La Voie Du Doctorant

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La Voie du Doctorant

7 Clefs pour réussir sa thèse

Un guide pas comme les autres pour trouver ou retrouver le plaisir de la


recherche

Emilie Doré
www.reussirsathese.com
La Voie du Doctorant
7 Clefs pour réussir sa thèse

En intitulant ce guide « la voie du doctorant », j’ai bien sûr voulu vous faire
sourire : cette analogie avec la « voie du chevalier » ou la « voie du guerrier »
évoque le roman d’aventures ou l’épopée spirituelle orientale, autant de
genres très distants des productions du monde académique !

Mais par ce clin d’œil, j’aimerais aussi vous faire réfléchir, vous permettre
d’appréhender autrement ce que vous êtes en train de vivre, en tant que
doctorant.

En apparence, vous êtes une personne spécialement sérieuse et compétente,


un(e) intellectuel(le) en devenir, pourrait-on dire, qui travaille à la confection
d’un document érudit, plein de données objectives et d’analyses savantes,
pour obtenir la considération de ses pairs (et le diplôme de doctorat, par la
même occasion).

Mais en réalité, vous savez que vous êtes une personne normale qui lutte
chaque jour pour relever un défi pas banal du tout : finir sa thèse. Vous êtes
plein de doutes sur vos capacités, plein de doutes sur ce qu’il faut faire ou ne
pas faire pour mener la recherche, plein de doutes aussi sur le pourquoi de
votre démarche.

Vous êtes souvent seul(e), avec la


peur tenace de vous tromper, de
dire des énormités, de faire une Vous êtes plein de doutes sur
gaffe. Vous avez peur d’être jugé(e) vos capacités, plein de doutes
et évalué(e) par vos directeurs, par
sur ce qu’il faut faire ou ne pas
vos collègues. Vous avez peur de ne
faire, plein de doutes sur le
pas être à la hauteur ; vous avez
peur de ne pas arriver à finir ce pourquoi de votre démarche.
document qui vous demande une
énergie folle et qui déstabilise vos
finances, votre carrière ou votre vie familiale.

Et je trouve, moi, qu’avec tous vos doutes, toutes vos hésitations, toutes vos
lenteurs, vous êtes comme un héros ou une héroïne d’un genre nouveau.

Vous avez décidé de consacrer plusieurs années à aller au bout d’une


réflexion, à démêler les causes d’un phénomène, à explorer ses conséquences
; des années à enquêter, réfléchir, vous documenter, chercher des pistes… et
écrire enfin. Ce qui vous porte, c’est une passion authentique. A l’heure du

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tweet et du zapping, à l’heure de l’information en continu et de l’oubli
continuel, vous allez construire minutieusement, pierre par pierre, une
argumentation longue et nuancée : c’est presque un acte de résistance !

Dans votre quête, vous aurez besoin de deux denrées qui se font terriblement
rares de nos jours : la capacité d’attention, et … le temps.

A part le diplôme et la satisfaction intellectuelle, il y a encore autre chose


que vous allez gagner sur le chemin de la thèse : la confiance. On ne devient
pas chercheur seulement en apprenant mécaniquement des techniques
d’enquête ou d’analyse. On devient chercheur – et l’on réussit sa thèse –
parce que l’on n’a plus peur d’affirmer une position et de faire entendre sa
voix.

A l’inverse, un manque de confiance chronique empêche de faire des progrès


; pour poser une hypothèse, il faut oser ; pour trancher entre deux pistes
d’analyse, il faut oser ; pour porter un regard critique et constructif sur les
ouvrages d’autres chercheurs, il faut oser ; pour se frayer un chemin de
réflexion à travers l’espace si ouvert de la réalité, il faut oser.

Oser signifie surmonter la peur de se tromper ; mais quand on affirme une


thèse, il faut aussi prendre en compte les analyses d’autres chercheurs avant
nous, car la recherche
scientifique est un dialogue.
Pour qu’un dialogue puisse se
S’affirmer, c’est oser : oser dérouler entre notre travail
poser une hypothèse, oser et le travail d’autres
trancher entre deux pistes chercheurs, il faut que nous
osions parler d’une voix
d’analyse, oser porter un
propre, et que nous écoutions
regard critique sur les vraiment les autres.
ouvrages à lire, oser se frayer
Enfin, j’ajouterais que la
son propre chemin de réflexion.
condition pour aller au bout
.
de votre thèse, également,
c’est que cette épreuve garde
tout son sens : une thèse abandonnée est avant tout une thèse dont on ne
trouvait plus la raison d’être, une thèse qui devenait absurde.

Je me propose, par ce livre, de vous donner les clefs pour que vous renouiez
avec le sens de votre thèse : pour que vous croyiez de nouveau en votre vision,
en ce que vous souhaitez affirmer, mais aussi pour que la thèse reprenne une
place harmonieuse dans votre vie.

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Le doctorant a besoin de compétences techniques, mais également de
compétences émotionnelles, ou plus largement psychologiques : les unes et
les autres sont interdépendantes.

Je vais vous exposer ici les sept clefs qui sont autant d’aptitudes à cultiver
pour suivre la voie du doctorant, et par aptitude j’entends ici une compétence
qui a un aspect technique et un aspect émotionnel. Ces deux aspects
progressent ensemble, et la thèse cesse ainsi d’être un chemin tortueux,
douloureux, sacrificiel, pour devenir une voie d’apprentissage et
d’émancipation personnelle.

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CLEF N°1 / L’OUVERTURE : ECOUTER ET OBSERVER

Dans les diverses sphères de notre vie, nous sommes presque toujours dans
l’action : à tous points de vue, nous devons rapidement juger et décider.

Mais quand nous travaillons sur notre thèse, nous commençons par cesser
d’agir et par nous taire, et nous observons, nous écoutons la « réalité ».

La vertu d’écoute est primordiale pour le chercheur. Quand et comment se


manifeste-t-elle ?

Le mieux à faire, quand on a décidé d’écouter quelqu’un, est de lui poser


d’abord une question. C’est ainsi qu’il vous parlera, pour vous répondre, et
vous écouterez attentivement la réponse.

De même, si vous voulez entendre (dans les deux sens du terme) la réalité
du phénomène que vous étudiez, quel qu’il soit, commencez toujours par
poser une question. Sinon, vous ne capterez qu’une cacophonie
d’informations désordonnées et contradictoires.

« Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une


question », écrivait Gaston Bachelard.

Eh bien oui ; si vous avez du mal à structurer votre argumentation ; si l’on


vous a fait remarquer que votre texte est trop descriptif ; si vous ne parvenez
pas à sélectionner les lectures utiles ; etc. Bien souvent, c’est que vous n’avez
pas posé une question claire avant de vous mettre au travail.

Commencez toujours par une question, quand vous allez commencer une
nouvelle lecture, quand vous allez commencer à écrire un nouveau chapitre
: demandez-vous quelle est votre question, celle que vous souhaitez résoudre.
C’est le seul moyen d’obtenir une réponse… C’est-à-dire de discerner les
éléments utiles des éléments inutiles dans ce que vous observez.

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Et vous le savez, la mère de toutes les questions, c’est la question de
recherche, celle qui structure la réflexion de toute votre thèse.

Poser une question, c’est le premier pas, mais après, comment être sûr qu’on
écoute bien la réponse ? Ou, dit en termes moins métaphoriques, comment
être sûr d’observer fidèlement la réalité et de ne pas se tromper dans le
recueil de la réponse à notre question ?

Pour observer et écouter fidèlement la réalité, il faut mettre à distance nos


préjugés, nos idées préconçues.
Beaucoup de doctorants ont une
activité militante ou une activité
Rester à l’écoute de la professionnelle dans le domaine sur
réalité, c’est donc lequel ils font leur recherche. Ils ont
accepter l’épreuve de plein d’idées déjà bien ancrées sur leur
l’ignorance et de la sujet, et surtout, ils font une thèse
pour démontrer quelque chose qu’ils
contradiction.
pensent déjà savoir. Attention !

Comme je le rappelle dans cet article, vouloir démontrer à toute force peut
induire un aveuglement à la contradiction, et donc à de graves fautes
méthodologiques : par exemple, les hypothèses posées sont
systématiquement validées par des données surinterprétées ou triées pour
aller dans le sens de l’hypothèse. C’est une erreur très, très courante, que
l’on peut définir comme un manquement au principe de neutralité
axiologique, si l’on veut des mots exacts.

Rester à l’écoute de la réalité, c’est donc accepter l’épreuve de l’ignorance


(vous ignorez certains éléments) et de la contradiction (la réalité va vous
contredire à certains moments). Lorsque vous recueillez des données,
n’écartez pas celles qui ne vont pas dans votre sens. Vous devez les
comprendre. Elles doivent vous servir à redéfinir vos hypothèses.

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CLEF N°2 / LA CAPACITE DE DECISION

Tant de voies s’offrent au doctorant ! Il est libre ; donc, angoissé. Faut-il lire
tel auteur après celui-là ? Faut-il choisir telle interprétation, ou telle autre ?
Faut-il continuer le travail de terrain, ou arrêter ?

Personne ne vous dit quoi faire et à quel moment, et surtout pas comment le
faire. C’est à vous de débroussailler le chemin ! Votre rôle est beaucoup plus
actif et créatif que le rôle d’un étudiant qui doit bachoter pour réussir ses
examens, en suivant des instructions.

A chaque étape, vous vous demanderez comment continuer. C’est normal, il


faut réfléchir avant d’agir. Mais ce moment de réflexion ne doit pas
déboucher sur une indécision chronique. Parfois, il faut trancher ! Imaginons
qu’après le travail de terrain, vous avez beaucoup de données, beaucoup
d’informations. Analyser tout cela vous prendrait des années. Il y a beaucoup
de pistes à suivre, et si vous essayez de toutes les suivre, vous n’allez pas
avancer d’un iota. Il va falloir choisir.

Ce choix peut être angoissant, si vous avez peur de passer à côté de quelque
chose de crucial.

De même, quand vous décidez de lire des ouvrages, vous courez sans cesse le
risque de ne pas arriver à vous arrêter de lire, parce que vous sentez qu’il y
a toujours de nouvelles choses à apprendre, le savoir est infini. Et pourtant,
il faut choisir des livres en nombre limité, et avoir une idée claire des
informations qu’on y recherche. Je l’explique dans cette vidéo.

La thèse se fait grâce à un


enchaînement d’étapes : poser une
Prendre une décision est question, explorer, définir une
plus simple si l’on accepte hypothèse, recueillir des données,
la possibilité de l’erreur. les analyser, construire une
C’est l’un des grands argumentation, écrire… Ces
étapes se répètent de nombreuses
enseignements de la thèse.
fois, à grande ou petite échelle, et
parfois se chevauchent (on peut
analyser tout en écrivant, par
exemple). Passer d’une étape à l’autre requiert une force de décision : il faut
décider qu’on arrête de recueillir des données sur tel sujet ; qu’on arrête de
réviser son texte encore et encore ; qu’on aborde une nouvelle hypothèse…

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Prendre une décision est plus simple si on accepte la possibilité de l’erreur.
C’est un des grands enseignements de la thèse.

Vous pouvez vous tromper. Vous pouvez vous tromper d’hypothèse : vous la
corrigerez ensuite. Vous pouvez oublier une référence : cela ne vous
empêchera pas de construire votre argumentation. Vous pouvez suivre une
fausse piste : tant pis, vous vous en rendrez compte, vous reviendrez un peu
en arrière. Dans la mesure où vous devez tracer votre propre chemin, vous
apprendrez par l’erreur ; au contraire, le refus de vous tromper vous
paralysera.

Décidez, assumez votre décision, observez les erreurs qui en découlent : vous
apprendrez ainsi. Tel les capitaines d’autrefois qui naviguaient en plein
brouillard grâce à leur boussole, vous devez impérativement avoir en tête la
destination finale, votre cap. Et ce cap, c’est : construire une réponse
argumentée à votre question de recherche. Tout ce qui ne sert pas
immédiatement ce besoin peut être écarté.

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CLEF N° 3 / LA COMBATIVITE : AFFIRMER SON POINT DE
VUE

Imaginez… Le jour de la soutenance est arrivé. Vous êtes bien habillé(e),


tremblant d’appréhension et d’espoir. Vous terminez votre présentation, et
vient le moment des questions du jury. Le premier à prendre la parole est un
professeur qui vous félicite d’avoir terminé, mais ajoute aussitôt : « c’est tout
de même dommage qu’à la fin de la thèse, on ne sache toujours pas
exactement ce que vous avez voulu dire. Finalement, quelle est votre thèse ? ».

Voilà une question glaçante en soutenance, et malheureusement j’ai déjà


assisté à ce genre de scène.

C’est en effet souvent ce qui est soupesé lors de l’évaluation finale :


l’impétrant a-t-il affirmé clairement une position de recherche ?

Car, quand on fait une thèse, il faut veiller à un subtil équilibre, fait de
prudence et de prises de risque, de doutes et d’affirmation. Il faut laisser
place à la contradiction et, d’abord, avancer en tâtonnant et en sachant
remettre en question ses hypothèses. Mais quand un important faisceau de
présomptions consolide votre argumentation, il faut savoir le reconnaître et
arrêter votre position, l’énoncer clairement et la défendre.

Le doctorant doit apprendre à faire entendre sa voix propre. En faisant une


thèse, il devient créateur de connaissances, et non plus seulement
consommateur de savoirs. Cela implique, par exemple, qu’il ne peut pas se
cacher éternellement derrière une recension des positions des autres
chercheurs ; mais aussi qu’il doit être capable d’énoncer clairement ses
conclusions, de porter un regard critique sur les ouvrages qu’il lit, de se
positionner dans le débat académique.

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Ces compétences s’acquièrent peu à peu ; elles impliquent une
transformation profonde, qui a partie liée avec l’affirmation personnelle du
jeune chercheur. Les encadrants pensent souvent que le doctorant doit
acquérir les aptitudes nécessaires par la pratique, sur le tas : certes, mais
j’aime aussi penser, et l’expérience me le confirme, qu’une formation
adéquate leur permet d’avancer
plus vite et avec moins de
souffrance.
Finalement, quelle est votre
Défendre votre point de vue : voilà thèse ? Pour répondre à
ce que vous allez être amené à cela, il faut arrêter votre
faire, au long de l’écriture de votre position, l’énoncer
thèse et lors de la soutenance (qui
clairement et la défendre.
s’appelle « défense de thèse » en
Belgique, c’est très évocateur).
Défendre son point de vue, c’est
avoir la capacité de convaincre.

Pour cela, vous allez développer un argument bien construit, d’une part et
bien étayé d’autre part. Pour la construction de l’argument, portez un soin
particulier aux introductions et conclusions de chapitre et section ; elles
doivent refléter votre ligne argumentative. Et pour mieux étayer votre
propos, n’oubliez jamais que vos données de terrain sont au cœur de votre
démonstration, elles sont la richesse de votre thèse et son originalité : citez-
les abondamment.

Apprêtez-vous à devenir l’expert de votre sujet, non pas en accumulant une


somme monumentale d’érudition mais en construisant sur votre sujet
d’étude un regard original.

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CLEF N°4 / L’HUMILITE : ACCEPTER LA CONTRADICTION

La combativité doit être savamment équilibrée par l’humilité.

Nous avons déjà évoqué cette qualité au moment de parler de la vertu de


l’écoute. Allons un peu plus loin, car il est important de comprendre qu’être
humble, ce n’est pas être « effacé », au contraire. Être humble, c’est avancer
méthodiquement, avec sérieux.

Avant d’être en thèse, vous avez fait un cursus universitaire (même si pour
certains d’entre vous, c’était il y a déjà quelques années). Vous avez passé
des examens. Vous avez intériorisé le principe suivant : pour avoir une bonne
note, il ne faut pas se tromper. Il ne faut pas commettre d’erreur. Une erreur,
c’est un point en moins sur la note finale.

Donc, maintenant que vous êtes en doctorat, avec ce statut d’étudiant ou


quasi-étudiant, vous avez peur de vous tromper.

Beaucoup de problèmes viennent de cette peur, et je vais vous expliquer


pourquoi.

Quand on fait de la recherche, l’erreur fait partie intégrante du processus


intellectuel. Ne pas l’accepter, c’est se condamner à la paralysie.

En effet, aucune réponse n’est


donnée d’avance, et quand vous
Le débat contradictoire fait posez une question de recherche,
partie de la culture des il n’y a pas une « bonne » réponse
que votre directeur saurait et que
chercheurs. Votre directeur
vous, vous ignoreriez.
attend que vous vous
défendiez en affinant vos Vous allez devoir arriver à bâtir
une réponse la plus
arguments.
vraisemblable possible, par vous-
même. Et pour cela, il y a deux
méthodes complémentaires : la
vérification des hypothèses par l’investigation de terrain et le débat
contradictoire.

La recherche c’est : poser une question, donner une réponse possible, aller
vérifier cette réponse, la corriger si besoin. Cette « réponse possible », c’est
une hypothèse. Vous avez bien le droit de partir d’une hypothèse erronée :
l’essentiel, c’est de la vérifier, de se rendre compte des erreurs, et d’ajuster
l’hypothèse de départ en fonction : c’est ainsi que l’on progresse vers une

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interprétation plus juste de la réalité. Mais si dès le départ, vous n’osez pas
formuler d’hypothèse parce que vous avez peur de vous tromper, vous
bloquez tout le processus ! Accepter que la réalité puisse nous contredire est
une grande qualité du chercheur.

Enfin, peut-être avez-vous peur d’être critiqué(e). Votre directeur va lire


votre texte et va trouver que des choses ne vont pas. Il vous fera des
remarques. Cela affecte votre estime et votre confiance. Pourtant, en vous
critiquant, le directeur n’a pas l’impression de vous attaquer. Il attend que
vous vous défendiez en affinant vos arguments.

Il faut comprendre que le débat contradictoire fait partie de la culture des


chercheurs : en SHS, on ne peut pas faire d’expérimentations pour vérifier
nos résultats ; les confronter aux résultats des autres chercheurs, c’est une
façon de les mettre à l’épreuve et donc d’améliorer leur solidité.

Le lot du chercheur est de faire partie d’un débat plus vaste que lui,
d’accepter la critique et d’en tirer le meilleur parti : de savoir défendre ses
meilleurs résultats et amender les autres.

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CLEF N° 5 / LA CLARTE : SAVOIR COMMUNIQUER SES
RESULTATS

La thèse est faite pour être lue, comprise, diffusée. Vos premiers lecteurs
seront vos professeurs, certes ; et leur lecture débouchera sur une évaluation.
Mais par la suite, votre thèse a vocation à être lue par d’autres chercheurs,
à être une source de connaissances et d’inspiration pour des doctorants, pour
des chercheurs confirmés ou même pour toute personne curieuse qui
s’intéressera à votre argumentation.

Beaucoup de doctorants oublient


qu’il faut être clair et
A l’écrit comme à l’oral, pédagogique dans sa façon
soyez pédagogique, ne d’écrire : c’est pourtant un
ingrédient essentiel et apprécié
cherchez pas à
par tous ceux qui vous liront.
impressionner le lecteur ou
l’interlocuteur, mais à Vous apprendrez donc à décrire
l’éclairer. une réalité complexe avec des
formules simples, à éviter le
jargon, à faire des phrases
courtes, et surtout à développer
votre argumentation en plusieurs étapes bien identifiables par le lecteur.

La forme que prend votre thèse (style clair ou alambiqué, texte resserré ou
aéré) va avoir une influence cruciale sur la compréhension de celui qui la
lira. Par ailleurs, si vous écrivez en pensant au bien-être du lecteur, en vous
souciant d’être clair, cela vous obligera en retour à être précis dans votre
argumentation, à ne pas laisser de zones de flou, à ne pas vous abriter
derrière des formules vagues et oiseuses.

Ce qui empêche souvent le doctorant d’être clair, c’est le fait qu’il sait qu’il
sera lu par son directeur. Il ne veut donc pas que son texte paraisse trop
simple. Il veut faire « savant », consciemment ou inconsciemment.

Je conseille souvent de ne surtout pas penser à son directeur de thèse en


écrivant. Dites-vous plutôt que vous tentez d’expliquer quelque chose à un
étudiant de première ou deuxième année, et vous serez beaucoup plus
convaincant(e) !

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Et puis, il y a une autre façon de communiquer sur votre recherche, de
diffuser vos résultats : c’est l’oral.

Séminaires, soutenance, colloques ou tout simplement discussions à bâtons


rompus avec des professeurs, des collègues : vous êtes constamment
amené(e) à vous exprimer à l’oral sur votre travail. La peur de prendre la
parole en public est une peur très répandue et elle touche beaucoup de
doctorants ; mais elle s’atténuera si vous vous forcez un peu, au début, et que
vous prenez peu à peu l’habitude d’intervenir.

Je donne quelques astuces indispensables pour bien communiquer à l’oral


ici.

La dimension de confiance en soi est cruciale pour bien communiquer sur son
travail : travailler l’affirmation personnelle fait donc intégralement partie
du défi du doctorant !

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CLEF N°6 / LA PERSEVERANCE : AVANCER A PETITS PAS

La fable du lièvre et de la tortue semble créée pour les thésards : car pour
boucler son doctorat, rien ne sert de courir, il faut partir à point… Et ne pas
s’endormir en chemin.

Les thèses en SHS sont souvent très longues, pour beaucoup de raisons,
parfois très concrètes comme l’absence de financement, ou parfois plus
difficiles à formuler : c’est que ces thèses prennent racine dans le temps long.

Réfléchir sur un sujet qui nous tient très à cœur, accepter de prendre de la
distance avec nos propres jugements, affirmer notre position, écrire 400 ou
500 pages… Tout cela demande d’acquérir des compétences, et de laisser
mûrir les idées.

On ne peut pas aller plus vite que la musique et ce n’est pas parce que vous
vous mettrez la pression en songeant en permanence à l’échéance finale que
vous y arriverez plus vite.

Non : il faut aller pas à pas. Le


thésard n’est pas un sprinter
mais un marathonien : c’est un
Le thésard n’est pas un
état d’esprit sensiblement
sprinter, mais un différent. Le marathonien ne
marathonien. C’est un état regarde pas la ligne d’arrivée
d’esprit sensiblement (elle est trop loin). Il regarde ses
différent ! pieds. Si vous n’avez en tête que
votre objectif final et que vous ne
pensez qu’à la montagne de
travail qu’il vous reste pour
parvenir à un document relié de plusieurs centaines de pages, vous n’y
arriverez pas ; vous devez découper votre travail en petites tâches, vous
concentrer sur le quotidien.

Mais se concentrer sur les petits pas, cela demande une motivation forte,
constante sur le long terme. Or, la motivation, c’est le grand problème du
doctorant. En effet, si vous travaillez bien un jour, vous n’aurez pas de
récompense concrète : il reste de toute façon beaucoup à faire. Si, au
contraire, vous n’avez rien fait aujourd’hui, vous ne serez pas non plus puni,
et l’impact négatif sur votre thèse est très limité. Dans ces conditions, il est
très difficile de se mettre au travail jour après jour.

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Pour durer sur le long terme, il faudra que vous sachiez créer une routine
tournant autour de votre thèse (travailler toujours à telle heure, à tel endroit
consacré à la thèse), que vous vous appuyiez sur des habitudes (et les
habitudes s’acquièrent) et que vous vous récompensiez vous-même de temps
à autre.

Sachez célébrer les victoires, même petites : c’est essentiel pour votre
cerveau ! La thèse ne doit pas produire dans votre organisme que des
hormones de stress mais elle doit être aussi associée au plaisir ; or le
sentiment d’accomplissement, de réussite, libère des endorphines. Il faut
créer cette émotion en célébrant les petites victoires du quotidien et en se
félicitant soi-même, eh oui !

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CLEF N°7 / L’EQUILIBRE : CONTINUER A VIVRE

La thèse apparaît dans nos vies comme une transition : elle agit comme un
sas entre deux temps de la vie. Pour certains, en prolongeant les études, elle
retarde le moment d’assumer le fardeau d’une vie d’adulte (un travail, un
foyer à nourrir). Pour d’autres, elle permet de se ménager un espace de
réflexion avant de prendre la décision de changer de travail, de changer de
voie.

Parfois, elle est vécue comme le seul espace de réalisation personnelle dans
une vie trop chargée ; par exemple, certaines femmes, mères de famille et
exerçant un travail, se lancent en plus dans une thèse. Cette décision paraît
irrationnelle : elle est pourtant fondée sur un désir puissant de réalisation
personnelle. J’en parle ici, pour celles et ceux que ça intéresse.

Quel que soit l’âge à laquelle on l’entreprend, la thèse est un pas de côté.

Mais c’est un looong pas de côté !! Et ce n’est pas comme écrire un roman : la
créativité est nécessaire, mais elle est bien encadrée. La thèse apporte en
effet son lot de contraintes, notamment celle de l’évaluation finale.

Finalement, d’espace de liberté, elle peut vite devenir espace de servitude ;


le doctorant sacrifie tout pour parvenir à contenter ses directeurs, à finir ce
travail qui devient un boulet ; et le pas de côté peut devenir marginalisation
: alors toute la vie s’arrête, plus rien n’importe que la thèse. Le projet de
mariage, le projet d’enfant, le projet professionnel : tout est remis aux
calendes.

La pression émotionnelle risque alors de devenir très forte. Il arrive souvent,


en fin de thèse, que le travail de recherche devienne comme une corde trop
tendue, prête à rompre, qui supporte toutes les frustrations de la vie : « dès
que j’aurai fini ma thèse, je pourrai faire ceci, faire enfin cela » : tout est
conditionné à la fin de la thèse. L’enjeu est si fort, qu’il peut devenir
paralysant et… la thèse n’avance pas.

Les doctorants ayant quelques années de thèse derrière eux me


comprendront !!

Pour parvenir à finir une thèse, l’aspect émotionnel est primordial : il faut
maintenir la pression à un niveau confortable ; continuer à trouver du plaisir
à son travail ; ne pas rejeter sur la thèse toutes les difficultés de la vie.

Comment s’y prendre ?

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C’est simple : la thèse doit prendre sa juste place dans votre vie, dès le début.
Comme elle demande beaucoup de travail, vous devez lui accorder du temps,
chaque semaine. Elle doit avoir son temps dédié, respecté ; un moment où
vous ne faites pas autre chose, car vous avez rendez-vous avec votre thèse.

Mais PAS PLUS. Elle ne peut pas déborder de ce temps. En dehors de la


thèse, vous avez le droit de penser à votre famille, de sortir avec vos amis,
d’aller à la piscine, au parc, au cinéma, de regarder une série, de faire du
yoga ou ce que vous voulez !

Pour le dire plus clairement :


vous devez continuer à vivre, ne
La thèse doit prendre sa pas suspendre votre vie parce
juste place dans votre vie, que vous faites une thèse. Sinon,
votre équilibre psychique sera
dès le début. Elle doit avoir
atteint et vous ne tiendrez pas
son temps dédié, respecté ; sur la longueur.
mais pas tout votre temps.
Pensez à votre corps : faites du
sport, de la marche. Le cerveau
ne fonctionne pas sans le corps.

Pensez à votre bien-être : lisez des romans, donnez de l’amour à vos proches.

Le temps de travail dédié à la thèse doit être régulier, suffisant, bien


délimité. Ce n’est pas la peine de prévoir tous les jours une plage de 10h de
travail sur la thèse, de 8h à 18h. C’est absurde. D’abord, si vous travaillez
bien, au bout de quelques heures, vous serez épuisé. Et ensuite, ce n’est pas
équilibré, d’un point de vue existentiel : il faut de la place pour tout.

On est parfois plus efficace en trois heures bien travaillées, quand on sait
qu’on n’aura pas plus de temps, qu’en huit longues heures, où la
procrastination s’installe. Gérez votre effort comme un sportif : ni trop ni
trop peu, et continuez à vivre à côté. Et vous irez loin, à petits pas.

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Merci d’avoir lu ce guide, bonne route, et à très bientôt !

Emilie Doré

[email protected]
www.reussirsathese.com

Mars 2020. Tous droits réservés.

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