Chapitre 6 Structure Sociale

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Chapitre 6 : Comment est structurée la société française actuelle ?

1. Qu’est ce qu’un espace social ?


Pierre Bourdieu définit l’espace social “comme un espace multidimensionnel de positions tel que toute position
actuelle peut être définie en fonction d’un système multidimensionnel de coordonnées dont les valeurs correspondent
aux valeurs de différentes variables pertinentes”.
2 éléments essentiels apparaissent :
L’espace social a plusieurs dimensions : Revenu, Les positions sociales sont appréciées relativement en
profession, diplôme, âge… fonction de ces différentes variables
Conséquence : L’espace social est donc :
Structuré : Il est divisé en plusieurs groupes Hiérarchisé : ces groupes ne sont pas seulement
différents, ils sont inégaux du point de vue du pouvoir,
du prestige ou de la richesse
L’inégalité a deux caractéristiques :
1° C’est une différence de ressources en matière d’avoir 2° Elle fonde une hiérarchie classant les individus ou les
(ressources matérielles : le patrimoine immobilier par groupes sociaux
exemple), de pouvoir (ressources sociales et politiques : un
titre de noblesse) ou de savoir (ressources symboliques).
Conclusion : On parle alors de stratification sociale : la division d’une société en plusieurs groupes (ou strates)
hiérarchisées. La société comporte des étages superposés et ordonnés. Elle est traversée de divisions verticales qui
peuvent être fondées sur l’âge, le sexe, la parenté, ou encore la richesse matérielle.
2. Les différents critères de différenciation
Dans les sociétés modernes, de multiples facteurs hiérarchisent la société. Au-delà de la catégorie
socioprofessionnelle et du revenu, plusieurs critères structurent l’espace social : le niveau de diplôme, la composition
du ménage, la position dans le cycle de vie ou encore le sexe ou le lieu de résidence.

Le sexe La position du cycle de vie


Des inégalités selon le genre persistent : On note une fracture générationnelle :
1) Les filles sont, en moyenne, meilleures scolairement que les 1) Des inégalités selon l’âge peuvent être mises en évidence
garçons. Mais les parcours scolaires des garçons sont en : des inégalités de salaire (en 2000 le salaire des 25-29 ans est
moyenne plus brillants que ceux des filles : classes prépas, inférieur de 1,5 fois à celui des 50-59 ans), des inégalités
grandes écoles d’emploi (en 2010 le taux d’emploi précaire des 15-24 ans
2) Sur le marché du travail : le taux de chômage des hommes est 9 fois supérieur à celui des 25-49 ans)
est plus faible que celui des femmes 2) Des inégalités selon la génération : le diplôme n’est plus
3) Le taux de pauvreté est plus élevé chez les femmes que chez
suffisant
les aujourd’hui pour obtenir un poste qualifié. Il y a 40
hommes. ans le bac était suffisant pour devenir cadre ; aujourd’hui, il
4) Les femmes occupent des positions sociales moins faut un bac plus 5.
avantageuses que les hommes
La composition du ménage Le lieu de résidence
Des inégalités selon la composition du ménage : Généralement, les cadres occupent la ville centre des aires urbaine
1) En France, il y a une grande précarisation des et un secteur précis de la première couronne urbaine. Les ouvrie
célibataires, avec ou sans enfants du fait notamment de la sont absents des centres et du secteur de la périphérie occupée p
place des célibataires dans une société construite sur la les cadres et présents sur le reste de l’espace.
primauté accordée aux familles traditionnelles. Les Explications Aurélien Dasré :
célibataires vont ainsi connaître des discriminations : des historiques : la localisation des usines durant la
difficultés à louer seul un appartement, à obtenir un prêt révolution industrielle
bancaire. S’ils sont imposables, ils payent pratiques : la localisation des infrastructures de biens et
proportionnellement plus d’impôts que des couples mariés. services culturels, administratifs, de santé, et scolaire et
2)Les familles monoparentales ont davantage de difficultés celle des lieux d’emploi
financières que les autres familles : 34,9 % des familles symboliques : certains lieux sont particulièrement prisés
monoparentales disposent de revenus inférieurs au seuil de ou au contraire évités pour des raisons qui tiennent à des
pauvreté à 60 % du revenu médian, contre 11,8 % des facteurs de symboles, d’image sociale.
personnes vivant en couple économiques : plus un espace est « prisé » et plus les
coûts du foncier y seront élevés.

1
La classification des PCS : un instrument pertinent pour mesurer la structuration de la société française
La classification PCS constitue le principal instrument d’analyse de la structure sociale en France. Son but est de
disposer d’un outil statistique pour étudier la société française et mettre en évidence les transformations économiques et
sociales. Pour cela, il faut classer l’ensemble de la population en un nombre restreint de catégories présentant chacune une
certaine homogénéité sociale. Les individus d’une même catégorie doivent avoir des situations proches (conditions de vie et
place dans la hiérarchie sociale à peu près similaires) et des comportements et attitudes similaires (pratiques communes,
goûts, opinions politiques relativement proches, etc.). Pour atteindre cet objectif d’homogénéité sociale, il faut classer les
individus en fonction de leur situation professionnelle
Avantages Inconvénients
1) Etudier les pratiques économiques, sociales, culturelles 1) Une homogénéité sociale contestable
et politiques Identifier des individus par leur situation professionnelle tend à
2) Comprendre les mutations de la société regrouper des personnes différentes à bien des égards (modes de vie,
Donner une vision quantifiée de la structure sociale. Ainsi, croyances, origines). Inversement, des individus aux caractéristiques
l’évolution de la structure des groupes socioprofessionnels révèle les sociales assez proches peuvent se retrouver dans éparpillés dans des
transformations socioéconomiques de la société française au cours des catégories différentes.
cinquante dernières années : tertiairisation, extension du salariat, 2) Le critère de la profession est parfois insuffisant pour
montée des qualifications... représenter la société, à l’heure où la part des emplois atypiques
3) Mesurer les inégalités économiques et sociales (contrats à durée déterminée, intérim, contrats aidés) tend à
La nomenclature présente des catégories statistiques qui regroupent augmenter, et où le chômage frappe, durablement ou à répétition, de
des individus ayant des caractéristiques communes et des nombreux actifs.
comportements propres, notamment en termes de mode de vie, etc. Il 3) Les chômeurs, s’ils ont déjà travaillé, sont classés en fonction des
est donc possible d’évaluer l’évolution des inégalités critères attachés à leur dernier emploi. S’ils n’ont jamais travaillé, ils
4) Retrouver partiellement les classes sociales sont classés à part, dans un groupe qui n’est pas vraiment une PCS,
les « chômeurs n’ayant jamais travaillé ».
3. L’évolution de la structure socioprofessionnelle de la France depuis les années 1950
La structure sociale s’est profondément modifiée depuis l’après-guerre du fait des mutations de l’économie.

1. La tertiarisation de l’économie
La répartition sectorielle de la population active occupée a évolué depuis les années 1950 :
1)la diminution de la part des actifs dans le secteur primaire s’est accéléré.
2)la part des actifs dans le secondaire augmente jusqu’au début des années 1970 et diminue ensuite.
3)la hausse de la part des actifs dans le secteur tertiaire s’est accéléré.
Cause 1: l’effet productivité :(Effet Fourastié) Cause 2 : L’effet demande (Loi d’Engel)
1) Le secteur primaire se caractérise par un progrès Quand le revenu augmente, les dépenses n’augmentent pas au
technique et des gains de productivité intermédiaires. même rythme selon le type de consommation :
2) Le secteur secondaire se caractérise par un progrès 1) Les dépenses alimentaires augmentent peu : la part des
technique et des gains de productivité très élevés dépenses alimentaires dans le revenu diminue quand le revenu
3) Le secteur tertiaire se caractérise par un progrès augmente
technique et des gains de productivité faibles : pour 2) Les dépenses de produits manufacturés augmentent au
produire plus, il faut faire appel à davantage de main- départ, puis se stabilisent du fait de la saturation des besoins
d’œuvre (croissance de type plutôt extensive). 3) Les dépenses consacrées à l’éducation, la santé, les loisirs
augmentent plus rapidement que le revenu, car ce sont des
biens supérieurs. La part de ces dépenses dans le revenu
augmente quand le revenu augmente

2.Le développement de l’emploi salarié au XX° siècle


Dans les années 1950, 65% des emplois étaient salariés. Cette part augmente jusqu’à la fin des années 90. 92% des emplois
sont alors salariés.
Les causes
1)Le développement des services non marchands (éducation/santé) où l’emploi est généralement salarié.
2)L’augmentation de la taille des entreprises (3)Le statut de salarié devient un statut recherché :
4)le droit du travail des salariés va bénéficier progressivement de règles et de garanties : le contrat portera peu à peu sur une
prestation indéterminée pour une durée indéterminée , en échange d’un salaire
5)la création de la Sécurité Sociale donne au salarié des protections contre les conséquences financières de la maladie , du
chômage et de l’incapacité de travailler

2
3.Une augmentation de la qualification de la main d’œuvre jusqu’au début des années 2000
Entre 1982-1984 et 2012-2014, les effectifs des métiers de cadres et professions intellectuelles supérieures (+2,4
millions) et de professions intermédiaires (+2,0 millions) ont fortement augmenté .La montée en qualification est
également visible au sein des métiers d’ouvriers. Les effectifs des métiers d’ouvriers non qualifiés ont en effet
globalement chuté (-1,2 million), tandis que ceux des métiers d’ouvriers qualifiés sont restés stables
Les causes
1) A partir des années 60, se développe l’idée que l’éducation est un investissement et que la main d’œuvre représente un
capital humain. La main d’œuvre qualifiée permet d’assurer une compétitivité qualité
2) Un progrès technique biaisé : l’impact de la technologie et le développement notamment de l’informatique conduit
à une augmentation des emplois qualifiés et une diminution des métiers routiniers facilement remplacés par des machines
3) Une demande des familles qui espèrent, par l’accroissement du niveau de diplôme et la démocratisation du système
scolaire, voir leurs enfants s’élever dans la hiérarchie sociale.

4.La féminisation des emplois


Une augmentation des femmes dans la population active occupée : En 1980, 60% des emplois étaient occupés par
des hommes, 40% par des femmes. En 2012-2013, 52% des emplois étaient occupés par des hommes, 48% par des
femmes.
Les causes
1) Traditionnellement les femmes avaient des emplois dans les services (soins aux personnes, secrétariat,...). Or les
emplois du tertiaire ont connu une croissance plus rapide que ceux dans les secteurs primaire et secondaire.
2) Une augmentation du nombre de femmes dans des métiers de plus en plus diversifiés qui s’explique par un
changement de mentalités. Les stéréotypes liés à chaque sexe s’atténuent et une plus grande égalité apparaît.
4.Les différentes conceptions de la structure sociale
4.1 L’analyse marxiste de la structure sociale
A la fin du XIXème siècle, Karl-Marx (1818-1883) souligne le rôle fondamental de la lutte des classes dans l’évolution des sociétés. Pour Marx, les
classes sociales, définies à partir de la propriété des moyens de production, sont des groupes sociaux réels qui deviennent
pertinents sociologiquement qu’à partir du moment où ils prennent conscience d’eux-même et qu’ils se mobilisent pour
défendre leurs intérêts (passage de la « classe en soi » à la « classe pour soi »). Dans la société capitaliste, la classe ouvrière, qui ne
possède que sa force de travail, qu’elle loue à l’entreprise contre un salaire de subsistance, s’oppose à la bourgeoisie propriétaire
des entreprises qui exploite la première pour en tirer une plus-value. La lutte des classes, qui en résulte, outre qu’elle renforce la
polarisation des classes, va transformer progressivement la société au point d’en faire éclater ses contradictions et de la faire
disparaître pour un autre type de société (le « socialisme »).

Ce schéma marxiste est utile pour comprendre l’évolution des sociétés industrielles. Le mouvement ouvrier a bien été au coeur des conquêtes
sociales. En s’organisant en syndicats et en partis politiques (l’internationale ouvrière, le Parti communiste), en proposant un
autre modèle de société (le socialisme non-marchand), et en menant des conflits d’importance (1919, 1936, 1968…), la classe
ouvrière a pu obtenir un partage plus favorable des richesses (réduction du temps de travail, hausse du pouvoir d’achat, droit du
travail, protection sociale…) et son intégration dans la société tout en gardant sa spécificité. Elle se situait au bas de l’échelle
sociale avec des pratiques sociales particulières (au point que l’on a parlé de culture ouvrière).
Enfin, les ouvriers conservaient leur position sociale de père en fils (hérédité sociale). Au total, la lutte des classes a bien
renforcé le mouvement ouvrier mais, contrairement au schéma marxiste, ne s’est pas traduite par un renversement du
capitalisme mais par sa transformation avec l’Etat-Providence.

4.2 L’analyse weberienne de la structure sociale


Dès le début du XXème siècle, Max Weber (1864-1920) a souligné les limites du modèle marxiste. Tout d’abord, si les classes sociales
existent dans l’ordre économique c’est parce que le sociologue les a nommé à partir de la hiérarchie des modes de vie et
des professions. Ensuite, cette hiérarchie de classe ne mène pas forcément à la conduite de luttes sociales car il faut que
certaines conditions soient réunies (proximité des classes, conscience des intérêts de classe…). Enfin, les classes ne
constituent pas le seul groupe social d’appartenance. Les groupes de statuts, fondés sur « quantité de prestige », de
considération, peuvent reposer sur d’autres éléments que la richesse, comme l’origine historique (la noblesse…), le savoir,
les choix éthiques... Par ailleurs, dans l’ordre politique, la distribution du pouvoir n’est pas toujours liée aux autres
dimensions, mais à l’exercice d’activités particulières dans des partis par exemple. En conséquence, l’espace social est bien
un espace hiérarchisé (et organisé) mais de façon complexe tant au niveau de la constitution des identités collectives qu’au
niveau des luttes politiques.

3
Distinction entre les deux approches de la stratification sociale
Marx Weber
Critère d’appartenance à une classe : propriété ou Critère d’appartenance à une classe : accès aux biens
non des moyens de production (nature des revenus : et services
Salaire versus Profit) (niveau de vie / revenus et patrimoine)
Stratification unidimensionnelle (1 seul critère) : la Stratification multidimensionnelle (3 ordres) : la
dimension économique est centrale et exclusive, elle dimension économique n’est qu’une parmi 3 chez Weber
explique toute la stratification qui privilégie les groupes de statut (ordre social : prestige
et communauté de style de vie) et les partis (ordre
politique : répartition du pouvoir politique).
Conscience de classe, sentiment d’appartenance Peu de chance que les classes développent une
collective conscience commune, seuls les groupes de statut sont
des communautés (cad. des valeurs communes,
sentiment d’appartenance)
Tendance à la bipolarisation vers 2 classes sociales Non concordance possible et probable des 3 ordres
Société conflictuelle (lutte de classes moteur de Société plus pacifiée
l’histoire)
Réalisme : les classes sociales existent, elles sont des Nominalisme : les classes sociales sont d’abord des
acteurs des sociétés groupes statistiques construits par les chercheurs
5. Les analyses théoriques des classes sociales sont-elles pertinentes pour étudier la
structuration sociale actuelle ?
5.1.Les analyses des classes paraissent moins pertinentes lors des 30 Glorieuses :
une diminution de la distance interclasse et une augmentation de la distance intraclasse
a.La moyennisation de la société française lors des 30 Glorieuses assure une diminution de la distance
interclasse : les individus entre les différentes catégories sont donc plus proches.
Explication :
La France, comme la majorité des pays occidentaux, a mis en place, à la Libération, un modèle de développement fordiste
reposant sur 3 piliers : (1) une organisation du travail assurant de forts gains de productivité reposant sur les principes
tayloriens et fordiens (2) ces gains de productivité sont systématiquement redistribués à l’ensemble des catégories sociales
sous forme de hausses régulières du pouvoir d’achat (3)une organisation centralisée et rigide de la redistribution stabilisée
par un réseau de conventions collectives , par la législation sociale et par la part centrale de l’Etat-Providence.

Ce modèle génère alors la moyennisation. C’est un processus de convergence économique et sociale entre les individus.
Les inégalités diminuent : il y a un phénomène de rattrapage des plus pauvres vers les plus riches. Henri Mendras parle de
toupie : la part des individus appartenant aux extrêmes diminue, il y a constitution d’une vaste classe moyenne. Les
niveaux de vie et les modes de vie se rapprochent.
Une réduction des inégalités de revenu : Un rapprochement des modèles de consommation :
l’augmentation des revenus permise par la croissance a comme toute la population dispose alors de revenus
d’abord profité aux plus pauvres puisque leur revenu comparables, les modes de consommation se rapprochent
augmente plus rapidement que celui des autres catégories
Une homogénéisation culturelle :
Les différences de valeurs et de normes propres à chaque groupe s’atténuent grâce à par la démocratisation scolaire :
l’entrée des classes populaires au lycée puis à l’université leur a permis d’acquérir la culture des classes moyennes, puisque
la socialisation , tant dans ses méthodes que dans ses composants est maintenant effectuée pour tous les individus par le
même agent : l’école .
b. Une augmentation de la distance intraclasse :
a) Les individus ne se reconnaissent plus comme membres d’un groupe. Ainsi, les ouvriers ne se reconnaissent pas
comme tels : Chez Amazon, les salariés sont des « associates ». Ils ne forment donc plus une classe pour soi.
b) à l’intérieur d’une catégorie, les individus sont de moins en moins proches et similaires. A l’intérieur d’un groupe
social, des fragmentations apparaissent
c) De nouveau critères de différenciation à l’intérieur d’un groupe apparaissent. A l’intérieur de chaque groupe, il y a de
nouveaux critères de structuration : âge, sexe, lieu de vie.

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6. Les analyses en termes de classes sociales demeurent pertinentes
6.1 Une augmentation de la distance interclasse : Le processus de moyennisation est remis en cause à partir des
années 1980
a. La persistance et la montée des inégalités
Si la moyennisation a totalement changé la donne par rapport à l’époque de marx et du XIXème siècle, il y a encore
aujourd’hui de fortes inégalités entre certains groupes sociaux : Les employés et les ouvriers souffrent d’inégalités par
rapport aux cadres ou encore dans une moindre mesure aux professions intermédiaires. On peut prendre différents
critères pour l’évoquer. On dit donc que les inégalités sont multiformes ou multidimensionnels :

Les cadres ont une espérance de vie supérieure, ont des diplômes plus élevés, ont un patrimoine et un revenu plus
élevés. On mesure l’importance des inégalités via le rapport interdécile (l’écart de rémunération ou de niveau de vie
entre eux les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres). Si cet écart avait tendance à diminuer lors de la deuxième
partie du XXème siècle, on note que depuis la fin des années 90 cet écart augmente de nouveau.
b.Les nouvelles théories de la structuration sociale
b.1 La thèse de Pierre Bourdieu
Suite à Karl Marx, Pierre Bourdieu a réactualisé sa pensée en utilisant des critères différents. On n’est plus sur la dimension en
soi et pour soi de la classe sociale mais une vision différente des classes sociales. Pour Pierre Bourdieu une classe sociale ne
dépend pas que des ressources économiques dont disposent les individus la composant (capital économique) mais aussi
des ressources culturelles (capital culturel : des dispositions culturelles intégrées par l’individu) et du capital social défini
comme le réseau des relations que peut mobiliser un individu dans le cadre de sa vie. En tenant compte de l’existence de
ces trois capitaux, Bourdier montre qu’il existe toujours des classes sociales ayant des intérêts opposés.

La classe bourgeoise par exemple dispose d’un fort capital économique, conditions matérielles d’existence très
avantageuses et elle va chercher à alimenter ce capital économique, à le préserver et à le transmettre à ses enfants à
travers plusieurs mécanismes.

Exemple : le choix du lieu d’habitation : La bourgeoisie choisit d’habiter dans certains quartiers qui sont généralement très
privilégiés. Ceci va permettre d’alimenter le capital social (développement d’un carnet d’adresses) et consolider le capital
culturel favorable à la réussite scolaire. Ainsi, les enfants peuvent participer à des rallyes mondains, qui vont transmettre une
“culture savante”, une “culture légitime” et rentrer dans des écoles prestigieuses dans lesquelles les enfants vont profiter de
moyens plus importants que des écoles de banlieue. Qui vont concentrer les futures élites et qui vont favoriser la réussite
scolaire.

La classe populaire composée d’individus vivent dans des conditions bien moins avantageuses que la bourgeoisie. Ils
connaissent des conditions socio économiques totalement opposées. Néanmoins, il faut noter qu’il y a de moins en moins
d’ouvriers qu’à l’époque de Karl Marx. Aujourd’hui, i y a de plus en plus d’employés qui travaillent dans le secteur tertiaire.
Leur visage a changé (souvent de jeunes de femmes), le lieu de travail a changé (hypermarchés, centres d’appels ou encore,
agents d’entretien).
b.2Wysong, Perrucci La société américaine est structurée en “double diamant”. Le premier diamant est composé
et Wright de 20 % de privilégiés, ceux qui encadrent une équipe ou dispose d’une expertise reconnue ;
(1999) le second est formé de la nouvelle classe laborieuse qui représente 80 % de la population :
salariés et travailleurs indépendants d’exécution.
b.3Alain Lipietz La société française prend une forme de sablier. Il y a une polarisation des revenus entre une
(2000) minorité de riches, qui gagnent de plus en plus, et une majorité de pauvres, qui gagnent de
moins en moins, tandis la part des couches moyennes diminue.
6.2 Une réduction de la distance intra classe : Dans certains groupes sociaux, les individus restent proches
a. La grande bourgeoisie reste une classe sociale au sens marxiste du terme
Selon M et M. Pinçon-Charlot, la grande bourgeoisie est une classe en soi, car elle partage des conditions de vie
communes : des patrimoines importants, des lieux de vie, une sociabilité commune (les rallyes). La grande
bourgeoisie est aussi une classe pour soi : elle est consciente de ses privilèges et de ses avantages acquis et va donc
se mobiliser pour sa reproduction.
b. La classe ouvrière a été remplacée par les classes populaires qui englobent les employés et les ouvriers
Les ouvriers et les employés ont des conditions de vie objectives communes : leurs métiers ont des caractéristiques communes
(répété et très encadré) et leurs revenus restent faibles . Les classes populaires peuvent donc être une classe en soi. Les classes
populaires ont aussi conscience de leurs points communs : ils ont conscience de l’infériorité de leur situation, notamment en
termes de diplôme. Cependant, elles se mobilisent peu pour défendre ses intérêts, ce qui rend difficile le passage à la
classe pour soi.

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7. Les évolutions d’identification à un groupe social
7.1 Comment évolue le sentiment d’appartenir à une classe sociale ?
S’il ya bien une dimension de la classe sociale tels que Marx la décrivait à remettre en cause aujourd’hui c’est peut-être la
dimension pour soi de la classe sociale c’est à dire le fait que les individus ont le sentiment d’appartenir (conscience) à
une classe sociale (un groupe d’individus ayant des conditions de vie commune et qui doit lutter contre d’autres individus).

En effet, effet aujourd’hui les individus s’identifient moins de manière subjective à un groupe social et surtout à une
classe sociale. Dans les sondages, les français mentionnent souvent appartenir à aucune classe ou appartenir à une vaste
classe moyenne aux contours un peu flous. Les français s’identifient désormais en en utilisant d’autres critères et d’autres
dimensions (l’âge, le genre, le territoire, l’ethnie, la génération…) reflétant des inégalités et déclenchant parfois des
mouvements sociaux. Aujourd’hui à part des mouvements ouvriers, on a pu voir émerger dès les années 70 plusieurs
autres mouvements (féministes, banlieues etc..) qui dénoncent certaines inégalités qui diffèrent des inégalités de classe.
7.2 L’articulation des différents critères de stratification sociale
Se limiter aux classes sociales et les prendre comme des ensembles cohérents, c’est oublier certains autres critères de
différenciation. Ainsi, quelle que soit leur classe sociale, les femmes connaissent souvent des inégalités ou
des discriminations qui leur sont propres mais le plus souvent la division du travail se juxtapose très étroitement à sa
division sexuée.
L’âge est une variable qui semble de plus en plus importante. Les jeunes ne connaissent toutefois pas les mêmes difficultés
selon leur origine sociale. Les logiques de genre, d’âge ou de classe sociale peuvent se compléter. De même, l’origine des
personnes, leur nom ou leur couleur de peau sont autant de sources d’inégalité et de domination que la logique de classe
sociale ne peut résumer mais qui s’articulent avec elle et même avec les inégalités de genre (exemple des nounous).

De nombreuses situations présentent une imbrication des rapports de classe et des rapports sociaux de genre. Plutôt
que de les mettre en concurrence, il se révèle dès lors fructueux d’articuler ces deux niveaux d’analyse et de ne pas se
limiter à une analyse au seul prisme de classe.

C’est à cette condition qu’il devient possible de comprendre plus finement les trajectoires des hommes dans des métiers
associés au genre féminin, l’inégalité subie par les jeunes diplômées au début de carrière ou encore la surprésentation des
jeunes hommes ouvriers dans les accidents de la route.

8. L’individualisation complexifie l’identification à un groupe social


Le processus d’individualisation à l’œuvre de nos sociétés affecte de nombreux domaines de la vie sociale. La
valorisation de l’autonomie de l’individu conduit à une recomposition des rapport au travail, à la famille, à la
politique, à l’école etc…Ce processus modifie profondément les identités collectives et individualise la
perception qu’ont les individus des inégalités qui les touchent, des succès et des échecs qu’ils peuvent connaitre.
Des lors, la lecture en termes de classes sociales ne semble plus opérante pour les acteurs eux-mêmes.

L’individualisation participerait à affaiblir l’influence des déterminations de classes sur les individus. Les
individus développeraient ainsi des pratiques diversifiées et moins strictement liées à leur appartenance sociale. Selon
Bernard Lahire, l’expérience des individus est plurielle parce qu’ils sont socialisés dans des contextes variés.

Si les français se définissent moins comme appartenant à une classe sociale, ceci est lié au phénomène
d’individualisation qui exprime le le fait que désormais les individus ont la possibilité et surtout la volonté de
s’émanciper du groupe auquel ils appartiennent. Ils souhaitent être plus autonomes et plus libres. En sociologie on
parle souvent de société d’individus.

La quête de singularité, de différence, de libération et d’autonomie par rapport à la classe sociale est traduite
dans la manière avec laquelle les français se définissent désormais. Ils multiplient alors les critères de définition
(je suis jeune blanc habitant tel quartier er exerçant tel ou tel métier par exemple) et se voit dans les pratiques
culturelles. Alors qu’auparavant l’appartenance à une classe sociale comme la bourgeoisie allait de pair avec certaines
pratiques culturelles dites légitimes qui permettent se distinguer au sens de Pierre Bourdieu (l’opéra, le théâtre etc…),
aujourd’hui on assiste de plus en plus à des dissonances culturelles (Exemple : par exemple un enseignant diplômé
peut tout à fait aujourd’hui regarder des programmes de télévision comme les ch’tis à Miami ce qui fait apparaître une
certaine dissonance puisque ça s’éloigne des pratiques culturelles auxquelles était rattachée hier sa classe sociale).

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Les 3 déterminants de l’individualisation
La volonté Les nouvelles techniques de Les inégalités ne se superposent pas forcément
d’autonomie management
Federico Tarragone Alors qu’hier les entreprises proposaient François Dubet note qu’au 19ème siècle les inégalités se
note que cette les conditions de travail et des contrats superposaient : on avait d’un côté des individus qui
volonté d’autonomie similaires à l’ensemble des salariés, souffraient de multiples inégalités (revenus faibles,
des individus se désormais ceux sont individualisés c’est à espérance de vie faible, conditions de logement
concrétise vis-à-vis dire que les différents salariés se voient difficiles, santé précaire etc…) et d’un autre côté des
de différentes proposer des contrats différents (par individus qui profitent de situations avantageuses pour
institutions (la exemple pour les uns des CDI pour les l’ensemble de ces critères. Aujourd’hui, les situations
famille, la politique, autres des CDD ou d’autres de l’intérim), sont plus complexes et plus hétérogènes : les inégalités
la religion, le travail, des évolutions de salaires différentes ne se superposent plus forcément.
les organisations, les (indexés sur la performance) ou des
partis politiques, primes différentes. Par conséquent, Par exemple : on peut être un patron disposant de
l’église etc…) chaque salarié peut se trouver est dans revenus élevés mais dépourvu de prestige au sein de la
une condition différente ce qui baisse le société ou être un paysan et être dépourvu de service
sentiment d’appartenir à une même classe public (absence d’hôpitaux ou de lignes de train à
sociale. proximité) mais profiter d’un environnement paisible.

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