Chris To Logie
Chris To Logie
Chris To Logie
L’AUBERGE/COURS DE
CHRISTOLOGIE
1
TABLE DES MATIERES
2
5.4- La conscience de Jésus ................................................ 57
5.5- La Liberté de Jésus ....................................................... 58
5.6- La Sainteté de Jésus le Christ ...................................... 59
3
INTRODUCTION
1
Homélie de la Messe matinale célébrée à la chapelle de la Maison Sainte Marthe, le 20 octobre 2016.
4
comme Paul, à genoux : « Père envoie-moi ton Esprit pour que je connaisse Jésus-
Christ ».
Pour connaître Jésus -poursuit le Pape- il faut donc prier. Mais pas seulement. Il
faut aussi adorer ce mystère qui dépasse toute connaissance car one peut connaître le
Seigneur si l’on n’a pas l’habitude d’adorer et d’adorer en silence. Adorer. Si je ne me
trompe, la prière d’adoration est celle que nous connaissons le moins ; celle que nous
pratiquons le moins. Perdre du temps – j’emploie ce terme à dessein -devant le Seigneur,
devant le mystère du Christ. Et le faire en silence. Dans le silence de l’adoration. C’est le
Seigneur et moi je l’adore.
Enfin, pour connaître le Christ, la connaissance de soi est nécessaire. Il faut avoir
l’habitude de nous accuser, de reconnaître que nous sommes pécheurs. On ne peut
adorer – poursuit le Pape – sans se reconnaître pécheur. Pour entrer dans cette mer sans
fond et sans rivage qu’est le mystère du Christ, cela est vraiment nécessaire. Pour
résumer, il faut d’abord prier : « Père, envoie-moi ton Esprit pour qu’il me conduise à
Jésus. Ensuite, il faut adorer le mystère, entrer dans le mystère par l’adoration. Enfin, il
faut se reconnaître pécheur : « Je suis un homme aux lèvres impures ». Que le Seigneur
nous donne cette grâce que Paul demandait pour les Ephésiens. Qu’il nous donne aussi
cette grâce de connaître et de gagner le Christ.
Que signifie donc croire en Jésus-Christ aujourd’hui ? Sa vie, sa personne son style
de vie, son destin me parlent-ils ?
Entrer dans le cœur de la foi au Christ suppose que l’on réponde à ces questions.
Qu’est-ce donc que la Christologie ? De quoi traite donc la Christologie ? pourquoi
son étude est-elle importante pour tout chrétien ?
La Christologie est une partie ou un domaine de la théologie catholique2. Elle étudie
la personne et l’œuvre de Jésus, le Christ. C’est-à-dire sa nature divino-humaine, son
Incarnation, la révélation de Dieu qu’il apporte, ses miracles, son enseignement, sa mort,
sa résurrection, son ascension, son intercession en notre faveur, son titre de juge et de
Tête de toute chose, sa centralité dans le dessein de salut de Dieu3.
Quelle est l’étymologie du terme Christologie ?
Christos, ce mot grec traduit le terme hébreu Messie, qui signifie Oint. Jésus est le
messie, c’est-à-dire l’Oint de Dieu. Aussi, Christos est-il un des titres du Christ utilisé par
2
La Théologie se compose de divers traités : la Christologie, la théologie trinitaire, l’Ecclésiologie, la Mariologie,
l’anthropologie théologique, la révélation. Comme le Christ, est le centre de la révélation, la Christologie est centrale
pour justifier et légitimer l’étude des autres traités puisque tout parle de Jésus-Christ.
3
CHAMPLIN, R. N., Enciclopédia de Bíblia, teologia e filosofia, vol. 1, São Paulo, Editorial Hagnos, 2002.
5
la communauté chrétienne primitive pour exprimer sa foi en Jésus de Nazareth, sauveur
de tous les hommes.
Logia, ce terme signifie étude, enseignement, traité, réflexion.
Aussi, le mot Christologie signifie-t-il l’étude et la réflexion concernant la personne
de Jésus, son message, son action, sa mort et sa résurrection. C’est une réflexion menée
à la lumière de la foi. Elle naît à l’intérieur de la communauté des Apôtres et des disciples
qui ont vécu avec Jésus, cru en son témoignage. Elle croît, se développe et demeure
vivante et efficace aujourd’hui.
La réflexion de la Christologie catholique est nécessaire. L’Eglise catholique est
christocentrique. Elle a Jésus-Christ comme centre de son existence et de sa mission.
C’est ce que nous dit la constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Eglise : le Christ est
la lumière des peuples. À cette union avec le Christ, lumière du monde, de qui nous
procédons, par qui nous vivons, vers qui nous tendons, tous les hommes sont appelés4.
Le centre de la foi chrétienne est donc le Christ. Savoir qui est Jésus-Christ,
connaître ce qu’il propose est l’authentique chemin pour s’engager envers lui jusqu’au
bout, jusqu’à la mort. Le Christ est le centre de l’Histoire : on compte les années avant
Jésus-Christ et après Jésus-Christ dans le monde entier.
La Christologie sous-tend la prédication de l’Eglise catholique. La mission de
l’Eglise de tous les temps, c’est d’annoncer Jésus, le Christ. L’enseignement de l’Eglise
veut promouvoir la rencontre personnelle avec le Christ vivant. Aussi est-il nécessaire de
connaître Jésus-Christ pour le présenter de manière authentique à tout homme.
Le Messie est la grande espérance du peuple d’Israël dans l’Ancien Testament.
Cette espérance est offerte à toute l’humanité avec la venue du Christ, lui qui a été promis
pour accomplir cette espérance. Il s’est fait homme et est entré dans l’Histoire.
Mais il est aussi Dieu. Il est l’oint de Dieu. Ses œuvres révèlent qu’il est le Christ. Il
révèle la volonté de Dieu : que toute l’humanité soit délivrée de l’esclavage et des
ténèbres du péché. Il a écrasé la tête du serpent. Il a été l’exemple de l’obéissance à Dieu
et a racheté l’homme en le rendant capable de retrouver la communion avec Dieu.
Dans cette Auberge d’Emmaüs/Cours, nous trouverons les tables ou chapitres
suivants :
1) L’ACCES A JESUS PAR LE BIAIS DE L’ESPERANCE HISTORIQUE ET
DE
L’EXPERIENCE DE SALUT D’ISRAEL
2) LE MINISTERE PUBLIC DE JESUS DE NAZARETH
4
LG, n°3.
6
3) PASSION ET MORT DE JESUS DE NAZARETH
4) RESURRECTION ET ASCENSION DE JESUS, LE CHRIST
5) LE MYSTERE DE L’INCARNATION DU FILS DE DIEU
6) JESUS, LE CHRIST DANS LA FOI DE L’EGLISE
7) LES RELATIONS DE JESUS
8) MARIE, MERE DU FILS DE DIEU ET MERE DES HOMMES
Le cours/Auberge d’Emmaüs de Christologie contient donc une réflexion sur
Jésus, le Christ. Elle a pour objectif d’aider à répondre à la question posée par Jésus à
ses disciples : Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ?
7
TABLE 1
En nous asseyant à cet table, nous désirons connaître son objectif. Pour
comprendre Jésus, le Christ, sa personne, son message, son œuvre de salut, il importe de
connaître le contexte religieux d’Israël. C’est dans ce contexte de foi et d’espérance
d’Israël que Jésus et ses disciples ont vécu. C’est en reprenant leur chemin que nous
pouvons mieux le connaître. C’est en voyant le développement de la révélation de Dieu
dans l’histoire salvifique d’Israël et dans ses traditions que nous pouvons découvrir
comment l’Ancien Testament est orienté vers Jésus mais aussi comment le Christ mène à
son plein accomplissement la Loi et les Prophètes.
8
Dans l’évangile de Jean, Jésus lui-même annonce l’œuvre du Paraclet le
concernant. Il recevra ce qui vient de Jésus pour le faire connaître aux disciples. Il leur
rappellera tout ce qu’il a dit. Il les conduira dans la vérité tout entière sur ce qui concerne
sa relation au Père. Il rendra témoignage à Jésus (cf. Jn. 16, 7-15).
Cela met en lumière le fait que dans le Nouveau Testament (NT), l’histoire de
Jésus ne peut pas être pris comme une biographie, au sens moderne de ce terme. Les
évangiles, inspirés par l’Esprit Saint, sont des témoignages de foi provenant des témoins
privilégiés qui cherchent à susciter la foi en Jésus, comme Christ et Seigneur.
Lors du XVIIIe siècle, marqué par l’esprit des Lumières surgirent les questions
suivantes : Le Jésus historique est-il le même que le Christ de la prédication des Apôtres
et de l’Eglise ?Les évangiles sont-ils des récits historiques ou une invention des disciples
de Jésus ?
De là est venu la division entre le « Jésus de l’histoire » et le « Christ de la foi »
qui devait avoir un grand retentissement. Autrement dit, ce qui intéresse ce n’est pas de
savoir qui est Jésus-Christ mais qui a été en réalité le Jésus de l’histoire.
Benoît XVI, dans son livre Jésus de Nazareth, constate avec une préoccupation
pour la foi, que ce débat a donné l’impression que nous ne savions, en définitive, que peu
de choses certaines sur Jésus et que c’est la foi des Apôtres et de l’Eglise qui a dessiné
son visage. Autrement dit, le présupposé commun à tous ceux qui cherchaient le véritable
Jésus, c’est qu’il fallait le chercher hors de l’Eglise, délier les bandelettes du dogme de
l’Eglise. Pour eux, le témoignage qui a de la valeur, c’est le témoignage de l’histoire et non
pas le témoignage apostolique de l’Eglise.
Benoît XVI a corrigé la méthode historico-critique. Il affirme que l’existence
historique de Jésus de Nazareth est l’unique raison qui explique l’origine des évangiles.
Ceux-ci sont, par nature, le « souvenir » d’individus au sein de la communauté chrétienne
conduite par l’Esprit Saint. Il affirme qu’en ce sens la résurrection est l’évènement qui a
réveillé ce « souvenir » de l’histoire de Jésus et qui a permis de pénétrer ce qui était arrivé,
c’est-à-dire la relation entre les faits et les paroles du Seigneur.
On est convaincu, en Christologie catholique, que seule la foi de l’Eglise animée
par l’Esprit Saint permet d’entrer en contact avec Jésus de Nazareth. Ce n’est qu’à travers
elle que l’on remonte à sa source.
9
de salut d’Israël. L’AT n’est pas seulement nécessaire : il est essentiel pour comprendre la
personne, le message et l’œuvre de Jésus dans le NT. C’est ce dont témoignent tous les
livres du NT.
10
mystère. Quelques textes permettent de voir que les chrétiens lisent l’AT à la lumière du
Christ mort et ressuscité.
Dans l’évangile de Luc, le Ressuscité explique tout ce qui le concerne dans les
Ecritures aux disciples d’Emmaüs (cf. Lc. 24, 32). Pierre, lors de son premier discours le
jour de la Pentecôte, dit aux Israélites :
Il s’agit de Jésus le Nazaréen, homme que Dieu a accrédité auprès de vous en
accomplissant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, comme
vous le savez vous-mêmes. Cet homme livré selon le dessein bien arrêté et la prescience
de Dieu, vous l’avez supprimé en le clouant sur le bois par la main des impies. Mais Dieu
l’a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il n’était pas possible qu’elle le
retienne en son pouvoir. En effet, c’est de lui que parle David dans le psaume : » Je
voyais le Seigneur devant moi sans relâche : il est à ma droite, je suis inébranlable » (Act.
2, 22-25).
Paul lui aussi a recours aux Ecritures : Le Christ est mort pour nos péchés
conformément aux Ecritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour
conformément aux Ecritures (1 Cor. 15, 3). La catéchèse primitive fait elle aussi
constamment référence à l’AT (cf. 1 Cor. 5, 6-8 ; 10, 1-11).
Le Catéchisme de l’Eglise Catholique rappelle que, dès les temps apostoliques, la
Tradition de l’Eglise a lu l’AT à la lumière de son accomplissement en Jésus-Christ .
beaucoup d’images et d’évènements de l’histoire de l’AT annoncent, de manière
prophétique, ce qui arrivera à Jésus. Ainsi en va-t-il de l’image du Nouveau Moïse
appliquée à Jésus, de celle de Jésus comme Grand-Prêtre préfigurée par Melchisédech ;
du Serviteur souffrant d’Isaïe annonçant Jésus obéissant jusqu’à la mort de la Croix. Tout
cela a permis de voir les œuvres de Dieu de l’Ancienne Alliance comme des préfigurations
de ce que Dieu a réalisé, lorsque vint la plénitude des temps, en la personne de son Fils
incarné (CEC, 128).
A. Amato met en lumière l’aspect de préparation de l’AT :
Le NT, en proclamant que Jésus est le Christ, nous renvoie à l’AT. C’est à partir
de l’AT que nous apprenons ce que signifie pour Jésus être Christ, Fils de David et Fils de
Dieu, Fils de l’homme et Serviteur de Dieu et aussi expiation, réconciliation, salut et
rédemption5.
Cet éclairage mutuel de l’AT et du NT :
a) Met en lumière le rôle de préparation de l’AT à la venue de Jésus-Christ ;
b) Evite de comprendre l’événement-Christ sans référence à l’AT ;
5
AMATO, A., Jesus el Senor, Biblioteca de Autores Cristianos, Madrid, 2002, p. 68.
11
c) Met en relief les difficultés d’une interprétation littérale et immédiate de l’AT.
6
FORTE, B., Gesu di Nazaret, storia de Dio, Dio della storia, p. 73.
12
quelqu’un comme Elie (cf. Mal. 3, 23) ou comme un nouveau Moïse. Au temps de Jésus,
dans le peuple juif apparaît la grande attente d’un nouveau messie qui soit un prophète,
un prophète comme Moïse qui rétablirait la Loi de Dieu et établirait l’alliance définitive.
Le NT reconnaît Jésus non seulement comme un des prophètes du style de ceux
de l’AT, mais comme l’Oint en qui Dieu accomplit toutes les prophéties (cf. Lc. 9, 8. 24, 44-
45).C’est dans ce sens que Benoît XVI souligne que Matthieu nous présente Jésus
comme le nouveau Moïse, dans le sens profond que nous avons vu précédemment : la
promesse d’un prophète relatée par le Deutéronome7.
7
Jésus de Nazareth, I, 92.
8
Nous nous inspirons pour ce qui suit de B. FORTE, op. cit., pp. 78-81 et d’A. AMATO, op. cit., pp. 70-78.
9
Cf. BENOÎT XVI, Jésus de Nazareth II ; GNILKA, J., Jésus de Nazaret, pp. 334-336.
10
AMATO, A., Jésus el Senor, pp. 78-83 ; FORTE, B., Gesu di Nazaret, storia de Dio, Dio della storia, pp. 81-83.
13
Jésus. Rappelons que, là-aussi, on a fait des ajustements par rapport à ce que portait
l’AT :
a) Dans l’AT, depuis Moïse, le sacerdoce est étroitement lié à la tribu de Lévi.
C’est pourquoi on parle de lévites. Ils doivent offrir le sacrifice. Dans le culte, ils
exercent la médiation entre Dieu et son peuple (cf. Dt. 33, 8-11).
b) Lors de l’établissement de la monarchie, le roi demeure le vrai prêtre d’Israël
(cf. Ps. 109 [110]). Son sacerdoce est un sacerdoce selon l’ordre de
Melchisédech, Prêtre du Dieu Très-Haut : Tu es prêtre à jamais selon l'ordre
du roi Melchisédech (Ps. 109 [110], 4 ; cf. Gn. 14, 17-20.
c) Après la chute de la monarchie, le sacerdoce commence à assumer des
fonctions royales. Le grand-prêtre devient l’unique et authentique représentant
du peuple et le véritable médiateur du salut (cf. Lv. 4, 3. 5. 16). Commence
aussi à naître l’espérance d’un messie-prêtre. C’est ce que l’on voit chez
Ezéchiel (40-48) et dans la vision de Zacharie (v. 520 Av. JC.) où Josué est
présenté comme grand-prêtre (Za. 3, 1-7).
d) A. Amato écrit ce qui suit : Dans le siècle qui précède l’ère chrétienne naît à
nouveau une espérance messianique liée à un Messie sacerdotal des derniers
temps. Elle s’accomplira, en définitive, en Jésus-Christ, Fils de David, qui sera
également prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech (cf. Hbx. 5, 10)11.
11
AMATO, A., op. cit., pp. 82-83.
12
FORTE, B., op. cit., p. 84.
14
viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez. Le messager (l’Ange) de
l’Alliance que vous désirez, le voici qui vient, – dit le Seigneur de l’univers (Mal. 3, 1).
1.3.4.2. La Sagesse de Dieu
La Sagesse est une autre figure de l’AT. Elle mène à la perception de Jésus
comme Sagesse de Dieu, comme le dit. S. Paul (1 Cor. 1, 24-30). Grâce à la Sagesse, le
salut se rend proche hic et nunc.
La Sagesse a des traits prophétiques (cf. Pr. 1, 20-23), sacerdotaux (cf. Pr. 9, 1-6)
et royaux (cf. Pr. 8, 12-36). La Sagesse participe à la création du monde (cf. Sg. 9, 9 ; Pr.
3, 19-20 ; 8, 28-29). La médiation salvifique et la bienveillance de la Sagesse sont
destinées à Israël et à toute l’humanité (cf. Sir. 24, 6-8 ; Sg. 10, 15). La Sagesse reçoit
ainsi les traits messianiques d’un médiateur qui descendrait du ciel.
1.3.4.3. Le Fils de l’homme
Cette expression hébraïque est fréquente chez Ezéchiel. Elle désigne simplement
l’homme, créature faible et mortelle. Chez Daniel, elle semble désigner un homme dont la
condition dépasse la condition humaine, une figure céleste et apocalyptique (cf. Dn. 7, 2-
27). Ce mystérieux Fils de l’homme, d’origine céleste, est intronisé par Dieu comme roi. Il
en reçoit un pouvoir universel et éternel. Chez les Synoptiques, Jésus s’attribue ce titre. Il
évoque par là sa vie et son œuvre sur la terre (Mt. 8, 20 ; 11, 19), sa mort et sa
résurrection (cf. Mc. 8, 31) mais aussi son retour glorieux et le jugement final qu’il
prononcera (cf. Mc. 8, 38 ; 13, 26-27). Dans l’évangile de Jean, une nouvelle signification
est mise sur les lèvres de Jésus. Il évoque sa pré-existence (cf. Jn. 3, 13 ; 6, 62)13.
1.4.1. Jésus
Généralement, les noms bibliques contiennent une signification théologique. Il en
va ainsi du nom de Jésus. Lors de l’annonciation, l’ange Gabriel demande à Joseph de
donner à l’enfant le nom de Jésus. Il lui en explique la signification : c’est lui qui sauvera
son peuple de ses péchés (Mt. 1, 21)
Le nom de Jésus signifie, en Hébreu : Dieu sauve. Ce nom contient le nom de
Dieu révélé autrefois à Moïse : Yahvé. Le salut que Dieu apporte à son peuple n’est pas
13
Cf. O’COLLINS, G., Christology, pp. 62-67; FORTE, B., op. cit. pp. 84-86; AMATO, A., op.cit., pp. 100-103.
15
seulement la libération de l’esclavage d’Egypte mais, plus fondamentalement, celle du
péché.
Le Catéchisme de l’Eglise Catholique note : Ile nom de Jésus signifie que le nom
même de Dieu est présent dans la Personne de son Fils (cf. ActI. 5, 41 ; 3 Jn. 7)14.
1.4.2. Christ
Le mot Christ est la traduction du terme hébreu qui signifie Messie. Il signifie oint.
En Israël, le terme Messie désigne ceux qui sont oints et donc consacrés par Dieu pour
une mission déterminée. C’est le cas des rois et des prêtres et, dans certains cas, des
prophètes.
Christ, Jésus est Prophète, Prêtre et Roi. En ce sens, le Catéchisme de l’Eglise
Catholique nous aide à comprendre ce que nous avons exposé précédemment sur
l’espérance messianique d’Israël lorsqu’il note : Jésus a accompli l’espérance
messianique d’Israël dans sa triple fonction de prêtre, de prophète et de roi (CEC, n° 436).
Dans le NT Jésus est présenté dès sa naissance comme le Messie promis à Israël
(cf. Lc. 2, 11). Lors de son baptême, il apparaît comme celui qui est consacré par Dieu :
Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance (Act. 10, 38).
Les premiers chrétiens ont très vite identifié Jésus avec le Messe. Ce n’est pas le résultat
d’un développement tardif : on le trouve déjà dans les formules exprimant le kérygme,
dans les confessions de foi et les hymnes (cf. 1 Th. 1, 1 ; Ph. 2, 6-11).
Le terme Christ va en venir à désigner l’identité et l’activité de Jésus. Il va se
transformer en un nom propre qui va le désigner : Jésus accomplit parfaitement la
mission divine qu’il signifie (CEC, n°436).
14
CEC, n° 432.
15
Cf. O’COLLINS, G., op.cit., pp. 62-67 ; FARUGIA, E. G., « Hijo de Dios », Diccionario abreviado de teologia, p.
171.
16
Jésus accepte que Pierre le reconnaisse dans la foi comme le Christ, le Fils du
Dieu vivant (Mt. 16, 16). Il répondra solennellement : Ce n’est pas la chair et le sang qui
t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux (Mt. 16, 17).
Cette révélation vient de Jésus lui-même comme le signale le Catéchisme de
l’Eglise Catholique : Si Pierre a pu reconnaître le caractère transcendant de la filiation
divine de Jésus Messie, c’est que celui-ci l’a nettement laissé entendre (CEC, n°443). Ce
titre occupe une place centrale dans les évangiles. Ainsi, Marc commence et conclut son
évangile en proclamant Jésus comme Fils de Dieu (cf. Mc. 1, 1 ; 15, 39). Il est surtout
utilisé par Paul (cf. GalI. 1, 15-16) et Jean (cf. Jn. 20, 31).
La confession de Jésus comme Fils de Dieu sera dès le début (cf. 1 Th 1, 10) le
centre de la foi apostolique (cf. Jn 20, 31) professée d’abord par Pierre comme fondement
de l’Église (cf. Mt 16, 18)16. Ce que signifie cette confession de foi, W. Kasper le résume
ainsi : La profession de foi en Jésus-Christ, Fils de Dieu est un résumé qui exprime
l’essence et la spécificité de toute la foi chrétienne. Sans la profession de foi en Jésus, Fils
de Dieu, il ne peut y avoir de foi chrétienne17.
1.4.4. Seigneur
Dans la Bible hébraïque, le nom de Yahvé, que Dieu avait révélé à Moïse et que
les Juifs évitaient de prononcer par respect de sa transcendance - était transformé en
Adonaï, Mon Seigneur.
Dans la Bible grecque des Septante, ce nom sera traduit par Kyrios qui signifie
Seigneur.
Dans l’AT, Seigneur est la manière la plus usuelle de désigner la divinité du Dieu
d’Israël.
Dans les évangiles, Jésus est fréquemment appelé Seigneur (cf. Mt. 8, 2 ; 14, 30 ;
15, 22). En attribuant à Jésus le titre de Seigneur, qui qualifiait à l’origine Yahvé, le Dieu
d’Israël et le Créateur, on reconnaît comme appartenant à Jésus le pouvoir, l’honneur, la
gloire et la divinité propre à Dieu le Père (cf. Ac. 2, 34-36 ; Ro. 9, 5 ; Tt. 2, 13 ; Ap. 5, 13).
Pour Paul, le Père, en ressuscitant Jésus d’entre les morts et en l’exaltant dans la
gloire, lui donne son nom même et manifeste sa souveraineté divine : C’est pourquoi Dieu
l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout
16
CEC, n° 442.
17
KASPER, W., Jésus, el Cristo, p. 189.
17
genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus
Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père (Ph. 2, 9-11)18.
Pistes de réflexion :
1. Le terme Christ vient du terme Messie qui signifie Oint. En Israël, il designait
une personne ointe pour une mission. Comme couple d’équipiers, vous
considérez-vous comme oints, disposés à assumer n’importe quelle mission
confiée par votre équipe ou par le Mouvement ? Pourquoi ? Comment
l’avez-vous montré ? Que vous manque-t-il pour être de véritables
Messies ?
2. Jésus est présenté comme Celui en qui s’accomplissent les Ecritures. Nous
croyons en ce Jésus de Nazareth, en son histoire, sa personne, son œuvre
et son message. Est-ce que nous travaillons à ce que les Ecritures
s’accomplissent dans notre vie ?
18
CEC, n°446-451; GRESHAM, J.L., Jesus. Gode and Man., pp. 50-53.
18
TABLE 2
Pour connaître une personne, il faut la fréquenter, partager avec elle, connaître sa
pensée, ses projets, son idéal. Mais lorsque cette personne n’a pas vécu à notre époque,
nous devons consulter les témoignages de ceux qui l’ont connue, qui ont partagé sa vie et
transmis ses souvenirs.
Jésus a vécu dans un lieu et à un moment déterminé de l’histoire. Beaucoup
d’hommes et de femmes l’ont connu, ont recueilli son message, l’ont suivi. Ils l’ont suivi
comme disciples et ont été constitués en communauté.
L’Eglise est cette communauté qui suit le Christ, qui conserve son souvenir, qui
offre au monde son témoignage et qui fonde en lui son espérance. L’Eglise fait
l’expérience qu’elle est unie et soutenue par lui pour accomplir une mission : celle de
révéler qu’il est le Sauveur de l’humanité et qu’il est présent dans notre histoire.
Tel est l’objectif de cette seconde table : connaître Jésus en revenant sur
quelques moments centraux de sa vie publique : son Baptême, ses tentations, son
enseignement concernant le Royaume de Dieu, son pouvoir de faire des miracles.
19
du Jourdain est un symbole de vie. Il s’agit de se purifier des souillures du passé pour être
prêts à accueillir le Royaume de Dieu qui est imminent.
Les évangiles montrent qu’une multitude de pécheurs, de publicains et de soldats
(cf. Lc. 3, 10-14), de pharisiens et de saducéens (cf. Mt. 3, 7) ainsi que de prostituées (cf.
Mt. 21, 32) venaient se faire baptiser par Jean.
On ne peut nier que Jésus ait été baptisé par Jean. Les récits évangéliques en
témoignent (cf. Mc. 1, 9-11 ; Mt. 3, 14-15 ; Lc. 3, 21-22 ; Jn. 1, 29-30. 33-34).
Le baptême de Jésus par Jean est, en premier lieu, un évènement qui porte une
révélation : celle du mystère du Fils de Dieu et de sa mission de Messie, oint par l’Esprit
de Dieu. Jésus n’avait pas besoin de se soumettre au baptême de Jean pour changer de
vie ou confesser ses péchés. Il était sans péché. Toutefois, il s’est mêlé à la multitude de
ceux qui attendaient le pardon de leurs péchés. Il a partagé leur destin. Il s’est solidarisé
avec eux. Il est devenu l’un d’eux. Il porte déjà la faute de toute l’humanité.
Ainsi, par son baptême, Jésus inaugure le mystère de notre rédemption. Il prend
la place des pécheurs. Il se laisse compter parmi les pécheurs (cf. Is. 53, 12). Ce baptême
est donc une acceptation anticipée de sa mort pour les péchés de l’humanité. La voix
venant du ciel : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie (Mt. 3, 17)
manifeste l’acceptation par le Père de la mort rédemptrice de son Fils, mort qui trouvera
sa plénitude dans la Résurrection.
L’évangile de Jean met en relation le baptême de Jésus avec le sacrifice
rédempteur de l’agneau pascal. Le Baptiste présente Jésus à ses disciples comme
l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde (Jn. 1, 29). Notons que même dans la
liturgie, ces paroles sont prononcées avant la communion. Cette expression, sur les lèvres
du Baptiste, après le baptême de Jésus anticipent la mort de Jésus. Elles en manifestent
le sens rédempteur.
Lors du baptême, Jésus fut oint par l’Esprit Saint pour sa triple mission
messianique de prophète, de prêtre et de roi. Jésus reçoit l’Esprit pour nous. Pour le
donner en plénitude à tous ceux qui croient en lui et qui s’unissent à lui par le baptême (cf.
Act. 1, 5 ; 2, 38). Cet épisode est le premier témoignage du choix volontaire fait par Jésus :
celui de se livrer pour le salut des hommes.
Lors du baptême de Jésus, la Sainte Trinité se manifeste aussi. Les quatre
évangiles mettent en lumière ce mystère trinitaire. Le Fils est baptisé. Au moment où
Jésus sort de l’eau, le ciel s’ouvre. L’Esprit descend et repose sur lui sous la forme d’une
colombe. Enfin, le Père, du ciel, manifeste que Jésus est son Fils bien aimé. Ces faits sont
d’une grande importance. Le fait que les cieux s’ouvrent sur Jésus montre son intime
20
communion avec le Père. Jésus réalise son élection en adhérant profondément à la
volonté du Père. Et le Père manifeste quelle est la mission du Christ : une mission qui
dépasse le faire. Une mission qui consiste à être son Fils bien aimé, rempli de son Esprit
(cf. CEC, n° 536).
19
Cf. Joseph RATZINGER-BENOÎT XVI, Jésus de Nazareth I : Du Baptême dans le Jourdain à la Transfiguration.
21
l’homme fidèle : Il donne mission à ses anges de te garder sur tous tes chemins. Ils te
porteront sur leurs mains pour que ton pied ne heurte les pierres.
La réponse de Jésus, extraite aussi des Ecritures (Dt. 6, 16) est la suivante : Tu
ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. Cela fait allusion aux vicissitudes d’Israël
dans le désert. Craignant de mourir de soif, le peuple se rebelle contre Moïse, le prophète
de Dieu. Cette rébellion est ainsi décrite dans la Bible : Les fils d’Israël avaient mis le
Seigneur à l’épreuve, en disant : « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? (Ex.
17, 7).
La scène concernant le sommet du Temple dirige nos regards vers la Croix. Le
Christ ne se jette pas du sommet du Temple. Il ne saute pas dans l’abîme. Il ne met pas
Dieu à l’épreuve. Mais il est descendu dans l’abîme de la mort, dans la nuit de l’abandon,
dans la détresse de ceux qui sont sans défense. Il a osé faire ce saut, poser cet acte de
l’amour de Dieu pour les hommes. Il savait qu’en sautant, il ne pouvait que tomber dans
les mains pleines de bonté du Père. Il révèle ainsi le sens véritable du Psaume 90 [91].
Lors de la troisième et dernière tentation, le diable conduit le Seigneur, en vision,
sur une haute montagne. Il lui montre tous les royaumes de la terre et leur splendeur. Il lui
offre la domination sur le monde s’il se prosterne devant lui et l’adore.
Il y a deux scènes équivalentes dans la vie de Jésus qui nous aident à
comprendre cette dernière tentation. La première est celle où le Seigneur réunit les siens
sur la montagne (cf. Mt. 28, 16). Il leur dit : Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la
terre (Mt. 28, 18).
Il y a là deux aspects nouveaux et différents. Le Seigneur exerce son pouvoir non
seulement sur la terre qu’on voit, mais aussi au ciel. A cela il faut ajouter : Jésus reçoit ce
pouvoir du Père, lors de sa résurrection. Cela confirme que le pouvoir du Ressuscité
présuppose la croix, présuppose sa mort, présuppose une autre montagne, celle du
Golgotha, où il meurt, cloué sur une croix.
L’autre scène, c’est celle où Pierre, au nom des disciples, émet sa confession de
foi en Jésus Messie-Christ, Fils du Dieu vivant. Et c’est précisément à ce moment crucial
que se présentent le Tentateur et le danger de tout bouleverser. Le Seigneur explique que
le concept de Messie doit s’entendre à partir de la totalité du message des prophètes. Il ne
signifie pas pouvoir mondain. Il suppose la croix et la nouvelle communauté diversifiée qui
naît de la croix. Mais Pierre ne l’avait pas compris ainsi : Pierre, le prenant à part, se mit à
lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. » (Mt. 16,
23)
22
En lisant ces paroles en ayant comme arrière-plan le récit des tentations, nous
pouvons comprendre la réponse incroyablement dure de Jésus : Passe derrière moi,
Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu,
mais celles des hommes (Mt. 16, 23).
Jésus nous dit aussi par là ce qu’il a objecté à Satan, ce qu’il a dit à Pierre, ce qu’il
expliquera à nouveau aux disciples d’Emmaüs : aucun royaume de ce monde n’est le
règne de Dieu, aucun n’assure le salut de toute l’humanité. Le royaume des hommes
demeure humain. Celui qui affirme qu’il peut édifier le monde en se laissant tromper par
Satan fait tomber le monde entre les mains du diable.
Les évangélistes notent dans leurs récits que les tentations que Jésus a affrontées
récapitulent les tentations d’Adam au Paradis et celles d’Israël dans le désert. Ils indiquent
le sens salvifique de cet évènement mystérieux (CEC, n°539).
Dans une synthèse, voyons comment elles expriment le sens salvifique de cet
épisode de la vie de Jésus :
Jésus, nouvel Adam, vainc, par son obéissance, la désobéissance du
premier Adam ;
Les 40 jours de jeûne de Jésus rappellent les 40 ans de révolte d’Israël
contre Dieu au désert. Jésus, de son côté, a accompli parfaitement la
vocation d’Israël (CEC n° 539).
Là où Adam et Israël ont failli, Jésus est vainqueur : il ouvre pour l’humanité
un chemin nouveau d’obéissance et de fidélité.
Le Christ se révèle comme le Serviteur de Dieu, pleinement obéissant à la
volonté du Père (CEC, n°539).
La victoire de Jésus sur le Tentateur anticipe la victoire de la Passion, acte
suprême d’obéissance et d’amour du Fils envers le Père (CEC, n° 539).
Le Catéchisme de l’Eglise Catholique met en lumière la manière qu’a Jésus d’être
messie lors des tentations : La tentation de Jésus manifeste la manière qu’a le Fils de
Dieu d’être Messie, à l’opposé de celle que lui propose Satan et que les hommes (cf. Mt
16, 21-23) désirent lui attribuer. C’est pourquoi le Christ a vaincu le Tentateur pour nous
(CEC, n° 540).
23
Jésus commence sa vie publique en annonçant, comme une espèce de synthèse
du contenu fondamental de son message, la proximité du Royaume de Dieu : Les temps
sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à
l’Évangile (Mc. 1, 15). Matthieu, de son côté, résume ainsi les paroles et l’activité de
Jésus : Jésus parcourait toute la Galilée ; il enseignait dans leurs synagogues, proclamait
l’Évangile du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple (Mt. 4,
23).
D’un point de vue historique la prédication du Royaume de Dieu par Jésus trouve
son fondement dans l’AT. Elle rejoint les aspirations et les attentes les plus profondes
d’Israël.
Rappelons-nous ce que nous avons dit dans la Table 1. Dans le Judaïsme de
l’époque de Jésus, le thème de la souveraineté de Dieu est partie intégrante de la liturgie
du Temple et de la vie quotidienne du juif pieux. Ce dernier priait ainsi : Ecoute, Israël : le
Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de
toute ton âme et de toute ta force (Dt. 6, 4. 11. 13 ; cf. Nb. 15, 37-41). Israël vivait de cette
foi. Aussi, lorsque les Israélites entendent parler de la venue de Dieu, l’espérance
s’éveille-t-elle dans leur cœur. Dieu libérera bientôt Israël de l’oppression étrangère. Il
établira au milieu d’eux la justice, la paix et la dignité.
Jésus était un véritable Israélite. Toutefois, lorsqu’il proclame que le Royaume de
Dieu est proche – on peut aussi traduire : le Royaume est en vous ou est parvenu jusqu’à
vous – y-a-t-il quelque chose de nouveau. La nouveauté de l’annonce et de l’avènement
du Royaume est l’œuvre de Jésus.
Les évangiles montrent combien l’annonce de Jésus – le Royaume de Dieu est
arrivé – a surpris Israël. Ce Royaume est là. L’assurance du Christ a provoqué perplexité
chez certains et enthousiasme chez d’autres. Il faut le dire clairement : la grande
nouveauté de l’annonce du Royaume de Dieu par Jésus, c’est tout simplement Dieu lui-
même. Dieu en est le cœur. Sa souveraineté sur le monde s’exerce d’une manière
nouvelle. Elle devient réalité dans l’histoire. . les théologiens parlent du théocentrisme du
Royaume.
Benoît XVI explique ainsi cette centralité de Dieu dans l’annonce du Royaume :
Lorsqu’il parle du Royaume de Dieu, Jésus annonce simplement Dieu. Le Dieu
vivant qui est capable d’agir dans le monde, dans l’histoire de manière concrète. Et c’est
précisément ce qu’il est en train de faire. Il nous dit : Dieu existe. Et encore : Dieu est
réellement Dieu : il a dans ses mains les destinées du monde. En ce sens, le message de
Jésus est très simple, totalement théocentrique. Ce qui est nouveau, ce qui fait la
24
spécificité de ce message c’est qu’il nous dit : Dieu agit maintenant. C’est maintenant
l’heure où Dieu se manifeste dans l’histoire comme son véritable Seigneur, comme le Dieu
vivant. Et ce, d’une manière qui dépasse toutes les modalités antérieures20.
Cette grande nouveauté de la souveraineté de Dieu, qui, de manière nouvelle, se
fait proche de l’humanité est liée à la personne et à l’œuvre de Jésus.
Le Catéchisme nous enseigne le sens de cette relation : Jésus accompagne ses
paroles par de nombreux " miracles, prodiges et signes " (Ac 2, 22) qui manifestent que le
Royaume est présent en Lui. Ils attestent que Jésus est le Messie annoncé (cf. Lc 7, 18-
23 (CEC, 547). Les théologiens reconnaissent dans cette relation le christocentrisme du
Royaume de Dieu.
Jésus est celui qui annonce et révèle le Royaume. Ce que nous voulons dire, c’est
que le Royaume advient en Jésus et avec Jésus. Pour accomplir la volonté de salut du
Père, il a inauguré sur terre le Royaume des cieux (cf. CEC, n° 541). On comprend donc
que le Royaume de Dieu, c’est ce que Dieu réalise par Jésus. Il n’existe pas en marge ou
hors de Jésus. C’est le lieu où le règne de Dieu advient pour l’humanité et devient
accessible à tout homme grâce à sa relation avec Jésus.
Ayant en ligne de mire ce christocentrisme du Royaume de Dieu, le pape Benoît
XVI pouvait écrire :
La nouvelle proximité du Royaume dont parle Jésus et dont la proclamation fait
l’originalité de son message, cette proximité tout à fait nouvelle réside en sa Personne. A
travers sa présence et son activité, Dieu entre dans l’histoire hic et nunc et ce, de manière
tout à fait nouvelle, comme Celui qui agit. C’est pourquoi les temps sont accomplis (Mc. 1,
15). C’est maintenant, de manière singulière, le temps de la conversion et du repentir.
Mais c’est aussi le temps de la joie car, en Jésus, Dieu vient à notre rencontre. En lui,
maintenant, c’est Dieu qui agit et qui règne. Il règne de manière divine, c’est-à-dire sans
pouvoir terrestre, par l’amour qui va jusqu’au bout (Jn. 13, 1), jusqu’à la croix21.
Cette réalité du Royaume, Jésus l’oriente aussi vers le futur, vers sa pleine
accréditation, vers son accomplissement définitif. L’établissement définitif du Royaume
passe par la Croix. Tout homme est appelé à accueillir le message du Royaume qui
viendra et qui atteindra sa plénitude lorsque le Christ remettra toute la création et
l’humanité rachetée au Père (Ro. 8, 18-25 ; 1 Cor. 15, 24-28).
Tout ce que nous venons de dire nous laisse entendre qu’on ne peut comprendre
le Royaume de Dieu grâce à des définitions. Jésus parle constamment du Royaume de
20
Jésus de Nazareth, I, 83.
21
Ibid., I, 88.
25
Dieu mais n’explique jamais directement en quoi il consiste. Il invite à entrer dans le
Royaume par des paraboles, qui caractérisent son enseignement.
En décrivant le Royaume de Dieu à l’aide de diverses paraboles, Jésus nous
introduit dans un évènement qui nous implique par ses exigences. Il exige un choix radical
du Christ pour parvenir au Royaume : il s’agit de devenir ses disciples.
Une des paraboles les plus typiques, utilisée par Jésus pour décrire le Royaume
est celle des invités au festin (Mt. 22, 1-14). D’après cette parabole, il y a des gens qui
sont invités d’office : c’est le peuple juif qui, théoriquement, accomplit la loi. Mais ces
invités refusent de se rendre au banquet. Alors le roi ordonne d’en inviter d’autres : les
déshérités, les pauvres et les pécheurs, pour recevoir ce cadeau qu’est le Royaume de
Dieu. Tous sont appelés au Royaume. Tous sont appelés à jouir de l’amour gratuit et
inconditionnel de Dieu. Matthieu parlera, de plus, de l’invité qui ne porte pas l’habit de fête.
Il souligne ainsi la nécessité de répondre à cette invitation.
Le message de Jésus concernant le Royaume met en lumière l’insignifiance de ce
Royaume dans l’Histoire. Il ressemble à la graine de moutarde, qui est la plus petite de
toutes les semences ou comme la levure qui est peu de chose par rapport à la pâte, mais
qui est déterminante pour obtenir le résultat final.
Pour conclure, indiquons brièvement quelques caractéristiques de l’annonce du
Royaume de Dieu :
Le Royaume de Dieu est étroitement lié à la présence et à l’activité de
Jésus.
Le Royaume de Dieu vient pour tous. Il vient gratuitement. Tous les
hommes sont appelés à y entrer. Il est appelé à accueillir les hommes de
toutes les nations (cf. CEC, n° 543).
Les premiers destinataires du Royaume sont les pauvres et les petits (cf.
Lc. 4, 18). C’est-à-dire ceux qui l’accueillent avec humilité de cœur. Le
Catéchisme de l’Eglise Catholique enseigne : Jésus partage la vie des
pauvres, de la crèche à la croix ; il connaît la faim, la soif et le dénuement.
Plus encore : il s’identifie aux pauvres de toutes sortes et fait de l’amour
actif envers eux la condition de l’entrée dans son Royaume (CEC, n° 544).
Les premiers appelés à participer à ce Royaume, ce sont les pécheurs : Je
ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs (Mc. 2, 17). Jésus
les invite à la conversion : il leur montre en parole et en acte la miséricorde
sans bornes de son Père pour eux (CEC n°545).
26
2. 4. Les miracles de Jésus, signes du Royaume de Dieu
Les évangiles se réfèrent beaucoup aux miracles de Jésus. Dans la première
partie de l’Evangile de Marc, par exemple, la proclamation du Royaume de Dieu a lieu à
partir des miracles de Jésus. Si l’on veut parler de Jésus, il est difficile de le faire sans
parler des miracles qu’il a accomplis. Les sources chrétiennes affirment de manière
unanime : Jésus parcourait toute la Galilée […] Il proclamait l’Évangile du Royaume,
guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple (Mt. 4, 23 ; cf. Mc. 1, 39 ; Lc.6,
18 ; Mt. 9, 35).
Sans vouloir dire par là qu’on peut attester le caractère historique de chacun des
miracles tels qu’ils sont relatés dans les évangiles, il faut toutefois affirmer qu’on ne peut
nier historiquement que Jésus fut considéré par ses contemporains comme un
thaumaturge et un exorciste qui avait grand prestige22.
Après Pâques, le souvenir des miracles de Jésus resta gravé dans l’esprit des
premiers chrétiens. C’est ce que dit Pierre : Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction
d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui
étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui (Act. 10, 38).
Devant ces faits incontestables, nous pouvons nous demander quel est
l’importance et le sens des miracles dans tout le message et l’œuvre de Jésus. Le
Catéchisme de l’Eglise Catholique synthétise ce qui est important :
Les miracles sont des signes de la proximité du Royaume de Dieu : Jésus
accomplissait des miracles, des prodiges et des signes (Act. 2, 22) qui
manifestent que le Royaume est présent en lui (CEC, n° 547).
Les miracles révèlent et rendent témoignage que Jésus est le Messie : Ils
attestent que Jésus est le Messie annoncé (CEC, n° 547). Le Catéchisme
ajoute : Les signes accomplis par Jésus témoignent que le Père l’a envoyé
(CEC, n° 548).
Les miracles invitent à croire en Jésus comme Fils de Dieu : A ceux qui
s’adressent à lui avec foi, il accorde ce qu’ils demandent. Alors les miracles
fortifient la foi en Celui qui fait les œuvres de son Père : ils témoignent qu’il
est le Fils de Dieu (CEC, n° 548).
Les miracles sont les signes de la mission messianique libératrice de
Jésus : En libérant certains hommes des maux terrestres de la faim, de
l’injustice, de la maladie et de la mort, Jésus a posé des signes
messianiques ; il n’est cependant pas venu pour abolir tous les maux ici-
22
PAGOLA, J. A., Jesus. Aproximacion historica, p. 161.
27
bas, mais pour libérer les hommes de l’esclavage le plus grave, celui du
péché (CEC, n° 549).
En définitive, les miracles sont les signes de la présence de Dieu en Jésus. Pour
Jésus, guérir des malades et délivrer des possédés ne sont pas des faits isolés. Ils font
partie de la proclamation du Royaume de Dieu. C’est sa manière d’annoncer à tous cette
bonne nouvelle que Dieu est en train d’agir au milieu d’eux.
Dans les évangiles, on n’emploie pas le terme miracle pour décrire les actions
prodigieuses de Jésus. On parle plutôt d’actions puissantes, de force de Jésus, de signes
ou d’œuvres où agissent le pouvoir et la force de Dieu qui guérit23. La première partie de
l’Evangile de Jean est aussi intitulée Le Livre des Signes.
Pour la Bible, le miracle est un signe inhabituel, incompréhensible, inespéré,
quelque chose dont on s’émerveille et qui permet à Dieu de tirer les gens de leur
indifférence et d’orienter leur attention sur lui24. Les miracles de Jésus, plus que des faits
extraordinaires dépassant ou allant contre la nature, il faut les considérer d’abord comme
un puissant soutien et comme un renforcement des forces de la nature et de l’homme de
la part de Dieu.
Dans ce contexte, il est important d’avoir en tête que Dieu n’intervient jamais dans
le monde pour supprimer ou méconnaître les lois de la nature, la liberté ou l’indépendance
de l’homme ni pour remplacer, par son action, ce que l’homme doit faire. Le miracle ne
détruit pas l’ordre de la nature des choses. Il les mène à leur perfection. Ainsi en va-t-il de
la grâce de Dieu. Elle ne détruit pas l’action de l’homme : elle lui permet de se réaliser
dans une liberté et une indépendance authentiques.
Cela est patent dans ces miracles que sont les guérisons opérées par Jésus. Elles
ne sont possibles que lorsqu’on croit, lorsqu’il y a la foi.
La foi, don de Dieu, élève toutes les virtualités de l’homme. Elle oriente sa liberté,
sa conscience et son intelligence à accepter la personne de Jésus et son salut. Ainsi en
va-t-il de l’hémorroïsse. Jésus lui dit : Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie
de ton mal (Mc. 5, 34). Sa foi en Jésus Sauveur l’a guérie. Sans la foi, elle n’aurait pas
obtenu de guérison. C’est pourquoi Jésus ne guérit pas des groupes de personnes mais
seulement des individus. Les miracles de Jésus sont conditionnés – pourrait-on dire – par
la foi de personnes concrètes qui s’ouvrent librement à lui25.
Le miracle ne se produit pas pour que des personnes aient la foi. Au contraire,
ceux qui ont la foi pourront voir le miracle. Pour ceux qui ne l’ont pas, le miracle pourra
23
Cf. KESSLER, H., Manual de Cristologia.
24
LOHFINK, G., Jesus of Nazareth.
25
Ibid., pp. 140-142.
28
être considéré uniquement comme quelque chose d’extraordinaire ou de merveilleux. S’il
n’y a pas de foi, il ne peut y avoir de miracle.
Marc nous dit explicitement que Jésus n’a pu faire aucun miracle à Nazareth à
cause de l’incrédulité des gens (Mc. 6, 5-6). Ce n’est que dans la foi que l’on fait
l’expérience que le miracle est action de Dieu. Ceci dit, il ne force pas la foi. Au contraire, il
la requiert et la confirme.
Retenons, en reprenant la pensée de Gerhard Lohfink, quelques caractéristiques
des miracles de Jésus :
Jésus n’agit pas comme un magicien, il n’utilise pas des amulettes et ne
prononce pas de paroles magiques.
La foi est partie prenante du miracle : Jésus la requiert pour que le miracle
puisse avoir lieu.
Jésus n’accomplit pas de miracle pour lui-même. Les miracles sont
effectués pour d’autres personnes.
La miséricorde que Jésus manifeste envers les personnes n’est pas pure
sympathie. Elle est l’image de la miséricorde que Dieu porte à son peuple.
Chaque miracle est une manifestation du nouveau ciel et de la nouvelle
terre.
Pistes de réflexion :
1. Quelles tentations trouvez-vous ou affrontez-vous dans votre vie ?
Comment faites-vous pour les vaincre ?
2. Sur vos chemins de conversion, êtes-vous conscients de l’infinie
miséricorde du Père ?
3. Le miracle ne se produit que pour celui qui a la foi. S’il n’y a pas de foi, il ne
peut y avoir de miracle. Avez-vous expérimenté en l’une ou l’autre occasion
un miracle dans votre vie ? Quand ? Comment cela a-t-il marqué votre
spiritualité conjugale ?
29
TABLE 3
26
BORKMAN, G., Jésus de Nazareth, ed. Sigueme, Salamanca, 1975.
27
CEC, n° 554.
30
veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive
(Mt. 16, 24 ; Mc. 8, 34 ; Lc. 9, 23).
Jésus met en œuvre une nouvelle étape pédagogique qui éclaire sa condition de
Messie et l’annonce du Royaume de Dieu. Il introduit ses disciples dans un messianisme
marqué par l’expérience du Serviteur souffrant de Yahvé.
Cette décision de monter à Jérusalem est sûrement décisive dans l’histoire de
Jésus. Il se met en route avec ses disciples. Il lui fallait, en effet, faire connaître aussi à
Jérusalem le message de la venue imminente du Royaume de Dieu. Jérusalem est pour
lui non seulement la capitale mais la ville à laquelle est lié le destin d’Israël, le salut de
Dieu.
Cela nous permet maintenant d’examiner les motifs qui poussaient Jésus à
monter à Jérusalem. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique met en exergue l’obéissance,
la liberté et la conscience de Jésus face à sa mort : " Or, comme approchait le temps où il
devait être emporté de ce monde, Jésus prit résolument le chemin de Jérusalem " (Lc 9,
51 ; cf. Jn 13, 1). Par cette décision, il signifiait qu’il montait à Jérusalem prêt à mourir
(CEC, n° 557).
C’est à Jérusalem que tout prophète doit accréditer sa mission : Mais il me faut
continuer ma route aujourd’hui, demain et le jour suivant, car il ne convient pas qu’un
prophète périsse en dehors de Jérusalem (Lc. 13, 31-33).
Alors qu’il prévoit prophétiquement sa mort comme martyr, Jésus monte toutefois
à Jérusalem. Il montre ainsi sa volonté salvifique : Jésus rappelle le martyre des prophètes
qui avaient été mis à mort à Jérusalem (cf. Mt 23, 37a). Néanmoins, il persiste à appeler
Jérusalem à se rassembler autour de lui (CEC, n° 558).
Jésus est bien conscient que son peuple ne veut pas reconnaître le temps de sa
venue. Il est conscient du refus du Salut qu’il apporte et qu’il offre. Cette prise de
conscience de Jésus se manifeste lorsqu’il raconte la parabole du propriétaire de la vigne
qui envoie son fils en recueillir les fruits : les vignerons le jettent hors de la vigne et le
mettent à mort (cf. Mt. 21, 33-41).
Les évangiles maintiennent le lien entre :
la confession de foi de Pierre ;
la décision de Jésus de monter à Jérusalem ;
la triple annonce de la Passion, sur la route vers la Ville sainte.
C’est surtout Luc qui établit un lien rigoureux entre la confession de foi de Pierre, à
laquelle Jésus répond par l’annonce de sa Passion (Lc. 9, 18-22), l’invitation à prendre sa
31
croix pour le suivre (Lc. 9, 23-27) sans oublier le récit de la transfiguration, perçue comme
anticipation de sa résurrection glorieuse.
28
BENOÎT XVI, op. cit., II, 14.
29
Ibid., II, 15.
32
d’intronisation dans la tradition royale davidique et, également, pour l’espérance
messianique30.
Benoît XVI présente les trois sentiments qui se font jour : une joyeuse louange
envers Dieu lors de cette entrée ; l’espérance que l’heure du Messie est arrivée ainsi que
la demande d’instaurer à nouveau le Règne de David et, avec lui, le règne de Dieu sur
Israël.
Enfin, le Catéchisme de l’Eglise Catholique souligne le lien entre l’entrée
triomphale à Jérusalem et le Royaume de Dieu : L’entrée de Jésus à Jérusalem manifeste
la venue du Royaume que le Roi-Messie, accueilli dans sa ville par les enfants et les
humbles de cœur, va accomplir par la Pâque de sa Mort et de sa Résurrection (CEC, n°
570).
30
Ibid., II, 16.
33
Or vous, vous en avez fait une caverne de bandits – telle est la seconde
partie de l’enseignement de Jésus rapporté par Marc ( Mc. 11, 17b). Jésus
rapproche de la vision universaliste d’Isaïe celle du prophète Jérémie. Ce
dernier lutte avec acharnement pour que le culte rendu à Dieu dans son
Temple ne soit pas étranger à la pratique de la justice envers les autres
hommes, voulue par Dieu.
Pour compléter la signification de l’allusion au prophète Jérémie, le Pape
s’appuie de nouveau sur l’évangile de Jean lorsqu’il se réfère à la parole de
Jésus sur le Temple : Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le
relèverai (Jn. 2, 19). Tel sera le véritable signe que Jésus donnera à ses
contradicteurs. Son signe, c’est la croix et la résurrection. Il conclut : Le
rejet de Jésus, sa crucifixion signifie aussi la fin du Temple. L’époque du
Temple est révolue. Apparaît un nouveau culte dans un Temple qui n’est
pas construit de main d’homme. Ce Temple est le Corps du ressuscité qui
rassemble les peuples et les unit dans le sacrement de son Corps et de son
Sang. Jésus est le nouveau Temple de l’humanité31.
31
Ibid., II, 33-34.
32
Ibid., II, 48.
33
CEC, n° 610.
34
qu’il signifie lorsqu’il dit que son Corps sera livré et son sang versé pour le
pardon des péchés (cf. CEC, n° 611). Jésus unit consciemment ce moment
à la Croix. En assumant le langage des prophètes et en se l’appliquant
personnellement, Jésus exprime qu’il est le vrai sacrifice, le sacrifice
définitif.
De plus, en posant les gestes prophétiques du don du pain et du vin, qu’il
livre à ses disciples pour qu’ils les partagent à tous, Jésus transforme ce
repas d’adieu en grand acte sacramentelle. C’est acte le plus important de
sa vie, celui qui résume le mieux son service du Royaume de Dieu. Jésus
veut que ce geste soit gravé pour toujours dans la mémoire de ses
disciples. Jésus inclut les apôtres dans sa propre offrande et leur demande
de la perpétuer (cf. Lc 22, 19)34. Jésus exprime sa volonté que l’Eucharistie
qu’il institue en ce moment crucial de sa vie soit le mémorial de la nouvelle
alliance, scellée dans son offrande sacrificielle sur la Croix. C’est ce qu’il
signifie lorsqu’il dit : Faites cela en mémoire de moi (cf. Lc. 22, 19).
On ne peut séparer la dernière Cène de la Croix. On ne peut pas la séparer
non plus de la résurrection. Cène, Croix et Résurrection forment l’unique et
indivisible mystère pascal. Chez les trois Synoptiques, la prophétie de
Jésus concernant sa mort et sa résurrection font partie de la Cène.
C’est ce qui permet d’aborder la dimension ecclésiale de l’Eucharistie.
D’après la Tradition, il est parfaitement clair que l’Eglise naît de
l’Eucharistie. Elle en reçoit unité et mission. C’est en ce sens que le pape
Benoît XVI pouvait écrire : L’Eglise provient de la dernière Cène. C’est
précisément pour cela qu’elle naît de la mort et de la résurrection du Christ,
anticipées par lui dans le don de son corps et de son sang35.
34
Ibid., n° 611.
35
BENOÎT XVI, op. cit., 165.
35
Les récits évangéliques mettent en lumière un itinéraire surprenant de Jésus vers
sa Passion et la croix. C’est la fidélité et l’obéissance à sa mission d’annoncer le Royaume
de Dieu qui le conduisent jusqu’au Vendredi Saint. Jésus le dit à ses disciples : Voici que
nous montons à Jérusalem. Le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux
scribes ; ils le condamneront à mort, ils le livreront aux nations païennes, qui se
moqueront de lui, cracheront sur lui, le flagelleront et le tueront, et trois jours après, il
ressuscitera (Mc. 10, 33-34).
Les Pères de l’Eglise aimaient à dire que l’Incarnation était orientée vers la Pâque.
Le Catéchisme le note bien : sa passion rédemptrice est la raison d’être de son
Incarnation . (CEC. 607), soulignant ainsi que la rédemption de l’homme présuppose
l’Incarnation.
3.3.1. La mort
La mort de Jésus est un évènement historique attesté par des sources
chrétiennes, juives et romaines. Toutefois, bien que les Evangiles consacrent une grande
partie de la narration à la Passion et à la mort de Jésus et concordent essentiellement sur
cet évènement, toute cette histoire demeure dans une certaine pénombre.
Des causes proches et lointaines sont à l’origine de la mort de Jésus. Les
Synoptiques énumèrent comme cause de sa condamnation lors du procès juif sa
provocation dans le Temple et sa prétention à se présenter comme le Messie, Fils de
Dieu, béni et Fils de l’homme (Mc. 14, 58-64). Jean, de son côté, note comme chef décisif
d’accusation le fait que Jésus, bien qu’étant un homme, se soit mis sur le même plan que
Dieu (Jn. 5, 18 ; 10, 33 ; 19, 7).
Les évangiles notent, dès leurs premières pages, la nouveauté apportée par
Jésus. L’autorité qu’il manifeste par ses paroles et par les signes qu’il réalise est ce qui va
d’abord attirer l’attention de ses auditeurs. Ils remarquent également que dès les débuts
du ministère public de Jésus, des Pharisiens et des partisans d’Hérode, avec des prêtres
et des scribes, se sont mis d’accord pour le perdre (cf. Mc 3, 6)36.
Les accusations que l’on porte contre Jésus sont fondamentalement au nombre
de trois. On accuse Jésus de :
a) De s’opposer à l’obéissance et à l’intégralité de la loi ainsi qu’aux prescriptions
écrites. Le Catéchisme met en relation la mission de Jésus avec sa fidélité à la
loi. En Jésus, la Loi n’apparaît plus gravée sur des tables de pierre mais " au
36
CEC, n° 574.
36
fond du cœur " (Jr 31, 33) du Serviteur qui, parce qu’il " apporte fidèlement le
droit " (Is 42, 3) est devenu " l’alliance du peuple " (Is 42, 6)37.
b) Comme on peut le voir, la mort de Jésus sur la croix s’explique par sa profonde
solidarité avec la Loi et avec Israël. De ce fait, la Bonne Nouvelle de l’Evangile
ne supprime pas la loi. Au contraire, la Loi évangélique accomplit les
commandements de la Loi (CEC. 1968).
c) De s’opposer au caractère central du Temple et de la ville de Jérusalem où
Dieu demeure. Aussi, la purification du Temple a-t-elle été la cause d’un grand
scandale.
d) Jésus est accusé de blasphème, d’agir en lieu et place de Dieu. Pour les Juifs,
Jésus blasphème parce qu’il est homme et qu’il prétend se faire l’égal de Dieu.
(cf. CEC, 588, 589). Jésus, par son attitude envers les pécheurs confirme que
Dieu seul peut pardonner les péchés et que lui peut le faire parce qu’il est le
Fils de Dieu. Jésus a surtout scandalisé parce qu’Il a identifié sa conduite
miséricordieuse envers les pécheurs avec l’attitude de Dieu Lui-même à leur
égard.
37
Ibid., n° 580.
37
3.3.3. Jésus devant sa mort
Beaucoup de questions se sont posées au sujet de la mort de Jésus. Lors de sa
rencontre avec des disciples, sur le chemin d’Emmaüs, Jésus situe sa mort dans le plan
divin du salut : Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire (Lc. 24,
26). Pierre, lors de son discours de la Pentecôte, la voit prévue dans le plan divin du
salut : Cet homme, livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu (Act. 2,
23)38.
A la lumière des Synoptiques, on peut soutenir que Jésus, à un certain moment de
son ministère, devant les accusations, les nombreuses fermes oppositions qui avaient vu
le jour avant la dernière Pâque, a commencé à considérer une mort violente non
seulement comme une possibilité réelle mais comme quelque chose d’inévitable.
Jésus est conscient de cela lorsqu’il explique la parabole des vignerons homicides
où le maître de la vigne envoie son propre fils pour en recevoir les fruits : Mais, voyant le
fils, les vignerons se dirent entre eux : “Voici l’héritier : venez ! tuons-le, nous aurons son
héritage ! (Mt. 21, 37-38). Son obéissance libre apparaît de manière évidente lors de la
dernière Cène et lors de sa prière à Gethsémani (cf. Mt. 14, 17-42).
Admettre que Jésus fut libre devant sa mort et que c’est conscient qu’il s’est
avancé vers elle a un fondement théologique. Suggérer le contraire ferait du Christ une
victime totalement passive, voire même involontaire. Une mort assumée de manière
purement passive ne serait pas un évènement salvifique dans le Christ39.
Pour Jésus, la probabilité et l’acceptation de la mort ne signifie pas un acte calculé
et directement provoqué, quelque chose qui serait comme un suicide. La mort violente
qu’il prévoit, il l’accepte non seulement comme une simple conséquence de sa mission.
Mais, si c’était le cas, on pourrait penser que c’est un échec. Il n’en est pas ainsi. Pour
Jésus, la mort est l’accomplissement de sa mission dont chaque acte annonçait,
promettait et offrait le salut. Aussi, Jésus n’a-t-il pas considéré sa mort comme un échec
mais comme l’acte définitif d’amour et d’obéissance au Père ainsi que d’amour et de don
aux hommes.
38
Cf. CEC, n° 599.
39
Commission internationale de Théologie, Questions choisies de christologie, IV, B, 22.
38
C’est ainsi que le Catéchisme introduit l’article sur la Passion et la mort de Jésus.
Il complète cette affirmation en rappelant que les disciples et la communauté chrétienne
primitive, à partir de la résurrection, a vu que le dessein sauveur de Dieu s’est accompli
" une fois pour toutes " (He 9, 26) par la mort rédemptrice de son Fils Jésus-Christ (CEC,
n° 571).
Face à cette affirmation, beaucoup se sont demandé si ce dessein sauveur que
les disciples ont vu dans la mort du Christ a un quelconque fondement chez Jésus lui-
même, avant sa mort. Autrement dit, si Jésus a donné à sa mort une valeur salvifique.
Jésus a-t-il eu conscience de cela ?
La mort de Jésus n’a pas été un évènement fortuit ou soudain qui l’a pris par
surprise. Encore moins la conséquence d’un destin aveugle. Jésus a une parfaite
conscience de ce que serait sa mort (cf. Mc. 9, 30-32). Jésus voit sa mort non comme la
conséquence dramatique ou naturelle de sa mission, mais comme faisant partie de cette
mission elle-même. Il a voulu sa mort. Il l’a acceptée directement, de manière délibérée.
Ce que nous voulons dire, c’est que l’aspect salvifique de la mort de Jésus doit
être considéré à partir de la totalité de sa vie et de son ministère dont la mort est
l’accomplissement.
Mettons en exergue ici deux aspects qui donne à la mort de Jésus une valeur
salvifique :
a) Le désir de Jésus d’accepter le dessein d’amour rédempteur du Père anime
toute sa vie. A partir de son Incarnation, le Fils de Dieu a accueilli le dessein
de salut de Dieu dans sa mission rédemptrice. Ainsi, toute la vie de Jésus est
un évènement rédempteur car toute sa vie a été animée par l’accomplissement
de la volonté du Père : Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a
envoyé et d’accomplir son œuvre (Jn. 4, 34).
Son sacrifice pour ôter les péchés du monde (cf. 1 Jn. 2, 2) met en lumière sa
communion d’amour avec le Père. Lui-même affirme : Voici pourquoi le Père
m’aime : parce que je donne ma vie (Jn. 10, 17). Il manifeste aussi sa parfaite
obéissance à la volonté du Père : Il faut que le monde sache que j’aime le Père,
et que je fais comme le Père me l’a commandé (Jn. 14, 31)40.
b) Jésus a accepté librement dans son cœur d’homme l’amour rédempteur du
Père pour les hommes. Il les a aimés également jusqu’à la fin (cf. Jn. 13, 1) car
il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime
( Jn. 15, 13). En effet, il a accepté librement sa Passion et sa mort par amour
40
Cf. CEC, n° 606.
39
du Père et des hommes qu’il veut sauver. Cette conscience, cette liberté,
Jésus la manifeste : Nul ne peut m’enlever ma vie : je la donne de moi-même
(Jn. 10, 18)41.
Pistes de réflexion :
1. Jésus invite Pierre et les autres disciples à prendre la croix et à le suivre
jusqu’à Jérusalem. Comment voyez-vous la croix ? Comment la portez-
vous ?
2. Penser à la croix du Christ et à l’invitation qu’il nous adresse vous aide-t-il
dans votre vie quotidienne et personnelle ?
3. Que signifie pour vous que Jésus ait transformé sa mort en acte d’amour,
en sacrifice pour nos péchés et en glorification de Dieu ?
4. Avez-vous eu l’occasion de faire quelque expérience en lien avec cette
affirmation ?
41
CEC, n° 609.
40
TABLE 4
41
de Naïm, Lazare. Ces faits étaient des événements miraculeux, mais les personnes
miraculées retrouvaient, par le pouvoir de Jésus, une vie terrestre " ordinaire ". A un
certain moment, ils mourront de nouveau. La Résurrection du Christ est essentiellement
différente. Dans son corps ressuscité, il passe de l’état de mort à une autre vie au-delà du
temps et de l’espace. Le corps de Jésus est, dans la Résurrection, rempli de la puissance
du Saint-Esprit ; il participe à la vie divine dans l’état de sa gloire, si bien que S. Paul peut
dire du Christ qu’il est " l’homme céleste " (cf. 1 Co 15, 35-50)42.
D’après le témoignage de tout le NT, les disciples de Jésus ont annoncé, peu de
temps après sa mort que Dieu l’avait ressuscité, que le crucifié s’était montré vivant et qu’il
les avait envoyés annoncer cette Bonne Nouvelle au monde entier.
Le témoignage biblique prend deux directions différentes : celle du Kérygme
pascal et celle des histoires pascales. Le Kérygme pascal, à son tour, se présente soit
sous la forme de confessions de foi, soit sous une forme liturgique.
Le Père José Ramon Busto Saiz43 explique comment ces témoignages bibliques
doivent être compris d’après l’exégèse historico-critique actuelle.
42
CEC, n° 646.
43
BUSTO SAIZ, J. R., Cristologia para empezar, 4a edicion, Editorial Sal Terrae.
42
certains éléments. Mais, ils divergent pour d’autres. Ils relatent tous que le sépulcre a été
trouvé ouvert et vide par quelques femmes et que cela a eu lieu au matin du premier jour
de la semaine, après le sabbat. La raison qu’ont les femmes de visiter le tombeau, c’est
de compléter les rites funéraires. Seul Matthieu nous dit qu’elles vinrent pour regarder le
sépulcre. Elles courent ensuite l’annoncer aux disciples.
Chez les Synoptiques, les femmes sont témoins d’une annonciation (hiérophanie),
ce que l’on ne trouve pas chez Jean. Ce dernier « concentre » les femmes en Marie-
Madeleine même si celle-ci utilise un pluriel : Nous ne savons pas où on l’a déposé. Cela
laisse supposer l’existence d’un texte antérieur où les femmes devaient être plusieurs.
L’interprétation de chaque évangéliste va prendre comme base cette tradition
commune.
Chez Marc, un message est adressé aux femmes pour leur indiquer où chercher
le Seigneur désormais. Marc nous laisse entendre que Jésus ne se trouve plus parmi les
morts. Il faut situer sa narration dans le contexte du message qu’il veut transmettre à la
communauté chrétienne :les chrétiens ne parviendront à la résurrection que s’ils
parcourent le chemin de la croix et s’ils livrent leur vie comme Jésus l’a fait.
Matthieu transforme le récit en y adjoignant des éléments apocalyptiques connus
par la tradition juive : le tremblement de terre, l’ange qui a l’aspect de l’éclair, dont le
vêtement est blanc comme neige, qui fait rouler la pierre du sépulcre et qui s’assied
dessus. Chez Matthieu, autour du sépulcre commence la polémique judéo-chrétienne :
Jésus, le crucifié, est-il ressuscité ou les disciples ont-ils volé son corps ? le récit relate
comment les gardes restent sans voix tandis que les femmes reçoivent la mission
d’annoncer la résurrection du Seigneur.
Chez Luc, les femmes constatent les premières que le sépulcre est vide mais c’est
Pierre qui le confirme officiellement. Jésus a disparu du sépulcre parce qu’il a été enlevé :
il est vivant. Cela suppose l’accomplissement de ce que Jésus avait prédit. Il n’y a pas
d’annonce, ni d’envoi en Galilée. Chez Luc, Jésus apparaît à ses disciples à Jérusalem.
Chez Jean, c’est sur une femme qui reconnaît le Seigneur en écoutant sa parole –
Marie – que se concentre l’épisode. Le récit s’achève en se concentrant sur les rôles de
Pierre et du disciple que Jésus aimait. Ce dernier représente la communauté johannique
et croit avant Pierre.
Les souvenirs des faits qui ont eu lieu lors du matin du premier jour de la semaine
ont été orientés et interprétés par les évangélistes selon leur vision du mystère chrétien ?
toutefois, le fait que l’on ait trouvé le tombeau ouvert et vide ne prouve pas par lui-même
la résurrection du Seigneur.
43
A ce sujet, Walter Kasper peut écrire : La constatation d’un noyau historique dans
les récits autour du tombeau n’a rien à voir avec une preuve de la résurrection.
Historiquement, la seule chose que l’on puisse prouver c’est la probabilité que le tombeau
ait été trouvé vide. Mais rien ne peut être dit, d’un point de vue historique, sur la manière
dont le tombeau a été vidé. Le tombeau vide, par lui-même est un phénomène ambigu. On
trouve, dans le NT, diverses explications (Mt. 28, 11-15 ; Jn. 20, 15). La clarté sur cette
question se fait grâce à la prédication qui se base sur les apparitions pascales. Le
tombeau vide ne constitue pas pour la foi une quelconque preuve, mais bien un signe44.
44
Jesus el Cristo, ediciones Sigueme, Salamanca, 1976.
44
existe des moments où le Seigneur ressuscité se rend présent et où l’on peut le
reconnaître. Et cela, elle l’exprime dans les récits.
Le Seigneur est apparu aux disciples d’Emmaüs sur le chemin et ils l’ont reconnu
à la fraction du pain. Dans l’évangile de Jean, lorsque Marie Madeleine ne le reconnaît
pas et qu’elle croit que c’est le jardinier, Jésus se fait reconnaître en l’appelant « Marie ».
c’est en entendant sa parole qu’elle l’a reconnu. A partir de là, nous pouvons savoir
comment le Seigneur va se rendre présent dans l’Eglise : par la fraction du pain, par sa
parole et lorsque nous suivons son chemin, éclairés par les Ecritures.
45
KESSLER, H., Manual de Cristologia, editorial Herder, 2003.
46
NEUMAN, M., Cristologia : Verdadero Dios, verdadero hombre, Loyola Press, 2005.
45
consiste pas à revenir à la vie antérieure. Elle est le commencement de la nouvelle
création (cf. 1 Cor. 15, 42 sqq.)
Aussi, lorsque le NT parle de la résurrection de Jésus, il affirme qu’avec Jésus ont
commencé les temps eschatologiques. Jésus est le premier des ressuscités (cf. Act. 26,
23 ; 1 Cor. 15, 20 sqq ; Col. 1, 18).
La résurrection est la révélation et la réalisation du Royaume de Dieu annoncé par
Jésus. En ressuscitant Jésus d’entre les morts, Dieu a montré sa fidélité dans l’amour. Il
s’est définitivement identifié à Jésus et à sa cause. La foi en la résurrection se fonde sur le
pouvoir créateur et la fidélité de Dieu.
La foi pascale témoigne que Dieu a un pouvoir qui dépasse la réalité existante, qui
transcende même la mort. Elle ose parier sur la vie et la mort à cause de ce Dieu pour qui
tout est possible. Une foi chrétienne qui ne serait pas foi en la résurrection serait une
contradiction. Ce n’est pas quelque chose qui a été rajouté à la en Dieu et en Jésus-Christ.
La résurrection récapitule et est l’essence de cette fois.
46
4.3.3. La Résurrection de Jésus, évènement de salut
Pour le NT, la résurrection du Crucifié – avec son investiture et son pouvoir divin -
n’est pas un évènement isolé, mais le début et l’anticipation de la résurrection des morts.
Ce n’est pas un évènement singulier mais un évènement par lequel le monde s’ouvre au
futur.
Elle ne signifie pas seulement l’accueil définitif de Jésus dans la communion et
l’amour de Dieu, mais aussi qu’il a établi définitivement la paix et la réconciliation avec le
monde. En Jésus, à travers Jésus, l’amour de Dieu s’est tourné irrévocablement vers tous
les hommes.
L’amour et la fidélité de Dieu, révélés dans la croix et la résurrection de Jésus,
sont la réalité eschatologique par excellence qui détermine le présent et à laquelle
appartient tout futur. Dans la mesure où Jésus-Christ est en relation avec la personne,
l’homme devient une créature nouvelle. La meilleure manière de décrire ce nouvel Etre
dans le Christ, c’est d’utiliser le concept de liberté chrétienne.
La liberté chrétienne peut être décrite de la manière suivante :
La liberté chrétienne est tout d’abord liberté par rapport au péché. Lorsque
des réalités créées par Dieu deviennent des idoles et des buts ultimes,
elles rendent esclave. L’homme ne s’en sert pas, il est asservi par elles.
Elles deviennent des manières erronées de s’assurer la vie. Alors que c’est
en Dieu qui donne la vie aux morts que l’on reçoit la vie. Aussi, la liberté
chrétienne est-elle avant tout liberté par rapport au péché.
La liberté chrétienne est ensuite liberté par rapport à la mort. Le salaire du
péché, c’est la mort. Aussi, la mort n’est-elle pas un châtiment quelconque
imposé par Dieu à cause du péché : elle en est la conséquence intrinsèque
(Ro. 8, 13 ; Gal. 6, 8).
La présence nouvelle de Jésus au milieu de ses disciples non seulement fonde
l’espérance et la liberté. Elle crée aussi une nouvelle communauté des disciples autour du
Seigneur, présent d’une manière nouvelle. Aussi, après Pâque, l’Eglise se réunit-elle
comme le peuple de Dieu de la nouvelle alliance.
La résurrection de Jésus montre que la Passion, la mort, la résurrection du
Crucifié et le don de l’Esprit n’est pas un nouvel acte de Dieu mais un acte de salut décisif
et définitif, que c’est le nouvel exode et le nouveau jour de l’expiation. En somme, une
vision nouvelle et définitive du projet de salut de Dieu dont le cœur est la résurrection du
crucifié.
47
4.3.4. La Résurrection comme révélation
La résurrection met en lumière la relation intime qui existe entre le salut et la
révélation que Jésus fait de son Père, de lui-même et de l’homme.
En ce qui concerne Jésus, la résurrection révèle ce qui suit :
Que son sacrifice n’est pas un châtiment imposé par Dieu mais une
offrande agréable au Père qui confirme son identité de Messie.
Que son humanité est glorifiée pour toujours. Et, dans son humanité, toute
sa vie, son histoire et son message.
Sa condition divine et la dignité de Jésus.
Elle confirme le pouvoir et l’autorité qui émanait de lui lorsqu’il annonçait le
Royaume de Dieu.
En ce qui concerne Dieu, la résurrection révèle ce qui suit :
L’identité du Dieu de Jésus-Christ. La résurrection a donné aux disciples de
voir sur le visage du Christ crucifié le visage humain de Dieu.
Elle le fait reconnaître non seulement comme celui qui appelle à la vie,
mais aussi comme celui qui donne la vie nouvelle. Dieu est identifié
désormais non seulement comme celui qui ressuscite les morts mais aussi
comme celui qui a ressuscité Jésus de la mort.
Au sujet des hommes et du monde, la résurrection révèle que par l’action de Dieu,
la nouvelle vie des hommes et la transformation finale de l’Histoire ont commencé. En
définitive, pour ce qui nous concerne et pour ce qui concerne le monde, la résurrection
signifie l’irruption de l’eschatologie dans notre histoire.
47
BENOÎT XVI, op. cit. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection.
48
CEC, n° 659.
48
témoignage concret se transforme essentiellement en mission : annoncer au monde que
Jésus est le vivant, qu’il est la vie même. Fait également partie du message, le fait
d’annoncer que Jésus reviendra pour juger les vivants et les morts, et pour établir
définitivement le Royaume de Dieu dans le monde.
Luc termine son Evangile en disant : Puis Jésus les emmena au dehors, jusque
vers Béthanie ; et, levant les mains, il les bénit. Or tandis qu’il les bénissait, il se sépara
d’eux et il était emporté au ciel. Ils retournèrent à Jérusalem en grande joie. Et ils étaient
sans cesse dans le Temple à bénir Dieu (Lc. 24, 50-53).
Luc nous dit qu’ils étaient pleins de joie. On se serait attendu au contraire après
que le Seigneur se soit éloigné d’eux définitivement. Jésus s’était séparé d’eux et la tâche
qu’ils avaient reçue était apparemment irréalisable, au-dessus de leurs forces. Toute
séparation produit de la souffrance. Comment comprendre tout cela ?
Les disciples ne se sentent pas abandonnés. Ils ne croient pas que Jésus se soit
évanoui dans le ciel. Ils sont sûrs que le Ressuscité est présent parmi eux, d’une manière
nouvelle et puissante. Ils savent que la droite de Dieu où il a été élevé implique un
nouveau mode de présence qu’on ne peut pas perdre. C’est le mode par lequel Dieu peut
nous être proche.
Le Livre des Actes des Apôtres commence avec le récit de l’ascension de Jésus.
A la question de savoir si est arrivé le moment d’instaurer le royaume d’Israël, Jésus
répond par une promesse et une mission. Il promet aux disciples qu’ils seront remplis de
la force de l’Esprit Saint ; il leur donne comme mission d’être ses témoins jusqu’aux
extrémités de la terre.
Le texte continue en mentionnant la nuée qui l’enveloppe et le soustrait à leurs
yeux. Elle nous rappelle la nuée de la transfiguration (cf. Mt. 17, 5 ; Mc. 9, 7 ; Lc. 9, 34
sqq.). Elle nous fait penser à la Tente de la Rencontre de l’Ancienne Alliance, où la nuée
manifeste la présence de Yahvé (cf. Ex. 40, 34 sqq.) qui, toujours sous forme de nuée,
précède Israël lors de la marche au désert (cf. Ex. 13, 21).
La mention de la nuée a un caractère nettement théologique. Elle présente la
disparition de Jésus non comme un voyage stellaire, mais comme son entrée dans le
mystère de Dieu.
Le Jésus qui quitte les apôtres ne va pas quelque part, dans le lointain cosmos. Il
entre en communion de vie et de puissance avec Dieu. Il ne nous a pas quittés. Au
contraire, en vertu du pouvoir même de Dieu, il est maintenant toujours présent près de
nous.
49
Si Jésus est près du Père, il n’est toutefois pas loin mais bien proche de nous. Il
ne se trouve plus maintenant à un seul endroit du monde, comme avant son ascension.
Grâce à son pouvoir, il transcende l’espace. Il n’est pas en un seul endroit. Il est
désormais présent auprès de tous. Tous peuvent l’invoquer quel que soit le lieu, quelle
que soit l’époque de l’Histoire.
Le texte de l’Ascension continue en mentionnant deux hommes en vêtements
blancs qui adressent un message aux disciples : Galiléens, pourquoi restez-vous là à
regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la
même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel (Act. 1, 11).
Ces propos confirment la foi au retour de Jésus. Ils soulignent en même temps
que la tâche des disciples n’est pas de rester là à regarder le ciel ou de connaître les
temps et les moments présents dans le secret de Dieu. Leur tâche est de témoigner du
Christ jusqu’aux extrémités de la terre.
L’Ascension du Christ marque l’entrée définitive de l’humanité de Jésus dans le
domaine céleste de Dieu d’où il reviendra (Act. 1, 11), mais qui entre-temps le cache aux
yeux des hommes (cf. Col. 3, 3)49.
Pistes de réflexion :
1. La rencontre avec Jésus ressuscité a produit un retournement et un
changement dans la vie des Apôtres. Quel changement la présence du
Seigneur a-t-il produit dans notre vie de couple ?
2. Reconnaissons-nous le Ressuscité chaque fois que nous recevons le pain
eucharistique et que nous écoutons sa Parole ?
3. Lors de l’Ascension de Jésus, les Apôtres ont reçu la tâche de témoigner
jusqu’aux extrémités de la terre. Comment accomplissons-nous cette tâche
de disciples missionnaires ? La mettons-nous en œuvre avec la même joie
et le même bonheur que les disciples lorsqu’ils l’ont reçues ?
49
CEC, n° 665.
50
TABLE 5
A bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos
pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par
son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes (Hbx. 1, 1-2).
La présence de Dieu dans le monde est une conviction qui habite le christianisme
dès les premiers temps. Toutefois, il est aussi intimement persuadé qu’à partir de
l’Incarnation du Fils, cette proximité de Dieu a atteint son degré maximum, indépassable. Il
s’agit d’un évènement unique et définitif.
L’Église appelle " Incarnation " le fait que le Fils de Dieu ait assumé une nature
humaine pour accomplir en elle notre salut (CEC 461).
La foi en la vérité de l’Incarnation du Fils de Dieu est la joyeuse conviction de
l’Eglise depuis ses débuts. Le mystère de l’Incarnation comporte deux aspects
théologiques, liés l’un à l’autre : un aspect de révélation puisque par l’Incarnation du Fils et
par toute sa vie nous est révélé le mystère de l’amour Dieu envers les hommes de
manière tout à fait insoupçonnée, un aspect de salut, puisque par sa présence le Fils nous
a révélé Dieu et apporté le Salut.
C’est cette conviction que réaffirme le Catéchisme. : La foi en l’Incarnation
véritable du Fils de Dieu est le signe distinctif de la foi chrétienne : " A ceci reconnaissez
l’esprit de Dieu : Tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu dans la chair est de Dieu " (1
Jn 4, 2)50.
Ce mystère est présent dans le NT et sa formulation par l’Eglise remonte au
témoignage de foi qui y est proclamé. Saint Jean, dans le Prologue, le proclame
clairement : Et le Verbe – qui était auprès de Dieu – s’est fait chair et il a habité parmi
nous (Jn. 1, 14). Et il ajoute : Jésus est venu enlever le péché du monde (cf. Jn. 1, 29). La
volonté de salut universel de Dieu et l’unique médiation du Christ, qui s’est livré lui-même
en rançon pour tous les hommes sont mises en relation, l’une avec l’autre, dans le NT.
Ce mystère est également présent dans ce que l’on appelle les évangiles de
l’enfance (Mt. 1, 17-25 ; Lc. 1, 26-38 ; 2, 1-20). On y décrit la naissance de Jésus et on en
donne la signification. Matthieu et Luc mettent en lumière, dans la naissance de Jésus,
l’intervention de Dieu le Père, d’une part, et de l’Esprit Saint, de l’autre.
50
CEC, n° 463.
51
D’un point de vue humain, selon Luc, c’est Marie qui est le personnage central.
Librement, par son consentement, elle a ouvert son sein à l’Incarnation du Fils de Dieu.
Comme on peut le voir, le récit évangélique de l’Incarnation, s’il contemple Dieu qui décide
de s’incarner et de venir participer à l’aventure humaine, n’en contemple pas moins Marie
qui, par sa participation libre de créature, rend possible l’Incarnation.
Telle est la nouveauté mise en exergue par les évangiles : dabs l’Incarnation du
Verbe, Dieu et l’humanité collaborent. C’est le mystère de la Nouvelle Alliance. L’Alliance
entre Dieu et l’humanité, qui, dans l’AT, s’était réalisée grâce à des hommes – Abraham,
Moïse et les prophètes – se réalise maintenant en plénitude en Marie.
Saint Paul cite d’ailleurs une hymne où l’Eglise de son temps chante le mystère de
l’Incarnation :
Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : Le Christ Jésus,
ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il
s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes.
Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la
mort de la croix (Ph. 2, 5-8).
Saint Paul considère l’Incarnation comme le mystère par excellence révélé par
Dieu à ses saints et à ses élus pour qu’ils puissent comprendre le dessein de salut et
d’amour de Dieu dans le Christ.
Le Credo de la Tradition vivante de l’Eglise nous laisse voir la relation intime entre
la venue du Fils de Dieu dans le monde et la libération du péché lorsque nous confessons :
Pour nous les hommes et pour notre salut, il descendit du ciel. Par l’Esprit Saint, il a pris
chair de la Vierge Marie et s’est fait homme (Symbole de Nicée-Constantinople).
Aussi, le mystère de l’Incarnation contient-il la puissance de tous les secrets et de
toutes les figures de l’Ecriture. Seul le Verbe de Dieu fait chair peut nous enseigner la
science de Dieu51.
5. 1. Le but de l’Incarnation
Dieu a agi de manière spéciale et vraiment unique en nous envoyant son Fils. Il
s’agit d’un évènement unique et définitif. Le Fils de Dieu prend chair de la Vierge Marie, sa
mère. D’une manière mystérieuse et merveilleuse, le Fils de Dieu, en naissant comme
homme du sein de la Vierge devient Jésus de Nazareth. Il est pleinement homme et
pleinement Dieu52.
51
AMATO, A., op. cit.
52
COLLINS, G. O, La encarnacion, editorial Sal Terrae, 2002.
52
Arrivé à ce point de la réflexion surgit nécessairement la question : Pourquoi le
Fils de Dieu s’est-il fait homme ? Le Catéchisme de l’Eglise Catholique y répond en
résumant le but de l’Incarnation en quatre points. Chacun de ces aspects s’oriente
nécessairement vers la révélation de l’amour de Dieu et la réconciliation du monde avec
Dieu. Aussi, peut-on observer que la première bénéficiaire de l’Incarnation, c’est l’homme.
Elle se produit pour l’homme, pour notre salut (CEC, n°456-460) :
Le Verbe s’est fait chair pour nous sauver en nous réconciliant avec Dieu :
" C’est Dieu qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de
propitiation pour nos péchés " (1 Jn 4, 10). La venue du Fils de Dieu en ce
monde est en elle-même un évènement sauveur. Il est venu dans le monde
une seule fois pour nous libérer du péché. Aussi, l’unique sacrifice du Christ
doit-il être mis en relation – dans une relation inséparable – avec
l’évènement unique et définitif de l’Incarnation.
Le Verbe s’est fait chair pour que nous connaissions ainsi l’amour de Dieu.
Par l’Incarnation du Fils et par toute sa vie, le mystère de l’amour de Dieu
est révélé aux hommes. La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ
est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs (Ro. 5, 8). Dieu
a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique (Jn. 3, 16).
L’amour du Christ est manifestation de l’amour du Père. En lui qui est
l’image du Dieu invisible, nous voyons le Père lui-même qui nous a aimés
jusqu’au bout. Le Fils, en nous révélant le visage miséricordieux du Père
nous a apporté le salut.
Le Verbe s’est fait chair pour être notre modèle de sainteté. Par son
Incarnation, le Fils de Dieu se révèle comme le modèle à suivre : Prenez
sur vous mon joug et apprenez de moi... (Mt 11, 29) parce qu’il est la voie,
la vérité et la vie (Jn 14, 6). Jésus est le modèle du commandement
nouveau et de la Loi nouvelle exprimée dans les Béatitudes. Le Père
demande aux disciples d’écouter son Fils (Mc. 9, 7).
Le Verbe s’est fait chair pour nous rendre " participants de la nature divine "
(2 P 1, 4). Le NT. Affirme avant tout que le Christ est l’image de Dieu (2 Cor.
4, 4 ; Col. 1, 15). Par ailleurs, il enseigne que l’homme est appelé à
reproduire l’image du Christ, l’homme céleste (Ro. 8, 29 ; 1 Cor. 15, 49 ; 2
Cor. 3, 18). Saint Athanase disait : Car le Fils de Dieu s’est fait homme pour
nous faire Dieu. Tel est le but de l’Incarnation : que l’homme, en entrant en
communion avec le Verbe, devienne fils de Dieu. La perfection de la nature
53
humaine qui vient de ce que le Fils de Dieu l’a assumée indique que la
perfection de l’homme se réalise en étant configuré au Christ. Il l’a rendu
lui-même possible en assumant notre condition d’homme par l’Incarnation.
5. 2. La préexistence du Verbe
Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était
Dieu […] C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait
sans lui […] Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous (Jn. 1, 1. 14). C’est par cette
affirmation que Jean commence son Evangile.
Ce texte de l’évangile de Jean tout comme tout le NT assure qu’il n’est indifférent
pour aucun être humain que le Fils de Dieu se soit fait homme et soit entré dans l’histoire
des hommes. Le Logos, le Verbe – la Parole – est la lumière qui éclaire tout homme en
venant en ce monde (Jn. 1, 9). Parvient à tous même si nous ne savons pas comment – la
lumière qu’est le Verbe fait chair.
Le cardinal Ratzinger, préfet de la S. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, face
aux opinions qui soutiennent que ne nous a pas été révélé que le Fils de Dieu subsiste de
toute éternité dans le mystère de Dieu, distinct du Père et du Saint Esprit, écrivait :
53
AMATO, A., op. cit.
54
l’énoncé concernant la préexistence du Verbe n’est pas le résultat d’un raisonnement
spéculatif mais la simple formulation d’un mystère : Jésus est vraiment le Fils unique du
Père, aimé depuis toujours. Il est le Verbe, la Parole en qui Dieu s’auto communique aux
hommes54.
Aussi pouvons-nous comprendre que confesser la préexistence du Verbe est un
présupposé nécessaire pour la foi en l’Incarnation. Cela signifie aussi que lorsque Jésus a
été conçu et qu’il est né, ce n’est pas une nouvelle personne qui est entrée en scène.
L’origine du Christ, ce n’est pas quand il est né. Il existait déjà comme Fils éternel de Dieu
ou comme Verbe éternel de Dieu. C’est ce qu’affirme le Symbole de Nicée-Constantinople
que nous confessons : né du Père avant tous les siècles.
Aussi, confesser la consubstantialité et la préexistence du Verbe équivaut à
reconnaître Jésus-Christ comme celui en qui se trouve la substance, l’essence de Dieu lui-
même. Cela implique que la réalité et l’intimité profonde de Dieu se révèle en Jésus, dans
la mesure où il est Fils du Père55.
Nous trouvons là les motifs centraux pour affirmer la préexistence : la divinité du
Verbe, sa consubstantialité avec le Père, son rôle créateur et l’Incarnation.
La foi en la préexistence du Verbe met en lumière l’amour de Dieu envers les
hommes. Dieu aurait pu continuer d’envoyer des prophètes. La présence personnelle de
son Fils préexistant exprime de manière totalement insoupçonnée le désir de Dieu d’être
avec nous, de partager notre souffrance et de nous racheter de notre condition de
pécheurs. Si Jésus-Christ, en effet, n’avait pas été éternel, il n’aurait pas pu non plus nous
introduire dans la vie éternelle, c’est-à-dire dans la communion définitive avec Dieu. De
même, si Jésus n’avait pas été semblable à nous en toute chose, excepté le péché, il
n’aurait pas pu nous racheter non plus du péché.
La préexistence du Fils de Dieu maintient parfaitement unies entre elles les
doctrines de la création, de l’Incarnation et de la rédemption. Le Fils de Dieu qui a
participé à l’œuvre créatrice du Père est celui qui, devenu homme, a mené à son
accomplissement la rédemption de l’humanité en mourant sur la croix. En effet, ce n’est
que si le don du Christ pour l’humanité trouve son origine en Dieu, c’est-à-dire dans le Fils
coéternel au Père, que son don acquiert réellement un caractère salvifique.
Réaffirmons encore ce que nous avons dit plus haut : loin d’être un discours
intellectuel, la préexistence éternelle de Jésus-Christ comme Verbe de Dieu constitue le
54
RATZINGER, J., Introduccion a la declaracion « Mysterium Filii Dei » dans El Misterio del Hijo de Dios,
Declaracion y Comentarios, ed. Palabra, Madrid, p. 27.
55
Ibid.
55
présupposé indispensable pour ce qui regarde la vérité concernant la vie éternelle et
le message salvifique de Jésus.
56
AMATO, A., op. cit.
56
participation à la nature divine. Le terme personne dans la Trinité désigne la distinction et,
pour le Christ, désigne l’unité.
On présentera plus en détail, dans la table 6, ce qui concerne la divinité et
l’humanité dans l’unique personne de Jésus-Christ.
57
sabbat, mais encore il disait que Dieu était son propre Père, et il se faisait ainsi l’égal de
Dieu (Jn. 5, 18). A travers sa conscience humaine, Jésus manifestait sa relation unique
avec Dieu, son Père.
Les récits du NT montrent que Jésus avait une intention salvifique. La conscience
qu’il a de sa relation filiale singulière avec son Père est le fondement et le présupposé de
sa mission. Il a conscience d’être l’unique Sauveur, d’apporter un salut définitif. Toute sa
vie est mission. Jésus a conscience d’être venu et d’être envoyé pour annoncer le
Royaume de Dieu (Lc. 4, 43 ; Mt. 15, 24), pour accomplir la Loi (Mt. 5, 27), pour servir, et
donner sa vie en rançon pour la multitude (Mc. 10, 45 ; 14, 24), pour chercher et sauver ce
qui était perdu (Lc. 19, 10).
Toute la vie du Christ, depuis son entrée dans le monde (Hbx. 10, 5) jusqu’au don
de sa vie est un « oui » unique à la volonté du Père, pour nous, pour notre salut. C’est ce
que l’Eglise a prêché dès le début (cf. Ro. 5, 8 ; 1 Th. 5, 10 ; 2 Cor. 5, 15 ; 1 P., 2, 21 ; 3,
18).
La conscience qu’a Jésus de sa mission implique, par conséquent, celle de sa
préexistence. Il est conscient et manifeste l’origine divine de la mission qu’il a reçue du
Père : Moi, c’est de Dieu que je suis sorti et que je viens (Jn. 8, 42). Autrement dit, la
conscience humaine de sa mission traduit dans le langage d’une vie humaine sa relation
éternelle avec le Père.
La conscience salvifique de Jésus est aussi manifestée par sa volonté de fonder
l’Eglise et de sauver tous les hommes en les invitant à former le Peuple de Dieu.
La conscience humaine de Jésus comporte deux aspects essentiels : sa propre
conscience filiale de la relation avec Dieu comme étant son Père et sa conscience
messianique en relation avec le salut de l’humanité. Il s’agit d’une unique conscience
humaine dont le contenu manifeste l’origine divine de Celui qui a été envoyé par le Père
pour dire les paroles de Dieu (Jn.3, 34 ; 12, 42) et accomplir sa volonté de salut (Jn.5, 30 ;
6, 38 ; 9, 4).
57
AMATO, A., op. cit.
58
nos péchés, dans son corps, sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour
la justice.
Il existe une relation parfaite entre la sainteté de Jésus et sa mission de salut.
Pour accomplir la volonté du Père, Jésus est venu détruire l’origine du péché et les
œuvres du diable (1 Jn. 3, 5-8). La sainteté de Jésus, le don total de son humanité dans la
personne divine se traduisent par son impeccabilité qui est non seulement absence de
péché, mais impossibilité de pécher. L’union de la nature humaine et de la nature divine
font que le Fils est orienté vers le bien. Par ailleurs, les sources bibliques montrent, en
Jésus, une grande liberté, une maîtrise de ses actions et de son destin.
A première vue, il semble difficile qu’existe une relation entre impeccabilité et
liberté. Mais la définition de la liberté la plus adéquate, c’est la possibilité de choisir et de
déterminer son propre agir. Telle est la liberté de Dieu. Telle est celle du Christ de
déterminer son propre agir en choisissant le bien.
La liberté de Jésus-Christ consiste en sa détermination à obéir à la volonté du
Père. On peut en conclure qu’au lieu de s’opposer à la liberté, l’impeccabilité du Christ
rend plus parfaite cette liberté. Le Christ avait la faculté parfaite de s’orienter pour obéir à
la volonté du Père.
59
même lors de sa mort. Telle est la dimension sacrificielle de la sainteté de Jésus. Sa
croissance en sainteté ne signifie pas aller de moins à plus. Son développement consiste
dans la correspondance avec les divers moments de sa vie terrestre qui s’accomplit dans
la Pâque.
Pistes de réflexion :
1. Comme couples d’équipiers, nous sommes appelés à marcher vers la
sainteté. Jésus est notre modèle. Comme couple, que faisons-nous pour
nous convaincre que nous avons Jésus comme chemin, vérité et vie ?
Comment mettons-nous en pratique l’invitation du Père à écouter son Fils ?
Où en sommes-nous de l’écoute dans notre propre couple ?
2. Dieu nous a donné la liberté pour prendre nous-mêmes nos propres
décisions. Comment utilisons-nous cette liberté pour obéir à la volonté du
Père ? Nous sommes appelés à ne pas commettre de péchés : cela nous
fait-il nous sentir vraiment libres ?
60
TABLE 6
58
GRESHMAN, J. L., Jesus 101 : God and Man, first edition, Liguori Publications.
59
NEUMAN, M., Cristologia : Verdadero Dios, verdadero hombre, Fundamentos de la fe catolica, Series Ministerio
Pastoral, Loyola Press, 2005.
61
Lors des premiers temps, la certitude du salut reçu de Dieu dans le Christ est une
certitude fondamentale. Confesser la vérité concernant le Christ a pour but d’affirmer la
certitude du salut de l’homme dans le Christ. Toutefois, comme l’affirme le Catéchisme de
l’Eglise Catholique, l’Eglise a du défendre et préciser la foi en Jésus-Christ, vrai Dieu et
vrai homme durant les premiers siècles face à des hérésies qui l’altéraient (cf. CEC, n°
464). Ces premières hérésies christologiques nièrent davantage l’humanité du Christ que
sa divinité (cf. CEC, n° 465).
La majorité des hérésies que nous allons citer ont surgi lors du IIe siècle, avant le
Concile de Nicée (325).
L’Ebionisme : cette hérésie surgit lors des Ier- IIe siècles au sein de communautés
judéo-chrétiennes qui vivaient selon la loi juive. Pour elle, Jésus est simplement un
homme, fils de Joseph et de Marie. L’Esprit Saint est descendu sur lui lors de son
baptême. Il a été doté de dons prophétiques et charismatiques extraordinaires. Mais
l’Ebionisme nie sa préexistence et sa filiation divine. Saint Irénée de Lyon condamnera
cette hérésie. Il affirmera que le Christ est vrai homme et vrai Dieu. Vrai Dieu parce que
seul Dieu peut sauver et rétablir l’union avec les hommes. Vrai homme, car il revient à
l’homme de réparer sa propre faute. Aussi, le Christ, parce qu’il était Dieu a-t-il pu réparer
l’offense infinie commise par l’homme contre Dieu. Parce qu’il était homme, il a pu
racheter l’homme de sa faute.
L’Adoptianisme : cette hérésie du IIe siècle affirme que le Dieu unique n’avait pas
de fils. Il pouvait toutefois adopter comme fils n’importe quelle créature. Cette hérésie
affirme que le Christ est simplement un homme que Dieu a adopté comme fils lors de son
baptême dans le Jourdain, le rendant porteur d’une grâce divine exceptionnelle. Elle nie
l’Incarnation du Verbe et la divinité du Christ, lorsqu’il parle de cette hérésie le Catéchisme
de l’Eglise Catholique note que dès le troisième siècle, l’Église a dû affirmer contre Paul
de Samosate, dans un Concile réuni à Antioche, que Jésus-Christ est Fils de Dieu par
nature et non par adoption (CEC, n° 465).
Le Gnosticisme : Cette philosophie s’enracine dans la gnose, mot grec signifiant
sagesse. Ce mouvement religieux dualiste – qui exalte ce qui est spirituel et rejette ce qui
est matériel – eut une importance considérable au IIe siècle. Ces groupes qui se sont
abreuvés à des sources juives, chrétiennes et païennes conçoivent le salut comme une
libération de l’esprit de la matière qui représente le mal pour les gnostiques chrétiens.
Aussi, considèrent-ils Jésus comme un « principe » spirituel existant entre Dieu et le
monde. Ils rejettent la vérité de l’Incarnation du Christ et le salut de la chair. Ils soutiennent
que Jésus n’est pas réellement un homme et la majorité des chrétiens gnostiques ne croit
62
pas qu’il soit mort sur la croix. Pour eux, Jésus est une espèce de révélateur semi-divin
qui a apporté la connaissance caché et véritable concernant Dieu, le monde et les
hommes60.
Le Docétisme : ce terme vient du grec dokein, qui signifie paraître, sembler. Cette
hérésie s’est diffusée lors du Ier siècle. Ses principaux promoteurs s’appellent Marcion,
Valentin et Basilide qui, de plus, sont gnostiques. Ils enseignent que Jésus semblait être
un homme et nient sa véritable humanité. Le Christ a eu un corps céleste, angélique ou de
quelque autre nature, mais ce n’était qu’une apparence. Ils nient les actions indignes de
sa divinité, comme la souffrance par exemple.
Face au Docétisme et au Gnosticisme, l’Eglise a enseigné que le Christ a pris de
Marie un vrai corps semblable au nôtre, qu’il a réellement souffert de manière humaine. A
ce sujet, le Catéchisme enseigne : Dès les temps apostolique la foi chrétienne a insisté
sur la vraie incarnation du Fils de Dieu, " venu dans la chair " (cf. 1 Jn 4, 2-3 ; 2 Jn 7)61.
Face à ses groupes de déviants, on trouve la communauté qui demeure fidèle à la
Tradition reçue des Apôtres. Ils croient en une foi qui s’exprime de manière unique et
universelle, c’est-à-dire Catholique. Cette dernière expression apparaît dans les premiers
temps de l’Eglise. Ces chrétiens vont se qualifier eux-mêmes d’apostoliques ou de
chrétiens catholiques. Les divergences entre les diverses factions chrétiennes vont faire
que les chrétiens catholiques établiront une Tradition ecclésiale dont le but serait de
consolider et de transmettre la foi des Apôtres.
Cette Tradition chrétienne repose sur quatre piliers :
a) Trouver un accord concernant le Canon des livres de la Sainte Ecriture qui
deviendra le Nouveau Testament.
b) Formuler un Credo, un bref résumé récapitulant les points essentiels de la
foi chrétienne auquel adhéreraient les Eglises catholiques.
c) Les Sacrements, actes sacrés et publics, tout comme la liturgie et la prière
publique des chrétiens catholiques sont le troisième pilier.
d) Le quatrième est le leadership stable du Pape et du Collège des évêques.
De plus, pasteurs et évêques se réuniront en conciles pour réfléchir sur la Bible, le
Credo, le culte rendu par le peuple et les nouveaux apports des théologiens. Lors des IIe et
IIIe siècles, ces rencontres ont eu lieu au niveau régional. Mais, lors du IVe siècle et dans
les périodes qui ont suivi, ont eu lieu des faits qui ont donné naissance à un système plus
60
Ibid.
61
CEC, n° 465.
63
ample, novateur que l’on appellera concile œcuménique. Ce concile comprend tous les
évêques de l’Eglise Catholique.
64
existait avant toutes les créatures en se basant sur l’évangile de Jean selon lequel le
Logos – le Verbe – préexistant de Dieu s’était fait chair. Cela permettait aussi de mettre en
lumière que le Christ n’était pas un nom ou un ange, mais le Fils même de Dieu, celui qui
avait racheté l’humanité62.
Mais cette christologie du Logos n’allait pas sans ambigüité et posait aussi
quelques problèmes. Elle s’était développée, à l’origine, pour donner une réponse à la
question du salut de tous les hommes. Elle devait, par la suite, être dominée par une
perspective cosmologique qui avait en vue d’expliquer les relations entre Dieu et le monde.
Aussi, la christologie basée sur l’image du Logos voulait-elle expliquer la place et
le rôle du Fils dans la relation entre Dieu et la création ex nihilo. On peut ainsi en résumer
la problématique : décider s’il fallait situer le Logos, par qui tout a été créé, complètement
dans la sphère divine du Créateur ou dans celle du monde créé63.
Cela eut comme conséquence que certains chrétiens soutenaient des points de
vue opposés. Les uns considéraient le Fils éternel comme le Père. D’autres jugeaient que
le Fils était inférieur au Père et créé par lui. Cela déboucha, en 318, sur une controverse
christologique mieux connue sous le nom de crise arienne. Arius, prêtre d’Alexandrie en
Egypte diffusa sa manière particulière de comprendre la transcendance et l’unicité du Dieu
chrétien et la relation existant entre le Père et le Fils dans la Trinité ;
Tentons de résumer la doctrine d’Arius :
Arius est convaincu, suivant un monothéisme strict, de la transcendance
absolue et de l’unité du Dieu chrétien. Dieu est l’unique Dieu, éternel, sans
principe et incréé. Aussi, le Fils puisqu’il est engendré, créé – pour Arius les
deux termes ont le même sens – ne peut être égal au Père. Il est
impossible qu’il provienne de son être. Arius soutient que le Fils est d’une
substance différente de celle du Père.
Si Dieu est éternel, sans principe et incréé, le Fils n’existait pas avant
d’avoir été engendré-créé. Le Fils a eu un principe. Il a été créé, fait à partir
de rien comme toutes les créatures ? mais il est la première des créatures
et a été créé avant le temps. C’est ce qui fonde la supériorité du Fils et qui
fait qu’on peut l’appeler Dieu. Les autres créatures ont été créées dans le
temps et à travers le Logos. Arius ignore la différence entre l’origine
éternelle du Fils du Père et la création dans le temps de toutes choses. Il
62
STUDER, B., Dios Salvador en los Padres de la Iglesia. Trinidad-Cristologia-Soteriologia, Salamanca, 1993, p. 145.
63
Ibid., p. 151.
65
met le Fils du côté des créatures et sépare le Christ de la Parole de Dieu,
du Verbe du Père.
Il ne nie pas la divinité du Fils. Mais c’est un Dieu qui occupe une seconde
place ou un second degré dans le mystère de Dieu. Le Dieu véritable et
unique, c’est le Père. On peut certes appeler le Fils Dieu, mais ce n’est
qu’un nom. En réalité, c’est un Dieu créé, inférieur au Père par nature, par
rang, par autorité et par gloire.
Arius est également convaincu lorsqu’il considère l’Incarnation et la vie de
Jésus, que le Fils qui s’est fait chair pour être un modèle de filiation divine
et d’obéissance, a été soumis à la faim, à la soif, à la fatigue, aux
humiliations et aux souffrances de la croix, c’est à direà des changements
qui, d’entrée de jeu, font qu’on n’a pas pu le considérer comme égal à Dieu
qui lui est immuable. Le Fils, par nature, n’est pas immuable.
Le Fils, intermédiaire pour la création, est également intermédiaire pour la
rédemption. Le Dieu Père, unique et éternel, a créé et racheté le monde par
l’intermédiaire du logos64.
L’autre faction, dirigée par l’évêque d’Alexandrie, Alexandre, soutient l’idée d’une
génération éternelle du Fils du Père, qui se situe sur le même plan que le Père et qui, de
ce fait, est pleinement Dieu.
Pour dirimer le conflit, l’Empereur Constantin va convoquer un Concile d’évêque
qui se réunit dans la ville de Nicée en 325. Il fallait donner une réponse claire à la question
de savoir si le Logos était du côté de la création ou du Créateur. En définitive, c’était la
question de la véritable divinité du Christ qui était en ligne de mire.
Les évêques, lors du concile, écoutèrent les deux positions, débattirent de la
question et une majorité écrasante vota en faveur de la position de l’évêque Alexandre qui
affirmait la divinité du Christ. Nicée s’opposa aux conceptions d’Arius.
On trouve, dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique, l’affirmation centrale de la
profession de foi de Nicée : Le premier Concile œcuménique de Nicée, en 325, confessa
dans son Credo que le Fils de Dieu est " engendré, non pas créé, de la même substance
(homousios) que le Père " et condamna Arius qui affirmait que " le Fils de Dieu est sorti du
néant "et qu’il serait " d’une autre substance que le Père " (CEC, n° 465).
Les évêques réunis à Nicée s’appuyèrent sur les formules baptismales et les
symboles de foi déjà existant dans les traditions d’Eglises comme celles de Jérusalem,
64
GREISHMAN, J. L., op.cit.
66
Antioche et Césarée pour introduire les nouvelles affirmations christologiques et
promulguèrent une nouvelle formule de Credo pour les chrétiens catholiques.
Le Credo de Nicée eut une incidence dans la Liturgie de l’Eglise et dans la vie des
fidèles. Il mettait en lumière que prier le Christ et adorer le Christ, c’était prier et adorer le
Dieu unique et véritable : Il est Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du
vrai Dieu, engendré non pas créé de même nature que le Père.
Les évêques, à Nicée, utilisèrent comme formule le terme grec Homoousios. Elle
est composée de homo qui signifie égal ou du même et de ousia qui signifie substance ou
essence. Le mot veut dire qu’il est de la même essence.
65
NEUMAN, M., op.cit.
67
Apollinaire est connu pour avoir défendu cette théorie et en avoir tiré les ultimes
conséquences.
Apollinaire affirme que le Logos a assumé une nature humaine qui ne comprenait
pas d’âme rationnelle. La personne divine du Fils aurait pris la place de l’âme rationnelle
dans le corps de Jésus. Le Christ serait donc composé du Logos divin et d’un corps
humain. Il aurait employé l’humanité – qui aurait consisté seulement en son corps -comme
un instrument inerte. Pour terminer, Apollinaire affirmait l’unité et la sainteté du Christ mais
au détriment de l’intégrité de sa nature humaine. Le Christ est un composé unitaire dont
l’unique principe de décision et d’action est le Logos divin, qui domine complètement la
nature humaine66.
Pour confirmer la foi de Nicée et répondre aux hérésies post-nicéeenes –
notamment à l’Apollinarisme concernant l’humanité du Christ et à celle de Macedonius -,
l’empereur Théodose le grand convoquera, en 381, à Constantinople, un concile composé
uniquement d’évêques orientaux. Parmi eux se trouvent d’éminents théologiens comme
Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse et son frère, Basile le Grand, connu sous le
nom de Pères cappadociens puisqu’ils venaient de Cappadoce. Il faut mentionner
également Cyrille de Jérusalem et Diodore de Tarse.
Ce concile se fonde sur la certitude du salut dans le Christ. En refusant au Christ
une nature humaine véritable et complète, on refuse aussi sa médiation pour le salut de
l’homme. Les évêques réunis à Constantinople réaffirmèrent le grand principe, commun
aux Pères et aux écrivains ecclésiastiques : Le Fils est venu sauver tout l’homme ; aussi
a-t-il assumé une humanité complète ; il a sauvé ce qu’il a assumé ; il n’a pas sauvé ce
qu’il n’a pas assumé67.
A partir de ce Concile œcuménique, le Symbole de Nicée-Constantinople devient
la profession de foi de l’Eglise. Non que le Concile de Constantinople ait eu l’intention
d’élaborer un nouveau Symbole de foi. Son but a été de confirmer la définition dogmatique
de Nicée en introduisant les précisions opportunes et nécessaires sur l’humanité véritable
et complète du Christ et sur la divinité du Saint Esprit face à de nouvelles hérésies.
En répondant à ces questions, le Concile ajoute au Symbole de Nicée les
affirmations suivantes qui développent l’enseignement biblique et théologique concernant
le mystère du Christ et de l’Esprit Saint :
(Engendré) né du Père avant tous les siècles ;
(Il descendit) du ciel
66
AMATO, A., Jesus, el Senor, Biblioteca de autores cristianos, Madrid, 2002.
67
SESBOÜE, B., « Cristologia y Soteriologia. Efeso y Calcedonia-siglos IV y V ». in SESBOÜE, B., y WOLINSKI, J.,
El Dios de la Salvacion, I, Historia de los Dogmas, Salamanca, 1995, p. 272.
68
Par l’Esprit Saint (il a pris chair) de la Vierge Marie ;
Crucifié pour nous sous Ponce-Pilate ;
Il est assis à la droite du Père ;
(Il viendra de nouveau) dans la gloire ;
Et son règne n’aura pas de fin.
La troisième partie du Credo est complétement consacrée à l’Esprit Saint. Plus
qu’une affirmation contre l’hérésie macédonienne, le Concile élabore une définition
définitive de la consubstantialité du Fils avec le Père qui est intimement liée à l’affirmation
de la divinité du Saint Esprit. Nous avons là une donnée fondamentale de théologie
trinitaire : une des Personnes de la Trinité ne peut être comprise ou définie hors d’une
relation avec les deux autres.
A partir de l’enseignement du premier Concile de Constantinople, Vatican II insiste
sur le fait qu’en assumant notre humanité, Jésus a rétabli dans sa dignité l’humanité de
chaque personne humaine. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique va dans le même sens :
Parce que dans l’union mystérieuse de l’Incarnation " la nature humaine a été
assumée, non absorbée " (GS 22, § 2), l’Église a été amenée au cours des siècles à
confesser la pleine réalité de l’âme humaine, avec ses opérations d’intelligence et de
volonté, et du corps humain du Christ. Mais parallèlement, elle a eu à rappeler à chaque
fois que la nature humaine du Christ appartient en propre à la personne divine du Fils de
Dieu qui l’a assumée68.
68
CEC, n° 470.
69
que le Fils de Dieu se soit vraiment fait homme. L’Adoptianisme soutenait que l’homme
Jésus avait été adopté par le Fils de Dieu qui était venu sur lui lors du baptême de Jean.
La divinité du Fils était venue habiter dans l’homme Jésus, mais le Fils n’avait pas
vraiment partagé la condition humaine. Aussi, n’y avait-il pas authentique unité entre la
divinité et l’humanité dans le Christ.
La question de savoir comment, dans le Christ s’unissent la divinité et l’humanité
surgit à nouveau au début du Ve siècle, en Orient, avec l’enseignement de Nestorius,
Patriarche de Constantinople en 428. En Orient, deux écoles christologiques s’affrontent :
celle d’Alexandrie et celle d’Antioche. Chacune d’elles a ses propres limites comme son
propre unilatéralisme en ce qui concerne le mystère du Christ. Dans cette affaire, celle
d’Antioche a, en Nestorius, son principal représentant tandis que celle d’Alexandrie a
Cyrille (370-444), patriarche d’Alexandrie, grand opposant de Nestorius.
Nestorius lance la controverse dans sa prédication sur la Vierge Marie. Il
n’accepte pas, il refuse la légitimité de l’expression employée par la majeure partie des
Pères de l’Eglise du IVe siècle et adoptée par le peuple chrétien pour désigner Marie :
celle de Thétokos-Mère de Dieu. Il lui substitue celle de Christotokos-Mère du Christ. Cela
scandalisa le peuple chrétien et produisit une grande agitation qui s’étendit rapidement.
Nestorius considère que l’expression Mère de Dieu n’est pas appropriée car, à ses
yeux, Marie n’est que la mère de l’homme Jésus. Aussi n’admet-il que celle de
Christotokos, celle qui porte le Christ. Il argumentait en disant que les Pères de Nicée
avait seulement dit que Notre Seigneur Jésus-Christ s’était fait chair par l’opération du
Saint Esprit et de la Vierge Marie. Il ajoutait que les Ecritures parlaient de Marie comme
Mère du Christ et non comme Mère du Logos-Dieu.
En présentant ainsi les choses, Nestorius laisse entendre qu’existent dans le
Christ deux sujets distincts Logos-Anthropos, le Logos et l’homme qui se trouvent
étroitement unis par un lien d’habitation qui met en cause la communication entre Dieu et
l’humanité. Il introduit ainsi une séparation entre la nature divine du Verbe et la nature
humaine du Christ même s’il affirme que telle n’est pas son intention. Sa position est aussi
caractérisée par son insistance à dire que certains titres et noms correspondent à l’homme
- comme Jésus, serviteur et Fils de l’Homme - tandis que d’autres appartiennent
exclusivement à la divinité du Fils - comme Fils de Dieu, Verbe et Seigneur -.
Cyrille, l’évêque d’Alexandrie va s’opposer à cette christologie. Sa formation
théologique alexandrine l’empêchait d’accepter la christologie diviseuse des Antiochiens.
Cyrille va affirmer l’intégrité de la nature humaine du Christ mais il considérera le Logos
70
divin comme le centre d’action du Christ. Pour lui, dans le Verbe incarné, l’homme est le
Verbe, mais le Verbe en tant qu’uni à la chair.
A partir de cette parfaite unité et communication entre la nature humaine et la
nature divine du Christ, on peut attribuer à la personne divine du Verbe des propriétés ou
des caractéristiques tant humaines que divines. On peut dire par exemple que Dieu a
souffert et est mort bien que cette souffrance et cette mort ont seulement et proprement
lieu dans l’humanité.
Cyrille explique qu’à partir de là on peut légitimement appeler Marie, Mère de Dieu
non pas parce qu’elle aurait été à l’origine de la nature du Logos ou de sa divinité mais
parce que le corps saint a été engendré d’elle et est parfaitement uni au Logos.
Théodose II, l’empereur d’Orient, va convoquer un concile à Ephèse pour la
Pentecôte de 431 en vue de restaurer la paix et la tranquillité dans l’Eglise, troublée par la
controverse entre Cyrille et Nestorius.
Sous la conduite de Cyrille, les évêques réunis à Ephèse vont condamner
Nestorius. Tout comme lors des autres conciles, les évêques sont préoccupés par le salut.
Notre salut s’enracine dans le mystère de la véritable unité de Dieu et de l’homme dans
l’Incarnation. Cyrille note que le Corps et le Sang que nous recevons dans l’eucharistie est
divin parce que le corps humain est le corps du Divin Fils. Nous recevons le salut comme
un don de vie divine partagée à notre humanité à travers de l’Incarnation du Fils de Dieu
et qui nous est livré dans les sacrements69.
Nestorius avait parlé de l’Incarnation comme de l’union de la divine Parole et du
corps humain de Jésus mais en divisant le Christ en deux personnes : une personne
humaine conjointe à la personne divine du Fils de Dieu. Au contraire, Cyrille a insisté sur
le fait que dans le Christ, la personne divine du Verbe s’est unie la nature humaine parfaite
qu’elle a assumée. Ce qui signifie que dans le Christ, il n’y a pas deux sujets mais un seul :
la personne divine du Fils de Dieu
Dans une synthèse remarquable, le Catéchisme de l’Eglise présente la confession
de foi formulée à Ephèse :
L’hérésie nestorienne voyait dans le Christ une personne humaine conjointe à la
personne divine du Fils de Dieu. Face à elle S. Cyrille d’Alexandrie et le troisième Concile
œcuménique réuni à Ephèse en 431 ont confessé que " le Verbe, en s’unissant dans sa
personne une chair animée par une âme rationnelle, est devenu homme " (DS 250).
L’humanité du Christ n’a d’autre sujet que la personne divine du Fils de Dieu qui l’a
assumée et faite sienne dès sa conception. Pour cela le Concile d’Ephèse a proclamé en
69
GREISHMAN, J. L., op. cit..
71
431 que Marie est devenue en toute vérité Mère de Dieu par la conception humaine du
Fils de Dieu dans son sein : " Mère de Dieu, non parce que le Verbe de Dieu a tiré d’elle
sa nature divine, mais parce que c’est d’elle qu’il tient le corps sacré doté d’une âme
rationnelle, uni auquel en sa personne le Verbe est dit naître selon la chair " (DS 251)70.
70
CEC, n° 466.
71
SESBOÛE, op.cit., vol. I, p. 316.
72
Certes, la définition christologique de Chalcédoine est la plus célèbre de toutes les
définitions dogmatiques. C’est la clef de voute, la formule définitive de l’expression
ecclésiale de la foi au Christ.
Désormais, toute réflexion sur le Christ doit nécessairement se situer par rapport à
Chalcédoine. Dans son ensemble, la formule de Chalcédoine se réfère à la tradition de foi
venant de l’enseignement des prophètes, du Christ lui-même et des Symboles de foi
promulgués à Nicée, Constantinople et Ephèse. La formule est très bien articulée.
On peut apprécier chacune des parties de la confession de foi de Chalcédoine
que porte le Catéchisme au n° 467 :
a) Elle commence en affirmant l’unité concrète du Christ en mentionnant ses
titres : A la suite des saints Pères, nous enseignons unanimement à confesser
un seul et même Fils, notre Seigneur Jésus-Christ… ;
b) La seconde partie affirme la distinction et analyse les deux aspects divin et
humain du Christ :
le même parfait en divinité et parfait en humanité ;
le même vraiment Dieu et vraiment homme, composé d’une âme
rationnelle et d’un corps ;
consubstantiel au Père selon la divinité, consubstantiel à nous selon
l’humanité, " semblable à nous en tout, à l’exception du péché " (He 4,
15) ;
engendré du Père avant tout les siècles selon la divinité, et en ces
derniers jours, pour nous et pour notre salut, né de la Vierge Marie,
Mère de Dieu, selon l’humanité.
c) Pour terminer cette séquence sur la distinction entre nature divine et nature
humaine du Christ, la formule affirme à nouveau l’unité en reprenant les titres
qu’elle a cités au début : Un seul et même Christ, Seigneur, Fils unique, que
nous devons reconnaître en deux natures.
d) La formule chalcédonienne présente ici son plus grand apport, l’élément le plus
nouveau de la définition. Les Pères conciliaires se sont efforcés de concilier,
avec des concepts nouveaux, l’unité et la distinction dans le Christ. Autrement
dit, après l’union de la nature divine et de la nature humaine dans l’Incarnation,
le Christ est d’une part un et d’autre part en deux natures. Aussi faut-il
mentionner en lui deux natures après l’union : en deux natures, sans confusion,
sans changement, sans division, sans séparation. La différence des natures
73
n’est nullement supprimée par leur union, mais plutôt les propriétés de
chacune sont sauvegardées.
e) Pour conclure, la formule revient sur l’affirmation de l’union moyennant le
concept de personne et d’hypostase, compréhensible par les Latins et par les
Grecs, affirmant ainsi l’unité de personne dans le Christ : elles confluent en un
seul sujet et une seule personne72..
Revenons une fois de plus au mouvement interne à la formule de Chalcédoine. Il
part de l’unité en Jésus-Christ et à partir de cette unité, sans la perdre de vue, il analyse et
affirme la distinction pour revenir à l’unité comme le porte la formule résumée : une seule
hypostase ou personne en deux natures73.
Terminons en disant que le Concile de Chalcédoine affirme non seulement la
perfection de l’humanité de Jésus en tant que le Fils a assumé une humanité parfaite,
mais aussi sa parfaite solidarité avec nous, à l’exception du péché. Autrement dit, il
partage notre condition pour nous libérer du péché et nous communiquer la vie divine.
72
Ibid., p. 322.
73
Ibid., p. 323.
74
postérieure contribuera toutefois à en préciser le contenu et la portée de la perfection de
l’humanité du Christ qui, libre de tout péché, affecte toute l’humanité.
Le troisième Concile de Constantinople dut assumer des questions doctrinales
concernant l’activité et la volonté du Christ. C’est le récit de l’agonie de Jésus au jardin
des Oliviers qui se trouve au cœur des débats : Mon Père, s’il est possible, que cette
coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu
veux (Mt. 26, 39. Le débat porte sur un point important de l’anthropologie du Christ et sur
ses conséquences pour le salut de l’humanité.
La question de la parfaite humanité du Christ est soulevée par l’hérésie
monothélite. Elle soutenait que le Christ n’avait qu’une seule volonté. Le Patriarche Serge
de Constantinople cherchait des formules conciliantes pour attirer vers la communion des
groupes monophysites. Considérant le cas de l’agonie et de la Passion de Jésus, il conclut
que la volonté humaine du Christ n’aurait pas pu faire moins que de résister. Il propose
donc la formule qui affirme que dans le Christ, il y a un seul voulant et une seule volonté
en deux natures. Cette formule de Serge sera condamnée comme hérétique par
Constantinople III.
Pour lui, dans le Christ, il n’y a qu’une seule volonté dans sa réalité humano-divine.
La conséquence pour l’humanité de Jésus c’est la réduction de son humanité à un rôle
purement instrumental et extérieur. Sa nature humaine cesse d’être un principe vital
d’action et n’est qu’un objet que l’on meut. Autrement dit cette hérésie réduit la valeur de
la liberté et de l’obéissance humaine de Jésus. Il s’ensuit que le salut réalisé par le Christ
n’est plus le fruit d’un acte vraiment humain74.
L’hérésie monothélite sera condamnée par le Pape Jean IV en 641 tandis que
saint Maxime le Confesseur (580-662), moine originaire de Constantinople mais installé à
Carthage, défendra en Afrique la doctrine des deux volontés. Il affirmera :
Le Christ, en qui il y a les deux natures, possède ce qui est propre à chacune : la
volonté et l’opération divine et la volonté et l’opération humaine. Il n’y en a pas une qui
exclurait les deux, ni une autre en plus des deux ce qui donnerait trois opérations et trois
volontés75.
Il envisage l’acceptation de la Passion à partir de la volonté humaine du Christ.
Dans les paroles de Jésus : Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant,
que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne (Lc. 22, 42), saint Maxime ne voit ni
résistance, ni peur ni désaccord mais plutôt obéissance, courage et accord parfait.
74
Cf. SESBOÜE, op. cit., p. 341.
75
MAXIME LE CONFESSEUR, Ad catholicos per Siciliam constitutos : PG 91, 117 D.
75
Ce que le Père veut, c’est que le Fils boive le calice de la Passion pour nous
sauver. Cela, le Fils le veut également avec la même et unique volonté divine commune ;
il le veut aussi avec la volonté humaine qui lui appartient en propre. Pour Maxime le
Confesseur, l’œuvre de salut ne provient pas seulement de la volonté divine du Christ
mais aussi de sa volonté humaine.
Le Concile de Constantinople III, convoqué par l’empereur Constantin VI, dure du
7 septembre 680 au 16 septembre 681. Il comporte 18 sessions. Il condamne le
monothélisme. Il élabore une formule de foi. Il confirme l’enseignement de Maxime le
Confesseur qui affirmait que s’il y avait deux natures dans le Christ, il y avait par
conséquent deux volontés.
L’existence des deux volontés ne signifie en aucune manière opposition ou
désaccord. Dans le Christ, comme le dit le Concile de Chalcédoine, nature divine et nature
humaine sont unis dans l’unique personne du Christ sans confusion, sans changement,
sans division, sans séparation. De même, Constantinople III, utilisant ces mêmes termes
négatifs, affirme-t-il que le Christ, en assumant notre nature humaine, âme et corps,
assume une volonté humaine qu’il unit à la volonté divine. Elles sont unies mais non
confondues, distinctes, mais non séparés. La volonté humaine s’ajuste librement à la
volonté divine. Le concile souligne qu’en Jésus, la volonté humaine est en parfait accord
avec la volonté divine, puisque comme homme Jésus accepte et accomplit la volonté du
Père, qui est aussi la sienne en tant que Verbe.
Constantinople III est avant tout une interprétation décisive de Chalcédoine. On y
affirme que la volonté humaine du Verbe fait chair et son acceptation libre de sa Passion
rédemptrice en pleine harmonie avec la volonté divine. Elle met en lumière l’importance de
l’humanité de Jésus. Il a tout accompli dans l’obéissance à la volonté du Père
Si, à Chalcédoine, on a affirmé la perfection de l’humanité du Verbe,
Constantinople III, en insistant sur la perfection de l’humanité du Christ qui inclut la volonté
humaine, approfondit d’une manière nouvelle ce que signifie l’absence de péché dans le
Christ. Autrement dit, la volonté du Fils est identique à celle du Père. En sa volonté
humaine, distincte de la volonté divine mais qui lui est parfaitement soumise en tout
moment, Jésus obéit au Père. Il peut ainsi se livrer pleinement au Père pour nous, pour
notre salut.
76
Pistes de réflexion :
1) Dans cette Table, nous avons découvert comment deux natures existent en
une seule personne. Dans notre couple, comment faisons-nous pour que
cohabitent ensemble notre spiritualité individuelle et notre spiritualité
conjugale ?
2) Sommes-nous deux personnes marchant vers la sainteté ?
3) Comment marchons-nous ensemble sur ce chemin, et nous appuyons-nous
l’un sur l’autre ?
4) Les définitions conciliaires ont transmis l’enseignement de Jésus mais ont
été aussi cause de polémiques et de désaccords entre chrétiens. Quelle est
notre attitude face à ceux qui critiquent et attaquent l’Eglise Catholique ?
5) Quelles actions comptons-nous mener pour évangéliser ceux qui nous sont
les plus proches ?
77
TABLE 7
Le NT nous présente les diverses relations de Jésus. Ses parents, lorsqu’il était
enfant. Sa mère, le cercle des Douze, avec lesquels il entretient une relation de confiance,
lorsqu’il est adulte. Son amitié particulière avec la fratrie de Béthanie, notamment avec
Marie. Une autre relation très proche, c’est Marie-Madeleine qui vient à son tombeau
après sa résurrection.
Il y a aussi les foules : un peuple avec ses doutes, son désir de salut et de pardon.
S’en détachent ceux que le Christ secourt : le sourd-muet, le paralytique, l’aveugle, le
lépreux reconnaissant, l’hémorroïsse, les possédés. Il y a aussi ses nombreux adversaires
et parmi eux le pharisien peu hospitalier, ceux qui lui tendent un piège, le disciple qui le
trahit…
Jésus les aime tous également, y compris ses ennemis. Et il les aime jusqu’à la
mort. Son amour n’est pas un sentiment passager mais charité qui porte en elle de riches
et précieuses caractéristiques 77 . Il s’adresse aux gens avec un cœur ouvert, sans se
défiler ; il va à la rencontre de tous ceux qu’il aime (Mt. 11, 28) :
Il guérit, console, pardonne, nourrit, fait prendre du repos à ses intimes,
compatit avec ceux qui en ont besoin (Mt. 9, 36).
Il ne se dispute pas avec ses amis ; il les corrige mais ne choque pas par
des propos blessants (Mt. 20, 20-28).
Il se réjouit avec eux lors des moments heureux (Lc. 10, 21).
Il rejette leurs intentions peu ajustées (Mt. 16, 23).
Il n’attend rien des hommes ; il ne cherche pas à recevoir. Et, lorsqu’il
cherche de la consolation lors de l’agonie, il ne la trouve pas (Mt. 26, 40).
Il n’est pas compris par eux, mais c’est l’un des aspects de sa croix car
l’Esprit Saint qui leur ferait comprendre les choses n’est pas encore venu
(Jn. 12, 24).
Il les aime d’un amour surnaturel et pas pour leurs qualités humaines (Jn.
13, 14).
76
Cf. RIVERO, A. Jesucristo.
77
Publication du P. Antonio Rivero sur Catholic.net.
78
Il maintient de la distance avec ses amis car son monde est beaucoup plus
loin que le leur (Jn. 2, 25).
79
De chasser les démons du corps et de l’âme.
De guérir les malades du corps et de l’âme.
D’enseigner à garder tout ce qu’il leur a commandé, d’être fidèles à son
message.
De baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit pour faire de tous
les hommes des fils de Dieu.
80
Mais l’attitude de Jésus envers les pécheurs va plus loin :
Tous doivent se reconnaître pécheurs pour qu’il puisse s’en approcher et
leur apporter le salut (Mt. 9, 13).
Il n’a pas de ressentiment envers les puissants et ne fait pas de
discrimination, mais de l’intérêt pour les déshérités, d’où sa tendance à s’en
préoccuper davantage.
Jésus s’approche du pécheur mais n’approuve pas la faute commise. Il
reconnaît qu’on ne doit pas accepter le péché (Jn. 8, 11) aussi invite-t-il le
pécheur à la conversion.
Jésus ne préfère pas certains à d’autres. Il est venu chercher ce qui était
perdu. Son objectif, c’est l’homme quel qu’il soit et son salut (Lc. 7, 50).
Sa mort mène son attitude à son accomplissement : Ceci est mon sang, le sang
de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés (Mt 26, 28).
81
Jésus a de la compassion pour la personne malade. La guérison du corps va avec
le salut de l’âme. Jésus partage la mentalité de la communauté chrétienne qui voyait dans
la maladie une conséquence du péché. Aussi, son rôle de médecin des corps fait partie et
est le symbole de sa mission de rédempteur des âmes. La guérison physique est symbole
d’une vie nouvelle intérieure.
Face aux malades, Jésus :
Ressent de la compassion. Il accueille le malade et ne le rejette pas. S’il
s’approche, il s’en occupe. Il a toujours le cœur ouvert pour n’importe quel
malade (Lc. 7, 13).
Il voit plus loin. Derrière la douleur, il voit le péché, le mal, l’absence de
Dieu. La maladie et la douleur sont la conséquence du péché. Aussi, Jésus,
lorsqu’il guérit les malades, veut surtout guérir la blessure profonde du
péché. La guérison qu’il apporte procure au malade la proximité de Dieu :
c’est la venue du Royaume de Dieu dans le cœur du malade (Lc. 4, 18).
Il guérit si c’est la volonté du Père et si le malade s’approche de lui avec
humilité, confiance et foi. En le guérissant, il désire son bien intégral,
physique et spirituel.
Jésus ne reste pas à la frontière de la douleur. Il a voulu aussi prendre sur
lui la douleur, prendre sur lui nos souffrances. A ceux qui souffrent, il donne
l’exemple en souffrant avec eux.
Ainsi, Jésus allait et venait guérissant des hommes, guérissant des âmes,
guérissant des maladies et prêchant lorsqu’il guérissait. Les gens le suivaient en partie
parce qu’ils croyaient en lui, en partie parce qu’ils en espéraient la guérison. Lui ne
demandait rien d’autres qu’un changement de vie.
82
Jésus aime tous les hommes et les considère comme ses amis. Cet amour n’est
pas passager ou apparent. C’est un amour de charité, de don, d’ouverture, de désintérêt
et de joie partagés.
Mais il est vrai aussi que le Christ a eu des amis plus proches :
Jean, le disciple bien-aimé. Nous découvrons qu’avec cette amitié, Jésus a
partagé avec quelqu’un de manière spéciale, ses expériences intimes et
secrètes. C’est une amitié intime. La manifestation de cette amitié intime,
c’est l’Evangile écrit par Jean.
Trois de ses disciples : Pierre, Jacques et Jean. Avec cette amitié, nous
découvrons que Jésus cherche de la compagnie pour partager des
évènements, joyeux comme la Transfiguration (Mt. 17, 1-13) ou tristes
comme Gethsémani (Mt. 26, 37). C’est une amitié partagée.
La fratrie de Béthanie : Lazare, Marthe et Marie. Béthanie était un de ces
endroits où Jésus pouvait se reposer, où il ouvrait son cœur d'ami. Là, la
porte lui était toujours ouverte ; il se sentait à l'aise au milieu de gens qu'il
aimait et qui l'estimait. Avec eux, nous découvrons l'amitié de Jésus qui
répond à celle qu’on lui offre. Amitié marquée par la reconnaissance.
Jésus a eu des amis dans toutes les classes sociales et dans toutes les
professions ; des personnes bien situées socialement comme Nicodème ou Joseph
d’Arimathie et des mendiants comme Bartimée. Dans la plupart des villes et des villages, il
trouvait des personnes qui l’aimaient et que lui aimait aussi. Amis dont l’Evangile ne
mentionne pas toujours les noms mais dont l’existence se laisse entrevoir.
Dans les Evangiles, on mentionne ce qui est nécessaire pour être ami de Jésus :
Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande (Jn. 15, 14). Et ce qu’il nous
demande, c’est de nous aimer les uns les autres comme lui nous aime (Jn. 13, 14), de
prier et de veiller (Lc. 21, 36), d’être doux et humble de cœur (Mt. 11, 29), de prendre son
joug (Mt. 11, 29), d’être parfaits comme le Père céleste est parfait (Mt. 5, 48). Si nous
mettons en pratique ses commandements, nous serons ses amis.
Jésus ne veut pas d’amitiés de convenance, d’amis qui restent avec lui jusqu’à la
Cène, mais qui ensuite le laissent seul et fuient lorsque se profile l’ombre de la Croix (Mt.
26, 50). Il ne veut pas non plus d’amis qui profitent de lui pour avoir les meilleures places
au ciel (Mt. 20, 20-28). Il veut des amis humbles, pacifiques, au cœur pur et libre de toute
attache sensuelle. Il faut aimer Jésus avec un amour marqué par le don, le sacrifice, la
fidélité. Avec un amour qui se manifeste concrètement. Son divin Cœur s’approchera de
ceux qui pratiquent cet amour.
83
7. 5. Jésus devant ses ennemis
Durant sa vie terrestre, Jésus rencontra des gens qui ne voulaient pas accepter sa
mission de Sauveur. Il essaya toutefois de les convertir et de les attirer vers son divin
cœur, parfois avec des paroles douces, d’autres fois avec des paroles plus exigeantes.
Parfois, il a préféré le silence respectueux. Il est arrivé aussi qu’il leur réponde de manière
fine et intelligente. Il n’a pas pu mener tout le monde au Père car il a respecté leur liberté.
Mais il est venu pour le salut de tous. Jésus n’a considéré personne comme son ennemi. Il
a aimé tous ses ennemis et c’est aussi pour eux qu’il a versé son sang précieux. Ce sont
eux qui ne l’ont pas accepté, qui se sont considérés comme ses ennemis.
D’un point de vue religieux, l’ont considéré comme un ennemi et comme un
danger la plupart des scribes, des pharisiens et des grands-prêtres – mais pas tous -. Ce,
parce qu’il prétendait mener la loi à son accomplissement, parce qu’il rejetait certaines
interprétations qu’on en faisait, parce qu’il démasquait le légalisme et l’hypocrisie dans
leurs relations avec Dieu et avec les hommes.
Dans son chapitre 23, saint Matthieu note que les accusations du Christ sont
dirigées non contre les pharisiens en tant que tels, héritiers des prophètes ni contre leur
doctrine, vraiment élevée, mais contre leurs attitudes hypocrites et contre les formalités
extérieures auxquelles ils avaient réduit la religion.
D’un point de vue civil, le considéraient comme un ennemi Hérode le Grand, parce
qu’il croyait que le nouveau-né mettait son pouvoir en péril, et Pilate, à partir du moment
où Jésus lui fut présenté comme un rebelle, ennemi de l’empereur.
Certes, Jésus fustigea le légalisme et l’hypocrisie des scribes, des pharisiens et
des grands-prêtres. Il démasqua leur fausse religiosité et leur dureté de cœur. Il mit en
lumière la manière qu’ils avaient de déformer la volonté de Dieu, leur vanité et leur amour
des richesses. Il défendit sa mission divine etc. ils ne supportaient pas que Jésus dise :
Moi, je suis la vérité. Leur rejet du Christ ne fut pas honnête. Ils le rejetèrent à cause de ce
qu’il était, de son mode de vie singulier, de son enseignement spécifique et nouveau, d’un
enseignement inconnu jusque-là. C’est pourquoi Jésus leur a dit : Je suis venu au nom de
mon Père et vous ne m’avez pas reçu. Mais Jésus a accueilli celui qui s’est approché
humblement de lui, comme ce fut le cas pour Nicodème (Jn. 3, 1-15). Il a aussi fait l’éloge
du scribe qui avait répondu correctement (Lc. 10, 28).
La confiance du Christ en son Père attirait l’attention sur sa prétention. La vérité
du Christ contestait leur hypocrisie. Le désintéressement du Christ choquait les pharisiens
avares. L’humilité du Christ était quelque chose de difficile pour leur superbe et leur
84
orgueil. Beaucoup de choses dérangeait les pharisiens : sa sûreté, son amour des
pauvres et des pécheurs, son autorité, son aura, sa simplicité, sa distinction, sa sérénité,
la clarté de son regard…
Jésus respecte les responsables politiques. Il leur fait comprendre quelle est sa
mission, qu’il l’a reçue d’En-Haut. Il les met à leur place : César, à la place de César (Mc.
12, 17). Il tente de les ouvrir à la vérité de son message. Il arrive qu’il les excuse, comme
dans le cas de Pilate. Il ne se rabaisse pas en satisfaisant la curiosité malsaine d’Hérode.
Le véritable, l’unique ennemi de Jésus, c’est Satan. Il le combat fermement ainsi
que ses plans (Mc. 1, 12-13) car il cherche à le vaincre (Lc. 4, 1-13). La lutte contre Satan,
c’est la lutte contre le mal et les tentations de ce monde.
En général, Jésus a su affronter ses ennemis sans peur. Il a une position bien
définie, même si elle est incommode pour eux (Jn. 11, 14-16), polarisé qu’il est par la
mission que le Père lui a confiée et qui est de type surnaturel.
85
Jésus les guérit. Il guérit une fillette de douze ans (Mc. 5, 369) qu’il appelle
affectueusement Talitha, c’est-à-dire Ma petite fille. Il guérit la fille possédée
d’une femme païenne (Mt. 15, 21-28). Il guérit le fils unique d’une veuve (Lc.
7, 11-15). Il guérit le fils d’un officier royal (Jn. 4, 46-54).
Les enfants, de leur côté, aiment aussi Jésus. Ils courent derrière lui. Les enfants
ont un sixième sens : ils ne courraient pas derrière quelqu’un s’ils ne percevaient cette
mystérieuse attirance qu’est l’amour.
Aussi, Jésus demandera-t-il à tous de relever ce grand défi d’être fidèles à leur
enfance, de continuer à être comme des enfants (Mt. 18, 2-5). L’esprit d’enfance proposé
par Jésus n’est pas de l’infantilisme – synonyme d’immaturité, d’égoïsme et de caprice -.
C’est plutôt recouvrer l’innocence, la pureté intérieure, la limpidité du regard sur les
personnes et les choses, ce sourire sincère et cristallin, cette capacité de partage de ses
biens et de son temps.
86
Père : il nous fait participer à sa joie lorsqu’il retrouve un fils perdu (Lc. 15,
8-10).
En étant des épouses prévoyantes. La femme sort à la rencontre de son
époux avec l’huile de son amour et de la foi. Ainsi devons-nous agir envers
Dieu.
Par leur insistance. La femme est un modèle de foi : elle insiste jusqu’à
obtenir ce qu’elle veut (Lc. 18, 1-8).
Par son sens du service et sa générosité. Marthe et les saintes femmes qui
le suivaient, servaient Jésus avec délicatesse et amour, en mettant leurs
biens au service du Christ (Lc. 10, 38-42 ; 8, 1-3).
Par leur joie dans le sacrifice. Comme la mère qui donne le jour à son fils
(Jn. 16, 21).
Par leur humilité et leur discrétion. Comme la veuve qui met, dans le tronc
du Temple, tout ce qu’elle a pour vivre (Mc. 12, 41-44 ; Lc. 21, 1-4).
Par leur fine sensibilité. Marie répand le parfum le plus pur et de grande
valeur sur les pieds de Jésus (Jn. 12, 3).
Par leur fidélité dans les moments difficiles. Les femmes se trouvaient au
pied de la croix quand Jésus mourait (Jn. 19, 25).
A travers la condition féminine, on perçoit un reflet de l’Esprit de Dieu et sa force
comme force d’amour, lien de communion, foyer de vie, dynamisme de l’espérance,
certitude du triomphe de la vie sur la mort et de l’esprit sur la matière.
La femme est essentielle dans le Corps mystique du Christ à cause de sa féminité,
reflet de la nature sponsale de ce Corps par rapport au Christ sa Tête. L’Eglise est
l’épouse du Christ. Pour présenter l’Eglise, il nous faut d’abord regarder la femme, source
de tendresse féminine. On peut appliquer cela, de manière analogique, à l’Eglise du Christ.
Pistes de réflexion :
1. Jésus a choisi comme apôtres des hommes modestes avec leurs qualités et leurs
défauts. Il leur a confié la mission de transmettre sa vie, son enseignement et la foi.
Il nous a choisis, nous aussi, tels que nous sommes. Comment vivons-nous la
mission qu’il nous a confiée ? Comme chrétiens, époux, pères, frères, travailleurs ?
2. Jésus nous demande de rester fidèle à notre enfance. Non pour demeurer dans
l’immaturité mais pour cultiver l’innocence, la clarté du regard, la sincérité du
sourire ? Avons-nous réellement ce cœur d’enfant ? En quoi pouvons-nous nous
améliorer pour vivre l’esprit d’enfance ?
87
TABLE 8
Jusqu’à présent, nous avons parlé de Jésus. Mais ce Jésus avait une mère
comme chacun de nous. Et cette mère, c’est Marie.
La Vierge Marie est née à Nazareth. D’après la tradition, ses parents furent les
saints Joachim et Anne. Marie était de famille sacerdotale, descendante d’Aaron,
puisqu’Elisabeth, mère du Baptiste et épouse du prêtre Zacharie, était sa cousine (Lc. 1, 5.
36). Marie et Joseph étaient de condition modeste, mais riches en sainteté, en vertu. Ils
accomplissaient la Loi comme le prouve l’Evangile de Luc (1, 22-24).
On ne peut séparer Marie de Jésus. Il faut toujours la considérer en relation avec
Jésus. Tout ce que l’Eglise dit de Marie dépend, en dernière analyse, du fait qu’elle est la
mère de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme. Cela dépend aussi de la réflexion de
l’Eglise. Aussi, doit-on comprendre la Vierge Marie à partir de Jésus et de la vie de l’Eglise.
La Sainte Ecriture met en lumière les vérités les plus fondamentales que l’Eglise
reprend au sujet de Marie : le fait qu’elle soit Mère de Jésus et aussi Vierge ; le fait d’être
pleine de grâce et d’être une disciple qui a suivi son Fils. Et, comme telle, elle est pour
l’Eglise, mère et modèle.
En méditant un peu l’évangile, on peut voir les traits et la physionomie spirituelle
de Marie. C’est par le cœur que l’on peut comprendre cette femme et cette mère.
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Ecouter, c’est s’ouvrir à cette parole, c’est recevoir toute la pensée et la
profondeur qu’elle porte en elle. C’est ce que fit Marie. Elle écouta le plan de Dieu exposé
par l’ange ou par cette voix intérieure. Elle ne présenta pas d’abord son propre projet ni sa
propre décision. Elle n’écouta pas des sirènes qui l’invitaient à une vie plus facile et moins
compliquée.
Mais elle fit confiance à Dieu. Elle crut en lui. Marie avait un projet : garder la
virginité toute sa vie. Dieu, de son côté, avait le sien : que Marie soit la Mère de Dieu.
Comment unir l’un et l’autre ? Ce qui va les unir, c’est la foi de Marie. La foi de Marie a uni
ces deux pôles qui, humainement, était incompatibles. Elle serait en même temps vierge
et mère.
Cette étape est celle de l’amour. Comme l’écoute est primordiale pour la foi,
l’amour est la condition pour nous livrer à Dieu sans réserve. Il n’est pas vrai que l’amour
naisse toujours de la foi. Ce qui arrive le plus souvent, c’est que la foi trouve une plus
grande clarté dans un cœur qui aime déjà.
Marie n’a pas tout compris, mais elle a préféré s’abandonner humblement et
totalement au mystère proposé par Dieu, car il ne peut pas la décevoir, encore moins la
tromper : Je crois en toi qui est la Vérité suprême répandue dans le monde par les cinq
plaies sanglantes de ton Fils.
Aussi, devient-elle une créature libre et disponible pour que Dieu fasse son œuvre
merveilleuse. Comme le jardin d’Eden avait été le paradis de la création, la Vierge devient-
elle le paradis, le nouveau jardin d’Eden de l’Incarnation.
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narcissique…mais tout le contraire : il est rempli de compréhension, de bonté et de
douceur.
D’ordinaire, l’amour d’une mère est possessif. Marie, par contre, a aimé son Fils,
s’est consacré à son Fils sans chercher en lui les compensations que toute mère
recherche d’ordinaire. Elle s’est consacrée à son Fils sans ces imperfections propres à
certains tempéraments par lesquelles une mère manifeste son irritation, son impatience ou
un amour trop possessif. L’harmonie intérieure qui régnait dans l’âme de Marie était telle
que jamais Jésus ne s’est senti contrarié ou déçu par la conduite de sa mère.
L’amour de Marie pour le Christ fut pur et désintéressé. Elle ne profita jamais de la
position privilégiée de son Fils comme voulurent le faire les disciples qui se disputaient les
meilleures places, au côté de ce roi. Elle savait que son Fils était venu pour les hommes et
elle ne garda pas cela jalousement pour elle seule. Certes, elle se sacrifiait pour lui, mais
de manière désintéressée, consciente que, bien que ce soit son Fils, il ne lui appartenait
pas. Il serait le Sauveur du peuple.
Tout ce dont nous avons parlé jusqu’à présent – du fait que son amour n’était pas
égoïste, possessif ou intéressé – ne veut pas dire qu’elle n’ait pas aimé Jésus d’un amour
réel. Autrement dit : elle a tout donné à son Fils – sa foi, sa confiance, son amour, son
corps -. L’hérédité physique lui venait de sa mère. Jésus avait les traits physiques de
Marie.
La grâce avait transformé l’amour maternel de Marie en charité théologale car le
terme de son amour, c’était directement Dieu en la personne de son Fils. Nous aussi nous
devons aimer Dieu à travers le prochain. Au point que Dieu considère que ce que nous
faisons pour le prochain, c’est à lui que nous le faisons.
Bien évidemment, Dieu accorde la charité à tous ceux qui lui ouvrent librement
leur âme. Mais, pour Marie, ça a été sous la forme de l’amour maternel. Son amour
maternel s’identifiait avec la charité théologale. Les autres mères aiment Dieu et leurs
enfants avec des amours différents. Marie aimait Dieu et son Fils d’un amour unique et
identique.
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de mort. Il en fut bien ainsi. Un mois plus tard Marie et Joseph se mirent en route vers
Jérusalem pour offrir à Dieu cet enfant premier-né. Les premiers-nés appartenaient à Dieu.
En rigueur de termes, ils auraient du consacrer toute leur vie au service de Dieu. Mais, en
réalité, ce sont les membres de la tribu de Lévi qui assureront ce service en représentant
les premiers-nés de toutes les tribus. Aussi, fallait-il racheter ces derniers.
Marie savait que bien qu’elle ait racheté son Fils avec une paire de tourterelles,
son Fils continuerait à appartenir totalement et absolument à Dieu. Il lui avait été confié,
mais il ne serait jamais à elle. Marie se détacha de cet enfant chéri. Le détachement n’est
pas chose facile. C’est très dur.
Le détachement ne consiste pas en une séparation matérielle, effective des
choses et des créatures. L’essence du détachement, c’est la séparation affective de tout
ce dont on se sert. Le détachement spirituel maintient le cœur libre de tout attachement.
Aussi, l’essence du détachement se trouve-t-il dans le détachement de ce que chacun de
nous est, de nos ambitions légitimes, de nos saints désirs, de nos préférences.
Jusqu’alors, tout a été jubilation, chant des anges, joie des bergers. Un enfant est
toujours une joie pour une mère, pour une famille, pour un foyer. Marie aurait aimé
retarder cette montée vers le Temple. Elle se mit toutefois en route. Elle prit avec elle son
trésor, son Fils bien-aimé, celui qui était tout pour elle, l’objet de sa joie profonde…Elle
l’amenait pour l’offrir à Dieu le Père et aux hommes. Il n’est pas à elle, il n’est pas pour elle,
il n’est pas là pour qu’elle en profite personnellement.
Marie l’amène au Temple. Son cœur saignait. Tout détachement est douloureux.
C’est comme enlever un pansement qui adhère à une blessure. Le détachement de la
Vierge fut douloureux. Comme avait été douloureux, pour Abraham, de se détacher
d’Isaac, son fils chéri.
Le détachement de Marie fut libre et motivé. Marie, conduite au Temple par
inspiration de l’Esprit pour y accomplir les prescriptions de la Loi, s’y rendit librement, sans
y être forcée. Elle montrait qu’elle était l’Immaculée, qu’elle n’était pas l’esclave de
passions, de l’égoïsme.
Lors de la Présentation au Temple, Marie livra totalement son Fils et s’en détacha
radicalement pour un motif théologal : elle le donnait au Père du Ciel dont elle l’avait reçu.
Elle le mettait à la disposition de tous les hommes, que les hommes apprécient ou non
cette offrande si onéreuse pour son cœur maternel.
Le vieillard Syméon fut prophétiquement cruel envers Marie. Pourquoi lui
annonce-t-il à l’avance ce qu’elle serait : la mère de quelqu’un qui serait pierre
d’achoppement qui ferait trébucher beaucoup d’égoïsmes, de plaisirs, d’orgueils, de
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superbes, de potentats, de rois. Son Fils serait signe de contradiction ! Son Fils serait
objet de scandale ! Pourquoi une épée ? Tout cela était dur à accepter. Et cette épée
commença petit à petit à transpercer le cœur de Marie. Au Calvaire, cette épée aura
transpercé totalement son cœur.
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Marie a formé la fine sensibilité et les nobles sentiments de Jésus. D’où est venu
au Christ cette fine sensibilité, sensible à la beauté de la nature, aux lys des champs, aux
oiseaux du ciel ? De sa Mère. Quand ils se promenaient, Marie a sûrement attiré son
attention sur les merveilles de la nature. Elle a dû s’arrêter et lui faire apprécier la beauté
de la création.
D’elle, il a appris la gratitude. Le Je te rends grâces, Père n’est-il pas l’écho de
l’hymne d’action de grâces que Marie entonnait chez elle à Nazareth ?
Et sa volonté, son endurance. D’elle Jésus a appris à accepter joyeusement le
plan de Dieu, cette force de caractère face au sacrifice : longue marche, exil, fuite en
Egypte, longue attente à Nazareth, commencement de son apostolat. D’elle il a appris à
supporter la pauvreté qui régnait à Nazareth, la ténacité face aux contradictions. Viennent
à l’esprit les souffrances et les injures supportées sur la croix, supportées avec la fermeté
d’un fils dont le cœur de la mère a été transpercé par le glaive de la douleur ! Le même
glaive devait transpercer mère et fils.
Par ailleurs Marie, tout comme la sœur de Marthe, s’asseyait aux pieds de son
Fils, remplissait son cœur du suc spirituel de ses paroles, approfondissait la connaissance
de son Fils, sans se laisser prendre par la monotonie de la vie. La routine a voulu aussi
l’affecter. Mais elle n’a jamais voulu s’accrocher à son Fils. Elle s’est ouverte à la
splendeur divine dont son Fils rayonnait. Elle reprenait tout ce qu’elle voyait et tout ce
qu’elle entendait de la part de son Fils. Son Fils était pour elle un Maître.
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se purifiait, s’affinait, mûrissait et se dilatait pour accueillir en son sein toute l’humanité
souffrante.
L’Annonciation unit la Divinité à Marie, avant la venue de son Fils ; le Calvaire unit
Marie à l’humanité rachetée jusqu’à la seconde venue de son propre Fils. Ainsi est-elle
devenue co-rédemptrice, unie à son Fils le Rédempteur.
Tous nous connaissons un Calvaire personnel, incommunicable, fécond, donné
par Dieu pour être co-rédempteur avec le Christ car s’il n’y a pas de sang versé, il n’y a
pas de rédemption (Hbx. 9, 22).
Les dernières caresses, lors de ce terrible jour du Vendredi Saint, furent celles de
Marie. Une fois descendu de la croix, avant d’être mis dans le tombeau, le corps inanimé
du Fils reposa sur le sein de sa Mère. C’est sûrement elle qui a dû terminer de clore ses
yeux entrouverts, qui a caressé ses blessures, qui a dû lisser et mettre la barbe en ordre
et essayer d’arranger ses cheveux enchevêtrés. Elle a contemplé, pour terminer, une de
ses blessures : celle de son côté.
Elle inclina la tête et ses lèvres se posèrent sur la poitrine de Jésus. Elle
embrassa le cœur de son Fils. Elle s’arrêta un moment pour l’entendre battre. C’était
inutile. Le cœur s’était arrêté. Elle continua à l’embrasser tandis qu’elle répétait ce qu’elle
savait, ce qu’elle avait toujours dit, ce qui constituait l’idéal de sa vie : Voici la servante du
Seigneur…. Car elle savait que si les lèvres et le cœur de son Fils étaient muets, sa
Parole, elle demeurait vivante.
Lorsque l’on perd un être cher, on souffre de solitude. Marie a connu la solitude
physique, cette absence de compagnie humaine à cause de la mort de son Fils. Comment,
avec quoi pourra-t-elle combler ce vide laissé par l’absence de son Fils ? Elle a connu la
solitude psychologique : elle a senti ou perçu que les personnes de son entourage
n’étaient pas d’accord avec elle, ne l’accompagnaient pas spirituellement, étaient loin
d’elle, ne partageaient ni sa foi ni son amour. Elle a vécu la solitude spirituelle : cette
solitude que l’âme expérimente face à Dieu, lorsqu’il semble que Dieu nous abandonne et
nous laisse seuls face à nos problèmes et à nos angoisses ; la solitude de celui qui sait
que lui seul et personne d’autre que lui ne doit répondre librement à Dieu. Elle a vécu la
solitude ascétique : ce climat intérieur qu’obtient l’âme comme fruit de l’effort personnel
pour prendre de la distance par rapport aux personnes, aux évènements, aux choses,
grâce au détachement, au recueillement et au sacrifice.
Pour conclure cette Table concernant Marie, il faut rappeler ce que le Concile
Vatican II recommande à tous les fidèles catholiques pour qu’ils puissent vivre une
authentique spiritualité mariale : Que les fidèles se souviennent en outre qu’une véritable
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dévotion ne consiste nullement dans un mouvement stérile et éphémère de la sensibilité,
pas plus que dans une vaine crédulité ; la vraie dévotion procède de la vraie foi, qui nous
conduit à reconnaître la dignité éminente de la Mère de Dieu, et nous pousse à aimer
cette Mère d’un amour filial, et à poursuivre l’imitation de ses vertus78 . L’imitation des
vertus de la Vierge est la véritable pierre de touche de la dévotion mariale. Il ne servirait à
rien, en effet, de visiter ses sanctuaires, de réciter des chapelets, de lui allumer des
cierges, de lui faire des promesses, de lui apporter des fleurs si on n’en venait pas à lui
ressembler.
De son côté, le Pape François rappelle à nouveau que Marie est l’étoile de
l’évangélisation en ce moment crucial de l’histoire de l’humanité. Il y a – note-t-il - un style
marial dans l’activité évangélisatrice de l’Église. Car, chaque fois que nous regardons
Marie nous voulons croire en la force révolutionnaire de la tendresse et de l’affection. En
elle, nous voyons que l’humilité et la tendresse ne sont pas les vertus des faibles, mais
des forts, qui n’ont pas besoin de maltraiter les autres pour se sentir importants. En la
regardant, nous découvrons que celle qui louait Dieu parce qu’« il a renversé les potentats
de leurs trônes » et « a renvoyé les riches les mains vides » (Lc 1, 52.53) est la même qui
nous donne de la chaleur maternelle dans notre quête de justice. C’est aussi elle qui «
conservait avec soi toutes ces choses, les méditant en son cœur » (Lc 2, 19). Marie sait
reconnaître les empreintes de l’Esprit de Dieu aussi bien dans les grands événements que
dans ceux qui apparaissent imperceptibles. Elle contemple le mystère de Dieu dans le
monde, dans l’histoire et dans la vie quotidienne de chacun de nous et de tous. Elle est
aussi bien la femme orante et laborieuse à Nazareth, que notre Notre-Dame de la
promptitude, celle qui part de son village pour aider les autres « en hâte » (cf. Lc 1, 39-45).
Cette dynamique de justice et de tendresse, de contemplation et de marche vers les
autres, est ce qui fait d’elle un modèle ecclésial pour l’évangélisation. Nous la supplions
afin que, par sa prière maternelle, elle nous aide pour que l’Église devienne une maison
pour beaucoup, une mère pour tous les peuples, et rende possible la naissance d’un
monde nouveau (EG. , n° 288).
78
Lumen Gentium, n° 67.
95
Pistes de réflexion :
1. Marie a écouté et accepté le plan de Dieu humblement et sans se poser de
question. Sommes-nous prêts à écouter ce que Dieu demande de nous ?
Sommes-nous toujours disposés à accepter sa volonté L’avons-nous
questionné ? quelle attitude améliorer en ce sens ?
2. Marie a orienté le cœur de son Fils à ne pas chercher les honneurs, les
ambitions, à ne pas se laisser attirer par les désirs terrestres. Elle l’a invité
à chercher l’humilité…Agissons-nous avec la même humilité, la même
compassion, la même sensibilité ? Notre cœur est-il tourné vers notre
couple ? Que nous proposons-nous pour suivre fidèlement l’enseignement
de Marie ?
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CONCLUSION
Comme nous l’avons vu, la structure de notre foi chrétienne se base sur
l’évènement-Jésus-Christ. C’est sur la mémoire de Jésus de Nazareth que se base la vie
chrétienne.
Tel est le chemin que nous avons pu parcourir lors de ce cours/auberge de
Christologie. Cela a été un chemin de retour vers le Christ, qui recouvre des lieux, des
faits et des activités essentielles de sa vie.
En revenant sur les chemins de Jésus, nous pouvons, sans doute, mieux le
connaître et réfléchir à la manière de mener notre vie pour être considérés comme des
disciples missionnaires de Jésus.
Dans cette brève conclusion, nous allons utiliser comme base de réflexion ce que
le Père Manuel Hurtado écrit sur Croire en Jésus-Christ, aujourd’hui79.
1- Revenir à Jésus
Paul nous invite à accomplir une tâche fondamentale : Souviens-toi de Jésus
Christ, ressuscité d’entre les morts (2 Tm. 2, 8). Donc, y-a-t-il une vie chrétienne sans se
souvenir de Jésus ? Pouvons-nous croire en Jésus-Christ sans faire mémoire chaque jour
de l’homme de Nazareth ?
Cette mémoire passe par le souvenir d’un chemin : le chemin emprunté par Jésus
avec ceux qui le suivaient avant Pâques. Si nous désirons revenir à Jésus, nous devons
emprunter ce chemin suivi par Jésus et ses disciples.
Comme communauté chrétienne, nous avons la responsabilité de maintenir
vivante la mémoire de Jésus-Christ. Cette mémoire inclut aussi la vie de l’Eglise.
79
HURTADO, M., « Crer em Jesus Cristo hoje », Revista Vida Pastoral, maio-junho de 2012, Ano 53, n° 284.
97
lors de l’évènement le plus difficile de son existence : celui de sa Passion et de sa mort.
Croire à la manière de Jésus, c’est croire à partir de notre intimité la plus profonde.
Croire à la manière de Jésus c’est se confier au Père qui nous guide lors des
moments de tentation, de souffrance et de Passion. Cette confiance au Père doit être
particulièrement présente lors des longs moments de notre prière personnelle où nous
reprendrons ces paroles d’abandon et de confiance : Père, entre tes mains je remets mon
esprit (Lc. 23, 46).
98
6 – Croire en Jésus-Christ, c’est croire qu’il est vivant, que Jésus est le
Vivant
L’affirmation que Jésus vit est fondamentale pour notre foi chrétienne. Il n’est pas
possible de croire en Jésus-Christ sans affirmer qu’il est le Vivant, qu’il vit pour toujours.
Telle est la raison de notre espérance. Le sens de cette affirmation, c’est que toute
inhumanité sera vaincue par la Vie de Jésus.
Grâce à l’évènement de la Résurrection, Jésus-Christ nous pousse à réaliser
quelles sont les possibilités de notre humanité et à ne pas regarder seulement nos
blessures. Nous ne pouvons pas chercher le Vivant parmi les morts, parmi les débris de
notre vie personnelle ou communautaire. Au contraire, nous devons marcher résolument
sur ce chemin privilégié, en compagnie de celui qui Vit avec et en nous.
En conclusion, la foi en Jésus-Christ ne se limite pas à la simple confession
doctrinale de sa divinité, ni non plus à la connaissance rationnelle et extérieure de sa
personne. Croire en Jésus-Christ aujourd’hui est une manière concrète de vivre comme
croyant, une manière concrète de suivre Jésus. C’est une façon d’être homme ou femme
à la manière de Jésus, en faisant nôtres les exigences de l’Evangile de Jésus-Christ. Telle
est notre foi, la foi fondamentale en Jésus-Christ.
99
BIBLIOGRAPHIE
100
GONZALEZ de CARDEDAL, O., Cristologia, Biblioteca de Autores Cristianos, Madrid,
2001.
RIVERO, A., Jesucristo – El mas hermoso de los hijos de los hombres, Credo
Ediciones, 2013.
KASPER, W., Jesus, el Cristo, 4a edicion, Ediciones Sigueme, Salamanca, 1982.
101