Décision Du CRD de l'ARMP
Décision Du CRD de l'ARMP
Décision Du CRD de l'ARMP
Par lettre mémoire en date du 21 mars 2011, enregistrée le 22 mars 2011 sous le numéro
183/11 au Secrétariat du CRD, le Collectif des Entrepreneurs de l’Environnement a introduit
un recours auprès du CRD pour dénoncer les critères d’évaluation contenus dans le Dossier
de préqualification portant sur le marché de collecte et de transport des déchets ménagers et
assimilés et le nettoiement des rues de la Région de Dakar.
SUR LA RECEVABILITE
Considérant que par lettre mémoire en date du 21 mars 2011, reçue le même jour, adressée
au Directeur général de l’ARMP, le Collectif des Entrepreneurs de l’Environnement a
dénoncé les clauses jugées discriminatoires contenues dans le dossier de préqualification
relatif au marché de collecte et de transport des déchets ménagers et assimilés et le
nettoiement des rues de la Région de Dakar ;
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Considérant que le Directeur général a saisi le Président de ladite dénonciation qui a été
enregistrée le 22 mars 2011 sous le numéro 183/11 au Secrétariat du CRD ;
Considérant qu’aux termes de l’article 20 du décret n° 2007-546 du 25 avril 2007 portant
organisation et fonctionnement de l’Autorité de Régulation des Marchés publics (ARMP), le
CRD est chargé de recevoir les dénonciations des irrégularités constatées par les parties
intéressées ou celles connues de toute autre personne avant, pendant et après la passation
ou l’exécution des marchés publics et délégations de service public ;
Que si ces faits caractérisent des violations de la réglementation relative à la passation des
marchés publics, le Président du Comité saisit, soit la Commission Litiges, soit le Comité en
formation disciplinaire, selon le cas ;
Qu’aux termes des dispositions combinées des articles 87 du décret n°2007-545 du 25 avril
2007 portant Code des Marchés publics modifié et 21 du décret n°2007-546 du 25 avril 2007
portant organisation et fonctionnement de l’ARMP, les décisions du CRD ont pour effet soit
de corriger la violation alléguée, soit d’empêcher que d’autres dommages soient causés aux
intérêts concernés ;
Considérant qu’en application des dispositions précitées, le CRD a ordonné la suspension
du marché par décision n° 034/11/ARMP/CRD du 24 mar s 2011 ;
Que la dénonciation n’étant soumise à aucun délai, il convient de déclarer le Président du
CRD recevable en sa saisine ;
LES FAITS
Dans le cadre de l’attribution des concessions de collecte, de transport des déchets
ménagers et assimilés et le nettoiement des rues de la Région de Dakar, l’Entente CADAK-
CAR, association mise en place par la communauté des agglomérations de Dakar et
Rufisque chargée de la mise en œuvre de cette mission, a lancé un avis d’appel d’offres
avec préqualification en huit (8) lots séparés dans les journaux suivants :
• Wal fadjri du 28 janvier 2011 suivi d’un avis rectificatif en date du 30 janvier 2011
précisant la date d’ouverture des plis au 7 mars 2011 en lieu et place du 7 mai
2011) ;
• Sud Quotidien du 31 janvier 2011 ;
• Sud Quotidien du 31 janvier 2011 suivi d’un avis rectificatif du 3 mars 2011 reportant
l’ouverture des plis au 23 mars 2011 ;
• Soleil du 31 janvier 2011 suivi d’un avis rectificatif du 3 mars 2011;
• La Gazette du 3 février 2011 ;
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• Le chiffre d’affaires moyen des trois dernières années de cinq cent millions
(500 000 000) de francs CFA par lot qui est requis est sans commune mesure avec le
découpage en huit (8) lots de l’appel d’offres qui, selon les requérants, est obsolète si
l’on se réfère à l’évolution démographique des différentes zones ;
• L’exigence d’une ligne de crédit de cent cinquante millions (150 000 000) de francs
CFA par lot est impossible à remplir avant l’attribution définitive du marché au motif
que la banque ne s’engage que sur la base d’un contrat signé ;
2) Sur la limitation du groupement :
La limitation à trois (3) du nombre d’entreprises qui souhaitent aller en groupement
écarte la plupart des concessionnaires qui évoluent actuellement dans le secteur ;
3) Sur les moyens matériels et humains :
• Les moyens matériels requis sont exagérés, notamment la mise à disposition par les
candidats de camions âgés de moins de sept (7) ans alors que les concessionnaires
qui évoluent actuellement dans le secteur disposent d’un parc de plus de deux cent
(200) camions dont l’âge moyen actuel dépasse dix (10) ans ; en outre, les
concessionnaires ont récemment étoffé leur parc roulant suite à des
recommandations de la CADAK-CAR datées du 27 décembre 2010 ;
• Les moyens humains demandés portant sur la mise à disposition d’un Ingénieur
technologue en génie civil ou urbain, de deux assistants techniques ayant le niveau
du DUT en génie civil ou urbain, d’un responsable logistique et d’un Chef de service
maintenance sont très exigeants ;
En conclusion, le Collectif des Entrepreneurs soutient que les moyens techniques, matériels
et financiers fixés n’ont pas tenu compte de la dimension de chaque lot, ce qui laisse
présager que l’objectif visé par l’Entente CADAK-CAR est d’exclure les entreprises
concessionnaires sans prendre en compte le « lourd investissement en moyens matériels et
humains déjà fait ainsi que la longue expérience de plus de vingt ans passée dans la gestion
des déchets ; la conséquence d’une pareille mesure va entrainer une perte d’environs mille
cinq cent (1500) emplois dans le secteur.
SUR LES MOTIFS DONNES PAR L’AUTORITE CONTRACTANTE
Par courrier en date du 29 mars 2011, la CADAK-CAR soutient d’une part que le découpage
en huit (8) zones correspond aux contours du découpage administratif tout en tenant compte
des spécificités urbaines, d’autre part, elle obéit à la nécessité de disposer de lots viables et
financièrement intéressants :
Sur les autres moyens développés par le Collectif, la CADAK-CAR déclare :
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Dans chaque lot du marché susnommé, il a été érigé un maximum de quinze (15) circuits
de collecte pour promouvoir la libre concurrence des vingt trois entreprises présentes
dans le dispositif actuel et éviter des ententes illicites ;
3) Sur les moyens matériels et humains :
• Le diagnostic du système actuel a permis de se rendre compte de la vétusté des
véhicules dont la plupart sont âgés de plus de vingt ans ; or l’objectif visé par ce
marché est de permettre un renouvellement du parc sur une durée de cinq ans ;
• En ce qui concerne le personnel clé, l’expérience exigée a été limitée à deux ans
pour accompagner la professionnalisation du secteur de gestion des déchets à
travers l’amélioration de la performance des concessionnaires dans la prise en
charge du service public et un encadrement efficace des deux cent (200) agents
de nettoiement opérant sur chaque lot du marché ;
In fine, le dossier de préqualification a fait l’objet d’une revue de la DCMP et reçu un avis
favorable de cette dernière.
Il résulte des faits et motifs ci-dessus exposés que le litige porte sur les critères jugés
discriminatoires du dossier de préqualification relatif au marché de collecte et de transport
des déchets ménagers et assimilés et le nettoiement des rues de la Région de Dakar et
l’absence de communication par la commission des marchés, du procès verbal d’ouverture
des plis.
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AU FOND
Considérant qu’à cet égard, les critères énoncés à la Partie B de la clause 14.1 des
Instructions particulières aux candidats (IPC), prévoient la mise à disposition sur chaque lot
du marché :
a) de dix (10) camions bennes tasseuses et de trois (3) polybennes âgés de moins de
sept (7) ans ;
b) d’un (1) Directeur d’exploitation de niveau ingénieur technologue, en génie civil,
urbain ou en environnement, de deux (2) assistants techniques de niveau DUT, d’un
(1) responsable logistique et d’un (1) Chef de service maintenance, titulaires d’un
DUT ou d’un BTS ;
Considérant qu’à cet égard, l’autorité contractante a déclaré avoir fixé à cinq (5) ans la durée
d’exécution de chaque lot du marché pour permettre a) une contractualisation formelle entre
le maître d’ouvrage et le concessionnaire pour sortir le secteur de l’informel dans lequel il est
installé depuis des années, b) aux futurs titulaires des marchés d’avoir la possibilité de lever
des fonds auprès des institutions financières sur une période garantissant l’amortissement
de ses équipements et d’assurer à cette fin les investissements requis ;
Considérant que pour ce faire, l’autorité contractante a demandé la mise à disposition de dix
(10) camions bennes tasseuses et de trois (3) polybennes pour assurer une bonne collecte
sur les quinze (15) circuits de collecte érigé sur chaque lot, ce qui reviendrait à multiplier
cette exigence en autant de lots sur lequel un candidat désire postuler ;
Considérant que l’autorité contractante n’a pas pris soin de moduler les moyens logistiques
nécessaires en fonction de l’étendue et de la complexité des différents circuits de collecte ;
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Que d’ailleurs, le cahier des charges n’imposent pas au stade actuel de la procédure la
possession de la logistique demandée, mais ouvre également pour le candidat la possibilité
de pouvoir se procurer (en location ou crédit-bail, par un accord d’achat ou d’autres moyens
commerciaux, ou dans le cadre d’un accord de sous-traitance approuvé), les matériels et
équipements essentiels, en bon état de marche, et démontrer qu’ils seront utilisables au
moment voulu dans le cadre du marché proposé, en référence aux dispositions de la clause
14.1 des Instructions générales aux candidats ;
Qu’à cet égard, l’exigence demandée en moyens logistiques revêt un caractère restrictif en
ce que d’une part, l’étendue des moyens exigés n’a pas tenu compte de la configuration de
chaque lot du marché , d’autre part, elle est en porta faux avec le décret n°2001-72 du 26
janvier 2001 qui autorise l’importation des véhicules à usage spéciaux autres que ceux
spécialement conçus pour le transport de personnes ou de marchandises lorsque leur âge
ne dépasse pas dix ans ;
Considérant que sur la mise à disposition du personnel clé, l’autorité contractante a exigé
cumulativement une expérience professionnelle générale d’au moins cinq (5) ans avec une
expérience similaire de deux (2) ans pour chaque expert ;
Considérant que pour garantir la crédibilité et la performance du système de nettoiement, il
est nécessaire de se doter d’un personnel adéquat compte tenu des enjeux liés aux
questions de salubrité et de santé publique qui pourraient découler de manquements lors de
l’exécution des prestations ;
Considérant cependant qu’au lieu de mettre au niveau de chaque lot, le même dispositif
humain, il est possible, pour des raisons d’économie, de moduler cette exigence en fonction
du nombre de lots sur lequel les candidats veulent soumissionner ;
Qu’à titre d’exemple, l’autorité contractante pouvait exiger la mise à disposition d’un seul
ingénieur lorsqu’on soumissionne sur deux lots du marché au lieu d’en avoir sur chaque lot
du marché sus nommé ;
Considérant que cette exigence est de nature soit à restreindre la compétition au détriment
des petites et moyennes entreprises qui évoluent actuellement dans le secteur, soit à les
maintenir perpétuellement dans les activités de sous traitance ;
Qu’il ya lieu par conséquent de constater que les dispositions de l’article 21 de la Directive
n°4/2005/CM/UEMOA portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des
marchés publics et des délégations de service public dans UEMOA exigeant des autorités
contractantes qu’elles ne prennent aucune disposition discriminatoire publique dans la
définition des capacités techniques requises, et celles des articles 16 et 21 de la loi
d’orientation relative à la promotion et au développement des Petites et Moyennes
Entreprises (PME) favorisant l’accès des PME aux marchés publics et aux outils de gestion
et de management modernes, ont été violées;
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Considérant toutefois que si un groupement d’entreprises doit comprendre un grand nombre
de membres conjointement ou solidairement responsables de l’exécution du marché et qu’en
cas de désistement ou de défaillance d’un ou de plusieurs membres clés, le risque d’une
mauvaise coordination ou de défaillance dans l’exécution des prestations encouru par le
Maître d’Ouvrage est accru ;
Considérant également que lorsqu’un groupement d’entreprises est conclu sur la base d’un
grand nombre de candidats, cette situation peut engendrer une collusion afin d’établir des
prix à des niveaux artificiels et non concurrentiels, privant l’autorité contractante des
avantages d’une concurrence saine, libre et ouverte ;
Considérant qu’à cet égard, en limitant à trois le nombre d’entreprises désireuses de former
un groupement, la CADAK- CAR s’est valablement conformée à la clause 20 des
Instructions générales aux candidats qui lui offre cette possibilité tout en évitant des
situations de non concurrence auxquelles elle pourrait être confrontée ;
3) Sur les moyens financiers :
Considérant que selon les dispositions combinées des clauses 10.1 et 12.1 des IPC, tout
candidat devra prouver respectivement par lot, la réalisation d’un chiffre d’affaires annuel
moyen de 500 millions pour les trois dernières années et démontrer qu’il peut se procurer ou
a, à sa disposition, des liquidités, actifs non grevés, ligne de crédit et autres moyens
financiers suffisants d’un montant de 150 millions de francs CFA pour faire face au besoin
de trésorerie lié à chaque lot du marché ;
Considérant que selon les indications de la clause 10.1 des IPC du dossier standard de pré
qualification, le chiffre d’affaires à exiger doit être compris entre 1,5 et 2 fois le montant du
chiffre d’affaires annuel estimé pour le marché proposé calculé sur la base d’une projection
linéaire du coût estimatif du Maître d’Ouvrage, y compris les provisions pour imprévus,
pendant la durée du marché ;
Considérant que selon la CADAK-CAR, le montant de cinq cent millions de francs exigé par
lot au titre du chiffre d’affaires moyen annuel des trois dernières années sur chaque lot a été
fixé en tenant compte du montant estimatif du lot le plus faible sur le plan financier, soit
495 000 000 X 1,5 = 742 500 000 FCA ;
Qu’il y a lieu de relever que bien que le montant exigé en termes de chiffres d’affaires est en
dessous du seuil exigé, l’autorité contractante aurait pu moduler cette exigence en fonction
du nombre de lots sur lesquels un soumissionnaire souhaite se porter candidat ;
Considérant également que cette exigence ne tient pas compte du système actuel mis en
place pour la collecte et la gestion des ordures, qui enlève la responsabilité du paiement de
la main d’œuvre aux concessionnaires, ou du moins, à ceux évoluant dans les zones autres
que Dakar Plateau et que, par conséquent, les concessionnaires locaux, dans le cadre de
l’exécution des marchés de collecte actuellement en vigueur, ne peuvent remplir ce critère ;
qu’au contraire, ce critère serait plutôt à l’avantage des entreprises non communautaires ;
Considérant que sur le critère relatif à la disponibilité d’une ligne de crédit de cent cinquante
millions de francs sur chaque lot du marché, l’autorité contractante l’a établi de façon linéaire
sans pour autant prendre en compte les dispositions de l’article 21 de la Directive
n°4/2005/CM/UEMOA portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des
marchés publics et des délégations de service public dans l’UEMOA et des articles 16 et 21
de la loi d’orientation relative à la promotion et au développement des Petites et Moyennes
Entreprises (PME) favorisant l’accès des PME aux marchés publics et aux outils de gestion
et de management modernes ;
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4) Sur l’absence de transmission aux candidats du procès verbal d’ouverture des
plis :
Considérant que selon les dispositions de l’article 67.4 du Code des Marchés publics
modifié, la commission des marchés est tenue de transmettre à tous les candidats dès la fin
des opérations d’ouverture des plis, toutes les informations consignées dans un procès
verbal signé par les membres de la commission des marchés présents ;
Considérant que cette formalité n’a pas été satisfaite par la commission des marchés;
Que dès lors, elle n’a pas respecté les formalités de publicité prescrites à l’article 24
nouveau du Code des Obligations de l’Administration modifié, ce qui a pour conséquence la
nullité de la procédure de passation ;
DECIDE :
3) Dit qu’il n’est pas pertinent de mettre au niveau de chaque lot, le même dispositif
humain ; que tout au contraire, l’autorité contractante doit moduler, pour des raisons
d’économie, cette exigence en fonction du nombre de lots auxquels les candidats
veulent soumissionner ; qu’à cet égard,
6) Dit que les montants exigés sur le critère du chiffre d’affaires et de la ligne de crédit
peuvent être modulés pour prendre en charge les capacités de PME qui évoluent
actuellement dans le système de collecte des ordures ;
7) Constate que la commission des marchés n’a pas transmis aux candidats le procès
verbal d’ouverture des plis comme exigé à l’article 67.4 du Code des Marchés publics
modifié ; à cet égard,
8) Dit que les formalités de publicité prescrites à l’article 24 nouveau du Code des
Obligations de l’Administration modifié, n’ont pas été respectées ;
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10) Dit que le Directeur Général de l’ARMP est chargé de notifier au Collectif des
concessionnaires, à la CADAK CAR ainsi qu’à la DCMP, la présente décision qui
sera publiée.
Le Président
Abdoulaye SYLLA