La Voie Du Doctorant
La Voie Du Doctorant
La Voie Du Doctorant
Emilie Doré
www.reussirsathese.com
La Voie du Doctorant
7 Clefs pour réussir sa thèse
En intitulant ce guide « la voie du doctorant », j’ai bien sûr voulu vous faire
sourire : cette analogie avec la « voie du chevalier » ou la « voie du guerrier »
évoque le roman d’aventures ou l’épopée spirituelle orientale, autant de
genres très distants des productions du monde académique !
Mais par ce clin d’œil, j’aimerais aussi vous faire réfléchir, vous permettre
d’appréhender autrement ce que vous êtes en train de vivre, en tant que
doctorant.
Mais en réalité, vous savez que vous êtes une personne normale qui lutte
chaque jour pour relever un défi pas banal du tout : finir sa thèse. Vous êtes
plein de doutes sur vos capacités, plein de doutes sur ce qu’il faut faire ou ne
pas faire pour mener la recherche, plein de doutes aussi sur le pourquoi de
votre démarche.
Et je trouve, moi, qu’avec tous vos doutes, toutes vos hésitations, toutes vos
lenteurs, vous êtes comme un héros ou une héroïne d’un genre nouveau.
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tweet et du zapping, à l’heure de l’information en continu et de l’oubli
continuel, vous allez construire minutieusement, pierre par pierre, une
argumentation longue et nuancée : c’est presque un acte de résistance !
Dans votre quête, vous aurez besoin de deux denrées qui se font terriblement
rares de nos jours : la capacité d’attention, et … le temps.
Je me propose, par ce livre, de vous donner les clefs pour que vous renouiez
avec le sens de votre thèse : pour que vous croyiez de nouveau en votre vision,
en ce que vous souhaitez affirmer, mais aussi pour que la thèse reprenne une
place harmonieuse dans votre vie.
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Le doctorant a besoin de compétences techniques, mais également de
compétences émotionnelles, ou plus largement psychologiques : les unes et
les autres sont interdépendantes.
Je vais vous exposer ici les sept clefs qui sont autant d’aptitudes à cultiver
pour suivre la voie du doctorant, et par aptitude j’entends ici une compétence
qui a un aspect technique et un aspect émotionnel. Ces deux aspects
progressent ensemble, et la thèse cesse ainsi d’être un chemin tortueux,
douloureux, sacrificiel, pour devenir une voie d’apprentissage et
d’émancipation personnelle.
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CLEF N°1 / L’OUVERTURE : ECOUTER ET OBSERVER
Dans les diverses sphères de notre vie, nous sommes presque toujours dans
l’action : à tous points de vue, nous devons rapidement juger et décider.
Mais quand nous travaillons sur notre thèse, nous commençons par cesser
d’agir et par nous taire, et nous observons, nous écoutons la « réalité ».
De même, si vous voulez entendre (dans les deux sens du terme) la réalité
du phénomène que vous étudiez, quel qu’il soit, commencez toujours par
poser une question. Sinon, vous ne capterez qu’une cacophonie
d’informations désordonnées et contradictoires.
Commencez toujours par une question, quand vous allez commencer une
nouvelle lecture, quand vous allez commencer à écrire un nouveau chapitre
: demandez-vous quelle est votre question, celle que vous souhaitez résoudre.
C’est le seul moyen d’obtenir une réponse… C’est-à-dire de discerner les
éléments utiles des éléments inutiles dans ce que vous observez.
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Et vous le savez, la mère de toutes les questions, c’est la question de
recherche, celle qui structure la réflexion de toute votre thèse.
Poser une question, c’est le premier pas, mais après, comment être sûr qu’on
écoute bien la réponse ? Ou, dit en termes moins métaphoriques, comment
être sûr d’observer fidèlement la réalité et de ne pas se tromper dans le
recueil de la réponse à notre question ?
Comme je le rappelle dans cet article, vouloir démontrer à toute force peut
induire un aveuglement à la contradiction, et donc à de graves fautes
méthodologiques : par exemple, les hypothèses posées sont
systématiquement validées par des données surinterprétées ou triées pour
aller dans le sens de l’hypothèse. C’est une erreur très, très courante, que
l’on peut définir comme un manquement au principe de neutralité
axiologique, si l’on veut des mots exacts.
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CLEF N°2 / LA CAPACITE DE DECISION
Tant de voies s’offrent au doctorant ! Il est libre ; donc, angoissé. Faut-il lire
tel auteur après celui-là ? Faut-il choisir telle interprétation, ou telle autre ?
Faut-il continuer le travail de terrain, ou arrêter ?
Personne ne vous dit quoi faire et à quel moment, et surtout pas comment le
faire. C’est à vous de débroussailler le chemin ! Votre rôle est beaucoup plus
actif et créatif que le rôle d’un étudiant qui doit bachoter pour réussir ses
examens, en suivant des instructions.
Ce choix peut être angoissant, si vous avez peur de passer à côté de quelque
chose de crucial.
De même, quand vous décidez de lire des ouvrages, vous courez sans cesse le
risque de ne pas arriver à vous arrêter de lire, parce que vous sentez qu’il y
a toujours de nouvelles choses à apprendre, le savoir est infini. Et pourtant,
il faut choisir des livres en nombre limité, et avoir une idée claire des
informations qu’on y recherche. Je l’explique dans cette vidéo.
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Prendre une décision est plus simple si on accepte la possibilité de l’erreur.
C’est un des grands enseignements de la thèse.
Vous pouvez vous tromper. Vous pouvez vous tromper d’hypothèse : vous la
corrigerez ensuite. Vous pouvez oublier une référence : cela ne vous
empêchera pas de construire votre argumentation. Vous pouvez suivre une
fausse piste : tant pis, vous vous en rendrez compte, vous reviendrez un peu
en arrière. Dans la mesure où vous devez tracer votre propre chemin, vous
apprendrez par l’erreur ; au contraire, le refus de vous tromper vous
paralysera.
Décidez, assumez votre décision, observez les erreurs qui en découlent : vous
apprendrez ainsi. Tel les capitaines d’autrefois qui naviguaient en plein
brouillard grâce à leur boussole, vous devez impérativement avoir en tête la
destination finale, votre cap. Et ce cap, c’est : construire une réponse
argumentée à votre question de recherche. Tout ce qui ne sert pas
immédiatement ce besoin peut être écarté.
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CLEF N° 3 / LA COMBATIVITE : AFFIRMER SON POINT DE
VUE
Car, quand on fait une thèse, il faut veiller à un subtil équilibre, fait de
prudence et de prises de risque, de doutes et d’affirmation. Il faut laisser
place à la contradiction et, d’abord, avancer en tâtonnant et en sachant
remettre en question ses hypothèses. Mais quand un important faisceau de
présomptions consolide votre argumentation, il faut savoir le reconnaître et
arrêter votre position, l’énoncer clairement et la défendre.
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Ces compétences s’acquièrent peu à peu ; elles impliquent une
transformation profonde, qui a partie liée avec l’affirmation personnelle du
jeune chercheur. Les encadrants pensent souvent que le doctorant doit
acquérir les aptitudes nécessaires par la pratique, sur le tas : certes, mais
j’aime aussi penser, et l’expérience me le confirme, qu’une formation
adéquate leur permet d’avancer
plus vite et avec moins de
souffrance.
Finalement, quelle est votre
Défendre votre point de vue : voilà thèse ? Pour répondre à
ce que vous allez être amené à cela, il faut arrêter votre
faire, au long de l’écriture de votre position, l’énoncer
thèse et lors de la soutenance (qui
clairement et la défendre.
s’appelle « défense de thèse » en
Belgique, c’est très évocateur).
Défendre son point de vue, c’est
avoir la capacité de convaincre.
Pour cela, vous allez développer un argument bien construit, d’une part et
bien étayé d’autre part. Pour la construction de l’argument, portez un soin
particulier aux introductions et conclusions de chapitre et section ; elles
doivent refléter votre ligne argumentative. Et pour mieux étayer votre
propos, n’oubliez jamais que vos données de terrain sont au cœur de votre
démonstration, elles sont la richesse de votre thèse et son originalité : citez-
les abondamment.
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CLEF N°4 / L’HUMILITE : ACCEPTER LA CONTRADICTION
Avant d’être en thèse, vous avez fait un cursus universitaire (même si pour
certains d’entre vous, c’était il y a déjà quelques années). Vous avez passé
des examens. Vous avez intériorisé le principe suivant : pour avoir une bonne
note, il ne faut pas se tromper. Il ne faut pas commettre d’erreur. Une erreur,
c’est un point en moins sur la note finale.
La recherche c’est : poser une question, donner une réponse possible, aller
vérifier cette réponse, la corriger si besoin. Cette « réponse possible », c’est
une hypothèse. Vous avez bien le droit de partir d’une hypothèse erronée :
l’essentiel, c’est de la vérifier, de se rendre compte des erreurs, et d’ajuster
l’hypothèse de départ en fonction : c’est ainsi que l’on progresse vers une
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interprétation plus juste de la réalité. Mais si dès le départ, vous n’osez pas
formuler d’hypothèse parce que vous avez peur de vous tromper, vous
bloquez tout le processus ! Accepter que la réalité puisse nous contredire est
une grande qualité du chercheur.
Le lot du chercheur est de faire partie d’un débat plus vaste que lui,
d’accepter la critique et d’en tirer le meilleur parti : de savoir défendre ses
meilleurs résultats et amender les autres.
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CLEF N° 5 / LA CLARTE : SAVOIR COMMUNIQUER SES
RESULTATS
La thèse est faite pour être lue, comprise, diffusée. Vos premiers lecteurs
seront vos professeurs, certes ; et leur lecture débouchera sur une évaluation.
Mais par la suite, votre thèse a vocation à être lue par d’autres chercheurs,
à être une source de connaissances et d’inspiration pour des doctorants, pour
des chercheurs confirmés ou même pour toute personne curieuse qui
s’intéressera à votre argumentation.
La forme que prend votre thèse (style clair ou alambiqué, texte resserré ou
aéré) va avoir une influence cruciale sur la compréhension de celui qui la
lira. Par ailleurs, si vous écrivez en pensant au bien-être du lecteur, en vous
souciant d’être clair, cela vous obligera en retour à être précis dans votre
argumentation, à ne pas laisser de zones de flou, à ne pas vous abriter
derrière des formules vagues et oiseuses.
Ce qui empêche souvent le doctorant d’être clair, c’est le fait qu’il sait qu’il
sera lu par son directeur. Il ne veut donc pas que son texte paraisse trop
simple. Il veut faire « savant », consciemment ou inconsciemment.
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Et puis, il y a une autre façon de communiquer sur votre recherche, de
diffuser vos résultats : c’est l’oral.
La dimension de confiance en soi est cruciale pour bien communiquer sur son
travail : travailler l’affirmation personnelle fait donc intégralement partie
du défi du doctorant !
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CLEF N°6 / LA PERSEVERANCE : AVANCER A PETITS PAS
La fable du lièvre et de la tortue semble créée pour les thésards : car pour
boucler son doctorat, rien ne sert de courir, il faut partir à point… Et ne pas
s’endormir en chemin.
Les thèses en SHS sont souvent très longues, pour beaucoup de raisons,
parfois très concrètes comme l’absence de financement, ou parfois plus
difficiles à formuler : c’est que ces thèses prennent racine dans le temps long.
Réfléchir sur un sujet qui nous tient très à cœur, accepter de prendre de la
distance avec nos propres jugements, affirmer notre position, écrire 400 ou
500 pages… Tout cela demande d’acquérir des compétences, et de laisser
mûrir les idées.
On ne peut pas aller plus vite que la musique et ce n’est pas parce que vous
vous mettrez la pression en songeant en permanence à l’échéance finale que
vous y arriverez plus vite.
Mais se concentrer sur les petits pas, cela demande une motivation forte,
constante sur le long terme. Or, la motivation, c’est le grand problème du
doctorant. En effet, si vous travaillez bien un jour, vous n’aurez pas de
récompense concrète : il reste de toute façon beaucoup à faire. Si, au
contraire, vous n’avez rien fait aujourd’hui, vous ne serez pas non plus puni,
et l’impact négatif sur votre thèse est très limité. Dans ces conditions, il est
très difficile de se mettre au travail jour après jour.
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Pour durer sur le long terme, il faudra que vous sachiez créer une routine
tournant autour de votre thèse (travailler toujours à telle heure, à tel endroit
consacré à la thèse), que vous vous appuyiez sur des habitudes (et les
habitudes s’acquièrent) et que vous vous récompensiez vous-même de temps
à autre.
Sachez célébrer les victoires, même petites : c’est essentiel pour votre
cerveau ! La thèse ne doit pas produire dans votre organisme que des
hormones de stress mais elle doit être aussi associée au plaisir ; or le
sentiment d’accomplissement, de réussite, libère des endorphines. Il faut
créer cette émotion en célébrant les petites victoires du quotidien et en se
félicitant soi-même, eh oui !
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CLEF N°7 / L’EQUILIBRE : CONTINUER A VIVRE
La thèse apparaît dans nos vies comme une transition : elle agit comme un
sas entre deux temps de la vie. Pour certains, en prolongeant les études, elle
retarde le moment d’assumer le fardeau d’une vie d’adulte (un travail, un
foyer à nourrir). Pour d’autres, elle permet de se ménager un espace de
réflexion avant de prendre la décision de changer de travail, de changer de
voie.
Parfois, elle est vécue comme le seul espace de réalisation personnelle dans
une vie trop chargée ; par exemple, certaines femmes, mères de famille et
exerçant un travail, se lancent en plus dans une thèse. Cette décision paraît
irrationnelle : elle est pourtant fondée sur un désir puissant de réalisation
personnelle. J’en parle ici, pour celles et ceux que ça intéresse.
Quel que soit l’âge à laquelle on l’entreprend, la thèse est un pas de côté.
Mais c’est un looong pas de côté !! Et ce n’est pas comme écrire un roman : la
créativité est nécessaire, mais elle est bien encadrée. La thèse apporte en
effet son lot de contraintes, notamment celle de l’évaluation finale.
Pour parvenir à finir une thèse, l’aspect émotionnel est primordial : il faut
maintenir la pression à un niveau confortable ; continuer à trouver du plaisir
à son travail ; ne pas rejeter sur la thèse toutes les difficultés de la vie.
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C’est simple : la thèse doit prendre sa juste place dans votre vie, dès le début.
Comme elle demande beaucoup de travail, vous devez lui accorder du temps,
chaque semaine. Elle doit avoir son temps dédié, respecté ; un moment où
vous ne faites pas autre chose, car vous avez rendez-vous avec votre thèse.
Pensez à votre bien-être : lisez des romans, donnez de l’amour à vos proches.
On est parfois plus efficace en trois heures bien travaillées, quand on sait
qu’on n’aura pas plus de temps, qu’en huit longues heures, où la
procrastination s’installe. Gérez votre effort comme un sportif : ni trop ni
trop peu, et continuez à vivre à côté. Et vous irez loin, à petits pas.
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Merci d’avoir lu ce guide, bonne route, et à très bientôt !
Emilie Doré
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