Pilier 2 Plan Maroc Vert

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Contribution

CIHEAM - IAM Bari


Coopération française
FAO - Groupe d'Adelboden - SARD - M
FIDA
IFPRI

Dépôt légal
2009 MO 1739
Réalisation : Nadacom Design
Impression : Imprimerie Bidaoui
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

TABLE DES MATIERES

Présentation.............................................................................................................................2

Discours d’ouverture..............................................................................................................9

I. Le Pilier II du Plan Maroc Vert, les petites exploitations et les montagnes et oasis :
contexte et enjeux.................................................................................................................13

1. Le Plan Maroc Vert et son Pilier II................................................................................13


2. Les montagnes, zones arides et oasis regroupent 80% de la population
agricole du pays...........................................................................................................14
3. La professionnalisation des petites exploitations et l’enjeu de la sortie
d’une économie agricole duale....................................................................................16
4. Le Pilier II : une nécessité, une opportunité et une exigence.......................................22

II. Lignes d’action pour la mise en œuvre du Pilier II et spécificités des agricultures
des montagnes et oasis........................................................................................................14

1. Miser sur la qualité des produits, des services et des terroirs et sur
la synergie avec le tourisme........................................................................................26
2. Professionnaliser et agréger la petite agriculture pour accéder au marché.................32
3. Gérer et valoriser les ressources naturelles pour une agriculture durable et plus
productive....................................................................................................................36
4. Inscrire la mise en œuvre du Pilier II dans des approches de développement
territorial et de terroirs..................................................................................................43

III. Réorganisation et mobilisation des moyens et politiques de soutien........................45

1. Faire évoluer et homogénéiser les approches pour généraliser les réussites.............45


2. Réorganiser la filière technologique et l’administration déconcentrée de
l’agriculture, mettre en place un Centre de Ressources pour le Pilier II......................50
3. Fixer des mécanismes de formulation et de mise en œuvre des projets
(territoires et exploitations)..........................................................................................59
4. Mettre en place des mécanismes de financement et un système d’information
efficaces pour le Pilier II...............................................................................................66
5. Enrichir les politiques agricoles et le « policy mix ».....................................................70

Conclusion.............................................................................................................................71

Annexes.................................................................................................................................73

Annexe 1 : Interventions des membres du Panel................................................................73


Annexe 2 : Programme........................................................................................................92
Annexe 3 : Liste des participants.........................................................................................94

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

PRÉSENTATION

Mohamed Aït Kadi


Président du Conseil Général du
Développement Agricole

Le 7ème Séminaire Institutionnel du Conseil Général du Développement Agricole, réuni les


25 et 26 novembre 2008 à Ifrane avec la participation d’une centaine d’experts, s’est proposé,
comme l’avait demandé Monsieur le Ministre de l’Agriculture, de formuler des propositions
sur le comment mettre en œuvre le Pilier II du Plan Maroc Vert, plus particulièrement dans
les montagnes et les oasis.

Les débats ont été introduits par le discours d’ouverture de Monsieur le Ministre de
l’Agriculture et par la Note de Cadrage du Conseil. Des contributions très riches ont
été apportées à ces débats, notamment par des Directeurs des Directions Provinciales de
l’Agriculture (DPA) et Offices Régionaux de Mise en Valeur Agricole (ORMVA), des
représentants de la FAO, du FIDA, de la Banque Mondiale, de l’IFPRI, de la Commission
européenne et du Conseil Général de l’Agriculture de France (CGAAER) avec lequel le
CGDA est jumelé. Le présent document rend compte de la synthèse qui a été faite sur la
base de ces nombreuses et fécondes contributions. Cette synthèse s’est efforcée de mettre
en évidence quelques constats de fond et de formuler des propositions ainsi qu’un agenda
pour un programme d’action.

La mise en oeuvre du Pilier II du Plan Maroc Vert est d’une importance stratégique pour
le pays. Elle doit pouvoir aider des centaines de milliers de paysans, particulièrement des
régions montagnardes et oasiennes, à accéder à l’économie marchande en développant
une forte valeur ajoutée tout en assurant une bonne gestion des ressources naturelles et en
réduisant la pauvreté. Cette mise en œuvre implique que l’on soit en mesure de relever six
défis majeurs:

• Valoriser l’agriculture (SAU) ainsi que toutes les ressources pastorales et végétales de
l’espace agraire naturel, (hors SAU), utilisé par les ruraux ;
• Valoriser les externalités dérivées des avantages comparatifs de l’agriculture (produits
de qualité, filières spécifiques, etc.) et des opportunités de diversification, hors
agriculture, des activités génératrices de revenus (écotourisme, énergies renouvelables,
nouvelles technologies déconcentrées, etc.);

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

• Assurer un service environnemental en donnant les moyens aux ruraux de gérer


durablement les ressources naturelles, celles-ci étant reconnues comme des «biens
publics» ;
• Anticiper l’adaptation au changement climatique et, en particulier, les modifications
probables de la géographie agricole à l’horizon de 2 -3 décennies ;
• Amplifier les politiques de développement rural pour améliorer le niveau de
développement humain des populations des aires marginalisées et réduire leur taux de
pauvreté ;
• Prendre en considération l’inévitable décharge d’un surplus de population dans les
grandes villes et, de préférence, dans les bourgs ruraux et les villes intermédiaires.
La synthèse des débats sur les réponses que l’on peut désormais envisager pour relever ces
défis peut être résumée en distinguant, d’une part, des lignes d’action, d’autre part, des
mesures et moyens de soutien.

1. Des réponses par un engagement fort dans trois grandes lignes d’action

• La valorisation des produits par la mise en place de petites unités de conditionnement


et de transformation et par de nouveaux canaux de commercialisation ;
• La gestion des ressources naturelles et de l’environnement et l’intensification des
systèmes de production par la responsabilisation des exploitations et des communautés
rurales ;
• La mise en œuvre proactive et raisonnée d’une politique de signes de qualité.

2. Des réponses par la réorganisation et la mobilisation des moyens et politiques de


soutien

• La mise en place de structures de proximité, dites front office, au contact des producteurs
et de leurs groupements ;
• La déconcentration raisonnée du Ministère de l’Agriculture pour donner aux DPA une
fonction de soutien opérationnel et stratégique, dite fonction de back office
• La promotion, en liaison avec les départements ministériels concernés, d’une approche
de développement territorial.
• Une amélioration des mécanismes de financement et la généralisation de la
contractualisation et des approches partenariales, notamment public privé.

Le contenu de ces réponses possibles est analysé dans ce document. Un résumé en est donné
dans la matrice ci-après.

La leçon politique que l’on peut tirer de ce travail collectif est certainement celle qui
concerne la place et le rôle crucial du Pilier II dans la stratégie globale qui est en train d’être
impulsée par le Plan Maroc Vert. Ce Pilier II, en effet, présente, à la fois des opportunités;
des exigences et un caractère de nécessité.

• Des opportunités d’une importance stratégique. Celles-ci pourraient, en effet,


redynamiser et améliorer les revenus de 600 000 à 800 000 exploitations situées dans
les zones les moins favorisées du pays, à savoir les montagnes, les oasis et les plaines

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

et plateaux du semi aride. Il en résulte de nouvelles priorités et une demande politique


forte pour une réorientation majeure des actions des pouvoirs publics et des acteurs.

• Des exigences car il faut définir de nouveaux modes d’action axés sur des projets
susceptibles d’être une composante de l’effort global de développement de l’agriculture
du pays tout en favorisant la mise en œuvre raisonnée du Pilier II. Celui-ci doit donc
s’articuler fonctionnellement avec le Pilier I du Plan Maroc Vert. Cette approche doit
faire oublier la division dualiste de l’agriculture marocaine et au contraire, valoriser
son unité dans le contexte d’une agriculture plurielle, solidaire, diversifiée selon les
territoires et communément soucieuse de son environnement.

• Un caractère de nécessité car les progrès réalisés dans le cadre du Pilier II du Plan
Maroc Vert conditionnent l’engagement de tout le pays dans un effort de développement
harmonieux. Dans un contexte immédiat de crise mondiale profonde et de perspectives
difficiles pour assurer la sécurité alimentaire et anticiper les risques du changement
climatique, l’agriculture marocaine doit réussir la transition forte qu’elle s’est proposée.
Une dynamique insuffisante ou trop lente de la mise en œuvre du Pilier II pourrait
conduire à une impasse de transition.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

MISE EN ŒUVRE DU DEUXIÈME PILIER DU PLAN MAROC


Engagement fort dans quatre grandes lignes d’action

Réponses aux défis Justifications et objectifs

Les montagnes et aires oasiennes ont de très nombreuses niches pour


des produits de terroirs spécifiques (fruits frais et transformés, fleurs,
• Valorisation des produits par la mise en place produits maraîchers, plantes aromatiques et médicinales, viandes,
de petites unités de regroupement de l’offre, de miel, fromages, etc.) demandés par les marchés régionaux, nationaux,
conditionnement et de transformation, et par de internationaux et touristiques.
nouveaux canaux de commercialisation
Investir sur le conditionnement et la transformation en aval crée des
valeurs ajoutées qui peuvent stimuler l’amélioration de la production en
amont, dans les exploitations.

Perspective de développement durable. Possibilité d’une augmentation


• Gestion des ressources naturelles et importante de la production et des services environnementaux et d’une
de l’environnement et intensification amélioration des conditions de vie des femmes rurales.
des systèmes de production par la
responsabilisation des exploitations et des Les importants savoir-faire et capacités locales de gestion communautaire
communautés rurales peuvent être valorisés et amplifiés.

La bonne gestion des ressources naturelles est d’intérêt public, ce qui


justifie une rétribution des agriculteurs.

Condition de succès des projets dans la durée.

• Mise en œuvre proactive et raisonnée d’une Une application réussie de la nouvelle loi sur les signes de qualité est
politique de signes de qualité d’importance stratégique : elle demande beaucoup d’attention et une
doctrine adaptée.

Veiller à son application exemplaire dans les projets pour stimuler la


réplication.

Le développement territorial :
marque une rupture par rapport aux approches actuelles et implique une
prise de conscience collective des possibilités de développement agricole
durable du territoire et des risques à long terme ,
• Promotion en liaison avec les départements
ministériels concernés d’une approche de Valorise les produits ou services «phare» susceptibles de polariser
développement territorial l’identité du territoire.

Soutient un processus de construction du territoire et encourage


l’identification des acteurs à leur territoire.

Constitue une approche réaliste pour mettre en synergie et en cohérence


les exigences contradictoires de la production agricole et pastorale et, par
ailleurs, de la gestion durable des ressources naturelles.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

VERT DANS LES ESPACES MONTAGNARDS ET OASIENS

Modalités et Mesures Priorités d’action

—— Identifier la demande et le potentiel d’offre pour des


—— Identifier des porteurs de projets potentiels pour
produits à haute valeur ajoutée.
l’investissement en aval (coopératives, partenariat avec
—— Promouvoir un grand nombre de petits projets diversifiés privé, communes rurales).
à l’échelle notamment communale en capitalisant
sur les acquis des expériences à l’étranger et au Maroc —— Elaborer un projet national de commercialisation
(exemples : arganier, safran, confiture de dattes,...) et en des produits de terroir (Création d’espaces de ventes,
veillant à la réussite de la montée d’échelle. développement de partenariats avec des acheteurs
institutionnels comme Accor et RAM).
—— Plans de progrès des exploitations tirées par les
structures de conditionnement et de transformation.
—— Coordination spécifique au sein de l’Agence de
—— Valorisation de la main d’œuvre locale par des Développement Agricole (ADA).
formations techniques.

—— Mesures fines d’aménagement foncier, de conservation —— Promouvoir des opérations concertées d’aménagement et
des eaux et des sols, plantations et intensification gestion des terroirs et de développement agricole durable.
culturale dans les terroirs et les exploitations. —— Dispositions pour reconnaître la responsabilité et la
capacité contractuelle des communautés de base (jmaa) et
—— Reconnaître les terroirs d’usage des communautés, y pour contractualiser la gestion intégrée de leurs terroirs
compris les espaces collectifs ou de statut forestier (hors (Chartes de terroir).
forêts industrielles). Gestion collective concertée des
—— Arrangements transitionnels avec Min. Intérieur et Eaux
systèmes de production pastorale sur terres collectives et
et Forêts pour initier des opérations tests de gestion
forestières.
contractuelle des terroirs.
—— Mettre en place une approche de paiement des services —— Utiliser les opérations tests pour la mise au point des
rendus à l’environnement (compensations transitoires méthodes et des procédures à prévoir dans des textes
pour les moins values des disciplines environnementales, réglementaires et pour former des agents experts en
incitations pour des bénéfices en aval). aménagement participatif des terroirs.

—— Inventaire régional des produits susceptibles de signe de —— Elaborer des documents de méthode et la formation d’une
qualité. expertise dont le réseau pourrait être animé par le Centre de
Ressources Pilier II.
—— Mise en place d’un établissement public national
spécialisé (à l’exemple de l’INAO France). —— Pour raccourcir les délais, s’appuyer sur l’appui
méthodologique que la Coopération française est prête à
apporter.

—— La participation au développement territorial se construit —— Le développement territorial suppose un environnement


autour des diagnostics collectifs, puis dans l’élaboration avancé en matière de décentralisation et déconcentration.
d’une vision, puis dans des synthèses sous forme de
chartes d’action à long terme, enfin sous forme de Les réformes en cours sont encore à compléter. Elles
projets individuels et collectifs. pourraient donner aux cercles les fonctions des «petites
régions».
—— Le développement territorial se décline à plusieurs
échelles (exploitations, villages-douars, vallées, aires —— Le développement territorial implique un soutien fourni
pastorales communes, communes rurales, petites par des animateurs qui jouent le rôle de médiateurs
régions, régions).
territoriaux, qui est dans l’agriculture celui du Front Office
—— L’échelle de la «petite région» et celle des du développement agricole.
«communautés de base» constituent des niveaux
d’action d’importance stratégique. La «petite région» —— Les approches de Développement Territorial se généralisent
s’articule aux autres niveaux (hiérarchie territoriale, actuellement dans les pays du Nord. Possibilités de
structures transversales des filières et des organisations raccourcis par des coopérations décentralisées (Catalogne,
professionnelles) selon des principes de subsidiarité et de
Andalousie).
mise en cohérence.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

MISE EN ŒUVRE DU DEUXIÈME PILIER DU PLAN MAROC

Réorganisation et mobilisation des moyens et politiques de soutien

Réponses aux défis Justifications et objectifs

Nécessité absolue d’une restructuration de la filière technologique (filière


du progrès, du «savoir»).

• Réorganiser la filière technologique et Son premier niveau, le Front Office, structure de proximité mandatée par
l’administration déconcentrée de l’Agriculture l’administration, doit devenir le chaînon stratégique de la mise en œuvre
du Pilier2. Au contact des producteurs, des groupements professionnels
et des communautés, le Front office a pour rôle de connaître le territoire
et les acteurs, d’informer l’ensemble des agriculteurs de la politique
gouvernementale, de repérer les agriculteurs et groupements prêts à
s’engager dans les projets, de faire émerger et d’accompagner la mise en
œuvre des projets, de mobiliser l’expertise du back office.

Nécessité d’assurer un soutien stratégique et opérationnel ainsi


que de former des masses critiques par rapprochement de la filière
technologique au niveau provincial : Back Office (formation, expertise
multidisciplinaire).
Nécessité de développer des partenariats avec les élus, les responsables
professionnels et associatifs, les opérateurs et les autres services de
l’administration contribuant au développement rural.

Nécessité d’une plus forte déconcentration administrative au niveau


provincial et régional.

Nécessité d’une mobilisation et animation de la filière technologique


au niveau national : capitalisation, ingénierie de formation, méthodologie
de développement, animation expertise Pilier II.

Les financements actuels sont inadaptés.

Les expériences démontrent la nécessité :


- De prendre le temps nécessaire pour préparer les projets avec leurs
acteurs ;
- De disposer de financements souples adaptés à la diversité des projets
• Amélioration des mécanismes de financement et besoins identifiés ;
et d’information et généralisation de - De systèmes d’accès rapide aux ressources financières après validation
la contractualisation et des approches des projets ;
partenariales, notamment public privé - De disposer d’enveloppes pluriannuelles permettant de financer les
projets conformes aux priorités régionales identifiées au fur et à mesure
de leur validation et avancement ;
- De développer des mécanismes de contractualisation précisant les
engagements de chacun ;
- De prévoir les investissements collatéraux dans le domaine des
infrastructures et des services ;
- De favoriser la transmission des exploitations et l’installation de jeunes
agriculteurs ;
- D’une circulation très organisée, partenariale et efficiente de
l’information.

• Développer le ‘policy mix’ pour le


développement rural durable Nécessité d’une meilleure convergence des politiques.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

VERT DANS LES ESPACES MONTAGNARDS ET OASIENS

Modalités et Mesures Priorités d’action

—— Donner priorité à la mise en place de front offices de qualité dans


—— Un fort consensus recommande de réhabiliter les CT et CMV
le chantier en cours pour la réforme du Ministère. Réhabilitation et
pour en faire des Centres de développement agricole organisés
adaptation des CT/ CMV à leurs nouvelles fonctions de Front Office.
à l’échelle des cercles.
—— Définir des indicateurs de performance des ‘Front Offices’ : nombre
—— Nécessité d’une grande compétence professionnelle, donc et qualité des projets collectifs et individuels élaborés et mis en œuvre,
de formation d’une nouvelle génération de développeurs partenariats établis, qualité du back office mobilisé, …. Engager des
agricoles de terrain. Mettre en place des programmes de actions tests pour mettre au point les procédures, les méthodes de
renforcement des capacités. Priorité aux jeunes diplômés avec travail, et de là, les besoins en formation.
sélection sévère (au moins 3-5 agents par Centre).
—— Préparer des Contrats Programmes avec les nouvelles Chambres
—— Mettre en place des partenariats avec les associations et régionales d’agriculture utilisant les Front Offices comme relais de
ONG locales pour créer un réseau et des relais capables formation/information des agriculteurs, sans les y rattacher.
d’atteindre massivement les agriculteurs et les territoires des —— Conforter le rôle des DPA en leur déléguant des responsabilités dans
communautés. l’examen et la validation des projets ( territoires et exploitations). Y
—— Redéfinir les missions des DPA. Evaluer les compétences rattacher les front offices pour former une masse critique.
requises et les besoins de formation ou de recyclage et les —— Développer une offre de formation adaptée au niveau local (Centres
coûts. de Qualification Agricole, Maisons familiales rurales) et leur
rapprochement fonctionnel avec les services non régaliens des DPA.
—— A moyen terme, envisager le regroupement organique des
services non régaliens des DPA, des Centres de Qualification —— Créer des directions régionales dotées d’un fort pouvoir de décision
Agricole et des Front Offices. (Elaboration des Plans agricoles régionaux et plans régionaux de
formation. Allocations des ressources, statistiques et systèmes
—— Donner une forte mission de planification, impulsion et d’information ; plateformes agritech.).
contrôle aux futures directions régionales.
—— Définir le projet et sa première phase en y associant les instituts
—— Création d’un Centre de Ressources dédié à la mise en nationaux de formation et recherche et développement. Lancer le
œuvre du Pilier II. projet.

—— Créer des lignes budgétaires souples. Réformer le FDA pour


prendre en compte les besoins des exploitations de montagne
—— Réformer le FDA et mobiliser les synergies possibles avec le
et oasiennes, et sortir en partie de l’approche ‘guichet’ pour
FDR.
financer des plans de progrès des exploitations, notamment
sous forme de dotations pour les jeunes agriculteurs formés —— Organiser une table ronde des bailleurs pour le financement du
(passage à l’approche ‘projet’). 2ème pilier.
—— Négocier avec les bailleurs des enveloppes pluriannuelles pour —— Mandater l’Agence de développement Agricole pour organiser
contribuer au financement des projets conformes aux PAR l’animation, ainsi que l’ingénierie sociale et financière de la mise
avec la souplesse requise : soutien aux projets en fonction en œuvre du 2° Pilier du Plan Maroc Vert en relation avec les
de leur validation et avancement dans le temps, contrôles a différents partenaires concernés.
posteriori.
—— Fixer les règles des relations qui devront s’établir entre les
—— Validation des projets (territoires et exploitations) au niveau Directions régionales, les DPA, les ORMVA et les chambres
provincial après avis d’une commission (comprenant régionales. Définir les missions et les articulations avec les
professionnels et élus). organismes existants des structures appelées à assumer les
—— Doter le FDR pour permettre le financement des fonctions de Front Office et de Back Office.
infrastructures locales indispensables (pistes rurales, espaces —— Fixer les mécanismes pour une validation déconcentrée
de commercialisation). des projets et les procédures de contractualisation avec les
—— Confier à l’Agence de Développement Agricole le portage bénéficiaires et les responsables des projets.
financier des projets. —— Concevoir le système d’information à mettre en place (ADA).
—— Mettre en place un système d’information et de suivi
d’avancement du 2ème pilier.
—— Améliorer les synergies dans les domaines clefs : eau, terres
—— Plus forte décentralisation et déconcentration. collectives et forêts, artisanat et habitat rural, tourisme, travaux
—— Synergie avec les autres Départements publics.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

DISCOURS D’OUVERTURE

Aziz AKHANNOUCH
Ministre de l’Agriculture et de la
Pêche Maritime

Mesdames et Messieurs ;
Je voudrais vous remercier vivement pour votre participation à cette 7ème édition du Séminaire
Institutionnel du Conseil Général du Développement Agricole consacrée cette année, à ma
demande, à la mise en œuvre du 2ème pilier du Plan Maroc Vert et à l’agriculture des montagnes
et oasis.
Je me réjouis que ce Séminaire réunisse à la fois des responsables des Offices Régionaux de Mise
en Valeur Agricole et des Directions Provinciales de l’Agriculture, qui pourront faire part de leurs
expériences et de leurs réflexions de terrain, et d’éminents experts nationaux et internationaux du
développement agricole en montagne. Je tiens d’ailleurs à remercier de leur participation et leur
appui le programme « Agriculture et Développement Rural Durables en Montagne » de la FAO,
le FIDA, l’IFPRI, la Banque Mondiale, la Commission européenne et l’Institut Agronomique
Méditerranéen de Bari.
Je remercie aussi chaleureusement la Coopération française qui a appuyé la préparation du
séminaire et le Conseil Général de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Espaces Ruraux, qui
est jumelé avec notre Conseil Général et qui, par son expérience et ses analyses, peut nous aider
à prendre des raccourcis utiles dans la mise en œuvre de notre stratégie.
Merci enfin à M Gérard Viatte, ex directeur de l’agriculture à l’OCDE et grand animateur du
groupe d’Adelboden sur l’agriculture de montagne, d’avoir bien voulu accepter de jouer le rôle
d’animateur et de rapporteur du panel.

Mesdames et Messieurs,
Le Plan Maroc Vert se fonde sur le principe d’une agriculture pour tous, sans exclusive, adaptée
à chaque type de territoires et à chaque type d’acteurs. Ce principe est fondamental car les défis
posés par l’ouverture de notre économie, par les retards et la pauvreté du monde rural et par la
dégradation de notre environnement nous obligent à agir de sorte que tous les territoires et tous
les producteurs trouvent leur place dans un ensemble national, en valorisant au mieux la diversité
de leurs opportunités et potentialités respectives.
Cet objectif doit nous conduire à porter une grande attention à l’agriculture de nos montagnes,
de nos oasis, et de nos plaines et plateaux du semi-aride, puisque celles-ci représentent ensemble
les 2/3 de la surface agricole du pays, 35% de la superficie irriguée, 70% de nos exploitations et
80% de notre population agricole. La mise en œuvre efficace du 2ème pilier du Plan Maroc Vert
consacré au développement solidaire de la petite agriculture est donc décisive

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Mesdames et Messieurs ;
Comme vous le savez aussi, le Plan Maroc Vert est une stratégie tournée vers les acteurs et
les opérateurs, dont l’implication dans la dynamique du changement que nous voulons a pour
corollaire une redéfinition du rôle de l’Etat. Je voudrais cependant être clair : ce rôle doit évoluer
mais il restera essentiel. La mise en œuvre du Plan Maroc Vert impose par conséquent un dispositif
d’action approprié et une évolution de nos politiques, de nos institutions et de nos méthodes.
Une Agence de Développement Agricole va être créée et la réflexion en cours sur la réorganisation
de notre Ministère aboutira au début de l’an prochain à une importante réforme. Sans attendre,
j’ai, dès cet été, demandé à nos services déconcentrés d’engager l’élaboration de Plans Agricoles
Régionaux. Notre objectif est de faire émerger et soutenir des projets pertinents, c’est-à-dire
capables d’impulser dans les territoires des dynamiques pérennes et cumulatives de développement
au profit du plus grand nombre d’exploitations.
Nos décisions sur les évolutions des institutions, politiques et méthodes et sur le contenu à donner
aux projets du 2ème pilier et la manière de les mettre en œuvre doivent tenir compte des spécificités
des territoires et des exploitations concernés. J’en vois au moins 3 essentielles dans nos montagnes
et oasis :
La première vient de l’exceptionnelle qualité et diversité des produits. Cette diversité et cette
qualité doivent être mises à profit pour créer de la plus value. L’enjeu est stratégique. En effet,
les marges de progrès possibles sont considérables et le développement des produits et des
dynamiques de terroir est certainement la meilleure voie pour garantir à terme une compétitivité
et donc une durabilité aux agricultures montagnardes et oasiennes. Notre dispositif d’action devra
ainsi permettre l’engagement dans cette direction des producteurs et une mise en œuvre efficace
de la nouvelle loi sur les signes de qualité: AOP, IGP et labels.
La seconde spécificité des montagnes et oasis, c’est la très petite taille d’exploitations dont la
gestion est encore essentiellement de type patrimonial. Les projets du 2ème pilier auront donc pour
objectif central l’engagement de la petite agriculture dans une logique de professionnalisation,
et le regroupement de l’offre pour atteindre une dimension économique permettant l’accès au
marché et la montée d’échelle « scalling up ». Pour que les projets du 2ème pilier atteignent bien
cet objectif, notre dispositif d’action va devoir évoluer. Le Séminaire pourra aider à clarifier
les rôles souhaitables des acteurs et le type de services, de mécanismes de financement et de
méthodes à mettre en place pour que les projets retenus puissent répondre aux besoins de la petite
agriculture de montagne et oasienne et de sa professionnalisation..
La relation particulière entre agricultures des montagnes et oasis et gestion des ressources naturelles
et de l’environnement est une troisième spécificité remarquable de ces régions. Les communautés
locales jouent un rôle majeur dans la gestion des ressources ; les agricultures montagnardes et
oasiennes ont une grande valeur paysagère, culturelle et environnementale ; et les dégradations
environnementales ont des impacts considérables pour les producteurs concernés mais aussi pour
tous ceux situés plus en aval. Il est également très clair qu’une meilleure gestion et valorisation
des ressources peuvent permettre des progrès importants en termes de production agricole et
de services environnementaux. Notre objectif doit donc être une agriculture à la fois durable et
plus productive. Ce Séminaire pourra utilement aider à préciser les meilleures façons d’agir dans
les exploitations et dans les terroirs villageois pour que les projets du 2ème pilier intéressant la
montagne et les oasis permettent des progrès significatifs.

Mesdames et Messieurs ;
Vous êtes réunis aujourd’hui afin de réfléchir sur la mise en œuvre du 2ème pilier du Plan Maroc
Vert en prenant en compte les spécificités de nos agricultures de montagnes et oasiennes.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Cette mise en œuvre va nécessiter de mettre en synergie les opportunités créées par le consensus
national autour du Plan Maroc Vert et notre potentiel opérationnel pour réussir le changement.
L’arrêt à mi-chemin n’est pas permis car il explique souvent les échecs du passé. Nous devons
donc interroger, choisir et orienter nos capacités opérationnelles.
Sans vouloir anticiper sur vos débats je voudrais souligner quelques facteurs clefs sur lesquels j’ai
engagé la réflexion en cours sur la restructuration du département de l’Agriculture et le remodelage
interne de son fonctionnement. Je souhaite que le niveau central soit limité à l’essentiel et que
les niveaux hiérarchiques soient réduits pour permettre une très forte délégation. Des modes de
management propres et des systèmes de pilotages adaptés doivent être inventés pour assurer la
meilleure articulation entre les différents niveaux d’organisation : central, régional, provincial et
local.
Ce que je recherche c’est la réactivité, l’efficacité, l’ouverture et la coopération. Que doit-on mettre
au plus près des agriculteurs ? Quel degré d’autonomie donner aux entités locales ? Comment
s’affranchir de certaines rigidités contre productives ? Quelle infrastructure informationnelle
mettre en place ? Quels métiers, quelles fonctions et quelles compétences ? Vous allez certainement
traiter de ces questions et de bien d’autres soulevées dans la note de cadrage qui vous a été soumise.
Pour ma part, je n’épargnerai aucun effort pour que tous les déterminants de la performance
organisationnelle recherchée soient sécurisés.
Vos analyses et vos débats nous permettront, sans nul doute, de traduire ces réflexions dans
l’action politique et collective et d’affiner nos approches. Et je vous remercie d’avoir bien voulu
y apporter vos précieuses contributions.

Mesdames, Messieurs ;
J’ai demandé au Conseil Général de tenir son séminaire en ce lieu où je souhaite mettre en
place un Réseau National de Recherche-Action dédié au Pilier II du Plan Maroc Vert car sa
mise en œuvre a besoin d’une « masse critique » de compétences intellectuelles pour le réfléchir,
l’accompagner et l’encadrer. Pour cela, il faut bâtir un potentiel scientifique et technique national
sur « l’ingénierie du développement solidaire de la petite agriculture» qui permette de donner
des réponses sur mesure et rapides aux besoins précis de l’action sur le terrain. J’imagine cette
localisation, ici à Ifrane, comme le « hub » d’un réseau qui associe toutes les institutions de notre
système d’enseignement et de recherche agricoles, les universités et les agences de développement
intéressées. Ce réseau devra permettre :
De mieux comprendre les besoins des petites exploitations agricoles et les dynamiques
territoriales ;
De mieux capitaliser les expériences, les démarches et méthodologies pratiquées sur le
terrain ;
De mieux articuler les programmes d’information/formation et mobilisation des acteurs
locaux.
Parce qu’il sera un espace de savoir et d’accumulation, d’observation et d’analyse, de formation et
de diffusion des connaissances, de débats, d’échanges et de rapprochements, le réseau apportera,
sans nul doute, une contribution efficace et utile à la résolution des grands problèmes posés à
la petite agriculture dans notre pays. Confiant dans la richesse des débats que devrait nourrir ce
séminaire, je prendrai connaissance avec intérêt des résultats de vos travaux auxquels je souhaite
plein succès.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

I. Le Pilier II du Plan Maroc Vert, les petites


exploitations et les montagnes et oasis : contexte et
enjeux

Le Pilier II du Plan Maroc Vert correspond à la fois à une nécessité, à une opportunité
et à une exigence :

Une nécessité car 80% de la population agricole du pays (7 millions de personnes)



se retrouvent dans les 3 grands agrosystèmes difficiles du pays. Le développement
agricole solidaire de ces régions fragiles est indispensable pour éviter au pays une
impasse de transition.

Une opportunité parce que le Pilier II doit permettre d’améliorer significativement les

revenus de 500 à 600.000 exploitations dans les 10 an et de tirer profit de la diversité
des potentialités agricoles du pays.

Une exigence car aider des centaines de milliers de paysans de ces régions à

accéder à l’économie marchande dans les meilleurs délais, tout en créant une forte
valeur ajoutée et en assurant une restauration et une bonne gestion des ressources
naturelles représente un véritable challenge. En effet, il ne s’agit pas seulement de
mobiliser les moyens financiers nécessaires, mais surtout d’être en mesure d’animer
et d’accompagner de façon raisonnée et efficace cette révolution économique, sociale
et culturelle. La mise en œuvre du Pilier II suppose ainsi l’affirmation d’une nouvelle
doctrine nationale d’action et un engagement fort vers un “mieux d’Etat”.

L’enjeu est essentiel car il consiste à prendre les problèmes de pauvreté, d’environnement,
de développement, d’aménagement du territoire et d’émigration « à la racine » pour
assurer un développement équilibré et durable du pays.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

1. Le Plan Maroc Vert et son Pilier II

La nouvelle stratégie agricole du pays, le « Plan Maroc Vert », adoptée en avril 2008,
réaffirme l’importance stratégique de l’agriculture pour le développement économique et
social du pays. Le Plan initie une nouvelle dynamique d’engagement et d’action, tournée
vers les acteurs et les opérateurs. Il a pour objectif le développement d’une agriculture
plurielle, ouverte sur les marchés extérieurs, territorialement diversifiée et durable ; une
mobilisation fortement renforcée des capitaux privés, publics, internationaux et sociaux ;
la constitution de pôles de développement et la modernisation accélérée des petites et
moyennes exploitations. Le Plan Maroc Vert entend mettre en valeur l’ensemble du potentiel
agricole territorial et rompre avec l’image simplifiée d’une agriculture duale opposant un
secteur moderne performant à un secteur « traditionnel » marginalisé. Il s’est donc donné
l’ambition du « million d’entreprises agricoles », ce qui suppose la professionnalisation et
la structuration des petites et moyennes exploitations agricoles, leur intégration et passage
dans des logiques d’entreprises, mais aussi une meilleure valorisation des potentialités
territoriales et des opportunités de marché.

Le Pilier II du Plan Maroc Vert, consacré au développement solidaire de la petite agriculture,


concerne principalement les zones difficiles (montagnes, oasis, plaines et plateaux du semi-
aride) qui rassemblent la grande majorité des exploitations du pays, et les plus pauvres
d’entre elles. Il vise à améliorer de façon substantielle dans les 10 ans (à venir) le revenu
de 500 à 600.000 exploitations. Les enjeux sont à la fois de développement économique,
de sortie de la pauvreté, de sécurité alimentaire et de stabilité, ce qui impose aussi une prise
en compte de la gestion durable de l’environnement et des ressources naturelles, base du
système productif. Pour atteindre cet objectif, le Plan propose la mise en œuvre de 300 à
400 projets territorialisés totalisant un investissement de 16 à 18 milliards DH sur 10 ans
dont 11-12 sur l’amont (interventions dans les exploitations et l’espace agricole) et 5-6 sur
l’aval (regroupements de l’offre, conditionnement, transformation et mise en marché). Les
projets viseront la reconversion des cultures (ex: passage des céréales à l’arboriculture),
l’intensification et la valorisation (céréales, élevage, arboriculture), la diversification et
le développement des produits de niche, et pourront comprendre des actions de nature
transversale (économie de l’eau, foncier,…). Ils devront être soutenus par l’Etat, par le
secteur financier marocain, et par les investisseurs nationaux et bailleurs internationaux
dans le cadre de partenariats à long terme.

La mise en œuvre des projets s’appuiera sur le tissu d’opérateurs sociaux (coopératives, GIE
–groupements d’intérêt économique-, associations professionnelles, ONG) ce qui conduira
au renforcement du « capital social » (l’ensemble des réseaux sociaux et des institutions
qui facilitent l’action collective), clef du développement agricole. Le Plan Maroc Vert a
prévu la possibilité de systèmes d’organisation à plusieurs niveaux : groupements de base
de quelques dizaines d’exploitations et leurs regroupements en coopératives, unions de

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

coopératives ou GIE et coopératives d’aval ou opérateurs de marchés retenus sur la base


d’appels d’offre.

La région constituant désormais le niveau incontournable de la décentralisation et


déconcentration et celui pertinent pour un travail de planification tenant mieux compte de
la diversité des situations, le Plan Maroc Vert a été décliné en Plans Agricoles Régionaux
(PAR) pour chacune des régions du Royaume. Des premiers portefeuilles de projets ont
été définis en fonction des potentialités des unités territoriales agricoles (UTA)1 de chaque
région conformément au découpage retenu dans l’Atlas de l’agriculture2.

2. Les montagnes, zones arides et oasis regroupent 80% de la


population agricole du pays

Les 3 agrosystèmes dont l’agriculture se voit contrainte par des conditions naturelles difficiles
(plaines et plateaux semi-arides, montagnes, zones présahariennes et sahariennes et leurs oasis)
représentent ensemble les 2/3 de la SAU, 35% de la SAU irriguée, 70% des exploitations du
pays et 80% des populations agricole et rurale (tableau 1).

Tableau 1 : Les cinq grands agrosystèmes du Maroc : surfaces,


exploitations et populations respectives

Présahara Plaines et Grands


bour
Montagnes et Sahara plateaux périmètres Total
favorable
(oasis) semiaride irrigués
Nombre exploitations (1000) 437 85 520 288 100 1.493
Exploit moins de 3ha (%) 65% 82% 44% 47% 47% 53%
Population rurale (million) 3,72 0,86 5,12 3,05 * 12,75
Population agricole (million) 2,68 0,57 3,71 1,90 * 8,87
SAU (million ha) 1,66 0,24 3,84 2,28 0,71 8,73
SAU irriguée (million ha) 0,22 0,14 0,08 0,10 0,71 1,25
SAU/sup totale agro-sys (%) 15 --- 29 60 100 12%
2/3 de la SAU 1/3 de la SAU
35% de la SAU irriguée 30% des exploitations
70% des exploitations 20% de la population
80% de la population agricole et rurale agricole et rurale

• Estimations effectuées pour l’Atlas de l’agriculture (CGDA, 2009) sur la base des données du recensement de 1996. Les populations
agricoles et rurales du semi-aride et du bour favorable incluent celles des grands périmètres irrigués respectifs.

La carte ci-dessous montre la répartition des 5 grands agrosystèmes sur le territoire national.

1- Une Unité territoriale Agricole (UTA) constitue au sein d’un agro-système un sous ensemble caractérisé par des potentialités agro-sylvo-past -
rales dominantes résultant des données biophysiques.
2- La 2ème version de l’Atlas de l’agriculture a été finalisée en 2009 par le Conseil Général du Développement Agricole.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Carte. Les grands agrosystèmes du Maroc

N.B Les oasis du Draa et du Tafilalet relèvent de l’agrosystème régions prédésertiques

Selon le Recensement Général de l’Agriculture de 1996, les agrosystèmes concernés


principalement par le Pilier II du Plan Maroc Vert représentent donc à eux seuls 1.042.000
exploitations et une population agricole de 7 millions de personnes.

Dans cet ensemble,


• Les plaines et plateaux du semi-aride regroupent 520.000 exploitations et une population
agricole de 3,72 millions d’habitants. La part de cet agrosystème va s’accroître
significativement dans les prochaines décennies avec le changement climatique, aux
dépens du bour favorable.
• Les montagnes représentent 437.000 exploitations (30% du total national) et une
population agricole de 2,68 millions3.

3- L’agrosystème montagnard occupe une surface totale de 11,3 millions ha dont 7,5 de montagnes humides (Rif, Moyen Atlas, Hauts Atlas central
et occidental) et 3,5 de montagnes arides (Haut Atlas oriental et AntiAtlas). La population totale des montagnes est de 5 millions d’habitants en 1996
dont 74% de ruraux.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

• Les zones sahariennes et présahariennes et leurs oasis rassemblent 85.000 exploitations


et une population agricole de 570.000 habitants.

Les trois agrosystèmes semi-aride, montagnard et saharien/oasien comprennent, selon le


découpage retenu dans l’Atlas de l’agriculture du Maroc, respectivement 11, 9 et 5 Unités
Territoriales de l’Agriculture4. Dans chaque UTA, on peut compter de l’ordre de 8 à 10 « petites
régions5 » (équivalant au découpage territorial des « Cercles »).

Ces agrosystèmes sont des zones à écologie et économie fragiles. La conjonction de la pauvreté
rurale, de la mondialisation et du changement climatique pourrait conduire à des risques de
marginalisation accrue. Cependant, les marges de progrès possibles sont importantes. Les
montagnes et les oasis partagent notamment des atouts et des particularités remarquables.
L’expérience internationale montre d’ailleurs qu’il n’y a pas de fatalité absolue et que certains
territoires ruraux considérés longtemps comme « difficiles », « à handicaps permanents » ou
« marginaux » ont su trouver de nouveaux positionnements agricoles et ruraux favorables dans
la mondialisation en se positionnant intelligemment, notamment par des stratégies de terroirs.

3. La professionnalisation des petites exploitations et l’enjeu


de la sortie d’une économie agricole duale

3.1. Les petites exploitations : importance relative, atouts et contraintes, enjeux de leur
professionnalisation

L’agriculture du Maroc se caractérise par une forte dualité entre secteur moderne et secteur
traditionnel.

Le secteur moderne représente au maximum 150.000 exploitations sur le total de 1.500.000. Il


s’agit de grandes exploitations ou d’exploitations plus petites mais déjà bien professionnalisées et
agrégées. Ce secteur moderne est déjà bien engagé dans les circuits marchands de la production
agricole et les exploitations sont dans l’ensemble bancables et immatriculables6. Cet ensemble de
150.000 exploitations ne représente cependant que 10% du total d’exploitations, 22% de la SAU
et 30% de la SAU irriguée.

Le secteur traditionnel compte environ 1.350.000 exploitations. On peut, dans cet ensemble,
distinguer deux grands sous-ensembles, à savoir 600.000 micro exploitations et 750.000 petites
et moyennes exploitations agricoles (PMEA) :

 Les 600.000 micro exploitations agricoles n’occupent que 5% de la SAU irriguée et 8,5%
de la SAU. Pour les familles concernées, les revenus proviennent principalement du
travail temporaire hors de l’exploitation (principalement dans les villes) car les ressources

4- Les 9 UTA de l’agrosystème montagnard sont : Rif occidental, Rif central et oriental, Rif Sud, Haut Atlas occidental, Haut Atlas central, Haut Atlas
oriental, Moyen Atlas occidental, Anti Atlas du Nord Ouest. La majorité des oasis se retrouvent des les 2 UTA : Présahara du Draa et Présahara du
Guir et Tafilalt.
5- Le concept de “petite région” ou “pays” correspond à un ensemble rural, humain et économique, polarisé par un centre urbain. Chaque petite
région rurale peut comprendre une diversité de petites zones agro-climatiques et pédologiques.
6- Une partie du secteur « moderne » est cependant peu productive car caractérisée par des comportements de type rentier.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

agricoles des exploitations concernées ne représentent qu’un appoint de subsistance.


Cependant, l’agriculture joue pour ces familles un rôle très important d’attache sociale
en milieu rural, ce qui permet de limiter d’autant l’exode rural. Ces exploitations peuvent
être intéressées par les formules de micro crédit qui se sont beaucoup développées au
Maroc ces dernières années.

 Les 750.000 « petites et moyennes exploitations agricoles » (PMEA) représentent environ


la moitié du nombre total d’exploitations, 70 % de la SAU totale (8 750 000 ha), 65 %
de la SAU irriguée et 30% du PIBA. Il s’agit d’unités de production agricole de taille
petite ou moyenne, à main-d’œuvre essentiellement familiale et qui disposent ou qui
pourraient disposer du potentiel leur permettant de tirer l’essentiel de leurs revenus des
activités agricoles de l’exploitation7 et de se développer selon une stratégie d’entreprise.
Cependant, ces exploitations, peu professionnalisées et agrégées, n’ont guère accès au
marché et aux technologies. Non immatriculées, elles n’ont pas non plus jusqu’à présent
pu avoir accès au crédit agricole et les formules de micro crédit ne leur sont pas adaptées.
La création récente par le Crédit Agricole du Maroc de la SFDA (société de financement
du développement agricole) vise à leur apporter enfin une offre adaptée.

Les chiffres de 150.000, 750.000 et 600.000 ne doivent être considérés que comme des ordres de
grandeur. Les limites entre ces 3 types d’exploitations sont en effet difficiles à bien cerner car le
critère de surface agricole utile habituellement retenu (1à 20 ha en irrigué et 3 à 50 ha en bour pour
les PMEA) ne reflète qu’imparfaitement la possibilité de revenu et de développement. De plus il
diffère selon les systèmes agroécologiques ainsi qu’en fonction de la capacité des exploitations
à valoriser leur potentiel et à se professionnaliser. De nombreuses PMEA tirent par exemple une
partie importante de leurs revenus agricoles des ressources pastorales sur collectif et en forêt.

Les limites entre les 3 types d’exploitations ne sont pas non plus étanches. Des coopératives
de micro exploitants, à l’exemple de nombreuses coopératives féminines, peuvent devenir de
véritables agents de développement économique, par exemple en regroupant une offre qui dépasse
la production des exploitations concernées et en la valorisant et la commercialisant.

Quoi qu’il en soit, les chiffres ci-dessus montrent bien que la clef du développement agricole du
pays repose sur la professionnalisation et la structuration du secteur traditionnel, et d’abord sur
celles des 750.000 PMEA. Si celles-ci détiennent bien l’essentiel des ressources naturelles du pays
et disposent de certains atouts, notamment une forte intensité en main d’œuvre, l’analyse plus
fine des dotations en ressources et des vulnérabilités révèle cependant d’importantes contraintes
(encadré 1).

7- Le revenu de l’exploitation peut comprendre une part de revenu non agricole grâce à la diversification des activités sur l’exploitation, par exe -
ple par la transformation et le conditionnement sur place des produits ou par le développement d’activités touristiques : accueil sur l’exploitation,
restauration, hébergement, petit artisanat.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Encadré 1. Atouts et contraintes des petites et moyennes exploitations agricoles (PMEA)

L’analyse des dotations en ressources et de la vulnérabilité des PMEA met en évidence les points
suivants :

Capital social. L’avantage traditionnel des PMEA, le travail familial facilement mobilisable, tend à
s’éroder en raison de l’élargissement des horizons sociologiques des jeunes et des faibles performances
des exploitations. La faible gouvernance locale limite les actions associatives et les possibilités de
dynamiques économiques collectives permettant de pallier les limites liées à la petitesse et au grand
nombre des PMEA. Si de nombreux groupements de PMEA (associations, coopératives) ont été créés ces
dernières années, peu ont encore atteint une dimension économique consistante.

Capital humain. Le capital humain est la ressource principale dont les PMEA disposent relativement
en abondance. Cependant, la mise en veilleuse des activités de vulgarisation au cours de la dernière
décennie a contribué à la déqualification des connaissances et des savoir-faire des petits agriculteurs et à
un manque d’innovation en matière de production et de mise en marché des produits agricoles. Les taux
d’analphabétisme demeurent élevés.

Capital naturel. Ce capital comme les précédents est fait de forces et de faiblesses. Les PMEA contrôlent
65% de la SAU irriguée, 70 % de la SAU et l’essentiel de l’utilisation pastorale des terres collectives et
forestières. Le recours à l’irrigation est important chez les petites exploitations pour compenser la faible
dotation en terres. Il y a donc là une force. Cependant, la baisse des niveaux des nappes, les coûts de
pompage élevés, l’émiettement foncier et l’insécurité foncière sur l’utilisation des ressources pastorales
et forestières sont problématiques. La dégradation continue des ressources pénalise les exploitations.

Capital physique. L’équipement en tracteurs et l’utilisation des engrais, semences sélectionnées et


produits chimiques demeurent limités. Par contre, 85% des motopompes se retrouvent dans les PMEA
de moins de 20 ha.

Capital financier. Si quelques PMEA ont les moyens d’investir, la grande majorité, par contre, manque
de capitaux et n’a pas accès au crédit et à la bancarisation. Un tiers des PMEA sont classées pauvres. De
nombreuses PMEA, sans installation de stockage et sans capital, sont forcées de vendre leurs produits
juste après la récolte au moment où les prix sont au plus bas.

Inégalités territoriales et vulnérabilités. Les sécheresses récurrentes et les changements intervenus dans
le fonctionnement des marchés et des politiques de l’État, favorables à une plus grande libéralisation,
ont mis une grande majorité des exploitations agricoles dans une situation difficile. Les inégalités
entre régions sont importantes et les vulnérabilités fortes, notamment dans le « bour défavorable », les
montagnes et zones arides. L’insuffisance des routes et pistes rurales entrave le développement de très
nombreuses PMEA dans les zones de montagne. En revanche, l’électrification quasi complète des zones
rurales a apporté des améliorations incontestables.

Conclusion. Les PMEA disposent ainsi d’une partie importante des facteurs de production agricoles et
notamment d’une importante force de travail familiale. Cependant, ces ressources, une fois ramenées à
l’unité de production, apparaissent insuffisantes comparativement aux dotations des grandes exploitations.
La plupart des PMEA apparaissent donc très vulnérables.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

L’importance des vulnérabilités des petites exploitations est confirmée par les premiers
résultats de l’étude RuralStruc initiée par la Banque Mondiale avec l’appui de la
Coopération française, du FIDA et des 7 pays en développement partenaires, dont le Maroc
(encadré 2).

Encadré 2. Premiers enseignements du programme RuralStruc

Le programme RuralStruc porte sur les dimensions structurelles de la libéralisation dans 7 pays en
développement : Maroc, Madagascar, Kenya, Mali, Sénégal, Nicaragua, Mexique. Le programme
s’inquiète des risques de blocage dans la transition économique résultant de l’ouverture et de la
restructuration des marchés agro-alimentaires car les processus de différenciation qui en résultent au
sein des économies agricoles peuvent marginaliser de nombreuses régions et populations alors que les
alternatives et sources d’emplois hors agriculture sont limitées. Les premiers résultats des enquêtes (fin
2008) montrent que :

• Les revenus ruraux restent bas à dramatiquement bas et l’agriculture demeure presque toujours la
part principale du revenu.
• La diversification des revenus est généralisée mais elle n’est pas synonyme d’amélioration du
niveau de vie et elle est insuffisante pour l’accumulation. Il s’agit surtout d’options de survie.
• Les sauts de revenus se font d’abord dans l’agriculture (selon l’éducation, les facteurs de production)
mais les processus d’intégration et de contractualisation sont encore très limités,
• Les voies de sortie de la pauvreté (spécialisation, diversification, migration) restent incertaines,
• L’objectif de croissance agricole « inclusive » est fondamental et doit être au cœur des stratégies
de développement.

Les enquêtes réalisées en 2008 au Maroc (étude réalisée sous l’égide du CGDA par l’Institut
Agronomique et vétérinaire Hassan II) ont concerné 9 communes de 3 régions (Chaouïa, Saïss, Souss)
et 740 ménages. Les revenus globaux des ménages des 3 communes en zones difficiles (Laqraqra,
Mrhassiyine et Taliouine) de ces 3 régions vont de 4200 à 5900 DH/personne, soit de 20 à 30% de la
moyenne nationale. Le revenu agricole représente en moyenne de 50% (Laqraqra) à 92% (Taliouine) du
revenu total. La part des productions animales varie de 35 à 59% du total du revenu de l’exploitation,
montrant un équilibre avec le revenu des productions végétales. Les différences de composition du
revenu sont importantes entre le 1er et le 5ème quintile : les ménages les plus pauvres ne vivent que
marginalement de leur exploitation alors que les autres en vivent principalement. La pauvreté semble
ainsi d’abord générée par les fragilités de l’exploitation. Les options de sortie – salariat agricole, auto-
emploi, transferts privés- sont limitées. La sortie de l’impasse est d’abord celle qui passe par le retour
à l’exploitation et par la réhabilitation de l’activité agricole. Cependant, 42% des ménages enquêtés du
Souss, 59% de ceux de la Chaouia et 67% de ceux du Saïss ne souhaitent pas que leurs enfants reprennent
l’exploitation. Pourtant à Taliouine (commune de haute montagne), les ménages qui souhaitent que
leurs enfants reprennent l’exploitation sont deux fois plus nombreux que dans les communes agricoles
plus riches de la plaine du Souss ou dans celles de la Chaouia.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Une autre étude récente (encadré 3) confirme la très faible intégration des PMEA du Maroc
à la grande et moyenne distribution.

Encadré 3. La très faible intégration des PMEA à la moyenne et grande distribution

L’étude réalisée en 2008 pour le CGDA par l’Université Humbolt de Berlin en relation avec l’ENA de
Meknès et la FAO confirme :
• la très faible intégration des PMEA aux nouveaux circuits de la grande et moyenne distribution en
très forte expansion,
• l’absence de coopération avec ces nouveaux acteurs,
• les faibles capacités des PMEA à répondre à leurs exigences.

Le risque d’une disparition progressive d’une grande partie des PMEA est donc réel. Pour éviter un tel
scénario, l’étude invite à donner priorité aux formules d’agrégation qui permettent de lier des groupes de
PMEA autour d’unités ou centres de conditionnement, transformation et production, (ou/et à de grands
producteurs et opérateurs dans le cas du Pilier I), à la promotion des organisations professionnelles
autour de la commercialisation et au renforcement des capacités managériales et entrepreneuriales des
producteurs. Des actions doivent aussi être conduites pour restructurer et mettre à niveau les circuits
de commercialisation classiques, créer des marchés de gros d’intérêt local, et institutionnaliser des
marchés de gros (de production) informels (ex: Souika de Ain Taoujdate).

La professionnalisation des PMEA, clef du développement agricole, s’impose aussi car elle est
la condition première du développement rural (encadré 4).

Encadré 4. Professionnalisation de la petite agriculture, artisanat, commerce et développement rural

Il n’y a pas, au sein d’une famille paysanne traditionnelle, de distinction entre les activités agricoles et les
autres activités. A partir du moment où l’on s’engage dans la professionnalisation de l’activité agricole,
il faut aussi nécessairement professionnaliser les autres activités nécessaires au développement agricole :
les transports, l’artisanat, le commerce, les services. Or, dans une économie agricole professionnalisée,
3 exploitations de taille familiale génèrent en moyenne une exploitation familiale non agricole. Ainsi,
la professionnalisation de la petite agriculture doit être considérée comme la voie principale de la
diversification de l’économie rurale. Elle demande par conséquent à être accompagnée d’un important
effort de formation aux métiers ruraux non agricoles, fonction qui, au Maroc, est assurée principalement
par le Ministère de l’Agriculture avec le soutien actif du Ministère de la Formation Professionnelle. Le
Ministère de l’Agriculture est en effet présent au niveau local par ses Centres de Qualification Agricoles
(CQA) et il forme déjà à plus de 40 métiers.

La professionnalisation de la petite agriculture est donc susceptible de créer à la fois de la valeur ajoutée
agricole et de l’emploi rural non agricole, ce qui peut contribuer à maintenir sur place la population
rurale. L’effet multiplicateur de l’agriculture sur l’économie nationale, qui demeure très limité, s’en
trouvera fortement accru. Le développement agricole et rural ainsi généré permettra aussi d’élargir le
marché national avec un effet multiplicateur sur l’ensemble de l’économie.

Ces effets en cascade contribuent à expliquer l’importance déterminante du développement agricole pour
réduire la pauvreté et pour le développement économique d’un pays.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Transformer les exploitations traditionnelles en « entreprises » et faire accéder l’économie


paysanne à l’économie marchande représentent cependant une véritable révolution économique,
sociale et culturelle. Il s’agit en effet d’aider l’agriculture traditionnelle à sortir d’un couple
espace/temps très limité (temps cyclique, échelle du douar) pour se donner des objectifs élargis
et investir à au moins 2 à 3 ans (entrer dans la logique de projet) et commencer à avoir des
relations avec des opérateurs situés aux échelles de la petite région, voire au niveau provincial,
régional, national ou international (accéder au marché).

3.2. Répartition des petites exploitations selon les agrosystèmes et complémentarité des
deux Piliers du Plan Maroc Vert

Les petites exploitations du pays se retrouvent dans les 5 grands agrosystèmes (tableau 2).

Tableau 2 : Stratification des exploitations agricoles dans les cinq grands agrosystèmes

Agrosystème /
Montagnes Présahara Plaines et Plaines et Grands
Nombre
et Sahara plateaux collines bour périmètres Total
exploitations
(oasis) semiaride favorable irrigués
(1000)
Moins de 3 ha 284,0 69,4 226,5 135,1 46,7 762,0
De 3 à 20 ha 147,1 15,6 262,6 138,0 47,9 610,6
De 20 à 50 ha 5,6 1,6 25,0 11,3 4,3 47,9
Plus de 50 ha 0,9 0,3 5,8 3,3 0,9 11,0
Total 437,6 86,4 520,3 287,7 100,0 1431,6

1.044.000 exploitations, dont : 387.700 exploitations dont :


- 580.000 de moins de 3 ha - 182.000 de moins de 3 ha
- 425.000 de 3 à 20 ha - 186.000 de 3 à 20 ha
- 32.000 de 20 à 50 ha - 16.000 de 20 à 50 ha
- 7.000 de plus de 50 ha - 4.000 de plus de 50 ha

(Source : Atlas de l’Agriculture, CGDA, 2009)

Les deux agrosystèmes les plus favorables (bour favorable et grands périmètres irrigués),
espaces concernés surtout par le Pilier I, comprennent 368.000 exploitations de moins de 20
ha, dont 182.000 de moins de 3 ha, ce qui est significatif. Les principales options stratégiques
pour les petites exploitations de ces 2 agrosystèmes sont la création de relations de type
gagnant/gagnant avec l’agro-industrie et la valorisation maximale de l’eau (valeur ajoutée et
emplois) dans les zones irriguées. Dans ces zones, des opérateurs économiques peuvent inviter
les petites exploitations à s’associer à eux pour accéder à la technologie, aux marchés et aux
investissements. C’est l’enjeu de l’agrégation. Celle-ci peut s’opérer aussi entre un ensemble
d’exploitations réunies par exemple au sein d’une coopérative qui agit de la production à la
commercialisation (à l’exemple de la COPAG8). Ce type d’intégration peut avoir de nombreux

8- La COPAG est une coopérative agricole créée en 1987 par 39 agriculteurs de la région de Taroudant avec pour objectifs le développement
économique et social durable du milieu rural du Sous, une offre de plus en plus élaborée en produits végétaux et animaux (lait, agrumes, jus
d’orange, viande) et l’amélioration du revenu de ses adhérents. En 2007, elle comptait 179 membres dont 69 coopératives adhérentes, représentant
14.000 PMEA. La COPAG grâce à son développement a créé 3.300 emplois directs et elle génère un chiffre d’affaires de 1,7 milliard DH. Une partie
de la production est exportée, notamment en Russie (agrumes). La COPAG joue un rôle important d’encadrement et de formation en vue d’améliorer
la productivité et la rentabilité de ses activités. Un programme de mise à niveau des coopératives adhérentes a été engagé depuis 2001.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

avantages car il est fort en termes d’autonomisation et souvent meilleur garant de l’intérêt des
petites exploitations et donc de la réussite de leur professionnalisation et du développement.

Les trois autres agrosystèmes (zones semi-arides, montagneuses et oasiennes), concernés


surtout par le Pilier II, regroupent 1.005.000 exploitations de moins de 20 ha dont 580.000 de
moins de 3 ha. Dans les montagnes et oasis, une proportion significative de ces dernières relève
d’avantage de la catégorie « petite exploitation » que de la catégorie « micro-exploitation »
lorsqu’elles incluent une surface irriguée suffisante ou/et qu’elles sont en mesure de valoriser
les produits pour créer de la valeur ajoutée.

La question essentielle pour les PMEA des zones semi-arides est celle de l’aléa climatique et de
la dégradation des ressources naturelles. L’enjeu premier peut être celui de l’adaptation, de la
reconversion et de la bonne gestion agro-pastorale pour sortir de la pauvreté et de la vulnérabilité.
Dans les montagnes et oasis, les principales options stratégiques sont la valorisation des produits
de terroirs, la synergie avec le tourisme et la bonne gestion des ressources naturelles sur la base
des terroirs villageois, périmètres irrigués et aires pastorales.

Dans ces zones plus difficiles, l’Etat a un rôle plus déterminant à jouer car les acteurs disposant
d’une capacité managériale importante sont absents ou peu nombreux, les taux de pauvreté
et d’analphabétisme sont élevés et les possibilités d’investissements privés réduites. La
professionnalisation de la petite agriculture y suppose un important effort de structuration
par des regroupements notamment sous forme de petites coopératives et des appuis adaptés,
notamment d’animation, de formation et de subventions aux investissements. Ces zones et leurs
exploitations agricoles justifient par conséquent un développement solidaire.

Les analyses internationales de l’IFPRI9 confirment que les Etats ont un rôle plus important à
jouer dans les zones rurales difficiles, où il s’agit à la fois de mettre à niveau les infrastructures
et de soutenir la professionnalisation agricole, que dans les autres zones, où son rôle est surtout
un rôle de régulation du marché (encadré 5).

Encadré 5. Analyse de l’IFPRI sur le rôle de l’Etat pour connecter les petites exploitations au marché

L’analyse internationale réalisée par l’IFPRI invite à différencier les zones rurales souffrant à la fois de
pauvreté élevée et de déficit de desserte en services de base (zones RAG : real access gap) des autres
zones rurales (péri-urbaines et autres). Les gouvernements devraient jouer un rôle plus important dans
les zones ‘RAG’, où ils doivent à la fois mettre à niveau les infrastructures et fortement soutenir le
développement agricole, que dans les zones ‘MEG’ ( ‘market efficiency gap’ ) où les gouvernements
doivent surtout jouer un rôle de régulation des marchés.

Les analyses montrent que le développement des infrastructures (routes, eau, électricité, téléphone) a
des impacts positifs d’autant plus élevés sur le développement agricole et rural et sur le bien être des
populations concernées qu’il y a convergence dans la mise à niveau (effet de synergies entre routes,
eau, électricité, santé, éducation,…). On constate notamment une augmentation du travail non agricole
et une baisse de l’autarcie. Des incitations pour relier les petites et moyennes exploitations aux marchés
dynamiques en favorisant leur agrégation (associations et leurs unions) sont justifiées mais doivent être
bien ciblées.

9- International Food Policy Research Institute.

27
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

La mise en place de politiques agricoles inclusives permettant d’arrimer les petites exploitations
et les territoires ruraux difficiles au progrès apparaît ainsi comme une exigence absolue. Cette
nécessité a justifié la mise en avant du concept d’agrégation (qui concerne les 2 piliers) et
l’existence du Pilier II du Plan Maroc Vert. L’enjeu global est la sortie d’une économie agricole
duale : après la phase du million d’hectares irrigués qui a marqué la politique agricole depuis
l’indépendance, l’objectif devient ainsi celui du million d’entreprises agricoles.

Par le poids relatif des territoires et des populations agricoles concernés et par l’ampleur des
vulnérabilités, le Pilier II est d’une importance déterminante. Sa mise en oeuvre contribuera
à prendre les problèmes de pauvreté, de développement, d’environnement, d’aménagement
du territoire et d’émigration à la racine et non plus en bout de chaîne et donc à assurer un
développement équilibré et durable du pays.

4. Le Pilier II : une nécessité, une opportunité et une exigence

En conclusion, le Pilier II du Plan Maroc Vert répond à la fois à une nécessité, celle de
l’engagement du pays dans un effort de développement harmonieux et équilibré pour éviter
une impasse de transition, et à une opportunité, celle d’améliorer le revenu de 500 à 600.000
exploitations et de tirer profit de la très grande diversité des potentialités agricoles du pays.

Cependant, aider des centaines de milliers de paysans, particulièrement des régions semi-arides,
montagnardes et oasiennes, à accéder à l’économie marchande dans les meilleurs délais et dans
les meilleures conditions, tout en créant une forte valeur ajoutée et en assurant une restauration
et une bonne gestion des ressources naturelles représente un véritable challenge pour l’Etat.
En effet, il ne s’agit pas seulement de mobiliser les moyens financiers nécessaires mais aussi
et surtout d’être en mesure d’animer et d’accompagner de façon raisonnée et efficace cette
révolution économique, sociale et culturelle.

Le Pilier II, nécessité et opportunité, doit donc aussi être compris comme une exigence : celle
de l’affirmation d’une nouvelle doctrine nationale d’action. Sous cette réserve, il apparaît
comme une occasion unique de répondre aux besoins fondamentaux des populations agricoles
et rurales les plus pauvres par le moyen de projets développés selon des méthodes modernes et
participatives dans un cadre territorial.

La mise en œuvre devra permettre de relever six défis majeurs:

 Valoriser l’agriculture (SAU) ainsi que toutes les ressources pastorales et végétales de
l’espace agraire naturel (hors SAU), qui représentent une part importante des revenus
des exploitations en montagne,
 Valoriser les atouts des territoires, les possibilités de marché et de diversification des
activités génératrices de revenus, (produits de qualité, filières spécifiques, agrotourisme,
écotourisme, etc.) et permettre l’accès au marché et la montée d’échelle économique,
 Permettre l’autonomisation des acteurs et l’émergence de dynamiques cumulatives et
pérennes de développement agricole des exploitations et territoires,

28
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

 Assurer un service environnemental en donnant aux agriculteurs et à leurs communautés


les moyens de gérer durablement les ressources naturelles, celles-ci étant reconnues
comme des «biens publics»,
 Anticiper l’adaptation au changement climatique et, en particulier, les modifications
probables de la géographie agricole à l’horizon de 2 -3 décennies,
 Développer des synergies avec les autres politiques contribuant au développement
rural intégré pour améliorer le niveau de développement humain des populations des
aires marginalisées, réduire leur taux de pauvreté, faciliter leur accès à tous les services
(publics et privés), ce qui orienterait l’inévitable déplacement d’un surplus de population
agricole, plutôt vers les bourgs ruraux et les villes intermédiaires. Ceci permettrait de
maintenir la population rurale et les équilibres urbains/ruraux du pays.

Relever ce challenge et ces défis dans les zones semi-arides, montagnes et oasis suppose :
 La reconnaissance des spécificités de ces régions et un engagement fort dans quelques
grandes lignes d’action,

 Des réponses par une réorganisation et mobilisation appropriée des moyens et politiques
de soutien : institutions, financements, filière technologique et process.

29
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

II. Lignes d’action pour la mise en œuvre du Pilier II


et spécificités des agricultures des montagnes et oasis
Le développement agricole des montagnes et oasis nécessite de prendre en compte les spécificités de
ces régions pour mettre en place des politiques, institutions et process (PIP) appropriés.
Trois grandes spécificités doivent être prises en compte dans la mise en œuvre du Pilier II : les atouts
de ces régions en diversité et qualité, la petite taille des exploitations, et le rôle des communautés
locales pour la gestion de ressources naturelles et la production de services environnementaux
d’intérêt public.
Réussir le développement agricole de ces régions suppose une « rupture » par la mise en avant des
concepts de « développement territorial » et d’ « approche terroirs » dans l’élaboration et la mise
en œuvre des visions et des projets.

Les analyses internationales du « Groupe d’Adelboden10 » sur les politiques, institutions


et process pour le développement agricole et rural durable en montagnes révèlent de graves
carences et invitent à des évolutions en profondeur (encadré 6).

Encadré 6. Politiques, institutions et process (PIP) pour l’agriculture et le développement rural


durables en montagne : les analyses du Groupe d’Adelboden

Les analyses internationales du Groupe d’Adelboden et le programme « Agriculture et Développement


Rural Durables en Montagne » (ADRD-M) de la FAO ont porté sur les PIP (politiques, institutions et
process). Elles ont montré :
• En termes de politiques, l’absence générale de stratégies et de visions à long terme et une prise en
compte très insuffisante des spécificités de la montagne dans les politiques agricoles et rurales.
• En termes d’institutions, des approches descendantes encore dominantes (et donc la faible
participation des acteurs locaux à l’élaboration et mise en œuvre des politiques) et une coordination
insuffisante entre les secteurs, avec des institutions trop fragmentées.
• En termes de process, les principales carences sont l’absence de continuité, le déficit de suivi et
d’évaluation et les lacunes en matière de gestion des connaissances et mise en réseau.

La Déclaration adoptée en Octobre 2007, transmise à l’ONU, invite à la mise en œuvre de politiques
montagnes et/ou à l’adoption de composantes montagne fortes dans les politiques sectorielles, notamment
agricoles. La nouvelle phase de la réflexion porte sur l’importance des externalités produites dans les
montagnes. Celles-ci contribuent à répondre aux besoins socio-économiques et environnementaux de
la société dans son ensemble et leur valorisation par des systèmes de PSE (Paiements pour Services
Environnementaux) permettrait aussi d’améliorer les revenus et la sécurité alimentaire des communautés
montagnardes.

Les PSE, qui doivent être compris dans une conception large (paiements, compensations, création de
marchés, partenariats public-privé, services environnementaux y compris les aspects sociaux et culturels),
sont une question d’actualité dans les débats portant sur le climat, l’eau, la gestion des terres et de l’espace,
la protection de la biodiversité et la sécurité alimentaire. Les pays sont invités à développer des projets
pilotes intégrant des PSE dès 2010. La confrontation des expériences et réflexions aboutira à l’élaboration
de nouvelles recommandations.

10- Le « Groupe d’Adelboden » est un groupe mondial de réflexion multi-acteurs sur la montagne créé suite à la tenue de la Conférence
internationale sur les montagnes organisée en 2002 à Adelboden en Suisse. Le Conseil Général du Développement Agricole du Maroc en est un
des membres.

31
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

L’exemple de la France montre aujourd’hui, à contrario, le bénéfice qu’un pays peut tirer d’une
politique agricole adaptée à la montagne (encadré 7).

Encadré 7. La politique agricole de montagne en France : contenu et bilan

De nombreuses zones de montagne en France ont connu un important déclin de leur agriculture au début
et au milieu du 20ème siècle. Cependant, la mobilisation du monde agricole a contribué à des évolutions
importantes et à l’adoption en 1985 de la loi montagne. Les zones de montagnes ont ainsi pu obtenir
des appuis et mesures spécifiques dans le cadre de la politique agricole : primes herbagères agro-
environnementales, gestion spécifique des quotas laitiers, aides majorées pour l’installation des jeunes
agriculteurs et la modernisation des exploitations (bâtiments d’élevage), aide spécifique à l’acquisition
de matériel agricole adapté à la montagne, mesures spécifiques de soutien au pastoralisme avec mise en
place d’associations foncières pastorales, de groupements pastoraux et de conventions pluriannuelles de
pâturage, aides pour l’utilisation raisonnée des estives et pâturages à haute valeur environnementale, aides
aux investissements collectifs d’amélioration pastorale, aides compensatrices aux handicaps naturels.

Les montagnes sont surtout devenues le terrain privilégié de la valorisation des produits de terroir, de la
mise en œuvre des opérations groupées d’aménagement foncier (OGAF) et des parcs régionaux, et du
développement de l’agro-tourisme. Si le tourisme constitue une immense chance pour ces territoires, il
faut cependant savoir en tirer parti par des mesures adaptées : formation des agriculteurs au tourisme dans
les lycées et collèges agricoles, appui à la rénovation du bâti ancien et à la diversification des activités à
la ferme, organisation d’offres de loisirs adaptées…

Bien que les résultats diffèrent beaucoup d’un massif ou d’une vallée à l’autre, ces mesures pour
l’agriculture de montagne ont contribué à produire des effets globalement très positifs : installations de
jeunes agriculteurs plus nombreuses qu’en plaine, déprise agricole limitée avec un potentiel d’estives et
de parcours en grande partie sauvegardé, création de très nombreuses AOC et IGP et fort développement
du tourisme rural, augmentation de l’attractivité des territoires et regain démographique global de + 3,8%
de 1968 à 1990, émergence de nouvelles dynamiques faisant de certaines vallées ou de certains massifs
de véritables laboratoires de développement durable.

Les clés principales du succès ont été : la mise en place d’une politique agricole qui prenne en compte les
exploitations et les territoires avec leurs spécificités et atouts (qualité des produits, synergie agriculture-
tourisme…); l’introduction d’une approche de développement associant l’agriculture aux autres politiques
sectorielles à l’échelle du « territoire de projet » et tous les acteurs concernés ; et surtout l’animation locale
et la formation pour soutenir les responsables agricoles locaux et les agriculteurs dans des démarches de
projets s’inscrivant dans une vision territoriale.

La mise en œuvre du Pilier II du Plan Maroc Vert dans les montagnes et oasis devra par conséquent
veiller à bien prendre en compte les trois grandes spécificités qui caractérisent ces régions :
 la qualité et la diversité des produits et des terroirs qui peut être valorisée pour créer de
la valeur ajoutée et se positionner avec succès dans les marchés,
 la petite taille des exploitations et leur répartition spatiale, qui imposent des regroupements
souvent de plusieurs niveaux pour permettre la professionnalisation de l’agriculture et
la mise en marché,
 le maintien de fortes solidarités locales et le rôle important des communautés locales
dans la gestion des ressources naturelles, lesquels peuvent être valorisés par des
approches innovantes pour permettre d’augmenter les productions des terroirs et des
exploitations et les services rendus à l’environnement.

La reconnaissance de ces spécificités conduira par suite à souligner l’importance d’inscrire


la mise en œuvre du Pilier II dans une approche de développement territorial, et la valeur du
concept de « terroirs ».

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

1. Miser sur la qualité des produits, des services et des terroirs et


sur la synergie avec le tourisme.

Les atouts des montagnes et oasis peuvent être valorisés pour réussir le développement agricole
grâce à des dynamiques de terroir autour de « paniers de biens et de services ». Le potentiel du
pays en produits de terroirs et les dynamiques engagées restent à mieux identifier et valoriser.
La nouvelle loi sur les signes distinctifs de qualité et d’origine offre un cadre mais elle suppose un
dispositif de mise en œuvre approprié. L’animation d’un réseau d’experts régionaux par le futur
Centre de Ressources du Pilier II pour appuyer les dynamiques locales et la définition de méthodes
de mise en œuvre et guides de bonnes pratiques sont nécessaires.
De nouvelles innovations sont nécessaires en termes de transformation et de commercialisation
des produits : création d’espaces dédiés, partenariats avec des acteurs institutionnels type RAM et
Accor, etc.
Les agriculteurs ont vocation à devenir des acteurs majeurs du développement du tourisme vert.
Des synergies nouvelles entre politiques, institutions et projets agricoles et touristiques s’imposent.

Le développement agricole des deux agrosystèmes, montagnard et oasien, est handicapé par
la contrainte physique et climatique, l’enclavement, l’éloignement des grands centres urbains,
le manque de terres et/ou d’eau, les taux très élevés de pauvreté et d’analphabétisme, la petite
taille des exploitations, la faible compétitivité des systèmes actuels de production et la grande
fragilité face à l’ouverture et au changement climatique.

Il peut cependant s’appuyer sur des atouts remarquables qui sont :


 La diversité, la typicité et la qualité des produits et l’engagement nouveau du Maroc
dans une politique de promotion des signes de qualité (IGP, AOP, labels),
 La diversité et la qualité des terroirs, cultures et paysages et l’important potentiel
d’attractivité de ces régions pour un tourisme vert (agro-tourisme, éco-tourisme,
tourisme rural) externe et domestique, lequel pourrait être valorisé,
 La demande croissante des touristes et des marchés nationaux et internationaux pour
les produits de terroir, produits bio et produits « gourmands » et pour le tourisme vert,
 Les fortes solidarités des communautés locales, les hommes et les femmes avec leurs
savoir-faire et disponibilité, les nouveaux échanges (tourisme, migrations) qui contribuent
à ouvrir ces territoires sur l’extérieur et le rôle que peuvent jouer des émigrés, cadres
et jeunes diplômés revenus au pays ou susceptibles de s’y investir et les nouvelles
dynamiques sociales qui commencent à émerger.
Ceci signifie que l’ambition du Pilier II doit donc être d’initier, pour un maximum d’exploitations,
un développement vers l’accroissement de la valeur ajoutée des produits (et pas seulement de
la quantité) pour améliorer les revenus. Le développement sera ainsi de type plus qualitatif que
quantitatif.
Il pourra gagner à engager une dynamique de qualification des produits et d’une synergie
agriculture/tourisme autour du concept de terroir. Cependant, il ne pourra pas s’agir d’un
tourisme de masse, incompatible avec les ressources et le patrimoine culturel, mais bien d’un
agrotourisme fondé sur les atouts spécifiques de ces territoires, comme les produits de terroir et
l’authenticité de l’habitat rural traditionnel.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

1.1 La qualification des produits


L’expérience européenne (encadré 8) témoigne de l’importance stratégique de la valorisation
des produits locaux de qualité des montagnes méditerranéennes et de leur reconnaissance par
des signes d’origine. Ces produits phares peuvent jouer un rôle déterminant dans l’émergence de
nouvelles dynamiques de développement agricole et rural durable, des dynamiques de terroirs
construites sur des « paniers de biens et de services ».

Encadré 8. Les produits de terroir et les signes de qualité et d’origine : 


enseignements de l’expérience européenne

Les 5 pays méditerranéens que sont le Portugal, l’Espagne, la France, l’Italie et la Grèce regroupent à eux
seuls 80% du nombre total des AO/IG (appellations d’origine et identifications géographiques) de l’UE.
Ces AO et IG, reflet de la diversité méditerranéenne naturelle, culturelle et agricole, sont devenus des
outils majeurs du développement, y compris dans les zones rurales isolées. La reconnaissance des lieux
comme porteurs de valeurs (IGP ou AOP) et l’intelligence des dynamiques locales permettent en effet
de générer d’importantes plus values et services environnementaux. En France par exemple, on compte
au total 80 IGP pour un chiffre d’affaire de 1 milliard € et 25.000 producteurs, 48 AOC laitières (22.000
producteurs, 440 transformateurs et 180 affineurs et un C.A de 2 milliards), et 39 AOC agro-alimentaires
(13.500 producteurs et 0,2 milliard).

Ce développement peut profiter à de très petites exploitations à l’exemple de l’oignon doux des Cévennes
(130 producteurs qui exploitent 41 ha de terrasses), du piment d’Espelette produit par des femmes rurales
du Pays Basque (depuis le passage en AOC en 1997, le nombre de producteurs est passé de 30 à 90 et
6 PME ont été créées) ou de l’huile d’olive de Nyons. Il permet aussi de donner une rentabilité à des
produits de haute montagne (l’AOC brebis Barèges Gavarnie est élevée en estive sur pâturages collectifs
entre 1600 et 2600 m et le bœuf Fin gras du Mezenc au dessus de 1100 m) et d’accroître le prix de vente
souvent de plus de 30%, ce qui permet de revitaliser des territoires entiers (Roquefort, Nyons), protéger
la biodiversité, réduire la consommation de produits phytosanitaires et, par l’entretien des parcours,
maintenir la qualité des paysages et réduire le risque d’incendie (exemple du fromage de chèvre Pélardon
des Cévennes).

La démarche nécessite cependant beaucoup de cohérence, de dialogue et de persévérance. Il faut pouvoir


s’appuyer sur un produit source d’identité locale reconnue, une structure « ferment » et conduire un
véritable travail de diagnostic avec échanges entre acteurs et confrontation des connaissances. Ceci
suppose un important travail d’animation locale (par un front office) et un appui spécialisé en inscrivant
le projet agricole dans un projet de territoire. Le cahier des charges et l’aire géographique doivent être en
cohérence avec les pratiques qui font sens localement, tout en ayant le souci de permettre au plus grand
nombre de rejoindre en souplesse la dynamique (approche inclusive et non pas exclusive).

La traçabilité et les contrôles contribuent à la crédibilité. La création depuis 70 ans en France d’un
institut spécialisé (l’INAO - Institut national de la qualité et de l’origine) a joué un rôle déterminant. Sa
composition et la procédure suivie, qui sont le travail d’accompagnement du porteur de projet en amont,
le lancement d’une procédure nationale d’opposition, la mise en place d’une commission d’enquête,
la nomination de consultants et d’experts « délimitation » chargés de proposer l’aire géographique, la
consultation publique, le vote à bulletin secret par le comité national (lequel comprend des personnalités
qualifiées indépendantes) et le transfert pour décision finale au Ministre si 2/3 des votes sont favorables,
lequel ne peut modifier le contenu du projet de cahier des charges, ont contribué à renforcer la crédibilité
et la portée de cette politique.

Les principaux facteurs d’échec sont :


• l’absence de notoriété du produit, voire la volonté de collectivités locales de vouloir imposer un
nom,
• la faible représentativité du porteur de projet,
• des acteurs dominants au sein de la filière et une stratégie de compétition voire d’exclusion,
• un dossier fait par des « experts ».

34
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Le Maroc ne manque pas d’atouts pour s’engager avec succès dans cette voie.

Il dispose en effet d’un potentiel très important en produits de terroirs qui reste à mieux cerner
et valoriser. Parmi les produits traditionnels des montagnes et oasis, plusieurs11 disposent en effet déjà
d’une importante réputation et pourraient justifier d’une meilleure valorisation et promotion et, le
cas échéant, de demandes de reconnaissance par des signes de qualité officiels : labels, appellations
d’origine, indications géographiques.

L’agriculture de ces régions est aussi essentiellement de type biologique et elle pourrait gagner à s’en
prévaloir. Le pays peut aussi mettre à profit le classement par l’UNESCO en réserves mondiales de la
biosphère des oasis du Sud (dont le Ministère de l’agriculture est l’autorité de gestion), de l’arganeraie
et du Rif pour faire bénéficier les produits qui le justifient de ce label international prestigieux12.

La reconnaissance officielle de nombre de ces produits est maintenant rendue possible par la
nouvelle loi sur les signes distinctifs d’origine et de qualité (encadré 9), laquelle pourrait trouver
un terrain d’application privilégié dans les montagnes et oasis.

Encadré 9. La loi sur les signes distinctifs d’origine et de qualité

La loi n° 25-06 relative aux signes distinctifs d’origine et de qualité des denrées alimentaires et des
produits agricoles et halieutiques fixe les conditions de reconnaissance officielle des produits et détermine
les obligations et responsabilités des bénéficiaires. La loi vise un gagnant/gagnant pour à la fois les
producteurs et les consommateurs, et son objectif principal est de contribuer à un développement rural
durable. La valorisation des produits typiques locaux (agricoles, halieutiques, issus de la chasse et de la
cueillette, cosmétiques, plantes aromatiques et médicinales) qui le justifient, peut en effet permettre une
augmentation des revenus des producteurs, notamment les petits producteurs, en même temps qu’une
meilleure préservation de la biodiversité, des ressources naturelles et du patrimoine gastronomique,
artisanal et culturel.

Les décrets n°2.8-404 et n° 2.8-405 fixent les règles d’application de la loi et la composition et le
fonctionnement de la commission nationale chargée de donner un avis sur les demandes d’agrément. L’AOP
(appellation d’origine protégée) est un signe qui combine critère géographique et mode de production : la
production, la transformation et la préparation ont lieu dans l’aire géographique délimitée et la qualité, la
réputation ou les autres caractéristiques du produit sont dues exclusivement ou essentiellement au milieu
géographique comprenant des facteurs humains et des facteurs naturels. L’IGP (indication géographique
protégée) est un signe exclusivement d’ordre géographique : la réputation du produit est liée au lieu et
sa production et/ou sa transformation et/ou sa préparation ont lieu dans l’aire géographique délimitée.
Le label est un signe de reconnaissance des qualités intrinsèques au produit, combinées à des modes de
production.

Quelques premières expériences très encourageantes ont d’ailleurs pris jour au Maroc, à l’instar
de plusieurs exemples récents ou en cours dans la Province d’Essaouira (encadré 10).

11- Safran de Taliouine, pommes de Middelt et Imlilchil, rose à parfum du Dadès et autres plantes aromatiques et médicinales, fromages de chèvres
et figues de Chefchaouen, huile d’argan et viande de chevreau de l’arganeraie, huiles d’olives de certains terroirs, dattes du Draa et du Tafilalet,
agneau de parcours, amandes et autres fruits secs, poulets bildi, farine de blé dur et couscous de Rich et de nombreux autres terroirs, etc…
12- Ce pourrait par exemple être le cas des nouveaux produits transformés à base de dattes molles (confiture, tartine, nectar,…) dont le
développement s’inscrit remarquablement dans l’esprit du programme MAB (Man and Biosphere) puisqu’il permet à la fois de créer une plus value
très importante pour les producteurs locaux et de contribuer à sauvegarder l’exceptionnelle biodiversité du patrimoine phoenicicole, et, par suite, la
capacité de résilience de l’agrosystème pour faire face notamment à la maladie du bayoud.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Encadré 10. Valorisation des produits par les signes de qualité dans la Province d’Essaouira

L’organisation en 2001 de journées d’étude de programmation par objectifs, avec élaboration d’un diagnostic
et d’une vision stratégique, a conduit la DPA d’Essaouira à devenir un acteur pionnier de la valorisation des
produits de terroirs au Maroc. Trois produits font l’objet d’une mobilisation collective de valorisation et de
signes officiels de qualité : l’huile d’argan, l’huile d’olive de Tyout et le chevreau d’arganier. 
La DPA a joué un rôle actif dans la mise en œuvre du projet arganier, financé avec l’aide de l’UE à travers
l’ADS : 1000 femmes rurales de la Province, regroupées en 26 coopératives en ont bénéficié, 15 coopératives
ont été mises à niveau (alphabétisation, aménagement, équipement, appui à la commercialisation), 10 sièges
de coopératives ont été créés (financés par l’INDH), ainsi qu’un GIE chargé d’appuyer la commercialisation
notamment à l’export. Le chiffre d’affaire des coopératives a augmenté de 40% de 2005 à 2007 et des
progrès significatifs ont été obtenus en termes de qualité (mise en bouteille, certification bio et commerce
équitable, prix Slow food), d’efficacité du travail, d’efficacité énergétique et d’alphabétisation (500 femmes
bénéficiaires). La DPA et les coopératives de la Province ont aussi joué un rôle actif au sein de l’AMIGHA,
association marocaine pour l’indication géographique de l’huile d’argan, créée par la région Souss Massa
Drâa et les partenaires économiques pour élaborer le projet de cahier des charges avec l’appui de la région
Aquitaine.
Les principales clefs du succès dans le projet arganier ont été :
• La mise en place d’un « front office » (sous forme de cellule d’appui aux coopératives) de qualité,
constitué de 4 animateurs (2 cadres de la DPA/CT, 2 animateurs financés à plein temps par l’ADS) formés
(68 jours de formation sur 5 ans) pour l’appui à la formulation des projets par les coopératives,
• Un système de financement souple et qui responsabilise les bénéficiaires en renforçant leurs
capacités : appel à projet, subvention accordée sur présentation du projet après avis favorable d’un
comité d’évaluation, financement du projet permettant de renforcer les capacités des coopérateurs
(alphabétisation), coopératives et groupements ; 30% du coût du projet à la charge des bénéficiaires ;
système de contractualisation.
• La forte déconcentration et le recours à un back office qualifié (cadres DPA, expert international,
experts nationaux),
• La concertation continue et le temps qui lui a été consacré.
Le projet « huile de Chiadma-Tyout » n’est pas moins exemplaire puisqu’il a abouti au premier dossier
de demande d’agrément d’AOP (appellation d’origine protégée) au Maroc grâce à un travail exemplaire
d’animation locale. Ce terroir de 100 hectares et 120 agriculteurs est riche d’une grande valeur patrimoniale :
qualité réputée de l’huile, histoire culturelle, valeur paysagère du site, espace de rencontre des tribus Haha
et Chiadma. L’engagement fort d’une vingtaine d’agriculteurs motivés, de l’AUEA, et des propriétaires
de maâsras, accompagnés par le CT, la DPA et par un chercheur militant de l’INRA de Marrakech, s’est
traduit par la création d’une coopérative, de 3 comités (technique, juridique, de contrôle interne) et par
l’élaboration par les agriculteurs d’un cahier des charges détaillé et garantissant une qualité spécifique avec
maintien d’une forte authenticité et des savoir-faire locaux (utilisation de la meule de pierre). Le projet de
1,2 million DH financé par les bénéficiaires, le FREPE, l’INDH et la DPA a permis également de construire
une maâsra, d’améliorer le matériel de trituration et agricole, de réaliser des emballages et étiquetages
de qualité, de conduire les analyses chimiques et organoleptiques et de mettre en place des formations
adaptées. L’huile d’Essaouira a obtenu le 1er prix OLEA en 2006 et le 3ème prix du SIAM 2007. Aux dires
de responsables agricoles locaux, l’obtention de l’AOP et la création de plus value conduiront les jeunes
à revenir au pays. C’est toute une nouvelle dynamique de développement agricole local qui s’est ainsi
engagée. Elle devra conduire à une remise en état concertée de l’oliveraie.
Le chevreau d’arganier est un troisième produit à forte typicité. La dynamique engagée par une étude en
2001 et un séminaire en 2003 a conduit en 2004 à la création d’un groupement de 160 éleveurs affiliés à
l’ANOC. Le travail d’animation a déjà permis de réduire les taux de mortalité de 25 à 2% et de conduire des
essais prometteurs de transformation. L’obtention d’un signe de qualité est espérée d’ici 2011.
De nombreuses actions de sensibilisation et communication en direction des consommateurs et producteurs
s’ajoutent à ces actions et créent une émulation et une synergie globales autour du concept de « paniers
de biens et de services » : organisation de séminaires et foires, concours culinaires, participation aux
salons agricoles, mise en place d’un circuit des produits de terroir avec une agence de tourisme et les
coopératives.

36
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

La longue expérience européenne et la jeune expérience marocaine montrent ainsi que la loi
ne suffit pas et qu’il faut des précautions, de la méthode et des appuis appropriés d’animation
au niveau local et régional/national pour réussir à en faire un véritable outil de développement
agricole et rural durable. La définition des cahiers des charges et la délimitation des aires
géographiques des futures AO et IG sont notamment des tâches qui peuvent être complexes
et les acteurs locaux doivent pouvoir être accompagnés pour porter un projet territorial de
type inclusif qui évitera les risques d’accaparement par les plus puissants et donc de dérives et
d’échecs. La mise en œuvre de la loi devra ainsi être de type proactif pour valoriser les savoir-
faire locaux et appuyer l’émergence de dynamiques par les communautés locales.

La France, très avancée dans ce domaine, a aidé et peut encore aider le Maroc à prendre des
raccourcis utiles. La mise en place, il y a déjà plus de 70 ans, d’un établissement public spécialisé
(INAO), après plusieurs phases de tâtonnements, a montré l’intérêt de pouvoir disposer d’une
institution, d’une méthodologie, d’un réseau d’expertise et d’une ingénierie adaptés, d’associer
et de responsabiliser les partenaires et des personnalités qualifiées, et de donner ainsi de la
crédibilité à la politique tout en protégeant le Ministre des pressions, qui, dans ce domaine,
peuvent être nombreuses.

Pour le Maroc, l’animation au niveau national (par le futur Centre de Ressources du Pilier II
du Plan Maroc Vert) d’un réseau d’experts régionaux aidera le pays à consolider ses premiers
acquis et à engager l’action dans la direction souhaitable. La mise en place d’un guide de
bonnes pratiques et de formations à l’ « approche terroirs » (qui ne se réduit pas, loin s’en faut,
à l’émergence de produits à signes d’origine) sera utile. A terme, la création d’une institution
spécialisée est à envisager.

1.2 L’innovation dans la transformation et dans la commercialisation des produits de


terroir

Il ne s’agit pas seulement de reconnaître la qualité des productions locales traditionnelles et de


la valoriser, il s’agit aussi d’innover dans la transformation et dans la commercialisation.

Plusieurs exemples récents montrent en effet que de « nouveaux » produits transformés


permettent de valoriser les productions locales et de générer d’importantes plus values. L’INRA
joue un rôle moteur dans cette évolution (encadré 11).

Encadré 11. L’INRA : acteur de l’innovation dans la valorisation des produits locaux

L’INRA a amélioré ou mis au point ces dernières années de nombreux procédés de transformation et de
conservation permettant aux petites coopératives et entreprises rurales de valoriser des produits de leurs
terroirs pour une meilleure commercialisation et valeur ajoutée.
Les dattes de faible valeur marchande peuvent devenir confiture, nectar, sirop, gelée et pâte à tartiner de
très bonne qualité ; les raquettes de cactus : des filets, de la farine, des plats cuisinés ou de la soupe ; et
les figues de cactus : de la confiture, de l’huile ou du nectar. Les jus, gelée et nectar de grenade, nectar
et gelée de figues, flocons de blé dur et d’orge, soupe de fèves ou d’orge de variété locale sont d’autres
produits d’avenir.
L’INRA appuie l’ORMVA du Tafilalet, l’Agence du sud et les coopératives et entreprises de la région Souss
Massa Draa dans la mise en place de projets concrets de petite dimension. Il appuie aussi l’élaboration
locale de cahiers des charges d’AOP ou IGP.

37
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Des innovations sont aussi à imaginer dans les modes de commercialisation des produits de terroir
pour rapprocher les produits de qualité des montagnes et oasis des acheteurs potentiellement
intéressés. Un projet national pour la création d’espaces de commercialisation spécifiques
(sur les principaux axes touristiques et dans les stations d’autoroute ou celles du Plan Azur)
et le développement de partenariats avec des acheteurs institutionnels comme par exemple les
groupes RAM ou Accor contribuera à faire évoluer l’image de l’agriculture des montagnes,
oasis et zones arides du pays, à promouvoir les produits de qualité des petites exploitations
concernées et de leurs groupements et à la réussite du Pilier II.

1.3 La synergie agriculture-tourisme

Dans la vision de développement agricole du Pilier II, la création d’une synergie réussie entre
développement de l’agriculture et du tourisme est importante. En effet :

 Les agriculteurs peuvent devenir les acteurs majeurs du développement du tourisme


vert et le développement de l’agrotourisme (création dans les exploitations de gîtes,
chambres et tables d’hôtes, auberges, aires de camping,…) peut permettre d’augmenter
le revenu agricole de nombreuses exploitations,

 L’essor du tourisme dans les régions montagnardes et oasiennes ouvre pour les
agriculteurs de nouveaux marchés locaux rémunérateurs, y compris pour les produits de
base (céréales, légumes et fruits, lait, viande, huile d’olive, légumineuses,..) qui pendant
longtemps vont encore constituer l’essentiel des productions,

 Les touristes, de retour dans leurs pays ou dans les villes du littoral, peuvent devenir des
ambassadeurs des produits plus typiques de ces régions et contribuer au développement
d’un commerce équitable,

 Le rôle des agriculteurs de gestionnaire des terroirs (savoir-faire, écosystèmes, paysages,


petit patrimoine bâti) est essentiel pour que ceux-ci conservent leur qualité patrimoniale
et leur attractivité touristique,

 Les agriculteurs des montagnes et oasis et leurs communautés sont porteurs de fortes
identités et cultures locales, et peuvent contribuer à des évolutions du tourisme qui ne
viennent pas les altérer,

Le développement du tourisme vert est susceptible de créer à terme un nombre non négligeable
d’emplois et de réduire les pressions sur les terres. Le développement du tourisme domestique
pourrait contribuer à de nouvelles rencontres entre les urbains du littoral et des grandes villes et
les communautés des montagnes au profit du développement agricole.

Une synergie réussie suppose cependant que le développement du tourisme vert soit pensé en
relation et synergie avec l’agriculture, maîtrisé et voulu par les communautés locales et une
évolution et convergence des politiques, institutions et projets. Le Ministère de l’agriculture par
sa présence locale et ses centres de formation a un rôle important à jouer, à l’instar du rôle qu’il
joue pour l’artisanat et le commerce en appui au Ministère de la formation professionnelle.

38
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

2. Professionnaliser et agréger la petite agriculture pour accéder


au marché

La très petite taille des exploitations des montagnes et oasis est une caractéristique essentielle. La
réussite de l’accès au marché et de la professionnalisation suppose des agrégations de producteurs
volontaires organisés à plusieurs échelles territoriales emboîtées, du douar à la commune et à la
petite région, en veillant à la réussite de la montée d’échelle économique (scaling up).

Des premiers exemples encourageants de réussites locales sont constatés. Ils invitent à ce que
priorité soit donnée à la valorisation aval (regroupement de l’offre, valorisation et mise en marché
des produits de terroirs et autres) créatrice de plus value et d’organisation collective. Le progrès en
aval peut permettre aussi d’initier le progrès en amont dans les terroirs et les exploitations dans le
cadre de « plans de progrès ».

L’approche ascendante, qui responsabilise les acteurs volontaires et permet l’autonomisation, doit
être privilégiée. Les projets doivent donc être ceux des groupements d’agriculteurs appuyés par
l’administration et non ceux de l’administration et des bailleurs. La mise en œuvre du Pilier II
passera par l’émergence d’un grand nombre de petits projets mis en place notamment à l’échelle
communale. La consolidation et le regroupement des dynamiques au niveau des petites régions
permettront la percée économique.

Le renouvellement des générations est indispensable dans les montagnes et oasis : l’installation
de jeunes agriculteurs mieux formés pour l’émergence d’une nouvelle génération d’exploitations
professionnalisées doit être encouragée.

1.1 La petite taille des exploitations et la double nécessité de regroupements


professionnels et de passage à des stratégies d’entreprises

Les exploitations des montagnes et oasis sont principalement de type polyculture-élevage et


pour beaucoup d’entre elles des agricultures de subsistance. La commercialisation ne concerne
souvent que quelques produits particuliers. L’élevage, avec transhumance, occupe une place
importante dans certains massifs. Le nombre moyen d’UGB par exploitation est de 2,5 (Rif
Oriental et Anti Atlas), 3,9 (Rif occidental) et 4 (oasis du Tafilalet), 5 (Haut Atlas Occidental,
Moyen Atlas oriental) et jusqu’à 8 (Moyen Atlas occidental) et 10 (Haut Atlas oriental).
L’arboriculture fruitière tient une place significative puisqu’elle représente de 4 à 7% de la
SAU dans le Moyen Atlas occidental et le Rif occidental, 22% dans le Rif Oriental et 31% dans
le Rif Sud.

La très petite taille des exploitations agricoles est une caractéristique essentielle. Les
exploitations de moins de 3 ha sont en effet 65% du total d’exploitations en montagne et 82%
dans le pré-Sahara alors qu’elles sont minoritaires dans les autres grands agrosystèmes. Dans le
système traditionnel montagnard et oasien, la taille moyenne des exploitations est souvent de 1
à 1,5 ha, voire moins.

La professionnalisation de la petite agriculture paysanne suppose de passer d’une stratégie


de type patrimonial visant essentiellement la conservation du patrimoine, investissant peu et
adverse au risque, à une stratégie de croissance qui recherche un accroissement du revenu et

39
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

manifeste une dynamique entrepreneuriale avec réalisation d’investissements et prise de risque.


Ce passage nécessite que l’exploitant concerné s’inscrive dans une logique de projet, c’est-à-
dire une capacité à se projeter à au moins 2 ou 3 ans en se fixant des objectifs clairs de réalisation
dans le cadre d’un « plan de progrès » (business plan).

Cependant, les unités de production agricole de ces zones sont trop petites, voire constituées
de micro parcelles dispersées, et donc trop loin du seuil économique permettant une mise en
marché susceptible de générer un revenu significatif pour le producteur. Un producteur seul,
même s’il souhaite passer à une logique d’entreprise, ne peut donc généralement pas accéder
au marché et valoriser sa production. Pourtant, les surfaces consacrées à la production agricole
peuvent être importantes et représenter un véritable potentiel économique, en particulier à
l’échelle du douar.

Il en résulte que la professionnalisation de l’agriculture impose de s’organiser dans le cadre


d’agrégations permettant de réunir les producteurs individuels volontaires13 dans une démarche
organisationnelle collective pour atteindre le seuil économique et réussir la mise en marché.

Cette approche de regroupement économique inspire le Plan Maroc Vert. Elle gagnera à être
de type inclusif pour que les différentes exploitations d’un terroir, même celles qui ne sont pas
prêtes à un moment donné (par exemple pour des raisons d’âge de l’exploitant) puissent, le
moment venu, s’inscrire dans la dynamique territoriale.

Des groupements agricoles et petites coopératives en régions de montagnes et oasiennes, à


l’échelle d’un ou plusieurs douars ou d’une commune, des coopératives laitières ou de production
de dattes à rayon d’approvisionnement plus large, en montrent la possibilité, mais l’essentiel
reste à faire et c’est tout l’enjeu du Pilier II.

Dans cette logique, il est important de :


1. raisonner l’organisation collective de l’agriculture à l’échelle territoriale appropriée,
2. privilégier l’approche ascendante,
3. donner priorité à la valorisation par l’aval,
4. favoriser la transmission/reprise des exploitations et l’installation des jeunes.

1.2 Les échelles territoriales et le « scaling up »

L’organisation collective de l’agriculture peut s’opérer à plusieurs échelles territoriales :


 Le douar peut être une échelle pertinente pour la constitution de groupements de base
de type associatif.
 Leur regroupement à l’échelle d’une commune peut permettre de créer une coopérative
qui peut avoir en charge la transformation et la commercialisation de volumes suffisants
pour intéresser des marchés extérieurs à la commune. La commune rurale peut d’ailleurs
jouer un rôle important en mettant à disposition du foncier ainsi que des infrastructures
et services facilitant la réalisation des unités (unités de séchage des fruits, de production
et conditionnement d’huile d’olive, de jus de fruits, de conditionnement des dattes et

13- Tous ne le sont pas forcément en même temps alors que la réussite du groupe impose un engagement, une confiance et une discipline part -
gés.

40
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

production de confiture, ateliers de découpe,…) qui joueront un rôle de déclenchement de la


création de plus values et de professionnalisation de l’agriculture.
 Ces coopératives peuvent se regrouper dans le cadre d’unions de coopératives ou GIE à
des échelles territoriales plus importantes qui permettront d’intervenir sur des marchés
régionaux, nationaux, voire internationaux et la réussite de montée en échelle (scalling up).

On ne saurait trop insister sur l’importance de l’échelle de la « petite région » (qui correspond
en simplifiant à celle du Cercle administratif). C’est en effet à cette échelle que peuvent se créer
ou se consolider les différents services d’amont et d’aval nécessaires à la professionnalisation de
l’agriculture : transports, agences de micro-crédit et de crédit agricole, service de vulgarisation/
conseil en développement, centres de formation rurale et de qualification, souks, fournitures
d’intrants agricoles, petits abattoirs ruraux, services vétérinaires,… C’est aussi à cette échelle
qu’une Union de coopératives peut atteindre une taille suffisante pour prendre place efficacement
dans des marchés nationaux ou internationaux.

A cette échelle, la filière locale peut être organisée et consolidée en interprofession au sein
de laquelle les producteurs et les partenaires commerciaux et autres (acteurs du tourisme,…)
peuvent se retrouver sur les questions de promotion et de régulation des produits et marchés.

Ce peut être aussi le premier échelon d’élaboration de l’information sur la mise en œuvre des
projets du Plan Maroc Vert et celui où l’action de vulgarisation peut s’organiser concrètement dans
les communes et douars pour repérer les acteurs possibles de la dynamisation professionnelle,
aider à la constitution de groupements, et à la formulation des projets et à l’accompagnement
de leur mise en œuvre.

2.3 Donner la priorité à la valorisation par l’aval et privilégier l’approche ascendante

De premiers exemples très encourageants de réussites locales, qui concernent de nombreux


produits, de terroir et autres, ont émergé ces dernières années dans les montagnes et oasis, dans
le cadre ou non de programmes soutenus par l’Etat et des bailleurs de fonds. Ils plaident pour
donner priorité à la valorisation par l’aval et à la promotion d’un grand nombre de petits projets
diversifiés à l’échelle notamment communale, en capitalisant sur les acquis des expériences à
l’étranger et au Maroc dans le cadre d’approches ascendantes et en veillant à la réussite de la
montée d’échelle. Agir sur la valorisation en aval, par regroupement de l’offre, conditionnement,
transformation et commercialisation, permet de créer d’importantes plus values et montre la
nécessité de regroupements et de fortes disciplines collectives. Le succès sur l’aval peut aussi
être le vecteur du progrès en amont, dans les terroirs et les exploitations, où des « plans de
progrès » peuvent être adoptés et soutenus par les opérateurs sociaux, l’Etat et les organismes
de crédit.

L’approche ascendante présente le grand avantage de mobiliser les producteurs dans une
dynamique de développement territorial et économique dans laquelle ils sont responsabilisés
et unis autour d’un objectif commun et structurant. Cette démarche considère les exploitants
comme des acteurs économiques à part entière, responsables de leurs décisions et de leurs
actions au sein du territoire. L’intérêt de cette évolution par fédération de structures réside dans
le maintien de la représentation du producteur tout au long de la chaîne. C’est une démarche de
développement responsabilisé qui a largement fait ses preuves dans de nombreux pays. Lorsque
les productions et marchés sont déjà existants sur le territoire, que des réussites locales portées
41
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

par des petites exploitations et groupements peuvent déjà faire exemple et que des opérateurs
sociaux existent et peuvent être consolidés et responsabilisés, la démarche ascendante apparaît
comme celle qui devrait s’imposer. Elle permettra de consolider les opérateurs sociaux comme
interlocuteurs de l’administration et des institutions partenaires.

Cependant, des approches plus « descendantes » peuvent s’avérer nécessaires lorsque l’existence
de débouchés commerciaux spécifiques pour des produits qui peuvent être très innovants
permettent d’envisager l’implantation de nouvelles productions ou ateliers de transformation
(par exemple : jus de pomme, miel, safran,..) qui permettront d’apporter du revenu aux
agriculteurs. Dans ce cas, le projet pourra initier une démarche plus de type « amont » de mise
en place d’une production dont le débouché parait assuré. Cette démarche pourra le cas échéant
s’appuyer sur des associations ou coopératives déjà existantes qui pourront ainsi diversifier leur
production14.

La nécessité de combiner approches descendantes et ascendantes peut aussi s’avérer nécessaire


lorsque les producteurs concernés sont particulièrement démunis et disposent de capacités
très limitées. L’INDH, (Initiative Nationale de Développement Humain), projet de règne, qui
vise les zones les plus pauvres, a permis d’affirmer les nouveaux principes fondamentaux
développés par la Stratégie 2020 de développement rural (le projet porté par les acteurs locaux,
la programmation déconcentrée) et d’introduire des innovations intéressantes, à l’exemple,
encore unique, de ce qui a été engagé dans le Tafilalet (encadré 12).

Encadré 12. Mise en œuvre du volet agricole de l’INDH dans le Tafilalet

La mise en œuvre du volet agricole de l’INDH (programme transversal) dans la province d’Errachidia,
permet depuis un an de financer les micro projets de nombreuses micro-exploitations pauvres. Le projet
est confié à un réseau de cinq opérateurs sociaux (ONG locales disposant de capacités minimum) répartis
dans la province, lesquels font interface avec les associations locales. Chaque opérateur gère une somme
de 1 million DH, dont 10% permettent de financer un animateur, les 90% restant étant confiés aux
associations de base pour financer les projets des agriculteurs. Chaque famille peut recevoir 5000 DH
pour financer son projet (ex: achat de quelques brebis, chèvres ou ruches) mais doit rembourser 70% de
cette somme dans les 2 ans, somme récupérée pour aider de nouveaux projets. L’opération semble pouvoir
permettre de sortir rapidement un grand nombre de familles agricoles très démunies de la pauvreté.

La mise en œuvre du volet agricole de l’INDH (qui ne se limite pas à son volet transversal) a été largement
conçue par l’Office du Tafilalet et elle bénéficie d’un important appui, puisque 1 ingénieur, 1 vétérinaire, 5
techniciens à mi-temps et 25 techniciens des CMV (Centres de mise en valeur) sont mobilisés pour garantir
la crédibilité des projets, aider à l’élaboration des diagnostics participatifs des communes et assurer les
études techniques. Cette approche est intéressante car elle permet d’atteindre effectivement les producteurs
démunis, les responsabilise dans une logique de projet, ainsi que les associations locales et opérateurs
sociaux. Elle apparaît paradoxalement mieux adaptée à la logique de « projet » que celle des politiques
agricoles de ces dernières décennies, trop restées cantonnées dans des logiques peu responsabilisantes de
« guichet » (aides du Fonds de Développement Agricole), de distributions gratuites de plants et de projets
sectoriels descendants et standardisés prenant mal en compte la réalité des exploitations et exploitants
agricoles de ces régions.

14- Un exemple peut être donné avec la mise en place il y’a un an à l’instigation de l’ORMVA du Tafilalet, d’un atelier moderne de transformation de
la datte sur des produits très innovants mis au point par l’INRA, ayant permis à la coopérative féminine Alouaha d’Aoufouss, à l’origine une coopéra-
tive de brebis D’Man, de transformer et commercialiser près de 8 tonnes en créant une forte plus value au bénéfice des 80 exploitations membres.
Cette réussite pouvant aujourd’hui être constatée, d’autres coopératives ou groupements agricoles oasiens de la région existants ou nouveaux
pourraient se donner le projet d’en créer à leur tour dans le cadre d’une démarche ascendante accompagnée efficacement. Un développement bien
accompagné devrait pouvoir permettre de prendre une place importante sur le marché national et international d’ici quelques années pour ce type
de produits.

42
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

2.4. Favoriser la transmission/reprise des exploitations et l’installation de jeunes

Au-delà de l’organisation collective pour la mise en marché, la professionnalisation de la petite


agriculture passe aussi par la modernisation des exploitations et par le renouvellement des
générations avec des encouragements à l’installation de jeunes agriculteurs mieux formés.

L’âge moyen des producteurs des montagnes et oasis est très élevé et certainement supérieur
à l’âge moyen des exploitants marocains (52 ans au dernier recensement agricole). Ainsi, de
nombreux jeunes se détournent de l’agriculture. Cette situation est préoccupante au point même
que certains savoir-faire locaux sont menacés d’extinction, ce qui peut conduire à de véritables
spirales de déclin. Par exemple, le savoir et les pratiques de pollinisation des palmiers dattiers
à forte valeur marchande sont en fort recul dans certaines oasis.

Le renouveau montagnard et oasien impose par conséquent une transmission des savoirs et un
renouvellement des générations rurales. L’installation de jeunes exploitants formés est d’ailleurs
une occasion privilégiée pour enclencher la professionnalisation, ce qui peut justifier la mise en
place de « plans de progrès » accompagnée d’aides à l’installation.

3. Gérer et valoriser les ressources naturelles pour une agriculture


durable et plus productive

Des déficits de gestion limitent la production et la dégradation des ressources naturelles a


d’importants impacts locaux, globaux et en aval.

Des progrès importants de production agricole et de services environnementaux sont possibles tant


dans les périmètres irrigués que dans l’espace agraire hors SAU, lequel représente une part importante
des ressources et des revenus des exploitations en montagne. Ceci suppose des innovations de
gouvernance, notamment par la reconnaissance des usages socio-fonciers et la contractualisation,
avec les communautés de base (jmaa), AUEA et associations pastorales ou leurs groupements, mais
aussi par un aménagement, une agriculture durable et des chartes de gestion des terroirs villageois,
des périmètres irrigués et des aires pastorales concertés.

Des arrangements transactionnels avec les Départements de l’Intérieur et des Eaux et Forêts, des
« opérations test » pour la mise au point des méthodes et des procédures, et la formation d’agents
experts en aménagement participatif des terroirs sont nécessaires.

Des progrès importants de production et de durabilité sont aussi possibles en amont, dans les
exploitations et les terroirs par une meilleure gestion et valorisation des ressources naturelles.
S’agissant des agricultures des montagnes et oasis, la question de la gestion des ressources
naturelles est relativement complexe et peut avoir des conséquences très importantes sur les
territoires et exploitations situés plus en aval, car il s’agit d’agricultures de bassins versants
nécessitant des modes de gouvernance particuliers. Il convient par conséquent d’en faire ressortir
toutes les spécificités.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

1.1 L’eau d’irrigation


Le cœur du système productif est la petite agriculture irriguée en propriété privée (statut melk).
Les agrosystèmes oasiens et montagnards représentent à eux seuls 28% du total irrigué du
pays, ce qui est important. Le développement de l’irrigation est contraint par le manque d’eau
(surtout dans les oasis les plus en aval) et par le manque de sols (surtout dans les vallées de
montagne).

Les systèmes de culture traditionnels sont souvent complexes et la diversité génétique des races
et cultivars est exceptionnelle. Le cas le plus remarquable est celui des oasis anciennes bien
pourvues en eau, où le développement du palmier dattier a permis de créer un microclimat
favorable et 2 sous-étages de cultures (arboriculture fruitière, maraîchage et céréales) et où
l’élevage intensif associé (brebis D’Man) maintient la fertilité des sols et permet des rendements
élevés en culture biologique. Les propriétaires du sol, du droit d’eau et des palmiers peuvent ne
pas être les mêmes.

Cependant, ces systèmes traditionnels sont souvent dégradés par un déficit de gestion (oliviers
non taillés, palmiers dattiers non détouffés,…) qui s’explique peut être par la conjugaison d’une
atomisation progressive du foncier (découpage des parcelles lors des transmissions), par un
certain délitement des règles communautaires, par l’insuffisance de valorisation économique
et par l’absence d’une animation adaptée. Des progrès importants de production sont donc
possibles par meilleure gestion et intensification.

Des extensions importantes par mise en cultures de collectifs (plantations de pommiers,


d’oliviers, de palmiers dattiers) ont été réalisées ces dernières années grâce à l’introduction
de la motopompe, à l’instigation notamment d’émigrés revenus au pays. En outre, de grandes
exploitations irriguées capitalistiques, parfois de plusieurs centaines d’hectares, ont été
récemment créées dans les zones présahariennes. Ces développements, conjugués avec la
baisse observée des précipitations et des écoulements, dont l’aggravation par le changement
climatique est annoncée, pourraient générer des déséquilibres hydriques locaux, conduire à la
remise en cause des investissements réalisés et contribuer à de graves dégradations agricoles
et environnementales en aval. Déjà, des baisses des niveaux de certaines nappes alimentant les
palmeraies situées le plus en aval (ex: plaine du Tafilalet : voir encadré 13) et une aggravation de
la désertification (recul de la palmeraie, érosion éolienne et ensablement, salinisation) peuvent
être constatés avec des risques de mise en péril à moyen terme de l’activité agricole et des
équilibres sociaux. Cependant, des extensions dans certains bassins versants ou sur certaines
nappes sont encore possibles.

Des progrès importants sont aussi possibles par :


 une meilleure gestion des eaux de crues et de ruissellement,
 le développement de la petite hydraulique,
 des mesures d’économies d’eau (reconversion à l’irrigation localisée, notamment des
exploitations d’extensions).

44
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Encadré 13.  Baisse des ressources en eau et dégradation écologique sur le bassin du Ziz

Des signaux préoccupants de baisses de ressources en eau et de dégradation écologique sont constatés
dans le Tafilalet avec :
• La baisse des apports moyens arrivant au barrage du Ziz (barrage Hassan Addakhil). Ces apports
sont passés de 199 Mm3 (moyenne 1939-1971) à 103 Mm3 (moyenne de 1971 à 2005), soit une
diminution de 48 % (de 26% par rapport à la période 1939-2006). A la baisse de la pluviométrie et
à l’aggravation des sécheresses s’ajoute l’augmentation de la demande en eau en amont du barrage
(suite notamment au développement rapide des plantations arboricoles en montagne) qui a aussi
probablement une part de responsabilité. La baisse de la pluviométrie sur la période 1970-2006 par
rapport à la période 1945-2006 est de l’ordre de 10% (6% sur le Ziz).

• La baisse du niveau de la nappe du Tafilalet, une baisse inquiétante et problématique car cette
nappe d’épaisseur limitée assure la vie d’une grande palmeraie et d’une population nombreuse. Le
niveau piézométrique de -3 m il y’a 10 ans, atteint en moyenne les -20 m dans tout le Tafilalet avec
des zones à -30 m et une descente annuelle continue. Cette baisse a plusieurs causes conjuguées :
baisse de la pluviométrie et des écoulements, impact du barrage, augmentation des demandes et
prélèvements agricoles, urbains et touristiques dans les bassins versants amont, surexploitation
locale de la nappe.

• Des problèmes croissants d’ensablement et de salinisation : 60% des sols agricoles du Tafilalet
sont menacés par l’ensablement et 35% affectés par la salinisation (taux de 8 à 16g/l). Des pointes
de salinité de l’eau à 8g/l dans la nappe du Tafilalet ont été aussi constatées.

Source des graphes : Débat national sur l’eau. Direction de la région hydraulique du Guir-Gheris-Ziz ; 2007

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

La nécessité de maintenir les équilibres hydriques dans un contexte probable d’aggravation du


changement climatique pourrait cependant nécessiter à terme une réduction ou suppression des
superficies maraîchères ou de la luzerne sous palmeraies ou oliveraies dans les extensions ou
une évolution des cultures pour réduire la demande en eau agricole et maintenir des apports en
eau suffisants pour les oasis traditionnelles et les besoins urbains. La réflexion prospective a
conduit ainsi à mettre en avant le concept d’agriculture paysagère15.

1.1 Les ressources pastorales

Malgré les importantes extensions réalisées, la part de la SAU dans la surface totale des agro-
écosystèmes est très faible : seulement 20%  dans les montagnes humides, 5% dans les montagnes
sèches et 1,2% dans l’UTA du Tafilalet (oasis). Les espaces agraires autour des douars (villages)
et les grands parcours d’altitude et espaces forestiers, qui relèvent des terres collectives et du
domaine forestier, représentent, pour les agriculteurs et éleveurs de montagne, des ressources
complémentaires non négligeables qui restent à évaluer malgré leur grande importance relative.
Cependant, ces ressources sont largement dégradées avec pour conséquence la baisse du
potentiel pastoral de la biomasse, des pertes importantes de revenus pour les agriculteurs, la
pénibilité accrue du travail notamment des femmes, la déforestation, l’érosion hydrique, et les
conséquences économiques de ces dégradations sur l’aval (comblement rapide des retenues des
barrages, accroissement des risques d’inondations,…) et au niveau de l’environnement mondial
(perte de biodiversité).

Les enjeux d’une bonne gestion des ressources naturelles et des écosystèmes sont donc
nombreux : augmentation des productions et revenus des exploitations, sauvegarde des oasis,
gestion des écosystèmes et paysages, conservation de la biodiversité, des eaux et des sols,
prévention de l’envasement des retenues des barrages (qui permettent la grande irrigation des
plaines atlantiques) et des risques d’inondations et de feux de forêts.

3.3 La gestion des ressources : communautés locales et terroirs villageois

La gestion des ressources en montagnes et oasis est restée principalement de type communautaire
et organisée d’abord à l’échelle locale. La communauté locale et le douar (le village et son
terroir), niveau élémentaire de l’organisation territoriale et sociale pour la gestion des ressources
naturelles, sont donc au cœur de la problématique. Des accords intervillageois peuvent, le cas
échéant, préciser les règles des systèmes d’accumulation et répartition des eaux le long d’une
vallée ou périmètre/nappe ou de gestion des aires pastorales. Cette dernière peut comprendre
la gestion d’agdals par les tribus et jouer un rôle important pour la biodiversité comme le
montre le projet de conservation de la biodiversité par la transhumance dans le Haut Atlas de
Ouarzazate (projet CBTHA, encadré 14).

15- Ce concept, introduit par l’aménagement du territoire dans sa stratégie pour les oasis, demande cependant à être clarifié. La nécessité de
restauration ou maintien de l’équilibre hydrique pourrait conduire à différencier agriculture d’extension et agriculture oasienne traditionnelle. Pour
maintenir la seconde qui représente un patrimoine unique à forte valeur paysagère et productive, l’enjeu sera d’abord l’évolution de la première et la
nécessité d’en réguler le développement (interdiction de toute extension non justifiée et réduction le cas échéant des consommations en eau) tout
en lui permettant de rester productive.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Encadré 14. Conservation de la biodiversité par la transhumance dans le versant


sud du Haut Atlas de Ouarzazate

Le projet transhumance et biodiversité, projet de 10 années démarré en 2001 financé avec l’appui du
FEM et du PNUD, couvre une zone d’environ 1 million ha et 205.000 habitants. La zone, très riche en
biodiversité (164 espèces endémiques, présence de 50% des vertébrés présents au Maroc), est dégradée
par la désertification. L’objectif du projet conduit avec l’ORMVA de Ouarzazate est la conservation de
la biodiversité par l’utilisation plus rationnelle des terres et la relance de la transhumance. Un important
travail de connaissance, de renforcement de capacités et de communication a été réalisé. 41 conventions
ont été signées avec les organisations professionnelles et associations locales. Parmi les actions menées, on
peut citer la mise en œuvre de fonds renouvelables au profit d’associations et d’organisations pastorales,
l’élaboration de plans intégrés de conservation de la biodiversité et de gestion durable, des actions de
reconnaissance et consolidation des pratiques des agdals (les agdals sont des pâturages d’altitude objets de
règles strictes de gestion collective) des tribus sur 74.000 hectares, la mise en place d’une charte du tourisme
durable des pays de la transhumance, des mesures pour la professionnalisation du métier de berger.

La gouvernance communautaire interne s’est trouvée cependant bousculée par les évolutions du
droit et par le développement de pratiques agricoles et pastorales plus individualistes. La loi sur
les terres collectives (1919) n’a pas été en mesure d’éviter une appropriation de fait par grignotage
ni une exploitation minière des ressources. Les extensions réalisées ont, en outre, introduit de
nouveaux acteurs agricoles, ce qui devrait conduire à introduire de nouvelles règles de gouvernance.
La décision de reversement d’une partie des revenus forestiers aux communes rurales a pu avoir
d’importants effets pervers, certaines communes privilégiant les intérêts financiers à court terme
plutôt que le réinvestissement dans la conservation du patrimoine collectif.

3.4 Des exploitations et des terroirs plus productifs et durables : responsabilisation des
communautés, opérations groupées d’aménagement et paiements environnementaux
L’idée principale qui ressort des travaux et analyses d’experts est la nécessité d’un rapprochement
entre gouvernance interne (communautaire) et externe (administrative) pour aboutir à la
négociation et à la contractualisation avec les agriculteurs et communautés concernées d’une
gestion responsabilisée des ressources naturelles, les objectifs pouvant être à la fois économiques
et environnementaux. Les AUEA (associations d’usagers des eaux agricoles) et coopératives
d’éleveurs s’appuyant sur les structures ethniques traditionnelles modernisées (création d’entités
juridiques, implication de jeunes agriculteurs et éleveurs), qui ont été créées ces dernières années,
sont devenues des interlocuteurs privilégiés de l’administration de l’agriculture. On note aussi
la création de nombreuses associations de développement des douars. Les AUEA, coopératives
et associations ou leurs unions dans les provinces pourraient jouer un rôle important d’acteur du
Pilier II pour des interventions dans les exploitations, terroirs villageois et aires pastorales.
La valorisation et la gestion durable des ressources nécessitent cependant une plus grande
priorité et un effort d’innovation. Elle suppose en effet :
 Une responsabilisation accrue des communautés de base (douars, jmaa) dans la
gestion des ressources naturelles sur toutes les superficies de leurs terroirs traditionnels.
Ceci implique des approches contractuelles de longue durée, un suivi technique de
l’administration, des compensations et incitations financières, justifiées au titre
des services rendus pour la gestion de biens publics bénéficiant à l’ensemble de la
collectivité nationale. La mise en place de contrats et chartes de territoires engageant et
responsabilisant les différents acteurs concernés (communautés, administration) parait
notamment déterminante de la restauration et gestion durable de l’espace agraire hors
SAU (espace pastoral et forestier).

47
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

 D’introduire le concept d’opérations groupées d’aménagement des terroirs villageois


(douars) et de plans de progrès exploitation par exploitation. Plusieurs projets en cours
comme celui appuyé par la Commission européenne dans la Province de Khénifra a
conduit à la création d’associations de gestion et d’aménagement des terroirs (AGAT).
On peut aussi citer l’exemple développé en France des OGAF, opérations groupées
d’aménagement foncier, qui a largement fait les preuves de son efficacité (encadré 15)16.

Encadré 15. l’OGAF, outil remarquable pour un développement agricole durable en zones difficiles

Les Opérations Groupées d’Aménagement Foncier (OGAF), initiées en France en 1970, sont un outil qui,
par sa souplesse et son adaptation au terrain, a montré une très grande efficacité pour un développement
agricole durable en zone difficile, notamment en montagne. Elles se sont révélées aussi très utiles par
exemple en Nouvelle-Calédonie où elles permettent de renforcer l’approche communautaire traditionnelle
du développement pour l’adapter à la nouvelle donne économique, développer les produits de terroir,
installer de jeunes exploitants, et organiser l’aménagement foncier.

L’évaluation réalisée après 23 années de mise en œuvre (plus de 1000 projets réalisés) a montré une
grande satisfaction des agriculteurs et autres acteurs locaux bénéficiaires. Les effets positifs les plus
souvent cités ont été l’amélioration de la viabilité des petites exploitations et des conditions de travail. Le
système OGAF a apporté des solutions à de nombreux territoires difficiles et à leurs petites exploitations,
redonné de l’espoir, renforcé les systèmes de gestion communautaire et créé de nouvelles dynamiques
locales de développement agricole et rural.

L’OGAF repose sur une initiative locale. L’appropriation du projet (qui peut être initié par le Front
Office) par les acteurs locaux est déterminante du succès. Le projet de toute OGAF comporte 4 principaux
stades :

• Un diagnostic de la zone, celle-ci étant définie en fonction des objectifs recherchés mais devant
rester de dimension limitée
• L’expression des préoccupations : faire le point des contraintes et atouts de la zone en relation avec
les préoccupations des agriculteurs et autres acteurs locaux : déficit des installations, recherche de
nouveaux débouchés, dégradation des ressources naturelles, etc.
• La recherche de solutions et la définition des objectifs. Ex : favoriser la reprise des exploitations,
aménager l’espace, mieux gérer la ressource en eau,
• Le programme d’action et les financements souhaités. Le montant d’une OGAF est de l’ordre de
200.000 euros. Le programme d’action peut inclure notamment des aides à l’aménagement foncier,
à l’installation et à la modernisation des exploitations, à la restructuration parcellaire (échanges
amiables de terres), à la diversification des exploitations (produits de qualité, tourisme rural,..), à
la gestion des ressources naturelles, à l’amélioration de l’environnement, à la restructuration d’un
vignoble, etc.

Cette souplesse a permis une grande diversité d’OGAF : OGAF modernisation, OGAF foncières, OGAF
installations ou transmission-reprise, OGAF aménagement, OGAF environnement, OGAF viticulture,
etc. Les OGAF ont aussi eu le grand mérite de devenir le point de rencontres de nombreux financements
et de partenariats avec notamment le Crédit agricole, les collectivités territoriales, etc.

Le Front Office (en l’occurrence en France les conseillers agricoles des ADASEA) joue un rôle très
important pour la réussite de ce type de projet par leur fonction d’animation collective (appui en amont
au montage du projet, organisations en aval de réunions communales d’information,…) et individuelle :
conseil et établissement des dossiers auprès des agriculteurs. Cette fonction suppose du Front Office de
solides compétences relationnelles et techniques (métier d’animateur).

La phase préparatoire de l’OGAF (montage du projet) entre Front Office, élus, instances locales
suivi de l’examen et de la sélection par la commission ad hoc (administration et profession agricole)
dure normalement de 6 mois à un an. La phase de mise en œuvre est normalement limitée à 3 ans.
Elle comprend : le règlement d’exécution (approuvé par le préfet), le travail d’animation locale puis
l’instruction des dossiers individuels (par le Front Office), l’acceptation des dossiers individuels par la
commission locale.

16- L’exemple des OLAT, opérations locales d’aménagement de terroir, développé à île de la Réunion peut aussi être cité.

48
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Il s’agit donc au plan local, d’organiser une concertation autour de dispositions à prendre,
travaux et autres actions à faire collectivement et individuellement sur le parcellaire, et qui génère
un bénéfice collectif et pour chaque exploitant. Ces opérations sont dotées d’un petit budget
incitatif à la réalisation des actions prévues et décidées ensemble. Elles pourraient permettre
d’organiser collectivement la remise en état de certaines oasis ou oliveraies actuellement en
cours de dégradation, faute d’un entretien concerté, et de mettre en place des mesures adaptées de
modernisation des exploitations et d’intensification de la production des parcelles cultivées. Les
types de mesures envisageables (plantations, programmes de taille, amélioration de l’irrigation,
amélioration variétale, promotion d’une agriculture de conservation productive, conservation
des eaux et des sols, compostage et gestion de la matière organique, matériel agricole,...)
sont très nombreux et doivent être adaptés à chaque situation. La production s’en trouverait
immédiatement améliorée au plan quantitatif et qualitatif, ce qui peut être déterminant pour la
mise en marché ou pour l’émergence d’une indication géographique de qualité. L’intensification
de la production de la SAU aura aussi l’immense avantage de pouvoir réduire les pressions sur
les espaces naturellement végétalisés (parcours et forêts) et donc de réduire la désertification et
la pénibilité du travail des femmes.

Ce type d’approches, élargi à l’espace agraire hors SAU, pourrait permettre de clarifier et conforter
de façon officielle la réalité des usages socio-fonciers en dessinant la carte de cette réalité (tous
les membres du douar en connaissent la carte mentale) dans un SIG (système d’information
géographique) participatif, carte qui peut permettre ensuite de mettre en discussion les types
d’action à entreprendre. Des projets en cours de mise en œuvre en Tunisie montrent la grande
puissance d’un tel outil pour des progrès agricoles et environnementaux par une gestion concertée
et le rôle essentiel que peuvent jouer des animateurs/intermédiateurs locaux.

Pour assurer un engagement des acteurs afin de garantir à long terme une restauration et gestion des
ressources naturelles, la mise en place de conventions ou chartes territoriales de développement
agricole et de gestion concertée des ressources pourrait en outre devenir un objectif affiché de
certains projets. Ces chartes ou conventions permettraient de reconnaître officiellement les droits
et devoirs des usagers gestionnaires des ressources, de leur confier une responsabilité claire dans
leur gestion et, le cas échéant, de justifier des PSE (paiements pour services environnementaux)
adaptés aux enjeux identifiés. Le financement par l’administration des Eaux et Forêts de
mesures de compensations pour la mise en défens dans le cadre de conventions signées avec
des groupements d’éleveurs et l’autorité locale est un exemple de mesure pertinente mais bien
d’autres sont possibles et justifiables, ce qui nécessite de s’accorder sur le quoi (quel objectif sur
tel territoire) et le comment17.
Ce type de convention ou charte peut aussi se justifier sur des territoires beaucoup plus étendus
que les terroirs villageois (douars) et concerner par exemple de grandes aires pastorales ou
la gestion concertée de l’eau agricole de périmètres hydrauliques/nappes. Dans les régions
oasiennes, il faut signaler que l’hydrosystème est à la fois indépendant et relié : chaque nappe/
périmètre constitue une entité en soi, nécessitant une gestion agriculture/eau appropriée, mais
est également relié par les crues, imposant une gestion globale maîtrisée à l’échelle du bassin
versant permettant d’assurer l’équité amont/aval.

On conclura en soulignant l’importance à la fois d’arrangements transitionnels avec les


Départements en charge de l’intérieur et des eaux et forêts, de la mise en place rapide d’opérations

17- On peut citer l’exemple des « crédits d’eau verte » en cours de développement au Kenya.

49
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

test de type OGAF et chartes dans le but de préciser les méthodes et procédures mais aussi
pour faire exemple, et enfin la priorité de la formation d’agents locaux experts en aménagement
participatif des terroirs.

Une fois les méthodes et procédures mises au point, les opérations groupées et chartes agricoles
ou agro-forestières de territoires pourront progressivement être généralisées pour générer des
progrès économiques et environnementaux de grande ampleur à l’échelle des bassins versants.

4. Inscrire la mise en œuvre du Pilier II dans des approches de


développement territorial et de terroirs

La mise en œuvre du Pilier II suppose en conclusion une « rupture » en termes de lignes d’action par
le passage à des approches de « développement territorial ». Ces approches permettent d’identifier
les acteurs et produits phares et de soutenir les engagements locaux dans la valorisation et la
mise en marché des produits, la gestion durable des ressources naturelles et le développement de
dynamiques de développement agricole durable autour du concept de « terroir ».

Les analyses qui précédent convergent pour mettre en avant la nécessité et le bien fondé
d’inscrire la mise en œuvre du Pilier II dans les montagnes et oasis, dans des approches de
développement territorial, qu’il s’agisse de :

 Miser sur la qualité des produits, des services et des terroirs et sur la synergie avec le
tourisme,
 Professionnaliser et agréger la petite agriculture pour accéder au marché,
 Gérer et valoriser les ressources naturelles pour une agriculture durable et plus
productive.

L’approche de développement agricole territorial apparaît dans tous les cas comme une
condition essentielle de l’efficacité de l’élaboration et de la réalisation des projets. Elle invite
à une approche de développement agricole autour du concept de terroir au sens moderne du
terme, c’est-à-dire une approche qui reconnaît les spécificités locales et les rapports existant
entre les communautés locales et leur environnement, et une approche qui sait les valoriser tout
en s’adaptant aux nouvelles donnes imposées par la mondialisation dont elle peut tirer parti18.

L’approche territoriale marque une rupture par rapport aux approches actuelles. Elle :

 implique une prise de conscience collective des possibilités de développement agricole


durable du territoire et des risques à long terme,
 permet d’identifier et valoriser les produits phares,
 encourage l’identification des acteurs à leurs territoires et permet de soutenir un
processus de construction du territoire agricole, avec des conséquences importantes
pour tout le développement rural des petites régions concernées,


18- La réflexion en approche  « terroir » est développée notamment par l’Association internationale « Terroirs et Cultures » et par les Forums
internationaux « Planètes Terroirs » dont la troisième édition, sous l’égide de l’UNESCO, est prévue au Maroc en 2010.

50
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

 constitue une approche réaliste pour mettre en synergie et en cohérence les exigences
contradictoires de la production agricole et pastorale et de la gestion durable des
ressources naturelles.

Ce type d’approches se construit autour de diagnostics collectifs et dans une élaboration


concertée de la vision du développement possible à court terme. Il conduit à des synthèses
sous formes de chartes d’action à long terme, et, au plan de l’action, à des projets individuels
et collectifs. Il se décline à plusieurs échelles de territoires : exploitations, villages/douars,
vallées, aires pastorales communes, périmètres, communes rurales, petites régions, régions.
L’échelle des « petites régions » et celle des « communautés de base » constituent des niveaux
d’action d’importance stratégique. Cependant, l’échelle de la commune rurale a aussi sa
pertinence et son importance.

Le développement territorial suppose un encadrement avancé en matière de décentralisation et


de déconcentration et une bonne organisation de la filière technologique. Il doit être l’occasion
d’une participation effective des acteurs de terrain à tous les niveaux, en promouvant
notamment la formation et l’animation qui permettent d’acquérir l’autonomie nécessaire, et, le
cas échéant, d’ouvrir sur d’autres métiers. La prise en compte du facteur humain, notamment
par l’intégration des jeunes et par le recours aux solidarités locales toujours fortes dans les
montagnes et oasis apparaît indispensable et il faut lui donner priorité.

Des évolutions importantes dans les institutions, financements et process (réformes), discutées
au prochain chapitre, seront indispensables pour permettre une mise en œuvre efficace du
Pilier II.

51
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

III. Réorganisation et mobilisation des moyens


et politiques de soutien
1. Faire évoluer et homogénéiser les approches pour généraliser
les réussites

De nombreux « projets » de développement agricole et rural ont été mis en œuvre ces dernières
années dans les régions montagnardes et oasiennes avec l’appui de bailleurs, notamment le FIDA
et l’UE dans les régions de montagnes. Des projets de moindre dimension ont pu aussi être financés
grâce notamment aux innovations introduites par l’INDH et les Agences.

La juxtaposition de périmètres, objectifs, méthodes, actions, indicateurs, financements,…, (chaque


projet a sa propre logique), est coûteuse et ne permet la capitalisation. Les résultats obtenus peuvent
s’avérer fragiles et se voir remis en question avec la fin des projets.

Des réussites agricoles exemplaires peuvent être cependant signalées. Le Plan Maroc Vert va
devoir construire sur ces acquis et viser la généralisation à grande échelle avec montée d’échelle
économique, ce qui suppose de mieux homogénéiser et institutionnaliser les approches.

La politique agricole générale du Maroc de ces dernières décennies, restée trop techniciste,
sectorielle, descendante et répondant plus à une logique de produits et de guichet que de
projets (filières, exploitations, territoires), a peu pris en compte les spécificités des territoires
de montagne et oasiens et, sauf certains cas (ex. du lait), n’a permis ni la professionnalisation
et l’agrégation de la petite agriculture, ni l’émergence de dynamiques locales pérennes de
développement.

Cependant des progrès ont été introduits par la Stratégie 2020 de Développement Rural et
par l’INDH, Initiative Nationale de Développement Humain. Une série de « projets » de
développement agricole et rural soutenus par différents bailleurs et ciblés sur certaines communes
des régions montagnardes et oasiennes (sur des périmètres très variables) et les innovations de
financement introduites par l’INDH et par les Agences de Développement dont l’ADS, Agence
de Développement Social (encadré 16), ont permis des approches plus territorialisées et le
soutien d’actions utiles non finançables par des interventions classiques du Ministère.

53
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Encadré 16. Nouveaux mécanismes de financement de proximité introduits par l’ADS

L’Agence de Développement Social a introduit plusieurs mécanismes de financements souples


permettant de soutenir efficacement certains projets de développement :
• Les subventions à la création de caisses solidaires de développement (CDS) permettent aux
bénéficiaires (associations, coopératives) de mobiliser et de réorienter l’épargne, vers des
investissements productifs.
• Les « Fonds de développement local (FDL) » permettent de financer la réalisation de diagnostics
territoriaux participatifs et de projets de développement, les formations et renforcement de capacités
des acteurs locaux ainsi que de prendre en charge les équipes dédiées au programme. Le FDL peut
se décliner en FREPE (fonds régional de promotion pour l’emploi), fonds provincial, fonds local,
fonds filière. Environ 50 FDL ont été créés, l’ADS apportant 1_ maximum du financement le reste
3
étant apporté par les partenaires : CPDH, Région, Collectivité, Ministère, bailleur...
• Le Fonds Izdihar est un mécanisme novateur qui combine le dispositif caisse solidaire de
développement et le capital risque ou avance remboursable pour appuyer des projets individuels
(micro entreprises, TPE).
• Les subventions à la création de caisses villageoises.

L’aide est de 25.000 DH maximum par personne avec un autofinancement minimum du bénéficiaire de
10%. Les aides aux projets (mécanismes CDS, FDL) sont assortis d’un appui technique assuré par un
organe d’encadrement, du montage à la mise en valeur du projet, dont les honoraires sont pris en charge
par l’ADS. Les projets sont validés au niveau du Comité régional d’approbation des projets, présidé par
le Coordinateur régional de l’ADS. Des mécanismes de délégation et d’engagement financier au niveau
régional sont en cours.

L’ADS dispose d’un système de contrôle financier souple (contrôle a posteriori) et peut embaucher des
agents de développement locaux dans le cadre de CDD pouvant aller jusqu’à un total de 5 années. Elle
dispose aujourd’hui de coordinations régionales dans toutes les régions du Maroc et de plus de 400
agents, dont environ 3/4 en CDD. Elle soutient, en partenariat avec le Ministère de l’Intérieur (DGCL)
et les CPDH, la préparation par les communes rurales et municipalités de leur plan de développement
communal. Elle a été l’agence d’exécution du projet Arganier financé avec l’appui de MEDA.

Si les « projets » de développement sont souvent plus ceux de l’administration et des bailleurs
que ceux des professionnels, certains, notamment ceux financés par l’Union Européenne, ont
cependant pu initier et soutenir de véritables projets locaux de développement économique
agricole portés par des groupements professionnels, innover dans les process et générer de
nouvelles dynamiques innovantes exemplaires (encadré 17). La coopération avec l’Europe
pourrait d’ailleurs fortement évoluer et s’approfondir dans le cadre du nouveau « statut avancé »
et venir appuyer une mise en œuvre réussie du Pilier II.

54
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Encadré 17. La coopération entre l’Union européenne et le Maroc dans le domaine agricole et rural.
Leçons et perspectives pour le Pilier II à partir des projets financés par MEDA, acquis du projet Chefchaouen

La coopération entre l’UE et le Maroc s’inscrit, depuis 1960, dans une démarche de partenariat s’approfondissant
dans la durée. Après le financement de projets de développement agricole et rural au titre des accords d’association
et du programme MEDA, la coopération UE/Maroc a conduit à l’adoption du Plan d’Action de 2005 au titre de la
politique européenne de voisinage et à la négociation récente du « statut avancé ». Parmi ses objectifs, le Plan d’action
vise à assurer la mise en place d’une politique agricole cohérente (y compris les actions relatives au développement
rural et la politique de qualité des produits) avec un objectif de convergence pour créer les conditions nécessaires à
l’établissement d’une zone de libre échange. Un programme d’appui à la réforme du secteur agricole, qui devrait viser
le Pilier II du Plan Maroc Vert, est prévu pour 2010. En fonction de ses résultats, un appui plus conséquent pourra être
inscrit dans la future programmation couvrant la période 2011-2013. Le nouveau « statut avancé » ouvre la porte à une
politique de soutien encore plus affirmée car il comprend une référence précise à un secteur agricole « qui emploie
plus de 40% de la population et qui est un enjeu important pour la réussite du développement du Maroc et de son
intégration au marché européen » et il doit permettre au Maroc de devenir à terme éligible à certains programmes et
à certaines politiques communautaires, notamment à partir de 2014. Les possibilités ouvertes sont donc grandes et la
future traduction agricole du statut avancé doit être dès à présent alimentée d’un effort de réflexion prospective.
Les projets de développement agricole soutenus par l’UE dans le cadre de MEDA 2 (2000-2006) ont été ciblés sur des
zones rurales pauvres (montagnes, arganeraie, …) avec un objectif multiple : stabilité sociale et cohésion, réduction
de la pauvreté, développement, durabilité, sécurité alimentaire. Les programmes financés, souvent innovants, ont
donné de bons résultats dans l’ensemble. On peut en tirer plusieurs enseignements utiles pour la mise en œuvre du
Pilier II :
• Des résultats tangibles peuvent être obtenus mais cela nécessite du temps et une capitalisation, laquelle demeure
insuffisante.
• La méthode d’intervention doit être ascendante et le dialogue avec la population privilégié. Les projets à soutenir,
résultat d’un processus participatif à l’échelle locale, doivent être ceux émanant des agriculteurs eux mêmes,
appuyés par l’administration. Les progrès des coopératives féminines soutenues par le programme arganier
doivent par exemple beaucoup au fait que ce sont les coopératives elles mêmes, appuyées par un front office, qui
ont défini leurs projets.
• Les projets doivent tenir compte du contexte socio-économique et environnemental (agrosystème). La bonne
gestion des ressources naturelles (sol, eau, agro-biodiversité) est essentielle pour la réussite de tout projet agricole.
Le projet Khénifra a montré l’intérêt des AGAT (associations d’aménagement et de gestion des terroirs) devenues
un espace de planification permettant de promouvoir des activités économiques et d’attirer des investissements.
Les projets doivent être appuyés jusqu’à la commercialisation des produits. La promotion des IGP et AOP est
importante (ex du projet Arganier).
• La réussite des projets nécessite de s’appuyer sur les structures de proximité (Centres de Travaux, CMV) et
DPA et ORMVA, dont la vision doit pouvoir évoluer, et sur les professionnels présents dans le territoire et des
associations nationales comme l’ANOC. Il est essentiel de doter les institutions de proximité de moyens humains
qualifiés et motivés.
• La recherche agronomique peut également jouer un rôle important d’appui à condition de l’adapter aux contextes
d’intervention et de mettre en place des actions concrètes suscitant l’intérêt et la participation directe des
opérateurs.
• L‘engagement des bénéficiaires doit être formalisé dans le cadre de « conventions de partenariat ».
• La gestion financière des programmes doit pouvoir être confiée à des structures jouissant d’une bonne autonomie
décisionnelle et d’une souplesse en matière de procédures et les circuits décisionnels doivent être les plus efficaces
possibles. La mise en place du « Circuit vert » établi dans le cadre de MEDA et le fait d’avoir confié à une agence
(en l’occurrence l’ADS) la maîtrise d’ouvrage du programme Arganier peuvent être cités en exemples.
• L’intégration d’infrastructures socio-économiques de base (pistes rurales, PMH, AEP) dans les projets est
nécessaire dans les zones les plus marginales. Ces infrastructures constituent un facteur clé pour le développement
local, et leur financement contribue à crédibiliser l’action et à générer la confiance.
Le projet de développement participatif des zones forestières et péri-forestières de la province de Chefchaouen, est
un bon exemple d’initiation réussie de nouvelles dynamiques agricoles locales (apiculture, cuniculture, oléiculture,
fromagerie, plantes aromatiques et médicinales (PAM), miel, fruits séchés,…) dans une zone pourtant difficile.
L’expérience de la DPA de Chefchaouen dans ce projet permet de souligner la pertinence de l’approche partenariale,
la nécessité de faire passer l’administration d’un rôle de « parrain » à un rôle de partenaire basé sur la responsabilité
partagée et le travail en réseau avec les autres acteurs du territoire, étatiques et non. Ce projet a montré l’importance
d’intégrer des activités de renforcement des capacités institutionnelles, ainsi que des capacités des différents acteurs
locaux (formation et assistance technique ciblant des associations de développement local, des groupements féminins,
des coopératives de producteurs, etc…) pour la mise en marché et la valorisation des produits agricoles locaux.
L’expérience montre aussi que la durabilité du développement agricole en zones de montagnes ne peut se réaliser sans
une vision territoriale, globale et intégrée, des actions et des acteurs, autour d’un ‘panier de biens et de services’.

55
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Le FIDA est un autre bailleur très engagé dans le développement rural en montagne et il a
fait une évaluation de son action (encadré 18) qui a permis de mettre en avant les principales
faiblesses qui restent à surmonter : le déficit de ressources humaines (nombre et profil) et les
carences en matière d’encadrement des organisations de base. Le mandat du FIDA l’amène
à centrer son action sur les zones agricoles les plus pauvres. Le FIDA a développé l’approche
participative à l’échelle des douars. Les plans de développement des douars qui en ont résulté
ont beaucoup mis l’accent sur l’équipement rural et permis de combler quelque peu les retards
d’infrastructures dans les territoires concernés. Les « projets » FIDA ont aussi contribué à un
important renforcement du capital social (création d’associations et coopératives) et ils ont
innové en donnant une grande attention au développement du micro-crédit et des micro-
entreprises. Le FIDA a également vocation à devenir un contributeur important du Pilier II.

Encadré 18. Le FIDA : quel bilan au Maroc ? Exemple du projet Haouz

Les projets du FIDA


Le FIDA a contribué au financement de 11 projets, dont 5 en cours, pour un portefeuille de 164 millions $ US. Ses
interventions s‘inscrivent dans les stratégies du pays (Stratégie 2020, INDH, Plan Maroc Vert Pilier II). Les actions financées
concernent l’agriculture (40%), les infrastructures (eau, pistes rurales, petite hydraulique agricole : 38%), la micro entreprise
(activités aval de l’agriculture) et la micro finance (11%), l’appui institutionnel et le partenariat (11%). Le FIDA a centré ses
interventions principalement sur les zones pauvres de montagne et sur la petite agriculture. L’approche suivie est de type
participatif, avec planification déconcentrée conduisant notamment à l’élaboration de plans de développement de douars.
Les évaluations réalisées montrent un renforcement important du capital social (formation, développement du tissu associatif)
et une amélioration des conditions de vie (grâce notamment à l’amélioration des infrastructures) et des revenus.
Le plus grand handicap vient du déficit de ressources humaines (nombre et profils) et de la carence en matière d’encadrement
des organisations de base. Dans le domaine agricole, on peut regretter l’insuffisance de référentiels techniques, la mobilisation
trop tardive de la recherche et développement, la faible organisation des filières et le peu de soutien pour la mise en marché
des productions. Si l’accès au micro crédit a été fortement amélioré, les produits offerts demeurent peu adaptés. On peut aussi
regretter la faible coordination intersectorielle et un système d’indicateurs trop complexe et centré sur les réalisations et non
sur les impacts et résultats.
Améliorer la filière technologique, l’appui humain à la mise en œuvre des projets, les capacités des organisations de base des
producteurs et l’innovation constitue une priorité.

L’exemple du projet Haouz


Le projet Haouz concerne une population de 112.000 habitants, une surface de 240.000 ha (dont 207.000 de forêts et parcours
et 13.000 irrigués), 12.000 exploitations, 456 douars, 4 cercles et 3 zones agroécologiques : haute vallée (sylvo-pastralisme,
noyer, cerisier), moyenne vallée (pastoralisme, pommier, amandier) et piémont (agro-pastoralisme, céréales, olivier). Les
taux de pauvreté sont très élevés : 12 communes ont des taux de plus de 20% dont 6 de plus de 30%, contre une moyenne
nationale de 14,2.
L’approche participative a été privilégiée avec 5 étapes : diagnostic, planification, contractualisation, mise en œuvre, suivi et
évaluation. Elle a conduit à élaborer 218 PDD – plans de développement de douars - et a généré la mise en place d’un tissu
associatif très important. L’équipe constituée pour le projet compte 30 animateurs locaux, 11 spécialistes matière et une unité
de gestion du projet de 9 personnes, dont 3 coordinateurs, un sociologue et 3 experts en développement économique.
Le montant du projet s’est élevé à 315 MDH dont 60% du FIDA, 36% du gouvernement marocain et 4% des bénéficiaires.
Les principaux postes de dépenses ont été :
- les infrastructures de base (pistes, AEP,..) pour 25% du total. 148 km de pistes ont été réalisés pour désenclaver 4.800 foyers
et 61 points d’eau créés. Ceci a permis des gains de temps très important pour les femmes (3h/jour).
- les aménagements hydro-agricoles (24%), avec 4000 ha aménagés et 144 km de séguias bétonnés. L’amélioration de
l’irrigation a permis de réduire les temps de tour d’eau de 32%, d’accroître la surface irriguée de 23% et de réduire la période
de déficit hydrique dans les exploitations de plus de 2 mois.
- le renforcement des capacités (13%) : formation des équipes projets (9 semaines), des associations, des femmes rurales (70
classes alphabétisation), des agriculteurs, pour un total de 24.000 journées stagiaires,
- l’appui à la production (10%), les aménagements pastoraux (9%) et la DRS fruitière (8%) sur 1.800 ha. 204.000 plants
fruitiers ont été distribués et 720 ha d’atriplex plantés.
60 activités génératrices de revenu ont été financées par le PNUD, l’ADS, le FREPE et l’Etat pour un total de 10 MDH et 4
antennes de micro-crédit créées, ce qui a permis un total de 25 MDH de prêts pour 9000 bénéficiaires.
Outre l’amélioration des conditions de vie, le projet a permis de réduire la surface céréalière de 30% et d’accroître celle des
cultures maraîchères et fourrages de 28 et 42%. Les rendements des plantations fruitières ont été accrus de 53% (contre 23%
pour les témoins). La sécurité alimentaire des ménages bénéficiaires a été améliorée de 63% (témoins : 49%).

56
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Beaucoup d’autres « projets », appuyés par de nombreux bailleurs différents, sont mis en œuvre,
chacun avec ses propres périmètres, objectifs, process, indicateurs, financements, etc… Les
progrès obtenus peuvent être fragiles car les « projets », partent souvent du haut même s’ils
adoptent l’approche participative et les dynamiques initiées peuvent s’arrêter brutalement en
fin de projet.

Une des fragilités vient de l’insuffisante prise en compte de la dimension environnementale car


malheureusement les « plans de développement de douars » n’ont pas encore vraiment pris
en compte la réalité englobante des terroirs villageois pour mettre en évidence les réalités des
usages des ressources naturelles et aboutir à des plans de gestion négociée, accompagnés le
cas échéant de paiements pour services environnementaux, garantissant une reconnaissance de
ces usages et permettant de les faire évoluer pour restaurer, valoriser et gérer durablement les
ressources naturelles. En outre, la juxtaposition de « projets » et d’approches est consommatrice
de temps et d’argent. Enfin, seuls certains territoires sont couverts, ce qui a pour effet que de
bons projets professionnels ou communautaires, hors les zones concernées, ne peuvent être
soutenus ou qu’ils émergent sans l’appui qui leur permettrait de gagner en dimension, en solidité
et en pertinence.

L’exemple de l’ORMVA du Tafilalet (Office Régional de mise en valeur agricole) et l’analyse qu’il
tire de son expérience (encadré 19) sont révélateurs de la juxtaposition actuelle de « projets »
et d’approches et de la charge qui en résulte pour l’administration déconcentrée. Le Tafilalet
montre aussi l’importance d’innover dans les visions et partenariats et l’émergence de quelques
réussites exemplaires de développement agricole (financées souvent hors des grands « projets »).
L’objectif du Plan Maroc Vert consiste par conséquent à faire évoluer les institutions et process
pour construire sur les acquis, permettre la généralisation à grande échelle et réussir la montée
d’échelle économique. Il devra aussi innover pour garantir une gestion responsabilisée et une
restauration des ressources naturelles en agissant de façon pertinente à l’échelle des terroirs
villageois, périmètres irrigués et aires pastorales.

57
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Encadré 19. L’ORMVA du Tafilalet, acteur du développement agricole et rural, activités et propositions

Le Tafilalet regroupe 400.000 oasiens (dont 60% de ruraux) et 157.000 montagnards (dont 85% de ruraux). La
SAU ne représente respectivement que 1 et 1,4% de la superficie totale. La taille moyenne des exploitations est de
seulement 0,9ha dans les oasis (sur 5 parcelles) et 0,6ha dans les montagnes (6 parcelles). Les contraintes sont fortes :
aridité ; rareté, fragilité et dégradation des eaux et des sols ; petite taille des exploitations ; niveaux d’analphabétisme
(H : 50%, F : 70%) et de pauvreté (50% des communes au dessus de la moyenne nationale) élevés. Le capital social
reste limité : seulement 26% d’adhérents à des associations et 11% à des coopératives. La diversité et la qualité des
produits et savoir-faire agricoles, la qualité des paysages et l’attractivité pour le tourisme, l’obtention du classement
des oasis au programme MAB (homme et biosphère) de l’UNESCO sont des atouts.

L’Office a développé de nombreux partenariats et il met en œuvre de multiples programmes d’action et projets :
interventions agricoles de l’INDH et partenariat avec l’ADS, projet DRI MVB appuyé par la Banque mondiale (pour
un montant total de 62 millions DH), projet 2009-2014 du Millenium Challenge Account (pour un montant de 228
millions DH), projet de développement rural des zones montagneuses appuyé par le FIDA (montant total : 291
millions DH), projet JICA (30 millions DH), actions de promotion de la femme rurale, partenariat avec la fondation
ARDI de microcrédit du Crédit Agricole (24.000 bénéficiaires),... La diversité d’approches et de projets est grande.
Les échelles d’intervention varient beaucoup, allant de la Commune rurale (DRI-MVB) à la grande région rurale
découpées en périmètres et ksour (FIDA), et de l’association locale au groupement sous régional d’associations. Les
actions couvrent un champ large selon les besoins identifiés : alphabétisation fonctionnelle, PMH, pistes rurales,
production agricole, élevage,… Certains projets (FIDA) incluent une diversification des activités par le tourisme et
l’artisanat.

L’ORMVA a, ces dernières années, fait évoluer sa vision du développement, ses interventions et méthodes, en
s’appuyant sur une analyse critique du passé et en donnant priorité au facteur humain et à la valorisation des produits
locaux par de petites coopératives : les projets vont de la confiture et pâte de dattes au couscous artisanal, en passant
par le miel de l’abeille jaune saharienne. Plusieurs ‘success stories’ récentes en démontrent le bien fondé. L’INDH
a permis des innovations et de nouvelles approches ont été testées avec succès : appel à projets, contractualisation,
systèmes d’avances remboursables, animation du tissu associatif et mandatement d’organes d’encadrement
(associations fédératrices) formés pour le portage de programmes. Un projet de galerie commerciale des produits de
terroir des femmes rurales est par ailleurs prévu.

Le Plan Maroc Vert Pilier II doit être l’occasion de capitaliser l’expérience des projets pilotes pour élargir
ces actions à grande échelle et sortir de la superposition coûteuse des approches et méthodes. Ceci suppose
d’institutionnaliser/homogénéiser les interventions, de professionnaliser les acteurs et d’adapter en conséquence
les structures d’encadrement et systèmes de financement de l’agriculture. Une première réforme devrait être celle
du financement agricole (FDA et Crédit Agricole) et la mise en place d’une budgétisation permettant de soutenir
de façon déconcentrée et efficace des projets adaptés au développement des régions oasiennes et montagnardes. Il
s’agit notamment d’adapter les financements aux besoins des agricultures oasiennes et montagnardes, de pouvoir
soutenir les projets des associations et coopératives visant la valorisation des produits locaux et de fixer de façon
claire les niveaux d’auto-financement des bénéficiaires et de subventions. La création d’un « FDA montagnes » et
d’un « FDA oasis » est ainsi suggérée. Il faut aussi encourager la diversification de l’activité (éco-tourisme, activités
génératrices de revenus,…). La Commune rurale devrait être considérée comme une bonne échelle d’action (taille
des coopératives, possibilité de mobiliser de façon convergente plusieurs acteurs). Cependant le ksar et le périmètre
d’irrigation sont aussi des échelles à considérer.
L’analyse des échecs passés et des réussites conduit en conclusion à souligner trois points essentiels pour la réussite
du développement agricole et rural des montagnes et oasis :
• Primauté doit être donnée à l’homme et à son organisation collective avec une gestion négociée et concertée,
• Les spécificités oasiennes et montagnardes (solidarités, fragilités) doivent être prises en compte et l’agriculture
doit être soutenue et subventionnée d’abord autour de la valorisation des productions des terroirs.
• L’approche intégrée participative de la société civile est une nécessité incontournable et impérative dans ces
zones où conditions et ressources sont d’une extrême interdépendance,

La création d’une région des oasis regroupant le Tafilalet, Ouarzazate, Zagora, (voire aussi Figuig, Tata,… )
permettrait de mieux affirmer et mettre en œuvre une stratégie adaptée.

58
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Réussir l’élargissement à grande échelle et l’innovation suppose de donner priorité à l’homme et à son
organisation collective et de faire évoluer les institutions et process pour que, dans chaque territoire,
tous les bons projets qui peuvent émerger puissent être efficacement élaborés, appuyés et mis en œuvre.
Ceci suppose des progrès structurels dans l’organisation de la filière technologique et des institutions,
de bien préciser le concept de « projet » ainsi que le processus de leur formulation et de leur mise en
œuvre, et de faire évoluer les mécanismes de financement en généralisant la contractualisation et les
approches partenariales.

2. Réorganiser la filière technologique et l’administration


déconcentrée de l’agriculture, mettre en place un Centre de
Ressources pour le Pilier II

La ‘filière technologique’ a un rôle décisif à jouer : sa réorganisation représente le principal levier


sur lequel l’Etat peut jouer pour réussir la mise en œuvre du Pilier II et la professionnalisation de
la petite agriculture.

La mise en place d’un ‘front office’ de qualité doit être considérée comme le chaînon stratégique pour
la réussite de la mise en oeuvre. La transformation des CT et CMV en Centres de Développement
Agricole (CDA) capables de jouer ce nouveau rôle est une priorité pour atteindre les paysans, les
informer de la nouvelle stratégie gouvernementale et réussir leur professionnalisation. Il s’agit en
effet d’agir localement non plus pour dire aux producteurs ce qu’ils doivent faire mais pour les aider
à exprimer leurs demandes et à s’engager collectivement dans la logique de projet, et pour mobiliser
ensuite en tant que de besoin les ressources spécialisées du ‘back office’ capables de répondre à ces
demandes. Les fonctions des ‘front offices’ doivent être bien comprises, précisées et faire l’objet
de l’adoption d’indicateurs de suivi adaptés. L’échelle des cercles administratifs semble la plus
appropriée pour le ’front office’. Pour atteindre l’ensemble des douars, les CDA devront cependant
pouvoir mettre en place des partenariats avec les associations et ONG locales.

Une organisation efficace de la filière du progrès suppose des ‘masses critiques’ à une échelle
suffisamment proche du terrain en regroupant autant que possible les composantes de la filière. Ceci
plaide pour le renforcement et un regroupement au niveau provincial des DPA, CDA et Centres de
qualification agricole. Une plus forte déconcentration au niveau régional, celui de la planification,
de l’impulsion et du contrôle, et niveau pertinent pour structurer des plateformes agrotech, s’impose
par ailleurs.

La mise en place d’un ‘Centre de Ressources dédié au Pilier II’ au niveau national s’impose enfin.
Il s’agit notamment de capitaliser les expériences de projets de développement et de développer une
ingénierie de formation pour former et appuyer DRA, DPA et Offices et faire émerger de nouvelles
générations de développeurs agricoles de terrain et de leaders paysans pétris de l’esprit du Plan
Maroc Vert.

1.1 Le rôle des producteurs, groupements, communautés locales et celui des opérateurs
sociaux
Les communautés locales, producteurs et groupements sont à la fois les acteurs de base, les
bénéficiaires des projets et la cible principale du Plan Maroc Vert. De leur capacité à se mobiliser,
s’organiser, se professionnaliser, gérer et valoriser durablement les écosystèmes et ressources
naturelles et produire, dépend directement l’atteinte des objectifs du Plan. C’est donc bien la

59
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

consolidation des démarches individuelles et collectives conformes aux orientations des plans
agricoles régionaux du Plan Maroc Vert, qui constituera le fondement des futurs projets du
Pilier II et permettra l’atteinte des objectifs du Plan - le million d’entreprises agricoles - et la
réussite du développement.

Les opérateurs sociaux peuvent être des associations, GIE, coopératives, entreprises, ou tout
autre acteur économique ou social qui peut :
 fédérer en son sein les producteurs ou/et groupements de producteurs autour du projet,
et jouer un rôle de chef de projet,
 assurer le portage du projet en interface entre l’administration et les associations ou
producteurs de base,
 assumer une responsabilité dans la gestion des financements alloués au projet
(mobilisation de financements, perception le cas échéant de remboursements individuels
sur les crédits,…).

Les fonctions de l’opérateur social, chef de projet, sont donc :


 portage du projet pour le compte des producteurs (formulation, mise en œuvre,..),
 représentation des producteurs et de leurs associations,
 contribution à la transmission de l’information auprès des producteurs,
 collecte de l’information individuelle,
 réalisation des diverses démarches administratives,
 gestion de budgets, en particulier des éléments financiers du projet.

L’opérateur social et les groupements doivent donc pouvoir disposer d’une capacité de
conception, de négociation et de gestion (notamment de financements alloués au projet), que le
projet pourra prévoir d’appuyer par des renforcements de capacités (formations), voire, le cas
échéant, par mise à disposition temporaire de personnel qualifié (fonctionnaire) ou embauche
aidée de jeunes diplômés. Les groupements ou producteurs rassemblés par l’opérateur social
peuvent être de nature différente selon les objectifs du projet. Un projet qui agit à la fois sur
l’aval (regroupement de l’offre, valorisation, commercialisation) et sur l’amont (intensification,
modernisation des exploitations, gestion des ressources naturelles,...) ou plusieurs projets
combinés permettant d’y pourvoir auront les meilleurs résultats. S’engager dans une démarche de
signe de qualité doit conduire notamment à des progrès convergents dans les deux directions.

L’opérateur social peut être une structure existante dont le rôle pourrait être accru. Dans certaines
situations, il est possible que cet opérateur social soit à créer en profitant de la dynamique que
va impulser le Plan Maroc Vert, par exemple par la réunion d’acteurs concernés par une même
filière et/ou la gestion des ressources naturelles sur un territoire donné dans le cadre d’une
association ou union de groupements.

60
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

1.2 Le rôle décisif de la « filière du progrès »

L’engagement des producteurs, groupements, communautés locales et opérateurs dans la


logique de projet proposée par le Plan Maroc Vert ne va cependant pas de soi, notamment dans
les territoires relevant du Pilier II qui sont les plus difficiles.

Il suppose un appui approprié à l’échelle locale car les PMEA, leurs groupements et les
communautés de base en relèvent. C’est une évidence car il s’agit de familles traditionnelles
au sein desquelles les activités agricoles sont intimement liées à la vie familiale et à toutes les
activités qui caractérisent la vie des douars. Professionnaliser l’agriculture du Maroc, la faire
accéder à l’économie marchande et gérer et valoriser durablement les ressources naturelles
supposent par conséquent d’agir localement.

C’est le rôle de la filière technologique (appelée aussi filière du progrès ou filière du savoir) que
d’apporter l’appui nécessaire. Ce rôle est fondamental car il est en effet largement démontré que
l’environnement intellectuel des exploitations, groupements agricoles de base et communautés
locales détermine très largement leurs possibilités de développement et que le développement,
d’une façon générale, est directement lié à la qualité de l’information qui circule entre les
différents niveaux d’intervention et au niveau de chacun d’entre eux. C’est notamment
important en agriculture dans les zones difficiles comme les montagnes où les agriculteurs,
leurs groupements et les communautés locales souffrent d’un certain isolement et ont besoin
d’informations et d’appuis pour s’engager dans une dynamique de projet. L’animation du
développement et la formation y sont donc d’une importance essentielle.

L’organisation de la filière technologique déterminera d’autant plus une mise en œuvre réussie du
Pilier II que son efficacité peut être fortement accrue. Sa réorganisation apparaît ainsi comme l’un
des leviers les plus importants dont dispose l’Etat pour promouvoir les petites exploitations. Elle
est une condition fondamentale d’une mise en œuvre efficiente des financements du Pilier II.

Cette réorganisation impose de bien s’accorder sur les échelles d’intervention et sur les modes
d’organisation à retenir pour, d’une part, permettre d’atteindre les agriculteurs et, d’autre part,
former des « masses critiques » suffisantes. Deux écueils doivent en effet être évités en termes
d’organisation : celui d’équipes locales faibles et isolées, donc inefficaces, et celui de services
importants mais trop éloignés des bénéficiaires pour que la performance soit au rendez-vous.

Les acquis de la science de l’organisation et de la vulgarisation agricole moderne (encadré 20)


permettent de répondre à cette apparente contradiction en invitant à distinguer les fonctions de
« front office » et celles de « back office » et à organiser des regroupements à l’échelle territoriale
proche du terrain qui permette d’atteindre la masse critique.

61
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Encadré 20.  Les fondamentaux de la vulgarisation agricole et les acquis de la science de l’organisation

Les trois fondamentaux d’une vulgarisation moderne et efficace sont :


• L’importance de la compréhension des notions d’ « échelle de territoire » et de « niveaux
d’intervention » et le fait que le développement est d’abord lié à la qualité des informations qui
s’échangent, tant à chaque niveau qu’entre eux. Les actions en faveur des paysans doivent par
exemple privilégier le niveau local alors que celles concernant les industries agroalimentaires sont
mieux positionnées au niveau régional. Le passage de l’économie paysanne à une économie agricole
et rurale moderne est un élargissement du couple espace/temps.
• Le problème de l’organisation, l’importance de la notion de réseaux et de « masse critique », et la
nécessité d’articuler les interventions de soutien à différents niveaux.
• La notion de « filière technologique » (dite aussi filière du progrès ou du savoir) qui plaide pour une
intégration à chaque niveau des fonctions de transfert, de formation et de recherche pour donner à
la filière sa meilleure efficacité.

Pour éviter les deux écueils possibles - équipes locales et isolées ou équipes trop éloignées du terrain -, la
science moderne de l’organisation invite à bien distinguer la notion de « front office » de celle de « back
office » tout en oeuvrant à leur bonne articulation fonctionnelle.

Le front office au contact du terrain et à l’écoute des agriculteurs, a pour rôle de les aider à exprimer
leurs attentes, même si ceux-ci ont du mal à les exprimer en raison des changements culturels que ceci
implique.

Une fois la demande formulée, il s’agit de lui apporter la meilleure réponse possible (formation, expertise),
ce qui ne peut être que la mission de personnels spécialisés du back office. Le mot d’ordre du back office
doit être la qualité du service, la rationalisation de l’organisation et l’économie des coûts.

Intégrer à la bonne échelle territoriale les front et back offices dans une seule organisation permet
d’atteindre la masse critique indispensable.

2.3 Transformer les CT et CMV en ‘Front Offices’ de qualité


La mise en place d’un front office (structure de développement de proximité) de qualité doit être
considérée comme le chaînon stratégique d’une mise en œuvre réussie du Pilier II.
Dans une organisation moderne de la filière technologique, le front office n’a pas pour rôle de
dire aux agriculteurs et à leurs groupements ce qu’ils doivent faire mais de se mettre à leur écoute
pour les aider à s’organiser et à exprimer leurs demandes dans des termes compréhensibles par
ceux qui peuvent contribuer à y répondre, c’est-à-dire le back office (équipes pluridisciplinaires
des DPA et ORMVA, spécialistes matières d’ « agrotech » régionaux, experts en gestion, experts
nationaux,…). Le front office a donc pour rôle essentiel d’aider la petite agriculture à s’engager
dans la logique de projet et, par conséquent, de détecter et d’accompagner les futurs leaders
paysans et de renforcer les organisations agricoles et rurales de base.
Le front office a aussi pour rôle important d’informer les agriculteurs et leurs groupements
de la politique gouvernementale afin de les y sensibiliser et de veiller à ce que les projets
futurs s’intègrent bien dans les axes arrêtés aux niveaux national et régional (planification) et
contribuent à atteindre les objectifs fixés à ces niveaux.
Les fonctions d’un front office agricole de qualité, assez différentes de celles de la vulgarisation
à l’ancienne, peuvent être ainsi résumées comme suit :
 Connaissance du territoire, de ses acteurs, de sa géographie et de ses données quantitatives
et de son organisation sociale : pouvoir identifier les grands éléments structurants et
établir un diagnostic simple de territoire,

62
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

 Contact, communication, information, sensibilisation, animation et intermédiation : être


au contact et se mettre à l’écoute du terrain, acquérir la confiance des acteurs locaux,
pouvoir donner les informations (notamment sur le Plan Maroc Vert, le Plan Agricole
Régional, les mesures de soutien), porter à connaissance, prendre connaissance des
attentes, des questions, écouter les questionnements et les propositions, organiser des
réunions, gérer les débats, en tirer les enseignements, pouvoir replacer ces informations
dans la stratégie du PAR. Agir le cas échéant comme relais de formation/information
des chambres régionales d’agriculture dans le cadre de Contrats Programmes négociés.
 Capacité à repérer les exploitants, groupements et communautés capables ou désireux
de s’engager dans une dynamique de projet,
 Appui à l’opérateur social, aux groupements, communautés de base et exploitations
pour les aider à formuler le projet : conseil généraliste, appui à la conception générale de
projet, repérage des besoins de formation et mobilisation des ressources spécialisées du
« back office » (agronomes, zootechniciens, génie rural, formateurs, conseil de gestion,..):
pouvoir accompagner les diverses phases de la formulation de projet, pouvoir identifier
les problématiques et les axes de développement,
 Capacité par conséquent à faire émerger un nombre significatif de projets et de leaders
paysans de base,
 Connaissance des dispositifs réglementaires et financiers : pouvoir appuyer la mise au
point d’un programme d’actions et permettre l’élaboration d’un projet conforme aux
orientations fixées par le plan agricole régional (PAR) et aux règles administratives,
 Appui aux porteurs de projet pour monter le dossier de demande de financement et
solliciter les organismes de crédit,
 Fonction, par conséquent, d’interface et de lien entre le territoire local et
l’administration.
Cette approche a été mise en œuvre avec succès dans de nombreux pays. Des exemples récents
au Maroc en montrent la pertinence (cas par exemple du projet arganier dans la Province
d’Essaouira : encadré 10). L’analyse et l’expérience internationales montrent que cette
fonction ne peut être assurée de façon pertinente que par une structure de proximité relevant de
l’administration ou agréée par elle. Une structure qui soit au contact des agriculteurs, connue
sur le terrain et dont les agents sont susceptibles d’avoir la confiance des producteurs et des
différents autres acteurs.
La question de l’échelle territoriale à laquelle structurer ces services de proximité est importante.
L’échelle de la « petite région » qui correspond à celle du Cercle administratif semble à priori
pertinente19. Elle correspond d’ailleurs grosso modo au nombre actuel de CT et CMV, soit
environ 350 unités. Certes, il pourrait être souhaitable de descendre à l’échelle communale,
mais ceci n’est pas réaliste compte tenu du nombre de communes rurales à couvrir et du fait
qu’une équipe front office doit comprendre au minimum de 3 à 5 personnes. Cependant, cette
difficulté peut être dépassée car il est tout à fait possible de mettre en place, au niveau de chaque
front office, un partenariat avec les associations et ONG locales pour créer un réseau et des
relais capable d’atteindre massivement les agriculteurs et les territoires des communautés.
Le front office tel que décrit plus haut est bien différent des actuels CT et CMV. L’enjeu devra
donc être leur transformation en Centres de développement agricole (CDA), capables de jouer
ce nouveau rôle. Ceci demandera un effort important de formation et de renouvellement des

19- Sous réserve d’ajustements locaux lorsque les cercles couvrent des environnements agro-économiques trop différents (ex : Taroudannt).

63
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

cadres (ingénieurs et techniciens) avec pour objectif l’émergence d’une nouvelle génération de
développeurs agricoles de terrain pétris de la culture commune de projets véhiculée par le Plan
Maroc Vert. Priorité pourrait être donnée à de jeunes diplômés avec sélection sévère. Comme une
certaine mobilité des affectations est une vertu dans ce type de mission, il faudra par conséquent
que ces personnels relèvent d’un statut national. Il est également indispensable de prévoir des
incitations appropriées pour motiver des cadres de bon niveau et leur donner des raisons de vivre
dans des localisations qui ne disposent pas des services des grandes villes (voir notamment le
problème de scolarisation des enfants).
Des actions tests pour mettre au point les procédures, les méthodes de travail, et de là, les besoins
en formation, sont à prévoir. Elles peuvent être initiées, dans l’immédiat, à travers la mise en œuvre
des premiers projets «mûrs » identifiés dans le cadre des PAR (plans agricoles régionaux). Cette
base expérimentale servira à développer un programme national de renforcement des capacités.
Il conviendra par ailleurs de bien préciser les futurs indicateurs de performance des front offices.
Ceux-ci peuvent notamment être :
 le nombre et la qualité des projets collectifs et individuels élaborés et mis en œuvre,
 la qualité du back office mobilisé,
 la formation des leaders paysans et les efforts de structuration du milieu,
 les partenariats établis.
Les financements des activités du front office pourront provenir de l’Etat qui devrait financer
au minimum le poste de responsable ainsi qu’un fonctionnement minimum ; ainsi que de
conventions passées avec l’Etat (notamment à travers l’Agence de Développement Agricole), les
Agences spécialisées (ADS, ADPPN, ADPS, ADO), les collectivités territoriales, les Chambres
d’Agriculture, les organisations professionnelles, les ONG, les organismes de financement,
les projets ou les particuliers. Il faudra donc que les mécanismes et les règles comptables le
permettent.

2.4 Administration déconcentrée et Back Office de niveau provincial


Une fois la demande formulée, il convient de lui apporter la meilleure réponse possible, ce
qui peut nécessiter de mobiliser des experts agricoles (agronomes, zootechniciens, experts en
aménagement et gestion des ressources naturelles, agro-économistes), des experts en sciences
sociales (sociologues), des formateurs (centres de qualification agricole, maisons familiales
rurales, cours d’alphabétisation…), des conseillers de gestion, des bureaux d’études, des
informations sur les marchés, …etc, et de pouvoir disposer d’accès pertinents à une information
large (accès internet…). La fonction de conseiller de gestion est notamment importante.
Répondre à ces besoins et demandes suppose de disposer d’un back office performant, c’est-
à-dire d’une diversité de services capables de répondre aux demandes des porteurs de projets :
certains peuvent être situés au niveau local/provincial (à proximité du front office) et d’autres
plus éloignés (de nombreuses capacités de recherche, centres de formation ou universités sont
de niveau régional ou national) ; certains peuvent faire partie de l’organisation ou de la sphère
administrative (notamment de l’administration déconcentrée) ou associative, d’autres appartenir
aux métiers de consultants, voire de l’éducation.
L’essentiel du back office de niveau local (provincial) se retrouve dans l’administration
déconcentrée. Il s’agit d’une part de toutes les ressources d’expertise technique et autres dont
disposent les DPA et ORMVA et d’autre part des Centres de Qualification Agricole (CQA)
qui assurent la formation à l’échelle locale (Provinces). Ces capacités doivent permettre aux
structures déconcentrées du Ministère de jouer un rôle important dans la connaissance du
territoire et des acteurs ainsi que dans l’appui à la définition et à la mise en œuvre des projets.
64
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

L’administration déconcentrée de ce niveau doit en outre assurer des fonctions importantes et


de nature plus régalienne pour mettre en œuvre la dynamique de projet :
 impulsion par les informations et instructions données au front office et par les appuis
mobilisés du back office de niveau supérieur,
 instruction des projets : pouvoir les comprendre, en déterminer les éléments d’opportunité
et de recevabilité,
 ingénierie administrative et financière : pouvoir suivre le parcours administratif des
projets, rédiger les actes administratifs (décisions, conventions, …) et piloter l’ensemble
des phases financières, suivre les budgets, mobiliser les fonds, rendre compte.
 décision : propre du responsable habilité de l’administration à engager les fonds
publics,
 gestion du système d’information dont l’objet est de mettre à la disposition du Ministre et
de l’ensemble de la chaîne administrative (voire des acteurs impliqués) les informations
relatives à l’exécution physique et financière des projets et du programme. Le système
d’information doit permettre de disposer en temps réel des informations sur l’avancement,
de partager ces informations et de faciliter la mutualisation des expériences,
 contribution à la planification régionale,
 coordination avec les autres services de l’Etat contribuant au développement rural.
Le cas échéant, l’administration déconcentrée peut aussi jouer une fonction d’ingénierie publique
de travaux : maîtrise d’ouvrage de travaux d’infrastructures (pistes rurales, aménagements
hydro-agricoles, …) ou maîtrise d’œuvre pour les collectivités et autres acteurs locaux.
Le principe de subsidiarité milite pour que ces différentes fonctions puissent être assurées
au niveau le plus proche du territoire qui a capacité à engager les crédits publics, c’est-à-dire
normalement la Province. L’échelle de la province se justifie aussi par l’importance, notamment
dans les zones de montagne, d’assurer une bonne coordination avec les autres Services
déconcentrés de l’Etat (travaux publics et autres) pour réussir le développement rural durable.
Par leur rôle à la fois régalien et de back office de proximité, les DPA et ORMVA sont donc
amenés à jouer un rôle très important pour la mise en œuvre du Pilier II.

2.5 Administration déconcentrée et Back Office de niveau régional


L’échelon régional est aussi important pour la mise en œuvre du Pilier II. Le niveau régional est
en effet celui du back office de deuxième niveau (Agritech, ITA, Centre régional de l’INRA…)
et il a vocation à devenir celui de la planification régionale, de l’impulsion et du contrôle
des échelons locaux. Il peut aussi être mandaté par l’administration centrale comme service
déconcentré pour accélérer les prises de décisions publiques et les rendre plus appropriées,
sachant que tout ce qui peut être délégué du niveau central au niveau régional a souvent intérêt
à l’être.
Les fonctions de niveau régional (service déconcentré de l’agriculture) peuvent notamment
comprendre :
 élaboration et mise à jour régulière d’un diagnostic portant sur l’aire de compétence,
 construction d’une vision : être capable d’évaluer la situation régionale de l’agriculture
de façon globale et par UTA, les enjeux économiques, sociaux, environnementaux et
culturels, les contraintes et atouts, forces et faiblesses, les grands besoins de formation.
 définition des ambitions régionales et objectifs à atteindre en termes de développement
et de formation, en les plaçant dans la stratégie nationale, élaboration d’une planification,
suivi et évaluation, adaptation en cas de besoin,
 appui à la mise en œuvre du Plan : identification des domaines sur lesquels agir pour
atteindre les objectifs,

65
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

 programmation : identification des actions à conduire (axes de développement),


évaluation des besoins financiers, définition du calendrier à mettre en œuvre, choix des
indicateurs de réalisation et de résultat à retenir,
 impulsion et contrôle des échelons de niveau local : animation des réunions, recueil
des propositions de projet, appui à l’élaboration et mise en œuvre des projets par
mobilisation du back office de niveau régional ou national (expertise technique), suivi
de l’avancement de la mise en œuvre et relance des échelons locaux en cas de retards
patents, etc.
 prises de décision publique pour tous les actes qui ne relèvent pas du niveau local
(Province, cercle) et qui peuvent être utilement déléguées par l’administration centrale
pour accélérer les prises de décisions publiques et les rendre plus appropriées,
 fonction, par conséquent, d’interface entre l’administration centrale et locale ainsi
qu’avec les collectivités locales et les organisations professionnelles.
Toutes ces fonctions présentent un caractère stratégique et les assurer justifie pour un Ministère
de disposer de services régionaux de haut niveau, dotés d’une forte autorité et de capacités
d’analyse stratégique et prospective en même temps que de gestion administrative. Le niveau
régional doit pouvoir, le cas échéant, engager des études pour aider à préciser la vision et
ses évolutions possibles. La consolidation de bureaux d’études, centres de ressources et
établissements de recherche ou universitaires est importante à ce niveau. Le niveau régional est
notamment un niveau pertinent pour la recherche agronomique qui peut contribuer à :
 clarifier les atouts, faiblesses et ambitions possibles pour les différentes UTA et pour la
région dans son ensemble,
 accompagner la formulation et la mise en œuvre des projets,
 conduire des projets de recherche/action, etc.

2.6. Un Centre de Ressources national dédié au Pilier II


Le défi que représente une mise en œuvre réussie du Pilier II suppose enfin un effort important
d’animation de la filière technologique au niveau national et de mise à disposition de services
et de compétences pour appuyer et accompagner efficacement les structures déconcentrées du
Ministère et les autres acteurs impliqués dans la réalisation sur le terrain. Ceci justifie la mise en
place d’un « Centre de Ressources » national, un centre capable d’animer un système national
d’appui technologique à la mise en œuvre du Pilier II, dont les grands établissements nationaux
de recherche et formation doivent être parties prenantes. Les fonctions d’un tel Centre de
Ressources sont notamment les suivantes :
 capitaliser l’expérience des projets de développement et développer une méthodologie
des projets, incluant les procédures de financement,
 aider les Services du Ministère à se mettre à l’écoute des paysans en prenant en compte
les atouts et contraintes des différents territoires et terroirs,
 développer une ingénierie de formation et aider à la mise en place de plans de formation
adaptés aux besoins du Pilier II, former de nouvelles générations de développeurs
agricoles de terrain et de leaders paysans ; développer les capacités des DRA, DPA et
Offices,
 développer une meilleure connaissance et animation sur des thématiques essentielles
pour le Pilier II : développement agricole territorial, valorisation des produits de terroirs,
protection des ressources naturelles et intensification écologique,

66
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

 développer un système d’information et de communication et contribuer à mobiliser les


différents acteurs en faveur du Pilier II.

2.7. Renforcer les capacités de tous les acteurs pour une mise en œuvre efficace du Pilier II
Le renforcement des capacités sera une condition fondamentale de succès des projets du Pilier
II du Plan Maroc Vert et les actions de formation y contribuant devront sûrement tenir une bonne
place dans ou en accompagnement des projets. Les principaux besoins à satisfaire sont :
 Pour les producteurs : l’alphabétisation (fonctionnelle), la formation technique (ex : taille
des oliviers, luttes contre les maladies,…), la gestion de l’exploitation et l’information/
formation relative à la dynamique mise en œuvre dans le cadre du projet : démarches,
organisation du projet, engagements divers, institutions partenaires, etc…
 Pour les groupements de producteurs, communautés locales et opérateurs sociaux :
l’appui spécialisé à la formulation du projet, la gestion économique : management
de l’activité et du fonctionnement de la structure, l’aménagement et la gestion des
ressources naturelles et des terroirs, les formations techniques, la commercialisation et
la gestion de projet.
 Pour les structures de proximité (front offices) : les métiers du développement agricole,
le diagnostic agricole de territoire, les méthodes d’élaboration de projets, le suivi de
projets, etc. Un important investissement est à consentir dans ce domaine car la réussite
de la mise en œuvre du Pilier II dépendra beaucoup de la capacité à faire émerger une
nouvelle génération de développeurs agricoles de terrain, pétris de la culture commune
de projets véhiculée par le Plan Maroc Vert.
 Pour les services déconcentrés de l’administration de l’Agriculture : l’élaboration
de diagnostics, visions et stratégies de développement prenant en compte les enjeux
territoriaux et de marché, l’évaluation de programmes et contrôles ; l’ingénierie
administrative (évaluation de projet par rapport aux aspects réglementaires et stratégiques,
préparation des décisions ; gestion budgétaire et financière, suivi de programmes).

2.8. Regrouper les éléments de la filière technologique et créer les « masses critiques »
suffisantes à la bonne échelle territoriale
Une mise en œuvre efficace du Pilier II, au plan de l’organisation, implique de regrouper autant
que possible les différentes composantes de la filière technologique pour créer des masses
critiques à une échelle suffisamment proche du terrain. La science de l’organisation et les
fondamentaux de la vulgarisation agricole plaident par conséquent pour rattacher dans une
seule entité provinciale les front et back offices de niveau local (DPA et CT), y compris à
terme les établissements de formation qui relèvent de cette échelle, c’est-à-dire les Centres
de Qualification Agricole. Ces ensembles devraient être capables, en fonction des besoins des
projets, de passer des conventions avec des institutions d’enseignement et de recherche ou
avec des consultants spécialisés présents à des échelles territoriales supérieures comme les
plateformes agritech régionales. Des relations opérationnelles devront être développées avec
les Maisons familiales rurales.
Le principe de subsidiarité plaide également pour donner aux DPA et Offices dont le rôle de
mise en œuvre opérationnelle du Pilier II va donc être décisif, une plus grande délégation de
responsabilité et de moyens.

67
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

3. Fixer des mécanismes de formulation et de mise en œuvre des


projets (territoires et exploitations)

La réussite d’un projet Pilier II suppose de suivre une méthode d’élaboration et de mise en œuvre des
projets et d’y consacrer le temps nécessaire. Les 3 phases de la vie d’un projet sont successivement
les phases de formulation (par le porteur de projet appuyé par le front office), d’instruction et mise
en œuvre. Chaque phase nécessite de répondre clairement à un certain nombre de questions.

Pour qu’un projet de développement agricole donne de bons résultats, il est important de :

 suivre une méthode d’élaboration et de mise en œuvre qui permette aux différents acteurs
concernés de bien jouer leurs rôles respectifs,
 prendre le temps nécessaire à son élaboration. Le temps consacré à l’élaboration du
projet est en effet déterminant de sa qualité et donc de son efficacité.

Les 3 grandes phases d’un projet sont successivement la phase d’élaboration, la phase
d’instruction et de décision et la phase de mise en œuvre.

3.1 L’étape de formulation du projet

La formulation du projet doit conduire à définir de façon claire (Encadré 21) :


 les acteurs et partenaires et le territoire du projet,
 les objectifs à atteindre en s’appuyant sur un diagnostic pertinent et concerté. Le
diagnostic peut comprendre des aspects territoriaux, économiques (productions et
marchés), environnementaux (mise en évidence des enjeux de gestion des ressources
naturelles) et de gouvernance/acteurs. Le diagnostic concerté constitue l’étape fondatrice
de la mobilisation et de l’intéressement des acteurs potentiels du projet.
 la recherche et le choix des solutions possibles pour répondre aux problèmes posés par
le diagnostic,
 les axes du projet justifiés par le diagnostic,
 un programme d’actions proprement dit, ou « plan de progrès »,
 un plan de commercialisation (le cas échéant),
 un plan de financement,
 un dossier du projet.

68
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Encadré 21. Les composantes de la formulation d’un projet

Le territoire de projet peut être défini comme l’espace sur lequel les acteurs professionnels concernés se retrouvent
sur une vision commune et peuvent se donner une ambition et donc des objectifs à atteindre. En pratique, on peut
penser que le territoire de projet est en général inclus dans une même UTA (unité territoriale agricole). Il peut couvrir
une petite région agricole, voire seulement un douar ou quelques douars ou communes lorsqu’il s’agit d’initier
localement une nouvelle filière ou une nouvelle approche intégrée de gestion des ressources naturelles. On doit donc
accepter le principe d’une pluralité possible d’échelles territoriales pour les projets, cette pluralité étant nécessaire
pour tenir compte de la diversité des territoires selon les acteurs concernés et objectifs visés. Bien entendu, sur un
plus grand territoire donné, l’objectif pourra être d’impulser et de soutenir l’émergence de plusieurs projets, chacun
confié à un opérateur social et permettant d’engager un développement plus global et synergique à l’échelle d’une
petite région, d’une UTA, voire de plusieurs UTA. C’est en fait le projet qui « crée » le territoire.
L’ambition et les objectifs à atteindre. La définition des objectifs à atteindre traduit une ambition des acteurs concernés,
nourrie par une vision stratégique qui féconde l’action. L’ambition et les objectifs du projet doivent pouvoir être de
plusieurs niveaux : mise en place d’un signe de qualité, regroupement, valorisation et mise en marché de l’offre,
gestion et valorisation des ressources naturelles, modernisation des exploitations et intensification ou diversification
de la production. Un projet porté par un opérateur social pourrait beaucoup gagner à comprendre des mesures de
niveau collectif (investissements de transformation et commercialisation, gestion concertée de l’aménagement des
terroirs, renforcement des capacités des groupements de base, etc) et des mesures permettant à chaque exploitation
membre de renforcer ses propres capacités pour s’engager à son niveau dans un plan de progrès. La décision de se
diriger vers la mise en place d’un signe de qualité peut avoir un effet fédérateur intéressant en montagnes et oasis
en donnant l’occasion de progrès à plusieurs niveaux : élaboration collective d’un cahier des charges rassemblant
de nombreux acteurs, investissements sur l’aval (transformation, commercialisation), amélioration du système
productif en prenant en compte les enjeux environnementaux, développement de « paniers de biens », promotion
globale des terroirs, etc.
Le plan de progrès est la traduction opérationnelle de la vision de développement. Il est normalement pluri-annuel
(2 à 5 ans) et il décrit les actions à entreprendre pour atteindre les objectifs, le calendrier de mise en œuvre, et les
indicateurs de suivi et d’évaluation. Les actions à entreprendre sont de plusieurs natures :
• les investissements à réaliser. Ils concernent aussi bien chaque producteur, association et opérateur social :
investissements liés à la production, à la transformation, à la commercialisation:
• les actions d’accompagnement : les études (techniques et commerciales), les actions de renforcement de
capacité (formations, stages, voyages d’études), le personnel d’appui,…
Ce plan est rédigé par la structure de proximité en médiation continue avec l’ensemble des acteurs du territoire et
l’opérateur social, porteur de l’agrégation, l’organisme de proximité pouvant faire appel en tant que de besoin à de
l’appui technique ou économique spécialisé.
Le plan de financement permet d’évaluer le coût de l’ensemble du programme d’actions, action par action, et d’identifier
le financement à mobiliser. La mise au point du plan de financement peut nécessiter des études complémentaires,
qui détermineront la viabilité et la rentabilité du projet. L’origine du financement, selon les catégories de dépenses
peut être
• des fonds publics, provenant de l’Etat (FDA, FDR) ou des bailleurs internationaux et fonds sociaux qui
s’impliqueraient dans le projet,
• des crédits bancaires (crédit agricole, microcrédit)
• de l’autofinancement mobilisé auprès des producteurs, notamment par l’intermédiaire des associations.
Le plan doit veiller à permettre un équilibre entre subvention, autofinancement et capacité à rembourser un crédit. La
recherche de l’équilibre peut conduire à réviser les ambitions, ou bien à les étaler dans le temps. Des compétences
technico-économiques et en économie de l’exploitation agricole sont donc nécessaires.
Le dossier de projet réunit l’ensemble des éléments constitutifs du projet afin de permettre aux promoteurs du
projet de disposer d’un document de référence et d’un instrument de dialogue avec l’administration et les organismes
de crédit et aux pouvoirs publics (Administration, bailleurs), d’évaluer le projet par rapport aux objectifs du PAR
(opportunité) en particulier :
• sa viabilité (rentabilité économique, durabilité, impact sur les exploitations),
• son impact environnemental et sur la gestion des ressources naturelles (objectifs généraux),
• son coût financier (impact budgétaire),
• son échéancier
et de décider d’engager ou non le projet et ses financements, et de le suivre dans son exécution.

69
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

3.2 L’étape d’instruction et de décision

Le processus de décision suppose de pouvoir juger le projet selon son opportunité et sa faisabilité
technique et financière et de prendre les engagements juridiques et financiers correspondants.
Ce processus est conduit à l’échelon ayant capacité à engager les crédits publics, le plus proche
du territoire (par exemple provincial).

L’évaluation permet de prendre connaissance du projet et de porter un jugement sur différents


aspects :

 le projet s’inscrit-il dans la stratégie du Pilier II et du PAR ? En matière de développement


agricole, de gestion des ressources naturelles (eau,…), de respect et protection de
l’environnement ?
 est-il réglementairement acceptable au regard des différentes législations en vigueur
(eau, urbanisme,…)
 est-il techniquement réalisable ?
 est-il économiquement viable ?
 est-il socialement acceptable ?
 est-il finançable ?
 les conditions réglementaires sont-elles respectées, existe-t-il la disponibilité
financière ?

Si cette analyse peut être préparée techniquement par l’administration, l’avis sur l’acceptabilité
du projet peut beaucoup gagner à impliquer les différents acteurs, autres que l’administration,
impliqués à la fois dans la préparation du PAR et dans l’économie de la Province : professionnels
(agriculture, représentants des filières concernées), secteur bancaire, organismes techniques,
recherche, formation professionnelle, ONG,…

Il y a en effet intérêt à faire émerger un avis collégial qui permettra :

 de faire prendre connaissance aux différentes institutions impliquées dans la mise en


œuvre du Plan Maroc Vert des projets en préparation,
 de responsabiliser les parties prenantes autour du projet,
 de donner de la transparence aux décisions prises par la suite.

Cet avis pourrait donc être émis par une commission réunie et présidée par le gouverneur, ou par
délégation, le directeur de l’administration agricole. Des grilles types d’évaluation des projets
pourraient le cas échéant être produites au niveau déconcentré pour faciliter et harmoniser
l’examen des projets.

Après avis de recevabilité du dossier, le représentant de l’administration dûment habilité décide


de l’agrément du projet. Cet agrément suppose deux volets : un volet juridique qui déclare
conforme et approuvé le dossier et qui engage l’administration ; un volet financier qui engage
les crédits sur les budgets correspondants, et engage les garanties éventuellement apportées par
l’Etat vis à vis des organismes de crédit. Cette fonction de décision relève exclusivement de
l’Etat. La décision doit normalement être rendue publique et notifiée aux différentes institutions
impliquées, et à l’opérateur social.
70
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

3.3 L’étape de mise en œuvre

Le processus de mise en œuvre correspond à l’exécution de la décision prise par l’autorité


relative à l’agrément du projet. Il concerne le niveau provincial mais également le niveau local
pour ce qui relève du suivi de la mise en œuvre concrète des actions.

Le processus conduit logiquement à une contractualisation entre le représentant de l’Etat


et l’opérateur social. Le contrat définit les actions à réaliser, les financements alloués, et les
obligations de chacun. L’opérateur social agissant pour le compte de ses adhérents et des
structures agrégées aura intérêt à formaliser ses relations avec ses mandants, en particulier
parce que des opérations financières devront avoir lieu. Après signature de la convention, il
appartiendra à l’opérateur social de réaliser le programme d’action conventionné. Pour cela il se
fera aider par la structure de proximité, en particulier pour mobiliser les différentes institutions
impliquées : organismes de crédit, organismes de formation… Disposant de crédits qui lui
auront été remis après la signature de la convention, l’opérateur social effectuera les paiements
et règlements des dépenses prévues au projet agréé.
L’étape de mise en œuvre fait ensuite l’objet de procédures de suivi, de clôture et d’évaluation
(Encadré 22).

Encadré 22. Suivi et évaluation du projet

A partir des informations qui remonteront par le canal de l’organisme de proximité, les services de
l’administration ont normalement la charge d’effectuer le suivi global des projets : avancement général
des projets, consommation des crédits, mobilisation des budgets. Enfin il revient à l’administration
déconcentrée de mobiliser les budgets relatifs au PAR et d’informer et de rendre compte à l’échelon
régional et national de l’avancement technique (réalisations) et financier de la mise en œuvre du PAR.
Au niveau local, l’organisme de proximité aura à accompagner l’opérateur social dans la réalisation
concrète des actions et à en rendre compte aux services de l’administration déconcentrée en charge de
l’exécution du PAR.

Lorsque l’ensemble des actions prévues au projet agréé sont réalisées et payées, ou lorsqu’il apparaît
qu’un projet non achevé ne pourra pas l’être, il convient de le clôturer. Il s’agit d’une décision équivalente
à la décision d’agrément du projet : constat de la fin des actions, bilan financier et calcul éventuel des
sommes non consommées afin de les réaffecter au budget du PAR, information des instances régionales
et nationales. Après la clôture administrative et financière, l’évaluation finale du projet permet de
vérifier que : le projet a bien réalisé ce qui était prévu, que son impact et ses résultats sont conformes
à ce qui était attendu, et que les objectifs ont bien été atteints, et sinon tenter d’expliquer pourquoi.
L’évaluation permet de capitaliser l’expérience de chacun des projets et d’en faire bénéficier l’ensemble
du Plan Maroc Vert. Elle peut être réalisée par un organisme indépendant ou spécifique de l’administration
(bureau d’études, université, service indépendant des directions chargées de la mise en œuvre.). Enfin des
contrôles peuvent être diligentés afin de s’assurer de la bonne utilisation des fonds publics.

L’encadré ci après (encadré 23) résume le cadre opérationnel des projets.

71
N° Eléments du projet Fonction à mettre en œuvre Comment Nature de la fonction Acteurs

72
1 Un territoire de projet Connaissance du terrain, des enjeux et des acteurs du Repérage et identification des Connaissance locale. Organisme de proximité, agréé
en général au sein de territoire, des dynamiques existantes, notamment des acteurs, Animation de proximité. par l’administration (approche
l’UTA associations et groupements existants ; Information, communication généraliste).
Informer des objectifs du PMV, du PAR ;
Se situer dans les différents niveaux de l’organisation
territoriale.
2 Un objectif à atteindre Début du processus de formalisation du projet Construire une vision à moyen, long Animation, Organisme de proximité, agréé
inscrit dans le plan Qualification du territoire par rapport aux UTA, aux terme de la place de la production Médiation, par l’administration,
objectifs du PAR ; agricole dans le territoire concerné Etudes, enquêtes. Bureaux d’études, spécialistes de
Diagnostic du territoire/acteurs/filières : Faiblesses/ par le projet: ambition et objectifs à l’administration .
atouts ; enjeux, identification des acteurs (y compris atteindre
des exploitations), des filières et marchés existants et
potentiels.
3 Un porteur de projet, Identifier, et justifier le porteur de projet à partir du Etablir fiche descriptive : Expertise juridique et Organisation professionnelle,
structure d’agrégation, diagnostic de territoire Statut, sociétariat, objet social, économique, commerciale. administration,
opérateur social, Evaluer la situation du porteur de projet, diagnostic fonctionnement, gouvernance, Bureau d’études.
existant ou à créer. économique, et sa capacité à porter administrativement, implication dans le territoire, accès
juridiquement et financièrement le projet. au marché, situation économique… ;
Forces et faiblesses (renforcement
de capacité). Evaluer les besoins en
encadrement de l’opérateur social
4 Des acteurs locaux, Connaissance des agriculteurs, producteurs et des Enquêtes de terrain : qui exploite Animation, intermédiation, Organisme de proximité, agréé
acteurs socio aspirations, potentialités individuelles ; quoi, comment, combien, sociologie, cartographie. par l’administration, écoles et
économiques, Utilisation des espaces agricoles, pastoraux et forestiers ; identification des problèmes université (stagiaires).
exploitations et Cartographie des exploitations (SIG). individuels, des usages et des
exploitants agricoles projets ;
Diagnostic socio-foncier dynamique ;
Repérer les personnes ressources.

Formulation du projet
5 Un plan de progrès Traduire les résultats du diagnostic en vision, ambition Conseil technique et de Organisme de proximité, agréé
= programme de pour le territoire ; programme d’actions pluriannuel : Expertises techniques ; gestion, expertise technique, par l’administration, bureaux
développement : Les infrastructures ; Programmation ; animation, intermédiation. d’études spécialisés, université,
investissements à Les investissements de production, transformation, Identifier les indicateurs d’impact et recherche.
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

réaliser, actions à commercialisation ; de réalisation.


conduire, y compris Les actions individuelles ;
d’accompagnement Les actions d’accompagnement ;
(études, renforcement Evaluer l’impact attendu du projet par rapport aux
de capacité, objectifs.
Encadré 23 : cadre opérationnel des projets

formations,…) avec
calendrier et indicateurs
d’évaluation
6 Un plan de Chiffrer les investissements, identifier les sources de Etudes technico-économiques Economie de l’exploitation Organisme de proximité, agréé
financement financements. Construire l’équilibre subvention/crédit/ prévisionnelles ; agricole. par l’administration, bureaux
autofinancement évaluer la capacité de remboursement, la Ingénierie financière. d’études, centre de gestion,
rentabilité du projet. Crédit agricole.

7 Un dossier de projet Présenter l’ensemble des éléments du projet en vue de son Montage administratif et Appui conseil. Organisme de proximité, agréé
évaluation et des décisions à prendre. réglementaire. par l’administration, bureaux
d’études.
Une évaluation : Début du processus décisionnel Elaborer une grille d’analyse des Administrative, Services de l’administration
opportunité, Analyser le projet : complétude, éligibilité projets: critères de sélection ; économique et financière déconcentrée, Niveau Province.
viabilité, durabilité réglementaire. Mise en place d’un comité
Opportunité par rapport aux orientations du PAR d’évaluation et de sélection des
Evaluation de la rentabilité du projet. projets associant les partenaires de
l’administration (profession, crédit,
coopératives…)
9 Une décision Prendre la décision d’engagement juridique : agrément Ordonner la mise en œuvre Ordonnateur Niveau Province.Administration
(administrative, du projet. déconcentrée agissant pour le

Instruction – décision
juridique, financière) Décision d’engagement financier. compte de l’Etat et les bailleurs
Contractualisation. de fonds internationaux ;
Organismes de crédit.
10 Contractualisation Signer un contrat entre l’administration déconcentrée et Mettre au point les termes d’un Ordonnateur Administration déconcentrée ;
le porteur de projet. contrat entre l’administration et le porteur de projet
porteur de projet avec description
des engagements réciproques
10 Un processus de Réaliser les démarches administratives, juridiques, Animation, appui et conseil Appui, conseil, animation Opérateur social, organisme de
mise en œuvre et techniques et financières pour démarrer le projet et (notamment sur l’utilisation des proximité, centre de gestion,…
d’accompagnement l’accompagner crédits bancaires (remboursement),
Solliciter la mise en place des financements (publics et conseil de gestion,
crédits bancaires) Reporting auprès de
l’administration
11 Un processus de suivi Suivre individuellement les projets Recueil des informations relatives à Administration, ingénierie Organisme de proximité,
individuel du projet l’avancement des étapes du projet, administrative te financière agréé par l’administration,

Mise en œuvre
des réalisations, des engagements et publique opérateur social, Administration
des dépenses. déconcentrée 

12 Une évaluation finale Clôturer le projet : administrativement, financièrement ; Recueil des informations relatives Administration Organisme de proximité,
Capitaliser : évaluation de l’atteinte des objectifs aux réalisations physiques et Expertise agréé par l’administration,
financières du projet opérateur social, Administration

Clôture
déconcentrée 
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

73
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

4. Mettre en place des mécanismes de financement et un système


d’information efficaces pour le Pilier II

Les financements agricoles actuels sont mal adaptés aux besoins des petites exploitations des
montagnes et oasis et de projets territorialisés et permettant le renouvellement des générations.
Le FDA doit être réformé en conséquence et des lignes budgétaires souples et pluriannuelles sont
nécessaires pour le financement des projets collectifs du Pilier II.

L’Agence de Développement Agricole doit s’investir dans l’ingénierie sociale et financière du


Pilier II, et mobiliser des financements pluriannuelles, négociés avec l’Etat et les bailleurs de fonds
pour réaliser les projets du Pilier II, avec la souplesse requise et des contrôles à posteriori.

Les projets (territoires et exploitations) doivent être validés au niveau provincial après avis d’une
commission (comprenant professionnels et élus). Les répartitions possibles entre auto-financement,
aides de l’Etat et crédit, les mécanismes de validation des projets et de contractualisation avec les
bénéficiaires devront être précisés.

Le financement connexe d’infrastructures et services (par le Fonds de Développement Rural) et de


paiements de services environnementaux doit pouvoir être assuré.

Le système d’information du Pilier II doit en être considéré comme la colonne vertébrale. Il permet
en effet de suivre les progrès réalisés et de rendre compte de l’utilisation de l’argent public.

La mise en œuvre du Pilier II va demander des évolutions importantes dans les outils et
modalités de financement du développement agricole car des efforts importants d’adaptation
aux besoins de la professionnalisation de l’agriculture et du développement agricole dans les
zones montagneuses, oasiennes et semi-arides sont nécessaires. Le FDA et les formules de
crédit ont jusqu’à présent fort mal répondu aux besoins de la petite agriculture de ces régions
et la juxtaposition des nombreux grands « projets » financés par les bailleurs a conduit à une
superposition d’actions manquant de cohésion, à favoriser certaines communes ou certains
douars aux dépens d’autres, à un manque de cohérence et de convergence de l’action sur le
territoire national et à des coûts de transaction élevés

4.1 Pouvoir répondre à des besoins multiples dans le cadre de « plans de progrès »

Les besoins de financement à satisfaire et les améliorations à apporter sont de plusieurs


ordres.

Au niveau des exploitations.

La grande majorité des petites exploitations des régions concernées n’a encore qu’un accès très
limité au crédit bancaire et aux aides du FDA (fonds de développement agricole). En outre,
les aides apportées prennent mal en compte les enjeux territoriaux et elles peuvent générer
des effets indésirables notamment pour l’environnement. Le Fonds s’inscrit en effet dans une
logique de guichet et non dans celle de projet que le Plan Maroc Vert veut introduire, et ce

74
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

guichet a bien plus été pensé pour la grande agriculture des plaines et zones irriguées que pour
la petite agriculture des montagnes et zones oasiennes.

Réussir la professionnalisation de la petite agriculture demande par conséquent de mieux


prendre en compte les besoins spécifiques de ces régions et de leurs exploitations en soutenant
des plans de progrès compatibles avec les enjeux territoriaux. Il est notamment important
d’encourager la transmission/reprise des exploitations par des aides à l’installation de jeunes
agriculteurs mieux formés, ainsi que la modernisation des exploitations prêtes à s’engager dans
une logique de professionnalisation. Dans une première étape, seuls les plans de progrès des
exploitations participant à des projets collectifs (filières, valorisation des produits de terroir,
opérations groupées d’aménagement de terroirs) pourraient être financés, avant une éventuelle
généralisation.

Le crédit bancaire doit pouvoir, en complément de l’autofinancement et de l’aide de l’Etat,


jouer son rôle. La mise en place par le Crédit Agricole du Maroc de la Société Financière de
Développement Agricole (SFDA) apparaît à cet égard comme une avancée importante. Elle
doit en effet permettre d’apporter une offre de crédit enfin adaptée aux besoins des petites et
moyennes exploitations (PMEA) impliquées dans les projets du Plan Maroc Vert, en dépassant
le problème de la non immatriculation foncière, le risque étant réduit par la pertinence des
projets (garantir celle-ci est donc d’une importance fondamentale) et par la création d’un fonds
de garantie soutenu par l’Etat.

Pour les micro exploitations, les formules de micro-crédit peuvent répondre à de nombreux
besoins, notamment pour le financement d’activités génératrices de revenus à court terme.
Cependant, les offres actuelles semblent encore assez mal adaptées à l’activité agricole : durée
courte de remboursement, taux d’intérêt relativement élevés.

Au niveau des projets collectifs Pilier II

Il s’agit de pouvoir financer tout projet répondant aux orientations et ambitions fixées par le
Plan Maroc Vert (au niveau national pour le Pilier II et par les Plans Agricoles Régionaux) et
notamment ceux qui permettent d’initier des dynamiques de progrès durables dans les territoires
au bénéfice d’un nombre significatif d’exploitations: projets « aval » de regroupement de l’offre,
valorisation des produits et mise en marché; projets d’opérations groupées d’aménagement et
gestion des terroirs et projets plus classiques de filières. Les types de dépenses à prendre en
compte peuvent être extrêmement divers comme on l’a dit plus haut.

Financer les formations, infrastructures et services environnementaux

Il s’agit également de pouvoir financer les formations et autres actions de renforcement des
capacités dont l’importance fondamentale pour le Pilier II a été aussi soulignée plus haut. Ceci,
aux yeux de plusieurs experts, justifie la mise en place de plans régionaux de formations en
accompagnement aux Plans Agricoles Régionaux.

L’expérience du développement agricole en montagne montre également que des investissements


collatéraux dans le domaine des infrastructures et des services sont indispensables. Il convient
en effet de pouvoir financer de façon souple certaines infrastructures et travaux d’intérêt public
dont la réalisation conditionnera la réussite économique et environnementale des projets,
notamment les pistes rurales nécessaires au désenclavement des exploitations concernées.
75
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

D’autres investissements : espaces de commercialisation, travaux d’aménagement de l’espace


agricole et pastoral, certains travaux publics de protection des terres agricoles contre les crues,
etc., doivent pouvoir, le cas échéant, être financés. Le FDR (fonds de développement rural)
devrait donc pouvoir disposer de moyens souples permettant leur financement en tant que de
besoin, au-delà des programmes nationaux sectoriels.

Enfin, la nécessité de mettre en place des paiements pour services environnementaux pour la
petite agriculture de montagne est aujourd’hui clairement admise au niveau international. Ces
paiements devraient venir en appui de projets territorialisés, c’est-à-dire dans le cadre, par
exemple, d’opérations groupées d’aménagement et gestion des terroirs ou chartes territoriales
de gestion concertée des ressources naturelles et d’agriculture durable. La réforme engagée
de la Caisse de compensation si elle conduit à la mise en place de transferts monétaires
conditionnels directs (pour les familles les plus pauvres), pourrait être l’occasion d’un progrès
structurel fondamental pour le pays en intégrant cette dimension. Sans attendre cette possibilité,
le financement de compensations pour la mise en repos de terres pastorales doit pouvoir être
rendu possible. Lorsque c’est possible, il est très souhaitable de pouvoir faire appel à ceux
qui bénéficient des services environnementaux créés : utilisateurs d’eau en aval des services
générés en amont, touristes et consommateurs bénéficiant de la qualité des paysages. Plusieurs
exemples concrets de projets développés dans d’autres pays en ont montré la possibilité :
contrats passés par la ville de New York pour éviter la construction coûteuse de stations de
traitement des eaux, conventions passées avec les agriculteurs par certaines compagnies d’eau
minérale, labellisation des agneaux de parcours du Parc des Cévennes, etc.

Disposer de lignes budgétaires souples et régionalisées

Les projets des opérateurs sociaux agréés par l’Etat devront donc ouvrir à une grande panoplie
possible de mesures et d’actions. Une souplesse et une réactivité budgétaires seront donc
indispensables. Une fois les projets agréés et la convention d’octroi de la subvention signée,
les projets doivent en effet pouvoir être financés de façon rapide. Ceci milite pour des lignes
budgétaires souples de financement des projets Pilier II, programmées de façon pluriannuelle
au niveau régional et permettant de financer les projets au fur et à mesure de leur agrément et
avancement.

Préciser la répartition entre subventions, crédit et auto-financement pour le financement


des projets

Une réflexion plus approfondie par un groupe de travail est nécessaire pour mieux préciser selon
les grands types de projets et d’actions à financer les parts respectives entre auto-financement,
crédit et subventions et leur meilleure articulation possible ainsi que le type d’auto-financement
qui peut être pris en compte. Il convient notamment de tenir compte des faibles capacités
financières des petits producteurs des montagnes et oasis mais aussi d’éviter de tomber dans
une approche misérabiliste (par exemple distribution gratuite de matériel) qui ne permet
certainement pas de responsabiliser les acteurs et d’enclencher un véritable progrès.

Pour le financement des projets de nature très économique comme les projets de valorisation et
mise en marché des produits, il est normal de limiter le niveau des aides (par exemple à 70 %)
et d’avoir recours en partie au prêt bancaire ou à des systèmes d’avances remboursable. Pour les
financement des opérations groupées d’aménagement et de gestion des terroirs, des montants
d’aide plus élevés (jusqu’à éventuellement 80 ou 90%) peuvent le cas échéant être justifiés,
76
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

la part d’auto-financement pouvant être apportée sous forme de travail par les communautés
locales et producteurs. Pour les plans de progrès des exploitations, l’investissement en formation
des exploitants pourrait être considéré comme une part d’auto-financement.

S’agissant du financement des contrôles relatifs au respect des cahiers des charges des signes
d’origine et de qualité, il convient de souligner qu’un acteur économique qui veut tirer profit
de la reconnaissance officielle d’une AOP ou IGP en espère une importante plus value. Le coût
des contrôles doit donc pouvoir être pris en charge par ceux qui veulent bénéficier, les aides ne
pouvant se justifier que de façon transitoire.

4.2 Disposer d’outils et de mécanismes de mise en œuvre adaptés

Les expériences les plus récentes au Maroc (par exemple celle des projets de développement
financés par l’Union Européenne à travers l’instrument MEDA) ont montré l’intérêt d’une gestion
financière confiée à des structures jouissant d’une bonne autonomie décisionnelle et d’une grande
souplesse en matière de procédures et de circuits décisionnels. Ceci a justifié la création dans de
nombreux pays d’agences, et, au Maroc, celle de la nouvelle Agence de Développement Agricole.
Dans l’Union Européenne et dans les pays qui l’intègrent, les fonctions d’ « autorités de gestion »
(assurée normalement par les Ministères de l’Agriculture) et celles d’ « agences de paiement »20
ont été par suite clairement séparées, les Agences ont été dotées de capacités de contrôles et les
financeurs ont accepté une mise en œuvre souple, avec contrôles a posteriori.

Ces expériences montrent également, s’agissant de projets de développement de la petite agriculture,


l’intérêt de mécanismes très déconcentrés de formulation, d’instruction, de validation et de mise
en œuvre. Les principes d’efficacité de l’action publique et de subsidiarité ont en effet conduit pour
ce type de projets à déléguer le processus d’instruction et de décision à l’échelon administratif
ayant capacité à engager les crédits publics le plus proche du terrain (niveau provincial).

Il est par ailleurs important que les processus permettent de responsabiliser autant que possible les
parties prenantes autour du projet et de donner de la transparence aux décisions prises. L’objectif
de responsabilisation et d’autonomisation doit conduire à confier à l’opérateur social (GIE,
association, coopérative,…) le portage financier du projet (sauf le cas des infrastructures). La
contractualisation avec le bénéficiaire du projet est indispensable : elle permet de préciser les
objectifs fixés, conditions de financement et règles à suivre. L’approche projet doit donc être de
type transactionnel. Des commissions ad hoc peuvent permettre d’associer les acteurs territoriaux
concernés pour donner des avis collégiaux sur les projets.

Mettre en place un tel dispositif et inviter les bailleurs qui y sont prêts à s’y associer (une table
ronde des bailleurs peut être organisée) permettrait de sortir d’une juxtaposition de « projets »
et d’approches propres à chaque bailleur/projet, une juxtaposition consommatrice de temps, peu
cohérente (superposition de périmètres, d’objectifs, de process, d’indicateurs, de financements,
etc…) et qui ne permet pas une capitalisation partagée.

20- On peut donner l’exemple du CNASEA (Centre National d’Aménagement des Structures des Exploitations Agricoles) en France, créé il y’a près
de 40 ans et dont le rôle a été décisif dans la professionnalisation de l’agriculture française. Le CNASEA , en qualité d’agence de service et de paie-
ment, rassemble les financements de l’Etat, de l’UE (PAC), des collectivités régionales et, le cas échéant, d’autres institutions comme les Agences
de l’Eau, et les met en œuvre en relation très étroite avec le Ministère de l’Agriculture et ses services déconcentrés.

77
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

4.3 Mettre en place un système d’information du Pilier II

Le Système d’information à mettre en place pour le Pilier II est d’une importance fondamentale
car il a vocation à en être la colonne vertébrale. Il contribuera à donner de l’efficacité à sa
mise en œuvre et il permettra de rendre compte de l’utilisation de fonds publics de diverses
origines.

Un tel système doit permettre une circulation très organisée, partenariale et efficiente de
l’information. Il peut être ouvert (par habilitations spécifiques) à chacun des acteurs impliqué aux
différents niveaux (local, provincial, régional et national) qui peut ainsi saisir les informations
relatives à son domaine de compétence et consulter les informations globales du projet et
du Plan. Le système peut permettre ainsi d’informer en temps réel les différents partenaires
institutionnels de l’avancement du programme, des projets et de leurs impacts et faciliterait les
analyses et les évaluations.

L’information alimentant le système peut concerner les éléments de chaque projet, que ce soient
les engagements et consommations financières des éléments réglementaires. Il peut également
comprendre des volets d’information géographique, le système pouvant rendre compte des
réalisations par région, par UTA, etc. La prise en compte des UTA devrait permettre d’informer
aussi des avancées obtenues par grands agrosystèmes. Le système d’information, ouvert et
communiquant, est à construire en technologie internet.

5. Enrichir les politiques agricoles et le « policy mix »

La mise en œuvre du Pilier II doit permettre un renforcement des partenariats de l’administration


avec les élus, responsables professionnels et ONG à tous les niveaux.

La dimension ‘exploitations et territoires’ de la politique agricole doit être renforcée et mieux prise
en compte au niveau de l’administration centrale.

Un meilleur ‘policy mix’ est nécessaire pour réussir le développement rural durable des montagnes
et oasis.

Le Pilier II du Plan Maroc Vert est conçu pour devenir une force d’entraînement pour l’ensemble
des acteurs concernés et il implique une évolution des politiques. Sa durabilité est liée aux
mouvements qu’il va imprimer à la société et aux politiques agricoles et rurales.

La plus grande attention devra donc être accordée, au développement des partenariats de
l’Administration à tous les niveaux (local : douars, communes, cercles, et provinces ; régional ;
national) avec les élus, les responsables professionnels et les responsables associatifs.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

L’efficacité et la durabilité du Pilier II nécessiteront aussi :

 Une meilleure prise en compte de la dimension « exploitations et territoires » de la


politique agricole et le renforcement progressif de tout son volet socio-structurel :
politique foncière, politique agro-environnementale, assurance maladie, système de
retraite agricole qui permettrait de libérer des terres sans avoir d’incidence sur le marché
de l’emploi, aides à l’installation de nouveaux agriculteurs formés, etc.

 Une bonne prise en compte du Pilier II dans la nouvelle organisation centrale du


Ministère, ce qui doit inviter à confier clairement à une de ses Directions centrales la
dimension exploitations et territoires de la politique agricole et le rôle d’instruction
pour la mise en œuvre du Pilier II. Le fait que l’agriculture du Maroc recouvre 5 grands
agrosystèmes, dont les montagnes et zones pré-sahariennes, pourrait par ailleurs justifier
de développer au niveau national une capacité de réflexion prospective et de conseil
spécifique à chaque agrosystème. Les 5 agrosystèmes ne recoupent pas en effet les
délimitations régionales (chacun relève de plusieurs régions administratives) alors que
les problèmes, enjeux et solutions possibles sont largement communs et justifient des
analyses transversales.

 Le développement d’un « policy mix » efficace avec les autres Départements pouvant
contribuer au développement rural durable, notamment les Départements en charge des
politiques de la formation professionnelle, de l’eau, des terres collectives, des forêts, de
l’artisanat de l’urbanisme et de l’habitat rural, du tourisme, de la compensation, et des
travaux publics.

Outre la formation professionnelle où une synergie déjà forte est organisée, les synergies les
plus importantes à construire seront relatives :
 à la politique de l’eau notamment dans les oasis, avec des échanges réguliers
d’informations sur les ressources et demandes en eau et des analyses prospectives
et planification partagées. La mise en place de conventions et chartes territoriales
agriculture/eau est à explorer.
 aux politiques de gestion des terres collectives et des forêts,
 aux politiques de l’artisanat et de l’habitat rural car il convient d’accompagner la
professionnalisation de la petite agriculture d’un effort de structuration des bourgs
ruraux et de développement organisé des services amont et aval de l’agriculture,
 à la politique du tourisme vert dont le développement ne peut que gagner à se construire
en synergie avec celui de l’agriculture,
 à la politique de compensation pour explorer la possibilité de mise en œuvre de paiements
pour services environnementaux,
 à la politique de travaux publics.

Des réflexions spécifiques devront être menées sur les moyens d’une synergie et convergence
opérationnelle réussie sur le terrain. Une plus grande décentralisation et déconcentration serait
très favorable à une meilleure cohérence et efficacité de l’action publique.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Conclusion

Réussir la mise en œuvre du Pilier II du Plan Maroc Vert est certainement un des défis parmi les
plus importants à relever par le Maroc pour son engagement dans un chemin de développement
durable et équitable. Le Pilier II apparaît en effet comme une occasion unique de répondre aux
besoins fondamentaux des populations agricoles et rurales les plus pauvres par le moyen de
projets développés selon des méthodes modernes et participatives dans un cadre territorial.

Professionnaliser et structurer la petite agriculture dans les régions de montagne, oasiennes et du


semi-aride, réussir la montée d’échelle économique et assurer une gestion et valorisation durable
des ressources naturelles nécessitent cependant de véritables ruptures en termes d’organisations
et de méthodes. Celles-ci, plus territorialisées, déconcentrées et responsabilisantes des acteurs
professionnels et communautés locales, donneront priorité à l’homme et à son organisation
collective.

Le rôle de l’administration et de la filière technologique évoluera en conséquence pour passer


à des approches transactionnelles et d’accompagnement des acteurs considérés comme les
responsables des projets. La mise en place des ‘front offices’ de qualité sera d’une importance
décisive et elle milite pour une transformation en profondeur des Centres de travaux et CMV.
Les objectifs ne s’exprimeront donc plus d’abord en hectares aménagés ou en tonnes produites
mais en dynamiques d’exploitations agricoles, d’organisations collectives et de développement
des terroirs et des filières. Des dynamiques qui, pour être durables, devront tenir compte des
atouts et contraintes de chaque terroir. Elles devront permettre à la fois le renforcement des
solidarités locales, l’émergence de leaders paysans, la création continue de valeur ajoutée et
la bonne gestion des ressources naturelles et la production de services environnementaux qui
profiteront à toutes les populations dépendantes de l’eau en aval comme à celles, touristes et
marocains, invitées à venir découvrir les magnifiques paysages des montagnes et des oasis
entretenus par les agriculteurs de ces régions. La mise en place du Centre de ressources dédié
au Pilier II permettra d’accompagner cette évolution fondamentale attendue de l’administration
de l’agriculture.

Cependant, la réussite du Pilier II suppose l’engagement convergent de nombreux autres


acteurs. Les plus importants sont les communautés de base et organisations agricoles qui doivent
réussir à s’inscrire avec succès dans la nouvelle dynamique mise en place pour en devenir les
principaux acteurs de la mise en oeuvre. Les communautés locales de ces régions difficiles ont,
au 20ème siècle, été marginalisées dans le processus de développement. Cette mise à l’écart a
paradoxalement permis le maintien de solidarités locales actives et n’a pas empêché l’émergence,
il est vrai encore timide, de nouvelles dynamiques porteuses d’avenir. Ces dynamiques peuvent

81
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

être aujourd’hui amplifiées et multipliées si on sait inscrire le développement agricole dans une
approche territorialisée, à l’écoute et au service de ces populations, une approche qui sache
donner priorité aux hommes et à leur organisation collective, à la reprise des exploitations par
des jeunes mieux formés et à la bonne gestion et valorisation collective des terroirs.

D’autres acteurs importants doivent aussi s’inscrire dans la nouvelle doctrine d’action à laquelle
le Pilier II du Plan Maroc Vert appelle. C’est le cas notamment des bailleurs internationaux et
du secteur bancaire, mais aussi des responsables des autres politiques sectorielles, institutions
et projets qui peuvent contribuer à la réussite de l’engagement du pays vers un développement
agricole et rural durable.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Annexes

Annexe 1 : Interventions des membres du Panel

1. Intervention de synthèse par Monsieur Gérard Viatte, président et rapporteur du


panel

Le Pilier II du Plan Maroc Vert présente à la fois des opportunités, des exigences et un
caractère de nécessité :

 des opportunités d’une importance stratégique, visant à redynamiser et à améliorer les


revenus de 600.000 à 800.000 exploitations situées dans les régions moins favorisées
du pays, à savoir les montagnes, les oasis et les plaines et plateaux du semi aride, ce
qui traduit de nouvelles priorités et une réorientation majeure des actions des pouvoirs
publics et des acteurs
 des exigences, afin de définir de nouveaux modes d’actions axés sur des projets qui
doivent s’inscrire dans une « doctrine nationale d’action permettant une mise en œuvre
raisonnée du Pilier II » (note de cadrage, section III), tout en s’inscrivant dans un effort
global de développement de l’agriculture de tout le pays, donc en s’articulant avec le
Pilier I du Plan Maroc Vert.
 un caractère de nécessité car le Pilier II conditionne l’engagement du pays vers le
scénario S3 de la Prospective Agriculture 203021 et peut donc permettre un développement
harmonieux et équilibré évitant l’impasse de transition annoncée par les scénarios
S1 et S2.
Le discours du Ministre et l’excellente note de cadrage préparée par le CGDA ont servi de
base aux discussions du séminaire. Celui-ci a très largement conforté l’approche générale et les
propositions de la note tout en l’enrichissant sur de nombreux points. Il est difficile de résumer
les débats très riches du séminaire et notamment du panel final, dans le temps très court qui
est disponible. Sans prétendre être exhaustif, je veux néanmoins essayer de mettre en évidence
trois axes de réflexions, qui sont inspirées à la fois par les communications et débats et par mes
réflexions et expériences personnelles.

21- Résultat d’un travail conjoint entre le Haut Commissariat au Plan et le Conseil Général du Développement Agricole finalisé en septembre 2007,
l’étude prospective Agriculture 2030 : quel avenir pour le Maroc, a exploré trois scénarios différenciés. Les deux premiers (‘politiques au fil de l’eau’
et ‘marchés triomphants’), annoncent de réels risques d’impasses. Faute de politiques adaptées, la conjugaison du changement climatique et de
l’ouverture conduit à la rupture agricole et rurale. Les solidarités, qui avaient joué dans le passé, se brisent sur les baisses de revenus et sur la
disjonction des marchés d’une petite agriculture victime de la mondialisation et du changement climatique. Tous les espaces fragiles - montagnes,
plaines et plateaux du semi-aride, zones présahariennes et leurs oasis – déjà dégradés par la désertification, sont touchés.
La rupture précipite des millions de ruraux sur les routes, la littoralisation, la crise urbaine et écologique.
Elle impose des filets sociaux qu’un Etat sans ressource pétrolière ne peut pas financer. Un scénario de développement avec maintien de la
population rurale est cependant possible car les marges de progrès sont élevées, la société bouge, les nouveaux dynamismes qui se dessinent
peuvent être appuyés et une urbanisation intermédiaire en milieu rural peut être organisée. C’est le scénario d’un nouveau pacte agricole et rural,
d’une ouverture « maîtrisée » et d’un « mieux d’Etat ». Le premier défi est de professionnaliser la petite agriculture pour lui permettre d’accéder au
marché et de valoriser l’ensemble des potentialités territoriales du pays tout en prenant en compte les enjeux de la durabilité (économie d’eau, res-
tauration des sols et des ressources végétales, valorisation de la diversité,…). La politique agricole, après avoir mis l’accent sur les infrastructures,
notamment en matière de périmètres irrigués, doit donc désormais se tourner davantage vers les acteurs essentiels du développement que sont les
exploitations, s’adapter à la diversité territoriale du pays et prendre en compte l’enjeu de la durabilité.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

La substance du Pilier II

Concernant le contenu du Pilier II, celui-ci stipule que les projets doivent viser trois objectifs :
la reconversion des cultures, l’intensification et la valorisation, la diversification et le
développement des produits de niche. Dans ce contexte, deux orientations méritent une
attention particulière :

 la valorisation des produits pour lesquels les exploitations des régions de montagne et
des oasis ont des avantages particuliers, à cause de leur spécificité, de leur intensité en
main-d’œuvre et de leur haute valeur ajoutée potentielle. Ce processus de valorisation
nécessite une réorganisation de la filière, notamment de l’aval. L’aval peut et doit
dynamiser l’ensemble du secteur, et avoir un effet d’entraînement sur les exploitations
elles-mêmes, sur les plans technique, économique et même social. Les projets retenus dans
le Pilier II doivent donc inclure une « dimension aval » forte, en assurant la participation
de tous les acteurs. Les expériences présentées dans ce séminaire sont encourageantes et
confirment les retombées positives de ce type d’action. Elles militent pour promouvoir
un grand nombre de petits projets (à l’échelle notamment des communes), dans le cadre
d’une approche ascendante.

 la gestion des ressources naturelles et la protection de l’environnement revêtent


une importance particulière dans les régions de montagne et les oasis, et les exploitants
agricoles et communautés locales en sont les acteurs majeurs, aujourd’hui comme tout
au long de l’histoire du pays. Le renforcement des actions dans ce domaine est une
nécessité absolue à la fois pour l’ensemble de la société et pour les exploitants eux-
mêmes. La valorisation des externalités positives, et notamment les paiements pour les
services environnementaux avec la promotion d’opérations groupées d’aménagement
des terroirs (aménagement foncier et de gestion des ressources naturelles) et de chartes
territoriales sont des moyens nouveaux qui peuvent contribuer à améliorer les revenus
des exploitants de ces régions, tout en répondant aux demandes prioritaires de la
société. Il en est de même de la promotion d’un tourisme rural durable (éco-tourisme et
agro-tourisme). Les projets retenus dans le Pilier II doivent aussi s’inscrire dans cette
perspective de développement durable, qui englobe les préoccupations économique,
écologique et sociale.

L’approche territoriale

L’approche territoriale est une condition essentielle de l’efficacité de l’élaboration et de


la réalisation des projets. La complexité de l’organisation administrative marocaine et des
structures agricoles appelle des modes d’approche nuancés et adaptés aux spécificités des
régions (douars, communes, cercles, provinces…). Les discussions sur ce sujet sont très intenses
dans le pays et il est difficile d’apporter une réponse univoque et définitive : le « placage »
d’une formule unique semble irréaliste. Néanmoins, quelques points forts doivent être pris en
considération en tout état de cause dans le cadre du Pilier II :

 l’approche territoriale doit reposer sur une véritable décentralisation et sur une forte
déconcentration administrative avec une délégation de compétences. Elle doit aussi
assurer une interaction entre les divers niveaux.

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

 elle doit être l’occasion de promouvoir une participation effective des acteurs de
terrain à tous les niveaux, en promouvant notamment la formation et l’animation, qui
permettent d’acquérir l’autonomie nécessaire et le cas échéant d’ouvrir sur d’autres
métiers. La prise en compte du facteur humain dans les projets du Pilier II est
indispensable, notamment par l’intégration des jeunes et le recours aux solidarités
locales toujours fortes dans les montagnes et le oasis.

La réforme institutionnelle

La nécessité d’une réforme profonde du cadre institutionnel résulte logiquement de ces


considérations. Elle se manifeste à tous les niveaux, depuis la réorganisation du Ministère en
cours jusqu’au niveau local. Une meilleure prise en compte des besoins des petits agriculteurs et
des investissements non physiques par le FDA et son passage d’une approche de type « guichet »
à une approche de type « projets d’exploitations » s’inscrivent dans la logique du Pilier II. Il en
va de même de la restructuration financière et de l’adaptation des systèmes de crédit agricole aux
besoins diversifiés des divers groupes d’exploitants. En ce qui concerne les projets eux-mêmes,
la réforme institutionnelle doit porter notamment sur la distinction entre les services de front-
office et de back-office, conduisant à plus d’efficacité et à une plus grande responsabilisation
des acteurs. La mise en place de front offices de qualité à une échelle de proximité (cercle)
apparaît d’une importance stratégique pour informer du Plan Maroc Vert, repérer les acteurs
capables de s’engager dans une dynamique de développement et faire émerger et accompagner
la mise en œuvre de nouvelles générations de projets.

Les projets doivent résulter d’une solution négociée entre les acteurs, dont les rôles doivent être
bien différenciés. Il importe que les projets s’inscrivent dans le cadre cohérent du Plan Agricole
Régional. La réussite demande de consacrer un temps important à leur définition avec les acteurs
concernés et de pouvoir disposer de moyens budgétaires souples pour les financer au fur et à
mesure en fonction de leur maturation. L’Agence de développement agricole pourra jouer
un rôle utile d’ingénierie financière pour financer les projets approuvés au niveau décentralisé
(provincial). L’exemple de l’ADS montre la pertinence d’un outil d’ingénierie sociale et
financière disposant d’une forte souplesse d’action et son expérience pourrait être mise à profit.
Sur un plan plus général, la simplification et l’accélération des procédures s’imposent.

Une autre exigence qui se dégage est celle d’une meilleure coordination entre les services
sectoriels (moins nombreux) pour atteindre une approche holistique à tous les niveaux et pour
permettre l’émergence d’une nouvelle génération de projets. Cette exigence converge avec celle
d’une décentralisation effective mentionnée plus haut. Enfin, cette réforme institutionnelle doit
s’inscrire dans une perspective vraiment pluri-disciplinaire, qui fait appel aux compétences
croisées des agronomes, des économistes, des sociologues et des juristes. Cela facilitera la
prise en compte de la dimension rurale et une approche plus horizontale du processus de
développement.

En conclusion, la mise en œuvre du Pilier II du Plan Maroc Vert apparaît comme une occasion
unique :

 de répondre aux besoins les plus fondamentaux des populations agricoles et rurales des
régions les plus pauvres,

85
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

 par le moyen de projets développés selon des méthodes modernes et participatives dans
un cadre territorial cohérent,

 tout en mettant en œuvre des institutions, des processus et des méthodes innovantes,
formatrices et efficaces.

2. Intervention de M Mohamed Naciri

Regardons le Maroc dans ses multiples dimensions : globalement et en profondeur, en partant


de l’articulation de ses grands ensembles environnementaux. En effet le pays peut se diviser en
quatre grandes dimensions, du Tropique à la Méditerranée.

 La 1ère, la dimension saharienne a joué un rôle éminent dans l’histoire du Maroc. Elle
a toujours constitué une marge qui a été de tout temps un espace de ressourcement, de
rénovation, de reconstruction de l’Etat et de réforme et d’évolution de la société.
 La 2ème, la dimension atlassique, dont les montagnes ont formé une barrière contre
l’aridité, un château d’eau pour les plaines et un réservoir de peuplement pendant
l’histoire du Maroc.
 La 3ème, la dimension méditerranéenne, longtemps un pont entre le Maroc et
l’Andalousie. Elle constitue un lieu de défense et un espace de tradition d’autonomie.
 La 4ème, la dimension atlantique a connu une remontée lente depuis des siècles
pour constituer le lieu de centralité de l’époque contemporaine, lieu d’accumulation
d’activités, de richesses et de pouvoirs.

Les processus de marginalisation et leur paradoxe

Chacune des trois premières dimensions a constitué, à une phase déterminée de l’histoire du
Maroc, un lieu de centralité. A partir du 15ème siècle, elles ont connu l’amorce d’un processus de
marginalisation. Celle-ci atteint plus particulièrement les montagnes et les oasis avec la crise
du commerce saharien.
Cette marginalité séculaire qui n’a pas eu que des aspects négatifs sur l’évolution de la société
et la capacité de résistance du Maroc, sur près de cinq siècles, a provoqué le développement
d’une culture de gestion de la pénurie. Il en est résulté une solidarité active entre les individus
organisés en communautés.

De ce fait, les sociétés montagnardes et oasiennes ont été moins déstructurées. Leurs institutions
communautaires ont constitué le cadre de leur solidarité et les ont aidé à faire preuve d’un
dynamisme remarquable dans la gestion de leurs territoires agricole et pastoral. La gestion
de l’eau a été un facteur puissant de cohésion sociale et d’organisation de la communauté
territorialisée. Mais cela n’a pas empêché également les sujets de discordes pour la répartition
de la ressource en eau, entre l’amont et l’aval. Une culture de gestion des conflits en a résulté,
ce qui a permis de développer la capacité de la négociation.

Le Maroc indépendant n’a pas réussi à capter cette énergie des communautés pour la traduire
en processus de développement auto-centré. Il était plus préoccupé par le productivisme
agricole et d’exportation en vue de conquête de marchés étrangers que d’ une préoccupation de

86
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

croissance équilibrée des potentialités de ses montagnes et de ses oasis. Pourtant, les capacités
de la communauté, la jmâa à s’organiser pour sa propre dotation en infrastructures d’eau et
d’électricité étaient présentes et auraient pu accompagner un mouvement de fond de prise
en main par les habitants de leurs propres affaires, en vue de s’assurer les services de base
nécessaires à la vie de leur communauté.

Comment le Plan Maroc Vert 2ème pilier peut-il remobiliser les structures communautaires et
réactiver leurs dynamismes dans une perspective de développement et d’intégration ? Peut-il
susciter une autre manière de concevoir le développement rural en mesure de passer du niveau
d’offre d’infrastructures au plan du développement collectif des exploitations agricoles ?

Un saut qualitatif ou la poursuite des sentiers battus

La question centrale est de savoir si l’on se trouve dans une phase de rupture avec un passé de
marginalité, [ou dans un processus de projets et d’essais] qui a conduit à la situation actuelle,
après 50 ans de politiques agricoles tournées vers la modernisation de la grande agriculture au
détriment des petites exploitations et des potentiels de leur diversité.

Je propose six démarches susceptibles d’opérer une rupture avec le passé.

1ère démarche

Elle consiste en la prise de considération de l’espace exploité dans le processus du


développement rural participatif. Ceci en prenant en compte d’institutions territorialisées
d’organisations du monde rural dans les montagnes et les oasis, à savoir : mettre en cohérence
les territoires respectifs de la jmâa du douar, de l’association villageoise et de la commune
rurale.

Comment cette articulation pourrait-elle se produire ?


 Par l’affirmation territoriale de la jmâa traditionnelle du douar, en donnant un statut
légal au douar (à l’espace que ses habitants gèrent d’une façon informelle),
 Par la mutation progressive de la jmâa en association villageoise,
 Par l’implication de l’une et de l’autre (jmâa et association) dans les structures et les
actions de la commune rurale.

Cette synergie des trois acteurs du monde rural peut être obtenue à deux niveaux :
 institutionnel : par la base en donnant un statut au douar, puisqu’il est actuellement le
point focal du déclenchement des initiatives du développement ;
 territorial : par le sommet en faisant du cercle l’espace privilégié d’action dans le cadre
de la petite région (voir contribution de G.Lazarev).

2ème démarche

Elle suppose la nécessité de discrimination des niveaux spatiaux d’intervention,

D’abord, en distinguant les deux espaces majeurs que sont les montagnes et les oasis :
En effet la nature de l’enclavement n’est pas la même dans l’un et l’autre domaine. En montagne,

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

l’enclavement est un obstacle majeur à la circulation des produits et à la mobilité des hommes.
Il en est autrement dans les oasis où le transport des marchandises et les déplacements des
habitants ne présentent pas de difficultés.
La pénurie des ressources principales est différente : l’eau est relativement abondante dans
les montagnes, alors que sa rareté est un handicap majeur dans les oasis. Par contre, dans la
montagne ce qui manque le plus c’est le sol ; dans les oasis ce n’est pas cette ressource qui
manque le plus.
La nature et l’organisation des douars ne sont pas les mêmes. Les contraintes créées par la
gestion de l’eau, le mode d’habitation aux exigences collectives enserrent la communauté dans
des exigences que l’on ne retrouve pas en montagne. Les rapports avec les espaces pastoraux,
et de là les rapports entre différentes communautés ne sont pas du même ordre.
La taille des structures d’encadrement électif ou étatique n’est pas de la même dimension
(commune rurale, cercle).

Ensuite, en procédant, dans la conception et la mise en œuvre des actions de développement, à


un changement d’échelle. Cela permettra d’atteindre la souplesse et de réaliser l’adéquation des
choix de niveaux d’intervention. La flexibilité des procédures d’investissement permet une plus
grande efficacité dans la mise en œuvre des actions de développement.

3ème démarche

Le Plan Maroc Vert 2ème pilier se heurtera à une difficulté majeure s’il ne résout pas le problème
de l’action horizontale. Les discussions du Panel en ont montré l’importance : à savoir la
création d’une synergie entre les différents départements ministériels dans une démarche
d’aménagement du territoire.

Le retard en matière de développement rural peut être en grande partie imputé à la non-prise
en considération de la coordination des actions des principaux intervenant sur l’espace. La
revitalisation de certaines vallées enclavées est donc dépendante des actions concertées des
différents opérateurs spatiaux qui doivent concourir conjointement à l’équipement d’un
territoire.

Un aspect longtemps absent des préoccupations est celui des petites villes des montagnes et
des oasis : elles ont été laissées au hasard d’une croissance très mal maîtrisée. Or c’est un
lieu privilégié des transformations des campagnes. Centres de services, de lieux d’échanges,
d’achat, de vente et de distribution de production locale d’écoulement des petites productions
artisanales et d’approvisionnement en produits venant d’autres régions ; elles sont le lieu de
l’émergence de la multi-activité sans laquelle le monde rural ne peut être en mesure de maîtriser
son développement, en bénéficiant d’une augmentation de ses revenus, tout en multipliant
les possibilités d’expertises de première nécessité en termes de métiers et de prestation de
services.

4ème démarche

L’action du Plan Vert 2ème pilier peut rester inopérante, si l’intermédiation entre les niveaux
d’action n’est pas assurée.
Cette intermédiation doit intervenir aux niveaux de différentes échelles d’intervention de la
base au sommet pour :

88
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

 Capter les initiatives sur place, au contact des gens et du terrain ;


 Organiser l’action des opérateurs sociaux dans l’espace d’intervention ;
 Surmonter les difficultés inhérentes à l’application des procédures pour surmonter leur
multiple rigidité ;
 Etablir entre la base et le sommet un aller-retour permanent d’éléments d’information
concernant le suivi des actions et de créer les possibilités de prises de décision rapide
pour éviter aux projets de s’enliser dans des considérations bureaucratiques au risque de
voir l’enthousiasme des acteurs locaux retomber.

Cette intermédiation nécessite :


A la base : une éducation fonctionnelle pertinente des populations. Cette éducation différenciée
doit viser les enfants, les adolescents et les adultes. L’un des graves problèmes qui menacent
l’exploitation agricole est la désertion des jeunes. Ils sont plus que rétifs à s’engager dans
l’activité agricole. Le problème majeur qui se présente est comment intégrer les jeunes dans
l’action du développement rural. L’école ne parvient pas à réconcilier les élèves avec leur
environnement. Un processus de rejet de l’activité agricole s’installe dès le jeune âge, à défaut
d’une connaissance compréhensive des caractéristiques, des spécificités du milieu de vie et de
l’intérêt de le connaître, pour mieux l’apprécier. C’est toute la ruralité qui se trouve remise en
cause par la jeune génération des montagnards et des oasiens.
Au niveau intermédiaire : des animateurs entraînés au travail de terrain. Leur présence
fréquente sur place est un facteur de mobilisation de la population. Ils doivent fournir le
maximum d’efforts pour fédérer les initiatives et être eux-mêmes convaincus qu’il ne s’agit pas
uniquement d’une tâche administrative à accomplir, mais également d’un engagement citoyen
pour contribuer au développement des communautés paysannes. La revalorisation de leur statut
est une condition qui va également dans le même sens.
Un investissement lourd en matière grise de conception, d’initiatives, de coordination et de
management est nécessaire. Sans un investissement et un intérêt de l’encadrement supérieur des
actions entreprises, des rigidités s’installent, car les problèmes ne peuvent pas rapidement aller
vers leur résolution s’il n’existe pas des cadres ayant des capacités d’intervenir à différentes
échelles de décisions, du fait de leur connaissance des nœuds de blocage ou de frottement.

5ème démarche

Le Plan Vert 2ème pilier peut-il trouver les moyens de :


 restructuration foncière des exploitations par des regroupements d’exploitants
autonomes. Il faut pouvoir dépasser les effets des échecs des coopératives et trouver
d’autres formes d’association, garantissant l’autonomie des exploitations, tout en les
faisant bénéficier des bienfaits de la coordination des actions et de l’effort collectif
 transfert d’exploitations appartenant à des agriculteurs âgés à de jeunes
agriculteurs. C’est une perspective qui peut pousser les jeunes à ne pas abandonner les
activités agricoles.

Cette intervention sur les structures est la plus difficile à réaliser : les règles d’héritage,
l’attachement à la terre et au patrimoine familial des vieux paysans ; l’absence de statut de
retraité qui aurait pu inciter à abandonner l’activité au profit d’un membre de la famille,
l’inexistence des mesure d’accompagnement (aides, subventions, crédit adapté) pour assurer ce
transfert d’exploitation ou/et de propriété.

89
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

6ème démarche

Comment articuler la mise en valeur de l’exploitation avec la sauvegarde de


l’environnement ?

Le paiement de services environnementaux paraît être le moyen le plus adéquat de faire la


liaison entre le développement de l’exploitation et la sauvegarde de l’environnement, à l’échelle
d’une vallée, d’un pâturage d’altitude, d’un versant montagnard ou d’un territoire forestier.
L’attention accordée par les responsables agricoles au niveau de proximité le plus proche, aux
maladies qui handicapent la production animale et végétale, présente un double avantage :
psychologique pour les exploitants qui prennent conscience de l’intérêt qu’on porte à leur
exploitation d’une part et d’autre part pour le profit que tire la collectivité de l’éradication
de maladies qui sont un handicap à la production et qui empêchent l’obtention de produits de
terroirs de qualité. Cela suppose la mise sur pied d’une structure d’intervention rapide d’experts
confirmés pour l’identification et le traitement de la production des exploitations agricoles.
C’est en augmentant les revenus de l’exploitation qu’on provoque la disjonction entre
l’exploitation extensive des ressources disponibles dans l’exploitation et au niveau du territoire,
et l’exploitation intensive des moyens propres de l’exploitation. C’est en diminuant la pénibilité
du travail (couper le bois dans la forêt, se rendre à des pâturages lointains qui fatigue le bétail
etc.) qu’on peut espérer sauvegarder durablement l’environnement forestier, les pâturages
d’altitude et les versants exposés à l’érosion.
C’est en veillant à la conservation du savoir-faire paysan qu’on peut sauvegarder à la fois
l’environnement et le patrimoine. La prise en compte de cet aspect est absolument vitale à
la conservation des produits des terroirs et à la promotion de leur qualité. Des techniques
implicitement en conformité avec la protection de l’environnement risquent de disparaître avec
la génération âgée des paysans. Ce problème est rarement abordé par les « développeurs »
tentés par une modernisation intempestive des techniques agricoles.

7ème démarche

Prendre en considération le rôle majeur que jouent les bourgs et les petites agglomérations
de la montagne, ainsi que des oasis qui comptent maintenant de véritables petites villes. On
n’a pas suffisamment attaché d’importance à ces établissements pour leur faire jouer leur
rôle fondamental dans le développement rural. Ces points de fixation de l’urbanisation en
devenir sont des pourvoyeurs de services multiples, notamment en matière d’accueil pour
les établissements d’éducation du second degré. L’effort entrepris de scolarisation rurale est
bloqué, plus particulièrement pour les filles, quand il devient difficile pour elles de poursuivre
leur scolarité du fait de l’absence d’internats ou de l’accueil en famille.

Par ailleurs, le système scolaire dans le monde rural devrait être reconsidéré. Car la scolarisation
primaire conduit, pour peu qu’elle se prolonge, à un détachement total à l’égard des activités
agricoles. Or, on se trouve actuellement dans une phase de transition où le savoir faire des
paysans est en train de régresser du fait de l’âge. Le recueil de ce savoir n’intéresse pas les
jeunes qui sont de plus en plus attirés par l’émigration vers les grands centres urbains

90
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Conclusion

Qu’on me permette l’utilisation d’une métaphore : celle du pont et des deux piliers. Le Plan
Maroc Vert a deux piliers : celui de la grande culture d’exportation et celui des espaces qui nous
préoccupent : montagnes et oasis. Le déficit de développement rural résulte de la négligence
du 2ème pilier au profit exclusif du 1er. Le développement agricole ne peut se réaliser sans un
pont solide entre les deux. Or, un pont ne peut être viable si les deux piliers ne sont pas de la
même résistance, autrement l’ensemble s’effondrerait. Pourvu qu’après cinquante années de
politiques agricoles, on prenne conscience que pour jeter ce pont entre le monde agricole et
le monde rural, il faut se préoccuper sérieusement de la petite et grande agriculture à la fois.
Autrement, le pont et ses deux piliers ne tiendraient pas.

3. Intervention de M Henry Hervé Bichat

L’objectif prioritaire du deuxième pilier du « Plan Maroc Vert » est d’aider plusieurs centaines
de milliers paysans à accéder à l‘économie marchande dans les meilleurs délais, ce qui constitue
un véritable challenge pour l’Etat. Car il s’agit non seulement de mobiliser les moyens
financiers et techniques nécessaires pour atteindre cet objectif mais surtout d’être en mesure
d’accompagner cette révolution économique, sociale et culturelle.

Cela va exiger une profonde rénovation du Ministère de l’Agriculture. Compte tenu de


sa brièveté, cette intervention va simplement essayer d’esquisser un schéma de « feuille de
route » pour déboucher sur quelques propositions (à débattre) qui souhaitent s’inscrire dans la
perspective ouverte par l’excellente note de cadrage du Conseil Général sur le deuxième pilier
du plan « Maroc Vert » lancé par le Ministre lors du salon de l’Agriculture de Meknes en avril
dernier.

Quelques éléments du cahier des charges pour la rénovation du Ministère de


l’Agriculture

La réforme institutionnelle indispensable pour que l’Etat puisse jouer pleinement son rôle
devrait prendre en compte les bases suivantes :

 Articuler les interventions de l’Etat aux différents niveaux d’intervention

Les géographes, comme l’a rappelé le Professeur Naciri, sont très attentifs dans leurs analyses
au concept d’échelle. C’est le cas également des agronomes. Cette notion d’échelle doit aussi
être prise pleinement en compte lorsqu’il s’agit d’organiser l’intervention de l’Etat.

Il est courant de distinguer les niveaux suivant : local, régional, national, international. Parmi
tous les commentaires qu’appelle cette analyse, deux observations me paraissent importantes :

À chaque niveau correspond un couple espace-temps particuliers, ce qui a de multiples


conséquences :
Ainsi on peut présenter le développement comme un processus qui va permettre aux
paysans des douars de passer d’un espace limité à quelques km2, associé à un temps
cyclique, à un espace sans cesse élargi avec un concept de temps dynamique.

91
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Pour l’Etat, ces différents couples espace-temps vont avoir pour conséquence que ses
différentes missions de médiation, d’appui, de planification, de contrôle, et doivent être
ajustées à chacun de ces niveaux.

Cela concerne notamment ses champs d’intervention puisque par exemple les actions
en faveur des paysans doivent privilégier le niveau local alors que celles concernant les
industries agroalimentaires sont mieux positionnées au niveau régional.

Prendre en compte ces niveaux de territoire dans les politiques de communication et


d’information
Le développement est d’abord lié à la qualité des informations qui s’échangent tant à
chaque niveau, qu’entre eux. Les freins à la communication sont de nature différente
selon que les informations circulent sur un même niveau ou doivent sauter d’un niveau à
l’autre. Dans le premier cas, ce sont les enjeux de pouvoirs qui jouent le plus grand rôle.
Dans le second, les changements de couple espace-temps expliquent qu’il y a toujours
des freins importants aux échanges d’information entre niveaux.

En conséquence, il faut privilégier des organisations à cheval sur plusieurs niveaux tout en
veillant à la meilleure coordination des acteurs publics à chaque niveau.

 Appuyer l’intervention de l’Etat sur des filières technologiques

Comme l’a souligné le Professeur Naciri, les missions de formation sont au cœur des politiques
de développement. Mais l’expérience internationale accumulée sur le développement agricole
débouche sur deux orientations majeures :

Articuler fortement les activités de formation avec celles d’expérimentation et de


développement
Contrairement à la tradition française de confier ces activités à des organismes dédiés,
l’expérience internationale souligne l’intérêt de privilégier leurs interactions au plus
prés des agriculteurs pour rendre plus efficaces les politiques publiques. C’est le concept
de filière technologique que la DERD a progressivement développé au Maroc.

Ne pas oublier de doter les activités amont et aval de l’agriculture de filières technologiques
appropriées
L’objectif extrêmement ambitieux du deuxième pilier du Plan Maroc Vert » consiste à
faire accéder plus de 750 000 familles de paysans traditionnels à l’économie marchande
agricole, c’est-à-dire multiplier par 3 le nombre d’exploitations agricoles actuelles. Ceci
ne sera possible que si on aide en même temps d’autres familles de paysans traditionnels
à s’investir dans les activités situées en amont et en aval de l’agriculture (rappelons
qu’en moyenne 3 exploitations agricoles requièrent les services d’une exploitation
artisanale ou commerciale). En effet la famille traditionnelle se caractérise par une
très grande autonomie qui se réduira au fur et à mesure qu’elle se transformera en
exploitation agricole. Il est donc très important que la filière technologique ne couvre
pas seulement les activités agricoles proprement dites mais aussi celles des services qui
sont indispensables à leur développement.

92
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

 Prendre en compte le concept de masse critique dans l’organisation du Ministère


de l’Agriculture

Les exposés qui nous ont été présentés ont montré que les projets de développement doivent
intervenir jusqu’au sein des douars. Mais la vie des projets est limitée. Ils doivent donc pouvoir
s’appuyer sur une organisation publique pérenne. La question est donc de définir les bases
de celle-ci. Le dilemme qui se pose alors le suivant : si les équipes sont faibles et isolées, elles
sont inefficaces. Mais si on constitue des services importants, ceux-ci seront professionnels
certes, mais risquent d’être trop éloignés des bénéficiaires. Par conséquent la performance
ne sera pas non plus au rendez-vous. La grande question de l’organisation publique est donc
comment placer le curseur. En tout cas une équipe de terrain doit être composée d’au moins 3
à 5 personnes.

 Distinguer le « front-office » du « back-office »

Les Américains ont proposé une solution à cette épineuse question en distinguant
Le « front-office »
Celui-ci a comme mission principale de permettre à la demande, souvent latente, de
l’environnement de s’exprimer et d’organiser la réponse appropriée à lui apporter. C’est
donc celle d’un commerçant qui essaye de deviner les produits et services que ses clients
attendent sans parfois pouvoir l’exprimer clairement. Si on applique ce concept aux
services de vulgarisation, il en découle que leur principale mission n’est pas de dire
aux paysans ce qu’ils doivent faire, mais au contraire d’être à leur écoute et de les
aider à exprimer leurs attentes, même si ceux-ci ont du mal à l’exprimer en raison des
changements culturels que cela implique.

Cela souligne le rôle essentiel des services de vulgarisation de terrain pour détecter et
accompagner les leaders paysans et renforcer les organisations agricoles et rurales de
base.

Du « back-office »
Une fois la demande formulée, il s’agit de lui apporter la meilleure réponse possible.
Cela ne peut être que la mission de personnels spécialisés qui pour des raisons logistiques
peuvent êtres localisés à des niveaux différents. Plus ceux-ci sont éloignés du terrain et
plus en général, ils sont spécialisés. On distingue ainsi des « back office » de premier
niveau, de deuxième niveau, …

Pour les raisons exposées précédemment, il est souhaitable que le « front-office » et le


« back office » de premier niveau fassent partie de la même organisation de base.

 La situation actuelle du développement agricole et rural du Maroc

Si on regarde l’organisation administrative actuelle du Maroc, on observe le dispositif


suivant :

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

Grand Organisation
Services Commentaires
niveau administrative
Education
1500 communes
Adduction d’eau Chacune rassemble plusieurs douars
rurales
Electricité
Intérieur
Local Agriculture L’Agriculture est le service technique le plus
350 cercles
Santé proche du terrain : CT, crédit1
Affaires sociales
TP
46 provinces
CQA2

Régional Une quinzaine Autres ministères

1- La SFDA envisage de mettre en place un réseau de 300 guichets


2- Les centres de qualifications agricoles forment déjà pour 40 métiers avec le concours du Ministère de la Formation
Professionnelle dont les propres antennes sont situés au niveau régional

 Quelques propositions

Trois propositions résultent de ces analyses :

1° Dans les régions montagneuses et les oasis, le développement agricole est fortement lié
au développement rural. Il est donc nécessaire de veiller à la qualité des partenariats du
Ministère de l’Agriculture avec les autres administrations, le niveau à privilégier étant au
vu de la situation actuelle celui de la province.

2° Le Ministère de l’Agriculture pourrait être organisé sur la base suivante :


Front-office : Il y a environ 300 CT/CMV dont beaucoup sont en difficulté. Il n’est
donc pas envisageable, même si ce pourrait être souhaitable, d’installer le front office du
Ministère au niveau des communes rurales. La priorité devrait être donnée à la relance
des fronts-office qui constituent le chaînon stratégique du Ministère, au niveau des
cercles.

Back-office : le back-office de premier niveau devrait être constitué essentiellement par


l’association organique des services non-régaliens des DPA et du CQA provincial. Le
front-office des cercles devrait être intégré dans cette organisation.

Niveau régional : il devait remplir les missions suivantes :


o Back-office de deuxième niveau : ITA, Centre régional de l’INRA…
o Planification et contrôle
o Services déconcentrés de l’administration centrale pour accélérer les prises de
décisions publiques et les rendre plus appropriées.

3° La plus grande attention devrait être accordée au développement des partenariats de


l’Administration à tous les niveaux avec :

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PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

o Les élus
o Les responsables professionnels
o Les responsables associatifs.

4. Interventions de M A El Harizi (FIDA)


 Le Plan Maroc Vert est une stratégie de développement tournée vers les acteurs. Ceci
suppose une capacité d’initiative, une autonomie des acteurs et un choix libre de
convergence entre ces acteurs. La conception et la mise en œuvre des projets doivent
donc avoir pour souci permanent de développer cette autonomie.
 Le contre exemple à ne pas suivre est celui des programmes de microprojets en Tunisie
et ailleurs, dans lesquels l’exploitation agricole devient le reflet de l’organisation
administrative et des opérateurs de projets, avec une chasse aux projets subventionnés
qui deviennent à la limite les nouvelles « spéculations » du système de production.
 La réussite de l’autonomie suppose des capacités de leadership, de construction de
consensus fondés sur une vision partagée, d’adaptation et de projection dans l’avenir et
une attitude positive vis-à-vis de l’action collective.
 La question des « attitudes » - confiance dans le futur de la petite agriculture, motivation
pour l’action collective, compréhension des dynamiques et capacité à se projeter dans
le futur - est fondamentale.
 Les projets expriment des solutions négociées entre acteurs légitimes se reconnaissant
mutuellement. La démarche proposée à cet égard par la note de cadrage du CGDA est
tout à fait pertinente. Les politiques et instruments – conventions, chartes, approche
filière et développement participatif, approche territorialisée, valorisation des atouts,
mesures d’incitation - sont connus et à perfectionner.
 Pour gérer les risques inhérents à la démarche, 5 messages clés peuvent être mis en
avant :
1. Il y a selon les régions de grandes inégalités dans la capacité d’engagement des
acteurs : les méthodes et approchent doivent en tenir compte et être modulées en
conséquence,
2. Les attitudes et aspirations des exploitants et des communautés villageoises doivent
être connues, puis reconnues pour articuler l’offre de projet à ces aspirations et
attitudes,
3. Il faut focaliser sur le développement de nouvelles alternatives pour élargir
l’éventail des choix ouverts aux petites et moyennes exploitations,
4. Il faut être capable de repérer et traiter les situations de mauvaise gouvernance
locale, lesquelles ont un fort pouvoir démotivant surtout lorsque l’engagement est
encore fragile notamment au début des projets,
5. Ces responsabilités relèvent principalement du « Front Office ». La qualité de celui-
ci est donc déterminante.

 La gestion de la complexité (diversité, incertitude des risques) doit conduire à éviter le


cumul des rôles par un même type d’acteur. Il faut donc distinguer les rôles d’entrepreneur
(le producteur qui prend les risques), de promoteur (qui définit le contenu et anime un
partenariat autour d’une vision), de facilitateur (qui gère le processus d’interaction entre
les acteurs) et de financier.

95
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

5. Interventions de MM Serghini, Benkiran et Jamali

Ces interventions qui n’ont pas donné lieu à la transmission de textes écrits ont porté sur les
aspects de financement. Les principaux points ont été repris dans le corps du rapport de synthèse
qui comprend aussi un encadré sur les innovations de financement introduites par l’Agence
de Développement Social développées par M Benkiran. M Serghini a souligné les progrès
obtenus avec la création du guichet unique pour le FDA (réforme d’organisation) et la nécessité
maintenant de mieux prendre en compte les besoins spécifiques des petites exploitations
des montagnes et oasis (réforme de substance). M Jamali a mis l’accent sur l’avancement et
perspectives de développement de la SFDA et sur l’importance de l’accompagnement technique
rapproché pour la réussite des projets. Il s’est interrogé sur la possibilité de financer les Centres
de Travaux pour qu’ils jouent ce rôle. 

6. Intervention de M Grigori Lazarev

1. Les défis des espaces montagnards et oasiens

Ces défis sont identifiés par les dispositions du 2° pilier du Plan Maroc Vert. Ils s’inscrivent
dans la continuité des orientations de la Stratégie 2020 de Développement Rural et des analyses
de la Prospective Agriculture Maroc 2030 :

• Valoriser l’agriculture (SAU) ainsi que toutes les ressources pastorales et végétales de
l’espace agraire naturel, (hors SAU), utilisé par les ruraux
• Valoriser les externalités dérivées des avantages comparatifs de l’agriculture (produits
de qualité, filières spécifiques, etc.) et des opportunités de diversification, hors
agriculture, des activités génératrices de revenus (écotourisme, énergies renouvelables,
nouvelles technologies déconcentrées, économie de la connaissance, etc.)
• Assurer un service environnemental en donnant les moyens aux ruraux de gérer
durablement les ressources naturelles, celles-ci étant reconnues comme des «biens
publics» (revégétalisation, régulation des flux hydriques et amélioration de la
production d’eau, disciplines de parcours, reconversion des agricultures marginales,
gestion rationnelle des terroirs, etc.)
• Anticiper l’adaptation au changement climatique (en particulier les modifications
probables de la géographie agricole à l’horizon de 2 -3 décennies)
• Amplifier les politiques de développement rural pour rehausser le niveau de
développement humain des populations des aires marginalisées et réduire leur taux
de pauvreté (priorité absolue à l’éducation, à la formation technique des jeunes, à
l’accès aux moyens de l’économie de la connaissance, etc.)
• Prendre en considération l’inévitable décharge d’un surplus de population dans les
grandes villes et, de préférence, dans les bourgs ruraux et les villes intermédiaires (ne
pas négliger, à terme, les possibilités du travail «au pays» au moyen du télétravail)

2. Une rupture par le «développement territorial»

Le développement territorial est une réponse à ces défis. Il marque une rupture par rapport aux
approches actuelles:

96
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

• Une fois lancé, le développement territorial implique une prise de conscience collective
des risques et des possibilités de développement durable du territoire. Cette prise de
conscience se construit autour des diagnostics collectifs, puis dans l’élaboration d’une
vision, puis dans des synthèses sous forme de chartes d’action à long terme, enfin sous
forme de projets individuels et collectifs.
• Le développement territorial valorise les produits ou services «phare» qui sont
susceptibles de polariser l’identité du territoire (par exemple, le safran de Taliouine ou
les roses du Dades)
• Le développement territorial constitue une approche réaliste pour mettre en synergie
et en cohérence les exigences contradictoires de la production agricole et pastorale et,
par ailleurs, de la gestion durable des ressources naturelles (implications des approches
«holistiques»)
• Le développement territorial soutient le processus de construction du territoire, il
encourage l’identification des acteurs à leur territoire et, en même temps, qu’une identité
plus solidaire, il confère, à ces acteurs, de nouvelles motivations pour vivre et travailler
«au pays».

3. Le développement territorial est un «processus»

Le développement territorial est un processus de longue durée. Il implique:

• L’émergence d’acteurs porteurs de projets individuels, collectifs, associatifs et d’intérêt


public. La mobilisation de ces porteurs de projets se fait autour de leaders suffisamment
motivés pour engager une première cohorte d’acteurs dans l’élaboration d’une vision du
devenir du territoire (ces leaders sont selon les cas ou en même temps, des administrateurs
éclairés, des élus, des entrepreneurs, des leaders de mouvements associatifs, etc.)
• La construction progressive d’un projet de territoire, fondé sur une vision (et, dans
toute la mesure du possible, exprimé dans une «charte») et dans lequel les divers projets
spécifiques du territoire se mettent en cohérence, à la fois par rapport à l’espace (où
faire le projet), par rapport aux temporalités (quand faire le projet?) et par rapport aux
synergies dans et entre les filières.
• Le développement territorial se décline à plusieurs échelles territoriales: villages-
douars, vallées, aires pastorales communes, communes rurales, petites régions.
Dans toute la mesure du possible, les compétences des diverses échelles territoriales
s’organisent selon un principe de subsidiarité. L’échelle de la «petite région» et celle des
«communautés de base» (villages, organisation territoriales primaires, etc.) constituent
des niveaux d’action d’importance stratégique. La «petite région» s’articule aux autres
niveaux (hiérarchie territoriale, structures transversales des filières et des organisations
professionnelles) selon des principes de subsidiarité et de mise en cohérence.
• Le choix de l’échelle de la «petite région» est essentiel. La petite région doit correspondre
à un territoire assez grand pour une bonne représentation de l’intersectorialité et de tous
les services nécessaires à un territoire. Elle doit, en même temps, être géographiquement
«modeste» pour que les acteurs et leurs organisations puissent se rencontrer dans
des espaces de délibération et de décision suffisamment proches des structures et
organisations locales, électives, professionnelles, associatives. L’échelle du cercle peut
constituer la bonne réponse pour définir le niveau territorial de la «petite région», sous
réserve de certains ajustements locaux.

97
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

• Les communautés rurales «de base» constituent le premier niveau d’agrégation et


de décision des acteurs. Sous réserve que leurs responsabilités et leurs droits d’usage
soient reconnus sur toutes les superficies de leurs terroirs traditionnels (c’est-à-dire,
sur les terres collectives et les espaces forestiers hors forêts de production industrielle),
ce sont les communautés de base qui pourraient gérer le mieux les ressources naturelles.
Ceci impliquerait des approches contractuelles de longue durée, un suivi technique
de l’administration, des compensations et incitations financières (justifiées au titre
des services rendus pour la gestion de biens publics bénéficiant à l’ensemble de la
collectivité nationale)
• Le développement territorial se fonde sur des approches participatives et sur des mises
en œuvres de type contractuel, impliquant, en particulier, des partenariats «public privé»,
selon des formules diversifiées.
• Le développement territorial implique des procédures de suivi et d’évaluation permettant
aux acteurs de connaître les effets et les impacts de leurs projets et programmes d’action
afin qu’ils puissent réorienter ou accélérer les processus.

4. Le développement territorial implique des conditions

Les expériences de développement territorial montrent que certaines conditions doivent être
réalisées pour que les processus puissent se mettre en mouvement.

• Le contexte macro politique doit être favorable à la décentralisation et à la promotion des


initiatives ascendantes. Ce contexte est créé au Maroc, du fait, notamment, de la dynamique
de l’INDH. Les structures d’appui, essentiellement fondées sur les communes rurales,
sont cependant insuffisamment diversifiées. Les communautés rurales (douars) qui sont
constamment sollicitées devraient voir leur statut et compétences reconnues de façon
plus durable que dans le cadre de structures provisoires liées à l’existence d’un projet
de financement. Les associations peuvent jouer un rôle capital dans cette structuration
nouvelle des communautés de base (exemple de l’action de l’association Migration et
Développement, dans le Sous). La révision du rôle et des fonctions du «Cercle» comme
niveau d’intégration territorial primaire dans le cadre des régions, doit être également
considérée pour diversifier l’assise du soutien territorial du développement. Le rôle
possible du cercle est actuellement à l’étude.
• Toutes les expériences démontrent la nécessité incontournable d’un noyau de médiateurs
territoriaux qui constituent le Front Office, entendant par là la structure de soutien au
contact des acteurs primaires. Leur rôle est de favoriser l’agrégation des leaders du
projet de territoire, de les engager dans des processus de diagnostic, de construction
d’une vision et de l’élaboration de programmes d’action, de guider la préparation
technique et financière des projets, de contribuer, tout au moins au début, au pilotage
et au suivi des actions. Il s’agit donc d’une véritable compétence professionnelle qui
demande des connaissances ne correspondant pas aux profils habituels des développeurs.
Exceptionnellement, de tels noyaux peuvent se former sur la base de compétences locales
mais on doit, par réalisme, partir de l’idée que les médiateurs territoriaux doivent être
formés en amont du processus.
• La formation amont des médiateurs territoriaux suppose que l’on ait mis au point des
méthodes et des approches et que l’on soit en mesure de les enseigner. L’expérience
montre qu’aucune méthode n’est directement transférable. On est nécessairement dans

98
PILIER II DU PLAN MAROC VERT MONTAGNES ET OASIS

un processus de learning by doing. La seule option est donc de faire tout en même temps
dans deux ou trois «petites régions» servant de régions test. Ces tests doivent servir
pour l’expérimentation et l’évaluation des approches, la validation des méthodologies.
Ils doivent en même temps servir d’«école» pour la formation d’un premier noyau de
médiateurs territoriaux, ceux-ci pouvant ensuite animer et soutenir le lancement du
développement territorial dans de nouvelles unités territoriales. Leur rôle sera aussi de
former, dans l’action, les cohortes suivantes de médiateurs territoriaux. Les expériences
territoriales «tests» peuvent être lancées avec le soutien d’une expertise très pointues,
ayant été déjà engagée dans de tels processus (c’est une telle approche qui a été suivie
dans le projet FIDA du Sud Est de la Tunisie). Un impact fort pourrait être obtenu
en organisant des expériences croisées de développement territorial, celles-ci faisant
collaborer des petites régions du Nord (niveau «pays») et les petites régions tests au
Maroc (le concept serait essentiellement de bâtir une expérience adaptée et non pas
de transférer un modèle importé. La règle serait celle de la parité dans l’échange
d’expériences)
• Les expériences de développement territorial montrent également l’importance de la
mise en place de Conseils de Développement Territorial. Il existe actuellement une
multiplicité de comités de développement. Le développement territorial rend cependant
nécessaire une structure nouvelle articulée sur la base du Cercle. La mise en place de
telles structures devrait, dans les premières petites régions tests, accompagner assez
vite le lancement des opérations. La définition des compétences, de l’organisation, de la
composition de ces Comités constituerait l’un des produits des expériences tests.
• Les expériences de développement territorial montrent par ailleurs l’importance de
structures de proximité pouvant servir de base aux médiateurs territoriaux et aux divers
agents de soutien du Front Office. Le Ministère de l’Agriculture dispose potentiellement
de telles structures avec les Centres de Travaux. Utilisant les bases juridiques existantes,
ces CT pourraient être restructurés pour des fonctions de soutien au développement
rural. Ils recevraient une nouvelle génération de cadres, jeunes et très compétents (une
dizaine de cadres pour chacun des 350 cercles représenterait, à terme, un total de 3500
cadres, soit 10 % du total du personnel actuel du Ministère de l’Agriculture).
• Les structures de proximité, quelle que soient les compétences des cadres de proximité,
ne seront jamais assez nombreuses pour pouvoir aider toutes les communautés de base
et les diverses organisations professionnelles dans le montage de leurs projets. Elles
devront donc nécessairement coopérer avec des structures relais. Celle-ci pourraient,
tout naturellement, être constituées par les associations locales de développement,
(celles-ci étant de plus en plus dotées du statut ONG), mais sous réserve, d’une formation
continue en matière de gestion des terroirs et de formulation des projets. Cette formation
serait assurée par des professionnels de la formation, qui opéreraient à partir des CT
devenus Centres de Proximité du développement Rural (ou territorial)
• Il convient aussi d’encourager, dès le départ, la réhabilitation, la consolidation ou
la création des organisations professionnelles ou associatives appelées à devenir les
partenaires incontournables du développement territorial. La principale nouveauté
résidera dans le changement d’échelle, ces organisations étant incitées à se structurer
sur la base territoriale, plus compacte, du Cercle.
• Les expériences de développement territorial montrent enfin la nécessité de la mise en
place d’un système d’information des acteurs locaux pour faciliter l’identification des
options technologiques, les possibilités de marché, les échanges possibles dans le cadre
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de réseaux de filières, etc. La mise en réseau Internet devrait faciliter la circulation de


cette information, sous réserve qu’un accès très large soit garanti au plus grand nombre.
Dans ce même domaine de la connaissance, il importe de faire connaître les acquis de
la recherche et ceux fondés sur les savoirs locaux, et de favoriser, dès le démarrage des
processus, la recherche développement à l’échelle locale.

5. Quelques idées pour un agenda

La mise en œuvre de cette approche de rupture correspond bien aux objectifs du 2° Pilier du Plan
Maroc Vert. Lorsque l’on va entreprendre de passer à l’action, avec ces approches nouvelles,
on devra tout d’abord considérer que les nouvelles politiques sont appelées à intervenir dans
des environnements administratifs et géographiques où existent déjà une multitude de projets.
Ceux-ci ont leurs propres méthodes, leurs financements spécifiques, leurs procédures, leurs
aires d’action, leur personnel, etc. La multiplicité des financements est d’autant plus marquée
que ces financements s’appliquent à des échelles très différentes et qu’ils tendent souvent à
se surimposer selon les services qu’ils offrent aux acteurs (budget d’investissement et fonds
publics, fonds de développement type INDH ou FDA, financements internationaux, crédit
agricole et micro crédit, ONG, etc.). On doit donc accepter l’idée d’une stratégie de départ
devant nécessairement composer avec les actions en cours.

• La recherche de compromis avec les actions en cours devra être recherchée, en priorité
dans les petites régions servant aux expériences de tests et de formation. Puis élargir aux
petites régions successives. L’approche possible consiste, tout d’abord, une fois que l’on
dispose des premiers éléments du Front Office, à intégrer tous les acteurs des projets
locaux en cours dans la structure, même provisoire, des Comités de Développement
Territorial à l’échelle du Cercle.
• Engager ce Comité dans un diagnostic participatif pour identifier collectivement les
forces et les faiblesses du territoire – dans ce contexte, noter les éléments porteurs, les
insuffisances et les contradictions éventuelles des projets en cours, notamment en matière
de méthodologies et d’organisation des acteurs. Amener, par la concertation, les acteurs
de projets à reconnaître les convergences possibles et à identifier des infléchissements
de certains programmes d’action. Nécessité cependant d’un changement d’attitude des
responsables nationaux ou internationaux des projets concernés pour qu’ils acceptent
ces infléchissements, tout d’abord dans les petites régions tests (malgré les rigidités
bien connues des Accords de Prêt ou de Dons).
• Promouvoir, par la concertation des formes convergentes d’organisation des acteurs
pour limer progressivement les disparités négatives qui résultent d’approches et de
procédures différentes selon les projets.
• L’agenda comprend, bien entendu, le lancement des opérations amont pour
l’expérimentation, la mise au point méthodologique et la formation de la première
cohorte des agents de soutien et de médiation qui constitueront les premiers Front
Offices.
• En se servant des possibilités offertes par les projets existants, évaluer, tester et capitaliser
les expériences de contractualisation en vue de la mise au point d’un corpus de modèles
de contrats pouvant être utilisés selon les contextes locaux. Les contrats doivent servir
de base aux partenariats dans lesquels pourront entrer les porteurs de projets.

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• Tester, partout où cela est possible, des expériences novatrices de gestion des terroirs.
Trouver, dans ce contexte, des arrangements transitoires avec le Ministère de l’Intérieur
et le Commissariat aux Forêts pour la gestion contractuelle des espaces collectifs et
forestiers inclus dans les terroirs traditionnels des communautés. Objectif; tester et
mettre au point des approches pouvant servir de base à une réglementation des contrats
de longue durée pour la gestion des terroirs par les communautés de base.
• Mettre en place des groupes de travail, rassemblant des fonctionnaires des administrations
concernées et des représentants de la société civile pour étudier la factibilité et les
mécanismes d’un système de paiement des services rendus à l’environnement par les
ruraux, en priorité par ceux des espaces montagnards et oasiens.
• Poursuivre les travaux de territorialisation de l’agriculture, initiés en particulier avec la
production de la seconde édition de l’Atlas de l’Agriculture du CGDA, afin de mieux
préparer la mise en place progressive des approches territoriales dans les diverses
«petites régions» du Maroc (meilleure appréciation de leurs avantages comparatifs,
.meilleure connaissance des risques impliqués par le changement climatique, promotion
de stratégies d’adaptation et d’anticipation, etc.).

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Annexe 2 : Programme


Mardi 25 Novembre.

9H30-10H Accueil et ouverture


Accueil par M. Mohamed Aït Kadi Président du Conseil en présence de M.
Karim Kassi Lahlou, Gouverneur de la Province d’Ifrane et M. Moha Marghi,
Secrétaire Général du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime.

Lecture du Discours de M. Aziz Akhannouche, Ministre de l’Agriculture et de
la Pêche Mareitime par M. Mohamed Aït Kadi, Président du Conseil Général du
Développement Agricole

Matinée. Session 1 : Etat des réflexions sur l’agriculture et la montagne : spécificités,
politiques de développement, institutions et process

• Infrastructure and Institutions to connect small farmers to markets. Maximo Torero,


International Directeur de la Division des marchés et institutions. Food Policies Research
Institute (IFPRI), Washington. (Exposé présenté le mercredi 26)
• Analyses du Groupe d’Abdelboden et du programme ADRD-M. de la FAO : Politiques,
institutions et process, externalités et PSE (paiements pour services environnementaux).
Gérard Viatte (Conseiller), Jean Gault (FAO) et Annarita Antonelli (IAM. Bari)
• La politique agricole en faveur de la montagne en France : contenu et bilan. Jean-Yves
Ollivier, ingénieur général, Conseil Général de l’Agriculture, de l’Alimentation et des
Espaces Ruraux (CGAAER)
• Implications structurelles de la libéralisation : dynamiques mises en évidence au Maroc
par l’étude RuralStruc (CGDA/Banque Mondiale/IAV HassanII). Bruno Losch (Banque
Mondiale) ; Najib Akesbi, Driss Benatya et Mohamed Mahdi (IAV Hassan II)
• Développement solidaire de la petite agriculture de montagne : leçons tirées des projets
financés par le FIDA. M. Mounif Nourallah, chargé du programme FIDA pour le Maroc.
(exposé présenté le mercredi 26)
• La coopération Union Européenne / Maroc dans le domaine de l’agriculture et du
développement rural. Jose Roman Leon Nora, Délégation de la Commission européenne
au Maroc
• Principaux résultats de l’E-foruM. ADRD-M. sur le devenir des montagnes marocaines,
aspect des politiques, institutions et process. Abdellah Herzenni.
• Débat

Après-midi. Session 2 : La voix du terrain : Quelques leçons de l’expérience marocaine 

• Perspectives de développement durable des zones de montagne et des oasis du Tafilalet


dans le cadre de la mise en œuvre du Pilier II. Mohamed El Harras, Directeur de l’Office
régional de mise en valeur agricole du Tafilalet.
• L’agriculture de montagne : cas du projet MEDA. Projet de développement participatif
des zones forestières et périforestières de la province de Chefchaouen. Dr AbdeslaM.
Chriqi, Directeur provincial de l’agriculture de Chefchaouen
• Valorisation des produits de terroir dans la province d’Essaouira. Dr Kamal Hidane,
Directeur provincial de l’agriculture d’Essaouira

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• Le projet de développement agricole et rural des montagnes de la Province Al Haouz.


par le Directeur provincial de l’Agriculture de Marrakech.
• Projet de Conservation de la biodiversité par la transhumance dans le versant sud
du Haut Atlas. Expériences & acquis par le Directeur de l’Office régional de mise en
valeur agricole de Ouarzazate
• Débat

Mercredi 26 Novembre

Matinée. Session 3 : Produits, signes de qualité et accès au marché des petites exploitations

• Valorisation des produits de qualité spécifique liée à l’origine. Stratégie mise en place
par le Département de l’Agriculture. M. Lhoussaine Saad, DPVCTRF, Ministère de
l’agriculture et de la pêche maritime
• La politique de la qualité et de l’origine des produits agricoles et alimentaires : quels
enseignements de l’expérience française ? Sophie Villers, ingénieure générale, ex
directrice de l’INAO, Conseil Général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces
ruraux (CGAAER), Paris
• Recherches sur la valorisation des produits de terroirs à l’INRA. Mohammed Boujnah,
Centre Régional de la Recherche Agronomique de Rabat, INRA
• Intégration de la petite et moyenne exploitation agricole à la grande et moyenne
distribution : cas du Maroc (Institut Humboldt/FAO/GTZ/CGDA/ENA Meknès). Akka
Ait El Mekki (ENA Meknès) & Ralph. Arning (Université de Berlin).
• Safran de Taliouine et développement agricole Abderrazak Elhajri, délégué Maroc de
l’ONG Migrations et développement

Après midi. Session 4 : Panel sur les politiques, institutions et process

• Introduction par M. Gérard Viatte, ex Directeur de l’agriculture à l’OCDE, Président et


modérateur du panel
• Intervention du Professeur Mohamed Naciri, géographe, expert de la montagne
• Intervention de M. Henri Hervé Bichat, Ingénieur général, ancien Directeur général de
l’enseignement et de la recherche agricole (France). Conseil général de l’agriculture, de
l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER), Paris.
• Intervention de M. K. Elharizi, Division des Politiques FIDA 
• Intervention de M. Hassan Serghini Directeur de la DPAE, Ministère de l’agriculture,
Rabat.
• Intervention de M. Ali Benkiran, Chef du Département activités génératrices de revenus
et créatrices d’emplois. Agence de Développement Social, Rabat
• Intervention de M. J. Jamali, Secrétaire Général du Crédit Agricole du Maroc
• Intervention de M. Grigori Lazarev, expert,
• Intervention de M. A Chriqi, DPA d’Essaouira
• Débat et conclusion

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Annexe 3 : Liste des participants

• Moha Marghi (SG MAPM) • N. Ouazzani (Professeur, ENA, Meknes)


• Mohamed Aït Kadi (Président CGDA) • Akka Aït EL Mekki (Professeur, ENA, Meknes)
• Jamal Eddine Jamali (IG CNCA) • Rachid Doukkali (Professeur, IAV Hassan II)
• Grigori Lazaref (Expert) • Omar Aloui (Agroconcept)
• Guillaume Benoit (CGDA) • Mohamed Sabir (Directeur de l’ENFI)
• Hervé Bichat (CGADER) • Saadia Zrira (Professeur, IAV Hassan II)
• Maximo Torero (IFPRI) • Larbi Firdawcy
• Jean-Yves Ollivier (CGAAER) • Abdeslam Bourfoune (DPV)
• J Gault (FAO SARD-M) • Abderrahim BenYassine (DPV)
• Gerard Viatte • Abdelkader Zakaria (DPV)
• Mounif Nourallah (FIDA) • Ahmed Bentouhami (DE)
• Khalid El Lahrizi (FIDA) • Abderrahim Benlakhal (DE)
• Sofie Villers (CGAAER) • H. Imrani (DPAE)
• Bruno Losch (Banque Mondiale) • S. Moulay Benaissa (DPAE)
• Annarita Antonelli (IAM Bari) • Mohamed Boujnah (INRA)
• Jose Roman Leon (Commission Européenne) • Allal Chaali (Chef de la D.C)
• Karine Lagarde (Terroirs et Cultures) • Abdellah herzeni (IAV Hassan II)
• Mohamed Naciri • Youssef Tazi (Agence Mckensey)
• Fouad Guessous (Directeur de l’IAV Hassan II) • Karima Benwalid (Valyans)
• B. Saoud (Directeur SOGETA) • Ali Benkirane (Chef département à l’ADS)
• A. Berrada (Directeur COMAPRA) • Elhajri Abderrazak (ONG Migration et Développement)
• Med Badraoui (Directeur de l’INRA) • Abdelkrim Rahali (CGDA)
• Hassan Serghini (Directeur de la DPAE) • Mohamed Benmakhlouf (CGDA)
• Abdellatif Guedira (Directeur de l’ONICL) • Khalid Bouchamma (CGDA)
• Abderrahmane Hilali (Directeur DPVCTRF) • Abdelkader Saidi (CGDA)
• Dr Ahmed BenAazou (Directeur de l’élevage) • Le Directeur de l’ORMVA de TAFILALET
• Mohamed Lahrech (Directeur de la DDGI) • Le Directeur de la DPA de CHEFCHAOUEN
• Mohamed Laamrani (Directeur DRH) • Le Directeur de la DPA d’ESSAOUIRA
• Abderrahim Zhari (Directeur DAAJ) • Le Directeur de la DPA d’IFRANE
• Driss Nadah (Directeur de la Production Végétale) • Le Directeur de la DPA de MEKNES
• Najib Akesbi (Professeur, IAV Hassan II) • Le Directeur de la DPA de FES
• Driss Ben Atya (Professeur, IAV Hassan II) • Le Directeur de la DPA de KHENIFRA
• Abdellah Laouina (Professeur, Faculté des Lettres, • Le Directeur de la DPA de MARRAKECH
Rabat)
• Abdellah Herzenni
• El Houcine Saad (DPVCTRF)

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