Narcisse

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Narcisse transi

Deux estions et n’avions


qu’ung cuer
S’il est mort, force est que
devie,
Voire, ou que je vive sans
vie
Comme les images, par cuer,
Mort !
François Villon, extrait du Testament

Synopsis

Les PJ sont invités à un vernissage et à une “snuff party” organisée par le Prince.
Tout le gratin branché de la Camarilla parisienne, mêlé à une sélection triée sur le volet
d’artistes, de critiques et d’intellectuels mortels, se retrouve donc au cours de la soirée.
Le Prince reste toutefois absent. Vers minuit, les PJ sont contactés discrètement par
des familiers du Prince (Stanko et Asgard). Le Prince serait atteint d’une crise de démence,
dont personne ne connait l’origine. Les familiers de Villon demandent aux PJ d’enquêter sur
le début de soirée du Prince pour tenter de découvrir ce qui a pu motiver l’accès de folie de
Villon.
L’enquête des PJ les mènera à découvrir les liens étroits que Villon eut, au XVIII° et
XIX° siècles, avec Alistair Mac Ferton, un gentilhomme écossais beau comme un jeune dieu,
étreint sous la Régence par Garance, le rejeton de Villon. Mac Ferton fut surnommé
“Narcisse” par Villon en raison de sa grande beauté, et devint son favori. En 1871,
Narcisse fut accusé d’avoir participé indirectement à l’assassinat de Beatrix, le Prince
Toreador de l’Hégémonie, en 1793. Villon, fou de rage, fit appréhender son favori, s’isola
avec lui dans ses appartements privés où eut lieu une scène terrible. Au bout de quelques
heures, Villon ressortit, livide et maculé de sang ; sa cour retrouva ses appartements
souillés de larges traces sanglantes et découvrit les cendres d’un cadavre déchiqueté dans
les lambeaux du costume de Narcisse. Depuis lors, rares sont les vampires de la Cour qui
ont eu le mauvais goût de rappeler cette triste histoire...
L’enquête des PJ leur fera découvrir qu’un personnage mystérieux a contacté le Prince
et semble l’avoir convaincu de l’innocence de Narcisse. Un siècle après le meurtre de son
favori, le remords a submergé le Prince, qui paraît devenu fou de douleur. Une folie qui fait
trembler la cour entière, car si le Prince a perdu la raison, c’est la porte ouverte à l’anarchie
dans toute l’Hégémonie. Les Tremere, interdits de Thaumaturgie par le Prince, s’agitent en
coulisse, les dignitaires Ventrues et sympathisants praxistes conspirent déjà pour déposer
Villon, et les Anarques risquent fort de profiter de la vacance du pouvoir pour provoquer le
chaos. L’enquête des PJ devient donc une course contre la montre - et prendra un tour des
plus étranges quand nos apprentis détectives approcheront du mystérieux personnage qui
a provoqué le trouble du Prince...

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 1


L’histoire

Les origines du trouble du Prince sont anciennes. Voici donc l’histoire de Narcisse,
que les PJ devraient peu à peu découvrir au cours de leur enquête.

1. Un Toreador “Grand Siècle”


Tout commence, naturellement, à Paris. Beatrix est le Prince Toreador incontesté de
la capitale depuis 1652 (date de l’échec de la Fronde, soutenue par le clan Ventrue, contre
le pouvoir royal, jouet des Toreador). Non seulement Beatrix gouverne Paris, mais elle a
imposé à une grande partie de la France l’Hégémonie Toreador au cours du règne de Louis
XIV : elle rêve même d’imposer l’Hégémonie à l’ensemble de la Camarilla européenne, ce qui
a lancé la monarchie française dans une série de guerres contre les nations voisines. Parmi
les mignons de Beatrix, on remarque François Villon.
Villon divertit et charme le Prince Toreador grâce à son insolence, ses talents
poétiques et musicaux, son imagination fertile. Mais Villon est aussi un conseiller très
proche de Beatrix, a participé à l’élaboration de l’Hégémonie Toreador, et se trouve redouté
par les autres clans pour ses qualités politiques et sa ruse.
Villon, cependant, prend aussi le temps de profiter de la vitae... Il fréquente les
théâtres, les salons naissants, les cercles précieux, les salles de jeu de paume, les cafés - de
nouveaux établissements où l’on déguste d’étranges boissons exotiques (Au XVII° siècle, le
“chocolat” est un breuvage où l’on mélange cacao et épices, sans sucre...) et où l’on
s’affronte aux échecs ou au lansquenet. Dans ce milieu brillant, Villon se fait passer pour
un grand seigneur, minaude, parade, chasse et participe aux grands débats artistiques de
l’époque : la Querelle des Anciens et des Modernes ou la polémique qui oppose les
partisans de la musique italienne contre les tenants de la musique française.
Bref, en dépit de ses responsabilités politiques, Villon s’amuse. Amateur éperdu de
théâtre, il s’est épris “de violente amour” pour la belle Armande Béjart, grande comédienne
du Théâtre Royal, qui fut l’épouse (et peut-être la fille...) de Molière. A force de cajoleries, il
obtint de Beatrix l’autorisation de faire d’Armande son infante. Chez les vampires,
Armande prend le nom de Garance, un surnom donné par Villon pour immortaliser le soir
de leur rencontre, où la jeune femme portait une robe rouge garance. Villon fila un amour
éminemment précieux avec Garance pendant des années, ne ratant jamais une occasion de
se donner en spectacle à la cour du Prince avec sa belle infante...
Mais si sa poésie est impérissable, la loyauté de Villon en amour, quant à elle, reste
des plus fragiles...

2. Un marivaudage Régence
En 1715, Louis XIV disparaît. Son arrière-petit-fils, Louis XV, dit le Bien-aimé, lui
succède, mais n’a que cinq ans à l’époque. Le pouvoir est donc assuré jusqu’à sa majorité
par un régent, Philippe d’Orléans, neveu de Louis XIV.
La Régence est une période de frivolité extraordinaire, énormément goûtée par
François Villon. Celui-ci affiche un libertinage raffiné, collectionne les conquêtes mortelles et
immortelles avec un mélange de grâce et de cynisme inimitable. Garance souffre des
infidélités de son amant, surtout lorsqu’il la fait participer à ses rencontres galantes, et finit
par perdre l’illusion de rester la première dans son cœur...
En 1718, un jeune gentilhomme écossais, Alistair Mac Ferton, arrive à Paris, où il est
engagé comme secrétaire par John Law. Law est le contrôleur général des finances de
France, le fondateur de la Compagnie Française des Indes, et vient de lancer une banque
d’escompte et de dépôt qui enflamme les spéculateurs parisiens... C’est dire si la place
occupée par le jeune Mac Ferton est importante. Elle lui permet de fréquenter le Paris des
Salons, des soupers fins et des opéras champêtres... Une société où Alistair Mac Ferton
séduit, car si son statut de gentilhomme semble douteux, son élégance, son charme et sa
culture sont indiscutables.
A force de briller dans des assemblées hantées par les vampires, Mac Ferton se fit
inévitablement remarquer par un immortel. Et cet immortel, ce fut Garance. Garance, lassée
par les infidélités de Villon, qui se laissa séduire par le charme et la fraîcheur de Mac
Ferton. Elle entreprit le siège du jeune homme, qui succomba comme on se noie au

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 2


rayonnement de la belle Toreador. En 1720, en partie pour sauver Mac Ferton de la ruine
du système Law, en partie par amour, Garance étreignit son protégé.
Mais sa liaison avec Mac Ferton fut très vite menacée par Villon. Le vieux Toreador
était jaloux. Mais, plus dangereux encore, peut-être parce que Mac Ferton était l’infant d’un
autre, Villon en tomba amoureux. Il entreprit une cour en règle, scandaleuse et impudique,
pour gagner le jeune vampire - et parvint à ses fins, en alternant savamment la menace et la
flatterie. Insensiblement, Mac Ferton délaissa Garance pour Villon. Celui-ci surnomma son
nouveau favori Narcisse - en partie pour exalter sa beauté, en partie par dérision, parce
qu’il avait remarqué que Mac Ferton avait la manie de vérifier l’élégance de sa mise dans les
miroirs.
Sous le règne de Louis XV, Villon et Narcisse devinrent inséparables. Villon prisait le
caractère sulfureux parce que vaguement homosexuel de leur liaison, s’affichant partout
avec Narcisse, mais il fut séduit aussi par l’intelligence, la sensibilité et la culture de son
nouveau favori. Celui-ci lui fit entre autre découvrir le théâtre de Shakespeare, que Voltaire
venait de traduire en français, une découverte littéraire qui bouleversa Villon.
L’attachement de Villon pour son favori se doubla d’une réelle estime intellectuelle, qui
contribua à solidifier les liens entre les deux vampires.
Garance, délaissée, souffrit beaucoup de la double trahison dont elle avait été la
victime. Elle dut également endurer les sarcasmes cruels de la cour de Beatrix, où certains
beaux esprits la surnommèrent “Madame la Précédente”. Bien que conservant des rapports
formels avec ses deux amants, elle demeura désormais un peu en marge de la cour.

3. “Les aristocrates à la lanterne”


Passionnés d’art, mécènes d’une société française qui rayonnait culturellement dans
le monde entier, les Toreador du siècle des Lumières ne virent pas arriver la catastrophe.
La Révolution, en abattant l’Ancien Régime, sape également l’Hégémonie Toreador. Une
coalition disparate de Ventrues, de Brujah et de Tremere soutient les révolutionnaires
éclairés de 1789. Au milieu de la tourmente, Beatrix essaie de maintenir son pouvoir.
Narcisse, qui fréquente les clubs révolutionnaires et a conservé des liens avec de jeunes
vampires Brujah, est un agent précieux des Toreador - plus précieux que Villon, ultra-
royaliste et intolérant.
La condamnation et l’exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793, suivie quelques
mois après par la Terreur, porta un coup fatal au pouvoir de Beatrix. En effet, la
Révolution devint dès lors l’instrument de vampires incontrôlables, Anarques Brujah en
majorité, peut-être manipulés par les membres du Sabbat, par des conspirateurs Sethites et
Giovanni... En septembre 1793, Beatrix et les débris de sa cour prennent la fuite pour
échapper à une chasse au sang lancée par des Anarques fanatiques, et tentent d’embarquer
pour l’Angleterre, où nombre de Toreador ont déjà émigré. Sur la route de Calais, Narcisse,
qui connaît bien l’Angleterre, se propose de partir en éclaireur. Villon, Garance et quelques
suivants l’accompagnent. A peine ont-ils quitté Beatrix et ses derniers fidèles que le Prince
tombe dans une embuscade tendue par les Anarques. Au cours d’un combat d’une rare
sauvagerie, la somptueuse Beatrix et sa coterie sont détruits par des Brujah frénétiques.
Narcisse, Garance et Villon gagnent Edimbourg, où ils sont accueillis par la cour
Toreador d’Ecosse. Leur exil sera court : Villon ne supporte pas d’être coupé de son cher
Paris, Villon désire réparer l’offense faite à son Prince et à son clan. Il prend la tête de la
cour Toreador en exil, et fait preuve d’un sens politique extraordinaire pour transformer un
groupe d’émigrés amers et isolés en force diplomatique influente au sein de la Camarilla.

4. Le Prince est mort, vive le Prince !


Villon négocie rapidement avec les divers partis de la Camarilla française. Il obtient
le soutien d’un certain nombre d’Anciens, qui voient en lui le successeur légitime de Beatrix.
Parmi les vampires restés en France, il entre en pourparlers avec le représentant des
Ventrues restés à Paris, le Révérend, un ancilla étreint au XVII° siècle qui a échappé aux
persécutions de la Terreur. Le Révérend, en dépit de sa jeunesse relative, s’est taillé une
solide réputation en protégeant divers Caïnites parisiens contre la furie révolutionnaire.
Quincampoix, un Nosferatu, fait partie des vampires qu’il a sauvés en s’exposant
personnellement, et lui doit une lourde dette. Le Révérend ne cache pas ses sympathies

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 3


Praxistes, mais le chaos qui règne en France est insupportable, aussi accepte-t-il de se
rallier momentanément au parti de Villon. Narcisse, quant à lui, grâce à ses sympathies
chez les Brujah, parvient à établir des tractations entre Villon et la branche modérée du
clan. Villon et sa coterie rentrent à Paris en 1805, s’appuyant sur les divers contacts qu’ils
ont établis.
En usant de toutes les armes dont il dispose - chantage, corruption, flatteries,
menaces, fausses promesses - Villon se proclame Prince de Paris l’année même, et rétablit
l’Hégémonie Toreador. Très bien renseigné (par la sanglante Madame Guil), il sait que les
Ventrues ont liquidé au cours de l’Empire et des premiers mois de la Restauration un
certain nombre de leurs adversaires, et il se sert de ces renseignements pour acheter le
soutien Ventrue. Cependant, son pouvoir reste fragile jusqu’en 1852 : les révolutions de
1830 et de 1848 sont fomentées par des opposants à l’Hégémonie Toreador.
La première moitié du XIX° siècle, politiquement incertaine, artistiquement très
active, le rapproche encore de Narcisse. Les relations que celui-ci conserve dans les milieux
Anarques permettent à Villon d’anticiper sur complots, conspirations et révolutions. De
plus, Narcisse et Villon se lancent à corps perdu dans le mouvement romantique : ils
pratiquent le dandysme avec passion, ils écrivent sous des pseudonymes dans les
journaux, fréquentent les salons, le Petit Cénacle de Charles Nodier puis le Grand Cénacle
de Victor Hugo, participent à la bataille d’Hernani au côté des jeunes romantiques - alors
que les Ventrues, le Révérend en tête, soutiennent les classiques. Villon, par l’intermédiaire
de Narcisse, fournit à Victor Hugo sa documentation sur le Paris du XV° siècle mis en scène
dans Notre-Dame de Paris, à Auguste Maquet (le nègre d’Alexandre Dumas) ses
descriptions du Paris du XVI° siècle dépeint dans La Reine Margot... Les deux vampires
fréquentent également les salons de peinture, et commandent à Delacroix un tableau qui les
représente tous deux. A l’époque, ils empruntent divers noms : chevalier des Loges pour
Villon, Lord Kenningmore pour Narcisse...

5. La Commune
Le vrai bouleversement proviendra de la guerre de 1870 : le Second Empire effondré
ranime les ardeurs révolutionnaires des Anarques, qui suscitent la Commune. Craignant
officiellement aussi bien les insurgés parisiens, les rigueurs du siège et les battues sauvages
des Brujah déchaînés, Villon et une partie de sa cour s’exilent à Meaux... En fait, Villon se
sert de Narcisse, resté à Paris et bien infiltré dans les milieux communards, pour orienter
les assauts Anarques contre les Praxistes. Le Révérend, resté lui aussi à Paris, s’en rend
compte, échappant de justesse à une embuscade Anarque.
Une fois la capitale nettoyée d’une bonne partie du parti Praxiste, Villon reprend les
choses en main, conclut une alliance avec les Ventrues et mène une purge très violente
contre les Anarques. Fin 1871, Paris est sur les genoux, mais Villon a consolidé son
pouvoir, ayant saigné à blanc aussi bien l’opposition Praxiste que le mouvement Anarque.
Toute l’hégémonie Toreador tremble devant le Prince, sorti renforcé de l’épreuve. Une
situation qui laisse amers nombre de ses opposants et de ses alliés de dernière heure...

6. La machination du Révérend
Le Révérend, pour sauver sa non-vie, a bien sûr rallié le camp de Villon lorsque le
Prince a persécuté les Anarques. Il a deviné toute la duplicité du Prince, mais il est lui
même trop habile - et trop prudent - pour le dénoncer. Cependant, il ne peut admettre que
Villon remporte une victoire si éclatante. Il veut porter un coup au Prince pour venger les
Praxistes détruits et restaurer l’esprit combatif des survivants Ventrues.
Il décide de s’attaquer au point faible de Villon : Narcisse, son favori. Narcisse, le
contact qui permet à Villon de contrôler le parti Anarque, l’arme que le Prince a utilisé
contre ses adversaires politiques...
En 1871, peu de temps après le retour de Villon à Paris, le Révérend exige de
Quincampoix le remboursement de sa dette de sang, pendante depuis la terreur. Il contraint
le Nosferatu à s’introduire dans la maison possédée par Narcisse au bout de l’impasse du
Tertre (18°arr.), et à y dérober quelques lettres rédigées par le Toreador dans les dernières
années révolutionnaires. Le Révérend sait en effet que Villon et ses familiers récupèrent
régulièrement leur courrier (en le faisant voler, en le rachetant ou tout simplement en le

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réclamant) afin d’éviter d’être trahis, quelques décennies plus tard, par une lettre
ressemblant étrangement à un courrier plus récent.
Quincampoix s’acquitte sans mal de sa mission en l’absence de Narcisse, parvenant
à tromper la vigilance des deux servants que celui-ci a laissé veiller sur son refuge. Le
Nosferatu rapporte au Révérend une dizaine de lettres écrites par Narcisse en 1790, 1792
et 1793. Le Révérend coupe l’une de ces lettres en deux, ne conservant que la signature de
Narcisse. Puis, sur le fragment signé, il rédige l’itinéraire précis qui devait mener Beatrix et
sa cour de Paris à Calais en 1793.
Le Révérend se rend alors au Louvre où il affirme publiquement vouloir donner à
Villon une preuve de sa reconnaissance au parti Toreador... Un cadeau empoisonné,
puisqu’il s’agit du faux qu’il a fabriqué, qu’il prétend avoir découvert dans les archives de
meneurs Anarques détruits au moment de la répression de 1871, et dont il se sert pour
accuser Narcisse de collusion avec le milieu Anarque, et pire encore, pour l’accuser d’avoir
livré Beatrix aux Brujah à la fin du siècle précédent. Grand émoi chez les Anciens : les
rapports étroits de Narcisse avec les milieux révolutionnaires couplés à la lettre apportée
par le Révérend convainquent la plupart des vampires parisiens de la culpabilité de
Narcisse.
Villon, quant à lui, soupçonne la fraude, mais sa position est inconfortable. Une
partie importante du clan Toreador, resté fidèle au souvenir de Beatrix, crie vengeance, et le
Prince sait que les Ventrues connaissent ses propres compromissions avec les Anarques...
Couvrir Narcisse représenterait une erreur politique grave, qui retournerait les trois quarts
de la cour contre lui, et pourrait même le faire soupçonner d’avoir commandité l’assassinat
de Beatrix...
Il ne faut que quelques secondes à Villon pour peser tout cela, un intervalle très court
où il joue la surprise et l’incrédulité en faisant semblant de lire et de relire la lettre apportée
par le Révérend. Pour couper court à toute initiative, il entre très vite dans une colère
terrible - une de ses colères terrifiantes qui font trembler toute l’Hégémonie Française (
N’oublions pas que Villon est par le sang très proche de Caïn, qu’il dispose d’un charisme
rayonnant -8 !...- et d’une Présence écrasante - 7 !!...-, le tout aggravé par une autorité quasi
impériale (7 en Statut) et un don cultivé pour l’intimidation - qu’il possède au niveau 4... )
C’est dire si le Louvre tout entier a tremblé de la crise de rage du Prince. En fait, même un
siècle plus tard, les Anciens répugnent toujours à rappeler cet incident, de crainte de
ranimer une parcelle de la colère qui enflamma le Prince cette nuit là... Villon, entre deux
bordées d’anathèmes très capitolins, ordonna qu’on lui amenât Narcisse. Puis il s’enferma
dans ses appartements avec son favori, et le palais tout entier retentit deux heures durant
des cris des deux vampires.
Peu avant l’aurore, lorsque le Prince ressortit, ses appartements étaient dévastés,
poissés de sang, et l’on ne retrouva de Narcisse que les restes cendreux d’un vieux vampire
détruit. Pendant plusieurs semaines, Villon resta terriblement ombrageux, toujours prêt à
exploser de colère pour la moindre vétille. Suivit une période d’abattement de plusieurs
mois, pendant laquelle il pleura ouvertement son favori disparu. Dans les années qui
suivirent, il commanda nombre d’œuvres d’art pour immortaliser sa beauté enfuie,
demandant aux artistes mortels ou vampires de s’inspirer du tableau de Delacroix. Vers la
fin des années 1890, il commanda à Rodin un écorché d’or massif, qu’il appela “Narcisse
Transi”. Dans la statue furent intégrés les restes humains trouvés dans les appartements
du Prince, et l’œuvre rejoignit la collection privée de Villon.
L’impartialité de Villon dans cette affaire força le respect de la plupart des Anciens
et raffermit l’autorité du Prince sur l’Hégémonie. L’exemple de Narcisse montrait que
personne ne pouvait se soustraire à la justice du Prince. Toutefois, le sujet provoquant
invariablement une grande irritation chez Villon, il devint un principe de ne plus en parler,
et les jeunes Caïnites n’ont jamais entendu parler de Narcisse. Le Révérend, quant à lui,
savoura sa victoire. Le prestige d’avoir démasqué le traître responsable de la mort de
Beatrix s’ajouta à celui qu’il avait gagné en luttant contre les factions Anarques, et il devint
un des dignitaires les plus en vue de la cour du Louvre. Il mit à profit sa faveur pour
étreindre un mortel, avec l’aval du Prince ; il s’agit de Camille Pons, un ancien
administrateur d’Afrique Equatoriale Française, devenu un magnat du caoutchouc vers
1925.

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L’influence du Révérend a donc cru sur Paris ; à partir du début du siècle, il est
considéré comme un Patricien au sein de son clan, où s’investit de plus en plus dans la
faction Libérale. Villon garde un œil sur l’ambitieux Ventrue : officiellement, il se comporte
avec lui avec froideur, mais en lui témoignant la considération que l’on doit à un ministre
brillant. En fait, il joue sur la confiance que le Révérend s’accorde à lui-même, depuis que
sa machination semble avoir porté ses fruits...

7. Paris, à l’aube du III° millénaire.


Le Prince s’est entiché depuis quelques mois pour le “virtual painting”, un courant
artistique underground qui travaille sur le rapport entre la peinture traditionnelle et l’image
de synthèse ; les artistes de ce courant tentent de restituer sur toile la pureté chromatique
de l’image numérique, et s’inspirent des espaces parfaits du virtuel pour créer un vertige
esthétique chez le spectateur. Villon a parrainé une exposition à la galerie Catel-Réaux
autour de l’œuvre d’artistes encore méconnus - Jeffrey Bronn, Lou Benvenutti, Liam
Kenning.
Dans la soirée où vous allez jouer le scénario doit avoir lieu le vernissage de cette
exposition. Les PJ ont reçu une invitation de la baronne Vauquier, dont les membres de la
Cour savent généralement qu’il s’agit d’une alliée mortelle de Villon, chez qui il organise de
somptueuses fêtes privées. A l’issue du vernissage, une “snuff party” est organisée par le
Prince : une projection privée où les acteurs sont invités et peuvent être consommés (avec
modération) par les vampires... Le film projeté serait la dernière œuvre de Peter
Greenaway, en avant-première.
En vérité, cette soirée est une nasse. Un coup monté, organisé par le Prince lui-même,
pour démasquer les traîtres et les comploteurs, pour décapiter ou du moins juguler
l’opposition. Tout ce qui se passera au cours de la nuit est une crise provoquée par Villon
lui-même, afin de pouvoir juger la fidélité de sa cour. A leur insu, les PJ seront les agents de
Villon.
Dans le mois qui a précédé, une crise grave a éclaté à Toulouse : Edmond Forges, une
des goules d’Edouard de Morsac, Marquis de Bordeaux, a été assassiné alors qu’il
espionnait le légat Toreador Aymeric. Les Ventrues ont accusé les Toreador du meurtre, la
situation s’est rapidement dégradée et a failli dégénérer en guerre ouverte. Plusieurs
escarmouches ont eu lieu, détruisant plusieurs domaines de part et d’autre, et les Anarques
de Ferdinand, le chef de la faction Iconoclaste, ont commencé une guérilla contre les deux
clans. Villon se devait d’intervenir, sous peine de perdre toute influence sur l’Occitanie et
sur l’Aquitaine. Mais sa position est délicate, puisqu’il doit officiellement soutenir son
marquis et officieusement son légat. De plus, Aymeric comme Edouard sont toujours prêts
à trahir...
Pour se dégager, Villon a nommé un médiateur, se proposant de rejeter sur celui-ci la
responsabilité d’une faillite éventuelle de sa politique. C’est au Révérend que Villon a confié
la mission de calmer les clans occitans : un vrai cadeau empoisonné, à propos duquel on
murmure à la cour que Villon l’avait confié spécialement au vieux Ventrue pour l’acculer à
l’échec et ainsi le pousser à la disgrâce. Mais contre toute attente, le Révérend a résolu la
situation : il a réussi à prouver qu’Edmond Forges avait été assassiné par des Anarques, et
est parvenu à réconcilier Ventrues aquitains et Toreador occitans dans une alliance contre
Ferdinand. C’est auréolé d’une nouvelle gloire que le Révérend vient de regagner Paris,
quinze jours plus tôt, à tel point qu’il commence à faire de l’ombre à Villon.
Le Prince, qui ne supporte plus l’influence du Ventrue, a décidé de le discréditer en
se servant de l’affaire Narcisse.
Car Narcisse n’est pas mort. En 1871, le Prince était trop attaché à son favori - et
trop soupçonneux du Révérend - pour tuer son mignon. Il passa deux heures à jouer la
comédie avec Narcisse lorsqu’ils se furent retirés tous deux dans les appartements
princiers, et assassina en fait une vieille goule de son favori dont il fit passer les restes pour
ceux de Narcisse. Celui-ci prit secrètement la fuite et gagna Edimbourg, où il séjourna sous
le nom de Liam Kenning. Depuis, les deux vampires sont restés secrètement en contact,
alors que Villon simulait le chagrin et le deuil.
Pour ressortir l’affaire Narcisse, le Prince a décidé de simuler la folie, une folie due
au choc de la révélation de l’innocence de Narcisse. Le vernissage commence vers 21h30, et

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 6


la plupart des invités savent que le Prince doit passer autour de 23h. Or, à minuit, toujours
pas trace de Villon ou de ses familiers. C’est à ce moment que commencera à courir la
rumeur dans les milieux Anarques et les milieux praxistes que le Prince serait frappé par
une crise de démence. En effet, Villon a mis en scène une crise d’hystérie avec Asgard :
après s’être rendu impasse du Tertre, dans l’ancienne demeure de Narcisse, il s’est rué au
Sacré Cœur, a arraché une porte, et a commencé à briser les vitraux en projetant des bancs
d’église au travers. Asgard est intervenu juste avant la police et a maîtrisé non sans mal le
Prince, d’abord en luttant contre lui, puis, devant l’inefficacité de ses efforts, en partageant
sa frénésie destructrice. Villon simule la crise, mais a vraiment saccagé le Sacré Cœur et
blessé Asgard par souci de vraisemblance... Il a semé les indices qui doivent mener à la
piste de Narcisse : une sociétaire de la comédie française, Irène Donna, qui ignore sa nature
vampirique mais qu’il courtise, a accepté de prêter sa voix à un certain nombre de messages
téléphoniques anonymes adressés à des anciens parisiens... et à Villon lui-même pour
lancer toute la cour sur la piste de Narcisse. Très vite, la rumeur selon laquelle le Prince est
devenu fou en apprenant que Narcisse était innocent des crimes qui lui étaient reprochés
devrait courir les milieux vampiriques - et pousser le Révérend à la faute, du moins Villon
l’espère-t-il. Par la même occasion, Villon teste la fidélité d’un certain nombre de factions
parisiennes, pour sanctionner les anciens susceptibles de le trahir... Afin de provoquer des
troubles à même de lever les inhibitions de ses adversaires, Villon a fait prévenir les
Anarques d’un soi-disant complot qui destabiliserait le Prince. Ainsi les iconoclastes
Brujah fomentent-ils des troubles dès que la rumeur sur la folie de Villon commence à courir
- et parmi eux resurgira la sinistre figure de Petraskov, secondé par deux infantes
nouvellement étreintes, Ludmila et Natacha, vulgaires et violentes à souhait. Villon entend
aussi manipuler les Anarques contre les praxistes, renouvelant ainsi la manœuvre déjà
opérée en 1871... Seuls quelques proches sont dans la confidence : la baronne Vauquier, qui
a déménagé avec armes et bagages le jour même, après avoir fini d’organiser le vernissage,
Asgard, Stanko et... Narcisse lui-même, revenu clandestinement à Paris sous le nom de
Liam Kenning.
A quoi serviront les PJ dans tout cela ? D’appât, comme d’habitude... Officiellement,
ils seront chargés par Asgard et Stanko d’enquêter sur les causes de la folie du Prince. Ils
devraient assez vite lever la piste de Narcisse, et ainsi déranger un certain nombre
d’Anciens qui suivent la même piste et veulent l’étouffer. Ceux qui tenteront de s’interposer
face aux PJ seront ainsi désignés comme conspirateurs aux yeux de Villon. En fait, les PJ
sont les agents inconscients de Villon. Celui-ci, en finale, leur demandera un rapport
détaillé non sur le résultat de leur enquête, mais sur les activités des Caïnites qu’ils auront
croisés dans la nuit. Puis il reprendra la situation en main tout simplement en passant
quelques coups de fil à divers Anciens de Paris, découvrant ainsi que sa pseudo folie
n’était qu’une manœuvre pour piéger les comploteurs. Aussitôt, soumissions ou fuites se
multiplieront - mais il y a fort à parier que les PJ s’attireront la haine de nombre d’Anciens
piégés par la manœuvre du Prince.

L’action
1. Le vernissage
Les PJ sont donc invités au vernissage de la galerie Catel-Réaux. Voici quelques
semaines déjà que la rumeur courait dans les coteries parisiennes que le Prince s’était
entiché d’un nouveau courant underground, qu’il comptait dévoiler au public dans une
exposition. Dix jours avant le vernissage, chacun aura reçu un carton d’invitation envoyé
par la baronne Vauquier, stipulant que la manifestation s’ouvrira à 21h30 ; l’étiquette
parisienne veut qu’une invitation envoyée par cette grande dame signifie que le Prince sera
présent et qu’il sera de bon ton de s’y rendre. En clair, pour rester en grâce, il est
indispensable d’y paraître... Les PJ pourront apprendre au cours de la semaine par les
rumeurs qui courent les coteries que le Prince se rendra à la galerie vers 23h, et qu’il faudra
donc arriver auparavant pour l’accueillir avec tout le cérémonial dû à son rang.
Quelle que soit l’heure à laquelle les PJ arrivent, ils trouveront la galerie bondée,
bruissante d’une animation branchée et élégante. Un buffet laisse à la disposition des
invités petits fours et champagne à volonté. L’un des deux serveurs porte un pin’s en forme
de rose ; il s’agit d’une goule chargée de servir discrètement aux Caïnites des verres de

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 7


sang, qu’il est convenu d’appeler des “Bloody Mary”. Cette attention du Prince a pour but
de veiller au confort des Caïnites présents, et d’épargner tout accident avec les convives
mortels, si l’un des vampires était tenaillé par la faim...
Les PJ peuvent s’extasier sur les différentes œuvres exposées. En voici quelques unes
qui donneront une idée de l’esprit général de l’exposition :
“Chaos theory” : un mandala psychédélique de deux mètres sur trois qui finit par
donner mal au cœur si on l’observe trop longtemps...
“Pixels” : une infinité de cubes multicolores sur une toile de quatre mètres sur trois.
La légende certifie que “sous un certain angle et a une certaine distance, le portrait de Bill
Gates apparaît”. Quel que soit l’angle ou la distance choisis par les personnages, ceux-ci ne
verront que des cubes.
“Infinity” : Une toile de 2,50m sur 3, qui restitue la couleur vert électrique d’un écran
d’ordinateur. Dans le coin supérieur gauche apparaissent cinq zéros et un un, suivis par un
curseur. Ces chiffres sont à peine discernables car hauts de 8 mm.
“Vanitas” : une petite toile, nature morte peinte à l’huile. Représente un un capot de
voiture de sport sur lequel sont entassés une pile de CD, un portable, un agenda d’affaires
relié en cuir, une poignée de cartes de crédit, un casque bleu renversé (style “Le jour le plus
long”) et un crâne muni d’un casque de vision trois-D.
“Pornography” : Trois caméras vidéos braquées sur le spectateur, qui se voit filmé
en direct sur un mur de 12 écrans vidéos.

Les PJ croiseront également un grand nombre de personnalités mêlées aux élégants


mortels et immortels :
- Elise Catel-Réaux (sous la discrète surveillance de Garance)
- Hector Bianciotti, écrivain franco-argentin vieillissant, au regard tragique et à
l’accent discrètement séduisant.
- Patrick Dupont, ouvertement dragué par trois jeunes poseuses Toreador, des
favorites du Prince.
- Garance, majestueuse mais diaphane.
- Le Révérend, qui arrivera entouré d’une petite cour.
- Le vicomte, qui accompagne le Révérend.
- Camille Pons, qui accompagne lui aussi le Révérend.
- Cosimo, le Régent Tremere, courtois mais manifestement à l’affût.
- Penelope Steinberg, une Malkavian présentant un mélange détonant d’élégance et
de pulsions fantasques.

Le Révérend fera une entrée remarquée car menant avec lui une cohorte
d’admirateurs et de parasites. Le Révérend lui-même joue la modestie avec un art
consommé, mais on devine le masque derrière lequel l’Ancien dissimule son orgueil et son
ambition. Il fera le tour de la galerie en s’arrêtant devant chaque œuvre. En tant que
Ventrue, il est peu sensible aux nouvelles formes d’art, mais il est aussi trop habile pour
exprimer clairement sa désapprobation ; il pourra donc faire quelques remarques pleines
d’un esprit très Versailles, où il sera difficile de démêler le compliment de l’ironie. (“En art,
je croyais avoir tout vu, mais ceci démontre le contraire” ; “Le titre de ce tableau est en
Anglais, n’est-ce pas ? Voici une audace qui plaira sans doute au Prince...” ; “Une vanité -
comment dit-on, déjà ?- technologique ! Superbe ! Il n’y manque que la palette du peintre.”
Etc. Si vous prêtez la voix au Révérend, soyez jésuite : le double-sens doit être subtil, la
parole toujours aimable et l’insulte toujours au troisième degré - tant pis pour d’éventuels
joueurs sans subtilité.) Bien sûr, les compagnons du Révérend se récrient à chacun de ses
traits d’esprit...
Les Ventrues sont encore bruissants du succès remporté par le Révérend en
Occitanie, et Cosimo, le Régent Tremere, viendra en personne féliciter le Révérend. Les deux
Anciens rivaliseront de courtoisie et d’amabilité, mais échangeront en fait une passe
d’armes à fleurets mouchetés (Cosimo veut tester jusqu’à quel point le Révérend estime
avoir assis son influence sur la Cour parisienne, le Révérend veut estimer dans quelle
mesure le Régent Tremere est impressionné par sa montée en puissance). N’oubliez pas que
la scène étant publique, en présence de mortels non avertis, tous ces échanges sont allusifs

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 8


ou indirects, et que rien n’est explicitement évoqué.
(Ce qui peut donner des répliques du genre :
Cosimo : Monsieur l’abbé, on m’a rapporté l’entreprise que vous avez menée à bien
récemment dans votre ordre1 . Quoique profane en la matière2 , permettez que je vous
exprime toute mon admiration pour la finesse que vous avez démontrée dans cette affaire.
Le Révérend : Je suis doublement flatté, Monsieur. D’une part que vos relations aient
témoigné en bien de cette petite entreprise, d’autre part qu’une personne de votre qualité,
qui, je crois, ne partage pourtant pas toutes nos convictions, vienne m’en féliciter.
Cosimo : J’aurais manqué à tous mes devoirs, et il me pèserait beaucoup d’avoir à
vous froisser. Aujourd’hui, il semble nécessaire de vous compter parmi ses amis3 .
Le Révérend : Soyez assuré que vous avez toujours compté au nombre des miens. Il y
aurait trop de désagréments à se priver de votre compagnie4 ...
Cosimo : Certaines de vos initiatives ont nécessité des prises de position audacieuses.
Le génie est parfois incompris , et la hiérarchie réactionnaire5 . La vôtre n’a-t-elle pas émis
quelques réserves6 ?
Le Révérend : Peut-être a-t-elle connu quelques réticences, mais elle s’est montrée
finalement éclairée et m’a soutenu en tout point. Je suis touché par votre sollicitude, et je
comprends votre inquiétude, car je sais que votre administration vous a naguère interdit
quelques opérations jugées, à tort, sans doute, trop risquées 7 ...
Etc, toujours sur le même ton. Cosimo et le Révérend ont fréquenté des milieux lettrés
et raffinés des siècles durant, et s’expriment donc dans une langue policée et légèrement
désuète.)
S’ils suivent cette conversation, les PJ devraient manifester une certaine curiosité. Des
vampires comme le Vicomte ou Camille Pons se feront alors un plaisir de raconter l’affaire
occitane, en s’isolant discrètement du bétail.
L’une des rares personnes qui semble ouvertement éviter le Révérend et sa coterie est
Garance. Sa réaction est motivée par la rancœur conservée à cause de la dénonciation de
Narcisse. Les vampires les plus jeunes ne font pas attention à l’attitude de Garance - pour
eux, elle est toujours restée un peu en marge. Les Anciens, s’ils sont interrogés par les PJ,
répondront en général qu’ils n’ont que faire des états d’âme d’une ex-favorite du Prince,
mais ils manifesteront une gêne qui devrait éveiller les soupçons des PJ. Quant à Garance, si
elle est interrogée (avec tact), elle laissera entendre qu’un vieux différend l’a jadis opposée
au Révérend, tout en restant évasive. Elle essaiera très vite de ramener l’attention des PJ sur
les œuvres exposées, arguant que le reste n’est plus qu’histoire ancienne.
Quelques incidents mineurs vont émailler la soirée :
1. Penelope Steinberg se permettra quelques excentricités, intervertissant son
“Bloody Mary” avec le cocktail d’un mortel, sommant Patrick Dupont de danser un tango
avec elle devant “Pornography”, ou piquant une crise d’hystérie en appelant Joe et en
hurlant en anglais... Les vampires présents qui la connaissent devraient rapidement
étouffer l’affaire, l’éloigner et faire courir le bruit que Miss Steinberg fait une grave
dépression nerveuse...
2. Une petite bande de Brujah débarque vers 22h30. Vrombissements de
gros cubes dans la rue, et quatre bikers s’arrêtent devant la galerie, la stereo branchée sur
un morceau hardcore qui fait trembler les vitres de toute la rue. Il s’agit de Wolker, Ludmila
et de deux punks (de vrais punks, crêtes respectivement vert fluo et orange électrique,
épingles à nourrice plantées un peu partout, qui ont été étreints dans les années 70). Wolker
et Ludmila entrent dans la galerie ; Ludmila commence un racolage lascif et passablement
1 Traduire : Allusion à l’affaire occitane.
2 Traduire : Nous autres Tremere ne ferions jamais la sottise de nous commettre dans la guérilla
endémique entre Ventrue et Toreador français.
3 Traduire : Quels qu’aient été nos différends, soyez assuré que je ne tenterai plus rien contre vos
intérêts
4 Traduire : Moi non plus. Les Tremere sont trop puissants pour être inquiétés
5 Traduire : En réussissant, vous avez déjoué les attentes du Prince.
6 Traduire : Ne craignez-vous pas que le Prince vous tienne grief ?
7 Traduire : Allusion à l’interdiction édictée par Villon de pratiquer la Thaumaturgie à Paris
Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 9
grossier de quelques respectables mortels, tandis que Wolker se met à casser quelques
verres et à molester un serveur qui veut s’interposer. Gêne chez les mortels, particulièrement
impressionnés par le look destroy des deux Brujah, et pulsions meurtrières chez les
vampires praxistes et loyalistes, qui reconnaissent en Wolker un Anarque notoire.
Cependant, le Prince ne devant pas tarder, il faut éviter à tout prix une esclandre, et, sur
ordre du Révérend, les Ventrues qui l’entourent repoussent Wolker et Ludmila dehors sans
violence. Les PJ peuvent prendre l’initiative de remettre les Anarques à leur place, et ils se
feront dès lors copieusement insulter et provoquer par ceux-ci. Toutefois, si les PJ
commencent à montrer un comportement violent, les Ventrues du Révérend s’interposeront
immédiatement, usant d’une certaine politesse avec les PJ et tentant de calmer les esprits.
Les quatre Anarques finiront par quitter la rue, avec force “Fuck you !” et majeurs
dressés. Wolker lancera en guise de flèche du Parthe que la soirée ne fait que commencer et
qu’ “on se retrouvera bientôt”.

(Si les PJ ont l’idée saugrenue de filer les Anarques, ils ont intérêt à se montrer
discrets, sans quoi les Brujahs se retourneront contre eux sur le périphérique, occasionnant
un carambolage monstre et provoquant une bagarre hyperviolente sur la chaussée. S’ils sont
discrets, les quatre Brujah les mènent vers un grand entrepôt désaffecté au nord de la gare
de l’est où s’achève une braillée Anarque... Un lieu éminemment dangereux pour les autres
clans, qui devraient mettre la puce à l’oreille aux PJ quant aux troubles qui se préparent. Au
milieu des Brujah, peut-être pourront-ils apercevoir Petraskov en train de chauffer un
groupe de casseurs.)

Si les PJ restent, ce que leur dicte théoriquement l’Etiquette puisqu’ils attendent le


Prince, la soirée s’étire et se charge d’une tension de plus en plus perceptible. A 23h, le
Prince ne s’est toujours pas présenté, ce qui n’étonne personne puisque Villon cultive l’art
de se faire attendre. Mais à mesure que minuit approche, les vampires commencent à
s’agiter, car l’absence du Prince devient suspecte, et la plupart des Caïnites possèdent une
solide dose de paranoïa qui les poussent à se méfier de tout imprévu...

2. Dérapage
Vers minuit et quart, deux Volkswagen noires se garent devant la Galerie Catel-
Réaux ; en sortent Stanko, tout en cuir noir, et plusieurs jeunes Korrigans. Stanko va droit
vers les PJ et leur annonce qu’ils doivent monter en voiture avec lui. Plusieurs Korrigans
sont abordés par des Ancillas ou des Anciens présents, et semblent livrer des
informations...
En voiture, Stanko refuse de livrer quoi que ce soit. Il passe un coup de téléphone à
Asgard ; les PJ pourront saisir que plusieurs groupes Anarques semblent en déplacement
dans le Quartier Latin, aux Halles et à la Défense. Stanko ordonne alors au chauffeur de
foncer. Les PJ arrivent devant le Louvre, où ils sont rapidement introduits. Alors qu’ils
pénètrent dans le palais, ils aperçoivent dans l’ombre plusieurs groupes de gorilles en
costumes trois pièces, munis d’oreillettes, de lunettes infra-rouge et de pistolets-
mitrailleurs. Dans le grand hall du Louvre, le fauteuil Louis XV qui sert ordinairement de
trône à Villon est bien installé sous la Victoire de Samothrace, mais il est vide. Seul Asgard
est présent, qui passe coup de fil sur coup de fil. Si les PJ prêtent attention, ils pourront
saisir quelques mots : “Je veux savoir où se trouve Gorias8 , s’il a eu l’occasion de contacter
les Anarques parisiens. Je veux aussi un rapport sur les activités de Ferdinand9 et sur le
mouvement de ses agents.”
En approchant, les PJ pourront remarquer qu’une des pommettes d’Asgard est
fracassée et que trois doigts de sa main gauche sont broyés. Il s’agit manifestement de
blessures aggravées. Asgard et Stanko vont alors demander aux PJ de jurer de garder pour
eux ce qu’ils vont leur révéler, sous peine de mort : puis ils leur annonceront que le Prince
8 Gorias est un Brujah étreint au XIV° siècle, appartenant à la faction Idéaliste de son clan. C’est l’un
des primogènes de Marseille, et on le soupçonne de diriger plusieurs cellules Anarques en France.
(Voir le Supplément France)
9 Ferdinand est le dirigeant Anarque du Fief d’Aquitaine-Occitanie, où il fit des ravages au cours de la
Terreur. Il est le responsable démasqué par le Révérend du meurtre d’Edmond Forges.
Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 10
est subitement devenu fou.
Asgard racontera l’épisode du Sacré Cœur, et affirmera que ni lui ni Stanko ne
savent ce que Villon a fait au début de la soirée. Les deux Anciens affirment qu’ils
s’efforcent de maintenir l’ordre pendant la folie de Villon, mais qu’ils désirent aussi
apprendre ce qui a provoqué les troubles du Prince, pour essayer de l’en guérir. Asgard
précise que malheureusement les Anarques semblent au courant de quelque chose car ils
bougent beaucoup. Asgard et Stanko devant se focaliser sur le maintien de l’ordre, ils
exigent que les PJ mènent l’enquête à leur place.
Ils refusent tous deux que les PJ voient le Prince : ils prétendent l’avoir mis en lieu
sûr, et prétextent qu’il est beaucoup trop dangereux pour que de jeunes Caïnites tentent de
l’approcher. Les blessures aggravées d’Asgard devraient convaincre les PJ. En revanche, les
deux vampires accepteront de décrire la folie du Prince : Asgard prétendra l’avoir trouvé
en état de Frénésie au Sacré Cœur, mais il assurera que les troubles psychologiques sont
toujours aussi graves après la crise. Selon ses dires, Villon tournerait en rond comme une
bête en pleurant des larmes de sang, se serait à moitié défiguré avec ses ongles et passerait
par des phases alternées de rage et de désespoir. Il ne s’exprimerait plus qu’en Moyen
Français (le Français parlé au XV° siècle, langue maternelle du Prince), tenant des propos
dépourvus de cohérence, et semblerait complètement désappointé par tous les accessoires
technologiques (Télévision, téléphone, interrupteurs...), fuyant en particulier la lumière
électrique qu’il prend pour celle du soleil. (Il s’agit bien sûr d’une accumulation de
mensonges, échafaudés par Villon lui-même...)
Ils acceptent également de mener les PJ au refuge dans lequel le Prince a passé sa
dernière journée. Il s’agit d’un loft souterrain creusé sous le Musée d’Orsay, garni d’un accès
secret au musée lui-même.

3. Le refuge du Prince
C’est Stanko qui accompagne les PJ au refuge d’Orsay. On y accède par une porte de
service ménagée dans les vestiaires du musée situés juste sous l’entrée principale. Cette
porte donne sur une série de couloirs de service en béton, où courent les installations
électriques de l’édifice. L’accès au refuge proprement dit est une porte métallique blindée,
maquillée en trappe d’accès aux lignes à haute tension. Elle donne en fait sur un ascenseur
à double grille, style début de siècle, dont l’intérieur est capitonné de tapisseries à motifs
floraux de style Belle époque. L’éclairage tamisé est fourni par deux petits halogènes
dissimulés sous forme de lampes à gaz Arts décos. L’ascenseur s’enfonce profondément
dans le sous-sol parisien, et les PJ pourront discerner par les doubles grilles une succession
de strates archéologiques, puis géologiques superposées, dont la décrépitude minérale
tranche avec le luxe de l’ascenseur.
Lorsque l’ascenseur s’arrête enfin, il débouche dans la nef d’une jolie chapelle
gothique - que Villon a fait démonter puis reconstruire 50m sous le niveau du sol... Des
projecteurs disposés derrière les vitraux du XV° siècle transforment l’endroit en une féérie
de couleurs. Les murs sont couverts presque jusqu’à la naissance des voûtes de tableaux et
d’esquisses de grands peintres, appartenant à diverses époques et divers courants
artistiques - Grands maîtres flamands, quattrocinto italien, Manièrisme français, Baroque,
académisme, impressionnisme, pré-raphaélites, cubisme, etc... Les allées sont occupées par
cinq sarcophages somptueux, d’origine romaine, sans doute arrachés au sous-sol de
l’antique Lutèce. Ils sont garnis de coussins brodés, d’étoffes précieuses et de soieries. Au
centre de la nef se trouve le Transi d’or massif sculpté par Rodin et représentant Narcisse.
Il s’agit d’une statue de taille humaine représentant Narcisse nu, en train de s’admirer dans
un petit miroir à main. La partie gauche montre un corps magnifique, éclatant de jeunesse
et de beauté ; la partie droite montre les membres décharnés d’un cadavre, découvrant le
crâne et le squelette sous une peau effilochée. Les PJ pourront remarquer que le squelette est
composé de vrais ossements, en partie carbonisés par l’or coulé autour d’eux. Si les PJ
interrogent Stanko sur cette statue, celui-ci leur dira qu’il s’agit d’une œuvre de Rodin,
intitulée “Narcisse transi”, et prétendra ne pas en savoir plus.
Dans le chœur, une cathèdre majestueuse est posée à la place de l’hôtel. Le siège est
en vieux chêne décoré de plaques d’ivoire sculpté représentant de ravissants petits
personnages Renaissance, livrés à des scènes galantes dans des décors stylisés d’intérieurs

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 11


et de jardins. Les accoudoirs et le fond de la cathèdre sont brillants à force d’avoir été
polis, comme par un long usage. Au fond du chœur, suspendu au-dessus de la cathèdre, se
trouve un grand portrait en pied qu’un amateur d’art éclairé pourra attribuer au Primatice10
ou à son école. Ce portrait représente en fait Beatrix. C’est une superbe aristocrate, maigre
(ce qui est frappant dans la peinture de l’époque, où les canons de la beauté sont plutôt
charnus), au teint lumineux, au magnifique regard mauve brillant d’une intensité presque
insupportable. Elle est corsetée dans une robe de Brocart chatoyant, le cou auréolé par une
fraise compliquée et diaphane, et ses cheveux blond vénitiens sont rassemblés en une
coiffure savante semée de perles et de pierres précieuses. Outre le rayonnement qui émane
de sa personne, son siège devrait frapper les PJ, puisqu’il s’agit de celui qui se trouve juste
sous le tableau.
Si les PJ interrogent Stanko à propos du tableau, il leur apprendra qu’il s’agit de
Beatrix, l’ancien Prince de Paris. Il pourra leur résumer en quelques mots les conditions
dans lesquelles elle a fondé l’Hégémonie Toreador et celles dans lesquelles elle a disparu en
1793. Des PJ curieux demanderont sans doute ce que faisait Villon à l’époque, comment il a
accédé au pouvoir ; Stanko leur racontera la vérité, en omettant toutefois systématiquement
toute mention à Narcisse.
Dans une absidiole excentrée derrière le chœur se trouvent un bureau et une
bibliothèque de quelques milliers de volumes. La bibliothèque devrait faire bondir le cœur
de tout bibliophile, car elle rassemble les premières éditions de grandes œuvres littéraires,
protégées par des reliures d’époque. Des PJ curieux y trouveront l’édition princeps des
œuvres de Villon : Le grant testament villon et le petit. Son codicille. Le iargon & ses
balades, imprimé à Paris par Pierre Levet en caractères gothiques cursifs en 1489. Ils
découvriront également des ouvrages sans prix car portant les autographes de leurs auteurs
: le Livret des folastries, un recueil de poèsies légères de Ronsard publié chez “la veufve
Maurice de la porte” en 1553, portant la dédicace suivante “Pour mon plaisanct & tres-
estrange ami le Sieur Michel Mouton11 , qui saict myeus que moy cueillir les roses de la vie”
; les “Livre Premier & second” des Essais de “Messire Michel seigneur de Montaigne”
publiés en 1580 par Millanges à Bordeaux, ouvrage dont les marges comportent de
nombreux ajouts manuscrits de Montaigne ; un manuscrit de Tartuffe en trois actes
(correspondant aux actes I, III et IV de la version définitive), tel qu’il fut représenté en 1664
à Versailles, introuvable quasiment depuis sa composition ; une dizaine de pages
manuscrites livrant quinze portraits inédits dans Les caractères, de La Bruyère ; etc... (Un
PJ bibliophile tenté “d’emprunter” discrètement un de ces ouvrages ne sera d’abord pas
inquiété, sauf si Stanko se rend compte de l’appropriation, auquel cas il sommera le
personnage de remettre le livre en place. Mais quelques mois plus tard - au cours d’un
scénario ultérieur - le Prince prendra à part le PJ et lui demandera grâcieusement de lui
rendre son livre, sans lequel il trouve sa bibliothèque dépareillée. Sitôt l’ouvrage rendu, le
personnage tombera en disgrâce : son domaine lui sera retiré pour un autre, de dimensions
étriquées dans une banlieue industrielle, de surcroît menacé par l’agitation Anarque. Il
perdra un point de statut et sera ouvertement méprisé à la Cour. Le Prince fera comme s’il
n’existait pas.)
Le bureau est un immense meuble de design contemporain, garni d’un fauteuil
ergonomique en cuir noir luxueux et confortable. Le bureau comporte cinq écrans de
contrôle reliés à des caméras qui surveillent l’accès du refuge (entrée du Musée, vestiaires
du Musée, couloirs de service du Musée, accès à l’ascenseur, intérieur de l’ascenseur). Il
comporte trois stylos plumes en or, dont deux à large bout carré, qui permettent à Villon de
continuer à écrire dans des calligraphies anciennes. Mais le meuble est vierge de tout papier
: tout ce que les PJ pourront trouver, c’est une télécommande compliquée dans un tiroir : elle

10 Francisco Primaticcio, 1504-1570, dit le Primatice. Architecte originaire de Bologne, il participa


dès 1532 à la direction de l’édification du château de Fontainebleau. Dessinateur et peintre
renommé à la cour des Valois .
11 “Michel Mouton” est un pseudonyme que prit François Villon en 1455 pour essayer d’échapper à
la justice, après le meurtre du prêtre Jean Sermoise au cours d’une rixe sur le parvis de Saint-Benoît-
le-Bétourné, près de la Sorbonne. Stanko ignorant cet ancien épisode de la vie mortelle de Villon ,
vous pouvez laisser les PJ échafauder mille théories farfelues sur le “tres-estrange” Michel Mouton.
Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 12
permet de commander à distance les caméras de surveillance, de doubler la porte d’accès à
l’ascenseur par une porte de bunker, de manipuler l’ascenseur à distance et d’ouvrir une
porte secrète dans la bibliothèque, donnant sur un escalier dérobé qui remonte vers les
carrières souterraines creusées dans le sous-sol parisien.
Sur le bureau se trouvent aussi deux téléphones avec fax et répondeur. Un message
est enregistré sur l’un des répondeurs, par une voix féminine grave, à la fois très séduisante
et très désabusée, à la diction remarquablement pure :
“Bonsoir, François. Voilà plusieurs jours que j’éprouve le désir de m’entretenir avec
vous, mais mes lettres restent sans réponse, et mes appels se heurtent à ce répondeur, à
cette voix étrangère qui n’est même pas la vôtre. J’ai essayé de vous joindre par
l’intermédiaire de nos amis communs, sans résultat puisque tous prétendent ignorer où
vous êtes. Madame Vauquier m’a fait parvenir votre invitation pour ce vernissage, mais je
n’irai pas mendier en public une faveur de vous. Vous m’avez enseigné que le cœur des
poètes est inconstant, et je ne vois plus que jeu et duplicité dans vos promesses. Je ne vous
importunerai plus. Toutefois, je désire vous laisser un souvenir, un petit cadeau d’adieu en
mémoire de toutes ces nuits d’illusion vécues auprès de vous. Vous rappelez-vous de ce
pavillon charmant de l’impasse du Tertre, au 15 si ma mémoire est bonne ?... Avant d’aller
parader à votre vernissage, passez donc à cette adresse ; peut-être vous souviendrez-vous
combien vous fûtes aimé.”
Il s’agit de la voix d’Irène Donna. S’il se trouve des Toreador parmi les PJ, où des
vampires d’autres clans habitués aux spectacles parisiens, cette voix devrait leur dire
quelque chose, sans qu’ils soient capables de préciser leur intuition. Stanko prétendra lui
aussi reconnaître confusément cette voix, sans savoir de qui il s’agit. Il assurera simplement
qu’il ne s’agit pas d’une vampire fréquentant actuellement la Cour. Si les PJ lui posent des
questions sur la vie sentimentale de Villon, il leur répondra qu’il fait tout pour l’ignorer,
arguant qu’il s’agit d’un domaine particulièrement dangereux à explorer...
Lorsqu’ils quittent le refuge du Prince, Stanko repart au Louvre, mais exige un
rapport téléphonique toutes les heures à son numéro personnel. Logiquement, les PJ
devraient se rendre au 15, impasse du Tertre (18°arr.). Toutefois, il est possible aussi qu’ils
explorent d’autres pistes :

4. La Baronne Vauquier
Ils peuvent avoir l’idée de se rendre chez la baronne Vauquier, dans l’espoir où celle-
ci en connaîtrait plus sur les projets du Prince pour la soirée. L’adresse de la baronne peut
être livrée par Stanko : il s’agit d’un immense appartement au 92, boulevard Montaigne, qui
n’est autre qu’un bordel luxueux pour pédophiles... En fait, lorsque les PJ débarquent,
l’appartement est complètement vide : ne restent dans les vastes salons de l’appartement
que quelques tringles au-dessus des fenêtres et les traces des cadres sur les murs. (Sur le
conseil de Villon, la baronne Vauquier a déménagé avec armes et bagages en prévision des
troubles à venir). Si les PJ parviennent à se renseigner auprès des voisins (ce qui demandera
pas mal d’habileté dans un immeuble de la haute société parisienne, au beau milieu de la
nuit...), ils apprendront que trois camions de déménagement ont emporté tous les meubles
de Madame Vauquier au cours de l’après-midi. Personne ne saura la nouvelle adresse de la
baronne.
Le concierge se souvient du nom de l’entreprise de déménagement (si les PJ pensent à
l’interroger à ce sujet) : il s’agit de “Cassins frères”, dont le siège se trouve à Noisy-le-Sec.
L’entreprise étant fermée au cours de la nuit, il faudra beaucoup d’habileté aux PJ pour
contacter les responsables (écumer l’annuaire et passer une trentaine de coups de fils pour
localiser le domicile privé des Cassins déménageurs). Ceux-ci, réveillés au cœur de la nuit,
se montreront plutôt malpolis au téléphone, et il faudra aller les voir personnellement et
s’introduire illégalement chez eux pour leur extorquer des informations : tout ce qu’ils
pourront alors livrer, c’est que les meubles de la baronne Vauquier ont été déposés dans un
garde-meubles à Pantin. L’adresse personnelle laissée par la baronne est toujours le 92,
boulevard Montaigne.

5. Contacter Garance
Connaissant la position ambiguë de Garance auprès du Prince, les PJ peuvent avoir

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 13


l’idée de lui poser des questions sur ses liaisons. S’ils reviennent à la galerie Catel-Réaux,
Garance a disparu. Les caïnites encore présents pourront leur dire qu’elle s’est éclipsée
juste après eux, tout en demandant des nouvelles avec insistance, persuadés que les PJ en
savent beaucoup.
S’ils se rendent à l’Opéra Garnier, où Garance a son refuge, ils arrivent en pleine
cohue. On a donné ce soir un ballet, Gisèle, et les spectateurs sortent et s’attardent dans les
ors des couloirs et du grand escalier. Si les PJ s’incrustent, et seulement s’ils ont déjà aidé
Garance dans le passé, ils sont abordés par un homme du monde au charme latin, la
quarantaine anémiée, vêtu dans un smoking irréprochable. Il les mène dans une loge qui
domine la salle vide et la scène où des techniciens déménagent bruyamment les décors.
Si les PJ n’ont encore rien découvert sur Narcisse et interrogent simplement Garance
sur la vie sentimentale du Prince, celle-ci se montrera sarcastique et amère. Elle décrira
Villon comme le plus merveilleux séducteur qu’elle ait rencontré, mais aussi le plus
inconstant. Elle affirmera que depuis des siècles, Villon a accumulé des centaines, voire des
milliers de conquêtes, mortelles et immortelles, et qu’il lui serait difficile de toutes les
connaître. Elle le peindra non seulement sous les traits d’un amant volage, mais aussi
comme un être possessif et jaloux, y compris des conquêtes abandonnées depuis
longtemps. Implicitement, elle laissera entendre qu’elle le considère toujours comme
dangereux pour elle, même s’il continue publiquement à lui témoigner de l’estime et une
certaine tendresse. Les PJ pourront percevoir une certaine inquiétude chez Garance, mais
elle prétextera la lassitude qui s’empare des gens du beau monde qui ont “trop” vécu...
Si les PJ sont déjà passés par le 15 de l’impasse du Tertre et s’ils ont découvert
quelque chose sur Narcisse, Garance laisse clairement apparaître son trouble. Elle
commencera par refuser de dire quoi que ce soit avec une pointe de panique, puis finira par
raconter l’histoire de Narcisse, depuis sa rencontre dans les salons parisiens sous la
Régence jusqu’à sa disparition en 1871. Elle fera plusieurs révélations qui devraient
inquiéter les PJ :
- La dénonciation par le Révérend de Narcisse a été un moment décisif pour
le Ventrue dans son ascension au sein de la Cour parisienne ; cela a également renforcé la
position des Praxistes au sein de la Cour.
- C’est après la disparition de Narcisse, en 1871, que Stanko a fondé les
Korrigans et s’est élevé jusque dans le sérail qui entoure Villon. Quoiqu’il n’existe pas la
familiarité qui unissait Villon et Narcisse entre le Prince et Stanko, Garance soupçonne (à
juste titre) que Stanko a remplacé Narcisse en tant qu’agent de renseignement du Prince.
(Laissez vos PJ imaginer que Stanko est au cœur d’une ténébreuse conspiration ; cela
pimentera leur paranoïa...)
- Enfin, si les personnages se montrent particulièrement diplomates, Garance
finira par avouer le secret qui la ronge. Elle ne croit pas que Narcisse soit mort ; en effet, il
s’agit de son infant, et en 1871, elle n’a pas senti sa destruction, alors que tout géniteur est
intuitivement sensible à la disparition d’un de ses rejetons. Elle suppose une vaste
machination derrière tout cela, dont elle ignore les aboutissements, mais qui la remplit de
crainte car elle est persuadée que les Vampires qui tiennent à faire croire à la mort de
Narcisse savent qu’elle-même n’y croit pas, et qu’elle représente donc un danger pour eux...
Elle laissera aussi entendre que désormais, les PJ sont dans le même cas qu’elle, puisqu’elle
leur a avoué ce qu’elle sait...

6. Retourner à la galerie Catel-Réaux


Les PJ peuvent revenir à la Galerie Catel-Réaux. L’ambiance est celle d’une fin de
soirée ; la plupart des mortels partent en petits groupes. Les caïnites, quant à eux, sont
bruissants de tension et d’animation. Déplacements furtifs, coups d’œil inquisiteurs, signes
de connivences et rumeurs chuchotées vont bon train. Les PJ sont assaillis de questions
lorsqu’ils rentrent : ont-ils des nouvelles du Prince ? Est-il vrai qu’un soulèvement Anarque
se prépare ? Qu’en est-il de ces ragots sur la santé du Prince ? Est-il vrai que le Sacré Cœur
a été saccagé par un Ancien tombé en Frénésie ? Etc... Les PJ doivent avoir la désagréable
sensation que toute la Camarilla parisienne est très proche de la vérité.
Cosimo et quelques Tremere restent sur place jusqu’à deux heures du matin. Le vieux
Régent, avec son expérience politique, soupçonne une crise grave et cherche à déterminer ce

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 14


qui se passe. Il reste pour donner le change, feint ne pas accorder d’intérêt à toute cette
agitation et attendre placidement le Prince. Si les PJ l’interrogent, il se montre aimable,
prétend ne voir dans le retard de Villon qu’une nouvelle fantaisie typique de “son
tempérament artistique”... Ce qui ne l’empêchera pas lui aussi d’essayer de tirer les vers du
nez aux PJ. En fait, il a déjà lancé plusieurs Tremere dans une enquête efficace : certains
d’entre eux, utilisant la Thaumaturgie des Esprits, ont envoyé des fantômes éplucher les
lignes de télécommunication. Les esprits-esclaves ont ainsi découvert la ligne personnelle
du Prince et le mystérieux message sur son répondeur, et sont en train de remonter vers
l’origine de l’appel...
Le Révérend et sa coterie restent sur place jusqu’à une heure du matin,
essentiellement pour collecter des informations. Le Révérend a fait la relation entre le sacré
Cœur et l’impasse du Tertre ; il est inquiet, et cela se voit. Camille Pons, à côté de lui, est
suspendu à son portable - c’est depuis la galerie de peinture, entre autres, qu’il a ordonné le
cambriolage du 15, impasse du Tertre, sur ordre du Révérend. Il essaie de se renseigner lui
aussi sur la baronne Vauquier et sur les mouvements anarques. Le Révérend éludera toute
approche des PJ, mais pourra envoyer le Vicomte auprès d’eux pour essayer d’obtenir plus
amples renseignements.
S’ils sont revenus à la galerie, sur un jet de perception difficile, les PJ pourront être
témoins d’un détail singulier : les écrans TV de Pornography vont brièvement montrer une
silhouette bossue, boiteuse et répugnante, coiffée d’un immense tricorne, qui traverse
rapidement la galerie vers la porte, alors qu’il n’y a personne de correspondant dans la
pièce. Il s’agit de Quincampoix, venu incognito en quête d’informations en utilisant sa
discipline Dissimulation. Il s’est fait piéger par les caméras de l’œuvre d’art, insensibles à
son pouvoir. Au moment où les PJ aperçoivent éventuellement son reflet, il s’esquive vers
les catacombes, après avoir espionné le Révérend. Lui aussi a compris que l’affaire
Narcisse venait de ressurgir, et il est terrifié à l’idée que le Prince puisse découvrir son rôle
dans la conspiration. Il va réclamer l’aide d’autres Nosferatus afin d’intercepter les
cambrioleurs envoyés par Camille Pons, pour s’emparer des documents compromettants et
les détruire. Une fois sorti, il sera à peu près impossible aux PJ de le rattrapper.

7. Le Sacré Cœur
Les PJ peuvent également se rendre au Sacré Cœur - très proche de l’impasse du
Tertre. L’accès à la basilique est interdit par un cordon de police ; plusieurs voitures et
estafettes de police sont garées devant le parvis, les gyrophares bleus donnant un aspect
sinistre à la scène. Des journalistes sont également présents, et tentent vainement de
parlementer avec les forces de l’ordre pour entrer dans l’édifice. Deux équipes télé tournent
sur les extérieurs. vu de dehors, une porte massive de la basilique a bel et bien été arrachée
de ses gonds, plusieurs vitraux sont pulvérisés, et quelques bancs fracassés encombrent le
parvis et les bas-côtés. A l’intérieur, quelques statues ont été mutilées et la plupart des
bancs et des chaises on été fracassés contre les murs.
Autour des journalistes et des forces de police, une petite foule de curieux s’est
rassemblée. Un peu à l’écart, rue Azaïs, un vieux van cabossé est arrêté, toutes portes
ouvertes. Installés sur les sièges avant et sur le trottoir se trouvent Natacha, un punk
Anarque et quatre goules crades, manifestement défoncées, qui s’amusent à lancer des
canettes vides sur la chaussée et ricanent du spectacle. Si les PJ vont les voir, les deux
Anarques et leurs goules les insultent grossièrement, mais sans trop élever le ton - la
présence des policiers et des journalistes devrait pousser tout le monde à éviter des éclats
trop voyants. Le punk ricane simplement que les Brujah n’ont plus rien à faire, maintenant
que ce sont les Toreador qui font de la casse... Les Anarques refuseront d’en dire plus et,
par dérision, feront même mine d’appeler les policiers si les PJ s’incrustent.

8. 15, impasse du Tertre


L’impasse du Tertre est une étroite ruelle accrochée au côteau, dans l’ombre du
Sacré Cœur. Le 15 est la propriété occupant le cul-de-sac de l’impasse.
Il s’agit d’une maison bourgeoise du XIX° siècle, dans un état de décrépitude avancée.
La façade de la maison est protégée par une haute grille de fer forgé, aux barreaux tordus,
rongés de rouille et de plantes grimpantes. La porte de la grille est fermée à clef et

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 15


agglomérée par la rouille, mais un vampire, en usant de sa force surnaturelle, pourra la
débloquer sans problème - ou bondir par-dessus. La grille s’ouvre dans un grincement
sinistre sur une petite cour pavée, envahie par les mauvaises herbes et les débris de tuiles.
Le crépi tombe par plaques et découvre la pierre des murs ; le toit semble troué en plusieurs
endroits et s’incurve dangereusement, comme s’il semblait prêt à s’effondrer ; des volets
pourris, auxquels il manque un grand nombre de lattes, ferment les fenêtres en penchant
dangereusement vers l’extérieur. La porte d’entrée, décolorée par les intempéries, est
entr’ouverte ; des traces brillantes sur la serrure rouillée montrent qu’on l’a forcée
récemment. Il est également possible de contourner la maison ; sur le côté, une porte de
service, facile à forcer, donne sur l’ancienne cuisine ; à l’arrière, on débouche sur un jardin
en friches, envahi par les ronces. Quelques bancs de pierre, quelques statues mutilées et
mangées de lichens émergent mélancoliquement çà et là au milieu des herbes folles et des
taillis d’épines. Sur l’arrière, il est également possible d’entrer par une porte fenêtre en
arrachant quelques lattes à un volet et en passant le bras par un carreau cassé.
La maison fut brutalement abandonnée au moment de la disparition de Narcisse, en
1871. Elle est restée en l’état depuis, discrètement surveillée par des agents mortels de
Villon. L’intérieur évoque une demeure brutalement figée au siècle passé ; les ferronneries
des escaliers, le cristal des lustres et les meubles sont drapés dans d’immenses toiles
d’araignées grises de vieillesse, les murs et les moulures des plafonds sont gâchés par
d’immenses taches d’humidité, qui cloque les tapisseries fanées et décolle les plâtres.
(La maison recèle nombre d’œuvres d’art. Si un PJ en vole, traitez l’affaire comme
pour “l’emprunt” éventuel d’un livre de Villon. Le Prince se fera le porte-parole de son
favori, et la disgrâce des PJ indélicats sera aussi sûre...)

Rez-de-chaussée
1.Vestibule:Une grande pièce qui traverse la demeure de part en part, et ouvre sur le
jardin par une porte fenêtre face à la porte d’entrée. Un bel escalier de pierre courbe, à la
main courante de fer forgé, monte à l’étage. Sous cet escalier mangé de toiles d’araignées,
une porte donne sur un escalier étroit qui descend dans la cave à vins. Deux portes aux
boiseries rongées donnent à gauche sur la cuisine et la salle à manger ; une porte donne à
droite sur le salon.
Une jolie commode Louis XVI à plateau de marbre, malheureusement piquée par les
vers, se trouve dans le vestibule. Elle porte un beau vase en biscuit de Sèvres, emmailloté de
toiles d’araignées, où s’étiolent les tiges noircies d’un antique bouquet. Fouiller les tiroirs
permet de retrouver d’antiques jeux de cartes, de ravissantes montres à gousset
définitivement arrêtées, un éventail qui se déchire si on le touche, plusieurs paires de gant
de bal jaunis par le temps...
Des tableaux ornent les murs ; si les PJ les nettoient des toiles d’araignée et de la
poussière, ils tomberont sur une galerie de portraits d’acteurs de la commedia dell’arte, que
des amateurs éclairés pourront attribuer à Watteau12 .
Depuis la porte d’entrée, des traces de pas récents ont dispersé la poussière et
arraché des toiles d’araignée en direction du salon, de la salle à manger et des escaliers.

2. Cuisine : Une pièce tout en longueur, qui donne par deux fenêtres aux volets délabrés
sur la cour et par une porte de service sur le côté de la maison. Non loin de la porte de
service, une vieille trappe scellée par la poussière et les toiles d’araignée donne sur un
escalier étroit donnant sur le cellier. Au-dessus de la trappe, un escalier de service assez
raide - et très vermoulu - monte et donne au bout du couloir du premier étage.
Un grand âtre contient des cendres agglomérées en traînées noirâtres par l’eau de
pluie et deux grandes crémaillères rouillées. Au-dessus de la cheminée est suspendue toute
une batterie de marmites, de poëles et de casseroles de cuivre corrodé, grouillantes
d’araignées. Sur la table de bois rustique, garnie de trois chaises branlantes aux sièges de
paille crevés, tout un couvert d’argenterie est méthodiquement rangé sous une épaisse
12 Antoine Watteau, 1684-1721. Peintre français s’écartant de l’académisme du XVII° siècle pour
s’inspirerde la peinture de Rubens et des Vénitiens. Coloriste délicat, dessinateur exceptionnel, il
renouvelle la peinture française en imposant un style fait de poèsie et de nostalgie. Une partie
importante de son œuvre est consacrée aux scènes de comédie.
Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 16
couche de poussière, ainsi qu’un vieux chiffon à demi décomposé - comme si un domestique
avait abandonné là son travail d’astiquage.
Sous une fenêtre, un grand évier de pierre garni d’une immense pompe à eau -
engorgée de rouille et de toiles d’araignée - est encore encombré de vaisselle et de
casseroles, soudées par une saleté vieille d’un siècle. Dans un coin, un jeu de balais de crin
et de plumeaux pourrissent sous des toiles d’araignée poussièreuses. Un vaisselier contient
un grand couvert en porcelaine fine, garnie de petits personnages régence, aux couleurs
fanées par la poussière.
Une série de clochette corrodées sont suspendues au-dessus de la porte (elles
servaient à “sonner” la domesticité).

3. Salle à manger: Une grande pièce donnant sur le jardin par une porte fenêtre. Des
ronces se sont glissées entre les lattes disjointes des volets et les carreaux cassés, et se sont
lovées autour des montants de la porte fenêtre. L’eau de pluie s’est également infiltrée par
la même voie, et rend le plancher sournoisement élastique du côté du jardin. Des taches
malsaines de moisissure se sont développées sur les murs et sur les lambeaux fanés des
rideaux.
Un tapis qui fut fastueux, maintenant rongé de vermine, couvre le plancher vétuste.
Une vaste table et douze chaises Second Empire garnissent les lieux. Le rembourrage des
sièges s’est affaissé. Sous une épaisse couche de toiles d’araignées, le couvert est mis : une
nappe en dentelle s’effiloche, des couverts de porcelaine et de cristal prennent la poussière,
un sédiment noirâtre stagne au fond de belles carafes à vin.
Trois tableaux ornent les murs. Nettoyés des toiles d’araignée et de la poussière, ils
révèlent deux natures mortes très académiques encadrant une Vanité du XVII° siècle, d’une
austérité toute janséniste. Une grâcieuse cheminée de marbre est dominée par une jolie
horloge Empire, définitivement rouillée et encrassée, et par un vieux miroir piqué au cadre
doré.
4. Salon : Une pièce très vaste, qui donne par deux fenêtres sur la cour, et par une
porte-fenêtre sur le jardin. Sous la poussière et les toiles d’araignée dorment un joli clavecin
peint de scènes champêtres (et éc aillées) très XVIII° siècle (Côté cour) et un beau piano
à queue (côté jardin). Les touches en ivoire des deux instruments ont jauni, sont muettes ou
donnent des sons sinistres, effroyablement désaccordés. Sur le lutrin du piano se trouvent
quelques feuillets fragiles, où une partition à demi effacée par le temps a été manuscrite. Il
s’agit d’un air romantique et funèbre ; au terme de de la partition se trouvent ces quelques
mots : “A mon ami Lord Kenningmore, esthète averti parmi les mélomanes, ces quelques
mesures de ma Grande Messe des Morts. H. Berlioz”
Dans l’espace entre les deux instruments se trouvent une petite table de jeu garnie de
chaises branlantes ainsi que des fauteuils à oreillettes et des poufs Second Empire, aux
rembourrages affaissés ou crevés. Des gravures jaunies montrant des paysages de ruines
baroques, typiques du XVIII° siècle, ornent les murs. Au-dessus d’une cheminée en marbre
aussi charmante que celle de la salle à manger est accroché un grand tableau. Peint dans
une facture très néoclassique, il représente Coriolan, un tribun romain au regard halluciné,
devant lequel deux femmes agenouillées (sa femme et sa mère) tendent des bras implorants.
La toile est signée Louis David 13 .

Premier étage
5.Couloir:Il longe la façade sur toute la longueur, et est faiblement éclairé par des
fenêtres délabrées donnant sur la cour. L’escalier de pierre du vestibule donne au centre du
couloir. A droite, le couloir mène à la bibliothèque et au bureau. A gauche, il mène au
boudoir et à la chambre. Au fond à gauche, il donne sur l’escalier de service qui descend à
la cuisine et sur celui qui monte sous les combles, dans les chambres des domestiques.
Les traces de pas se dirigent vers la droite, en direction de la bibliothèque et du
bureau.
(Au second, les quatre chambres des domestiques ne contiennent pas grand chose
d’intéressant : des lits aux matelas crevés, des brocs et des cuvettes à l’émail écaillé, des
13 Louis David, 1748-1825. Membre de la Convention, et peintre de Napoléon Ier sous l’Empire.
Chef de file de l’école néoclassique.
Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 17
vêtements modestes rongés de vermine, des affaires de toilette pourrissantes...)

6. Boudoir : Une petite pièce borgne, garnie de tapis de Perse mangés de mites, d’un
guéridon Empire piqué et de trois bergères aux rembourages affaissés. Des gravures
libertines du XVIII° siècle sont accrochées aux boiseries pourrissantes qui garnissent les
murs. Une porte donne directement accès à la chambre.
Des personnages fouineurs, sur un jet de perception difficile, pourront retrouver une
très vieille lettre sans doute tombée sous un coussin d’une bergère. Le papier en est fragile
et casse aux pliures. Une écriture passée, aux déliés emplis d’un charme désuet, y a tracé
les lignes suivantes :
“Mon ami, (Puis-je encore vous appeler ainsi ? Ou craignez-vous aussi que cette
appellation indispose votre protecteur ?)
Suis-je en train d’expier les infidélités faites jadis à mon vieux mari ? Je n’entends
parler que de vous, mais je ne vous vois plus, sinon en compagnie de ce personnage qui
m’est désormais doublement odieux. Avez-vous la mémoire si courte ? Vous doublez
l’offense de vos silences par la détresse dans laquelle votre absence - votre mépris, peut-
être - me plonge, et me pousse à vous écrire ces folies.
On rit déjà de moi. Soit. Mais tôt ou tard, on rira aussi de vous. Du moins est-ce ce
que je vous souhaite, car dans la position qui est la vôtre, tous les périls sont à craindre.
Adieu. Je tâcherai de bien vous haïr.”
La lettre est signée “Armande”. Il s’agit d’un courrier que Garance avait envoyé à
Narcisse, dans un moment de désespoir.

7. Chambre : Une pièce d’angle, avec une fenêtre donnant sur le côté et une donnant sur
le jardin. Une porte donne sur le couloir, une sur le boudoir et une sur le cabinet de toilette.
Un joli lit à baldaquin occupe le centre de la pièce, rendu sinistre à force de décrépitude,
voilages en lambeaux et literie infestée de vermine, le tout drapé dans de grandes toiles
d’araignées. Le reste de la pièce paraît un peu vide, comme si elle n’avait jamais été
vraiment utilisée.

8.Cabinetdetoilette:Une petite pièce surchargée : elle contient une table de toilette


(garnie d’un bassin et d’un broc gracieux en faïence), une table de maquillage garnie d’un
miroir ovale piqué, surchargée de boîtes à fards, de flacons de parfum éventés où ne
stagnent plus que des résidus grisâtres, de brosses moisies, de vieux peignes d’ivoire, de
fers à friser, de ciseaux et de pinces à épiler corrodés, d’une foule de rubans fanés et
effilochés... On trouve un désordre semblable de cosmétiques sur plusieurs étagères, le tout
recouvert d’une épaisse couche de poussière et de toiles d’araignée. Une grande psyché
piquée occupe un angle.

9.Bibliothèque:Une pièce de larges dimensions, dotée d’une porte donnant sur le


bureau, d’une autre donnant sur le couloir, d’une fenêtre donnant sur le jardin. Tous les
murs sont couverts de rayonnages, couverts de plusieurs milliers de livres du XVIII° et du
XIX° siècle reliés en vieux cuir. Le plancher est maculé par des centaines de miettes de
papier imprimé, débris des ravages faits par les rats dans les rayonnages les plus bas.
Cette bibliothèque contient les œuvres complètes de la plupart des grands auteurs de
langue anglaise et de langue française des XVIII° et XIX° siècles. Certains ouvrages sont
dédicacés par leurs auteurs à “Lord Kenningmore” - entre autres “Notre-Dame de Paris”,
de Victor Hugo, “La reine Margot” par Alexandre Dumas ou les “Poèmes barbares” par
Leconte de Lisle.
Une jolie cheminée de marbre, flanquée de deux fauteuils crevés, occupe le mur ouest.
Elle est dominée par un tableau de Delacroix qui va frapper les PJ. Il s’agit d’une grande
toile qui semble avoir été récemment dépoussiérée à la main. Il s’agit du portrait de deux
dandys romantiques vêtus de fracs élégants, de gilets à bouton de nacre, de chemises de
soie au col noué par des cravates larges et extravagantes. Le premier, assis sur un fauteuil
Louis XV, n’est autre que François Villon ; il tient négligemment un livre dans sa main droite
(“Le Prince”, de Nicolas Machiavel...), et fixe pensivement le peintre, appuyé sur sa
senestre. Le second est Narcisse ; il se tient debout, derrière le Prince, une main

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 18


familièrement posée sur l’épaule de celui-ci, un sourire énigmatique aux lèvres. Les PJ
devraient reconnaître au premier coup d’œil la statue d’or aperçue dans le refuge de Villon.
Une feuille de papier est punaisée à même la toile, avec une épingle à cravate Saint-
Laurent, au niveau du cœur de Narcisse. La feuille semble récente, sans doute arrachée à un
agenda, l’encre y est fraîche, mais l’écriture du texte qu’elle porte est aiguë et archaïque. Il y
est noté :
“Pour une fois, vous voici bien ponctuel, François.
Ce visage vous est-il encore familier, ou l’avez-vous oublié lui aussi ? Pas lui, n’est-ce
pas ? Vous souvenez-vous de cette nuit où il vous hurlait son innocence ? J’imagine
combien ses cris ont pu vous faire souffrir, mais vous ne l’avez pas cru. Vous ne pouviez le
croire.
Le piquant de l’affaire, c’est qu’il était sincère. Il était INNOCENT.
J’en détiens la preuve. La désirez-vous ? Mais n’est-il pas un peu trop tard pour me
la réclamer, François ? N’est-ce pas vous qui ne souhaitez plus me voir, désormais ?”
(Ce texte a été écrit et épinglé par Villon lui-même, avant de faire un peu de casse au
Sacré Cœur. Si des PJ utilisent la Psychométrie, ils seront sensibles à la présence du Prince,
mais quoi de plus normal puisque celui-ci est censé être passé ici quelques heures avant eux
?)

10.Bureau:Une pièce d’angle de dimensions plus réduites, dotée d’une porte donnant
sur le couloir, l’autre sur la bibliothèque, d’une fenêtre donnant sur le côté de la maison,
l’autre donnant sur le jardin.
Un angle est occupé par un chevalet où moisit une toile inachevée ; elle semble offrir
une vision nocturne du Paris du XIX° siècle bombardé (il s’agit d’un tableau évoquant les
rigueurs de la Commune). Un joli secrétaire Louis XV occupe l’autre partie de la pièce. Des
plumes à hampe d’or ciselé ou d’ivoire y attendent toujours dans leurs encriers desséchés.
Les tiroirs révèleront une clef de fer compliquée (la clef de l’armurerie et deu refuge de
Narcisse) ainsi qu’une correspondance abondante. Les papiers sont rangés en liasses
nouées à l’aide de rubans défraichis, sauf en ce qui concerne ceux des années 1790-1793, en
grand désordre (trace du passage de Quincampoix au siècle dernier).
Eplucher le courrier prendra du temps, mais pourra se révéler instructif. Les PJ
pourront découvrir :

A. des lettres d’auteurs romantiques célèbres :


“Milord,
Je vous remercie cent fois et plus pour votre intercession auprès du Chevalier des
Loges. La documentation sur le Paris médiéval que votre éminent ami m’a fait parvenir, par
l’intermédiaire de vos soins attentionnés, est saisissante de vie et de précision historique. Je
devine chez le Chevalier un de ces grands esprits qui savent mettre les méthodes
scientifiques du siècle précédent au service de la passion historique du nôtre.
Les enseignements que j’ai ainsi reçus vont donner un relief nouveau à mon roman.
J’envisage de remanier et de développer le rôle de la cour des miracles dans l’intrigue, pour
exploiter l’extraordinaire corpus d’anecdotes exposées à ce sujet par le Chevalier.
Je vous dois, Milord, une reconnaissance inépuisable pour votre concours dans cette
entreprise. Assurez également le Chevalier de ma gratitude et de mon admiration dans les
termes les plus forts, et insistez auprès de lui pour qu’il me fasse l’honneur de sa présence
avec vous à l’une de nos séances hebdomadaires du Cénacle. Je pourrai ainsi vous faire la
lecture d’un drame espagnol que je viens d’écrire en quelques semaines, et que je compte
faire représenter au Théâtre Royal.
Je suis votre obligé”
( La lettre est signée Victor Hugo, et elle est datée du 2 octobre 1829. Des
personnages cultivés pourraient comprendre que le roman cité est Notre-Dame de Paris,
publié en 1831, et que le “drame espagnol” évoqué est Hernani, dont la première est jouée
au Palais Royal le 25 mai 1830. Le Cénacle est le nom que les jeunes auteurs romantiques
donnaient à leur réunion hebdomadaire chez Hugo. Le Chevalier des Loges n’est autre que
Villon, qui a également porté le nom de François des Loges au cours de sa vie mortelle.)
Autre exemple de lettre ayant trait à la littérature :

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 19


“Monsieur,
Veuillez transmettre à votre ami le Chevalier des Loges mes remerciements les plus
vifs pour ses extraordinaires descriptions du Paris des années 1570. Dites-lui également
qu’il a le style très sûr, tant et si bien que je dois avouer avoir intégré certaines pages de son
memorandum au fil de la narration sans avoir modifié une virgule...
Lorsque j’ai remis ma copie des deux premiers chapitres de Margot à M. Alexandre
Dumas, celui-ci, après une lecture rapide, s’est écrié : “Foutre ! Maquet, vous avez passé
votre temps fourré à l’Arsenal ? Où diable avez-vous été chercher des précisions pareilles
?” Ce qui, vous l’aurez compris, est dans la bouche de M. Dumas un compliment
remarquable.
Vous trouverez demain, dans La presse, Le latin de M. de Guise, le premier chapitre
de notre roman. C’est un cadeau de Noël pour les lecteurs du journal, ce que nos jeunes
gens modernes appellent une opération de publicité. Je suis sûr que la lecture vous en
divertira.”
(La lettre est signée Auguste Maquet, et elle est datée du 24 décembre 1844. Le
roman dont il est question est La reine Margot, d’Alexandre Dumas, publié en feuilleton
avant d’être édité en un volume, puis adapté en pièce de théâtre en 1847. Auguste Maquet
était le nègre de Dumas. L’Arsenal est la bibliothèque de l’Arsenal.)

B. Une importante série de billets laconiques, rassemblés en une seule liasse, rédigés
sur les papiers les plus divers. Trois éléments devraient frapper les PJ : a) l’écriture est
toujours la même, et des personnages attentifs remarqueront qu’il s’agit de la même écriture
que celle du billet épinglé sur le tableau de Delacroix b) Jamais d’adresse ni de signature c)
les billets semblent avoir été rédigés sur une très longue période, depuis le XVIII° siècle
jusqu’à la deuxième moitié du XIX° (Les PJ pourront le deviner car certains messages ont été
écrits à la va-vite sur des fragments de page de gazettes ou de journaux). Les textes sont
du style :
“Je vous attendrai demain soir dans le salon de Madame de Scay”
ou
“Les comédiens du Théâtre Royal donnent ce soir un divertissement de Crébillon.
Rejoignez-moi dans la loge de la marquise d’Aumale.”
ou encore
“M. Alfred de Musset fera lundi au Cénacle une lecture d’On ne badine pas avec
l’amour. Soyez-y. La pièce est, paraît-il, remplie d’enseignements.”
Etc...
(Ces billets sont tous de la main de Villon)

C. Plusieurs liasses très épaisses de compte-rendus ressemblant fort à des rapports


de police. Une liasse en désordre rassemble des rapports datés des années 1790 à 1793.
Quatre autres liasses, liées chacune par un ruban noir, rassemblent des rapports datés
respectivement de 1805 à 1817, de 1828 à 1830 et de 1848 à 1855. Tous ces rapports sont
signés “Alistair” ou “Narcisse”, mais ont été rédigés par la même écriture élégante et
désuète. Les rapports de la fin du XVIII° siècle portent l’adresse “A l’intention de la
Citoyenne-Présidente B., aux bons soins du ci-devant Desloges”, les rapports du XIX°
siècle sont tous adressés “A l’intention de Son Altesse le Prince V.”
Les rapports des années 1790 à 1793 montrent que le rédacteur (Narcisse) s’est
infiltré dans le milieu des clubs révolutionnaires et des vampires qui les animent, en
particulier des Brujah. Il révèle que les Jacobins sont d’abord contrôlés par des Brujah
Idéalistes modérés, peu à peu dépassés par la faction Anarque de leur propre clan ;
Maximilien de Robespierre semble leur principal agent. Les Brujah modérés, évincés des
Jacobins, soutiendront par la suite le club des Cordeliers, mais leurs dissensions internes
mèneront le parti à la catastrophe et à l’élimination des ténors politiques du club - Marat,
Hébert, Danton... Les Girondins sont soutenus quant à eux par des Ventrues libéraux ; le
fondateur du club, Brissot, serait l’agent du Révérend. Narcisse ajoute toutefois dans un
rapport de juin 1793, après l’élimination des Girondins, que nombre de Ventrues prennent
le parti contre-révolutionnaire. Un rapport de novembre 1793 sur les prisons
révolutionnaires fait mention d’affrontements violents entre des vampires non identifiés
Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 20
pour le contrôle de ces commodes enclos à bétail. Le dernier rapport, daté du premier
décembre 1793, affirme la situation devenue incontrôlable et la nécessité d’émigrer “pour la
société animée par la Citoyenne-Présidente”.
Les rapports des années 1805 à 1817 révèlent que Napoléon Ier et son gouvernement
sont parvenus à se dégager de l’influence politique de la Famille. Les Ventrues libéraux
profitent de l’Empire pour s’infiltrer dans le milieu des affaires de la bourgeoisie, et
semblent mener une traque féroce contre les Brujah qui ont attaqué leurs intérêts au cours
de la Révolution. Les Toreador français profitent des conqêtes militaires de Napoléon pour
piller le patrimoine artistique de toute l’Europe. Les Tremere auraient infiltré la plupart des
sociétés secrètes de l’époque et contrôleraient les Rose-Croix et la Franc-maçonnerie.
A partir de 1814, des rapports laissent entendre que Narcisse participe au nom du
“Prince V.” à des négociations secrètes avec les Marquis Ventrues : en substance, Villon
accepterait de fermer les yeux sur les meurtres perpétrés par les Ventrues sur des Brujah en
échange du soutien du clan Ventrue. Toreador et Ventrue semblent avoir coopéré pour
faciliter la Restauration en 1815. Les Tremere tenteraient de récupérer le courant
bonapartiste.
Les rapports de 1828 à 1830 émettent des avis alarmants sur les manœuvres des
Ventrues Libéraux, qui sapent le pouvoir de Charles X. La révolution de 1830 est le fruit de
leurs efforts, qui instaure la Monarchie de Juillet, voyant le triomphe de la grande
bourgeoisie qu’ils contrôlent désormais. Sur les ordres du “Prince V.”, Narcisse semble
avoir joué à l’époque les agitateurs politiques, dressant contre la coterie Ventrue les
républicains, contrôlés par les Brujah, et les bonapartistes, contrôlés par les Tremere. Les
Toreador, quant à eux, s’appuyant sur les légitimistes.
Les rapports de 1848 sont très alarmants : la révolution de 48 est provoquée par les
Brujah, et tous les vampires des autres clans ont manifestement craint une seconde
“Terreur”. Cela a permis à Villon de les rassembler autour de lui et de contrer les Brujah en
favorisant l’arrivée au pouvoir du “Prince-président” Louis-Napoléon Bonaparte, puis en
soutenant le coup d’état du 2 décembre 1851. Le parti-pris des derniers rapports montre
clairement que les Toreador apportent leur soutien au Second Empire.

Des joueurs très méticuleux pourront découvrir entre les chenêts rouillés de la
cheminée, ensevelis sous les toiles d’araignées, les cendres d’une autre liasse de papiers.
Seuls quelques fragments n’ont pas brûlé, mais leur examen pourrait être instructif. Les
passages lisibles peuvent être très courts (“...e gouvernement Thiers...” ; “... feu nourri des
troupes de Versailles...”) ou plus longs, et plus évocateurs (“... soupçons confirmés.
Certaines sections sont noyautées par des Anarques de la mouvance de Gorias. Cette
faction est trop dangereuse pour que je tente de l’infiltrer ; elle serait responsable de
l’exécution de Monseigneur Darboy, l’archevêq...”, ou “... laissé courir des rumeurs sur le
refuge de Bourbon, comme prévu. Le stratagème a fonctionné la nuit dernière ; la victime a
été massacrée par des Brujah incontrôlés...”, ou “... Le Révérend est à Paris ; les Anarques
le cherchent, sans succès jusqu’à présent. Je n’ai pas réussi non plus à le débusquer. Je crois
qu’il commence à se méfier de moi...” ou encore “...ville est exsangue. Elle ne tardera plus à
tomber. Il serait opportun d’abandonner le soutien aux Brujah et de rassembler les forces
contre-révolutionnaires. Demain, la victoire est complète. Après-demain, la situation nous
échappe...”).
Tous ces passages concernent l’action de Narcisse pendant la Commune, menée au
service du double-jeu de Villon. Narcisse, qui savait ces papiers explosifs, les a détruits
peu de temps avant d’être lui-même piégé par le Révérend.

Sous-sol
11.Cellier:Une cave voûtée en pierres de taille. Un escalier mène à la cuisine, une porte
étroite donne sur la cave à vin. Des étagères croulantes supportent encore des alignements
de conserves artisanales du siècle précédent. Les pots de verre ne contiennent plus que des
résidus où s’accrochent des moisissures maladives. Les carcasses noires et desséchées de
deux faisans sont encore suspendues au plafond.
12. Cave à vin : Une cave voûtée en pierres de taille. Un escalier mène au vestibule, une
porte étroite donne sur le Cellier, une autre sur la cave à charbon. Des centaines de

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 21


bouteilles, bouchées à la cire, couvertes de poussière et de toiles d’araignées, attendent ici
depuis un siècle. Un vrai trésor pour collectionneur...
13.Caveàcharbon:Une petite cave. Un vieux tas de charbon croupit dans un coin. Sur
un jet de perception difficile, des PJ pourront s’apercevoirqu’une partie du mur est peint en
trompe-l’œil sur une porte métallique - l’illusion devait jadis être frappante, mais la
peinture s’est écaillée. La porte est fermée (la clef se trouve dans le bureau du premier) et
s’avère très résistante si on tente de la forcer.
14.Armurerie:Une petite pièce aux murs ornés de rateliers. On y trouve des armes
blanches rouillées : élégants fleurets de cour, épées de duel du début du XIX° siècle, sabres
de cavalerie. On y trouve aussi tout un assortiment d’armes à feu en très mauvais état :
pistolets de duel à crosse sertie d’incrustations de nacre, longs fusils à poudre des
manufactures royales, antiques fusils de chasse...
Une porte aux boiseries délicates et décrépites donne sur le refuge de Narcisse.
15.RefugedeNarcisse:En dépit de l’absence de fenêtre, la pièce est meublée comme un
ravissant petit salon Régence, garni en plus d’un lit à alcôve. Mais l’ensemble tombe en
décrépitude comme le reste de la demeure ; les tentures sont fanées et se déchirent, les
peintures s’écaillent, les fauteuils sont crevés. Deux armoires bancales contiennent
d’élégantes toilettes masculines Second Empire, rongées de mites et prêtes à se déchirer au
moindre contact.
Si les PJ fouillent le lit, ils apercevront, suspendue à la tête du lit, un petit médaillon
fermé. L’intérieur révélera une mèche de cheveux blonds et une ravissante miniature de
Garance, en toilette du XVIII° siècle.

9. Les cambrioleurs
Quand les PJ auront visité la maison, ou lorsqu’ils feront mine de la quitter, faites
intervenir le Beau Bob et Max la Came, les deux cambrioleurs recrutés sur ordre du
Révérend pour faire disparaître tout papier compromettant au 15 de l’impasse du Tertre.
Le Beau Bob et Max la Came sont deux petits artisans de la cambriole, qui
travaillent en général pour les antiquaires véreux et les collectionneurs dénués de scrupules.
Ils ignorent tout de la Famille et de l’histoire dans laquelle ils viennent de se fourrer. Un de
leurs employeurs occasionnels est Monsieur Jean, une des goules de Camille Pons. Monsieur
Jean vient de leur téléphoner et leur a promis 30.000 F s’ils lui rapportaient avant la fin de
la nuit l’ensemble des papiers qu’ils trouveraient dans le bureau du 15, impasse du Tertre.
Il leur a assuré que le coup était sans danger, et il leur a demandé de lui livrer le plus vite
possible leur butin, dans un cimetière de voitures appartenant à “Raymond Poinceau
Ferrailleur”, à Meudon. Monsieur Jean ayant toujours été réglo avec eux, les deux complices
ont accepté le coup.
Le Beau Bob et Max la Came seront un peu surpris par la maison qu’ils visitent, et
franchement stupéfaits par les trésors qu’elle recèle. Ils se jureront d’y repasser se servir
lorsqu’ils auront rempli leur contrat. Si les PJ ne les en empêchent pas, ils devraient
rapidement trouver le bureau et faire main basse sur les papiers.
Deux options pour les PJ : A. Laisser faire les cambrioleurs puis les filer
discrètement. Auquel cas les deux voleurs les mèneront tout droit au rendez-vous de
Meudon, chez “Raymond Poinceau Ferrailleur”.
B. Les intercepter. Au moindre signe de danger, les
deux gaillards tentent de prendre la fuite. Si les PJ parviennent à les capturer, une touche
d’intimidation suffira à les faire parler, et ils déballeront le peu qu’ils savent de l’affaire,
ainsi que le rendez-vous à Meudon. Ils ignorent comment contacter Monsieur Jean, ce qui
fait que les PJ seront forcés d’aller au rendez-vous s’ils veulent savoir de qui il s’agit.

10. Du rififi chez le ferrailleur


La visite au cimetière de voitures devrait s’avérer chaude, et quelques explications
s’imposent pour clarifier la situation.
Vers une heure du matin, alors qu’il se trouve toujours à la Galerie de peinture, le
Révérend comprend que l’affaire Narcisse est en train de ressurgir. Il décide de faire
disparaître toute trace compromettante. Il sait d’une part que des papiers sont restés dans
le refuge de Narcisse - il en ignore la teneur exacte, mais il craint que certaines pièces

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 22


puissent fournir des indices gênants contre lui. D’autre part, il avait conservé les autres
lettres rapportées par Quincampoix, par précaution à l’époque, pour être en mesure de
fabriquer d’autres faux concordant avec celui apporté à Villon, au cas où le Prince aurait
été sceptique. Par prudence, il ne conserve pas ces papiers dans un de ses repères, mais il
les a confiés à son infant, Camille Pons. Cette précaution lui paraît toutefois dangereuse
désormais, et il décide de tout récupérer pour tout détruire.
Il expose sa stratégie à Pons dans la galerie, en s’isolant un peu des autres invités. Il
charge Pons de récupérer les papiers de l’impasse du Tertre, puis de le mener au siège
social de sa société, la SOGEPA, à la Défense, où Pons conserve les papiers volés par
Quincampoix dans un coffre.
A l’aide de son portable, Pons appelle une de ses goules, M. Jean, et la charge
d’organiser le cambriolage du 15, impasse du Tertre, puis, les papiers récupérés, de liquider
les cambrioleurs. Le Beau Bob et Max la Came sont les malheureux malfrats contactés par
M. Jean... Problème : comme les PJ s’en sont peut-être rendu compte, Quincampoix rôdait
incognito dans la galerie et il a espionné les Ventrues. Lui aussi a réalisé que l’affaire
Narcisse avait resurgi, et s’il a bien saisi la teneur des coups de fil de Camille Pons, il n’a
pas compris que le Révérend voulait récupérer ces papiers pour les faire disparaître.
Terrifié à l’idée que le Ventrue puisse lui faire un coup tordu, voire que l’affaire puisse
éclater au grand jour, il décide d’intercepter les goules de Pons pour leur voler les papiers
de l’impasse du Tertre. Il contacte pour cela deux Nosferatu lui devant des faveurs, Fiacre
et Chaton, qui vont monter une embuscade sur le lieu de rendez-vous entre les cambrioleurs
et M. Jean. Un bel imbroglio au milieu duquel les PJ vont se jeter...
Le cimetière de voitures “Raymond Poinceau Ferrailleur” est un immense terrain
vague dans une zone industrielle sinistre au bord de la Seine. L’endroit est clôturé par un
grand grillage de trois mètres de haut, garni de barbelés au sommet. La chaîne cadenassée
qui ferme l’entrée a été coupée à la cisaille, et la porte est donc ouverte. Sur plus d’un
hectare, des carcasses de voitures entassées forment un labyrinthe de ferraille et de tôles
froissées. Au milieu du cimetière se dresse une immense grue rouillée, munie d’un grand
électro-aimant, juste à côté d’une concasseuse industrielle. Dans une position excentrée se
trouve un mobile-home vétuste où résident Raymond Poinceau, le Ferrailleur, et Pablo, son
mécano.
Habituellement, la casse est gardée par trois dobermanns ; mais la présence des
vampires terrifie les chiens, qui se sont réfugiés au fond de leurs niches, contre le mobile-
home. Les goules de Pons, Monsieur Jean et Monsieur Dubosc, attendent sous la grue ; tous
deux sont armés de pistolets automatiques munis de silencieux. Chaton s’est glissé juste
au-dessus, dans la cabine de la grue ; il est armé d’un fusil, mais sans silencieux. Fiacre
s’est planqué à une cinquantaine de mètres au milieu des carcasses de voiture, et lui ne
porte pas d’arme. Quincampoix lui aussi rôde invisible dans les parages, mais il ne
participera pas aux hostilités.
Si les PJ se contentent de filer les cambrioleurs, ils verront les deux malfrats se diriger
vers M. Jean et son acolyte. Dès que Bob et Max annoncent le succès de leur cambriolage,
les goules sortent leurs automatiques et abattent froidement les malheureux. Au moment où
M. jean et son acolyte se penchent sur les corps pour récupérer les papiers, c’est Chaton qui
ouvre le feu ; il touche M. Dubosc. Si les PJ n’interviennent pas, une brève fusillade s’ensuit,
brutalement interrompue par une carcasse de voiture lancée par Fiacre qui écrase les deux
goules. Les Nosferatu récupèrent alors les paiers et disparaissent très rapidement. Dans ce
cas de figure, les PJ auront quand même pu reconnaître en Monsieur Jean une des goules qui
accompagnait Camille Pons au début du vernissage. Si les PJ interviennent, la situation
devient très confuse, les goules comme les Nosferatu canardant tout ce qui bouge. De
même, si les PJ se présentent à la place des cambrioleurs, les goules comprendront aussitôt
que quelque chose cloche et dégaineront. Dès que les goules tireront, Chaton et Fiacre
entreront dans la danse...
Si les goules tentent d’abattre sans distinction tout ce qui se présente, les Nosferatu
essaieront plus d’incapaciter que de détruire des vampires. En outre, si un des PJ est un
Nosferatu, Fiacre et Chaton le couvriront d’insultes, mais ils lui hurleront aussi de se mettre
à couvert et ils ne l’attaqueront pas. Ils feront tout pour se tirer de ce nid de crabes, si
possible avec les documents. La technique de combat de Fiacre est originale : soit il essaie

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 23


d’écraser ses adversaires avec du lancer de voiture, soit il fait mine de prendre la fuite et
tente d’attirer ses poursuivants dans la concasseuse, pour ensuite les broyer à l’intérieur...
Si la fusillade se prolonge, Raymond Poinceau, le ferrailleur, et Pablo, son mécano,
entreront aussi dans la danse, vêtus de pyjamas crasseux et armés de fusils de chasse. Ils
pensent avoir affaire à de vulgaires truands et tirent dans le tas sans distinction...
Les goules devraient être tuées dans l’accrochage. Si la situation tourne au vinaigre,
les Nosferatu tenteront de déguerpir. Ce sera chose assez aisée pour Fiacre, mais beaucoup
plus délicate pour Chaton. En effet, il suffit de contrôler le pied de la grue pour lui couper
la retraite. Dans ce cas, le Nosferatu manœuvrera la grue pour déposer l’électro-aimant au
sol, le plus loin possible du pied de la grue. Puis, après avoir fracassé à coups de crosse les
commandes de l’engin et abandonné son fusil dans la cabine, il se faufilera dans les
traverses du bras de la grue pour atteindre le câble et essayer de se glisser jusqu’au sol.
Toute blessure encaissée alors qu’il se livre à ses acrobaties lui fera perdre l’équilibre et le
précipitera au sol. Le choc de la chute le plongera alors en torpeur.
Si Fiacre ou Chaton sont plongés en torpeur, Quincampoix intervient pour supplier
les PJ de les épargner. Le vieux Nosferatu se sent responsable de ce gâchis, et chez lui, la
solidarité avec ses pairs l’emporte sur la crainte d’être démasqué. Il demandera comme une
faveur la permission de pouvoir céder un peu de sang au blessé, pour le tirer de sa torpeur,
assurant que tout est de sa faute et que Fiacre et Chaton ne tenteront plus rien contre les PJ.
Les PJ sont alors en position de force pour négocier des informations contre les secours que
Quincampoix veut apporter à son compagnon.
Quincampoix, en digne Nosferatu, connaît presque tout de l’histoire de Narcisse - il
ignore simplement que celui-ci n’a pas été détruit en 1871. Il peut donc être une source de
renseignements précieux pour les PJ. La seule information qu’il refusera obstinément de
livrer est l’identité et le clan du Révérend. Il n’en parlera que comme d’un Ancien parisien. Il
suppliera les PJ de se montrer indulgents avec lui, car il a été pris dans un concours de
circonstances où son sens du devoir s’est retourné contre lui. Si les PJ sont curieux de savoir
comment Quincampoix s’est retrouvé débiteur du Révérend - que Quincampoix continue à
présenter comme un Ancien anonyme - le vieux Nosferatu leur racontera la vérité. En 1793,
il fréquentait souvent les prisons révolutionnaires pour se nourrir ; une nuit, il fut
malheureusement surpris par trois Brujah qui considéraient les cachots comme leur
domaine privé, et qui l’attaquèrent sauvagement. L’intervention providentielle du Révérend,
qui dirigeait un réseau d’évasion pour certains aristocrates, sauva seule Quincampoix de la
Mort Ultime, au terme d’un violent combat. D’où la dette qui força Quincampoix, un siècle
plus tard, à s’introduire chez Narcisse et à devenir l’instrument indirect de sa perte...
Quelle que soit l’issue de l’accrochage, et quelle que soit la quantité d’informations
collectées par les PJ, le cadavre de Monsieur Jean devrait lancer les PJ sur la piste de
Camille Pons. Un coup de fil à un contact en rapport avec le monde des affaires ou à
Stanko suffira pour obtenir l’adresse de sa société, la SOGEPA (Société de Gestion
Parisienne), à la Défense.

11. L’odeur de la poudre


Une autre séance musclée attend les PJ au siège de la SOGEPA.
Une fois le cambriolage mis en place, le Révérend et Camille Pons ont quitté la rue
des Belles feuilles, escortés de plusieurs servants, pour gagner les bureaux de la SOGEPA,
afin d’y récupérer les rapports volés.
Le problème, c’est que les Anarques sont en pleine effervescence. Au cours de la
braillée qui a eu lieu en début de soirée, les vieilles rancœurs contre les Anciens praxistes ou
loyalistes qui ont sapé les mouvements révolutionnaires et participé à la mise à mort de
Brujahs par le passé ont été ranimées... Une bande anarque - où se trouvent Petraskov et
ses deux hégéries... - a décidé d’en découdre avec le Révérend et Pons, et leur a tendu une
embuscade au pied de l’immeuble de la SOGEPA.
Un accrochage très dur a eu lieu lorsque le Révérend et Pons sont arrivés. Deux
goules ont été tuées, la Bentley du Révérend incendiée. Le Révérend a tenu tête à la horde et
s’est efforcé de l’attirer loin de l’immeuble de la SOGEPA, pendant que Pons et trois
servants se glissaient à l’intérieur. Malheureusement, Petraskov, Ludmila et Natacha ont
perçu le manège, et ont abandonné la traque de l’Ancien pour se lancer sur les traces de son

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 24


infant.
Lorsque les PJ arrivent sur place, le quartier semble désert, mais il porte les traces
d’un violent combat de rue : plusieurs façades de verre des immeubles sont grêlées
d’impacts de balle, un nombre impressionnant de douilles traîne sur la chaussée, la Bentley
du Révérend, en travers de la rue, flambe comme une torche, et une demi-douzaine
d’alarmes mêlent leurs hurlements stridents (Il est fortement déconseillé à un vampire
d’utiliser l’Amplification des sens...) Non loin de la voiture en feu, deux cadavres gisent sur
la chaussée. Il s’agit de vieillards nonagénaires tués par balle (en fait, des goules
rattrappées par le temps au moment de leur mort), vêtus de complets trois pièces, les
poings encore crispés sur des Glock 17. (Si les PJ récupèrent ces armes, ils trouveront les
chargeurs à moitié pleins).
L’immeuble de la SOGEPA est un building d’acier et de verre de trente étages,
accueillant les bureaux d’une vingtaine de sociétés. Les portes du hall d’entrée semblent
avoir été soufflées vers l’intérieur par une explosion ; les ascenseurs et l’électricité ne
fonctionnent plus. Dans le hall, les PJ pourront lire sur un panneau récapitulatif des
sociétés que les bureaux de la SOGEPA sont au dernier étage.
Dès que les PJ se seront infiltrés dans l’immeuble, deux voitures de police
déboucheront sur les lieux. Devant l’ampleur des dégâts, les policiers appelleront du
renfort et resteront près de leurs véhicules ; cependant, les PJ devraient comprendre qu’ils
n’ont plus que très peu de temps - et trente étages à grimper à pied...
Alors que les PJ montent, un vigile et trois agents de sécurité attachés à la protection
de Camille Pons se font massacrer en tentant de stopper les Anarques dans les locaux de
la SOGEPA. Dans la cage d’escalier obscure, les PJ devraient entendre le fracas sporadique
des armes automatiques, les échos des cris d’angoisse ou de souffrance des hommes de
mains abattus et ceux des hurlements terrifiants des Brujahs. Pons parvient à gagner son
bureau, à ouvrir son coffre et à en retirer la chemise contenant les papiers volés, mais il se
fait acculer par les trois Brujahs. Armé de deux Glock 17, le dossier calé entre les dents, il
est en train d’opposer un tir de barrage à ses adversaires lorsque les PJ débouchent au
trentième étage.
Les locaux de la SOGEPA occupent tout l’étage. Ils comportent un grand couloir
rectangle qui fait le tour de l’étage et donne sur une vingtaine de bureaux, une salle de
détente et deux grands sanitaires carrelés. Les salles qui donnent sur les façades - dont le
bureau de Pons - sont garnies d’immenses baies vitrées qui offrent un panorama vertigineux
sur les tours de la Défense et les lumières de Paris. Depuis la cage d’escalier, il faut
traverser l’étage pour atteindre le bureau de Pons, en se guidant à l’oreille sur les coups de
feu car le couloir impose deux angles avant d’arriver en vue du bureau. En chemin, les PJ
pourront découvrir les cadavres des hommes de main de Pons, abattus ça et là - ainsi que
leurs armes. La disposition des lieux se prête à des combats d’embuscade, mais ni les
cloisons ni les meubles bureautiques n’arrêtent les balles (tout au plus offrent-ils une
protection de 1d6) - et l’une des techniques préférées des Brujahs est précisément le tir
aveugle au travers des murs... Le chaos ambiant est aggravé peu après l’arrivée des PJ par
le système anti-incendie qui, détraqué par la fusillade, se met en marche et brumatise tout
l’étage dans une épaisse ondée d’eau froide...
Dès que les PJ commettront une imprudence ou passeront à l’offensive, ils seront
attaqués par Ludmila et Natacha. Au bout de 1d6 rounds, Petraskov se désintéressera de
Pons et interviendra à son tour. A vous de mettre en scène un combat vicieux et
hyperviolent. Pour rajouter du piment à l’épisode, la rue commence à retentir des sirènes
des renforts des forces de l’ordre, et un hélicoptère de la police se met à tracer des cercles
autour de l’immeuble en lançant des sommations au mégaphone... De plus, le téléphone du
secrétariat de direction se met à sonner, le répondeur se met en marche et une voix de
femme laisse un message. Sur un jet de perception réussi, les PJ reconnaissent la voix du
message laissé sur le répondeur du Prince, mais sont incapables de comprendre ce qu’elle
raconte au milieu du fracas des armes. Un vampire tentant d’utiliser Amplification des
sens aura l’impression d’avoir le crâne pulvérisé par le vacarme de la fusillade et sera
sourd pendant 1d6 heures.
Si le combat tourne mal pour les PJ, faites intervenir Pons en renfort. Ludmila et
Natacha, entrées en frénésie, se battront jusqu’à la mort. Petraskov, plus expérimenté,

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 25


optera pour une retraite stratégique... et spectaculaire dès que le vent commencera à tourner
en sa défaveur. Après un dernier sarcasme braillé en russe, il se jettera en un bond
prodigieux au travers de la verrière, se raccrochera au patin de l’hélicoptère qui,
déséquilibré par le choc, se déportera loin de l’immeuble et manquera de percuter le
building voisin. Après quoi, exploitant toute sa force et toute sa rapidité surnaturelles, il
arrachera la portière de l’appareil, éjectera le co-pilote, se ruera dans le cockpit et
neutralisera le pilote en lui collant son arme contre la tempe, lui ordonnant de prendre la
fuite.
Si les PJ ouvrent le feu sur Petraskov, ils toucheront l’appareil sur des tirs réussis,
mais l’hélicoptère parviendra quand même à prendre la fuite en crachant une épaisse fumée
noire. Pons mettra à profit leur distraction pour tenter de prendre la tangente avec les
papiers. Cela pourra donner lieu à une course-poursuite dans les étages - sachant qu’une
horde de flics paniqués par l’attaque de Petraskov attend toutes armes dehors devant les
entrées du rez-de-chaussée...
Poursuivre Petraskov dans ses acrobaties est purement insensé, mais un vampire
peut toujours être frappé de Frénésie... Rater l’hélico en bondissant entraîne une
dégringolade de trente étages... Si vous êtes sympa, le PJ pourra s’écraser sur une voiture de
police qui amortira un peu l’impact et le plongera seulement en torpeur. Sinon, c’est 80
mètres de chute sur le béton. Si un PJ réussit l’exploit d’accrocher l’hélicoptère, poursuivez
le combat pendant quelques rounds - mais deux vampires en furie dans un hélico posent de
sérieux problèmes de pilotage... Le pilote perdra le contrôle de l’engin et, après avoir frôlé
plusieurs buildings et effleuré l’arche d’un pont, tout le monde ira s’abîmer dans la Seine.
Soyez magnanime avec votre intrépide PJ : laissez-lui la vie sauve, même grièvement blessé.
Par contre, il aura perdu Petraskov (conservez le vieux Brujah en vie : cela fait un solide
ennemi qui peuplera les cauchemars de vos gentils PJ) et aura fort à faire pour regagner la
rive...
Si les PJ se désintéressent de Petraskov, Pons aura la retraite coupée et devra
parlementer. Il devra aussi négocier si après avoir tiré sur l’hélicoptère, les PJ parviennent à
le rattrapper. Le Ventrue est blessé, et il est conscient de devoir la vitae aux PJ, aussi sera-
t-il ouvert à la négociation. S’il obtient des PJ la promesse qu’ils feront tout pour plaider en
sa faveur, il acceptera de leur remettre les papiers (qui n’ont en soi rien de bien
intéressants, sinon qu’ils constituent la preuve que le Révérend avait organisé leur vol) et de
leur raconter la machination du Révérend. Les PJ pourront aussi écouter le message du
répondeur : “Transmettez à Monsieur Pons le message suivant : M. le conservateur du
Louvre est passé ce soir voir la toile de Delacroix représentant le Chevalier des Loges et
Lord Kenningmore. Il semble que la cote du tableau vienne d’être réévaluée.”
(Il s’agit d’un autre message commandité par Villon, pour pousser le parti du
révérend à la panique. Bien sûr, Pons comprend l’allusion mais ne connait pas la voix,
quoiqu’elle lui rappelle vaguement quelqu’un.)
Restera à quitter l’immeuble que les forces de police sont sur le point d’investir. En
utilisant correctement leur tête et leurs disciplines, ce devrait être chose faisable par les PJ.
Une possibilité de fuite est de descendre dans les garages souterrains, de trouver les
couloirs de maintenance technique et de les emprunter pour se glisser dans un building
voisin.
Une fois sortis de ce guêpier, les PJ devraient contacter Stanko pour lui raconter
l’affaire... Celui-ci leur passera un savon carabiné au téléphone pour avoir fait tant de
casse et leur ordonnera de regagner le Louvre.

12. Coup de théâtre.


Alors que les PJ rentrent sur Paris, faites leur faire des jets de Perception sur les
grands boulevards. S’ils réussissent ils apercevront plusieurs affiches annonçant la
représentation de Phèdre par la Comédie Française sur les kiosques d’affichage de
spectacles. Le nom et la photo d’Irène Donna, qui tient le rôle titre, éclatent sur les
affiches. Sur un jet facile d’Intelligence, les PJ habitués de la vie parisienne devraient alors
réaliser que la voix entendue au téléphone est celle d’Irène Donna. S’ils n’ont pas le réflexe
de se lancer sur cette piste, Stanko les réorientera dessus.
Irène Donna est sur liste rouge, mais des contacts dans l’administration ou la police

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 26


devraient permettre de contourner cet écueil. Des contacts dans les milieux du journalisme
ou du spectacle devraient aussi permettre d’obtenir son adresse parisienne : un
appartement au cinquième étage du 57, avenue Kléber.

13. Doublés par les Tremeres


Revenons un peu plus tôt dans la soirée. Cosimo, qui a flairé une machination
explosive, a lancé plusieurs Tremeres sur l’affaire. Les esprits esclaves soumis par les
agents de Cosimo ont d’abord retrouvé la ligne privée du Prince et transmis le message à
leurs maîtres, puis ont remonté l’appel le long des lignes téléphoniques. Vers deux heures
du matin, ils ont identifié le numéro d’origine.
Dès lors, ce fut un jeu d’enfant pour les sorciers de localiser Irène Donna... Cosimo,
accompagné de deux acolytes de son clan, Dahomé et le Sâr Péladan, s’est alors rendu
chez l’actrice. Les trois Tremeres ont tiré la comédienne du lit et, sans se donner beaucoup
de mal, lui ont fait avouer tout ce qu’elle savait - c’est-à-dire pas grand chose.
Villon la courtise à la sortie du théâtre depuis quelques semaines, emplissant chaque
soir sa loge de fleurs, et la comédienne est bien sûr devenue follement amoureuse de son
mystérieux courtisan. Mais le Prince a pris plusieurs précautions : il s’est présenté à elle
sous le nom de Jean Marceau (encore une mauvaise plaisanterie : il s’agit d’une de ses
connaissances du XV° siècle, dont il se moque dans le Testament) , et il a eu soin de
brouiller légèrement les perceptions de la comédienne afin qu’elle ne puisse brosser de lui
qu’un portrait physique flou (Une succession de lieux communs : brun, mince, élégant, beau,
mais la comédienne est par exemple incapable de se rappeler la taille des cheveux ou la
couleur des yeux de son soupirant...). Après avoir un peu joué avec le cœur de la
comédienne, Villon a accepté de devenir son amant... à condition qu’elle accepte de passer
une épreuve. Il s’agissait pour Irène Donna de passer deux coups de fil à des numéros
anonymes, et d’y laisser des messages que Villon a griffonnés sur un papier. Les messages
sont ceux que les PJ ont entendu, et Irène Donna a toujours le papier sur sa table de chevet
- l’écriture est la même que celle du billet épinglé. Villon lui a aussi donné un numéro de
téléphone où le joindre. La malheureuse ignore tout de la Famille - ou du moins ignorait-elle
tout jusqu’à ce que les Tremeres débarquent chez elle...
Terrifiée, elle a donc avoué tout ce qu’elle savait à ses agresseurs. Mais Cosimo n’est
pas né de la dernière pluie, et tout cela lui semble trop facile. Il flaire le piège : il a utilisé la
Psychométrie sur le papier laissé par Villon, et il a senti la présence du Prince... Une brève
recherche menée par Dahomé a permis de localiser l’adresse du numéro de “Jean Marceau”
: en fait, le domicile est au nom de Liam Kenning (l’un des peintres qui exposent à la galerie
Catel-Réaux, et qui n’est autre qu’un pseudonyme de Narcisse), et il se trouve au 12, rue
Saint-Marc, à Montmartre. Afin d’éviter de se jeter dans un traquenard quelconque,
Cosimo a décidé d’avoir recours à la magie noire, pour transformer Irène Donna en
mouchard à son service, et identifier ainsi sans risque le mystérieux Jean Marceau. Il a
recours à la Thaumaturgie des Esprits pour invoquer un fantôme, le soumettre et lui offrir
Irène Donna à possèder. L’esprit devrait par la suite rapporter au Tremere tout ce que fera
l’actrice... Lorsque les PJ arrivent au 57, avenue Kléber, les Tremeres sont en train de se
livrer à leur rituel d’invocation d’un mort.
En arrivant au bas de l’immeuble, les PJ se rendront compte que quelque chose ne
tourne pas rond : la porte de l’immeuble est entr’ouverte, et le clavier du digicode est
parcouru de grésillements et d’étincelles d’énergie statique. (Les Tremeres ont utilisé la
Télékinésie pour le forcer, et il s’agit des traces résiduelles de leur passage...) En montant
dans l’immeuble, au fur et à mesure qu’ils approchent du cinquième étage, ils entendront de
plus en plus nettement la rumeur de l’incantation des Tremeres, une série de versets latins
psalmodiés avec des voix rauques et graves. L’incantation est en train d’ouvrir une voie
vers le Monde des Ombres, et provoque quelques perturbations : la lumière électrique de la
minuterie du couloir ou de lampes torches subit parfois des baisses de tension, une friture
terrible grésille sur les canaux radio ou téléphoniques, et la température est en train de
baisser rapidement dans l’immeuble...
Aux PJ de trouver un moyen pour pénétrer dans l’appartement, car il va sans dire
que les Tremeres ont fermé la porte derrière eux. Lorsque les PJ entreront, ils seront attirés
vers la chambre à coucher par les incantations, les fumerolles qui s’en échappent et la

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 27


lumière tremblante des cierges... Ils découvriront les trois Tremeres disposés en triangle
autour du lit d’Irène Donna, où l’actrice gît, les yeux révulsés - pour faciliter la possession,
le Sâr Péladan lui a injecté une dose massive de neuroleptiques... Un pentagramme
cabalistique a été tracé avec du sang sur le plancher de la chambre, d’entêtantes fumées
aromatiques s’exhalent d’encensoirs disposés près du lit, et un demi-cercle de cierges noirs
entoure la couche.
S’ils n’ont pas trop hésité avant de passer à l’action, l’arrivée des PJ interrompra à
temps l’invocation des Tremeres ; en revanche, s’ils ont mis du temps avant de se décider à
agir, une ombre spectrale se manifeste au-dessus du lit lorsqu’ils atteignent la chambre à
coucher d’Irène Donna. Le fantôme est celui d’une très vieille femme aux immenses cheveux
blancs, aux membres squelettiques couverts de haillons déchiquetés, au visage couturé de
rides et de cicatrices et aux yeux luisants d’une flamme glacée. Si Cosimo est dérangé à ce
moment là, il perd la maîtrise du fantôme, qui utilise la télékinésie pour bombarder les
vampires avec bibelots et meubles, puis allume plusieurs foyers d’incendie spontanés
autour d’Irène Donna avant de disparaître...
En présence des Tremeres, les PJ peuvent avoir plusieurs réactions. Attaquer est
courageux, mais dépourvu de tout sens politique et très dangereux - Cosimo est un
adversaire redoutable. Le plus vraisemblable est qu’ils parlementent, ne serait-ce que pour
comprendre ce qui se joue ici. Après un éclair de colère, le Régent Tremere reprendra pleine
possession de ses moyens. C’est un politique rompu à toutes les ficelles de la négociation -
subtil dosage d’amabilité et de menace, de flatterie et d’exigences, de franchise et
d’hypocrisie. Il essaira d’évaluer ce que les PJ savent déjà, et ne lâchera que les
informations qu’il suppose déjà connues des PJ, essayant de son côté de leur extorquer
habilement ce qu’ils savent. Les Tremeres prétendront garder “sous leur protection” Irène
Donna et commenceront par refuser catégoriquement que les PJ l’approchent. Il faudra une
négociation serrée pour que le Régent finisse par reculer sur ce terrain ; seuls des arguments
convaincants pourront l’amener à céder. Des possibilités : faire remarquer que le Régent
était en train de se livrer à de la Thaumaturgie, discipline interdite par le Prince à Paris, et
proposer d’oublier cet épisode en échange d’un entretien privé avec Irène Donna ; plus
diplomate : si les PJ ont compris le rapport de force sous-jacent qui imprégnait le dialogue
entre Cosimo et le Révérend au début de la soirée, ils peuvent laisser entendre que leur
enquête risque de miner l’influence du Révérend, qui ne menacera plus de la sorte l’influence
du Régent sur Paris...
Cosimo est beau joueur. Si les PJ sont habiles, il cédera la place, avec un compliment
joliment tourné - quitte à méditer une vengeance raffinée s’il s’estime insulté.
Pour faire parler Irène Donna, il faudra la faire émerger de la stupeur dans laquelle la
piqûre du Sâr Péladan l’a plongée. La forcer à marcher pendant un quart d’heure sans
dormir ou lui donner un peu de sang la ramèneront à elle. Elle livrera aux PJ les mêmes
informations qu’aux Tremeres.

14. Boucle bouclée.


A la fin de la nuit, les PJ devraient se présenter devant le 12, rue Saint-Marc. S’ils ont
éprouvé des hésitations, Stanko leur ordonne d’y aller et s’y rend avec eux.
Le domicile de Liam Kenning est situé sous les toits : c’est un ancien atelier de
peintre, doté d’une grande verrière, meublé dans un design très dépouillé - et garni
également d’une chambre borgne parfaitement isolée de l’extérieur où le vampire passe ses
journées. C’est la baronne Vauquier qui viendra ouvrir aux PJ - même si ceux-ci n’ont pas
sonné et tiennent un conciliabule devant la porte en se préparant à entrer par effraction...
Elle les mène devant “Monsieur Marceau”. Au milieu de l’atelier, vêtus de costumes
Saint-Laurent impeccables, se tiennent le Prince et Narcisse, dans une position semblable à
celle du tableau de Delacroix. Narcisse adressera un sourire plein de séduction aux PJ les
plus attirants, quel que soit leur sexe, mais le Prince les fixera avec un œil glacé. Puis il
éclatera d’un rire cruel et leur demandera si le divertissement leur a plu. Faites en sorte que
les PJ se sentent dans leur petits souliers. Enfin, le Prince leur demandera le compte-rendu
détaillé de leur nuit, sans fournir une explication.
Alors que les PJ parleront, le Prince prendra distraitement la main de son favori pour
la baiser, la mordiller - tous crocs dehors - et la lécher avec impudeur. Un PJ qui détourne le

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 28


regard ou qui s’interrompt s’attire ses sarcasmes. C’est seulement quand les PJ auront
résumé toute leur nuit que le Villon exposera sa stratégie - et la façon dont il a utilisé les PJ,
entre autre, pour piéger le Révérend et estimer le désordre provoqué par la fausse rumeur
de la folie du Prince...
Il leur laissera entendre que désormais, toute la Cour va les considérer comme ses
jouets personnels, une position qui leur vaudra beaucoup de considération formelle et un
nombre impressionnant d’ennemis. Avec un sourire sardonique, il les remerciera pour leur
sens du sacrifice, puis les congédiera de la main. Au moment où les PJ s’apprêteront à
sortir, il leur lancera sur un ton distrait qu’il les autorise à prendre une goule ou deux,
histoire de surveiller leurs arrières. Puis il les congédiera à nouveau, d’un mouvement
impatient cette fois, et saisira son téléphone pour appeler les Primogènes de Paris.

Aux PJ de se hâter de regagner leurs refuges, avant les premiers rayons du jour.

15. Epilogue
Le lendemain soir, Villon rendra publiques les preuves de la félonie du Révérend,
affirmera qu’il s’en était toujours douté et rétablira Narcisse à la Cour. Sans attendre le
jugement de Villon, le Révérend a pris la fuite. Pourtant, Villon se montre étrangement
magnanime : il agonit de sarcasmes le Ventrue, affirme qu’il ne désire plus le voir rôder
dans son sillage, mais ne réclame aucune poursuite contre lui. Il a consacré sa disgrâce, et
ne désire pas aller plus loin, craignant de dresser définitivement contre lui la coterie
parisienne des Ventrues. Au bout de quelques mois, le Révérend rentrera sans doute à Paris
et sollicitera son pardon au cours d’une audience assez humiliante. Dès lors, les PJ
compteront un ennemi puissant à la Cour...
A la Cour, précisément, les Ventrues continueront à proclamer l’innocence du
Révérend et feront courir le bruit que c’est Villon qui a monté de toutes pièces l’histoire du
faux pour couvrir son favori et masquer sa propre implication dans le meurtre de Beatrix.
Narcisse séjournera quelques mois à Paris, mais Villon et lui se sont éloignés en un
siècle, et passé l’émotion des retrouvailles, les deux vampires vont se lasser l’un de l’autre.
Narcisse trouve l’affection et la jalousie du Prince étouffantes, Villon trouve son favori
singulièrement vaniteux et absent. En finale, Narcisse retournera à Edimbourg, mais il lui
arrivera encore de faire des séjours à Paris, maintenant avec Villon les liens que l’on a avec
une vieille maîtresse...
Si vos PJ se montrent un peu arrogants, ou un peu trop sûrs d’eux, le Prince se livrera
avec eux à un petit jeu cruel. Il les convoquera un soir, en présence de ses familiers toujours
prêts à dépecer (au figuré, peut-être au sens propre aussi...) des caïnites tombés en
disgrâce, et il leur demandera brutalement qui leur a donné l’autorisation de prendre de
nouvelles goules. Lorsque les PJ lui répondront que c’est lui, il entrera dans une colère noire
et assurera du contraire en traitant les PJ de crétins. Si les PJ le croient amnésique ou
dérangé, il les menacera de bannissement pour crime de lèse-majesté, et ajoutera qu’il se
souvient parfaitement de ce qu’il leur a dit : il les a autorisés à créer “une ou deux
goules”(sous-entendu, pour le groupe), non le nombre de goules créées par les PJ
(vraisemblablement une à deux par vampire). Il fera mine de croire que les PJ l’avaient
parfaitement compris, et qu’ils ont détourné sciemment son propos - ce qui l’amènera à les
accuser de trahison.
Sourires carnassiers de ses favorites.
Quand les PJ se seront bien empêtrés dans leurs protestations, leurs explications et
leurs excuses, le Prince éclatera de rire et, plein d’ironie, leur accordera “son pardon”...
Mais il engagera les PJ à toujours lui témoigner la même loyauté sans faille que par le passé,
car il aura fait la démonstration que même les meilleurs serviteurs peuvent toujours offenser
leur maître.

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 29


Les Personnages

I. La côterie du Révérend

1. Le Révérend (Jean-Baptiste de Coulanges)


Clan : Ventrue
Génération : Huitième
Nature : Dirigeant
Attitude : Juge
Attributs : Force 3 Dextérité 5 Vigueur 4
Charisme 4 Manipulation 5 Apparence 4
Perception 3 Intelligence 5 Astuce 4
Capacités : Bagarre 4, Comédie 2, Commandement 3, Intimidation 3, Sports 2,
Subterfuge 5, Vigilance 2, Chant 2, Diplomatie 5, Enseignement 4, Intrigues 3, Sentir la
Trahison 2
Armes à feu 3, Etiquette 5, Furtivité 2, Mêlée 3, Musique 3, Combat en
aveugle 2, Contrefaçon 4, Corruption 3, Débats 4, Discours 3, Méditation 2
Bureaucratie 2, Droit 3, Finances 3, Linguistique 4 (Français, Latin, Grec,
Anglais, Italien), Politique 3, Anthropologie 2, Histoire 5, Littérature 2, Mathématiques 2,
Psychologie 4, Science militaire 2, Secrets de la Ville 4, Théologie 3
Disciplines : Domination 5 (Ordre, Hypnotisme, Esprit distrait, Conditionnement,
Possession)
Présence 5 (Révérence, Regard terrifiant, Transe, Convocation,
Majesté)
Force d’âme 4
Puissance 3
Célérité 2
Métamorphose 2 (Lueur des yeux rouges, Griffes du Loup)
Vertus : Conscience 4
Maîtrise de soi 5
Courage 4
Humanité : 6
Volonté : 8
Réserve de sang : 15 (3/tour)
Le Révérend est un homme de taille moyenne, mince, la démarche empreinte d’une élégance
naturelle. Il semble avoir la quarantaine, a le visage délicat et mobile. Il porte une tonsure très
discrète, et de longs cheveux d’un brun soyeux, légèrement frisés, qui lui retombent sur les épaules -
la mode chez les ecclésiastiques mondains du XVII° siècle... Du XVII° siècle, il a aussi conservé
l’habitude de se maquiller légèrement : un peu de rouge accentue le caractère sensuel de sa bouche, et
un trait de noir sur les paupières met en valeur son regard et lui confère une séduction équivoque. Il
porte une soutane noire aux nombreux boutons d’ivoire, taillée chez les meilleurs couturiers
parisiens, et des gants de satin gris-souris, d’une finesse presque féminine. Une fine chaîne d’argent
barre sa poitrine, au bout de laquelle est suspendu un ankh.
Ses yeux noirs trahissent une intelligence profonde et un jugement aiguisé, sans cesse en
éveil. Son commerce est courtois, agréable, mais cache souvent des sous-entendus et des pointes
acides. Sa langue est d’une pureté académique.
Jean-Baptiste de Coulanges est né en 1651. Son père, le baron Charles-Louis de
Coulanges, était un libertin notoire, athée et scandaleux, qui dispersa une bonne partie de
la fortune familiale en frivolités.
En tant que benjamin de la famille, Jean-Baptiste ne pouvait espérer hériter des biens
ou du titre familiaux. Les folles dépenses paternelles l’ayant privé de ressources, Jean-
Baptiste écarta très vite la carrière militaire - un officier royal ayant en effet à sa charge
l’entretien de son régiment. Pour s’assurer une position dans le monde restait la vocation
religieuse. Jean-Baptiste avait été très jeune contaminé par les opinions de libre-penseur de
son père, mais il était ambitieux. Il prit le masque du faux-dévot - si critiqué par Molière -

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 30


et entra dans les ordres. Il choisit la Société de Jésus, en pleine expansion à l’époque.
(Depuis Henri IV, tous les confesseurs des Bourbons étaient des jésuites ; l’un d’eux, le père
La Chaise, a laissé son nom au plus célèbre cimetière parisien...)
Après le long noviciat et les études approfondies imposés par l’ordre, Jean-Baptiste
de Coulanges fut consacré prêtre en 1684 et devint “scolastique” au sein de la société. Son
intelligence brillante, son habileté et son hypocrisie lui valurent une progression rapide au
sein de la hiérarchie de la société - il devint “coadjuteur” en 1687 et “profès” en 1689, date
à laquelle il fut nommé professeur d’humanités (Latin/Grec) au collège de Clermont
(actuellement le Lycée Louis-le-Grand). Il y enseigna aux fils des plus grandes familles du
Royaume, ce qui l’introduisit dans les meilleurs salons de Paris et de Versailles. Ses amitiés
au sein de l’aristocratie lui valurent d’être nommé “Visiteur” au sein de la Société de Jésus.
Un visiteur est une sorte d’inspecteur qui fait des tournées de surveillance dans les
différentes maisons de l’ordre et envoie des rapports au général de la Société de Jésus. Un
poste qui donne un pouvoir discret mais considérable, surtout entre les mains d’un
opportuniste ambitieux...
A l’époque, le clan Ventrue était en perte de vitesse. Beatrix venait d’imposer
l’Hégémonie Toreador, et il fallait pour les Ventrues tenter de regagner du terrain en
noyautant les forces vives du Royaume. La Société de Jésus possédait un réseau d’influence
étendu au sein du pays, et les Ventrues décidèrent de l’infiltrer : après avoir été étudié et
sondé, Jean-Baptiste fut choisi par un conseil Vantrue pour devenir agent du clan, d’abord
en tant que goule, puis en tant que vampire. Il fut étreint par Charles le Sage - ce qui en fait
le “frère” de sang de De Vandreuil, autre rejeton de Charles le Sage et actuel Marquis de
Lyon. Ce sont les vampires qui l’ont surnommé “Le Révérend”, son grade exact étant “Le
Profès”.
Le Révérend a mis au service de ses intrigues au sein de la Famille la subtilité acquise
par son expérience au sein de la Société de Jésus. Il n’a jamais oublié non plus les raisons
premières de son étreinte, lutter contre le clan Toreador, et même s’il pactise souvent avec
le pouvoir, c’est toujours avec une arrière-pensée... S’il est un modèle de courtoisie (acide)
en société et un diplomate hors pair, confronté à l’adversité, le Révérend se mue en
combattant redoutable. Au cours des épisodes sanglants qui ont agité la Camarilla
parisienne - la Révolution, la Commune -, il est connu pour être resté au milieu des pires
tueries et pour avoir affronté avec férocité les Anarques Brujahs. Les Anarques l’auraient
surnommé le Scorpion à cause de son style de combat, tout en feintes, esquives, dérobades
et bottes inattendues.

2. Camille Pons
Clan : Ventrue
Génération : Neuvième
Nature : Traditionaliste
Attitude : Architecte
Attributs : Force 3 Dextérité 3 Vigueur 4
Charisme 3 Manipulation 4 Apparence 3
Perception 3 Intelligence 3 Astuce 4
Capacités : Bagarre 3, Commandement 3, Intimidation 2, Sports 2, Subterfuge 3,
Vigilance 2, Diplomatie 2
Armes à feu 3, Conduite 3, Etiquette 2, Furtivité 2, Mêlée 2, Survie 2, Chasse 3,
Débats 2
Bureaucratie 4, Droit 4, Finances 4, Linguistique 1 (Français, Anglais), Politique
3, Anthropologie 2, Comptabilité 4
Disciplines : Domination 3 (Ordre, Hypnotisme, Esprit distrait)
Présence 3 (Révérence, Regard terrifiant, Transe)
Force d’âme 3
Célérité 2
Puissance 2
Vertus : Conscience 4
Maîtrise de soi 4
Courage 3

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 31


Humanité : 6
Volonté : 7
Réserve de sang : 14 (2/tour)
Camille Pons est un grand homme brun aux cheveux gominés et àau charme guindé. Il
porte d’élégants complets de tweed, des chaussures italiennes, des chemises en soie naturelle, des
gilets sombres où brille la chaîne en or d’une montre à gousset. Il affecte un air affable et quelque peu
supérieur. Il est d’une galanterie vieille école avec les femmes de son monde et d’une politesse racée
avec les hommes qu’il juge estimables. Son mépris pour les autres - gens du peuple, domestiques,
employés, marginaux... - se manifeste souvent par des remarques cinglantes et une cruauté
psychologique raffinée.
En cas de coup dur, il emprunte un ou deux Glock 17 à ses goules (Difficulté 7, Dégâts 4,
Cadence de tir 4, chargeur 17, Veste, portée 20 m).
Camille Pons est né dans le milieu de la bonne bourgeoisie provinciale en 1884.
Malheureusement, son père avait placé toute sa fortune dans le projet du Canal de
Panama, et fut ruiné en 1889 par la faillite de l’entreprise. Il se suicida en laissant sa
famille dans le besoin.
Le jeune Camille vécut une enfance marquée par la précarité, et vit sa mère mourir de
la tuberculose en 1901. Il résolut alors de restaurer coûte que coûte la fortune familiale,
travailla un peu de droite et de gauche pendant quelques années, puis embarqua pour
l’Afrique Equatoriale Française où il se lança dans l’exploitation du caoutchouc, dans des
conditions très dures - aussi bien pour lui, colon impérialiste blanc, que pour les centaines
d’employés noirs qu’il finit par contrôler, faisant régner parmi eux la justice sommaire d’un
exploiteur brutal. En 1914, il avait déjà reconstitué une fortune considérable, et il retourna
en France Métropolitaine au moment de la Grande Guerre. Sa position de gros industriel lui
permit d’échapper à la conscription et au front ; la guerre lui permit aussi de quintupler sa
fortune en investissant dans les industries de l’armement. En 1919, il obtint pour un prix
dérisoire l’autorisation d’exploiter des mines de charbon dans la Rhur occupée, et devint
l’un des grands hommes d’affaires de la place parisienne.
Son ascension dans le milieu des finances finit par attirer l’attention du Révérend,
qui avait besoin d’un homme d’affaires compétent pour l’assister dans les options
Libérales qu’il avait adoptées dès le XIX° siècle. Il étreignit Camille Pons en 1925.
Pons est l’actionnaire principal de la SOGEPA (Société de Gestion Parisienne), une
société immobilière qui possède une partie importante du parc immobilier parisien et qui a
réalisé de gros bénéfices dans les années 1980 en spéculant sur la flambée des prix du
mètre carré. La SOGEPA possède aussi des parts importantes, souvent majoritaires, dans
un certain nombre de grandes sociétés nationales. Le Siège social de la société se trouve à la
défense, dans le Tour Polignac, près de la Grande Arche.

3. Goules de la coterie du Révérend (Monsieur Jean, Monsieur Dubosc & co...)


Nature : Fanatique
Attitude : Conformiste
Attributs : Force 3 Dextérité 3 Vigueur 3
Charisme 2 Manipulation 2 Apparence 3
Perception 3 Intelligence 2 Astuce 2
Capacités : Bagarre 2, Connaissance de la rue 2, Intimidation 2, Sports 2, Vigilance 2
Armes à feu 2, Conduite 3, Etiquette 1, Furtivité 1, Mêlée 2
Bureaucratie 1, Informatique 1, Investigation 3, Linguistique 1 (Français, Anglais)
Disciplines : Force d’âme 2
Vertus : Conscience 2
Maîtrise de soi 4
Courage 4
Humanité : 4
Volonté : 6
Réserve de sang : 2
Le type secrétaire-chauffeur-homme de main. De grands gaillards coiffés propre et court, en
costume trois pièces sobre et sombre, froids, polis et sans état d’âme. Le Patron vous considère, vous
êtes OK. Le Patron ne peut vous encaisser, vous êtes une cible.

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 32


Chaque goule porte toujours deux Glock 17 - un pour elle, un pour le Patron. Pour les
opérations sensibles, on visse un silencieux sur le calibre. Question de décence. (Difficulté 7, Dégâts
4, Cadence de tir 4, chargeur 17, Veste, portée 20 m).

4. Le Beau Bob et Max la Came, cambrioleurs


Nature : Déviant
Attitude : Flemmard
Attributs : Force 2 Dextérité 4 Vigueur 2
Charisme 1 Manipulation 2 Apparence 2/4 (Le Beau Bob)
Perception 3 Intelligence 1 Astuce 2
Capacités : Bagarre 2, Connaissance de la rue 3, Esquive 2, Sports 3, Vigilance 3
Furtivité 3, Conduite 2, Sécurité 3, Crochetage 4
Finances 1, Connaissance des arts 2
Volonté : 5
Deux petits artisans de la cambriole, qui commencent à prendre de l’âge et du ventre. Le
Beau Bob est plutôt grand, brun, le charme latin et fatigué. Max la Came est petit, nerveux, très
dégarni. Pour leur coup, les deux malfrats ont passé des chandails noirs et des salopettes sombres où
ils ont suspendu leur matériel - passes en tout genre, matériel de crochetage, lampes torche et même
un petit pain de plastic avec détonateur programmable. Ils ont deux grands sacs de toile pour le
butin.
Ils ne sont pas armés, et prennent la fuite à la première alerte.

II. La côterie de Quincampoix

6. Fiacre
Clan : Nosferatu
Génération : Onzième
Nature : Brute
Attitude : Grincheux
Attributs : Force 4 Dextérité 3 Vigueur 5
Charisme 1 Manipulation 2 Apparence 0
Perception 3 Intelligence 2 Astuce 4
Capacités : Bagarre 3, Connaissance de la rue 4, Esquive 2, Intimidation 3, Sports 2,
Vigilance 2
Animaux 3, Furtivité 3, Mêlée 3, Conduite 2, Equitation 3, Conduite d’attelage
4, Dressage 3, Sécurité 2, Survie 3
Investigation 3, Secrets de la Ville 2
Disciplines : Dissimulation 3 (Cape d’Ombre, Disparition, Mille Visages)
Animalisme 2 (Chant de la Bête, Appel Sauvage)
Puissance 4
Métamorphose 2 (Lueur des yeux rouges, Griffes du Loup)
Vertus : Conscience 3
Maîtrise de soi 4
Courage 3
Humanité : 6
Volonté : 6
Réserve de sang : 12
Fiacre est un colosse de près de deux mètres, à la carrure impressionnante et à la démarche
pataude. Il est chauve, son crâne est déformé par une petite crête osseuse, son nez est cassé, ses
paupières tombantes suppurent et des touffes de poil jaunâtre sortent de ses oreilles de chauve-
souris. Il se déplace avec une démarche chaloupée de grand singe.
Il porte des godillots éculés, un pantalon informe, un vieux chandail troué et un gros caban
de marine au col rabattu. Faisant confiance à sa force et à sa discrétion surnaturelles, il ne porte
généralement pas d’arme.
Fiacre, de son vrai nom Auguste Licot, est né en 1875 dans un modeste couple de
domestiques. N’ayant pas fait d’études, presque analphabète, il oscilla au cours de sa
jeunesse très près de la délinquance. Devenu finalement cocher de fiacre vers 1900 (d’où

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 33


son surnom, sobriquet donné par les vampires), il devint un être violent, grossier et
alcoolique. Impliqué dans une bagarre sanglante dans un estaminet en 1903, il fut arrêté. Il
parvint à négocier sa libération en acceptant de devenir un indicateur de la Police. Au
début du siècle, sa collaboration permit aux forces de l’ordre de démanteler un réseau
anarchiste et d’infiltrer les bandes d’ “apaches” des bas-quartiers.
Son caractère asocial, ses contacts dans la police et sa connaissance du milieu
finirent par intéresser les Nosferatus parisiens, qui l’étreignirent en 1913.

7. Chaton
Clan : Nosferatu
Génération : Douzième
Nature : Déviant
Attitude : Rebelle
Attributs : Force 2 Dextérité 5 Vigueur 4
Charisme 1 Manipulation 2 Apparence 0
Perception 3 Intelligence 2 Astuce 3
Capacités : Bagarre 2, Connaissance de la rue 3, Empathie 2, Esquive 3, Intimidation
1, Sports 2, Vigilance 2
Animaux 4, Armes à feu 3, Furtivité 3, Mêlée 2, Réparations 4, Sécurité 2, Survie
4
Investigation 3, Zoologie 2
Disciplines : Dissimulation 3 (Cape d’Ombre, Disparition, Mille Visages)
Animalisme 4 (Chant de la Bête, Appel Sauvage, Doux murmures,
Fusion des esprits)
Puissance 2
Vertus : Conscience 2
Maîtrise de soi 3
Courage 5
Humanité : 4
Volonté : 6
Réserve de sang : 11
Chaton est un être frêle et grêle, aux membres squelettiques et blafards. Il a la démarche
voûtée d’une grande araignée prudente et chétive, la tête osseuse disroportionnée par rapport à son
corps souffreteux. Ses lèvres charnues sont déformées par des crocs jaunes, ses yeux cernés de noir au
fond de leurs orbites semblent couverts par une taie blanchâtre, et la furonculose a transformé la
partie droite de son visage en un cauchemar de cloques, de verrues et de cratères mal cicatrisés. Il
porteune vieille salopette de bleu de travail trop large, un marcel troué qui dévoile sa poitrine
squelettique et une vieille veste elimée et tachée. En cas d’accrochage, il utilise un fusil (plutôt
dépassé) de sniper : un vieux M-21 (Difficulté 7, Dégâts 8, Cadence de tir 2, Chargeur 20).
Chaton, de son vrai nom Louis Magny, est né à Paris en 1895 dans une famille
ouvrière particulièrement pauvre. Tyrannisé par un père alcoolique, il vécut une enfance
martyre. En 1914, il venait de quitter l’enfer du galetas familial et de trouver un emploi de
cheminot où il se sentait bien lorsque la guerre éclata. Il fut incorporé, monta au front,
connut des moments particulièrement durs aux Eparges. Il survécut tant bien que mal au
milieu de cet enfer jusqu’en novembre 1916, où il fut gravement gazé. Il lui fallut un an
d’hôpital pour retrouver un semblant d’autonomie, mais il restait gravement infirme. De
retour à la vie civile, il fut incapable de retrouver un travail, et sa maigre pension d’invalide
de guerre fut bientôt engloutie dans des canons de rouge. Devenu clochard, il était rongé de
haine contre le monde entier, et méditait une vengeance terrible.
Sa vengeance fut bizarre, cruelle et dérisoire : il se mit en devoir de retrouver les
familles de tous les officiers, morts ou survivants, qui lui avaient commandé sur le front.
Lorsqu’il les localisait, il tuait systématiquement tous les animaux familiers de la famille ou
des enfants, avec une délectation sadique. Tout lui était bon, avec une nette préférence
pour le poison ou la strangulation. Il éprouvait un plaisir particulier à tuer des chats - d’où
le sobriquet que les Nosferatus lui donnèrent plus tard. Ce fut sa misère physique et
morale, mais aussi la rigueur de la méthode qu’il utilisait pour retrouver ses anciens
supérieurs, qui attirèrent les Nosferatus. Un soir de décembre 1928, alors qu’il allait mourir

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 34


de froid sous un pont, il fut étreint.

III. Les Anarques

9. Natacha et Ludmila
Clan : Brujah
Génération : Neuvième
Nature : Déviante
Attitude : Brute
Attributs : Force 3 Dextérité 3 Vigueur 3
Charisme 3 Manipulation 2 Apparence 5
Perception 2 Intelligence 1 Astuce 2
Capacités : Bagarre 2, Connaissance de la rue 3, Esquive 1, Intimidation 3, Sports 3,
Subterfuge 1
Armes à feu 2, Mêlée 1, Pilotage (moto) 3, Réparations 1, Survie 3
Linguistique 1 (Russe, mauvais Français)
Disciplines : Célérité 2
Puissance 1
Présence 2 (Révérence, Regard terrifiant)
Vertus : Conscience 2
Maîtrise de soi 2
Courage 5
Humanité : 5
Volonté : 6
Réserve de sang : 14 (2/tour)
Ludmila et Natacha sont deux superbes slaves d’une petite vingtaine d’années. Ludmila est
blonde platine avec des yeux gris acier, Natacha rousse avec un regard émeraude. Toutes deux sont
de vraies bombes sexuelles : lèvres pulpeuses et rouge-sang, des seins comme des obus et des jambes
interminables. Elles sont vêtues de bodys très échancrés, de mini-jupes et de bombers de cuir, de bas
résilles troués et de talons aiguilles ; elles portent des colliers et des bracelets de cuir clouté. Elles sont
maquillées avec un mauvais goût ostentatoire. Elles cultivent la grossièreté et la provocation, tour
à tour brûlantes, insultantes ou hyperviolentes. Elles parlent russe et quelques mots de mauvais
français. Quelle que soit la langue qu’elles utilisent, elles ne sortent que des obscénités.
En cas d’accrochage, elles utilisent des PM “Skorpion” (Difficulté 7, Dégâts 3, Cadence de
tir 15, Chargeur 20, Veste), avec un chargeur de rechange fixé au sparadrap au premier.
Ludmila et Natacha sont nées en URSS et sont devenues adolescentes dans le chaos
de la Russie moderne. Face à un avenir bouché en Russie, les deux jeunes filles se sont
tournées vers l’occident. Ayant répondu à une annonce qui proposait un travail d’hôtesse
en France, elles sont tombées entre les mains de proxénètes sans scrupules qui les ont jetées
sur les trottoirs de Pigalle. Elles ont mené une existence misérable de prostituées expatriées
jusqu’au soir où elles sont tombées sur un mystérieux client - en l’occurence, Petraskov, en
chasse. Celui-ci, séduit par leur origine russe et par leur rage contre le système qui les avait
détruites, en a fait ses infantes.
Ludmila et Natacha sont encore des nouveaux nés, enivrées par leur nouvelle
puissance. Ce sont de vraies anarques, destructrices et indomptables, qui se sacrifieraient
pour Petraskov. Celui-ci les considère comme ses jouets...
Ludmila et Natacha tombent presque automatiquement en frénésie au cours d’un
combat. Elles compensent leur faiblesse relative par une utilisation massive de points de
sang.

10. Wolker
Clan : Brujah
Génération : Onzième
Nature : Fanatique
Attitude : Rebelle
Attributs : Force 4 Dextérité 3 Vigueur 4
Charisme 4 Manipulation 2 Apparence 0

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 35


Perception 2 Intelligence 4 Astuce 2
Capacités : Bagarre 4, Commandement 3, Connaissance de la rue 2, Intimidation 4,
Sports 3
Armes à feu 3, Armes lourdes 2, Furtivité 1, Mêlée 3, Pilotage (auto/moto) 3,
Survie 2, Interrogatoire 3, Méthodes policières 3
Investigation 2, Politique 2, Liguistique 1 (Français, Allemand), Science militaire
2
Disciplines : Célérité 3
Puissance 3
Présence 2 (Révérence, Regard terrifiant)
Force d’âme 2
Vertus : Conscience 3
Maîtrise de soi 4
Courage 5
Humanité : 4
Volonté : 7
Réserve de sang : 11
Wolker est un grand homme osseux, livide, rasé, à l’unique œil bleu délavé. Toute la partie
gauche de son visage ayant été emportée, de son vivant, par un obus soviétique, il ne lui reste plus
qu’un moignon rosâtre à la place de l’oreille, des boursoufflures de chairs cicatricielles ont
partiellement recouvert son orbite béante, et une prothèse de fer remplace son nez.
Il porte une boucle d’oreille en forme de croix gammée, sa croix de fer autour du cou, un
perfecto de cuir rapé dont le dos s’orne d’une grande svatiska cloutée, et dont l’épaule est chargée de
quelques chaînes qu’il porte comme une soutache militaire. Son costume est complété par un
pantalon de treillis camouflé, des rangers, des bracelets de force et des mitaines de cuir clouté.
En cas d’accrochage, Wolker utilise un Pistolet lourd SigSauer P 220 (Difficulté 8, Dégâts
5, Cadence de tir 3, Chargeur 7, Veste), avec deux chargeurs de rechange planqués dans les poches
de son treillis.
Né à dresde en 1915, orphelin de père en 1917, élevé dans la rue au moment de la
crise qui s’abattit sur l’Allemagne à la suite de la Grande Guerre, Wolker Stern survécut à la
force du poignet. Entré au parti National Socialiste en 1935, il est admis dans la S.S. en
1936 et part rapidement soutenir l’insurrection franquiste en Espagne. Il participe à la
campagne de France en 1940 où il est nommé Oberleutnant, puis il est envoyé sur le Front
de l’Est, participe à la foudroyante avancée allemande en URSS, où il est grièvement blessé
à la tête - ce qui lui vaut sa Croix de Fer.
A la suite de sa blessure, il est affecté à Auschwitz, où il participe à la Solution
Finale. Mais il remarque que certains déportés ne sont pas seulement terrorisés par leurs
geôliers allemands, mais aussi par un personnage mystérieux qui semble entrer et sortir à sa
guise du camp. Son enquête le mènera à tomber entre les griffes de l’étrange personnage -
Vassil Antonov Boretchkine, un Ancien du clan Brujah qui testera Wolker avant de
l’étreindre.
Wolker pense l’organisation de la Camarilla trop lâche et trop désorganisée. Il rêve
d’une organisation structurée et forte, dotée d’un seul chef, sur le modèle de la société
fasciste. C’est pour poursuivre ce rêve qu’il a rejoint les Anarques. Il participe à leurs
activités aussi bien à Berlin qu’à Paris.

IV. La coterie de Cosimo

12. Dahomé
Clan : Tremere
Génération : Neuvième
Nature : Déviant
Attitude : Architecte
Attributs : Force 3 Dextérité 3 Vigueur 3
Charisme 4 Manipulation 3 Apparence 3
Perception 2 Intelligence 4 Astuce 4
Capacités : Bagarre 2, Connaissance de la rue 2, Empathie 3, Intimidation 2,

Narcisse transi, © Usher, La Cour d’Obéron 36


Subterfuge 3, Bonne aventure 3, Ventriloquie 2
Animaux 3, Armes à feu 2, Furtivité 2, Mêlée 3, Musique 2 (Percussions), Pilotage
(moto) 3, Survie 2, Danse 3, Herboristerie 2
Linguistique 2 (Créole, Anglais, Français), Médecine 2, Occultisme 4 (Vaudou),
Connaissance du Sabbat 3, Connaissance des Esprits 3, Toxicologie 3
Disciplines : Domination 3 (Ordre, Hypnotisme, Esprit distrait)
Auspex 3 (Intensification des sens, Perception de l’Aura, Psychométrie)
Thaumaturgie 3
- Thaumaturgie des esprits (Mauvais œil, Yeux de l’Esprit,
Esprit-Esclave)
-Télékinésie
- Corruption (Contre-pied, Défiguration, Changer l’Esprit)
Rituels : Niveau 1 : Rite de présentation, Communication avec son père, Réveil avec
la Fraîcheur du Matin. Niveau 2 : Anti-goules, Custode du sang. Niveau 3 : Pieu à effet
différé.
Vertus : Conscience 4
Maîtrise de soi 4
Courage 4
Humanité : 5
Volonté : 8
Réserve de sang : 14 (2/tour)
Dahomé est un grand Créole au teint grisâtre et à la peau tirée sur les os. Il porte une longue
chevelure rasta, et la moitié de son visage est couvert de tatouages afros représentant les loas
entrelacés. Ses yeux sont dissimulés derrière des lunettes rondes aux verres violets. Des anneaux
d’or et d’argent pendent à ses oreilles, un diamant orne sa narine droite et de multiples bagues
chargent ses doigts. Plusieurs colliers mêlant les bijoux d’or brut et les gris-gris d’os et de cuir sont
suspendus à son cou.
Il porte un T-shirt , un vieux jean délavé, des bottes et un cuir de motard.
En cas d’accrochage, il porte dans une botte une longue dague à tranchant courbé (vers le
bas), qui a subi le rituel du Martyre sanguin et fait donc des dégâts aggravés (Difficulté 6, Force
+2)
Dahomé est originaire d’Haïti, où il a passé son enfance dans un cadre d’une misère
noire. Précocement visité par les loas, il s’est très tôt consacré au Vaudou - tout en entrant
parallèllement dans divers réseaux de trafics de drogue. Sa double activité de sorcier
vaudou et d’homme de main lui valut d’être repéré par un Sethite local, Esteban, qui en fit
un de ses servants.
Malheureusement, Esteban dut affronter les contestations territoriales de deux
Samedi.

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