L HB 1995076

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Etude de la relation pluie-débit sur bassin versant

en ~limat .méditerranéen par le traçage chimique


et IsotopIque naturel de l'eau (Réal Collobrie~
massl·f des Maures, Var) - '.

Vincent MARC*

Introduction J. Le cadre physique (fig. 2). Dans la partie aval, les larges affleu-
rements de roches voleano-sédimentaires sont
La zone d'étude possède une double spécifi- surmontés par des sols bruns épais où l'infil-
Le bassin versant est devenu depuis une tren-
cité liée au climat et à la géologie. Situé dans tration prévaut.
taine d'années un outil privilégié pour l'ana-
le massif des Maures, à quelques dizaines de La quantification détaillée de celte organi-
lyse hydrologique. Il représente, pour la plu-
kilomètres de Toulon (fig. J), le bassin ver- sation spatiale générale du débit est envisa-
part des milieux et des échelles d'étude
sant du Réal Collobrier subit un climat médi- geable grâce à l'individualisation hydrochi-
l'unité fondamentale de référence dans I~
terranéen humide (- 1000 mm/an) marqué mique des eaux provenant des différents
gestion des ressources en eau [l, 2, 3, 4, 5].
par une forte variabilité inter-annuelle. versants. Ainsi, en réalisant une mesure de la
Après une approche générale et descriptive
D'autre part, le substratum cristallin méta- conductivité électrique de l'eau à chaque
du milieu, l'intérêt des hydrologues s'est
morphique rend original le comportement connuence du ruisseau principal (ainsi qu'à
porté sur la problématique des modalités de
hydrologique du bassin. Avec une surface l'amont et à l'aval de celte connuence), on
transfert de l'eau sur le bassin. Cependant,
totale de 70 km 2, le Réal Collobrier, dans son détermine la proportion du débit de l'affluent
les conceptions du fonctionnement hydrolo-
ensemble, n'est pas propice à une étude par rapport au débit total. Pour quantifier les
gique du bassin restent très empiriques et les
hydrologique fine nécessitant, en particulier, débits des affluents aussi bien que ceux dus
modélisations envisagées demeurent globales
des prélèvements d'eau en de nombreux aux apports diffus (écoulement diffus entre
dans bien des cas. Aujourd'hui, la nécessité
points et à pas de temps rapprochés. Pour chaque affluent), on suppose que l'écoule-
d'aménager et de protéger la ressource en
celte raison, l'investigation a été menée sur ment diffus est fonction de la surface drainée
eau tant du point de vue quantitatif que qua-
un sous-bassin de 8,4 km 2 (bassin des Mau- entre deux affluents. De celle façon, en par-
litatif, Impose au spécialiste une connais-
rets) répondant aux critères de représentati- tanl d'un jaugeage du ruisseau à un point
sance précise des mécanismes de l'écoule-
vité (suffisamment grand pour éviter les par- amont, l'application des équations de
ment [6, 7, 8]. En examinant le bassin
ticularismes hydrologiques) et de faisabilité mélange successives de l'amont vers l'aval
versant dans toute sa complexité et sa spéci-
(suffisamment petit pour détailler la structure permet de déterminer, avec une très bonne
ficité, l'hydrologue cherche maintenant à
spatio-temporelle de l'écoulement). définition spatiale, la répartition des débits
reconnaître les cheminement de l'eau, c'est-
Sur des critères morphologiques généraux tout au long du profil (fig. 3). Celle méthode
à-dire à déterminer l'origine des masses
et à partir de l'étude de la répartition des originale de décomposition spatiale de
d'eau et la manière dont l'écoulement s'orga-
pentes (lignes de plus grandes pentes délimi- l'écoulement montre ainsi qu'en haute dé-
nise dans le temps [9, 10, Il,12,13,14,15].
tant des secteurs de convergence ou de diver- crue, 65 % du débit amont provient du ver-
Afin de comprendre celte structure spatio-
gence de l'écoulement sur les versants, [16]), sant occidental et 34 % du versant oriental.
temporelle de l'écoulement, trois approches
on peut isoler, sur le bassin des Maurets Une partie négligeable du débit est due aux
complémentaires doivent être envisagées:
L'organisation spatiale du débit est obte- trois grands systèmes hydrologiques. Dans l~ apports diffus. D'autres mesures montrent
partie amont, où le relief est accentué, le sec- que la participation des affluents orientaux
nue à partir d'une étude détaillée du contexte
teur occidental, apte à réagir vigoureusement est la plus faible en pic de crues et croîl avec
physique. l-es caractéristiques géologiques,
à un épisode pluvieux, se distingue du ver- la diminution des débits et le retour progres-
géomorphologiques et pédologiques de
sant oriental où l'infiltration doit potentielle- Sif à une situation d'étiage. Vers l'aval, le
l'environnement définissent, en effet, les
ment dominer. Avec l'adoucissement du débit par unité de surface augmente et
grands ensembles fonctionnels du bassin.
relief, la partie aval se marque essentielle- s'explique à 80 % par des apports diffus. Ceci
L'organisation temporelle du débit est
ment par des mécanismes d'infiltration. confirme le rôle essentiel joué par l'infiltration
déterminée, à une échelle globale, par une
Parmi tous les autres critères physiques, le et souligne le fort caractère restitutif des hori-
approche hydrologique générale et descrip-
contexte géologique et structural est lui aussi zons à l'aval du bassin. Le rôle hydrologique
tive, précisée par l'interprétation des para-
déterminant. Toute la zone amont est consti- de la partie aval, déjà important en haute
mètres des modèles conceptuels. Il s'agit, par
tuée de phyllades schisteuses et quartzeuses, décrue, augmente sensiblement en étiage.
là, d'établir les particularités du régime
hydrologique et d'élaborer l'évolution des roches extrêmement fissiles généralement à
termes du bilan. forte capacité de stockage. Mais c'est la rela-
Le détail des mécanismes, particulièrement tion géométrique entre la direction générale II. Le contexte climatique et
en période de crue, et la quantification de la des structures et la pente topographique qui hydrologique
participation des différentes composantes de définit, selon les versants, des zones plus
l'écoulement sont appréhendés par le traçage favorables à l'infiltration (direction des struc- Dans un contexte physique connu où sont
naturel de l'eau, à l'aide d'outils géochi- tures perpendiculaire à la pente topogra- définis les grands ensembles hydrologiques
miques appropriés. phique comme dans le cas du versant orien- du bassin, les caractéristiques du climat
C'est celle démarche d'investigation en tai) ou des zones favorisant l'écoulement méditerranéen vont conditionner la structura-
trois étapes qui a été adoptée pour le présent rapide (direction des structures parallèle à la tion temporelle de l'écoulement. A partir
travail. pente comme pour le versant occidental) d'une chronique de 25 années de données de
[17]. Ces éléments, qui confirment les résul- pluie et de débit, on constate que, après un
tats de l'analyse morphologique, sont vérifiés sévère étiage d'été presque systématique, la
C*) Laboratoire d'hydrogéologie, 33, rue L. Pas- par l'inventaire des sources pérennes du bas- reprise franche de l'écoulement s'observe en
teur, 84000 Avignon. Vincent Marc a obtenu le sin qui montre une nelte prédominance des automne ou en hiver selon la répartition des
deuxième prix Henri Milon. émergences (85 %) sur le versant oriental pluies et s'effectue toujours après une pluvio-

LA HOUILLE BLANCHEIN° 8·1995

Article published by SHF and available at http://www.shf-lhb.org or http://dx.doi.org/10.1051/lhb/1995076


, pluviographes

IIlimnigraphes

307

(l 1.5
éch. ======'-'======J
CI

... 1. Localisation du bassin versant du Réal Collobrier.

sité cumulée de 350 mm environ. Lorsque mois d' octobre 1990 et s'est achevé en lène pour l'analyse chimique (silice totale,
l'on tient compte de l'évapotranspiration, il novembre 1992. Ainsi, l'échantillonnage a anions et cations majeurs, avec acidification
apparaît qu'un volume d'eau de 130 mm concerné un cycle hydrologique partiel (nov. pour les cations) et dans des piluliers en verre
dans les horizons supcrficiels est toujours
nécessaire it l'établissement d'un régime
90 - juill. 91), un cycle complet (août 91 -
juill. 92) et un début de cycle caractérisant
e
pour l'analyse isotopique 8 0, 2H), les eaux
prélevées subissent un premier traitement sur
d'écoulement pérenne dans le ruisseau. Si une reprise de l'écoulement (aoOt 92 - nov. le terrain: mesures de la température, du pH,
l'on suppose, en première approximation, 92). de la conductivité et de l'alcalinité totale.
que l'obtention de ce volume critique d'eau Les prélèvements ont couvert quatre En tout, cette campagne de deux ans repré-
dans les sols cst requise pour envisager le niveaux du cycle de l'eau: sente environ 1300 échantillons qui corres-
démarrage de la recharge vers les aquifères. pondent, avec les prélèvements réguliers, à
il est possible d'établir sur plusieurs cycles, Dans la mesure du possible, tous les épi-
14 crues et 35 épisodes pluvieux.
des bilans hydrologiqucs représentatifs de sodes pluvieux ont été récupérés un à un aux
situations particulières (années sèches et trois pluviographes du bassin (it 207 m, 348
humides). On constate ainsi l'existence d'un m et 543 m d'altitude). La nécessité de 3.1. Les pluies
stock maximal de 200 mm non restitué (sor- connaître le signal pluie sur une base de
tie hors limite du bassin ?) tandis que l'éva- temps plus courte nous a amenés à installer En premier lieu, l'examen du signal entrée
potranspiration réelle représente toujours un sur l'un des postes (à 348 m) un système de sur les trois pluviographes du bassin des
volume de 500 mm environ. Afin de valider fractionnement automatique des épisodes plu- Maurets montre, plus que tout autre observa-
ces hypothèses, nous avons confronté l'évo- vieux. Les caractéristiques physico-chimiques tion sur le pourtour méditerranéen [18, 19],
lution des termes du bilan it celle du débit de l'eau de ruissellement, résultat d'un la forte minéralisation moyenne de la pluie.
des sources les plus représentatives. Il appa- mélange entre la pluie et "eau préexistante Ceci concerne surtout les éléments d'origine
raît alors immédiatement que l'augmentation dans le sol, sont connues, en périodes de marine, en particulier. C1-. En cours d'épi-
du débit de ces émergences est toujours tardif crue, au niveau de trois sites naturels de pré- sode, ces éléments subissent un important
et concomitant :1 l'obtention d'un volume de lèvement. L'eau des ruisseaux a été prélevée lessi vage pendant les premières fractions puis
130 mm dans les horizons de surfaces. Cet hebdomadairement aux stations limnigra- l'essentiel de la pluie montre ensuite une
instant correspond aussi. dans le modèle, au phiques et, en crue, avec un pas de temps de concentration constante. Cependant, it l'occa-
début de l'infiltration sur le bassin. 30 minutes. Enfin, les eaux souterraines ont sion d'une diminution d'intensité ou d'une
été suivies au niveau des principales sources succession de perturbations, le réapprovision-
pérennes au pas de temps mensuel. Certaines nement atmosphérique en aérosols est très
III. Traçage chimique et isoto- émergences ont fait, en outre, l'objet d'un rapide et les concentrations peuvent it nou-
échantillonnage plus serré lors des épisodes
pique pluvieux exceptionnels.
veau augmenter. Les espèces d'origine terri-
gène ne connaissent que le lessivage initial
Le suivi hydrochimique et isotopique sur le Avant d'être enflaconnées (après filtration sans reconcentration. Spatialement, on note,
bassin du Réal Collobrier a débuté it la fin du it 0,45 f.Im) dans des bouteilles en polyéthy- en général, une diminution régulière de la

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constante au cours du temps dans les eaux de
ruissellement. Ceci permet d'envisager son
utilisation en tant que traceur quantitatif.
Dans tous les cas, les espèces chimiques dans
ce type d'eau varient considérablement dans
l'espace en fonction des constituants du sol
(réactions chimiques) ainsi que de la densité
et du type de végétation (pluviolessivage).
Notons que les caractéristiques chimiques des
eaux présentes dans le sol varient aussi en
fonction de l'épaisseur des formations. Avec
8 180, qui n'est aucunement concerné par ces
altérations, on montre que ces eaux de ruis-
sellement sont l'expression d'un mélange
f.:-:.:·.'.:-:.lp~YIJ;)d~
... schisteux entre la pluie et l'eau préexistante dans le
sol. Parfois même, il ne s'agit que de l'eau
~PhYlladcs quartzeux du sol mise en charge par effet piston. Le
signal isotopique de l'écoulement de subsur-
face dépend alors de l'état de saturation ainsi
que de l'épaisseur des sols qui conditionne
~MiC3.5ChiStes l'amortissement isotopique des eaux préexis-
tantes. Finalement, cet écoulement possède
F fOr.lges pnvts rarement le même 8 18 0 que la pluie. Un
E sources exploitée". exemple de ce comportement nous est donné
au cours de l'automne 1992 où trois crues
d'inégales importances se sont succédées
';çh. O'=!====U,c=,'5===="lj5 kms
entre le 22 septembre et le 1er novembre
(fig. 4). En début de reprise de la saison des
... 2. Localisation des principales sources sur le bassin des Maurets [21]. pluies, le premier ruissellement (22 sep-
tembre) possède le même marquage isoto-
pique que la pluie car les conditions
concentration avec l'altitude que l'on attribue plusieurs %0. Selon le marquage initial de la d'humectation du milieu ne permettent pas
à l'existence d'un gradient plu.viométrique pluie, sa durée et son intensité moyenne, un mélange avec ks fractions d'eaux préexis-
(effet de dilution). En réalité, ces comporte- l'incertitude sur le 8 18 0 moyen peut valoir tantes dans les horizons superficiels du sol.
ments sont, malgré tout, négligeables vis-à- entre 15 et 30 %. Par la suite, les caractéristiques isotopiques
vis des altérations ultérieures au cours du de l'écoulement superficiel reflètent celles du
ruissellement et du transit à travers les hori- mélange de la pluie et des épisodes pluvieux
zons superficiels. Pour l' 180, ces variabilités 3. 2. De la pluie au ruissellement précédents. On constate qu'au fur et à
existent aussi dont les ordres de grandeur
mesure de la saturation et de l'augmentation
constituent, cette fois-ci, une réelle difficulté
Lorsque la pluie atteint le sol, il faut men- de la vitesse de transit des eaux, la concen-
pour la décomposition des hydrogrammes.
tionner, pour les éléments chimiques, deux tration isotopique du ruissellement exprime la
On relève, sur le bassin des Maurets, la pré-
facteurs de modification du signal pluie brut: participation des épisodes précédents les plus
sence d'un gradient isotopique moyen avec
le lessivage (avec le pluviolessivage) et proches tandis que les premières pluies ne
l'altitude de - 0,24 %01100 m. D'un épisode à
l'échange avec la matrice du sol. CI- subit sont plus disponibles pour l'écoulement
l'autre cette hétérogénéité spatiale n'est pas
seulement l'influence du premier mécanisme rapide (transit vertical). Finalement, lorsque
systématique. Lorsqu'elle existe, les plus
dont on peut évaluer l'importance, ce qui le la saturation optimale est atteinte (1 er novem-
forts gradients se rencontrent pour les pluies
rend semi-conservatif. Les autres éléments bre), les eaux d'écoulement sur les versants
les plus appauvries. Finalement, à partir de
sont totalement ou en partie influencés par le sont à nouveau représentati ves de l'épisode
·trois pluviographes, l'erreur relative sur le
second phénomène. Cette fois, l'importance pluvieux en cours. Dans ce cas, la variabilité
8 180 moyen varie entre 10 et 15 %. Pour sa
des modifications est difficile à estimer. temporelle du signal isotopique de l'eau de
part, la variation isotopique au cours de l'épi-
Cependant, pour la silice, on relève une ruissellement provient directement de celle
sode pluvieux peut provoquer un écart de
valeur de concentration relativement de la pluie avec un décalage dû au temps de

débit (I/s) débit (I/s)


500 BV. amont 500 B.V. aval
B.V. amont

400 400

'.
300 300
, "-
station amont
200 200

100 100
A
o-tJ.----i--+--+--+---+----<--+---<--+--+----., o +---+--=:J--+_-+-_+----<-_-+----<>---+-_ _+__--i
o 2 345 6 o 2 4 6 8 10
distance (km) surface cumulée (km 2)
... 3. Distribution spatiale du débit dans le bassin des Maurets au 13 janvier 1994 (J points de jaugeage)

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L--________
BI 1--------
montée des eaux explique totalement la com-
position de l'eau d'écoulement de la pre-
20 mière crue (27 septembre), Il s'agit donc
principalement d'un ruissellement direct sur
~o
le versant amont occidental, consécutif à un
60
épisode pluvieux court et intense arrosant un
terrain peu humide,
80 - au cours de la crue suivante (5 octobre),
Pluie journalière (rrun)
la concentration de l'eau est équivalente à la
100 moyenne pondérée des pluies depuis le début
du cycle, Ceci implique une participation de
·16
ii 180 (%,) S~L 170<'(. 1er nov. l'eau du sol,
pluie
- la progression de la saturation se traduit en-
·12
suitc par une inlluence de plus en plus sensible
des pluies justes antérieures (17 octobre) ou
·8 de l'épisode du moment (1" novembre).
En définitive, ces résultats montrent, à
• éooulement superficiel
l'échelle du bassin, le rôle important et crois-
sant des eaux stockées superficiellement
0+---..l--...L-L-,Jll-JJ.jL1-L---J). _ (eaux du sol) et révèlent l'augmentation, au
SeJ'"92 Oct·92 Nov-92
cours de la saturation, de l'influence directe
Déc·92
de la pluie responsable de la crue, Implicite-
... 4. Caractéristiques isotopiques des eaux de pluies et de ruissellement au ment, ceci témoigne de l'absence de la parti-
cours de l'automne 1992 cipation des eaux souterraines en début de
cycle pendant les crues. C'est seulement à
l'occasion de la dernière crue (te' novembre),
transfert. Cclte interprétation est confirmée Lorsqu'on regarde révolution des phéno- moment à partir duquel le débit des sources
par des analyses de 2H qui établissent, en mènes selon la progression de la saturation à croît et où l'on remarque une divergence
outre, l'absence d'effet significatif de l'éva- une période hydroclimatique critique comme entre le marquage isotopique des pluies et
poration dans la modification du signal isoto- la reprise de l'écoulement au sortir d'un celui de l'écoulement. que l'on peut envisa-
pique dcs eaux du sol. Par ailleurs, au cours étiage d'été, la dilution des éléments chi- ger la participation d'une troisième compo-
de ce mêmc automne, une série de prélève- miques, qui est un cas général, nc se produit sante: l'eau souterraine (fig, 5). En compa-
ments de sols destinés à l'étudc du comporte- ni avec la même intensité, ni au même rant le 8 18 0 dans le ruisseau et la teneur
ment de l'ion CI' a corroboré cc résultat 1201, moment au cours de la crue. Leur comporte- isotopique du mélange des différentes frac-
ment suit une progression logique. Il est dû à tions de la pluie (on ne tient pas compte des
la participation croissante du milieu non pluies antérieures conformément au résultat
3. 3. Les eaux souterraines saturé au débit·total. L'extension des surfaces précédent mais on respecte la variabilité tem-
humides et l'augmentation dé l'épaisseur des porelle du signal isotopique pluie à raide de
Pour leur part, les eaux soutcrraines se mar-
niveaux concernés par l'humectation ont prélèvements fractionnés), il apparaît une très
quent par unc hétérogénéité chimique spatialc
pour conséquence la mise en mou vement de bonne adéquation entre les deux évolutions
due à l'augmentation de la minéralisation
volumes d'eaux de plus en plus hétérogènes au début de l'événement puis, on note un
vers le bas (augmentation du temps de rési-
chimiquement. On observe donc globalement écart pendant la seconde pointe de crue
dence) et/ou il la diversité de la lithologie,
une diminution de l'intensité de la dilution (fig. 6). Compte tenu du marquage peu spéci-
Dans ce contexte, CI', Na+ et un peu Mg H
tandis que la qualité de la relation entre la fique de la pluie du t cr novembre et de
présentent les plus faibles variations. La l'amortissement du signal dans les horizons
concentration des eaux soutcrraines fluctue concentration et le débit se détériore. Le cas
de CI' est inverse à cette situation en raison superficiels, les composantes pluie et eau du
aussi notablement au cours du temps car sol possèdent une concentration semblable,
l'hétérogénéité du milieu s'exprime plus ou du phénomène de lessivage, L'augmentation
de la saturation conduit en effet, à une homo- En réalisant la décomposition de l'hydro-
moins en fonction de l'état de saturation. Les gramme avec 18 0 pour une composante
éléments cités précédemment ainsi que la généisation des eaux et une intensification de
la dilution. Dans ces conditions, le retard de "superficielle" (pluie + eau du sol) et une
silice sont. encore une fois, les moins composante eau "profonde" (eau souter-
variables. L'investigation isotopique permet la dilution par rapport à la pointe de débit
diminue avec le temps pour se trouver finale- raine), on trouve une contribution de 40 %
plus précisément de définir deux grands d'eau de l'aquifère et seulement en seconde
types d'aquifères sur le bassin. Les nappes de ment pratiquement en phase lorsque le bassin
est à saturation optimale. Cette situation se partie de' crue,
versant montrent un temps de renou vellement Notons que, assez souvent, le traceur iso-
de l'eau annucl avec, dans Ic sccteur amont. vérifie d'autant mieux que la pluie est longue
et peu intense, En effet, les phénomènes topique seul ne permet pas de trancher fer-
une faible minéralisation. Ces zones saturées mement sur une interprétation hydrologique,
relativement superficielles mais pérennes impulsionnels (effet piston) sont alors mas-
qués et le mélange des eaux se réalise de On a donc recours à l'utilisation des traceurs
possèdent des caractéristiques géochimiques chimiques qui offrent une information quali-
proches dc celles de l'eau des sols. Puis, vers manière homogène.
tative de tout premier ordre et, parfois, une
le bas des versants, on rencontre une nappe il Une première approche des processus information quantitative, Ainsi, pour une crue
temps dc renouvellement pluriannuelle et hydrologiques est possible avec le traceur d'hiver (décembre 1990), l'utilisation conco-
dont le 8 18 0 cst homogène spatialement. isotopique, 8 18 0, en utilisant les propriétés mitante de la silice comme traceur de la pluie
des relations débit-flux. En portant sur un et du 8 180 comme marqueur de l'eau souter-
graphique le débit tout au long de la crue et raine nous a permis de réaliser une séparation
3. 4 Le traçage naturel appliqué à le flux en 8 18 0 (exprimé en %o/l/s), on
l'étude des crues de l'hydrogramme en trois composantes, On
constate l'existence d'une relation purement observe donc la succession des contribu-
A partir d'une situation initiale donnée, la linéaire. La pente de cette droite exprime la tion~ : la pluie dans un premier temps, puis
crue qui survient sur un bassin versant fait concentration moyenne en 18 0 de l'écoule- l'eau du sol au cœur de l'événement et
apparaître des comportements géochimiques ment total pendant la crue. En comparant, enfin, l'eau souterraine, Plusieurs jours aprè~
divers dont l'organisation dans le temps est pour les quatre crues successives de la crue, alors que l'on a dépassé le point de
étroitement liée aux conditions de saturation l'automne 1992, ces valeurs moyennes glo- tarissement hydrodynamique, on constate
préexistantes. Ces conditions sont respon- bales et les concentrations de la pluie, on toujours une contribution majeure de l'eau du
sables dc l'agcncement temporcl de la contri- remarque que (fig. 5) : sol (écoulement superficiel retardé). Sur la
bution des eaux déjil présentes dans le milieu. - Le 8 18 0 de la pluie responsable de la totalité de la crue, on calcule une participa-

~~~_Ka1II~_
III!I!!II LA HOUILLE BLANCHEIN° 8·1995
_~
volume d'eau écoulé. En revanche, là où la
débit (I/s) 1.4 plupart des auteurs admettent, sur d'autres
pluie cumulée (")
bassins, que l'eau souterraine représente la
majeure partie de cette composante "préexis-
1.2
pluie tante", nous observons ici que le rôle de la
restitution des horizons superficiels domine
largement. D'autre part, l'évolution avec le.
-6 temps des proportions des différentes compo-
santes du débit souligne l'importance de la
0.8 progression de la saturation du bassin et le
-8 rôle du contexte climatique méditerranéen.
0.6 Quantitativement, on relève une participation
de l'eau de pluie qui varie entre 30 % et
-10 0 pentes des 70 % selon la situation hydroclimatique de la
0.4 crue. L'eau préexistante contenue dans les
relations débit/flux
sols constitue le plus souvent au moins la
-12 Source moitié du volume total écoulé. Enfin les
des Sauvettes 0.2
nappes ne parviennent à participer au débit
qu'à hauteur de 30-40 % maximum et seule-
-14 +---1--+--+--+---1--+--+--+---+--+- o ment lorsque les conditions de saturation le
10-Sep 20-Sep 30-Sep
permettent.
ID-Oct 20-Oct 3D-Oct

 5. Comparaison entre les teneurs isotopiques de la pluie et des eaux du


ruisseau en crue au cours de l'automne 1992 et évolution du débit d'une
source témoin Bibliographie .

tion de 20 % seulement de l'eau souterraine et la validité des traceurs, le traçage géochi- [1] Linsley R.K. (1976) : Representative
tandis que l'eau du sol représente 50 % du mique naturel des eaux permet de proposer and experimental basins. Where next ?
volume total. une quantification globale des diverses com- Hydral. Sc. Bull., XXI, 4 : 517-529.
posantes du débit ainsi qu'un modèle d'orga- [2] Eeles C.W.O., Robinson M. et Ward
4. Conclusion : Vers un modèle physi- nisation des contributions dans le temps. La R.C. (1991) : Experimental basins and
que de fonctionnement hydrologique figure 7 synthétise ce fonctionnement. On enviromental models. Hydralagical
constate, conformément aux résultats désor- Research Basins and the Enviranmelll.
A partir de plusieurs exemples de crues. mais classiques, que l'eau préexistante dans Proceedings and information, 44 : 3-12,
choisies pour leur représentativité saisonnière le bassin avant la crue constitue l'essentiel du Wageningen.

5000 débit (I/s) 3000


station amont débit (I/s) station aYal

4000 2500

2000
3000
1500
2000
1000

1000 eau souterraine 500


eau souterraine ....
~.'-
O+-------,-----....,.-""""':.......--...=..::.::~~..:., 0
-5,5 1) 18 0 <'}'oo) -5,5 1)18 0 (%0)

-6 -6
'0* } de rui~lement : } de rui~lement
-6,5 -6,5

-7 1 - - - - 1 1 - - - - - - -.. -7

ruisseau
-7,5 ruisseau -7,5

-8 -8
pluie totale
luie amont pluie bassin amont
-8,5 -l-----,-------r--~::::;::===.P.!~ -8,5
30-0ct 31-0ct OI-Nov 02-Nov 03-Nov 30-0ct 3I-Oct Ol-Nov 02-Nov 03-Nov

 6. Confrontation de l'évolution du 1) 180 dans le ruisseau et dans la pluie cumulée et décomposition de l'hydrogramme
du 01/11/92

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zones imperm!ables - r6seau hydrographique

ruisselle ni direct
faible coeflkient d'écoulement
reprise de 1'6coulemenl ap~ 1'6t6 et un d6but
dhume<:tation, 6coulement rapide sur le
versant occidental arron~ ailleurs progression
de l'humectation superficielle
moyen coefficient d'écoulement
e =:f (t») &~$;;;~~ll_------IQp >= 0'3}
QS <= 0,7
m!lange entre l'eau du sol et l'eau de pluie
avec effets de mises en charges, rôle majeur du
versant o;~~'::rl~~l ~~dc6cu;;,eerestitution

fort coeflkient d'écoulement


m!lange pluic-eau du soL affleurement des
aquif~resde versant dans la partie orientale
du secteur arront et ruissellernen~ pas de zones
contributives à l'aval et participation de l'eau
souterraine seulcrœnt en basse d6:rue

QT=!
.... 7. Représentation schématique de l'organisation des écoulements sur le bassin des Maurets

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LE BLANCHEIN° 8·1995
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