclinent cette inspiration chic et sportive dans
leurs collections estivales. C’est Alexander McQueen qui, à l’instar de Burberry Prorsum, lance la
tendance et plonge l’été 2008 dans les sports aquatiques de l’extrême.

« Le surf – avec ses tenues, son attitude et l’esprit de liberté qui lui est associé depuis les
années 1950 – déferle sur le vestiaire citadin. Chez McQueen, les costumes larges, cool et courts à la
cheville s’impriment d’immenses pois sur fond pastel. Tee-shirts et blousons sont rebrodés de
messages pacifiques, de tigres et de lions encadrés de fleurs. Le Néoprène des combinaisons de surf
est détourné pour des tee-shirts piqués de marguerites. […] Le bermuda est la pièce phare de cette
collection bien que le confort, la spontanéité et la fraîcheur des looks de surfeurs aient inspiré
McQueen sur toute la ligne. »10

Quatre ans plus tard, le regain du sport fétiche des années 50 en Californie apparait
comme un antidote à la crise. Porteur d’un esprit de liberté, de contestation, le look du surfeur
connait un renouveau et les shorts courts à motifs et autres fleurs hawaïennes sont de retour.
Cette vague rétro-surf pleine de fraîcheur, de soleil et de tenues légères, représente-t-elle la
croissance retrouvée pour nos marques de surfwear ? A condition de comprendre ce que veulent
les consommateurs : la combinaison d’un look sport confortable et d’un look chic.

Dans une période plutôt sombre, le lifestyle lié au surf revient en force avec son esprit
d’évasion et ses spots situés dans des endroits magnifiques. On voit apparaitre de jeunes
marques comme Cuisse de Grenouille, Robinson les Bains, Orlebar Brown, Okun ou encore
Warriors of Radness (qui appartient à American Apparel). Entre audace, style et créativité ces
marques essaient de se faire une place dans le marché du swimwear et dans le vestiaire masculin
en général. Ces griffes fleurissent, à l’image de Madone, Olow ou La Comédie Humaine et disent
s’inspirer du « surf urbain ». Elles proposent des vêtements et accessoires pour le « SUB C », le
« Suburbain cool ». C’est un « Gentleman Surfer » passionné de voyages et de sport aquatique
qui souhaite une mode intimiste, décontractée, mais au style soigné. Ces labels disent réinventer
le vestiaire masculin, qu’ils jugent comme le « dernier champ de créativité de la mode ». 11

10Article Madame Figaro, 2008, http://madame.lefigaro.fr/mode/defiles/hommes/5/236-alexander-mcqueen


11Extrait de la vidéo « En mode surf » du 10 juillet 2012, mensup.fr [en ligne] http://www.mensup.fr/mode-
homme/style/a,58881,en-mode-surf.html

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Cette tendance se conjugue à l’international et notamment aux Etats-Unis où le surf shop
Saturdays attire tous les regards. Ce magasin de Soho est le lieu de prédilection des artistes et
des surfeurs. C’est un lieu de rencontres, de culture qui propose une sélection pointue de
planches de surf et de livres retraçant l’histoire et les valeurs du surf. Pour répondre aux
attentes du surfeur new yorkais, le magasin propose une large gamme d’accessoires et produits
de beauté. La boutique possède sa propre ligne très suivie notamment à Paris (chez Colette) ou
en Suède (chez Très Bien Shop).

Surf Shop Saturdays, New York,


quartier de Soho

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Dans le vestiaire féminin, la thématique « surf » est utilisée en motif. Celui-ci prend vie
sur différentes pièces, du sac à main au maillot de bain. L’imaginaire du surf se transmet ici par
une représentation graphique claire, et assumée. Au-delà de la coupe, c’est le visuel qui fait la
tendance. Cette mode se retrouve chez les jeunes créateurs, comme les fondatrices de la marque
Albertine, originaire de Biarritz, qui décline une photographie de la plage basque sur un maillot
de bain une pièce. De grands noms s’approprient également ces motifs océaniques à l’image de
Jimmy Choo.

Jimmy Choo’s surfer


candy clutch

Maillot de bain une pièce, Biarritz,


Albertine

4. Faut-il renforcer les liens entre le surf et la mode ?

Le surf bénéficie d’une aura très particulière, celle d’une pratique qui impressionne par
ses prouesses techniques, ses paysages superbes, et sa philosophie qui met l’homme face à la
nature, dans un rapport de force et de respect.

Ces rapprochements entre mode et imaginaire du surf démontrent que le surf reste un
fantasme qui nourrit notre imaginaire collectif : esthétique des corps, lien avec les éléments
naturels, pratique en marge du temps, au cœur de l’océan… les représentations mentales sont

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nombreuses. Symbole du dépassement de soi, de l’effort individuel, les valeurs de ce sport sont
récupérées par de grandes maisons de mode, dans des mises en scène où la planche de surf
incarne le nouveau luxe. L’imaginaire du surf est conjugué d’une manière différente chez les
jeunes créateurs qui reprennent les codes des surfeurs californiens des années 50. Ils y décèlent
un style élégant et ludique, des couleurs contrastées, qui amènent de l’exotisme auprès d’une
population citadine en demande d’évasion.

Les passionnés de surf s’amusent de cette appropriation de leur sport par l’industrie de
la mode et du luxe et n’y voient qu’une tendance éphémère. Cependant, de nombreuses marques,
comme Volcom, Oxbow ou Quiksilver, tentent d’intégrer les centres villes avec une offre plus
urbaine pour séduire les citadins. Mais si le skate a fait de nombreux adeptes et a lancé une
mode pérenne, celui-ci s’accompagne d’une pratique réelle dans la ville. Le surf, lui ne peut pas
se pratiquer sur le bitume, par essence, il n’est pas urbain. Ce style peut-il s’imposer loin des
côtes et en dehors de la saison estivale ?

Une interrogation est essentielle : l’industrie du surfwear doit-elle favoriser les


interactions avec la mode, à l’image de Roxy qui collabore avec la créatrice Diane Von
Fürstenberg pour sa collection été 2013 ? Le surfwear fait partie intégrante du secteur du
textile-habillement, cette industrie ne peut donc pas être hermétique aux tendances et aux
besoins des clients. D’ailleurs des magazines mêlant surf et mode existent déjà, à l’image du
bimensuel Flavor. Se faire une place dans l’offre lifestyle abondante est cependant très difficile,
les consommateurs mixent désormais différents styles et différentes griffes dans leur silhouette.

Le regain actuel pour l’univers de la glisse démontre toutefois un potentiel de séduction


non négligeable. Mais les marques de surfwear devront imaginer des pièces incontournables, un
style unique, pour imposer durablement ce courant, et ainsi retrouver une santé en dehors de
l’été et de leur offre de maillots de bain, fortement concurrencée elle aussi.

Les labels historiques : Rip Curl, Quiksilver, Billabong… sont moins liés à la mode actuelle
qu’à la pratique du surf. Ils ont popularisé et médiatisé ce sport et continuent de le faire vivre au
grand public au moyen de compétitions internationales. Ils diffusent les images de rêve des
prouesses techniques de leurs athlètes, et rendent visibles cet univers qui mêle sport, voyage,
fête et séduction. Aujourd’hui une question se pose pour ces marques : doivent-elles exploiter la
tendance surf pour regagner le cœur et les vestiaires des consommateurs, pratiquants ou non de
sports de glisse, en proposant une offre plus mode, plus pointue ? Ou doivent-elles favoriser
une offre pour la pratique du surf, ce que ne font pas (encore) les nouvelles marques ?

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La décision de Rip Curl de s’imposer comme la marque technique de référence en termes
d’équipement de surf ne montre-t-elle pas sa volonté de ne pas se disperser et de permettre aux
vrais passionnés de pratiquer leur sport ? L’idée originelle qui a guidé les deux créateurs depuis
1969 refait sens : « Made by surfers for surfers ». Se concentrer sur son cœur de métier n’est-elle
pas la solution la plus durable et la moins risquée au sein d’une industrie textile à l’équilibre
instable ?

II. Développer une offre technique, la meilleure stratégie pour les


« authentiques » marques de surf ?

Celles que nous appelons aussi « marques historiques » sont les marques de surfwear
qui sont ancrées dans le monde du surf depuis plus de quarante ans. Elles ont développé le surf
professionnel, connu un grand succès avec l’éclosion du streetwear, mais subissent aujourd’hui
une situation difficile. Leur stratégie, entre offre technique de matériel de surf, et offre lifestyle
mode, ne se révèle plus gagnante. Elles doivent désormais trancher et se positionner sur un
segment plus clair pour affiner leur offre destinée à un public de plus en plus sélectif. Si
certaines décident de parier sur une offre mode en piochant dans leurs archives pour créer un
univers vintage, d’autres décident de valoriser un autre aspect : celui du matériel technique
destinée aux pratiquants de sports de glisse. Cette stratégie a été annoncée par Rip Curl Europe,
en juillet dernier.

1. Le recentrement stratégique de Rip Curl Europe. Une offre “Made by surfers, for
surfers”

Cette décision fait sens quand on sait que la griffe, qui souffre de son image de marque
pour pré-adolescents ou de marque « de vacances » auprès du grand public, est pourtant
reconnue chez les pratiquants pour la qualité de son matériel technique. La fracture entre l’offre
lifestyle grand public et l’offre core (technique) est importante, et la cible s’étend d’un extrême à
l’autre. En termes de communication, le client non pratiquant est quasiment mis à l’écart de la
réelle pratique du surf : soit la publicité présente une atmosphère agréable, sans lien poussé
avec la philosophie de la glisse, soit elle présente une action de surf et des données techniques
difficiles à saisir, et de toute façon uniquement publiée dans les médias spécialisés.

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Publicités
Rip Curl SS12

En décidant de se recentrer sur son savoir-faire initial, Rip Curl Europe semble prendre
la mesure de la dépersonnalisation de son offre textile auprès du grand public. La quête de soi, le
partage d’expériences, l’amour de l’océan, des sensations…ces valeurs se diffusent peu dans les
supports de communication lifestyle de la marque, et le consommateur n’est plus séduit.

Le groupe a adopté une nouvelle ligne directrice : « parce que le prêt à porter n’offre pas
de perspectives encourageantes, Rip Curl décide de s’en éloigner, en coupant ainsi dans une activité
non rentable »12. La marque doit assoir sa position sur le segment technique avec pour
objectif de renforcer son leadership mondial en combinaisons techniques. Elle développera
uniquement des accessoires techniques (montres avec indicateur de marées), une offre de
planches pour tous les pratiquants ainsi que les accessoires (leashes, pads) et la bagagerie qui
vont avec. La marque souhaite regrouper le meilleur réseau de surf shops d’Europe sous
l’enseigne Rip Curl. Les investissements marketing iront de pair avec cette stratégie en se
recentrant sur un évènement primordial : le Rip Curl Pro Péniche, au Portugal, qui rassemble les
meilleurs surfeurs au monde. Son but est d’en faire l’évènement surf incontournable en Europe.

Rip Curl sponsorise une équipe de professionnels du surf, des riders dont l’âge va de 17 à
38 ans mais aussi de jeunes pratiquants prometteurs de 8 ou 9 ans repérés lors du Grom Search,
une compétition destinée à trouver les talents du surf de demain. Ces tout jeunes passionnés
permettent à la marque de se projeter avec sérénité dans un futur ou le surf continuera
d’occuper une place majeure dans les pratiques et l’imaginaire collectif. De même, selon Olivier
Cantet, le PDG du groupe, l’enracinement de la pratique, l’apparition de nouvelles activités (surf
paddle) et les valeurs du surf assurent des perspectives crédibles de maintien de l’activité de Rip
Curl.

12 « Le PAP n’est pas Core, Rip Curl se recentre sur ses valeurs techniques », Sport éco n¨608, 18 juin 2012.

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2. Un ADN différenciant

En privilégiant une offre technique pour les soul surfers, la marque devra toutefois
prendre garde à son discours pour ne pas devenir un simple équipementier. Etre reconnu par les
professionnels est un grand atout pour légitimer son offre technique, mais le recentrement
stratégique de la griffe devra s’accompagner d’un discours différenciant afin de l’imposer dans
l’esprit des pratiquants comme la marque de référence du monde du surf.

Une revue éditée en 1994, à l’occasion des 25 ans de la marque nous renseigne sur ses
fondamentaux, toujours valables, et sur lesquels il serait important de communiquer.

Rip Curl c’est :

 Une raison d’être : produire un équipement de qualité pour du surf à l’état pur. Car « à
l’heure du retour aux sources, Rip Curl fait référence ».
 Une philosophie basée sur la sagesse et la connaissance du surf. Une volonté de
comprendre les désirs et les rêves des grommets, les jeunes surfeurs.
 Un logo qui a évolué et marqué les époques.
 Un slogan : « The Search », né en 1994, qui signifie « la quête ». Un concept simple avec
des significations multiples qui reflète l’esprit de la compagnie qui place, en premier lieu,
les surfeurs. Une quête adaptée aux années 90 qui traduit les réalités du surf et de la vie,
la recherche du plaisir oublié, et ainsi la volonté des créateurs de déjà se recentrer sur
l’esprit originel de la marque.
 De l’innovation au service de l’esprit du Search pour « poursuivre le rêve qui ne connait
pas de frontière et n’a besoin d’aucune traduction ». Par du matériel technique adapté et
à la pointe de la technologie, la marque permet aux pratiquants de connaître le frisson
magique issu de la découverte, de la recherche de soi, de la passion, qu’est la glisse.
 Des racines ancrées pour toujours dans la pratique du surf, grâce aux locaux de la
marque situés près des plus beaux spots qui permettent aux employés de vivre leur
passion. Ainsi, « Rip Curl ne peut pas perdre ses profondes racines ».
 Les valeurs du surfwear : créer des produits pour le lifestyle des surfeurs qui doivent
s’habiller en dehors de l’eau en privilégiant trois critères : Confort – Simplicité –
Durabilité. Le style est naturel chez l’authentique surfeur. « Pour le meilleur ou pour le
pire, nous n’avons jamais cherché à suivre les modes »

La philosophie et les principes de Rip Curl sont bien loin de l’interprétation du surf par
les maisons de luxe et les jeunes créateurs. Rip Curl possède sa propre signature, et doit
exploiter son ADN pour bâtir un univers à part, celui d’une marque unique qui s’adresse à des

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passionnés. Elle ne devra pas hésiter à emprunter un discours publicitaire réunissant offre
technique et lifestyle pour créer une communication percutante et cohérente.

Il serait intéressant de s’inspirer de l’esthétique nouvelle liée au surf pour faire évoluer
l’image de la marque et travailler son caractère exclusif. D’ailleurs, pourquoi ne pas reprendre et
détourner certains codes de la fashion industry pour marquer les esprits à contre-courant, avec
cette touche d’irrévérence si chère aux surfeurs ?

De même, Rip Curl a de belles ressources historiques à exploiter pour illustrer son histoire
empreinte d’authenticité, de passion, et bien sûr de fun.

Collection
surfwear Rip
Curl, années
1990

3. Vers une mode, by surfers, for surfers ?

La situation actuelle que connait l’entreprise la pousse à adopter des directives plus
tranchées, mais celle-ci n’abandonne pas son offre lifestyle. La poursuite de ses collections,
désormais réduites, est certainement l’occasion d’affirmer sa volonté première : répondre aux
besoins et aux envies des surfeurs. Il serait intéressant de réaliser une étude sur ce qu’est un vrai
surfeur / une vraie surfeuse aujourd’hui, et ce qu’il / elle veut, pour pousser plus loin la
créativité et être en phase avec leurs désirs. Car si l’on observe les looks des surfeurs, ils ont un
style bien à eux, inédit, qui évolue, et n’est pas hors mode. Après tout, il n’est pas impossible
qu’après avoir humé l’air du temps près des grands spots de surf, Rip Curl soit à nouveau à
l’origine d’une mode inspirée par les vrais mordus de vagues d’aujourd’hui…

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Photographies issues
d’une soirée organisée par
le magazine Desillusion à
Biarritz, avec des
personnalités influentes
du monde du surfwear.

La révolution du style par les marques de surf passera-t-elle par leurs produits
techniques ?

La combinaison en néoprène est l’affaire des spécialistes du surf. Elle permet de


pratiquer ce sport en s’adaptant aux conditions variables dictées par la météo. Ce vêtement de
surf épouse au plus près le corps du surfeur pour le protéger de l’eau, du climat, tout en lui
permettant la plus grande liberté de mouvements pour vivre sa passion. Du shorty, jusqu’à la
combinaison intégrale, la qualité du wetsuit se juge sur sa résistance, son élasticité, son efficacité
contre le froid, sa rapidité à sécher…et son esthétique ?

Au produit technique s’ajoute désormais une belle touche de fantaisie. Des marques
spécialisées sur ce segment adoptent un positionnement technique-chic destiné pour le moment
aux femmes. L’équipement de la sportive devient un terrain de jeu pour les créatrices-surfeuses
qui refusent de séparer pratique passionnelle et féminité. Ces nouveautés sont distribuées par
les marques Tallow, The Seea ou encore Candy Wetsuits. Dans les grands noms du surf, Roxy
collabore avec la créatrice Cynthia Rowley et Billabong a réalisé une collection nommée Surf
Capsule, résolument mode. Rip Curl s’est engagé dans cette direction avec les combinaisons de
surf imaginées par sa surfeuse vedette, Alana Blanchard.

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De g. à d. combinaisons
Billabong, Roxy, The Seea

Tallow

Tallow

Billabong

Billabong Rip Curl

En alliant savoir-faire technique et créativité, la combinaison en néoprène, qui a fait le


succès de la marque Rip Curl, pourrait devenir un véritable objet de convoitise pour celles et
ceux qui veulent affronter l’océan en assumant de se faire remarquer. Dans le langage du
surfeur, avoir une combinaison qui se remarque est l’apanage des meilleurs riders car ceux qui
ne brillent pas encore par leur aisance préfèrent ne pas se faire voir. Une certaine austérité est
de rigueur dans l’océan. Mais pourquoi ne pas allier équipement technique et fun, notion qui fait
partie intégrante du surf ? La combinaison serait ici un moyen d’exprimer sa personnalité dans
l’eau, de rendre le wetsuit ludique et personnalisable. L’insolite Matt Wilkinson, surfeur
professionnel de la marque Rip Curl, a récemment ouvert la voie aux hommes… Avec certes plus
de fantaisie que de style, mais il marque certainement une piste à suivre de près pour les
spécialistes de l’équipement technique.

Wetsuit « Wilko »,
Rip Curl
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Conclusion de la seconde partie

Les temps sont difficiles pour les grandes marques de surf en Europe. Après avoir connu
une très forte croissance jusqu’au début des années 2000, celles-ci doivent accepter que
l’époque ait changé et qu’elles ne puissent plus s’adresser à tous les publics. Le marché se
resserre sur un plus petit noyau de consommateurs provoquant une révision inévitable de leur
stratégie de développement. Cette remise en question des grandes marques de surf, due à une
forte baisse de leur chiffre d’affaires, est cependant l’occasion d’ouvrir les yeux sur le potentiel
d’une culture qui inspire la mode, avec une créativité sans limites. Peut-être trop longtemps
restées figées sur leur gloire passée, ces marques comprennent désormais qu’il est urgent de se
reconnecter à la réalité du monde, et du marché, pour continuer d’exister sur la scène du
surfwear qu’elles ont créé quarante ans auparavant.

Si certaines marques de surf choisissent de reconquérir le versant mode de l’industrie


textile, Rip Curl se distingue par son choix de concentrer ses efforts sur son cœur de métier :
l’équipement technique. Désireuse de s’adresser aux passionnés, la marque bénéficie déjà d’une
belle réputation sur la scène professionnelle, et de valeurs solides. Mais elle devra mettre en
scène ses atouts dans une communication plus pointue, pour garantir sa place de marque
exclusive et authentique, face à des équipementiers qui émergent sur le marché, du géant Nike à
la marque Tribord. Ce segment technique semble être en pleine évolution et voit émerger des
combinaisons en néoprène au style audacieux. Alors allier authenticité, qualité, et design osé
pour toucher les passionnés de surf, serait-ce l’équation gagnante pour ces marques
spécialisées ?

L’avenir est chargé pour les acteurs internationaux du surfwear qui fléchissent en
Europe mais se développent dans les pays émergents, comme le Brésil. Cependant, malgré les
aléas du marché, une chose est sûre : ils sont garants d’un imaginaire collectif puissant, qui nous
passionne tous, des enfants, aux marques de luxe, en passant par les jeunes créateurs ou encore
les artistes.

Le surf, une pratique qui attire la convoitise et tous les regards, mais qui est, avant tout,
une rencontre entre soi, et les éléments naturels. « Quand bien même on peut les voir médiatisés à
tout va, au point même d’une image ridiculisée si ce n’est dématérialisée, ils gardent un regard
amusé sur ce spectacle d’eux même, garantis qu’ils sont par la matière océane qui les sécrète, jour
après jour, vague après vague, en tant que surfeurs ».13

13 SAYEUX (Anne-Sophie), Surfeurs, l’être au monde, préface de DE SOULTRAIT (Gibus), Ed. PUR, p.9

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Bibliographie
Ouvrages

Sur le marketing :

 KOTLER (Philip) et collectif, Marketing Management, 13e édition, Ed. Pearson Education,
2009
 RIEUNIER (Sophie), Le marketing sensoriel du point de vente, 3e édition, Ed. Dunod, 2009

Sur la mode :

 BLANC (Odile), Vivre habillé, Ed. Klincksieck, 2009


 MILLERET (Guénolée), PUMON (Renée) Le streetwear, Collection Modes du XXe siècle,
Ed. Falbalas, 2011

Sur le surf :

 ALLAERT (Lodewijk), L’instinct de la glisse, Ed. Transboréal, 2011


 SAYEUX (Anne Sophie), Surfeurs, l’être au monde, préface de DE SOULTRAIT Gibus, Ed.
PUR, 2011

Articles

Sur la culture surf :

 LEFEBVRE (Sylvain), ROULT (Romain), « Les nouveaux territoires du surf dans la ville »
in Téoros, revue de recherche en tourisme, 28 février 2009, teoros.revues.org/455
 MILLOT (Ondine), « Fioul contact », Libération, 11 janvier 2003
 MAILLOT (Adolphe), « Sea, sex and sun » : la sexualité dans la mythologie du surf way of
life, Genre, sexualité et société [en ligne] 2010, http://gss.revues.org
 PONCET (Emmanuel), « Les 7 leçons de la surf attitude », Psychologies, article à consulter
sur www.psychologies.com

Sur la crise du surfwear (par date de parution) :

 ETCHELEKU (Pierre), « Malgré la crise, l’industrie de la glisse a retrouvé son allant », Les
échos n°20701,18 Juin 2010
 GILLES (Jean-Baptiste), « Comment le surf change de peau », Sud-Ouest, 14 février 2012
 CESAR (Nicolas), « La Bulle du surfwear éclate, Rip Curl boit la tasse », La Tribune, 11
juin 2012

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 « Le PAP n’est pas Core, Rip Curl se recentre sur ses valeurs techniques », Sport éco
n¨608, 18 juin 2012.
 DIVERT (Christel), « Rip Curl réduit la voilure en Europe », Journal du textile n°2132, 19
juin 2012
 « Bain Capital proposerait d'acquérir Billabong pour 564 millions d'euros », lesechos.fr, 6
septembre 2012

Divers

 « Avec Volcom, PPR mise sur un potentiel de croissance », Les échos, 2 mai 2011
 GRAINDORGE (Muriel), « Les eaux « sport » dans les starting blocks », madame.lefigaro.fr,
28 mars 2012

Vidéos

 « Années 80, surfer la mode »

http://www.ina.fr/art-et-culture/mode-et-design/video/VDD10007578/80-s-surfer-la-
mode.fr.html

 « En mode « Suburbain cool » », 17 juillet 2012

http://www.mensup.fr/mode-homme/style/a,59070,en-mode-suburbain-cool.html

 « En mode surf », 10 juillet 2012

http://www.mensup.fr/mode-homme/style/a,58881,en-mode-surf.html

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