LEGOFF Annabelle Mémoire IFCS 2015 2016

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Institut de Formation des Cadres de Santé

du CHU de Rennes
&
Université Européenne de Bretagne

Université Rennes 2 – Haute Bretagne


Centre de Recherche sur l’Education, les Apprentissages
et la Didactique (CREAD)

Master ITEF Parcours cadres de santé

L’accompagnement et la
relation pédagogique :
un enjeu dans la
professionnalisation de l’étudiant

Annabelle LEGOFF épouse BEAUQUESNE

Directeur de mémoire : Catherine PERRIN

Le 22/06/2016
Année 2015 – 2016
Institut de Formation des Cadres de Santé
du CHU de Rennes
&
Université Européenne de Bretagne

Université Rennes 2 – Haute Bretagne


Centre de Recherche sur l’Education, les Apprentissages
et la Didactique (CREAD)

Master ITEF Parcours cadres de santé

L’accompagnement et la
relation pédagogique :
un enjeu dans la
professionnalisation de l’étudiant

Annabelle LEGOFF épouse BEAUQUESNE

Directeur de mémoire : Catherine PERRIN

Le 22/06/2016
Année 2015 - 2016
Mes remerciements s’adressent à

Sébastien, Chanelle et Lola pour leur soutien, leur compréhension et leur patience

durant cette année de formation,

Ma famille pour son soutien.

Madame PERRIN Catherine, le directeur de mémoire,

pour ses conseils avisés, ses encouragements, sa disponibilité

et sa bienveillance tout au long de cette initiation à la recherche,

Et à toutes les personnes interviewées

pour leur contribution à ma démarche de recherche.


« La pédagogie est cet art raisonné qui donne à ceux qu’on éduque les moyens et
l’envie d’apprendre ce qu’ils ne savent pas. »

Reboul, O. (2006), la philosophie de l’éducation. Paris, Presse universitaire de France (p°53)


Sommaire

Introduction....................................................................................................................................... 1

1. La problématique ..................................................................................................................... 3

1.1 Développement de la question de départ ......................................................................... 3

1.2 Cheminement vers la problématique ............................................................................... 5

2. Question de recherche et hypothèses ..................................................................................... 14

3. Le cadre théorique ................................................................................................................. 15

3.1 La pédagogie ................................................................................................................. 15

3.2 L’accompagnement ....................................................................................................... 24

3.3 La professionnalisation .................................................................................................. 27

4. Méthodologie de la recherche ............................................................................................... 33

4.1 L’objectif de la recherche .............................................................................................. 33

4.2 Le choix de la démarche ................................................................................................ 34

4.3 Le choix et l’élaboration de l’outil ................................................................................ 34

4.4 Le choix de la population .............................................................................................. 35

4.5 Le déroulement des entretiens ....................................................................................... 35

4.6 Les limites de l’étude..................................................................................................... 36

5. Analyse et interprétation........................................................................................................ 37

5.1 La population de l’enquête ............................................................................................ 37

5.2 La pédagogie ................................................................................................................. 38

5.3 La relation pédagogique ................................................................................................ 39

5.4 L’accompagnement ....................................................................................................... 44

5.5 La posture du formateur ................................................................................................ 49

5.6 La professionnalisation .................................................................................................. 54

6. Synthèse de l’analyse ............................................................................................................ 60

Projection professionnelle et Conclusion........................................................................................ 64

Bibliographie .................................................................................................................................. 67
Introduction

Après avoir exercé plusieurs années en tant qu’infirmière, mon cheminement


professionnel m’a amené à intégrer l’Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) du
Centre Hospitalier Avranches-Granville. Cette nouvelle orientation a été l’occasion de
découvrir plus précisément la pédagogie et toute sa complexité.

Ces deux années d’expérience, au sein d’une équipe de cadres de santé formateurs, m’ont
questionnée sur l’importance de l’accompagnement des étudiants infirmiers au cours de leur
formation. Etre infirmière est, pour moi, la mise en œuvre, au profit d’autrui, de valeurs
communes et humanistes et c’est en ce sens que j’ai tenté de travailler pendant ces années de
faisant fonction de cadre de santé formateur.

C’est donc naturellement que mon thème de mémoire s’oriente vers une réflexion autour
de la relation pédagogique, l’accompagnement et l’influence possible sur la
professionnalisation de l’étudiant.

Ce travail de recherche est pour moi, l’occasion de prendre du recul, de réinterroger mes
pratiques, mon positionnement, afin de construite ma nouvelle identité professionnelle de
cadre de santé :

« Dans une perspective de professionnalisation, un mémoire est une opportunité pour


rendre compte d’un projet personnel ayant nécessité un investissement en savoirs et
savoir-faire pour résoudre un problème, gérer une situation de travail, réaliser un projet
et apporter ainsi une valeur ajoutée au fonctionnement et à la performance de l’entreprise
ou de l’organisation dans le cadre de laquelle se réalise la professionnalisation. » (Le
Boterf, 2007, p.87-88)

Il me faut donc, dans un premier temps, revenir sur mon parcours professionnel afin
d’affiner la recherche et de construire ma problématique pour enfin, être en capacité de poser
ma question de recherche et des hypothèses, qui découleront de ma question de départ.

La réalisation d’un cadre théorique permettra d’organiser ma pensée et de construire un


savoir en conceptualisant les mots clés de ma question de recherche et des hypothèses. Ces
connaissances nouvelles en rapport avec mon sujet de recherche seront la trame de la

1
construction de mon outil d’analyse qui me permettra de pouvoir aller explorer les
phénomènes concrets sur le terrain.

L’analyse et l’interprétation des informations recueillies permettront d’examiner les écarts


afin de pouvoir mettre en évidence ma projection en tant que future cadre de santé formateur.

2
1. La problématique

1.1 Développement de la question de départ

Dans un premier temps, il semble important de revenir sur mon expérience


professionnelle. Diplômée infirmière en 2003, j’ai aussitôt intégré le service de réanimation
polyvalente du centre hospitalier d’Avranches-Granville. Après quelques années de fonction
et une certaine assurance dans les soins, je me suis investie dans l’encadrement des étudiants
au sein du service. L’encadrement des étudiants est pour moi une des missions importantes de
l’infirmière et j’avoue prendre du plaisir dans cette fonction. L’encadrement des étudiants a
toujours été pour moi source d’épanouissement et riche de partage. La relation a l’étudiant n’a
jamais été compliquée, considérant travailler avec des futurs professionnels et donc de futurs
collègues et c’est certainement pour cette raison que le tutoiement entre eux et moi était de
mise. Je n’étais pas la pour mettre les étudiants en difficulté, au contraire je tentais de les
mettre à l’aise en leur présentant le service, les professionnels, les situations prévalentes de
l’unité. J’attendais d’eux qu’ils s’investissent dans leur stage et qu’ils prennent plaisir à
s’enrichir de nouvelles connaissances. Quant aux étudiants en difficulté, je les accompagnais
afin de faciliter leurs apprentissages, je reprenais avec eux de façon individuelle ce qui leur
posait problème. Lorsqu’un poste s’est libéré à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers du
même établissement, c’est tout naturellement que j’ai postulé pour le poste de faisant fonction
de cadre formateur. J’ai donc intégré l’IFSI le 2 janvier 2013 suite à un départ non prévu.
Malgré un tutorat de qualité lors de mon arrivée, je me suis rapidement sentie en difficulté. En
effet, mes premières interventions devant le groupe d’étudiants m’ont posé question. Est-ce
que je devais encore tutoyer les étudiants ? Est-ce que je devais mettre de la distance
entre eux et moi ? Et ce, d’autant que j’en connaissais certains que je venais d’avoir en stage.
Est ce que mon rôle et mon statut avaient changé ?

Ce questionnement sur la relation m’a aussi posé question lorsque 3 semaines après ma
prise de fonction, j’ai du mener des entretiens de suivi pédagogique individuel avec des
étudiants que je ne connaissais pas. J’avais évidemment pris connaissance de la fiche de poste
et de mes missions dans le suivi pédagogique et j’ai donc mené « comme j’ai pu » ces
entretiens en essayant d’être le plus objective possible et en me concentrant sur l’acquisition
des compétences par rapport au niveau de formation des étudiants. J’ai eu, si l’on peut dire, la

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chance d’avoir un groupe d’étudiants qui ne présentait pas de difficultés dans la formation.
J’ai par la suite, beaucoup observé mes collègues dans leur façon d’être face aux étudiants.
Certains avaient des relations que je pourrais qualifier « d’amicale » avec les étudiants,
échangeant sur leur vie personnelle en partageant un café aux heures de pause. D’autres
mettaient de la distance, vouvoyaient les étudiants, ne les rencontraient que dans leur bureau
et sur rendez vous. Cela m’a beaucoup questionnée, ne sachant pas de quel coté me situer. Il
me paraissait pourtant évident que les étudiants préféraient les formateurs dit « plus cool ». Je
me suis donc demandée si j’avais envie et besoin que « l’on m’aime bien ».

Avant mon départ pour l’école des cadres, lors d’une réunion pédagogique un de mes
collègues propose une modification sur les modalités d’organisation du suivi pédagogique
individuel des étudiants. Actuellement chaque formateur est référent d’une année de
formation et assure le suivi pédagogique individuel d’un groupe d’une dizaine d’étudiants de
cette même année. Chaque année, les formateurs sont amenés à changer de promotion et donc
de groupe d’étudiants. La proposition de ce collègue est donc de changer cette organisation et
d’assurer le suivi pédagogique individuel des mêmes étudiants sur leurs 3 années de
formation. Il expose comme argument le fait d’avoir une meilleure connaissance des
étudiants, de leur parcours de formation et de leur progression ce qui, selon lui, participerait à
un accompagnement plus personnalisé.

Cette proposition n’a pas fait l’unanimité au sein de l’équipe de formateurs. Certains
pensant qu’un suivi pédagogique sur 3 ans avec les mêmes étudiants pourrait entrainer des
affinités entre le formateur et l’étudiant ce qui ne permettrait pas l’objectivité et la neutralité
au cours des entretiens. D’autres, ce disant parfois « épuisés » par certains étudiants au bout
d’un an, pensent que le fait de passer le relai est bénéfique pour l’étudiant et pour le
formateur. A l’inverse, plusieurs formateurs ont trouvé l’idée intéressante évoquant la notion
de confiance instaurée et maintenue pendant trois ans. En effet, le fait de suivre un étudiant
tout au long de sa formation permettrait de mieux le connaitre c'est-à-dire : d’identifier ses
manques et ses acquis, d’évaluer sa progression et l’acquisition de ses compétences afin de
l’accompagner dans son processus de professionnalisation.

Quant à moi, je n’ai pas su me positionner par rapport à cette proposition, trouvant les
différents arguments autant recevables les uns que les autres. C’est donc à partir de ces
différents éléments que j’ai pu poser ma question de départ :

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Comment le cadre de santé formateur doit il se positionner dans l’accompagnement des
étudiants infirmiers, lors des suivis pédagogiques individuels ?

1.2 Cheminement vers la problématique

Tout d’abord je me suis demandée ce qu’était réellement le rôle du cadre de santé


formateur et en particulier ses missions dans le suivi pédagogique. Le rôle du formateur a
considérablement évolué depuis les origines du métier d’infirmière et de la formation.

L’évolution de la profession d’infirmière et de la formation met en évidence les profondes


mutations du métier de formateur. Il passera d’ailleurs d’infirmière enseignante, à monitrice
avant l’appellation de cadre de santé formateur. En effet, les contenus de formation évoluent
et passent de l’apprentissage des actes avec quelques notions médicales, à des mises en
situation des étudiants qui utilisent la réflexion pour la compréhension des apprentissages
(Boudier, 2012).

Aujourd’hui : « Le formateur joue trois rôles : il doit former les futures infirmières à la
fois théoriquement et techniquement ; pour ce faire, il doit mettre en œuvre des compétences
de communication. » (Boudier, 2012, p. 9)

En analysant la fiche de poste du formateur de différents IFSI la notion principale mise en


évidence est l’accompagnement de l’étudiant dans l’élaboration de son projet de formation
ainsi que son projet professionnel.

Parallèlement, il m’a semblé important de définir le suivi pédagogique individuel et le


contexte dans lequel il a lieu. Selon le référentiel de formation annexe III de l’arrêté du 31
juillet 2009 relatif au diplôme d’Etat d’infirmier modifié par l’arrêté du 26 septembre 2014 :

Dans le paragraphe formation et certification :

« Chaque semestre, excepté le dernier, le formateur responsable du suivi pédagogique


présent à la commission d’attribution des crédits, présente les résultats des étudiants afin
que celle-ci se prononce sur l’attribution des crédits européens et sur la poursuite du
parcours de l’étudiant. »

Dans le paragraphe formation théorique « …les étudiants…rencontrent leur formateur et


bénéficient d’entretiens de suivi pédagogique. »
5
Dans le paragraphe formation clinique en stage :

« Chaque semestre le formateur de l’IFSI responsable du suivi pédagogique de l’étudiant


fait le bilan des acquisitions avec celui-ci. Il conseille l’étudiant et le guide pour la suite
de son parcours. Il peut être amené à modifier le parcours de stage au vu des éléments
contenus dans le portfolio. »

Le contenu et la mise en œuvre de ce suivi ne sont donc pas explicités dans le référentiel
de formation. Il m’a donc semblé intéressant de prendre connaissance de différents projets
pédagogiques d’IFSI pour comprendre les attentes et le but de ces entretiens.

Selon l’IFSI de Granville : dans l’approche pédagogique de la formation est développée la


posture pédagogique du formateur qui s’articule autour de 2 axes :

« Une pédagogie socioconstructiviste et didactique et une relation pédagogique


s’appuyant sur la mise en œuvre du suivi pédagogique et d’un accompagnement individualisé
et collectif. ».

L’IFSI définit d’ailleurs les termes de cette façon :

Socioconstructivisme: « approche qui met l’accent sur l’interaction entre les facteurs
d’apprentissage internes (l’individu) et les facteurs d’apprentissage externes
(l’environnement) ».

Didactique : « étudie les interactions qui peuvent s’établir dans une situation
d’enseignement ou d’apprentissage entre : - un savoir identifié, - un maître dispensateur de
ce savoir, - un élève auteur, acteur et récepteur de ce savoir ».

Selon l’institut de formation en soins infirmiers du groupement de coopération sanitaire


du pays d’Aix Salon-de-Provence :

« La relation pédagogique est fondée sur la confiance, l’écoute, la tolérance et la


réciprocité » Ces termes n’étant pas définis dans le projet pédagogique.

Toutes ces données mettent bien en évidence que la relation à l’étudiant n’est pas toujours
simple à mettre en œuvre et qu’elle peut dépendre de ce que chaque formateur entend dans ce
processus relationnel. Je pense que les avis divergent en fonction des représentations de
chacun. Tout d’abord en ce qui concerne les étudiants, il est intéressant de se questionner sur

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l’enjeu que représente pour lui le suivi pédagogique. Je pense qu’il attend de « son »
formateur référent une écoute, une aide en cas de difficulté mais jusqu’où va cette relation ?

Dans mon expérience, j’ai pu rencontrer des formateurs qui, il me semble, allaient trop
loin dans la relation pédagogique dans le sens où ils questionnaient beaucoup les étudiants, en
particulier, sur leur vie privée. Certains même, en cas de difficultés psychologiques, pouvaient
mener des entretiens que l’on pourrait qualifier de « thérapeutiques ». Il est vrai cependant
que certains contenus personnels livrés lors des entretiens individuels peuvent parfois
permettre de comprendre des comportements ou des évènements survenant lors de la scolarité.
Cependant, il semble que cela n’a que peu d’intérêt dans la situation pédagogique.

Il est intéressant de penser aussi la représentation du formateur sur ce que sont les enjeux
pour lui des entretiens de suivi pédagogique. Puisque nous l’avons vu, une des missions du
formateur référent est de proposer les crédits servant à la validation des compétences, il est
possible d’imaginer qu’il peut avoir des objectifs de résultats. En effet, le formateur peut se
demander s’il a été « bon », si les étudiants de son groupe ont obtenu des résultats
satisfaisants. Cela nous amène à penser et à évoquer la notion d’évaluation. Il est évident que
le formateur, dans ses missions d’accompagnement de l’étudiant, a un rôle d’évaluateur.
L’objectivité de l’évaluation est elle en lien avec la relation pédagogique ? Le formateur
« copain » ne va-t-il pas sur-noter l’étudiant avec qui il s’entend bien ? Il me semble
effectivement que pour pouvoir effectuer une évaluation objective, la relation et
principalement la posture du formateur en dépend.

J’ai aussi recherché les éventuelles recommandations du Comité d’Entente des Formations
Infirmières Et Cadres sur la durée du suivi pédagogique et je n’ai retrouvé que le projet de
référentiel de compétences des cadres de santé formateur qui parle du suivi pédagogique
individuel:

« Situation de travail : Guider et accompagner les parcours individuels et collectifs de


professionnalisation des étudiants

Activité : Accompagnement individualisé des parcours d’apprentissage et des projets


de professionnalisation :

Conduisant des entretiens personnalisés


Utilisant des outils de suivi de progression individuel et collectif
Responsabilisant l’étudiant à la construction de son projet de professionnalisation

7
Favorisant pour chaque étudiant l’articulation et la cohérence de ses choix de
formation et son projet professionnel »

Je me suis ensuite questionnée sur ce qu’était un étudiant, qui il était dans une formation
adulte :

« Le terme même d’étudiant confère d’emblée un statut différent de celui de l’élève. Il


renvoie également à un ensemble de représentations, dont nous sommes tous
tributaires et qui vont conditionner d’une certaine manière nos attentes par rapport à
cet étudiant. Nous sommes cependant dans l’ambigüité, s’agissant de nos rapports
avec les étudiants : entre « adolescents attardés » et « jeunes adultes », la frontière est
souvent floue, ce qui nous conduit parfois à prendre des positions et envoyer des
messages contradictoires. » (Dürrenberger, 2011, p.37-38)

Je me suis rendue compte que ce qui posait problème à mes collègues formateurs et à moi
même n’était pas réellement la notion de durée de l’accompagnement et du suivi
pédagogique, à savoir 1 ou 3 ans, mais plutôt ce que l’on mettait exactement sous le terme
suivi pédagogique et ce en modalités d’accompagnement et de relation à l’étudiant. Y a-t-il
un positionnement particulier à avoir lors du suivi pédagogique ?

La relation est pour moi quelque chose d’important. En tant qu’infirmière, j’ai toujours
pris soin de mettre en place une relation soignant soigné adaptée avec les différents patients
que je prenais en charge. Mais qu’en est-il de cette relation avec les étudiants ? Faut il être
dans le prendre soin ?

Il semble donc important de définir ce qu’est la relation. Tout d’abord, pour instaurer une
relation, je pense qu’il est important que cela soit une interaction volontaire entre deux
personnes. Volontaire au sens où, si nous prenons le suivi pédagogique, le formateur et
l’étudiant doivent être d’accord de partager ces temps d’échanges ensemble. Il existe entre
eux, une sorte de contrat pédagogique moral qui base la relation sur le respect, l’écoute et la
tolérance. En effet, si ce n’était pas le cas, on peut imaginer que l’un ou l’autre pourrait ne pas
être à l’aise et de ce fait l’accompagnement pourrait ne pas être bénéfique à l’étudiant. Le
Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales définit la relation :

« Rapport qui lie des personnes entre elles, en particulier, lien de dépendance,
d'interdépendance ou d'influence réciproque. »

8
Mais cette relation nécessite des qualités indispensables à sa mise en œuvre. En effet,
c’est : « L’instauration d’une relation de confiance réciproque […] cette confiance est gagnée
par l’écoute, la disponibilité et la justice. ». (Huriaux Akre, 2005).

La notion de justice parait être très importante. En effet, le formateur doit être en
capacité de proposer un accompagnement juste c'est-à-dire dire offrir à chaque étudiant la
même approche pédagogique et les même moyens de réussite sans se laisser emporter dans
des préférences. Mais, malgré cela, il est nécessaire de personnaliser l’accompagnement aux
besoins de l’étudiant et à son processus de développement dans la formation. Cela démontre
bien que la relation doit être dans la juste distance afin de rester dans une relation
pédagogique et de ne pas la transformer en relation inadaptée au contexte, voir amicale. Il est
évident que la relation éducative est une relation interpersonnelle : « pour favoriser un
apprentissage valable, il est indispensable qu’il existe entre l’apprenti et celui qui veut
faciliter son apprentissage une relation interpersonnelle qui implique certaines qualités
d’attitude.» (Rogers, 1984 cité par Rohart, 2008, p.50).

La notion de relation interpersonnelle est bien une question d’interactions, d’échanges et


de liens entre deux personnes, dans un contexte professionnel, qui s’inscrivent dans une
continuité et dans une réciprocité.

Je souhaiterais définir aussi la notion de positionnement. Etymologiquement, cela


correspond à trouver la position adéquate dans la relation. Après plusieurs recherches, il
apparait que le positionnement est un terme utilisé principalement dans le marketing.
Cependant il m’a semblé intéressant de reprendre la définition de Dubasque, (2001,
http://www.travail-social.com/Que-reste-t-il-de-notre-identite). Pour lui, le positionnement
revient à l’identité professionnelle: « savoir où l’on est, ce que l’on fait, pourquoi on le fait,
poser sans cesse la question du sens et agir en conséquence ». Cela revient bien évidement à
la notion de distance et de juste distance avec une nouvelle donnée qui parait être très
importante : celle de donner du sens.

En effet, choisir de faire un travail de recherche sur le suivi pédagogique, sur ce qu’il
contient exactement et comment le mener permet de donner du sens à cet outil dans un
objectif pédagogique.

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La notion d’identité professionnelle et de juste distance permet de comprendre mon
questionnement de départ lors de ma prise de poste sur la façon d’aborder les étudiants, le
tutoiement et la distance à respecter.

Enfin, la notion d’accompagnement parait elle aussi importante à définir. Dans un article
de soins cadre, l’accompagnement est comparé à la notion du prendre soin : « Pour le cadre
de santé formateur (de formation initiale infirmière), les représentations des termes
“accompagnement” et “soigner” utilisent le même appareil de notions : écoute, centration
sur la personne, démarche relationnelle, assistance, aide… ». (Péoc’h, 2008, p. 51-55).

Il est donc évident qu’avant d’être pédagogue, le formateur est avant tout un soignant et
que sa relation face à l’étudiant est bien en lien avec ses valeurs mises en œuvre dans
l’accompagnement de la personne soignée.

Il me semble donc intéressant maintenant de questionner directement les acteurs de cette


relation afin de vérifier sur le terrain que ces données sont pertinentes. Cela me permettra
ainsi de définir ma question de recherche et de déduire des hypothèses de travail.

J’ai donc choisi de mener deux entretiens exploratoires. Le premier concernera un


formateur en soins infirmiers, il me permettra de préciser l’objectif du suivi pédagogique, le
sens que le formateur lui donne et sa position dans la relation. Le deuxième, quant à lui
concernera l’étudiant lui même afin d’identifier ce qu’il attend de ce suivi, ce que lui y met et
les enjeux qui peuvent en découler. La confrontation de ces deux entretiens me permettra de
me questionner sur les objectifs et les intérêts communs du suivi pédagogique et de cette
relation.

J’ai donc interrogé un cadre de santé formateur qui est en IFSI depuis 15 ans. Je lui ai
d’abord demandé ce qu’était pour elle l’accompagnement des étudiants. Elle parle tout de
suite de son métier d’infirmière qui pour elle n’est que transposition dans son rôle de
formateur. Elle me dit donc, qu’accompagner un étudiant c’est comme accompagner un
patient. Elle dit qu’il faut être auprès de lui, être disponible et l’aider à devenir infirmier. Elle
fait d’ailleurs une comparaison avec le patient hémiplégique en disant que, comme l’infirmier,
le formateur doit s’adapter aux besoins de l’étudiants, à ses difficultés, ses limites et que
chaque accompagnement d’étudiant est personnalisé donc non reproductible ni prévisible. Les
étudiants sont ils des patients ? Les patients ne choisissent pas la maladie alors que

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l’étudiant lui choisit sa formation, il doit donc en être acteur. En effet, le formateur est avant
tout un soignant, avec des valeurs humaines importantes qui orientent son exercice
professionnel dans la formation mais est il pour autant le soignant de l’étudiant ?

Pour ce formateur l’accompagnement passe par l’observation, l’attention et l’analyse de la


situation d’apprentissage de l’étudiant et là encore elle fera un parallèle au métier de soignant
par l’intermédiaire des analyses de pratiques professionnelles. Nous en arrivons donc à
aborder le suivi pédagogique individuel en lui demandant si cet accompagnement est
l’objectif principal du suivi pédagogique individuel. En première intention, elle me dira
qu’elle ne sait pas car le suivi pédagogique individuel n’est pas réellement défini en tant que
tel, ce qui d’ailleurs confirme mes constatations avec le peu de lectures trouvées sur ce sujet.
Pour elle comme il n’est pas défini, il se résume, dans un premier temps, à une comptabilité
administrative avec la validation des compétences. Et puis, elle considère que le terme suivi
n’est pas adapté car pour elle, le fait de suivre, c’est être derrière et parfois cela peut être
suivre de trop loin ou de trop prés. Elle préfèrerait que l’on parle d’accompagnement
pédagogique individuel car il n’y a plus la notion d’être derrière l’étudiant. Bien sur elle me
dira qu’elle ne base pas son suivi pédagogique que sur des données administratives et qu’elle
privilégie l’écoute, l’échange sur les ressentis, les questionnements.

Elle dit qu’il est vrai que parfois elle prend en compte des données privées de l’étudiant,
en insistant sur le coté non intrusif, mais pour elle, savoir « ce qu’ils sont réellement » est
indispensable pour leur futur métier qu’ils exerceront en fonction de ça. Elle précise
cependant, que le terme pédagogique dans ce suivi précise bien le fait que ce n’est pas un
suivi thérapeutique et que lorsque les étudiants sont en souffrance, il faut les orienter car cela
va au delà des missions du formateur.

Nous avons ensuite abordé les facilités et les difficultés du suivi pédagogique individuel.
Elle commence donc par les difficultés et aborde dans un premier temps les logiciels de
gestion de la formation. En effet, elle regrette que les récapitulatifs des suivis pédagogiques
ne soient qu’un ensemble de croix et non un espace littéral (qu’elle fait d’ailleurs en
parallèle). Elle regrette aussi de parfois valider des compétences à des étudiants parce que les
rapports le permettent alors qu’elle sait que certains étudiants sont « malhonnêtes
intellectuellement ». Une autre problématique est selon ses propos « les questions éthiques »
qu’elles se posent « suis-je juste par rapport aux étudiants ? Par rapport à ce qui se passe
dans les autres suivis pédagogiques au sein de l’IFSI ? Par rapport aux autres IFSI ? ». Elle

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avoue avoir des questionnements permanents sur la pertinence de ses décisions, de savoir si
elles sont bien pédagogiques et ou disciplinaires et emploie même le terme de « déontologie
du formateur ». Elle abordera une dernière difficulté, celle de tutorer un nouveau formateur
quant au suivi pédagogique, n’ayant pas elle-même une réelle marche à suivre.

Nous avons ensuite abordé les enjeux et les risques du suivi pédagogique : pour elle le
principal enjeu est celui de comprendre à qui elle a à faire car elle me dit que les étudiants
n’ont pas les mêmes repères qu’elle, ni les mêmes modes d’apprentissage. Quant aux risques,
elle estime qu’il faut faire attention de ne pas réduire l’étudiant à des croix. Elle parle aussi du
risque de l’effet Pygmalion « Je deviens ce que tu dis que je suis ». Enfin elle abordera la
notion de limites : pour elle, il ne faut pas mélanger le rôle de formateur, avec le rôle de
parent, de dirigeant, de copain ou de : je cite « capitaine des armées ». Il est nécessaire que le
formateur se pose des limites, qu’il sache garder une distance professionnelle tout en étant à
l’écoute et qu’il n’oublie pas que « ce n’est pas SON étudiant mais bien un étudiant que l’on
accompagne sur un petit bout de chemin ».

Pour la dernière question, je lui demande de définir la relation étudiant et formateur :


« c’est une relation bienveillante, cadrante et stimulante sans tomber dans un quelconque
excès ».

Cet entretien confirme le fait qu’il y ait peu de données écrites sur le suivi pédagogique et
que de ce fait, le contenu et la façon de le mener restent propres à chaque formateur.
Cependant, la notion d’accompagnement de l’étudiant semble être l’élément de base de ce
suivi. La relation entre le formateur et l’étudiant est, au regard des lectures, basée sur
l’attention et l’écoute et l’échange. Elle met en avant des difficultés : elle dit se questionner
sur sa façon d’accompagner les étudiants, ce qui semblent être en lien avec celles évoquées
par Boudier (2012) : « […] se dégage alors une peur de ne pas être à la hauteur pour guider
les étudiants… » (p.144). De même lorsqu’elle parle de limite dans la relation à l’étudiant,
elle évoque aussi cette problématique en précisant que cela concerne principalement les
formateurs débutants : «Ils ne parviennent pas à trouver la distance nécessaire et développent
un rapport trop affectif, trop proche ce qui modifie et met en danger la relation
pédagogique. » (Boudier, 2012, p. 164).

Il m’a semblé intéressant dans un deuxième temps de pouvoir interroger l’étudiant


infirmier sur ce qu’il attend lui, du suivi pédagogique. J’ai donc choisi d’interroger une

12
étudiante en 2ème année afin que celle-ci puisse avoir un peu de recul sur le suivi pédagogique
individuel.

Dans un premier temps, je lui demande ce que représente pour elle le suivi pédagogique
individuel : elle aborde aussitôt la notion de validation des compétences par l’intermédiaire
des synthèses de stage. Cela renvoie à ce que la formatrice nous dit sur l’aspect administratif
de ce suivi pédagogique. Elle ajoute aussi que c’est un temps de rencontre avec « son »
formateur référent pour lui faire part d’éventuelles difficultés.

Lorsque je lui demande ce qu’elle en attend, elle répond créer une relation de confiance,
des conseils et un accompagnement tout au long de la formation. La notion
d’accompagnement est là encore énoncée tout comme pour la formatrice interrogée.

Je lui demande les risques et les enjeux de cet accompagnement : elle parle une fois de
plus de créer une relation de confiance et ajoute que sinon, l’étudiant ne sera pas « naturel »
avec le formateur. Pour elle, le risque est que la relation soit superficielle et que le suivi
pédagogique ne devienne « qu’un passage obligé sans intérêt pour l’étudiant et le
formateur ».

Je l’interroge donc sur le positionnement attendu du formateur, elle répond qu’il soit un
guide, un conseiller et un accompagnateur. Elle ajoute ne pas attendre d’eux qu’il soit un
parent ou un professeur mais bien quelqu’un qui les aide, une ressource tout au long de la
formation. Ce qui lui parait le plus difficile lors des suivis pédagogiques, c’est que ce qui est
dit lors de cette rencontre, soit retranscrit dans le dossier de l’étudiant. Elle ajoute que se
confier n’est pas facile et une fois de plus, elle emploie le terme de confiance instaurée avec le
formateur. Elle évoque aussi le fait, à partir de la deuxième année, de pouvoir choisir son
formateur référent pour justement être plus en confiance.

Enfin, je lui demande comment elle qualifie la relation entre le formateur et l’étudiant :
elle répond que cela doit correspondre à un respect mutuel, une écoute et un climat ou chacun
se sent à l’aise pour pouvoir échanger.

Pour l’étudiante interrogée, la notion de confiance semble être l’élément indispensable à la


relation entre formateur et étudiant lors des suivis pédagogiques individuels. Les termes
d’écoute, d’échange et d’accompagnement sont communs aux termes utilisés par la formatrice
lors de l’entretien.

13
2. Question de recherche et hypothèses

Au travers ces témoignages, les différentes lectures que j’ai effectuées et mon expérience
professionnelle, il m’est apparu que je souhaitais investir et questionner la fonction
pédagogique du cadre de santé formateur, agissant comme un accompagnateur dans la
professionnalisation de l’étudiant en soins infirmiers. Quelle peut être la plus-value de la
relation et de la posture pédagogique pour amener, implicitement ou explicitement, l’étudiant
à se professionnaliser ?

Je peux, à présent, poser ma question de recherche :

Quelle est l’influence de l’accompagnement pédagogique du formateur sur


la professionnalisation de l’étudiant en soins infirmiers ?

Afin de répondre à cette question complexe, je pose deux hypothèses rédigées ci-dessous :

Hypothèse n°1 : Mettre en place une relation pédagogique individualisée permet la


professionnalisation de l’étudiant.

Hypothèse n°2 : L’accompagnement de l’étudiant infirmier nécessite une posture


pédagogique adaptée du cadre de santé formateur.

14
3. Le cadre théorique

Pour cette partie de mon travail, j’utiliserai le pronom « nous ». En effet, faisant référence
à différents auteurs, il me semble important de ne pas m’approprier le contenu des éléments
conceptuels déclinés dans ce cadre théorique.

Afin de construire ce mémoire, et en nous référant aux hypothèses émises, nous allons
tenter de balayer une série de théories et de concepts qui aideront à mettre en relief notre
question de recherche. Le cadre théorique s’est construit principalement dans le champ des
sciences de l’éducation à partir de différentes lectures d’ouvrages en psychologie, sociologie,
pédagogie et philosophie. Cette recherche s’est orientée vers : la pédagogie de manière
générale, la relation pédagogique, l’accompagnement et la professionnalisation.

3.1 La pédagogie

Il nous semblait intéressant de débuter notre recherche conceptuelle par le concept de


pédagogie. En effet, avant de savoir comment faire de la pédagogie, il est important de savoir
ce que c’est exactement, quel en est le sens et la valeur. Il n’est, semble t’il pas possible de
dissocier la pédagogie de l’éducation. En effet, la définition du Larousse définit la pédagogie
comme étant : « Une pratique éducative dans un domaine déterminé et l’aptitude à bien
enseigner, sens pédagogique »

Historiquement, Platon (cité par Guillo, 1968), aborde le principe de l’éducation :


« L'homme libre ne doit rien apprendre en esclave ; car si les travaux corporels pratiqués par
force ne font aucun mal au corps, les leçons qu'on fait entrer de force dans l'âme n'y
demeurent pas. » (p.31).

Même si ces deux termes sont difficiles à dissocier, ils peuvent néanmoins être distingués
dans leur définition. Selon Emile Durkheim (2013) :

" On a souvent confondu les deux mots d’éducation et de pédagogie, qui demandent
pourtant à être soigneusement distingués. L’éducation, c’est l’action exercée sur les
enfants par les parents et par les maîtres. Cette action est de tous les instants, et elle
est générale. Il en est tout autrement de la pédagogie. La pédagogie consiste, non en

15
actions mais en théories. Ces théories sont des manières de concevoir l’éducation, non
des manières de la pratiquer…L’éducation n’est donc que la matière de la pédagogie.
Celle-ci consiste dans une certaine manière de réfléchir aux choses de l’éducation.
C’est ce qui fait que la pédagogie, au moins dans le passé, est intermittente, tandis que
l’éducation est continue "(p.69-70).

Il est donc possible de retenir que la pédagogie désigne des principes et des modèles qui
permettent de transmettre des savoirs. J. Houssaye (2001) la définit comme :
« l’enveloppement mutuel et dialectique de la théorie et de la pratique éducatives » (p.13).

Nous pouvons déduire que la pédagogie est pour le formateur, l’utilisation de théories
pour la transmission de savoirs avec un apprenant qui la reçoit, ce qui nous amène au triangle
de Houssaye qui sera détaillé dans la relation pédagogique par la mise en mouvement de ces
éléments.

La pédagogie semble difficile à définir, elle serait donc un ensemble d’éléments en


interaction, des mises en situations permettant de mobiliser les représentations et les savoirs
antérieurs et ceci en posant des objectifs concrets, nous parlons d’ailleurs d’ action
pédagogique qui consiste à : « analyser et mettre en rapport une situation et des ressources,
une sensibilité et des apports, des questions qui se posent dans le concret quotidien et des
hypothèses de travail qui peuvent contribuer à leur apporter une réponse. » (Meirieu, 1989,
p.156).

La pédagogie donnerait donc du sens en mettant en action pratique et théorie. Différentes


approches et différents courants pédagogiques en font d’ailleurs l’objet de recherche.

3.1.1 Les courants pédagogiques

Le béhaviorisme

Ce courant pédagogique est l’un des premiers identifié dans les recherches des théories de
l’apprentissage. Etymologiquement, le terme béhaviorisme vient de l'anglais behaviorism /
behaviourism formé sur behavior (« comportement »). Cette théorie mise en évidence par le
psychologue Américain John Watson au début du XXème Siècle considère que les réactions
ou comportements humains passent par une notion de stimulus-réponse, stimulus non

16
identifiable puisque perçue par « la boite noire » du cerveau. Ce courant fut repris par Pavlov
et Skinner qui ajouteront la notion de conditionnement, de reflexe et de renforcement : « le
béhaviorisme conçoit l’apprentissage comme déterminé exclusivement par l’environnement
(en tant que source de stimuli ou de renforcements de la réponse comportementale)»
(Bourgeois, Chapelle, 2011, p°28)

Le cognitivisme

Issu des sciences cognitives, ce courant se concentre sur les processus mentaux de
l’individu : « Les théories du traitement de l’information, comme leur nom l’indique, tentent
de rendre compte des processus par lesquels un individu confronté à une situation donnée
reçoit, sélectionne et organise l’information, la stocke en mémoire, la récupère et la
communique » (Bourgeois, Chapelle, 2011, p.30). Contrairement au béhaviorisme, qui
considère que l’individu a besoin d’un comportement conditionné pour répondre à une
situation donnée, le constructivisme met en évidence le fait que l’individu fait appel à des
informations qu’il a préalablement stockées et traitées dans sa mémoire.

Le constructivisme

Le terme constructivisme est à l’origine utilisé dans le monde artistique. En effet selon le
dictionnaire Le petit Robert : « le constructivisme est un mouvement artistique né en Russie
où l’effet plastique est obtenu par des lignes et des plans assemblés, construits »

En psychologie, la notion de constructivisme revient en premier lieu aux travaux de Jean


Piaget qui a développé cette notion dans le but de s’opposer au béhaviorisme et de mettre en
évidence que l’apprentissage n’est pas qu’une question de stimulus-réponses mais bien une
construction de l’intelligence.

Dans l’ouvrage les théories de l’apprentissage, les auteurs reprennent cette théorie de
Piaget : « le processus constructif de l’activité mentale dégageant des possibilités nouvelles
d’intelligibilité » (Donnadieu, Genthon, Viel, 1998, p.54) La construction du sujet serait donc
en lien avec l’organisation cognitive du sujet. Selon Watzlawick (1988, p.20) : « L’être
humain est responsable de sa pensée, de sa connaissance et donc de ce qu’il fait ».
Cependant, il nuance ce propos en se questionnant sur l’individualisme de cette affirmation :
« Dans quel monde vit-on si l’on construit entièrement soi-même sa propre réalité ? »
(Watzlawick, 1988, p°351). Cela renvoie donc au fait que l’on ne peut se construire seul mais
plutôt par le biais de la socialisation. Il est donc plus logique de définir le

17
socioconstructivisme qui d’ailleurs est introduit dans bon nombre de projet pédagogique en
IFSI.

Le socioconstructivisme

Ce terme reprend donc la théorie du constructivisme en y ajoutant l’idée de l’interaction


sociale qui favorisera encore d’avantage l’apprentissage du sujet.

Développé notamment par Vygotsky qui critique la théorie de Piaget : « Il lui reproche de
ne pas suffisamment prendre en compte la dimension sociale et culturelle de l’apprentissage »
(Bourgeois, Chapelle, 2011, p.35). Il parlera de co-construction dans un contexte culturel et
social. Cette théorie connait de nos jours un grand succès et met en avant des objectifs dans
les méthodes pédagogiques : « Il conduira sur le terrain au développement de dispositifs
pédagogiques qui favorisent les interactions sociales, non seulement entre pairs («
apprentissage réciproque » ou « mutuel ») mais également et surtout entre apprenant et
tuteur (« compagnonnage cognitif »).» (Bourgeois, Chapelle, 2011, p.36).

Ces différents courants et leurs approches orientent la manière de mettre en œuvre la


relation entre le pédagogue et l’apprenant.

3.1.2 La relation pédagogique

Avant de définir le terme de relation pédagogique, il est bon de rappeler ce qu’est la


relation humaine. Selon C. Papilloud (2002) qui reprend les propos de Simmel : « Pour que la
relation humaine puisse se concrétiser, elle doit relever de la réciprocité, même
faiblement. »(p°87). Cette constatation nous renvoie aux termes d’échange et de partage,
indispensables à la construction d’une relation.

Afin de mettre en place une relation, des éléments conceptuels sont à prendre en compte.
Selon Rohard (2008), reprenant les propos de C. Rogers, avoir une relation avec autrui c’est
avoir de la considération pour la personne : « Avoir de la considération pour une personne,
c’est accepter a priori sa spécificité sans l’enfermer dans nos jugements de valeur. » (p°19)

Il ajoute que pour avoir de la considération et entrer en relation, il est indispensable de


créer « une ambiance dans la relation aux autres » et cela se traduit par :

18
« Une certaine chaleur qui facilite la confiance, de l’attention réelle parce qu’on
est convaincu que notre relation réciproque sera enrichissante pour les deux, de
l’affection, qui risque d’ailleurs si l’on y prend garde d’être une forme de
paternalisme, de l’intérêt, tout ce qu’est l’autre doit nous interpeller, du respect :
chaque personne est respectable, de la confiance : il faut croire que, toute personne
peut, s’améliorer. » (p°20)

La relation ne se met donc pas en place de manière systématique. Elle fait donc bien écho
à une participation réciproque des acteurs, accompagnée de valeurs favorisant la
communication et la confiance.

En terme de pédagogie, l’idée est la même, le formateur se nourrit lui aussi de la


construction de l’apprenant par son questionnement et ses interrogations. C’est donc bien un
échange de savoirs et de savoirs faire entre les 2 individus.

Il est possible de définir la relation pédagogique comme étant : « La relation pédagogique


assure une fonction de médiation indispensable entre les processus éducatifs qui tendent à
développer les possibilités du sujet et les processus d’apprentissage qui visent l’acquisition
des compétences. » (Resweber, 2007, p°94). Cette définition permet de mettre en évidence le
processus qui met en lien celui qui enseigne et celui qui construit ses connaissances dans le
but d’acquérir des compétences.

Mais cette relation pédagogique peut elle être la même pour chaque étudiant ? Y a-t-il un
modèle de relation ? Il semble que cela dépende de plusieurs facteurs. Dans un de ses articles
G. Netter (2014) énonce que la relation pédagogique se base sur 4 axes :

Le rapport à soi : il est possible de le définir comme étant la façon dont se voit
l’apprenant. L’évaluation qu’il fait de lui-même

Le rapport à l’autre : le niveau de dépendance de l’apprenant face au formateur qui tout en


créant du lien doit garder sa singularité. Cela renvoie à la notion de distance que nous
détaillerons un peu plus loin.

Le rapport au savoir : l’apprenant est conscient de son manque de savoir d’où sa présence
en formation mais il ne doit pas pour autant penser qu’il ne sait rien au risque d’une
dévalorisation non constructive.

19
Le rapport à l’acte d’apprendre ou d’enseigner : enfin, ce rapport à l’acte d’apprendre est
la conscience de l’apprenant que les apprentissages ne s’acquièrent pas aussi rapidement pour
les uns que pour les autres et qu’il faut parfois accepter qu’il faut du temps pour accéder à la
connaissance.

Il est donc indispensable que le formateur ait conscience de ces différents axes pour
orienter la relation pédagogique qu’il mettra en place avec l’étudiant et en fonction de ces
axes, la relation sera inévitablement personnalisée.

Cela peut être mis en parallèle des travaux de J. Houssaye (2001) qui lui aussi aborde la
relation pédagogique selon des processus liés à trois éléments : le savoir, l’enseignant et
l’étudiant : « toute pédagogie est articulée sur la relation privilégiée entre deux des trois
éléments et l’exclusion du troisième avec qui cependant chaque élu doit maintenir des
contacts. (p.15).

En fonction de chaque interaction entre les éléments, il distinguera différents types de


processus : « Les processus sont au nombre de trois : « enseigner », qui privilégie l’axe
professeur-savoir ; « former », qui privilégie l’axe professeur-élèves ; « apprendre », qui
privilégie l’axe élèves-savoirs. » (Houssaye, 2001, p.16)

1
http://eduscol.education.fr/bd/competice/superieur/competice/libre/qualification/q3a.php

20
La relation est donc au-delà du binôme formateur et apprenant, le savoir devient lui aussi
une entité à part entière dans cette relation. Ces deux approches confortent l’idée que la
relation pédagogique ne peut être la même d’un étudiant à un autre et qu’il est nécessaire
d’identifier les différentes approches afin de personnaliser et d’individualiser cette relation
dans le but d’éviter d’éventuels conflits relationnels.

Le conflit dans la relation pédagogique peut amener à des situations qui seront non
constructives pour l’étudiant et non satisfaisantes pour le formateur. En effet, l’étudiant sera
dans l’opposition et dans la résistance ce qui favorisera soit la résilience du formateur soit un
éventuel « acharnement » qui deviendrait non pédagogique : « La relation bien gérée facilite
les échanges. Les écarts, et c’est une façon de cerner leurs effets, peuvent gêner, voire
empêcher, l’accès de l’élève, d’un groupe d’élèves, à ce pour quoi on est là. » (Jubin, 2001,
p.181)

Un autre risque dans ce conflit de relation pédagogique est le fait de vouloir amener
l’autre à son image et à ce que le formateur souhaite que soit l’étudiant.

Nous pouvons alors aborder l’effet Pygmalion : théorie de Rosenthal et Jacobson qui
considèrent que les attentes et les représentations des enseignants influenceraient les résultats
scolaires des enfants : « L’attention, le soin apporté au travail, l’autonomie, la capacité à
travailler en groupe, la motivation et les efforts consacrés sont autant de comportements pris
en compte par l’enseignant, quand il élabore des attentes pour un élève » (Trouilloud,
Sarrazin, 2003, p.95).

Ces différentes représentations et analyses modifieraient le comportement de l’un envers


l’autre et inversement, ce qui fausserait l’objectivité de la relation pédagogique voir
l’évaluation de l’étudiant.

La relation pédagogique nécessite donc une harmonie dans la juste distance entre
l’étudiant et le formateur avec une posture pédagogique de celui-ci.

La relation pédagogique est donc bien un ensemble d’interactions entre l’étudiant et le


formateur dont le but est le développement de compétences et l’enrichissement de nouvelles
acquisitions.

21
Elle permettra donc d’accompagner l’étudiant à répondre à ses propres attentes de
formation et non à celles du formateur qui lui donnera du sens à la formation. Cependant, cet
accompagnement nécessite que le formateur adapte sa posture dans la relation.

3.1.3 La posture pédagogique

Nous avons vu que la relation pédagogique constituait l’un des outils principal de la
pédagogie et de l’accompagnement de l’étudiant en formation. Cependant, afin que la relation
soit optimale, il est nécessaire que chaque sujet et en particulier le formateur ait un
positionnement qui l’y encourage c’est pourquoi il est à présent nécessaire de définir et de
questionner la posture pédagogique.

La définition du mot posture selon le Centre National de Ressources Textuelles et


Lexicales : « Attitude morale de quelqu'un. (Être, se mettre) en posture de : dans une position
favorable pour. ». Cette définition précise bien qu’il s’agit donc d’une façon d’être, d’un
positionnement dans une juste distance. Selon le dictionnaire Le petit robert, se positionner
consiste à : « se mettre dans une position déterminée en vue d’une fonction bien précise. ». Il
est donc clair que le positionnement du formateur est bien d’avoir la juste position dans un
intérêt pédagogique

Selon un article de la revue française de pédagogie : « Pour que le pédagogue relationnel


soit efficace il doit s'exercer à pratiquer correctement la relation pédagogique à son niveau le
plus élevé, au niveau ascétique de « la relation distanciée » (Cosmopoulos, 1999, p.100).

Le questionnement se tourne donc sur l’effet de niveau ou d’éloignement. Selon G.


Mauco, dans son livre Psychanalyse et Éducation : « cette distance ne constitue pas un
éloignement de l'être mûr, mais une présence disponible, à laquelle l'enfant peut se référer
sans cesse. » (Mauco, 1999 repris par Cosmopoulos, 1999, p.100).

Le terme de distance renvoie donc à un positionnement adapté, au carrefour de


l’éloignement et du rapprochement voir de l’attachement : « Le formateur doit faire preuve
d’une capacité permanente pour trouver la bonne distance dans la relation : être ni trop prés,
ni trop loin, ni trop intrusif, ni trop lointain. » (Netter, 2014, journal des psychologues, p°65)

22
L’importance pour le formateur est de ne pas se mettre en position supérieure face à
l’étudiant, il doit favoriser un équilibre de la position sans le dévaloriser ou le survaloriser. Le
cadre de santé doit donc se positionner dans son rôle de formateur, qui accompagne l’étudiant
à développer les compétences attendues à sa professionnalisation.

Cependant, Il est initialement un acteur de santé avec une culture soignante et du prendre
soin ce qui peut sans doute avoir un impact sur son positionnement face à l’étudiant dans la
relation : « les valeurs premières des formateurs en IFSI, au-delà des valeurs qui leur sont
propres, compte tenu de leurs parcours professionnel et personnel, sont ancrées dans les
valeurs infirmières, en lien avec l’idée de prendre soin. » (Petrus-Krupsky, 2015, p.47), mais :
« Le pédagogue, même s’il a, comme le remarque Ivan Illich, une âme de thérapeute, n’est
pas un psychanalyste. » (Resweber, 2007, p.73).

Il est dont important, à présent, de définir à présent ce que sont les valeurs et l’éthique
pédagogiques.

3.1.4 L’éthique pédagogique

Dans un premier temps, il semble important de définir ce qu’est l’éthique pour différents
auteurs.

Selon Paul Ricœur (http://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2005-


1-page-113.htm#no2) philosophe français le terme « éthique » a un sens très large : « c’est la
visée d’une vie accomplie sous le signe des actions estimées bonnes, c’est-à-dire « le souhait
d’une vie accomplie, avec et pour les autres, dans des institutions justes » 

Selon Haberey-knuessi V (2009): « l’éthique est généralement reconnue comme étant


l’art de réfléchir en situation de total incertitude » (p.68-85)

L’éthique est donc une réflexion qui renvoie aux valeurs et à la morale. Mais peut-on
différencier l’éthique de la morale ? Il semble que ce ne soit pas la même notion : « Ainsi la
morale en éducation-si l’on désigne par ce terme un système de règles susceptibles de régir
les comportements individuels-doit être pensée en tant qu’elle permet et suscite, sans
chercher pour autant à les contraindre, les choix éthiques individuels. » (Meirieu, 2012,
p°148).

23
L’éthique serait donc au cœur de la formation infirmière, M. Petrus-Krupsky nous dit
même qu’elle est : « quotidienne…individuelle et collective. » (2015, p.48). Selon elle, chaque
questionnement pédagogique est d’ordre éthique et cela permet la recherche d’une solution la
plus optimale possible : « le formateur en soins infirmiers est perpétuellement confronté à des
choix éthiques plus ou moins cruciaux, allant du simple questionnement à des débats parfois
complexes. » (Petrus-Krupsky, 2015, p.53).

L’éthique et les valeurs sont donc au cœur des dispositifs de formation et animent le
formateur lui-même : « Le meilleur outil pédagogique (aux côtés de la connaissance de la
matière enseignée et sa didactique) c’est le maitre lui-même, sa personnalité équilibrée et
chaleureuse, c’est les valeurs qui l’animent et le soutiennent, aux heures difficiles… »
(Rohart, 1992, p.11).

Les valeurs et l’éthique du formateur induisent donc les comportements du pédagogue et


sa manière d’être. Son questionnement permanant est bien dans l’objectif de proposer à
l’étudiant, un accompagnement de qualité, emprunt de bienveillance.

3.2 L’accompagnement

L’accompagnement de l’étudiant en formation est la mission principale du formateur en


IFSI. De part son expérience et son expertise en tant que soignant, il accompagne l’étudiant à
développer des capacités, acquérir des compétences et à s’approprier la culture et les valeurs
de la profession. Mais cette notion d’accompagnement est difficile à définir d’un point de vue
pratique d’où la nécessité de l’explorer dans différentes dimensions. Selon le dictionnaire,
l’accompagnement est « le fait de soutenir, d’assister », et accompagner renvoie à la notion
de « servir de guide, d’accompagnateur à quelqu’un, à un groupe ».

L’origine du mot accompagnement vient de son étymologie, en effet, la sémantique


même du verbe accompagner, ac-cum-pagnis, ac (vers), cum (avec), pagnis (pain), ce qui
renvoie à une dimension de relation et de cheminement. La définition de l’accompagnement
serait donc, d’être avec ou aller vers, sur la base de la valeur du partage.

D’après Maela Paul, chargée d'enseignement à l'université de Nantes et formatrice


notamment des professionnels de l'accompagnement, cette articulation du sens gravite autour
de trois dimensions:

24
« Se joindre à quelqu’un pour la dimension relationnelle, à la manière de la connexion,
de la jonction. Il s’agit de l’accompagnement dans le lien, dans la confiance afin de
permettre à l’usager de faire des choix de la manière la plus autonome possible, en
s’appuyant sur ses potentialités. Concrètement, l’accompagnateur se doit de stimuler
l’accompagné, lui donner ou redonner confiance, établir avec lui une relation
contractuelle, valoriser toute démarche qu’il réalise, l’aider à préciser son projet
personnel » (http://www.carrierologie.uqam.ca/volume09_1-2/07_paul/index.html)

Aussi accompagner ce n’est ni être en avant, ni être au-dessus ou encore prendre en


charge, et encore moins proposer nos propres solutions, accompagner c’est :
« Être avec et aller vers et des principes au nombre de trois. Le premier est que de la
mise en relation dépend la mise en chemin, le deuxième qu’il s’agit moins d’atteindre un
résultat que de s’orienter « vers » c’est-à-dire de choisir une direction et le troisième que
l’action (la marche, le pas, le cheminement) se règle sur autrui soit, aller où il » va et en
même temps que lui ce qui suppose de s’accorder à celui que l’on accompagne » (Paul,
2012, p.14).

Mais pourquoi l’apprentissage nécessite un accompagnement ?

« Parallèlement, c’est pour assurer le passage d’un modèle de la formation comme


transmission à celui de développement de compétences qu’une nouvelle posture a été
requise » (Paul, 2009, p.99)

Nous pouvons donc considérer que l’étudiant en formation est là dans l’objectif de
développer des compétences en vue d’une professionnalisation d’où ce besoin
d’accompagnement.

Accompagner renvoie donc à l’idée de cheminer avec l’autre. Il est cependant possible de
lui venir en aide lors de cet accompagnement sans pour autant faire à la place de l’autre. Il
s’agit plutôt de faire émerger ses capacités qui l’aideront à son développement.

«Le terme accompagnement renvoie ainsi à quatre idées. Tout d’abord, il renvoie à celle
de secondarité : celui qui accompagne est second, c’est-à-dire «suivant» (et non « suiveur
»). S’il n’a pas la primauté, il n’est pour autant pas accessoire puisqu’il n’y aurait
accompagnement sans ce binôme initial. Sa fonction est de soutenir au sens de valoriser
celui qui est accompagné. Le terme d’accompagnement renvoie ensuite à l’idée de

25
cheminement incluant un temps d’élaboration et des étapes qui composent la «mise en
chemin». En trois, vient l’idée d’un effet d’ensemble: quelle que soit la dissymétrie
relationnelle, l’action vise à impliquer les deux éléments à tous les stades de ce
cheminement. Enfin, c’est l’idée de transition, liée à une circonstance, une actualité, un
événement, une situation qui vient dire que tout accompagnement est temporaire: il a un
début, un développement et une fin. » (Paul, 2009, p.96)

L’accompagnement ne peut se substituer à la démarche d’apprentissage de l’étudiant. En


effet, l’apprenant reste le seul acteur de sa formation et l’accompagnateur n’est là que pour
créer des conditions favorables à sa construction (Perrenoud, 2004).

Accompagner une personne dans un contexte pédagogique nécessite certaines valeurs


fondamentales : la congruence et l’empathie. En effet, selon lui, il est indispensable
d’accepter l’autre tel qu’il est, sans jugement de valeur, de saisir des réactions et ses
sentiments afin qu’il se sente compris (Rohard, 2008).

Les objectifs de l’accompagnement en IFSI sont dans un premier temps exposé dans le
projet pédagogique de l’institut. En effet, Les instituts de formations infirmiers se dotent
annuellement d’un projet pédagogique qui constitue l’outil de référence dans la façon de
décliner la formation. L’objectif de se projet est de formaliser la manière d’amener le futur
professionnel, à développer des valeurs professionnelles humaines, à devenir autonome et
responsable et à progresser dans son processus de professionnalisation. Il semble que le projet
pédagogique se rapporte au projet de formation :

«L’expression générique projet de formation appelle une triple distinction, tantôt le


projet est situé au niveau individuel du stagiaire adulte, tantôt il se rapporte au niveau
organisationnel de l’instance de formation qui met sur pied un dispositif de formation,
tantôt il vise le niveau du formateur à qui est confié la gestion d’une action de
formation. » (Boutinet, 2004, p.228)

L’accompagnement de l’étudiant est donc bien situé au centre d’une triade et ne peut être
réalisé sans la prise en compte de l’étudiant, de l’institution et du formateur. Le formateur
accompagne donc l’étudiant à poser lui même son propre projet à l’IFSI qui lui repose sur la
pédagogie du projet : « La pédagogie du projet constitue une pédagogie de l’appropriation
qui est assimilable au mode de travail pédagogique de type appropriatif centré sur l’insertion
sociale » (Boutinet, 2004, p.225)

26
L’accompagnateur ou le formateur permettra donc dans un premier temps a l’étudiant de
s’approprier le projet pédagogique, de poser son propre projet de formation puis de
l’accompagner à donner du sens.

« Accompagner les étudiants à donner du sens à leurs connaissances. Le travail


pédagogique à investir a pour objet l’éveil du moi à lui-même, à sa motivation, c'est-à-
dire à vivre le plaisir de son développement par l’acte de connaissance qui lui fait
accéder au sens des être et aux choses » (De la Garanderie, 2004 p.52)

Dans son article, Philippe Perrenoud reprend les propos de Lafortune et Deaudelin qui
entendent l’accompagnement comme : « un " accompagnement constructiviste "qui est une
véritable stratégie de formation » (2004, p.22-34).

L’objectif de cet accompagnement est donc de permettre à l’étudiant de développer ses


apprentissages et ses compétences dont l’objectif est, qu’il se professionnalise.

3.3 La professionnalisation

L’aboutissement de ces théories d’apprentissage est d’accéder au même objectif : celui de


la professionnalisation.

Dans l’ouvrage 500 mots-clefs pour l'éducation et la formation, l’origine du terme


professionnalisation vient de la sociologie dans les années 30 et définit selon Dubar et
Tripied :

« un processus historique par lequel une activité devient une profession par le fait qu’elle
se dote d’un cursus universitaire qui transforme des connaissances empiriques acquises par
expérience en savoirs scientifiques appris de façon académique et évalués de manière
formelle, sinon incontestable » (Danvers, 2003, p.463).

En pédagogie, ce terme est très actuel car il met en évidence l’adéquation, l’articulation
entre la formation et le monde professionnel (Wittorski, 2008). A la base c’est donc un terme
qui vise à professionnaliser un métier. Cependant selon Wittorski (2005), qui reprend
Bourdoncle: « S’agissant du mot professionnalisation, Bourdoncle (2000) distingue au moins
5 objets et sens :

- la professionnalisation de l’activité
27
- la professionnalisation du groupe exerçant l’activité

- la professionnalisation des personnes exerçant l’activité.

- la professionnalisation de la formation. » (p.16-17)

Nous nous concentrerons donc sur la professionnalisation des personnes exerçant


l’activité et la professionnalisation de la formation qui sont liés à notre thème de recherche.

3.3.1 Le professionnel

Dans un premier temps, il nous semble intéressant de définir la notion de professionnel.


Claude Dubar (2000) le définit en prenant l’exemple médical :

« 3 dimensions spécifiques du professionnel :

Un savoir pratique ou science appliquée qui articule une double compétence, celle
qui est fondée sur le savoir théorique acquis au cours d’une formation longue et celle
qui s’appuie sur la pratique, l’expérience d’une « relation bienveillante »
Une compétence spécialisée ou spécificité fonctionnelle qui se présente comme
une double capacité, celle qui repose sur la spécialisation technique de la compétence
et celle qui fonde son pouvoir social de prescription et de diagnostic dans une
« relation plus ou moins réciproque »
Un intérêt détaché caractéristique de la double attitude du « professionnel » qui
unit la norme de neutralité affective avec la valeur d’orientation vers autrui, d’intérêt
empathique. » (p.129).

Afin d’être professionnel et donc de se professionnaliser, il serait donc nécessaire


d’atteindre et d’acquérir capacités, attitudes et compétences.

Guy Leboterf (2007) définit le professionnel comme : « celui que l’on reconnait non
seulement au fait qu’il possède des ressources pour agir (connaissances, savoir-faire,
comportements professionnels) mais aussi parce qu’il agit avec pertinence et compétence. »
(p°66).

28
P. Zarifian (2001) attribue au professionnel le concept de responsabilité. Etre responsable
serait donc un « gage » de professionnalisme, il s’agirait donc d’assumer et de répondre de ses
actes dans le souci d’autrui.

Il est donc évident que le savoir ne suffit pas à être un « véritable » professionnel. La
notion d’acquisition de compétences étant l’objectif ultime. Il s’agirait donc de parler de
professionnel compétent tout en sachant, cependant, que la professionnalisation ne s’arrête
pas à la maitrise du métier : « Le professionnalisme ne doit pas être un état stable. Il est à
construire par l’expérience et les expériences accumulées. » (Le Boterf, 2010, p.59)

3.3.2 La compétence

Toujours selon GUY Le Boterf (2013), la compétence est « le fait de savoir combiner et
mobiliser un ensemble de ressources appropriées personnelles (connaissances, savoir-faire,
comportement…) et de support (base de données, collègues, experts, autres métiers…) et de
savoir mettre en œuvre une pratique professionnelle pertinente ».(P°21)

P. Jonnaert (2009), reprend la définition de Gillet chercheur formateur au Centre d'Etudes


Pédagogiques pour l'Expérimentation et le Conseil de Lyon : « système de connaissances
conceptuelles et procédurales organisées en schémas opératoires et qui permettent, à
l’intention d’une famille de situations, l’identification d’une tâche-problème et sa résolution
par une action efficace. » (p.32). La compétence est donc l’ensemble des ressources utilisées
pour prendre en charge efficacement une situation professionnelle.

Cette notion de compétence est aujourd’hui reprise par les instituts de formation et la
réingénierie des diplômes de santé, cela nécessite donc des dispositifs de formation en ce
sens.

Nous pouvons donc déterminer que le professionnel compétent est : « Un professionnel à


qui on peut faire confiance, doit non seulement savoir exécuter ce qui est prescrit, mais doit
savoir aller au-delà du prescrit. Cela implique notamment qu’il sache affronter l’évènement,
l’imprévu, l’inédit. » (Le Boterf, 2007, p°24)

29
Développer des compétences nécessiterait donc d’identifier des situations et de déterminer
les compétences attendues dans chacune d’entre elles : « la compétence est une intelligence
pratique des situations qui s’appuie sur des connaissances acquises et les transforme avec
d’autant plus de force que la diversité des situations augmentent. » (Zarifian, 2001, p.77).

Les auteurs s’accordent donc sur cette approche de la compétence : « Un professionnel


compétent se distingue par son intelligence des situations. » (Le Boterf, 2007, p°29).

3.3.3 La professionnalisation en formation

La professionnalisation est une donnée importante à ce jour et même une obligation. En


effet, la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au
dialogue social a mis en évidence les « périodes de professionnalisation » et les « contrats de
professionnalisation ».

Selon Guy Le Boterf (2007), la professionnalisation est « l’atteinte des objectifs au terme
d’un parcours » (p.65). Il estime aussi qu’il s’agit de « préparer à agir avec compétence dans
des situations professionnelles et non seulement faire acquérir des ressources » (p°65).

Les dispositifs de formation et les référentiels seront donc conçus au regard du


développement de la compétence. Les formateurs et les étudiants sont, quant à eux, les
acteurs de ce processus et ils ont chacun leur part de responsabilité.

Le formateur se doit d’apporter des outils et un accompagnement qui favorisera cette


professionnalisation. Toujours selon Guy Le Boterf (2007) « on ne peut forcer personne à
devenir acteur de son parcours de professionnalisation : ce qui peut être fait, c’est de réunir
un ensemble cohérent de conditions qui favoriseront cette posture » (p.65). Les conditions
favorables à ce développement se déclinent donc dans la relation pédagogique, dans le rôle de
chacun et les attentes de chacun.

Les parcours de professionnalisation ne sont plus, à ce jour, des parcours identiques à


chacun. En effet, les apprenants sont différents, dans leurs représentations, dans leurs rythmes
d’apprentissage et dans leurs démarches projet (Le Boterf, 2010). Il s’agit, cependant qu’il
développe une certaine autonomie dans les différentes situations d’apprentissage.

30
3.3.4 L’autonomie

L’étymologie du mot autonomie vient du Grec « autos » : par soi même et « nomos » :
loi, règle. Ce terme était principalement utilisé dans l’histoire pour parler d’un état et il
correspondait au fait de se gouverner selon ses propres lois.

Le dictionnaire Larousse propose une définition qui est : « Capacité de quelqu'un à


être autonome, à ne pas être dépendant d'autrui ; caractère de quelque chose qui fonctionne
ou évolue indépendamment d'autre chose ».

Cette autonomie en pédagogie peut se décliner sous différentes formes et à différents


degrés avec un objectif de contrôler, d’enrichir, de mobiliser ses connaissances et de
développer des capacités d’organisation et de gestion. (Caudron, 2001). D’autant qu’elle
semble être l’un des critères indispensable à la compétence : « L’autonomie est une condition
incontournable d’un déploiement de la compétence. » (Zarifian, 2001, p.41).

Il s’agit donc pour le formateur de tendre vers cette capacité puisqu’elle serait l’atteinte de
l’objectif de la formation, à savoir, la professionnalisation : « La visée de l’apprentissage est
bien l’autonomisation de la personne et l’engagement dans un processus d’interprétation
inachevable. » (Donnadieu, Genthon, Vial, 1998, p.116)

31
Synthèse

La pédagogie est la mise en œuvre des apprentissages, le savoir faire en pratiques


éducatives. Elle favorise la mise en mouvements des savoirs antérieurs et des nouveaux
savoirs en fonction des situations pédagogiques. Les différents courants pédagogiques nous
permettent d’identifier les processus de construction et de comprendre l’intérêt porté
actuellement au socioconstructivisme, qui vise la construction par les interactions sociales.
Cette pédagogie ne peut être possible sans relation entre les acteurs.

En effet, la relation pédagogique est une réciprocité d’échanges avec une certaine
considération de l’autre. Basée sur la notion de confiance partagée, la relation se doit d’être
adaptée en fonction des individus et différente en fonction du rapport de chacun à
l’apprentissage. Cependant, elle reste l’interaction de 3 éléments : la savoir, l’étudiant et
l’enseignant. Elle nécessite aussi une distance pédagogique qui permettra d’éviter le conflit
relationnel. Cette posture du formateur se veut d’être dans la disponibilité avec la mise en
œuvre des valeurs propres au formateur, les valeurs soignantes dans le cadre du formateur en
IFSI. Au regard de sa conception et de l’éthique, le formateur se questionne en permanence
sur « l’adapté » et le « non adapté » dans la relation pédagogique.

L’accompagnement de l’étudiant est donc la manière de créer du lien en prenant en


compte son processus de construction afin de s’adapter à son rythme dans le développement
de ses compétences. Ces compétences, qui d’ailleurs l’amèneront à une certaine autonomie
qui justifiera la fin de l’accompagnement et l’aboutissement du projet professionnel de
l’étudiant.

C’est donc dans ce processus de professionnalisation que l’étudiant développera les


capacités, les savoirs attendus à la compétence. En effet, la compétence semble être
l’indicateur privilégié de la professionnalisation. Elle est le reflet de la transformation des
connaissances en une forme d’intelligence de gestion des situations professionnelles. Il s’agit
donc, pour l’étudiant, de développer et d’acquérir l’autonomie nécessaire à un professionnel
débutant.

Suite à cette synthèse théorique, il semble intéressant de questionner la pratique du terrain,


c’est pourquoi je vous propose actuellement de revenir sur la méthodologie qui me permettra
d’interroger les acteurs pédagogiques de la formation en soins infirmiers.

32
4. Méthodologie de la recherche

Le cadre théorique étant posé, il me parait important de poursuivre ce travail avec une
analyse de données issue du terrain. Afin de mener une enquête et de pouvoir la confronter
aux données théoriques, un guide d’entretien a donc été élaboré au regard de la
problématique, de la question de recherche et des hypothèses qui sont :

Hypothèse 1 : Mettre en place une relation pédagogique individualisée permet la


professionnalisation de l’étudiant.

Hypothèse 2 : L’accompagnement de l’étudiant infirmier nécessite une posture


pédagogique adaptée du cadre de santé formateur.

4.1 L’objectif de la recherche

Durant notre expérience professionnelle, nous sommes confrontés à des situations, des
méthodes qui ne nous semblent pas toujours cohérentes et qui nous questionnent. Nous ne
prenons pas souvent le temps de les analyser de façon approfondie, ou de réfléchir à ce qu’il
est préférable de faire ou de ne pas faire. Ce travail de recherche est donc l’occasion de
s’arrêter un moment et de réfléchir à nos pratiques.

J’ai donc choisi un thème en lien direct avec des situations professionnelles que j’ai
vécues et que j’ai présentées dans ma problématisation. Il s’agit donc pour moi de prendre de
la hauteur et de la distance afin de réaliser une démarche réflexive avec l’accompagnement du
directeur de mémoire.

Mon objectif principal est de mieux appréhender mon futur rôle de cadre de santé
formateur et notamment la relation pédagogique dans l’accompagnement des étudiants d’où
ma question de recherche.

L’objectif des recueils de données est donc, d’éclairer et de confirmer ou non les
hypothèses : « Vient alors le dessein de l’enquête proprement dit, soit l’ensemble des
opérations par lesquelles les hypothèses vont être soumises à l’épreuve des faits et doit
permettre de répondre à l’objectif qu’on s’est fixé. » (Blanchet et Gotman, 2007, p.35)

33
Il s’agira, pour moi, d’interroger les professionnels sur les objectifs de la relation
pédagogique et de l’accompagnement. Il s’agira aussi de les interroger sur leur posture et de
vérifier leurs représentations de la professionnalisation. A travers, les propos recueillis, un
lien peut s’établir entre les auteurs et la réalité des pratiques professionnelles dans la relation
mise en place lors de l’accompagnement des étudiants dans leur professionnalisation.

4.2 Le choix de la démarche

Lors de la présentation de la méthodologie de recherche, il nous a été proposé deux


méthodes de recherche, la démarche hypothético-déductive et la démarche clinique. Après un
temps d’hésitation, je me suis orientée vers la démarche hypothético-déductive. Pour moi,
cette démarche permet de cibler et de se recentrer en permanence sur la question de recherche.

Elle est également plus concrète pour moi, ayant eu l’occasion, lors de mon expérience
professionnelle, d’accompagner les étudiants infirmiers dans leur propre initiation à la
recherche. Enfin, ce qui m’intéresse dans cette méthode, c’est son aspect qualitatif et la
richesse des informations que l’on obtient grâce aux matériaux produits lors des échanges.

4.3 Le choix et l’élaboration de l’outil

De façon à répondre à la démarche de recherche et d’avoir une approche qualitative, il me


semblait intéressant de réaliser des entretiens semi-directifs afin d’obtenir des données
verbales. En effet, ils permettent aux interrogés de répondre de façon spontanée à une série de
questions accompagnées ou non par des relances ou des reformulations. J’ai réalisé six
entretiens avec différents cadres de santé formateurs. J’ai donc élaboré mon guide d’entretien,
que j’ai fait valider par ma directrice de mémoire. Il a été réalisé à partir de ma question de
recherche et des hypothèses émises et orientées selon les thèmes et les notions abordés dans
le cadre théorique, à savoir : la relation pédagogique, la posture pédagogique,
l’accompagnement et la professionnalisation.

34
4.4 Le choix de la population

Il m’a fallu faire un choix pertinent de population à interviewer et selon A. Blanchet et A.


Gotman (2015), il s’agit de : « déterminer les acteurs dont on estime qu’ils sont en position de
produire des réponses aux questions que l’on se pose. » (p.47). Il m’a donc semblé, évident,
de pouvoir rencontrer des cadres de santé formateurs. Ces cadres sont issus de différents
instituts, cela ne s’est pas fait volontairement mais plutôt grâce à la proximité de certains
instituts et par l’intermédiaire de mon réseau professionnel. Six entretiens ont été réalisés
auprès de professionnels ayant une expérience différente en pédagogie puisqu’elle va de 8
mois à 37 ans. Cela me permettra d’évaluer si l’expérience à un impact dans
l’accompagnement et la relation pédagogique.

4.5 Le déroulement des entretiens

La prise de contact a principalement été par mail ou directement sur le terrain pour deux
des entretiens. Pour chaque entretien, une demande d’enregistrement a été faite et les
conditions d’anonymat ont été précisées. Au début de l’entretien, juste le thème du travail de
recherche a été énoncé. Il m’a semblé que le thème, de la pédagogie et de la relation
pédagogique, leur paraissait être un sujet vaste mais qui suscitait pour eux beaucoup d’intérêt.

Chaque rendez vous a été posé en fonction des disponibilités de chacun et ils se sont tous
déroulés au sein des bureaux respectifs des cadres de santé formateurs. Les entretiens ont duré
en moyenne entre 30 et 35 minutes.

Dans un premier temps, une question d’introduction reprenait la date de leur diplôme
infirmier, celle de leur diplôme de cadre de santé et le nombre d’années d’expérience en
pédagogie, ainsi que leur âge. Les différents thèmes ont été ensuite abordés dans le cadre du
guide d’entretien mais certaines réponses ont pu être anticipées au cours de l’entretien.

Lors du premier entretien, la présentation du thème a été trop détaillée à mon sens ce qui a
induit des réponses très ciblées en première intention. De plus, certaines questions ont été
reformulées par la suite, afin d’être plus précises dans la demande

35
4.6 Les limites de l’étude

Ce travail de recherche est l’occasion, lors de notre formation de cadre de santé, de


prendre du recul et de réfléchir à nos pratiques professionnelles. Cependant, le manque de
temps, ne nous permet pas d’approfondir certaines notions et de les explorer plus en
profondeur. Il me semble qu’un nombre plus important d’entretiens m’aurait permis de
confronter d’avantage le cadre théorique, les hypothèses mais le programme de l’Institut de
Formation des Cadres de Santé (IFCS) étant dense, il m’a été nécessaire de restreindre ma
recherche.

Pour autant, ce temps dédié à la réflexion nous aide pendant cette année de formation, à
développer des capacités de questionnement, d’analyse et de rigueur scientifique.

Une autre problématique a été de canaliser certains cadres de santé formateurs qui
partaient dans de multiples directions lors des échanges et il m’a parfois fallu les ramener sur
le sujet.

La méthodologie, maintenant présentée, il est temps de proposer l’analyse et


l’interprétation des données recueillies et de les confronter à la théorie précédemment étudiée.

36
5. Analyse et interprétation

Après avoir réalisé les six entretiens semi-directifs, il est temps maintenant de les
découper un par un et de les analyser au regard des concepts étudiés, les verbatims ont été
listés dans une grille d’analyse, construite par thèmes puis par sous thèmes. Il s’agira, par la
suite, d’en dégager une interprétation et d’être en capacité ou non d’invalider mes hypothèses
de départ. Les entretiens ont été retranscrits totalement et déposés en annexes, j’y ferai
référence tout au long de mon analyse en les nommant par une lettre de l’alphabet ainsi qu’en
citant le numéro des lignes afin qu’il soit plus facile de retrouver le verbatim dans les
entretiens.

5.1 La population de l’enquête

Age Sexe Lieu Date de Date de Années


d’exercice diplôme diplôme de d’expérience
professionnel d’infirmier(e) cadre de en pédagogie
santé
Entretien A 64 ans F IFSI 1975 1987 37 ans

Entretien B 52 ans M IFSI 1989 1996 20 ans

Entretien C 50 ans F IFSI 1991 2001 11 ans

Entretien D 49 ans M IFSI 1991 2005 8 mois

Entretien E 44 ans F IFSI 2007 2015 2 ans

Entretien F 43 ans F IFSI 1994 2014 5 ans

Les six professionnels de terrain interrogés lors de ce travail de recherche exercent tous en
institut de formation en soins infirmiers. Leur durée d’exercice varie de 37 ans à huit mois
pour le plus récent avec une moyenne de 12.6 années en pédagogie. Cette moyenne
correspond en majorité à la moyenne d’âge. La parité n’est pas respectée dans cette enquête
puisqu’il y a deux hommes pour six femmes, ce qui semble correspondre de manière générale
aux données démographiques du terrain.

37
5.2 La pédagogie

Il me semblait pertinent de débuter cette analyse avec les représentations de la pédagogie


des professionnels de terrain. En effet, la demande était d’exposer leur propre définition de la
pédagogie et d’identifier s’il la différenciait systématiquement de l’éducation.

Tout d’abord, il faut préciser que pour les trois cadres de santé formateurs qui exercent en
formation depuis cinq ans ou moins, cela a été plus difficile pour eux. Certaines hésitations
étaient évidentes et ils ont même eu pour certains, des difficultés à la définir : « euh, euh, on
va dire c’est une science, euh une science, euh comment dire, je ne sais pas » (ED, L 12-13).
« Euh, la pédagogie…ben pour moi euh, c’est…c’est compliqué ça… » (EF, L 11). Les autres
cadres formateurs la définissent comme étant la manière d’amener un apprenant, adulte, à
développer des compétences.

A propos de la différenciation entre pédagogie et éducation, quatre, des personnes


interrogées, la dissocient de façon spontanée mais, au fil de la réflexion, identifient des
facteurs d’éducation au sein de la pédagogie en IFSI. Ces similitudes sont principalement
liées à la notion de transmission de valeurs ou des règles sociales : « « l’éducation c’est
effectivement sur le champ du comportement en société, au sein d’un groupe, développer des
valeurs…bon, même si effectivement on peut parler aussi parler de valeurs dans la
pédagogie » (ED, L28-29-30).

En effet, le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales définit l’éducation


sous deux aspects : d’un point de vue de la formation il s’agit de : « Action de former et
d'enrichir l'esprit d'une personne. » et d’un point de vue comportemental : «Connaissance et
pratique des bonnes manières de la société ». Cette notion sociétale est effectivement reprise
par l’un des cadres de santé : « nous aussi on participe à leur éducation, on continue même
leur éducation quelque part » (EF, L42-43) et l’explique dans la transmission du savoir être :
« …de exemples précis…à travers leur comportement aussi euh…en stage, la politesse, le
respect des autres » (EF, L 56-57).

Il semble donc que les cadres de santé formateurs, considèrent que la pédagogie est
fondamentalement différente de l’éducation nationale mais que le processus même
d’éducation est au cœur du dispositif en pédagogie. Cela renvoie directement à la

38
différenciation faite par Durkheim (2012) et la mise en évidence d’un principe de continuité
de l’éducation contrairement à la pédagogie qui serait plutôt intermittente.

Dans le cadre de la formation de cadre de santé, j’ai eu l’occasion de réaliser un stage au


sein d’un établissement scolaire et il semble que les enseignants soient très attentifs à la
pédagogie et aux différentes approches afin de faire évoluer leur pratique. Il va de soit, que les
enseignants sont dans l’éducation au sens de transmissions de codes sociaux avec un objectif
du savoir vivre et évoluer ensemble. A mon sens, il semble que la démarche soit la même au
sein des IFSI, à la différence qu’il s’agit là de la transmissions des codes sociaux du travail au
regard des valeurs professionnelles.

Une fois le thème central définit par l’ensemble des acteurs, il est temps d’aborder la
première étape de ce travail d’analyse et de tenter de vérifier que la relation pédagogique
permet la professionnalisation de l’étudiant infirmier.

5.3 La relation pédagogique

La relation pédagogique est, prioritairement, comme son nom l’indique, une relation
humaine. D’ailleurs, cela est mis en avant par trois cadres de santé interrogés et mis en
corrélation avec la notion de communication : « Alors déjà dans relation pédagogique, il y a
relation. Donc si on reprend le terme de relation, une relation c’est une communication »
(EB, L42-43). Ce terme de communication est défini par un des cadres comme une mise en
lien entre deux individus : « relation donc, c’est bien une mise en lien de deux individus »
(EE, L 40).

Si trois des cadres interrogés débutent leur conception de la relation pédagogique avec une
approche de la relation humaine, deux précisent que c’est avant tout une relation
professionnelle entre un formateur et un apprenant : « c’est avant tout, une relation
professionnelle qui accompagne l’étudiant » (EA, L2), « c’est euh, tout ce qui se passe entre
un apprenant et un formateur » (EC, L32).

L’un, des interviewés, introduit, presque dés le départ, la notion de confiance. En effet, il
estime que le lien créé entre les 2 parties doit être emprunt d’une relation de confiance : « je
pense que oui, j’insisterai sur cette relation de confiance » (ED, L46). Ce lien de confiance a
d’ailleurs été repris par W. Hesbeen (1997) qui lorsqu’il parle de la relation, dit que : « tisser

39
des liens de confiance fondés sur le respect de la personne et qui permettent de cheminer avec
elle… » (p.99).

5.3.1 Une médiation

La relation pédagogique serait donc le moyen de cheminer avec l’étudiant dans ses
processus d’apprentissage. Trois des cadres abordent, d’ailleurs, la relation pédagogique
comme une médiation où le cadre serait un tiers qui facilite la circulation d'informations :
« une médiation pour amener l’étudiant à progresser, à évoluer, à prendre conscience » (EB,
L47-48). Ils utilisent d’ailleurs différents termes pour parler du rôle de médiateur :
« passeur » (EA, L127), « tuteur » (EB, L113) ou encore « régulateur » (EC, L36). Cette
médiation est donc bien la mise en place de moyens pédagogiques, de méthodes au profit du
développement des compétences de l’apprenant (Resweber, J.P., 2007)

Ce rôle de médiateur serait d’accompagner l’étudiant à évoluer, à se construire au travers


des savoirs dans l’objectif qu’il se professionnalise : « je suis là pour l’aider à grandir, à
progresser, à se professionnaliser…je ne suis que ce passeur, ce passeur de
professionnalisation » (EA, L 125-126-127). L’auteur B-M. Barth (2001) reprend d’ailleurs le
rôle de l’enseignant : « le rôle de l’enseignant…être le médiateur entre l’apprenant et le
savoir en situant l’apprentissage dans ses dimensions à la fois cognitives, affectives et
sociales. » (p.288).

5.3.2 Singularité de la relation

La quasi-totalité, des interviewés, s’accorde à dire que la relation doit être singulière et
individualisée : « les parcours individuels de professionnalisation sont toujours singuliers »
(EA, L116-117), ce phénomène étant du, au fait, que les étudiants ne progressent pas de la
même façon ni au même rythme : « sur le groupe d’étudiants que j’accompagne, je ne vais
pas les accompagner tout à fait de la même manière. Je sais qu’il y en a qui sont déjà très
autonomes » (EC, L207-208). La relation ne sera donc pas la même d’un étudiant à un autre,
elle devra donc être adaptée à chacun : « la relation pédagogique, elle sera différente selon
l’individu » (EE, L44-45).

40
L’individualisation de cette relation ne tient pas au simple fait que les étudiants ne
progressent pas au même rythme. En effet, chaque apprenant entre en formation avec une
expérience antérieure « la pédagogie doit prendre en compte l’expérience individuelle de
chacun » (EB, L 19-20), d’autre part cette expérience est emprunte d’acquis et de
connaissances : « ils arrivent pas tous avec les mêmes acquis » (EE, L70-71). P. Meirieu
(1989) reprend d’ailleurs cette notion d’individualisation et d’acquis antérieurs, il estime
même que : « Rien ne peut être acquis sans que l’apprenant l’articule avec ce qu’il sait déjà »
(p.134).

Pour l’ensemble des cadres parlant de singularité, afin d’individualiser la relation


pédagogique avec l’étudiant, il est donc indispensable que le formateur s’adapte à lui : « entre
un étudiant ou un autre, on va pas se positionner tout à fait de la même manière. C’est aussi
ça qui permet l’individualisation » (EC, L204-205). Un des formateurs interrogés, ajoute
même qu’au-delà du caractère individuel de l’étudiant, la population des étudiants infirmiers
est spécifique : « adapter nos méthodes à la population spécifique que sont les étudiants
infirmiers, des adultes …avec une certaine expérience » (EB, L17-18). Il évoque d’ailleurs, ce
que pourrait être la spécificité de l’individualisation des méthodes pédagogiques : « dans
l’idéal de personnalisation, de singularisation, on pourrait penser des structures d’éval qui
correspondent aux profils des étudiants » (EB, L160-161).

Il est donc important que le dispositif de formation soit dans la singularité et


l’individualisation : « il ne s’agit plus d’enseigner mais de former et de créer les conditions
d’un véritable apprentissage individualisé. Le formateur n’a pas à inventer, mais à choisir et
à adapter. » (Legrand, 2001, p.136).

Deux formateurs, quant à eux, évoquent la prise en charge des difficultés de l’étudiant
dans l’individualisation de la relation pédagogique : « cette relation, elle a cet objectif de
prendre en compte l’individu dans sa singularité avec ses difficultés, ses ressources, et réussir
à faire en sorte qu’on s’appuie sur son potentiel » (EB, L55-56-57). D’ailleurs l’un d’eux
ajoute que cela nécessite même une attention particulière : « être plus vigilant avec les gens
qui ont des problématiques » (EE, L74).

41
5.3.3 Le prendre soin

Lors des entretiens, presque toutes les personnes interrogées font du lien entre
accompagnement des étudiants et accompagnement des patients. D’ailleurs, la première
personne interrogée parle spontanément du prendre soin : « c’est indispensable d’être dans le
prendre soin » (EA, L64-65).

Il m’a donc semblé intéressant, dés le second entretien, de demander si la culture


soignante des formateurs avait une influence dans la relation pédagogique. A l’unanimité, les
six cadres de santé confirment cette influence : « La culture soignante a-t-elle une influence
dans la relation ? J’espère bien ! » (EB, L135), « oui je pense clairement que la culture
soignante est installée » (EE, L09-110) et vont tous mentionner être dans le prendre soin de
l’étudiant, au même titre que le patient : « oui tout à fait, c’est ça bien sur on est dans le
prendre soin » (ED, L97-98). Le prendre soin est défini par W. Hesbeen (1997) comme :
« cette attention portée à l’autre en vue de lui venir en aide » (p.29).

Un, des cadres de santé interrogés, pense même que prendre soin de l’étudiant induirait
son comportement en tant que professionnel : « Comment voulez vous qu’ils soient dans le
prendre soin des patients, si on n’est pas nous même dans le prendre des soins des
étudiants. » (EC, L 93-94-95). Cette corrélation est d’ailleurs reprise dans un article de
recherche en soins infirmiers (2011) rédigé par V. Favetta et B. Feuillebois-Martinez, sous
forme d’une citation de Poletti (1978) : « La relation entre l’infirmière enseignante et l’élève
est de toute importance car elle sert de modèle à l’élève ; cette relation compte beaucoup plus
que ce que peut dire l’enseignante à propos de la relation malade-infirmière ». Et, le prendre
soin se définirait en terme de bienveillance envers l’apprenant : « notre travail, c’est la
bienveillance, prendre soin des étudiant, prendre soin de lui dans sa construction, dans ses
difficultés » (EB, L138-139).

La bienveillance et le prendre soin semblent donc être indispensables et pratiqués


instinctivement par les formateurs, en lien avec leur culture du soin. Cela nous renvoie
directement aux propos de C. Rogers repris par Rohart (2008) qui considère que la relation est
le fruit d’une confiance partagée et d’un respect mutuel.

Cependant, sur six personnes interrogées, un seul formateur abordera les limites de ce
prendre soin : « par contre, tout en étant dans le prendre soin, on ne soigne pas les

42
étudiants » (EF, L91). Ce cadre estime donc qu’il s’agit de dissocier « prendre soin » et
« soigner » dans la relation pédagogique. Un autre formateur, même s’il ne le formule pas de
la même façon, semble penser, lui aussi, en ce sens lorsqu’il aborde la problématique d’un
étudiant qui laissait entendre le risque d’un passage à l’acte : « en tant que formateur, on se
dit : attends, je ne suis pas spécialiste de ça » (EC, L246). Il ajoute à cela le fait d’orienter
l’étudiant vers des personnes susceptibles de le soigner : « donc, là il faut savoir passer le
relais, parce que là c’était vraiment d’autres problématiques » (EC, L 249-250).

5.3.4 Un contrat pédagogique

Le contrat pédagogique fait l’objet de plusieurs définitions en pédagogie. J. Colomb


(2001) le définit comme : « l’ensemble des règles qui fondent la loi régissant les rapports
dans le champ pédagogique et situant du même coup le maître dans sont rôle d’enseignant et
l’élève dans son rôle d’enseigné » (p.40). Un, des formateurs interrogés, reprend d’ailleurs ce
type de définition : « il faut être clair là-dessus, être clair sur le contrat c'est-à-dire que voilà
on est là pour les accompagner pour les aider…c’est le contrat que l’on passe avec eux »
(EE, L61-62-63). Ce contrat est donc l’engagement de l’apprenant et du formateur dans la
relation pédagogique : « le contrat pédagogique est important au niveau de l’engagement »
(EA, L7).

En plus d’être l’engagement des deux parties, il semble qu’il mette en lumières les
différentes règles établies dans cette relation : « quelqu’un qui a un contrat pédagogique, il a
vu les repères, les règles de l’institution » (EA, L7-8). D’ailleurs, un des interviewés, intègre
la notion de limites dans la notion de contrat pédagogique :

« Le premier rendez vous, moi je me mets toujours d’accord avec l’étudiant…c’est


important ce temps là, et c’est bien parce que l’on est d’adulte à adulte, c’est un contrat !
Il faut aussi dire ses propres limites et comme les choses sont énoncées, c’est plus facile
après » (EC, L262 à 264).

Hervé Caudron (2001) reprend la notion de contrat dans son ouvrage dédié à l’autonomie
de l’apprenant : « la notion de contrat suppose une libre négociation entre deux parties
également éclairées, qui acceptent, parce qu’elles sont conscientes des enjeux, des
obligations partagées et donc ainsi des concessions mutuelles. » (p.75).

43
Il s’agit donc bien d’une responsabilité acceptée par chacun et partagée, ce que reprend
l’un des cadres d’ailleurs : « les étudiants…c’est vraiment des gens pour qui j’ai à la fois une
responsabilité en terme de construction professionnelle et eux même ont cette responsabilité
donc on est sur une responsabilité partagée » (EB, L61-62-63). Je reviendrai sur cette notion
de responsabilité, un peu plus loin dans l’analyse.

La relation pédagogique, comme tout type de relation en général, est une relation
complexe où interviennent de nombreuses interactions. Cependant, la relation instaurée entre
le formateur et l’étudiant, est à mon sens le moteur de toute démarche pédagogique, de tout
apprentissage. Le formateur, ne serait autre qu’un intermédiaire entre les différents savoirs et
l’étudiant.

La culture soignante du formateur est une empreinte indélébile qui permet la


bienveillance de l’accompagnement. L’infirmière prend soin du patient, le cadre d’unité prend
soin de l’équipe et le formateur en soins infirmiers prend soin de l’étudiant dans son
développement et dans ses difficultés.

Les étudiants étant hétérogènes, il semble indispensable de prendre en compte leurs


différences dans la mise en place de cette relation pédagogique. Elle sera donc unique et
personnalisée à chacun d’entre eux.

Enfin, la relation pédagogique nécessite un engagement moral entre les deux parties :
formateurs et étudiants afin que chacun soit au clair sur les attendus mutuels et sur le rôle de
chacun dans le déroulé de la formation.

5.4 L’accompagnement

La relation entre le formateur et l’étudiant en soins infirmier s’inscrit dans un processus,


un cheminement pour lequel le formateur est un accompagnateur. Il m’a donc semblé
intéressant, lors des entretiens de revenir sur la représentation et la conception des formateurs
quant à la démarche d’accompagnement de l’étudiant.

44
5.4.1 L’accompagnement formel

La moitié, des formateurs interrogés, dissocie l’accompagnement formel de l’informel. Je


vais donc commencer par aborder l’accompagnement dit « formel ». L’ensemble des
formateurs font référence au suivi pédagogique lorsqu’il parle d’accompagnement formel :
« on a d’une part la programmation d’entretiens de suivi pédagogique. Nous, on les fait de
manière systématique à l’issu de chaque stage » (EC, L218-219). Un des formateurs ajoute
même que ces temps sont des outils utiles dans l’accompagnement de l’étudiant : « je repense
effectivement au suivi pédagogique, les collègues ont travaillé sur des outils qui nous
permettent d’avoir un maximum de renseignements » (ED, L120-121-122). En effet, la
législation et notamment l’annexe 3 de l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’état
d’infirmier, reprend le suivi pédagogique : « les étudiants…rencontrent leur formateur et
bénéficient d’entretiens de suivi pédagogique. Ces temps individuels sont guidés par les
formateurs qui vérifient si les étudiants sont en capacités d’utiliser ces temps en autonomie ou
ont besoins d’un encadrement de proximité. ».

Un des formateurs évoque la notion de « guider l’étudiant » mais en précisant le fait que
l’acteur est bien l’étudiant et non le formateur : « il faut le guider mais pas choisir à sa place.
Guider l’autre c’est bien l’accompagner sur le chemin de la professionnalisation » (EA, L63-
64). M. Paul (2012) précise même que : « Il s’agit moins de « mettre quelqu’un en
mouvement» que de s’accorder au mouvement qui est le sien » (p.14). Un autre interrogé
complète cette approche en incluant les capacités d’écoute et de conseil du formateur :
« l’accompagnement, c’est rester à l’écoute, c’est guider, c’est conseiller » (ED, L117-118).

Les quatre autres cadres de santé définissent l’accompagnement formel comme étant le
moment d’effectuer un bilan avec l’étudiant sur le déroulé de sa formation : « c’est de savoir
où en est l’étudiant » (EB, L151) et de faire le point sur l’acquisition des compétences : « ça
c’est des temps qui sont programmés, c’est assez formalisé en programmation…traçabilité
dans l’évolution des compétences mais là c’est très institutionnel, très réglementaire» (EC,
L221-224). L’évaluation des compétences serait donc un temps « prescrit » et règlementé :
« Alors, il y a tout ce qui administratif, législatif…on est là avec eux pour évaluer leur niveau
de compétence… donc ça c’est l’accompagnement pédagogique pure, institutionnelle» (EE,
L35 à 39).

45
Il y aurait donc de la pédagogie et de l’accompagnement formalisés et un
accompagnement informel : « on peut parler pédagogie pure, c'est-à-dire acquisition de
compétences, son parcours de stage » (EF, L77-78). Cela suppose que l’accompagnement soit
une notion institutionnelle : « L'institution donne l'autorité pour accompagner, en même
temps qu'elle fixe le cadre, les références et les médiations » (Le Bouëdec, Du Crest, Pasquier
& Stahl, 2001, p.159).

Ce temps formalisé, servirait donc à faire un état des lieux du parcours de l’étudiant :
« c’est de faire le point sur vers où il doit aller » (EB, L153). Selon Le Boterf (2007) ces
étapes sont donc, indispensables : « Dans toute navigation, faire le point est une opération
nécessaire et périodique. Il convient de la réaliser non seulement au début mais en cours
d’itinéraire. Il est essentiel de pouvoir enrichir ou infléchir le parcours » (p.132).

L’une des personnes, interrogées, précise que c’est aussi le moment d’identifier des
difficultés et de les mettre en évidence : « c’est d’alerter, c’est de comprendre les résultats
qui peuvent être insuffisants » (EB, L156-157) et cela, dans l’objectif de pouvoir y remédier :
« assez rapidement sur les temps de suivi pédagogique, on échange sur les stratégies : qu’est
ce que l’étudiant met en place ? » (EB, L173-174). Le rôle du formateur étant éventuellement
de lui proposer des axes d’amélioration : « on peut éventuellement mettre en place des
objectifs institutionnels » (EE, L81-82).

5.4.2 L’accompagnement informel

Au-delà de l’accompagnement institutionnel de l’étudiant, la moitié des formateurs


interrogés, précise qu’il existe un aspect informel dans l’accompagnement et dans l’aide
apportée : « nos rencontres avec les étudiants…lors des suivis pédagogiques ou bien dans les
couloirs tout bonnement, que ce soit des entretiens formels ou informels » (EF, L67-68-69).
L’un deux, pense même qu’il s’agit de l’essentiel des échanges avec l’étudiant : « et puis on a
beaucoup d’échanges informels, je pense d’ailleurs que je passe plus de temps en informel
qu’en formel » (EC, L230-231-232).

D’ailleurs, ce même formateur ajoute qu’il tente de faciliter ces échanges et notamment en
laissant la porte de son bureau ouverte : « Nos portes de bureau sont ouvertes…c’est vraiment
une invitation et les étudiants savent qu’ils peuvent venir pour ce qui les préoccupe » (EC, L
232-235-236). C. Boudier (2012) revient dans son ouvrage sur le bureau du formateur qui est
46
à la fois un endroit personnalisé et un espace de rencontre et d’échanges. Il est, selon elle, le
lieu où peuvent se tenir des discussions d’ordre professionnelles ou privées entre collègues
ou encore avec les étudiants s’ils en éprouvent le besoin : « si un étudiant va mal, il viendra
au bureau des formateurs et sera reçu en individuel ou en collégialité, selon les
circonstances. » (p.135)

En effet, il semble que ces temps informels soient très souvent des moments d’échange où
le thème est plutôt d’ordre personnel : « des fois, ils nous font des confidences » (EF, l73).
Dans ce cas, il est nécessaire de déterminer la notion de confidentialité de l’entretien :
« quand je suis réceptrice de confidences, de choses comme ça, là je me mets d’accord avec
l’étudiant que non je ne prends aucune note, je ne laisse pas de trace parce que ça relève de
l’intime » (EC, L269-270-271). Une des formatrices, explique que l’étudiant vient se confier
au formateur parce qu’il a développé avec lui une relation de confiance : « il y a une relation
de confiance qui se crée forcément donc les choses font qu’ils se confient » (EF, L86-87). De
plus, toujours selon l’ouvrage de C. Boudier (2012) qui reprend les propos d’un cadre de santé
formateur : « je pense que nos jeunes sont de plus en plus fragiles. (p.166)

La difficulté, dans ce cas est la réponse du formateur mais, il semblerait qu’elle ne soit pas
toujours nécessaire : « je leur dit, vous pouvez venir ne serait ce que pour vider votre sac et
une fois qu’il est vidé : point barre » (EC, L266-267), et, « des fois, on ne fait pas plus, on
écoute et après ils vont mieux » (EC, L267). Mais ces situations peuvent poser problème aux
formateurs en terme de positionnement : « des fois, ils viennent nous voir : vous en pensez
quoi ? Et là on sort de notre rôle, enfin ils nous sortent de notre rôle de formateur » (EC, L
213-214-215). Cependant, un autre formateur précise que : « attention, on n’est pas des
psychologues » (EE, L79-80).

Cette remarque qui sous-entend le fait de savoir passer la main lorsque la situation n’est
plus du ressort du formateur m’amène donc à aborder un autre aspect de l’accompagnement,
qui serait, le travail en collaboration.

5.4.3 La collaboration dans l’accompagnement

Quatre cadres de santé formateur s’accordent à dire que l’accompagnement des étudiants
n’est pas l’affaire d’une seule et même personne : « il n’y a pas que les formateurs qui font de

47
la pédagogie » (EF, L18). Il semble que l’accompagnement soit synonyme de coopération :
« on doit travailler en collaboration » (EE, L89-90).

Cela est d’autant plus vrai, dans une formation telle que celle en soins infirmiers puisque
c’est une formation par alternance. L’alternance dans la formation infirmière est définie dans
l’annexe 3 de l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’état d’infirmier : « le référentiel
de formation est construit par alternance entre des temps de formation théorique réalisés
dans les instituts de formation et des temps de formation clinique réalisés sur les lieux où sont
réalisées des activités de soins. ».

Trois des formateurs abordent d’ailleurs, lors des entretiens, cette accompagnement
pédagogique partagé : « Le formateur ne doit…pas penser que nous sommes les seuls à
accompagner, les tuteurs, les professionnels de proximité, les maitres de stage » (EA, L26-
27), « les formateurs font de la pédagogie ça c’est sur mais euh pas seulement, les tuteurs de
stages, les soignants de proximité » (EF, L21-22).

Cela nécessite donc, selon Chapuis et Kerouac (2011) d’entretenir des relations
privilégiées avec les terrains de stage : « l’alternance est d’autant plus performante que les
rapports avec les lieux de stages et les milieux de la pratique professionnelle sont non
seulement de bonne qualité mais également entretenus dans la durée. » (p.36). Un des
entretiens reprend d’ailleurs cette notion relationnelle et considère même qu’en son absence
l’accompagnement de l’étudiant serait difficile à mettre en œuvre : « je pense que si on n’a
pas de bonnes relations avec les terrains de stage, c’est difficile d’accompagner » (EE, L87).

La collaboration avec les terrains de stage est donc indispensable mais la coopération et la
coordination au sein même de l’équipe pédagogique le sont tout autant pour quatre
formateurs : « être capable de se mettre d’accord sur comment on accompagne les étudiants »
(EE, L136-137) et l’un d’eux d’ajouter que cela permet d’offrir un accompagnement de même
qualité aux étudiants « on se met d’accord sur, quels objectifs on a l’intention de se mettre
d’accord pour éviter l’iniquité entre les apprenants » (EC, L202-203).

Ce travail en équipe permet donc l’échange entre collègues et peut, selon une des
formatrices, la plus récemment arrivée en IFSI d’ailleurs, permettre de demander des
conseils : « C’est-à-dire que moi je suis jeune formateur, si j’ai des objectifs institutionnels à
poser à un étudiant je vais aller voir un formateur qui a plus d’expérience que moi en
pédagogie… et il pourra m’orienter dans la manière de faire. » (EE, L96-97-98).

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Il est donc possible de se questionner sur le concept d’expérience dans l’exercice de la
profession de cadre de santé formateur. C. Boudier (2012), elle aussi évoque
l’accompagnement du jeune formateur par un pair plus expérimenté : « Dans un même
espace, plusieurs personnes ayant des expériences extrêmement différentes de la formation
cohabitent donc. Cela suscite des discussions…les « expérimentés » pouvant prodiguer des
conseils aux « nouveaux ». » (p.135). D’ailleurs, l’un des formateurs interrogés, fait lui aussi
référence à l’intérêt de l’expérience en abordant la relation pédagogique : « en fonction de
notre conception, ouais, on n’a pas la même relation pédagogique. Ça ouais je pense et euh
cette relation, je pense qu’elle évolue aussi en fonction de l’expérience. » (EC, L52-53)

Il en est de même, lorsque l’étudiant présente des difficultés qui sont difficiles à gérer, le
fait de travailler en équipe pédagogique permet d’échanger sur la problématique et d’avoir un
autre regard sur la manière de gérer la situation : « quand c’est difficile, l’important c’est d’en
parler, nous sommes une équipe pédagogique » (EA, L117-118).

5.5 La posture du formateur

Etablir une relation avec l’étudiant et veiller à ce que cette relation soit réellement
pédagogique au sein de l’accompagnement, nécessite que le formateur ait une posture
adaptée, un positionnement pédagogique. Lors des entretiens, mon questionnement s’est donc
porté sur cette posture et j’ai souhaité recueillir la vision des différents cadres de santé
formateurs.

M. Paul (2012) définit la posture comme : «La posture, en effet, désigne une manière
d’être en relation à autrui dans un espace et à un moment donné. C’est une attitude « de
corps et d’esprit ». (p.15)

La question se pose donc sur la façon dont le formateur conçoit sa posture dans la relation
pédagogique et dans l’accompagnement. Les six formateurs interrogés ont évoqué différents
éléments que j’ai repris sous forme de thèmes.

49
5.5.1 Une distance pédagogique

Lorsqu’il s’agit de parler de positionnement, l’ensemble des interviewés, fait référence à


la distance et selon leurs approches, à la juste distance. P. Meirieu (1989) l’aborde dans son
ouvrage comme étant la réadaptation permanente de la position de l’enseignant : « Ainsi va
l’enseignant, naviguant le plus souvent à vue, réinjectant la distance quand la proximité
compromet la dénivellation, se rapprochant d’autrui quand son statut et son savoir menacent
de l’en trop écarter. » (p.95).

L’un des formateurs, pense que la position du formateur doit refléter une posture
professionnelle : « on se doit je pense d’avoir une attitude très professionnelle » (ED, L68-
69). Le risque serait donc, de créer des relations qui seraient plutôt de l’ordre de l’affectif,
chose que réfute spontanément trois cadres : « ce n’est en aucun cas une relation qui se
voudrait fusionnelle, ni trop personnelle » (EA, L5). Deux d’entre eux précisent d’ailleurs
qu’en aucun cas, la posture est amicale : « pour moi, les étudiants ce ne sont pas des amis, ce
ne sont pas des copains » (EB, L60-61), « on n’est pas copains copines, on est formateurs,
étudiants » (EF, L99), même si le formateur ne s’en trouve pas apprécié des étudiants : « on
ne peut pas être aimé de tout le monde » (EF, L89).

Le rôle du cadre de santé formateur, même s’il peut créer des liens avec certains
étudiants : « on a des liens qui se créent avec certains étudiants et pas avec d’autres » (EE,
L43-44), ne doit pas dépasser sa fonction de pédagogue : « il faut faire très attention à ne pas
dépasser notre rôle » (EE, L81-82) ni même la surestimer : « le formateur ne doit pas être
dans la toute puissance » (EA, L25).

La posture serait donc bien en lien avec le statut, la place occupée dans l’institution : « il
est formateur…il représente l’institution » (EE, L58-59). Cela dit, il ne s’agit pas de ne pas
faire preuve d’empathie envers l’étudiant : « comprendre l’autre dans ses besoins, se mettre à
distance » (EA, L62), ni même ne pas être à l’écoute, même si selon un formateur il arrive
que des émotions prennent le dessus : « Encore une fois, on est des êtres humains et donc
forcément quelque part, des fois les émotions viennent parasiter euh la relation ou parasiter
l’objectif de cette relation ou comment…parasiter la distance dont on parlait tout à l’heure»
(EF, L144-146).

50
Il s’agit donc selon C. Boudier (2012) de : « régulièrement réajuster ses attitudes,
comportements et discours afin de maintenir une relation efficace » (p.163) et de préciser
que l’expérience et la maturation permet d’obtenir cet équilibre. D’ailleurs, un des interrogés
revient lui aussi sur cette notion :

« Et euh cette relation, je pense qu’elle évolue aussi, en fonction de l’expérience. Je me


rends compte, voilà euh il y a pas photo, comment j’étais avec les étudiants au tout début
quand j’ai commencé, il y a presque 11 ans et à aujourd’hui » (EC, L53-55).

5.5.2 Des valeurs

Au-delà de la juste distance nécessaire dans la relation pédagogique, il n’empêche que


l’authenticité du formateur est palpable en terme de posture : « tel est le paradoxe de la
relation éducative ; …très lointain…témoigner de son extrême proximité, laisser percer
l’émotion partagée, l’inquiétude ou la peur, le signe tangible de son humanité » (P. Meirieu,
1989, p.94).

L’ensemble des formateurs interrogés, abordent les valeurs lorsqu’ils parlent de la posture
pédagogique du formateur. Cette manière de se positionner est d’ailleurs prescrite dans
l’annexe 3 de l’arrêté du 31 juillet 2009 : « Les modalités pédagogiques…Elles s’appuient sur
des valeurs humanistes ouvertes à la diversité des situations vécues par les personnes. »
(p.45). Un des cadres parle bien d’ailleurs de relation humaine : « nous sommes des êtres
humains en relation avec d’autres êtres humains » (EF, L63).

L’ensemble des entretiens révèlent un nombre important de valeurs qui même si elles
peuvent être qualifiées de personnelles sont aussi des valeurs professionnelles puisque
partagées par tous. L’un des formateurs aborde la notion de valeur, en utilisant le « nous »,
signe d’appartenance a un groupe qui les partage : « ce sont nos valeurs, nous en tant qu’être
humain, que soignant et que formateur et on est très attentif à l’autre» (EF, L84-85). Un des
cadres, ajoute que les valeurs peuvent être différentes entre formateurs et étudiants : « ils ont
leurs valeurs et nous on a les nôtres » (EE, L65).

Le terme « bienveillance » est utilisé par cinq interviewés sur six. La bienveillance est
définie, selon le dictionnaire des concepts en soins infirmiers comme : « Disposition
favorable de la volonté d’une personne envers une autre, ou un groupe. Cette attitude se

51
manifeste par une écoute active et demande une tolérance, un réel intérêt de la personne et la
capacité de non jugement. ». Plusieurs autres valeurs sont énoncées lors des entretiens et sont
principalement citées dans le contexte de la relation pédagogique : « La relation doit être
emprunte de bienveillance, de respect » (EA, L56-57) et un autre d’ajouter en parlant du
formateur : « Il doit être…équitable…vraiment honnête » (EE, L62-63).

La posture du formateur serait donc emprunte des valeurs fortes, principalement des
valeurs soignantes que le formateur va d’ailleurs tenter de transmettre aux étudiants : à la
question de savoir si la culture soignante avait une incidence sur la posture du formateur : «ah
oui…je me considère même assez imprégné…ça fait parti des valeurs que j’essaie de leur
transmettre » (ED, L93-94). La culture soignante est donc de nouveau mise en avant, ce que
d’ailleurs, M. Paul (2012) précise elle aussi en invoquant le fait que l’accompagnement ne
soit pas un métier à part entière mais bien la posture d’un professionnel de santé qui guide une
personne dans sa dimension humaine : « Pour les professionnels, la personne est conçue
avant tout dans sa dimension humaine, existentielle, avec la vulnérabilité qui caractérise la
condition humaine » (p.16).

5.5.3 Une posture d’évaluateur

L’évaluation, semble être elle aussi dépendante de la posture en ce sens que :


« L’évaluation n’est pas une technique mais une attitude, parce qu’elle est le rapport des
personnes professionnelles aux valeurs. » (Donnadieu, Genthon, Vial, 1998, p.101).

Le formateur adopte donc une posture bienveillante face aux étudiants, mais aussi une
posture d’évaluateur, ce qu’abordent quatre des six personnes interrogées et qui précisent
qu’il s’agit d’un passage obligé dans le développement de la professionnalisation : « à un
moment donné, dans ma fonction, j’ai l’obligation d’identifier les acquis ou pas dans le cadre
notamment de l’évaluation » (EB, L 63-64). Il semble bon de repréciser l’objectif de
l’évaluation qui, selon Y. Abernot (2001), est : « un miroir tenu par un enseignant dans des
angles variables ; sa fonction première est de donner une image de leurs performances aux
élèves, autrement dit, de donner une information en retour, supposée aider l’élève à
progresser » (p.236).

Effectivement, il s’agit de faire un point, un bilan sur la progression de l’étudiant mais il


s’agit aussi pour certains formateurs de « tirer la sonnette d’alarme » : « il faut aussi savoir se
52
positionner face à un apprenant pour lui dire stop tu déconnes » (EC, L102-103), d’autant
que l’avancée de la formation dépend des évaluations prescrites et normatives : « il y a des
unités d’enseignement à valider ben ils ont pas le choix » (ED, L144-145).

Un, des formateurs, précise qu’il faut savoir donner du sens aux résultats, les comprendre
afin de parfois les réajuster, ce que B. Donnadieu, M. Genthon et M. Vial (1998) mettent
aussi en évidence dans leur ouvrage : « il existe aussi dans les pratiques d’évaluation, une
logique « formatrice » de promotion des possibles, d’aide au développement des potentiels ».
(p.102). Il serait donc « pédagogique » d’utiliser l’évaluation comme moyen de progression
dans le développement de compétence.

5.5.4 Un questionnement éthique

Quatre des cadres de santé formateur abordent la notion du questionnement


professionnel : « on doit se réinterroger, on doit tous se réinterroger » (EB, L213) En effet,
ils estiment que la pratique pédagogique doit être en permanence remise en question afin de la
parfaire : « c’est grâce à l’apprenant, aux situations qui questionnent que nous en tirons
bénéfices » (EA, L 135-136). L’un d’eux ajoute d’ailleurs qu’en l’absence de questionnement,
le formateur ne pourrait être dans un véritable accompagnement pédagogique : « celui qui ne
se questionne pas, qui refuse de se questionner, il faut mieux qu’il s’en aille sans ça, il peut
avoir une relation délétère » (EA, L137-138).

Les questionnements s’orientent dans les différents domaines pédagogiques, l’apprenant,


le dispositif, le formateur lui-même : « de quoi t’as besoin » (EE, L78), « qu’est ce que moi en
tant que formateur je peux t’apporter » (EE, L78-79). Il est vrai que ce sont autant de
questions qui permettent d’individualiser l’accompagnement, ce que confirme M. Paul
(2012) : « C’est une posture éthique, parce que nécessairement réflexive et critique. Elle
résulte d’un questionnement intransigeant : Pour qui je me prends ? Pour quoi je le prends ?
A quel type de relation je collabore » (p.16).

Le formateur se trouve donc face à de très nombreuses interrogations sur les stratégies
pédagogiques, sur les origines des échecs parfois : « alors, après on peut
s’interroger…l’échec est ce qu’il est le fait de l’étudiant ? Est ce qu’il est le fait du
dispositif ? Est ce qu’il est le fait de l’équipe pédagogique ? » (EB, L102-104) et cela
nécessite parfois des échanges en équipe : « on doit se réinterroger, on doit tous se
53
réinterroger » (EB, L213), « hier on se posait encore la question en réunion pédagogique »
(EE, L106). Avouer que l’on ne sait pas et s’interroger est, toujours pour M. Paul (2012)
digne d’une posture de professionnel : « Ne pas savoir ne veut pas dire prétendre l’ignorance
ou rester neutre. Le professionnel n’est pas un écran sans idée, sans opinion ou préjugé. Mais
il entre dans le jeu dialogique encourageant une recherche mutuelle du sens. » (p.16).

Enfin, C. Boudier (2012) ajoute à cette dimension que le questionnement professionnel est
aussi un questionnement sur ses pratiques donc avec nécessité de les mettre à jour :

« Face aux demandes des étudiants, face à l’évolution des techniques, un formateur
doit donc sans cesse se remettre en question, et ce d’autant plus que l’ancienneté dans
le métier éloigne de plus en plus de la réalité de la pratique infirmière. » (p.157).

5.6 La professionnalisation

Il me semblait important à la fin des entretiens de revenir sur la professionnalisation de


l’étudiant afin d’identifier si toutes ces données étaient en lien avec ce processus. J’ai donc
demandé aux cadres ce qu’était pour eux un professionnel et comment ils amenaient
l’étudiant à cette finalité de formation.

5.6.1 Une co-construction

Il semble évident pour l’ensemble des personnes interrogées que la


professionnalisation ne soit pas l’affaire d’une seule et même personne. L’apprenant semble
avoir besoin du formateur pour lui permettre de « l’amener à » : « mon boulot, c’est de mettre
en place l’ensemble des moyens du dispositif qui va vous permettre de devenir des
professionnels infirmiers » (EB, L90-91) et inversement l’étudiant doit être acteur de cette
professionnalisation : « c’est aussi un co-auteur de ses apprentissages…l’étudiant participe à
la co-construction de son parcours de formation » (EB, L71-73)

Les formateurs abordent quasiment tous le développement de compétences : « c’est


toute la manière en fait dont on permet à un apprenant, un étudiant d’acquérir des savoirs, au
sens très large du terme en vue de développer des compétences. » (EC, L13-15), compétences
qui d’ailleurs se développeraient par l’intermédiaire d’une pratique réflexive : « C’est leur

54
permettre d’analyser leur pratique…je leur dit toujours ne pas faire pour faire quoi et
toujours réfléchir un petit peu. » (EF, L130-131). Cette réflexivité est d’ailleurs une
« prescription » de l’annexe III de l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’état
d’infirmier : « l’entrainement réflexif est une exigence de la formation permettant aux
étudiants de comprendre la liaison entre savoirs et actions, donc d’intégrer les savoirs dans
une logique de construction de la compétence ».

Plusieurs auteurs ont aussi abordé cette théorie de la compétence, si l’on prend comme
exemple P. Zarifian (2001), il estime lui, que la compétence se développe au gré de
différentes confrontations à des situations et ce grâce aux connaissances acquises. Ces
connaissances seraient issues de ce qu’il appelle « le savoir social » : connaissances
transmises par la société et développées par la suite mais aussi par « l’intelligence pratique »
qui consiste à mobiliser ses compétences dans l’objectif de comprendre les situations. Cela
peut nous ramener au courant pédagogique développé par Vygotsky le socioconstructivisme
qui en effet favorise la co-construction de savoirs dans un contexte culturel et social.

5.6.2 Une responsabilité

Deux formateurs seulement (ceux qui ont l’expérience la plus longue en tant que
formateur d’IFSI), au cours de l’entretien, ont abordé la notion de responsabilité mais il me
paraissait important de l’aborder dans cette analyse. L’un deux l’aborde comme étant, une
responsabilité partagée : « les étudiants…c’est vraiment des gens pour qui j’ai à la fois une
responsabilité en terme de construction professionnelle et eux même ont cette responsabilité
donc on est sur une responsabilité partagé » (EB, L61-63).

Si l’on reprend la définition de P. Zarifian (2001) : « assumer une responsabilité, dans un


champ donné, c’est assurer un rôle dans l’organisation, et donc le jouer » (p.81). Il est donc,
en ce sens, plus aisé de comprendre la responsabilité partagé entre le cadre de santé qui a un
rôle d’accompagnateur dans l’institution et l’étudiant acteur de sa formation. Il semble qu’il
soit, pour l’un des interviewé, important de connaitre justement son champ de responsabilité :
« être formateur…c’est important de savoir quelles sont les zones de responsabilités » (EA, L
32-33).

Dans ce parcours de professionnalisation, chacun a donc sa propre responsabilité : « la


responsabilité d’apprendre appartient à l’apprenant. Personne ne peut apprendre à sa
55
place. » (Zimmermann-Asta, 2015, p.17), d’autant que le professionnel est défini comme tel
par l’un des formateurs : « Un professionnel, c’est quelqu’un qui a le sens des
responsabilités » (EA, L88)

5.6.3 L’autonomie

Au sujet de la profession infirmière C. Boudier (2012) écrit que : « le cadre général de


l’exercice professionnel s’est complexifié ; il repose désormais sur un champ de compétences
de plus en plus large, et prédomine le souhait d’accéder à une plus grande autonomie
professionnelle. » (p.75), D’ailleurs, lors des entretiens, à la question « comment amener les
étudiants à la professionnalisation ? », quatre personnes interrogées, abordent l’autonomie. Ils
considèrent que l’une des missions du formateur en IFSI est que l’étudiant soit autonome et
donc non dépendant du formateur et de l’institution : « l’idée à terme, c’est de permettre à
l’autre d’exister sans moi » (EB, L131-132), « on n’accompagne pas des étudiants pour
qu’ils soient dépendants de nous » (EC, L71).

Selon M. Paul (2009) : « tout accompagnement est temporaire : il a un début, un


développement et une fin. » (p.96). La fin de l’accompagnement de l’étudiant infirmier en
formation serait donc l’aboutissement à une autonomie professionnelle.

L’autonomie est, selon Zarifian (2001) : « une condition incontournable d’un déploiement
de la compétence » (p.41) alors faudrait il être autonome avant la formation pour se
professionnaliser ou cette formation induit l’autonomie pour une professionnalisation ? Selon
les formateurs, les avis peuvent paraitre divergents. En effet l’un d’eux précise
qu’accompagner l’étudiant à la professionnalisation : « c’est l’amener à être le plus autonome
possible » (EB, L140), ce qui sous entend une transformation progressive. Par contre, un autre
formateur énonce que l’étudiant doit être considérer comme une personne autonome en
formation : « c’est considérer l’autre comme ayant des compétences, des savoirs qui lui sont
propres, comme ayant une autonomie de réaction, une autonomie de penser » (EC, L 292-
293).

Il semble que, selon H. Caudron (2001), l’autonomie intellectuelle serait : « aimer et


savoir se poser des questions, contrôler une affirmation ou un résultat, s’informer, mobiliser
les connaissances acquises » (p.9). Cela nous renvoie à la réflexivité attendue de l’étudiant
infirmier ce que souligne d’ailleurs un formateur interrogé : « c’est l’aider à être autonome
56
dans des démarches réflexives » (EA, L 81). L’autonomie serait donc amenée à se développer
d’avantage en formation par l’intermédiaire de l’accompagnement du formateur, ceci sans
créer de dépendance : « l’idée à terme, c’est de permettre à l’autre d’exister sans moi » (EB,
L131-132).

5.6.4 Un processus

Tout d’abord, il semble important de définir le terme processus. Selon le Centre National
de Ressources Textuelles et Lexicales, il s’agit : « Suite continue de faits, de phénomènes
présentant une certaine unité ou une certaine régularité dans leur déroulement ». La
professionnalisation serait donc un ensemble d’étapes et ce dans une continuité. En effet,
quasiment tous les interrogés s’accordent à dire que la professionnalisation serait un processus
en mouvement permanent : « c’est un processus la professionnalisation, ce n’est pas quelque
chose de figée » (EB, L 216) et que cela irait bien au-delà de la formation en tant que telle :
« la professionnalisation, elle s’arrête pas à la formation…c’est tout au long de la vie de la
carrière» (EF, 136).

Les formateurs exprimant ce processus permanent de professionnalisation le justifient par


la mouvance et les évolutions du monde de la santé : « On est surtout sur des professions
euh…qui bougent beaucoup et je pense que la profession infirmière va dans les années à
venir…en tous les cas, la fonction, va sans doute énormément changer. » (EB, L222-224),
« Donc, au final, certes on peut être diplômé infirmier ce n’est pas pour autant que les choses
vont être statiques, figées. Il faudra continuer à se professionnaliser. » (EB, L227-228).

P. Maubant et T. Piot (2011) reprennent cette pensée mais préfèrent utiliser le terme de
développement plutôt que professionnalisation continue : « la notion de développement
professionnel devient un processus qui vient enrichir la notion un peu trop techniciste de
professionnalisation en prenant en compte les enjeux subjectifs et intersubjectifs qui
concernent les acteurs professionnels eux-mêmes.» (p.9).

D’ailleurs, Cette notion de développement professionnel continu est, depuis la loi HPST
(Loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la
santé et aux territoires), une obligation individuelle pour l’ensemble des professionnels de
santé afin d’améliorer les pratiques et la qualité des soins aux patients. Un des cadres de santé
interrogés aborde cela dans l’entretien : « on doit être capable de s’adapter à tout ce qui est
57
changement d’organisation, progrès médicaux, la mobilité il faut que le professionnel
puissent continuer à développer ses compétences et c’est le cas avec le DPC maintenant à
l’hôpital » (EE, L128-131).

5.6.5 Les difficultés

A la dernière question qui était de savoir quelles pouvaient être les difficultés rencontrées
lors de l’accompagnement, deux des interrogés parlent de posture du formateur qui semble
parfois difficile à adapter et particulièrement en début d’exercice : « je dirai un formateur qui
débute, qui est novice, il va quelques fois ancrer sa démarche d’accompagnement sur une
relation un peu plus affective parce qu’il aura besoin d’être reconnu, apprécié, un peu
aimé. » (EA, L127-130).

L’un deux aborde la posture trop transmissive et précise que : « les formateurs qui ne
seraient que dans cette posture là, à mon avis, ils ont du souci à se faire, parce que ce n’est
certainement pas ce genre de format qui va être pérennisé. » (EB, L259-260).

En effet, la transmission de savoir ne suffirait pas, il serait nécessaire de partir du sujet lui-
même dans les méthodes pédagogiques :

« Un sujet ne passe pas ainsi de l’ignorance au savoir, il va d’une représentation à une


autre, plus performant, qui dispose d’un pouvoir explicatif plus grand et lui permet de
mettre en œuvre un projet plus ambitieux qui lui-même, contribue à la structurer. »
(Meirieu, 1989, p.60).

Les autres cadres de santé sont en accord pour dire que l’une des difficultés majeures est
de dire à un étudiant que son avenir dans la formation est remise en cause : « c’est faire
entendre à un étudiant que ça va être difficile car on a parfois en face de nous des étudiants,
et ce n’est pas un jugement de valeur, qui ne sont pas en capacité de comprendre les
attendus » (EE, L138-140).

J. Berbaum (2001) rappelle qu’effectivement que les capacités d’apprentissages sont


essentielles à la réussite : « au-delà de cette réussite, la capacité d’apprentissage joue un rôle
déterminant dans la formation d’adultes à la recherche d’une nouvelle qualification, de
nouvelles compétences. » (p.325).

58
L’un d’eux précise qu’avec l’expérience, cela peut être moins compliqué à gérer : « c’est
toujours difficile de dire à un étudiant que ça va pas le faire…peut être que ça évolue avec
l’expérience, on utilise différemment les outils pédagogiques et du coup on maitrise peut être
mieux… » (EF, L 149-152), ce que C. Boudier (2012) identifie elle aussi : « il s’agit
d’acquérir une forme de distanciation…En effet, le formateur doit oser mettre une mauvaise
note et, ainsi, assumer son rôle qui consiste à évaluer le travail réalisé par l’étudiant. »
(P.163). Elle précise d’ailleurs que pour être le plus objectif possible, il est important de ne
pas trop s’investir au niveau relationnel, ce qui peut être le cas pour les formateurs en début
de carrière (Boudier, 2012).

59
6. Synthèse de l’analyse

Au terme de la description et de l’interprétation de ces entretiens, il convient maintenant


de les confronter aux hypothèses émises à partir de ma question de recherche qui est :

Quelle est l’influence de l’accompagnement pédagogique du formateur sur la


professionnalisation de l’étudiant en soins infirmiers ?

Et les hypothèses :

Mettre en place une relation pédagogique individualisée permet la professionnalisation


de l’étudiant.

L’accompagnement de l’étudiant infirmier nécessite une posture pédagogique adaptée


du cadre de santé formateur.

La pédagogie reste difficile à définir, malgré énormément de travaux de recherche et


elle semble l’être d’autant plus pour les formateurs récemment arrivés au sein des instituts en
soins infirmiers. Il en est de même pour les auteurs qui malgré tout s’accordent sur le fait que
ce soit prioritairement une réflexion sur un ensemble de méthodes qui permet la transmission
du savoir. Quant à la différencier de l’éducation, même si spontanément les formateurs
considèrent que cela est réellement différent, après réflexion, ils avouent avoir des missions
éducatives au sein de la formation infirmière.

Les formateurs et les auteurs s’accordent à dire que la relation pédagogique assure une
fonction de médiation entre l’apprenant et le développement de la compétence. Néanmoins, il
est indispensable de ne pas considérer l’apprenant uniquement comme l’un des éléments d’un
groupe totalement identique, mais bien une personne singulière. En effet, l’étudiant arrive en
formation avec ses représentations, son histoire de vie personnelle et professionnelle ce qui
justifie la mise en place d’une relation pédagogique individualisée. De plus, son rapport à
l’autre, au savoir et à soi-même seront autant de facteurs différents d’un individu à l’autre.

Cependant, cela ne semble pas être le seul élément de la relation pédagogique qui
permettrait la mise en place de conditions favorables à la professionnalisation de l’étudiant.
En effet, la relation pédagogique, même si le terme relation renvoie à une notion de lien,
d’union, il n’est pas question de relations personnelles dans cette situation.

60
La relation pédagogique serait, en plus d’être une relation interpersonnelle, un contrat
entre le formateur et l’étudiant, une mise en accord sur ce que chacun attend l’un de l’autre,
un engagement partagé vers la professionnalisation. Ce contrat sera l’outil de référence dans
une éventuelle gestion de conflits et permettra de ramener l’une et l’autre des parties aux
objectifs et buts fixés dans ce contrat : « il s’agit de préciser pour chacun des partenaires
jusqu’où il peut aller sans risquer d’agresser l’autre. » (Beauté, 2008, p.152).

En Institut de Formation en Soins Infirmiers, il reste un élément important quant à la


conception de cette relation pédagogique. En effet, le formateur n’est pas un professeur, il est
un soignant qui a développé des capacités et des compétences en pédagogie. Cette notion de
soignant est importante puisque l’ensemble des formateurs interrogés, revendique cette
culture soignante comme étant un atout dans la relation. Prendre soin de l’étudiant est une de
leur priorité et ils mettent en avant la bienveillance nécessaire tout comme C. Rogers
l’énonçait dans ses écrits (Rohard, 2008).

Il semble évident que la relation individualisée permette la professionnalisation de


l’étudiant pour autant, d’autres éléments tout aussi importants sont à prendre en compte.

La relation pédagogique semble être le « ciment » de l’accompagnement de l’étudiant


au cours de sa formation. Le formateur chemine avec l’étudiant dans son développement en
faisant des bilans de son parcours principalement lors des suivis pédagogiques. En aucun cas,
il ne doit faire à sa place, la formation étant le projet de l’étudiant dans lequel le formateur
décline un dispositif.

L’accompagnement de l’étudiant en soins infirmiers ne semble pas être la mission du


formateur à lui seul. De fait, la formation étant déclinée sous la forme d’une alternance, il est
le fruit d’une collaboration avec les professionnels de terrain : « en fin de compte, les
fonctions de cadre des services de soins et de formateur à l’égard des étudiants sont
complémentaires, chacun à sa manière, agissant sur la formation des futurs professionnels
infirmiers. » (Boudier, 2012, p.172).

De plus, le formateur n’est pas seul face à l’étudiant, il évolue au sein d’une équipe
pédagogique qui elle-même est une ressource dans la collaboration et d’autant plus en début
d’exercice semble t’il.

Parfois, il semble que cet accompagnement ne soit pas, uniquement, un


accompagnement formel ou formalisé, le formateur est, semble t’il, récepteur de confidences,

61
de la part des étudiants, qui sont d’ordre plus personnelles, ce qui engendre d’adapter sa
posture afin de ne pas dépasser sa fonction d’autant qu’il a aussi un rôle d’évaluateur.

La posture du cadre de santé formateur est donc un élément important dans la mise en
place d’une relation pédagogique et d’un accompagnement. En effet, le positionnement et la
distance doivent être professionnels sans être supérieurs, proximaux sans être amicaux. Le
formateur déclinera donc, sa posture au regard de ses valeurs et de son éthique de soignant
sans être « thérapeute » et en ne considérant pas l’étudiant comme un patient.

Il s’avère qu’il soit nécessaire que le formateur se questionne régulièrement sur son
attitude, en particulier lors d’incertitude d’autant qu’il revêt à certains moments de la
formation une posture d’évaluateur. Le questionnement et la réflexion portent sur l’ensemble
des décisions et des orientations pédagogiques afin de mettre en œuvre les meilleures
conditions à la professionnalisation de l’étudiant afin de « co-construire » son parcours.

Effectivement, la professionnalisation de l’étudiant n’est pas la responsabilité unique


du formateur. Même si le formateur est lui responsable de la mise en œuvre du dispositif,
l’étudiant, lui est amené à être acteur de sa formation et donc responsable de ses
apprentissages et du développement de ses compétences. Il prendra ses propres décisions et en
assumera éventuellement les conséquences ce qui l’amènera à une autonomie, étape
importante de sa professionnalisation.

Le formateur pourra alors, s’effacer de plus en plus, permettant à l’étudiant de


mobiliser ses acquis afin de favoriser sa réflexivité.

Ce parcours de formation n’est donc, qu’une étape de la professionnalisation qui est,


semble t’il, un processus non figé. L’objectif pour l’étudiant est de développer un ensemble
de compétences qui lui permettra de débuter l’exercice de son métier en tant que
professionnel. Cependant, la professionnalisation continuera au cours de sa carrière et
d’autant plus que l’évolution du système de santé est permanente : « Se professionnaliser
indique forcément un travail sur soi, quelque chose de l’ordre du processus. A la limite, on
pourrait dire que se professionnaliser, c’est toute la vie professionnelle qui le fait. »
(Donnadieu, Genthon, Vial, 1998, p.100)

Enfin, il s’avère que l’une des difficultés majeures de cet accompagnement est le fait
de « stopper » un étudiant au cours de sa formation soit par un manque d’investissement ou
une inaptitude. Le formateur même s’il n’a pas d’obligation de résultat, s’investit à ce que

62
l’étudiant qui entre en formation puisse aboutir à l’obtention de son diplôme. Il semble que
cela soit moins difficile en ayant acquis une certaine expérience professionnelle.

Les différentes étapes de ce travail de recherche permettent d’identifier qu’il n’est pas
possible de dissocier ces notions importantes que sont : la relation pédagogique, la posture,
l’accompagnement et la professionnalisation. Mes deux hypothèse de départ pourraient donc
n’en faire qu’une. En effet pour mener à bien une relation pédagogique, il va de soi que la
posture du formateur doit être adaptée, que la relation pédagogique est une « médiation » dans
l’accompagnement de l’étudiant dont l’objectif est de débuter son processus de
professionnalisation.

L’accompagnement de l’étudiant infirmier, lorsque le formateur adapte sa posture de


façon à mener une relation pédagogique dans la juste distance, favorise en effet, le
développement du processus de professionnalisation de l’étudiant.

63
Projection professionnelle et Conclusion

Conclure ce travail de recherche et d’analyse est difficile en ce sens où l’envie


d’approfondir est évidente au vu des éléments nouveaux survenus au cours des différentes
étapes. Le cheminement et l’accompagnement reçu, tout au long de notre formation, nous a
donc permis la production et la rédaction de ce travail qui, même s’il n’est pas parfait, reste
l’aboutissement d’une vraie réflexion et d’un investissement important pendant ces dix mois à
l’IFCS.

Mon questionnement s’est construit au départ sur une interrogation quant aux modalités
de mise en œuvre du suivi pédagogique individuel en Institut de Formation en Soins
Infirmiers.

Au fur et à mesure de mes lectures exploratoires, il m’est apparu qu’au-delà du suivi


pédagogique, il semble que ce soit la relation pédagogique qui me posait question, tout
comme à mes collègues, à l’époque.

Ce travail de compréhension, de théorisation et d’analyse m’a apporté beaucoup de


connaissances théoriques sur la pédagogie et m’a permis de comprendre pourquoi les
dispositifs de formation font l’objet d’un questionnement permanent. En effet, même si le
triangle pédagogique ne m’était pas inconnu, j’ai pu approfondir les mécanismes de la relation
entre les différents rapports au savoir, au formateur mais aussi à l’étudiant. J’ai ainsi pu
comprendre comment la posture du formateur différer qu’il s’agisse de « former »,
« apprendre » ou « enseigner » et que l’accompagnement n’était pas simplement une présence
au coté de l’étudiant mais bien toute la mise en œuvre d’un processus qui amène l’étudiant à
développer ses compétences et ce, dans un climat de confiance emprunt de valeurs
humanistes.

Le métier de cadre de santé est un métier d’interactions, il est confronté à des mutations
multiples que ce soit dans les structures de soins ou en formation. Le cadre accompagne les
équipes et les étudiants avec une identité ancrée dans le soin qui s’appuie sur des valeurs
humanistes.

Ce travail de recherche est donc susceptible d’être transposable dans la fonction du cadre
de santé en structure de soins. En effet, l’accompagnement et les parcours de
professionnalisation s’adressent aussi aux équipes de soins.
64
Sans vouloir penser que des solutions toutes faites existent, d’autant que mon analyse
n’est basée que sur six entretiens, des éléments de réponse à ma question de recherche me
sont tout de même apparus clairement.

La relation avec l’étudiant infirmier, afin qu’elle puisse être d’ordre pédagogique
nécessite que le formateur sache se positionner de façon professionnelle tout en étant
bienveillant. Elle sera individualisée à l’étudiant, celui-ci étant un être singulier avec ses
propres représentations, ses acquis antérieurs et son histoire de vie professionnelle et
personnelle.

L’accompagnement vers un processus de professionnalisation fait l’objet d’une co-


construction entre le formateur et l’étudiant et d’une collaboration avec les différents acteurs
intervenant dans la formation.

Cependant, la formation n’est qu’une étape dans ce processus de professionnalisation qui


ne fera que s’enrichir et se développer au fur et à mesure de l’exercice professionnel, le cadre
de santé formateur quant à lui étant un « médiateur ».

En tant que futur cadre de santé, ce travail m’a permis d’identifier des éléments importants
de la pédagogie et de la relation à mener face à l’étudiant. Cette année de prise de recul et
d’analyse de ma pratique a provoqué des changements importants qui m’ont permis de me
construire en tant que cadre de santé et ces nouvelles connaissances vont probablement
influencer ma pratique lors de mon retour en Institut de Formation en Soins Infirmiers.

En effet, je souhaite être un cadre de santé formateur qui accompagne l’étudiant de


manière professionnelle c'est-à-dire, avec un positionnement adapté et qui le guidera dans sa
construction sans faire à sa place. Il me parait important de mener cet accompagnement au
regard de mes valeurs professionnelles qui me sont chères : le respect, l’empathie, l’équité et
la rigueur. Je pense que, tout comme avant mon entrée à l’école des cadres, j’en attendrai tout
autant de l’étudiant, peut être même que je proposerai à mon institution la mise en œuvre d’un
contrat pédagogique lors des premiers suivis pédagogiques. Quant à mon questionnement de
départ où je me demandais si j’attendais de l’étudiant qu’il m’apprécie, si je devais le tutoyer,
il me semble évident à ce jour que je ne favoriserai pas de relation de type « amicale » et que
ma communication face à l’étudiant passera par le vouvoiement.

Je souhaite aussi continuer à travailler en collaboration avec l’équipe pédagogique,


d’autant qu’en début d’exercice, il est utile de recevoir les conseils avisés de ses collègues

65
plus anciens et peut être que par l’intermédiaire de cette recherche je pourrai moi aussi
apporter de nouvelles ouvertures au sein de l’équipe. Il est important de travailler en harmonie
avec les professionnels de terrain, ce pourquoi je n’hésiterai pas à me rendre sur les terrains de
stage dont je suis référente afin de maintenir ce lien essentiel dans le développement des
compétences de l’étudiant.

Enfin, j’ai pris conscience de l’importance d’être un professionnel de santé qui se


questionne, qui réfléchit et qui s’enrichit de lectures, d’échanges et de partages constructifs,
c’est pourquoi dans un futur travail de recherche, je pourrai explorer les nouveaux éléments
qui me sont apparus au décours de ce mémoire et que je n’ai pas eu le temps d’explorer.

Il est vrai que les allers, retours permanents entre la théorie et l’analyse n’ont cessé de
m’interroger d’avantage et si je devais continuer ce travail, mon questionnement s’orienterait
vers d’autres interrogations :

En quoi l’expérience professionnelle du cadre de santé formateur favorise la posture


pédagogique ?

Quelle est l’influence de la motivation de l’étudiant infirmier dans son processus de


professionnalisation ?

Ces deux questions d’ouverture vers d’autres doutes et questionnements sont issues de
mes différentes lectures et de l’analyse des entretiens réalisés.

De fait, plusieurs cadres de santé interrogés mettent en avant la notion d’expérience qui
permettrait, au fil du temps, d’asseoir son positionnement face à l’étudiant : « Il convient donc
d’adopter une posture particulière face aux étudiants. Elle s’apprend par l’expérience. »
(Boudier, 2012, p.163).

De plus, il semble que même si le cadre de santé formateur met tout en œuvre, en terme
de dispositif, pour accompagner l’étudiant, celui-ci reste l’acteur privilégié de sa formation et
son cheminement vers la professionnalisation est dépendant de sa motivation et de son envie
d’apprendre : « ce qui mobilise un élève, l’engage dans un apprentissage, lui permet d’en
assumer les difficultés, voire les épreuves, c’est le désir de savoir et la volonté de connaître. »
(Meirieu, 1989, p.86).

66
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DOCUMENTS

Projet pédagogique IFSI Granville 2014-2015. PDF

IFSI-SALON projet-pédagogique 2013-2018. PDF

LEGISLATION

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au dialogue social :
 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000613810

Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la
santé et aux territoires :
 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020879475&
categorieLien=id

Annexe 3 de l’Arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier :


 http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/arrete_du_31_juillet_2009.pdf

72
Table des matières

Introduction .......................................................................................................................... 1

1. La problématique ......................................................................................................... 3

1.1 Développement de la question de départ .............................................................. 3

1.2 Cheminement vers la problématique .................................................................... 5

2. Question de recherche et hypothèses ......................................................................... 14

3. Le cadre théorique ..................................................................................................... 15

3.1 La pédagogie ...................................................................................................... 15

3.1.1 Les courants pédagogiques .......................................................................... 16

3.1.2 La relation pédagogique ............................................................................... 18

3.1.3 La posture pédagogique ............................................................................... 22

3.1.4 L’éthique pédagogique ................................................................................. 23

3.2 L’accompagnement ............................................................................................ 24

3.3 La professionnalisation ...................................................................................... 27

3.3.1 Le professionnel ............................................................................................ 28

3.3.2 La compétence............................................................................................... 29

3.3.3 La professionnalisation en formation ......................................................... 30

3.3.4 L’autonomie .................................................................................................. 31

Synthèse ..................................................................................................................... 32

4. Méthodologie de la recherche .................................................................................... 33

4.1 L’objectif de la recherche ................................................................................... 33

4.2 Le choix de la démarche ..................................................................................... 34

4.3 Le choix et l’élaboration de l’outil ..................................................................... 34

4.4 Le choix de la population ................................................................................... 35

4.5 Le déroulement des entretiens ............................................................................ 35

4.6 Les limites de l’étude ......................................................................................... 36

5. Analyse et interprétation ............................................................................................ 37

73
5.1 La population de l’enquête ................................................................................. 37

5.2 La pédagogie ...................................................................................................... 38

5.3 La relation pédagogique ..................................................................................... 39

5.3.1 Une médiation................................................................................................. 40

5.3.2 Singularité de la relation ................................................................................. 40

5.3.3 Le prendre soin ............................................................................................... 42

5.3.4 Un contrat pédagogique .................................................................................. 43

5.4 L’accompagnement ............................................................................................ 44

5.4.1 L’accompagnement formel ............................................................................. 45

5.4.2 L’accompagnement informel .......................................................................... 46

5.4.3 La collaboration dans l’accompagnement ...................................................... 47

5.5 La posture du formateur ..................................................................................... 49

5.5.1 Une distance pédagogique .............................................................................. 50

5.5.2 Des valeurs ..................................................................................................... 51

5.5.3 Une posture d’évaluateur ................................................................................ 52

5.5.4 Un questionnement éthique ............................................................................ 53

5.6 La professionnalisation ...................................................................................... 54

5.6.1 Une co-construction ........................................................................................ 54

5.6.2 Une responsabilité .......................................................................................... 55

5.6.3 L’autonomie.................................................................................................... 56

5.6.4 Un processus ................................................................................................... 57

5.6.5 Les difficultés ................................................................................................. 58

6. Synthèse de l’analyse ................................................................................................. 60

Projection professionnelle et Conclusion ........................................................................... 64

Bibliographie ...................................................................................................................... 67

74
Mémoire réalisé en vue de l’obtention du diplôme de cadre de santé

Institut de Formation des Cadres de Santé


Centre Hospitalier Universitaire de Rennes

Titre du mémoire : L’accompagnement et la relation pédagogique : un enjeu dans la


professionnalisation de l’étudiant.

Auteur : Annabelle LEGOFF épouse BEAUQUESNE

Directeur de mémoire : Catherine PERRIN- Cadre de Santé à l’Institut de Formation en Soins


Infirmiers Centre Hospitalier Guillaume Régnier

Date de rédaction : mai 2016

Quelle est l’influence de l’accompagnement pédagogique du formateur sur la


professionnalisation de l’étudiant en soins infirmiers ? Cette question nous renvoie forcément
sur la relation pédagogique entre le formateur et l’étudiant.

Une enquête ainsi qu’une analyse auprès de cadres de santé formateurs mettent en
évidence la complexité de la pédagogie et de la relation pédagogique. La formation est une
étape importante dans le processus de professionnalisation de l’étudiant.

La fonction pédagogique du cadre de santé formateur est d’accompagner l’étudiant


dans sa construction en mettant en œuvre un dispositif et des méthodes pédagogiques de façon
bienveillante.

Mots clés : pédagogie, relation, accompagnement, posture, prendre soin, étudiant.

75

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