L HB 1995076
L HB 1995076
L HB 1995076
Vincent MARC*
Introduction J. Le cadre physique (fig. 2). Dans la partie aval, les larges affleu-
rements de roches voleano-sédimentaires sont
La zone d'étude possède une double spécifi- surmontés par des sols bruns épais où l'infil-
Le bassin versant est devenu depuis une tren-
cité liée au climat et à la géologie. Situé dans tration prévaut.
taine d'années un outil privilégié pour l'ana-
le massif des Maures, à quelques dizaines de La quantification détaillée de celte organi-
lyse hydrologique. Il représente, pour la plu-
kilomètres de Toulon (fig. J), le bassin ver- sation spatiale générale du débit est envisa-
part des milieux et des échelles d'étude
sant du Réal Collobrier subit un climat médi- geable grâce à l'individualisation hydrochi-
l'unité fondamentale de référence dans I~
terranéen humide (- 1000 mm/an) marqué mique des eaux provenant des différents
gestion des ressources en eau [l, 2, 3, 4, 5].
par une forte variabilité inter-annuelle. versants. Ainsi, en réalisant une mesure de la
Après une approche générale et descriptive
D'autre part, le substratum cristallin méta- conductivité électrique de l'eau à chaque
du milieu, l'intérêt des hydrologues s'est
morphique rend original le comportement connuence du ruisseau principal (ainsi qu'à
porté sur la problématique des modalités de
hydrologique du bassin. Avec une surface l'amont et à l'aval de celte connuence), on
transfert de l'eau sur le bassin. Cependant,
totale de 70 km 2, le Réal Collobrier, dans son détermine la proportion du débit de l'affluent
les conceptions du fonctionnement hydrolo-
ensemble, n'est pas propice à une étude par rapport au débit total. Pour quantifier les
gique du bassin restent très empiriques et les
hydrologique fine nécessitant, en particulier, débits des affluents aussi bien que ceux dus
modélisations envisagées demeurent globales
des prélèvements d'eau en de nombreux aux apports diffus (écoulement diffus entre
dans bien des cas. Aujourd'hui, la nécessité
points et à pas de temps rapprochés. Pour chaque affluent), on suppose que l'écoule-
d'aménager et de protéger la ressource en
celte raison, l'investigation a été menée sur ment diffus est fonction de la surface drainée
eau tant du point de vue quantitatif que qua-
un sous-bassin de 8,4 km 2 (bassin des Mau- entre deux affluents. De celle façon, en par-
litatif, Impose au spécialiste une connais-
rets) répondant aux critères de représentati- tanl d'un jaugeage du ruisseau à un point
sance précise des mécanismes de l'écoule-
vité (suffisamment grand pour éviter les par- amont, l'application des équations de
ment [6, 7, 8]. En examinant le bassin
ticularismes hydrologiques) et de faisabilité mélange successives de l'amont vers l'aval
versant dans toute sa complexité et sa spéci-
(suffisamment petit pour détailler la structure permet de déterminer, avec une très bonne
ficité, l'hydrologue cherche maintenant à
spatio-temporelle de l'écoulement). définition spatiale, la répartition des débits
reconnaître les cheminement de l'eau, c'est-
Sur des critères morphologiques généraux tout au long du profil (fig. 3). Celle méthode
à-dire à déterminer l'origine des masses
et à partir de l'étude de la répartition des originale de décomposition spatiale de
d'eau et la manière dont l'écoulement s'orga-
pentes (lignes de plus grandes pentes délimi- l'écoulement montre ainsi qu'en haute dé-
nise dans le temps [9, 10, Il,12,13,14,15].
tant des secteurs de convergence ou de diver- crue, 65 % du débit amont provient du ver-
Afin de comprendre celte structure spatio-
gence de l'écoulement sur les versants, [16]), sant occidental et 34 % du versant oriental.
temporelle de l'écoulement, trois approches
on peut isoler, sur le bassin des Maurets Une partie négligeable du débit est due aux
complémentaires doivent être envisagées:
L'organisation spatiale du débit est obte- trois grands systèmes hydrologiques. Dans l~ apports diffus. D'autres mesures montrent
partie amont, où le relief est accentué, le sec- que la participation des affluents orientaux
nue à partir d'une étude détaillée du contexte
teur occidental, apte à réagir vigoureusement est la plus faible en pic de crues et croîl avec
physique. l-es caractéristiques géologiques,
à un épisode pluvieux, se distingue du ver- la diminution des débits et le retour progres-
géomorphologiques et pédologiques de
sant oriental où l'infiltration doit potentielle- Sif à une situation d'étiage. Vers l'aval, le
l'environnement définissent, en effet, les
ment dominer. Avec l'adoucissement du débit par unité de surface augmente et
grands ensembles fonctionnels du bassin.
relief, la partie aval se marque essentielle- s'explique à 80 % par des apports diffus. Ceci
L'organisation temporelle du débit est
ment par des mécanismes d'infiltration. confirme le rôle essentiel joué par l'infiltration
déterminée, à une échelle globale, par une
Parmi tous les autres critères physiques, le et souligne le fort caractère restitutif des hori-
approche hydrologique générale et descrip-
contexte géologique et structural est lui aussi zons à l'aval du bassin. Le rôle hydrologique
tive, précisée par l'interprétation des para-
déterminant. Toute la zone amont est consti- de la partie aval, déjà important en haute
mètres des modèles conceptuels. Il s'agit, par
tuée de phyllades schisteuses et quartzeuses, décrue, augmente sensiblement en étiage.
là, d'établir les particularités du régime
hydrologique et d'élaborer l'évolution des roches extrêmement fissiles généralement à
termes du bilan. forte capacité de stockage. Mais c'est la rela-
Le détail des mécanismes, particulièrement tion géométrique entre la direction générale II. Le contexte climatique et
en période de crue, et la quantification de la des structures et la pente topographique qui hydrologique
participation des différentes composantes de définit, selon les versants, des zones plus
l'écoulement sont appréhendés par le traçage favorables à l'infiltration (direction des struc- Dans un contexte physique connu où sont
naturel de l'eau, à l'aide d'outils géochi- tures perpendiculaire à la pente topogra- définis les grands ensembles hydrologiques
miques appropriés. phique comme dans le cas du versant orien- du bassin, les caractéristiques du climat
C'est celle démarche d'investigation en tai) ou des zones favorisant l'écoulement méditerranéen vont conditionner la structura-
trois étapes qui a été adoptée pour le présent rapide (direction des structures parallèle à la tion temporelle de l'écoulement. A partir
travail. pente comme pour le versant occidental) d'une chronique de 25 années de données de
[17]. Ces éléments, qui confirment les résul- pluie et de débit, on constate que, après un
tats de l'analyse morphologique, sont vérifiés sévère étiage d'été presque systématique, la
C*) Laboratoire d'hydrogéologie, 33, rue L. Pas- par l'inventaire des sources pérennes du bas- reprise franche de l'écoulement s'observe en
teur, 84000 Avignon. Vincent Marc a obtenu le sin qui montre une nelte prédominance des automne ou en hiver selon la répartition des
deuxième prix Henri Milon. émergences (85 %) sur le versant oriental pluies et s'effectue toujours après une pluvio-
IIlimnigraphes
307
(l 1.5
éch. ======'-'======J
CI
sité cumulée de 350 mm environ. Lorsque mois d' octobre 1990 et s'est achevé en lène pour l'analyse chimique (silice totale,
l'on tient compte de l'évapotranspiration, il novembre 1992. Ainsi, l'échantillonnage a anions et cations majeurs, avec acidification
apparaît qu'un volume d'eau de 130 mm concerné un cycle hydrologique partiel (nov. pour les cations) et dans des piluliers en verre
dans les horizons supcrficiels est toujours
nécessaire it l'établissement d'un régime
90 - juill. 91), un cycle complet (août 91 -
juill. 92) et un début de cycle caractérisant
e
pour l'analyse isotopique 8 0, 2H), les eaux
prélevées subissent un premier traitement sur
d'écoulement pérenne dans le ruisseau. Si une reprise de l'écoulement (aoOt 92 - nov. le terrain: mesures de la température, du pH,
l'on suppose, en première approximation, 92). de la conductivité et de l'alcalinité totale.
que l'obtention de ce volume critique d'eau Les prélèvements ont couvert quatre En tout, cette campagne de deux ans repré-
dans les sols cst requise pour envisager le niveaux du cycle de l'eau: sente environ 1300 échantillons qui corres-
démarrage de la recharge vers les aquifères. pondent, avec les prélèvements réguliers, à
il est possible d'établir sur plusieurs cycles, Dans la mesure du possible, tous les épi-
14 crues et 35 épisodes pluvieux.
des bilans hydrologiqucs représentatifs de sodes pluvieux ont été récupérés un à un aux
situations particulières (années sèches et trois pluviographes du bassin (it 207 m, 348
humides). On constate ainsi l'existence d'un m et 543 m d'altitude). La nécessité de 3.1. Les pluies
stock maximal de 200 mm non restitué (sor- connaître le signal pluie sur une base de
tie hors limite du bassin ?) tandis que l'éva- temps plus courte nous a amenés à installer En premier lieu, l'examen du signal entrée
potranspiration réelle représente toujours un sur l'un des postes (à 348 m) un système de sur les trois pluviographes du bassin des
volume de 500 mm environ. Afin de valider fractionnement automatique des épisodes plu- Maurets montre, plus que tout autre observa-
ces hypothèses, nous avons confronté l'évo- vieux. Les caractéristiques physico-chimiques tion sur le pourtour méditerranéen [18, 19],
lution des termes du bilan it celle du débit de l'eau de ruissellement, résultat d'un la forte minéralisation moyenne de la pluie.
des sources les plus représentatives. Il appa- mélange entre la pluie et "eau préexistante Ceci concerne surtout les éléments d'origine
raît alors immédiatement que l'augmentation dans le sol, sont connues, en périodes de marine, en particulier. C1-. En cours d'épi-
du débit de ces émergences est toujours tardif crue, au niveau de trois sites naturels de pré- sode, ces éléments subissent un important
et concomitant :1 l'obtention d'un volume de lèvement. L'eau des ruisseaux a été prélevée lessi vage pendant les premières fractions puis
130 mm dans les horizons de surfaces. Cet hebdomadairement aux stations limnigra- l'essentiel de la pluie montre ensuite une
instant correspond aussi. dans le modèle, au phiques et, en crue, avec un pas de temps de concentration constante. Cependant, it l'occa-
début de l'infiltration sur le bassin. 30 minutes. Enfin, les eaux souterraines ont sion d'une diminution d'intensité ou d'une
été suivies au niveau des principales sources succession de perturbations, le réapprovision-
pérennes au pas de temps mensuel. Certaines nement atmosphérique en aérosols est très
III. Traçage chimique et isoto- émergences ont fait, en outre, l'objet d'un rapide et les concentrations peuvent it nou-
échantillonnage plus serré lors des épisodes
pique pluvieux exceptionnels.
veau augmenter. Les espèces d'origine terri-
gène ne connaissent que le lessivage initial
Le suivi hydrochimique et isotopique sur le Avant d'être enflaconnées (après filtration sans reconcentration. Spatialement, on note,
bassin du Réal Collobrier a débuté it la fin du it 0,45 f.Im) dans des bouteilles en polyéthy- en général, une diminution régulière de la
400 400
'.
300 300
, "-
station amont
200 200
100 100
A
o-tJ.----i--+--+--+---+----<--+---<--+--+----., o +---+--=:J--+_-+-_+----<-_-+----<>---+-_ _+__--i
o 2 345 6 o 2 4 6 8 10
distance (km) surface cumulée (km 2)
... 3. Distribution spatiale du débit dans le bassin des Maurets au 13 janvier 1994 (J points de jaugeage)
~~~_Ka1II~_
III!I!!II LA HOUILLE BLANCHEIN° 8·1995
_~
volume d'eau écoulé. En revanche, là où la
débit (I/s) 1.4 plupart des auteurs admettent, sur d'autres
pluie cumulée (")
bassins, que l'eau souterraine représente la
majeure partie de cette composante "préexis-
1.2
pluie tante", nous observons ici que le rôle de la
restitution des horizons superficiels domine
largement. D'autre part, l'évolution avec le.
-6 temps des proportions des différentes compo-
santes du débit souligne l'importance de la
0.8 progression de la saturation du bassin et le
-8 rôle du contexte climatique méditerranéen.
0.6 Quantitativement, on relève une participation
de l'eau de pluie qui varie entre 30 % et
-10 0 pentes des 70 % selon la situation hydroclimatique de la
0.4 crue. L'eau préexistante contenue dans les
relations débit/flux
sols constitue le plus souvent au moins la
-12 Source moitié du volume total écoulé. Enfin les
des Sauvettes 0.2
nappes ne parviennent à participer au débit
qu'à hauteur de 30-40 % maximum et seule-
-14 +---1--+--+--+---1--+--+--+---+--+- o ment lorsque les conditions de saturation le
10-Sep 20-Sep 30-Sep
permettent.
ID-Oct 20-Oct 3D-Oct
tion de 20 % seulement de l'eau souterraine et la validité des traceurs, le traçage géochi- [1] Linsley R.K. (1976) : Representative
tandis que l'eau du sol représente 50 % du mique naturel des eaux permet de proposer and experimental basins. Where next ?
volume total. une quantification globale des diverses com- Hydral. Sc. Bull., XXI, 4 : 517-529.
posantes du débit ainsi qu'un modèle d'orga- [2] Eeles C.W.O., Robinson M. et Ward
4. Conclusion : Vers un modèle physi- nisation des contributions dans le temps. La R.C. (1991) : Experimental basins and
que de fonctionnement hydrologique figure 7 synthétise ce fonctionnement. On enviromental models. Hydralagical
constate, conformément aux résultats désor- Research Basins and the Enviranmelll.
A partir de plusieurs exemples de crues. mais classiques, que l'eau préexistante dans Proceedings and information, 44 : 3-12,
choisies pour leur représentativité saisonnière le bassin avant la crue constitue l'essentiel du Wageningen.
4000 2500
2000
3000
1500
2000
1000
-6 -6
'0* } de rui~lement : } de rui~lement
-6,5 -6,5
-7 1 - - - - 1 1 - - - - - - -.. -7
ruisseau
-7,5 ruisseau -7,5
-8 -8
pluie totale
luie amont pluie bassin amont
-8,5 -l-----,-------r--~::::;::===.P.!~ -8,5
30-0ct 31-0ct OI-Nov 02-Nov 03-Nov 30-0ct 3I-Oct Ol-Nov 02-Nov 03-Nov
 6. Confrontation de l'évolution du 1) 180 dans le ruisseau et dans la pluie cumulée et décomposition de l'hydrogramme
du 01/11/92
ruisselle ni direct
faible coeflkient d'écoulement
reprise de 1'6coulemenl ap~ 1'6t6 et un d6but
dhume<:tation, 6coulement rapide sur le
versant occidental arron~ ailleurs progression
de l'humectation superficielle
moyen coefficient d'écoulement
e =:f (t») &~$;;;~~ll_------IQp >= 0'3}
QS <= 0,7
m!lange entre l'eau du sol et l'eau de pluie
avec effets de mises en charges, rôle majeur du
versant o;~~'::rl~~l ~~dc6cu;;,eerestitution
QT=!
.... 7. Représentation schématique de l'organisation des écoulements sur le bassin des Maurets
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Streamflow generation On a small agri-
culate malter from dry heathland catch- forestière méditerranéenne (B VRE du
cultural catch ment during autumn
ments. J. Hydro/., 150: 1-18. Réal Collobrier, Var, France). Cr. Acad.
recharge : 1. Nonstormflow periods. J.
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step towards second generation acidifi- in a forested, shallow soil, Canadian la localisation des sources. Mém. mai-
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10----
III
1
LE BLANCHEIN° 8·1995
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