Tfe Aline Coffin
Tfe Aline Coffin
Tfe Aline Coffin
« Il s’agit d’un travail personnel et ne peut faire l’objet d’une publication en tout
ou partie sans l’accord de son auteur »
Remerciements
Je remercie toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont participé à l'élaboration de
ce mémoire ;
Mme Leblanc, ma directrice de mémoire, pour m’avoir soutenue durant toute cette
année, guidée et donnée de précieux conseils. Ainsi que pour sa disponibilité et son écoute
lors de mes doutes ;
Estelle, Emilie, mes collègues de promotion pour les moments de stress et de joie
vécus ensembles. Sans oublier, Nolwenn, Margot, Mathilde, Chloé, Paul, Jeanne et les
autres pour leur amitié et leur confiance depuis de nombreuses années ;
Mégane, pour le partage de cette belle dernière année de formation, son soutien sans
faille pour la réalisation de mon projet professionnelle et les moments que nous avons
partagés ;
Les étudiantes ayant accepté de participer à mes entretiens pour leur gentillesse, leur
efficacité et leur disponibilité ;
Et pour terminer, les professionnels de santé rencontrés lors de mes stages, m’ayant
permis de progresser dans ma pratique professionnelle ;
Glossaire
3 Problématique ............................................................................................................ 36
4 Question/Hypothèse de recherche ............................................................................. 39
Conclusion ........................................................................................................................ 40
Bibliographie .................................................................................................................... 42
Annexe I : Guide d’entretien ............................................................................................. 46
Annexe II : Verbatim de l’entretien n°1 avec l’ESI 1 ........................................................... 47
Annexe III : Verbatim de l’entretien n°2 avec l’ESI 2 .......................................................... 50
Annexe IV : Verbatim de l’entretien n°3 avec l’ESI 3 .......................................................... 53
Introduction
Etudiante infirmière de troisième année, je dois réaliser un travail de fin d’études. Pour
cela, je suis partie de mes expériences vécues en stage. En effet, il m’est arrivé d’être
confrontée à des situations qui m’ont mises en difficulté et j’ai donc voulu m’interroger sur
ma pratique professionnelle. Je pense que c’est en rencontrant des situations qui nous
interpellent, que nous créons notre identité professionnelle. De plus, notre crédibilité en tant
que futur soignant peut être mise à l’épreuve, particulièrement lorsque nous nous retrouvons
confrontés à des adolescents d’un âge similaire, en milieu psychiatrique. Lors de ce cas
particulier, j’ai cherché à conserver une juste distance professionnelle entre soignant et soigné
afin de pouvoir effectuer au mieux leurs soins. Cependant, c’est une notion abstraite qui m’a
posée question.
Nous savons que l’étudiant doit faire ses preuves auprès de l’équipe soignante qui les
encadre, c’est pourquoi j’ai également choisi ce sujet. Au cours de sa carrière professionnelle,
l’IDE1 est potentiellement amenée à encadrer des ESI. Pouvoir lire des travaux les concernant,
permet de mettre en lumière les difficultés qu’ils rencontrent, afin d’améliorer son
encadrement.
Pour réaliser la première partie de mon travail, intitulée note de recherche, j’exposerai
tout d’abord ma situation d’appel et le questionnement qui en a découlé. Puis, dans un second
temps, je détaillerai mon cheminement vers ma question de départ. Dans la continuité,
j’exposerai ce que j’envisage pour ma phase exploratoire. Dans la seconde partie de mon
travail, nommée phase exploratoire, je rédigerai tout d’abord le cadre conceptuel qui me
permettra dans un deuxième temps de mener une enquête exploratoire « sur le terrain », afin
de confronter la théorie avec les pratiques professionnelles. Je proposerai dans ma troisième
partie, le cheminement de ma question de départ jusqu’à ma question de recherche. La
dernière partie sera axée sur la rédaction de mon hypothèse de recherche. Et pour finir, je
terminerai en élaborant la conclusion de toute cette étude, ce qui me permettra de présenter les
bénéfices que j’ai tiré de ce travail.
1
Lire « infirmière » dans l’ensemble du texte (seulement 13% des infirmiers sont des Hommes)
1
1 Note de recherche
Quelques minutes plus tard, un patient rentre. Il me regarde d’un air curieux et se présente
immédiatement : « je ne vous connais pas vous, je viens me présenter. Je m’appelle Louis et
je suis un des patients du service ». Afin de faire connaissance, je me présente à mon tour un
peu hésitante en disant que je me prénomme Aline et que je suis étudiante infirmière. A ce
moment, je ne sais pas trop ce que je peux dire, ni les questions auxquelles je peux répondre.
J’apprends par la suite, après un recueil de données lors d’un entretien informel avec le
patient, que c’est un jeune homme de 23 ans. Il est entré dans l’établissement il y a deux ans
pour dépression et dans le but d’une autonomisation. La séparation avec ses parents fut
2
difficile lors de son arrivée. Ce qui demande une attention particulière et de la patience de la
part des soignants.
1.1.2 Questionnement
De cette situation m’est parvenu un questionnement. Tout d’abord concernant l’ESI.
Comment l’ESI peut-il créer une alliance thérapeutique avec un patient en pédopsychiatrie ?
Le vouvoiement favorise t-il la distance thérapeutique avec l’adolescent ? Le tutoiement peut-
il induire plus facilement une relation de confiance chez le patient en pédopsychiatrie ?
L’étudiant peut-il avoir la même relation de confiance que l’IDE et le patient ? Qu’est ce que
la « juste » distance professionnelle ? Comment adapter cette fameuse « juste » distance
lorsque l’on est un jeune étudiant donc novice, face au patient ? Face à un adolescent en
psychiatrie ?
Est-ce plus compliqué pour un étudiant de trouver sa place auprès des patients en
pédopsychiatrie ? Ai-je pensé que ma réponse lors de cette situation, allait pouvoir me
décrédibiliser en tant que future soignante ? L’expérience professionnelle de l’ESI permet-elle
d’apprendre à connaître ses patients sans préjugés ? Ne pas consulter les dossiers ne peut-il
pas nuire à la prise en charge du jeune patient en pédopsychiatrie ? Quel rôle le port de la
tenue professionnelle joue t-il dans la confiance en soi de l’étudiant ? La blouse permet-elle
de mettre une distance professionnelle entre l’ESI en quête de son identité professionnelle et
l’adolescent en psychiatrie ?
En quoi l’âge du patient peut-il être une difficulté pour l’ESI ? En quoi l’âge de patient
peut-il être facilitant pour l’ESI ? Comment ne pas « sympathiser » avec des patients du
même âge ? En psychiatrie ? Aurais-je autant eu d’appréhension avant mon arrivée en stage si
j’avais été confrontée à des adultes en psychiatrie ?
D’un point de vue du patient, des questions peuvent émaner. En quoi l’âge de l’ESI
peut-il mener l’adolescent à davantage se confier ? Ou au contraire, à ne pas réussir à
s’exprimer ? Comment accepter l’arrivée d’un nouvel étudiant ? En quoi l’arrivée d’un
3
étudiant peut-elle être bénéfique pour le patient ? En quoi une « mauvaise » distance
professionnelle avec un soignant peut-elle être nuisible pour lui ? Le patient peut-il prendre au
sérieux et considérer l’ESI comme un soignant à part entière ? Une alliance thérapeutique
peut-elle se créer avec un étudiant en stage pour seulement 5 semaines ? Le patient ne peut-il
pas douter d’une relation de sincérité entre ESI et soigné, puisque celle-ci n’est que
temporaire ?
Si nous nous plaçons du côté de l’IDE/tuteur, nous pouvons nous demander en quoi
la tutrice a t-elle eu une posture aidante ? L’expérience professionnelle est-elle un facteur
favorisant l’alliance thérapeutique avec un patient en pédopsychiatrie ? En quoi la relation
soignant/soigné peut-elle être assimilée à une relation dominant/dominé ? En quoi les
personnes ressources peuvent-elles être aidantes pour l’ESI dans la création de sa posture
professionnelle ?
J’ai voulu restreindre cet axe à la psychiatrie de l’adolescent car elle comporte une
spécificité de prise en charge. En effet, il existe « une recrudescence d’une psychopathologie
plus bruyante, violente, parfois dépressive ou maniaque, persécutive, délirante au début de
l’adolescence »2. Le contact avec ces adolescents et la relation soignant/soigné peuvent donc
être différents à cause de leurs pathologies. C’est pourquoi je trouve qu’il y a un intérêt à
analyser cette particularité.
2
MAZET, Philippe. 2004. P.9
4
Selon les règles professionnelles infirmières, « l’exercice de la profession d’infirmier
est permis […] aux étudiants préparant le diplôme d’état pendant la durée de leur scolarité,
mais seulement dans les établissements […] agréés pour l’accomplissement des stages. »3.
Ces derniers vont lui permettre d’affiner son expérience professionnelle et ainsi lui permettre
d’élaborer son identité infirmière. L’étudiant pouvant accomplir, les actes et activités
infirmiers, il va pouvoir acquérir les compétences nécessaires tout au long de la construction
de son expérience professionnelle. En effet, le référentiel de formation précise que
« l’étudiant est amené à devenir un praticien autonome, responsable et réflexif, c’est à dire
un professionnel capable d’analyser toute situation de santé, de prendre des décisions dans
les limites de son rôle et de mener des interventions seul et en équipe pluri
professionnelle. […] L’étudiant développe des ressources en savoir théoriques et
méthodologiques, en habilités gestuelles et en capacités relationnelles. […] L’étudiant
apprend à reconnaître ses émotions et à les utiliser avec la distance professionnelle qui
s’impose »4. Ceci met en évidence que l’apprentissage est au cœur du dispositif de formation.
3
Code de la santé publique. Article R4311-12.
4
Ministère des affaires sociales et de la santé. Août 2009. P. 275.
5
Code de la santé publique. Article R4311-2.
6
Ministère des affaires sociales et de la santé. Août 2009. P. 271.
7
Code de la santé publique. Article R4311-5.
5
pluridisciplinaire de médiation à visée thérapeutique ou psychothérapique »8. Ceci doit être
réalisé « en application d’une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative
et quantitative, datée et signée […] »9. Toutes ces qualités, compétences et actes font partis
du métier et s’apprennent.
La difficulté pour l’ESI de jeune âge, d’adopter une distance professionnelle adaptée
avec des adolescents en psychiatrie.
8
Code de la santé publique. Article R4311-7.
9
Code de la santé publique. Article R4311-7.
10
INSEE, 2015.
11
AGENCE TECHNIQUE DE L’INFORMATION SUR L’HOSPITALISATION. 2015
12
ECOLE NATIONALE DE LA SANTÉ PUBLIQUE. 2000. P.12
6
Les étudiants infirmiers sont de plus en plus nombreux. En France, en 2014, il en a été
recensé 90 97613. D’après le DREES, chaque année, 322 instituts forment entre 17 et 417
infirmiers par année d’étude14. En 2016-2017, 30 997 étudiants ont été admis en 1ère année15,
dont 36,1% avait moins de 20 ans13. D’après la réglementation, pour avoir accès à la
formation, il faut avoir minimum 17 ans16. Chaque étudiant est amené dans son cursus
scolaire, à effectuer au moins un de ses stages, en santé mentale ou en psychiatrie. D’après le
référentiel de formation, « Quatre types de stage sont prévus, ils sont représentatifs de
‘familles de situation’ : […] soins en santé mentale et en psychiatrie : l’étudiant s’adresse à
des personnes hospitalisées ou non, suivies pour des problèmes de santé mentale ou de
psychiatrie »17. Il est donc à noter que la majorité des étudiants approfondissent peu le
domaine de la psychiatrie. De plus, au moment de faire leur stage, c’est un milieu qu’ils
découvrent pour la plupart. C’est lors de leurs études et en fonction des difficultés qu’ils
rencontrent, que les étudiants infirmiers construisent leur identité professionnelle.
13
SURBLED, Malika. Janvier 2016.
14
DREES. Janvier 2006. P. 2.
15
Code de la santé publique. Arrêté du 3 juillet 2015.
16
Code de la santé publique. Article 2. Arrêté du 31 juillet 2009.
17
Ministère des affaires sociales et de la santé. Août 2009. P. 282.
18
Ibid., P. 287.
19
Ibid., P. 271.
7
La problématique de la proximité d’âge entre le soignant et le patient adolescent n’est
que très peu évoquée par les professionnels de la santé. Seuls les jeunes étudiants et les jeunes
diplômés peuvent être concernés. Les seules références sur lesquelles nous pouvons nous
appuyer sont nos propres expériences professionnelles et celles de nos collègues. Lors de
discussions, il en est ressorti que l’identification ou la gène ressentie envers la personne
soignée, pouvaient être à l’origine de cette difficulté.
8
théories à ce sujet. La prise en charge est donc spécifique et décrite dans les publications de
l’HAS20 et du ministère des affaires sociales et de l’emploi21.
La deuxième spécificité de cet étudiant est son peu d’expérience professionnel. Il peut
donc être considéré comme novice, en quête de son identité professionnelle. Ces notions
sont reprises par Patricia Benner, formatrice en soins infirmiers à San Franciso et
théoricienne23, ainsi que Pascal Schindelholz, cadre de santé24, dans leurs travaux respectifs.
La distance professionnelle est un axe que j’ai choisi et qui est abordé par des
psychologues cliniciens comme Pascal Prayez25, Catherine Rioult26, Roland Nardin27 et la
psychothérapeute Catherine Deshayes28. Ces auteurs abordent ainsi les différents mécanismes
de défense développés par le soignant, les émotions ainsi que le tutoiement/vouvoiement.
La recherche de cette distance professionnelle se fait dans le but de pouvoir créer une alliance
thérapeutique efficace au travers d’une relation de confiance. Cette notion est rapportée par
3 soignants de psychiatrie pour adolescents qui se sont associés pour rédiger un article : la
cadre infirmier Joëlle Bastian et les deux infirmiers Jean-Luc Valdeyron et Véronique
Vaquier29. La psychanalyste Marguerite Charazac développe cette notion dans son article30.
Toutes ces idées font parties d’une notion appelée la relation soigné/soigné. Un des auteurs
les plus connus est l’ancien formateur en institut de soins infirmiers et psychothérapeute,
20
Haute autorité de santé. Décembre 2011
21
Ministère des affaires sociales et de l’emploi. 16 mars 1988
22
LE MALÉFAN, Pascal ; BENMUSSA, Stéphanie. 2008. P.82-89
23
BENNER, Patricia. 1995
24
SCHINDELHOZ, Pascal. 2005. P. 14-16 et SCHINDELHOLZ, Pascal. 2006. P. 58-60
25
PRAYEZ, Pascal. 2003 et PRAYEZ, Pascal. 2005
26
RIOULT, Catherine. 2001. P. 37-39
27
NARDIN, Roland. 2012. P. 9-10
28
DESHAYES, Catherine. 2013
29
BASTIAN, Joëlle ; VALDEYRON, Jean-Luc ; VAQUIER, Véronique. 2001. P.93-98
30
CHARAZAC, Marguerite. Septembre 2011. P. 82-86
9
Alexandre Manoukian, ayant rédigé un livre avec la psychologue Anne Massebeouf, intitulé
« La relation soignant-soigné » 31.
Quentin Debray, écrivain et psychiatre français, s’est penché sur la prise en charge
spécifique de l’adolescent en psychiatrie et ce que cela engendre dans la relation
soignant/soigné 32 . Le psychiatre, psychanalyste, directeur de l’institut de formation des
soignants en psychiatrie Laurent Morasz33 et Stéphane Tregouet34 se sont également penchés
sur la question. Jean-Pierre Dumont, Philippe Dunezat, Maryline Le Dez-Alexandre, Jacques
Prouff ont rédigé l’ouvrage « La psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent »35, et évoque bien
la spécificité de cette discipline en ajoutant le concept de vulnérabilité. Philippe Mazet a
quant à lui évoqué les difficultés et troubles à l’adolescence dans un ouvrage du même nom36.
31
MANOUKIAN, Alexandre et MASSEBOEUF Anne. 2015.
32
DEBRAY, Quentin. 1997
33
MORASZ, Laurent. 2012
34
TREGOUET, Stéphane. 2010. P. 24-26
35
DUMONT, Jean-Pierre ; DUNEZAT, Philippe ; LE DEZ-ALEXANDRE, Marylin ; PROUFF, Jacques. 2002
36
MAZET, Philippe. 2004
10
2 Phase exploratoire
37
OMS. Année
38
MAZET, Philippe. 2004. P. 20
39
BEDIN, Véronique. Avril 2009. P.14
40
Ibid., P.16
41
Ibid., P.16
42
Ibid., P.17
11
2.1.1.1.1.2 Processus de l’adolescence
L’adolescence est marquée par « deux « tâches développementales fondamentales […]
l’intégration du corps sexué pubère et la progressive autonomisation vis- à-vis des
parents »43. La puberté constitue de « profondes modifications physiologiques tant au niveau
général et sexuel qu’à un niveau plus général » 44 . Ces modifications ont évidemment
d’importantes répercussions psychologiques, « aussi bien au niveau de la réalité concrète
qu’au niveau imaginaire (conscient), fantasmatique (inconscient) et symbolique »45. « Chez
les filles, la puberté survient généralement entre 11 et 13 ans […] chez les garçon, la puberté
démarre plus tard. Les tout premiers signes apparaissent vers 12 ans et la puberté survient en
général vers 15 ans »46. L’adolescent peut alors être confronté à un sentiment d’impuissance
face à ces changements puisqu’il a besoin de se réapproprier son corps. En effet, le corps est
au cœur des conduites de l’adolescent, puisque c’est lors de cette période la vie que de
nouvelles peurs apparaissent comme la dysmorphophobie (crainte exagérée concernant
l’aspect du corps), l’érythrophobie (peur de rougir dans des situations d’intéraction sociales),
les problèmes de sommeil, de trouble des conduites alimentaires et les conduites à risques.
L’adolescence est donc marquée par un changement d’attitude et de comportement puisque la
« quête d’un espace personnel et de nouvelles limites entraînent l’émergence de nouvelles
conduites parmi lesquelles les conduites d’opposition occupent une place privilégiée »47. De
plus, c’est à cette période entre enfance et âge adulte que nous observons une « modification
des investissements, intérêts, projets et sources de plaisir »48, une « découverte du présent et
des incertitudes de l’avenir »49, et que l’adolescent se retrouve « face aux exigences […] du
milieu familial »50. En effet, l’adolescence est un moment complexe puisque survient la
« reviviscence de conflits psychiques infantiles non résolus, source de conflit entre des
pulsions contradictoires, de culpabilité ; la fragilité du sentiment identitaire, avec la nécessité
d’asseoir une image de soi satisfaisante, et de se montrer « à la hauteur » face aux autres ; la
propension de l’adolescent à recourir à l’agir face aux conflits psychique »51. L’enfant est un
être en voie d’autonomisation qui acquiert des compétences, c’est à dire, la « capacité à
43
MAZET, Philippe. 2004. P.21
44
Ibid., P. 21
45
Ibid., P. 21
46
BEDIN, Véronique. Avril 2009. P. 38-39
47
MAZET, Philippe. 2004. P. 24
48
Ibid., P. 22
49
Ibid., P. 23
50
Ibid., P. 23
51
Ibid,. P. 65
12
s’adapter à l’environnement, à s’adapter au maternage, mais aussi aptitude à se consoler, à
lutter contre le sentiment de désespoir, d’abandon » 52 . Il « possède des éléments
biographiques qui lui sont propres, un type de famille, un couple parental »53. A cela se
rajoutent des facteurs de risques tels que la séparation précoce, les carences affectives, les
sévices physiques et psychiques, la mésentente grave entre les parents, les mères immatures et
narcissiques, les « enfants-symptômes » porteurs des conflits psychiques inconscients des
parents, les « familles-problèmes » qui additionnent plusieurs de ces paramètres. Il construit
ensuite sa personnalité et devient plus ou moins vulnérable. Si l’on ajoute à cela la période de
remaniement de l’identité qu’est l’adolescence, nous comprenons la majoration des survenues
des psychopathologies telles que l’hospitalisme, les troubles psychiques, l’incapacité à
intégrer des situations différentes, enfant objet. « Le fonctionnement familial peut [donc]
favoriser les processus de l’adolescence ou les entraver »54. « Il y a donc un lien de continuité
entre son passé, ses conduites actuelles et l’adulte qu’il deviendra »55
52
DUMONT, Jean-Pierre ; DUNEZAT, Philippe ; LE DEZ-ALEXANDRE, Marylin ; PROUFF, Jacques. 2002.
P. 20
53
Ibid., P. 21
54
MAZET, Philippe. 2004. P. 26
55
DUMONT, Jean-Pierre ; DUNEZAT, Philippe ; LE DEZ-ALEXANDRE, Marylin ; PROUFF, Jacques. 2002.
P. 21
56
MAZET, Philippe. 2004. P. 63
57
Ibid., P. 63
58
Ibid., P. 63
59
Ibid., P. 62-63
13
Parmi tous ces comportements à risque, il existe des facteurs de gravité, en effet,
« l’important au point de vue pronostique est en effet que les comportements ne se figent pas,
que l’adolescent donne l’impression […] de pouvoir passer d’une attitude à une autre et que
les contradictions dans lesquelles il vit ne soient pas à l’origine d’angoisse ou de souffrance
trop vive, source alors de fuite ou de passage à l’acte répétitif »60.
60
MAZET, Philippe. 2004. P. 25
61
OMS. 2005. P. 15
62
MAZET, Philippe. 2004. P. 55
63
Ibid,. P.55
64
Ibid,. P. 58
65
Ibid., P. 60
66
Ibid., P. 59
14
va changer ; « l’adolescent dépend du secteur de psychiatrie adulte et non plus de celui de
psychiatrie infanto-juvénile […] cette rupture est vécue douloureusement par les adolescents
[…] Cela aboutit trop souvent à une rupture thérapeutique à un moment où justement
l’adolescent traverse une période de vulnérabilité »67. Il faut donc être attentif à ce risque
mettant en danger la relation soignant/soigné et la qualité des soins.
Nous avons tout d’abord parlé de l’adolescent à la recherche de son identité, mais nous
pouvons également parler de notre deuxième acteur identifié dans la question de départ,
l’étudiant.
15
infirmière qui l’aidera dans sa construction de son identité professionnelle »72. D’après Guy
Le Boterf, expert et directeur du cabinet Le Boterf Conseil ajoute, « le métier est source
d’identité. C’est une communauté d’appartenance et de compétences »73. Mais qu’est ce que
l’expérience professionnelle ? Heidegger et Gadamer, philosophes allemands, la définissent
comme « l’amélioration d’idées préconçues qui ne se sont pas confirmées par la situation
réelle. Ce n’est que lorsque l’événement améliore, élabore ou infirme cette prescience
(=connaissance antérieure) qu’il mérite le terme d’expérience »74.
72
SCHINDELHOZ, Pascal. 2005. P. 60
73
Ibid., P. 60
74
BENNER, Patricia. 2003. P. 8
75
PRAYEZ, Pascal. 2005. P. 115
76
Ibid., P. 9
77
Ibid., P. 109
78
MORASZ, Laurent. 2012. P. 99
16
fait qu’elle est accompagnée d’un mouvement d’identification croisée […] le patient confronté
à la faillite de ses systèmes défensifs habituels va ainsi projeter sur son interlocuteur les
contenus archaïques angoissants qu’il ne peut contenir et qui l’envahissent. Contenus que son
partenaire relationnel va accepter (inconsciemment) et lier à ses propres contenus
psychiques »79. On peut alors parler d’une sorte de « miroir déformant ». Il est à noter qu’en
milieu hospitalier, le concept de transfert « est trop souvent utilisé pour accuser un soignant
qui est considéré comme trop proche de ses malade, trop attentionné, trop humain. Par
conséquent, dans la mesure où ce terme est devenu une sorte de gros mot qui stigmatise un
soignant « coupable » de trop d’attachement, le mieux est de ne pas utiliser ce concept en
dehors du cadre précis de la psychothérapie »80. Freud avait également créé le terme de
« contre-transfert » ; repris par Kernberg, psychiatre disant que c’est « réaction affective
globale de l’analyste face au patient »81. Ce terme est donc précieux puisqu’il montre qu’il
permet au soignant une meilleure compréhension du patient, « c’est donc ce dernier terme
qu’il serait plus précis d’utiliser pour parler de l’implication du soignant par rapport à la
personne soignée »82. Malgré tout, il ne faut pas oublier que le rôle du soignant n’est pas de
rejeter tout signe rapprochement émotionnel avec le patient ; il doit « accepter d’être le
réceptacle des projections, en amour et en haine, que réalise le patient et que favorise le
dispositif » 83. La littérature ne parle cependant pas des avantages entre cette proximité d’âge
qui seraient bénéfiques autant pour le patient que le soignant. Alors y en a-t-il ?
Nous avons mis en parallèle les deux acteurs, nous pouvons à présent parler de leur
point commun, la vulnérabilité.
79
MORASZ, Laurent. 2012. P. 100
80
Ibid., P. 109
81
FORMARIER, Monique ; JOVIC, Ljiljana. Novembre 2012. P. 326
82
PRAYEZ, Pascal. 2005. P. 109
83
FORMARIER, Monique ; JOVIC, Ljiljana. Novembre 2012. P. 324
84
GODEAU Pierre. P.19
17
vulnérabilité de l’adolescent pouvait le mener à des conduites à risque. Tandis que l’étudiant
infirmier est en quête de son identité professionnelle. Il se retrouve confronté à la mort et à la
souffrance durant ses stages. De plus, l’ESI de jeune âge se trouve à la limite entre
l’adolescence et l’âge adulte. Il est ce que l’on pourrait appeler, un « adulescent ». Les
« adulescents » sont des « jeunes [qui] se situent dans la post-adolescence parce qu’ils sont
encore dans une phase d’aménagement de leur personnalité »85. C’est une période marquée
par « la nécessité de consolider la qualité du self, afin d’être soi-même »86. Nous pouvons
donc noter que cet « adulescent » est encore à la recherche de sa propre identité personnelle
puisqu’il se cherche psychiquement. Les deux protagonistes étant à la recherche de leur
identité, ils sont de ce fait vulnérables.
Ces données font que la relation soignant-soigné peut être mise à mal. Comment réagir
face à ces difficultés ? Nous avons pu étudier dans un premier temps, les deux acteurs, tous
deux en quête d’une identité. Nous parlerons donc à présent de la relation soignant/soigné.
85
ANATRELLA, Tony. 2003. P.37
86
Ibid., P.37
87
FORMARIER, Monique ; JOVIC, Ljiljana. Novembre 2012. P.115
88
BASTIAN, Joëlle ; VALDEYRON, Jean-Luc et VAQUIER, Véronique. 2001. P.96
18
rendre »89. Le don permet de créer une valeur spirituelle et une coopération. La confiance est
donc le socle de toute relation soignant/soigné.
Sans alliance thérapeutique, il ne peut donc pas y avoir de relation efficace entre le
soignant et le soigné et cela ne permettra pas d’assurer la qualité des soins. Parfois les outils
utilisés pour favoriser cette alliance sont mis à mal. Que faire ?
89
ALTER, Norbert. Quelle autre mobilisation ? 2002. P.264
90
FORMARIER, Monique ; JOVIC, Ljiljana. Novembre 2012. P. 66
91
MORASZ, Laurent. 2012. P.108
19
l’autre dépend de services pour sa vie quotidienne, voire sa survie »92. Comment parvenir à
créer une alliance thérapeutique ?
92
PRAYEZ, Pascal. 2005. P. 106
93
Ibid., P. 9
94
Ibid., P. 15
95
Ibid., P. 15-17
96
Ibid., P. 181
97
Ibid., P.118
98
Ibid., P.118
99
COSTES, Nathalie ; HAMON Florence. 2016. P.20
100
PRAYEZ, Pascal. 2005. P.118
20
à être au contact d’autrui en pleine conscience de la différence des places »101. Chacun a
donc sa propre définition de ce qu’est « la juste distance » et ajuste sa pratique en fonction de
son expérience professionnelle et du soigné avec qui il entre en communication.
La communication est un des axes qui peut permettre de créer une relation de
confiance, mais comment l’adapter au patient ?
101
PRAYEZ, Pascal. 2005. P. 213
102
Ibid., P.110
103
Ibid., P.106
104
Ibid., P.106
105
NARDIN, Roland. 2012. P.10
106
PRAYEZ, Pascal. 2005. P. 42
107
Ibid., P. 213
108
PHANEUF, Margot. Avril 2012. P. 18
21
humain et à la base de tous nos rapports en société »109. Certains outils sont à connaître afin
d’améliorer la communication entre le soignant et le soigné. La communication verbale : est
« vectrice d’information et de compréhension »110. « Il faut être attentif au choix des mots, à
la composition des phrases et à l’accord avec le contexte (appropriation du contenu et du
moment). Il faut aussi gérer les blocages et les interférences (gêne, timidité, bruits, technique
d’isolement…) »111. L’« usage systématique de la voix forte […] une façon de maintenir à
distance le patient »112. Ainsi, « parler à voix forte pour créer un cadre et rappeler ainsi que
nous intervenons en tant que soignant […], parler à voix modérée si l’on veut créer une
atmosphère de confiance et d’intimité respectueuse, même en restant professionnel »113. Nous
pouvons aussi utiliser un autre type de communication, la non verbale ; « qui se traduit par
des bruits, des expressions faciales, par notre maintien, notre démarche, par nos gestes et par
le toucher. Elle enrichie, précise, souligne et même vient parfois contredire notre propos
verbal »114. Elle est utilisée en parallèle des attitudes et comportements : comme l’écoute et le
partage de l’information. « L’écoute non verbale consiste en l’observation de ce qui se passe
pour l’autre, de ce qui se passe en soi et des réponses non verbales de l’autre »115. Il faut
toujours « agir en prenant conscience de notre façon de communiquer »116. Cela permet de se
remettre en question et de pouvoir modifier notre pratique afin de s’améliorer.
109
PHANEUF, Margot. Avril 2012. P. 45
110
Ibid., P. 59
111
Ibid., P. 59
112
PRAYEZ, Pascal. 2005. P.21
113
Ibid., P.21
114
PHANEUF, Margot. Avril 2012. P. 62
115
PRAYEZ, Pascal. 2005. P.21
116
Ibid., P.21
117
Ibid., P.116
22
plus important des interlocuteurs : c’est un signe de politesse, éventuellement associé au
respect d’une différence d’âge ou d’une différence de niveau hiérarchique. Par convention
sociale, le vouvoiement est souvent associé aux relations professionnelles. Il apparaît donc
logique de l’utiliser dans la relation de soin, pour tenir compte des habitudes sociales de la
langue française ainsi que du contexte hospitalier qui l’exige. Ce vouvoiement aide à se
positionner en tant que professionnel de santé, tout en préservant l’égalité des relations
malgré la dépendance du malade »118. Il serait donc normal de dire que le vouvoiement est de
rigueur puisqu’il permet notamment de « toucher lors des médiations corporelles, tout en
gardant une juste distance »119. Cependant, il ne faut pas « interpréter systématiquement le
tutoiement comme une perte de distance. Des particularités liées à la personnalité du patient,
aux habitudes du service, à l’histoire de la relation de soin elle-même justifiant parfois le
tutoiement », le tout étant d’être « capable d’expliquer pourquoi »120. Parfois, le tutoiement
est dit de sécurité comme par exemple lorsqu’il y a un « malade que l’on apaise uniquement
en utilisant le tutoiement. Le vouvoiement le met dans une grande colère et le rend
violent »121. Il ne faut donc pas oublier qu’il est nécessaire de proscrire « le tutoiement
d’infantilisation qui signe un manque de respect, le tutoiement de pseudo-camaraderie qui
veut faire oublier qu’on est pas à la même place et qu’on ne vit pas la même chose. Cette
complicité fictive peut être un refus d’entendre la souffrance de l’autre »122. De plus, « il est
peut-être plus utile d’apprendre à vouvoyer lorsqu’on est jeune professionnel, pour se
structurer dans sa posture de soignant, que lorsqu’on est plus âgé, déjà bien installé dans sa
professionnalité »123. Vouvoyer reste donc la règle première d’autant que « cela favorise […]
l’adhésion aux soins »124.
Nous avons vu que le tutoiement et le vouvoiement reste un sujet complexe. Cela ne peut-
il pas avoir des répercussions sur la qualité de la relation soignant/soigné et aller jusqu’à
dépasser le stade de l’empathie ?
118
PRAYEZ, Pascal. 2005. 116
119
Ibid., P.115
120
Ibid., P.117
121
Ibid., P. 118
122
Ibid., P. 117
123
Ibid., P.117
124
NARDIN, Roland. 2012. P.10
23
2.1.2.2.4 De l’empathie à la sympathie
L’alliance thérapeutique est essentielle pour effectuer des soins qu’ils soient éducatifs,
curatifs, puisqu’elle montre la confiance accordée au professionnel. On peut la définir comme
le fait de « passer de l’étape « relationnelle » à l’étape « collaborative » dans laquelle patient
et thérapeute collaborent activement pour résoudre les problèmes ou développer les projets
utiles pour la thérapie »125. Ensuite, nous pouvons aborder l’empathie du soignant. Qu’est-ce
que le concept d’empathie ? Morasz et Charazac s’accord sur le fait que l’empathie est une
émotion vécue par le soignant et qu’elle est « indispensable pour instaurer une alliance
thérapeutique »126. Morasz précise que « c’est donc une sorte de bienveillance professionnelle
qui permet de pénétrer humainement dans l’univers de l’autre tout en gardant son sang froid
et son objectivité »127. Tandis que Charazac détaille que cela « consiste tout d’abord à mettre
en évidence ses propres émotions, sentiments, pensées et hypothèses, puis à distinguer les
faits et leurs interprétations, ce qui vient de soi et ce qui est induit par la relation
thérapeutique »128. Ce concept a toute sa place dans les soins infirmiers car « des discussions
ont continué à porter sur l’équilibre entre d’une part, l’implication subjective ou affective vis-
à-vis des patients et d’autre part, une position plus objective ou professionnelle considérée
comme nécessaire pour optimiser la nature thérapeutique de la relation entre l’infirmière et
le patient »129. Jorland a lui une vision différente de l’empathie la met en parallèle avec la
sympathie, deux notions souvent confondues. « L’empathie consiste à se mettre à la place de
l’autre sans forcément éprouver des émotions, comme lorsque nous anticipons les réactions
de quelqu’un, la sympathie consiste inversement à éprouver les émotions de l’autre sans se
mettre nécessairement à sa place, c’est une contagion des émotions [… ]. Alors que la
sympathie est une relation affective, l’empathie est une relation cognitive »130. La sympathie
est donc un des risque lors d’une implication trop forte entre le soignant et le soigné, pouvant
altérer à long terme l’alliance thérapeutique et cette relation de confiance professionnelle.
Afin de pallier à ce risque, le soignant peut mettre en place des stratégies défensives ; « on
peut toucher quelqu’un en étant complètement absent de la relation »131.
125
CHARAZAC, Marguerite. Septembre 2011. P.82
126
Ibid., P.82
127
MORASZ, Laurent. 2012. P.107
128
CHARAZAC, Marguerite. Septembre 2011. P.82
129
FORMARIER, Monique ; JOVIC, Ljiljana. Novembre 2012. P.170
130
Ibid., P.171
131
PRAYEZ, Pascal. 2005. P.21
24
2.1.2.3 Etre soignant face à la souffrance de l’autre
Certains tentent consciemment ou non, de cacher leurs émotions. Mais comment font-
ils ?
132
FORMARIER, Monique ; JOVIC, Ljiljana. Novembre 2012. P. 165
133
Ibid., P. 165
134
Ibid., P. 165
135
Ibid., P. 165
136
Ibid., P. 214
25
supprimer toute modification susceptible de mettre en danger l’intégrité et la constance de
l’individu biopsychologique. Ils prennent souvent une allure compulsive et opèrent au moins
partiellement de façon inconsciente »137. Nous pouvons dire que ce sont des actes plus ou
moins conscients qui nous permettent de nous protéger en tant que soignant. C’est une sorte
de « carapace ». La liste de ces mécanismes de défense est non exhaustive, nous en citerons
donc quelques uns afin de pouvoir mettre des mots sur ce concept et se rendre compte de la
fréquence d’apparition de nos mécanismes de défense. Il existe donc entre autre, la
banalisation « mise à distance de la souffrance par une habituation progressive », la
technicisation « permet au professionnel de se réfugier derrière une technique, des actes »,
l’esquive/le mensonge « masquer la vérité pour éviter le conflit ou le rapprochement », la
fausse réassurance « évitant de prendre en compte la gravité », l’évitement « tenir la
souffrance à distance ». Les stratégies de mises à distance sont un type de mécanisme de
défense et « permettent d’effacer tout caractère intime de cette proximité physique non
voulue : […] évitement du regard »138. Nous terminerons en concluant que dans la mesure où
certains de ces mécanismes de défense peuvent être néfastes pour le patient, il est nécessaire
de pouvoir les identifier afin de les travailler pour ne pas qu’ils entravent la relation en place.
2.2.1.1 Objectif
Suite à l’élaboration de mon cadre conceptuel, j’ai pu cibler un objectif principal sur
lequel je me concentrerai lors de mes entretiens. En effet, c’est un aspect que je n’ai eu que
très peu l’occasion de développer au vu du peu de recherches trouvées. Ce que je veux donc
savoir c’est si la proximité du jeune âge entre soignant et soigné complexifie ou facilite la
relation. A travers mes lectures, j’ai pu comprendre que les étudiants infirmiers dits
« adulescents » et les patients adolescents, avaient, semblerait-il, un point commun qui serait
la vulnérabilité. C’est ce concept qui rendrait la relation compliquée, en plus d’une
identification. Mais pourquoi cette identification ? Je souhaite connaître le ressenti des
étudiants infirmiers lors de leur prise en charge d’adolescents malades.
137
FORMARIER, Monique ; JOVIC, Ljiljana. Novembre 2012. P. 214
138
PRAYEZ, Pascal. 2005. P.20
26
2.2.1.2 Choix de l’outil et des acteurs
Afin de réaliser mon enquête, j’ai choisi d’utiliser 3 entretiens semi-directifs, formels.
Cette méthode d’enquête est dite quantitative et donc plus pertinente dans le cadre de mes
recherches. Ceux-ci ont nécessité la réalisation d’un outil d’enquête. Pour cela, j’ai réalisé au
préalable un guide d’entretien. Je décide de réaliser des entretiens, ceci me permettant
d’obtenir le ressenti spontané de chaque personne interrogée lors d’un face à face. Ce moyen
va également me permettre de relever des points communs et des différences entre les dires
des personnes interrogées et faciliter mon analyse. Je choisis d’interroger des étudiants
infirmiers de 3ème année. En effet, ils ont à la fois une vision de novice, mais sont également
vers la fin de l’acquisition de leur posture professionnelle, de part leur niveau de formation.
Ils ont une vision différente de la relation soignant/soigné, plus aboutie et plus réfléchie qu’en
début de cursus. Il faut que ces étudiants aient moins de 21 ans afin de me reprocher de mon
objectif : la proximité d’âge entre le soignant et soigné avec l’adolescent. Je choisis également
de retenir des étudiants ayant été confronté au moins une fois à des adolescents au cours de
leur cursus de formation. Certaines des personnes interrogées auront réalisé un stage en
psychiatrie adolescents durant leur formation. Ceci me permettra de connaître les éventuelles
spécificités de la psychiatrie. Nous pourrons ainsi voir si c’est un facteur supplémentaire qui
complexifie la relation soignant/soigné. J’exclurai donc les étudiants de 1ère et 2ème année,
ceux ayant plus de 21 ans, ainsi que ceux n’ayant pas été confrontés à des adolescents lors de
leurs stages. Tous les étudiants interrogés feront parti de mon IFSI. En effet, cela facilitera
l’organisation de chacun et je ne pense pas que les réponses dépendront de la structure dans
laquelle les étudiants étudient.
139
Annexe 1
27
entretiens sont disponibles en annexe pour les ESI 1140, 2141 et 3142. Ils ont été d’une durée
chacun d’une quinzaine de minutes.
2.2.2 Analyse
2.2.2.1.1.1 En pédiatrie
Les ESI 2 et 3 sont les seules à être allées en pédiatrie générale lors de leur formation.
Elles abordent la question du tutoiement et du vouvoiement avec facilité. Pour l’ESI 3, le
tutoiement est « une évidence », de part leur proximité d’âge, ce que l’ESI 2 confirme « c’est
plus adapté dans ce service ». Pour l’ESI 3, « moi je tutoie quelqu’un qui a mon âge ».
2.2.2.1.1.2 En psychiatrie
Pour l’ESI 3, le vouvoiement est obligatoire, il lui a été imposé par les professionnels
de santé et elle l’accepte, disant « s’y être faite » et affirmant que c’est le service qui veut
cela. Pour l’ESI 2, le vouvoiement lui a été fortement conseillé par les professionnels de
santé, mais non imposé. Elle l’a choisi puisqu’elle pense que cela est nécessaire au vu de sa
140
Annexe 2
141
Annexe 3
142
Annexe 4
28
proximité d’âge avec les adolescents, de son statut d’étudiant, de son inexpérience dans ce
service et parce que c’est de la psychiatrie. Elle l’utilise également puisqu’elle n’avait « pas la
blouse pour faire la distance ». Toutes deux s’accordent à dire que le vouvoiement permet de
mettre une distance entre eux et l’adolescent et ainsi conserver un cadre. Pour l’ESI 2, la
distance c’est « la place à laquelle ils vont te percevoir justement comme une
professionnelle ». Malgré tout, elles ajoutent toutes deux que cela n’est pas naturel pour elle
de vouvoyer un patient de son âge. Pour l’ESI 3, « on est quand même en psychiatrie, ce n’est
pas des pathologies légères donc vraiment il fallait marquer une certaine distance avec eux ».
L’ESI 1 qui n’a été confrontée à des adolescents en psychiatrie qu’aux urgences,
avoue les tutoyer. Selon elle cela « instaure le contact plus facilement ». L’ESI 2 et 3 mettent
donc en avant que le fonctionnement de la psychiatrie est différent d’un autre service, puisque
principalement axé sur le côté relationnel. Tandis que pour l’ESI 1, tutoyer le patient c’est
enlever « notre barrière de soignant pour l’aider dans sa détresse », afin de le mettre à
distance.
29
éprouver des difficultés à être confronté à des personnes de son âge et ainsi à trouver une
distance professionnelle adaptée.
30
un manque de connaissances et une immaturité qui le pénalisent dans la réalisation d’une
relation de confiance. En effet, comme le dit Schindelholz, c’est en stage que l’étudiant
« interprète lui-même les apports théoriques reçus à l’institut de formation en soins
infirmiers ». Or la relation de confiance est « l’acceptation par un individu de s’exposer à
l’opportunisme de l’autre »144.
Comme le dit l’ESI 3, la psychiatrie est basée principalement sur un soin technique : le
relationnel. En effet, l’adolescent atteint de troubles psychiatriques va avoir un travail de
construction identitaire d’autant plus important qu’un adolescent qui n’est pas malade. Il est
144
FORMARIER, Monique ; JOVIC, Ljiljana. Novembre 2012. P.115
145
Ibid., P.170
31
vrai que cette maladie « s’oppose aux aspirations d’indépendance de l’adolescent ; au
moment où il tente d’échapper peu à peu à l’autorité parentale, il reste soumis à une certaine
autorité médicale »146. Le relationnel entre le patient et le soignant est donc très important et
sera déterminant pour l’acceptation des soins de l’adolescent. C’est pourquoi, ce service est
d’autant plus complexe pour un soignant qui se cherche personnellement.
L’ESI 2 a une vision intéressante du tutoiement. Lors de son entretien elle avançait
qu’en psychiatrie, seuls les adultes pouvaient se permettre de tutoyer les patients. Elle sous
entend que pour utiliser le tutoiement il faut être professionnel. Mais pourquoi ? Nous
pourrions penser qu’une fois professionnel de santé, le vouvoiement, utilisé comme
mécanisme de défense, comme « carapace » n’a plus lieu d’être. Ce qui nous fait penser que
le vouvoiement était utilisé en tant que mécanisme de défense, se confirme par la définition de
Braconnier qui dit que c’est ce qui « englobe tous les moyens utilisés par le moi pour
maitriser, contrôler, canaliser les dangers externes et internes »147. L’ESI met donc en avant
que c’est le statut d’étudiant, et donc de novice, qui empêche l’utilisation du tutoiement et
rend la relation complexe. Elle associe le tutoiement avec une certaine proximité du patient,
comme quelque chose qui la rapproche et qui ne serait pas concevable car non maitrisé par le
manque d’expérience de l’étudiant.
146
MAZET, Philippe. 2004. P. 55
147
FORMARIER, Monique ; JOVIC, Ljiljana. Novembre 2012. P. 214
148
SCHINDELHOZ, Pascal. 2005. P. 59
32
propre identité professionnelle. D’après Prayez, le tutoiement est autorisé dans le cadre d’un
patient enfant et d’un soignant adulte. Cependant, il se pose la question dans la situation du
patient adolescent et de l’étudiant infirmier « adulescent », terme utilisé par Matrella. En effet,
ces deux personnes se trouvent entre l’enfance et l’adolescence, engendrant une possible
confusion entre relation d’empathie et relation de sympathie. C’est alors qu’entre en jeu la
notion de distance, précédemment évoquée.
L’ESI 3 avance une notion encore non développée dans mon cadre conceptuel : celle
de la durée de séjour. Elle semble affirmer que cette durée influence la qualité de la relation
soignant/soigné. Dans ce type de service, les durées de séjour étant dans la plupart des cas
relativement courtes, « c’est moins grave si on fait une erreur dans le relationnel mais comme
ils restent moins longtemps il y a moins d’impact qu’en psychiatrie »149. Cependant, Freud
annonce que sans alliance thérapeutique entre les deux protagonistes, aucun soin de qualité ne
peut être réellement fait. Nous pouvons en déduire que la posture qu’adopte le soignant est
importante quelle que soit la durée de séjour. Plus la durée est courte, plus la relation de
confiance doit être mise en place rapidement. En revanche, il est vraiment que plus la durée
de séjour est grande, plus la relation soignant/soigné peut se modifier, évoluant vers de la
sympathie. D’après Prayez, si le tutoiement n’est pas signe de camaraderie et qu’il inclue le
respect entre le soignant et le soigné, il n’y a pas de raison de ne pas l’appliquer.
149
Annexe 4
150
Annexe 2
151
Annexe 2
33
l’étudiant utilise un moyen de communication différent qu’en l’absence des parents : le
vouvoiement. Nous pouvons donc nous interroger sur ce changement. L’étudiant se retrouve
dans une situation qu’il peut assimiler à la vie de tous les jours. Les parents semblent être une
figure d’autorité et l’étudiant semble mal à l’aise face à cela, peur de se tromper, peur de mal
faire. Malgré tout, l’étudiant est en cours de formation et apprend de ses erreurs mais il peut
craindre une perte de crédibilité dans son rôle de soignant ou au contraire, vouloir s’affirmer
comme quelqu’un de responsable. Tout cela fait écho à la construction identitaire de
l’étudiant, aussi bien personnelle, que professionnelle, c’est-à-dire, sa co-identité. Il paraît
évident que le soignant en devenir apparaît comme quelqu’un de vulnérable.
Chacun ayant sa justification à son moyen de communication. J’en déduis qu’il n’y a
pas de bonne ou de mauvaise façon de faire, pas de règle, mais plutôt des recommandations
ou des habitudes de service. Chacun doit s’adapter au patient face à lui et aux attentes du
service dans lequel il se trouve.
34
en fait de la notion de relation de sympathie. Tout ce qui peut être un avantage, cité dans la
partie précédente, peut également devenir un inconvénient. En effet, le manque d’expérience
de l’étudiant peut le mettre en port- à-faux vis-à-vis des patients puisque leur proximité d’âge
peut créer une gêne dans le fait que la relation patient/soignant devrait être asymétrique. Le
soignant doit alors imposer un cadre à une personne de son âge, ce qui n’est pas toujours
évident. Tout cela allant dans le sens de Prayez qui ajoute que l’étudiant peut « avoir du mal à
trouver sa place par rapport aux jeunes […] proche en âge, dans la façon de
communiquer »152. Les étudiants ont peur de « s’identifier » aux patients, preuve que cette
notion est peu connue et souvent mal interprétée puisque dans leurs entretiens, nous pouvons
remarquer qu’elles s’identifient parfois inconsciemment aux patients et ce n’est pas toujours
un inconvénient.
La proximité d’âge peut aussi être un facteur de gêne lors de certains soins,
notamment lorsque l’on rentre dans l’intimité du patient, ou au contraire certains trouveront
des mécanismes de défense afin de détourner la situation et la rendre plus agréable. En effet,
nous avons pu voir grâce à Mazet, que l’adolescence est la période de la puberté, où
l’adolescent découvre son nouveau corps. Nous pouvons donc dire qu’il est compliqué pour
ce patient, de devoir s’exposer physiquement aux yeux des adultes. Si nous partons du
principe que c’est l’étudiant infirmier « adulescent » qui rentre dans son intimité, ceci peut
devenir encore plus gênant, ce qui renvoi les deux protagonistes à un phénomène
d’identification, d’intimidation, et ne permettra pas d’effectuer la tâche souhaitée. En
revanche, nous pouvons également imaginer que « l’adulescent » étant lui même passé par ses
périodes, et étant un futur professionnel de santé, peut mettre à profit ses qualités d’empathie.
Si cela n’est pas possible, il ne faut pas oublier qu’il vaut mieux déléguer, pour le bien être du
patient et de l’étudiant.
152
PRAYEZ, Pascal. 2005. P. 115
35
l’adolescent et de l’étudiant infirmier. Celui-ci n’ayant pas été identifié par les ESI. Cela
vient-il d’une mauvaise formulation ? D’un manque de précision ? Je peux également ajouter
que lorsque les ESI ont parlé à tour de rôle du concept de posture professionnelle, j’aurais dû
leur demander ce qu’ils entendaient par là puisque j’ai observé lors de mon analyse que la
définition ne devait pas être semblable, au vu de l’utilisation de ce mot-clef.
Si je reprends les critères d’inclusion et d’exclusion que j’ai choisi très ciblé, je pense
que cela m’a apporté un plus, puisque j’ai pu en déduire que la psychiatrie est une spécificité
à part entière. L’analyse m’a permis de dégager de nouveaux concepts, et m’amène à me
poser de nouvelles questions.
3 Problématique
Pour effectuer ce mémoire de fin d’études, je suis partie d’une situation vécue en stage
pour laquelle j’ai rencontré des difficultés relationnelles avec un adolescent en psychiatrie.
Suite à l’analyse de cette situation et à l’élaboration d’un questionnement, j’ai pu identifier le
problème, que j’ai ensuite généralisé. C’est à partir de là que j’ai construit ma question de
départ. Pour rappel, celle-ci était « En quoi la proximité de l’âge entre l’étudiant en soins
infirmiers et l’adolescent en secteur psychiatrique, peut impacter la juste distance
professionnelle indispensable à la création d’une alliance thérapeutique ? ».
J’ai donc commencé par identifier les mots-clefs de cette question : proximité d’âge,
adolescence, étudiant infirmier, psychiatrie, distance professionnelle, alliance thérapeutique.
Ceux-ci m’ont ensuite aidé à trouver des lectures dans lesquelles divers auteurs donnaient
36
leurs différents points de vue. Ces lectures m’ont permis d’affirmer que la posture
professionnelle que l’étudiant choisit, va avoir une influence sur la relation soignant/soigné.
Cette dernière concerne l’attitude, le comportement, la communication que l’étudiant adopte
lorsqu’il se comporte en professionnel de santé. La proximité d’âge qu’il a avec le patient
risque de le faire basculer dans le copinage, il doit alors y prêter attention afin de rester
professionnel et que cela n’influe pas négativement sur la prise en charge. La proximité d’âge
pouvant être un avantage ou un inconvénient dans la construction de sa posture et identité
professionnelle.
J’ai alors orienté mes recherches vers un nouveau concept en lien avec l’âge jeune des
étudiants sortis tout juste de l’adolescence eux même : « l’adulescence ». Cette notion m’a
permise de prendre en compte que l’étudiant infirmier est un novice professionnellement
parlant, mais qu’il faut également prendre en compte sa personnalité, c’est-à-dire qu’il se
trouve, tout comme le patient adolescent, dans une phase compliquée, située entre
l’adolescence et l’âge adulte. C’est donc le moment dans lequel il construit son identité
personnelle mais aussi son identité professionnelle. J’ai découvert que l’étudiant infirmier
adulescent construit ainsi sa co-identité, facteur de difficulté lorsque l’on doit s’imposer en
tant que futur professionnel. J’ai aussi pu mettre en lumière un point commun entre
l’adolescent et l’ESI : la vulnérabilité, en lien avec la construction identitaire de chacun des
protagonistes.
Suite à ces lectures, certaines de mes interrogations sont restées sans réponses,
notamment le fait de comprendre si la proximité du jeune âge entre soignant et soigné
complexifie ou facilite la relation soignant/soigné. J’ai décidé de réaliser une enquête
qualitative, me permettant de confronter le résultat de mes lectures, à la pratique et au ressenti
d’étudiants infirmiers de 3ème année.
Mes 3 entretiens m’ont permis de confronter les différents avis de chacun et ainsi
d’apporter d’autres éléments jusque-là inconnus. C’est grâce à ces entretiens, que j’ai pu
constater que les étudiants se sentent concernés par cette problématique de la proximité de
l’âge avec les personnes prises en charge et que chacun, de par sa singularité, se comporte
différemment mais que les professionnels de santé qui nous encadrent ont un rôle important
face à leurs difficultés. Ils m’ont permis de dégager que la proximité d’âge entre l’étudiant
infirmier et le patient adolescent, comportait des avantages et des inconvénients. Parmi les
37
avantages identifiés, je note qu’être de la même génération peut aider sur la recherche de
centres d’intérêts communs, ainsi faciliter la communication et favoriser la mise en place
d’une relation de confiance. Paradoxalement, l’identification, concept souvent développé par
les étudiants interrogées se trouve être autant bénéfique, qu’une difficulté, selon la situation.
En effet, elle peut mener à une meilleure compréhension du patient, à de l’empathie chez le
soignant et à contrario, provoquer de la gêne des deux côtés lors de certains soins. Il faut
également savoir que l’identification peut être source de difficulté puisqu’il est plus
compliqué de maintenir une relation soignant/soigné asymétrique et devoir imposer un cadre
n’est pas facile. Concernant les inconvénients je peux faire part que la trop grande
compréhension du patient peut faire passer le soignant non plus dans de l’empathie mais dans
de la sympathie. La crédibilité de l’étudiant peut être mise à mal puisque devoir imposer un
cadre lorsque l’on est trop proche du patient est complexe. Le patient est là pour être soigné et
c’est ce qui risque d’en pâtir.
38
fait qu’elles vouvoyaient les adolescents même si cela était peu naturel. Elles ont assimilé la
distance professionnelle à une barrière physique qu’elles mettent avec le patient. J’ai alors pu
me poser la question et mettre en lien une éventuelle peur de la maladie psychiatrique avec cet
éloignement physique du patient. Mais pourquoi ? Est-ce facilitant ? Cela leur permet-il de
mieux gérer leurs émotions ? Est-ce un moyen de contrer une identification ? Un moyen de se
protéger ? Y a-t-il un lien avec leur construction identitaire ? J’ai donc décidé de cibler la
suite de mon travail sur ce sujet.
Toute cette démarche m’a permise de conserver la même population cible : les
étudiants infirmiers et les adolescents, mais aussi de conserver le champ d’action de la
psychiatrie, puisque c’est ce qui a continué d’attirer mon attention à la suite de mon analyse
lors de ma phase exploratoire. Le jeune étudiant infirmier avec proximité d’âge du patient
adolescent est devenu l’étudiant infirmier « adulescent », supposant donc la proximité d’âge
et précisant l’ambiguïté de l’âge de l’étudiant entre l’adolescence et l’âge adulte.
4 Question/Hypothèse de recherche
39
Conclusion
40
Si j’envisageais de poursuivre mon travail à l’aide de cette question de recherche, je
m’orienterais vers l’utilisation de plusieurs mots-clefs : vouvoiement, patient adolescent,
étudiant infirmier adulescent, psychiatrie, construction identitaire. Je me questionnerais sur la
représentation de la psychiatrie et de la maladie psychique pour l’étudiant infirmier tout en me
demandant, quel est l’intérêt pour l’étudiant de vouvoyer l’adolescent en psychiatrie, quelles
sont les représentations du vouvoiement, ce que cela implique dans une relation
soignant/soigné et bien sur quelle est la place de la construction identitaire respective de
l’étudiant et de l’adolescent dans le choix de la communication et plus précisément, de
l’utilisation du vouvoiement ?
41
Bibliographie
Code de la santé publique. Arrêté du 3 juillet 2015 fixant le nombre d'étudiants à admettre en
première année d'études préparatoires au diplôme d'Etat d'infirmier au titre de l'année scolaire
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https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2016/7/18/AFSH1620277A/jo
Code de la santé publique. Article 2. Arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat
d'infirmier. Version consolidée au 16 octobre 2016 [en ligne]. Disponible à l’adresse :
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Sites internet
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drees-qui-sont-les-etudiants-en-soins-infirmiers.html
Ouvrages
DEBRAY, Quentin. Soins infirmiers aux adolescents et aux adultes atteints de troubles
psychiatriques. Paris : MASSON, 1997. ISBN : 2225830703.
43
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Paris : BROCHÉ, 2013. ISBN : 9782729613112.
PRAYEZ Pascal. Julie ou l’aventure de la juste distance : une soignante en formation. Paris :
LAMARRE, 2005. ISBN : 9782850309618.
Articles
ALTER, Norbert. Quelle autre mobilisation ? Revue du Mauss, 2002, n°20. ISSN :
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DREES. Les étudiants en soins infirmiers en 2004. Etudes et résultats [en ligne]. Janvier
2006, N° 458, p.2. Disponible à l’adresse : http://drees.social-
sante.gouv.fr/IMG/pdf/er458.pdf
LANGLOIS, Géraldine. De l’émotion dans le soin. L’infirmière magazine, août 2010, n°262,
P.22-26
Autres
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Annexe I : Guide d’entretien
Introduction :
Etudiante infirmière de 3ème année, je dois réaliser un travail dans le cadre de mon mémoire de
fin d’étude, celui-ci portant sur la prise en charge des adolescents en psychiatrie. Afin de
faciliter la retranscription de l’entretien, je vous demande l’autorisation de l’enregistrer.
Objectif :
Ce que je veux savoir c’est si la proximité du jeune âge entre soignant et soigné complexifie
ou facilite la relation. Je souhaite connaitre le ressenti des étudiants infirmiers lors de leur
prise en charge d’adolescents malades.
Questions :
3. Avez-vous vécu différemment la prise en charge d’un adolescent que d’un adulte (au
niveau relationnel) ?
− Si oui, pourquoi ?
− Voyez-vous des avantages ou des inconvénients de travailler auprès des
adolescents lorsque l’on est un jeune étudiant ?
− Qu’avez-vous ressenti fac e à un adolescent ?
− Comment vous êtes vous comporté ? Dans la façon de communiquer ?
Les émotions ?
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Annexe II : Verbatim de l’entretien n°1 avec l’ESI 1
Introduction :
Etudiante infirmière de 3ème année, je dois réaliser un travail dans le cadre de mon mémoire de
fin d’études, celui-ci portant sur la prise en charge des adolescent. Afin de faciliter la
retranscription de l’entretien, je te demande l’autorisation de l’enregistrer. Je précise
également que cet entretien sera utilisé de manière anonyme.
« Alors je suis allée en soins de suite et palliatif, en EHPAD (Etablissement pour personnes
âgées dépendantes), en chirurgie orthopédique, en psychiatrie adulte en secteur fermé, aux
urgences (pédiatriques, psychiatriques), en réanimation néonatale, en cardiologie, et en
gastrologie. »
« J’étais en chirurgie orthopédique, j’ai pris en charge un jeune homme de 17 ans et qu’est
ce que je peux te dire d’autre… »
« J’avais la vingtaine. »
« Ah oui ! Ma plus grosse difficulté était que je ne savais pas s’il fallait que je le tutoie ou que
je le vouvoie. Je ne savais pas comment me comporter. Quand ses parents étaient là je le
vouvoyais, mais lui me tutoyait aussi spontanément. Et du coup je pense aussi que je le
tutoyais aussi quand on était que tous les deux parce qu’il me parlait comme à une pote. »
« Je ne savais pas comment faire. Quand j’étais observée j’utilisais le vouvoiement et une
attitude professionnelle et quand on était que tous les deux je le tutoyais et je lui parlais
comme si c’était un ami. »
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Et avec du recul aujourd’hui tu réagirais différemment ?
« Je garderais une posture professionnelle et surtout la distance qu’il faut, ce ne serait pas
mon pote et je le vouvoierais. »
« On se faisait des blagues et ce sont des choses qu’on ne ferait pas du tout. Avec
l’expérience, je pense qu’il ne devait pas me prendre comme une vraie soignante et qu’on
perd un peu en crédibilité. »
« Le fait qu’on ait peu d’écart d’âge, pour moi je projette le fait que ce soit comme un ami. Je
n’avais pas cette notion de patient/soignant. Comme c’était sa première expérience à
l’hôpital, j’étais peut être une figure rassurante. A cause de notre âge proche, je m’identifiais
un peu à lui. »
« Aucune de mon côté mais il venait plus vers moi, je pense que j’étais sa figure de confiance
et que ça excluait peut être le reste de l’équipe. Dès qu’il y avait un truc à faire avec lui, je le
faisais. »
3. As-tu vécu différemment la prise en charge d’un adolescent que d’un adulte au
niveau relationnel ?
« Oui, je m’identifiais à lui et du coup je le prenais comme un ami, ce que je ne ferais pas
avec un adulte. J’étais beaucoup moins gênée parce que j’avais l’impression qu’il ne me
jugeait pas. Le fait d’avoir le même âge instaure un climat de confiance. Je pense aussi que
l’adolescent est dans une période complexe qui rend la prise en charge plus compliquée, il est
je sais pas… plus vulnérable au milieu extérieur je dirais… Il construit sa propre
personnalité et se retrouve hospitalisé dans un monde qu’il ne connaît probablement pas. Il
se retrouve confronté à une possible perte d’autonomie et ça peut être compliqué à accepter.
»
Vois-tu des avantages et des inconvénients à travailler auprès d’adolescents lorsque l’on
est un jeune étudiant ?
« Alors en avantages je pense que ça met plus en confiance et on est plus à l’aise du coup
même si on fait une erreur on le prend à la rigolade et on apprend sereinement. Cependant il
y a aussi des inconvénients. Je me dis qu’on est encore trop immature pour trouver tout de
suite la juste distance à avoir, comment se positionner en tant que professionnel. De base, on
a déjà du mal à trouver sa posture de soignant, du coup ça rajoute une difficulté. Je pense
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aussi que l’on peut rencontrer de la gène dans certaines situations à cause de la proximité
d’âge et de la proximité parfois nécessaire dans les soins. »
Et lors de ton stage aux urgences pédiatriques. As-tu été confronté à des adolescents ? Si
oui, comment te comportais-tu avec eux ?
« Aux urgences psychiatriques, je tutoyais les adolescents. En psychiatrie, ils sont en crise
alors le tutoiement permet d’enlever le côté « hôpital/institution » et le jeune psy s’identifie
plus et on est davantage en confiance. On enlève notre barrière de soignant pour l’aider dans
sa détresse et avec les adolescents je trouve que ça instaure le contact plus facilement. »
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Annexe III : Verbatim de l’entretien n°2 avec l’ESI 2
Introduction :
Etudiante infirmière de 3ème année, je dois réaliser un travail dans le cadre de mon mémoire de
fin d’études, celui-ci portant sur la prise en charge des adolescent. Afin de faciliter la
retranscription de l’entretien, je te demande l’autorisation de l’enregistrer. Je précise
également que cet entretien sera utilisé de manière anonyme.
« En premier j’ai fait l’EHPAD en unité Alzheimer, après j’ai fait la cardiologie ici, après je
crois que j’ai fait la psychiatrie adolescents, après j’ai du faire la salle de naissance, MPR de
nuit, de la néonat’, de l’oncologie, la PMI, la pédiatrie. »
2. Ma deuxième question sera, raconte moi ta 1ère expérience de prise en charge d’un
adolescent malade.
« Je pense que ça devait être en stage en psychiatrie pour adolescents, j’imagine que c’était
la première fois où j’étais confrontée à des adolescents. »
« Oui, dernier stage. De ce que je me souviens, la chose qui m’a le plus pas dérangé mais
pour laquelle j’ai eu du mal c’est qu’ils avaient entre 14 et 19 ans et pendant ce stage là, moi,
j’avais 19 ans. Et j’avais beaucoup de mal avec le tutoiement, le vouvoiement et j’arrivais pas
à me positionner et je m’obligeais à les vouvoyer pour mettre la distance mais quand je
commençais à leur parler de manière un peu naturel, je faisais n’importe quoi, je mettais du
tutoiement, du vouvoiement, je me mélangeais. J’étais gênée de faire ça mais j’avais
beaucoup de mal à rester sur le vouvoiement avec des personnes qui avaient mon âge et qui
savaient que j’avais le même âge qu’eux. En plus de ça, en psychiatrie, on a pas la blouse
pour faire la distance du coup vraiment j’avais du mal sur la posture etc., j’essayais par mon
vocabulaire de mettre la distance mais c’est pas facile. C’est la difficulté dont je me souviens
le plus comme ça à la rigueur avec du recul, ce qui me marque le plus. »
« Non non je pense pas fin, à un moment donné y a une des patientes qui a dit « mais moi ça
me dérange pas si vous me tutoyer ». Après non, il fallait vraiment les limites. »
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Et c’est quoi qui imposait le vouvoiement ?
« C’est le service et la proximité d’âge. Je me souviens qu’il y avait une personne qui
travaillait là bas en psychiatrie qui les tutoyait, mais elle était plus âgée, elle avait pas besoin
de passer par le vouvoiement pour mettre cette distance. »
A plusieurs reprises tu parles de « mettre de la distance », mais pour toi, qu’est-ce que
cela signifie ?
« Et bien, pour les adolescents, c’est la place à laquelle ils vont te percevoir justement comme
une professionnelle et pas comme une amie. C’est la distance qui fait que le patient va pas
nous raconter sa vie mais que s’il ressent le besoin, il sait quand même qu’il peut se confier à
nous. Il nous associe du coup à de la bienveillance, et au secret professionnel. »
Très bien, et du coup tu penses que le vouvoiement t’aidait à mettre une distance ?
« Je pense que moi j’en avais besoin et les infirmières qui m’encadraient me le conseillaient
très très fortement. C’était plus qu’un conseil, c’était pour moi vraiment mieux de les
vouvoyer même si c’était pas une obligation dans le service. Mais par rapport à mon statut de
stagiaire, mon âge, mon inexpérience dans le service, j’étais en quelque sorte obligée de les
vouvoyer. »
3. As-tu vécu différemment la prise en charge d’un adolescent que d’un adulte, au
niveau relationnel ?
« Ah oui, c’est sûr ! En psychiatrie c’est beaucoup de relationnel, parce qu’au niveau des
soins, je pense que la prise en charge est plus similaire. Parce que voilà on explique plus les
soins avec un vocabulaire adapté selon l’âge. Mais en psychiatrie dans mon cas, c’était très
différent. On utilise une conversation lambda comme médiateur pour voir leur état à un
moment précis donc on ne va pas utiliser les mêmes sujets de conversation, ils n’ont pas du
tout les mêmes centres d’intérêt. Je me souviens qu’un jour j’ai retrouvé un adolescent avec
une adolescente dans la même chambre, c’est pas les mêmes problèmes qui se posent à
l’adolescence et à l’âge adulte, c’est pas les mêmes réflexions et c’est à prendre en compte
dans la prise en charge. »
« Parfois ça débordait de leur côté, pas de mon côté. C’était clair, c’était des patients, je
savais très bien pourquoi ils étaient là chacun, clairement c’était des patients. On avait le
même âge mais moi j’avais pas les mêmes problèmes qu’eux donc je me mettais pas trop à
leur place non plus. Mais de leur côté je me souviens, y a un jeune qui voulait me faire des
« check », mais je le regardais je lui disais à non pas avec moi ! Il pouvait le faire avec les
autres mais pas avec moi. C’est vrai que parfois oui ils essayaient un peu de faire copains,
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copines mais moi j’étais un peu rabat-joie. Parce qu’après on a plus d’autorité, on a plus
rien, c’est plus possible. Ils essayaient pas qu’avec moi en même temps donc c’est peut-être le
fait d’être adolescent et de faire copains, copines, pas forcément parce que j’ai le même âge.
Mais de mon côté ça facilite qu’ils aient le même âge parce que du coup on est plus ou moins
de la même génération et du coup ce que je vais pouvoir leur dire ce sera peut-être plus
pertinent que quelqu’un de 40 ans qui n’est plus de la même génération. On va peut-être
mieux se comprendre sur des codes identiques. Ils regardaient tous la téléréalité et même si je
regarde pas, je connais. »
« C’est quand même plus dur d’avoir justement cette autorité et il faut soit même être déjà
assez rigoureux pour pouvoir faire face à ça je pense. J’assistais à des entretiens avec leurs
parents, le psychiatre, si j’ai le même âge, je suis pas comme sa copine, son frère ou sa sœur,
je suis vraiment dans un rôle de professionnel. Je pense qu’il faut avoir le recul nécessaire
pour rester à sa place mais c’est un peu plus difficile d’avoir le même âge. Fin surtout, des
jeunes. Si on a 40 ans avec un patient de 40 ans je pense pas que ce soit très gênant, c’est
plutôt quand on est jeune. Mais au final j’avais peut-être plus d’appréhension, ça s’est pas si
mal passé que ça fin je pensais que ça serait plus difficile que ça. Il suffit vraiment de rester
dans sa position de professionnel, de son statut, on est pas patient, on est étudiante
infirmière, on sait pourquoi on est là et au final y a des difficultés mais plus petites que ce que
je ne pensais. »
Tu m’as dit tout à l’heure qu’en psychiatrie tu vouvoyais les patients, mais en pédiatrie
alors ?
« Je me forçais à les tutoyer, je pense que le tutoiement est plus adapté dans ce service, même
chez les adolescents. Je pense que ça me rendait plus crédible aussi, ça me grandissait un
peu. Tout le monde les tutoyait de mémoire, ça aurait fait bizarre que je les vouvoie ! »
« Merci à toi. »
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Annexe IV : Verbatim de l’entretien n°3 avec l’ESI 3
Introduction :
Etudiante infirmière de 3ème année, je dois réaliser un travail dans le cadre de mon mémoire de
fin d’études, celui-ci portant sur la prise en charge des adolescent. Afin de faciliter la
retranscription de l’entretien, je te demande l’autorisation de l’enregistrer. Je précise
également que cet entretien sera utilisé de manière anonyme.
« J’ai fait beaucoup de stages au niveau du pôle mère-enfant, maternité, pédiatrie, crèche,
psychiatrie de l’adolescent. Après tout ce qui est hors du pôle mère-enfant j’ai fait de
l’USLD, l’UHCD, HDJ pluridisciplinaire, MPR, bloc opératoire/équipe d’hygiène. »
« C’est très particulier parce que quand on m’a présenté au premier adolescent que je devais
prendre en charge, il a refusé la prise en charge. C’était un adolescent psychotique, donc elle
m’avait déjà expliqué que ça allait être un peu particulier (l’IDE), je ne savais pas
exactement à quoi m’attendre mais elle (l’IDE) lui a dit « X. est ce que tu veux qu’A. te
prenne en charge, tu as le droit de dire non ». Elle a bien insisté sur le fait qu’il avait le droit
de dire non et à force d’insister, il a dit non mais surtout parce qu’il avait l’impression que
c’était quelque chose de négatif d’être pris en charge par un étudiant. »
Donc la première fois que t’as pris en charge un adolescent c’était en psychiatrie de
l’adolescent ?
« Ah oui enfin pris en charge un adolescent tout court ? Ah non c’était en pédiatrie, c’était
une TS, donc forcément c’était compliqué au niveau de la prise en charge parce que moi
même j’avais 18 ans donc au niveau du positionnement c’était assez particulier surtout que là
bas on tutoyait alors qu’en psychiatrie de l’adolescent on refuse le tutoiement, c’est assez
accès sur le vouvoiement, fin c’est même obligatoire. »
« Non au contraire c’était une évidence parce que moi je tutoie quelqu’un qui a mon âge, fin
qui a sensiblement mon âge parce qu’au final il avait 16 ans ou 17 ans, ils ont l’âge de mes
frères et sœurs, donc moi c’était évident de les tutoyer. Par contre, quand je suis allée en
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psychiatrie de l’adolescent, c’était pas compliqué parce qu’on m’a dit directement « il faut
les vouvoyer » donc je suis partie sur cette lignée là mais c’est vrai que parfois vouvoyer des
adolescents qui eux mêmes ont envie de nous tutoyer… je m’y suis faite. »
« On m’a pas vraiment expliqué la raison mais je me doutais bien que c’était pour instaurer
une certaine distance avec l’adolescent pour qu’il y ait quand même un certain cadre de
poser. On est quand même en psychiatrie, en plus il s’agit de psychotiques, ce n’est pas des
pathologies légères donc vraiment il fallait marquer une certaine distance avec eux »
Du coup dans la prise en charge de l’adolescent dont tu m’as parlé en pédiatrie, est-ce
que t’as rencontré des difficultés ?
« La seule difficulté que j’ai en tête c’était le mutisme de l’adolescent, parfois il restait
silencieux pendant… fin c’était un silence qui me mettait limite mal à l’aise et je ne savais
même pas comment aborder tout ce qui était après TS. Je ne savais pas encore que
l’adolescent doit remettre en question son geste, le critiquer plutôt. Et tout ça je ne savais pas
et je ne savais pas quoi dire en fait parce que je me suis dit il vient de faire un truc grave…
franchement j’avais du mal à me positionner avec ça parce que moi ça me choquait. Déjà moi
par rapport au suicide, j’ai des craintes parce que ça fait peur. Et je ne savais pas ce que j’ai
le droit de dire, ce que j’ai pas le droit de dire, c’était assez compliqué. »
3. Ma seconde question est est-ce que tu as vécu différemment la prise en charge d’un
adolescent que d’un adulte au niveau relationnel ?
« Forcément y a une grande différence parce qu’avec l’adulte, on peut entre guillemets pas
tout ce permettre mais on sait qu’on a un adulte en face et qu’au niveau des propose on va
être relativement bien compris et surtout les adultes de manière général, savent se tenir. Alors
que si avec un adolescent on ne travaille pas notre posture, on est un peu trop cool,
directement ils peuvent prendre le pas sur nous et après ça influence sur le reste de la
relation. Pas que ça influence pas sur l’adulte aussi mais plus particulièrement avec
l’adolescent parce qu’ils sont dans une phase de leur vie où ils sont en train de se définir en
tant que futur adulte, leur personnalité, leur caractère… Donc si on pose pas le cadre, ça
peut facilement vriller donc il fallait faire doublement attention à sa posture quand on était
avec un adolescent, qu’avec un adulte. Un adulte c’était beaucoup plus léger et plus fluide
pour moi qu’envers un adolescent. Je devais penser à deux fois avant d’ouvrir ma bouche. »
« Oui biensûr parce qu’avec les adolescents, eux, ont une certaine spontanéité dans ce qu’ils
disent, leur manière d’être, qui n’est pas forcément la même qu’avec un adulte. Cependant, il
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y a un risque de tomber dans le copinage et de ne plus avoir cette posture de professionnel et
de perdre notre crédibilité. »
« En psychiatrie, c’est de la longue durée, il y a donc plus de risques de faire des écarts que
dans un service de courte durée comme la pédiatrie. Je ne vais pas dire qu’en pédiatrie c’est
moins grave si on fait une erreur dans le relationnel mais comme ils restent moins longtemps
il y a moins d’impact qu’en psychiatrie, où ils restent longtemps ! On utilise le même langage
avec notre même âge. On a une meilleure compréhension parce que je sors de l’adolescence,
je sais ce que c’est. On a les mêmes centres d’intérêt. Je devais garder une certaine posture
professionnelle, un certain cadre, c’est le lieu qui fait ça. Mais j’étais bien entourée par
l’équipe donc il y avait moins de risques de faire des écarts. Une fois le tutoiement m’a
échappé, l’adolescent de psychiatrie l’a remarqué et s’en est servi comme une brèche, une
faille en me le remémorant « A, vous m’avez tutoyé ». »
« J’ai trouvé que la prise en charge était plus complexe parce que la relation de confiance est
plus dure à obtenir que chez l’adulte. Elle se travaille sur plus longtemps. »
« De rien ! »
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RÉSUMÉ
Lors de leur formation, les étudiants infirmiers sont amenés à faire des stages aussi bien
auprès d’adultes, que d’enfants. Ces derniers s’effectuent dans tout type de service, y compris en
psychiatrie. Par ailleurs, la proximité d’âge rend la prise en charge des adolescents
particulièrement compliquée.
Suite à ce constat, je souhaitais donc comprendre si le jeune âge de l’étudiant infirmier,
joue un rôle dans la mise en place de la juste distance indispensable pour établir une alliance
thérapeutique entre le soignant et l’adolescent en psychiatrie.
Afin d’affiner ma question de départ, j’ai commencé par sélectionner des concepts qui
m’ont aidé à trouver des écrits professionnels. J’ai ensuite voulu connaître le ressenti des
étudiants infirmiers sur les avantages et les inconvénients de la proximité d’âge sur la relation
soignant/soigné. J’ai donc réalisé 3 entretiens auprès des étudiants de 3ème année, en utilisant une
grille d’entretien, réalisée au préalable. Ces discussions ont fait l’objet d’une retranscription puis
d’une analyse croisée, afin de confronter la théorie à la pratique.
Il est ressorti de cette analyse que la relation soignant/soigné comporte des avantages
comme l’identification. Cette dernière permet une meilleure compréhension de l’adolescent,
facilitant la prise en charge. Cependant cette identification peut être également un inconvénient,
ce qui amène les étudiants à assimiler distance professionnelle et barrière physique.
L’inexpérience de l’étudiant rend la communication avec l’adolescent complexe. D’après les
étudiantes, le tutoiement est privilégié en pédiatrie. En revanche, le vouvoiement est préféré en
psychiatrie, sûrement par peur de la maladie psychiatrique.
J’en ai donc conclu que l’adolescent et l’étudiant infirmier avaient plusieurs points
communs : la vulnérabilité et la construction identitaire. Ces deux variables amenant l’étudiant
infirmier à vouvoyer l’adolescent en psychiatrie.
Mots-clés : étudiant infirmier, adolescent, relation soignant/soigné, novice, proximité d’âge
ABSTRACT
Students nurse are encouraged to perform any kind of training either with adults or
adolescents and children. These trainings are performed in different sectors from general
medicine to psychiaty. Adolescents are a significant part among patients and it is very tough to
take care of these population in term of relation care act, especially for students who are the
same age.
Therefore, I decided to explore this subject to see if the young age of students plays an
important part in the establishment of the necessary distance between the student and his patient.
This distance is an indispensable necessity to set a therapeutic alliance between the student and
the adolescent patient in a psychiatry unit.
In order to enhanced my original question and to gain further insights into my issues, I
started to select several concepts which helped me to find some written wrote by doctors and
other specialists. Then I contrasted theories with practice performing 3 interviews with third year
students through an interview grid.
What I found was that the caregiver/patient relationship involves advantages as the way
the patient identifies himself to the caregiver or vis versa.The latter permits a better
understanding of the adolescent, facilitating the care. However, this "identification" also involves
drawbacks. For example, it leads the student nurse to assimilate professional detachment with
physical barrier. The inexperience of the student leads to a tough/complex communication with
the patient. According to students, the use of the "tu" form is preferred in ped units, whereas the
"vous" form is required in psychiatric units even with adolescents. This can be explained by the
fear of the "psychiatric disease".
This in turns leads me to conclude that the adolescent patient and the student nurse have
several common points : the vulnerability and the identity development. Indeed, these two
variables lead to use the "vous" form.
Keywords : student nurse, teenager, patient/nurse relationship, inexperience, close-in-age