LEGOFF Annabelle Mémoire IFCS 2015 2016
LEGOFF Annabelle Mémoire IFCS 2015 2016
LEGOFF Annabelle Mémoire IFCS 2015 2016
du CHU de Rennes
&
Université Européenne de Bretagne
L’accompagnement et la
relation pédagogique :
un enjeu dans la
professionnalisation de l’étudiant
Le 22/06/2016
Année 2015 – 2016
Institut de Formation des Cadres de Santé
du CHU de Rennes
&
Université Européenne de Bretagne
L’accompagnement et la
relation pédagogique :
un enjeu dans la
professionnalisation de l’étudiant
Le 22/06/2016
Année 2015 - 2016
Mes remerciements s’adressent à
Sébastien, Chanelle et Lola pour leur soutien, leur compréhension et leur patience
Introduction....................................................................................................................................... 1
1. La problématique ..................................................................................................................... 3
5. Analyse et interprétation........................................................................................................ 37
Bibliographie .................................................................................................................................. 67
Introduction
Ces deux années d’expérience, au sein d’une équipe de cadres de santé formateurs, m’ont
questionnée sur l’importance de l’accompagnement des étudiants infirmiers au cours de leur
formation. Etre infirmière est, pour moi, la mise en œuvre, au profit d’autrui, de valeurs
communes et humanistes et c’est en ce sens que j’ai tenté de travailler pendant ces années de
faisant fonction de cadre de santé formateur.
C’est donc naturellement que mon thème de mémoire s’oriente vers une réflexion autour
de la relation pédagogique, l’accompagnement et l’influence possible sur la
professionnalisation de l’étudiant.
Ce travail de recherche est pour moi, l’occasion de prendre du recul, de réinterroger mes
pratiques, mon positionnement, afin de construite ma nouvelle identité professionnelle de
cadre de santé :
Il me faut donc, dans un premier temps, revenir sur mon parcours professionnel afin
d’affiner la recherche et de construire ma problématique pour enfin, être en capacité de poser
ma question de recherche et des hypothèses, qui découleront de ma question de départ.
1
construction de mon outil d’analyse qui me permettra de pouvoir aller explorer les
phénomènes concrets sur le terrain.
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1. La problématique
Ce questionnement sur la relation m’a aussi posé question lorsque 3 semaines après ma
prise de fonction, j’ai du mener des entretiens de suivi pédagogique individuel avec des
étudiants que je ne connaissais pas. J’avais évidemment pris connaissance de la fiche de poste
et de mes missions dans le suivi pédagogique et j’ai donc mené « comme j’ai pu » ces
entretiens en essayant d’être le plus objective possible et en me concentrant sur l’acquisition
des compétences par rapport au niveau de formation des étudiants. J’ai eu, si l’on peut dire, la
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chance d’avoir un groupe d’étudiants qui ne présentait pas de difficultés dans la formation.
J’ai par la suite, beaucoup observé mes collègues dans leur façon d’être face aux étudiants.
Certains avaient des relations que je pourrais qualifier « d’amicale » avec les étudiants,
échangeant sur leur vie personnelle en partageant un café aux heures de pause. D’autres
mettaient de la distance, vouvoyaient les étudiants, ne les rencontraient que dans leur bureau
et sur rendez vous. Cela m’a beaucoup questionnée, ne sachant pas de quel coté me situer. Il
me paraissait pourtant évident que les étudiants préféraient les formateurs dit « plus cool ». Je
me suis donc demandée si j’avais envie et besoin que « l’on m’aime bien ».
Avant mon départ pour l’école des cadres, lors d’une réunion pédagogique un de mes
collègues propose une modification sur les modalités d’organisation du suivi pédagogique
individuel des étudiants. Actuellement chaque formateur est référent d’une année de
formation et assure le suivi pédagogique individuel d’un groupe d’une dizaine d’étudiants de
cette même année. Chaque année, les formateurs sont amenés à changer de promotion et donc
de groupe d’étudiants. La proposition de ce collègue est donc de changer cette organisation et
d’assurer le suivi pédagogique individuel des mêmes étudiants sur leurs 3 années de
formation. Il expose comme argument le fait d’avoir une meilleure connaissance des
étudiants, de leur parcours de formation et de leur progression ce qui, selon lui, participerait à
un accompagnement plus personnalisé.
Cette proposition n’a pas fait l’unanimité au sein de l’équipe de formateurs. Certains
pensant qu’un suivi pédagogique sur 3 ans avec les mêmes étudiants pourrait entrainer des
affinités entre le formateur et l’étudiant ce qui ne permettrait pas l’objectivité et la neutralité
au cours des entretiens. D’autres, ce disant parfois « épuisés » par certains étudiants au bout
d’un an, pensent que le fait de passer le relai est bénéfique pour l’étudiant et pour le
formateur. A l’inverse, plusieurs formateurs ont trouvé l’idée intéressante évoquant la notion
de confiance instaurée et maintenue pendant trois ans. En effet, le fait de suivre un étudiant
tout au long de sa formation permettrait de mieux le connaitre c'est-à-dire : d’identifier ses
manques et ses acquis, d’évaluer sa progression et l’acquisition de ses compétences afin de
l’accompagner dans son processus de professionnalisation.
Quant à moi, je n’ai pas su me positionner par rapport à cette proposition, trouvant les
différents arguments autant recevables les uns que les autres. C’est donc à partir de ces
différents éléments que j’ai pu poser ma question de départ :
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Comment le cadre de santé formateur doit il se positionner dans l’accompagnement des
étudiants infirmiers, lors des suivis pédagogiques individuels ?
Aujourd’hui : « Le formateur joue trois rôles : il doit former les futures infirmières à la
fois théoriquement et techniquement ; pour ce faire, il doit mettre en œuvre des compétences
de communication. » (Boudier, 2012, p. 9)
Le contenu et la mise en œuvre de ce suivi ne sont donc pas explicités dans le référentiel
de formation. Il m’a donc semblé intéressant de prendre connaissance de différents projets
pédagogiques d’IFSI pour comprendre les attentes et le but de ces entretiens.
Socioconstructivisme: « approche qui met l’accent sur l’interaction entre les facteurs
d’apprentissage internes (l’individu) et les facteurs d’apprentissage externes
(l’environnement) ».
Didactique : « étudie les interactions qui peuvent s’établir dans une situation
d’enseignement ou d’apprentissage entre : - un savoir identifié, - un maître dispensateur de
ce savoir, - un élève auteur, acteur et récepteur de ce savoir ».
Toutes ces données mettent bien en évidence que la relation à l’étudiant n’est pas toujours
simple à mettre en œuvre et qu’elle peut dépendre de ce que chaque formateur entend dans ce
processus relationnel. Je pense que les avis divergent en fonction des représentations de
chacun. Tout d’abord en ce qui concerne les étudiants, il est intéressant de se questionner sur
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l’enjeu que représente pour lui le suivi pédagogique. Je pense qu’il attend de « son »
formateur référent une écoute, une aide en cas de difficulté mais jusqu’où va cette relation ?
Dans mon expérience, j’ai pu rencontrer des formateurs qui, il me semble, allaient trop
loin dans la relation pédagogique dans le sens où ils questionnaient beaucoup les étudiants, en
particulier, sur leur vie privée. Certains même, en cas de difficultés psychologiques, pouvaient
mener des entretiens que l’on pourrait qualifier de « thérapeutiques ». Il est vrai cependant
que certains contenus personnels livrés lors des entretiens individuels peuvent parfois
permettre de comprendre des comportements ou des évènements survenant lors de la scolarité.
Cependant, il semble que cela n’a que peu d’intérêt dans la situation pédagogique.
Il est intéressant de penser aussi la représentation du formateur sur ce que sont les enjeux
pour lui des entretiens de suivi pédagogique. Puisque nous l’avons vu, une des missions du
formateur référent est de proposer les crédits servant à la validation des compétences, il est
possible d’imaginer qu’il peut avoir des objectifs de résultats. En effet, le formateur peut se
demander s’il a été « bon », si les étudiants de son groupe ont obtenu des résultats
satisfaisants. Cela nous amène à penser et à évoquer la notion d’évaluation. Il est évident que
le formateur, dans ses missions d’accompagnement de l’étudiant, a un rôle d’évaluateur.
L’objectivité de l’évaluation est elle en lien avec la relation pédagogique ? Le formateur
« copain » ne va-t-il pas sur-noter l’étudiant avec qui il s’entend bien ? Il me semble
effectivement que pour pouvoir effectuer une évaluation objective, la relation et
principalement la posture du formateur en dépend.
J’ai aussi recherché les éventuelles recommandations du Comité d’Entente des Formations
Infirmières Et Cadres sur la durée du suivi pédagogique et je n’ai retrouvé que le projet de
référentiel de compétences des cadres de santé formateur qui parle du suivi pédagogique
individuel:
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Favorisant pour chaque étudiant l’articulation et la cohérence de ses choix de
formation et son projet professionnel »
Je me suis ensuite questionnée sur ce qu’était un étudiant, qui il était dans une formation
adulte :
Je me suis rendue compte que ce qui posait problème à mes collègues formateurs et à moi
même n’était pas réellement la notion de durée de l’accompagnement et du suivi
pédagogique, à savoir 1 ou 3 ans, mais plutôt ce que l’on mettait exactement sous le terme
suivi pédagogique et ce en modalités d’accompagnement et de relation à l’étudiant. Y a-t-il
un positionnement particulier à avoir lors du suivi pédagogique ?
La relation est pour moi quelque chose d’important. En tant qu’infirmière, j’ai toujours
pris soin de mettre en place une relation soignant soigné adaptée avec les différents patients
que je prenais en charge. Mais qu’en est-il de cette relation avec les étudiants ? Faut il être
dans le prendre soin ?
Il semble donc important de définir ce qu’est la relation. Tout d’abord, pour instaurer une
relation, je pense qu’il est important que cela soit une interaction volontaire entre deux
personnes. Volontaire au sens où, si nous prenons le suivi pédagogique, le formateur et
l’étudiant doivent être d’accord de partager ces temps d’échanges ensemble. Il existe entre
eux, une sorte de contrat pédagogique moral qui base la relation sur le respect, l’écoute et la
tolérance. En effet, si ce n’était pas le cas, on peut imaginer que l’un ou l’autre pourrait ne pas
être à l’aise et de ce fait l’accompagnement pourrait ne pas être bénéfique à l’étudiant. Le
Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales définit la relation :
« Rapport qui lie des personnes entre elles, en particulier, lien de dépendance,
d'interdépendance ou d'influence réciproque. »
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Mais cette relation nécessite des qualités indispensables à sa mise en œuvre. En effet,
c’est : « L’instauration d’une relation de confiance réciproque […] cette confiance est gagnée
par l’écoute, la disponibilité et la justice. ». (Huriaux Akre, 2005).
La notion de justice parait être très importante. En effet, le formateur doit être en
capacité de proposer un accompagnement juste c'est-à-dire dire offrir à chaque étudiant la
même approche pédagogique et les même moyens de réussite sans se laisser emporter dans
des préférences. Mais, malgré cela, il est nécessaire de personnaliser l’accompagnement aux
besoins de l’étudiant et à son processus de développement dans la formation. Cela démontre
bien que la relation doit être dans la juste distance afin de rester dans une relation
pédagogique et de ne pas la transformer en relation inadaptée au contexte, voir amicale. Il est
évident que la relation éducative est une relation interpersonnelle : « pour favoriser un
apprentissage valable, il est indispensable qu’il existe entre l’apprenti et celui qui veut
faciliter son apprentissage une relation interpersonnelle qui implique certaines qualités
d’attitude.» (Rogers, 1984 cité par Rohart, 2008, p.50).
En effet, choisir de faire un travail de recherche sur le suivi pédagogique, sur ce qu’il
contient exactement et comment le mener permet de donner du sens à cet outil dans un
objectif pédagogique.
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La notion d’identité professionnelle et de juste distance permet de comprendre mon
questionnement de départ lors de ma prise de poste sur la façon d’aborder les étudiants, le
tutoiement et la distance à respecter.
Enfin, la notion d’accompagnement parait elle aussi importante à définir. Dans un article
de soins cadre, l’accompagnement est comparé à la notion du prendre soin : « Pour le cadre
de santé formateur (de formation initiale infirmière), les représentations des termes
“accompagnement” et “soigner” utilisent le même appareil de notions : écoute, centration
sur la personne, démarche relationnelle, assistance, aide… ». (Péoc’h, 2008, p. 51-55).
Il est donc évident qu’avant d’être pédagogue, le formateur est avant tout un soignant et
que sa relation face à l’étudiant est bien en lien avec ses valeurs mises en œuvre dans
l’accompagnement de la personne soignée.
J’ai donc interrogé un cadre de santé formateur qui est en IFSI depuis 15 ans. Je lui ai
d’abord demandé ce qu’était pour elle l’accompagnement des étudiants. Elle parle tout de
suite de son métier d’infirmière qui pour elle n’est que transposition dans son rôle de
formateur. Elle me dit donc, qu’accompagner un étudiant c’est comme accompagner un
patient. Elle dit qu’il faut être auprès de lui, être disponible et l’aider à devenir infirmier. Elle
fait d’ailleurs une comparaison avec le patient hémiplégique en disant que, comme l’infirmier,
le formateur doit s’adapter aux besoins de l’étudiants, à ses difficultés, ses limites et que
chaque accompagnement d’étudiant est personnalisé donc non reproductible ni prévisible. Les
étudiants sont ils des patients ? Les patients ne choisissent pas la maladie alors que
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l’étudiant lui choisit sa formation, il doit donc en être acteur. En effet, le formateur est avant
tout un soignant, avec des valeurs humaines importantes qui orientent son exercice
professionnel dans la formation mais est il pour autant le soignant de l’étudiant ?
Elle dit qu’il est vrai que parfois elle prend en compte des données privées de l’étudiant,
en insistant sur le coté non intrusif, mais pour elle, savoir « ce qu’ils sont réellement » est
indispensable pour leur futur métier qu’ils exerceront en fonction de ça. Elle précise
cependant, que le terme pédagogique dans ce suivi précise bien le fait que ce n’est pas un
suivi thérapeutique et que lorsque les étudiants sont en souffrance, il faut les orienter car cela
va au delà des missions du formateur.
Nous avons ensuite abordé les facilités et les difficultés du suivi pédagogique individuel.
Elle commence donc par les difficultés et aborde dans un premier temps les logiciels de
gestion de la formation. En effet, elle regrette que les récapitulatifs des suivis pédagogiques
ne soient qu’un ensemble de croix et non un espace littéral (qu’elle fait d’ailleurs en
parallèle). Elle regrette aussi de parfois valider des compétences à des étudiants parce que les
rapports le permettent alors qu’elle sait que certains étudiants sont « malhonnêtes
intellectuellement ». Une autre problématique est selon ses propos « les questions éthiques »
qu’elles se posent « suis-je juste par rapport aux étudiants ? Par rapport à ce qui se passe
dans les autres suivis pédagogiques au sein de l’IFSI ? Par rapport aux autres IFSI ? ». Elle
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avoue avoir des questionnements permanents sur la pertinence de ses décisions, de savoir si
elles sont bien pédagogiques et ou disciplinaires et emploie même le terme de « déontologie
du formateur ». Elle abordera une dernière difficulté, celle de tutorer un nouveau formateur
quant au suivi pédagogique, n’ayant pas elle-même une réelle marche à suivre.
Nous avons ensuite abordé les enjeux et les risques du suivi pédagogique : pour elle le
principal enjeu est celui de comprendre à qui elle a à faire car elle me dit que les étudiants
n’ont pas les mêmes repères qu’elle, ni les mêmes modes d’apprentissage. Quant aux risques,
elle estime qu’il faut faire attention de ne pas réduire l’étudiant à des croix. Elle parle aussi du
risque de l’effet Pygmalion « Je deviens ce que tu dis que je suis ». Enfin elle abordera la
notion de limites : pour elle, il ne faut pas mélanger le rôle de formateur, avec le rôle de
parent, de dirigeant, de copain ou de : je cite « capitaine des armées ». Il est nécessaire que le
formateur se pose des limites, qu’il sache garder une distance professionnelle tout en étant à
l’écoute et qu’il n’oublie pas que « ce n’est pas SON étudiant mais bien un étudiant que l’on
accompagne sur un petit bout de chemin ».
Cet entretien confirme le fait qu’il y ait peu de données écrites sur le suivi pédagogique et
que de ce fait, le contenu et la façon de le mener restent propres à chaque formateur.
Cependant, la notion d’accompagnement de l’étudiant semble être l’élément de base de ce
suivi. La relation entre le formateur et l’étudiant est, au regard des lectures, basée sur
l’attention et l’écoute et l’échange. Elle met en avant des difficultés : elle dit se questionner
sur sa façon d’accompagner les étudiants, ce qui semblent être en lien avec celles évoquées
par Boudier (2012) : « […] se dégage alors une peur de ne pas être à la hauteur pour guider
les étudiants… » (p.144). De même lorsqu’elle parle de limite dans la relation à l’étudiant,
elle évoque aussi cette problématique en précisant que cela concerne principalement les
formateurs débutants : «Ils ne parviennent pas à trouver la distance nécessaire et développent
un rapport trop affectif, trop proche ce qui modifie et met en danger la relation
pédagogique. » (Boudier, 2012, p. 164).
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étudiante en 2ème année afin que celle-ci puisse avoir un peu de recul sur le suivi pédagogique
individuel.
Dans un premier temps, je lui demande ce que représente pour elle le suivi pédagogique
individuel : elle aborde aussitôt la notion de validation des compétences par l’intermédiaire
des synthèses de stage. Cela renvoie à ce que la formatrice nous dit sur l’aspect administratif
de ce suivi pédagogique. Elle ajoute aussi que c’est un temps de rencontre avec « son »
formateur référent pour lui faire part d’éventuelles difficultés.
Lorsque je lui demande ce qu’elle en attend, elle répond créer une relation de confiance,
des conseils et un accompagnement tout au long de la formation. La notion
d’accompagnement est là encore énoncée tout comme pour la formatrice interrogée.
Je lui demande les risques et les enjeux de cet accompagnement : elle parle une fois de
plus de créer une relation de confiance et ajoute que sinon, l’étudiant ne sera pas « naturel »
avec le formateur. Pour elle, le risque est que la relation soit superficielle et que le suivi
pédagogique ne devienne « qu’un passage obligé sans intérêt pour l’étudiant et le
formateur ».
Je l’interroge donc sur le positionnement attendu du formateur, elle répond qu’il soit un
guide, un conseiller et un accompagnateur. Elle ajoute ne pas attendre d’eux qu’il soit un
parent ou un professeur mais bien quelqu’un qui les aide, une ressource tout au long de la
formation. Ce qui lui parait le plus difficile lors des suivis pédagogiques, c’est que ce qui est
dit lors de cette rencontre, soit retranscrit dans le dossier de l’étudiant. Elle ajoute que se
confier n’est pas facile et une fois de plus, elle emploie le terme de confiance instaurée avec le
formateur. Elle évoque aussi le fait, à partir de la deuxième année, de pouvoir choisir son
formateur référent pour justement être plus en confiance.
Enfin, je lui demande comment elle qualifie la relation entre le formateur et l’étudiant :
elle répond que cela doit correspondre à un respect mutuel, une écoute et un climat ou chacun
se sent à l’aise pour pouvoir échanger.
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2. Question de recherche et hypothèses
Au travers ces témoignages, les différentes lectures que j’ai effectuées et mon expérience
professionnelle, il m’est apparu que je souhaitais investir et questionner la fonction
pédagogique du cadre de santé formateur, agissant comme un accompagnateur dans la
professionnalisation de l’étudiant en soins infirmiers. Quelle peut être la plus-value de la
relation et de la posture pédagogique pour amener, implicitement ou explicitement, l’étudiant
à se professionnaliser ?
Afin de répondre à cette question complexe, je pose deux hypothèses rédigées ci-dessous :
14
3. Le cadre théorique
Pour cette partie de mon travail, j’utiliserai le pronom « nous ». En effet, faisant référence
à différents auteurs, il me semble important de ne pas m’approprier le contenu des éléments
conceptuels déclinés dans ce cadre théorique.
Afin de construire ce mémoire, et en nous référant aux hypothèses émises, nous allons
tenter de balayer une série de théories et de concepts qui aideront à mettre en relief notre
question de recherche. Le cadre théorique s’est construit principalement dans le champ des
sciences de l’éducation à partir de différentes lectures d’ouvrages en psychologie, sociologie,
pédagogie et philosophie. Cette recherche s’est orientée vers : la pédagogie de manière
générale, la relation pédagogique, l’accompagnement et la professionnalisation.
3.1 La pédagogie
Même si ces deux termes sont difficiles à dissocier, ils peuvent néanmoins être distingués
dans leur définition. Selon Emile Durkheim (2013) :
" On a souvent confondu les deux mots d’éducation et de pédagogie, qui demandent
pourtant à être soigneusement distingués. L’éducation, c’est l’action exercée sur les
enfants par les parents et par les maîtres. Cette action est de tous les instants, et elle
est générale. Il en est tout autrement de la pédagogie. La pédagogie consiste, non en
15
actions mais en théories. Ces théories sont des manières de concevoir l’éducation, non
des manières de la pratiquer…L’éducation n’est donc que la matière de la pédagogie.
Celle-ci consiste dans une certaine manière de réfléchir aux choses de l’éducation.
C’est ce qui fait que la pédagogie, au moins dans le passé, est intermittente, tandis que
l’éducation est continue "(p.69-70).
Il est donc possible de retenir que la pédagogie désigne des principes et des modèles qui
permettent de transmettre des savoirs. J. Houssaye (2001) la définit comme :
« l’enveloppement mutuel et dialectique de la théorie et de la pratique éducatives » (p.13).
Nous pouvons déduire que la pédagogie est pour le formateur, l’utilisation de théories
pour la transmission de savoirs avec un apprenant qui la reçoit, ce qui nous amène au triangle
de Houssaye qui sera détaillé dans la relation pédagogique par la mise en mouvement de ces
éléments.
Le béhaviorisme
Ce courant pédagogique est l’un des premiers identifié dans les recherches des théories de
l’apprentissage. Etymologiquement, le terme béhaviorisme vient de l'anglais behaviorism /
behaviourism formé sur behavior (« comportement »). Cette théorie mise en évidence par le
psychologue Américain John Watson au début du XXème Siècle considère que les réactions
ou comportements humains passent par une notion de stimulus-réponse, stimulus non
16
identifiable puisque perçue par « la boite noire » du cerveau. Ce courant fut repris par Pavlov
et Skinner qui ajouteront la notion de conditionnement, de reflexe et de renforcement : « le
béhaviorisme conçoit l’apprentissage comme déterminé exclusivement par l’environnement
(en tant que source de stimuli ou de renforcements de la réponse comportementale)»
(Bourgeois, Chapelle, 2011, p°28)
Le cognitivisme
Issu des sciences cognitives, ce courant se concentre sur les processus mentaux de
l’individu : « Les théories du traitement de l’information, comme leur nom l’indique, tentent
de rendre compte des processus par lesquels un individu confronté à une situation donnée
reçoit, sélectionne et organise l’information, la stocke en mémoire, la récupère et la
communique » (Bourgeois, Chapelle, 2011, p.30). Contrairement au béhaviorisme, qui
considère que l’individu a besoin d’un comportement conditionné pour répondre à une
situation donnée, le constructivisme met en évidence le fait que l’individu fait appel à des
informations qu’il a préalablement stockées et traitées dans sa mémoire.
Le constructivisme
Le terme constructivisme est à l’origine utilisé dans le monde artistique. En effet selon le
dictionnaire Le petit Robert : « le constructivisme est un mouvement artistique né en Russie
où l’effet plastique est obtenu par des lignes et des plans assemblés, construits »
Dans l’ouvrage les théories de l’apprentissage, les auteurs reprennent cette théorie de
Piaget : « le processus constructif de l’activité mentale dégageant des possibilités nouvelles
d’intelligibilité » (Donnadieu, Genthon, Viel, 1998, p.54) La construction du sujet serait donc
en lien avec l’organisation cognitive du sujet. Selon Watzlawick (1988, p.20) : « L’être
humain est responsable de sa pensée, de sa connaissance et donc de ce qu’il fait ».
Cependant, il nuance ce propos en se questionnant sur l’individualisme de cette affirmation :
« Dans quel monde vit-on si l’on construit entièrement soi-même sa propre réalité ? »
(Watzlawick, 1988, p°351). Cela renvoie donc au fait que l’on ne peut se construire seul mais
plutôt par le biais de la socialisation. Il est donc plus logique de définir le
17
socioconstructivisme qui d’ailleurs est introduit dans bon nombre de projet pédagogique en
IFSI.
Le socioconstructivisme
Développé notamment par Vygotsky qui critique la théorie de Piaget : « Il lui reproche de
ne pas suffisamment prendre en compte la dimension sociale et culturelle de l’apprentissage »
(Bourgeois, Chapelle, 2011, p.35). Il parlera de co-construction dans un contexte culturel et
social. Cette théorie connait de nos jours un grand succès et met en avant des objectifs dans
les méthodes pédagogiques : « Il conduira sur le terrain au développement de dispositifs
pédagogiques qui favorisent les interactions sociales, non seulement entre pairs («
apprentissage réciproque » ou « mutuel ») mais également et surtout entre apprenant et
tuteur (« compagnonnage cognitif »).» (Bourgeois, Chapelle, 2011, p.36).
Afin de mettre en place une relation, des éléments conceptuels sont à prendre en compte.
Selon Rohard (2008), reprenant les propos de C. Rogers, avoir une relation avec autrui c’est
avoir de la considération pour la personne : « Avoir de la considération pour une personne,
c’est accepter a priori sa spécificité sans l’enfermer dans nos jugements de valeur. » (p°19)
18
« Une certaine chaleur qui facilite la confiance, de l’attention réelle parce qu’on
est convaincu que notre relation réciproque sera enrichissante pour les deux, de
l’affection, qui risque d’ailleurs si l’on y prend garde d’être une forme de
paternalisme, de l’intérêt, tout ce qu’est l’autre doit nous interpeller, du respect :
chaque personne est respectable, de la confiance : il faut croire que, toute personne
peut, s’améliorer. » (p°20)
La relation ne se met donc pas en place de manière systématique. Elle fait donc bien écho
à une participation réciproque des acteurs, accompagnée de valeurs favorisant la
communication et la confiance.
Mais cette relation pédagogique peut elle être la même pour chaque étudiant ? Y a-t-il un
modèle de relation ? Il semble que cela dépende de plusieurs facteurs. Dans un de ses articles
G. Netter (2014) énonce que la relation pédagogique se base sur 4 axes :
Le rapport à soi : il est possible de le définir comme étant la façon dont se voit
l’apprenant. L’évaluation qu’il fait de lui-même
Le rapport au savoir : l’apprenant est conscient de son manque de savoir d’où sa présence
en formation mais il ne doit pas pour autant penser qu’il ne sait rien au risque d’une
dévalorisation non constructive.
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Le rapport à l’acte d’apprendre ou d’enseigner : enfin, ce rapport à l’acte d’apprendre est
la conscience de l’apprenant que les apprentissages ne s’acquièrent pas aussi rapidement pour
les uns que pour les autres et qu’il faut parfois accepter qu’il faut du temps pour accéder à la
connaissance.
Il est donc indispensable que le formateur ait conscience de ces différents axes pour
orienter la relation pédagogique qu’il mettra en place avec l’étudiant et en fonction de ces
axes, la relation sera inévitablement personnalisée.
Cela peut être mis en parallèle des travaux de J. Houssaye (2001) qui lui aussi aborde la
relation pédagogique selon des processus liés à trois éléments : le savoir, l’enseignant et
l’étudiant : « toute pédagogie est articulée sur la relation privilégiée entre deux des trois
éléments et l’exclusion du troisième avec qui cependant chaque élu doit maintenir des
contacts. (p.15).
1
http://eduscol.education.fr/bd/competice/superieur/competice/libre/qualification/q3a.php
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La relation est donc au-delà du binôme formateur et apprenant, le savoir devient lui aussi
une entité à part entière dans cette relation. Ces deux approches confortent l’idée que la
relation pédagogique ne peut être la même d’un étudiant à un autre et qu’il est nécessaire
d’identifier les différentes approches afin de personnaliser et d’individualiser cette relation
dans le but d’éviter d’éventuels conflits relationnels.
Le conflit dans la relation pédagogique peut amener à des situations qui seront non
constructives pour l’étudiant et non satisfaisantes pour le formateur. En effet, l’étudiant sera
dans l’opposition et dans la résistance ce qui favorisera soit la résilience du formateur soit un
éventuel « acharnement » qui deviendrait non pédagogique : « La relation bien gérée facilite
les échanges. Les écarts, et c’est une façon de cerner leurs effets, peuvent gêner, voire
empêcher, l’accès de l’élève, d’un groupe d’élèves, à ce pour quoi on est là. » (Jubin, 2001,
p.181)
Un autre risque dans ce conflit de relation pédagogique est le fait de vouloir amener
l’autre à son image et à ce que le formateur souhaite que soit l’étudiant.
Nous pouvons alors aborder l’effet Pygmalion : théorie de Rosenthal et Jacobson qui
considèrent que les attentes et les représentations des enseignants influenceraient les résultats
scolaires des enfants : « L’attention, le soin apporté au travail, l’autonomie, la capacité à
travailler en groupe, la motivation et les efforts consacrés sont autant de comportements pris
en compte par l’enseignant, quand il élabore des attentes pour un élève » (Trouilloud,
Sarrazin, 2003, p.95).
La relation pédagogique nécessite donc une harmonie dans la juste distance entre
l’étudiant et le formateur avec une posture pédagogique de celui-ci.
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Elle permettra donc d’accompagner l’étudiant à répondre à ses propres attentes de
formation et non à celles du formateur qui lui donnera du sens à la formation. Cependant, cet
accompagnement nécessite que le formateur adapte sa posture dans la relation.
Nous avons vu que la relation pédagogique constituait l’un des outils principal de la
pédagogie et de l’accompagnement de l’étudiant en formation. Cependant, afin que la relation
soit optimale, il est nécessaire que chaque sujet et en particulier le formateur ait un
positionnement qui l’y encourage c’est pourquoi il est à présent nécessaire de définir et de
questionner la posture pédagogique.
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L’importance pour le formateur est de ne pas se mettre en position supérieure face à
l’étudiant, il doit favoriser un équilibre de la position sans le dévaloriser ou le survaloriser. Le
cadre de santé doit donc se positionner dans son rôle de formateur, qui accompagne l’étudiant
à développer les compétences attendues à sa professionnalisation.
Cependant, Il est initialement un acteur de santé avec une culture soignante et du prendre
soin ce qui peut sans doute avoir un impact sur son positionnement face à l’étudiant dans la
relation : « les valeurs premières des formateurs en IFSI, au-delà des valeurs qui leur sont
propres, compte tenu de leurs parcours professionnel et personnel, sont ancrées dans les
valeurs infirmières, en lien avec l’idée de prendre soin. » (Petrus-Krupsky, 2015, p.47), mais :
« Le pédagogue, même s’il a, comme le remarque Ivan Illich, une âme de thérapeute, n’est
pas un psychanalyste. » (Resweber, 2007, p.73).
Il est dont important, à présent, de définir à présent ce que sont les valeurs et l’éthique
pédagogiques.
Dans un premier temps, il semble important de définir ce qu’est l’éthique pour différents
auteurs.
L’éthique est donc une réflexion qui renvoie aux valeurs et à la morale. Mais peut-on
différencier l’éthique de la morale ? Il semble que ce ne soit pas la même notion : « Ainsi la
morale en éducation-si l’on désigne par ce terme un système de règles susceptibles de régir
les comportements individuels-doit être pensée en tant qu’elle permet et suscite, sans
chercher pour autant à les contraindre, les choix éthiques individuels. » (Meirieu, 2012,
p°148).
23
L’éthique serait donc au cœur de la formation infirmière, M. Petrus-Krupsky nous dit
même qu’elle est : « quotidienne…individuelle et collective. » (2015, p.48). Selon elle, chaque
questionnement pédagogique est d’ordre éthique et cela permet la recherche d’une solution la
plus optimale possible : « le formateur en soins infirmiers est perpétuellement confronté à des
choix éthiques plus ou moins cruciaux, allant du simple questionnement à des débats parfois
complexes. » (Petrus-Krupsky, 2015, p.53).
L’éthique et les valeurs sont donc au cœur des dispositifs de formation et animent le
formateur lui-même : « Le meilleur outil pédagogique (aux côtés de la connaissance de la
matière enseignée et sa didactique) c’est le maitre lui-même, sa personnalité équilibrée et
chaleureuse, c’est les valeurs qui l’animent et le soutiennent, aux heures difficiles… »
(Rohart, 1992, p.11).
3.2 L’accompagnement
24
« Se joindre à quelqu’un pour la dimension relationnelle, à la manière de la connexion,
de la jonction. Il s’agit de l’accompagnement dans le lien, dans la confiance afin de
permettre à l’usager de faire des choix de la manière la plus autonome possible, en
s’appuyant sur ses potentialités. Concrètement, l’accompagnateur se doit de stimuler
l’accompagné, lui donner ou redonner confiance, établir avec lui une relation
contractuelle, valoriser toute démarche qu’il réalise, l’aider à préciser son projet
personnel » (http://www.carrierologie.uqam.ca/volume09_1-2/07_paul/index.html)
Nous pouvons donc considérer que l’étudiant en formation est là dans l’objectif de
développer des compétences en vue d’une professionnalisation d’où ce besoin
d’accompagnement.
Accompagner renvoie donc à l’idée de cheminer avec l’autre. Il est cependant possible de
lui venir en aide lors de cet accompagnement sans pour autant faire à la place de l’autre. Il
s’agit plutôt de faire émerger ses capacités qui l’aideront à son développement.
«Le terme accompagnement renvoie ainsi à quatre idées. Tout d’abord, il renvoie à celle
de secondarité : celui qui accompagne est second, c’est-à-dire «suivant» (et non « suiveur
»). S’il n’a pas la primauté, il n’est pour autant pas accessoire puisqu’il n’y aurait
accompagnement sans ce binôme initial. Sa fonction est de soutenir au sens de valoriser
celui qui est accompagné. Le terme d’accompagnement renvoie ensuite à l’idée de
25
cheminement incluant un temps d’élaboration et des étapes qui composent la «mise en
chemin». En trois, vient l’idée d’un effet d’ensemble: quelle que soit la dissymétrie
relationnelle, l’action vise à impliquer les deux éléments à tous les stades de ce
cheminement. Enfin, c’est l’idée de transition, liée à une circonstance, une actualité, un
événement, une situation qui vient dire que tout accompagnement est temporaire: il a un
début, un développement et une fin. » (Paul, 2009, p.96)
Les objectifs de l’accompagnement en IFSI sont dans un premier temps exposé dans le
projet pédagogique de l’institut. En effet, Les instituts de formations infirmiers se dotent
annuellement d’un projet pédagogique qui constitue l’outil de référence dans la façon de
décliner la formation. L’objectif de se projet est de formaliser la manière d’amener le futur
professionnel, à développer des valeurs professionnelles humaines, à devenir autonome et
responsable et à progresser dans son processus de professionnalisation. Il semble que le projet
pédagogique se rapporte au projet de formation :
L’accompagnement de l’étudiant est donc bien situé au centre d’une triade et ne peut être
réalisé sans la prise en compte de l’étudiant, de l’institution et du formateur. Le formateur
accompagne donc l’étudiant à poser lui même son propre projet à l’IFSI qui lui repose sur la
pédagogie du projet : « La pédagogie du projet constitue une pédagogie de l’appropriation
qui est assimilable au mode de travail pédagogique de type appropriatif centré sur l’insertion
sociale » (Boutinet, 2004, p.225)
26
L’accompagnateur ou le formateur permettra donc dans un premier temps a l’étudiant de
s’approprier le projet pédagogique, de poser son propre projet de formation puis de
l’accompagner à donner du sens.
Dans son article, Philippe Perrenoud reprend les propos de Lafortune et Deaudelin qui
entendent l’accompagnement comme : « un " accompagnement constructiviste "qui est une
véritable stratégie de formation » (2004, p.22-34).
3.3 La professionnalisation
« un processus historique par lequel une activité devient une profession par le fait qu’elle
se dote d’un cursus universitaire qui transforme des connaissances empiriques acquises par
expérience en savoirs scientifiques appris de façon académique et évalués de manière
formelle, sinon incontestable » (Danvers, 2003, p.463).
En pédagogie, ce terme est très actuel car il met en évidence l’adéquation, l’articulation
entre la formation et le monde professionnel (Wittorski, 2008). A la base c’est donc un terme
qui vise à professionnaliser un métier. Cependant selon Wittorski (2005), qui reprend
Bourdoncle: « S’agissant du mot professionnalisation, Bourdoncle (2000) distingue au moins
5 objets et sens :
- la professionnalisation de l’activité
27
- la professionnalisation du groupe exerçant l’activité
3.3.1 Le professionnel
Un savoir pratique ou science appliquée qui articule une double compétence, celle
qui est fondée sur le savoir théorique acquis au cours d’une formation longue et celle
qui s’appuie sur la pratique, l’expérience d’une « relation bienveillante »
Une compétence spécialisée ou spécificité fonctionnelle qui se présente comme
une double capacité, celle qui repose sur la spécialisation technique de la compétence
et celle qui fonde son pouvoir social de prescription et de diagnostic dans une
« relation plus ou moins réciproque »
Un intérêt détaché caractéristique de la double attitude du « professionnel » qui
unit la norme de neutralité affective avec la valeur d’orientation vers autrui, d’intérêt
empathique. » (p.129).
Guy Leboterf (2007) définit le professionnel comme : « celui que l’on reconnait non
seulement au fait qu’il possède des ressources pour agir (connaissances, savoir-faire,
comportements professionnels) mais aussi parce qu’il agit avec pertinence et compétence. »
(p°66).
28
P. Zarifian (2001) attribue au professionnel le concept de responsabilité. Etre responsable
serait donc un « gage » de professionnalisme, il s’agirait donc d’assumer et de répondre de ses
actes dans le souci d’autrui.
Il est donc évident que le savoir ne suffit pas à être un « véritable » professionnel. La
notion d’acquisition de compétences étant l’objectif ultime. Il s’agirait donc de parler de
professionnel compétent tout en sachant, cependant, que la professionnalisation ne s’arrête
pas à la maitrise du métier : « Le professionnalisme ne doit pas être un état stable. Il est à
construire par l’expérience et les expériences accumulées. » (Le Boterf, 2010, p.59)
3.3.2 La compétence
Toujours selon GUY Le Boterf (2013), la compétence est « le fait de savoir combiner et
mobiliser un ensemble de ressources appropriées personnelles (connaissances, savoir-faire,
comportement…) et de support (base de données, collègues, experts, autres métiers…) et de
savoir mettre en œuvre une pratique professionnelle pertinente ».(P°21)
Cette notion de compétence est aujourd’hui reprise par les instituts de formation et la
réingénierie des diplômes de santé, cela nécessite donc des dispositifs de formation en ce
sens.
29
Développer des compétences nécessiterait donc d’identifier des situations et de déterminer
les compétences attendues dans chacune d’entre elles : « la compétence est une intelligence
pratique des situations qui s’appuie sur des connaissances acquises et les transforme avec
d’autant plus de force que la diversité des situations augmentent. » (Zarifian, 2001, p.77).
Selon Guy Le Boterf (2007), la professionnalisation est « l’atteinte des objectifs au terme
d’un parcours » (p.65). Il estime aussi qu’il s’agit de « préparer à agir avec compétence dans
des situations professionnelles et non seulement faire acquérir des ressources » (p°65).
30
3.3.4 L’autonomie
L’étymologie du mot autonomie vient du Grec « autos » : par soi même et « nomos » :
loi, règle. Ce terme était principalement utilisé dans l’histoire pour parler d’un état et il
correspondait au fait de se gouverner selon ses propres lois.
Il s’agit donc pour le formateur de tendre vers cette capacité puisqu’elle serait l’atteinte de
l’objectif de la formation, à savoir, la professionnalisation : « La visée de l’apprentissage est
bien l’autonomisation de la personne et l’engagement dans un processus d’interprétation
inachevable. » (Donnadieu, Genthon, Vial, 1998, p.116)
31
Synthèse
En effet, la relation pédagogique est une réciprocité d’échanges avec une certaine
considération de l’autre. Basée sur la notion de confiance partagée, la relation se doit d’être
adaptée en fonction des individus et différente en fonction du rapport de chacun à
l’apprentissage. Cependant, elle reste l’interaction de 3 éléments : la savoir, l’étudiant et
l’enseignant. Elle nécessite aussi une distance pédagogique qui permettra d’éviter le conflit
relationnel. Cette posture du formateur se veut d’être dans la disponibilité avec la mise en
œuvre des valeurs propres au formateur, les valeurs soignantes dans le cadre du formateur en
IFSI. Au regard de sa conception et de l’éthique, le formateur se questionne en permanence
sur « l’adapté » et le « non adapté » dans la relation pédagogique.
32
4. Méthodologie de la recherche
Le cadre théorique étant posé, il me parait important de poursuivre ce travail avec une
analyse de données issue du terrain. Afin de mener une enquête et de pouvoir la confronter
aux données théoriques, un guide d’entretien a donc été élaboré au regard de la
problématique, de la question de recherche et des hypothèses qui sont :
Durant notre expérience professionnelle, nous sommes confrontés à des situations, des
méthodes qui ne nous semblent pas toujours cohérentes et qui nous questionnent. Nous ne
prenons pas souvent le temps de les analyser de façon approfondie, ou de réfléchir à ce qu’il
est préférable de faire ou de ne pas faire. Ce travail de recherche est donc l’occasion de
s’arrêter un moment et de réfléchir à nos pratiques.
J’ai donc choisi un thème en lien direct avec des situations professionnelles que j’ai
vécues et que j’ai présentées dans ma problématisation. Il s’agit donc pour moi de prendre de
la hauteur et de la distance afin de réaliser une démarche réflexive avec l’accompagnement du
directeur de mémoire.
Mon objectif principal est de mieux appréhender mon futur rôle de cadre de santé
formateur et notamment la relation pédagogique dans l’accompagnement des étudiants d’où
ma question de recherche.
L’objectif des recueils de données est donc, d’éclairer et de confirmer ou non les
hypothèses : « Vient alors le dessein de l’enquête proprement dit, soit l’ensemble des
opérations par lesquelles les hypothèses vont être soumises à l’épreuve des faits et doit
permettre de répondre à l’objectif qu’on s’est fixé. » (Blanchet et Gotman, 2007, p.35)
33
Il s’agira, pour moi, d’interroger les professionnels sur les objectifs de la relation
pédagogique et de l’accompagnement. Il s’agira aussi de les interroger sur leur posture et de
vérifier leurs représentations de la professionnalisation. A travers, les propos recueillis, un
lien peut s’établir entre les auteurs et la réalité des pratiques professionnelles dans la relation
mise en place lors de l’accompagnement des étudiants dans leur professionnalisation.
Elle est également plus concrète pour moi, ayant eu l’occasion, lors de mon expérience
professionnelle, d’accompagner les étudiants infirmiers dans leur propre initiation à la
recherche. Enfin, ce qui m’intéresse dans cette méthode, c’est son aspect qualitatif et la
richesse des informations que l’on obtient grâce aux matériaux produits lors des échanges.
34
4.4 Le choix de la population
La prise de contact a principalement été par mail ou directement sur le terrain pour deux
des entretiens. Pour chaque entretien, une demande d’enregistrement a été faite et les
conditions d’anonymat ont été précisées. Au début de l’entretien, juste le thème du travail de
recherche a été énoncé. Il m’a semblé que le thème, de la pédagogie et de la relation
pédagogique, leur paraissait être un sujet vaste mais qui suscitait pour eux beaucoup d’intérêt.
Chaque rendez vous a été posé en fonction des disponibilités de chacun et ils se sont tous
déroulés au sein des bureaux respectifs des cadres de santé formateurs. Les entretiens ont duré
en moyenne entre 30 et 35 minutes.
Dans un premier temps, une question d’introduction reprenait la date de leur diplôme
infirmier, celle de leur diplôme de cadre de santé et le nombre d’années d’expérience en
pédagogie, ainsi que leur âge. Les différents thèmes ont été ensuite abordés dans le cadre du
guide d’entretien mais certaines réponses ont pu être anticipées au cours de l’entretien.
Lors du premier entretien, la présentation du thème a été trop détaillée à mon sens ce qui a
induit des réponses très ciblées en première intention. De plus, certaines questions ont été
reformulées par la suite, afin d’être plus précises dans la demande
35
4.6 Les limites de l’étude
Pour autant, ce temps dédié à la réflexion nous aide pendant cette année de formation, à
développer des capacités de questionnement, d’analyse et de rigueur scientifique.
Une autre problématique a été de canaliser certains cadres de santé formateurs qui
partaient dans de multiples directions lors des échanges et il m’a parfois fallu les ramener sur
le sujet.
36
5. Analyse et interprétation
Après avoir réalisé les six entretiens semi-directifs, il est temps maintenant de les
découper un par un et de les analyser au regard des concepts étudiés, les verbatims ont été
listés dans une grille d’analyse, construite par thèmes puis par sous thèmes. Il s’agira, par la
suite, d’en dégager une interprétation et d’être en capacité ou non d’invalider mes hypothèses
de départ. Les entretiens ont été retranscrits totalement et déposés en annexes, j’y ferai
référence tout au long de mon analyse en les nommant par une lettre de l’alphabet ainsi qu’en
citant le numéro des lignes afin qu’il soit plus facile de retrouver le verbatim dans les
entretiens.
Les six professionnels de terrain interrogés lors de ce travail de recherche exercent tous en
institut de formation en soins infirmiers. Leur durée d’exercice varie de 37 ans à huit mois
pour le plus récent avec une moyenne de 12.6 années en pédagogie. Cette moyenne
correspond en majorité à la moyenne d’âge. La parité n’est pas respectée dans cette enquête
puisqu’il y a deux hommes pour six femmes, ce qui semble correspondre de manière générale
aux données démographiques du terrain.
37
5.2 La pédagogie
Tout d’abord, il faut préciser que pour les trois cadres de santé formateurs qui exercent en
formation depuis cinq ans ou moins, cela a été plus difficile pour eux. Certaines hésitations
étaient évidentes et ils ont même eu pour certains, des difficultés à la définir : « euh, euh, on
va dire c’est une science, euh une science, euh comment dire, je ne sais pas » (ED, L 12-13).
« Euh, la pédagogie…ben pour moi euh, c’est…c’est compliqué ça… » (EF, L 11). Les autres
cadres formateurs la définissent comme étant la manière d’amener un apprenant, adulte, à
développer des compétences.
Il semble donc que les cadres de santé formateurs, considèrent que la pédagogie est
fondamentalement différente de l’éducation nationale mais que le processus même
d’éducation est au cœur du dispositif en pédagogie. Cela renvoie directement à la
38
différenciation faite par Durkheim (2012) et la mise en évidence d’un principe de continuité
de l’éducation contrairement à la pédagogie qui serait plutôt intermittente.
Une fois le thème central définit par l’ensemble des acteurs, il est temps d’aborder la
première étape de ce travail d’analyse et de tenter de vérifier que la relation pédagogique
permet la professionnalisation de l’étudiant infirmier.
La relation pédagogique est, prioritairement, comme son nom l’indique, une relation
humaine. D’ailleurs, cela est mis en avant par trois cadres de santé interrogés et mis en
corrélation avec la notion de communication : « Alors déjà dans relation pédagogique, il y a
relation. Donc si on reprend le terme de relation, une relation c’est une communication »
(EB, L42-43). Ce terme de communication est défini par un des cadres comme une mise en
lien entre deux individus : « relation donc, c’est bien une mise en lien de deux individus »
(EE, L 40).
Si trois des cadres interrogés débutent leur conception de la relation pédagogique avec une
approche de la relation humaine, deux précisent que c’est avant tout une relation
professionnelle entre un formateur et un apprenant : « c’est avant tout, une relation
professionnelle qui accompagne l’étudiant » (EA, L2), « c’est euh, tout ce qui se passe entre
un apprenant et un formateur » (EC, L32).
L’un, des interviewés, introduit, presque dés le départ, la notion de confiance. En effet, il
estime que le lien créé entre les 2 parties doit être emprunt d’une relation de confiance : « je
pense que oui, j’insisterai sur cette relation de confiance » (ED, L46). Ce lien de confiance a
d’ailleurs été repris par W. Hesbeen (1997) qui lorsqu’il parle de la relation, dit que : « tisser
39
des liens de confiance fondés sur le respect de la personne et qui permettent de cheminer avec
elle… » (p.99).
La relation pédagogique serait donc le moyen de cheminer avec l’étudiant dans ses
processus d’apprentissage. Trois des cadres abordent, d’ailleurs, la relation pédagogique
comme une médiation où le cadre serait un tiers qui facilite la circulation d'informations :
« une médiation pour amener l’étudiant à progresser, à évoluer, à prendre conscience » (EB,
L47-48). Ils utilisent d’ailleurs différents termes pour parler du rôle de médiateur :
« passeur » (EA, L127), « tuteur » (EB, L113) ou encore « régulateur » (EC, L36). Cette
médiation est donc bien la mise en place de moyens pédagogiques, de méthodes au profit du
développement des compétences de l’apprenant (Resweber, J.P., 2007)
La quasi-totalité, des interviewés, s’accorde à dire que la relation doit être singulière et
individualisée : « les parcours individuels de professionnalisation sont toujours singuliers »
(EA, L116-117), ce phénomène étant du, au fait, que les étudiants ne progressent pas de la
même façon ni au même rythme : « sur le groupe d’étudiants que j’accompagne, je ne vais
pas les accompagner tout à fait de la même manière. Je sais qu’il y en a qui sont déjà très
autonomes » (EC, L207-208). La relation ne sera donc pas la même d’un étudiant à un autre,
elle devra donc être adaptée à chacun : « la relation pédagogique, elle sera différente selon
l’individu » (EE, L44-45).
40
L’individualisation de cette relation ne tient pas au simple fait que les étudiants ne
progressent pas au même rythme. En effet, chaque apprenant entre en formation avec une
expérience antérieure « la pédagogie doit prendre en compte l’expérience individuelle de
chacun » (EB, L 19-20), d’autre part cette expérience est emprunte d’acquis et de
connaissances : « ils arrivent pas tous avec les mêmes acquis » (EE, L70-71). P. Meirieu
(1989) reprend d’ailleurs cette notion d’individualisation et d’acquis antérieurs, il estime
même que : « Rien ne peut être acquis sans que l’apprenant l’articule avec ce qu’il sait déjà »
(p.134).
Deux formateurs, quant à eux, évoquent la prise en charge des difficultés de l’étudiant
dans l’individualisation de la relation pédagogique : « cette relation, elle a cet objectif de
prendre en compte l’individu dans sa singularité avec ses difficultés, ses ressources, et réussir
à faire en sorte qu’on s’appuie sur son potentiel » (EB, L55-56-57). D’ailleurs l’un d’eux
ajoute que cela nécessite même une attention particulière : « être plus vigilant avec les gens
qui ont des problématiques » (EE, L74).
41
5.3.3 Le prendre soin
Lors des entretiens, presque toutes les personnes interrogées font du lien entre
accompagnement des étudiants et accompagnement des patients. D’ailleurs, la première
personne interrogée parle spontanément du prendre soin : « c’est indispensable d’être dans le
prendre soin » (EA, L64-65).
Un, des cadres de santé interrogés, pense même que prendre soin de l’étudiant induirait
son comportement en tant que professionnel : « Comment voulez vous qu’ils soient dans le
prendre soin des patients, si on n’est pas nous même dans le prendre des soins des
étudiants. » (EC, L 93-94-95). Cette corrélation est d’ailleurs reprise dans un article de
recherche en soins infirmiers (2011) rédigé par V. Favetta et B. Feuillebois-Martinez, sous
forme d’une citation de Poletti (1978) : « La relation entre l’infirmière enseignante et l’élève
est de toute importance car elle sert de modèle à l’élève ; cette relation compte beaucoup plus
que ce que peut dire l’enseignante à propos de la relation malade-infirmière ». Et, le prendre
soin se définirait en terme de bienveillance envers l’apprenant : « notre travail, c’est la
bienveillance, prendre soin des étudiant, prendre soin de lui dans sa construction, dans ses
difficultés » (EB, L138-139).
Cependant, sur six personnes interrogées, un seul formateur abordera les limites de ce
prendre soin : « par contre, tout en étant dans le prendre soin, on ne soigne pas les
42
étudiants » (EF, L91). Ce cadre estime donc qu’il s’agit de dissocier « prendre soin » et
« soigner » dans la relation pédagogique. Un autre formateur, même s’il ne le formule pas de
la même façon, semble penser, lui aussi, en ce sens lorsqu’il aborde la problématique d’un
étudiant qui laissait entendre le risque d’un passage à l’acte : « en tant que formateur, on se
dit : attends, je ne suis pas spécialiste de ça » (EC, L246). Il ajoute à cela le fait d’orienter
l’étudiant vers des personnes susceptibles de le soigner : « donc, là il faut savoir passer le
relais, parce que là c’était vraiment d’autres problématiques » (EC, L 249-250).
En plus d’être l’engagement des deux parties, il semble qu’il mette en lumières les
différentes règles établies dans cette relation : « quelqu’un qui a un contrat pédagogique, il a
vu les repères, les règles de l’institution » (EA, L7-8). D’ailleurs, un des interviewés, intègre
la notion de limites dans la notion de contrat pédagogique :
Hervé Caudron (2001) reprend la notion de contrat dans son ouvrage dédié à l’autonomie
de l’apprenant : « la notion de contrat suppose une libre négociation entre deux parties
également éclairées, qui acceptent, parce qu’elles sont conscientes des enjeux, des
obligations partagées et donc ainsi des concessions mutuelles. » (p.75).
43
Il s’agit donc bien d’une responsabilité acceptée par chacun et partagée, ce que reprend
l’un des cadres d’ailleurs : « les étudiants…c’est vraiment des gens pour qui j’ai à la fois une
responsabilité en terme de construction professionnelle et eux même ont cette responsabilité
donc on est sur une responsabilité partagée » (EB, L61-62-63). Je reviendrai sur cette notion
de responsabilité, un peu plus loin dans l’analyse.
La relation pédagogique, comme tout type de relation en général, est une relation
complexe où interviennent de nombreuses interactions. Cependant, la relation instaurée entre
le formateur et l’étudiant, est à mon sens le moteur de toute démarche pédagogique, de tout
apprentissage. Le formateur, ne serait autre qu’un intermédiaire entre les différents savoirs et
l’étudiant.
Enfin, la relation pédagogique nécessite un engagement moral entre les deux parties :
formateurs et étudiants afin que chacun soit au clair sur les attendus mutuels et sur le rôle de
chacun dans le déroulé de la formation.
5.4 L’accompagnement
44
5.4.1 L’accompagnement formel
Un des formateurs évoque la notion de « guider l’étudiant » mais en précisant le fait que
l’acteur est bien l’étudiant et non le formateur : « il faut le guider mais pas choisir à sa place.
Guider l’autre c’est bien l’accompagner sur le chemin de la professionnalisation » (EA, L63-
64). M. Paul (2012) précise même que : « Il s’agit moins de « mettre quelqu’un en
mouvement» que de s’accorder au mouvement qui est le sien » (p.14). Un autre interrogé
complète cette approche en incluant les capacités d’écoute et de conseil du formateur :
« l’accompagnement, c’est rester à l’écoute, c’est guider, c’est conseiller » (ED, L117-118).
Les quatre autres cadres de santé définissent l’accompagnement formel comme étant le
moment d’effectuer un bilan avec l’étudiant sur le déroulé de sa formation : « c’est de savoir
où en est l’étudiant » (EB, L151) et de faire le point sur l’acquisition des compétences : « ça
c’est des temps qui sont programmés, c’est assez formalisé en programmation…traçabilité
dans l’évolution des compétences mais là c’est très institutionnel, très réglementaire» (EC,
L221-224). L’évaluation des compétences serait donc un temps « prescrit » et règlementé :
« Alors, il y a tout ce qui administratif, législatif…on est là avec eux pour évaluer leur niveau
de compétence… donc ça c’est l’accompagnement pédagogique pure, institutionnelle» (EE,
L35 à 39).
45
Il y aurait donc de la pédagogie et de l’accompagnement formalisés et un
accompagnement informel : « on peut parler pédagogie pure, c'est-à-dire acquisition de
compétences, son parcours de stage » (EF, L77-78). Cela suppose que l’accompagnement soit
une notion institutionnelle : « L'institution donne l'autorité pour accompagner, en même
temps qu'elle fixe le cadre, les références et les médiations » (Le Bouëdec, Du Crest, Pasquier
& Stahl, 2001, p.159).
Ce temps formalisé, servirait donc à faire un état des lieux du parcours de l’étudiant :
« c’est de faire le point sur vers où il doit aller » (EB, L153). Selon Le Boterf (2007) ces
étapes sont donc, indispensables : « Dans toute navigation, faire le point est une opération
nécessaire et périodique. Il convient de la réaliser non seulement au début mais en cours
d’itinéraire. Il est essentiel de pouvoir enrichir ou infléchir le parcours » (p.132).
L’une des personnes, interrogées, précise que c’est aussi le moment d’identifier des
difficultés et de les mettre en évidence : « c’est d’alerter, c’est de comprendre les résultats
qui peuvent être insuffisants » (EB, L156-157) et cela, dans l’objectif de pouvoir y remédier :
« assez rapidement sur les temps de suivi pédagogique, on échange sur les stratégies : qu’est
ce que l’étudiant met en place ? » (EB, L173-174). Le rôle du formateur étant éventuellement
de lui proposer des axes d’amélioration : « on peut éventuellement mettre en place des
objectifs institutionnels » (EE, L81-82).
D’ailleurs, ce même formateur ajoute qu’il tente de faciliter ces échanges et notamment en
laissant la porte de son bureau ouverte : « Nos portes de bureau sont ouvertes…c’est vraiment
une invitation et les étudiants savent qu’ils peuvent venir pour ce qui les préoccupe » (EC, L
232-235-236). C. Boudier (2012) revient dans son ouvrage sur le bureau du formateur qui est
46
à la fois un endroit personnalisé et un espace de rencontre et d’échanges. Il est, selon elle, le
lieu où peuvent se tenir des discussions d’ordre professionnelles ou privées entre collègues
ou encore avec les étudiants s’ils en éprouvent le besoin : « si un étudiant va mal, il viendra
au bureau des formateurs et sera reçu en individuel ou en collégialité, selon les
circonstances. » (p.135)
En effet, il semble que ces temps informels soient très souvent des moments d’échange où
le thème est plutôt d’ordre personnel : « des fois, ils nous font des confidences » (EF, l73).
Dans ce cas, il est nécessaire de déterminer la notion de confidentialité de l’entretien :
« quand je suis réceptrice de confidences, de choses comme ça, là je me mets d’accord avec
l’étudiant que non je ne prends aucune note, je ne laisse pas de trace parce que ça relève de
l’intime » (EC, L269-270-271). Une des formatrices, explique que l’étudiant vient se confier
au formateur parce qu’il a développé avec lui une relation de confiance : « il y a une relation
de confiance qui se crée forcément donc les choses font qu’ils se confient » (EF, L86-87). De
plus, toujours selon l’ouvrage de C. Boudier (2012) qui reprend les propos d’un cadre de santé
formateur : « je pense que nos jeunes sont de plus en plus fragiles. (p.166)
La difficulté, dans ce cas est la réponse du formateur mais, il semblerait qu’elle ne soit pas
toujours nécessaire : « je leur dit, vous pouvez venir ne serait ce que pour vider votre sac et
une fois qu’il est vidé : point barre » (EC, L266-267), et, « des fois, on ne fait pas plus, on
écoute et après ils vont mieux » (EC, L267). Mais ces situations peuvent poser problème aux
formateurs en terme de positionnement : « des fois, ils viennent nous voir : vous en pensez
quoi ? Et là on sort de notre rôle, enfin ils nous sortent de notre rôle de formateur » (EC, L
213-214-215). Cependant, un autre formateur précise que : « attention, on n’est pas des
psychologues » (EE, L79-80).
Cette remarque qui sous-entend le fait de savoir passer la main lorsque la situation n’est
plus du ressort du formateur m’amène donc à aborder un autre aspect de l’accompagnement,
qui serait, le travail en collaboration.
Quatre cadres de santé formateur s’accordent à dire que l’accompagnement des étudiants
n’est pas l’affaire d’une seule et même personne : « il n’y a pas que les formateurs qui font de
47
la pédagogie » (EF, L18). Il semble que l’accompagnement soit synonyme de coopération :
« on doit travailler en collaboration » (EE, L89-90).
Cela est d’autant plus vrai, dans une formation telle que celle en soins infirmiers puisque
c’est une formation par alternance. L’alternance dans la formation infirmière est définie dans
l’annexe 3 de l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’état d’infirmier : « le référentiel
de formation est construit par alternance entre des temps de formation théorique réalisés
dans les instituts de formation et des temps de formation clinique réalisés sur les lieux où sont
réalisées des activités de soins. ».
Trois des formateurs abordent d’ailleurs, lors des entretiens, cette accompagnement
pédagogique partagé : « Le formateur ne doit…pas penser que nous sommes les seuls à
accompagner, les tuteurs, les professionnels de proximité, les maitres de stage » (EA, L26-
27), « les formateurs font de la pédagogie ça c’est sur mais euh pas seulement, les tuteurs de
stages, les soignants de proximité » (EF, L21-22).
Cela nécessite donc, selon Chapuis et Kerouac (2011) d’entretenir des relations
privilégiées avec les terrains de stage : « l’alternance est d’autant plus performante que les
rapports avec les lieux de stages et les milieux de la pratique professionnelle sont non
seulement de bonne qualité mais également entretenus dans la durée. » (p.36). Un des
entretiens reprend d’ailleurs cette notion relationnelle et considère même qu’en son absence
l’accompagnement de l’étudiant serait difficile à mettre en œuvre : « je pense que si on n’a
pas de bonnes relations avec les terrains de stage, c’est difficile d’accompagner » (EE, L87).
La collaboration avec les terrains de stage est donc indispensable mais la coopération et la
coordination au sein même de l’équipe pédagogique le sont tout autant pour quatre
formateurs : « être capable de se mettre d’accord sur comment on accompagne les étudiants »
(EE, L136-137) et l’un d’eux d’ajouter que cela permet d’offrir un accompagnement de même
qualité aux étudiants « on se met d’accord sur, quels objectifs on a l’intention de se mettre
d’accord pour éviter l’iniquité entre les apprenants » (EC, L202-203).
Ce travail en équipe permet donc l’échange entre collègues et peut, selon une des
formatrices, la plus récemment arrivée en IFSI d’ailleurs, permettre de demander des
conseils : « C’est-à-dire que moi je suis jeune formateur, si j’ai des objectifs institutionnels à
poser à un étudiant je vais aller voir un formateur qui a plus d’expérience que moi en
pédagogie… et il pourra m’orienter dans la manière de faire. » (EE, L96-97-98).
48
Il est donc possible de se questionner sur le concept d’expérience dans l’exercice de la
profession de cadre de santé formateur. C. Boudier (2012), elle aussi évoque
l’accompagnement du jeune formateur par un pair plus expérimenté : « Dans un même
espace, plusieurs personnes ayant des expériences extrêmement différentes de la formation
cohabitent donc. Cela suscite des discussions…les « expérimentés » pouvant prodiguer des
conseils aux « nouveaux ». » (p.135). D’ailleurs, l’un des formateurs interrogés, fait lui aussi
référence à l’intérêt de l’expérience en abordant la relation pédagogique : « en fonction de
notre conception, ouais, on n’a pas la même relation pédagogique. Ça ouais je pense et euh
cette relation, je pense qu’elle évolue aussi en fonction de l’expérience. » (EC, L52-53)
Il en est de même, lorsque l’étudiant présente des difficultés qui sont difficiles à gérer, le
fait de travailler en équipe pédagogique permet d’échanger sur la problématique et d’avoir un
autre regard sur la manière de gérer la situation : « quand c’est difficile, l’important c’est d’en
parler, nous sommes une équipe pédagogique » (EA, L117-118).
Etablir une relation avec l’étudiant et veiller à ce que cette relation soit réellement
pédagogique au sein de l’accompagnement, nécessite que le formateur ait une posture
adaptée, un positionnement pédagogique. Lors des entretiens, mon questionnement s’est donc
porté sur cette posture et j’ai souhaité recueillir la vision des différents cadres de santé
formateurs.
M. Paul (2012) définit la posture comme : «La posture, en effet, désigne une manière
d’être en relation à autrui dans un espace et à un moment donné. C’est une attitude « de
corps et d’esprit ». (p.15)
La question se pose donc sur la façon dont le formateur conçoit sa posture dans la relation
pédagogique et dans l’accompagnement. Les six formateurs interrogés ont évoqué différents
éléments que j’ai repris sous forme de thèmes.
49
5.5.1 Une distance pédagogique
L’un des formateurs, pense que la position du formateur doit refléter une posture
professionnelle : « on se doit je pense d’avoir une attitude très professionnelle » (ED, L68-
69). Le risque serait donc, de créer des relations qui seraient plutôt de l’ordre de l’affectif,
chose que réfute spontanément trois cadres : « ce n’est en aucun cas une relation qui se
voudrait fusionnelle, ni trop personnelle » (EA, L5). Deux d’entre eux précisent d’ailleurs
qu’en aucun cas, la posture est amicale : « pour moi, les étudiants ce ne sont pas des amis, ce
ne sont pas des copains » (EB, L60-61), « on n’est pas copains copines, on est formateurs,
étudiants » (EF, L99), même si le formateur ne s’en trouve pas apprécié des étudiants : « on
ne peut pas être aimé de tout le monde » (EF, L89).
Le rôle du cadre de santé formateur, même s’il peut créer des liens avec certains
étudiants : « on a des liens qui se créent avec certains étudiants et pas avec d’autres » (EE,
L43-44), ne doit pas dépasser sa fonction de pédagogue : « il faut faire très attention à ne pas
dépasser notre rôle » (EE, L81-82) ni même la surestimer : « le formateur ne doit pas être
dans la toute puissance » (EA, L25).
La posture serait donc bien en lien avec le statut, la place occupée dans l’institution : « il
est formateur…il représente l’institution » (EE, L58-59). Cela dit, il ne s’agit pas de ne pas
faire preuve d’empathie envers l’étudiant : « comprendre l’autre dans ses besoins, se mettre à
distance » (EA, L62), ni même ne pas être à l’écoute, même si selon un formateur il arrive
que des émotions prennent le dessus : « Encore une fois, on est des êtres humains et donc
forcément quelque part, des fois les émotions viennent parasiter euh la relation ou parasiter
l’objectif de cette relation ou comment…parasiter la distance dont on parlait tout à l’heure»
(EF, L144-146).
50
Il s’agit donc selon C. Boudier (2012) de : « régulièrement réajuster ses attitudes,
comportements et discours afin de maintenir une relation efficace » (p.163) et de préciser
que l’expérience et la maturation permet d’obtenir cet équilibre. D’ailleurs, un des interrogés
revient lui aussi sur cette notion :
L’ensemble des formateurs interrogés, abordent les valeurs lorsqu’ils parlent de la posture
pédagogique du formateur. Cette manière de se positionner est d’ailleurs prescrite dans
l’annexe 3 de l’arrêté du 31 juillet 2009 : « Les modalités pédagogiques…Elles s’appuient sur
des valeurs humanistes ouvertes à la diversité des situations vécues par les personnes. »
(p.45). Un des cadres parle bien d’ailleurs de relation humaine : « nous sommes des êtres
humains en relation avec d’autres êtres humains » (EF, L63).
L’ensemble des entretiens révèlent un nombre important de valeurs qui même si elles
peuvent être qualifiées de personnelles sont aussi des valeurs professionnelles puisque
partagées par tous. L’un des formateurs aborde la notion de valeur, en utilisant le « nous »,
signe d’appartenance a un groupe qui les partage : « ce sont nos valeurs, nous en tant qu’être
humain, que soignant et que formateur et on est très attentif à l’autre» (EF, L84-85). Un des
cadres, ajoute que les valeurs peuvent être différentes entre formateurs et étudiants : « ils ont
leurs valeurs et nous on a les nôtres » (EE, L65).
Le terme « bienveillance » est utilisé par cinq interviewés sur six. La bienveillance est
définie, selon le dictionnaire des concepts en soins infirmiers comme : « Disposition
favorable de la volonté d’une personne envers une autre, ou un groupe. Cette attitude se
51
manifeste par une écoute active et demande une tolérance, un réel intérêt de la personne et la
capacité de non jugement. ». Plusieurs autres valeurs sont énoncées lors des entretiens et sont
principalement citées dans le contexte de la relation pédagogique : « La relation doit être
emprunte de bienveillance, de respect » (EA, L56-57) et un autre d’ajouter en parlant du
formateur : « Il doit être…équitable…vraiment honnête » (EE, L62-63).
La posture du formateur serait donc emprunte des valeurs fortes, principalement des
valeurs soignantes que le formateur va d’ailleurs tenter de transmettre aux étudiants : à la
question de savoir si la culture soignante avait une incidence sur la posture du formateur : «ah
oui…je me considère même assez imprégné…ça fait parti des valeurs que j’essaie de leur
transmettre » (ED, L93-94). La culture soignante est donc de nouveau mise en avant, ce que
d’ailleurs, M. Paul (2012) précise elle aussi en invoquant le fait que l’accompagnement ne
soit pas un métier à part entière mais bien la posture d’un professionnel de santé qui guide une
personne dans sa dimension humaine : « Pour les professionnels, la personne est conçue
avant tout dans sa dimension humaine, existentielle, avec la vulnérabilité qui caractérise la
condition humaine » (p.16).
Le formateur adopte donc une posture bienveillante face aux étudiants, mais aussi une
posture d’évaluateur, ce qu’abordent quatre des six personnes interrogées et qui précisent
qu’il s’agit d’un passage obligé dans le développement de la professionnalisation : « à un
moment donné, dans ma fonction, j’ai l’obligation d’identifier les acquis ou pas dans le cadre
notamment de l’évaluation » (EB, L 63-64). Il semble bon de repréciser l’objectif de
l’évaluation qui, selon Y. Abernot (2001), est : « un miroir tenu par un enseignant dans des
angles variables ; sa fonction première est de donner une image de leurs performances aux
élèves, autrement dit, de donner une information en retour, supposée aider l’élève à
progresser » (p.236).
Un, des formateurs, précise qu’il faut savoir donner du sens aux résultats, les comprendre
afin de parfois les réajuster, ce que B. Donnadieu, M. Genthon et M. Vial (1998) mettent
aussi en évidence dans leur ouvrage : « il existe aussi dans les pratiques d’évaluation, une
logique « formatrice » de promotion des possibles, d’aide au développement des potentiels ».
(p.102). Il serait donc « pédagogique » d’utiliser l’évaluation comme moyen de progression
dans le développement de compétence.
Le formateur se trouve donc face à de très nombreuses interrogations sur les stratégies
pédagogiques, sur les origines des échecs parfois : « alors, après on peut
s’interroger…l’échec est ce qu’il est le fait de l’étudiant ? Est ce qu’il est le fait du
dispositif ? Est ce qu’il est le fait de l’équipe pédagogique ? » (EB, L102-104) et cela
nécessite parfois des échanges en équipe : « on doit se réinterroger, on doit tous se
53
réinterroger » (EB, L213), « hier on se posait encore la question en réunion pédagogique »
(EE, L106). Avouer que l’on ne sait pas et s’interroger est, toujours pour M. Paul (2012)
digne d’une posture de professionnel : « Ne pas savoir ne veut pas dire prétendre l’ignorance
ou rester neutre. Le professionnel n’est pas un écran sans idée, sans opinion ou préjugé. Mais
il entre dans le jeu dialogique encourageant une recherche mutuelle du sens. » (p.16).
Enfin, C. Boudier (2012) ajoute à cette dimension que le questionnement professionnel est
aussi un questionnement sur ses pratiques donc avec nécessité de les mettre à jour :
« Face aux demandes des étudiants, face à l’évolution des techniques, un formateur
doit donc sans cesse se remettre en question, et ce d’autant plus que l’ancienneté dans
le métier éloigne de plus en plus de la réalité de la pratique infirmière. » (p.157).
5.6 La professionnalisation
54
permettre d’analyser leur pratique…je leur dit toujours ne pas faire pour faire quoi et
toujours réfléchir un petit peu. » (EF, L130-131). Cette réflexivité est d’ailleurs une
« prescription » de l’annexe III de l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’état
d’infirmier : « l’entrainement réflexif est une exigence de la formation permettant aux
étudiants de comprendre la liaison entre savoirs et actions, donc d’intégrer les savoirs dans
une logique de construction de la compétence ».
Plusieurs auteurs ont aussi abordé cette théorie de la compétence, si l’on prend comme
exemple P. Zarifian (2001), il estime lui, que la compétence se développe au gré de
différentes confrontations à des situations et ce grâce aux connaissances acquises. Ces
connaissances seraient issues de ce qu’il appelle « le savoir social » : connaissances
transmises par la société et développées par la suite mais aussi par « l’intelligence pratique »
qui consiste à mobiliser ses compétences dans l’objectif de comprendre les situations. Cela
peut nous ramener au courant pédagogique développé par Vygotsky le socioconstructivisme
qui en effet favorise la co-construction de savoirs dans un contexte culturel et social.
Deux formateurs seulement (ceux qui ont l’expérience la plus longue en tant que
formateur d’IFSI), au cours de l’entretien, ont abordé la notion de responsabilité mais il me
paraissait important de l’aborder dans cette analyse. L’un deux l’aborde comme étant, une
responsabilité partagée : « les étudiants…c’est vraiment des gens pour qui j’ai à la fois une
responsabilité en terme de construction professionnelle et eux même ont cette responsabilité
donc on est sur une responsabilité partagé » (EB, L61-63).
5.6.3 L’autonomie
L’autonomie est, selon Zarifian (2001) : « une condition incontournable d’un déploiement
de la compétence » (p.41) alors faudrait il être autonome avant la formation pour se
professionnaliser ou cette formation induit l’autonomie pour une professionnalisation ? Selon
les formateurs, les avis peuvent paraitre divergents. En effet l’un d’eux précise
qu’accompagner l’étudiant à la professionnalisation : « c’est l’amener à être le plus autonome
possible » (EB, L140), ce qui sous entend une transformation progressive. Par contre, un autre
formateur énonce que l’étudiant doit être considérer comme une personne autonome en
formation : « c’est considérer l’autre comme ayant des compétences, des savoirs qui lui sont
propres, comme ayant une autonomie de réaction, une autonomie de penser » (EC, L 292-
293).
5.6.4 Un processus
Tout d’abord, il semble important de définir le terme processus. Selon le Centre National
de Ressources Textuelles et Lexicales, il s’agit : « Suite continue de faits, de phénomènes
présentant une certaine unité ou une certaine régularité dans leur déroulement ». La
professionnalisation serait donc un ensemble d’étapes et ce dans une continuité. En effet,
quasiment tous les interrogés s’accordent à dire que la professionnalisation serait un processus
en mouvement permanent : « c’est un processus la professionnalisation, ce n’est pas quelque
chose de figée » (EB, L 216) et que cela irait bien au-delà de la formation en tant que telle :
« la professionnalisation, elle s’arrête pas à la formation…c’est tout au long de la vie de la
carrière» (EF, 136).
P. Maubant et T. Piot (2011) reprennent cette pensée mais préfèrent utiliser le terme de
développement plutôt que professionnalisation continue : « la notion de développement
professionnel devient un processus qui vient enrichir la notion un peu trop techniciste de
professionnalisation en prenant en compte les enjeux subjectifs et intersubjectifs qui
concernent les acteurs professionnels eux-mêmes.» (p.9).
D’ailleurs, Cette notion de développement professionnel continu est, depuis la loi HPST
(Loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la
santé et aux territoires), une obligation individuelle pour l’ensemble des professionnels de
santé afin d’améliorer les pratiques et la qualité des soins aux patients. Un des cadres de santé
interrogés aborde cela dans l’entretien : « on doit être capable de s’adapter à tout ce qui est
57
changement d’organisation, progrès médicaux, la mobilité il faut que le professionnel
puissent continuer à développer ses compétences et c’est le cas avec le DPC maintenant à
l’hôpital » (EE, L128-131).
A la dernière question qui était de savoir quelles pouvaient être les difficultés rencontrées
lors de l’accompagnement, deux des interrogés parlent de posture du formateur qui semble
parfois difficile à adapter et particulièrement en début d’exercice : « je dirai un formateur qui
débute, qui est novice, il va quelques fois ancrer sa démarche d’accompagnement sur une
relation un peu plus affective parce qu’il aura besoin d’être reconnu, apprécié, un peu
aimé. » (EA, L127-130).
L’un deux aborde la posture trop transmissive et précise que : « les formateurs qui ne
seraient que dans cette posture là, à mon avis, ils ont du souci à se faire, parce que ce n’est
certainement pas ce genre de format qui va être pérennisé. » (EB, L259-260).
En effet, la transmission de savoir ne suffirait pas, il serait nécessaire de partir du sujet lui-
même dans les méthodes pédagogiques :
Les autres cadres de santé sont en accord pour dire que l’une des difficultés majeures est
de dire à un étudiant que son avenir dans la formation est remise en cause : « c’est faire
entendre à un étudiant que ça va être difficile car on a parfois en face de nous des étudiants,
et ce n’est pas un jugement de valeur, qui ne sont pas en capacité de comprendre les
attendus » (EE, L138-140).
58
L’un d’eux précise qu’avec l’expérience, cela peut être moins compliqué à gérer : « c’est
toujours difficile de dire à un étudiant que ça va pas le faire…peut être que ça évolue avec
l’expérience, on utilise différemment les outils pédagogiques et du coup on maitrise peut être
mieux… » (EF, L 149-152), ce que C. Boudier (2012) identifie elle aussi : « il s’agit
d’acquérir une forme de distanciation…En effet, le formateur doit oser mettre une mauvaise
note et, ainsi, assumer son rôle qui consiste à évaluer le travail réalisé par l’étudiant. »
(P.163). Elle précise d’ailleurs que pour être le plus objectif possible, il est important de ne
pas trop s’investir au niveau relationnel, ce qui peut être le cas pour les formateurs en début
de carrière (Boudier, 2012).
59
6. Synthèse de l’analyse
Et les hypothèses :
Les formateurs et les auteurs s’accordent à dire que la relation pédagogique assure une
fonction de médiation entre l’apprenant et le développement de la compétence. Néanmoins, il
est indispensable de ne pas considérer l’apprenant uniquement comme l’un des éléments d’un
groupe totalement identique, mais bien une personne singulière. En effet, l’étudiant arrive en
formation avec ses représentations, son histoire de vie personnelle et professionnelle ce qui
justifie la mise en place d’une relation pédagogique individualisée. De plus, son rapport à
l’autre, au savoir et à soi-même seront autant de facteurs différents d’un individu à l’autre.
Cependant, cela ne semble pas être le seul élément de la relation pédagogique qui
permettrait la mise en place de conditions favorables à la professionnalisation de l’étudiant.
En effet, la relation pédagogique, même si le terme relation renvoie à une notion de lien,
d’union, il n’est pas question de relations personnelles dans cette situation.
60
La relation pédagogique serait, en plus d’être une relation interpersonnelle, un contrat
entre le formateur et l’étudiant, une mise en accord sur ce que chacun attend l’un de l’autre,
un engagement partagé vers la professionnalisation. Ce contrat sera l’outil de référence dans
une éventuelle gestion de conflits et permettra de ramener l’une et l’autre des parties aux
objectifs et buts fixés dans ce contrat : « il s’agit de préciser pour chacun des partenaires
jusqu’où il peut aller sans risquer d’agresser l’autre. » (Beauté, 2008, p.152).
De plus, le formateur n’est pas seul face à l’étudiant, il évolue au sein d’une équipe
pédagogique qui elle-même est une ressource dans la collaboration et d’autant plus en début
d’exercice semble t’il.
61
de la part des étudiants, qui sont d’ordre plus personnelles, ce qui engendre d’adapter sa
posture afin de ne pas dépasser sa fonction d’autant qu’il a aussi un rôle d’évaluateur.
La posture du cadre de santé formateur est donc un élément important dans la mise en
place d’une relation pédagogique et d’un accompagnement. En effet, le positionnement et la
distance doivent être professionnels sans être supérieurs, proximaux sans être amicaux. Le
formateur déclinera donc, sa posture au regard de ses valeurs et de son éthique de soignant
sans être « thérapeute » et en ne considérant pas l’étudiant comme un patient.
Il s’avère qu’il soit nécessaire que le formateur se questionne régulièrement sur son
attitude, en particulier lors d’incertitude d’autant qu’il revêt à certains moments de la
formation une posture d’évaluateur. Le questionnement et la réflexion portent sur l’ensemble
des décisions et des orientations pédagogiques afin de mettre en œuvre les meilleures
conditions à la professionnalisation de l’étudiant afin de « co-construire » son parcours.
Enfin, il s’avère que l’une des difficultés majeures de cet accompagnement est le fait
de « stopper » un étudiant au cours de sa formation soit par un manque d’investissement ou
une inaptitude. Le formateur même s’il n’a pas d’obligation de résultat, s’investit à ce que
62
l’étudiant qui entre en formation puisse aboutir à l’obtention de son diplôme. Il semble que
cela soit moins difficile en ayant acquis une certaine expérience professionnelle.
Les différentes étapes de ce travail de recherche permettent d’identifier qu’il n’est pas
possible de dissocier ces notions importantes que sont : la relation pédagogique, la posture,
l’accompagnement et la professionnalisation. Mes deux hypothèse de départ pourraient donc
n’en faire qu’une. En effet pour mener à bien une relation pédagogique, il va de soi que la
posture du formateur doit être adaptée, que la relation pédagogique est une « médiation » dans
l’accompagnement de l’étudiant dont l’objectif est de débuter son processus de
professionnalisation.
63
Projection professionnelle et Conclusion
Mon questionnement s’est construit au départ sur une interrogation quant aux modalités
de mise en œuvre du suivi pédagogique individuel en Institut de Formation en Soins
Infirmiers.
Le métier de cadre de santé est un métier d’interactions, il est confronté à des mutations
multiples que ce soit dans les structures de soins ou en formation. Le cadre accompagne les
équipes et les étudiants avec une identité ancrée dans le soin qui s’appuie sur des valeurs
humanistes.
Ce travail de recherche est donc susceptible d’être transposable dans la fonction du cadre
de santé en structure de soins. En effet, l’accompagnement et les parcours de
professionnalisation s’adressent aussi aux équipes de soins.
64
Sans vouloir penser que des solutions toutes faites existent, d’autant que mon analyse
n’est basée que sur six entretiens, des éléments de réponse à ma question de recherche me
sont tout de même apparus clairement.
La relation avec l’étudiant infirmier, afin qu’elle puisse être d’ordre pédagogique
nécessite que le formateur sache se positionner de façon professionnelle tout en étant
bienveillant. Elle sera individualisée à l’étudiant, celui-ci étant un être singulier avec ses
propres représentations, ses acquis antérieurs et son histoire de vie professionnelle et
personnelle.
En tant que futur cadre de santé, ce travail m’a permis d’identifier des éléments importants
de la pédagogie et de la relation à mener face à l’étudiant. Cette année de prise de recul et
d’analyse de ma pratique a provoqué des changements importants qui m’ont permis de me
construire en tant que cadre de santé et ces nouvelles connaissances vont probablement
influencer ma pratique lors de mon retour en Institut de Formation en Soins Infirmiers.
65
plus anciens et peut être que par l’intermédiaire de cette recherche je pourrai moi aussi
apporter de nouvelles ouvertures au sein de l’équipe. Il est important de travailler en harmonie
avec les professionnels de terrain, ce pourquoi je n’hésiterai pas à me rendre sur les terrains de
stage dont je suis référente afin de maintenir ce lien essentiel dans le développement des
compétences de l’étudiant.
Il est vrai que les allers, retours permanents entre la théorie et l’analyse n’ont cessé de
m’interroger d’avantage et si je devais continuer ce travail, mon questionnement s’orienterait
vers d’autres interrogations :
Ces deux questions d’ouverture vers d’autres doutes et questionnements sont issues de
mes différentes lectures et de l’analyse des entretiens réalisés.
De fait, plusieurs cadres de santé interrogés mettent en avant la notion d’expérience qui
permettrait, au fil du temps, d’asseoir son positionnement face à l’étudiant : « Il convient donc
d’adopter une posture particulière face aux étudiants. Elle s’apprend par l’expérience. »
(Boudier, 2012, p.163).
De plus, il semble que même si le cadre de santé formateur met tout en œuvre, en terme
de dispositif, pour accompagner l’étudiant, celui-ci reste l’acteur privilégié de sa formation et
son cheminement vers la professionnalisation est dépendant de sa motivation et de son envie
d’apprendre : « ce qui mobilise un élève, l’engage dans un apprentissage, lui permet d’en
assumer les difficultés, voire les épreuves, c’est le désir de savoir et la volonté de connaître. »
(Meirieu, 1989, p.86).
66
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70
Paul, M. (2009, mars). Accompagnement. Recherche et formation, 62, p.91-108.
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http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/revue-francaise-de-
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DOCUMENTS
LEGISLATION
Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et
au dialogue social :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000613810
Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la
santé et aux territoires :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020879475&
categorieLien=id
72
Table des matières
Introduction .......................................................................................................................... 1
1. La problématique ......................................................................................................... 3
3.3.2 La compétence............................................................................................... 29
Synthèse ..................................................................................................................... 32
73
5.1 La population de l’enquête ................................................................................. 37
5.6.3 L’autonomie.................................................................................................... 56
Bibliographie ...................................................................................................................... 67
74
Mémoire réalisé en vue de l’obtention du diplôme de cadre de santé
Une enquête ainsi qu’une analyse auprès de cadres de santé formateurs mettent en
évidence la complexité de la pédagogie et de la relation pédagogique. La formation est une
étape importante dans le processus de professionnalisation de l’étudiant.
75