La Physique Quantique
La Physique Quantique
La Physique Quantique
SAVOIRS ACTUELS
PHYSIQUE
QUANTIQUE
FONDEMENTS - TOME I
3e ÉDITION
MICHEL LE BELLAC
PRÉFACES DE
CLAUDE COHEN-TANNOUDJI
ET DE FRANCK LALOË
CNRS ÉDITIONS
Michel Le Bellac
Physique quantique
Tome I : Fondements
3e édition
S A V O I R S A C T U E L S
EDP Sciences/CNRS Éditions
Illustration de couverture : Vue d’artiste du comportement d’un photon. On
observe une transition continue depuis un comportement ondulatoire (arrière-
plan du dessin) à un comportement corpusculaire (avant-plan du dessin).
F. Kaiser, T. Coudreau, P. Milman, D. Ostrowsky and S. Tanzilli, Entangle-
ment enabled delayed choice experiment, Science 338, 637 (2012). Copyright :
F. Kaiser et S. Tanzilli, CNRS. Courtoisie de Sébastien Tanzilli.
Imprimé en France.
c 2013, EDP Sciences, 17, avenue du Hoggar, BP 112, Parc d’activités de Courtabœuf,
91944 Les Ulis Cedex A
et
CNRS Éditions, 15, rue Malebranche, 75005 Paris.
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés
pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque
procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation
de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les
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sation collective, et d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique
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de copie, 3, rue Hautefeuille, 75006 Paris. Tél. : 01 43 26 95 35.
Avant-propos xxi
1 Introduction 1
1.1 Structure de la matière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.1.1 Échelles de longueur : de la cosmologie aux
particules élémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.1.2 États de la matière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.1.3 Constituants élémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.1.4 Interactions (ou forces) fondamentales . . . . . . . . . 8
1.2 Physique classique et physique quantique . . . . . . . . . . . 11
1.3 Un peu d’histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.3.1 Le rayonnement du corps noir . . . . . . . . . . . . . 14
1.3.2 L’effet photoélectrique . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.4 Ondes et particules : interférences . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.4.1 Hypothèse de de Broglie . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.4.2 Diffraction et interférences avec des neutrons
froids . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.4.3 Interprétation des expériences . . . . . . . . . . . . . 23
1.4.4 Inégalités de Heisenberg I . . . . . . . . . . . . . . . . 27
1.4.5 Interféromètre de Mach-Zehnder . . . . . . . . . . . . 30
1.5 Niveaux d’énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
1.5.1 Niveaux d’énergie en mécanique classique et modèles
classiques de l’atome . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
1.5.2 L’atome de Bohr . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
1.5.3 Ordres de grandeur en physique atomique . . . . . . . 38
1.6 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
1.6.1 Ordres de grandeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
1.6.2 Le corps noir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
1.6.3 Inégalités de Heisenberg . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
iv Physique quantique : Fondements
(2)
8.1.3 Réalisation dans Lp (R) . . . . . . . . . . . . . . . . 248
8.1.4 Inégalités de Heisenberg . . . . . . . . . . . . . . . . . 249
8.1.5 Évolution du paquet d’ondes libre . . . . . . . . . . . 251
8.2 Équation de Schrödinger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254
8.2.1 Hamiltonien de l’équation de Schrödinger . . . . . . . 254
8.2.2 Probabilité de présence et vecteur courant . . . . . . 255
8.3 Résolution de l’équation de Schrödinger indépendante
du temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258
8.3.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258
8.3.2 Réflexion et transmission par une marche
de potentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 260
8.3.3 États liés du puits carré . . . . . . . . . . . . . . . . . 262
8.3.4 Diffusion par un potentiel . . . . . . . . . . . . . . . . 265
8.4 Potentiel périodique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 270
8.4.1 Théorème de Bloch . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 270
8.4.2 Bandes d’énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272
8.5 Mécanique ondulatoire en dimension d = 3 . . . . . . . . . . . 276
8.5.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276
8.5.2 Espace de phase et densité de niveaux . . . . . . . . . 278
8.5.3 Règle d’or de Fermi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281
8.6 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285
8.6.1 Inégalités de Heisenberg . . . . . . . . . . . . . . . . . 285
8.6.2 Étalement du paquet d’ondes . . . . . . . . . . . . . . 285
8.6.3 Paquet d’ondes gaussien . . . . . . . . . . . . . . . . 286
8.6.4 Heuristique de l’inégalité de Heisenberg . . . . . . . . 287
8.6.5 Potentiel de Lennard-Jones pour l’hélium . . . . . . . 287
8.6.6 Marche de potentiel et retard à la réflexion . . . . . . 288
8.6.7 Potentiel en fonction δ . . . . . . . . . . . . . . . . . 288
8.6.8 Niveaux d’énergie du puits cubique infini
en dimension d = 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 290
8.6.9 Courant de probabilité à trois dimensions . . . . . . . 290
8.6.10 Densité de niveaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 290
8.6.11 Règle d’or de Fermi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 290
8.6.12 Étude de l’expérience de Stern-Gerlach . . . . . . . . 291
8.6.13 Modèle de mesure de von Neumann . . . . . . . . . . 292
8.6.14 Transformation de Galilée . . . . . . . . . . . . . . . 293
8.7 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294
Index x11
Tome II : Applications et exercices corrigés
Avant-propos xxi
Références x1
Index x11
Avant-propos
était avant tout un livre d’enseignement, couvre une trop grande variété de
domaines pour qu’elle puisse encore correspondre à un cours d’une année. Le
guide de lecture ci-dessous devrait permettre au lecteur de s’orienter dans le
livre pour un cours d’introduction à la mécanique quantique.
Guide de lecture
Seules les sections 1.3 à 1.5 du chapitre 1 sont indispensables pour la suite, et
le chapitre 2 peut être omis par le lecteur qui possède le niveau L2 en algèbre.
Les chapitres 3 et 5 constituent, à mon avis, le cœur d’une introduction à la
mécanique quantique : les principes de base sont introduits sur les exemples
de la polarisation du photon et du spin 1/2, et le rôle de la symétrie de rota-
tion est mis en valeur dans le cas du spin 1/2. Des applications simples de ces
principes de base sont exposées dans le chapitre 5 : résolution de l’équation de
Schrödinger indépendante du temps pour des problèmes de chimie quantique
élémentaire, oscillations de Rabi, le tout illustré par la RMN, l’émission et
l’absorption de photons par un atome à deux niveaux, le laser et les horloges
atomiques. Le chapitre 4 (Postulats de la mécanique quantique) est un peu
plus abstrait : le lecteur pourra se contenter d’une première prise de contact, et
y revenir après avoir acquis un peu plus de familiarité avec la mécanique quan-
tique. Dans le chapitre 6, le lecteur peut se limiter à la section 6.3, qui donne
les recettes “mathématiques” pour la suite. Les chapitres 7 à 10 sont classiques
dans tout cours de mécanique quantique niveau L3. Toutefois la section 7.4
(invariance galiléenne) peut être omise sans dommage pour la suite et la sec-
tion 8.4 (bandes d’énergie) peut trouver sa place dans un cours de physique
du solide. Il en est de même pour la section 10.3 (niveaux de Landau) qui peut
aussi faire partie d’un cours de physique du solide. Dans une première lecture
du chapitre 11, on peut se limiter à l’introduction de l’opérateur statistique
qui sera indispensable pour la suite. Il serait toutefois dommage de ne pas
consacrer un peu de temps à la présentation élémentaire des inégalités de Bell
(section 11.2). Le lecteur peut aborder les autres sections de ce chapitre, en
particulier celle sur l’information quantique, en fonction de ses intérêts. Il en
est de même pour les chapitres du tome 2 qui sont indépendants en première
approximation ; le lecteur familier du tome 1 peut les aborder dans un ordre
indifférent. Le chapitre 12 (Méthodes semi-classiques) est entièrement option-
nel, et ses quatre grandes parties : intégrale de chemin, approximation BKW,
distribution de Wigner et phases géométriques sont largement indépendantes.
Dans une première lecture, il est possible de se limiter aux sections 14.1 et
14.2 du chapitre 14 (Particules identiques). Enfin les sections 15.1 et 15.2 sont
une introduction standard à la physique atomique, les autres sections de ce
chapitre étant optionnelles.
Remerciements. J’ai bénéficié des critiques et suggestions de Pascal
Baldi, Jean-Pierre Farges, Yves Gabellini, Thierry Grandou, Jacques Joffrin,
Jean-Marc Lévy-Leblond, Christian Miniatura et tout particulièrement de
Michel Brune, Jean Dalibard, Franck Laloë, Fabrice Mortessagne, Jean-Pierre
xxiv Physique quantique : Fondements
Introduction
1.3 × 1026 ≃ 5 × 1020 1.5 × 1011 6.4 × 106 ≃ 1.7 0.01 à 0.001
bactérie E. coli virus HIV fullerène C60 atome noyau de plomb proton
E (eV)
108 104 1 10− 4 10− 8
γ X UV IR micro radio
λ (m)
C1–
Na+
Fig. 1.2 – Arrangement des atomes dans le cristal de chlorure de sodium. Les ions
chlore Cl− sont plus gros que les ions sodium Na+ .
présente des pics, quelle que soit la distance à l’origine. L’argon gazeux pos-
sède le même type de configuration que le liquide, la seule différence étant
que les atomes sont beaucoup plus éloignés les uns des autres. Toutefois, la
différence entre gaz et liquide disparaît au point critique, et on peut passer
continûment du gaz au liquide ou inversement en contournant le point cri-
tique, alors qu’un tel passage continu est impossible vers un solide, parce que
le type d’ordre est qualitativement différent.
p(r) p(r)
r r
2σ σ 3σ l 2l 3l
σ
(a) (b) (c)
Fig. 1.3 – (a) Arrangement des atomes dans l’argon liquide. (b) Probabilité p(r)
pour un liquide (tirets) et pour un gaz (trait continu). (c) Probabilité p(r) pour un
cristal simple.
H2 + Cl2 → 2HCl
L’atome est composé d’un noyau atomique (ou simplement noyau) chargé
positivement et d’électrons chargés négativement. Plus de 99.9 % de la masse
de l’atome se trouve dans le noyau atomique, car le rapport de la masse de
l’électron me à celle du proton mp est me /mp ≃ 1/1836. L’atome est de dix
à cent mille fois plus gros que le noyau : la dimension typique d’un atome2
est 1 Å (1 Å = 10−10 m = 0.1 nm), celle d’un noyau de quelques fermis (ou
femtomètres).
Un noyau atomique est formé de protons et de neutrons, les premiers
chargés électriquement et les seconds neutres ; les masses du proton et du
neutron sont identiques à 0.1 % près, et on pourra souvent négliger cette
différence de masse. Le numéro atomique Z est le nombre de protons du noyau,
et aussi le nombre d’électrons de l’atome correspondant, de façon à assurer
2. Il nous arrivera d’utiliser l’Angström, qui est typique de la dimension atomique, plutôt
que le nm. Par un hasard (?) heureux, le symbole fm peut aussi bien désigner le femtomètre
que le fermi, unité de longueur des physiciens nucléaires.
1. Introduction 5
La réaction dégage une énergie de 17.6 MeV et pourrait être utilisée dans
un futur (probablement lointain) pour produire de l’énergie à grande échelle,
l’énergie de fusion. Le réacteur de recherche ITER en construction à Cada-
rache est peut-être une première étape dans cette direction.
Dans la composition de l’atome en noyau et électrons, de même que dans
celle du noyau en protons et neutrons, un concept important est celui d’énergie
de liaison. Considérons un objet stable C formé de deux objets A et B : C est
appelé état lié de A et B. La désintégration C → A + B ne sera pas possible
si la masse mC de C est inférieure à la somme des masses mA et mB de A et
de B, c’est-à-dire si l’énergie de liaison3 EL
est positive ; c est la vitesse de la lumière. EL est l’énergie qu’il faut fournir
pour dissocier C en A + B. En physique atomique, cette énergie est appelée
énergie d’ionisation : c’est l’énergie nécessaire pour dissocier un atome en un
ion positif et un électron, ou, en d’autres termes, pour arracher un électron à
l’atome. Pour les molécules, EL est l’énergie de dissociation, l’énergie néces-
saire pour dissocier la molécule en atomes. Une particule ou un noyau instable
dans une certaine configuration peut parfaitement être stable dans une autre
configuration. Le neutron libre (n), par exemple, est instable : en un temps
d’une quinzaine minutes en moyenne (plus précisément 880 s), il se désintègre
en un proton (p), un électron (e) et un antineutrino électronique (ν e ), ce qui
correspond à la désintégration de base de la radioactivité β
n0 → p+ + e− + ν 0e (1.2)
et la désintégration
2
H → 2p + e + ν e
est impossible : le deutéron est un état lié proton-neutron.
e + 2H → e + p + n
e+p→e+p
réactions du type
e + p → e + p + π0
e + p → e + n + π+ + π0
e + p → e + K + + Λ0
où les mésons π et K et l’hypéron Λ0 sont de nouvelles particules, dont la
nature importe peu ici. Le point crucial est qu’elles ne sont pas présentes
initialement dans le proton, mais qu’elles sont créées au moment de la réaction.
Il arrive donc un moment où il ne semble plus possible de décomposer
la matière en constituants de plus en plus élémentaires. On peut alors se
poser la question suivante : quel est le critère d’élémentarité ? Le point de
vue actuel est d’appeler élémentaires les particules qui apparaissent comme
ponctuelles dans leurs interactions avec d’autres particules. Avec ce point de
vue, l’électron, le neutrino et le photon sont élémentaires, tandis que le proton
et le neutron sont “composés” de quarks : les guillemets sont importants, car
les quarks n’existent pas à l’état libre5 , et cette “composition” du proton en
quarks est tout à fait différente de la composition du deutéron en proton et
neutron. Il existe seulement des preuves indirectes (mais convaincantes !) de
cette composition en quarks.
Dans l’état actuel de nos connaissances6, il existe trois familles de par-
ticules élémentaires, ou “particules de matière” de spin 1/27. Le tableau 1.2
en donne la liste ; la charge électrique q est exprimée en unités de la charge
du proton. Chaque famille se compose de leptons et de quarks, et à chaque
particule correspond une antiparticule de charge opposée. Les leptons de la
première famille sont l’électron et son antiparticule le positron e+ , ainsi que
le neutrino électronique νe et son antiparticule l’antineutrino électronique ν e ,
et les quarks de cette famille sont le quark “up” (u) de charge 2/3 et le quark
“down” (d) de charge –1/3, avec bien sûr les antiquarks u et d correspon-
dants, de charge –2/3 et 1/3, respectivement. Le proton est une combinaison
uud et le neutron une combinaison udd. Cette première famille suffit à notre
vie courante, puisqu’elle permet de fabriquer la matière ordinaire, le neu-
trino étant indispensable dans le cycle des réactions nucléaires assurant la
bonne marche du Soleil. Si l’existence de la première famille peut se justifier
par un argument anthropocentrique : si elle n’existait pas, nous ne serions
pas là pour en parler ! la raison d’être des deux autres familles reste aujour-
d’hui tout à fait mystérieuse8 . Enfin, le “boson de Higgs” est la particule
5. Ce qui fait que la notion de “masse” d’un quark est une notion complexe, du moins
pour les quarks dits “légers”, up, down et étrange. On retrouve une masse (presque) usuelle
pour les quarks lourds b et t.
6. Il existe un argument très fort pour limiter à trois ce nombre de familles : des ex-
périences au CERN ont montré en 1992 que le nombre de familles était limité à trois, à
condition que les neutrinos aient une masse inférieure à 45 GeV/c2 . La valeur expérimentale
actuelle du nombre de familles est de 2.984 ± 0.008.
7. Le spin 1/2 est défini au chapitre 3 et le spin en général au chapitre 10.
8. Cf. la célèbre interrogation de Rabi : “Who ordered the muon ?”. Cependant, on sait
que chaque famille doit être complète : ainsi l’existence du quark top et sa masse ont été
8 Physique quantique : Fondements
Tab. 1.2 – Les particules de matière. Les charges électriques sont mesurées en
unités de la charge du proton.
qq ′ r̂
F = (1.3)
4πε0 r2
11. Nous utiliserons systématiquement la notation r̂, n̂, p̂, etc. pour les vecteurs unitaires
de l’espace ordinaire.
12. Ce terme sera expliqué au § 4.2.4.
13. La combinaison de la mécanique quantique et de la relativité restreinte conduit
à des résultats infinis, et ces infinités doivent être contrôlées par une procédure appelée
renormalisation, qui n’a vraiment été comprise et justifiée que dans les années 1970.
10 Physique quantique : Fondements
et la théorie des interactions fortes est appelée pour cette raison la chromo-
dynamique.
Les interactions faibles sont responsables de la radioactivité β
(Z, N ) → (Z + 1, N − 1) + e− + ν e (1.4)
dont un cas particulier est (1.2) qui s’écrit avec les notations de (1.4)
(0, 1) → (1, 0) + e− + ν e
De même que les interactions fortes, les interactions faibles sont à courte
portée, mais, comme leur nom l’indique, elles sont beaucoup moins intenses.
Les vecteurs des interactions faibles sont les bosons de spin 1 chargés W ±
et neutre Z 0 , dont les masses sont respectivement 82 MeV/c2 et 91 MeV/c2 ,
environ 100 fois la masse du proton. Les leptons, les quarks, les bosons de
spin 1 (ou bosons de jauge) : photon, gluons, bosons W ± et Z 0 , ainsi qu’une
particule hypothétique de spin 0, à l’origine de la masse des particules, le
boson de Higgs, sont les particules du modèle standard de la physique des
particules, qui a été testé expérimentalement avec une précision supérieure à
0.1 % au cours de ces dix dernières années.
Enfin les interactions gravitationnelles, toujours attractives contrairement
aux interactions coulombiennes, ont la forme bien connue entre deux masses
m et m′
r̂
F = −Gmm′ 2 (1.5)
r
où les notations sont identiques à celles de (1.2) et où G est la constante de
gravitation. La loi de force (1.5), est, comme la loi de Coulomb, une loi à
longue portée, et on peut comparer directement les forces de gravitation et de
Coulomb entre un électron et un proton, puisque la forme de la loi de force
est la même 2
FCb qe 1
= ∼ 1039
Fgr. 4πε0 Gme mp
Dans un atome d’hydrogène, la force de gravitation est négligeable, et de fa-
çon générale, la force de gravitation sera totalement négligeable pour tous
les phénomènes de physique atomique, moléculaire ou du solide. La relati-
vité générale, théorie relativiste de la gravitation, prédit l’existence d’ondes
gravitationnelles14 qui sont pour la gravitation l’analogue des ondes électro-
magnétiques, tandis que le graviton, particule de spin 2 et de masse nulle, est
l’analogue du photon. Toutefois il n’existe pas aujourd’hui de théorie quan-
tique de la gravitation. Concilier la mécanique quantique et la relativité géné-
rale, expliquer l’origine de la masse et des trois familles de particules consti-
tuent les défis majeurs de la physique théorique du XXIe siècle.
14. Les preuves de l’existence des ondes gravitationnelles sont pour le moment indirectes :
elles résultent de l’observation de pulsars (étoiles à neutrons) binaires. Ces ondes pourraient
être détectées prochainement sur Terre dans les expériences VIRGO et LIGO. L’observation
du graviton est probablement repoussée à un futur très lointain.
1. Introduction 11
électrique devient grand, ce qui donne lieu aux phénomènes de l’optique non-
linéaire, la loi de Hooke n’est plus valable si la tension devient trop importante,
etc. La mécanique du solide, l’élasticité ou la mécanique des fluides découlent
de (1.6) et de diverses lois phénoménologiques, comme la loi qui relie en mé-
canique des fluides force, gradient de vitesse et viscosité. Il importe de bien
faire la distinction entre le petit nombre de lois fondamentales et les multiples
lois phénoménologiques que la physique classique utilise, faute de mieux, pour
décrire la matière.
Bien que la physique classique soit d’une utilité indiscutable, elle n’en pré-
sente pas moins une lacune de taille : alors que la physique se veut une théorie
de la matière, la physique classique est complètement incapable d’expliquer le
comportement de la matière étant donné ses constituants et les forces entre
ces constituants18 . Elle ne peut pas prédire l’existence des atomes, car on
ne peut pas construire une échelle de longueur avec les constantes de la phy-
sique classique : masses et charges du noyau et des électrons19 . Elle n’explique
pas pourquoi le Soleil brille, pourquoi la vapeur de sodium émet une lumière
jaune, elle n’a rien à dire sur les propriétés chimiques des alcalins, sur le
fait que le cuivre conduit l’électricité alors que le soufre est un isolant, etc.
Lorsque le physicien classique a besoin d’une propriété de la matière, une ré-
sistance électrique, une chaleur spécifique, il n’a pas d’autre choix que de la
mesurer expérimentalement. Au contraire, la mécanique quantique a la pré-
tention d’expliquer le comportement de la matière à partir des constituants et
des forces. Naturellement, des prédictions précises à partir des premiers prin-
cipes ne sont possibles que pour les systèmes les plus simples, comme l’atome
d’hydrogène ou celui d’hélium. La complexité des calculs ne permet pas par
exemple de prédire la structure cristalline de l’argent à partir des données
sur cet atome, mais étant donné cette structure, on saura expliquer pourquoi
l’argent est un conducteur, ce que la physique classique est incapable de faire.
Il ne faudrait pas conclure de cette discussion que la physique classique ne
peut plus être intéressante et novatrice. Bien au contraire, on a assisté au cours
de ces trente dernières années à un renouveau de la physique classique, avec
des idées nouvelles sur les systèmes dynamiques chaotiques, les instabilités,
les formations de structures hors équilibre, etc. Des problèmes aussi familiers
18. Cette affirmation mérite d’être un peu nuancée. Il existe de bons modèles microsco-
piques en physique classique : par exemple la théorie cinétique des gaz permet un calcul
fiable des coefficients de transport (viscosité, conductibilité thermique) d’un gaz. Mais ni
l’existence des molécules qui composent le gaz, ni la valeur de la section efficace nécessaire
au calcul ne peuvent s’expliquer par la physique classique.
19. Si l’on ajoute la vitesse de la lumière, on peut construire une échelle de longueur, le
rayon classique de l’électron
qe2 1
re = ≃ 2.8 × 10−15 m
4πε0 me c2
qui est trop petit par 4 ordres de grandeur par rapport aux dimensions atomiques. On
peut aussi invoquer l’invariance d’échelle des équations classiques : cf. Wichman [1974],
chapitre 1.
14 Physique quantique : Fondements
dE E exp(−βE)
∂
E = =− ln dE exp(−βE)
dE exp(−βE)
∂β
∂ 1 1
= − ln = = kB T (1.14)
∂β β β
L’énergie moyenne de chaque onde stationnaire est kB T . Comme le nombre
d’ondes stationnaires possibles est infini, l’énergie dans l’enceinte est infinie !
On relie facilement u(ω, T ) à la densité d’énergie ǫ(ω, T ) par unité de
fréquence dans l’enceinte (exercice 1.6.2)
c
u(ω, T ) = ǫ(ω, T ) (1.15)
4
et on est ramené au calcul de ǫ(ω, T ), dont on déduit la densité d’énergie
∞
ǫ(T ) = dω ǫ(ω, T ) (1.16)
0
ce qui est bien de la forme (1.17). On retrouve le fait que la densité d’énergie
dans l’enceinte est infinie
∞ ∞
ǫ(T ) = dω ǫ(ω, T ) = Ac−3 (kB T ) ω 2 dω = +∞
0 0
En = n(ω) n = 0, 1, 2, . . . (1.19)
Pour obtenir (1.20), on remarque que la sommation sur n est celle d’une
série géométrique. Posant x = exp(−βω), on calcule aisément la valeur
moyenne E de l’énergie d’un oscillateur
∞ ∞
d
n
E = (1 − x) (nω)xn = (1 − x)ωx x
n=0
dx n=0
d 1 ωx ω
= (1 − x)ωx = = (1.21)
dx 1 − x 1−x exp(βω) − 1
Cette formule permet de calculer la densité d’énergie (exercice 1.6.2)
ω3
ǫ(ω, T ) = (1.22)
π 2 c3 exp(βω) − 1
23. En réalité, Planck a appliqué son raisonnement à un “résonateur” dont la nature
reste obscure. Considérer les vibrations du champ électromagnétique est plus simple et plus
direct, c’est ce que fait Einstein en 1905, mais constitue une entorse à la vérité historique.
Notre présentation “historique”, tout comme celle de la plupart des manuels, tient plus du
conte de fées (Kragh [2000]) que de l’histoire réelle. De même, il ne semble pas que les
physiciens de la fin du dix-neuvième siècle aient été préoccupés par le problème de l’énergie
infinie, ou par l’absence d’une constante fondamentale.
24. Nous utiliserons systématiquement et non h, et par abus de langage nous appelle-
rons la constante de Planck ; la relation E = ω est bien sûr équivalente à E = hν, où
ν est la fréquence ordinaire, mesurée en Hz, et ω la fréquence angulaire, ou pulsation, me-
surée en rad.s−1 : ω = 2πν. Comme nous utiliserons pratiquement toujours ω et jamais ν,
par abus de langage nous appellerons ω la fréquence.
18 Physique quantique : Fondements
10−18
1 10 100
fréquence (Hz)
|V0 |
C A
− +
W/ |qe | ω
(a) (b)
Fig. 1.6 – L’expérience de Millikan. (a) Schéma de l’expérience. (b) |V0 | en fonction
de ω.
Ec = ω − W (1.23)
W
|V0 | = ω− (1.24)
|qe | |qe |
26. Encore une récriture de l’histoire ! Certains résultats qualitatifs sur l’effet photoélec-
trique avaient été obtenus par Lenard au début des années 1900, mais les mesures précises
de Millikan sont postérieures de 10 ans à l’hypothèse d’Einstein, qui semble avoir été mo-
tivé non par l’effet photoélectrique, mais par des arguments thermodynamiques : voir par
exemple Darrigol [2005].
27. Toutefois l’argument n’est pas entièrement convaincant, car l’effet photoélectrique
peut s’expliquer dans le cadre d’une théorie semi-classique, où le champ électromagnétique
n’est pas quantifié et où le concept de photon n’existe pas : cf. § 15.3.3. En revanche, on ne
peut pas expliquer l’effet photoélectrique sans introduire . Le fait qu’un photomultiplica-
teur, dont le fonctionnement repose sur l’effet photoélectrique, enregistre des coups isolés
peut être attribué au caractère quantique du détecteur et non à l’arrivée de photons isolés,
voir le § 17.3.3.
20 Physique quantique : Fondements
p = k
(1.25)
Cette équation se traduit aussi par une relation (cette fois scalaire) entre
l’impulsion et la longueur d’onde λ, la longueur d’onde de de Broglie
h
p= (1.26)
λ
L’hypothèse de de Broglie est que les relations (1.25) et (1.26) sont valables
pour toutes les particules. Selon cette hypothèse, une particule d’impulsion
p possède des propriétés ondulatoires caractéristiques d’une longueur d’onde
λ = h/p. Si v ≪ c, on utilisera p = mv , et sinon la formule générale (1.7),
sauf bien sûr pour m = 0, où p = E/c. Si cette hypothèse est correcte, on doit
pouvoir observer avec des particules des propriétés caractéristiques des ondes
comme les interférences et la diffraction.
0.5 m 5m D = 5m
0.5 m
x
banc optique tubes à vide
C
S2 S3 S5
S4
S1 écran
faisceau de prisme de quartz
neutrons
100 µ m
position de la fente S5
Fig. 1.8 – Diffraction de neutrons par une fente. D’après Zeilinger et al. [1988].
λD
i= = 80 µm
d
Les fentes sont visibles à l’oeil nu, et l’interfrange est macroscopique. À nou-
veau, un calcul théorique prenant en compte les divers paramètres de l’ex-
périence est en excellent accord avec la figure d’interférences expérimentale
(figure 1.9).
Il y a toutefois une différence cruciale par rapport à une expérience d’inter-
férences en optique : la figure d’interférences est construite à partir d’impacts
de neutrons isolés, et elle est reconstituée après coup lorsque l’expérience est
terminée. En effet, on déplace le compteur le long de l’écran (ou bien on dis-
pose une batterie de compteurs identiques recouvrant l’écran), et on enregistre
les neutrons arrivant au voisinage de chaque point de l’écran pendant des in-
tervalles de temps identiques. Soit N (x)∆x le nombre de neutrons détectés
par seconde dans l’intervalle [x − ∆x/2, x + ∆x/2], x étant l’abscisse d’un
point sur l’écran. L’intensité I(x) peut être définie comme étant égale à N (x)
et le nombre de neutrons arrivant au voisinage d’un point de l’écran est pro-
portionnel à l’intensité I(x) de la figure d’interférences, avec des fluctuations
statistiques autour d’une valeur moyenne. Les impacts isolés sont illustrés
sur la figure 1.10 par une expérience faite non avec des neutrons, mais des
atomes froids que l’on laisse tomber à travers des fentes d’Young : les impacts
1. Introduction 23
100 µ m
position de la fente S5
Fig. 1.9 – Expérience des fentes d’Young avec des neutrons. D’après Zeilinger
et al. [1988].
des atomes tombant sur l’écran sont enregistrés pour donner l’aspect de la
figure 1.10.
atomes
froids 3.5 cm
fentes
85 cm
écran de détection
1 cm
Fig. 1.10 – Interférences avec des atomes froids. D’après Shimizu et al. [1992].
I1 = ηI I2 = ηI I12 = η 2 I 2
29. Cependant, l’observation d’effets ondulatoires est de plus en plus difficile quand
les objets deviennent plus gros, d’abord parce que les longueurs d’onde sont de plus en
plus courtes, mais aussi parce que les effets de la décohérence (§ 11.4.2) sont de plus en
plus importants lorsque la taille de l’objet augmente : voir les articles de revue de Arndt
et al. [2005], de Hornberger et al. [2012] et le § 17.3.5.
1. Introduction 25
D1
LS
D2
et pi→f = |ai→f |2 . Il doit être bien entendu que les états i et f sont spécifiés
de façon unique par la donnée des paramètres qui définissent l’état initial et
l’état final de l’ensemble du dispositif expérimental. Si, par exemple, nous
recherchons une information sur le passage du neutron à travers une fente,
cette information ne peut être obtenue qu’en intégrant les fentes d’Young dans
un dispositif plus vaste, dont l’état final, qui dépendra d’autres paramètres
que le point d’impact du neutron, est susceptible de nous renseigner sur le
passage par une fente déterminée : l’état final de l’ensemble du dispositif ne
sera pas le même selon que le neutron est passé par une fente ou par l’autre.
Dans le langage du chapitre 11, le passage du neutron par une fente plutôt que
l’autre a laissé une trace dans l’environnement, ce qui conduit à la disparition
des interférences.
En résumé, on doit sommer les amplitudes pour des états finaux30 iden-
tiques, et les probabilités pour des états finaux différents, même si ces états
finaux concernent d’autres paramètres physiques que ceux auxquels on s’in-
téresse. Il suffit que ces paramètres soient accessibles en principe, même s’ils
ne sont pas effectivement observés, pour que l’on doive considérer des états
finaux comme différents. Nous illustrerons ce point au paragraphe suivant
sur un exemple concret. Une façon imagée d’exprimer les propriétés ci-dessus
consiste à dire que tous les chemins conduisant à des états finaux identiques
sont des chemins indiscernables, et que l’on doit sommer les amplitudes cor-
respondant à tous ces chemins.
∆px ∆x ∼ h (1.29)
Nous verrons au chapitre 8 une version plus précise de (1.29), où ∆pi ,
i = x, y, z et ∆xi , représenteront les écarts types, ou dispersions, sur des
composantes identiques (i) de l’impulsion et de la position.
1
∆pi ∆xi ≥ (1.30)
2
En revanche, aucune inégalité ne relie des composantes différentes de l’impul-
sion et de la position : par exemple ∆px et ∆y ne sont contraints par aucune
relation. On dit souvent, en interprétant l’expérience de diffraction, que le
passage du neutron dans une fente de largeur ∆x a permis de mesurer sa
position suivant x avec une précision ∆x, et que cette mesure a perturbé son
impulsion par une quantité ∆px ∼ h/∆x. Nous verrons au chapitre 4 que les
inégalités (1.30) n’ont en fait rien à voir avec une mesure expérimentale de la
position ou de l’impulsion, mais proviennent de la description mathématique
d’une particule quantique par un train d’ondes. Nous reviendrons également
sur la signification des ces relations.
Nous allons maintenant utiliser (1.29) pour discuter la question de l’ob-
servation des trajectoires dans l’expérience d’interférences avec des neutrons.
Einstein avait proposé le dispositif de la figure 1.12 pour déterminer la trajec-
toire du neutron : passe-t-il par la fente supérieure ou inférieure ? Quand le
neutron franchit la première fente F0 , il donne, par conservation de l’impul-
sion, une impulsion vers le bas à l’écran E0 s’il franchit la fente supérieure F1
et une impulsion vers le haut s’il franchit la fente inférieure F2 . On peut donc
déterminer par quelle fente est passé le neutron ! La réponse de Bohr fut la
suivante : si l’écran E0 reçoit une impulsion δpx que l’on peut mesurer, alors
cela veut dire que l’impulsion initiale ∆px de l’écran était très inférieure à
δpx , et sa position initiale déterminée au mieux avec une précision de l’ordre
de h/∆px . Cette imprécision dans la position de la source suffit à faire dis-
paraître la figure d’interférences (exercice 1.6.3). Tous les dispositifs imaginés
pour déterminer la trajectoire du neutron sont, soit efficaces, mais dans ce
cas il n’y a pas d’interférences, soit inefficaces, et dans ce cas les interférences
persistent, mais on ne sait pas par quelle fente est passé le neutron. La figure
d’interférences se brouille au fur et à mesure que le dispositif devient de plus
en plus efficace.
La discussion ci-dessus est en tout point correcte, mais elle masque le
point essentiel : ce n’est pas la perturbation causée à la trajectoire du neu-
1. Introduction 29
F1
F0
∆ px F2
D D
Fig. 1.12 – Une controverse Bohr-Einstein. Les fentes F1 et F2 sont les fentes
d’Young. La fente F0 est percée dans un écran mobile verticalement.
tron par le choc sur le premier écran qui brouille les interférences31 . Ce qui
est crucial est la possibilité d’étiqueter la trajectoire. On peut imaginer et
même réaliser expérimentalement des dispositifs qui étiquettent les trajec-
toires sans perturber en quoi que ce soit les degrés de liberté observés, et
cet étiquetage suffit à détruire les interférences. Nous allons décrire briè-
vement un tel dispositif, qui n’a pas encore été réalisé expérimentalement,
mais qui ne semble pas hors de portée de développements technologiques fu-
turs. Le dispositif proposé32 utilise des atomes, ce qui permet de jouer sur
leurs degrés de liberté internes sans affecter la trajectoire de leur centre de
masse. Avant leur passage à travers les fentes d’Young, les atomes sont por-
tés dans un état excité par un faisceau laser (figure 1.13). Derrière chacune
des fentes d’Young se trouve une cavité supraconductrice micro-onde, décrite
plus en détail au § 17.2.3. L’atome en passant dans la cavité revient à son état
31. La même remarque vaut pour le dispositif imaginé par Feynman pour une expérience
de fentes d’Young avec des électrons (Feynman et al. [1965], vol. III, chapitre 1). Une source
de photons placée derrière les fentes permet en théorie d’observer le passage des électrons.
Lorsque l’on utilise des photons de courte longueur d’onde, les collisions électron-photon
permettent de discriminer entre les fentes, mais les collisions perturbent suffisamment les
trajectoires pour brouiller les interférences. Si on augmente la longueur d’onde, les chocs
sont moins violents, mais le pouvoir de résolution des photons diminue. Les interférences
réapparaissent quand ce pouvoir de résolution ne permet plus de distinguer entre les fentes.
Voir le § 17.3.5 pour une variante de cette expérience qui a été effectivement réalisée.
32. Ce dispositif a été imaginé par Englert et al. [1991], et une version grand public en
est donnée dans Englert et al. [1995]. Les atomes sont supposés se trouver dans des états
de Rydberg (cf. exercice 15.4.4.). Une expérience voisine dans son principe, mais dont le
schéma est plus complexe, a été effectivement réalisée par Dürr et al. [1998].
30 Physique quantique : Fondements
cavité 1 ϕ1
cavité 2
faisceau ϕ2
onde laser
atomique
plane
avec franges
sans franges
Fig. 1.13 – Étiquetage des trajectoires dans l’expériences des fentes d’Young.
D’après Englert et al. [1991].
D2
M1 LS 2
D1
b c
MEO
a d
LS1
S
M2
c = ta + rb
d = ra + tb (1.31)
a1 = atr 1 + e iδ
a2 = a r2 + t2 e iδ
U (x )
x1 x2
x
E
U0
U (x )
U0
x1 x
33. Naturellement on peut envisager des situations plus complexes que celles de la figure
(par exemple des double-puits) ; nous nous contentons de décrire les cas les plus simples.
1. Introduction 35
E < U0 : c’est “l’effet tunnel”. Inversement, elle peut repartir en arrière même
si E > U0 , ce que l’on appelle réflexion quantique.
−
− −
− − −
− −
−
−
−
∼ 10 −14 m
∼ 10−−10 m ∼ 10−10
−
m
(a) (b)
Fig. 1.17 – Modèles d’atome : (a) Thomson : les électrons sont situés dans une
distribution de charge positive continue. (b) Rutherford : les électrons décrivent des
orbites autour du noyau.
Appliquons ces considérations de mécanique classique aux atomes : le pre-
mier modèle d’atome fut proposé par Thomson (figure 1.17a), qui le représen-
tait par une sphère uniformément chargée positivement, avec des électrons en
mouvement dans cette distribution de charge. Un résultat élémentaire d’élec-
tromagnétisme montre que les électrons se trouvent dans un potentiel har-
monique, et leur niveau d’énergie fondamental (stable) est celui où ils sont
immobiles au fond du puits de potentiel ; les états excités correspondent à des
vibrations autour de la position d’équilibre. Ce modèle fut éliminé34 par les ex-
périences de Geiger et Marsden, qui montrèrent que la diffusion de particules
α (noyaux d’4 He) par des atomes était incompatible avec ce modèle. Ruther-
ford déduisit de ces expériences l’existence du noyau atomique, de dimension
inférieure à 10 fm, et proposa le modèle planétaire de l’atome (figure 1.17b) :
les électrons tournent autour du noyau, tout comme les planètes tournent au-
tour du Soleil, l’attraction gravitationnelle étant remplacée par l’attraction
coulombienne. Ce modèle présente deux défauts majeurs, non indépendants :
aucune échelle ne fixe les dimensions de l’atome et l’atome est instable, car
les électrons sur orbite rayonnent et finissent par tomber sur le noyau. Dans
ce processus, un spectre continu de fréquences est émis. Au contraire, les ré-
sultats expérimentaux de la fin du XIXe siècle montraient que (figure 1.18) :
• les fréquences du rayonnement émis ou absorbé par un atome sont dis-
crètes, elles s’expriment en fonction de deux indices entiers n et m et
peuvent s’écrire comme des différences : ωnm = An − Am ;
En
Em
E0
(a) absorption (b) émission
seuls certains niveaux repérés par un indice discret peuvent exister : c’est la
quantification des niveaux d’énergie.
2πa = nλ n = 1, 2, . . . (1.39)
Intuitivement, ceci peut s’expliquer, car cette condition revient à exiger que
la phase de l’onde de de Broglie revienne à sa valeur initiale après un tour
complet, et on forme ainsi une onde stationnaire. On déduit de (1.39) et (1.26)
h nh
2πa = n =
p me v
me v 2 qe2 e2 ′ 2 e2
= = d où v =
a 4πε0 a2 a2 me a
1. Introduction 37
2
a0 = ≃ 0.53 Å (1.41)
me e 2
L’énergie du niveau étiqueté par n est
1 e2 e2 me e 4 R∞
En = me v 2 − =− =− 2 2 =− 2
2 a 2a 2n n
Les niveaux d’énergie En s’expriment en fonction de la constante de Rydberg35
R∞
me e 4
R∞ = ≃ 13.6 eV (1.42)
22
sous la forme
R∞
En = − 2 (1.43)
n
Cette formule donne le spectre (des niveaux d’énergie) de l’atome d’hydrogène.
Le niveau fondamental correspond à n = 1 et l’énergie d’ionisation de l’atome
d’hydrogène est R∞ . Les photons émis par l’atome d’hydrogène ont des
fréquences
1 1
ωnm = −R∞ − 2 n>m (1.44)
n2 m
en parfait accord avec les données spectroscopiques sur l’hydrogène. La sim-
plicité avec laquelle la théorie de Bohr permet de calculer le spectre de l’atome
d’hydrogène ne doit cependant pas masquer son caractère artificiel.
La généralisation par Sommerfeld de la théorie de Bohr consiste à postuler
la relation
pi dqi = nh (1.45)
où qi et pi sont les coordonnées et les moments conjugués au sens de la mé-
canique classique et n un entier ≥ 1. Cependant, on sait aujourd’hui que les
conditions (1.45) ne sont valables que pour certains systèmes très particuliers,
les systèmes intégrables (§ 12.4.4) et pour n grand, sauf exception. La théorie
de Bohr-Sommerfeld est incapable de décrire les atomes à plusieurs électrons,
ainsi que les états de diffusion. Le succès de la théorie de Bohr pour l’atome
d’hydrogène est un hasard heureux !
35. La raison pour l’indice ∞ est la suivante : la théorie exposée ici suppose le
proton infiniment lourd. Tenir compte de la masse finie mp du proton modifie R∞ en
R∞ (1/(1 + me /mp )) : cf. exercice 1.6.5.
38 Physique quantique : Fondements
2 c 1
a0 = 2
= 2 = ≃ 0.53 Å = 0.053 nm (1.47)
me e e me c α me c
Le Rydberg, unité naturelle d’énergie en physique atomique est relié à
me c2 par
2
1 me e 4 e2
1 1 2
R∞ = 2
= m e c2 = α me c2 ≃ 13.6 eV (1.48)
2 2 c 2
2 e2 a2 ω 4
2 aω 2
P = 3 e 2 a2 ω 4 = ∼ αω 2
(1.50)
3c 3 c c2 c
d’hydrogène dont l’énergie est ∼ 10 eV, nous avons vu que T ∼ 10−16 s ; pour
l’électron externe d’un alcalin avec une énergie ∼ 1 eV, nous avons plutôt
T ∼ 10−15 s, et l’ordre de grandeur typique de la vie moyenne d’un état excité
est ∼ 10−7 −10−9 s. Par exemple, le premier niveau excité du rubidium a une
vie moyenne de 2.7 × 10−8 s.
Les raisonnements utilisés dans cette section ont le mérite de la simplicité,
mais ils ne sont pas satisfaisants. Ils consistent à plaquer arbitrairement une
contrainte quantique sur un raisonnement classique, au moment où celui-ci
devient intenable, et le lecteur pourra estimer à juste titre qu’il n’est pas
convaincu par ce type de raisonnement. Il est donc indispensable de passer à
une théorie entièrement nouvelle, qui ne soit plus guidée par la physique clas-
sique, mais qui développe son propre cadre de façon autonome, sans référence
à la physique classique.
1.6 Exercices
1.6.1 Ordres de grandeur
1. On se propose d’explorer des distances de l’ordre de la taille d’un atome,
soit ∼ 1 Å (0.1 nm), avec des photons, des neutrons ou des électrons. Quel
sera en eV l’ordre de grandeur de l’énergie de ces particules ?
2. Lorsque la longueur d’onde λ d’une onde sonore est grande par rapport
au pas du réseau cristallin où se propage la vibration, la fréquence ω de cette
onde sonore est linéaire dans le vecteur d’onde k = 2π/λ : ω = cs k, où cs
est la vitesse du son. Dans le cas de l’acier, cs ≃ 5 × 103 m.s−1 . Quelle est
l’énergie ω d’une onde sonore pour k = 1 nm−1 ? La particule analogue du
photon pour les ondes sonores est appelée phonon, et ω est l’énergie d’un
phonon. Sachant qu’un phonon peut être créé par collision inélastique sur le
cristal, utiliseriez-vous des neutrons ou des photons pour étudier les phonons ?
3. Dans une expérience d’interférences avec des fullerènes C60 , qui sont
aujourd’hui les plus gros objets avec lesquels on a vérifé le comportement on-
dulatoire39 , la vitesse moyenne des molécules est de 220 m.s−1 . Quelle est leur
longueur d’onde de de Broglie ? Comment se compare-t-elle aux dimensions
de la molécule ?
4. Une molécule diatomique est formée de deux atomes de masse M1 et
M2 ; elle a la forme d’une haltère. Les deux noyaux atomiques sont distants de
r0 = ba0 , où a0 est le rayon de Bohr (1.41) et b un coefficient numérique ∼ 1.
On suppose que la molécule tourne autour de son centre d’inertie suivant un
axe perpendiculaire à la droite joignant les noyaux, appelée droite des noyaux.
Montrer que son moment d’inertie est I = µr02 où µ = M1 M2 /(M1 +M2 ) est la
masse réduite. On suppose que son moment angulaire est . Quelle est alors
la vitesse angulaire de rotation et quelle est l’énergie εrot correspondante ?
Montrer que cette énergie est proportionnelle à (me /µ)R∞ où me est la masse
de l’électron et R∞ = me e4 /(22 ) = e2 /(2a0 ).
5. La molécule peut aussi vibrer le long de la droite des noyaux autour de
sa position d’équilibre r = r0 , la force de rappel étant de la forme −K(r − r0 ),
avec Kr02 = cR∞ où c est un coefficient numérique ∼ 1. Quelles sont la
fréquence de vibration ωv et l’énergie
ωv correspondante ? Montrer que cette
énergie est proportionnelle à me /µ R∞ . Exemple : la molécule de HCl35 , où
les valeurs expérimentales sont r0 = 1.27 Å (0.127 nm), εrot = 1.3 × 10−3 eV,
ωv = 0.36 eV. Calculer les valeurs numériques de b et c. Quelle serait la
longueur d’onde d’un photon ayant l’énergie εrot , ωv ? Dans quels domaines
se trouvent ces longueurs d’onde ?
6. L’absence d’une théorie quantique de la gravitation oblige à limiter
toute théorie à des énergies plus petites que EP , l’énergie de Planck. Par un
argument dimensionnel, construire EP en fonction de la constante de gravi-
tation G (1.5), et c et donner sa valeur numérique. Quelle est la longueur
correspondante, ou longueur de Planck lP ?
p2
1 2π
dxdp δ E − − mω 2 x2 f (E) = f (E)
2m 2 ω
et en déduire (1.15).
3. Montrer par analyse dimensionnelle qu’en physique classique on doit
avoir pour la densité d’énergie du corps noir
∞
ǫ(T ) = A(kB T )c−3 ω 2 dω
0
Les neutrons interagissent avec les noyaux des atomes41 par une interaction de
type nucléaire. On appelle f (θ) l’amplitude de probabilité pour qu’un neutron
d’impulsion k soit diffusé dans la direction k̂ ′ par un atome situé à l’origine
des coordonnées, θ étant l’angle entre k̂ et k̂ ′ . Comme l’énergie des neutrons
est très faible, ∼ 0.01 eV, f (θ) est indépendant de θ (§ 13.2.4) : f (θ) = f . La
collision entre le neutron et le noyau atomique est élastique et l’état du cristal
est inchangé dans la collision : il est impossible de savoir quel atome a diffusé
un neutron.
40. On peut aussi envisager une diffusion 3D par un cristal 2D : cf. Wichman [1974],
chapitre 5, ce qui donne un modèle pour la diffraction par la surface d’un cristal.
41. Il existe aussi une interaction entre le moment magnétique du neutron et le magné-
tisme de l’atome, qui joue un rôle très important pour l’étude du magnétisme, mais qui ne
nous concerne pas dans ce problème.
1. Introduction 43
b k
a
B
k k
O x
1. Montrer que l’amplitude de diffusion par un atome situé au point ri est
′
fi = f ei(k−k )·ri = f e−iq·ri
q = k ′ − k.
avec
2. Montrer que l’amplitude de diffusion ftot par le cristal est de la forme
ftot = f F (aqx , bqy )
pourra être satisfaite que si l’angle d’incidence prend des valeurs particulières,
appelées angles de Bragg θB . Une étude simple est possible si nx = 0. Montrer
que, dans ce cas, un angle d’incidence θB donne lieu à diffraction pour
πn
sin θB = , n = 1, 2, · · ·
bk
42. Un exemple du phénomène décrit dans cette question est donné par le bronze, pour
une proportion de 50 % de cuivre et de 50 % de zinc.
1. Introduction 45
D
II II
D2
C
S B
A B
D1
I I
B
p2 = B − A cos δ
t = |t|e iα r = |r|e iβ
montrer que
π
α−β = ± nπ n = 0, 1, 2, . . .
2
3. On tient compte de la gravité : comment varie en fonction de l’altitude
z le vecteur d’onde k = 2π/λ d’un neutron lorsqu’il est placé dans un champ
de pesanteur, l’accélération de la pesanteur étant g ? Comparer les valeurs nu-
mériques de l’énergie cinétique du neutron et de son énergie gravitationnelle43
mn gz (mn est la masse du neutron) et en déduire une approximation pour k.
Le plan ABDC étant initialement horizontal, on fait tourner autour de AB
ce plan qui devient vertical. Montrer que cette rotation induit une différence
de phase entre les deux trajets
43. L’énergie étant définie à une constante additive près, on fixe par convention le zéro
d’énergie de la façon suivante : un neutron de vitesse nulle et d’altitude z = 0 a une énergie
nulle.
1. Introduction 47
de diffusion d’un neutron par le cristal dans la configuration {αi } est (cf.
l’exercice 1.6.4)
N
ftot = (αi f1 + (1 − αi )f2 ) e iq·ri
i=1
où f1 (f2 ) est l’amplitude de diffusion d’un neutron par un noyau de type 1 (2).
1. On note • la moyenne sur toutes les configurations possibles du cristal,
en supposant que les occupations des sites sont ne sont pas corrélées (par
exemple l’occupation d’un site par un noyau de type 1 ne doit pas augmenter
la probabilité qu’un site plus proche voisin soit aussi occupé par un noyau de
type 1). Démontrer les identités
Le premier terme décrit la diffusion cohérente et donne lieu à des pics de dif-
fraction. Le deuxième est proportionnel au nombre de sites et est indépendant
des angles : ce terme correspond à la diffusion incohérente.
1.7 Bibliographie
On trouve une introduction élémentaire à la physique quantique dans
Scarani [2003], Le Bellac [2010] ou dans Hey et Walters [2003]. Il est également
recommandé de lire les chapitres introductifs 1 à 3 de Feynman et al. [1965],
volume III, 1 à 5 de Wichman [1974] ainsi que les chapitres 1 à 3 de Lévy-
Leblond et Balibar [1984]. Pour une introduction pédagogique et actualisée à
la physique des particules élémentaires, voir Perkins [2000] ou Tully [2011] ;
voir aussi l’article grand public Jacob [2002]. On trouvera une étude détaillée
du rayonnement du corps noir, par exemple, dans Diu et al. [1990], chapitre 4
ou Le Bellac et al. [2004], chapitre 5. Les expériences d’interférences et de
diffraction de neutrons froids ont été réalisées par Zeilinger et al. [1988], et les
expériences d’interférences avec des atomes froids par Shimizu et al. [1992].
Pour la diffraction des neutrons par un cristal, on pourra se reporter à
Kittel [1970], chapitre 2. Un exposé détaillé sur l’interférométrie neutronique
se trouve dans le livre de Rauch et Werner [2000].
Chapitre 2
Mathématiques de la mécanique
quantique I : dimension finie
ce qui implique que ϕ|ϕ est un nombre réel. De (2.1) et (2.2), on déduit que
le produit scalaire χ|ϕ est antilinéaire par rapport à |χ
1. Il pourra nous arriver d’utiliser la notation des mathématiciens (χ, ϕ) ≡ χ|ϕ pour
le produit scalaire. Toutefois, il faut prendre garde au fait que pour les mathématiciens le
produit scalaire (χ, ϕ) est linéaire par rapport à χ !
2. Mathématiques de la mécanique quantique I : dimension finie 51
L’égalité est vraie si et seulement si |ϕ et |χ sont proportionnels : |χ = λ|ϕ.
Démonstration2 . Le théorème est vérifié si χ|ϕ = 0, nous pouvons donc
supposer que χ|ϕ
= 0 ⇒ |ϕ
= 0 et |χ
= 0. D’après la propriété (2.9) de la
norme
Choisissant
||ϕ||2 ||ϕ||2
λ= λ∗ =
ϕ|χ χ|ϕ
on obtient
||ϕ||4 ||χ||2
||ϕ||2 − 2||ϕ||2 + ≥0
|χ|ϕ|2
d’où (2.10) suit immédiatement. L’égalité ne peut avoir lieu d’après (2.4) que
si |ϕ = λ|χ et réciproquement.
Dans une base déterminée, cet opérateur est représenté par une matrice3
d’éléments Amn . En effet grâce à la linéarité et en utilisant la décomposition
(2.6)
N
|Aϕ = cn |An
n=1
tandis que
U ϕ|U χ = ϕ|χ ⇒ U † U = I
2. Mathématiques de la mécanique quantique I : dimension finie 53
et l’ensemble des vecteurs {|n′ } forme une base orthonormée. Il faut prendre
garde au fait que les composantes cn d’un vecteur se transforment à l’aide de
U † (ou U −1 )
N
c′n ′ †
= n |ϕ = U n|ϕ = n|U ϕ = †
Unm cm (2.17)
m=1
Notation de Dirac. Au lieu d’écrire |Aϕ, nous écrirons désormais A|ϕ suivant
une notation introduite par Dirac4 . Le produit scalaire χ|Aϕ s’écrira en
notation de Dirac χ|A|ϕ. Les vecteurs |ϕ de H sont appelés “kets”, et les
vecteurs χ| de l’espace dual “bras”. Le bra associé au ket |λϕ est λ∗ ϕ| ; en
effet
λϕ|χ = λ∗ ϕ|χ
Dans χ|A|ϕ, A agit à droite sur |ϕ : χ|A|ϕ = χ|(A|ϕ), et non Aχ|ϕ.
Comme (A|ϕ)† = ϕ|A† , il n’y a pas d’ambiguïté si A est hermitien. La
notation de Dirac permet d’écrire très simplement les projecteurs. Soit |ϕ un
vecteur normalisé à l’unité : ϕ|ϕ = 1. La décomposition de |χ suivant |ϕ
et un vecteur |χ⊥ orthogonal à |ϕ est
|χ = |ϕϕ|χ + (|χ − |ϕϕ|χ) = |ϕϕ|χ + |χ⊥ = Pϕ |χ + |χ⊥
On peut donc écrire5 :
Pϕ = |ϕϕ| (2.20)
4. Cette notation est commode et très largement utilisée, mais elle n’est pas exempte
d’ambiguïtés. Elle est par exemple à éviter lorsque l’on traite du renversement du sens du
temps, appendice A2.
5. Si ||ϕ||2 = 1, alors Pϕ = |ϕϕ|/||ϕ||2 .
2. Mathématiques de la mécanique quantique I : dimension finie 55
N
I= |nn| (2.22)
n=1
Cette relation est appelée relation de fermeture. Elle est souvent très commode
dans les calculs. Par exemple, elle redonne simplement la loi de multiplication
des matrices
N
N
(AB)nm = n|AB|m = n|AIB|m = n|A|ll|B|m = Anl Blm
l=1 l=1
Donnons enfin une définition importante. La trace d’un opérateur est la somme
de ses éléments diagonaux
N
Tr A = Ann (2.23)
n=1
Il est facile de montrer (exercice 2.4.2) que la trace est invariante dans un
changement de base et que
Tr AB = Tr BA (2.24)
Les vecteurs propres et valeurs propres des opérateurs hermitiens ont des
propriétés remarquables.
Théorème. Les valeurs propres d’un opérateur hermitien sont réelles et
les vecteurs propres correspondant à deux valeurs propres différentes sont
orthogonaux.
La démonstration est simple : il suffit de considérer le produit scalaire
ϕ|A|ϕ, où |ϕ vérifie (2.25)
d’où χ|ϕ = 0 si a
= b. Une conséquence immédiate de ce résultat est que les
vecteurs propres d’un opérateur hermitien normalisés à l’unité forment une
base orthonormée de H si les valeurs propres sont toutes distinctes, c’est-à-
dire si les racines de l’équation (2.26) sont toutes distinctes. Cependant, il
peut arriver que l’une (ou plusieurs) des racines de (2.26) soit racine multiple.
Soit an une telle racine : la valeur propre an est alors dite dégénérée. Même
dans ce cas, il est possible de former avec les vecteurs propres de A une
base orthonormée de H. En effet, on dispose du théorème suivant, que nous
énonçons sans démonstration.
Théorème. Si un opérateur A est hermitien, il est toujours possible de trouver
une matrice unitaire U (non unique) telle que U −1 AU soit une matrice dia-
gonale, dont les éléments diagonaux sont les valeurs propres qui apparaissent
sur la diagonale un nombre de fois égal à leur dégénérescence
a1 0 0 ... 0
⎛ ⎞
..
.
⎜ ⎟
⎜ 0 a2 0 ... ⎟
..
⎜ ⎟
U −1 AU = ⎜ ⎟ (2.27)
⎜ ⎟
0 0 a3 0 .
.. .. .. ..
⎜ ⎟
. .
⎜ ⎟
⎝ . . 0 ⎠
0 ... ... 0 aN
Soit an une valeur propre dégénérée, et soit G(n) sa multiplicité dans (2.26) ;
on dit aussi que an est G(n) fois dégénérée. Il existe alors G(n) vecteurs
propres indépendants correspondant à cette valeur propre. Ces G(n) vecteurs
propres sous-tendent un sous-espace vectoriel de dimension G(n), appelé sous-
espace de la valeur propre an , où l’on peut trouver une base orthonormée (non
unique) |n, r, r = 1, . . . , G(n)
G(n)
Pn = |n, rn, r| = I (2.30)
n n r=1
G(n)
A= an P n = |n, ran n, r| (2.31)
n n r=1
√ √
correspondant aux valeurs propres a + b2 + c2 et a − b2 + c2 , respective-
ment. On retrouve le cas précédent si c = 0, ce qui correspond à θ = ±π/2.
[A, B] = AB − BA (2.36)
ce qui veut dire que dans la base |n, r la matrice représentative de B est
diagonale par blocs ⎛ (1) ⎞
B 0 0
B=⎝ 0 B (2) 0 ⎠
0 0 B (3)
et comme les vecteurs |(n, p)r forment une base, [A, B] = 0. Si [A, B] = 0, il
est possible que la donnée des valeurs propres an et bp suffise à spécifier les
vecteurs de base de façon unique, à une constante multiplicative de module
un près ; il existe un vecteur |(n, p) et un seul tel que
A|(n, p) = an |(n, p) B|(n, p) = bp |(n, p) (2.37)
On dira alors que A et B forment un ensemble complet d’opérateurs compa-
tibles. S’il y a encore indétermination, c’est-à-dire s’il existe plusieurs vecteurs
linéairement indépendants satisfaisant (2.37), il pourra arriver que la donnée
des valeurs propres d’un troisième opérateur C commutant avec A et B lève
l’indétermination. Un ensemble d’opérateurs hermitiens A1 , . . . , AM commu-
tant deux à deux et dont les valeurs propres définissent sans ambiguïté les
vecteurs d’une base de H est appelé ensemble complet d’opérateurs compa-
tibles (ou ensemble complet d’opérateurs qui commutent).
exp A exp B
= exp B exp A
une condition suffisante (mais non nécessaire !) pour l’égalité étant que A et
B commutent (exercice 3.3.6).
62 Physique quantique : Fondements
6. Cette section peut être omise en première lecture. Elle sera indispensable pour aborder
le chapitre 11.
2. Mathématiques de la mécanique quantique I : dimension finie 63
dA dB
L’espace HA ⊗ HB sera défini comme un espace à dA dB dimensions où les
couples {|i, |m}, notés |i ⊗ m, ou |i ⊗ |m, forment une base orthonormée
et le produit tensoriel des vecteurs |ϕ et |χ, noté |ϕ ⊗ χ, ou |ϕ ⊗ |χ, est
le vecteur de composantes ci dm dans cette base
|ϕ ⊗ χ = ci dm |i ⊗ m (2.49)
i,m
Par ailleurs, on peut écrire la décomposition de |ϕ et |χ dans les bases
respectives |k̃ et |p̃
dA dB
d˜p |p̃
|ϕ = c̃k |k̃ |χ =
k=1 p=1
k,p
qui seront notés génériquement |ε, ε = ±1. Suivant (2.49), les états de HA ⊗
HB se décomposent sur la base orthonormée εA ⊗ εB
1
|Φ = √ | + ⊗− − | − ⊗+
2
1
|Φ = √ | + − − | − + (2.63)
2
√
Cet état est manifestement intriqué car α = δ = 0 et β = γ = 1/ 2 :
αδ
= βγ. Il possède des propriétés de symétrie tout à fait remarquables :
exercice 2.5.13.
66 Physique quantique : Fondements
2.5 Exercices
2.5.1 Produit scalaire et norme
1. Soit une norme ||ϕ|| dérivant d’un produit scalaire : ||ϕ||2 = (ϕ, ϕ).
Montrer que cette norme vérifie l’inégalité triangulaire
ainsi que
||χ|| − ||ϕ|| ≤ ||χ + ϕ||
2. Vérifier également
1
||χ + ϕ||2 − ||χ − ϕ||2
(ϕ, χ) = (χ, ϕ) =
4
définit un produit scalaire. Ce produit scalaire doit vérifier
1
||χ + ϕ||2 − ||χ − ϕ||2 − i ||χ + iϕ||2 − ||χ − iϕ||2
(χ, ϕ) =
4
Tr AB = Tr BA (2.65)
dA(t)
= A(t) B
dt
dA(t)
= BA(t) ?
dt
2. Montrer que
En déduire
det eA = eTr A
ou de façon équivalente
det B = eTr ln B (2.67)
Suggestion : obtenir une équation différentielle pour la fonction g(t) =
det[exp(At)]. Les résultats sont évidents si A est diagonalisable.
2
= −1
PV Cij (V · ui )uj (2.68)
i,j=1
où la matrice 2 × 2 Cij = ui · uj .
2. Généralisation : soit p vecteurs linéairement indépendants u1 , . . . , up
dans RN , p < N . Écrire le projecteur sur l’espace vectoriel engendré par ces
p vecteurs.
Ω† Ω = P
Ω|ϕ = 0 ⇐⇒ P|ϕ = 0
vaut
(2π)N/2 1
I(b) = √ exp bj A−1
jk b k (2.69)
det A 2
jk
Suggestion : écrire
xj Ajk xk = xT Ax = x|A|x
jk
La transformation d’un vecteur |ϕ s’écrit : |ϕ → |ϕ′ = A|ϕ. Les transfor-
més de |+ et |− sont
2.6 Bibliographie
Le résultats sur les espaces vectoriels de dimension finie et les opérateurs se
trouvent dans tout cours d’algèbre linéaire niveau première année de licence.
Comme complément, on pourra consulter Isham [1995], chapitres 2 et 3 ou
Nielsen et Chuang [2001], chapitre 2, où l’on trouvera une démonstration
élégante du théorème de décomposition spectrale d’un opérateur hermitien.
2. Mathématiques de la mécanique quantique I : dimension finie 71
Le produit tensoriel est traité dans Messiah [1959], chapitres VII et VIII
ou Cohen-Tannoudji et al. [1973], compléments EIII et EIV . Deux références
plus récentes sont Isham [1995], chapitre 6 ou Basdevant et Dalibard [2001],
annexe D.
Chapitre 3
x
Ex
θ analyseur
Ey
y x
α
polariseur
z
y
Nous n’avons pas explicité la dépendance en z car nous nous plaçons dans un
plan z =cste. Par un changement d’origine des temps, il est toujours possible
de choisir δx = 0, δy = δ. L’intensité I de l’onde lumineuse est proportionnelle
au carré du champ électrique
2 2
I = Ix + Iy = k(E0x + E0y ) = kE02 (3.2)
axe optique
x
θ
Dx
E
Dx
z
Dy
O
y lame Dy
biréfringente
(a) (b)
Fig. 3.2 – Décomposition de la polarisation par une lame biréfringente. (a) Le rayon
ordinaire O est polarisé horizontalement, perpendiculairement au plan de la figure,
le rayon extraordinaire E est polarisé verticalement, dans le plan de la figure. (b)
Un prisme polarisant (ou de Wollaston) divise un faisceau incident en deux sous-
faisceaux, l’un polarisé dans le plan de la figure (détecteur Dx ) et l’autre polarisé
perpendiculairement au plan de la figure (détecteur Dy ).
axes
optiques
x x
θ
E
α
z
O
y y
p ola r iseu r a n a lyseu r
la différence de phase entre les deux ondes induite par la différence entre les
indices ordinaire et extraordinaire dans les lames biréfringentes ; une façon
de compenser cette différence d’indices est décrite dans l’exercice 3.3.5, mais
elle conduirait à des complications dans la discussion qui va suivre. Si l’on
néglige cette différence d’indices, l’onde lumineuse à la sortie de la seconde
lame biréfringente est polarisée suivant n̂θ : la recombinaison des deux fais-
ceaux x et y donne la lumière initiale, polarisée suivant la direction n̂θ , et
l’intensité à la sortie de l’analyseur est réduite comme précédemment par le
facteur cos2 (θ − α).
Si nous nous limitons à des états de polarisation linéaire, nous pouvons
décrire tout état de polarisation comme un vecteur unitaire réel du plan xOy,
dont une base orthonormée possible est formée des vecteurs |x et |y. Mais si
3. Polarisation : photon et spin 1/2 77
Nous avons déjà remarqué qu’en raison de l’arbitraire sur l’origine des temps,
seule la phase relative δ = (δy − δx ) est physiquement pertinente et on peut
multiplier simultanément Ex et Ey par un facteur de phase commun exp(iβ)
sans conséquence physique. Il est toujours possible de choisir par exemple
δx = 0. L’intensité lumineuse est donnée par (3.2)
2 = kE02
I = k(|Ex |2 + |Ey |2 ) = k|E| (3.8)
2. Voir la figure 9.8. Notre définition des polarisations circulaires droite et gauche est
celle adoptée en physique des particules élémentaires. Avec cette définition, la polarisation
circulaire droite (gauche) correspond à une hélicité positive (négative), c’est-à-dire à une
projection + (−) du spin du photon sur sa direction de propagation. Cependant, cette
définition n’est pas universelle : les opticiens utilisent souvent la définition opposée, mais
comme le remarque un opticien (E. Hecht [1987], chapitre 8) à propos de leur choix :
“This choice of terminology is admittedly a bit awkward. Yet its use in optics is fairly
common, even though it is completely antithetic to the more reasonable convention adopted
in elementary particle physics.”
78 Physique quantique : Fondements
sens trigonométrique
E0 E0
Ex (t) = Re √ e −iωt = √ cos ωt
2 2
E0 −iωt −iπ/2 E0 E0
Ey (t) = Re √ e e = √ cos(ωt + π/2) = − √ sin ωt (3.10)
2 2 2
Ces états de polarisation circulaire droite et gauche sont obtenus expérimen-
talement en partant d’une polarisation linéaire à 45o par rapport aux axes et
en déphasant de ±π/2 le champ suivant Ox ou Oy par une lame quart d’onde.
En notation complexe, les champs Ex et Ey s’écrivent
1 1 ±i
Ex = √ E0 Ey = √ E0 e±iπ/2 = √ E0
2 2 2
où le signe (+) correspond à la polarisation circulaire droite et le signe (−) à
la polarisation circulaire gauche. Le facteur de proportionnalité E0 commun
à Ex et Ey définit l’intensité de l’onde lumineuse et ne joue aucun rôle dans la
description de la polarisation, qui est caractérisée par les vecteurs unitaires
1 1
|D = − √ (|x + i|y) |G = √ (|x − i|y) (3.11)
2 2
Le signe (−) global dans la définition de |D a été introduit par souci de
cohérence avec les conventions du chapitre 9. L’équation (3.11) montre que
la description mathématique de la polarisation nous amène naturellement à
utiliser les vecteurs unitaires d’un espace vectoriel complexe bidimensionnel
H dont les vecteurs |x et |y forment une base orthonormée possible.
Nous avons établi précédemment une correspondance entre une polarisa-
tion linéaire orientée suivant n̂θ et un vecteur unitaire |θ de H, ainsi qu’une
correspondance entre les deux polarisations circulaires et les deux vecteurs
(3.11) de H. Nous allons généraliser cette correspondance en construisant la
polarisation correspondant au vecteur unitaire |Φ de H le plus général3
|Φ = λ|x + µ|y |λ|2 + |µ|2 = 1 (3.12)
Il est toujours possible de choisir λ réel (on vérifiera dans l’exercice 3.3.1 que
la physique n’est pas modifiée si λ est complexe). Les nombres λ et µ peuvent
alors être paramétrés par deux angles θ et η
λ = cos θ µ = sin θ eiη
Réalisons le dispositif suivant à l’aide de deux lames biréfringentes et d’un
polariseur linéaire, sur lequel arrive une onde électromagnétique (3.7) : ce
dispositif sera appelé polariseur (λ, µ).
3. Nous utilisons des lettres majuscules |Φ ou |Ψ pour des vecteurs génériques de H de
la forme (3.12) ou (3.16), afin qu’il n’y ait pas de confusion possible avec un angle, comme
dans |θ ou |α.
3. Polarisation : photon et spin 1/2 79
(2) (2)
• La seconde lame biréfringente laisse Ex inchangé et déphase Ey de η
L’opération (3.13) n’est autre que la projection sur |Φ : en effet, si nous
choisissons de représenter les vecteurs |x et |y par des vecteurs colonnes
1 0
|x = |y = (3.14)
0 1
le projecteur PΦ
|λ|2 λµ∗
PΦ = (3.15)
λ∗ µ |µ|2
où
Ex Ey
ν= σ=
E0 E0
80 Physique quantique : Fondements
Le vecteur unitaire |Ψ qui décrit la polarisation de l’onde (3.7) est appelé
vecteur de Jones. D’après (3.13) et (3.15), le champ électrique sera à la sortie
du polariseur (λ, µ)
• que seul un des deux photodétecteurs est déclenché par un photon inci-
dent sur la lame. Comme les neutrons du chapitre 1, les photons arrivent
entiers, ils ne se divisent jamais !
• que la probabilité px (py ) de déclenchement de Dx (Dy ) par un photon
incident sur la lame est px = cos2 θ (py = sin2 θ).
On doit nécessairement observer ce résultat si l’on veut retrouver l’optique
classique à la limite où le nombre N de photons est grand4 : en effet, si Nx et
Ny sont les nombres de photons détectés par Dx et Dy , on doit avoir
Nx Ny
px = lim py = lim
N →∞ N N →∞ N
et Ix ∝ Nx = N cos2 θ, Iy ∝ Ny = N sin2 θ à la limite où N → ∞. Cependant,
le sort individuel d’un photon ne peut pas être prédit : on connaît seulement
sa probabilité de détection par Dx ou Dy . En physique quantique, les probabi-
lités sont associées à des systèmes quantiques individuels alors qu’en physique
classique les probabilités sont associées à des ensembles, et le recours aux pro-
babilités est une façon de prendre en compte la complexité de phénomènes
que nous ne pouvons pas (ou ne voulons pas) connaître dans le détail. Par
exemple, dans le jeu de pile ou face, la connaissance parfaite des conditions
initiales du lancer de la pièce, la prise en compte de la résistance de l’air, de
la configuration du sol d’arrivée, etc. permettraient en théorie de prévoir le
résultat. Quelques physiciens (dont de Broglie, Bohm, etc.) ont proposé que le
caractère probabiliste de la mécanique quantique avait une origine analogue :
si nous avions accès à des variables additionnelles pour le moment inconnues,
alors nous pourrions prédire avec certitude le sort individuel de chaque photon.
Cette hypothèse de variables additionnelles est utile lorsque l’on examine des
fondements de la physique quantique. Toutefois, nous verrons au chapitre 11
que, à moins de supposer des interactions à distance instantanées, de telles
variables sont exclues par l’expérience. En résumé, la connaissance de l’état
de polarisation d’un photon permet de déterminer la probabilité qu’il soit
transmis par un analyseur : cette probabilité est attachée individuellement à
chaque photon, mais pour vérifier cette loi de probabilité, il faut effectuer un
grand nombre d’expériences sur des photons tous dans le même état. En théo-
rie classique des probabilités, chaque individu de l’ensemble est dans un état
où tous ses paramètres sont déterminés, même s’ils nous sont inconnus, mais
ce n’est pas le cas en physique quantique. Nous aurons l’occasion de revenir
sur cette question au chapitre 11.
Cependant, la seule donnée de probabilités ne fournit qu’une description
très incomplète de la polarisation d’un photon. Une description complète re-
quiert l’introduction d’amplitudes de probabilité, et non simplement de proba-
bilités. Les amplitudes de probabilité, notées a (nous soulignons la différence
4. Cet énoncé est correct, mais nous passons pour le moment sous silence des problèmes
qui seront examinés dans les sections 17.2 et 17.4 : certains effets physiques sont différents,
selon que l’on a affaire à N photons isolés arrivant un par un, à un état cohérent contenant
une moyenne de N photons ou à un état de Fock à N photons.
82 Physique quantique : Fondements
Ces relations sont satisfaites si |x et |y forment une base orthonormée de H
et si nous identifions les amplitudes de probabilité aux produits scalaires
L’état de polarisation le plus général sera décrit par un vecteur unitaire, appelé
vecteur d’état
|Φ = λ|x + µ|y |λ|2 + |µ|2 = 1
Comme dans le cas ondulatoire, les vecteurs |Φ et exp(iβ)|Φ représentent le
même état physique : un état physique est représenté par un vecteur à une
phase près dans l’espace des états. L’amplitude de probabilité pour trouver un
état de polarisation |Ψ dans |Φ sera donnée par le produit scalaire Φ|Ψ,
et la projection sur un état de polarisation déterminé sera réalisée par le
84 Physique quantique : Fondements
ont été préparés dans l’état |x. L’observation d’un seul photon ne permet
évidemment pas d’arriver à cette conclusion, sauf si on connaît par avance la
base dans laquelle il a été préparé. Le second point est que si les photons sont
transmis avec une probabilité cos2 θ, on ne pourra pas en déduire qu’ils ont
été préparés dans l’état de polarisation linéaire (3.23). En effet, on observera
la même probabilité de transmission si les photons ont été préparés dans l’état
de polarisation elliptique (3.12), avec
et il faut effectuer une autre série d’expériences avec une orientation différente
de l’analyseur pour mesurer les phases (exercice 3.3.1). Seul un test dont les
résultats ont une probabilité 0 ou 1 permet de déterminer sans ambiguïté
l’état de polarisation des photons.
Dans la représentation (3.14) des vecteurs de base de H, les projecteurs
Px et Py sur les états |x et |y sont représentés par les matrices
1 0 0 0
Px = Py =
0 0 0 1
cos2 θ sin2 θ
sin θ cos θ − sin θ cos θ
Pθ = P θ⊥ =
sin θ cos θ sin2 θ − sin θ cos θ cos2 θ
Ils commutent entre eux, mais ne commutent ni avec Px , ni avec Py : Px
et Pθ par exemple sont incompatibles. La commutation (ou la non commu-
tation) d’opérateurs traduit mathématiquement la compatibilité (ou la non
compatibilité) de propriétés physiques.
Un autre choix de base consiste à utiliser les états de polarisation circulaire
droite |D et gauche |G (3.11). La base {|D, |G} est incompatible avec toute
base formée avec des états de polarisation linéaire (et même complémentaire
de ces bases). Les projecteurs PD et PG sur les états de polarisation circulaire
sont
1 1 −i 1 1 i
PD = PG = (3.25)
2 i 1 2 −i 1
Avec PD et PG on forme l’opérateur hermitique remarquable Σz
0 −i
Σz = P D − P G = (3.26)
i 0
Cet opérateur a pour vecteurs propres les états |D et |G dont les valeurs
propres respectives sont +1 et −1
Ève) disposant d’un ordinateur suffisamment puissant finira par casser le code,
mais on peut en général se contenter de conserver secret le contenu du message
pendant un temps limité. Cependant, on ne peut pas exclure que l’on dispose
un jour d’algorithmes très performants pour décomposer un nombre en fac-
teurs premiers, et de plus, si des ordinateurs quantiques (§ 11.5.2) voient le
jour, les limites de la factorisation seront repoussées très loin. Heureusement,
la mécanique quantique vient à point nommé pour contrecarrer les efforts des
espions !
“Cryptographie quantique” est une expression médiatique, mais quelque
peu trompeuse : en effet, il ne s’agit pas de chiffrer un message à l’aide de la
physique quantique, mais d’utiliser celle-ci pour s’assurer que la transmission
d’une clé n’a pas été espionnée. Une expression plus correcte est “distribution
quantique de clé” (QKD, Quantum Key Distribution). La transmission d’un
message, chiffré ou non, peut se faire en utilisant les deux états de polarisa-
tion linéaire orthogonaux d’un photon, par exemple |x et |y. On peut décider
d’attribuer par convention la valeur 1 à la polarisation |x et la valeur 0 à la
polarisation |y : chaque photon transporte donc un bit d’information. Tout
message, chiffré ou non, peut être écrit en langage binaire, comme une suite
de 0 et de 1, et le message 1001110 sera codé par Alice grâce à la séquence de
photons xyyxxxy, qu’elle expédiera à Bob par exemple par une fibre optique.
À l’aide d’un prisme polarisant, Bob sépare les photons de polarisation verti-
cale et horizontale comme dans la figure 3.2, et deux détecteurs placés derrière
le prisme lui permettent de décider si le photon était polarisé horizontalement
ou verticalement : il peut donc reconstituer le message. S’il s’agissait d’un
message ordinaire, il y aurait bien sûr des façons bien plus simples et efficaces
de le transmettre ! Remarquons simplement que si Ève s’installe sur la fibre en
connaissant la base utilisée par Alice, détecte les photons et renvoie à Bob des
photons de polarisation identique à ceux expédiés par Alice, Bob ne peut pas
savoir que la ligne a été espionnée. Il en serait de même pour tout dispositif
fonctionnant de façon classique (c’est-à-dire sans utiliser le principe de super-
position) : si l’espion prend suffisamment de précautions, il est indétectable.
La raison fondamentale est que l’on peut recopier l’information classique sans
la modifier, ce qui n’est pas le cas pour l’information quantique : le théorème
de non-clonage quantique (exercice 3.3.4) s’y oppose.
Ce sont la mécanique quantique et le principe de superposition qui
viennent au secours d’Alice et de Bob, en leur permettant de s’assurer que
leur message n’a pas été intercepté. Ce message n’a pas besoin d’être long
(le système de transmission par la polarisation est très peu performant). Il
s’agira en général de transmettre une clé permettant de chiffrer un message
ultérieur, clé qui pourra être remplacée à la demande. En effectuant un choix
de base aléatoire, {
, ↔} ou { , } avec
↔
↔
1 1
| = √ (|
+ | ↔) | == √ (|
− | ↔)
↔
2 2
88 Physique quantique : Fondements
↔
des bits. De même, Bob analyse les photons envoyés par Alice en effectuant
lui aussi un choix aléatoire de base, {
, ↔} ou { , }, et détermine la po-
↔
↔
larisation à l’aide d’un prisme polarisant. Une possibilité serait d’utiliser un
prisme polarisant orienté aléatoirement soit verticalement, soit à 45o de la ver-
ticale et de détecter les photons sortant de ce prisme comme sur la figure 3.3.
Cependant, au lieu de faire tourner l’ensemble cristal+détecteurs, on utilise
plutôt un modulateur électro-optique qui permet de transformer une polari-
sation donnée en une polarisation orientée de façon arbitraire et de maintenir
fixe l’ensemble cristal+détecteur (figure 3.4). La figure 3.5 donne un exemple
d’échanges entre Alice et Bob : Bob enregistre 1 si le photon est polarisé
ou
, 0 s’il est polarisé ↔ ou . Après enregistrement d’un nombre suffisant de
↔
photons, Bob annonce publiquement la suite des bases qu’il a utilisées, mais
non ses résultats. Alice compare sa séquence de bases à celle de Bob et lui
donne toujours publiquement la liste des bases compatibles avec les siennes.
Les bits qui correspondent à des analyseurs et des polariseurs incompatibles
sont rejetés (−), et, pour les bits restants, Alice et Bob sont certains que leurs
valeurs sont les mêmes : ce sont les bits qui serviront à composer la clé, et
ils sont connus seulement de Bob et Alice, car l’extérieur ne connaît que la
liste des orientations, pas les résultats ! Le protocole décrit ci-dessus est une
réalisation possible d’un protocole appelé BB84, du nom de ses inventeurs
Bennett et Brassard en 1984.
PP PP
Fig. 3.4 – Schéma du protocole BB84 avec photons polarisés. Un faisceau laser
est atténué de façon à simuler l’envoi de photons uniques (note 7). Un prisme
polarisant PP sélectionne la polarisation, que l’on peut faire tourner à l’aide
de modulateurs électro-optiques MEO. Les photons sont soit polarisés verticale-
ment/horizontalement (a), soit à ±45o (b).
polariseurs d’Alice
´
sequences de bits 1 0 0 1 0 0 1 1 1
analyseurs de Bob
mesures de Bob 1 1 0 1 0 0 1 1 1
bits retenus 1 − − 1 0 0 − 1 1
et que le photon est transmis par son analyseur, elle ne sait pas que ce photon
était initialement polarisé suivant Ox ; elle renvoie donc à Bob un photon
polarisé dans la direction Ox′ , et dans 50 % des cas Bob ne va pas trouver
le bon résultat. Comme Ève a une chance sur deux d’orienter son analyseur
dans la bonne direction, Alice et Bob vont enregistrer une différence dans 25 %
des cas et en conclure que le message a été intercepté. En résumé, la sécurité
du protocole dépend du fait qu’Ève ne peut pas déterminer l’état de polari-
sation d’un photon si elle ne sait pas par avance dans quelle base il a été
préparé.
Un fois l’échange de photons terminé, Alice et Bob disposent chacun d’une
série de bits qui sont théoriquement identiques : la série 110011 dans l’exemple
de la figure 3.5. Cette série de bits forme une clé, une suite aléatoire de 0
et de 1 qui peut servir pour le cryptage classique ultérieur d’un message.
Elle doit bien sûr être connue uniquement d’Alice et de Bob. En pratique, il
existe des sources d’erreurs provenant des imperfections des détecteurs et de la
fibre optique ou des tentatives d’espionnage. Comme nous l’avons expliqué ci-
dessus, Alice et Bob sacrifient un sous-ensemble commun de leur série de bits
et le comparent publiquement. Ceci leur permet de mesurer le taux d’erreur
par bit quantique (QBER, Quantum Bit Error Rate), qui est simplement la
probabilité que Bob mesure une valeur erronée de la polarisation, alors qu’il
connaît celle envoyée par Alice. Grâce à la connaissance de ce taux d’erreur,
ils peuvent utiliser un code correcteur d’erreurs classique (par opposition à
quantique) qui leur permet de reconstituer deux séries de bits strictement
identiques et aléatoires, qui forment la clé secrète. Cependant, l’ensemble du
processus a éventuellement permis à Ève d’acquérir une certaine information
sur la série de bits. Alice et Bob doivent donc utiliser un processus également
classique appelé amplification de la confidentialité (privacy amplification) qui
leur permet, en raccourcissant leur série de bits, d’avoir la certitude qu’Ève ne
possède aucune information sur la série ainsi tronquée, et c’est cette dernière
qui sera utilisée en tant que clé. Dans le cas du protocole BB84, on peut
montrer que le QBER doit être inférieur à 11 % si Alice et Bob veulent
90 Physique quantique : Fondements
disposer d’une clé fiable. Enfin, il faudrait utiliser des photons uniques, et non
des paquets d’états cohérents produits par une lumière laser atténuée qui sont
moins sûrs, mais que l’on choisit souvent pour des raisons pratiques7 . Lorsque
l’on utilise des fibres optiques, il est difficile de contrôler la polarisation sur
de longues distances, et un support physique différent, la phase des photons,
doit être utilisé pour mettre en œuvre le protocole BB84. Dans ce cas, on
peut établir une clé sur environ 100 kilomètres avec un taux de l’ordre de
quelques dizaines de kbits/seconde, et il existe aujourd’hui plusieurs versions
commercialisées du dispositif.
La principale limitation de la cryptographie quantique vient de l’atténua-
tion du signal dans une fibre optique. Dans le cas d’une impulsion lumineuse
se propageant dans une fibre, l’intensité du signal diminue avec la distance
(typiquement d’un facteur 100 sur 100 km) si bien que l’on doit utiliser des
répéteurs pour retrouver la forme et l’intensité initiales du signal. Ceci n’est
pas possible pour des photons uniques, qui ne peuvent pas être clonés et donc
amplifiés. La distance maximale qui sépare les utilisateurs sur une ligne de
cryptage quantique est aujourd’hui limitée à une centaine de km. La raison
essentielle vient de l’emploi de fibres optiques et de détecteurs imparfaits. En
particulier, et c’est un facteur important, les détecteurs ont des probabilités
non négligeables de se déclencher alors qu’aucun photon n’est incident : c’est
ce que l’on appelle les coups sombres qui limitent de façon draconienne le
rapport signal/bruit de la ligne de communication. D’un point de vue techno-
logique, la solution consiste soit à améliorer la transmission des fibres optiques,
soit à diminuer la probabilité de coups sombres (dark counts) des détecteurs.
On ne gagnera probablement plus grand chose sur les pertes des fibres op-
tiques. En revanche, les détecteurs continuent à progresser mais cela relève de
la physique des semiconducteurs et les problèmes sont complexes. La physique
quantique apporte une solution là où on ne l’attendait pas, via l’utilisation du
protocole de téléportation quantique (§ 11.5.3), longtemps considéré comme
une curiosité de physique fondamentale. La téléportation quantique consiste à
transférer à distance par exemple un état de polarisation inconnu porté par un
photon sans transmettre le photon lui-même. Le succès d’une telle opération
s’accompagne d’un signal électrique qui permet de déclencher les détecteurs de
Bob placés en bout de ligne de communication, conditionnellement au succès
du protocole. Il est alors possible de réduire le bruit apparent dans les détec-
teurs de Bob et donc d’augmenter le rapport signal/bruit de la ligne, au prix
d’un débit réduit : c’est le principe du relais quantique (voir la figure 11.19).
Pour obtenir des répéteurs, il faudrait en plus utiliser des mémoires quantiques
dont les réalisations pratiques semblent encore très lointaines.
A
p(t)
r(t)
O
dA 1 1
= r × p = j
dt 2m 2m
où j est le moment angulaire. Rappelons que pour un mouvement dans un
champ de forces central, ce moment angulaire est un vecteur fixé, perpendi-
culaire au plan de l’orbite. En intégrant sur une période, on relie l’aire totale
à j et à la période T
orientée de l’orbite A
= T j
A
2m
Le courant induit par la charge est I = q/T car la charge q passe 1/T fois
par seconde devant un point donné, et le moment magnétique µ induit par ce
courant vaut
µ = IA
= q j = γj (3.30)
2m
92 Physique quantique : Fondements
8. À des corrections près de l’ordre de 0.1 % : ces corrections sont calculables grâce à
l’électrodynamique quantique.
3. Polarisation : photon et spin 1/2 93
B
s
θ
y
x ωt
ds = q s × B
= − qB B̂ × s
µ×B
= (3.31)
dt 2m 2m
9. Le lecteur prendra garde au fait que l’orientation des axes est différente de celle de la
section précédente : la direction de propagation est maintenant Oy. Ce nouveau choix est
dicté par le souhait de respecter les conventions usuelles.
94 Physique quantique : Fondements
N
z
x y
S
∇Bz
four
fentes collimatrices aimant
∂Bz
F = −∇U
Fz = µz (3.32)
∂z
En réalité, B ne peut pas être strictement parallèle à Oz : si B = (0, 0, B),
∂B/∂z = 0 est incompatible avec l’équation de Maxwell ∇ · B = 0. Une
justification complète de (3.32) se trouve dans l’exercice 8.6.12, où l’on montre
que la force effective sur l’atome est bien donnée par (3.32). Lorsque le champ
magnétique est nul, les atomes arrivent au voisinage d’un point de l’écran et
forment une tache de dimension finie en raison de la dispersion des vitesses,
car la collimation n’est pas parfaite. L’orientation des moments magnétiques
à la sortie du four est a priori aléatoire, et en présence du champ magnétique,
on s’attend à un élargissement de la tache : les atomes dont le moment magné-
tique µ est antiparallèle à Oz subissent une déviation maximale vers le haut
pour (∂Bz /∂z) < 0, ceux dont µ est parallèle à Oz une déviation maximale
vers le bas, toutes les déviations intermédiaires étant possibles. Ce résultat est
contredit par l’expérience : on observe deux taches symétriques par rapport
au point d’arrivée en l’absence de champ magnétique. Tout se passe comme
si µz , et donc sz , ne pouvait prendre que deux valeurs, et deux seulement,
dont on constate10 qu’elles correspondent à sz = ±/2 : sz est quantifié. On
remarquera que comme le facteur gyromagnétique est négatif (γ < 0), la dé-
viation vers le haut (resp. bas) correspond à sz > 0 (resp. < 0). L’appareil de
Stern-Gerlach agit comme la lame biréfringente de la figure 3.2 : à la sortie de
l’appareil, l’électron suit une trajectoire11 où son spin est orienté soit vers le
haut : sz = +/2, soit vers le bas : sz = −/2. L’analogie avec la polarisation
des photons nous suggère de prendre comme espace des états de spin 1/2 un
espace vectoriel à deux dimensions, ce qui s’avèrera être le bon choix. Une
base possible de cet espace est formée des deux vecteurs |+ et |−, décrivant
les états physiques obtenus en sélectionnant les atomes déviés vers le haut ou
vers le bas par l’appareil de Stern-Gerlach, et correspondant respectivement
aux valeurs +/2 et −/2 de sz . Les états |+ et |− sont souvent appelés
10. La connaissance de ∂Bz /∂z et de γ permet en principe de remonter à la valeur de
sz à partir de la déviation : exercice 8.6.12.
11. On peut montrer (exercice 8.6.12) que les trajectoires peuvent être traitées classi-
quement.
3. Polarisation : photon et spin 1/2 95
“spin up” et “spin down”. Ces états de spin sont l’analogue de deux états de
polarisation orthogonale |Φ et |Φ⊥ dans le cas des photons12 .
N S N
z
S N S
12. Toutefois, il ne faut pas pousser trop loin cette analogie ; comme nous le verrons
au chapitre 9, le photon a un spin , et non /2. Un spin a normalement trois états de
polarisation possibles. Il y en a seulement deux dans le cas du photon parce que le photon
a une masse nulle.
13. En toute rigueur, on sait seulement que |a(+ → +)| = |a(− → −)| = 1, mais un
choix de phase convenable permet toujours de se ramener à (3.33).
96 Physique quantique : Fondements
E
+ +
(a)
+ E
(b)
Fig. 3.10 – Filtres de Stern-Gerlach en série. En (b), aucun atome n’arrive sur
l’écran.
Avec les vecteurs |+ et |− on peut construire un opérateur hermitien Sz tel
que ces vecteurs soient vecteurs propres de Sz avec les valeurs propres ±/2
1 1 1 1 0
Sz = |++| − |−−| = P+ − P− = (3.36)
2 2 2 0 −1
e−iα sin β
1 cos β
Sn̂ = (3.40)
2 eiα sin β − cos β
dont les vecteurs propres sont à un facteur de phase près (cf. (2.35))
z z
z
S
S
−θ
θ
x
x O x O
(a) (b)
Sx = +, n̂θ |Sx |+, n̂θ = sin θ Sz = +, n̂θ |Sz |+, n̂θ =
cos θ
2 2
(3.42)
En général, on pourra orienter le champ magnétique B du polariseur suivant
une direction quelconque n̂ : le polariseur prépare les spins dans l’état |+, n̂.
Soit θ et φ les angles polaire et azimutal définissant la direction de n̂ (fi-
gure 3.12). La généralisation immédiate de l’argument précédent montre que
les valeurs moyennes de S sont alors
Sx = +, n̂|Sx |+, n̂ = sin θ cos φ = nx
2 2
Sy = +, n̂|Sy |+, n̂ = sin θ sin φ = ny (3.43)
2 2
Sz = +, n̂|Sz |+, n̂ = cos θ = nz
2 2
ou bien, en notation vectorielle
= +, n̂|S|+,
S n̂ = n̂ (3.44)
2
Nous avons détaillé le raisonnement menant à (3.44), mais nous aurions pu
arriver directement au résultat en remarquant que le seul vecteur à notre
est nécessairement parallèle à n̂. Calculons maintenant
disposition est n̂, et S
les valeurs moyennes compte tenu de (3.41)
2
Sz = cos β/2 − sin2 β/2 = cos β
2 2
18. Nous verrons au § 7.1.1 que ceci consiste à passer du point de vue passif au point de
vue actif pour une opération de symétrie.
100 Physique quantique : Fondements
n̂
θ
O
x
φ y
19. Les autres solutions correspondent à un système d’axes obtenu par rotation autour de
Oz des axes Ox et Oy ou à un système d’axes obtenu par inversion de Oy : cf. exercice 3.3.6.
3. Polarisation : photon et spin 1/2 101
où les indices (i, j, k) prennent les valeurs (x, y, z) et εijk est le tenseur com-
plètement antisymétrique, égal à +1 si (ijk) est une permutation paire de
(xyz), à −1 dans le cas d’une permutation impaire et à zéro dans tous les
autres cas20 . Une forme équivalente de (3.49) est la suivante : si a et b sont
deux vecteurs
(σ · a)(σ · b) = a · b + iσ · (a × b) (3.50)
où l’on a utilisé pour le produit vectoriel
(a × b)i =
εijk aj bk (3.51)
jk
Les matrices de Pauli forment avec la matrice identité I une base pour l’espace
vectoriel des matrices sur H. En effet toute matrice 2 × 2 peut s’écrire
A = λ0 I + λi σi (3.54)
i
utilisées pour des problèmes où l’espace des états est à deux dimensions, même
si le problème physique n’a rien à voir avec un spin 1/2. Elles sont par exemple
très utiles pour traiter un modèle standard de la physique atomique, l’atome
dit “à deux niveaux” (voir la section 5.4 et le § 15.3.1).
Les vecteurs propres |+, n̂ et |−, n̂ de Sn̂ = 12 σ · n̂ se déduisent de (3.41)
avec β = θ et α = ϕ
e
−iφ/2 −iφ/2
−e
cos θ/2 sin θ/2
|+, n̂ = |−, n̂ = (3.56)
eiφ/2 sin θ/2 eiφ/2 cos θ/2
Les états |+, n̂ et |−, n̂ sont les transformés des états |+ et |− par une
rotation qui amène l’axe Oz sur l’axe n̂ : un choix possible, cohérent avec celui
qui sera fait ultérieurement au chapitre 9, consiste à effectuer une première
rotation de θ autour de Oy, suivie d’une rotation de φ autour de Oz. On peut
écrire (3.56) sous la forme
(1/2) (1/2)
|+, n̂ = D++ (θ, φ)|+ + D−+ (θ, φ)|−
(1/2) (1/2)
(3.57)
|−, n̂ = D+− (θ, φ)|+ + D−− (θ, φ)|−
Cette équation définit une matrice22 D(1/2) (θ, φ), appelée matrice de rotation
pour le spin 1/2
−iφ/2
cos θ/2 −e−iφ/2 sin θ/2
(1/2) e
D (θ, φ) = (3.58)
eiφ/2 sin θ/2 eiφ/2 cos θ/2
Cette matrice est unitaire, car elle effectue un changement de base dans H, et
de plus on vérifie qu’elle est de déterminant 1, et c’est donc une matrice ap-
partenant au groupe SU (2) : cf. exercice 7.5.2. Il est intéressant de considérer
les rotations de 2π, qui ramènent le système physique à sa position initiale.
On remarque que par exemple D1/2 (θ = 2π, φ = 0) = −I. Dans une rotation
de 2π autour de Oy, le vecteur d’état |χ → −|χ ! Mais il n’y a là aucun
paradoxe : les vecteurs |χ et −|χ représentent le même état physique, et,
comme il se doit, une rotation de 2π ne modifie pas l’état physique. Ce com-
portement du spin 1/2 est à contraster avec celui des photons : d’après (3.28),
exp(−2iπΣz ) = +I, et le vecteur d’état est inchangé dans une rotation de
2π. Nous observons là une différence remarquable entre spins entiers et spins
demi-entiers, sur laquelle nous reviendrons au chapitre 9.
Nous allons mettre la matrice de rotation D(1/2) (θ, φ) sous une forme qui
nous sera très utile pour la suite. Appelons Rp̂ (θ) la rotation dans R3 d’angle
θ autour d’un vecteur unitaire p̂. Nous allons montrer que l’opérateur unitaire
de rotation U [Rp̂ (θ)] pour un spin 1/2, est donné par
θ θ θ
U [Rp̂ (θ)] = exp −i σ · p̂ = I cos − i(σ · p̂) sin (3.59)
2 2 2
22. On remarque que cette matrice s’écrit en fonction de θ/2, et non de θ comme dans
le cas d’un photon (3.28) : le photon a un spin 1 et non 1/2 !
3. Polarisation : photon et spin 1/2 103
Pour établir la seconde identité, on remarque que (σ · p̂)2 = 1 d’après (3.50),
et en développant l’exponentielle
2 3
−iθ 1 −iθ
1 −iθ
θ
exp −i σ · p̂ = I + σ · p̂ + I+ σ · p̂ + · · ·
2 2 2! 2 3! 2
Cette matrice ne semble pas coïncider avec la matrice (3.58), mais la diffé-
rence est absorbée dans des facteurs de phase qui ne sont pas physiquement
pertinents. On peut aisément vérifier que
U [Rp̂ (θ)]|+ = e iφ/2 |+, n̂ U [Rp̂ (θ)]|− = e−iφ/2 |−, n̂
ou remarquer que
U [Rp̂ (θ)] = D(1/2) (θ, φ) e iφσz /2 = D(1/2) (θ, φ)U [Rẑ (−φ)]
La forme (3.56) des vecteurs propres de Sn̂ permet de calculer les amplitudes
de probabilité
z
|+
θ
|+ , n̂
y
x φ
|+ , x̂
Fig. 3.13 – Représentation géométrique d’un état de spin |χ. Le vecteur de Bloch
b = σ est représenté par une flèche épaisse.
Nous avons obtenu l’essentiel des propriétés du spin 1/2, et ceci à partir des
trois seules hypothèses, dont les deux premières découlent de l’invariance par
rotation.
• La valeur moyenne S se transforme comme un vecteur dans une rota-
tion.
• Les valeurs propres de S · n̂ sont indépendantes de n̂.
• L’espace des états est de dimension deux.
Certaines de ces propriétés comme les relations de commutation (3.53) ou
l’existence de matrices de rotation vont se transposer à un moment angulaire
J quelconque (chapitre 9). Toutefois, d’autres propriétés sont spécifiques au
spin 1/2 : par exemple c’est seulement dans ce cas que tout état de H peut
s’écrire comme un vecteur propre de J · n̂ = S
· n̂.
U = − = −γ s · B
µ·B = −γ sz B = ωsz (3.61)
nien sera représenté par une matrice 2×2. Nous admettrons23 qu’en mécanique
quantique le hamiltonien conserve formellement l’expression (3.61), à condi-
tion de remplacer la quantité classique sz par l’opérateur Sz , la projection
suivant Oz de l’opérateur de spin S
ω 1 0
H = ωSz = (3.62)
2 0 −1
1
E+ = 2 ω
1
E− = − 2 ω
Supposons qu’au temps t = 0, le spin se trouve dans l’état propre |+, n̂.
On peut alors se poser la question suivante : quel sera l’état de spin à un
temps t ultérieur ? Pour répondre à cette question, nous avons besoin d’un
postulat supplémentaire. Ce postulat, qui sera explicité avec plus de détails
au chapitre suivant, stipule que le vecteur d’état |χ(t) au temps t se déduit
du vecteur d’état au temps t = 0, |χ(t = 0), par
iHt
|χ(t) = exp − |χ(0) (3.63)
Cette loi d’évolution est particulièrement simple pour les vecteurs propres de
H, appelés états stationnaires
iωt iωt
|+ → exp − |+ |− → exp |−
2 2
iHt
2
ψ
exp −
+
= |ψ|+|2
23. En dernier ressort, l’expression du hamiltonien trouve sa justification dans son accord
avec l’expérience.
106 Physique quantique : Fondements
3.3 Exercices
3.3.1 Polarisation elliptique et détermination
de la polarisation
1. La polarisation d’une onde lumineuse est décrite par deux paramètres
complexes
λ = cos θ eiδx µ = sin θ eiδy
vérifiant |λ|2 + |µ|2 = 1. De façon plus explicite, le champ électrique est
ou est donc
↔
1 1 1 3
p= + =
2 2 2 4
108 Physique quantique : Fondements
Supposons que Ève oriente son analyseur suivant une direction faisant un
angle φ avec Ox. Montrer que la probabilité p(φ) pour Ève de mesurer +1
quand Alice envoie +1 est maintenant
1
p(φ) = (2 + cos 2φ + sin 2φ)
4
Montrer que pour un choix optimal φ = φ0 = π/4
p(φ0 ) ≃ 0.854
une valeur plus élevée que précédemment. Pouvait-on prévoir sans calcul que
la valeur optimale était φ = φ0 = π/8 ?
2. Supposons qu’au lieu d’utiliser une base | ± π/4, Alice et Bob utilisent
une base {|θ, |θ⊥ }. Montrer que la probabilité d’erreur d’Ève est maintenant
1 π
p= sin2 (2θ) 0<θ<
2 4
C’est l’utilisation d’une base complémentaire de la base {|x, |y} qui maximise
le taux d’erreur d’Ève.
Σ = PD − P G
3. Polarisation : photon et spin 1/2 109
Quelle est l’action de Σ sur les vecteurs |D et |G ? En déduire l’action de
exp(−iθΣ) sur ces vecteurs.
4. Écrire la matrice représentative de Σ dans la base {|x, |y}. Montrer
que Σ2 = I et retrouver exp(−iθΣ). En comparant avec la question 2, donner
l’interprétation physique de l’opérateur exp(−iθΣ).
1 1
|A ≡ | = √ (|V + |H) |B ≡ | = √ (|V − |H)
↔
↔
2 2
On se propose de montrer que s’il existe un dispositif capable de recopier
(cloner) les photons dans la base {|V , |H}, alors ce dispositif est incapable
de le faire dans la base {|A, |B}. Supposons qu’il existe une photocopieuse
quantique (une Q-photocopieuse) capable de recopier les états |V et |H
|V ⊗ X =⇒ |V ⊗ V |H ⊗ X =⇒ |H ⊗ H
= √1 E (1) ŷ + e iδ E (2) x̂
E
2
où E (1) et E (2) (|E (1) | = |E (2) | = E) sont les amplitudes du champ provenant
respectivement des trajets (1) et (2). Montrer que l’intensité lumineuse dans
le détecteur D1 est |E (1) |2 et celle dans le détecteur D2 est |E (2) |2 .
110 Physique quantique : Fondements
δ λ/ 2
MEO PP
L1 L2
48 m
Fig. 3.15 – Schéma de l’expérience à choix retardé. Un photon unique polarisé entre
dans l’interféromètre et rencontre une première lame biréfringente L1 qui joue le rôle
de lame séparatrice. Il “emprunte” un des deux trajets selon son état de polarisation
verticale (trajet supérieur) ou horizontale (trajet inférieur). Une lame demi-onde λ
échange les polarisations, de sorte que les deux trajets peuvent être recombinés par
une seconde lame L2 . Le prisme polarisant PP permet de distinguer les états de
polarisation et d’étiqueter le trajet suivi : il n’y a pas d’interférence, la polarisation
joue comme un marqueur du trajet. Un modulateur électro-optique MEO peut faire
tourner la polarisation de 45o et effacer l’information sur la polarisation. Si ce mo-
dulateur électro-optique est activé, on retrouve l’interférence. Un déphasage δ est
introduit sur le trajet supérieur.
A → A′ = U † AU
3. Les conditions (3.45) ont pour solution soit (1) α − αx = φ soit (2)
α − αx = −φ. Montrer que dans le cas (1) σx et σy sont donnés par
e−iαx −i e−iαx
0 0
σx = σy =
e−iαx 0 i e−iαx 0
et que par rapport à la solution standard (3.47) cette solution corrrespond à
une simple rotation des axes autour de Oz.
4. Montrer que si l’on choisit α − αx = −φ la solution standard est
0 i
0 1
σx = σy =
1 0 −i 0
Quelle est l’interprétation de ce résultat ?
Montrer que
1
Tr (Aσ̂i )
λi =
2
En déduire qu’une matrice 2 × 2 quelconque peut toujours s’écrire
3
A= λi σ̂i
i=0
En déduire
a × (b × c ) = (a · c )b − (a · b )c
Que vaut
εijk εljk ?
jk
comme
2. On peut écrire la composante i du rotationnel d’un vecteur A
× A)
i=
(∇ εijk ∂j Ak
j,k
×∇
∇ ×A
= ∇(
∇ ·A
) − ∇2 A
où θab et θbc sont les angles entre (â, b̂) et (b̂, ĉ), respectivement. Suggestion :
utiliser la loi de Bayes pour les probabilités conditionnelles sous la forme
p(A|B)p(B) = p(B|A)p(A)
B
I
D1
θB
l
θB θB
D2
II
3.4 Bibliographie
La polarisation de la lumière et sa propagation dans les milieux anisotropes
sont expliquées en détail dans May et Cazabat [1996], chapitres 19 et 20 ou
Hecht [1987], chapitre 8. Comme complément à la discussion de la polarisation
des photons, on pourra consulter Lévy-Leblond et Balibar [1984], chapitre 4
ou Baym [1969], chapitre 1. Un article de revue récent sur la cryptographie
quantique, avec de nombreuses références aux travaux antérieurs, est celui de
Gisin et al. [2002] ; une version grand public de la cryptographie quantique se
trouve dans Bennett et al. [1992]. L’expérience de Stern-Gerlach est discutée
par Feynman et al. [1965], volume III, chapitre 5, par Cohen-Tannoudji et
al. [1973], chapitre IV, ou par Peres [1993], chapitre 1.
Chapitre 4
λ|ϕ + µ|χ
|ψ =
||λ|ϕ + µ|χ||
qui est la probabilité pour le photon dans l’état |x de passer le test |θ. Nous
allons généraliser les notions d’amplitude de probabilité et de test en énonçant
le postulat II.
2. Le point de vue de l’auteur est que le vecteur d’état décrit un système quantique
individuel. Ce point de vue est loin d’être universellement partagé et le lecteur trouvera
aisément d’autres interprétations, par exemple “le vecteur d’état décrit l’information dispo-
nible sur un système quantique”, ou “le vecteur d’état n’est pas la propriété d’un système
physique individuel, mais un protocole pour préparer un ensemble de tels états” ou encore
“la mécanique quantique est un ensemble de règles permettant de calculer la probabilité d’un
résultat expérimental” (§ 11.4.7). Cette diversité de points de vue n’a pas de conséquences
sur l’utilisation pratique de la mécanique quantique.
4. Postulats de la physique quantique 117
4. Il est généralement admis que l’on ne peut pas superposer un état de spin 1/2, |χ1/2 et
un état de spin 1, |ϕ1 : cette impossibilité est un exemple de règle de supersélection. Comme
nous l’avons vu au chapitre 3 (et cette observation sera généralisée au chapitre 9), le vecteur
d’état d’une particule de spin 1/2 est multiplié par −1 dans une rotation de 2π, tandis que
celui d’une particule de spin 1 est multiplié par +1. Dans une rotation de 2π qui ramène le
système à sa situation initiale, si le vecteur d’état est de la forme |ψ = λ|ϕ1 + µ|χ1/2 , ce
vecteur d’état est transformé dans une rotation de 2π en |ψ′ = λ|ϕ1 − µ|χ1/2 = |ψ. Le
fait que |χ1/2 soit transformé en −|χ1/2 ne pose aucun problème, car les deux vecteurs
ne diffèrent que par un facteur de phase. Un autre exemple est la règle de supersélection
sur la masse, dans le cas de l’invariance galiléenne. Pour un point de vue critique sur les
règles de supersélection, voir Weinberg [1995], chapitre 2.
4. Postulats de la physique quantique 119
N
1
Aϕ = lim Ap (4.3)
N →∞ N
p=1
Nous avons déjà rencontré un cas particulier de cette relation dans (3.38). Il
n’est pas difficile de généraliser au cas des valeurs propres dégénérées. Si le
système est dans un état |ϕ quelconque, nous pouvons décomposer |ϕ sur la
base des vecteurs propres de A en utilisant la relation de fermeture (2.30)
|ϕ = |n, rn, r|ϕ = cnr |n, r
n,r n,r
Comme ci-dessus, la répétition d’un grand nombre de mesures sur des sys-
tèmes quantiques préparés dans des conditions identiques permet d’obtenir la
valeur moyenne Aϕ de A dans l’état |ϕ
Aϕ = an p(an ) = ϕ|n, r an n, r|ϕ
n n,r
N S N
z
S N S
C1
laser |+
|
C2
Pχ |ϕ
|ϕ →
||Pχ |ϕ||
Pn |ϕ
|ϕ → |ψ = (4.7)
(ϕ|Pn |ϕ)1/2
se trouve l’atome qui est maintenant disponible pour des tests ultérieurs. Une
répétition de la mesure de Sz redonnera +/2 pour les atomes qui ont émis
un photon dans C1 et −/2 pour ceux qui ont émis un photon dans C2 . Il faut
remarquer que la mesure idéale se présente rarement en pratique. En général,
la détection détruit le système observé : un exemple déjà mentionné de mesure
destructrice10 est la détection d’un photon par un photodétecteur Dx ou Dy
sur figure 3.2. Un autre exemple de mesure non idéale est la détermination de
l’impulsion d’une particule par collision élastique avec une seconde particule
d’impulsion connue, en utilisant la conservation de l’énergie-impulsion. Après
la collision, la première particule n’est pas détruite, mais elle ne se trouve plus
dans l’état d’impulsion que l’on a mesurée. Le concept de mesure idéale est
utile pour la discussion de la mesure en physique quantique, mais en pratique
la mesure idéale est l’exception, et non la règle !
Lorsque l’on cherche à déterminer complètement le vecteur d’état |ϕ d’un
système physique, il peut arriver que la mesure idéale d’une propriété physique
A donne le résultat a, la valeur propre a de A étant non dégénérée. Immé-
diatement après la mesure, le vecteur d’état est alors le vecteur propre |a
de A. Si la valeur propre est dégénérée, il faut trouver une seconde propriété
physique B compatible avec A : [A, B] = 0. Dans ce cas, il est possible que la
donnée des valeurs propres a et b spécifie entièrement le vecteur d’état. Si ce
n’est pas encore le cas, il faudra trouver une troisième propriété physique C
compatible avec A et B, etc. Lorsque la donnée des valeurs propres {a, b, c . . .}
des opérateurs compatibles {A, B, C . . .} spécifie entièrement le vecteur d’état
on dira, en suivant la terminologie introduite au § 2.3.3, que ces opérateurs
(ou les propriétés physiques qu’ils représentent) forment un ensemble complet
d’opérateurs (ou de propriétés physiques) compatibles. La mesure simultanée
d’un système complet de propriétés physiques compatibles {A, B, C . . .} consti-
tue un test maximal du vecteur d’état. Si l’espace des états est de dimension
N , un test maximal doit avoir N résultats différents possibles. Lorsque l’on
a réalisé un test maximal sur un système quantique, on connaît exactement
son vecteur d’état, et on a donc préparé le système quantique dans un état
déterminé : on a effectué l’étape de préparation du système. Cependant, la
préparation n’implique pas nécessairement une mesure : par exemple le filtre
de gauche de la figure 3.10 prépare le spin 1/2 dans l’état |+ en éliminant
tous les spins qui se trouvent dans |−, sans qu’une mesure du spin ne soit
effectuée.
Pour fixer les idées, supposons que la donnée de deux valeurs propres ar
et bs de deux opérateurs compatibles A et B spécifie entièrement un vecteur
|r, s de H
A|r, s = ar |r, s B|r, s = bs |r, s
La mesure simultanée des propriétés physiques A et B est alors un test maxi-
mal et les N résultats possibles sont étiquetés par le couple (r, s). Un exemple
10. On sait maintenant effectuer des mesures non destructrices sur un photon : voir
Gleyzes et al. [2007] et l’exercice 17.5.7.
124 Physique quantique : Fondements
[A, B] = iC C = C† (4.9)
A0 = A − Aϕ I B0 = B − Bϕ I
et dont le commutateur est aussi iC : [A0 , B0 ] = iC, car Aϕ et Bϕ sont
des nombres. La norme au carré du vecteur
Le polynôme de degré deux en λ doit être positif quel que soit λ, ce qui
implique
C2ϕ − 4A20 ϕ B02 ϕ ≤ 0
126 Physique quantique : Fondements
(4.10)
2
C’est la relation souhaitée donnant les dispersions sur les mesures de A et B :
le produit des dispersions sur les mesures est supérieur ou égal à la moitié
du module de la valeur moyenne du commutateur de A et B. Il est facile
de montrer (exercice 4.4.1) qu’une condition nécessaire et suffisante pour que
∆ϕ A = 0 est que |ϕ soit vecteur propre de A. Dans un espace vectoriel de
dimension finie, on a alors Cϕ = 0. Insistons sur l’interprétation correcte
de (4.10) : en effectuant comme en (4.3) un grand nombre de mesures de A,
un grand nombre de mesures de B et un grand nombre de mesures de C sur
des systèmes tous préparés dans le même état |ϕ, on pourra en déduire avec
une bonne précision les dispersions ∆ϕ A et ∆ϕ B ainsi que la valeur moyenne
Cϕ , qui obéiront alors à (4.10). Nous soulignons que A, B et C sont bien
sûr mesurés sans des expériences différentes : ils ne peuvent pas être mesurés
simultanément si A, B et C ne commutent pas. De plus, ∆ϕ A et ∆ϕ B ne
sont en rien liés aux erreurs de mesure. Si, par exemple, δA est la résolution
expérimentale pour la mesure de A, nous devons avoir δA ≪ ∆ϕ A pour une
détermination précise de la dispersion. L’erreur sur A est contrôlée par la
résolution expérimentale, et pas du tout par ∆ϕ A : rien n’empêche Aϕ d’être
déterminé avec une précision bien meilleure que ∆ϕ A.
d|ϕ(t)
i = H(t)|ϕ(t) (4.11)
dt
L’opérateur hermitien H(t) est appelé hamiltonien. En écrivant (4.11), nous
avons admis la nécessité d’un postulat supplémentaire indépendant pour l’évo-
lution temporelle. En réalité, on peut déduire ce postulat moyennant une hy-
pothèse plus faible, celle d’une évolution réversible, ainsi que nous le verrons
à la fin du § 4.2.2.
4. Postulats de la physique quantique 127
D1
|ϕ ϕ(t) b1 D2
b2
mesure |ϕ(t 0 ) = |n mesure b3
D3
de de
U(t, t 0 ) b4
b5
D4
préparation t 0 mesure t
D5
La somme des probabilités p(an , t) doit toujours être égale à un. La conserva-
tion de la norme de |ϕ implique, dans un espace de Hilbert de dimension finie,
que l’évolution |ϕ(t = 0) → |ϕ(t) est unitaire : on parle alors d’évolution
hamiltonienne, ou d’évolution unitaire. Ce résultat reste vrai en dimension
infinie.
La forme matricielle de l’équation d’évolution (4.11) s’obtient dans une
base arbitraire {|α} de H en la multipliant à gauche (4.11) par α| et en
utilisant la relation de fermeture
d
i α|ϕ(t) = α|H(t)|ϕ(t) = α|H(t)|ββ|ϕ(t)
dt
β
soit
iċα (t) = Hαβ (t) cβ (t) (4.13)
β
(4.7) dans une mesure, qui est non unitaire et irréversible, parce que l’évolution
limitée à l’espace des états du système pendant la mesure est une évolution
tronquée qui se focalise sur l’évolution du système, lequel ne reste pas fermé
pendant la mesure. L’évolution globale comprend en outre celle de l’appareil
de mesure et de l’environnement (section 11.4). Lorsque l’on examine l’évolu-
tion d’un système ouvert, on rencontre automatiquement une évolution non
unitaire, qui sera traitée en détail au chapitre 18. Une évolution non unitaire
peut parfois être représentée par un hamiltonien non hermitien, par exemple
dans la description de particules instables : cf. l’exercice 4.4.10.
Les postulats d’évolution temporelle IV et IV’ ne sont bien sûr pas indépen-
dants. En effet, il est facile à partir de (4.11) d’écrire une équation différentielle
130 Physique quantique : Fondements
Comme cette équation doit être valable quel que soit |ϕ(t0 ), on en déduit
une équation différentielle pour U (t, t0 )
d
i U (t, t0 ) = H(t)U (t, t0 ) (4.17)
dt
H(t0 ) = i U (t, t0 )
(4.18)
dt t=t0
i t
U (t, t0 ) = exp − H(t′ ) dt′ (4.19)
t0
parce qu’il n’y a aucune raison pour que [H(t′ ), H(t′′ )] = 0. Cependant il
existe une formule générale13 pour calculer U (t, t0 ) à partir de H(t), et les
postulats IV et IV’ sont strictement équivalents14 .
Revenons maintenant sur la nécessité d’introduire un postulat supplémen-
taire IV ou IV’ pour l’évolution temporelle (Scarani [2011]). À première vue,
il semble que l’on pourrait se fonder sur le théorème de Wigner (chapitre 7)
pour déduire l’existence d’un opérateur unitaire effectuant les translations de
temps. Cependant, Peres [1993], section 8.6, montre qu’il n’y a aucune raison
d’exiger qu’une translation de temps conserve le module du produit scalaire et
soit représentée par un opérateur unitaire. Peres donne également un exemple
de physique classique pour mettre en évidence cette difficulté. Si l’on veut
utiliser le théorème de Wigner, il faut donc une hypothèse supplémentaire, et
l’hypothèse la plus faible semble être celle d’une évolution réversible, ce qui
veut dire que si une évolution t0 → t > t0 est physiquement possible, alors
l’évolution t → t0 l’est également. L’exemple de Peres ne vérifie pas cette
13. Voir par exemple Messiah [1959], chapitre XVII.
14. En toute rigueur, on peut trouver des exceptions où U est défini, mais non H : cf.
Peres [1993], page 85.
4. Postulats de la physique quantique 131
i(t − t0 )
U (t − t0 ) ≃ I − H (4.22)
Cette équation s’interprète ainsi : H est le générateur infinitésimal des trans-
lations de temps, et, pour un sytème isolé, la définition la plus générale du
hamiltonien est d’être précisément ce générateur infinitésimal. La notion de
générateur infinitésimal sera étendue à d’autres transformations au chapitre 7.
Considérons un système physique isolé qui peut être décrit à une bonne
approximation par un vecteur d’état d’un espace de Hilbert de dimension 1 :
particule élémentaire stable, atome dans son état fondamental . . . Le vecteur
d’état est alors un nombre complexe ϕ(t) et H un nombre réel : H = E. La
loi d’évolution (4.13) devient, compte tenu de (4.20)
i
ϕ(t) = exp − E(t − t0 ) ϕ(t0 ) = exp(−iω(t − t0 ))ϕ(t0 ) (4.23)
4. Postulats de la physique quantique 133
d 1 1
Aϕ (t) = ϕ(t)|[A, H]|ϕ(t) = [A, H]ϕ (4.26)
dt i i
Utilisons maintenant la relation (4.10), en remplaçant B par H
1 1
∆ϕ H ∆ϕ A ≥ |[A, H]ϕ | =
Aϕ (t)
2 2 dt
et définissons le temps τϕ (A) par
1
dA (t)
1
ϕ
=
τϕ (A) dt ∆ϕ A
τ ∆E ≃ ou τ Γ ≃ 1 (4.29)
Γ
mesure
barre d’erreur × 10
sans corr.
avec corr.
E (GeV)
86 88 90 92 94
Fig. 4.3 – Spectre de masse du boson Z 0 . La courbe en trait plein est le résultat
expérimental brut. Ce résultat doit être corrigé pour tenir compte des corrections
radiatives (émission de photons) exactement calculables. La courbe en pointillés
donne le spectre de masse du Z 0 . D’après la collaboration LEP, prétirage CERN
EP-2000-13 (2000).
Soit |n une base d’états propres de H, H|n = En |n ; on note que |ϕ n’est
pas un tel état propre, car il n’est pas stationnaire. La probabilité p(t) de
trouver l’atome au temps t dans son état excité, ou probabilité de survie, est
où ∆H = (H 2 −H2 )1/2 est la dispersion de H calculée dans l’état |ϕ. Pour
des raisons que nous verrons dans un instant, cette inégalité n’estpas très utile
en pratique. En insérant dans (4.31) la relation de fermeture |nn| = I,
on obtient pour l’amplitude de probabilité c(t)
c(t) = |ϕ|n|2 e−iEn t/
n
et la probabilité de survie
p
n
π+
p → n + π+
Si l’impulsion est conservée, alors l’énergie ne peut pas l’être. En revanche,
si l’on admet que la réaction ne dure qu’un temps très court ∆t, alors il est
possible de tirer parti d’une fluctuation d’énergie ∆E ≃ /∆t. La fluctuation
16. Voir la note 14.
17. Les conditions de validité de la loi exponentielle sont examinées par Peres [1980].
138 Physique quantique : Fondements
La dépendance par rapport au temps est intégrée dans l’opérateur, tandis que
le vecteur d’état est indépendant de t.
Un point de vue intermédiaire entre celui de Schrödinger et celui de Hei-
senberg est le point de vue de l’interaction (ou de Dirac). Ce point de vue est
utile lorsqu’il est naturel de décomposer le hamiltonien H en un “hamiltonien
libre” H0 indépendant du temps, que l’on sait diagonaliser, et un hamiltonien
d’interaction W (t). L’objectif est de se débarrasser de l’évolution connue de
H0 . On définit le vecteur d’état |ϕ̃(t) dans le point de vue de l’interaction
par
|ϕ̃(t) = e iH0 t/ |ϕ(t) |ϕ̃(t = 0) = |ϕ(t = 0) (4.40)
Nous avons choisi t0 = 0 afin d’alléger les notations ; le point de vue de l’in-
teraction coïncide avec celui de Heisenberg si W = 0. L’opérateur d’évolution
U (t) = U (t, 0) vérifie
dU
i = [H0 + W (t)]U (t) (4.41)
dt
et on écrit
U (t) = U0 (t) Ũ (t) U0 (t) = e−iH0 t/ (4.42)
Ũ(t) est l’opérateur d’évolution dans le point de vue de l’interaction. L’équa-
tion (4.41) devient
dU0 dŨ
i Ũ + U0 = [H0 + W (t)]U0 (t)Ũ (t) (4.43)
dt dt
dŨ
i = e iH0 t/ W (t) e−iH0 t/ Ũ (t) = W̃ (t)Ũ (t)
dt
W̃ (t) = e iH0 t/ W (t) e−iH0 t/ (4.44)
qui est principe fondamental. Par exemple, ainsi que nous allons le montrer
dans un instant, l’espace des états est toujours au départ de dimension in-
finie, mais il peut arriver qu’il soit possible de se placer de façon approchée
dans un espace des états de dimension finie, qui peut même éventuellement
être petite ; la dimension N de cet espace est appelée le nombre de niveaux
de l’approximation. Nous en avons vu un exemple dans l’étude du spin 1/2 :
en première approximation, les degrés de liberté de spin sont découplés des
degrés de liberté d’espace, et c’est ce qui nous a permis de nous placer dans
un espace à deux dimensions en ignorant les degrés de liberté spatiaux. Un
autre exemple est celui de l’atome à deux niveaux, modèle standard de la
physique atomique : lorsque l’on s’intéresse à l’interaction d’un atome avec
un champ électromagnétique de fréquence ω, en pratique le champ d’un laser,
et si deux niveaux d’énergie sont espacés de ω0 ≃ ω, on peut se restreindre à
ces deux niveaux d’énergie formant une base pour un espace des états à deux
dimensions, et écrire un hamiltonien approché d’interaction avec le champ
laser agissant dans cet espace : cf. les § 5.4 et § 15.3.1. Cette approche four-
nit une excellente approximation pour l’interaction laser-atome, approche qui
peut être facilement raffinée, par exemple s’il faut tenir compte des effets du
spin des niveaux.
Malheureusement, la situation n’est pas toujours aussi simple. Nous allons
le voir dans le cas des degrés de liberté spatiaux, que l’on peut traiter en
s’appuyant sur le principe de correspondance. Selon ce principe, les propriétés
physiques position et impulsion sont des opérateurs hermitiens R et P , de
composantes Xi et Pj , i, j = (x, y, z), qui vérifient les relations de commuta-
tion dites relations de commutation canoniques
Prenant la trace des deux membres, on observe qu’il est impossible que ces
relations soient satisfaites dans un espace de dimension finie : en effet la trace
du membre de gauche est nulle (la trace d’un commutateur est nulle), tandis
que celle du membre de droite est iN , où N est la dimension de H. Une
fois cette difficulté identifiée, la suite de la procédure (qui n’est pas toujours
exempte d’ambiguïtés) consiste à remplacer dans l’expression classique de
l’énergie E les positions et les impulsions classiques r et p par les opérateurs
et P pour obtenir le hamiltonien quantique d’une particule de masse m
R
dont l’énergie potentielle est V (r). Le principe de correspondance conduit au
passage suivant E → H
2
p P 2
E= + V (r) → H = + V (R) (4.46)
2m 2m
Dans le cas de l’atome d’hydrogène, (4.46) fournit une très bonne approxima-
tion si l’on prend pour V (r) le potentiel coulombien (1.3) et pour espace des
états celui de l’électron. L’effet de la masse finie du proton est pris en compte
4. Postulats de la physique quantique 141
grâce à la masse réduite. Il faut bien comprendre que (4.45) et (4.46) repré-
sentent un choix pour l’espace des états et le hamiltonien, et que des approxi-
mations ont été faites. On a négligé en particulier les effets relativistes, et les
choses se compliquent dès que l’on en tient compte. Il est à la rigueur possible
dans un premier temps de généraliser l’expression du hamiltonien (équation
de Dirac : chapitre 19), mais une véritable théorie quantique et relativiste
implique que l’on introduise un champ électron-positron et un champ électro-
magnétique quantifiés : c’est ce que l’on appelle l’électrodynamique quantique.
Dans ces conditions, le principe de correspondance sous la forme (4.45) n’est
plus valable19 : en fait, il n’y a même plus d’opérateur position ! Et l’élec-
trodynamique quantique n’est elle-même qu’une approximation d’une théorie
plus vaste. . . Il faut donc soigneusement distinguer les principes fondamen-
taux des approximations nécessaires pour aborder tout problème physique
concret. Comme le souligne Isham [1995], la procédure standard qui consite
à “quantifier une théorie classique” en utilisant le principe de correspondance
n’a qu’une valeur heuristique, et en fin de compte les approximations reposant
sur ce principe ou toute autre démarche heuristique doivent être validées par
la confrontation aux résultats expérimentaux.
Pour conclure, donnons la forme générale du principe de correspondance :
en mécanique analytique, on définit pour un système à N degrés de liberté
un hamiltonien Hcl (qi , pi ), supposé indépendant du temps pour simplifier,
i = 1, 2, . . . , N . Les équations de Hamilton sont
∂Hcl ∂Hcl
= −ṗi = q̇i (4.47)
dqi dpi
Les variables qi et pi sont dites canoniquement conjuguées. Le principe de cor-
respondance consiste à associer aux variables classiques qi et pi des opérateurs
Qi et Pi
qi → Qi pi → Pi
obéissant aux relations de commutation canoniques (RCC)
Cependant, cette procédure n’est pas exempte d’ambiguïtés, car l’ordre des va-
riables classiques (qi , pi ) est indifférent, mais pas celui des opérateurs (Qi , Pi ).
Nous avons, jusqu’à présent, utilisé des notations différentes pour une
propriété physique A et l’opérateur hermitien associé A. Nous abandonnons
désormais cette distinction, et confondons les notations pour la propriété phy-
sique et l’opérateur correspondant, qui seront représentés tous deux − sauf
19. Il est remplacé par des relations de commutation canoniques entre les champs et leurs
moments conjugués, ce qui conduit à des objets mathématiques complexes, les distributions
à valeurs opérateur. Toutefois, il reste encore un tel chemin à parcourir (invariance de jauge,
renormalisation) avant de calculer une quantité physique que ce principe de correspondance
apparaît un peu accessoire, et il est d’ailleurs remplacé en pratique par l’approche des
intégrales de chemin de Feynman (§ 12.2.3).
142 Physique quantique : Fondements
4.4 Exercices
4.4.1 Dispersion et vecteurs propres
Montrer qu’une condition nécessaire et suffisante pour que |ϕ soit vecteur
propre d’un opérateur hermitique A est que la dispersion (4.8) ∆ϕ A = 0.
ϕ|H|ϕ
Hϕ =
ϕ|ϕ
Montrer que si le minimum de cette valeur moyenne est obtenu pour |ϕ =
|ϕm et le maximum pour |ϕ = |ϕM , alors
=0
∂α
α=α0
∂E
∂H
= ϕ(λ)
(4.49)
∂λ ∂λ
ϕ(λ)
θ θ
c+ (t) = λ e−iΩt/2 cos − µ e iΩt/2 sin
2 2
144 Physique quantique : Fondements
√
avec Ω = 2 A2 + B 2 : Ω est la différence d’énergie entre les deux niveaux.
En déduire que c+ (t) (de même que c− (t)) vérifie l’équation différentielle
2
Ω
c̈+ (t) + c+ (t) = 0
2
B2
2 2 Ωt 2 Ωt
p+ (t) = sin θ sin = 2 2
sin
2 A +B 2
Ωt Ωt
c+ (t) = cos − i cos θ sin
2 2
En déduire p+ (t) et p− (t), et vérifier la compatibilité du résultat avec celui
de la question précédente.
c(t) = ϕ|ψ(t) = ϕ
exp −
ϕ
∆P 2 = P − P2
dt
θ θ
|ν1 = cos |νe + sin |νµ
2 2
θ θ
|ν2 = − sin |νe + cos |νµ
2 2
avec
2m
tan θ =
me − mµ
et que les masses m1 et m2 sont
2
me + mµ me − mµ
m1 = + m2 +
2 2
2
me + mµ me − mµ
m2 = − m2 +
2 2
cos θ2 cos α2
1
|ϕ = |χ = |ψ =
0 sin θ2 e iφ sin α2 e iβ
2X − 1 = r cos α − s cos(α − θ)
|Ψ = cij |ϕi ⊗ χj i = 1, · · · , NA j = 1, · · · , NB
i,j
4.5 Bibliographie
Notre présentation des postulats de la mécanique quantique s’écarte sen-
siblement de celle des exposés classiques que l’on trouvera par exemple dans
Messiah [1959], chapitre VIII, Cohen-Tannoudji et al. [1973], chapitre III, ou
Basdevant et Dalibard [2001], chapitre 5. Le lecteur pourra aussi consulter
Ballentine [1998], chapitre 9, Peres [1993], chapitre 2, Isham [1995], chapitre 5
et Omnès [1994]. Une discussion qualitative des inégalités de Heisenberg se
trouve dans Lévy-Leblond et Balibar [1984], chapitre 3. Les inégalités de
Heisenberg temporelles sont traitées de façon imprécise, voire incorrecte,
dans certains manuels ; pour une discussion approfondie, voir par exemple
Peres [1993], chapitre 12, et Ballentine [1998], chapitre 12.
24. En pratique, les mésons K se propagent en ligne droite à partir de leur point de
production avec une vitesse proche de la vitesse de la lumière, et on se place à une distance
l ≃ ct(1 − v2 /c2 )−1/2 du point de production.
Chapitre 5
plan yz
1 2 1 2
1 2
Fig. 5.2 – Les deux états possibles d’un électron π, localisés au voisinage de
l’atome 1 ou de l’atome 2.
désigné par |ϕ1 . Il peut aussi être localisé au voisinage de l’atome de car-
bone 2, et l’état quantique correspondant sera désigné par |ϕ2 (figure 5.2).
L’énergie de cet électron localisé sur l’atome 1 ou l’atome 2 est E0 , la même
par symétrie entre les deux atomes. Nous allons prendre comme approxima-
tion de l’espace des états un espace à deux dimensions H dont les vecteurs de
base sont {|ϕ1 , |ϕ2 }. Dans cette base, le hamiltonien s’écrit provisoirement
E0 0
H0 = H0 |ϕ1,2 = E0 |ϕ1,2 (5.1)
0 E0
Cependant, ce hamiltonien est incomplet, car nous n’avons pas tenu compte
de la possibilité pour l’électron de sauter d’un atome de carbone à l’autre.
Dans le cadre de nos approximations, qui sont celles de la théorie des orbitales
moléculaires de Hückel, la forme la plus générale de H est
E0 −A
H= (5.2)
−A E0
E0 + A
2A
E0
E0 − A
Si A = 0, les états |ϕ1 et |ϕ2 ne sont plus des états stationnaires. Comme
nous l’avons vu au § 2.3.2, les vecteurs propres de H sont maintenant
1 1 1
|χ+ = √ |ϕ1 + |ϕ2 = √ (5.3)
2 2 1
1 1 1
|χ− = √ |ϕ1 − |ϕ2 = √ (5.4)
2 2 −1
avec
H|χ+ = (E0 − A)|χ+ H|χ− = (E0 + A)|χ− (5.5)
Comme A > 0, l’état symétrique |χ+ est l’état d’énergie la plus basse. Le
spectre du hamiltonien est donné sur la figure 5.3 : l’état fondamental est
l’état |χ+ , d’énergie (E0 − A). On peut donner une interprétation spatiale de
ces résultats en examinant la localisation de l’électron sur la droite joignant
les deux atomes de carbone prise comme axe des x, l’origine étant située au
milieu de cette droite. Comme nous le verrons en détail au chapitre 8, si |x est
un vecteur propre de l’opérateur position, la quantité x|ϕ1 est l’amplitude de
probabilité pour trouver au point x l’électron dans l’état |ϕ1 . Au chapitre 8,
cette amplitude de probabilité sera appelée la fonction d’onde de l’électron.
Le module au carré de cette amplitude de probabilité donne la probabilité1 de
trouver l’électron au point x, aussi appelée probabilité de présence de l’électron
au point x. Cette interprétation permet de représenter qualitativement sur la
figure 5.4 les amplitudes de probabilité χ± (x) = x|χ± correspondant aux
états |χ± . La probabilité de présence correspondante s’annule à l’origine dans
le cas antisymétrique |χ− , mais non dans le cas symétrique |χ+ . Le caractère
symétrique ou antisymétrique de la fonction d’onde de l’état fondamental est
lié au signe de A. En pratique, un état fondamental est toujours symétrique,
ce qui correspond à A > 0.
Il nous reste à placer le second électron : ceci se fera très simplement si
nous pouvons ignorer les interactions entre cet électron et le précédent, c’est-
à-dire utiliser l’approximation des électrons indépendants. Pour obtenir l’état
1. Plus précisément, c’est une probabilité par unité de longueur : |x|ϕ|2 dx est la pro-
babilité de trouver la particule dans l’intervalle [x, x + dx] : voir le § 8.1.2.
156 Physique quantique : Fondements
1 (x )
2 (x )
1 O 1 O 2
+ + +
1 O 2 1 O − 2
c+ (x) c− (x)
H
0
H C H C
C 5 1
C C C
C C
4 C C 2
H
H C
C
3
H
(a) (b)
tron est localisé au voisinage de l’atome no 3. Comme il n’est pas plus difficile
de traiter un nombre quelconque N d’atomes de carbone formant une chaîne
fermée, c’est-à-dire un polygone régulier à N côtés, nous notons |ϕn l’état
où l’électron est localisé au voisinage de l’atome no n, n = 0, 1, . . . , N − 1,
en prenant N = 6 pour le benzène. Les atomes n et n + N sont identiques :
n ≡ n + N . L’espace des états est à N dimensions, et le hamiltonien est défini
par son action sur |ϕn
Pour trouver les valeurs propres et vecteurs propres de H, nous allons exploiter
la symétrie du problème sous toute permutation circulaire des N atomes de
la chaîne. Soit UP l’opérateur unitaire qui effectue une permutation circulaire
des atomes dans le sens n → (n − 1)
[H, UP ] = 0 (5.9)
et ont une base de vecteurs propres communs. Cherchons les vecteurs propres
et valeurs propres de UP , qui est a priori un opérateur plus simple que H.
158 Physique quantique : Fondements
Comme UP est unitaire, ses valeurs propres sont de la forme exp(iδ) (c.f.
le § 2.3.4). Comme (UP )N = I, on doit avoir exp(iN δ) = 1, et par conséquent
les valeurs propres sont indicées par un indice entier s
2πs
δ = δs = s = 0, 1, . . . , N − 1 (5.10)
N
Nous avons donc déterminé N valeurs propres distinctes de UP . Comme UP
agit dans un espace de dimension N , les vecteurs propres correspondants sont
orthogonaux et forment une base de H. Écrivons un vecteur propre normalisé
|χs sous la forme
N
−1 N
−1
|χs = cn |ϕn |cn |2 = 1 (5.11)
n=0 n=0
E
s=3
E 0 + 2A
s=2
s=4
E0 + A
π/3
π/3
π/3
s=5 E0 − A
s=1
E 0 − 2A
s=0
Nous pouvons maintenant rassembler les résultats pour les valeurs propres
de H et les vecteurs propres correspondants
√ dans le cas du benzène : N =
6, cos(2π/6) = 1/2, sin(2π/6) = 3/2 (figure 5.6)
s = 0 E = E0 − 2A
1
|χ0 = √ (1, 1, 1, 1, 1, 1)
6
s = 1, s̃ = 5 E = E0 − A
1 1 1 1 1 1 1 1 1
|χ+
1 = √ 1, , − , −1, − , |χ−
1 = 0, , , 0, − ,−
3 2 2 2 2 2 2 2 2
160 Physique quantique : Fondements
s = 2, s̃ = 4 E = E0 + A
1 1 1 1 1 1 1 1 1
|χ+
2 = √ 1, − , − , 1, − , − |χ−
2 = 0, , − , 0, , −
3 2 2 2 2 2 2 2 2
s = s̃ = 3 E = E0 + 2A
1
|χ3 = √ (1, −1, 1, −1, 1, −1) (5.16)
6
Cherchons maintenant l’état fondamental, c’est-à-dire l’état de plus basse
énergie, en plaçant les 6 électrons π délocalisés. À l’approximation des élec-
trons indépendants, cet état sera obtenu en mettant d’abord deux électrons
de spin opposé dans le niveau E0 − 2A, le principe de Pauli (chapitre 14) nous
interdisant d’y mettre d’autres électrons. Le niveau (E0 −A) étant doublement
dégénéré, nous pouvons y mettre quatre électrons (deux paires d’électrons de
spin opposé) ce qui donne une énergie totale
= 1 γσ
µ = γ S (5.18)
2
est l’opérateur de spin défini dans la section 3.2, γ est le facteur gyro-
où S
magnétique
qp
γ=γ (5.19)
2mp
avec γ = 5.59 pour le proton, 1.40 pour le 13 C, 5.26 pour le 19 F, etc. Le spin
nucléaire est placé dans un champ magnétique B 0 dirigé suivant Oz. Suivant
(3.61), le hamiltonien H0 du spin nucléaire s’écrit
0 = − 1 γB0 σz = − 1 ω0 σz
H0 = −µ · B (5.20)
2 2
avec ω0 = γB0 , soit encore sous forme matricielle dans une base où σz est
diagonal
1 ω0 0
H0 = − (5.21)
2 0 −ω0
On note que comme la charge du proton qp est positive, on n’introduit pas
de signe moins dans la définition de ω0 , contrairement à ce qui avait été fait
dans la section 3.2.5 pour le cas de l’électron. ω0 est la fréquence de Larmor,
la fréquence de précession du moment magnétique classique autour de B 0
(figure 3.7) ; dans le cas du proton la précession de Larmor s’effectue dans le
sens inverse du sens trigonométrique. L’état |+ a une énergie −ω0 /2, l’état
|− une énergie ω0 /2 ; on est donc en présence d’un système à deux niveaux :
les deux niveaux Zeeman (§ 3.2.5) d’un spin 1/2 dans un champ magnétique,
la différence d’énergie étant ω0 .
On ajoute au champ constant B 0 un champ périodique B 1 (t) situé dans le
plan xOy tournant dans le sens inverse du sens trigonométrique5, c’est-à dire
dans le même sens que la précession de Larmor, avec une vitesse angulaire ω
1 (t) = B1 (x̂ cos ωt − ŷ sin ωt)
B (5.22)
1 (t) parallèle à Ox : cf. l’exercice 5.5.6.
5. On pourrait aussi prendre un champ B
162 Physique quantique : Fondements
En pratique, un tel champ peut être obtenu au moyen de deux bobines placées
le long des axes Ox et Oy, alimentées en courant alternatif de fréquence ω.
La contribution au hamiltonien induite par le champ B 1 (t) est
|+̂(t) = e iωtσz /2 |+ = e iωt/2 |+ |−̂(t) = e iωtσz /2 |− = e−iωt/2 |−
où nous avons défini le vecteur d’état |ϕ̂(t) dans le référentiel tournant par
d d −iωtσz /2 1
i |ϕ̂(t) = i e |ϕ(t) = ωσz + Ĥ(t) |ϕ̂(t) (5.29)
dt dt 2
avec
Ĥ(t) = e−iωtσz /2 H(t) e iωtσz /2 = H0 + Ĥ1 (t) (5.30)
Pour calculer Ĥ1 (t), nous allons partir de la forme (5.25) de H1 (t). Les opé-
rateurs σ̂± (t)
σ̂± (t) = e−iωtσz /2 σ± e iωtσz /2 (5.31)
obéissent à l’équation différentielle
d i
σ̂± (t) = − ωe−iωtσz /2 [σz , σ± ] e iωtσz /2 = ∓iωσ̂± (t)
dt 2
où nous nous sommes servis de (5.24), d’où le résulat important que nous
aurons souvent l’occasion d’utiliser
1 1
Ĥ = δσz − ω1 σx (5.34)
2 2
Par comparaison avec (3.59), nous voyons que Û (t) est l’opérateur de rotation
d’un angle θ = −ω1 t autour de l’axe Ox̂. Supposons que nous partions au
temps t = 0 de l’état |ϕ̂(0) = |+ ; au temps t, compte tenu de σx |+ = |−,
le vecteur d’état est
ω1 t ω1 t
|ϕ̂(t) = cos |+ + i sin |− (5.36)
2 2
La probabilité p− (t) d’observer le spin dans l’état |− est une fonction oscil-
lante de t
ω1 t
p− (t) = |−|ϕ̂(t)|2 = sin2 (5.37)
2
Le spin passe donc périodiquement d’un niveau à l’autre, et ces oscillations
sont appelées oscillations de Rabi. À nouveau, l’interprétation géométrique
de (5.35) est claire : à la résonance, la précession de Larmor est de fréquence
ω0 = ω, et cette précession est exactement compensée par la rotation du
référentiel. Il reste donc uniquement la précession de Larmor due à B 1 qui
s’effectue autour de Ox̂, puisque B1 est aligné suivant Ox̂ (figure 5.7a).
z z
t =0 ω1/γ = B 1
δ/γ
B eff
O α b
ŷ y
x̂ t1
B1
θ
θ
t2
O
(a) (b)
ω1 t 1 π
= n+ n = 0, 1, 2, 3, . . . (5.39)
2 2 2
on dit que l’on a appliqué une impulsion π/2. Le spin se retrouve alors dans une
combinaison linéaire à poids égaux des états |+ et |−, et dans l’interprétation
géométrique, le spin orienté initialement suivant Oz se retrouve suivant Oŷ
(figure 5.7a).
Hors résonance, lorsque δ = 0, on définit un vecteur unitaire n̂ par
ω1 δ
n̂ : nx = − ny = 0 nz = (5.40)
Ω Ω
où la fréquence Ω vaut
ω12 Ωt
p− (t) = |−|Û (t)|+|2 = sin2 (5.43)
Ω2 2
166 Physique quantique : Fondements
p− (t) p− (t)
δ=0 δ = 3 ω1
1 1
2π 2π
Ω t Ω t
Fig. 5.8 – Oscillations de Rabi : (a) δ = 0, (b) δ = 3ω1 . Dans le cas (b), la valeur
maximale de p− (t) est 1/10.
ω12 ω2 ω12
pmax
− = 2
= 2 1 2 = 2 (5.44)
Ω ω1 + δ ω1 + (ω − ω0 )2
Comme le montre la figure 5.8, les oscillations de Rabi sont maximales à la
résonance, et elles diminuent rapidement d’amplitude quand δ croît. L’inter-
prétation intuitive est claire : l’influence du champ de radiofréquences B 1 est
maximale lorsque celui-ci tourne à la même vitesse que le spin animé par
précession de Larmor autour de B 0.
Revenons à l’interprétation géométrique de ces résultats hors résonance.
1 = 0, la précession de Larmor s’effectue autour de Oz dans le référentiel
Si B
1 = 0, le champ magnétique
tournant à la vitesse angulaire δ = ω − ω0 , et si B
eff se compose d’un champ vertical de module δ/γ et d’un champ
effectif B
horizontal B 1 de module ω1 /γ (figure 5.7b). La précession de Larmor s’effectue
alors autour du champ B eff avec la fréquence angulaire Ω (5.41). Un petit
exercice de géométrie (exercice 5.5.6) permet alors de retrouver (5.43).
Mélangeur
Tube
Condensateur
Oscillateur
Coupleur RF Ordinateur
directionnel
Amplificateur
B0
F.I.D.
t t
Transformation de Fourier
Spectre
ω0 ω
Spire RF Spire
du champ
statique
p+ (t = 0)
ω0
= exp (5.45)
p− (t = 0) kB T
Ceci est résumé sur la figure 5.10 qui donne un spectre RMN typique.
Dans le cas de l’imagerie par résonance magnétique9 (IRM), on s’intéresse
exclusivement aux protons contenus dans l’eau et les graisses. L’échantillon
est placé dans un champ B 0 non uniforme, ce qui fait que la fréquence de
résonance dépend du point d’espace. Comme l’amplitude du signal est direc-
tement proportionnelle à la densité des spins, et donc à celle des protons, on
peut en déduire, après des calculs informatiques complexes, une image tri-
dimensionnelle de la densité d’eau dans les tissus biologiques. La résolution
spatiale est aujourd’hui de l’ordre du millimètre, et on peut faire une image
en 0.1 s. Ceci a permis le développement de l’IMR fonctionnelle (IMRf), grâce
OH CH 2 CH 3 TMS
ppm
Fig. 5.10 – Spectre RMN des protons de l’éthanol CH3 CH2 OH obtenus avec une
RMN de 200 MHz. On observe trois pics associés au trois groupements OH, CH3 et
CH2 . La courbe en tirets représente l’aire intégrée des signaux. Le signal TMS est
un signal de référence.
à laquelle peut par exemple “voir le cerveau en action” en mesurant les va-
riations locales de débit sanguin. Les temps de relaxation longitudinale T1
et transverse T2 jouent un grand rôle dans l’obtention et l’interprétation des
signaux de l’IMR.
Nous allons rencontrer à nouveau les oscillations de Rabi entre deux ni-
veaux dans les deux sections suivantes. Cependant, il existe une importante
différence de principe entre la RMN et les systèmes étudiés dans ces deux
sections. Nous y reviendrons à la fin du § 5.4.1.
d
H
d H
possibles de cette molécule sont très variés : elle peut effectuer des mouvements
de translation et de rotation dans l’espace, les atomes peuvent vibrer autour
de leur position d’équilibre, les électrons peuvent se trouver dans des états
excités. Une fois fixés les degrés de liberté de translation, rotation et vibration
pour la molécule dans son état fondamental électronique, il reste encore deux
configurations possibles pour la molécule en rotation10 autour de son axe de
symétrie, qui sont symétriques l’une de l’autre par réflexion par rapport à un
plan (figure 5.11). Pour passer d’une configuration à l’autre, l’atome d’azote
doit traverser le plan des atomes d’hydrogène. Ceci est possible grâce à un
effet tunnel, que nous expliquerons au § 12.4.5. Dans ce qui suit, nous allons
nous intéresser uniquement à ces deux configurations, ce qui est justifié en
raison des énergies mises en jeu (cf. la note 11). Comme dans le cas de la
molécule d’éthylène, nous utiliserons pour décrire ces deux configurations un
espace des états à deux dimensions : la molécule dans l’état 1 (resp. 2) de
la figure 5.11 sera décrite par le vecteur de base |ϕ1 (resp. |ϕ2 ). Si l’atome
d’azote ne pouvait jamais franchir le plan des atomes d’hydrogène, l’énergie
des états |ϕ1 et |ϕ2 serait identique, égale à E0 . Mais il existe une amplitude
10. L’importance de cette rotation pour générer deux configurations différentes est souli-
gnée par Feynman ; dans les exposés qui ont repris ultérieurement sa présentation originale,
ce mouvement de rotation a souvent été oublié. Mais si cette rotation est absente, on passe
continûment d’une configuration à l’autre par une rotation dans l’espace !
5. Systèmes à nombre de niveaux fini 171
E0 + A
E0
E0 + A
E0 + A
E0
E0 − A
E = −d · E (5.48)
soit
E± = E0 ∓ A2 + (dE)2 (5.50)
Ces valeurs propres sont représentées sur la figure 5.13 en fonction de E. Si
d E ≫ A, les énergies sont ≃ E0 ± dE et les vecteurs propres correspondants
12. On peut aussi utiliser les résultats du § 2.3.2.
5. Systèmes à nombre de niveaux fini 173
E0 + d2 2 + A2
E0 + A
E0 + d
E0
d /A
E0 − d
E0 − A
E0 − d2 2 + A2
1 d2 E 2
E± ≃ E0 ∓ A ∓ (5.51)
2 A
À des termes d’ordre d E/(2A) près (exercice 5.5.4), les vecteurs propres sont
|χ+ et |χ− . Si le champ électrique n’est pas uniforme, la molécule sera
soumise à une force
2
± = ± d ∇E
F± = −∇E 2 (5.52)
2A
Comme dans l’expérience de Stern-Gerlach, on pourra séparer expérimenta-
lement les états propres |χ± du hamiltonien (5.18) en utilisant un champ
électrique inhomogène13 : voir la figure 5.15.
Le schéma de niveaux que nous venons de trouver est très général : il met
en évidence le phénomène de répulsion des niveaux (figure 5.14). Si dE ≫ A,
les états propres du hamiltonien sont |ϕ1 et |ϕ2 . Pour E = 0, ces deux
niveaux devraient se croiser et échanger leur stabilité. Il n’en est rien, à cause
de la valeur non nulle de A, qui entraîne que les deux niveaux ne se croisent
pas.
Supposons maintenant que le champ électrique est un champ oscillant
1 iωt
E(t) = E0 cos ωt = E0 e + e−iωt E0 réel > 0 (5.53)
2
Le hamiltonien dépend explicitement du temps. Il sera commode de prendre
comme vecteurs de base les états stationnaires (5.47) |χ+ et |χ− du
13. En pratique, le champ est choisi tel que l’état |χ− soit focalisé et l’état |χ+ défo-
calisé : cf. Basdevant et Dalibard [2001], chapitre 6.
174 Physique quantique : Fondements
E
2 1
2A
1 2
pour obtenir
1
W̃ (t) = dE0 σ+ e iδt + σ− e−iδt + σ+ e−i(ω+ω0 )t + σ− e i(ω+ω0 )t (5.58)
2
À la résonance, les deux premiers termes du crochet redonnent le résultat
(5.34) de la RMN, mais deux termes supplémentaires ont fait leur apparition.
car dans le
En fait, ceci est dû au choix d’une polarisation linéaire pour E,
cas d’une polarisation circulaire, nous serions retombés sur les équations du
§ 5.2.1. Dans le cas de la RMN, nous aurions également vu apparaître ces
termes supplémentaires si nous avions choisi un champ de radiofréquences B 1
orienté suivant un axe fixe (exercice 5.5.6)
1 (t) = 2x̂ B1 cos ωt
B
Ces termes supplémentaires peuvent être négligés si deux conditions sont réa-
lisées.
• La perturbation apportée par le champ électrique est faible : d E0 ≪ A,
ou de façon équivalente, d E0 / ≪ ω0 . La fréquence de Rabi est cette
fois la quantité ω1 = d E0 /. La condition de champ faible est donc aussi
ω1 ≪ ω0 , ce qui est − presque − toujours réalisé en pratique.
• La deuxième hypothèse est que la fréquence du champ électrique soit
proche de la résonance : ω ≃ ω0 , condition qui s’exprime en fonction du
désaccord δ = (ω − ω0 ) et qui s’écrit plus précisément |δ| ≪ ω0 . Dans
ces conditions, les termes en exp[±i(ω + ω0 )t] de (5.58) varient très
rapidement par rapport aux termes en exp(±iδt) et leur effet moyenné
dans le temps est négligeable.
Si ces deux conditions sont vérifiées, on peut alors négliger les termes en
exp[±i(ω + ω0 )t] dans (5.58). Cette approximation est appelée approximation
séculaire14 , et le hamiltonien dans le point de vue de l’interaction est
1
ω1 σ+ e iδt + σ− e−iδt
W̃ (t) = (5.59)
2
χ+
0 cos
χ−
fentes collimatrices
exemple, qu’au temps t = 0, la molécule se trouve dans l’état |χ− 15 d’énergie
(E0 + A). Pour calculer la probabilité p± de trouver au temps t la molécule
dans l’état |χ± , il suffit de transposer (5.37)
2 2 2 ω1 t
p− (t) = |χ− |ϕ(t)| = |c− (t)| = cos
2
(5.61)
2 2 2 ω1 t
p+ (t) = |χ+ |ϕ(t)| = |c+ (t)| = sin
2
La molécule passe de l’état |χ− à l’état |χ+ avec une fréquence angulaire
ω1 /2 = dE0 /(2).
Après avoir mis la molécule dans l’état |χ− grâce au filtrage décrit dans la
sous-section précédente, on la fait passer dans une cavité où règne un champ
oscillant à la fréquence de résonance (figure 5.15). La molécule franchit la
cavité en un temps T ; si ce temps est ajusté de sorte que
d E0 T π
=
2 2
à la sortie de la cavité toutes les molécules sont passées dans l’état |χ+ .
Par conservation de l’énergie, les molécules fournissent de l’énergie au champ
électromagnétique : ce processus est appelé émission stimulée (ou induite).
Si les molécules s’étaient trouvées dans l’état |χ+ , elles auraient absorbé de
l’énergie en l’empruntant au champ électromagnétique pour passer dans l’état
|χ− , processus appelé absorption stimulée.
Le processus d’émission stimulée est un processus susceptible d’ampli-
fier un champ électromagnétique, pourvu que l’on soit capable de produire
les molécules dans un état excité, c’est-à-dire d’obtenir une inversion de po-
15. Dans le cas de la RMN, on fait passer le spin de l’état d’énergie la plus basse vers
celui d’énergie la plus haute, alors que pour l’application au maser, nous nous intéressons
à la situation inverse.
5. Systèmes à nombre de niveaux fini 177
équations d’évolution donne le résultat (5.43) que nous écrivons sous la forme
développée18
ω12
2 t
p(ω; t) = sin 2
(ω − ω0 ) + ω12 (5.62)
(ω − ω0 )2 + ω12 2
Rappelons que la fréquence de Rabi ω1 = d E0 /. Bien que nous ayons été
capables d’écrire une solution exacte, il est utile de donner une solution ap-
prochée simple des équations d’évolution lorsque la condition
d E0 t
≪1 t≪ = τ2 (5.63)
dE0
est satisfaite, c’est-à-dire pour des temps suffisamment courts. L’intérêt de
cette solution approchée est qu’elle se retrouve dans de nombreux problèmes
qui ne peuvent pas être résolus exactement et elle prépare le terrain pour le
chapitre 8. Nous avons à t = 0, pour les composantes c̃± (t) de |ϕ̃(t)
c̃+ = 1 c̃− = 0
1
I = ε0 c2 E × B
= ε0 cE02 (5.67)
2
où • représente une moyenne temporelle et le champ électrique est de la
forme (5.53). Dans ces conditions,
2
d2
d E0
p(ω; t) = t2 f (ω − ω0 ; t) = 2π I t2 f (ω − ω0 ; t) (5.68)
2 4πε0 2 c
19. Plus précisément, il s’agit de l’ensemble des transitions d’énergie (E0 − A) à (E0 + A)
(figure 5.12), ce qui suppose de sélectionner les molécules dans l’état (E0 − A) par le
mécanisme décrit au § 5.2.2.
5. Systèmes à nombre de niveaux fini 179
f (δ = ω − ω 0 ; t)
1
I (δ )
Ainsi que nous l’avons déjà signalé, la fréquence du champ électrique n’est
pas exactement fixée, mais s’étale sur un spectre de fréquences ∆ω. Soit I(ω)
l’intensité par unité de fréquence et supposons que ∆ω ≫ π/t (figure 5.16) :
la probabilité de transition intégrée sur ω est alors
∞
d2
p(t) = 2π t2 dω I(ω) f (ω − ω0 ; t)
4πε0 2 c 0
d2
≃ 4π 2 I(ω0 ) t
4πε0 2 c
d2
1
Γ = p(t) = 4π 2 I(ω0 ) (5.69)
t 4πε0 2 c
1 1
τ1 ∼ ≪ t ≪ τ2 ∼ = (5.70)
∆ω dE0 ω1
e e e
g g
g
(a) (b) (c)
Fig. 5.17 – (a) Émission spontanée. (b) Émission stimulée. (c) Absorption.
longueur d’onde de 0.78 µm, à la limite de l’infra rouge. Cet ordre de grandeur
est typique de la physique atomique : les transitions généralement utilisées
sont dans le domaine visible, ou bien dans le proche ultraviolet ou le proche
infrarouge.
Nous avons déjà souligné que l’émission spontanée n’était pas en principe
décrite par le traitement semi-classique, puisque l’on passe d’un état initial à
zéro photon à un état final à un photon : un photon est créé au moment de
la désexcitation de l’atome. Seule une théorie quantique du champ électroma-
gnétique permet de décrire l’émission spontanée de façon rigoureuse. Bien que
notre traitement classique du champ électromagnétique ne nous autorise pas
une interprétation en termes de photons, nous nous risquerons néanmoins à
décrire les processus du § 5.3.3 en utilisant ce concept : par exemple nous in-
terpréterons le gain d’énergie du champ comme une augmentation du nombre
de photons dans la cavité. Le processus
|χ− + n photons → |χ+ + (n + 1) photons (5.71)
représente donc l’émission stimulée. L’absorption stimulée est le processus
inverse de (5.45)
|χ+ + n photons → |χ− + (n − 1) photons (5.72)
Enfin, l’émission spontanée d’un photon se produit quand le niveau excité
|χ− se désexcite en l’absence de champ électromagnétique
|χ− + 0 photon → |χ+ + 1 photon (5.73)
Ces processus sont représentés schématiquement sur la figure 5.17. Il faut
bien faire la différence entre l’émission stimulée, qui est cohérente avec l’onde
incidente et est proportionnelle à l’intensité incidente, et l’émission spontanée
qui est aléatoire, sans relation de phase avec le champ appliqué et n’est pas
influencée par les conditions externes20 .
La nécessité de l’émission spontanée a été démontrée pour la première fois
par Einstein. Examinons une collection d’atomes à deux niveaux E1 et E2 ,
E1 < E2 , placés dans une cavité à la température T . Il règne dans cette cavité
un rayonnement donné par la loi de Planck (1.22). Si N est le nombre total
d’atomes et N1 (t), N2 (t) le nombre d’atomes dans les états E1 et E2
N1 (t) + N2 (t) = N = cste
en supposant que seuls les états E1 et E2 sont peuplés de façon appréciable21 .
Les nombres N1 (t) et N2 (t) vérifient les équations cinétiques
dN1 dN2
=− = (−AN1 + BN2 )ǫ(ω) (5.74)
dt dt
20. Sauf cas exceptionnel : si l’atome est piégé entre des miroirs hautement réfléchissants
et à très basse température, il est possible de modifier l’émission spontanée. C’est ce que
l’on appelle l’électrodynamique en cavité : voir le § 17.2.3, et pour plus de détails Grynberg
et al. [2010] ou Haroche et Raimond [2006], chapitre 3.
21. Ce sera le cas si, par exemple, les autres états En sont tels que En − E1 ≫ E2 − E1
et En − E1 ≫ kB T .
182 Physique quantique : Fondements
N eq
A E1 − E2 ω
= 1eq = exp − = exp (5.75)
B N2 kB T kB T
Ce résultat n’est pas physiquement acceptable, car A et B ne peuvent dé-
pendre que des caractéristiques de l’interaction du champ électromagnétique
avec l’atome, et non de la température. Il faut corriger (5.75) pour tenir
compte de l’émission spontanée, indépendante de ǫ(ω)
dN1
= (−AN1 + BN2 )ǫ(ω) + B ′ N2 (5.76)
dt
La condition dN1 /dt = 0 jointe à la condition d’équilibre de Boltzmann donne
pour ǫ(ω)
B′ B′
ǫ(ω) = = (5.77)
AN1 /N2 − B ω
A exp −B
kB T
La comparaison avec (1.22) montre que A = B et que
B′ ω 3
= 2 3
A π c
On remarque que l’on aurait aussi bien pu utiliser dans le raisonnement la
densité de photons n(ω) = ǫ(ω)/ω ou toute quantité proportionnelle à la
densité d’énergie ǫ(ω), au prix d’une simple redéfinition de A et B. Calculons
explicitement B ′ ; ǫ(ω) est une densité d’énergie par unité de fréquence, et
l’intensité I(ω) dans (5.67) est reliée à ǫ(ω) par
I(ω) = c ǫ(ω)
ce qui donne par comparaison avec (5.69) la probabilité d’absorption par unité
de temps
d2
A = 4π 2 c
4πε0 2 c
Cependant, dans notre modèle, le dipôle ne peut osciller que dans une seule
direction, par exemple Oz, ce qui entraîne que les photons polarisés perpen-
diculairement à Oz ne sont pas absorbés, et la probabilité d’absorption de
l’équation ci-dessus doit être divisée par un facteur 2. De plus, pour obtenir la
5. Systèmes à nombre de niveaux fini 183
2ω 3 A 4ω 3 d2
B ′ = 2 03 = 20 (5.78)
3π c 2 3c 4πε0 c
milieu actif
M1 M3
M2
Fig. 5.18 – Schéma d’un laser en anneau. Les miroirs M1 et M2 sont parfaitement
réfléchissants, M3 transmet une fraction de la lumière incidente qui forme le faisceau
laser.
22. La littérature sur les lasers est très vaste. Comme points de départ, on peut choisir
le livre de Breiteneker et Treps [2010] ou l’article de Pocholle [2005]. Pour un exposé plus
complet, mais focalisé sur les aspects de physique atomique fondamentale, voir Grynberg
et al. [2010], chapitre 3.
23. La présence d’une cavité résonante n’est pas obligatoire. Il existe d’autres mécanismes
pour sélectionner les modes amplifiés.
5. Systèmes à nombre de niveaux fini 185
2πc
ωp = p p = 1, 2, · · · (5.81)
L
E3 Γ3
E2
w
Γ2
E1
E0 Γ1
dN1
= Γ2 N 2 − Γ1 N 1
dt
dN2
= Γ3 N 3 − Γ2 N 2 (5.83)
dt
dN3
= wN0 − Γ3 N3
dt
On vérifie la cohérence de ces équations en prenant leur somme, et compte
tenu de N1 + N2 + N3 + N4 = cste, on obtient
dN0
= −wN0 + Γ1 N1 (5.84)
dt
qui est bien l’équation cinétique pour N0 . En régime permanent, dNi /dt = 0
et on déduit de (5.83)
N2 Γ1
= (5.85)
N1 Γ2
ce qui montre que la condition Γ1 ≫ Γ2 entraîne l’inversion de population.
En fait, l’émission stimulée est en compétition avec l’émission spontanée, et
cette dernière est préjudiciable au fonctionnement du laser. Comme la pro-
babilité d’émission spontanée est proportionnelle à ω03 (voir 5.78), elle sera
d’autant plus gênante que la longueur d’onde du laser sera courte. L’émis-
sion spontanée est environ huit fois plus importante dans le bleu que dans le
rouge, et c’est pourquoi il est plus facile de construire un laser émettant dans
le rouge que dans le vert ou le bleu. Malgré un rendement énergétique défa-
vorable, un pointeur laser vert est construit en partant d’un laser émettant
dans l’infrarouge, et le faisceau vert est obtenu grâce à une conversion op-
tique depuis l’infrarouge en vert par doublement de fréquence dans un milieu
non-linéaire.
La condition de stationnarité de l’onde laser dans la cavité est à l’origine
des propriétés de cohérence temporelle (ou longitudinale) et de cohérence
spatiale (ou transverse) de la lumière laser, qui sont à la base des propriétés
remarquables de cette lumière. Pour définir la cohérence temporelle, remar-
quons que si l’onde lumineuse était une sinusoïde parfaite de fréquence ω, on
aurait en un point d’espace fixé un comportement en cos(ωt − φ). En fait, φ
est une fonction aléatoire du temps, φ(t). Si φ(t) a une certaine valeur à t = 0,
la mémoire de cette valeur sera perdue au bout d’un temps τ , le temps de cor-
rélation de la phase, ou temps de cohérence, et cτ est la longueur de cohérence
longitudinale. On peut, en principe, atteindre un temps de cohérence limité
uniquement par l’émission spontanée, et, en pratique, des temps de cohérence
de l’ordre de la dizaine de µs (et donc des longueurs de cohérence de plusieurs
kilomètres) sont faciles à atteindre. Un argument analogue est utilisé pour
24. Les équations cinétiques complètes sont données, par exemple, par Pocholle [2005].
5. Systèmes à nombre de niveaux fini 187
hν0 = Ee − Eg
t=0 t= t= T + t= T +2
L= T
C1 C2 détecteur D
jet d’atomes
source fréquence
Fig. 5.21 – Principe d’une horloge atomique. Le détecteur D est déclenché unique-
ment par les atomes dans l’état |g.
même source S et leurs champs électriques sont en phase (figure 5.21) ; les
atomes passent un temps τ dans chacune des cavités, avec τ ≪ T . Ils sont
détectés immédiatement à la sortie de C2 par un détecteur D, qui se déclenche
uniquement si les atomes sont dans l’état |g.
Les états |g et |e sont choisis comme états propres de σz
1
H(t) = − ω0 σz − ω1 σx cos ωt (5.86)
2
Ω= ω12 + δ 2 ≃ ω1 1 + =1−
2ω12 Ω 2ω12
ce qui entraîne
2 2
Ωτ 1 δ Ωτ 1 δ
cos =√ 1+O sin = √ 1+O
2 2 ω1 2 2 ω1
5. Systèmes à nombre de niveaux fini 191
Si l’on néglige les termes de l’ordre de (δ/ω1 )2 , l’état |χ de l’atome à la sortie
de C1 est
iδ
1
|χ = √ 1− |g + i|e
2 ω1
De plus, la propagation de l’atome entre C1 et C2 est modifiée, car pour
τ ≤ t ≤ T + τ nous avons dans le référentiel tournant
1
Ĥ = δσz Û(t) = e−iδσz t/2
2
Négligeant les terme en (δ/ω1 ) dans l’expression de |χ, à l’entrée de C2 l’état
de l’atome est
1 1
e−iδσz T /2 √ (|g + i|e) = √ e−iδT /2 |g + ie iδT /2 |e
2 2
L’action de C2 est identique à celle du cas résonant et d’après (5.88) l’atome
à la sortie de C2 se trouve dans l’état
1 −iδT /2 δT δT
e (|g + i|e) + ie iδT /2 (|e + i|g) = i − sin |g + cos |e
2 2 2
(5.90)
La probabilité de déclencher D est donc
δT
p(T ) = sin2 (5.91)
2
L’asservissement de la fréquence ω à ω0 consiste à rendre la probabilité de dé-
tection (5.91) aussi petite que possible. Si le détecteur enregistre un maximum
d’atomes, cela veut dire que δT = π : la méthode détecte donc un désaccord
δ ∼ 1/T . Plus le temps de parcours est long, et meilleure sera la précision de
l’horloge. Cette précision atteint 10−13 en valeur relative, ce qui correspond
à une dérive d’une seconde tous les 300 000 ans.
5.5 Exercices
5.5.1 Base orthonormée de vecteurs propres
Vérifier par un calcul explicite que les vecteurs |χs (5.12) forment une
base orthonormée : χs′ |χs = δs′ s .
5.5.3 Le butadiène
Le butadiène C4 H6 possède une structure linéaire (figure 5.22). Son ossa-
ture (C4 H6 )4+ formée avec des électrons σ comporte quatre atomes de carbone
numérotés de n = 1 à n = 4. L’état d’un électron π localisé au voisinage de
l’atome de carbone no n est désigné par |ϕn . Il est commode de généraliser à
une chaîne linéaire comportant un nombre N d’atomes de carbone, et donc
de numéroter les atomes n = 1, . . . , N . Le hamiltonien d’un électron π agit
sur l’état |ϕn de la façon suivante
A est une constante positive. On remarque que les états |ϕ1 et |ϕN jouent un
rôle particulier, car contrairement au cas du benzène, il n’y a pas de symétrie
cyclique.
H
H
1.35 Å
C C
122o
H 1.46 Å
H
1.35 Å
C C
H H
E0 ≃ 4(E0 − A) − 0.48A
où la somme porte sur les états |χs occupés par les électrons π. Le facteur
1 correspond aux électrons σ. Montrer que l’ordre de la liaison est bien l =
2 pour l’éthylène. Calculer l’ordre des liaisons pour le benzène et pour les
différentes liaisons du butadiène et commenter les résultats. Pourquoi la liaison
centrale du butadiène est-elle plus courte qu’une liaison simple (1.46 Å au lieu
de 1.54 Å) ?
1 me e 4 e2
E0 = − = −
2 2 2a0
où me est la masse de l’électron et a0 le rayon de Bohr : a0 = 2 /(me e2 ).
Quelle est l’échelle de longueur pertinente l dans la relation r ≫ l ?
3. On considère l’ion H+ 2 comme un système à deux niveaux d’états de base
{|ϕ1 , |ϕ2 }, ϕi |ϕj = δij . Justifier la forme du hamiltonien où l’on choisira
A>0
E0 −A
H=
−A E0
5. Systèmes à nombre de niveaux fini 195
5.6 Bibliographie
Pour la chimie quantique élémentaire, on pourra consulter Feynman
et al. [1965], volume III, chapitre 15, Goodrich [1972], chapitre 2, Gatz [1971],
chapitres 10 à 12. Les systèmes à deux niveaux avec interactions résonantes
et quasi-résonantes sont traités par Feynman et al. [1965], volume III, cha-
pitres 8 et 9 ou par Cohen-Tannoudji et al. [1973], chapitre IV. On trouvera
une excellente introduction à la RMN par exemple dans Akitt [1992] ou dans
Levitt [2001]. L’interaction d’un atome à deux niveaux avec un champ élec-
tromagnétique est traitée à un niveau avancé par Grynberg et al. [2010], cha-
pitre 2. Le lecteur trouvera des détails complémentaires sur l’ion moléculaire
H+2 dans Cohen-Tannoudji et al. [1973], complément GXI .
Chapitre 6
Mathématiques de la mécanique
quantique II : dimension infinie
2. Cet espace est muni d’un produit scalaire défini positif ; si |ϕ et |χ
sont deux vecteurs, ce produit scalaire est noté χ|ϕ et il vérifie
et (6.4) ne définit un vecteur que si cette norme est finie : la série dans (6.5)
doit être une série convergente
∞
|cn |2 < ∞
n=1
1. Cet axiome est donc, en fait, un peu superflu. Il est automatiquement vérifié dans le
cas de la dimension finie.
6. Mathématiques de la mécanique quantique II : dimension infinie 199
Dans ces conditions, quel que soit ε > 0, il existe un entier N tel que le vecteur
|ϕN défini par la combinaison suivante finie de vecteurs de base
N
|ϕN = cn |n
n=1
vérifie
∞
||ϕ − ϕN ||2 = |cn |2 ≤ ε (6.6)
n=N +1
Autrement dit, il est possible d’approcher |ϕ par un vecteur |ϕN dont la
norme diffère arbitrairement peu de celle de |ϕ. On peut maintenant ap-
procher les cn par des nombres rationnels, et on voit qu’il est possible de
construire dans H une suite dénombrable de vecteurs qui soit dense2 dans
H. Cette propriété, commune aux espaces de dimension finie et dénombrable,
s’appelle la séparabilité de l’espace de Hilbert : les espaces de Hilbert de la
mécanique quantique sont séparables.
La convergence définie par (6.6) est la convergence en norme, aussi appelée
convergence forte : on dit qu’une suite de vecteurs |ϕ(l) converge en norme
vers |ϕ pour l → ∞ si quel que soit ε > 0, il existe un entier N tel que pour
l≥N
||ϕ − ϕ(l) || ≤ ε ∀l ≥ N (6.7)
Il existe un autre type de convergence, la convergence faible : une suite de
vecteurs |ϕ(l) converge faiblement vers |ϕ si pour tout vecteur |χ de H
(i) Espace ℓ(2) . Un vecteur |ϕ est défini par une suite infinie de nombres
complexes c1 , . . . , cn . . . telle que
∞
||ϕ||2 = |cn |2 < ∞ (6.9)
n=1
Comme dans (6.4), les cn sont les composantes de |ϕ. Vérifions que |ϕ + λχ
appartient à H. Si |χ a pour composantes dn , étant donné que
|cn + λdn |2 ≤ 2(|cn |2 + |λ|2 |dn |2 )
il est clair que ||ϕ + λχ|| < ∞. Le produit scalaire de deux vecteurs
∞
χ|ϕ = d∗n cn
n=1
Vérifions ensuite que ℓ est complet. Soit |ϕ(l) et |ϕ(m) deux vecteurs de
(2)
(l) (m)
composantes cn et cn . Si ||ϕ(m) − ϕ(l) || < ε pour l, m > N , cela veut dire
que
2 1/2
∞
(l) (m)
cn − cn <ε
n=1
L’inégalité est a fortiori vraie pour chaque valeur individuelle de n et, pour n
(l)
fixé, les nombres cn forment une suite de Cauchy qui converge vers cn pour
l → ∞. On montre facilement (exercice 6.4.1) que le vecteur ϕ converge
(l)
ou fonctions de carré sommable sur l’intervalle [a, b]. Ces fonctions forment
un espace vectoriel, noté L(2) [a, b]. En effet, (i) ϕ(x) + λχ(x) est de carré
sommable si ϕ(x) et χ(x) le sont, (ii) le produit scalaire χ|ϕ
b
χ|ϕ = dx χ∗ (x)ϕ(x) (6.11)
a
Le fait que L(2) [a, b] soit complet résulte d’un théorème dû à Riesz et Fischer,
et la séparabilité résulte d’un théorème standard de l’analyse de Fourier : toute
fonction de carré sommable ϕ(x) peut s’écrire, au sens de la convergence en
moyenne (ou en norme), comme la somme d’une série de Fourier
∞
1 2iπnx
Les fonctions
1 2iπnx
forment une base orthonormée dénombrable de L(2) [a, b], qui est donc un
espace de Hilbert séparable.
(iii) Espace L(2) (R). Quand l’intervalle [a, b] s’identifie à la droite réelle
R, [a, b] →] − ∞, +∞[, on obtient l’espace de Hilbert L(2) (R) (ou L(2) (] −
∞, +∞[), l’espace des fonctions de carré sommable sur ] − ∞, +∞[. Bien que
la démonstration soit plus délicate, on peut montrer que L(2) (R) reste un
espace séparable, et donc isomorphe à ℓ(2) .
peut diverger alors que n |cn |2 converge : il suffit par exemple de prendre
cn = 1/n. Autrement dit, A|ϕ n’est pas nécessairement un vecteur de H. On
appelle domaine de A, noté DA , l’ensemble des vecteurs |ϕ tel que A|ϕ soit
un vecteur de H. Dans l’exemple ci-dessus, le domaine de A est l’ensemble
des vecteurs tels que n n2 |cn |2 < ∞. Il est facile de se convaincre que ce
domaine est dense dans H. En pratique, un opérateur A ne présente un intérêt
que si son domaine est dense dans H.
Si A|ϕ existe quel que soit |ϕ, on dit que l’opérateur A est borné : on
doit alors avoir ||Aϕ|| < ∞ quel que soit |ϕ. Le maximum de ||Aϕ||/||ϕ|| est
appelé la norme de A, qui est notée ||A||
Si la norme de ||A|| n’existe pas, A est dit non borné. Les opérateurs non
bornés sont d’un maniement beaucoup plus délicat que les opérateurs bornés.
Malheureusement ils sont omniprésents en mécanique quantique.
Dans L(2) [0, 1], l’opérateur X qui à ϕ(x) fait correspondre la fonction
xϕ(x)
ϕ(x) → (Xϕ)(x) = xϕ(x) (6.17)
est un opérateur borné de norme un. En revanche, l’opérateur d/dx, qui à
ϕ(x) fait correspondre sa dérivée
dϕ(x)
ϕ(x) → (6.18)
dx
n’est pas un opérateur borné. Nous l’avons déjà vu ci-dessus ; un autre argu-
ment simple consiste à trouver une fonction telle que la norme de ϕ(x) soit
finie, mais non celle de ϕ′ (x). Par exemple, si
dϕ(x) 1
ϕ(x) = x−1/4 = − x−5/4
dx 4
la norme de ϕ est finie, mais non celle de ϕ′ car
1 1
1 −5/2
dx x−1/2 = 2 dx x diverge à x = 0
0 0 16
Les problèmes de domaine peuvent rendre délicats la définition de la somme
et du produit de deux opérateurs non bornés. Par exemple, on ne peut a
6. Mathématiques de la mécanique quantique II : dimension infinie 203
[X, P ] ⊆ iI
Notons une autre différence avec la dimension finie : alors que dans un espace
vectoriel de dimension finie, l’existence d’un inverse à gauche entraîne celle
d’un inverse à droite, et réciproquement, cette propriété n’est plus vraie en
dimension infinie5 . Soit par exemple les opérateurs A et B définis par leur
action sur les composantes cn d’un vecteur |ϕ
alors
où C est une constante, mais ϕa (x) n’appartient pas à L(2) (R) car
∞ ∞
dx |ϕa (x)|2 = dx |C|2
−∞ −∞
est une intégrale divergente ; −id/dx est un opérateur non borné, mais même
pour un opérateur borné, par exemple la multiplication par x dans L(2) [0, 1],
l’équation
xχa (x) = aχa (x) (6.26)
n’a pas de solution dans L(2) [0, 1]. En fait, la généralisation de (6.23) au cas
de la dimension infinie n’est assurée que pour une classe très particulière
d’opérateurs, les opérateurs compacts.
En dimension finie, lorsque |ϕ est vecteur propre de A avec la valeur
propre a suivant (6.23), on dit que a appartient au spectre de A. Pour généra-
liser cette notion à la dimension infinie, considérons l’opérateur (zI − A), où
7. Plus précisément, pour les opérateurs “essentiellement auto-adjoints” : (A† )† = A† .
206 Physique quantique : Fondements
où δ(x) est la distribution de Dirac, qui n’est pas une fonction, et certainement
pas un élément de L(2) [0, 1].
Les exemples que nous venons de donner nous mettent sur la voie du
résultat général. La condition de “normalisation”
√ des pseudo-vecteurs propres
(6.25) de −id/dx est, avec le choix C = 1/ 2π
1
∞
ϕa |ϕb = dx e−iax e ibx = δ(a − b) (6.29)
2π −∞
6. Mathématiques de la mécanique quantique II : dimension infinie 207
Insistons sur le fait que l’existence d’un spectre discret et/ou continu n’est en
rien liée au fait que l’opérateur A soit ou non borné : il existe des opérateurs
non bornés dont le spectre est entièrement discret, comme le hamiltonien
de l’oscillateur harmonique (§ 10.1.1) ou le carré du moment angulaire J2
(section 9.1), et des opérateurs bornés comme la multiplication par x dans
L(2) [0, 1] dont le spectre est entièrement continu.
208 Physique quantique : Fondements
U (α) = exp(iαA) = |n, r exp(iαan )n, r|+ dν |ν, s exp[iαa(ν)]ν, s|
n,r s
(6.39)
Cette équation montre que le spectre de exp(iαA) est localisé sur le cercle
|z| = 1, et il est facile de vérifier que cette propriété est vraie de tout opérateur
unitaire. De plus, (6.39) montre que U (α) vérifie la propriété de groupe abélien
U (α1 + α2 ) = U (α1 )U (α2 ) U (0) = I (6.40)
La réciproque de cette propriété est un théorème important, le théorème de
Stone8.
Théorème de Stone. Soit un ensemble d’opérateurs unitaires dépendant d’un
paramètre continu α et vérifiant la loi de groupe abélien (6.40). Il existe
alors un opérateur hermitien T , appelé générateur infinitésimal du groupe
de transformations U (α) tel que U (α) = exp(iαT ).
On peut donner une démonstration heuristique de ce théorème, en mon-
trant que U (α) vérifie une équation différentielle. Si δα → 0
dU
U (α + δα) = U (δα)U (α) ≃ I + δα U (α) (6.41)
dα α=0
Si l’on pose
dU
T = −i (6.42)
dα α=0
T doit être hermitien car
U (δα)U † (δα) (I + i δα T ) I − i δα T †
≃
≃ I + i δα(T − T † ) = I
d’où T = T † . On déduit de (6.41)
dU (α)
= iT U (α) (6.43)
dα
ce qui donne le théorème de Stone par intégration et en tenant compte de la
condition U (0) = I.
8. Aussi appelé théorème SNAG : Stone, Naimark, Ambrose et Godement.
6. Mathématiques de la mécanique quantique II : dimension infinie 209
6.4 Exercices
6.4.1 Espaces de dimension infinie
1. Montrer que l’espace ℓ2 est complet.
2. Montrer que la convergence forte implique la convergence faible, mais
non l’inverse, sauf si l’espace est de dimension finie.
[B, An ] = inAn−1
et en déduire
n
||An || ≥
||An−1 ||
2
2. On suppose que A possède un vecteur propre normalisable |ϕ
A|ϕ = a|ϕ a = a∗
On a, d’une part,
énonce que les relations de commutation canoniques sont uniques à une équi-
valence unitaire près. Pourtant,
[X, AC ] = iI et [X, AC ′ ] = iI
3. Soit B l’opérateur
∂
B = −i x2
∂x
Montrer que
x
e −iαB
Φ (x) = Φ
1 + αx
6.5 Bibliographie
Jauch [1968], chapitres 1 à 4 et Peres [1993], chapitre 4, contiennent un
exposé assez détaillé et mathématiquement rigoureux des notions utiles sur
les espaces de Hilbert de dimension infinie et les opérateurs sur ces espaces.
Le lecteur porté sur les aspects mathématiques pourra se plonger dans le livre
classique de Riesz et Nagy [1955].
Chapitre 7
1. Ces hypothèses sont éminemment plausibles, mais, après tout, il pourrait exister des
effets subtils qui remettent en cause une (ou plusieurs) de ces invariances. Avant 1957, l’im-
mense majorité des physiciens auraient parié sur l’invariance de la physique par l’opération
parité. Pauli avait même interdit que l’on fasse au CERN à Genève une expérience destinée
à montrer l’éventuelle violation de cette invariance, tellement il trouvait cette possibilité
absurde. En conséquence, la violation de l’invariance par parité fut découverte aux USA
dans l’expérience de C.S. Wu (cf. 7.3.3).
2. Cependant, nous prendrons en compte les interactions de ces particules avec des pho-
tons, mais sans entrer dans les complications de l’électrodynamique quantique relativiste.
3. En effet, cette théorie est parfaitement relativiste, puisqu’elle obéit à la
relativité. . .galiléenne !
7. Symétries en physique quantique 213
où θ est un nombre réel, est une relation d’équivalence5 |ϕ′ ∼ |ϕ. La classe
d’équivalence est un rayon, que nous noterons ϕ̃. Le produit scalaire de deux
rayons ϕ̃ et χ̃ n’est pas défini, mais le module de ce produit scalaire, que nous
noterons |(χ̃, ϕ̃)| est bien défini : on peut choisir deux représentants arbitraires
|ϕ et |χ dans les classes d’équivalence et écrire
car les facteurs de phase disparaissent lorsque l’on prend le module. Le résultat
est indépendant du choix des représentants dans les classes d’équivalence.
Revenons au spin 1/2 du chapitre 3 : nous avons vu comment préparer un
état de spin orienté suivant Oz que nous représenterons par le rayon ϕ̃+ , en
utilisant un appareil de Stern-Gerlach dont le champ magnétique est orienté
suivant Oz et en sélectionnant les atomes déviés vers le haut (en choisissant un
signe approprié pour le champ). Faisons tourner le champ d’un angle α autour
de la direction de propagation Oy pour l’amener suivant une direction n̂α
faisant un angle α avec Oz, 0 ≤ α < 2π. Nous préparons ainsi l’état représenté
par le rayon ϕ̃+ (n̂α ), qui sera par définition l’état transformé de ϕ̃+ par une
rotation de α autour de Oy (figure 7.1). Avec les notations du chapitre 3, la
classe d’équivalence du vecteur |+ est le rayon ϕ̃+ , celle du vecteur |+, n̂α ,
le rayon ϕ̃+ (n̂α ). En général, le transformé ϕ̃R par une rotation R d’un état
ϕ̃ sera obtenu en effectuant une rotation R sur l’appareil qui prépare ϕ̃.
Supposons maintenant qu’à la suite du premier appareil de Stern-Gerlach
dont le champ est parallèle à Oz, le polariseur, on place un second appareil,
l’analyseur, dont le champ est parallèle à la direction n̂β obtenue à partir de
4. Pour certaines transformations comme la réflexion par rapport à un plan, il est plus
simple d’utiliser le point de vue passif, qui consiste à regarder le système dans un miroir,
mais on peut aussi imaginer de construire un appareillage symétrique de l’original par
rapport à un plan.
5. La notation ∼ désigne ici une relation d’équivalence, et non “de l’ordre de”.
214 Physique quantique : Fondements
z z
B
B
α
y y
O O
x x
z z z
z
B
B
B B
y y
O Analyseur O Analyseur
Polariseur Polariseur
x x
(a) (b)
Oz par une rotation d’angle β autour de Oy (figure 7.2a). S’il n’y a pas sur le
trajet de champ magnétique susceptible de faire tourner le spin, la probabilité
pour que le spin soit dévié dans la direction n̂β est
sur l’appareil de mesure pour χ̃ : χ̃ → χ̃g alors les probabilités doivent être
inchangées si la physique est invariante dans cette opération
|(χ̃g , ϕ̃g )|2 = |(χ̃, ϕ̃)|2 (7.4)
Les vecteurs |ϕg et |ϕg2 g1 représentent des états physiques identiques, et ils
doivent être égaux à un facteur de phase près
Cette équation traduit une propriété mathématique : on dit que les opérateurs
U (g) forment une représentation projective du groupe G. Dans la suite du livre,
nous aurons uniquement à considérer deux versions simples de (7.11), l’une
où le facteur de phase est +1, et dans ce cas, on a affaire à une représentation
vectorielle de G
U (g) = U (g2 )U (g1 ) (7.12)
et l’autre où le facteur de phase vaut ±1
7.2.1 Définitions
On distingue deux types de groupes de transformations.
• Les groupes discrets, dont le nombre d’éléments est fini ou dénombrable.
Comme cas particuliers simples, on peut citer la parité, ou opération
qui change le signe des coordonnés r → −r (cf. § 7.3.3), ou les groupes
cristallographiques qui jouent un rôle important en physique du solide.
• Les groupes continus, dont les éléments sont paramétrés par un ou plu-
sieurs paramètres variant de façon continue6 . Par exemple, la rotation
Rz (θ) autour de Oz est paramétrée par l’angle θ qui varie de façon
continue entre 0 et 2π.
Les groupes continus intéressants en physique sont les groupes de Lie (exer-
cice 7.5.4), dont un exemple est le groupe des rotations dans un espace à
trois dimensions, ou groupe SO(3), le groupe des matrices orthogonales :
RT R = R RT = I de déterminant +1 dans l’espace à trois dimensions7 ; AT
désigne l’opérateur transposé de A. Ce groupe va jouer un rôle majeur dans
la suite. C’est un groupe à trois paramètres : on peut, par exemple, paramé-
trer une rotation par deux angles donnant la direction n̂ de l’axe de rotation
dans un référentiel Oxyz et l’angle de rotation, donc en tout trois angles qui
varient de façon continue. Le groupe des rotations possède une infinité de
sous-groupes abéliens, les rotations autour d’un axe fixe. Nous allons montrer
qu’il suffit de considérer trois sous-groupes abéliens correspondant aux rota-
tions autour de Ox, Oy et Oz : le nombre de ces sous-groupes est égal au
nombre de paramètres indépendants. Les rotations de ces sous-groupes sont
paramétrées par un angle θ, et selon (7.7), ce paramètre est un paramètre
additif : le produit de deux rotations d’angles θ1 et θ2 est la rotation d’angle
θ = θ1 + θ2 . De façon générale, si un groupe de Lie G est paramétré par n
paramètres indépendants, on dira que la dimension du groupe est n, et on
pourra se ramener à l’étude de n sous-groupes abéliens (exercice 7.5.4). Soit
un sous groupe abélien de G, dont les éléments h sont paramétrés à l’aide d’un
paramètre additif α
6. On peut remarquer que, dans le cas d’un groupe continu, les transformations U (g)
doivent nécessairement être unitaires par continuité, si tout élément du groupe peut être
relié de façon continue à l’élément neutre e du groupe (en d’autres termes si le groupe est
connexe) : en effet U (e) = I est unitaire.
7. La relation RT R = I implique que det R = ±1. Dans la notation SO(3), S indique que
l’on doit choisir det R = +1, O qu’il s’agit du groupe orthogonal et 3 désigne la dimension de
l’espace. Si l’on ajoute aux rotations l’opération d’inversion des axes, ou parité, on obtient le
groupe O(3), qui inclut aussi les matrices de déterminant −1. Le groupe SO(3) est connexe,
mais non O(3) : on ne peut pas passer de façon continue de det R = +1 à det R = −1.
218 Physique quantique : Fondements
D’après (7.12), on doit avoir pour les opérateurs Uh (α) qui transforment les
vecteurs d’état de H
Uh (α1 + α2 ) = Uh (α2 )Uh (α1 ) (7.15)
Le théorème de Stone (§ 6.3.2) implique qu’il existe alors un opérateur her-
mitien Th = Th† tel que
Uh (α) = e−iαTh (7.16)
L’opérateur Th est appelé générateur infinitésimal de la transformation consi-
dérée. Comme Th est hermitien, c’est un bon candidat pour une propriété
physique, et de fait, à toutes les transformations dont la liste figure dans
l’introduction de ce chapitre correspondent des propriétés physiques fonda-
mentales. En effet, on établit la correspondance suivante entre générateurs
infinitésimaux et propriétés physiques pour ces diverses transformations, que
nous allons revoir en détail dans la suite de ce chapitre.
• Translations de temps de t : U (t) = exp(−itH/) : Th = H = hamilto-
nien : voir le chapitre 4.
• Translations d’espace de a = aâ : U (a) = exp(−ia(P · â)/) : Th =
P · â = composante suivant â de l’impulsion P .
• Rotations autour d’un axe n̂ : Un̂ (θ) = exp(−iθ(J · n̂)/) : Th = J · n̂ =
composante suivant n̂ du moment angulaire J.
• Transformation de Galilée de vitesse v : U (v ) = exp(−i(v · G)/) : G =
−mR, R = position, m étant la masse.
Dans chaque cas, la présence de dans l’exponentielle assure que l’expo-
sant est une quantité sans dimensions. Si l’on choisit précisément , et non
que multiplie une constante numérique, alors les expressions précédentes défi-
nissent les opérateurs représentant les propriétés physiques énergie, impulsion,
moment angulaire et position. En fait, ces expressions donnent la définition
la plus générale de ces opérateurs.
∂A d
Si = 0, Aϕ = 0 ⇐⇒ [H, A] = 0 (7.19)
∂t dt
Comme application, supposons que les propriétés d’un système physique
soient invariantes par toute translation d’espace. Ce sera le cas, par exemple,
pour un système isolé de deux particules dont l’énergie potentielle dépend uni-
quement de la différence de leurs positions (r1 −r2 ). La valeur moyenne du ha-
miltonien doit être la même dans l’état |ϕ et l’état |ϕa = exp[−i(P ·a)/]|ϕ
obtenu par translation de a, où a est un vecteur arbitraire
P · a P · a
ϕa |H|ϕa = ϕ| exp i H exp − i |ϕ = ϕ|H|ϕ
Faisant tendre a vers zéro, on en déduit
A|ϕ(t0 ) = a|ϕ(t0 )
220 Physique quantique : Fondements
z
n̂
V
θ
y
O
0 0 i
⎛ ⎞ ⎛ ⎞ ⎛ ⎞
0 0 0 0 −i 0
Tx = ⎝ 0 0 −i ⎠ Ty = ⎝ 0 0 0 ⎠ Tz = ⎝ i 0 0 ⎠
0 i 0 −i 0 0 0 0 0
(7.26)
Nous allons donner une démonstration plus rapide et surtout plus instructive
de (7.27) en utilisant l’expression suivante pour une rotation d’angle θ autour
d’un axe n̂(φ) du plan yOz, obtenu à partir de l’axe Oy par une rotation
d’angle φ autour de Ox (figure 7.4)
n̂ (φ)
θ
φ
O
y
|ϕR = U (R)|ϕ
[J, S] = 0 (7.33)
[Ji , Vj ] = i εijk Vk (7.35)
k
θ
exp − i σ · n̂ = −I pour θ = 2π
2
10. Un disque dans le plan est simplement connexe. Perçons un trou dans ce disque : alors
la région du plan ainsi obtenue n’est plus simplement connexe, car une courbe encerclant
le trou ne peut plus être déformée en un point.
11. cf. Lévy-Leblond et Balibar [1984], chapitre 3.D ; l’argument est dû à Dirac.
7. Symétries en physique quantique 225
(x ) 2
x0 − ∆x x0 x 0 + ∆x x0 + a x
[Ti , Tj ] = i Cijk Tk
k
est l’algèbre de Lie du groupe (dont (7.28) pour SO(3) est un exemple, voir aussi l’exer-
cice 7.5.4), il se peut que l’on puisse construire une autre algèbre de Lie dont le second
membre diffère par un multiple de l’identité :
C’est ce que l’on appelle une extension centrale de l’algèbre de Lie initiale. Si le terme Dij I
peut être éliminé par une redéfinition des générateurs infinitésimaux Ti′ , alors il n’existe que
des représentations vectorielles (avec éventuellement des facteurs de phase discrets dus aux
propriétés topologiques globales comme dans (i)). Dans le cas contraire, par exemple celui
du groupe de Galilée (exercice 7.5.7), il existe des représentations projectives où le facteur
de phase varie de façon continue : cf. par exemple Weinberg [1995], chapitre 2.
226 Physique quantique : Fondements
∂ϕ
(Xϕ)(x) = xϕ(x) (P ϕ)(x) = −i (7.44)
∂x
Dans ces équations, (Xϕ) et (P ϕ) sont des symboles de fonctions, par exemple
(Xϕ)(x) = g(x) et (P ϕ)(x) = h(x). Vérifions (7.44)
∂ϕ ∂
([XP − P X]ϕ)(x) = −ix + i (xϕ(x) = iϕ(x)
∂x ∂x
ou
([X, P ]ϕ)(x) = iϕ(x)
Il est légitime de se poser la question de l’unicité de la représentation (7.44)
des relations de commutation canoniques : l’équation (7.44) est-elle une so-
lution unique de (7.39) ? Évidemment, deux représentations ne doivent pas
être considérées comme distinctes si elles sont reliées par une transformation
unitaire, qui est un simple changement de base orthonormée dans H. Soit U
un opérateur unitaire. Les opérateurs P ′ et X ′ obtenus par transformation
unitaire
P ′ = U †P U X ′ = U † XU
obéissent aussi aux relations de commutation canoniques
[X ′ , P ′ ] = U † XU U † P U − U † P U U † XU = U † [X, P ]U = iI
j
60
Miroir Co
j
Image Expérience
Mais, on a également
(Πχ, Π[Xi , Pj ]ϕ) = (Πχ, Π iδij ϕ)
= iδij (Πχ, Πϕ) (7.51)
si l’on suppose que Π est unitaire. En effet, pour un opérateur unitaire
(U χ, U iϕ) = (χ, iϕ) = i(χ, ϕ)
tandis que pour un opérateur antiunitaire
(U χ, U iϕ) = (iϕ, χ) = −i(ϕ, χ)
Les équations (7.50) et (7.51) sont compatibles uniquement si Π est unitaire.
En revanche, si au lieu de la parité Π on considère le renversement du sens
du temps Θ : R →R et P → −P (cf. annexe A.2), alors
Θ[Xi , Pj ]Θ−1 = −[Xi , Pj ] = −iδij
et ce changement de signe entraîne que Θ est antiunitaire.
Si la parité est une symétrie, ce qui dans l’état actuel de nos connaissances
est le cas pour les interactions fortes et les interactions électromagnétiques,
alors Π doit commuter avec le hamiltonien : [Π, H] = 0. Comme Π2 = I,
puisque deux opérations parité successives ramènent le système d’axes à sa
position initiale, les valeurs propres de Π sont ±1. Comme Π et H commutent,
on peut trouver un système de vecteurs propres communs |ϕ± à H et à Π
H|ϕ± = E± |ϕ± Π|ϕ± = ±|ϕ± (7.52)
Les états |ϕ+ sont dits de parité paire et les états |ϕ− de parité impaire.
i
Ẋ = [H, X] (7.61)
D’après (7.58),
vG vG
exp i Ẋ exp − i = Ẋ + vI (7.62)
et en retranchant (7.60) (divisé par m) de (7.62)
vG
1 vG 1
exp i Ẋ − P exp − i = Ẋ − P (7.63)
m m
ce qui implique que l’opérateur [Ẋ − P/m] commute avec G, et donc avec
X. Toujours d’après le théorème de von Neumann, [Ẋ − P/m] doit être une
fonction de X
1
Ẋ − P/m = f (X) (7.64)
m
Dans le cas à une dimension, et en général seulement dans ce cas, on peut
éliminer la fonction f par une transformation unitaire. En effet, soit F (x) une
primitive de f (x), F ′ (x) = f (x) ; considérons la transformation unitaire, qui
est une transformation de jauge locale (cf. le § 10.3.1)
i
S = exp F (X) (7.65)
Dans la transformation unitaire X ′ = S −1 XS, X reste évidemment inchangé :
X ′ = X. Calculons P ′ . En utilisant (7.41),
∂S i
[P, S] = −i = (−i) f (X)S = f (X)S
∂X
d’où l’on déduit
1 ′
Ẋ = P
m
1 P2
K= mẊ 2 = (7.66)
2 2m
et calculons son commutateur avec X
1 i ∂P 2 P
[K, X] = [P 2 , X] = − = −i (7.67)
2m 2m ∂P m
En effet, (7.41) implique, en échangeant les rôles de P et de X
∂f (P )
[X, f (P )] = i
∂P
Mais
1 i
P = Ẋ = [H, X]
m
et en retranchant cette équation de (7.67), on obtient
[H − K, X] = 0
P2
H = K + V (X) = + V (X) (7.68)
2m
On justifie ainsi ce que l’on aurait obtenu par le principe de correspondance
à partir de l’analogue classique de l’énergie, somme de l’énergie cinétique et
de l’énergie potentielle
p2
E= + V (x)
2m
L’invariance galiléenne est assurée par le fait que le hamiltonien garde la même
forme après transformation. Si le hamiltonien initial est une fonction de X et
P , le hamiltonien transformé est la même fonction de Xv = X et Pv = P +mv.
• État initial :
P2
H= + V (X)
2m
• État transformé :
Pv2 1
Hv = + V (Xv ) = H + P v + mv 2 + V (X) (7.69)
2m 2
234 Physique quantique : Fondements
on déduit
[H − K, Xi ] = 0
(H − K) est une fonction de R uniquement : H = K + V (R). Le hamiltonien
le plus général compatible avec l’invariance galiléenne est donc de la forme
1 2
H= P − f (R) + V (R) (7.73)
2m
Il est important de souligner la différence entre P /m et dR/dt
: c’est cette
dernière quantité qui donne l’énergie cinétique K
2
1 dR P 2
K= =
2m dt 2m
17. Cette condition est nécessaire mais non suffisante dans un domaine qui n’est pas
simplement connexe.
7. Symétries en physique quantique 235
1 2
r , t) + qV (r, t)
Hcl = p − q A(
(7.74)
2m
On obtient donc (7.73) en utilisant le principe de correspondance et en iden-
= f et qV = V . La signification de ce hamiltonien sera examinée
tifiant q A
de façon plus approfondie au § 10.3.1, quand nous discuterons l’invariance de
jauge locale ; la transformation (7.65) et sa généralisation à trois dimensions
sont des tranformations de jauge locales. Si f (R) peut être éliminé par une
telle transformation, cela implique que B = 0. Cependant, il ne faudrait pas
en conclure que f et V doivent nécessairement être identifiés à des potentiels
vecteur et scalaire, car f etV sont des fonctions arbitraires, qui n’ont aucune
raison d’obéir aux équations de Maxwell, et la particule n’est pas obligatoire-
ment chargée. Tout ce que nous avons montré est que le hamiltonien classique
(7.74) peut être quantifié de façon compatible avec l’invariance de Galilée.
Pour conclure ce chapitre, montrons comment on peut trouver le fac-
teur gyromagnétique pour une particule de spin 1/2 galiléenne (Lévy-
Leblond [1967]). Dans l’exercice 8.6.14, on construit explicitement la fonction
d’onde transformée dans une transformation de Galilée pour une particule de
spin zéro. Le hamiltonien suivant d’une particule libre de spin 1/2
1 1 2
H= (σ · P )2 = P (7.75)
2m 2m
1
2 1 2 − q (σ · B)
H= σ · (P − q A)
= (P − q A) (7.76)
2m 2m 2m
=∇
avec B ×A ; on notera que P et A
ne commutent pas. Le deuxième terme
de (7.76) correspond au couplage d’un moment magnétique µ au champ B,
avec
q q q
µ=
σ = S=γ S (7.77)
2m m 2m
= σ /2 est le spin et γ un facteur égal à 2. Les corrections de théorie
où S
quantique des champs invariante de Lorentz, et non de Galilée, font que ce
18. cf. Jackson[2001], chapitre 12 et exercice 7.5.8.
236 Physique quantique : Fondements
7.5 Exercices
7.5.1 Rotations
1. Soit Rn̂ (θ) la matrice 3 × 3 représentant une rotation d’angle θ autour
de n̂. Montrer que Tr Rn̂ (θ) = 1 + 2 cos θ. Suggestion : utiliser (7.29).
2. Écrire explicitement la matrice Rn̂ (θ) à partir de (7.23) en fonction des
composantes de n̂
n̂ = (α, β, γ) α2 + β 2 + γ 2 = 1
3. Vérifier explicitement la relation de commutation [Tx , Ty ] = iTz en
utilisant les formes matricielles (7.26).
4. Vérifier que
(T · n̂)3 = T · n̂
et en déduire
e−iθ(T ·n̂) = I − i sin θ(T · n̂) − (1 − cos θ)(T · n̂)2
Comparer avec (7.23).
W = U VU −1
et que W
Montrer que W est de la forme σ · W se déduit de V par une rotation.
A-t-on entièrement prouvé cette propriété à ce stade ?
(θ) par
5. On définit V
(θ) = Un̂ (θ) [σ · V
σ · V ] U −1 (θ) (θ = 0) = V
V
n̂
Montrer que
dV (θ)
= n̂ × V (θ)
dθ
En déduire que V (θ) s’obtient à partir de V par une rotation d’angle θ autour
de n̂. Ce résultat établit une correspondance entre les matrices Rn̂ (θ) de SO(3)
et les matrices Un̂ (θ) de SU (2). Cette correspondance est-elle biunivoque ?
Ty (a)r = r + aŷ
est une translation le long d’un axe que l’on déterminera. En déduire la rela-
tion de commutation
[Jx , Py ] = iPz
238 Physique quantique : Fondements
Les matrice U (θ) forment donc une représentation du groupe G : voir (7.12).
1. Montrer que fa (θ, θ = 0) = θa et que fa (θ = 0, θ) = θa . Montrer que,
pour θ, θ → 0, fa (θ, θ) est de la forme
2 3
fa (θ, θ) = θa + θa + fabc θb θc + O(θ3 , θ2 θ, θ θ , θ )
Tbc = Tc Tb − ifabc Ta
[Tb , Tc ] = iCabc Ta
avec Cabc = −Cacb . Exprimer Cabc en fonction de fabc . Les relations de com-
mutation précédentes constituent l’algèbre de Lie du groupe défini par la loi
de composition f (θ, θ).
7. Symétries en physique quantique 239
P 2
H= + V (R)
2m
Soit |ϕn un ensemble complet de vecteurs propres de H
H|ϕn = En |ϕn |ϕn ϕn | = I
n
i]
mẍi = q[Ei + (v × B)
1 2 + qV
Hcl = p − q A)
(
2m
3. Retrouver la loi de Lorentz à partir des équations de Hamilton
∂Hcl ∂Hcl
ẋk = ṗk = −
∂pk ∂xk
7.6 Bibliographie
On trouvera des compléments utiles sur les symétries en physique quan-
tique dans Jauch [1968], chapitres 9 et 10 et dans Merzbacher [1970], cha-
pitre 16. Le chapitre 2 de Weinberg [1995] contient également un excellent
résumé de toutes les notions de base. Les relations de commutation cano-
niques et l’invariance galiléenne sont exposées dans Jauch [1968], chapitres 12
et 13. Il existe de nombreux livres consacrés à l’utilisation de la théorie des
groupes en mécanique quantique, parmi lesquels on peut citer Tinkham [1964].
Chapitre 8
Mécanique ondulatoire
Étant donné le rôle symétrique joué par les opérateurs position et impulsion,
on pourrait aussi bien utiliser les vecteurs propres de P et les “fonctions d’onde
de l’espace des impulsions” ϕ̃( p |ϕ, dont nous verrons que ce sont les
p) =
transformées de Fourier des ϕ(r). Après avoir examiné les principales proprié-
tés des fonctions d’onde, nous étudierons plusieurs applications : états liés,
diffusion, potentiel périodique. Ces applications seront d’abord traitées dans
le cas plus simple à une dimension. La généralisation à trois dimensions nous
permettra de discuter la notion importante de densité d’états et son utilisation
dans la “règle d’or de Fermi”.
1. Ou de plusieurs particules : voir la généralisation au chapitre 14.
2. Ainsi que nous l’avons vu au § 6.3.1, ces objets ne sont pas des vecteurs de l’espace
de Hilbert, ce que nous avons souligné par des guillemets. Cependant, comme nous allons
faire par la suite un usage intensif de ces “vecteurs”, nous supprimerons ces guillemets afin
d’alléger l’écriture.
244 Physique quantique : Fondements
Cette expression généralise celle que l’on écrirait dans un espace de dimension
finie : si ∆ est le sous-espace d’un ensemble de valeurs propres d’un opérateur
246 Physique quantique : Fondements
(2)
8.1.2 Réalisation dans Lx (R)
Nous allons maintenant faire le lien entre le formalisme de Dirac que nous
venons d’expliciter dans la base où X est diagonal et la réalisation donnée
au § 7.3.2 des opérateurs X et P comme opérateurs agissant dans l’espace
L(2) (R) des fonctions de carré sommable sur R. Soit |ϕ un vecteur unitaire
de H représentant un état physique. En utilisant la relation de fermeture (8.9),
nous pouvons décomposer |ϕ dans la base |x
∞
|ϕ = |x dx x|ϕ (8.11)
−∞
où x|ϕ est donc une composante de |ϕ dans la base |x, ou en termes
physiques, l’amplitude de probabilité de trouver la particule localisée au point
x. Examinons les éléments de matrice des opérateurs X et exp(−iP a/)
(8.12)
x| X|ϕ = Xx|ϕ = x x|ϕ = x ϕ(x)
Pa
x
exp − i
ϕ = x − a|ϕ = ϕ(x − a) (8.13)
Ces équations montrent que x|ϕ peut être identifié à une fonction ϕ(x)
(2)
de Lx (R) telle que l’action des opérateurs X et P soit donnée par (7.44).
En effet, l’équation (8.12) est
Xϕ (x) = xϕ(x) (8.14)
∂ϕ
P ϕ (x) = −i (8.16)
∂x
Nous retrouvons l’action des opérateurs X et P telle qu’elle avait été définie
au § 7.3.2. Vérifions que le produit scalaire est correctement donné par (8.9)
en utilisant la relation de fermeture (8.9)
∞ ∞
χ|ϕ = dx χ|xx|ϕ = dx χ∗ (x)ϕ(x) (8.17)
−∞ −∞
8. Mécanique ondulatoire 247
La fonction ϕ(x − a) dans (8.15) est bien la fonction ϕ(x) translatée de +a,
et non de −a ! Si par exemple ϕ(x) a un maximum à x = x0 , ϕ(x − a) a un
maximum à x − a = x0 , c’est-à-dire à x = x0 + a (figure 8.1). Soulignons que
le choix ϕa (x) = ϕ(x − a) pour la fonction d’onde translatée n’est bien sûr
pas unique. La fonction
ϕ′a (x) = eiθ(x) ϕ(x − a)
se déduit de ϕ(x − a) par une transformation de jauge locale (7.65). Le choix
ϕ(x − a) est lié à celui du générateur infinitésimal des translations, et le
changement de phase ϕa (x) → ϕ′a (x) serait obtenu en utilisant un générateur
infinitésimal déduit de (9.16) par la transformation de jauge locale
∂
P ′ = e iθ(x) i e−iθ(x)
∂x
(x )
(x )
(x − a)
x0 x0 + a x
En résumé, l’état physique d’une particule se déplaçant sur l’axe des x est
(2)
décrit par une fonction d’onde normalisée ϕ(x) appartenant à Lx (R)
∞
dx |ϕ(x)|2 = 1 (8.18)
−∞
(2)
8.1.3 Réalisation dans Lp (R)
Soit |p un vecteur propre de P
P |p = p|p (8.20)
Nous allons d’abord déterminer les fonctions d’onde correspondantes χp (x) =
x|p. Nous pouvons écrire en représentation x
∂
(8.21)
x| P |p = px|p = p χp (x) = −i χp (x)
∂x
Nous avons utilisé (8.16) pour obtenir la dernière égalité de l’équation précé-
dente. Quel que soit p dans l’intervalle ] − ∞, +∞[, l’équation différentielle
∂
−i χp (x) = p χp (x)
∂x
a pour solution
1
χp (x) = x|p = √ eipx/ (8.22)
2π
ce qui montre que le spectre de P est continu, tout comme celui de x. Le
facteur de normalisation (2π)−1/2 dans (8.22) a été choisi de telle sorte que
χp (x) soit normalisé par un delta de Dirac
∞ ∞ (p − p′ )x
1
dx χ∗p′ (x)χp (x) = dx exp i = δ(p − p′ ) (8.23)
−∞ 2π −∞
tandis que la relation de fermeture s’écrit
∞ ∞ p(x − x′ )
1
dp χp (x)χ∗p (x′ ) = dp exp i = δ(x − x′ ) (8.24)
−∞ 2π −∞
8. Mécanique ondulatoire 249
pour écrire
∞
x′ |p dp p|x = x′ |I|x = δ(x − x′ )
−∞
∞ ∞
1
ϕ̃(p) = p|ϕ = p|x dx x|ϕ = √ dx e−ipx/ ϕ(x) (8.26)
−∞ 2π −∞
et inversement
∞
1
ϕ(x) = √ dp eipx/ ϕ̃(p) (8.27)
2π −∞
∂
X ϕ̃ (p) = i ϕ̃(p) (8.28)
∂p
P ϕ̃ (p) = p ϕ̃(p) (8.29)
Une formule analogue à (8.19) est valable dans l’espace des impulsions : la
probabilité p([k, q]) pour que la particule ait son impulsion dans l’intervalle
[k, q] est
q
p([k, q]) = dp |ϕ̃(p)|2 (8.30)
k
2
|ϕ̃(p)| est une densité de probabilité dans l’espace des impulsions.
On appelle souvent un tel état physique un paquet d’ondes, car c’est d’après
(8.27) une superposition d’ondes planes. La position moyenne X et l’im-
pulsion moyenne P se calculent en introduisant deux fois les relations de
fermeture (8.9) et (8.25)3
∞
X = ϕ|X|ϕ = dx dx′ ϕ|xx|X|x′ x′ |ϕ = dx x|ϕ(x)|2
−∞
(8.32)
∞
P = ϕ|P |ϕ = dp dp′ ϕ|pp|P |p′ p′ |ϕ = dp p|ϕ̃(p)|2 (8.33)
−∞
Nous avons aussi utilisé (8.7) et une équation analogue dans l’espace des
impulsions. Les dispersions ∆X et ∆P sont données par un calcul similaire
∞
2 2
(∆X) = ϕ|(X − X) |ϕ = dx (x − X)2 |ϕ(x)|2 (8.34)
−∞
∞
2 2
(∆P ) = ϕ|(P − P ) |ϕ = dp (p − P )2 |ϕ̃(p)|2 (8.35)
−∞
2 e2
E∼ −
2mr2 r
Cherchons le minimum de E
dE 2 e2
∼− 3 + 2 =0
dr mr r
ce qui donne un minimum pour
2
r = a0 = (8.38)
me2
soit précisément le rayon de Bohr (1.41) de l’atome d’hydrogène ! Naturel-
lement, le fait que l’on obtienne exactement a0 dans ce calcul d’ordre de
grandeur est un hasard heureux, qui nous permet de retrouver l’énergie de
l’état fondamental (1.42)
e2 me4
E0 = − =− 2 (8.39)
2a0 2
S’il est bien entendu que ce calcul ne peut donner qu’un ordre de grandeur, la
physique sous-jacente explique la raison profonde de la stabilité de l’atome : en
raison des inégalités de Heisenberg, l’électron ne peut pas se trouver sur une
orbite de rayon trop petit, sous peine d’acquérir une impulsion importante,
qui fait croître son énergie cinétique. L’énergie de l’état fondamental est ob-
tenue en recherchant le meilleur compromis possible entre énergie cinétique
et énergie potentielle, de façon à obtenir le minimum de l’énergie totale.
et par conséquent
Ht E(p)t
exp − i |p = exp − i |p (8.42)
Il est donc naturel d’exprimer x|ϕ(t) en fonction des composantes de |ϕ(t)
dans la base |p
Ht Ht
x|ϕ(t) = x| exp − i |ϕ(0) = dp x|pp| exp − i |ϕ
∞
1 px E(p)t
= √ dp exp i −i ϕ̃(p) (8.43)
2π −∞
p E(k) k 2 √
k= ω(k) = = A(k) = ϕ̃(k)
2m
pour écrire ϕ(x, t) sous la forme
(x, 0) 2
2
A (k )
∆x
∆k x
k
k
∞
1
ϕ(x, t) = √ dkA(k) exp ikx − iω(k)t (8.44)
2π −∞
• Particule localisée en x = x0
1
A(k) = √ e−ikx0 ϕ(x, 0) = δ(x − x0 ) (8.47)
2π
Rappelons que ni l’onde plane (8.46), ni l’état parfaitement localisé (8.47) ne
correspondent à des états physiquement réalisables. Dans le cas (8.47) de la
particule localisée, |A(k)|2 , qui est la probabilité d’observer une impulsion k,
est indépendant de k, ce qui fait que la distribution de probabilité en p ne
peut pas être normalisée. De même, dans le cas (8.46) de l’impulsion fixée,
|ϕ(x)|2 =cste et la probabilité de présence est uniforme sur l’axe des x : à
nouveau la distribution de probabilité en x ne peut pas être normalisée. Pour
un état physiquement réalisable, on doit avoir d’après (8.31)
∞
dk |A(k)|2 < ∞
−∞
dω
dφ
=x−t
+ =0
dk k=k dk k=k dk k=k
d k 2
k p
vg = v = = = = (8.49)
dk k=k dk 2m k=k m m
dφ
τ= = (8.50)
vg dk k=k dE k=k
Pour obtenir un résultat plus précis, nous pouvons récrire la phase en déve-
loppant ω(k) au voisinage de k = k
1
θ(k) = kx − ω(k)t − (k − k)vg t − (k − k)2 t + φ(k)
2 m
1 2
= ω(k)t + k(x − vg t) − (k − k) t + φ(k)
2 m
254 Physique quantique : Fondements
On obtient une forme très simple pour ϕ(x, t) s’il est possible de négliger le
terme quadratique en (k − k)2
1
ϕ(x, t) = √ exp[iω(k)t] dkA(k) exp[ik(x − vg t)]
2π
= exp[iω(k)t]ϕ(x − vg t, 0) (8.51)
Multiplions à gauche les deux membres de cette équation par le bra x| en
utilisant (8.53) comme hamiltonien
d ∂
i x|ϕ(t) = i ϕ(x, t)
dt ∂t
2
∂ 2 ϕ(x, t)
2 2 ∂
x|P |ϕ(t) = (P ϕ)(x, t) = −i ϕ(x, t) = −2
∂x ∂x2
x|V (X)|ϕ(t) = V (x)ϕ(x, t)
où nous avons utilisé (8.8) et (8.16). Nous obtenons donc l’équation de
Schrödinger dépendant du temps
∂ϕ(x, t) 2 ∂ 2 ϕ(x, t)
i =− + V (x)ϕ(x, t) (8.55)
∂t 2m ∂x2
L’équation de Schrödinger est une équation d’onde pour la fonction d’onde
ϕ(x, t).
Comme le potentiel V (X) est indépendant du temps, nous savons qu’il
existe des solutions stationnaires de (8.54)
Et
|ϕ(t) = exp − i |ϕ(0) H|ϕ(0) = E|ϕ(0) (8.56)
En multipliant à gauche par le bra x|, l’équation H|ϕ = E|ϕ devient l’équa-
tion de Schrödinger indépendante du temps
2 ∂ 2
− + V (x) ϕ(x) = Eϕ(x) (8.57)
2m ∂x2
Considérons une surface S limitant un volume V, qui contient une masse M (V)
de fluide (figure 8.3). La masse dM (V)/dt de fluide s’écoulant par unité de
temps hors de V est égale au flux du courant à travers S
dM (V)
= j · dS = · j ) d3 r
(∇
dt S V
est constante et égale à un. De la même façon, l’intégrale sur tout l’espace
de la densité de fluide reste constante et égale à la masse totale M , ou, en
électrodynamique, l’intégrale sur tout l’espace de la densité de charge reste
constante et égale à la charge totale Q. L’analogue de la densité en mécanique
quantique est ρ(x, t) = |ϕ(x, t)|2 ; cependant, il s’agit d’une densité de pro-
babilité, et non d’une véritable densité. Nous recherchons un courant j(x, t)
vérifiant (8.60), qui sera aussi un courant de probabilité et non un courant
véritable. La forme de ce courant est suggérée par le raisonnement suivant :
en hydrodynamique, la vitesse moyenne v(t) du fluide (ou vitesse du centre
de masse) est donnée par
1 1
v(t) = ρ(x, t)v(x, t)dx = j(x, t)dx (8.61)
M M
En mécanique quantique, l’opérateur vitesse est d’après (7.61)
i P
Ẋ = [H, X] =
m
et sa valeur moyenne est
P
∂ϕ(x, t)
Ẋ(t) = ϕ(t)
ϕ(t) = dx ϕ∗ (x, t)
m im ∂x
où nous avons utilisé (8.9) et (8.16). L’intégrand dans cette équation est en
général complexe et ne convient pas pour le courant. Une intégration par
parties permet de construire un courant réel
∂ϕ(x, t) ∂ϕ∗ (x, t)
Ẋ(t) = dx ϕ (x, t)
∗
− ϕ(x, t) (8.62)
2im ∂x ∂x
Afin de nous familiariser avec cette expression peu intuitive, examinons le cas
d’une onde plane
ϕ(x) = A eipx/
258 Physique quantique : Fondements
∗ −ipx/ ip
p
j(x) = Re A e Ae ipx/
= |A|2 (8.64)
im m
∂2ϕ ∂ 2 ϕ∗ i
∂j
= ϕ∗ 2 − ϕ = [ϕ∗ (Hϕ) − ϕ(Hϕ)∗ ]
∂x 2im ∂x ∂x2
La solution générale
√ de cette équation est bien sûr une combinaison d’ondes
planes, avec p = 2mE > 0
V(x ) x
Passons au cas où V (x) = 0 et, pour fixer les idées, supposons que V (x)
a la forme de la figure 8.4 : V (x) est un “puits de potentiel” et V (x) → 0
si x → ±∞. En mécanique classique, suivant la discussion du § 1.5.1, ce
potentiel a des états liés si E < 0 et des états de diffusion si E > 0. Pour
E < 0, la particule classique reste confinée sur un intervalle fini de l’axe des
x, pour E > 0, elle part à l’infini. La région de l’axe des x qui est permise à la
particule classique est celle où E > V (x), et où son impulsion p(x) est réelle
p(x) = ± 2m(E − V (x)) (8.68)
lui est interdite. Nous allons voir que ce comportement classique se reflète
dans le comportement quantique : la forme des solutions de (8.57) sera diffé-
rente selon que p(x) est réel ou imaginaire. Pour que ϕ(x) soit une solution
acceptable, il ne suffit pas que ϕ(x) vérifie formellement (8.57), il faut aussi
que ϕ(x) soit normalisable
∞
dx |ϕ(x)|2 < ∞
−∞
C’est cette condition que nous allons utiliser pour obtenir les états liés. Pour
les états de diffusion, cette condition est trop forte : nous avons vu que pour
V (x) = 0, les solutions de (8.57) sont des ondes planes, non normalisables.
Pour x → ±∞, nous nous attendons à un comportement d’onde plane pour
les solutions de (8.57), puisque le potentiel s’annule à l’infini. Pour les états de
diffusion E > 0 du potentiel de la figure 8.4, nous nous contenterons d’exiger
un comportement d’onde plane à l’infini : il ne faut pas exiger davantage de la
solution en présence de potentiel que de la solution en l’absence de potentiel !
V (x )
V0
x0 x0 + ε
x0 − ε x
La seconde intégrale est bien définie car ϕ(x) est intégrable ; cette intégrale
doit donc tendre vers zéro avec ε, ce qui montre que ϕ′ (x) et a fortiori ϕ(x)
sont continues tant que la discontinuité V0 reste finie.
Au lieu d’écrire les conditions de continuité de ϕ(x) et de ϕ′ (x), il est
souvent commode d’écrire celles de ϕ(x) et de sa dérivée logarithmique
ϕ′ (x)/ϕ(x). Une conséquence immédiate de ces conditions est que le cou-
rant j(x) est égal à la même constante de part et d’autre de x0 , ce que l’on
voit à partir de l’expression suivante de j(x)
′ ′ ∗
ϕ ϕ
j(x) = |ϕ|2 −
2im ϕ ϕ
V (x )
V0
I II
x
Pour fixer les idées, on choisit 0 < E < V0 . Si l’on définit k et κ par
2mE 2m(V0 − E)
k= 2
κ= (8.71)
2
les solutions de (8.70) s’écrivent dans les régions I et II
κ + ik 2ik
B=− C =− (8.74)
κ − ik κ − ik
E1
V (x )
E0
0 a
(a) (b)
Fig. 8.7 – Puits carré infini et fonctions d’onde de ses deux premiers niveaux.
Comme premier exemple d’états liés, étudions ceux du puits carré infini
(figure 8.7)
V (x) = 0 0≤x≤a
V (x) = +∞ x < 0 ou x > a
8. Mécanique ondulatoire 263
π(n + 1)
k = kn = n = 0, 1, 2, 3, . . . (8.75)
a
Nous voyons que l’énergie prend des valeurs discrètes étiquetées par un nombre
entier positif6 n
2 kn2 2 π 2
En = = (n + 1)2 n = 0, 1, 2, 3, . . . (8.76)
2m 2m a
p2 2
E= ∼
2m 2ma2
en accord avec (8.76) pour n = 0 à un facteur π 2 près. Contrairement au cas
de l’atome d’hydrogène, le résultat heuristique diffère du résultat exact par
un facteur ∼ 10 : ceci provient de la variation brutale du potentiel à x = 0 et
x = a qui oblige la fonction d’onde à s’annuler de façon brusque, avec comme
conséquence une énergie cinétique importante. En effet, l’énergie cinétique
moyenne Kϕ dans l’état ϕ est
2 d2 ϕ(x)
Kϕ = ϕ|K|ϕ = − dx ϕ∗ (x)
2m dx2
et elle est d’autant plus importante que la dérivée seconde de ϕ(x) est grande.
− a/2 a/2
O
x
− V0
On cherche les états liés, et on doit donc choisir l’énergie dans l’intervalle
[−V0 , 0]. Définissons k et κ par
2mE 2m(V0 + E) 2mV0
κ= − 2 k= 2
0 ≤ κ2 ≤ (8.78)
2
Le potentiel V (x) est invariant dans l’opération parité Π : x → −x. En
effet, V (−x) = V (x), ce qui entraîne l’invariance du hamiltonien dans cette
8. Mécanique ondulatoire 265
k
-
k
Fig. 8.9 – Détermination graphique des états liés du puits carré fini par intersection
des courbes tan ka/2 : solutions paires (8.79) et − cot ka/2 : solutions impaires (8.80)
√
avec U − k2 /k, où U = 2mV0 /2 .
V (x )
V0
−a −b b a
soit
R11
∗
= R22 R12
∗
= R21
On peut donc écrire la matrice R en fonction de deux nombres complexes α
et β
k′
α β
R= (8.88)
k β ∗ α∗
La raison pour l’introduction du facteur a priori arbitraire k ′ /k va appa-
raître dans un instant. La conservation du courant dans les régions I et II se
traduit par la relation
k′
k(|A|2 − |B|2 ) = |αF + βG|2 − |β ∗ F + α∗ G|2
k
k
k ′ |α|2 − |β|2 |F |2 − |G|2
=
ce qui implique |α|2 −|β|2 =1 : la matrice k/k ′ R est de déterminant un. On
voit l’intérêt du coefficient k ′ /k dans (8.88) : en raison de la variation de la
268 Physique quantique : Fondements
vitesse entre les régions I et II, c’est la matrice k/k ′ R qui a les propriétés
M11 = M22
∗
M12 = M21
∗
det M = 1 (8.91)
Nous avons utilisé det M = 1. Comparant avec (8.91), nous en déduisons que
M est une matrice antisymétrique : M12 = −M21 , ce qui, joint à M12 ∗
= M21 ,
implique que δ est imaginaire pur, δ = iη, η réel.
Au chapitre 13, nous étudierons la théorie de la diffusion dans l’espace à
trois dimensions. Nous verrons qu’un outil important de cette théorie est la
matrice S, que nous allons introduire dans le cas plus simple à une dimension.
Nous supposons le potentiel de forme quelconque s’annulant7 dans la région
|x| > a. Des sources de particules à x = −∞ et x = +∞ génèrent des ondes
planes exp(ikx) et exp(−ikx) dans les régions x < −a et x > a, respective-
ment : nous appellerons ces ondes les ondes entrantes. Ces ondes entrantes
peuvent être réfléchies ou transmises et donner des ondes sortantes exp(−ikx)
dans la région x < −a et exp(ikx) dans la région x > a. Par définition, la
matrice S relie les coefficients A et D des ondes entrantes (se propageant vers
la barrière) aux coefficients B et C des ondes sortantes (cf. (8.82) et (8.84))
B A S11 S12 A
=S = (8.93)
C D S21 S22 D
La matrice S peut, bien sûr, s’exprimer en fonction de M . Cependant, il est
plus instructif de répéter les raisonnements qui nous ont donné les propriétés
générales de M .
(i) Conservation du courant
V (x )
−l 0 l 2l x
ϕq (x − l) = e−iql ϕq (x)
où usq (x) est une fonction périodique de période l. L’indice s est en général
nécessaire, car à une valeur de q correspondent plusieurs solutions possibles :
nous verrons que s indice les bandes d’énergie. Il est facile d’écrire l’équation
différentielle que vérifie usq (x) : comme P = −id/dx
P eiqx = q eiqx
P ϕq (x) = eiqx (P + q)usq (x)
P 2 ϕq (x) = eiqx (P + q)2 usq (x)
d’où
2 d2 2 q d 2 q 2
iqx
Hϕq (x) = e − −i + + V (x) usq (x) = Esq eiqx usq (x)
2m dx2 m dx 2m
soit, en divisant par exp(iqx)
2 d2 2 q d 2 q 2
− − i + + V (x) usq (x) = Esq usq (x) (8.101)
2m dx2 m dx 2m
10. Ce théorème est aussi connu sous le nom de théorème de Floquet quand on traite
d’une périodicité temporelle.
272 Physique quantique : Fondements
Dans les intervalles (8.102) où V (x) s’annule, une solution ϕ(x) de l’équa-
tion de Schrödinger est une superposition d’ondes planes de vecteur d’onde
±k, k = (2mE/2 )1/2 . À gauche du créneau n et dans l’intervalle (8.102) pour
p = n, ϕ(x) s’écrit
ϕ(x) = An eikx + Bn e−ikx
et à droite de ce créneau, dans l’intervalle (8.102) avec p = n + 1
Les coefficients (An , Bn ) sont reliés aux coefficients (An+1 , Bn+1 ) suivant
(8.90) par la matrice de passage M (8.92) correspondant au créneau V (x)
An γ δ An+1
= (8.103)
Bn δ∗ γ ∗ Bn+1
et nous avons
11. En fait, il n’est pas nécessaire de supposer cette annulation pour obtenir les résultats
qui vont suivre, mais cette supposition simplifie l’argument.
8. Mécanique ondulatoire 273
soit
eikl An+1
An An+1 An
eiql = =D = DM −1 (8.104)
Bn e−ikl Bn+1 Bn+1 Bn
D est la matrice diagonale d’éléments D11 = exp( ikl), D22 = exp( −ikl) et
γ ∗ eikl −δ eikl
DM −1 = (8.105)
−δ ∗ e−ikl γ e−ikl
λ2 − 2λRe (γ ∗ eikl ) + 1 = 0
Le cas |x| > 1 est exclu car les racines ne peuvent pas être de module un :
leur produit est égal à un et elles sont réelles. En revanche, les deux racines
complexes sont bien de module un pour |x| ≤ 1 ; elles sont non dégénérées si
|x| < 1 et dégénérées si |x| = 1.
Afin de simplifier au maximum les calculs, nous allons examiner un cas
limite, le créneau en fonction delta. Les résultats que nous obtiendrons se gé-
néralisent qualitativement à tout potentiel périodique. Le potentiel périodique
(8.95) est donc
∞
2 g
V (x) = δ(x − lp) (8.106)
p=−∞
2m
que le membre de droite de (8.108) peut être plus grand que un en module :
ces zones sont appelées bandes interdites. Montrons-le explicitement dans la
région k ≃ 0. Posons y = kl et
gl
f (y) = cos y + sin y
2y
Comme f (0) = 1 + gl/2, on voit qu’un intervalle 0 ≤ y < y0 ou 0 ≤ k < k0
est interdit. Supposant gl ≪ 1 pour une estimation analytique, on trouve
y0 ≃ gl ou k0 ≃ g/l
y = nπ + ε |ε| ≪ 1
alors
gl
|f (y)| ≃ 1 + ε
2y
et on met en évidence une région interdite où |f (y)| > 1 pour 0 < ε ≪ 1.
Ces remarques permettent de tracer qualitativement la courbe f (y) sur la
figure 8.12. On porte conventionnellement E en fonction de q (rappelons que
f(y)
+1
0
p 2p y
−1
E E
Fig. 8.13 – Bandes d’énergie : (a) q varie sans restrictions ; (b) q est limité à la
première zone de Brillouin. Les zones hachurées sont les bandes interdites.
1
− q 2 l2 ≃ (k − k0 )lf ′ (k0 l)
2
Ceci permet d’estimer (E − E0 )
2 2 2 k0 (k − k0 )
E − E0 = (k − k02 ) ≃
2m m
soit
2 lk0 2 2
E − E0 = ′
q2 = q (8.109)
2m|f (k0 l)| 2m∗
Au voisinage de k = k0 , le comportement de l’énergie est celui d’une particule
de masse effective m∗
m|f ′ (k0 l)|
m∗ = (8.110)
lk0
Cette masse effective joue un grand rôle dans la théorie de la conductibilité
électrique : en première approximation, l’effet du réseau cristallin se traduit
par un simple changement de la masse.
276 Physique quantique : Fondements
sera l’opérateur
Dans cet espace, la composante X de R
X ⊗ Iy ⊗ Iz
(2)
Si ϕn (x) est une base orthonormée de Lx (R), on construit une base
(2)
ϕnlm (x, y, z) de Lr (R3 ) en prenant les produits13
• États propres |r de R
|r = r |r
R (8.116)
• Relation de fermeture (cf. (8.9))
d3 r |rr| = I (8.117)
• Transformée de Fourier
1
ϕ̃(
p) = d3 r ϕ(r) e−ip·r/ (8.120)
(2π)3/2
1 2πn
ϕn (x) = √ eikn x kn = n = . . . , −2, −1, 0, 1, 2, . . . (8.126)
Lx Lx
et par conséquent
Lx
∆n = ∆k (8.127)
2π
0 ≤ x ≤ Lx 0 ≤ y ≤ Ly 0 ≤ z ≤ Lz (8.128)
15. Ce choix de fonction d’onde est parfois appelé “quantification dans une boîte”. Il évite
de travailler avec les ondes planes du spectre continu, puisque les “ondes planes” (8.126) sont
normalisables. Cependant, les intégrales de Fourier sont alors remplacées par des sommes
de Fourier, ce qui alourdit les calculs.
16. Comme n ≫ 1, on refait pas de différence entre n et (n + 1).
8. Mécanique ondulatoire 279
d3 r d3 p d3 r d3 p
dN = 3
= (8.137)
(2π) h3
L’équation d’évolution
d|ψ̃(t)
i = W̃ (t)|ψ̃(t) (8.143)
dt
s’écrit en terme des composantes γn (t). Compte tenu des équations (8.141) à
(8.143), on obtient pour les coefficients γn le système d’équations différentielles
iγ̇n (t) = n|W̃ (t)|lγl (t) = n|W (t)|lei(En −El )t/ γl (t)
l l
i ωnl t
= Wnl (t) e γl (t) (8.144)
l
282 Physique quantique : Fondements
avec
En − El
Wnl (t) = n|W (t)|l ωnl = (8.145)
Ces équations sont exactes, mais ne sont pas solubles analytiquement, sauf
cas particulier. Il faut avoir recours à des approximations : nous allons suivre
une méthode appelée la théorie des perturbations dépendant du temps. Il est
commode d’introduire un paramètre réel λ, 0 ≤ λ ≤ 1, qui multiplie la per-
turbation W : W → λW , ce qui permet de faire varier artificiellement la
perturbation20 . La théorie des pertubations consiste à obtenir une solution
approchée de l’équation de Schrödinger sous forme d’un développement en
puissances de λ et on rétablit λ = 1 à la fin des calculs. Dans ce qui suit, nous
allons nous contenter du premier ordre21 en λ. Au temps t = 0, le système est
supposé dans l’état |i
γn (0) = δni
Écrivons
γn (t) = δni + γn(1) (t)
(1)
Lorsque t est suffisamment petit, |γn (t)| ≪ 1 car le système n’a pas eu le
temps d’évoluer de façon appréciable. L’équation (8.145) devient en introdui-
sant le paramètre λ
d
(1)
i δni + γn(1) (t) = λWnl (t) δli + γl (t) ei ωnl t
dt
l
(1) (1)
On observe que γl (t) est d’ordre λ, et que le terme l λWnl (t)γl (t) sera
2
donc d’ordre λ . Ce terme est négligeable au premier ordre en λ, ce qui donne
en rétablissant λ = 1
iγ̇n(1) (t) ≃ Wni (t) ei ωni t (8.146)
Un cas particulier important est celui du potentiel oscillant
e−i(ω−ω0 )t − 1 ei(ω+ω0 )t − 1
(1) 1
γf (t) = Af i − A∗if (8.149)
ω − ω0 ω + ω0
Cette amplitude de probabilité sera importante si ω ≃ ± ω0 , c’est-à-dire,
comme au chapitre 5, à la résonance. Dans le cas ω ≃ ω0 ,
Ef ≃ Ei + ω
et le système absorbe une énergie ω : s’il s’agit de l’interaction avec une onde
électromagnétique, il absorbe un photon d’énergie ω. Dans le cas ω ≃ −ω0 ,
Ef ≃ Ei − ω
(1) 1
pi→f (t) = |γf (t)|2 = |Af i |2 t2 f (ω − ω0 ; t) (8.150)
2
où la fonction f a été définie en (5.66)
La sommation sur f est équivalente à une intégration sur l’énergie si l’on tient
compte de la densité de niveaux D(E)
→ dE D(E)
f
2π
Γ= |Af i |2 D(Ef ) Ef = Ei + ω (8.152)
Cette équation est aussi valable dans le cas d’émission d’énergie, en prenant
Ef = Ei − ω, et aussi pour un potentiel W constant, avec Ef = Ei (exer-
cice 8.6.11).
Les conditions de validité du calcul sont les suivantes.
• Il est nécessaire que la probabilité de trouver le système dans l’état
initial (i) soit proche de un, soit
pi→f (t) ≪ 1 ou, en termes de Γi→f : Γi→f t ≪ 1
f =i f =i
car il n’est pas a priori valable quel que soit t. On peut cependant justifer
la loi exponentielle (8.153) pour des temps longs, grâce à une méthode due à
Wigner et Weisskopf décrite dans l’appendice B. Cette méthode montre que la
dispersion en énergie ∆E sur l’énergie Ef des états finaux est ∆E = /2τ =
Γ/2.
8.6 Exercices
8.6.1 Inégalités de Heisenberg
1. Soit ϕ(x), une fonction de carré sommable normalisée à l’unité et I(α),
la quantité positive ou nulle
∞
dϕ
2
I(α) = dx
xϕ(x) + α
≥ 0
−∞ dx
I(α) = X 2 − α + α2 K 2
où K = −id/dx et
∞ ∞
d2 ϕ
X 2 = dx x2 |ϕ(x)|2 K 2 = − dx ϕ∗ (x)
−∞ −∞ dx2
En déduire
1
X 2 K 2 ≥
4
2. Comment faut-il modifier le raisonnement de la question précédente
pour obtenir l’inégalité de Heisenberg
1
∆x ∆k ≥ ?
2
Montrer que ∆x ∆k = 1/2 implique que ϕ(x) est une gaussienne
1 2 2
ϕ(x) ∝ exp − σ x
2
.
Montrer que
d 1
X 2 (t) = P X + XP
dt m
i ∞
∂ϕ∗ ∂ϕ
= dx x ϕ − ϕ∗
m −∞ ∂x ∂x
Ces résultats sont-ils valables si le potentiel V (x) = 0 ?
3. Montrer que si la particule est libre (V (x) = 0)
d2 2
X 2 (t) = 2 P 2 = 2v12 = cste
dt2 m
4. Déduire de ces résultats
dX 2
avec
1 1 it
′ 2 = σ2 + m
σ
et en déduire |ϕ(x, t)|2 . Montrer que
2 σ 4 t2
1
∆x2 (t) = 2 1 +
2σ m2
n → p + e− + ν e
était initialement enfermé dans le neutron dont le rayon ≃ 0.5 fm, quelle serait
son énergie cinétique ? Quelle conclusion peut-on en tirer ?
2. Une particule quantique de masse m se déplace sur l’axe des x dans le
potentiel harmonique
1
V (x) = mω 2 x2
2
Utiliser l’inégalité de Heisenberg pour estimer l’énergie de son état fonda-
mental.
d2
2mE
− 2 + g δ(x) ϕ(x) = ϕ(x)
dx 2
Supposant g < 0, montrer qu’il existe un état lié et un seul. Déterminer son
énergie et la fonction d’onde correspondante. Montrer que l’on retrouve les
résultats en prenant la limite du puits carré avec V0 a → 2 |g|/(2m) et a → 0.
3. Modèle pour une molécule diatomique. Supposant toujours g < 0, on
modélise très grossièrement le potentiel auquel est soumis un électron d’une
molécule diatomique par
2 g
V (x) = δ(x + l) + δ(x − l)
2m
La droite des noyaux est prise comme axe des x et les deux noyaux sont situés
en x = −l et x = +l. Montrer que l’on peut classer les solutions de l’équation
de Schrödinger en solutions paires et impaires. Si la fonction d’onde est paire,
montrer qu’il existe un seul état lié donné par
|g| −2κl 2m|E|
κ= (1 + e ) κ=
2 2
Tracer qualitativement sa fonction d’onde. Si la fonction d’onde est impaire,
déterminer l’équation donnant l’énergie des états liés
|g|
κ= (1 − e−2κl )
2
Existe-t-il toujours un état lié ? Sinon, quelle condition faut-il imposer ? Tracer
qualitativement la fonction d’onde lorsqu’il y a un état lié.
4. Puits double et effet tunnel. On reprend la question précédente en sup-
posant que κl ≫ 1. Montrer que les deux états liés constituent un système à
deux niveaux dont le hamiltonien est
E0 −A
H=
−A E0
290 Physique quantique : Fondements
√
et relier A à T , où T est le coefficient de transmission par effet tunnel entre
les deux puits.
5. Barrière de potentiel. On s’intéresse maintenant au cas g > 0, qui
modélise une barrière de potentiel. Calculer la matrice de passage et donner
l’expression du coefficient de transmission.
6. Potentiel périodique. Un électron se déplaçant dans un cristal à une
dimension est soumis à un potentiel périodique de période l que l’on modélise
par (8.106). Pour fixer les idées, on prendra g > 0. Utiliser les conditions sur
ϕ′ (x) pour obtenir directement (8.108)
g
cos ql = cos kl + sin kl
2k
Montrer qu’il existe des régions interdites pour l’énergie. Tracer qualitative-
ment l’énergie Eq en fonction de q.
∂ρ
+ ∇ · j = 0 ρ = |ϕ(r, t)|2
∂t
pour le courant (8.123).
dΦ(E)
D(E) =
dE
ω12 Ωt 1/2
sin2 Ω2 = (ω − ω0 )2 + ω12
p+→− (t) =
Ω2 2
= B0 ẑ + b(z ẑ − xx̂)
B
3. Description quantique. Soit ϕ± (r, t), la fonction d’onde d’un atome dont
le spin est dans l’état |±. Montrer que ϕ± vérifie l’équation de Schrödinger
2 2
∂ϕ±
i = − ∇ ∓ μB ϕ±
∂t 2m
On définit la position moyenne r± (t) et l’impulsion moyenne p± (t) des
paquets d’ondes ϕ± (r, t) par
r± (t) = d3 r r |ϕ± (r, t)|2
p± (t) = d3 r ϕ∗± (r, t) −i∇ϕ ± (r, t)
H = g(t)AP
où g(t) est une fonction positive présentant un pic aigu de largeur τ autour
de t = 0 et telle que
∞ τ /2
g= g(t)dt ≃ g(t)dt
−∞ −τ /2
U (tf , ti ) ≃ e−igAP/
8. Mécanique ondulatoire 293
|ψ(ti ) = |n ⊗ ϕ
où |n est un vecteur propre de A, dont le spectre est supposé pour simplifier
non dégénéré, A|n = an |n, et |ϕ un état de la particule localisé au voisinage
d’un point x avec une dispersion ∆x. Montrer que l’état final est
Montrer que la probabilité d’observer S dans l’état final |n est |cn |2 : la
mesure est idéale car elle ne modifie pas les probabilités |cn |2 .
x′ = x + vt t′ = t
k′ = k ω ′ = ω + vk
ϕ′ (x′ , t′ ) = ϕ(x, t)
mais seulement
if (x, t)
ϕ′ (x′ , t′ ) = exp ϕ(x, t)
En utilisant les relations (à démontrer)
∂ ∂ ∂
= −v
∂t′ ∂t ∂x
∂ ∂
=
∂x′ ∂x
déterminer la forme de la fonction f (x, t) en exigeant que si ϕ(x, t) obéit à
l’équation de Schrödinger, il en soit de même pour ϕ′ (x′ , t′ ).
8.7 Bibliographie
Les résultats de ce chapitre sont très classiques et se retrouvent sous une
forme voisine dans la plupart des traités de mécanique quantique. Parmi les
exposés les plus clairs, on peut retenir celui de Merzbacher [1970], chapitre 6.
Lévy-Leblond et Balibar [1984], chapitre 6, donnent également une discussion
très complète et illustrée par de nombreux exemples. Voir aussi Messiah [1959],
chapitre III, Cohen-Tannoudji et al. [1973], chapitre I ou Basdevant et
Dalibard [2001], chapitre 2 ; cette dernière référence est accompagnée d’un
CD réalisé par M. Joffre, qui permet de visualiser le mouvement de paquets
d’ondes. Pour la règle d’or de Fermi, on pourra consulter Messiah [1959],
chapitre XVII ou Cohen-Tannoudji et al. [1973], chapitre XIII.
Chapitre 9
Moment angulaire
9.1 Diagonalisation de J 2 et de Jz
Nous avons établi au chapitre 7 les relations de commutation (7.31) et
(7.32) entre les différentes composantes du moment angulaire, que nous récri-
vons ci-dessous dans un système d’unités où = 1 (rappelons qu’un moment
angulaire a la dimension de , et c’est pourquoi les notations se simplifient
dans un tel système d’unités)
ou
[Jk , Jl ] = i εklm Jm (9.2)
m
296 Physique quantique : Fondements
Nous venons de montrer que les vecteurs J± |jm sont vecteurs propres de J 2
avec la valeur propre j(j + 1) et de Jz avec la valeur propre m ± 1. De plus,
supposant |jm de norme unité : jm|jm = 1, on peut calculer la norme de
J+ |jm à partir de (9.9)
Le même raisonnement avec J− montre qu’il doit exister un entier n2 tel que
Des relations
j = m + n1 − j = m − n2
on déduit que 2j, et donc (2j + 1) doit être un nombre entier, d’où le théorème
de diagonalisation de J 2 et de Jz .
Théorème. Les valeurs possibles de j sont entières ou demi-entières : j =
0, 1/2, 1, 3/2, . . . Si |jm est vecteur propre commun à J 2 et Jz , m prend
nécessairement l’une des (2j + 1) valeurs
m = −j, −j + 1, −j + 2, · · · · · · , j − 2, j − 1, j
de H. Ces vecteurs ne sont pas de norme unité, mais si l’on définit |j, m − 1
par
|j, m − 1 = [j(j + 1) − m(m − 1)]−1/2 J− |jm (9.14)
alors |j, m−1 est bien de norme unité d’après (9.13). D’autre part, en utilisant
(9.8)
soit
J+ |j, m − 1 = [j(j + 1) − m(m − 1)]1/2 |jm
ou bien, avec la substitution m → m + 1
J+ |jm = [j(j + 1) − m(m + 1)]1/2 |j, m + 1 (9.15)
Les relations (9.14) ou (9.15) fixent complètement la phase relative des vec-
teurs |j, j, |j, j − 1, . . . , |j, −j. Une base de E(j) formée de vecteurs |jm
qui satisfont à (9.14) ou (9.15) est appelée base standard |jm.
Il peut arriver que la donnée de (j, m) ne suffise pas à spécifier de façon
unique un vecteur de H : J 2 et Jz ne forment pas un ensemble complet de
propriétés physiques compatibles. Nous en verrons un exemple au § 9.4.2 avec
l’atome d’hydrogène : la donnée du moment angulaire (orbital), noté dans ce
cas l, ne suffit pas à spécifier un état lié, il faut en plus se donner un nombre
quantique n = l + 1, l + 2, · · · , ou nombre quantique principal. En général,
on doit utiliser un nombre quantique, ou un ensemble de nombres quantiques
supplémentaires τ pour étiqueter des vecteurs propres |j, m = j de J 2 et de
Jz , normalisés par
τ, j, j|τ ′ , j, j = δτ,τ ′
Par application répétée de J− , on forme une base standard de E(τ, j)
J 2 |τ, jm = j(j + 1)|τ, jm Jz |τ, jm = m|τ, jm (9.16)
1/2
J+ |τ, jm = [j(j + 1) − m(m + 1)] |τ, j, m + 1 (9.17)
J− |τ, jm = [j(j + 1) − m(m − 1)]1/2 |τ, j, m − 1 (9.18)
J+ |τ, j, j = 0 J− |τ, j, −j = 0 (9.19)
′ ′ ′
τ , j m |τ, jm = δτ ′ τ δj ′ j δm′ m (9.20)
9. Moment angulaire 299
Nous supprimerons par la suite l’indice τ qui ne jouera aucun rôle dans ce
chapitre. Les éléments de matrice de J 2 , Jz et J± dans une base standard
sont
j ′ m′ |J 2 |jm = j(j + 1)δj ′ j δm′ m (9.21)
j ′ m′ |Jz |jm = m δ j ′ j δ m′ m (9.22)
′ ′ ′ 1/2
j m |J± |jm = [j(j + 1) − mm ] δj ′ j δm′ ,m±1 (9.23)
Dans le sous-espace E(j) où J 2 a une valeur propre j(j+1) fixée, les opérateurs
Jz et J± sont représentés par des matrices (2j + 1) × (2j + 1), la matrice
représentant Jz étant diagonale. Il est instructif (exercice 9.7.4) d’expliciter ces
matrices dans le cas j = 1/2 et de retouver les matrices 2×2 (3.47) du spin 1/2,
ainsi que dans le cas j = 1, où l’on retrouve les générateurs infinitésimaux
des rotations dans l’espace à trois dimensions : la loi de transformation d’un
vecteur est celle d’un moment angulaire j = 1. L’équation (9.23) donne pour
les générateurs infinitésimaux du cas j = 1 (exercice 9.7.4)
⎛ ⎞ ⎛ ⎞ ⎛ ⎞
0 1 0 0 −i 0 1 0 0
1 1
Jx = √ ⎝ 1 0 1 ⎠ Jy = √ ⎝ i 0 −i ⎠ Jz = ⎝ 0 0 0 ⎠
2 0 1 0 2 0 i 0 0 0 −1
(9.24)
Ces générateurs infinitésimaux ont superficiellement une forme différente de
celle des générateurs Ti déterminés en (7.26). En fait, ils y sont reliés par la
transformation unitaire (9.64) qui fait passer des composantes cartésiennes de
r̂ à ses composantes sphériques : exercice 9.7.4.
Dans le cas général, l’état |ϕR transformé par une rotation R d’un état |ϕ
est
|ϕR = U [R] |ϕ
Nous allons donner la forme matricielle explicite des opérateurs de rotation
U [R] dans la base |jm. L’opérateur de rotation U [R] s’exprime en fonction
des générateurs infinitésimaux Jx , Jy et Jz : cf. (7.30). Comme les compo-
santes de J commutent avec J 2 , le commutateur [U (R), J 2 ] = 0 et les élé-
ments de matrice de U sont nuls si j = j ′
j ′ m′ |U [R]|jm ∝ δj ′ j
Dans le sous-espace E(j), l’opérateur U (R) sera représenté par une matrice
(2j + 1) × (2j + 1) notée D(j) [R]. Ses éléments de matrice sont
(j)
Dm′ m [R] = jm′ |U [R]|jm (9.25)
(j)
|jmR = Dm′ m [R]|jm′ (9.26)
m′
Rappelons les propriétés de groupe des opérateurs U [R] : dans le cas d’une
représentation vectorielle (7.12)
Nous allons choisir par convention la rotation suivante : R, noté R(θ, φ),
sera le produit d’une première rotation d’angle θ autour de Oy suivie d’une
rotation de φ autour de Oz (figure 9.1)
z
ẑ
φ
θ n̂
θ
y
φ
x
(j)
Dm′ m [R(θ, φ)] = jm′ |e −iφJz e −iθJy |jm (9.32)
(j)
dm′ m (θ) = jm′ |e −iθJy |jm (9.35)
302 Physique quantique : Fondements
Les matrices d(j) vérifient une propriété de groupe déduite de celle des matrices
D(j)
(j)
(j) (j)
dm′ m (θ2 + θ1 ) = dm′ m′′ (θ2 )dm′′ m (θ1 )
m′′
Il n’y pas de signe ± dans cette équation car l’angle de rotation peut être
supérieur à 2π.
Nous avons déjà mentionné l’arbitraire dans le choix de la rotation (θ, φ) :
nous aurions pu effectuer une première rotation d’un angle ψ autour de Oz
sans modifier l’axe n̂ final. Le nouvel opérateur de rotation serait
i
Jy = − (J+ − J− )
2
La matrice exp(−iθJy ) est aussi une matrice réelle et la propriété de groupe
se traduit par
†
d(j) (θ) = d(j) (−θ)
(j) (j)
dm′ m (θ) = dmm′ (−θ) (9.36)
(j) ′ (j)
dm′ m (θ) = (−1)m−m d−m′ ,−m (θ) (9.37)
Enfin, on peut montrer que les matrices D(j) forment une représentation dite
irréductible du groupe des rotations, c’est-à-dire que tout vecteur de E(j)
peut être obtenu à partir d’un vecteur arbitraire de cet espace par application
2. La notation habituelle pour les matrices de rotation est
d’une matrice de rotation D(j) , et que toute matrice commutant avec toutes
les matrices D(j) est multiple de la matrice identité.
Le test pour la présence du facteur ± dans (9.28) est donné par l’examen
des rotations de 2π : ce facteur apparaît lorsqu’une rotation de 2π est repré-
sentée par l’opérateur −I dans l’espace E(j). Examinons une rotation de 2π
autour de l’axe Oz
Des équations
e−i(θ1 +θ2 )J·n̂ = e−iθ(J·n̂) e−2iπn(J·n̂) = e−iθ(J·n̂) j entier
= (−1)n e−iθ(J·n̂) j demi-entier
on déduit que (9.27) est valable pour j entier et (9.28) pour j demi-entier. En
d’autres termes, à toute rotation R correspondent deux opérateurs de rotation
de signe opposé pour j demi-entier, et un seul pour j entier.
Dans le cas du spin 1/2, vérifions que nous retrouvons bien la matrice
D(1/2) (θ, φ) déjà calculée au chapitre 3. La matrice d(1/2) (θ) vaut d’après
(3.59)
θ θ
d(1/2) (θ) = exp(−iθσy /2) = cos I − iσy sin
2 2
ou sous forme explicite
les lignes et les colonnes étant rangées dans l’ordre m = 1/2, −1/2 ; l’équation
(9.33) donne alors la matrice D(j) (θ, φ)
D(1/2) (θ, φ) =
e iφ/2 sin θ/2 e iφ/2 cos θ/2
angulaire un, les lignes et les colonnes étant rangées dans l’ordre m = 1, 0, −1
(exercice 9.7.4)
⎛ 1
√1 1
⎞
2 (1 + cos θ) − 2 sin θ 2 (1 − cos θ)
d(1) (θ) = ⎝ √12 sin θ cos θ − √12 sin θ ⎟ (9.39)
⎜
⎠
1 √1 sin θ 1
2 (1 − cos θ) 2 2 (1 + cos θ)
On vérifie que les matrices d(1/2) et d(1) obéissent aux propriétés de symétrie
(9.36) et (9.37).
ce qui montre que l’on peut définir le vecteur d’état |Rr , c’est-à-dire fixer sa
phase, par
|Rr ≡ U (R)|r (9.41)
Si |ψ ′ est le transformé par U (R) de |ψ : |ψ ′ = U (R)|ψ, alors
ψ ′ (r ) = r |ψ ′ = r |U (R)|ψ = U † (R)r |ψ
= U −1 (R)r |ψ = R−1r |ψ = ψ(R−1r)
ce qui démontre (9.40). À première vue, l’argument R−1 dans (9.40) qui s’écrit
aussi
[U (R)ψ](r) = ψ(R−1 r)
peut surprendre, mais nous avons déjà rencontré une situation analogue pour
les translations dans l’équation (8.15), écrite ci-dessous dans le cas de la di-
mension 3 avec = 1
e−iP ·a ψ (r) = ψ(r − a)
alors que3
e−iP ·a |r = |r + a
La transformée par translation de a de la fonction ψ(r) est bien ψ(r − a) et
non ψ(r + a) ! Si l’angle de rotation φ devient infinitésimal pour une rotation
autour de Oz
U [Rz (φ)] ≃ I − iφJz
et d’après (9.40)
[(I − iφJz )ψ](r) ≃ ψ(x + yφ, −xφ + y, z)
∂ψ ∂ψ
≃ ψ(r) + φ y −x
∂x ∂y
= ψ(r) − iφ(XPy − Y Px )ψ
d’où
× P )z ψ](r) = (L
[Jz ψ](r) = [(XPy − Y Px )ψ](r ) = [(R z ψ)(r) (9.42)
L’opérateur moment angulaire de la particule décrite par une fonction d’onde
ψ(r) est appelé moment angulaire orbital (car associé au mouvement d’une
particule sur une orbite dans l’espace), et il est en général noté L
=R
L × P (9.43)
a été construit comme générateur infinitésimal de rotations et vérifie né-
L
cessairement les relations de commutation d’un moment angulaire (9.1) ou
(9.2)
[Lj , Lk ] = i εjkl Ll (9.44)
l
3. On remarquera que cette équation fixe la phase du vecteur |r +a relativement à celle
de |
r , de même que (9.41) fixe la phase de |R
r relativement à celle de |r .
306 Physique quantique : Fondements
On peut vérifier ces relations par un calcul explicite utilisant les relations
de commutation canoniques (7.45) : exercice 9.7.5. On note |lm les vecteurs
2 et de Lz
propres de L
2 |lm = l(l + 1)|lm
L (9.45)
Lz |lm = m|lm (9.46)
et en prenant α infinitésimal
∂ψ
[(I − iαLz )ψ] (r, θ, φ) = ψ(r, θ, φ) − α
∂φ
soit Lz ψ = −i(∂ψ/∂φ). Le calcul de Lx et Ly prend quelques lignes de plus,
car dans une rotation autour de Ox ou autour de Oy, les angles θ et φ varient
tous les deux ; on trouve (exercice 9.7.5)
∂
Lz = −i (9.47)
∂φ
±iφ ∂ ∂
L± = ie cot θ ∓i (9.48)
∂φ ∂θ
∂2
2 1 ∂ ∂ 1
L = − sin θ + (9.49)
sin θ ∂θ ∂θ sin2 θ ∂φ2
Les opérateurs Lj dépendent seulement des angles, et non de r, d’où la dénomi-
nation moment angulaire. Les fonctions propres de L 2 et de Lz ne dépendent
que des angles θ et φ ou, de façon équivalente, de r̂. Ces fonctions propres
sont appelées harmoniques sphériques
[L± Ylm ](r̂) = r̂ |L± |lm = [l(l + 1) − m(m + 1)]1/2 Ylm±1 (r̂)
9. Moment angulaire 307
x
y
φ
trouver cette droite orientée suivant la direction (θ, φ). Le spectre des niveaux
de rotation est donné sur la figure 9.3, et il reproduit bien les données expé-
rimentales sur les spectres des molécules diatomiques. Une justification plus
complète de (9.54) sera donnée au § 16.3.2.
j=4
j=3
j=2
2
j=1
1
j=0
dΩ = sin θ dθ dφ = d2 r̂ (9.56)
Si une fonction f (θ, φ) est de carré sommable sur la sphère unité, on peut
écrire un développement analogue à un développement de Fourier
f (θ, φ) = clm Ylm (θ, φ) (9.57)
l.m
clm = dΩ [Ylm (θ, φ)]∗ f (θ, φ)
9. Moment angulaire 309
2. Relation avec les polynômes de Legendre. Une définition possible des poly-
nômes de Legendre Pl (u) est
1 dl 2
Pl (u) = (u − 1)l (9.58)
2l l! dul
Pl (u) est un polynôme de degré l, de parité (−1)l
dm
Plm (u) = (1 − u2 )m/2 Pl (u) Pl0 (u) = Pl (u) (9.60)
dum
et on montre que les harmoniques sphériques sont reliés aux Plm par
1/2
(2l + 1) (l − m)!
Ylm (θ, φ) = (−1)m
Plm (cos θ) eimφ : m > 0
4π (l + m)!
Ylm (θ, φ) = (−1)m [Yl−m (θ, φ)]∗ : m<0 (9.61)
À un facteur de normalisation 3/4π près, les Y1m ne sont pas autre chose
Ces formules justifient les conventions de phase utilisées pour les polarisations
droite et gauche dans (3.11).
3. Transformation par rotation. En multipliant à gauche la relation (9.26)
écrite pour j = l par le bra r̂ |, on obtient
(l) ′
Ylm (R−1 r̂) = Dm′ m (R) Ylm (r̂) (9.65)
m′
θ
α
y
φ
x β
dimensions R3 est la matrice −I, qui commute avec toute matrice de rotation
R, d’où
Π] = 0 et [L,
[U (R), Π] = 0 =⇒ [J, Π] = 0 (9.69)
Ceci implique les équations
2Π Y m
L 2 Y m = l(l + 1)Π Y m
= ΠL
l l l
Lz Π Ylm = ΠLz Ylm = mΠ Ylm
qui montrent que Π Ylm est proportionnel à Ylm
ΠYlm = α(l, m)Ylm
Ylm est donc fonction propre de Π et comme Π2 = I, α(l, m) = ±1. Montrons
que α(l, m) est en fait indépendant de m en utilisant le fait que L+ commute
avec Π
L+ Π Ylm = α(l, m)L+ Ylm = α(l, m)[l(l + 1) − m(m + 1)]1/2 Ylm+1
= ΠL+ Ylm = [l(l + 1) − m(m + 1)]1/2 Π Ylm+1
= [l(l + 1) − m(m + 1)]1/2 α(l, m + 1)Ylm+1
ce qui entraîne que α(l, m + 1) = α(l, m) : α(l, m) est indépendant de m et
[Π Ylm ](r̂) = α(l)Ylm (r̂) = Ylm (−r̂)
La transformation r̂ → −r̂ correspond à
θ →π−θ φ→φ+π (9.70)
Si m = 0, Yl0 ∝ Pl (cos θ) ; d’après (9.62) et compte tenu de Pl (−u) =
(−1)l Pl (u), on trouve α(l) = (−1)l et
Ylm (θ, φ) = (−1)l Ylm (π − θ, φ + π) ou Ylm (r̂) = (−1)l Ylm (−r̂) (9.71)
1 ∂2 ∂2
2 2 2 1 1 ∂ ∂ 1
−P = −(−i∇) = ∇ = r+ 2 sin θ +
r ∂r2 r sin θ ∂θ ∂θ sin2 θ ∂φ2
(9.74)
en écrivant le laplacien en cordonnées sphériques. Comparant avec (9.49), on
reconnaît dans la partie angulaire du laplacien l’opérateur L 2
1 ∂2 1 2
∇2 = r− 2 L (9.75)
r ∂r2 r
Cette équation confirme la relation de commutation [H, L] = 0, puisque
, L]
[L 2 = 0 et que la partie radiale du laplacien, qui ne dépend pas des angles,
commute manifestement avec L. Nous pouvons donc écrire le hamiltonien
(9.72)
1 1 ∂2 1 2
H=− r+ L + V (r) (9.76)
2M r ∂r2 2M r2
Compte tenu de leurs relations de commutation, nous savons qu’il est possible
de diagonaliser simultanément H, L 2 et Lz . Soit ψlm (r) une fonction propre
commune à ces trois opérateurs. Comme il n’existe qu’un seul harmonique
sphérique (l, m), si
2 ψlm = l(l + 1)ψlm et Lz ψlm = mψlm
L
ul (r) m
ψlm (r, θ, φ) = fl (r)Ylm (θ, φ) = Yl (θ, φ) (9.77)
r
Il est commode de factoriser 1/r : ul (r) est la fonction d’onde radiale. Exa-
minons l’action de H sur ψlm
1 1 ∂2
l(l + 1) ul (r)
Hψlm (r, θ, φ) = − u l (r) + + V (r) Ylm (θ, φ)
2M r ∂r2 2M r2 r
L’équation aux valeurs propres
Hψlm = El ψlm
4. Nous anticipons sur le fait, prouvé quelques lignes plus bas, que fl ne dépend pas de
m.
9. Moment angulaire 313
devient
1 d2
l(l + 1)
− + + V (r) ul (r) = El ul (r) (9.78)
2M dr2 2M r2
V (r)
l( l+1)
2Mr 2
Vl (r)
V (r)
Fig. 9.5 – Potentiel effectif. Les lignes en traits pleins représentent les potentiels
V (r) et la barrière centrifuge l(l + 1)/(2mr 2 ) et les tirets leur somme, le potentiel
effectif Vl (r) dans l’onde partielle de moment angulaire l.
l(l + 1)
Vl (r) = V (r) + (9.79)
2M r2
314 Physique quantique : Fondements
l l2
− = = M ω2r
dr 2M r2 M r3
Ce terme tend à éloigner la particule du centre de force et correspond à un
potentiel répulsif. En mécanique quantique, on remplacera pour chaque valeur
de l l’opérateur L 2 par sa valeur propre l(l+1), et au potentiel V (r) s’ajoutera
un potentiel répulsif l(l + 1)/(2M r2 ).
Toutes les fonctions ψlm (r) de type (9.77) avec ul (r) solution de (9.78) ne
sont pas acceptables physiquement. En effet, si la fonction ψlm (r ) représente
un état lié, elle doit obéir à la condition de normalisation
d3 r |ψlm (r)|2 = 1 (9.80)
Nous montrerons au chapitre 13 que les fonctions d’onde des états de diffusion
sont étiquetées par le vecteur d’onde k
e ±ikr
r → ∞ : ψk (r) ≃ e ik·r + f (θ, φ) (9.81)
r
5. Suivant notre convention habituelle, les lettres minuscules désignent des quantités
classiques (nombres), ou des nombres quantiques.
9. Moment angulaire 315
Il est possible d’analyser le comportement des fonctions d’onde un′ l (r) pour
r → 0. En effet, dans tous les cas d’intérêt physique, le terme de barrière
centrifuge est le plus singulier lorsque r → 0 et il contrôle le comportement de
ul (r) dans cette limite. Si l’on suppose un comportement en loi de puissances6
r → 0 : ul (r) ∝ rα
et que l’on reporte dans (9.78), on obtient pour les deux termes les plus
singuliers en rα−2
1 l(l + 1) α−2
− α(α − 1)rα−2 + r =0
2M 2M
ce qui implique
α(α − 1) = l(l + 1)
soit α = l + 1 ou α = −l. La seconde valeur est exclue car l’intégrale dans
(9.80) divergerait à l’origine, sauf si l = 0. Cependant, pour l = 0, une solution
u0 (r) ∝ cste, soit ψl (r ) ∝ 1/r, bien que normalisable, n’est pas acceptable car
elle ne peut pas être solution de l’équation de Schrödinger ; en effet
1
∇2 = −4πδ(r)
r
En résumé, le comportement des fonctions d’onde radiales pour r → 0 est
n′ → n = n′ + l + 1 (9.83)
1 d2 l(l + 1) e2
− + − unl (r) = Enl unl (r) (9.86)
2me dr2 2me r2 r
Il est toujours conseillé en physique de rendre les équations adimensionnelles
par des changements de variables appropriés. Dans le présent problème, l’unité
de longueur naturelle est le rayon de Bohr (1.41), a0 = 1/(me e2 ) et l’unité
d’énergie le Rydberg7 (1.42), R∞ = e2 /(2a0 ) = me e4 /2. Ceci suggère de
définir les quantités sans dimensions x et εnl
r Enl 2a0 Enl
x= = me2 r εnl = − =− (9.87)
a0 R∞ e2
Dans la suite du calcul, nous nous limitons aux états liés pour lesquels Enl < 0
et donc εnl > 0, ce qui explique le choix du signe moins. Définissant également
d2
l(l + 1) 2
− 2+ − vnl (x) = −εnl vnl (x) (9.88)
dx x2 x
Nous nous contenterons de déterminer la solution dans le cas l = 0, c’est-à-
dire dans l’onde s, en renvoyant le cas général à l’exercice 9.7.9. Afin d’alléger
les notations, nous posons
et (9.88) devient
d2 v(x)
2
= ε− v(x)
dx2 x
7. Rappelons que nous avons choisi un système d’unités où = 1 : si l’on rétablit ,
a0 = 2 /(me e2 ) et R∞ = me e4 /(22 ).
9. Moment angulaire 317
d2 f df 2
2
− 2α + f =0 (9.89)
dx dx x
Cherchons pour f (x) un développement en puissances de x, sachant que
f (x) ∝ x pour x → 0
∞
f (x) = ak xk (9.90)
k=1
qui rend la fonction d’onde non normalisable. La seule façon d’éviter la diver-
gence exponentielle est que le développement (9.90) s’arrête pour une valeur
entière k = n, ce qui ne peut se produire que si αn = 1. Les valeurs possibles
de ε sont donc étiquetées par un entier n
1
εn = α2 =
n2
et il en est de même pour celles de l’énergie
me4 1 R∞
En = En0 = − =− 2 (9.92)
2 n2 n
L’exercice 9.7.9 montre que les énergies possibles pour l = 0 sont de la forme
R∞
Enl = − n = l + 1, l + 2, · · · (9.93)
n2
Les fonctions d’onde radiales vn0 (x) pour n = 1 et 2 des états liés de l’atome
d’hydrogène dans l’onde s, normalisées à un, sont données par
1
v21 (x) = √ x2 e−x/2 (9.96)
2 6
En conclusion, nous avons obtenu le spectre de l’atome d’hydrogène (fi-
gure 9.6). On remarque que les niveaux sont dégénérés, sauf dans le cas n = 1.
Pour une valeur donnée de n, toutes les valeurs de l comprises entre l = 0 et
l = n − 1 sont possibles, et la dégénérescence est
n−1
G(n) = (2l + 1) = n2
l=0
0
l= 0 l= 1 l= 2 l= 3 l= 4
5s 5p 5d 5f 5g
−1 4s 4p 4d 4f
3s 3p 3d
−2
−3
2s 2p
−4
−13
1s
Fig. 9.6 – Spectre de l’atome d’hydrogène avec des exemples de transitions pos-
sibles.
se referment sur elles-mêmes9 . Dans les deux cas, cette propriété du mouve-
ment classique, ainsi que les dégénérescences associées du problème quantique,
ont pour origine une symétrie supplémentaire. Cette symétrie conduit à une
loi de conservation supplémentaire, celle du vecteur de Lenz dans le cas cou-
lombien.
C →A+B (9.97)
9. Les deux comportements peuvent être reliés : cf. Basdevant et Dalibard [2001], cha-
pitre 11, exercice 3.
320 Physique quantique : Fondements
l= 0 l= 1 l= 2 l=3
E (eV)
5
5 5
−1 5
4 fundamental
4
−2 4
sharp diffuse
−3 3
principal
−4
−5 3
Fig. 9.7 – Spectre de l’atome de sodium avec des exemples de transitions possibles.
Σ0 → Λ 0 + γ (9.99)
où les particules Σ0 et Λ0 sont des particules neutres formées d’un quark up,
un quark down et un quark étrange.
L’invariance par rotation du hamiltonien responsable de la désintégration
entraîne la conservation du moment angulaire, ce qui conduit à des contraintes
sur les amplitudes de désintégration et à des conséquences importantes sur la
distribution angulaire des particules finales. Si le hamiltonien responsable de
9. Moment angulaire 321
la désintégration est invariant par parité, ce qui est le cas pour les interactions
électromagnétiques et fortes, mais non pour les interactions faibles, on obtien-
dra des contraintes supplémentaires. Il est commode d’introduire l’opérateur
Y, produit d’une rotation de π autour de l’axe Oy et de l’opération parité Π
(§ 7.3.3)
Cette opération n’est autre qu’une réflexion par rapport au plan xOz : Y est
l’opérateur de réflexion par rapport à ce plan. Étudions tout d’abord l’action
de Y . Cet opérateur transforme Jx en −Jx , Jz en −Jz et laisse Jy inchangé
L’état Y |jm est donc égal à |j, −m à un facteur de phase près
car Y est unitaire et conserve la norme. Ce résultat n’est pas surprenant car
l’action de Y équivaut à renverser la direction de l’axe de quantification du
moment angulaire. Suivant une stratégie déjà mise en œuvre dans le cas de la
parité, on utilise l’action de J+ pour relier α(j, m) à α(j, m + 1)
J+ Y |jm = e iα(j,m)J+ |j, −m = j(j + 1) − m(m − 1) e iα(j,m) |j, −m + 1
= −Y J− |jm = − j(j + 1) − m(m − 1) Y |j, m − 1
= − j(j + 1) − m(m − 1) e iα(j,m−1) |j, −m + 1
soit
e iα(j,m−1) = −e iα(j,m)
Comme Y est une rotation de π, Y 2 est une rotation de 2π, Y 2 = (−1)2j et
Les deux solutions sont identiques pour j entier, et pour j = 1/2 on vérifie
sur (9.38) que la première solution est la bonne ; on peut montrer que c’est
aussi le cas pour tout j demi-entier. En fin de compte,
0 −i
Σz =
i 0
En effet, nous avons vu en (3.29) que exp(−iθΣz ) effectue une rotation d’angle
θ de la polarisation dans le plan xOy, et on peut identifier Σz et la compo-
sante z du moment angulaire du photon : Σz = Jz . L’action de l’opérateur
exp(−iθΣz ) sur les états de polarisation circulaire droite |D et gauche |G
(3.11) est d’après (3.29)
exp(−iθΣz )|D = e −i θ |D exp(−iθΣz )|G = e i θ |G
ce qui prouve que les états |D et |G ont des nombres quantiques magné-
tiques m = 1 et m = −1, respectivement10 . Par ailleurs, la description du
champ électromagnétique par un potentiel vecteur montre que le photon a un
caractère vectoriel, et donc un spin 1, ce qui permet l’identification de |D et
|G avec des états |jm (figure 9.8)
x x
z z
y y
D = 11 G = 1−1
Fig. 9.8 – (a) Polarisation circulaire droite ; (b) polarisation circulaire gauche.
x x
x
−
O
O
z z
y y
y y −x
Le choix (3.11) est aussi confirmé par le fait que |D et |G sont donnés par
les mêmes combinaisons que les composantes sphériques r̂1 , r̂−1 et r̂0 (9.64)
de r̂.
11. Ce qui a longtemps semblé probable, mais a été contredit par l’expérience : voir
l’exercice 4.4.6. et la note 4 du chapitre 1.
324 Physique quantique : Fondements
J = J′ + S
+L
m = m′ + µ + ml
Les amplitudes a et b peuvent être vues comme les éléments de matrice d’un
opérateur T , appelé matrice de transition (§ 13.4.2) calculable, au moins for-
mellement, en fonction du hamiltonien et qui a les mêmes symétries que le
hamiltonien. Anticipant sur ce qui va suivre, on définit un angle θ qui est
l’angle entre la direction d’émission prise dans le plan xOz du photon et l’axe
Oz, et on écrit les amplitudes de transition a et b (dans (9.105) m′ = 0 puisque
j ′ = 0))
a = D, θ = 0|T |j = 1, m = 1 = D, θ = 0|T |11
(9.108)
b = G, θ = 0|T |j = 1, m = −1 = G, θ = 0|T |1, −1
Si la parité est une symétrie du hamiltonien responsable de la transition, T
commute avec Y (9.100) : comme les deux amplitudes a et b correspondent à
des transitions qui se déduisent l’une de l’autre par une réflexion par rapport
au plan xOz (figure 9.10a et b), on doit avoir |a| = |b|. Pour déterminer la
phase dans cette relation, on utilise
z z z
x
D G
q
y y y
m=1 m = −1
x x x
(a) (b) (c)
Fig. 9.10 – Émission de photons avec p Oz. Les amplitudes (a) et (b) se déduisent
l’une de l’autre par réflexion par rapport au plan xOz. (c) Polarisation linéaire du
photon final. La charge q effectue un mouvement oscillant le long de Oz.
1. η = −1 a=b
2. η = +1 a = −b
Nous allons montrer que le premier cas est celui d’une transition dipolaire
électrique, le second celui d’une transition dipolaire magnétique12 , par com-
paraison avec le cas classique le plus simple, le rayonnement d’une charge
se déplaçant le long de Oz avec un mouvement harmonique. Le moment an-
gulaire classique de cette charge par rapport à l’origine, et en particulier sa
composante suivant z, est toujours nul, et le cas quantique se rapprochant le
plus de cette situation est celui où l’état excité A∗ possède un moment an-
gulaire nul suivant Oz, c’est-à-dire qu’il est dans l’état |j = 1, m = 0. Afin
de comparer la distribution angulaire du photon avec celle du rayonnement
classique, il nous faut envisager le cas où l’angle d’émission du photon θ = 0,
l’état initial de l’atome étant |10. On obtient l’état |D, θ (resp. |G, θ) du
photon par une rotation d’angle θ autour de Oy à partir de |D, θ = 0 (resp.
|G, θ = 0)
am=0
D (θ) = D, θ |T |10 = D, θ = 0|U † [Rŷ (θ)]T |10
= D, θ = 0|T U † [Rŷ (θ)]|10
= D, θ = 0|T |1111|U †[Rŷ (θ)]|10
(1) a
= a d01 (θ) = √ sin θ (9.111)
2
Nous avons utilisé l’invariance par rotation de T , introduit un ensemble com-
plet d’états intermédiaires dans le sous-espace j = 1, m |1m1m| et obtenu
l’élément de matrice de rotation grâce à (9.39). Un calcul analogue donne
pour l’émission d’un photon gauche
(1) b
am=0
G (θ) = b d0−1 (θ) = − √ sin θ (9.112)
2
Si la polarisation finale est linéaire, on peut la décomposer sur les états13 |x
polarisés dans le plan xOz et |y polarisés suivant Oy (figure 9.10c)
1
i
|x = √ −|D + |G |y = √ |D + |G (9.113)
2 2
12. Ce résultat dépend des conventions de signe utilisées pour les états |D et |G ; on
trouve le signe opposé dans Feynman et al. [1965], volume III, section 18.1, en raison d’une
convention de signe différente dans la définition de |D.
13. Les états |x et |y sont définis par rapport à la direction p de propagation :
figure 9.10 c.
9. Moment angulaire 327
et on déduit
1
am=0
x (θ) = x, θ|T |10 = − (a + b) sin θ
2
i
am=0
y (θ) = y, θ|T |10 = − (a − b) sin θ (9.114)
2
am
mA mB (θ, φ) = mA mB ; (θ, φ)|T |mC
C
(9.115)
z
p̂
θ
mA
mC
O
y
mB φ
− p̂
| + + , | + − , | − + et | − − (9.120)
12 , S
Les propriétés physiques diagonales dans cette base sont S 22 , S1z et S2z
2 |ε1 ε2 = 3
S 1 |ε1 ε2 S1z |ε1 ε2 = ε1 |ε1 ε2 (9.121)
4
2 |ε1 ε2 = 3
S 2 |ε1 ε2 S2z |ε1 ε2 = ε2 |ε1 ε2 (9.122)
4
Cette base correspond au choix suivant d’un ensemble complet d’opérateurs
2, S
compatibles : {S 2 , S1z , S2z }. Il est possible de former une autre base inté-
1 2
ressante en considérant le moment angulaire total S obtenu en additionnant
1 et S
S 2
=S
S 1 + S
2 (9.123)
est bien le moment angulaire total, car il permet de construire le générateur
S
infinitésimal dans l’espace produit tensoriel H1 ⊗ H2 d’une rotation Rn̂ (θ)
d’angle θ autour d’un axe n̂
U (Rn̂ (θ)) = e −iθ(S1 ·n̂) e −iθ(S2 ·n̂) = e −iθ(S·n̂) (9.124)
Sz |1, 1 = |1, 1
S+ |1, 1 = (S1+ + S2+ )| + + = 0
√
S− |1, 1 = (S1− + S2− )| + + = | + − + | − + = 2 |1, 0
Cette dernière équation définit le vecteur unitaire |1, 0, qui vérifie
1
Sz |1, 0 = (S1z + S2z ) √ | + − + | − + = 0
2
Enfin
1
√ √
S− |1, 0 = (S1− + S2− ) √ | + − + | − + = 2 | − − = 2 |1, −1
2
Sz |1, −1 = −|1, −1 S− |1, −1 = 0
et à s = 0
1
s=0 |0, 0 = √ | + − − | − + (9.126)
2
Comme nous avons trouvé quatre vecteurs orthogonaux, ces vecteurs forment
une base de H1 ⊗H2 et l’ensemble des opérateurs compatibles {S 2, S
2, S
2 , Sz },
1 2
2
ou simplement {S , Sz }, est bien complet. Les états s = 1 sont appelés états
triplets et l’état s = 0, état singulet.
Comme application, diagonalisons l’opérateur (σ1 · σ2 ). Cet opérateur est
diagonal dans la base {S 2 , Sz }. En effet,
P0 + P1 = I σ1 · σ2 = −3 P0 + P1
d’où
1 1
P0 = (I − σ1 · σ2 ) P1 = (3 + σ1 · σ2 ) (9.128)
4 4
9. Moment angulaire 331
et par conséquent
N (j) = n(j) − n(j + 1)
332 Physique quantique : Fondements
m2
m1 + m 2 = 3
m1
On en conclut
N (j) = 1 pour j1 − j2 ≤ j ≤ j1 + j2
et N (j) = 0 dans tous les autres cas. Pour tenir compte du cas j2 > j1 , il suffit
de remplacer (j1 − j2 ) par |j1 − j2 |. Nous pouvons donc énoncer le théorème
suivant.
et on peut alors montrer par application de J− que tous les C-G sont réels. Les
coefficients de Clebsch-Gordan sont les éléments d’une matrice unitaire réelle,
les indices matriciels étant (m1 m2 ) et (jm). Ils vérifient donc les conditions
d’orthogonalité
j1 j2
j1 j2 j1 j2
Cm 1 m2 ;jm
Cm ′
1 m2 ;j m
′ = δjj ′ δmm′ (9.133)
m1 =−j1 m2 =−j2
et inversement
j
1 +j2 j
j1 j2 j1 j2
Cm 1 m2 ;jm
Cm ′ m′ ;jm = δm1 m′ δm2 m′
1 2
(9.134)
1 2
j=|j1 −j2 | m=−j
J = L
+S
(9.135)
334 Physique quantique : Fondements
Compte tenu des relations d’orthogonalité (9.133) et (9.134) des C-G, on peut
inverser (9.139)
j
1 +j2
(j ) (j ) j1 j2 j1 j2 (j)
Dm11 m′ (R)Dm22 m′ (R) = Cm 1 m2 ;jm
Cm ′ m′ ;jm′ Dmm′ (R) (9.140)
1 2 1 2
|j1 −j2 |
Par un changement de base effectué grâce à une matrice unitaire dont les
j1 j2
éléments sont les coefficients de C-G Cm 1 m2 ;jm
, la matrice
∆′ (R) = C∆(R)C −1
devient une matrice diagonale par blocs
⎛ (j1 +j2 ) ⎞
D 0 ... 0
⎜ .. ⎟
0 D(j1 +j2 −1) ... .
C∆(R)C −1 = ⎜
⎜ ⎟
⎟
⎜ .. ⎟
⎝ 0 0 ··· . ⎠
0 ... 0 D(|j1 −j2 |
En termes mathématiques, ceci s’appelle réduire le produit de deux représen-
tations D(j1 ) et D(j2 ) du groupe de rotation en composantes irréductibles
D(j1 ) ⊗ D(j2 ) = D(j1 +j2 ) + D(j1 −j2 −1) + · · · + D(|j1 −j2 |) (9.141)
(1)
(Rr̂)m = Dm′ m (R−1 )r̂m′ (9.146)
m′
Cette équation montre que les vecteurs |j̃ m̃ forment une base standard de
l’espace E(j̃), à un facteur global multiplicatif près. Ces vecteurs ne seront
pas en général normalisés à un, mais ils auront une norme identique, quel que
soit m̃
j̃ m̃|j̃′ m̃′ = δj̃j̃′ δm̃m̃′ α(j̃)
Inversant (9.148)
j+1
1j
Vq |jm = |1qjm = Cqm;j̃ m̃ |j̃ m̃
j̃=j−1
14. On remarquera que l’ordre U , U † , ainsi que l’ordre des indices, sont différents de
ceux de (9.143).
9. Moment angulaire 337
d’où
1j
j ′ m′ |Vq |jm = Cqm;j̃ ′ ′
m̃ j m |1jj̃ m̃
j̃
1j 1j
′ ′
= Cqm;j̃ m̃ δj ′ j̃ δm′ m̃ β(j , j) = Cqm;j ′ ,m′ β(j , j)
j̃
trouve dans des tables. À j fixé, les seules valeurs possibles de j ′ sont j ′ =
j−1, j, j+1. Ce théorème se généralise aux opérateurs tensoriels irréductibles :
voir l’exercice 9.7.19.
Comme application, calculons les éléments de matrice d’un opérateur vec-
toriel lorsque j = j ′ , en utilisant le fait que J est un opérateur vectoriel dont
les éléments de matrice obéissent à (9.149)
1j
jm′ |Jq |jm = Cqm;jm ′ j||J||j
jm|(J · V
)|jm =
jm|Jk |jm′′ jm′′ |Vk |jm
k,m′′
= K jm|Jk |jm′′ jm′′ |Jk |jm
k,m′′
Comme (J · V
) est un opérateur scalaire, jm|(J · V
)|jm est indépendant de
m et égal à l’élément de matrice réduit j||(J · V )||j.
338 Physique quantique : Fondements
9.7 Exercices
9.7.1 Propriétés de J
Vérifier par un calcul explicite que [J 2 , Jz ] = 0. Vérifier également les
identités (9.5) à (9.9).
avec la valeur propre m ; n̂ est le vecteur unitaire dans la direction (θ, φ).
Suggestion : adapter (7.29).
1
9.7.4 Moments angulaires j = 2
et j = 1
1. Retrouver à partir de (9.23) les opérateurs Sx , Sy et Sz du spin 1/2.
2. Toujours à partir de (9.23), calculer les matrices 3 × 3 représentatives
de Jx , Jy et Jz pour le moment angulaire j = 1.
3. Montrer que pour j = 1, Jx , Jy , Jz sont reliés aux générateurs infinitési-
maux (7.26) Tx , Ty , Tz par la transformation unitaire qui fait passer des com-
posantes cartésiennes de r̂ à ses composantes sphériques (9.64) : Ji = U † Ti U
avec ⎛ ⎞
−1 0 1
1 ⎝
U= √ −i √0 −i ⎠
2 0 2 0
4. Calculer la matrice de rotation d(1) (θ)
[Xi , Pj ] = i δij I
=R
et l’expression L × P pour montrer
[Lx , Ly ] = iLz
et en déduire que si une particule est localisée sur l’axe Oz, la composante
z de son moment angulaire orbital est nulle. Interpréter qualitativement ce
résultat.
2. On suppose que le moment angulaire orbital de la particule est l et
on écrit sa fonction d’onde comme le produit d’un harmonique sphérique et
d’une fonction d’onde radiale gl (r) qui ne dépend que de r = |r|
|θ, φ = U (R)|θ = 0, φ = 0
1
et en déduire α = , k ≥ l + 1 et par conséquent l + 1 ≤ k ≤ n. Montrer que
n
le spectre de l’atome d’hydrogène est donné par (9.93).
x = r cos θ y = r sin θ
1 ∂ ∂ 1 ∂2
∇2 = r + 2
r ∂r ∂r r ∂θ2
342 Physique quantique : Fondements
∂
Lz = XPy − Y Px = −i
∂θ
1. Montrer que les fonctions propres de Lz sont de la forme exp(imθ).
2. On cherche des solutions de l’équation de Schrödinger de la forme
1
ψnm (r) = √ e imθ unm (r)
r
1 d2 m2 − 1/4
− + V (r) + unm (r) = Eunm (r)
2M dr2 2M r2
b = j = 1, m = 1|T ′ |D
9. Moment angulaire 343
b = j = 1, m = −1|T ′|G
ab
cP →P ′ (θ) = (1 ± cos θ)
2
où le signe (+) correspond à P = P ′ et le signe (−) à P = P ′ . En déduire
pour une polarisation linéaire |x du photon initial et pour des polarisations
linéaires |x′ ou |y du photon diffusé, définies par rapport à la direction de
propagation de ce photon
Donner une analogie classique qui conduit également à une distribution an-
gulaire en cos2 θ avec un rayonnement polarisé dans le plan xOz. Généraliser
au cas où le photon est émis dans la direction (θ, φ).
Λ0 → proton + méson π −
1 1
a : Λ0 m = → proton m′ = ; p Oz
2 2
1 1
b : Λ0 m = − → proton m′ = − ; p Oz
2 2
Montrer que |a| = |b| si la parité est conservée dans la désintégration. Sugges-
tion : examiner l’action d’une réflexion par rapport au plan xOz.
344 Physique quantique : Fondements
0 1
am′ m (θ) : Λ m = → proton (m′ ; p n̂)
2
Exprimer
a 21 , 12 (θ) = a++ (θ) et a− 12 , 12 (θ) = a−+ (θ)
en fonction de a, b et θ.
3. On suppose que le Λ0 est produit dans un état de spin m = 1/2. Montrer
que la distribution angulaire du proton est de la forme
w(θ) = w0 (1 + α cos θ)
α ≃ −0.645 ± 0.016
pπ × pΛ
ẑ
pK
θ pp
pΛ
pπ
B
x̂ ŷ
Π
φ
ρ+ → π + + π 0
dans la direction (θ, φ) lorsque le méson ρ+ est initialement dans l’état |1m.
Montrer que Wm (θ, φ) est indépendant de φ (pourquoi ?) et donner son ex-
pression explicite en fonction de θ pour les trois valeurs de m, m = −1, 0, 1.
2. Si l’état initial du méson ρ+ est une combinaison linéaire d’états |1m
|λ = cm |1m |cm |2 = 1
m=−1,0,1 m=−1,0,1
p1 × p2
n̂ =
|
p1 × p2 |
La parité Π est conservée dans cette réaction et on suppose que les protons
= Tr(ρJ ) du
cibles ne sont pas polarisés. Montrer que la valeur moyenne J
spin du méson ρ est dirigée suivant n̂ : J = cn̂. En déduire
+
Tr (ρJx ) = Tr (ρJy ) = 0
K K
H= 3(
σ 1 · r̂)(
σ 2 · r̂) −
σ 1 ·
σ 2 = 3 S12
r3 r
où r est le vecteur joignant les deux dipôles et σ1 et σ2 les matrices de Pauli
des deux particules. Soit
= 1 (σ1 + σ2 )
Σ
2
le spin total. Montrer que
2
S12 = 2 3Q2 − Σ · r̂)2
Q2 = (Σ
9.7.17 Désintégration du Σ0
La particule Σ0 , formée d’un quark up, d’un quark down et d’un quark
étrange, de masse 1192 MeV/c2 et de spin 1/2, se désintègre par une transition
radiative en une particule Λ0 , également formée d’un quark up, d’un quark
down et d’un quark étrange, de masse 1115 MeV/c2 et de spin 1/2
Σ0 → Λ 0 + γ
1 1
a = D, m′ = − ; θ = 0|T |m =
2 2
′ 1 1
b = G, m = ; θ = 0|T |m = −
2 2
tandis que
1 1
c = D, m′ = ; θ = 0|T |m = = 0
2 2
′ 1 1
d = G, m = − ; θ = 0|T |m = − = 0
2 2
348 Physique quantique : Fondements
η = ηΣ0 ηΛ0
9.7.18 ·S
Coefficients de Clebsch-Gordan du couplage L
et d’un
1. On considère la composition d’un moment angulaire orbital L
Afin d’alléger les notations, on pose
spin 1/2 S.
et donc
En déduire
αm αm−1
=
l + m + 1/2 l + m − 1/2
et en observant que ce rapport est indépendant de m
l + m + 1/2
αm =
2l + 1
l,1/2
et en déduire (par convention Cm+1/2,−1/2;l−1/2,m > 0)
l,1/2 l − m + 1/2
Cm−1/2,1/2;l−1/2,m = −βm = −
2l + 1
l,1/2 l + m + 1/2
Cm+1/2,−1/2;l−1/2,m = αm =
2l + 1
et donc
|j − k| ≤ j ′ ≤ j + k
9.8 Bibliographie
La présentation de ce chapitre, inspirée par celle de de Feynman et
al. [1965], volume III, chapitres 17 et 18, met particulièrement l’accent sur les
propriétés et l’utilisation des matrices de rotation. Pour une présentation plus
classique, on se reportera à Messiah [1959], chapitre XIII, Cohen-Tannoudji
et al. [1973], chapitre VII ou Basdevant et Dalibard [2001], chapitre 10. On
trouvera de nombreuses applications à la physique des particules élémentaires
dans le livre de Gasiorowicz [1966].
Chapitre 10
Oscillateur harmonique
p2 1
Hcl = + mω 2 q 2 (10.2)
2m 2
[a, a† ] = I (10.8)
N = a† a (10.10)
N |ν = ν|ν
ce qui implique que si ν = 0, alors a|ν = 0. Dans le cas contraire, a|ν est
un vecteur de norme carrée νν|ν, et c’est un vecteur propre de N avec la
valeur propre (ν − 1), car, en utilisant (10.11)
Enfin, a† |ν est certainement un vecteur non nul, de norme carrée (ν +1)ν|ν,
et c’est un vecteur propre de N avec la valeur propre (ν + 1). En effet, d’une
part
0 ≤ ||a† |ν||2 = ν|aa† |ν = ν|(N + 1)|ν = (ν + 1)ν|ν
et d’autre part,
2. Cette terminologie sera justifiée pour les photons au § 17.1.1 et au chapitre 14 dans
le cas général.
354 Physique quantique : Fondements
Si ν > 0, nous avons vu que a|ν est vecteur propre de N avec la valeur propre
(ν − 1). Si (ν − 1) = 0, a2 |ν = 0. Si (ν − 1) > 0, on peut construire le vecteur
non nul a2 |ν, de valeur propre (ν − 2), et continuer le processus si (ν − 2) > 0.
La suite des vecteurs
ν, ν − 1, . . . , (ν − p) . . .
Ceci montre que ν est nécessairement un nombre entier. Sinon, pour p suffi-
samment grand, (ν − p) deviendrait négatif et le vecteur ap |ν serait de norme
négative. Il est donc nécessaire que la série s’arrête pour une valeur entière
ν = p telle que le vecteur ap+1 |ν = 0.
La suite des vecteurs
ν, ν + 1, . . . , (ν + p) . . .
n = 0, 1, 2, . . . , n, . . .
par
1 1 2
ϕn (u) = √ e−u /2 Hn (u) (10.26)
π 1/4 2n n!
Les premiers polynômes de Hermite sont
• Relations d’orthonormalisation
∞
n|m = δnm ⇐⇒ du ϕ∗n (u)ϕm (u) = δnm
−∞
• Relation de fermeture
|nn| = I ⇐⇒ ϕn (u)ϕ∗n (v) = δ(u − v)
n n
La conjugaison complexe est en fait superflue car les fonctions ϕn (u) sont
réelles.
i
mω 1
z(t) = q(t) + √ p(t) = √ (q̂(t) + p̂(t)) (10.27)
2 2mω 2
si l’on relie (q, p) à (q̂, p̂) de la même manière que (Q, P ) à (Q̂, P̂ ) (10.4) :
z(t) est “l’équivalent classique” de a(t). À partir des équations du mouvement
classiques
dq(t) 1 dp(t)
= p(t) = −mω 2 q(t) (10.28)
dt m dt
on montre que z(t) vérifie l’équation différentielle
dz
= −iωz(t) (10.29)
dt
qui a pour solution
z(t) = z0 e −iωt
Le nombre complexe z(t) décrit une trajectoire circulaire dans le plan com-
plexe en z avec une vitesse angulaire uniforme. On déduit de z(t) la position
q(t), l’impulsion p(t) et l’énergie de l’oscillateur
2
q(t) = Re z(t)
mω
√
p(t) = 2mω Im z(t) (10.30)
E = ω|z0 |2
Il est facile de montrer que la valeur moyenne a(t) de l’opérateur d’anni-
hilation a obéit à la même équation différentielle que z(t) (exercice 10.4.3).
Ceci suggère de chercher les vecteurs propres de l’opérateur a, dont nous al-
lons montrer qu’ils existent3 , car les valeurs propres correspondantes obéiront
alors à (10.29). Ces vecteurs propres sont précisément les états cohérents. Un
état cohérent |z est défini par
∞
2 zn 2 †
|z = e−|z |/2
√ |n = e−|z| /2 e za |0 (10.31)
n=0 n!
Énonçons quelques propriétés des états cohérents et vérifions tout d’abord que
|z est vecteur propre de a.
• L’état cohérent |z est un vecteur propre de l’opérateur d’annihilation
(non hermitien) a avec la valeur propre z
3. Il n’est pas évident a priori que a, qui n’est pas un opérateur hermitien, ait des
vecteurs propres, et encore moins que ces vecteurs propres forment une base de H.
10. Oscillateur harmonique 359
Une conséquence directe de (10.36) est que les “éléments de matrice dia-
gonaux” z|A|z suffisent à définir complètement un opérateur A (exer-
cice 10.4.3).
Ces propriétés permettent de calculer aisément les valeurs moyennes
†
2
z|Q|z = z| a + a |z = Re z
2mω mω
√
z|P |z = 2mω Im z (10.37)
1
z|H|z = ω |z|2 +
2
Ceci est le résultat classique (10.30), si l’on ignore l’énergie de point zéro ω/2
dans l’expression de H. La valeur moyenne de N est z|N |z = |z|2 , résultat
que l’on prouve directement à partir de (10.10) ou de la distribution de Pois-
son (10.34). De plus, si l’état de l’oscillateur harmonique est un état cohérent
au temps t = 0, cette propriété est conservée par l’évolution temporelle. Sup-
posons en effet que l’oscillateur se trouve au temps t = 0 dans l’état cohérent
|ϕ(t = 0) = |z0 et calculons |ϕ(t)
|ϕ(t) = e −iHt/ |z0 = e−iωt/2 e−iωN t |z0 = e−iωt/2 |z0 e−iωt (10.38)
où nous avons utilisé (11.35). Au facteur de phase exp(−iωt/2) près, on re-
trouve l’évolution classique z(t) = z0 exp(−iωt). Si l’on part d’un état cohérent
au temps t = 0, l’évolution des valeurs moyennes Q, P et H suit très
exactement l’évolution classique de q(t), p(t) et E. Nous avons donc montré
que les valeurs moyennes dans un état cohérent suivent les lois classiques.
Il est également instructif de calculer les dispersions. Évaluons par exemple
Q2 dans l’état cohérent |z
Q2 z = z|a2 + (a† )2 + aa† + a† a|z
2mω
= z|a2 + (a† )2 + 2a† a + 1|z
2mω
1 + (z + z ∗ )2 = 1 + 4(Re z)2
=
2mω 2mω
Un calcul analogue (exercice 10.4.3) donne P 2 et H 2 , d’où l’on déduit les
dispersions4 dans l’état cohérent |z
mω
∆z Q = ∆z P = ∆z H = ω|z| (10.39)
2mω 2
La dispersion ∆z H peut être obtenue en utilisant ∆H = ω∆z N et ∆z N =
∆n = |z| d’après (10.34) : on peut aussi calculer directement z|N 2 |z. On note
4. Nous utilisons indifféremment pour les dispersions les notations (∆P, ∆Q) ou (∆p, ∆q)
car aucune ambiguïté n’est possible.
10. Oscillateur harmonique 361
A1 = z1 a† − z1∗ a A2 = z2 a† − z2∗ a
=
= exp[i Im(z1 z2∗ )]D(z1 + z2 ) (10.42)
Le point {Q(t), P (t)} décrit donc une ellipse. Pour se ramener à une tra-
jectoire circulaire, il suffit d’utiliser les opérateurs sans dimension Q̂ et P̂
(10.4)
√
Q̂(t) = 2 |z0 | cos ωt
√
P (t) = − 2 |z0 | sin ωt (10.45)
√
Le point {Q̂(t), P̂ (t)} décrit un cercle de rayon 2 |z0 | dans le plan {q̂, p̂}.
D’après (10.39), les dispersions ∆z Q̂ et ∆z P̂ sont indépendantes de z
1
∆z Q̂ = ∆z P̂ = √
2
p̂
(a)
Δ z P̂
Δφ
q̂
(b)
Δ z Q̂
z 0 √2
Δφ z 0 √2
Δ z Q̂
Δ z P̂
1 1 1
∆z φ = √ √ =
2 |z0 | 2 2|z0 |
Par ailleurs, la loi de Poisson (10.34) relie |z0 | et la fluctuation ∆z N de N
dans l’état cohérent : comme nous l’avons montré, ∆z N = |z0 |, de sorte que
le produit des dispersions ∆z φ et ∆z N dans un état cohérent |z obéit à
1
∆z φ ∆z N ≃ (10.46)
2
Cette relation rappelle bien sûr une inégalité de Heisenberg, et l’analogie avec
la relation de commutation canonique [Q̂, P̂ ] = iI suggère qu’il pourrait exister
un opérateur de phase Φ canoniquement conjugué de N et obéissant à [Φ, N ] =
iI. En fait, il est impossible de construire un tel opérateur de phase qui soit
auto-adjoint, en raison la périodicité de la variable φ (cf. l’exercice 6.4.3). On
montre dans l’exercice 10.4.5 que l’opérateur d’annihilation possède une quasi-
représentation en module et phase, a = A exp(iΦ) ; cependant, si exp(iΦ) (non
unitaire !) existe, Φ lui-même n’existe pas comme opérateur hermitien (plus
exactement auto-adjoint). L’opérateur exp(iΦ) sera noté E, avec
∞
∞
E= |nn + 1| E† = |n + 1n| (10.47)
n=0 n=0
364 Physique quantique : Fondements
2 2
∂ϕ
i = − ∇ +V ϕ
∂t 2m
et le courant électromagnétique associé
= −i∇
−iD − qA
(10.56)
Contrairement à la dérivée ordinaire, la dérivée covariante a une action simple
lorsque l’on effectue une transformation de jauge locale (10.55)
exp i q Λ(r, t) ϕ′ (r, t)
= −iD(Ω
−iDϕ −1 ϕ′ ) = (−i∇ − q A)
= Ω−1 (−i∇ − qA + q ∇Λ)ϕ
′
= − qA
Ω−1 (−i∇ ′ )ϕ′ = Ω−1 (−iD
′ ϕ′ )
(10.57)
′ est la dérivée covariante calculée avec le potentiel vecteur transformé
où D
′ = A
A − ∇Λ
(10.58)
Les dérivées covariantes D et D ′ sont physiquement équivalentes car A est
′
A le sont. L’expression du courant devient invariante par transformation de
jauge locale si, au lieu de la dérivée ordinaire, on se sert de la dérivée covariante
−i q −i
j (r, t) = Re ϕ∗ (r, t) ∇− A ϕ(r, t) = Re ϕ∗ (r, t) Dϕ
m m m
(10.59)
En effet, si l’on exprime ϕ en fonction de ϕ′ en utilisant (10.55) et (10.59)
′∗ −1 −i ′ ′
j (r, t) = Re ϕ (r, t)Ω Ω Dϕ
m
∗ −i ′ ′
= Re ϕ′ (r, t) Dϕ = j ′ (r, t)
m
Ceci suggère que l’opérateur vitesse dR/dt
n’est pas simplement dR/dt =
P /m = −(i/m)∇ mais plutôt
dR i i q
=− D =− ∇ − A (10.60)
dt m m m
10. Oscillateur harmonique 367
Sachant que l’opérateur vitesse est donné par le commutateur de R avec le ha-
miltonien, examinons sa composante x. D’après (7.61) et l’expression (10.60)
de dR/dt
i 1
Ẋ = [H, X] = (Px − qAx )
m
ce qui donne, en reprenant le raisonnement de la section 7.4, la forme la plus
générale de H
1 2 2
+ qV = 1 −i∇ + qV = 1 (−iD)
H= P − qA − qA 2 + qV
2m 2m 2m
(10.61)
où V = qV est une fonction arbitraire de R et t. Exiger l’invariance de jauge
locale du courant permet de retrouver la forme générique (7.73) du hamilto-
nien compatible avec l’invariance galiléenne. La substitution −i∇ → −iD
dans l’équation de Schrödinger, écrite dans un premier temps en l’absence de
champ électromagnétique, et qui permet d’écrire cette équation en présence
d’un tel champ est appelée couplage minimal5 . La prescription du couplage
minimal s’étend aux théories de jauge non abéliennes (exercice 10.4.7) et per-
met d’écrire toutes les interactions du modèle standard de la physique des
particules élémentaires entre les particules de spin 1/2 (“particules de matiè-
re”) et celles de spin 1 (bosons de jauge) définies au § 1.1.3.
En mécanique analytique (exercice 7.5.8), on montre que le hamiltonien
dont se déduit la force de Lorentz (1.11) est
1 2
Hcl = + qV
p − q A
2m
Un autre façon d’obtenir (10.61) est de partir de cette forme classique et d’uti-
liser le principe de correspondance pour remplacer p et r par des opérateurs :
p → P = −i∇, r → R.
Si ϕ est solution de l’équation de Schrödinger dans le potentiel (A, V ),
′
′
alors ϕ en sera solution dans le potentiel transformé de jauge (A , V ) (10.58)
′
où
′ ∂Λ
V =V +
∂t
lorsque Λ dépend du temps. En effet, l’équation de Schrödinger pour ϕ s’écrit
∂ϕ 1 2 ϕ + qV ϕ
i = (−iD)
∂t 2m
5. Nous avons montré au § 7.4.2 que l’interaction W = −γ S ·B entre un moment
magnétique de spin et un champ magnétique découlait du couplage minimal appliqué à
une équation d’onde invariante de Galilée, avec γ = qe /me . Cette interaction se déduit
aussi de l’équation relativiste de Dirac et de l’application de la prescription du couplage
minimal à cette équation, qui donne le même le facteur gyromagnétique γ (§ 19.3.3). Les
corrections de type moment magnétique anormal se déduisent du couplage minimal appliqué
à l’électrodynamique quantique.
368 Physique quantique : Fondements
iqΛ iq ∂Λ ′ ∂ϕ′
∂ϕ ∂ ′ −1
= exp ϕ =Ω ϕ +
∂t ∂t ∂t ∂t
∂ϕ′ 1 ′ )2 ϕ′ + qV ′ ϕ′
i = (−iD
∂t 2m
On vérifie également (exercice 10.4.6) que j obéit à l’équation de continuité
∂|ϕ|2
+ ∇ · j = 0 (10.62)
∂t
F = qv × B
= 1B
A × r (10.64)
2
et donc Ax = −yB/2, Ay = xB/2, Az = 0. Ce choix n’est évidemment pas
unique et un autre choix fréquent8 est Ax = Az = 0, Ay = xB. Calculons le
commutateur des composantes de la vitesse
1 q q
[Ẋ, Ẏ ] = Px + Y B, Py − XB
m2 2 2
1 qB iω
= 2
−[Px , X] + [Y, Py ] = − I (10.65)
m 2 m
Comme l’expression de H peut s’écrire
1
H = m Ẋ 2 + Ẏ 2 (10.66)
2
on se ramène à (10.9) en définissant
m m
Q̂ = Ẏ P̂ = Ẋ
ω ω
et
1
ω P̂ 2 + Q̂2
H= (10.67)
2
Les niveaux d’énergie sont étiquetés par un entier n
1
En = ω n + n = 0, 1, 2, . . . (10.68)
2
Ces niveaux sont appelés niveaux de Landau. Par analogie avec le cas classique,
on définit un opérateur R2 qui est l’analogue du rayon carré ρ2 de la trajectoire
circulaire
1 2H
R2 = 2 Ẋ 2 + Ẏ 2 = (10.69)
ω mω 2
La valeur moyenne de R2 dans l’état |n est
2 2 1
R2 n = n|H|n = n +
mω 2 mω 2
2 1
r02 = p+ p = 0, 1, 2, . . . (10.72)
mω 2
p2
1
En,pz = ω n + + z (10.74)
2 2m
Lz |q|B
g= S ∆pz (10.75)
2π 2π
10.4 Exercices
10.4.1 Éléments de matrice de Q et de P
1. Calculer les éléments de matrice n|Q|m et n|P |m des opérateurs Q
et P dans la base |n.
2. Calculer la valeur moyenne n|Q4 |n de Q4 dans l’état |n. Suggestion :
calculer 2
|ϕn = a + a† |n
et ||ϕn ||2 .
2. On se propose de rechercher les états |ϕ(t) tels que les valeurs moyennes
de a et de H aient des propriétés identiques aux propriétés classiques. En
premier lieu, si a(t) = ϕ(t)|a|ϕ(t), montrer que
d
i a(t) = ωa(t)
dt
et a(t) vérifie donc la même équation différentielle (10.29) que z(t). On
définit le nombre complexe z0 par
z0 = a(t = 0) = ϕ(0)|a|ϕ(0)
et on aura donc comme solution de l’équation différentielle pour a(t)
a(t) = z0 e −iωt
3. La deuxième condition concerne la valeur moyenne du hamiltonien. On
exige, en suivant (10.30) et en ajoutant l’énergie de point zéro
1
ϕ(0)|H|ϕ(0) = ω |z0 |2 +
2
ou, de façon équivalente
a† a = ϕ(0)|a† a|ϕ(0) = |z0 |2
Soit l’opérateur b(z0 ) = a − z0 . Montrer que
ϕ(0)|b† (z0 )b(z0 )|ϕ(0) = 0
et en déduire
a|ϕ(0) = z0 |ϕ(0)
L’état |ϕ(0) est donc l’état cohérent |z0 .
4. Fonction d’onde d’un état cohérent. Exprimer l’opérateur de déplace-
ment D(z) (10.40) en fonction des opérateurs P et Q et calculer la fonction
d’onde ψz (q) = q|z. Suggestion : écrire D(z) sous la forme
D(z) = f (z, z ∗) exp[c(z − z ∗ )Q] exp[ic′ (z + z ∗ )P ]
déterminer les constantes c et c′ et utiliser le fait que P est le générateur
infinitésimal des translations (cf. § 8.1.1)
Pl
exp −i |q = |q + l
Exprimer ψz (q) en fonction de la fonction d’onde ϕ0 (q) (10.23) de l’état fon-
damental.
5. Montrer qu’un opérateur A est entièrement déterminé par ses “éléments
diagonaux” z|A|z. Suggestion : utiliser
2 Anm z z
n ∗m
z|A|z = e−|z| √
n,m n!m!
10. Oscillateur harmonique 373
dŨ(t)
= − a e−iωt + a† e iωt f (t)Ũ (t)
i Ũ (t = 0) = I
dt
2. On divise l’intervalle [0, t] en n intervalles infinitésimaux ∆t et on part
de
n−1
Ũ (t) = lim e−i∆tW̃ (tj )/
∆t→0
j=0
1 t ′ ′′ ′
′ ′′
Ũ(t) = e iΦ exp − dt dt f (t )f (t′′ )e−iω(t −t ) exp[z(t)a† ] exp[−z ∗ (t)a]
2 0
(10.77)
374 Physique quantique : Fondements
avec
t
′
z(t) = i dt′ e iωt f (t′ )
0
Le facteur de phase exp(iΦ) peut être ignoré, mais il est facile de le calculer
1 t ′ ′′ ′
′ ′′
iΦ = − dt dt f (t )f (t′′ )e−iω(t −t ) ε(t′ − t′′ )
2 0
où ε(t) est la fonction signe de t : ε(t) = 1 si t > 0, ε(t) = −1 si t < 0. Vérifier
que le membre de droite de cette équation est bien un nombre imaginaire pur.
En déduire l’expression de Ũ (t) sous la forme
2 † ∗ † ∗
Ũ(t) = e iΦ e−|z| /2 e a z(t) e−az (t) = e−Y e a z(t) e−az (t)
t
t
′ ′′
Y = dt′ dt′′ e−iω(t −t ) f (t′ )f (t′′ )θ(t′ − t′′ ) (10.78)
0 0
Montrer que le résultat final pour Ũ(t) est indépendant de t pour t > t2
†˜
˜∗
1 ˜ 2
Ũ (t) = exp(iΦ) exp ia f (ω exp iaf (ω exp − |f (ω)| (10.79)
2
Montrer que si l’oscillateur est dans son état fondamental au temps t = 0, le
vecteur d’état final est un état cohérent
Ũ (t)|0 = eiΦ |if˜(ω)
Montrer que la probabilité d’observer un état final |m est donnée par une loi
de Poisson (10.34)
m
|f˜(ω)|2 exp −|f˜(ω)|2
p(m) =
m!
En déduire a† a + I = A2 et
∞
√ √
A= N +1 = |n n + 1 n|
n=0
où
= −i∇
D − qA
→A
implique la loi de transformation A ′
A −1 − i (∇Ω)Ω
′ = ΩAΩ −1
q
10. Oscillateur harmonique 377
a = A ′a − A
a = −∇Λ
a+q c
δA εabc Λb A
b,c
10.5 Bibliographie
La diagonalisation du hamiltonien de l’oscillateur harmonique à une di-
mension par une méthode algébrique est classique et se trouve dans tous
les manuels de mécanique quantique. La théorie des états cohérents est dé-
veloppée par Cohen-Tannoudji et al. [1973], complément GV ou Gerry et
Knight [2005], chapitre 3. Feynman et al. [1965], volume III, chapitre 21
donnent une discussion physique de la différence entre la vitesse et p/m en
présence d’un champ électromagnétique. Les niveaux de Landau sont traités
dans Cohen-Tannoudji et al. [1973], complément EVI et les applications à la
physique du solide par Huang [1963] chapitre 11.
9. Comme le champ A est un champ vectoriel, les particules associées sont, comme le
photon, des particules de spin 1, appelées bosons de jauge : bosons Z 0 et W ± pour les
interactions électrofaibles, gluons pour la chromodynamique.
Chapitre 11
Cette définition assure que la valeur moyenne d’une propriété physique A s’ob-
tient par une généralisation immédiate de (11.2). En effet, la valeur moyenne
de A dans l’état |ϕα , Aα , est
Aα = ϕα |A|ϕα
et cette valeur moyenne est affectée du poids pα dans le calcul de la valeur
moyenne globale A. La valeur moyenne dans le mélange est donc
A = pα Aα = pα Tr(Pϕα A) = Tr(ρA) (11.3)
α α
Les poids pα sont fixés par le problème physique considéré, et (11.2) définit
la préparation du système : chaque état |ϕα apparaît avec la probabilité
pα . Un cas classique est celui de la mécanique statistique d’équilibre où un
système A est en équilibre avec un thermostat à la température absolue T
(ensemble canonique) : si les niveaux d’énergie du système sont Er , l’opérateur
statistique est alors4
1 −Er /kB T
ρcan = e Z= e−Er /kB T (11.4)
Z r r
La notation ρ n’a pas été choisie par hasard : en effet, ρ possède toutes les
propriétés d’un opérateur statistique ce que l’on peut aisément vérifier à partir
de (11.8) (exercice 11.6.3) :
• ρ est hermitien : ρ = ρ† ;
• il est de trace unité : Tr ρ = 1 ;
• il est positif : ∀|ψ ψ|ρ|ψ ≥ 0.
Par construction, la valeur moyenne d’une propriété physique de A est don-
née par A = Tr (ρA). Sauf dans le cas où |ΦAB est un produit tensoriel,
|ΦAB = |ϕA ⊗ ϕB , on ne peut pas attribuer un vecteur d’état au système
A, mais seulement un opérateur statistique. Une question importante se pose
alors : un opérateur statistique construit à partir de (11.3) et un opérateur
statistique construit à partir de (11.8) ont-ils une interprétation physique iden-
tique, ou bien doit-on faire une distinction ? Cette question sera discutée dans
la section 11.1.4.
Il est facile de généraliser (11.8) au cas où le sytème AB lui-même est
décrit par un opérateur statistique ρAB , et non un vecteur d’état |ΦAB . Il
suffit comme ci-dessus de calculer la valeur moyenne d’une propriété physique
A, représentée par A ⊗ IB dans8 HA ⊗ HB
A ⊗ IB = TrAB ρAB [A ⊗ IB ]
= ρAB
im;jn Aji δnm = Aji ρAB
im;jm = Tr(AρA ) (11.9)
ijmn i,j m
8. Afin de rendre les notations plus claires, nous avons écrit les indices A et B en exposant
dans la forme matricielle de (11.9).
384 Physique quantique : Fondements
Un cas particulier important est celui où les états |χi sont orthogonaux,
χi |χj = δij . Alors, les cohérences de ρA s’annulent et on obtient un mélange
du type (11.2)
ρA = |ci |2 |ϕi ϕi | si χi |χj = δij (11.16)
i
dS
√
|ΦAB = pi |iA ⊗ iB pi > 0 pi = 1 (11.17)
i=1 i
Il n’y a évidemment aucune raison pour que l’ensemble {|ĩB } forme une base
orthonormée de HB . Choisissons, cependant, une base particulière {|iA } de
HA telle que l’opérateur statistique réduit ρA soit diagonal
dS
ρA = TrB |ΦAB ΦAB | = pi |iA iA |
iA =1
et avec notre choix de base, il s’avère que les vecteurs {|ĩB } sont, tout compte
fait, orthogonaux. Pour obtenir une base orthonormée, il suffit de redéfinir
−1/2
|iB = pi |ĩB
où nous pouvons supposer pi > 0, car, comme expliqué ci-dessus, il est tou-
jours possible de compléter HB par un ensemble de (dB − dS ) vecteurs or-
thonormaux. On en déduit la représentation de Schmidt (11.17) de |ΦAB . Le
calcul des opérateurs statistiques réduits est immédiat à partir de (11.16) et
(11.17)
ρA = pi |iA iA | ρB = pi |iB iB | (11.18)
i i
1
|Φ = √ (| + − − | − +)
2
Si le spin A était dans un état pur, TrB ρ devrait être un projecteur. Or ceci
n’est pas le cas comme on le vérifie explicitement en calculant ρA à l’aide de
(11.16)
1 1 1/2 0
ρA = TrB ρAB = |++| + |−−| = (11.19)
2 2 0 1/2
Même si le système des deux spins est un état pur, l’état d’un spin individuel
est en général un mélange. En fait, l’opérateur statistique (11.19) constitue
un cas extrême de mélange, qui correspond à un désordre maximal et à une
information minimale sur le spin. On montre qu’une mesure quantitative de
l’information contenue dans l’opérateur statistique est donnée par l’entropie
de von Neumann ou entropie statistique10 SvN = −Tr ρ ln ρ, qui est d’au-
tant plus grande que l’information est réduite. Dans le cas d’un spin 1/2, elle
est comprise entre 0 et ln 2 et vaut 0 pour un cas pur, ln 2 pour le mélange
(11.19) : ln 2 est la valeur maximale de l’entropie de von Neumann pour un
spin 1/2, et le mélange (11.19) est bien celui qui contient l’information mini-
male. Si l’espace de Hilbert des états d’un système quantique est de dimension
d, l’opérateur statistique correspondant au désordre maximal est ρ = I/d, soit
une entropie de von Neumann SvN = ln d.
10. Il faut prendre garde au fait que Tr ρ ln ρ =
α pα ln pα , sauf si les vecteurs |ϕα
dans (11.2) sont orthogonaux entre eux.
11. Intrication et non localité quantiques 387
0 ≤ p(Pi ) ≤ 1, p(I) = 1,
ainsi qu’à
p(Pi + Pj ) = p(Pi ) + p(Pj ) si Pi Pj = δij Pi
pour tout ensemble de Pi vérifiant i Pi = I et Pi Pj = δij Pi , c’est-à-dire
pour toute décomposition de H en sous-espaces orthogonaux. Alors, si la di-
mension de H ≥ 3, il existe un opérateur hermitien et positif ρ de trace unité
tel que
p(Pi ) = Tr (ρPi )
En d’autres termes, si on associe à des projecteurs des tests avec des pro-
priétés “raisonnables”, ces probabilités doivent être données par un opérateur
statistique. L’hypothèse forte est en fait la suivante : considérons, pour sim-
plifier les notations, un sous-espace à deux dimensions de H et deux bases
orthonormées différentes {|i, |j} et {|α, |β} qui définissent les projecteurs
On a, bien sûr
P i + Pj = Pα + Pβ
En mécanique quantique, ceci entraîne immédiatement l’égalité
mais il n’y a aucune raison a priori pour qu’une telle égalité soit valable dans
toute théorie imaginable.
de l’espace des états notés |+ et |−, qui sont, par exemple, les vecteurs
propres de la composante z du spin. Dans cette base, l’opérateur statistique
est représenté par une matrice 2 × 2, la matrice statistique ρ. Écrivons d’abord
que cette matrice est hermitienne et de trace unité : la matrice la plus générale
de ce type est
a c
ρ= (11.20)
c∗ 1 − a
où a est un nombre réel et c un nombre complexe. L’équation (11.20) ne définit
pas encore une matrice statistique, car en plus ρ doit être positive. Les valeurs
propres λ+ et λ− de ρ vérifient
1 + bz bx − iby
1 1
ρ= = I + b · σ (11.22)
2 bx + iby 1 − bz 2
Le vecteur b, appelé vecteur de Bloch, doit vérifier |b|2 ≤ 1 en raison de (11.21).
Le cas pur, qui correspond à |b|2 = 1, est aussi appelé complètement polarisé,
le cas b = 0 non polarisé, ou de polarisation nulle, et le cas 0 < |b| < 1,
partiellement polarisé. Pour interpréter physiquement le vecteur b, on calcule
la valeur moyenne du spin S = 1 σ en utilisant Tr σi σj = 2δij et on en déduit
2
1
Si = Tr (ρ Si ) = bi (11.23)
2
P
θ
b
O
y
φ
d’origine O défini par ses angles polaires (θ, φ) et dont l’extrémité se trouve à
l’intérieur d’une sphère de centre O et de rayon unité, la sphère de Poincaré-
Bloch11 . Un cas pur correspond à un vecteur dont l’extrémité se trouve sur la
surface de la sphère.
Il est essentiel de bien faire la différence entre état pur et mélange : sup-
posons, par exemple, qu’un spin 1/2 soit dans l’état pur
1
|χ = √ (|+ + |−) (11.24)
2
est une superposition incohérente de ces mêmes états. Dans un mélange, l’in-
formation sur les phases est perdue, au moins partiellement (car il peut bien
sûr exister des états partiellement polarisés 0 < |b| < 1) ; elle est totalement
perdue pour un état non polarisé. L’information sur les phases est contenue
dans les éléments de matrice non diagonaux, les cohérences de la matrice
statistique ρ.
Les mêmes remarques valent pour la polarisation de la lumière, ou la pola-
risation d’un photon : une lumière non polarisée est une superposition incohé-
rente de lumière polarisée linéairement à 50 % suivant Ox et 50 % suivant Oy,
sans relation de phase entre les deux. Une lumière polarisée circulairement à
droite |D ou à gauche |G est décrite par les vecteurs (3.24)
1 1
|D = − √ (|x + i|y) |G = √ (|x − i|y) (11.25)
2 2
Une telle lumière sera arrêtée à 50 % par un polariseur linéaire dirigé suivant
Ox, et plus généralement suivant un axe quelconque, tout comme une lumière
non polarisée, mais elle sera transmise à 100 % ou complètement arrêtée par
un analyseur circulaire. Au contraire, si les photons sont non polarisés, tout
polariseur (λ, µ) (cf. § 3.1.1) laissera passer les photons avec une probabilité
de 50 %.
De façon générale, la caractéristique d’un état pur est qu’il existe un test
maximal dont un des résultats a une probabilité de 100 %, tandis que pour
un mélange, il n’existe pas de test maximal possédant cette propriété (exer-
cice 11.6.1). Dans le cas du spin 1/2, cela veut dire qu’il n’existe pas d’orien-
tation de B telle que 100 % des spins soient déviés dans la direction de B,
et dans celui du photon qu’il n’existe pas de polariseur (λ, µ) laissant passer
tous les photons avec une probabilité unité.
à la sortie du filtre d’un champ magnétique oscillant qui soumet les spins à
une impulsion π de façon aléatoire, telle que l’oscillation de Rabi soit effective
avec une probabilité q, et qu’elle ne soit pas apppliquée avec une probabilité
p. Tous les résultats des mesures que peut faire Alice s’expriment en fonction
de la matrice statistique
p 0
ρ = p|++| + q|−−| = (11.26)
0 q
En résumé, la préparation est la suivante : le spin apparaît dans l’état |+ avec
la probabilité p et dans l’état |− avec la probabilité q = 1 − p. Afin d’exhiber
une autre préparation possible, définissons les états |R et |L, L|R = 0
√ √ √ √
|R = p |+ + q |− |L = p |+ − q |− (11.27)
et manifestement, si Bob envoie à Alice des spins dans l’état |R ou dans l’état
|L avec une probabilité de 50 %, l’opérateur ρ est inchangé
1
ρ= (|RR| + |LL|) (11.28)
2
Dans cette autre préparation correspondant au même opérateur statistique,
le spin apparaît dans l’état |R avec la probabilité 1/2 et dans l’état |L avec
la probabilité 1/2. Alice n’a aucun moyen de déterminer quelle est la prépa-
ration utilisée par Bob. Un autre exemple de la non unicité des préparations
est donné dans l’exercice 11.6.5. Si l’on reprend l’exemple de la distribution
canonique (11.4), il est habituel de dire que “le système se trouve dans l’état
Er avec une probabilité p(Er ) = Z −1 exp(Er /kB T )”, mais cette affirmation,
bien qu’intuitivement commode, ne correspond qu’à une préparation particu-
lière, et il existe une infinité d’autres préparations donnant le même opérateur
statistique.
En outre, il existe une autre situation, entièrement différente, où l’état
de spin dont dispose Alice est décrit par la matrice statistique ρ (11.26).
Supposons en effet qu’Alice et Bob disposent de paires de spins dans un état
intriqué |ΦAB ; l’opérateur statistique d’Alice est
Alice effectue des mesures sur le spin A et Bob sur le spin B. Choisissons pour
|ΦAB
√ √
|ΦAB = p | +A ⊗+B + q| −A ⊗−B (11.30)
392 Physique quantique : Fondements
décrite par (2.63), l’état de spin d’une particule individuelle n’existe pas ! Un
opérateur statistique obtenu en prenant une trace partielle sur un état pur de
HAB sera appelé mélange impropre. Cette distinction entre les deux types de
mélange sera fondamentale pour la discussion de la mesure.
dρ(t)
i = [H(t), ρ(t)] (11.33)
dt
ce qui n’est pas autre chose que la loi de transformation des composantes y
et z d’un vecteur dans une rotation d’angle −θ autour de Ox. On en déduit
1 1
ρθ = I + δp(σz cos θ + σy sin θ) (11.38)
2 2
11.1.6 Postulats
L’introduction de l’opérateur statistique permet de donner une formulation
plus générale des postulats du chapitre 4.
• Postulat Ia. L’état d’un système quantique est représenté mathéma-
tiquement par un opérateur statistique ρ agissant dans un espace de
Hilbert des états H.
• Postulat IIa (Règle de Born). La probabilité pχ de trouver le sys-
tème quantique dans l’état |χ est donnée par
(11.40)
pχ = Tr ρ|χχ| = Tr (ρ Pχ )
une faille : sans contester les succès de la mécanique quantique, les auteurs
de l’article EPR estimaient que celle-ci ne pouvait pas être considérée comme
une description complète de la réalité physique, suivant un argument qui sera
développé au § 11.2.4. La réponse obscure et pour partie hors sujet de Bohr
montra qu’Einstein avait visé juste. Cependant, pendant près de 30 ans, le
débat resta uniquement sur le terrain philosophique et fut d’ailleurs oublié de
la plupart des physiciens comme n’ayant aucune implication pratique. C’est
seulement en 1964 que le physicien irlandais John Bell se rendit compte que
les hypothèses contenues dans l’article EPR pouvaient être testées expérimen-
talement. Ces hypothèses conduisaient en effet à des inégalités, les inégalités
de Bell, contredites par les prédictions de la théorie quantique. Dès la fin
des années 1970, plusieurs groupes expérimentaux s’attaquèrent au problème,
et on sait aujourd’hui que, selon toute probabilité, les inégalités de Bell ne
sont pas compatibles avec l’expérience : les hypothèses implicites dans l’article
EPR sont infirmées par les résultats expérimentaux. Dans cette section, nous
expliquerons à l’aide d’un exemple intuitif l’origine des inégalités de Bell et
nous les comparerons aux prédictions de la théorie quantique et aux données
expérimentales récentes. Le débat entre Einstein et Bohr va bien au-delà d’une
simple controverse, somme toute aujourd’hui réglée, car il pose des problèmes
de fond sur la description spatio-temporelle des processus quantiques13 . De
plus, les concepts introduits dans ce débat, et en particulier le concept d’intri-
cation, sont au cœur d’une série de développements extrêmement importants
de la physique quantique moderne, en particulier de tous ceux liés à l’infor-
mation quantique (section 11.5).
La question de la localité est au cœur de l’article EPR et de l’argumenta-
tion de Bell. Cette notion ne peut être comprise rigoureusement que dans le
cadre de la relativité restreinte, mais nous allons d’abord utiliser une approche
intuitive simplifiée et nous reviendrons ultérieurement sur la description re-
lativiste. Nous allons définir la localité de la façon suivante : si deux stations
expérimentales sont suffisamment éloignées l’une de l’autre, les choix effec-
tués par un expérimentateur de la première station ne peuvent avoir aucune
influence sur les résultats obtenus dans la seconde station, pourvu qu’aucun
signal n’ait le temps de se propager entre les deux stations. Mais cela ne veut
pas dire que les résultats de deux stations ne peuvent pas exhiber des corré-
lations ! Donnons un exemple élémentaire : une boîte contient deux T-shirts,
l’un rouge et l’autre vert, chacun enveloppé dans un sac opaque. Réunis à
un certain instant en un point d’espace-temps S (S pour source), Alice et
Bob prennent chacun dans la boîte un des deux T-shirts et, sans ouvrir leur
sac, partent dans deux directions opposées et parcourent chacun 1.5 milliards
de kilomètres. Ayant terminé leur périple, ils enfilent leur T-shirt. Si Alice
constate qu’elle est habillée en rouge, elle sait que Bob est habillé en vert,
et vice versa. Bien qu’un échange de signaux entre Alice et Bob prenne plus
13. Bohr a certes “gagné” le débat, ses conceptions ont prévalu sur celles d’Einstein, mais
il n’a jamais compris la profondeur des idées contenues dans l’article EPR.
11. Intrication et non localité quantiques 397
Alice Bob
A, A B, B
Prob( A, A , B, B )
et une équation analogue pour les 3 autres variables. L’existence d’une loi de
probabilité permet de montrer une inégalité remarquable, l’inégalité BCHSH
(Bell, Clauser, Horne, Shimony et Holt) en partant de l’égalité triviale
X = A(B + B ′ ) + A′ (B − B ′ ) = ±2 (11.41)
z
y θA
â
x
S
z
Alice 1
θB
2 b̂ x
Bob
Fig. 11.3 – Configuration des axes pour l’expérience de mesure de deux spins. La
source S émet une paire de particules de spin 1/2 intriqués, et ces spins sont mesurés
suivant les directions â (θA ) et b̂ (θB ).
Bob est rouge et vice versa. Afin de simplifier la géométrie, nous supposons
que â et b̂ sont situés dans le plan xOz et font un angle θA et θB avec l’axe Oz
(figure 11.3). Nous allons calculer la probabilité jointe p++ que le spin d’Alice
soit up pour la direction â et celui de Bob également up pour la direction b̂.
Nous savons déjà que p++ = 0 si â b̂, et nous nous intéressons au cas où
â et b̂ ont des orientations arbitraires. Nous pouvons utiliser l’invariance par
rotation de |Φ pour choisir â parallèle à Oz (θA = 0), tandis que l’angle entre
Oz et b̂ est égal à θB = θ. D’après (3.59), l’état |+, θ obtenu à partir de |+
par une rotation de θ autour de Oy est
θ θ
|+, θ = cos |+ + sin |− (11.44)
2 2
et le produit tensoriel | + ⊗+, θ vaut
θ θ
| + ⊗+, θ = cos | + ⊗+ + sin | + ⊗− (11.45)
2 2
L’amplitude de probabilité a(|Φ → | + ⊗+, θ) est donnée par le produit
scalaire
1 θ
+ ⊗ +, θ|Φ = √ sin
2 2
d’où la probabilité
1 θ
p++ = p(|Φ → | + ⊗+, θ) = sin2
2 2
Pour θ = 0, nous retrouvons bien p++ = 0. Par symétrie, nous déduisons de
cette équation
1 θ 1 θ
p++ = p−− = sin2 p+− = p−+ = cos2 (11.46)
2 2 2 2
Si nous notons comme précédemment A = ±1 et B = ±1, les résultats des
mesures d’Alice et Bob (A, B = +1 pour un spin up, A, B = −1 pour un spin
down) la valeur moyenne AB de AB se déduit de (11.46)
Un autre façon d’écrire ce résultat est de remarquer que A et B sont les deux
valeurs propres possibles des opérateurs σ · â et σ · b̂ et que, par conséquent,
AB = Φ|(σ · â) ⊗ (σ · b̂)|Φ = (σ · â) ⊗ (σ · b̂) = −â · b̂ (11.48)
Le résultat (11.48) est donc la valeur moyenne dans l’état |Φ de l’opérateur à
deux particules (σ · â) ⊗ (σ · b̂), ce qui est dans la droite ligne du point de vue
de Bohr selon lequel on doit considérer l’ensemble du dispositif expérimental,
et donc l’ensemble formé par les deux détecteurs éventuellement très éloignés
400 Physique quantique : Fondements
qui effectuent la mesure de cet opérateur. Les résultats d’Alice et de Bob sont
ensuite rassemblés par une procédure classique, où l’information se propage à
une vitesse inférieure à c (par exemple une ligne téléphonique), et on peut alors
examiner les corrélations éventuelles entre les résultats des deux détecteurs.
Une méthode plus expéditive pour arriver au résultat (11.46) consiste à utiliser
la réduction du paquet d’ondes (4.7). Supposons qu’Alice mesure un spin up
suivant Oz : dans ces conditions, le vecteur |Φ (11.43) est transformé en
| + ⊗− avec une probabilité 1/2
1
|Φ = √ (| + ⊗− − | − ⊗+) =⇒ | + ⊗− (11.49)
2
En effet, si Alice a mesuré un spin up, la partie | + ⊗− de |Φ est sélectionnée
par la réduction du paquet d’ondes, ce qui entraîne que le spin B est dans l’état
|−. Il suffit ensuite d’utiliser (11.44) pour retrouver (11.46)
1 θ 1 θ
p++ = |+, θ|−|2 = sin2 p+− = |−, θ|−|2 = cos2
2 2 2 2
Cependant, l’interprétation physique de cette réduction du paquet d’ondes
pose un problème de fond : comment se fait-il que la mesure du spin d’Alice
se traduise instantanément par une action sur le vecteur d’état du spin de
Bob ? Avant la mesure d’Alice, le spin de Bob n’avait pas de valeur définie :
il était décrit par l’opérateur statistique (11.19), après la mesure il se trouve
dans un état bien défini |− ou |+ selon le résultat d’Alice, même si Alice
et Bob sont sur deux galaxies différentes. De plus, si les mesures d’Alice et
Bob sont séparées par un intervalle du genre espace, l’ordre temporel des me-
sures n’est pas défini et dépend du référentiel d’inertie utilisé (figure 11.6). Il
ne semble pas possible de considérer la réduction du paquet d’ondes comme
un processus physique, à moins de violer la causalité : la mesure d’Alice ne
peut pas influencer l’état physique du spin de Bob. La réduction du paquet
d’ondes s’apparente plutôt à une acquisition d’information supplémentaire sur
le vecteur d’état, superficiellement analogue à celle que l’on peut acquérir sur
une distribution de probabilité classique, lorsque dans le cadre d’une inter-
prétation bayesienne on actualise une probabilité afin de tenir compte d’une
information nouvelle. On peut l’illustrer par l’exemple suivant, lorsque l’on
connaît en mécanique classique la distribution de probabilité p(r) de la po-
sition d’une particule, et qu’ensuite cette particule est localisée en un point
r = r0 : on passe instantanément d’une distribution étalée p(r) à une distri-
bution δ(r − r0 ), et la distribution de probabilité s’annnule instantanément
pour r = r0 , ce qui est formellement un phénomène non local.
Supposons maintenant qu’Alice et Bob utilisent deux axes supplémentaires
â′ et b̂′ pour leurs mesures : si Alice mesure dans la direction â, elle obtient
le résultat A′ = ±1, et si Bob mesure dans la direction b̂′ , il obtient le résul-
tat B ′ = ±1. Nous pouvons évaluer théoriquement la quantité S définie en
(11.42), et cette quantité peut être déterminée expérimentalement par Alice
11. Intrication et non localité quantiques 401
et Bob, en effectuant une série de mesures avec un choix d’axes (â, b̂), puis
(â, b̂′ ), puis (â′ , b̂) et enfin (â′ , b̂′ ). Si nous notons An et Bn , les résultats de la
mesure numéro n pour le choix d’axes (â, b̂) par exemple, la valeur moyenne
AB est tirée de
N
1
AB = lim An Bn (11.50)
N →∞ N
n=1
et une équation analogue est valable pour les trois autres choix d’axes.
Nous allons voir qu’en physique
√ quantique la quantité S définie en (11.42)
peut atteindre la valeur 2 2, √ et que, par conséquent, l’inégalité BCHSH
(11.42) est violée. Cette valeur 2 2 est la borne de Cirelson que l’on démontre
en examinant la quantité
Q = (σ · â) ⊗ (σ · b̂) + (σ · â) ⊗ (σ · b̂′ ) + (σ · â′ ) ⊗ (σ · b̂) − (σ · â′ ) ⊗ (σ · b̂′ )
+ (σ · â′ ) ⊗ (σ · B
= (σ · â) ⊗ (σ · B) ′)
(11.51)
= b̂ + b̂′ et B
avec B ′ = b̂ − b̂′ qui vérifient
·B
B ′ = 0 ×B
B ′ = −2b̂ × b̂′
où |Ψ est un état arbitraire des deux spins, qui pourrait même être un opé-
rateur statistique ρ : Q = Tr (ρ Q). Calculons Q2 en utilisant
σ·B
[(σ · â)(σ · â′ )] ⊗ [(σ · B)( ′ )] = [â · â′ + iσ · (â × â′ )] ⊗ [iσ · (B
×B
′ )]
Lorsque les deux spins sont dans l’état |Φ (11.43), on déduit de (11.48)
La configuration de la figure 11.4 pour les orientations (â, â′ , b̂, b̂′ ), avec
1
(â · b̂) = (â′ · b̂) = (â · b̂′ ) = −(â′ · b̂′ ) = √
2
√ √
permet d’atteindre la borne de Cirelson |Q| = 8 = 2 2.
402 Physique quantique : Fondements
z
b̂
π/ 4
â
x
π/4
π/ 4
b̂
â
La borne de Cirelson viole l’inégalité de Bell, alors que l’on semblait dispo-
ser d’une analogie parfaite entre l’exemple du § 11.2.1 et les spins intriqués :
la valeur du spin suivant â(â′ ) correspond à la couleur A = ±1 du T-shirt
d’Alice (A′ = ±1 de son pantalon), et de même pour Bob, alors que l’in-
égalité (11.42) est violée par la physique quantique. La différence entre le
cas de l’information préétablie et le cas quantique est subtile, mais essen-
tielle : pour évaluer par exemple la valeur moyenne AB ′ en effectuant un
grand nombre de mesures successives (voir (11.50)), Alice et Bob peuvent se
contenter d’observer la couleur de leur T-shirt et pantalon respectifs et igno-
rer celles de leur pantalon (Alice) et de leur T-shirt (Bob), mais l’information
sur ces couleurs existe, même si elle n’est pas utilisée. Dans l’expérience avec
les spins 1/2 intriqués, lorsqu’Alice choisit de mesurer le spin suivant â (elle
observe la couleur de son T-shirt), elle s’interdit de mesurer le spin suivant â′
pour la même paire de spins : les mesures suivant â et â′ sont incompatibles,
on peut effectuer soit l’une, soit l’autre, mais pas les deux à la fois. Si nous
voulions pousser jusqu’au bout la correspondance T-shirt/pantalon et choix
des axes pour les mesures de spin, il nous faudrait admettre que la valeur
du spin suivant â′ existe, même si Alice ne peut pas l’observer avec le choix
d’axe â : cette hypothèse est appelée contrafactualité. Avec cette hypothèse,
l’inégalité de Bell est valable. La physique quantique est incompatible avec
la contrafactualité : le choix de l’orientation â exclut celui de l’orientation â′ ,
les résultats de la mesure du spin ne préexistent pas à cette mesure, et cela
n’a aucun sens de prétendre qu’une mesure non effectuée pourrait avoir un
résultat. La violation de l’inégalité de Bell par la physique quantique montre
que la distribution de probabilité p(A, A′ , B, B ′ ) n’existe pas. On appelle sou-
11. Intrication et non localité quantiques 403
y
â
θA
x
S
Alice 1 y
b̂
2 θB
x
Bob z
Fig. 11.5 – Définition des axes pour l’expérience avec des photons.
1
(11.53)
|ΨAB = √ |xA yB − |yA xB
2
où |x et |y sont des états de polarisation linéaire suivant Ox et Oy. Cet
état est invariant par rotation autour de Oz. Soit en effet |θ et |θ⊥ les états
de polarisation (3.23)-(3.24) pour un photon polarisé suivant les directions θ
404 Physique quantique : Fondements
et θ⊥
Un calcul immédiat montre que |ΨAB est invariant par rotation autour de
Oz
1
(11.55)
|ΨAB = √ |θA θ⊥B − |θ⊥A θB
2
La polarisation des photons est analysée par Alice et Bob qui utilisent des
axes â et b̂ orientés suivant les directions θA et θB du plan xOy (figure 11.5).
Introduisons la quantité A définie comme suit : A = +1 si la polarisation du
photon est orientée suivant θA et A = −1 si elle est orientée suivant θ⊥A ; on
définit de même pour Bob les valeurs B = ±1. Comme dans le cas du spin 1/2,
on utilise l’invariance par rotation autour de Oz pour choisir â suivant Ox et
b̂ dans xOy faisant un angle θ avec Ox. On doit calculer la probabilité
p |ΨAB → |xA ⊗ θB
avec
|xA ⊗ θB = cos θ|xA ⊗ xB + sin θ|xA ⊗ yB
soit pour l’amplitude de probabilité
1
a |ΨAB → |xA ⊗ θB = √ sin θ
2
et pour la probabilité
1
p |ΨAB → |xA ⊗ θB = sin2 θ (11.56)
2
Comme on pouvait s’y attendre, il suffit de remplacer l’angle θ/2 du résultat
(11.46) pour le spin 1/2 par l’angle θ pour le photon de spin 1 et l’on trouve
1
AB = −2 cos2 θ + 2 sin2 θ = − cos(2θ) (11.57)
2
√
La borne de Cirelson S ≤ 2 2 est évidemment identique à celle obtenue dans
le cas du spin 1/2, et l’orientation des axes donnant cette borne s’obtient à
partir de celle de la figure 11.4 en divisant les angles par deux.
Revenons maintenant à la question de la localité dans le cadre de la re-
lativité restreinte. Il est bien connu que la relativité restreinte interdit tout
échange d’énergie ou d’information à une vitesse supérieure à la vitesse de la
lumière, c. Autrement dit, la relativité restreinte interdit toute communica-
tion supraluminique (ce qui est souvent appelé en anglais condition de “non
11. Intrication et non localité quantiques 405
t
(tB rB)
(tA rA)
RA
RB
PA
P P
X, λ X, λ
S x
Fig. 11.6 – Espace-temps à deux dimensions (t, x). Les régions RA et RB sont
séparées par un intervalle de genre espace : pour tout couple de points dans ces
régions, c2 (tA − tB )2 − (rA − rB )2 < 0. La figure montre les cônes passés de RA et
RB ; tB > tA , mais l’ordre peut être inversé dans un référentiel d’inertie différent.
La source S émet une paire de particules dont la vitesse v ≤ c.
En résumé, O ne peut influencer que les événements situés dans son cône
futur, et il ne peut avoir été influencé que par les événements de son cône
passé. Toutes les théories physiques sont supposées obéir à ces propriétés. Par
exemple, un champ électromagnétique classique dans la région d’espace-temps
RA de la figure 11.2 en l’absence de sources pour simplifier est entièrement
déterminé par la donnée de ce champ dans la région PA située dans le cône
passé de RA . Les théories qui vérifient ces propriétés sont appelées théories
locales. Nous verrons, qu’en physique quantique, les résultats d’expériences
dans des régions RA et RB séparées par un intervalle du genre espace ne sont
pas déterminés uniquement par leurs cônes passés : la physique quantique est
non locale15 .
Considérons deux expériences EA et EB réalisées dans ces deux régions
d’espace-temps RA et RB : tout événement xA = (tA , rA ) ∈ RA est séparé
de tout événement xB = (tB , rB ) ∈ RB par un intervalle de genre espace
400 m
Fig. 11.7 – Expérience avec des photons intriqués. La paire de photons intriqués
est produite dans un cristal non linéaire BBO et les deux photons partent dans
des fibres optiques qui les amènent aux analyseurs de polarisation. Un modulateur
électro-optique permet de choisir la direction d’analyse de la polarisation avant le
passage dans les polariseurs. Deux générateurs de nombres aléatoires situés dans
le voisinage d’Alice et de Bob choisissent au dernier moment l’orientation des axes
d’analyse. D’après A. Zeilinger [1999].
τM τM
t
τc τc
ta tb
τc
S x
spin up, elle sait que si Bob effectue ultérieurement une mesure du spin de sa
particule suivant b̂ ≡ â, il va trouver un spin down. Comme les deux mesures
sont séparées par un intervalle de genre espace, il est impossible, selon EPR,
que le choix de la mesure faite par d’Alice ait pu influencer l’état physique du
spin mesuré par Bob, et par conséquent le spin mesuré par Bob devait pos-
séder avant sa mesure les informations nécessaires pour réagir comme prévu
par la théorie quantique. Autrement dit, le résultat préexiste à la mesure, en
contradiction avec les principes de la mesure quantique dont on admet qu’elle
ne révèle pas une réalité préexistante. Comme la direction â est arbitraire et
qu’Alice peut décider au tout dernier moment de changer son axe de mesure,
on peut poursuivre l’argumentation : quelle que soit l’orientation b̂ choisie
par Bob, son spin doit disposer de toute l’information nécessaire pour réagir
correctement à sa mesure si l’on veut retrouver les corrélations prévues par la
physique quantique. La paire de spins doit donc être créée avec toute l’infor-
mation nécessaire pour répondre à des mesures suivant des axes arbitraires :
les résultats sont prédéterminés par l’état initial de la paire, de la même façon
que dans l’exemple du § 11.2.1, l’information sur la couleur des habits enfi-
lés par Alice et Bob est contenue initialement dans les sacs opaques qu’ils ont
transportés. Au contraire, ce type d’information n’est pas contenu dans le for-
malisme de la théorie quantique, et EPR en concluent que la description par
la théorie quantique d’une paire de spins individuelle est incomplète, même si
les prédictions de la théorie quantique sont statistiquement correctes.
Continuons notre raisonnement en suivant cette fois Bell [2004], et reve-
nons au diagramme d’espace-temps de la figure 11.6. Considérons une région
d’espace-temps P antérieure à RA et RB , dont l’intersection avec les cônes
passés de RA et RB est non-nulle dans une région où ils ne se recouvrent
pas. Soit X un ensemble de données (dispositif et procédure de préparation
des paires de spins, positionnement des détecteurs. . .) décrivant complètement
l’expérience, à l’exclusion de l’orientation des axes de mesure, et appelons λ
l’ensemble des données (nombres, vecteurs. . .) nécessaires pour compléter la
description quantique au sens de EPR : l’ensemble des λ forme les variables
additionnelles. Les données X et λ sont supposées spécifier complètement le
processus physique dans l’intersection de la région P avec les cônes passés
de RA et RB . Soit p(A, B|â, b̂, X, λ) la probabilité conditionnelle d’obtenir le
résultat joint (A, B) pour une orientation â, b̂ des axes, probabilité qui dépend
aussi a priori de X et de λ ; afin d’alléger les notations, nous écrivons simple-
ment a et b au lieu de â et b̂. Comme la description par (X, λ) est supposée
complète, elle est aussi déterministe (voir Nordsen [2006] pour une étude dé-
taillée de ce point) : à un ensemble donné (X, λ) correspond un seul couple
de valeurs possibles pour A et B donnant une probabilité non nulle, ce qui
implique la factorisation
p(A, B|a, b, X, λ) = p(A|a, b, X, λ)p(B|a, b, X, λ)
En invoquant maintenant la causalité, nous pouvons simplifier l’expression
ci-dessus
p(A, B|a, b, X, λ) = p(A|a, X, λ)p(B|b, X, λ) (11.58)
410 Physique quantique : Fondements
et on peut utiliser l’égalité (11.41). Si l’on admet que cette inégalité BCHSH
est contredite par l’expérience, on en déduit :
(i) qu’il n’est pas possible de “compléter” la mécanique quantique de la
façon envisagée par EPR ;
(ii) qu’il n’est pas possible que les corrélations quantiques mesurées dans
RA et RB aient leur origine uniquement dans les cônes passés de RA et
RB (figure 11.6).
Les points (i) et (ii) montrent que la physique quantique est incompatible avec
la localité, ce qui entraîne l’impossibilité d’une description de certains proces-
sus quantiques comme une suite d’événements se déroulant dans l’espace-
temps, lorsque le système physique s’étale sur une grande région de l’espace
et forme une entité unique17 . En effet, la mesure “à distance” des spins d’Alice
et de Bob est inconciliable avec la notion d’événement par définition ponctuel.
Pour pouvoir décrire un tel processus comme résultant d’une suite d’événe-
ments dans l’espace-temps, il faudrait que ses résultats découlent de causes
communes dans leurs cônes passés, ce qui est exclu par la violation des inéga-
lités de Bell. La physique quantique ne contredit pas la relativité (heureuse-
ment !), mais elle en restreint la portée en comparaison du cas classique.
Remarquons en conclusion de cette section que nous avons donné deux
démonstrations apparemment indépendantes des inégalités de Bell, l’une fon-
dée sur l’existence d’une distribution de probabilité p(A, A′ , B, B ′ ) et l’autre
16. Nous excluons le superdéterminisme, l’existence d’une intelligence laplacienne qui
pourrait tout connaître du futur, y compris le choix qui sera fait pour les axes. Les ex-
périmentateurs, qui sont en pratique des générateurs de nombres aléatoires, seraient alors
entièrement prédéterminés et ne disposeraient pas de leur libre arbitre.
17. Un article de Conway et Kochen [2009] qui utilise des paires de particules massives
de spin 1 montre encore plus directement cette propriété.
11. Intrication et non localité quantiques 411
sur l’expression (11.59). Fine [1982] a montré que les deux hypothèses sont
mathématiquement équivalentes : l’existence d’une distribution de probabilité
p(A, A′ , B, B ′ ) implique l’équation (11.59) et réciproquement. Autrement dit,
on peut arriver à (11.42) soit en partant de la contrafactualité, soit en par-
tant de la localité. Cependant, la démonstration fondée sur l’argument EPR
de localité est la plus intéressante car elle conduit à réviser notre conception
de l’espace-temps. Le raisonnement qui mène à (11.60) est souvent justifié par
une hypothèse supplémentaire de déterminisme, mais, ainsi que nous l’avons
vu, cette hypothèse n’est pas nécessaire : le déterminisme résulte de la lo-
calité. Enfin, on déduit de l’argumentation précédente que toute théorie de
variables additionnelles reproduisant les résultats de la physique quantique
doit être non locale. La théorie de ce type la plus développée, celle de de
Broglie/Bohm, est effectivement explicitement non locale : elle contient des
influences instantanées à distance (voir par exemple Holland [1993]).
exemple, ne puissent pas être influencés par l’orientation b choisie par Bob
p(A|a, b) ≡ p(A, B|a, b) = p(A|a) (11.64)
B
car une telle factorisation exclurait toute corrélation entre A et B ! Il faut bien
comprendre la différence avec la factorisation dans (11.58) : c’est le caractère
supposé complet de la description (λ, X) qui entraîne la factorisation à λ
fixé, et les corrélations sont introduites par l’intégration sur λ. La condition
(11.64) exprime la causalité relativiste et la mécanique quantique obéit à cette
causalité. En effet, la probabilité pour Alice de trouver le résultat A = ±1
dans la mesure de (σ · â) est donnée par la valeur moyenne du projecteur PaA
sur le sous espace de la valeur propre A
1
PaA = (I + A σ · â)
2
et p(A|a) s’écrit lorsque le vecteur d’état des deux spins 1/2 est |Ψ
1 3
R= p(A ⊕ B = ab|a, b) ≤ (11.66)
4 4
a,b
A0 ⊕ B0 = 0 A0 ⊕ B1 = 0
A1 ⊕ B0 = 0 A1 ⊕ B1 = 1 (11.68)
Input a Input b
Communication
Alice Bob
Source
Output A Output B
Les probabilités non nulles sont toutes égales à 1/2 et s’écrivent explicitement
1 1
p(0, 0|0, 0) = p(1, 1|0, 0) = p(0, 0|0, 1) = p(1, 1|0, 1) =
2 2 (11.70)
1 1
p(0, 0|1, 0) = p(1, 1|0, 0) = p(0, 1|1, 1) = p(1, 0|1, 1) =
2 2
Reste à vérifier la condition de causalité relativiste, ce qui se fait par inspec-
tion, par exemple pour A = 0 = a = 0
1
p(A = 0|0, 0) = p(A = 0|0, 1) =
2
Il résulte immédiatement de (11.70) que la somme des probabilités dans
(11.62) est égale à 4 et R = 1. Si les boîtes noires de la figure 11.9 sont
des boîtes de Popescu-Rohrlich vérifiant (11.69), alors la stratégie optimale
est gagnante à 100 % ! Les corrélations des boîtes de Popescu-Rohrlich sont
encore plus fortes que celles de la mécanique quantique, tout en respectant la
condition de causalité relativiste. On peut se demander quelle est la spécficité
de la physique quantique qui limite les corrélations à la borne de Cirelson.
Plusieurs auteurs ont tenté de répondre à cette question, sans qu’une réponse
entièrement satisfaisante n’ait émergé pour l’instant.
a b c
entrée
sortie
A B C
Fig. 11.10 – Cas de trois particules. Alice, Bob et Carla peuvent partager une
communication préétablie ou un état intriqué dont la source est S.
11. Intrication et non localité quantiques 415
Les trois particules sont observées par trois expérimentateurs, Alice (A), Bob
(B) et Carla (C). Le schéma de la figure 11.9 est généralisé au cas de trois
particules, chaque expérimentateur disposant d’une orientation (ou entrée) a,
b ou c et obtient des résultats (ou sorties) A, B ou C ; comme ci-dessus les
résultats A0 , B0 et C0 correspondent respectivement aux entrées a = 0, b = 0
et c = 0, tandis que les résultats A1 , B1 et C1 correspondent aux entrées
respectives a = 1, b = 1 et c = 1 (figure 11.10). La stratégie gagnante consiste
à obtenir
A⊕B⊕C =0 si abc = {000}
(11.71)
A⊕B⊕C =1 si abc ∈ {011, 101, 110}
ou de façon explicite
A0 ⊕ B0 ⊕ C0 = 0 A0 ⊕ B1 ⊕ C1 = 1
A1 ⊕ B0 ⊕ C1 = 1 A1 ⊕ B1 ⊕ C0 = 1
11.3.4 Contextualité
Nous avons vu qu’une théorie de variables additionnelles doit être non
locale si l’on exige qu’elle reproduise les réultats de la mécanique quantique.
Une autre propriété qu’une telle théorie doit posséder est la contextualité. Afin
d’expliquer ce concept, supposons que nous ayons en mécanique quantique
deux ensembles d’opérateurs hermitiens (ou propriétés physiques) compatibles
{K, L, M, . . .} et {K, P, Q . . .}, mais que les deux ensembles d’opérateurs ne
soient pas compatibles entre eux : [K, L] = [K, P ] = [L, M ] . . . = 0, tandis
que [L, P ] = 0. Pour des opérateurs compatibles, une relation opératorielle
f (K, L, M, . . .) = 0 implique que leurs valeurs propres k, l, m . . . obéissent à
la même relation fonctionnelle : f (k, l, m, . . .) = 0. Peut-on généraliser cette
propriété si on considère des opérateurs non compatibles ? Pour répondre à
cette question, considérons le tableau suivant de 9 opérateurs formés avec les
opérateurs de spin de deux particules A et B (Mermin [1993])
Ces 9 opérateurs ont pour valeurs propres ±1, les 3 opérateurs de chaque ligne
commutent et il en est de même pour ceux de chaque colonne. On devrait donc
avoir
m = kl r = qp w = uv
On en déduit
DY
pY
θ
M1
DX
L2 pX
Y
Λ
O
X
L1 M2
tion de l’impulsion
p1 + p2 = 0
La mesure de p2 donne une information sur p1 , elle peut permettre sous cer-
taines conditions de remonter à la trajectoire de la particule 1, et par exemple
de déterminer la fente d’Young choisie par celle-ci, ce qui entraîne la destruc-
tion des interférences.
Comme nous l’avons vu, la décohérence détruit la cohérence de phase.
Toutefois, les phases ont seulement disparu localement, c’est-à-dire si on se
limite à des mesures sur le système A. Il est facile de trouver des propriétés
physique jointes de A et E dont les éléments de matrice dépendent des phases
des coefficients ci . Si l’on est capable de garder le contrôle de l’ensemble des
variables quantiques du système AE, alors on a affaire à une “fausse décohé-
rence”, dont un exemple (théorique !) a été donné par Raimond et al. [1997].
Un autre exemple est fourni par une expérience de trous d’Young effectuée
avec des atomes : si les électrons sont considérés comme l’environnement des
noyaux, il est clair que les fonctions d’onde électroniques correspondant aux
atomes passant par l’une ou l’autre des deux fentes sont orthogonales. Mais
les fonctions d’onde électroniques suivent adiabatiquement le mouvement des
noyaux, et la recombinaison des deux amplitudes se fait sur l’écran de façon
cohérente, avec des interférences. Au contraire, si l’on perd le contrôle des
variables de l’environnement, alors on a affaire à une vraie décohérence : l’in-
formation fuit de façon incontrôlable dans l’environnement. Par exemple, si
l’environnement est constitué des photons du rayonnement du fond cosmolo-
gique à 3 K, il est évidemment impossible de garder le contrôle sur les photons
de ce rayonnement qui ont diffusé sur le système.
Le temps de décohérence τdec est le temps caractéristique de décroissance
de la cohérence de phase. Ce temps de décohérence est d’autant plus court
que le système A est complexe. Nous allons le voir sur un exemple simple ;
des modèles plus élaborés seront discutés dans le chapitre 18 et confirmeront
la validité de cet énoncé. Supposons qu’un spin 1/2 interagisse avec son envi-
ronnement de telle sorte que rien ne change s’il est dans l’état |+, mais que
son vecteur d’état change de signe s’il est dans l’état |−
|+ → |+ |− → −|− (11.80)
Dans un intervalle ∆t, le processus (11.80) appelé basculement de phase18
se produit avec une probabilité p = Γ∆t, où Γ représente la probabilité par
unité de temps. Nous supposerons toujours p ≪ 1 de telle sorte que la proba-
bilité pour deux basculements de phase dans l’intervalle ∆t soit négligeable. Si
l’état de spin est la superposition linéaire vecteur propre de σx avec la valeur
propre +1
1
|ψ = √ (|+ + |−)
2
18. Ce processus est important dans la discussion des codes correcteurs d’erreur en
informatique quantique.
422 Physique quantique : Fondements
L’évolution (11.91) est bien compatible avec l’unitarité : elle transforme des
états orthogonaux en états orthogonaux, Ψi |Ψ′i = 0 =⇒ Ψf |Ψ′f = 0. Un
modèle explicite qui réalise cette évolution est décrit dans l’exercice 8.6.13.
L’équation (11.91) montre que si M est observé dans l’état |Φn , cela implique
que A est dans l’état |ϕn , et le résultat de
la mesure de A est an . Si l’état
initial de A est une superposition linéaire n cn |ϕn , soit
|Ψi = cn |ϕn ⊗ |Φ0 (11.92)
n
U (∞)|z+ ⊗ X+ = |z+ ⊗ Z+
U (∞)|z− ⊗ X+ = |z− ⊗ Z− (11.95)
Comme on s’y attendait, les phases de λ et µ restent présentes dans les élé-
ments de matrice de propriétés jointes de A et M, par exemple
1 2
Ψf |σx Σx |Ψf = |λ| + |µ|2 + 2Re(λ∗ µ) (11.97)
2
√
et de plus, si nous choisissons λ = µ = 1/ 2, (11.96) peut se récrire
1
|Ψf = √ |x+ ⊗ X+ + |x− ⊗ X− (11.98)
2
ce qui fait que M mesure σx , et non σz : il y a ambiguïté sur la propriété
physique mesurée. En observant M longtemps après que la mesure a été effec-
tuée, l’expérimentateur peut choisir de mesurer σx ou σz , qui sont pourtant
des propriétés physiques incompatibles.
Le deuxième problème est celui du chat de Schrödinger. Revenant au cas
général, si l’état initial de A est une combinaison linéaire
un ordinateur et les cerveaux humains n’interviennent que bien après que les
résultats ont été enregistrés de façon irréversible. L’observation n’intervient
que dans la lecture de l’écran ou des listings de données. De même, le décès
(éventuel) du chat de Schrödinger ne se produit pas au moment où l’obser-
vateur ouvre la boîte, mais au moment où le détecteur enregistre de façon
irréversible la particule émise dans la désintégration de l’atome et déclenche
le dispositif diabolique. Malgré tout, la première partie de la théorie de von
Neumann, celle qui conduit à l’équation (11.93), reste aujourd’hui la base des
approches modernes de la mesure.
où gk est une constante de couplage sans dimension prenant des valeurs aléa-
(k) (k)
toires en fonction de k ; |z± désigne les vecteurs propres de σz
(k) (k)
σz(k) |z± = ±|z±
Après interaction entre A et M, le vecteur d’état est donné par (11.96)
N
(k) (k)
|Ψtot (0) = |Ψf ⊗ αk |z+ + βk |z− (11.101)
k=1
On obtient donc
N
−igk t (k) igk t (k)
U (t, 0)|Ψtot (0) = λ|z+ ⊗ Z+ ⊗ αk e |z+ + βk e |z−
k=1
N
igk t (k) −igk t (k)
+ µ|z− ⊗ Z− ⊗ αk e |z+ + βk e |z−
k=1
= λ|z+ ⊗ Z+ ⊗ E+ (t) + µ|z− ⊗ Z− ⊗ E− (t)
B|ψq = bq |ψq
U1 |ϕn ⊗ Φ0 = |ϕn ⊗ Φn
U2 |ψq ⊗ Ψ0 = |ψq ⊗ Φq
p(B = bq ; A = an )
p(B = bq |A = an ) = = |ψq |ϕn |2 (11.105)
p(A = an )
U1 |ϕn ⊗ Φ0 = |ϕ′n ⊗ Φn
11.4.7 Interprétations
L’absence d’une théorie entièrement satisfaisante de la mesure quantique a
pour conséquence que la théorie quantique est souvent “interprétée”, sans que
ces interprétations aient une influence quelconque sur son utilisation pratique.
La première interprétation, la plus dépouillée, pourrait être qualifiée de “mi-
nimaliste”. Selon cette interprétation, une procédure de préparation permet
d’obtenir un ensemble d’objets quantiques tous dans le même état. Il s’ensuit
une évolution quantique régie par l’équation d’évolution (4.11), et après un
432 Physique quantique : Fondements
certain temps, on effectue une mesure sur l’état obtenu après évolution. Il
s’agit donc de répéter les mêmes mesures sur une série d’objets quantiques
tous préparés dans des conditions identiques, ce qui est schématisé sur la fi-
gure 4.2. La théorie permet en principe de calculer la probabilité p(Di ) que
le détecteur Di soit déclenché, et si l’on a préparé une série de N états iden-
tiques, le nombre de clics du détecteur Di sera en moyenne N × p(Di ). Cette
interprétation des probabilités de la théorie quantique est manifestement de
type fréquentiste.
Dans cette interprétation minimaliste22 , les concepts de la théorie quan-
tique (amplitudes de probabilité, vecteurs d’état. . .) ne sont que des outils de
calcul et ne représentent aucune “réalité” externe ; le vecteur d’état ne repré-
sente rien d’autre que la procédure de préparation. La théorie ne s’applique
qu’à des ensembles et pas à des systèmes quantiques individuels. Ce point de
vue, parfois attribué à Einstein qui, nous l’avons vu, considérait de toute fa-
çon la théorie quantique comme incomplète, était assez naturel lorsque l’on ne
savait manipuler expérimentalement que des ensembles d’objets quantiques :
le caractère probabiliste pouvait raisonnablement être attribué à la nécessité
d’expérimenter sur des ensembles, par exemple un ensemble de plusieurs mil-
liards d’atomes d’une vapeur de sodium enfermée dans un tube de verre. Il
devient difficile à soutenir aujourd’hui : comment ne pas prendre explicitement
en considération l’état individuel d’un ion piégé unique que l’on peut observer
pendant des heures effectuant des transitions entre différents niveaux d’éner-
gie ? Cependant cet argument, s’il montre que la position minimaliste n’est
pas très naturelle dans cette situation, ne permet pas de la rejeter définitive-
ment. En effet, on peut interpréter une série d’observations sur un ion unique
comme une suite de mesures effectuées sur des états quantiques identiques.
L’interprétation de Copenhague23 , élaborée entre 1925 et 1927 principa-
lement par Bohr et Heisenberg, applique la théorie quantique à des systèmes
individuels, et non à des ensembles24 . En particulier, les probabilités de la
théorie quantique s’appliquent à des systèmes individuels et on doit adopter
une interpétation bayesienne de ces probabilités. Initialement, cette interpré-
22. Interprétation minimaliste et chat de Schrödinger. Pour un tenant de l’interprétation
minimaliste, il n’y a strictement aucun problème (sauf peut-être avec la Société Protectrice
des Animaux !) L’expérience est faite sur un grand nombre (ensemble) de chats, et au bout
d’une heure la moitié des chats sont vivants et la moitié sont morts. La théorie quantique
calcule correctement la probabilité de chaque éventualité, et c’est tout ce que l’on peut
lui demander. Cela n’a aucun sens de se poser la question du sort du chat numéro 36.
Le paradoxe apparaît uniquement quand on applique la théorie quantique à des systèmes
individuels.
23. Ou plus exactement, comme l’écrit justement Leggett (Leggett [2002b]), la “non
interprétation”, car Bohr se refuse à attribuer une quelconque “réalité” aux vecteurs d’état,
opérateurs, etc. : “Microscopic entities are not even to be thought as possessing properties
in the absence of specification of a macroscopic arrangement”.
24. Il n’existe pas de version canonique de cette interpétation. La position de Bohr a
évolué au cours du temps, et elle différait notablement sur certains points de celle de Heisen-
berg. En exagérant un peu, on peut dire que chaque physicien intéressé par le sujet définit
sa propre version de l’interprétation de Copenhague. Entrer dans le détail nécessiterait donc
plusieurs centaines de pages. Voir par exemple Howard [2004].
11. Intrication et non localité quantiques 433
rait éviter d’imposer par décret, comme le font Landau et Lifschitz [1966], une
ligne de démarcation entre un monde classique et un monde quantique, et la
nécessité de faire appel à cette frontière reste un aspect peu convaincant de
la vision de Bohr. Cela suggère que la théorie quantique n’est peut-être pas
encore sous sa forme finale.
de façon à créer un clone de |χ1 . Pour un autre original |χ2 , on devrait avoir
Pour montrer qu’un tel opérateur U ne peut pas exister, évaluons le produit
scalaire
X = χ2 ⊗ ϕ ⊗ m|U † U |χ1 ⊗ ϕ ⊗ m (11.108)
de deux façons différentes.
25. En anglais : “ancilla”.
436 Physique quantique : Fondements
1. Utilisant U † U = I
Si |χ est caractérisé par son vecteur de Bloch b, l’opérateur statistique de A
sera (exercice 6.6.10)
5 1 1 2
ρA = |χχ| + |χ⊥ χ⊥ | = I + b = ρB (11.113)
6 6 2 3
La première des équations (11.113) montre que la fidélité du clonage est
F = 5/6. La preuve que cette fidélité est optimale, est assez longue, et le
lecteur est renvoyé à l’article original de Buzek et Hillery [1996]. On peut
montrer qu’une fidélité meilleure que 5/6 permettrait la communication su-
praluminique : on peut donc voir la borne supérieure F ≤ 5/6 comme une
condition de compatibilité entre la mécanique quantique et la relativité.
Le clonage approché BH est optimal et universel : F ne dépend pas de
l’état |χ que l’on souhaite cloner. Il est également symétrique : ρA = ρB . Il est
possible d’obtenir une meilleure fidélité si on se limite à une classe particulière
de vecteurs de HA . Un cas important pour la sécurité de la cryptographie
quantique est le clonage d’états de la forme
1
|χ(φ) = √ |0 + e iφ |1 (11.114)
2
Les deux bases complémentaires utilisées en cryptographie quantique cor-
respondent à des vecteurs de base construits avec (φ = 0, φ = π) et
(φ = π/2, φ = 3π/2), c’est-à-dire aux vecteurs propres de σx et σy
1 1
| ± y = √ |0 ± i|1 (11.115)
| ± x = √ |0 ± |1
2 2
438 Physique quantique : Fondements
1 1
(11.123)
H|0 = √ |0 + |1 H|1 = √ |0 − |1
2 2
En dehors de facteurs de phase, la porte de Hadamard représente l’action
d’une lame séparatrice. En appliquant une porte H sur chacun des n qubits
dans l’état |0, nous obtenons la combinaison linéaire suivante |Φ d’états de
la base de calcul
n
2 −1
⊗n ⊗n ⊗n 1
|Φ = H |0 . . . 0 = H |0 = |x (11.124)
2n/2 x=0
La porte cNOT (figure 11.12b) a l’action suivante sur un état à deux qubits :
si le premier qubit, appelé qubit de contrôle, est dans l’état |0, le second qu-
bit, appelé qubit cible, est inchangé. Si le qubit de contrôle est dans l’état |1,
alors les deux états de base du qubit cible sont échangés : |0 ↔ |1. La re-
présentation matricielle de la porte cNOT, dans la base {|00, |01, |10, |11},
est ⎛ ⎞
1 0 0 0
⎜ 0 1 0 0 ⎟ I 0
cNOT = ⎝ ⎜ ⎟ = . (11.125)
0 0 0 1 ⎠ 0 σx
0 0 1 0
bit cible
(a) (b)
Fig. 11.12 – Représentation graphique des portes logiques quantiques. (a) Porte
de Hadamard. (b) Porte cNOT.
principe d’un tel calcul est le suivant : un registre de données à n qubits stocke
un état |Φ (11.124). On construit ensuite le produit tensoriel |Ψ de |Φ avec
l’état |0⊗m d’un registre de résultats à 2m qubits
1
|Ψ = |Φ ⊗ 0⊗m = |x ⊗ 0⊗m (11.126)
2n/2 x
Étant donné une fonction f (x) prenant 2m valeurs différentes stockées dans
le registre de résultats, on construit une opération unitaire26 Uf telle que
Uf |x ⊗ y = |x ⊗ [y ⊕ f (x)]
où ⊕ est l’addition modulo 2 sans retenue. Il est clair que Uf2 = I, et que
Uf , qui est une simple permutation des vecteurs de base est une opération
unitaire. Si Uf est appliqué sur |Ψ (11.126), le résultat est
1
|Ψ → |Ψ′ = Uf |Ψ = |x ⊗ f (x)
2n/2 x
En effet,
• Si f (x) = 0, (|0 − |1) → (|0 − |1)
• Si f (x) = 1, (|0 − |1) → −(|0 − |1).
Dans cette opération, le qubit auxiliaire reste non intriqué avec les n autres
qubits. Il est commode de définir un opérateur O, “l’oracle”, dont l’action est
la suivante dans la base de calcul
où
X|x = −(−1)δx0 |x = (2|00| − I)|x
Pour simplifier l’écriture, nous allons nous servir du vecteur |Φ (11.124).
Compte tenu de H2 = I, on déduit
et donc
(11.129)
G = 2|ΦΦ| − I O
Cette construction permet de dessiner le circuit logique quantique correspon-
dant à G (figure 11.13).
27. On connaît la valeur de y (le numéro de téléphone), mais pas les données associées
à y dans la base (le nom de l’abonné).
11. Intrication et non localité quantiques 443
0 H H H
0 H H H
G G O X
0 H H H
1 H
3 11
ax=y = ax=y =
16 16
Au départ, chaque valeur de x avait une probabilité de 1/16 ≃ 0.06, alors que
la probabilité de trouver la valeur y dans la base de données après application
de G est 121/256 ≃ 0.47, soit près de 50 %. Le raisonnement précédent peut
manifestement servir à établir une relation de récurrence pour les applications
successives de G, mais il est plus commode d’avoir recours à une méthode
géométrique que le lecteur trouvera exposée dans les références.
444 Physique quantique : Fondements
qui lui est a priori inconnu, sans lui transmettre directement cette particule.
Elle ne peut pas faire une mesure du spin, car elle ne connaît pas l’orientation
du spin de la particule A, et toute mesure projetterait en général |ϕA sur
un autre état. Le principe du transfert de l’information consiste à utiliser une
paire auxiliaire de particules intriquées B et C de spin 1/2 partagées par Alice
et Bob : la particule B est utilisée par Alice et la particule C est envoyée vers
Bob (figure 11.14). Ces particules B et C se trouvent, par exemple, dans l’état
11. Intrication et non localité quantiques 445
état téléporté
information
classique
Bob
Alice
paire
intriquée
état à
téléporter
Fig. 11.14 – Téléportation : Alice effectue une mesure de Bell sur les qubits A et
B et informe Bob du résultat par une voie classique.
(+)
intriqué de spin |ΦBC (voir (11.137))
(+) 1
(11.132)
|ΦBC = √ |0B 0C + |1B 1C
2
1
|ΦABC = λ|0A + µ|1A √ |0B 0C + |1B 1C
2
λ µ
= √ |0A |0B 0C + |1B 1C + √ |1A |0B 0C + |1B 1C
2 2
(11.133)
Alice va d’abord appliquer sur les qubits A et C une porte cNOT, le qu-
bit A jouant le rôle de qubit de contrôle et le qubit B celui de qubit
cible (figure 11.15). Cette opération transforme l’état initial (11.133) à trois
qubits en
λ µ
|Φ′ABC = √ |0A (|0B 0C +|1B 1C + √ |1A (|1B 0C +|0B 1C (11.134)
2 2
446 Physique quantique : Fondements
qubit A
H
qubit B
Fig. 11.15 – Alice applique une porte cNOT sur les qubits A et B puis une porte
de Hadamard sur le qubit A.
Alice applique ensuite une porte de Hadamard sur le qubit A, ce qui trans-
forme (11.134) en
1
|Φ′′ABC = λ|0A 0B 0C + λ|0A 1B 1C + λ|1A 0B 0C + λ|1A 1B 1C
2
+ µ|0A 1B 0C + µ|0A 0B 1C − µ|1A 1B 0C − µ|1A 0B 1C (11.135)
1 1
|Φ′′ABC =
|0A 0B λ|0C + µ|1C + |0A 1B µ|0C + λ|1C
2 2
1 1
+ |1A 0B λ|0C − µ|1C + |1A 1B − µ|0C + λ|1C (11.136)
2 2
La dernière opération d’Alice consiste à mesurer les deux qubits dans la base
{|0, |1}. La mesure conjointe par Alice des qubits A et B est appelée mesure
de Bell. Cette mesure projette la paire AB sur l’un des quatre états |iA jB ,
i, j = 0, 1, et le vecteur d’état du qubit C se lit sur chacune des lignes de
(11.136).
Le cas le plus simple est celui où le résultat de la mesure est |0A 0B . Le
qubit C arrive alors à Bob dans l’état
λ|0C + µ|1C
c’est-à-dire dans l’état initial du qubit A, avec les mêmes coefficients (com-
plexes !) λ et µ. Alice informe Bob par une voie classique (téléphone. . .) que
le qubit va lui arriver dans le même état que le qubit A. Si au contraire, elle
mesure |0A 1B , le qubit C est dans l’état
µ|0C + λ|1C
11. Intrication et non localité quantiques 447
et elle informe Bob qu’il doit appliquer au qubit C une rotation de π autour
de Ox, ou de façon équivalente la matrice σx
πσ
x
exp −i = −iσx
2
Dans le troisième cas (|1A 0B ), il faut appliquer une rotation de π autour de
Oz, et dans le dernier cas (|1A 1B ) une rotation de π autour de Oy. On note
que dans les quatre cas de figure, Alice ne connaît pas les coefficients λ et µ,
et elle communique uniquement à Bob les informations sur la rotation qu’il
doit effectuer.
Il est utile d’ajouter les remarques finales :
• à aucun moment les coefficients λ et µ ne sont mesurés, et l’état |ϕA
est détruit au cours de la mesure faite par Alice. Il n’y a donc pas de
contradiction avec le théorème de non-clonage ;
• Bob ne “connaît” l’état de la particule C que lorsqu’il a reçu le résultat
de la mesure d’Alice. La transmission de cette information doit se faire
par une voie classique, à une vitesse au plus égale à celle de la lumière.
Il n’y a donc pas transmission instantanée de l’information à distance ;
• il n’y a jamais transport de matière dans la téléportation quantique28 .
a d
b c
Jusqu’à présent, nous avons décrit des états intriqués produits par une
source (atome, cristal non linéaire. . .), et les deux particules de l’état intriqué
ont été en contact ou très proches dans le passé. En fait, grâce à l’échange
d’intrication, on peut parfaitement obtenir des états intriqués de deux par-
ticules qui n’ont jamais été en contact, n’ont jamais eu de passé commun,
28. Pour une expérience récente de téléportation, voir par exemple Olmschenk et al.
[2009], qui utilisent le schéma décrit dans le § 11.5.4.
448 Physique quantique : Fondements
et peuvent même avoir toujours été arbitrairement éloignées. Nous allons dé-
crire une expérience d’échange d’intrication effectivement réalisée (Olmschenk
et al. [2009]). Commençons par montrer un résultat préliminaire : considérons
une lame séparatrice équilibrée sur laquelle arrivent deux photons A et B,
qui se trouvent dans des modes de propagation, ou modes spatiaux, a et b et
sortent de la lame suivant les modes de propagation c et d (figure 11.16). Ces
photons possèdent, en outre, un mode interne à deux niveaux : polarisation,
couleur, etc. Un point crucial pour la suite est que le dispositif expérimental,
par exemple celui qui sera décrit ci-dessous, ne permet pas par principe de
savoir si le photon A par exemple arrive en dessous de la lame ou au-dessus.
Pour décrire les modes internes, nous utilisons les états de Bell
(±) 1
|ΨAB = √ (|0A 1B ± |1B 0A )
2
(11.137)
(±) 1
|ΦAB = √ (|0A 0B ± |1A 1B )
2
(+) (±)
La remarque capitale pour la suite est que |ΨAB et |ΦAB sont symétriques
(−)
dans l’échange A ↔ B, alors que |ΨAB est antisymétrique : si l’on identifie
(+) (±)
le mode interne à un spin 1/2, |ΨAB et |ΦAB correspondent à un état de
(−)
spin 1 (triplet) symétrique dans l’échange des deux spins, et |ΨAB à un état
de spin 0 (singulet) antisymétrique.
Le vecteur d’état décrivant la partie spatiale peut également être symé-
trique ou antisymétrique. Afin d’alléger les notations et d’éviter une confusion
possible, nous identifierons les photons par un indice (1,2), plutôt que par
(A, B). Les vecteurs d’état symétrique (S) ou antisymétrique (A) sont
1
|ΨS12 = √ (|a1 b2 + |a2 b1 )
2
(11.138)
1
|ΨA
12 = √ (|a1 b2 − |a2 b1 )
2
où |a1 (|b2 ), par exemple, indique que le photon 1 est dans le mode a (le
photon 2 dans le mode b). Nous verrons au chapitre 14 que le vecteur d’état
global de deux photons doit être symétrique dans l’échange des deux photons,
car les photons obéissent à la statistique de Bose-Einstein. Les vecteurs d’état
possibles sont donc
g
e
(a) (b)
Fig. 11.17 – Schéma des niveaux. En (a), une impulsion laser à large bande fait
passer des niveaux |g et |e aux niveaux |e′ et |g ′ . En (b), ces deux niveaux se
désexcitent par émission spontanée. La transition |g ′ → |g correspond au photon
“bleu”, et |e′ → |e au photon “rouge”.
commence par préparer un ion dans une combinaison linéaire des états |g et
|e
|ψ = α|g + β|e
Une impulsion laser à large bande fait passer simultanément de |g et |e à
|g ′ et |e′ , qui ensuite émettent spontanément un photon B(|g ′ ) ou R(|e′ ).
Nous obtenons donc un état intriqué entre les niveaux de l’ion et la couleur
du photon
|Ψ = α|gB + β|eR (11.139)
Cette opération peut être réalisée sur deux ions identiques et distants d’en-
viron 1 m (figure 11.18), et l’état global ions/photons est un simple produit
tensoriel
|Ψ12 = (α|g1 B1 + β|e1 R1 ) ⊗ (γ|g2 B2 + δ|e2 R2 (11.140)
Les photons émis par les deux ions sont ensuite recueillis par une lentille et
envoyés sur une lame séparatrice ; les deux modes a et b précédents sont les
couleurs B et R. Comme nous l’avons mentionné, si les deux photons sont de
la même couleur, ils partent vers le même détecteur. Si les deux détecteurs
sont déclenchés simultanément, cela veut dire que les deux photons sont de
couleur différente et il suffit de prendre en compte dans (11.140) la partie
|Ψ′ = αδ|g1 e2 ⊗ |B1 R2 + βγ|e1 g2 ⊗ |R1 B2 (11.141)
Exprimons |Ψ′ en fonction des états de Bell (11.137) (cf. l’exercice 11.6.10
pour une étude plus détaillée)
(±) 1
|Ψ12 = √ (|B1 R2 ± |R1 B2 ) (11.142)
2
11. Intrication et non localité quantiques 451
ce qui donne
1 (+)
|Ψ′ = √ (αδ|g1 e2 + βγ|e1 g2 ) ⊗ |Ψ12
2
(11.143)
1 (−)
+ √ (αδ|g1 e2 − βγ|e1 g2 ) ⊗ |Ψ12
2
De la discussion précédente, il résulte que le déclenchement simultané des
(−)
deux détecteurs projette le vecteur d’état de couleur sur |Ψ12 , et le vecteur
d’état des deux ions est par conséquent
|Φ12 = αδ|g1 e2 − βγ|e1 g2 (11.144)
Les états des ions 1 et 2 sont intriqués alors que les deux ions n’ont jamais
interagi ! Bien évidemment l’intrication ne réussit pas à tous les coups, loin
de là. En premier lieu, 75 % des photons sont éliminés par un filtrage en
polarisation, ensuite seulement 1 % des photons émis sont collectés par les
lentilles, les détecteurs ont une efficacité quantique de 15 %, etc., et au bout
du compte, pour chaque essai, la probabilité de réussite est ∼ 10−8 . Mais
l’observation du déclenchement simultané des deux détecteurs garantit que le
processus a réussi.
ion 1
fibre miroir d´etecteur 1
lentille
lame
1m
séparatrice
d´etecteur 2
ion 2
paires AD et BC
1 (+) (+) (−) (−)
|Ψ = |ΨAD ⊗ |ΨBC − |ΨAD ⊗ |ΨBC
2 (11.146)
(+) (+) (−) (−)
+ |ΦAD ⊗ |ΦBC − |ΦAD ⊗ |ΦBC
Si une mesure de Bell effectuée sur la paire BC a pour résultat un des 4 états
de Bell, alors la paire AD est envoyée dans l’état de Bell correspondant.
t
Mesure de Bell
t1
B C
A t0 D
x
AB CD
Fig. 11.19 – Échange d’intrication. Deux sources produisent deux paires intriquéees
AB et CD. Une mesure de Bell faite sur la paire BC entraîne l’intrication de A et
D. La mesure de (BC) est effectuée longtemps après celle de A et D (t0 ≪ t1 ).
Sur le schéma de la figure 11.19, les instants où sont effectuées les mesures
de polarisation sont totalement arbitraires. Pour fixer les idées, prenons pour
particules intriquées des photons dont la polarisation est 0 si elle est parallèle
à l’axe de mesure et 1 si elle est perpendiculaire à cet axe. On peut imaginer
une situation dite de post-sélection où, dans un premier temps, on accumule
des données sur la polarisation d’un grand nombre de photons A et D, et une
fois toutes ces données enregistrées, on mesure la polarisation des photons B
et C. On peut, par exemple, mesurer les polarisations (BC) à une grande
distance des sources ou envoyer les photons dans plusieurs dizaines de km de
fibres optiques. Les résultats enregistrés pour les polarisations des photons A
et D sont des suites aléatoires de 0 et de 1, et nous allons montrer que ces
suites aléatoires enregistrées une fois pour toutes peuvent être interprétées de
deux façons radicalement différentes, après que la mesure (BC) a été effectuée.
Supposons d’abord que les polarisations des photons B et C soient me-
surées indépendamment. La série des valeurs observées pour le photon A
par exemple est une suite aléatoire de 0 et de 1, mais ces valeurs sont
(anti-)corrélées à celles observées pour le photon B : si les résultats pour B
sont {011001}, alors les résultats pour A suivant le même axe sont {100110}
11. Intrication et non localité quantiques 453
11.6 Exercices
11.6.1 Propriétés des opérateurs statistiques
1. On construit avec les éléments de matrice ρii , ρij , ρji et ρjj d’un opé-
rateur statistique ρ dans un espace de dimension d la matrice 2 × 2
ρii ρij
A=
ρji ρjj
Montrer que ρii ≥ 0, ρjj ≥ 0 et que det A ≥ 0, d’où |ρij |2 ≤ ρii ρjj . En déduire
également que si ρii = 0, alors ρij = ρ∗ji = 0.
2. Montrer que s’il existe un test maximal donnant une probabilité de
100 % pour l’état physique décrit par un opérateur statistique ρ, alors cet
état est un cas pur. Montrer également que si ρ décrit un cas pur, et que l’on
peut écrire
ρ = λρ′ + (1 − λ)ρ′′ 0≤λ≤1
alors ρ = ρ′ = ρ′′ .
3. Montrer que Trρ2 = 1 est une condition nécessaire et suffisante pour
un cas pur.
4. Vérifier que ρ défini par (11.8) obéit bien à toutes les propriétés d’un
opérateur statistique.
454 Physique quantique : Fondements
|I = | + +
1
|II = √ (| + − + | − +)
2
|III = | − −
1
|IV = √ (| + − − | − +)
2
forment une base orthonormée de H et que ces vecteurs sont vecteurs propres
de σ1 · σ2 avec des valeurs propres 1 et −3. Que représentent ces états ? Faire
le lien avec le § 9.6.1.
4. Déterminer les projecteurs P1 et P−3 sur les sous-espaces des valeurs
propres 1 et −3, en écrivant ces projecteurs sous la forme
λI + µσ1 · σ2
où
1
Pn,n+1 = (I + σn · σn+1 )
2
30. Tout état obtenu à partir de |Φ0 par une rotation de l’ensemble des spins d’un même
angle autour d’un même axe est encore un état fondamental possible.
456 Physique quantique : Fondements
Montrer que U (t) = −iσy , et que si l’on prend en compte la relaxation ρ(t)
est
1 1 −t/T2
ρ(t) = I + δpσy e
2 2
indépendamment du désaccord δ. Montrer que la mesure de la décroissance de
la hauteur du pic de ã(ω) permet une détermination fiable de T2 , et expliquer
pourquoi cette séquence d’opérations s’appelle “écho de spin”.
2. Considérons deux noyaux identiques de spin 1/2 (par exemple deux
protons) appartenant à une même molécule observée dans un expérience de
RMN. Les deux spins nucléaires ont un hamiltonien d’interaction H12 , qui,
dans le cas le plus simple, a la forme suivante
U12 (t) = exp(−iH12 t/) = I12 cos ω12 t − i[σz(1) ⊗ σz(2) ] sin ω12 t
U [R(1) (1)
x (π)] exp(−iH12 t/)U [Rx (π)] exp(−iH12 t/) = I12
(1)
où U [Rx (π)] est une rotation de π du spin 1 autour de l’axe x. À partir de
cette équation, montrer que la séquence d’opérations
(A+ , B+ ), . . . , (α− β− )
Montrer que trois configurations ont une probabilité nulle. Montrer, de plus,
que la probabilité conditionnelle p(A− |B− ) est non nulle
p(A± , α± , B± , β± )
1 1
|Φ = √ |x1 ⊗ |y2 − |y1 ⊗ |x2 = √ (|xy − |yx)
2 2
Les états |x et |y sont des états de polarisation linéaire suivant Ox et Oy.
1. Soit
|θ = cos θ|x + sin θ|y
l’état de polarisation linéaire suivant la direction n̂θ du plan xOy et |θ⊥ l’état
de polarisation orthogonale, voir (11.69). Montrer que
1
|Φ = √ (|θ θ⊥ − |θ⊥ θ)
2
x x
−z D
D
G
z
y
y G
i
|Φ = √ (|DD − |GG)
2
Vérifier en utilisant (11.69) que cette deuxième forme de |Φ est bien invariante
par rotation autour de Oz.
11. Intrication et non localité quantiques 461
z z
y y
x
x
Bob
Alice
a O b
y
Carla
x
Ax By Cy = +1 Ay Bx Cy = +1 Ay By Cx = +1
PP1 y
0 x M1
LS
0 y
1 y
M2
1 x PP2
x MEO
y PP3 D−
D+
Fig. 11.22 – Expérience distinguant deux états non orthogonaux. Le photon inci-
dent rencontre un premier prisme polarisant PP1 qui fabrique deux états |0 ⊗ x et
|1 ⊗ y. La lame semi-transparente LS a un coefficient de transmission t. L’action
combinée du modulateur électrooptique MEO et du prisme polarisant PP3 sépare
les états |+ et |−. D’après Scarani [2011].
On prépare avec une probabilité 1/2 une suite d’états |ψ± d’un espace à
deux dimensions HA (par exemple un spin 1/2 ou la polarisation d’un photon)
|ψ± = cos θ |0A ± sin θ |1A
où {|0A , |1A } est une base orthonormée de cet espace et −π/2 ≤ θ ≤ π/2 ;
le produit scalaire ψ− |ψ+ = cos 2θ. On introduit un système auxiliaire B
également à deux niveaux dans l’état |0B et on forme le produit tensoriel
|ψ± ⊗ 0B = cos θ |0A ⊗ 0B ± sin θ |1A ⊗ 0B
On applique ensuite une transformation unitaire dans l’espace {|0A ⊗0B , |1A ⊗
1B }
cos θ |0A ⊗ 0B → sin θ |0A ⊗ 0B + cos1/2 2θ|1A ⊗ 1B
1. Montrer que cette transformation est bien unitaire et qu’après cette
transformation, |ψ± ⊗ 0B devient
√
|Φ± = 2 sin θ | ±A ⊗0B + cos1/2 2θ|1A ⊗ 1B
11. Intrication et non localité quantiques 465
avec
1
|± = √ (|0 ± |1)
2
2. En remarquant que l’état |0B est corrélé à |±A , en déduire la probabi-
lité de pouvoir discriminer entre les deux états |ψ± et relier cette probabilité
à ψ− |ψ+ .
3. On réalise le dispositif de la figure 11.22, avec des photons qui ren-
contrent des prismes polarisants P P et une lame semi-transparente LS dont
le coefficient de transmission est t (Scarani [2011]) ; |0 et |1 représentent des
états de polarisation horizontaux et verticaux des photons, qui correspondent
au système A de la question 1. Les prismes P P1 et P P2 transmettent la po-
larisation |0 et réfléchissent la polarisation |1, tandis que |x, |y et |y ′
désignent des états de propagation suivant les directions Ox, Oy et y ′ cor-
respondant au sytème B de la question 1. Montrer que l’évolution de |ψ±
intriqué avec un état de propagation |x est donné par
P P1
|ψ± ⊗ x → cos θ|0 ⊗ x ± sin θ|1 ⊗ y
LS √ √
→ t cos θ |0 ⊗ y ± sin θ |1 ⊗ y + i 1 − t cos θ |0 ⊗ y ′
miroirs √ √
→ ( t cos θ |0 ⊗ y ± sin θ |1 ⊗ x) + i 1 − t cos θ |0 ⊗ y ′
√ √
PP2
→ t cos θ |0 ± sin θ |1 ⊗ |y + i 1 − t cos θ |0 ⊗ y ′
Quelle valeur de t faut-il choisir pour que |y soit en facteur d’un produit ten-
soriel avec l’un de deux états de polarisation orthogonaux |± ? Montrer que
l’action combinée du modulateur électro-optique MEO et du prisme polarisant
PP3 permet de distinguer les états |+ et |−.
laser pompe
655 nm
cristal
MZ MZ
δ
D2 D1
1310 nm 1310 nm
fibres optiques
λ = 655 nm arrive sur un cristal non linéaire (figure 11.23). Une fraction
des photons incidents est convertie en paires de photons de longueur d’onde
2λ = 1310 nm, chaque photon partant dans une des deux fibres optiques et
traversant ensuite un interféromètre de Mach-Zehnder (MZ) (cf. § 1.4.5). Ces
interféromètres ont un bras court et un bras long, la différence entre les deux
bras étant ∆l = 20 cm. Une lame permet de faire varier le chemin optique
de δ sur le bras long de l’interféromètre de droite. La longueur de cohérence
(§ 5.4.2) lcoh ≃ 40 µm des photons convertis est très petite par rapport à ∆l :
lcoh ≪ ∆l (alors que la longueur de cohérence du laser de pompe est voisine
de 100 m).
1. On fait varier la phase δ sur le bras long de l’interféromètre de droite.
Montrer que le taux de comptage des photons par le détecteur D1 est indé-
pendant de δ.
2. On détecte les deux photons en coïncidence dans D1 et D2 , avec une fe-
nêtre de coïncidence de l’ordre de 0.1 ns ; comme le faisceau pompe est continu,
on ne dispose d’aucune information sur le temps de génération d’une paire de
photons. Montrer qu’il n’est pas possible de distinguer entre les deux chemins
court-court et long-long suivis par les photons. En déduire que si l’on fait varier
δ, on obtient une variation sinusoïdale du taux de comptage en coïncidence,
mais que les taux de détection individuels dans D1 et D2 restent indépendants
de δ. Suggestion : montrer que si l’on supprime les deux diviseurs de faisceau
du MZ de gauche, on peut déduire une information sur le trajet suivi par le
photon de droite. Que se passe-t-il si l’on supprime l’ensemble du dispositif
de gauche (MZ et détecteurs) ?
1 2 1
Htrap = p + M ωz2 z 2
2M z 2
où M est la masse de l’ion et ωz la fréquence du piège. En absence d’un champ
appliqué, le hamiltonien est la somme du hamiltonien des états internes de
l’ion et de l’oscillateur harmonique du piège
1
H0 = − ω0 σz + ωz a† a
2
11. Intrication et non localité quantiques 467
Écrire l’expression de H̃int pour les deux bandes latérales, et montrer que pour
la bande latérale bleue
i √
+
H̃int = η ω1 m + 1 σ+ ab e−iφ − σ− a†b e iφ
2
tandis que pour la bande latérale rouge
− i √
H̃int = η ω1 m σ+ a†r e−iφ − σ− ar e iφ
2
Les opérateurs ab . . . a†r sont définis de façon à conserver la norme des vecteurs
d’état
a a† a a†
ab = √ a†b = √ ar = √ a†r = √
m+1 m+1 m m
On se limite au cas m = 1. Quels sont les opérateurs de rotation sur les deux
bandes R± (θ, φ), où θ = −ω1± t ?
3. En plus des niveaux |0, 0, |0, 1, |1, 0 et |1, 1, on utilise également le
niveau |1, 2. Dessiner le schéma des niveaux et identifier les transitions de
bande latérale bleue |0, 0 ↔ |1, 1 et |0, 1 ↔ |1, 2. Montrer que l’opérateur
+
de rotation Rαβ défini par
+
Rαβ = R+ (α, π/2) R+ (β, 0) R+ (α, π/2) R+ (β, 0)
11.7 Bibliographie
L’opérateur statistique est traité dans Messiah [1959], chapitres VII et VIII
ou Cohen-Tannoudji et al. [1973], compléments EIII et EIV . Deux références
plus récentes sont Isham [1995], chapitre 6 ou Basdevant et Dalibard [2001],
annexe D. Une discussion approfondie des concepts fondamentaux est don-
née par Mermin [1998]. Pour les applications de l’opérateur statistique à la
mécanique statistique et les propriétés de l’entropie de von Neumann, on
pourra consulter Balian [1991], chapitres 2 à 5, Diu et al. [1990], chapitre 2
ou Le Bellac et al. [2004], chapitre 2. Les applications de l’opérateur statis-
tique à la RMN sont discutées par exemple par Levitt [2001], chapitre 10.
Pour une revue générale des sujets abordés dans ce chapitre et au delà, voir
Scarani [2011] et Laloë [2011] ; un exposé élémentaire se trouve dans Zeilin-
ger [2010] ou Gisin [2012], qui traite la non-localité très en détail. Il existe
de nombreux exposés sur les inégalités de Bell, parmi lesquels on peut re-
commander ceux de Bell [2004], Peres [1993], chapitres 6 et 7, Isham [1995],
chapitres 8 et 9, Mermin [1993] et Norsen [2006]. On trouvera dans ces réfé-
rences une discussion de la contextualité et des théorèmes de Gleason et de
Kochen-Specker. Les cours de Cohen-Tannoudji [1989] et [1990] contiennent
un exposé très complet de la théorie de la mesure et de la décohérence ; voir
aussi Zurek [1991] et [2003], Leggett [2002a], [2002b], [2005] et [2008], Joos et
Zeh [1985], Schlossauer [2004] et d’Espagnat [1995]. L’exposé du § 6.4.5 suit
Ballentine [1990] ; voir également Cohen-Tannoudji [1990]. Pour une excel-
lente introduction au calcul quantique, on pourra consulter le livre de Nielsen
et Chuang [2001] ; des livres plus récents (et plus courts !) sont ceux de Stolze
et Suter [2004], Le Bellac [2006], Mermin [2010] et Rieffel et Polak [2011]. Le
théorème de non-clonage quantique et ses applications sont traités en détail
par Scarani et al. [2005] ; voir également Buzek et Hillery [1996]. On trouvera
une version grand public de la téléportation dans Zeilinger [2000]. Les articles
“historiques” (antérieurs à 1982) ont été rassemblés dans un ouvrage édité
par Wheeler et Zurek [1983]. On y trouvera en particulier les article origi-
naux de EPR (Einstein et al. [1935]) et de Bohr [1935]. Les corrélations EPR
ont été utilisées dans l’expérience montrant la non-invariance par
renversement du temps dans la physique des mésons-B : Lees et al. [2012],
Schwarzschild [2012].
Annexes
mais bien évidemment cela n’a pas de sens de parler du produit scalaire de
deux rayons. Nous utilisons la notation (•, •) pour le produit scalaire, afin
d’éviter les ambiguïtés de la notation de Dirac, qui seraient particulièrement
gênantes dans cette annexe.
Soit dans H une correspondance entre rayons
ϕ̃ → T ϕ̃ (A.2)
Le théorème de Wigner énonce qu’il est toujours possible de choisir les phases
des vecteurs de telle sorte que la correspondance entre rayons devienne une
correspondance entre vecteurs
(U ϕ, U χ) = (ϕ, χ) (A.5)
ϕj = χ1 + χj j = 2, . . . , N (A.7)
1 ′′ dj ′′
ϕ′j = ϕ χ′j = χ (A.8)
cj j cj j
de sorte que
1
ϕ′j = (cj χ′1 + dj χ′′j ) = χ′1 + χ′j (A.9)
cj
Annexes 473
Si une telle loi de transformation est valide, nous devons avoir, d’une part,
Les deux couples de nombres complexes (c1 , cj ) et (c′1 , c′j ) doivent être tels
que |c1 | = |c′1 | et |cj | = |c′j | et de plus vérifier (A.10). Posons
d2
r(t)
m = F
(
r(t))
dt2
est invariante par renversement du sens du temps t → −t. Posons en effet
r ′ (t) =
r(−t)
d2
r ′ (t) d2
r(−t)
m = m = F
(
r(−t)) = F
(
r ′ (t))
dt2 dt2
On constate que
r ′ (t) obéit bien aux équations de Newton. La raison
en est évidemment que ces équations ne dépendent que de la dérivée se-
conde par rapport au temps de
r et pas de la dérivée première2 . Une
1. Voir Weinberg [1995], chapitre 2, qui détaille toutes les subtilités de la preuve.
2. Une équation du type oscillateur harmonique amorti
mẍ + γ ẋ + mω 2 x = 0
n’est pas invariante par renversement du sens du temps, mais la force de viscosité −γ ẋ est
une force effective, représentant phénoménologiquement l’effet des collisions des molécules
du fluide sur la particule de masse m.
Annexes 475
p(0) t =0
− p(0)
(a) (b)
O O
r (−t) r(t)
p(−t)
−t t p(t) = − p (−t)
r ′ (t) =
r(−t) p
′ (−t) = −
p(t) (A.16)
Le vecteur position
r est pair par renversement du temps, et p
est impair dans
cette même opération. L’invariance par renversement du temps est appelée
microréversibilité. Si l’on filme le mouvement de particules et que l’on projette
le film à l’envers, la microréversibilité implique que la projection apparaît
physiquement possible3 . On sait que tel n’est pas le cas dans la vie courante,
qui est fondamentalement irréversible, et il n’est pas évident4 de comprendre
comment une dynamique réversible à l’échelle microscopique peut conduire à
des phénomènes irréversibles à l’échelle macroscopique.
3. On notera l’analogie avec la conservation de la parité : l’image d’une expérience dans
un miroir apparaît physiquement possible si la parité est conservée.
4. Comme l’ont montré les discussions acharnées de Boltzmann avec ses contradicteurs !
Voir par exemple Balian [1991], chapitre 15 ou Le Bellac et al. [2004], chapitre 2.
476 Physique quantique : Fondements
suivant
ΘR
Θ−1 = R
Θ P Θ = −P
−1
(A.17)
Θ J
Θ−1 = −J
En effet, J
doit se transformer comme R
× P
, qui est impair par renversement
du temps : le moment angulaire définit un sens de rotation qui est inversé par
renversement du temps. L’examen de la transformation par Θ des relations
de commutation canoniques montre que Θ doit être antiunitaire. Calculons
de deux façons différentes un élément de matrice du commutateur [Xi , Pj ] =
i δij I
(Θϕ, Θ[Xi , Pj ]ψ) = (Θϕ, Θi δij Iψ) = δij (ϕ, i ψ)∗ = −i δij (ϕ, ψ)∗
= (Θϕ, Θ[Xi , Pj ]Θ−1 Θψ)
= (Θϕ, −iδij IΘψ) = −iδij (ϕ, ψ)∗
où nous avons utilisé dans la seconde ligne les lois de transformation (A.17)
de Xi et Pj
Θ[Xi , Pj ]Θ−1 = −[Xi , Pj ]
Les deux lignes de l’équation précédente sont compatibles, ce qui ne serait pas
le cas si la transformation Θ était unitaire.
Il existe un autre argument très instructif prouvant le caractère antiuni-
taire de Θ. Soit ϕ(t), le vecteur d’état d’un système quantique au temps t,
ϕ = ϕ(t = 0) son état au temps t = 0
i
ϕ(t) = exp − Ht ϕ
L’invariance par rapport au renversement du temps implique que l’état trans-
formé de ϕ(−t) par renversement du temps, Θϕ(−t), coïncide avec l’état ob-
tenu par évolution temporelle de Θϕ(t = 0)
i
Θϕ(−t) = exp − Ht Θϕ
et comme les équations sont valables pour tout ϕ
i i
Θ exp Ht = exp − Ht Θ (A.18)
Si Θ était unitaire, cela impliquerait que
ΘH = −HΘ
Annexes 477
Θ H = H Θ ou Θ H Θ−1 = H (A.19)
(Θϕa , ϕa ) = 0 (A.20)
T (
kb ,
ka ) = T (−
ka , −
kb )
Plus généralement, pour une réaction où les particules incidentes ont des im-
pulsions (
p1 ,
p2 ) et des projections de leurs spins (m1 , m2 ), tandis que les
particules finales sont caractérisées par (
p3 ,
p4 ) et (m3 , m4 ), on obtient
p1 + p
2 → p
3 + p
4 ) = T−m1 −m2 ;−m3 ,−m4 (−
p3 −
p4 → −
p1 − p
2 )
∂ψ ∗ (
r, −t) 2 2 ∗
i =− ∇ ψ (
r, −t) + V (
r)ψ ∗ (
r, −t)
∂t 2m
pourvu que le potentiel V (
r) soit réel. Cette propriété a été utilisée au § 8.3.4
pour restreindre la forme de la matrice de passage M et de la matrice S.
Dans le cas général, on peut écrire Θ = U K, où K est la conjugaison
complexe
[Kψ](
r, t) = ψ ∗ (
r, −t) (A.24)
et U un opérateur unitaire. L’action de K, par exemple, dans le cas d’une
onde plane s’écrit
K e i(k·r−ωt) = e−i(k·r+ωt) = e−ik·r e−iωt
Annexes 479
en accord avec (A.21) si l’on choisit e iα = −1. On note que (iσ2 )2 = −I,
également en accord avec (A.22) pour j = 1/2.
Comme dernier exemple, examinons l’impact de l’invariance par renverse-
ment du temps sur le moment dipolaire électrique du neutron. Comme l’opé-
rateur moment dipolaire D
est impair dans l’opération parité
Π−1 = −D
ΠD
le moment dipolaire5 d’une particule est nul si cette particule a une parité
déterminée, ce qui sera le cas si ses interactions conservent la parité. C’est
pourquoi les atomes dans leur état fondamental n’ont pas de moment dipolaire
permanent. Cependant, la parité n’est pas conservée dans les interactions
faibles, et cela peut a priori rétablir la possibilité d’un moment dipolaire.
En fait, il est de plus nécessaire que l’invariance par renversement du temps
soit violée. En effet, le seul vecteur à notre disposition est le spin
σ /2 du
neutron, et on doit avoir D
= λ
σ , où λ est une constante ; on remarque
que λ = 0 implique la violation de la parité, car D
est un vecteur et
σ
GF
d ∼ qe ε mn (c3 )
(c)3
5. Pour que le moment dipolaire électrique d’une particule puisse être non nul, il est
impératif que son moment angulaire soit différent de zéro : dans le cas contraire, l’invariance
par rotation est incompatible avec l’existence d’un moment dipolaire.
480 Physique quantique : Fondements
Les mesures les plus précises du moment dipolaire du neutron ont été effec-
tuées au réacteur de recherches de l’Institut Laue-Langevin à Grenoble et
donnent la borne supérieure
d<
∼ qe × 10
−27
m
qui est largement inférieure à notre estimation naïve ! En fait, à cause d’une
propriété technique du modèle standard6 , le moment dipolaire du neutron
doit être proportionnel à G2F
|ψ(t) = γa (t)e−iEa t/ |a + dEb D(Eb ) γb (t) e−iEb t/ (B.2)
avec ωab = (Ea − Eb )/. Nous savons empiriquement que |γa (t)|2 est donné
par une loi exponentielle
|γa (t)|2 = e−Γt (B.5)
ce qui suggère d’essayer un comportement
iδ
γa (t) = exp − t δ = δ1 − iΓ (B.6)
2
où δ1 est réel. La substitution de (B.6) dans (B.4) avec les conditions initiales
γb (t = 0) = 0 donne par intégration sur t
∗
Wab
γb (t) = exp (−i(ωab + δ/2)t) − 1 (B.7)
[ωab + δ/2]
Pour des temps longs, t ≫ Γ−1 , l’exponentielle dans (B.7) tend rapidement
vers zéro et
|Wab |2
lim |γb (t)|2 = 2
(B.8)
(ωab + δ1 /2)2 + Γ2 /4
t→∞
La constante δ doit être solution de l’équation intégrale (B.9). Pour fixer les
idées, examinons la transition d’un état excité i d’un atome d’énergie Ei vers
l’état fondamental f d’énergie Ef de cet atome, avec émission d’un photon
d’énergie ω. On peut, à une excellente approximation, négliger l’énergie ciné-
tique de recul de l’atome final dont l’énergie est simplement Ef avec comme
choix de référentiel celui où l’atome est au repos dans son état initial (cf. la
discussion du § 15.3.3). La densité d’états finaux à utiliser dans (B.9) est celle
(17.126) du photon. En résumé, nous avons |a = |i et |b = atome dans
l’état f + photon = |f ⊗
ks, ainsi que la conservation de l’énergie
1 − e itx
f (t, x) =
x
Lorsque x est réel, sa transformée de Fourier est
car
0
1 − e itx
−i dx e−iux =
−t x
La fréquence du photon final n’a pas une valeur bien déterminée : elle présente
une “dispersion"9 ∆ω = Γ, définie comme la largeur à mi-hauteur de la courbe
p(ω)
1 1
p ω0 ± ∆ω = p(ω = ω0 )
2 2
En d’autres termes, le spectre de fréquences du photon émis n’est pas mono-
chromatique. La quantité Γ est appelée largeur de raie ou parfois largeur na-
turelle de raie, étant donné qu’il existe d’autres causes d’élargissement comme
l’effet Doppler ou les collisions ; en raison de (B.5), la vie moyenne de l’état
excité est l’inverse de la largeur de raie, τ = 1/Γ. La dispersion en énergie
du photon final montre, par conservation de l’énergie, que l’énergie de l’état
excité présente une dispersion ∆E = Γ, et nous en déduisons la relation
(4.29) entre la vie moyenne et la dispersion sur l’énergie
9. Dispersion est à mettre entre guillemets car l’intégrale
∞
dω(ω − ω0 )2 p(ω)
0
est divergente, et on ne peut pas définir une dispersion au sens strict du terme.
484 Physique quantique : Fondements
τ ∆E = (B.19)
La conservation de l’énergie implique que l’énergie de l’état excité n’a pas une
valeur précise, mais présente une dispersion ∆E ≃ Γ autour de sa valeur
centrale Ei . Cependant, il n’y a pas de limitation de principe à la précision
avec laquelle on peut mesurer cette valeur centrale. La figure B.2 montre la
détermination expérimentale de p(ω) pour la désintégration d’un niveau excité
du 57 Fe∗
57
Fe∗ → 57 Fe + photon (14 keV)
dont la vie moyenne est τ ≃ 1.4 × 10−7 s.
C Constantes physiques
vitesse de la lumière dans le vide : c = 3.00 m.s− 1
constante de Planck : h = 6.63 × 10−34 J.s
constante de Planck divisée par 2π : = 1.055 × 10−34 J.s
charge de l’électron (qe < 0) : |qe | = 1.602 × 10−19 Cb
masse de l’électron : me = 9.11 × 10−31 kg = 0.511 MeV.c−2
masse du proton : mp = 1.673 × 10−27 kg = 938.3 MeV.c−2
masse du neutron : mn = 1.675 × 10−27 kg = 939.5 MeV.c−2
constante de Rydberg : R∞ = 21 α2 me c2 = 13.61 eV
|qe |
magnéton de Bohr : µB = 2m = 5.79 × 10−5 eV.T−1
e
|q |
magnéton de Bohr nucléaire : µN = 2m e
= 3.15 × 10−8 eV.T−1
p
constante de Boltzmann : kB = 1.38 × 10−23 J.K−1
constante de gravitation : G = 6.67 × 10−11 N.m2 .kg−2
conversion énergie-longueur d’onde : E = 1 eV ↔ λ = 1.24 µm
conversion énergie-fréquence : E = 1 eV ↔ ν = 2.42 × 1014 Hz
conversion énergie-température : E = 1 eV ↔ T = 11600 K
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Références x9
A de Born-Oppenheimer 696
de Brillouin-Kramers-Wentzel
Absorption stimulée 176 (BKW) 509, 515
action 485, 499 de champ moyen 647
euclidienne 537 de Hartree 647
adjoint 52 de Hartree-Fock 631, 647
adjoint de Pauli 840 de la phase stationnaire 253, 487
alcalin 318, 633, 657, 694 des ondes tournantes :
algèbre de Lie 225, 238 voir séculaire
de SO(3) 221 des particules indépendantes
de SU (2) 224 156
du groupe de Lorentz 851 dipolaire 733
du groupe de Poincaré 822 markovienne 780
algorithme de Grover 441 quasi-résonante : voir séculaire
algorithme de Shor 444 séculaire 175, 467, 667, 790, 804
ammoniac 169 semi-classique 180, 487, 648, 730
amortissement de phase 777 atome 4
amplitude à deux niveaux 179, 664
de diffusion 551 de Bohr 36
d’hélicité 328 de Rydberg 683, 729
de la polarisation 75 d’hydrogène 36, 315, 845
de probabilité 26, 81, 117, 246 froid 23, 675, 677
analyse de Wigner 826 habillé 729
analyseur 75 muonique 682
angle de Bragg 43 automorphisme de groupe 834, 866
angle de diffusion 548 axe de quantification du moment
anticommutateur 623, 780 angulaire 296
antiferromagnétisme 615
B
antilinéaire 50
antiunitaire 474 bandes interdites 274
antisymétrisation 611 barrière centrifuge 314
anyon 609 barrière de potentiel 34, 518
approximation basculement de phase 421
adiabatique 542 base
de Bogoliubov 638 chirale (ou de Weyl) 838
de Born 571, 596 de calcul 439
x12 Physique quantique : Fondements
d’Alembertien 832 E
décohérence 420, 744, 797 écart type : voir dispersion
décomposition spectrale 57, 207 échange d’intrication 451
décroissance exponentielle 285, 481 écho de spin 457
dégénérescence de Kramers 477 effet
densité
Aharonov-Bohm 508, 533
de niveaux 12, 279
Casimir 716, 758
de probabilité 247
de mémoire 780
d’états 279
photoélectrique 18, 735
déphasage 554
tunnel 34, 170, 289, 519, 591
déplacement chimique 168
déplacement Lamb 719, 783, 792, Zeeman 454, 660
850 électrodynamique quantique 141,
dérivée covariante 366, 376, 841 850
désaccord 163, 664, 727 électron 4
désintégration 319 de valence 694
désintégration radiative 320 électron π 153
détection homodyne 722 électron σ 153
déterminant de Slater 611 élément de matrice réduit 335, 337
deutérium 6, 701 émission spontanée 180, 422, 737
deutéron 6, 340, 565, 594, 702, 765 émission stimulée (ou induite) 177
développement énergie
asymptotique 654 cinétique 233, 251, 254, 626
en ondes partielles 553 de délocalisation 156
perturbatif 581, 652 de dissociation 5, 698
diagramme de Feynman 137, 630 de liaison 5
diffraction 20 de point zéro 354, 711
des neutrons 21 de recul 672
diffusion d’ionisation 5
cohérente 47, 598 du vide 716
(ou collision) élastique 584 potentielle 33, 233, 254
x14 Physique quantique : Fondements
de Schwartz 51 lepton 7
information quantique 435 liaison σ 153
intégrale d’échange 691 ligne de Stokes 513
intégrale de chemin (ou liouvillien 782
fonctionnelle) 495, 499 localité 396
intégrale gaussienne 68, 502 loi
interactions de Boltzmann 12, 772
électrofaibles 8, 376 de Coulomb 8
électromagnétiques 8 de conservation 218
faibles 9 de dispersion 641
fortes 9 de Lorentz 11
gravitationnelles 10 de Malus 75
interférences 20, 56, 750 de Planck 18, 181
à deux photons 725 de Poisson 359, 374
avec des neutrons 22 longueur
avec des atomes froids 23 de cohérence 186, 466
avec des molécules 40, 744 de corrélation 535
interféromètre à neutrons 44 de diffusion 557
interféromètre de Mach-Zehnder de diffusion singulet 564
30, 417 de diffusion triplet 564
intervalle d’onde Compton 38, 833
du genre espace 405 d’onde de de Broglie 20
du genre lumière 405 d’onde thermique 632
du genre temps 405
invariance de jauge 365 M
inversion de population 167, 176, magnéton de Bohr 662
185, 669 magnéton de Bohr nucléaire
ion moléculaire H+ 2 194 662, 701
ions piégés 466 magnon 456
isométrie 53 maille d’un cristal 44
J marche au hasard 675
marche de potentiel 261, 288
jauge de Coulomb (ou de maser 176
rayonnement) 712, 755 masse effective 275
jauge de Lorentz 718 masse réduite 40, 239, 351
K matrice 54
densité : voir statistique
ket 54 de Dirac 837
de passage 268
L
de Pauli 100
lagrangien 240, 499 de rotation (ou de Wigner)
lame biréfringente 75 102, 300
lame séparatrice 24, 722 de transition (T ) 325, 575, 581
équilibrée 24 normale 69
largeur de bande 748 positive 69
largeur de raie 134, 483, 742 S 269, 556, 583
laser 183 statistique 388
Index x17