POLIS Vol 20 - N°1 & 2
POLIS Vol 20 - N°1 & 2
POLIS Vol 20 - N°1 & 2
20
20
1996-2016
P
Numéros 1 & 2
2015 - 2016
olis
polis a 20 ans
Dynamiques et dissonances de
la lutte contre Boko Haram
Commémorations comme
espaces de subjectivation
I.S.B.N. 9956-18-000-9
La revue Polis est hébergée en France par Sciences Po Bordeaux sur le site :
www.polis.sciencespobordeaux.fr
Protocole de rédaction
Forme : Les articles ne doivent pas dépasser 35 pages à interlignes 1,5.
Langues : Français et Anglais
Résumé : Les articles doivent être accompagnés d'un résumé d'environ 200 mots. L'auteur
indiquera son nom, son titre académique ou professionnel.
Présentation : Envoyer l'original saisi à interligne 1,5 en y incluant le support magnétique (Email,
CDROM, clé USB), avec les références complètes. Les notes de bas de page doivent être numérotées
de façon continue.
Présentation 1
Résumés 5
Aïcha Pemboura
Les configurations de la culture stratégique Camerounaise : Essai de 11
caractérisation
Nadine Machikou
Les commémorations comme espace de subjectivation : la Journée
Internationale de la Femme et l’affirmation de soi 39
Claude Abé
Construction et dé (re) composition de la nation en postcolonie :
discontinuités et continuités des trajectoires et figures du vivre ensemble 71
au Cameroun
Alawadi Zelao,
Les usages sociopolitiques de l’agro-industrie au Cameroun : dynamiques
et réalités dans l’exploitation du Coton 75
Antang Yamo
Les hommages au Dr. HDR Yves Alexandre Chouala (1968-2015) : la
reconnaissance d’un universitaire brillant et d’un diplomate compétent 129
par
Patrice Bigombe Logo,
GRAPS/Université de Yaoundé II
et
Yves-Paul Mandjem,
IRIC/GRAPS/Université de Yaoundé II
Par cette production scientifique, Yves Alexandre Chouala aura été un politiste
brillant et prolixe. Sa dense et fructueuse carrière de diplomate n’a pas constitué
un handicap au plein exercice de son métier de politiste et d’enseignant-
chercheur. Au contraire, elle aura été une formidable opportunité d’édification de
l’homme de science. Après une brillante maîtrise en philosophie, option
philosophie comparée, obtenue à l’Université de Yaoundé I, Yves Alexandre
Chouala soutient, de manière successive, et sous la direction du Pr. Luc
Sindjoun, deux thèses de doctorat et une habilitation à diriger les recherches à
l’Université de Yaoundé II au Cameroun.
Ces travaux académiques de référence vont être complétés par des chapitres
dans des livres édités au Cameroun et à l’étranger, par de nombreux articles
publiés dans des revues spécialisées comme la Revue Camerounaise d’Etudes
Internationales, la Revue Politique et Sociétés, la Revue Juridique et Politique des
Etats Francophones, Le Bulletin de l’APAD, L’Annuaire Français des Relations
Internationales, la Revue Défense Nationale, la Revue Juridique et Politique du
Monde Francophone, la Revue Etudes Internationales, la Revue Internationale de
Sociologie, la Revue Politique Africaine et la Revue Enjeux. Bulletin d’Analyses
Géopolitiques pour l’Afrique Centrale et un ouvrage publié en 2014, soit un an
avant sa mort, aux Editions Karthala à Paris, sous le titre La Politique
Extérieure du Cameroun : doctrine, acteurs, processus et dynamiques régionales.
Prof Mandjem
Le maintien de la paix en Afrique : essai d’analyse politiste du procès
de l’africanisation de la gestion des conflits africains
Le maintien de la paix en Afrique est régi aujourd’hui par deux formes de
subsidiarité complémentaires et hiérarchisés : la subsidiarité de premier
niveau entre l’Organisation des Nations Unies et l’Union Africaine et la
subsidiarité de second niveau entre l’Union Africaine et les Communautés
économiques régionales. Cette configuration de la subsidiarité donne une
orientation pour l’exercice des compétences concurrentes dans la construction
d’un leadership africain en matière de maintien de la paix. Cette réflexion
montre que la participation des organisations régionales africaines au
maintien de la paix en Afrique sous le prisme de l’africanisation de la gestion
de conflits ne peut faire l’économie du processus décisionnel en matière de
maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Aïcha Pemboura
Les configurations de la culture stratégique Camerounaise : Essai de
caractérisation
La question de la culture stratégique met au goût du jour la prééminence de
l’environnement culturel dans la détermination des choix stratégiques d’un
pays en matière de politique étrangère et de défense. Cet article présente les
trajectoires de la culture stratégique camerounaise. Il montre que la culture
stratégique camerounaise oscille entre domination interne d’une élite civile et
contraintes internationales. Il vise à comprendre le comportement du
Cameroun en matière de politique étrangère et de défense et à cerner les
Nadine Machikou
Les commémorations comme espace de subjectivation : la Journée
Internationale de la Femme et l’affirmation de soi
Les formes et pratiques instituées de célébration de la journée internationale
de la femme au Cameroun érigent la commémoration en espace de
subjectivation. Elles sont exemplaires de logiques de disciplinarisation dans
la mesure où elles donnent à voir le contrôle de la société sur la femme, dans
les corps et les esprits. L’émancipation et l’affirmation de soi constituent à cet
égard un horizon lointain.
Claude Abé
Construction et dé (re) composition de la nation en postcolonie :
discontinuités et continuités des trajectoires et figures du vivre ensemble
au Cameroun
Les constructions nationales empruntent généralement deux voies :
celle dans laquelle le sentiment affectif naît de l’attachement d’un
ensemble d’individus à un territoire et la seconde où le sentiment
d’appartenance à une même nation naît de la revendication d’une
histoire commune. Cette réflexion interroge l’expérience et la pratique
camerounaise à la lumière de cette théorie. Elle montre qu’en
définitive, la nation est une construction processuelle permanente
Alawadi Zelao,
Les usages sociopolitiques de l’agro-industrie au Cameroun :
dynamiques et réalités dans l’exploitation du Coton
L’agro-industrie est un instrument stratégique de développement économique,
technologique et industriel des pays africains. C’est en effet au lendemain des
indépendances que les Etats de l’Afrique noire ont créé et mis en place les
sociétés agro-industrielles qui symbolisent l’innovation des politiques agricoles
dans les ex-colonies. Les sociétés agro-industries ont été installées à l’intérieur
des pays en raison des potentialités agricoles de chaque région. C’est ainsi que le
coton fut introduit dans la partie septentrionale du Cameroun. Pendant
longtemps, en effet, c’est sous la tutelle de la Compagnie française pour le
développement des fibres textiles (CFDT) que l’implémentation et
l’expérimentation de la culture cotonnière vont s’opérer au Nord-Cameroun. En
1974 est créée la Société de développement du coton (Sodecoton), entreprise
nationale en charge du secteur cotonnier au Cameroun. Cette réflexion analyse
le contexte socio-historique qui a présidé à l’avènement de la culture cotonnière
dans la partie septentrionale du pays de même qu’elle procède à un examen
minutieux de l’instrumentalisation sociopolitique de la Sodecoton par les groupes
bureaucratiques et sociaux à l’échelle nationale et locale. A l’observation
empirique, l’agro-industrie cotonnière se présente dès lors, et ce depuis sa
création, comme une véritable arène où des logiques et des pratiques d’acteurs
alimentent à la fois des ruses d’accumulation, des luttes entre groupes
idéologiques et des scènes de conflictualités adossées à des rationalités en procès.
La gestion de l’agro-industrie en contexte postcolonial est loin d’échapper à la
culture de captation prédatrice des ressources publiques.
Delmas Tsafack
L’Union Africaine et le maintien de la paix en Afrique : Bilan d’une
décennie d’intervention
Depuis la fin de la bipolarisation, l’Afrique est le théâtre de plusieurs conflits.
Ceci a accentué la nécessité d’une politique africaine de règlement des conflits.
Le passage de l’OUA à l’Union Africaine en 2002 s’est accompagné d’un
renouvellement des principes de vision et d’action de l’organisation continentale
en matière de paix et de sécurité. Pour palier aux insuffisances de l’OUA, l’UA a,
en 2003, renforcé son dispositif institutionnel et normatif en matière de maintien
de la paix. L’Union Africaine apparaît désormais comme porteuse d’une nouvelle
manière de voir et d’agir dans le domaine de l’action contre les conflits. Pour ce
qui est de la sécurité collective, elle procède à une redéfinition de la notion en
l’élargissant à des nouvelles dimensions. Cet article a pour objet de présenter le
rôle joué par l’UA dans la mise sur pied des stratégies de résolution des conflits
en Afrique. Il voudrait aussi montrer qu’en une décennie d’existence seulement,
malgré quelques difficultés, l’Union Africaine a enregistré des avancées
remarquables dans la gestion des conflits en Afrique. L’article conclut que cette
organisation peut être considérée comme un partenaire sérieux dans la
résolution des crises qui minent le continent.
par
Yves Alexandre Chouala (+),
GRAPS-IRIC, Université de Yaoundé II
Le moins que l’on puisse dire est que Boko Haram est la partie la plus visible de
l’iceberg conflictuel dont le Nord Est du Nigeria apparaît comme l’épicentre14. La
secte combattante constitue en effet une véritable figure métonymique du
« complexe conflictuel régional » qui caractérise la région médiane de l’Afrique.
Avec un enracinement local dans le Nord Est du Nigeria, Boko Haram est
progressivement devenu un facteur d’insécurité régionale du fait d’un spill over,
d’un débordement sur les territoires des Etats voisins du Nigeria15. Il s’est
également affirmé comme une menace à la sécurité internationale du fait de son
intégration dans les réseaux internationaux du jihadisme terroriste16. Boko
Haram apparaît ainsi comme un phénomène criminel transnational pouvant
être abordé sous la perspective d’une « configuration/formation conflictuelle
régionale » ; d’un « complexe conflictuel régional » défini comme un « ensemble de
conflits transnationaux dont les liens se renforcent mutuellement au sein d’une
région donnée, ce qui aboutit à des conflits plus longs et plus difficiles à
résoudre »17.
Boko Haram s’inscrit par son idéologie18 et son mode opératoire dans un
véritable « continuum conflictuel ». Il s’agit d’une insertion géographique à
travers l’unification criminelle des territoires du pourtour du Nigeria par les
combattants boko-haramistes. Il s’agit aussi d’une insertion opératoire de par
son enchevêtrement et son entrelacement avec d’autres logiques et champs
conflictuels de la région19. Dans sa dynamique de spill over géographique, deux
logiques principales accompagnent la régionalisation de Boko Haram,
notamment les logiques de replis et de sanctuarisation et d’autre part les
logiques de ravitaillement20. Autrement dit, le Cameroun, le Niger et d’autres
pays frontaliers du Nigeria comme le Bénin, le Tchad et la RCA qui subissent les
assauts de ce groupe combattant ne constituent pas à proprement parler des
cibles objectifs de son action en raison de l’agenda essentiellement interne du
mouvement21. Les territoires camerounais et nigériens plus particulièrement
sont investis par Boko Haram comme des zones stratégiques de repli tactique
face aux représailles de l’armée nigériane. Les territoires de ces deux Etats sont
également des zones de réorganisation des offensives et contre offensives des
combattants de Boko Haram. En tout cas la logique est ici celle de la
Le complexe conflictuel régional dans lequel Boko Haram émerge est marqué
par une complexification croissante des répertoires de l’action criminelle. Ce
répertoire est principalement marqué par le trafic de drogue qui apparaît comme
l’une des activités de criminalité transfrontalière les plus lucratives dans
l’ensemble de la région qui forme le pourtour du Nigeria. La circulation et le
trafic illicite des armes à feu de part et d’autre des frontières nationales des pays
du champ opératoire de Boko Haram constituent une autre activité criminelle
éminemment prospère et lucrative. L’ampleur de cette circulation est d’autant
plus importante qu’il s’agit d’une une zone troublée par de nombreux conflits à la
fois internes et transnationalisés. Les embuscades le long des axes routiers plus
connues sous le phénomène des « coupeurs de route »23occupent une place de
choix dans les dynamiques de criminalité transnationale dans lesquelles se
greffent les actions de Boko Haram. Les « coupeurs de route » sont des
associations de bandits opérant à la lisière des territoires frontaliers et
spécialisés dans l’attaque des véhicules privés ou de transport en commun, le vol
du bétail ou le dépouillement des villageois. Les cibles d’attaque intègrent
également les hommes d’affaires, les postes de douane et de gendarmerie. A ces
formes classiques, il convient d’ajouter les tendances émergentes mais très
lucratives de criminalité transfrontalière comme le trafic des migrants et la
traite des êtres humains. Il s’agit d’une forme de criminalité qui émerge
progressivement en Afrique occidentale et centrale et qui touche la zone
frontalière Cameroun-Nigeria compte tenu de sa position de zone de contact
entre les deux régions. Ce trafic concerne les individus qui sont vendus dans les
marchés régionaux de main d’œuvre, dans les établissements d’endoctrinement
religieux et de fabrication des extrémistes susceptibles de se transformer en
combattants de la foi ou encore dans les réseaux de l’immigration internationale
illicite. Comme autres cibles importantes de ce trafic, l’on a les enfants et les
jeunes filles qui sont par la suite réduits à des pratiques dégradantes comme le
travail forcé, la servitude domestique, la mendicité des enfants ou le trafic de
leurs organes. La prise d’otages est sans doute la forme de criminalité
transfrontalière la plus récente connue dans la région24. Elle consiste en un rapt
d’individus par des groupes de criminels et qui exigent par la suite de fortes
rançons contre leur libération. Au départ orientée vers les enlèvements des
enfants de certains ménages à la lisière de la frontière, cette prise d’otages s’est
ensuite dirigée vers la capture des personnalités étrangères dans l’optique de
renchérir le coût des rançons. On peut enfin, last but not least, mentionner le
trafic des espèces sauvages (criminalité environnementale/faunique),
l’exploitation illicite de l’environnement notamment le trafic des espèces
sauvages et menacées d’extinction et par conséquent protégées et le trafic du
bois. C’est dans ce répertoire complexe que Boko Haram évolue en passant d’un
répertoire à un autre au gré des conjonctures et des opportunités de gains.
On est en partie ici dans ce que Roland Marchal et Christine Messiant appellent
un « système de guerre »25 qui se structure « lorsque des conflits violents,
résultats des dynamiques nationales distinctes, liés à différents acteurs,
modalités et problématiques s’influencent mutuellement, brouillant les
frontières spatiales, politiques et sociales qui les distinguaient initialement »26.
En effet, la frontière entre Boko Haram et le « banditisme transnational » animé
par « les coupeurs de route » est largement brouillée. Il en est de même de sa
démarcation avec « les mondes rebelles » de l’Afrique centrale et occidentale à
l’instar des groupes politico-militaires qui tentent de conquérir le pouvoir
politique.
pour ainsi dire, des destinées sécuritaires singulières. La sécurité apparaît ici
comme un bien non-exclusif que les Etats ont nécessairement en partage. Car les
dispositifs et les politiques sécuritaires d’un Etat bénéficient automatiquement
aux autres. En tout cas, dans le cadre d’une interdépendance sécuritaire avérée,
la sécurité ne peut se construire que dans un cadre régional, dans la perspective
d’un complexe de sécurité (1) d’une part et d’un ordre régional sécuritaire d’autre
part (2).
Le spill over conflictuel porté par Boko Haram sort la question sécuritaire du
cadre stato-national pour l’inscrire dans l’interdépendance. Comme on le voit
bien avec le Nigeria, faire cavalier seul dans la lutte contre Boko Haram
apparaît comme un véritable travail de Sisyphe compte tenu de l’ancrage
transnational du mouvement. L’on semble assister ici à l’avènement de la
sécurité post-nationale ; à la fin du mythe de l’Etat-sécuritaire monopolisant les
moyens de la violence organisée par l’élimination systématique des groupes
concurrentiels sur le terrain de l’administration de la violence organisée27. La
sécurité dans un contexte de régionalisation des dynamiques d’insécurité
s’inscrit dans ce commun régional que constitue l’insécurité. D’où la perspective
du « complexe de sécurité » comme cadre contraignant dans lequel doit se mettre
en œuvre la stratégie sécuritaire commune28.
Forgé par Barry Buzan en 1983, le « complexe de sécurité »29 renvoie à une
région qui fait face à des problèmes de sécurité communs de telle sorte que la
résolution de ces problèmes appelle l’implication de la communauté toute
entière30. Ici, « la sécurité s’inscrit dans des régions géographiquement et
socialement construites »31 et « l’interdépendance sécuritaire est plus intense
entre les acteurs au sein d’une même région qu’entre les régions »32. Le Nigeria,
le Cameroun, le Niger, le Tchad, le Bénin et la République Centrafricaine font
face, avec cependant des degrés d’affectation divers, à des problèmes de sécurité
communs, à savoir, le terrorisme lié à Boko Haram et le crime organisé
transfrontalier qui font en sorte que chacun de ces pays ne peut valablement
faire face tout seul à ces problèmes sans le soutien et surtout la participation
active des autres. On a ainsi vu que la traque des combattants de Boko Haram
par le Nigeria sans la participation du Cameroun ne pouvait aboutir à une
éradication de ce mouvement. Il en est également du Cameroun dont les efforts
de contention des adeptes et combattants de Boko Haram sont sérieusement mis
à mal par la mollesse observée du côté du Nigeria. Cette situation montre bien
que l’on est ici en présence d’un « complexe de sécurité » défini par Bary Buzan
comme « un ensemble d’unités dont les processus majeurs de sécuritisation,
désécuritisation ou les deux sont si inter-reliés que leurs problématiques ne
peuvent raisonnablement pas être analysés indépendamment les uns des
autres »33.
La stratégie régionale de lutte contre l’insécurité liée à Boko Haram est un cadre
d’institutionnalisation de la coopération sécuritaire entre le Nigeria et ses voisins
dans un contexte marqué par un double complexe : un complexe conflictuel et un
complexe de sécurité. Le complexe conflictuel, convient-il de le rappeler, renvoie
à une situation d’imbrication, d’entrelacement, d’emboîtement et d’inextricabilité
conflictuelle tandis que le complexe de sécurité désigne une situation de sécurité
relationnelle dans le cadre d’une configuration régionale donnée. Comme le
souligne Barry Buzan, la sécurité est un phénomène relationnel. Parce qu’elle
est relationnelle, l’on ne peut comprendre la sécurité d’un Etat donné sans
comprendre le modèle international de l’interdépendance sécuritaire dans lequel
elle s’intègre40. Le site institutionnel d’hébergement de la stratégie régionale est
la Commission du Bassin du Lac Tchad, cadre de la gestion concertée des
questions d’intérêt commun aux pays membres. Dans cette situation spécifique
où la Commission du Bassin du Lac Tchad n’apparaît que comme un simple
réceptacle d’un projet géostratégique conçu ailleurs, la question de sa mise en
œuvre efficiente se pose.
La nature de la stratégie régionale de lutte contre Boko Haram reste sans doute
à asseoir. Bien que de manière générale, la stratégie renvoie à l’organisation
générale de la défense de l’Etat et à son rapport avec le politique, il reste à voir,
dans un cadre multilatéral marqué des cultures stratégiques et des visions
différentes de la menace liée à Boko Haram, comment va se définir une stratégie
La stratégie régionale est née du Sommet de Paris du 17 mai 2014. Elle est donc
à la fois le fruit d’une concertation et d’une négociation. Elle est nécessairement
temporaire car mise sur pied pour faire face à une menace précise ; celle
notamment de Boko Haram. Les Etats qui participent à cette stratégie sont des
acteurs rationnels à la recherche de la maximisation de leurs gains sécuritaires ;
de sorte que c’est la recherche de ces gains et avantages sécuritaires qui est à
l’origine de la participation des Etats à la stratégie : « c’est pour obtenir
davantage de bénéfices que s’ils s’agissaient seuls ou dans une autre coalition
que des acteurs à former une coalition victorieuse »42.
En tant que coalition, la stratégie régionale peut donc être considérée comme
renvoyant à une alliance. « On peut en effet, souligne Vincent Lemieux,
considérer les alliances comme des ensembles plus ou moins concertés et plus ou
moins durables d’acteurs, dont les coalitions ne seraient qu’un type parmi
d’autres, plutôt concerté que non concerté, et plutôt durable que non durable »43.
En effet, la stratégie régionale se fonde sur le fait que les participants ont des
intérêts communs en matière de sécurité nationale, une tradition de
collaboration dans le domaine sécuritaire et surtout « une croyance dans la
valeur de l’action collective par opposition à l’action individuelle »44. Ainsi, pour
ce qui est de la tradition de coopération, on peut relever l’accord signé en 2012
pour la mise en place de patrouilles mixtes le long de leur frontière commune
entre le Nigéria et le Niger ainsi la création en 2011 d’une Commission mixte de
sécurité transfrontalière entre le Cameroun et le Nigeria. La croyance en la
valeur de l’action commune a pour sa part suffisamment été mise en exergue par
les différentes déclarations des Chefs d’Etat à l’issue du sommet de Paris. Le
président nigérian Goodluck Jonathan affirme ainsi qu’ « il s’agit de rassembler
les efforts des pays de l’Afrique occidentale afin de contrer les terroristes. Le
Boko Haram n’est plus seulement une affaire locale (…) Il s’agit en fait de l’Al
unités ou des forces à fournir des services et à en recevoir en retour afin de bien
travailler ensemble. Dans le cadre du partenariat sécuritaire contre la montée
du terrorisme dans le pourtour du Nigeria, « les partenaires (France, Etats Unis,
Royaume Uni, Union Européenne) s’engagent à soutenir [la] coopération
régionale et à renforcer le dispositif international de lutte contre Boko Haram et
de protection des victimes (…) à accélérer la mise en place de sanctions
internationales, en priorité dans le cadre des Nations Unies, à l’encontre de Boko
Haram, Ansaru et leurs principaux responsables »48.
La stratégie régionale porte d’abord pour ainsi dire une ambiguïté fondatrice en
rapport avec ses contextes et lieux d’élaboration. Comme cela a déjà été souligné,
la stratégie naît dans un contexte de grande vulnérabilité interne du Nigeria,
pays africain pivot qui a toujours revendiqué l’avènement en Afrique d’une « pax
africana » sous la houlette du Nigeria. L’aspiration du Nigeria au rôle de
« guidance » dans une Afrique « décomplexée » a historiquement structuré les
lignes directrices de sa politique africaine et de sa relation avec les ex-puissances
colonisatrices notamment la France. Le Nigeria, conscient de l’immensité de sa
démographie, de ses ressources pétrolières et de son important marché a
toujours promu en Afrique une espèce de doctrine de Monroe à savoir l’Afrique
aux Africains. Dans la promotion de cette doctrine, le Nigeria se donne la
mission de katckika, de vigile, bref, de rempart de l’autonomie et de
l’indépendance du continent ainsi que cela transparaît clairement dans cette
affirmation du Président Olusegun Obasanjo : « s’il est un pays africain ou de
race noire qui dispose de potentialités pour devenir une puissance moyenne en
termes politiques, économiques, technologiques et militaires durant ce siècle,
c’est bien le Nigeria. Et jusqu’à ce qu’une telle situation ne soit réalisée, l’Afrique
ne sera pas laissée aux Africains par le monde extérieur »49.
Le lieu d’élaboration est aussi porteur d’ambiguïté. Ce lieu est la France avec
toute la symbolique néocoloniale que cela implique. Beaucoup d’analystes ont
d’ailleurs eu à critiquer cette autre réunion sur la sécurité en Afrique se tenant
en dehors de l’Afrique ; sans la participation des organisations sous-régionales
(CEDEAO, CEEAC) et régionales (Union Africaine) alors même que l’Union
Européenne y a pris part. La question de la légitimité locale et régionale de la
stratégie reste ainsi posée.
Tous les pays, dès lors qu’ils doivent agir dans un cadre collectif pour ce qui est
des questions de sécurité et donc de souveraineté et d’interdépendance, doivent
toujours au préalable trouver une réponse à ce qu’on peut convenir d’appeler ici
le dilemme sécuritaire. Celui-ci s’énonce souvent ainsi : doit-on obtenir la sécurité
Pour le Cameroun, ce dilemme s’est toujours posé avec acuité dans sa relation
sécuritaire avec le Nigeria et la réponse que ses stratèges ont souvent donnée a
structuré son attitude et même son appréciation des enjeux liés à cette
coopération sécuritaire. Le Cameroun semble avoir toujours pris l’option de la
préservation de la souveraineté tout en garantissant ses intérêts sécuritaires.
Cette option a tout particulièrement été affirmée à l’égard du Nigeria qui a
toujours été la principale menace stratégique du Cameroun dans son voisinage
immédiat. De plus, le Nigeria lui-même ne s’est pas toujours affirmé comme un
partenaire de bonne foi au regard de ses ambitions territoriales sur le Cameroun
ou encore de sa politique officielle de « camerounisation » des populations
d’origine nigériane. C’est la raison pour laquelle le Cameroun reste
particulièrement vigilent sur sa coopération sécuritaire avec le Nigeria et tente
d’éviter ce qui pourrait à la longue conduire à un fait accompli stratégique. D’où,
par exemple, son refus des « patrouilles mixtes » ou de l’octroi du droit de
poursuite des miliciens de Boko Haram sur son territoire par le Nigeria et sa
préférence pour les « patrouilles simultanées » et la mise sur pied de
commissions mixtes bilatérales de sécurité.
Conclusion
Notes
1. Cf. AkinolaOlojo, Nigeria’s Troubled North : Interrogating the Drives of Public Support for Boko
Haram, ICCT Research Paper, October 2013.
2. Lauren Ploch Blanchard, Nigeria’s Boko Haram: frequently Asked Questions, CRS Report, June 2014.
3. SihemDjebbi, « Les complexes conflictuels régionaux », Fiche de l’IRSEM n° 5, mai 2010.
4. Voir sur ce point Barry Buzan, People, States and Fear : The National Security Problem in
International Relations, Harvester Wheatsheaf, Hemel Hempstead, 1983; et du même auteur An
Agenda for International Security Studies in the Post Cold War Era, London, Longman, 1991.
5. Pauline Guibbaud, « Boko Haram : le Nord-Cameroun dans la tourmente ? », Eclairage du GRIP, 3
juin 2014.
6. Voir sur la notion de sécurité régionale Thiery Balzacq, « La politique européenne de voisinage, un
complexe de sécurité à géométrie variable », Cultures & Conflits, N° 66, 2007
7. « L’urgence d’agir ensemble contre les menaces », The Spark, 28 mai 2014.
8. Priscilla Sadatchy, « Boko Haram : un an sous état d’urgence », Note d’Analyse du GRIP, 3 juin 2014.
9. Thierry Balzacq, op. cit.
10. Michel Girard, « Les conceptions de l’ordre dans les relations internationales » dans « Ordre et
désordre dans le monde », Les Cahiers Français, n° 263, 1993
11. Robert Axelrod, Donnant, donnant. Théorie du comportement coopératif, Paris, Odile Jacob, 1992
12. Luc Sindjoun, « Le gouvernement de transition : éléments pour une théorie politico-constitutionnelle
de l’Etat en crise ou en reconstruction », dans Mélanges en l’honneur de Slobodan Milacic. Démocratie
et Liberté : tension, dialogue, confrontation, Bruxelles, Bruylant, 2007
13. Idem
14. Alain Vicky, « Aux origines de la secte Boko Haram », Le monde diplomatique, avril 2012.
15. Pauline Guibbaud, Boko Haram. Histoire d’un islamisme sahélien, Paris, L’Harmattan, 2014
16. Mehdi Mekdour, Al Quaida au Maghreb Islamique : une menace multidimensionnelle, Note d’analyse
du GRIP, 26 août 2011. Boko Haram a fait allégeance à l’Etat Islamique.
Références bibliographiques
Akinola Olojo, Nigeria’s Troubled North : Interrogating the Drives of Public Support for
Boko Haram, ICCT Research Paper, October 2013.
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Balzacq, Thierry, « La politique européenne de voisinage, un complexe de sécurité à
géométrie variable », Cultures & Conflits, n° 66, 2007.
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Relations, Harvester Wheatsheaf: Hemel Hempstead, 1983.
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(UNASUR) », Essai de Maîtrise en Etudes internationales, Institut Québécois des Hautes
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Par
Yves Paul Mandjem,
IRIC, GRAPS-Université de Yaoundé II
Le terme « maintien de paix », bien que supplanté dans la littérature par celui
plus englobant d’« opérations de paix » (Hatto 2015 : 7), reste le terme générique
utilisé parles Nations Unies pour qualifier l’intégralité de ses opérations :
l’assistance humanitaire, la supervision d’élections, le rapatriement des réfugiés,
le désarmement, la démobilisation et la réintégration des anciens combattants
(DDR), la restauration de la capacité de l’Etat à maintenir la sécurité dans le
respect de l’Etat de droit et des droits de l’homme ou le soutien à la création
d’institutions de gouvernance légitimes et efficaces (Nations Unies 2008 :
chapitre 2). Le maintien de la paix est une opération paramilitaire non coercitive
établie par le Conseil de sécurité de l’ONU avec le consentement des parties
intéressées, afin d’aider à restaurer ou à maintenir la paix dans une zone de
conflit (Smouts, 2006 : 326). En Afrique, cette opération peut être conduite par
l’ONU et les organisations régionales ou sous-régionales ; chacune de ces
organisations pouvant le faire, seule ou en coopération avec les autres. Dans le
champ du maintien de la paix, l’Afrique n’est pas un bloc homogène et l’Union
africaine qui réalise son unité au plan objectif, n’est qu’un des intervenants
parmi tant d’autres. Le maintien de la paix en Afrique est donc un champ de
forces, un champ de luttes, mais aussi un microcosme où s’engendrent des
intérêts particuliers indépendants de ceux des sociétés qu’on est censé protéger
Cette réflexion vise à solder les controverses conceptuelles et lever le voile sur les
ambiguïtés édulcorées çà et là dans l’appréhension de l’expression
« africanisation de la gestion des conflits », afin d’en préciser le sens et la
consistance. A cet effet, l’appréhension de cette expression commande quatre
niveaux de clarification. D’abord, l’africanisation de la gestion des conflits ne
saurait être réduite à sa dimension résiduelle et instrumentale matérialisée par
la participation croissante des Etats et des organisations sous-régionales et
régionales aux opérations de paix en Afrique (Esmenjaud, 2011 : 33-51 ; Morin,
2011 : 11-31). A titre d’illustration, l’accroissement au 31 décembre 2010, de près
de la moitié des militaires d’origine africaine dans les missions onusiennes sur le
continent africain, de même que la participation active des organisations
africaines au côté de l’ONU n’ont pas réussi à modifier l’image d’une « Afrique-
suiveur » ou « Afrique-accompagnateur » dans le champ du maintien de la paix
(Esmenjaud, 2011 : 33-51 ; Morin, 2011 : 11-31). De plus, cet accroissement de la
participation africaine est allé grandissant avec le début du désengagement
militaire des pays du Nord vis-à-vis du maintien de la paix onusien, en
particulier sur le continent africain. Puis, l’Africanisation de la gestion des
conflits ne saurait se résumer à l’existence d’une approche commune
spécifiquement africaine des opérations de paix. Si dans une certaine mesure,
elle a le mérite de mettre en lumière l’ingéniosité de l’Afrique dans l’invention
La Charte des Nations Unies est l’un des textes fondateurs qui fait du maintien
de la paix et la sécurité internationales, une des fonctions centrales à la fois des
organisations internationales à vocation universelle (comme l’ONU) et des
organisations régionales à créer comme l’OUA, puis l’UA (Devin, 2009). En effet,
bien qu’elle ait attribué au Conseil de sécurité le rôle principal dans le « maintien
de la paix »3, la Charte des Nations Unies consacre tout un chapitre, en
occurrence, le chapitre VIII, à la participation des organismes régionaux dans le
maintien de la paix et la sécurité internationales (Tehindrazanarivelo, 2013 :
327-359). Il s’en suit que la régionalisation du maintien de la paix qui connaît
une consécration juridique aux articles 52 à 54 de la Charte, relève du régime de
l’autorisation contrôlée, de l’anticipation (première instance de règlement) et de
la suppléance. L’article 52 dispose : « 1. Aucune disposition de la présente Charte
ne s’oppose à l’existence d’accords ou d’organismes régionaux destinés à régler les
affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, se
prêtent à une action de caractère régional, pourvu que ces accords ou ces
organismes et leur activité soient compatibles avec les buts et les principes des
Nations Unies » ; « 2. Les Membres des Nations Unies qui concluent ces accords
ou constituent ces organismes doivent faire tous leurs efforts pour régler d’une
manière pacifique, par le moyen desdits accords ou organismes, les différends
d’ordre local, avant de les soumettre au Conseil de sécurité » ; « Le conseil de
sécurité encourage le développement du règlement pacifique des différends d’ordre
local par le moyen de ces accords ou de ces organismes, soit sur l’initiative des
Etats intéressés, soit sur renvoi du Conseil de sécurité » ; « Le présent article
n’affecte en rien l’application des Articles 34 et 35. ». L’article 53 quant à lui
renseigne sur la prééminence de l’ONU sur les organisations régionales tandis
que l’article 54 prescrit à ces dernières l’obligation d’informer le Conseil de
sécurité de « toute action prévue et envisagée » dans le champ du maintien de la
paix et de la sécurité dans leurs régions.
accord que l’OUA sollicite l’intervention d’une force de l’ONU au Congo entre
1960 et 19634. Le début des années 1990 marque une relance des activités entre
l’ONU et les acteurs régionaux, avec l’actualisation de l’accord de coopération
entre l’ONU et l’OUA, le 9 octobre 1990. Par la suite, le Secrétaire général de
l’ONU, Boutros Boutros Ghali, réaffirme dans le chapitre VII, article 64, de
l’Agenda pour la paix, en 1992, que toute action régionale est possible, suivant
une logique de décentralisation, de délégation et de coopération avec les efforts
de l’ONU5. De plus en 2001, le Rapport Brahimi consacre un paragraphe à la
coopération entre les Nations Unies et les organisations régionales6. L’accent y
est mis sur l’intérêt pour l’ONU d’entretenir des liens étroits et continus avec les
organisations compétentes dans de nombreux domaines (la prévention des
conflits, le rétablissement de la paix, les élections et l’assistance électorale, la
surveillance et le respect des droits de l’homme et de l’action humanitaire, ainsi
qu’à d’autres activités de consolidation de la paix et de lutte contre le
terrorisme)7. Le Président du Conseil de sécurité a rappelé après sa réunion de
Nairobi du 19 novembre 2004 que les relations institutionnelles entre l’ONU et
l’Union Africaine est un important pilier du système de sécurité collective tel
qu’établi par la Charte des Nations Unies8. L’UA ne ménage également aucun
effort pour rendre possible une coopération avec les autres organisations
internationales, en les invitant à prendre la parole devant le Conseil de paix et
de sécurité de l’UA sur les questions d’intérêt commun9. Le Conseil de sécurité
de l’ONU, dans sa Résolution 1631 (2005), a prêté une attention particulière à ce
souhait de partenariat plus étroit exprimé par l’UA en recommandant
d’améliorer la communication entre l’ONU et les organisations régionales et
sous-régionales par l’intermédiaire d’attachés de liaison et la tenue des
consultations à tous les niveaux pertinents. Devant les critiques suscitées par les
déconvenues de coopération entre l’ONU et l’UA en Côte d’Ivoire et en Libye en
2011, le Conseil de sécurité a adopté une résolution en vue du resserrement des
relations entre les deux organisations10.
Dès lors, l’africanisation de la gestion des conflits est une initiative encouragée
par le droit international qui formalise une forme de subsidiarité hiérarchisée
que nous qualifions de « subsidiarité de premier niveau » qui rend compte de la
relation entre l’ONU et les organisations régionales africaines, en particulier
l’OUA, puis aujourd’hui l’Union africaine dans la gestion des conflits en Afrique.
Seulement, depuis la création de l’Union africaine et l’élaboration de son
avec les mécanismes sous régionaux existants, notamment les CER. Les
mécanismes régionaux concernés sont ainsi tenus de tenir le Conseil de paix et
de sécurité pleinement et régulièrement informé de leurs activités et de s’assurer
que ces activités soient étroitement coordonnées et harmonisées avec cet organe
de l’Union Africaine. A cet effet, il existe entre l’UA et ces mécanismes des
bureaux de liaison au sein de leurs Secrétariats respectifs16, en plus « des
réunions périodiques, au moins une fois par an, avec les premiers responsables
et/ou les autorités chargées des questions de paix et de sécurité au niveau des
Mécanismes régionaux »17. Le Protocole d’Accord ou Mémorandum entre l’UA et
les CER, signé le 28 janvier 2008 à Addis-Abeba, est le texte normatif
incontournable dans l’analyse des rapports entre l’UA et les CER, notamment
dans le maintien de la paix en Afrique. Avec les textes spécifiques créant les
mécanismes sous régionaux africains de paix et de sécurité, ce texte
institutionnalise la « subsidiarité de second niveau » en se donnant pour objectif
la mise en œuvre opérationnelle intégrale de l’architecture continentale de paix
et de sécurité. Une mise en œuvre dictée également par des circonstances
historiques et conjoncturelles.
16) est en nette recrudescence dans les pays africains entre 1990 et 2009
(Vettovaglia et al., 2010 : 877-878). Le nombre de morts dépasse largement celui
causé par la première guerre mondiale en Europe (environ 8 millions).A cet effet,
l’approche transactioniste de Karl Deutsch permet de rendre compte de l’objectif
de création de l’Union Africaine à partir du projet d'élaborer des moyens qui
permettent aux Etats africains de mettre un terme un jour aux conflits sur le
continent (Deutsch et al., 1957 : 3).L’intégration régionale en Afrique est alors
définie comme la création d’une communauté de sécurité stable dans cette
région. A titre d’illustration, la Déclaration de Syrte de 1999 suggère la création
de l’UA, afin que celle-ci réponde aux nombreux défis sécuritaires de l’Afrique.
La création de l’UA s’accompagne de la construction de la sécurité collective en
Afrique, entendue comme « la capacité des Etats [africains] à s’organiser sur une
base multilatérale pour gérer en commun les enjeux de sécurité » (Petiteville,
2009 : 57-77). C’est dans cette optique que les Chefs d’Etat et de gouvernement
de l’Union Africaine soulignent clairement que « le fléau des conflits en Afrique
constitue un obstacle majeur au développement socio-économique du Continent
[d’où] la nécessité de promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité comme
préalables à la mise en œuvre de son agenda d’intégration et de
développement »19. La régionalisation du maintien de la paix devient un
préalable à l’intégration africaine. De même, dans une perspective néo-
fonctionnaliste, elle pourrait, par effet d’engrenage (spill-over- effect), conduire à
une intégration politique et économique. A partir de ce moment, l’UA entend
assumer le leadership sur le continent en matière de maintien de la paix et de la
sécurité. Elle affiche dès lors une plus grande visibilité et un volontarisme
indéniable dans le traitement des crises politiques et des conflits armés en
Afrique. L’africanisation de la gestion des conflits certes placée sous l’égide de
l’UA est également assurée par les organisations sous-régionales.
ambiant sur l’assimilation de l’UA à une « OUA-bis » (Bourgi, 2004 : 328).A cet
effet, l’Union Africaine est la première organisation internationale à consacrer
formellement dans son acte constitutif le « droit de protéger » les peuples, même
soumis à l’autorité de la Charte des Nations Unies en vertu de l’article 103. En
cela, elle se positionne en avant-garde de la responsabilité de protéger, même si
l’opérationnalité d’un tel mécanisme, comme récemment au Burundi, n’est pas
partout garantie (Yusuf, 2013 : 293-308 ; Vilmer, 2015 : 93). L’avènement de
l’Union Africaine s’est accompagné de la mise en place d’une architecture
africaine de paix et de sécurité plus ambitieuse malgré les résultats modestes
(Tercinet, 2012). L’Afrique a adopté une posture proactive dans la prévention et
la gestion des conflits en se dotant de nombreux mécanismes institutionnels tels
que la Conférence de l’Union, le Conseil exécutif, le Comité des représentants
permanents, le Président de la commission, le Groupe de sages et le parlement
panafricain, et programmatiques tels le Nouveau partenariat pour le
développement de l’Afrique (NEPAD), la Conférence sur la sécurité, la stabilité,
le développement et la coopération en Afrique (CSSDCA), et l’Agenda 2063 pour
une Afrique prospère, unie et pacifique (Gambotti 2015 : 129-140). Le système de
sécurité collective régionale articulé autour du Conseil de paix et de sécurité de
l’UA apparaît ambitieux au regard du dispositif opérationnel : les capacités de
déploiement de l’organisation ont été optimisées et ré-optimisées en témoignent
le système continental d’alerte rapide, le fonds pour la paix, le projet de la force
africaine en attente (FAA)ou en attendant la capacité africaine de réponse
immédiate aux crises (CARIC)28 et le Comité d’état-major (y compris les
quartiers généraux de commandement), le Pacte de non-agression et de défense
commune et de ses mécanismes. La consécration du principe de la « non-
indifférence » de l’Afrique dans la prévention et la gestion des conflits en
Afrique se traduit concrètement par la création des institutions spécialisées dans
les domaines de la recherche et du développement d’une culture de la paix
(l’Académie africaine pour la paix), des études et de la recherche sur le
terrorisme (le Centre africain d’études et de recherche sur le terrorisme) et des
études de toutes les questions juridiques liées à la promotion de la paix et de la
sécurité en Afrique (la Commission du droit international de l’Union Africaine).
A côté de ces mécanismes, on peut également faire mention des initiatives en
matière de lutte contre la criminalité transnationale organisée et de promotion
d’une coordination policière africaine au niveau stratégique, opérationnel et
tactique. Sous les auspices de l’UA, il a été créé un Mécanisme africain de
Dès lors, quand elle ne s’offre pas comme une alternative africaine au désintérêt
manifeste de l’ONU pour le bourbier somalien29, l’africanisation de la gestion des
conflits prend la forme d’un codéploiement, des missions conjointes ou mixtes,
d’une réaction à la chaine.
Le codéploiement traduit la possibilité offerte aux organisations africaines dans
le maintien de la paix en Afrique avec l’appui des Nations Unies ou des pays
occidentaux dans les domaines variés : repérage satellitaire, sécurisation des
A l’origine, il était clair dans l’esprit des concepteurs de l’ONU que cette
organisation ne pouvait à elle toute seule, assumer le fardeau de la paix et de la
sécurité dans le monde. Aussi avec la régionalisation du maintien de la paix en
Afrique, il se dégage à l’observation que, par nécessité ou par réalisme, l’UA
partage le fardeau de la paix régionale avec la CEDEAO, la CEEAC, la SADC,
l’IGAD, etc. En effet, la mise en œuvre réaliste d’une logique de partage du
fardeau de la paix en Afrique est travaillée par la nécessité de créer des
compétences alternatives et complémentaires entre les organisations
intervenantes. Si traditionnellement les opérations de maintien et de
consolidation de la paix en Afrique se caractérisent par le soutien de l’ONU à des
opérations purement africaines (IGADSOM et AMISOM) et le relais d’une
opération africaine par une opération onusienne, on a assisté récemment au Mali
et en RCA à la formation d’une capacité de réaction à la chaine entre les niveaux
sous-régional, régional et international du maintien de la paix. Cette nouvelle
configuration du maintien de la paix offre une chance incontestable à la paix en
Afrique, en lui fournissant une triple possibilité échelonnée d’action en faveur de
la paix. Les déploiements de la Mission de la CEDEAO au Mali (MICEMA) et de
la Mission du Conseil de paix et de sécurité de l’Afrique Centrale (MICOPAX) et
les relais au Mali : de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite
africaine (MISMA)32 et en RCA : de la Mission internationale de soutien à la
République centrafricaine sous conduite africaine (MISCA)33ont démontré que
l’Afrique peut s’en enorgueillir d’enregistrer une double possibilité d’action face
aux conflits et aux crises, et que même limitée, celle-ci sonne de le glas de
l’immobilisme, de l’indifférence et de l’inaction sur le continent. La MISMA et la
MISCA ont respectivement été remplacées par la Mission multidimensionnelle
intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA)34 et la
Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations Unies en
République centrafricaine (MINUSCA)35. Qu’elles soient politico-diplomatiques
ou militaires, les interventions en première ligne des communautés économiques
régionales (CER), en deuxième ligne de l’UA et en troisième ligne de l’ONU
attestent non seulement de l’existence d’une capacité africaine de réaction
rapide, même provisoire, mais aussi d’une forme de gradualisme dans le
maintien de la paix et de la sécurité en Afrique. Ce gradualisme ascendant
n’empêche pas le gradualisme descendant qui postule que l’ONU puisse se saisir
en premier d’une situation de menace à la paix avant de la confier à la prise en
charge d’une organisation régionale (UA en Somalie). Dans tous les cas, le relais
observé entre les CER, l’UA et l’ONU au Mali et en RCA atteste du fait que ce
sont les organisations régionales africaines ou les Etats africains qui prennent
des mesures conservatoires pour parer à l’urgence, en attendant l’avènement de
conditions plus favorables à la collaboration entre les organisations régionales
entre elles, et entre les organisations régionales et l’ONU. Certes, l’efficience de
cette capacité africaine peut être, sous certains angles, discutée et discutable,
mais cela n’est plus de nature à réfuter son effectivité. C’est ce qui fait dire à
Josiane Tercinet que le système africain de sécurité collective a fait mieux que la
politique européenne de défense et de sécurité commune mis en place
sensiblement en 2003 (2012). L’africanisation de la gestion des conflits n’est pas
un slogan. M. Hervé Ladsous, Secrétaire général adjoint chargé des opérations
de maintien de la paix, affirme le 24 mai 2016 au cours d’une réunion du Conseil
de sécurité portant sur la coopération entre l’Organisation des Nations Unies et
l’Union Africaine en faveur de la paix et de la sécurité, que l’Union Africaine
demeurait le partenaire le plus important de l’ONU en matière de maintien de la
paix. Il a indiqué que « sur un total de 16 opérations de maintien de la paix,
9 missions opèrent sur le continent africain, et avec 80% du personnel en
uniforme, l’Afrique apparaît comme un partenaire clef de l’ONU. Il a aussi
souhaité qu’un soutien financier plus prévisible et durable soit apporté aux
opérations de paix de l’Union Africaine autorisées par le Conseil de sécurité ».
Seulement si l’africanisation de la gestion des conflits est une perspective qui
enchante, il n’en demeure pas que c’est une alternative qui dérange.
A cet effet, dire comme Romain Esmenjaud que la doctrine des organisations
africaines, ainsi que les outils mis à leur disposition, ont été progressivement
alignés sur ceux de l’ONU (2011 : 44), c’est sous-estimer ou vouloir feindre
d’ignorer que le maintien de la paix camoufle les intérêts des acteurs principaux
de la politique mondiale. Ces derniers entendent poursuivre la politique par le
maintien de la paix. On peut valablement estimer dans certains aspects que
« l’élève a dépassé le maître », car l’Union Africaine est la première organisation
internationale à avoir consacré dans son acte constitutif, sous certaines
vierge de l’Afrique sans frontière aucune, indique l’unité africaine. Les petits
anneaux rouges entrecroisés au bas de l’emblème représentent la solidarité
africaine et le sang versé pour la libération de l’Afrique. Il ressort de ce symbole
le fait que la construction d’une communauté de sécurité en Afrique est informée
par la volonté de soulager les souffrances causées par les conflits et qui
entravent le développement de l’Afrique. De plus, elle conditionne la sécurité de
l’Afrique au maintien de la solidarité africaine et remémore l’histoire
douloureuse du continent comme gage de son émancipation réelle. De plus, le
développement par Etat indépendant et souverain contre les autres Etats
africains et au profit des intérêts non africains est en panne ; puis,
l’africanisation de la gestion des conflits est portée par un leadership africain.
Certes la diplomatie de la paix unilatérale voire concurrentielle des dirigeants
politiques africains enclins à rechercher un prestige politique personnel hérité de
la Guerre froide n’a pas disparu. Mais ce projet est sorti de l’anonymat par les
leaders africains comme Kwame Nkrumah, Julius Nyerere, Nelson Mandela,
Thabo Mbeki, Mouammar Khadafi, qui entendent par-là, rétablir une
souveraineté en Afrique mise à mal par les vieilles habitudes impériales et les
ingérences dictées par la globalisation. L’ancien Président sud-africain Thabo
Mbeki avait accueilli la table ronde de Marcoussis avec beaucoup de gêne,
d’amertume et de regret. A Kléber le 25 janvier 2003, il avait déclaré : « Nous les
africains, nous sommes venus à Paris parce que nous n’avons pas trouvé de
solution en Afrique, c’est là notre drame. Aucun dirigeant africain n’aurait pu
faire le choix d’une telle solution » (Mandjem 2014 : 268-269) ; ensuite,
l’africanisation de la gestion des conflits est aussi une activité discursive visant à
provoquer au moins au plan symbolique la rupture d’avec la dépendance à
l’égard de l’ONU et les puissances occidentales engagées en Afrique. De l’avis
d’Alpha Oumar Konaré, premier président de la Commission de l’Union
Africaine, la formule renseigne sur le fait que « la responsabilité première de la
paix sur le continent, c’est d’abord l’affaire des Africains. Il faut qu’ils l’assument.
Il faut que nos partenaires laissent les Africains gérer leurs affaires [...]. Il n’y a
plus de place pour les luttes d’influence aujourd’hui sur le continent »40.
L’africanisation de la gestion des conflits est une alternative ambigüe parce qu’il
s’agit à la fois d’un projet adossé sur la solidarité internationale et d’un projet
source de tensions et d’incompréhensions.
Conclusion
Notes
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par
Aïcha Pemboura,
Université de Yaoundé II
La culture stratégique traite du rôle des influences culturelles sur la façon dont
les entités politiques déterminent quand il convient d’employer la force,
comment l’employer au cours d’un conflit et sur quelle base il convient de mettre
fin à celui-ci5. Cet article esquisse une analyse des trajectoires de la culture
stratégique camerounaise. Il s’agit de comprendre le comportement du
Cameroun en matière de politique étrangère et de défense, mais aussi de cerner
davantage les choix stratégiques que ce pays opère depuis son indépendance, à
partir du conflit frontalier entre le Cameroun et le Nigéria à la lutte actuelle
contre la secte terroriste Boko Haram dans sa partie septentrionale. Il importe
dans ce contexte de cerner le déploiement de la culture stratégique camerounaise
qui est née et évolue dans un environnement culturel qui influence ou détermine
en partie les décisions qu’il prend en matière de politique étrangère et de
défense. L’élite civile et/ou militaire) est dépositaire de la culture stratégique au
Le débat conceptuel sur la culture stratégique n’est pas récent. Depuis la fin des
années 1970, ce concept connaît une multitude de définitions selon l’objet d’étude
choisi. Ces définitions ont en commun le fait qu’elles contribuent à mettre en
valeur la dimension culturelle des stratégies. C’est ainsi que Snyder6 définit le
premier la culture stratégique comme la somme totale des idéaux, des réponses
émotionnelles conditionnées et des modèles de comportements habituels que les
membres d’une communauté nationale stratégique ont acquis au travers de
l’instruction ou de l’imitation. Dans le même sens, Carnes Lord7 la définit comme
l’ensemble des pratiques traditionnelles et des habitudes de pensée qui, dans
une société, gouvernent l’organisation et l’emploi de la force militaire au service
d’objectifs politiques. Kenneth Booth8, quant à lui, conçoit la culture stratégique
comme l’ensemble des traditions, valeurs, attitudes, types de comportement,
habitudes, coutumes, réalisations et manières particulières de s’adapter à
l’environnement et résoudre les problèmes d’une nation relatifs à la menace ou
l’emploi de la force. Pour d’autres auteurs, c’est un ensemble d’idées, attitudes,
traditions, façons de penser et méthodes préférées, durables et transmises
socialement qui sont plus ou moins propres à une communauté de sécurité
géographiquement définie, ayant une expérience historique unique9. Dans cette
Cependant, d’autres définitions ont tout de même apporté une approche plus
précise sur le plan stratégique et opérationnel en mettant l’accent sur la manière
dont les sociétés font la guerre en fonction de leurs préférences culturelles. Dans
cette optique, Ytzhak Klein11 pense que la culture stratégique peut aller de la
conception la plus large englobant les préférences relatives aux politiques de
sécurité et de défense à la plus étroite qui intègre les croyances concernant
l’objectif politique de la guerre et la méthode la plus efficace pour l’atteindre.
Stephen Rosen12, dans ses travaux, estime que la culture stratégique oriente les
choix portant sur le comportement militaire international, surtout en ce qui
concerne les décisions d’entrer en guerre, les préférences pour des modes de
confrontation offensifs, expansionnistes ou défensifs et le niveau de pertes
acceptable. Dans la même veine, Christoph O’Meyer13 considère que la culture
stratégique englobe des normes concernant : i) les buts acceptables de recours à
la force qui peuvent aller d’une conception stricte de la légitime défense à une
vision extensive de la préservation d’intérêts ou de valeurs ; ii) la manière dont
la force doit être utilisée (en dernier recours avec le maximum de retenue et en
minimisant les risques ; ou à l’inverse sans restriction) ; iii) les relations avec des
partenaires dans le domaine de la défense (neutralité, alliances ou liens
spéciaux) ; iv) les modalités d’autorisation juridique du recours à la force, aux
niveaux national et international. Par rapport aux approches culturalistes, un
autre pan de la littérature exprime des craintes quant à la réification des
facteurs culturels qui risquent de réduire les acteurs à des dupes culturels,
répliquant infiniment des schémas préétablis14. C’est dans le but de ne pas
tomber dans cette dérive que d’autres travaux plus actuels considèrent la culture
comme un milieu ou comme un ensemble de ressources que les décideurs
peuvent manipuler en fonction de leurs préférences15. C’est également le
problème que posent les « cultural studies»16.
Des auteurs comme Bradley Klein17, bien que concédant qu’il existe des
traditions nationales, estiment que la culture est en fait un discours manipulé
par les dirigeants qui s’y réfèrent pour masquer leurs motivations réelles. En
L’on constate, au vu de tout ceci, qu’en réalité, ces approches, loin d’être
incompatibles, peuvent être complémentaires. En effet, dans un certain
environnement culturel où l’acteur est dominant, il donne une orientation
culturelle à une culture stratégique. Pourtant, il peut être agi ou est agi dans un
autre environnement culturel structuré par des acteurs qui le dépassent. Dans
ce second cas, il peut subir cette autre culture en étant un agent obligé de
s’aligner à la politique dominante sous peine de se retrouver en marge de la
communauté dominante21 ou chercher à apprendre et à s’approprier les secrets
de la domination des autres, tout en restant un acteur dominant dans son
environnement propre.
Ces derniers facteurs ont été mobilisés par Colson Bruno27 dans l’étude de la
culture stratégique française. Cependant, ces études mettent en évidence les
difficultés à expliciter la manière dont ces déterminants se cristallisent en
culture. Cette difficulté apparait autrement dans d’autres travaux comme ceux
de Patry et al.28. Ces auteurs ont également éprouvé la difficulté à préciser
comment la culture influence les choix stratégiques. Jack Snyder parle certes de
« filtre perceptuel » (perceptual lens) au travers duquel sont appréciés les
problèmes de sécurité. Mais Colin Gray estime plus généralement que « la
culture stratégique fournit le milieu dans lequel les idées stratégiques et les
décisions relatives à la politique de défense sont débattues et prises »29. De ces
différents paramètres, la géographie est le plus immuable, mais l’histoire et la
culture politique sont également difficiles à modifier. Cela explique la
persistance des valeurs et des normes constituant la culture stratégique, en
dépit des modifications de la situation internationale qui peuvent affecter la
sécurité d’un pays. La plupart des auteurs s’accordent à considérer que la culture
peut évoluer et s’adapter probablement en réponse à la confrontation répétée
avec des facteurs incohérents30. En bref, Colin Gray31 estime que les évolutions
sont lentes parce que la culture est « généralement invisible et silencieuse »,
qu’elle constitue un contexte dont les acteurs ne sont pas nécessairement
conscients. Une culture ne peut donc selon lui être modifiée simplement.
Selon Marcel Merle37, chaque pays fait le choix de ses priorités en matière de
politique étrangère en fonction de sa taille, de sa puissance, de sa situation
géographique mais aussi de sa tradition historique. Narcisse Mouellé Kombi38
ajoute dans le contexte camerounais que « Yaoundé essaie de mettre en œuvre
une politique étrangère empreinte de réalisme et de pragmatisme, axée sur
quelques principes fondamentaux mais se prêtant opportunément et utilement à
des adaptations commandées par les circonstances ».
En effet, les relations internationales, selon Luc Sindjoun, « en tant que relations
sociales particulières, sont influencées par les normes, les valeurs, les idéaux, les
représentations et autres sanctions ou significations, c’est-à-dire, la culture. Par
conséquent, la puissance culturelle est celle qui détermine le sens des relations
internationales, qui détermine le permis et l’interdit, le légitime et l’illégitime »39.
En dépit de la légalité qui légitime la prépondérance de l’autorité civile sur le
militaire, l’influence de la corporation militaire sur l’orientation de la politique de
défense du Cameroun depuis 1984 doit être prise au sérieux. Il apparait par
conséquent évident que les institutions militaires participent autant que les
civils à la culture stratégique. L’existence d’une culture stratégique au
Cameroun limite de par son existence même les choix stratégiques camerounais.
A la lumière des développements précédents, il apparait de toute évidence que
les civils aussi bien que les militaires sont dépositaires de la culture stratégique
nationale.
La diplomatie est l’ensemble des relations entretenues entre les Etats conduites
de façon avisée et habile. Le Cameroun dans cette perspective, entretient depuis
1960 des relations bilatérales avec les pays africains et d’autres pays dans le
monde40. La politique étrangère du Cameroun contribue à la recherche de la paix
interne et internationale41. La culture stratégique à titre de rappel traite du rôle
des influences culturelles sur la façon dont les entités politiques déterminent
quand il convient d’employer la force, comment l’employer au cours d’un conflit
et sur quelle base il convient de mettre fin à celui-ci42. C’est pour cette raison que
la démarche Camerounaise consiste à privilégier toujours le dialogue et la
négociation et ne recourir à la force qu’en dernier ressort. Quand on sait que la
politique étrangère des Etats n'a qu'un seul objectif : la protection et la
promotion de l'intérêt national43, l’on comprend les choix stratégiques
camerounais qui sont dictés par ses intérêts. Les intérêts du pays sont ici la
C’est ainsi que le Cameroun depuis le début des assauts de Boko Haram sur son
territoire et les multiples prises d’otage qui s’en sont suivies44 a très souvent
réussi à obtenir la libération des otages par la négociation.
Notes
1. Stéphane Roussel, « La recherche sur la culture stratégique : quelques pistes de
réflexion », Diplomatie 29, Novembre-Décembre 2007.
2. Luc Sindjoun, « A la recherche de la puissance culturelle dans les relations
internationales : essai de caractérisation du concept et d’appréhension du
phénomène », Revue camerounaise d’études internationales n°001, 1er semestre.
3. Edward B. Tylor, Primitive Culture : Researches into the Development of Mythology,
Philosophy, Religion, Language, Art and Custom (2 vol.), Londres, 1871.
4. Jean-Paul Simonnet, « La culture : définition et caractéristiques », Juillet 1997.
www.lyc-arsonvalbrive.ac-limoges.fr (Consulté le 28 Décembre 2014)
5. Martha Finnemore, National Interests in International Society, Ithaca, NY : Cornell
University Press, pp. 69-73, pp. 86-88, 1996 ; John Glenn, « Introduction », Neorealism
Versus Strategic Culture, ed. John Glenn, Darryl Howlett et Stuart Poore, Burlington,
VT : Ashgate, pp.8-10, 2004 ; Lawrence Sondhaus, Strategic Culture and Ways of War,
New York : Routledge, Taylor & Francis Group, pp. 123-129, 2006.
6. Jacques Snyder, The Soviet Strategic Culture: Implications for Nuclear Options, Santa
Monica ind. Corporation, 1977.
7. Lord Carnes, American Strategic Culture, Comparative Strategy, Volume 5, 1985.
8. Kenneth Booth, Strategy and Ethnocentrism, Croom Helm, 1979.
9. Colin S. Gray, « Comparative Strategic Culture », Parameters, Vol. XIV, Winter, 1984.
10. Patry et al., « L’élaboration d’une culture stratégique européenne dans le domaine «
aérospatial », Recherches et documents N°11/2010, Fondation pour la Recherche
stratégique, www.Frstrategie.org, 2010. (Consulté le 28 Décembre 2014)
11. Ytzhak. Klein, « A Theory of Strategic Culture », Comparative Strategy 10, n° 1,
January, p. 12, 1991.
12. Stephen P. Rosen, « Military Effectiveness: Why Society Matters, » International
Security, vol.19, n° 4, spring, 1995.
13. Christoph O. Meyer, The Quest for a European Strategic Culture, New York, Palgrave
McMillan, pp. 22-23, 2006.
14. Patry et al , « L’élaboration d’une culture stratégique européenne dans le domaine «
aérospatial », Recherches et documents N°11/2010, Fondation pour la Recherche
stratégique, www.Frstrategie.org, 2010. (Consulté le 28 Décembre 2014)
15. Carolin Hilpert, Strategic Cultural Change and the Challenge for Security Policy:
Germany and the Bundeswehr's Deployment to Afghanistan, Palgrave Macmillan, 280
pages, 2014; Fitzhugh, M-L. and Leckie, W-H. 2001, ‘Agency, Postmodernism and the
Causes of Change’,History and Theory, Vol. 40, No. 4, pp. 59–81.
16. Armand Mattelart, et Erik Neveu, Introduction aux culturals studies, Paris, Editions
la Découverte, 2003.
17. Bradley S. Klein, “Hegemopny and strategic culture: American power projection and
alliance defence politics”. Review of international studies. Volume 14. Number 2, 1988.
18. Theo Farrell, ‘Constructivist Security Studies: Portrait of a Research Programme,
International Studies Review, Vol. 4, No. 1, p. 50, 2002.
19. Olivier Schmitt, “Strategic Users of Culture: German Decisions for Military Action”,
Contemporary Security Policy, 2012.
20. Ann Swidler, ‘Culture in Action: Symbols and Strategies’, American Sociological
Review, Vol. 51, No.2, p. 273, 1986.
21. Niagalé Bagayoko, et Bernard Hours, Etats, ONG et production des normes
sécuritaires dans les pays du Sud, Harmattan, décembre, 313 pages, 2005 .
22. Narcisse Mouelle Kombi, La politique étrangère du Cameroun, Paris, l’Harmattan,
1996 ; J. Kenfack, « Fiche d'information de l'État : Cameroun », Réseau de recherche
sur les opérations de paix, www.operationspaix.net , 2014, (Consulté le 28 Décembre
2014).
23. Guy Rocher, Introduction à la sociologie générale, Paris, ed HMH, 1968.
24. Patry et al., « L’élaboration d’une culture stratégique européenne dans le domaine «
aérospatial », Recherches et documents N°11/2010, Fondation pour la Recherche
stratégique, www.Frstrategie.org, 2010. (Consulté le 28 Décembre 2014)
25. Aïcha Pemboura, « Le processus de formation de la culture stratégique camerounaise :
analyse du rôle des écoles militaires », Mémoire de Master II en science politique,
Université de Yaoundé II, 2005 ; Aïcha Pemboura, « Le Processus de formation de la
culture stratégique camerounaise entre extraversion et introversion », Thèse de
doctorat PhD en science politique, Université de Yaoundé II, 2011.
26. Colin S. Gray, « Comparative Strategic Culture », Parameters, Vol. XIV, Winter, 1984.
27. Bruno Colson, La culture stratégique américaine, FEDN, Economica, 1993.
28. Patry et al., « L’élaboration d’une culture stratégique européenne dans le domaine «
aérospatial », Recherches et documents n°11/2010, Fondation pour la Recherche
stratégique, www.Frstrategie.org, 2010. (Consulté le 28 Décembre 2014)
29. Colin S. Gray, Colin S. Gray, Out of the Wilderness: Prime Time for Strategic Culture,
Washington (D.C.), SAIC Report for Defense Threat Reduction Agency, October 2006,
p. ii. p. 18, 2006.
30. Patry et al., « L’élaboration d’une culture stratégique européenne dans le domaine «
aérospatial », Recherches et documents n°11/2010, Fondation pour la Recherche
stratégique, www.Frstrategie.org, 2010. (Consulté le 28 Décembre 2014)
31. Colin S. Gray, Out of the Wilderness: Prime Time for Strategic Culture, Washington
(D.C.), SAIC Report for Defense Threat Reduction Agency, October 2006, p. ii. p. 18,
2006.
32. Patry et al., « L’élaboration d’une culture stratégique européenne dans le domaine «
aérospatial », Recherches et documents N°11/2010, Fondation pour la Recherche
stratégique, www.Frstrategie.org, 2010. (Consulté le 28 Décembre 2014)
33. Ytzhak Klein, « A Theory of Strategic Culture », Comparative Strategy 10, n° 1,
January, p. 12; Pemboura, A. 2011, « Le Processus de formation de la culture
stratégique camerounaise entre extraversion et introversion », Thèse de doctorat PhD
en science politique, Université de Yaoundé II, 1991.
34. Patry et al., « L’élaboration d’une culture stratégique européenne dans le domaine «
aérospatial », Recherches et documents N°11/2010, Fondation pour la Recherche
stratégique, www.Frstrategie.org, 2010. (Consulté le 28 Décembre 2014)
35. Voir à ce propos la constitution camerounaise de 1972, la Loi N° 96/06 du 18 janvier
1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972.
36. Ahmadou Ahidjo, Anthologie des discours 1957 à 1979. Les Nouvelles Editions
Africaines, Tome 2, 3, 4, p. 2008, 1980
37. Marcel Merle, La politique étrangère, Paris, PUF, p. 24, 1984.
38. Narcisse Mouelle Kombi, La politique étrangère du Cameroun, Paris, l’Harmattan,
1996.
39. Luc Sindjoun, « A la recherche de la puissance culturelle dans les relations
internationales : essai de caractérisation du concept et d’appréhension du
phénomène », La revue camerounaise d’études internationales n°001, 1er semestre.
40. Conférence-débat, à l’occasion de la 40ème Fête Nationale du Cameroun sur le thème «
Le Cameroun dans la coopération Nord-Sud depuis son indépendance : Quelle
diplomatie européenne hier, aujourd’hui et demain ? ».
41. J. Kenfack, « Fiche d'information de l'État : Cameroun », Réseau de recherche sur les
opérations de paix, www.operationspaix.net , 2014, (Consulté le 28 Décembre 2014).
42. Martha Finnemore, National Interests in International Society, Ithaca, NY : Cornell
University Press, pp. 69-73, pp. 86-88, 1996 ; J. Glenn, « Introduction », Neorealism
Versus Strategic Culture, ed. John Glenn, Darryl Howlett et Stuart Poore, Burlington,
VT : Ashgate, pp.8-10, 2004 ; Glenn, J. 2004, « Introduction », Neorealism Versus
Strategic Culture, ed. John Glenn, Darryl Howlett et Stuart Poore, Burlington, VT :
Ashgate, pp.8-10
43. Narcisse Mouelle Kombi, La politique étrangère du Cameroun, Paris, l’Harmattan,
1996.
44. Le 19 février 2013 : une famille française de sept personnes a été enlevée dans le parc
naturel de Waza, situé à l’Extrême-Nord du pays. Il s’agit du premier kidnapping
d’Occidentaux revendiqué par Boko Haram et de la première action de grande
ampleur perpétrée sur le territoire national du Cameroun. Depuis, les attaques du
groupe terroriste se sont multipliées sur le sol camerounais, avec plusieurs rapt
notamment ceux du prêtre français Georges Vandenbeusch en novembre 2013, celui
des clercs Italiens et Canadiens début avril 2014, ou celui de dix ressortissants chinois
qui ont été enlevés par des membres présumés de Boko Haram lors d’une attaque
dans la localité de Waza. Plus spectaculaire encore a été le rapt de la femme du Vice-
premier ministre Amadou Ali, du maire délégué de Kolofata et de quelques membres
de sa famille.
45. « Le Cameroun opposé au droit de poursuite dans le Bassin du Lac Tchad »,19 mars
2014, www.237online.com, (Consulté le 10 décembre 2014, 12h09).
46. « Sommet de l'Elysée: «déclarer la guerre» à Boko Haram, Radio France
Internationale, www.rfi.fr , (Consulté le 10 décembre 2014, 12h09).
47. «Lutte contre Boko Haram : vers la création d'une force multinationale », 2014. Jeune
Afrique, www.jeuneafrique.com (Consulté le 23 juillet 2014, 16h50).
48. Discours du Président Paul Biya en 1990 devant les élèves officiers de la promotion
unité et solidarité de l’Ecole Militaire Interarmées du Cameroun.
49. Joseph-Vincent Ntuda Ebodé, « Politique de défense du Cameroun : évolution du
concept d’emploi des forces et perspectives », Tribune, www.defnat.com, 2011,
(Consulté le 02 Septembre 2011).
50. Discours à l’ occasion du triomphe de la promotion « vigilance » de l’EMIAC, Yaoundé,
le 30 juillet 1983.
51. Discours du Président Paul Biya à l’occasion du triomphe de la promotion « vigilance »
de l’EMIAC, Yaoundé, le 30 juillet 1983.
par
Aristide Mebouf Mimbana,
FALSH, Université de Yaoundé I
et
Patrice Bigombe Logo,
GRAPS, Université de Yaoundé II
Le jeu politique au Cameroun prend, parfois, les allures d’une arène, c’est-à-dire,
« un espace social où prennent place les confrontations et les affrontements »1, ou
d’un champ, au sens de Pierre Bourdieu, c’est-à-dire, « un espace structuré de
positions (ou de postes) dont les propriétés dépendent de leur position dans cet
espace »2, ou encore, pour reprendre Yves Alexandre Chouala, «un espace au sein
duquel des acteurs à la nature, aux ressources et aux positions inégales sont en
concurrence ou en luttes pour le monopole des capitaux efficients qui y sont en jeu
ainsi que pour la transformation ou la conservation de la configuration des
rapports de force qui structurent le champ »3. Cette situation n’est pas
désincarnée. Elle tire ses origines dans l’histoire politique du pays. En effet, si
l’histoire politique du Cameroun ne correspond pas au modèle d’évolution
politique de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, elle entre bien dans le
cadre plus large de la décolonisation de l’empire colonial français4. Mais aussi,
elle permet de saisir les dynamiques contradictoires et les dommages collatéraux
que la colonisation française a induits dans ce pays. Il est établi aujourd’hui que
la France a mené, dans la majorité des colonies et des territoires qu’elle a
administrés, une politique de commandement directe et centralisée.
1944 a introduit dans ses recommandations la possibilité pour les Africains des
colonies françaises de créer les syndicats professionnels10. Dans la foulée, les
partis politiques vont occuper le terrain afin de combler l’espace ouvert par les
syndicats. C’est dans ce cadre que le samedi 10 avril 1948 se produit
discrètement un évènement important dans la vie politique Camerounaise. Au
café Sierra, dans le quartier Bassa de la ville de Douala, naît l’Union des
Populations du Cameroun (UPC), sur un schéma élaboré depuis l’extérieur11.
Depuis la naissance du terme idéologie créé par Antoine Destutt de Tracy à la fin
du XVIIIème siècle, le sens de ce mot a sensiblement évolué12. Du sens originel
« d’analyse scientifique de la faculté de penser »13 que lui réservait de Destutt de
Tracy, à celui de « représentation collective »14 que l’on retrouve chez les
sociologues, en passant par toute une gamme de significations péjoratives,
l’idéologie est bien expliquée différemment. Cette confusion sur le terme explique
qu’une multitude de théories différentes et souvent contradictoires, aient vue le
jour. Malgré leurs disparités, la plupart des théories sur l’idéologie semblent,
pourtant, dans la majorité des cas, être assez vraisemblable15. De manière
générale, l’idéologie renvoie à un ensemble d’idées, de pensées philosophiques,
sociales, politiques, morales, religieuses propres à un groupe, une classe sociale
ou à une époque. Autrement dit, c’est un système d’idées, d’opinions et de
croyances qui forment une doctrine pouvant influencer les comportements
individuels ou collectifs. Dans le cadre de cette analyse, l’idéologie prend le sens
qu’en donnent de P. Bonnafé et Michel Cartry.16 Pour ces auteurs, en effet, « une
idéologie politique est un ensemble d'idées, de représentations, de croyances
Les partis politiques Camerounais inscrits dans cette logique sont issus du Bloc
Démocratique Camerounais (BDC). Il s’agit de l’Union Camerounaise (UC)
d’Ahmadou Ahidjo et du Parti des Démocrates Camerounais (PDC) d’André-
Marie Mbida. On peut ajouter à cette liste, l’Evolution Sociale Camerounaise
(ESOCAM) de Pierre Dimala, l’Union Sociale Camerounaise (USC) de Charles
Okala23 et le Front Populaire pour l’Unité et la Paix dans une certaine mesure. Il
n’est pas question ici de mener une étude en profondeur de ces partis politiques,
mais de s’appesantir sur le discours politiques de leurs leaders politiques24.
L’essentiel de leur pensée politique l’idéologie tournait autour de la glorification
de l’œuvre de la « mère patrie »25.
Il faut noter que ces associations exercent une influence qu’il ne faut pas négliger
dans la configuration politique du Cameroun. Elles ont, entre autres, le rôle de
lancer les idées, de provoquer des mouvements de masse et donc de créer une
opinion qui finalement pèse sur les options politiques même dans les milieux
ruraux et traditionnels36.
les Bassa upécistes ou non qui se trouvent dans la forêt, pour rentrer au village
dans un délai de 10 jours »40.
Les sociétés multiethniques comme le Cameroun sont viables à condition que les
forces endogènes et exogènes ne viennent remettre en question ce jeu dialectique
du personnel et l’impersonnel, du subjectif et de l’intersubjectif, de l’ethnique et
du national qui rend la coexistence entre les individus ou entre les groupes
toujours possible et toujours plus désirée que la guerre43. Dans cette nouvelle
dynamique des rivalités ethniques en Afrique et au Cameroun, les intellectuels
et les hommes politiques jouent un rôle prépondérant. De ce climat délétère qui a
toujours existé et qui continue aujourd’hui entre certaines ethnies, les individus
se regardent en adversaire remettant en question les fondations même de l’Etat.
Toutes choses qui donnent un visage atypique à la libéralisation politique au
Cameroun, où la compétition politique semble en effet s'être muée en
compétition ethnique44.
qu’elles adoptent le mode de vie occidental. Ces éléments vont nourrir, pendant
toute la période coloniale, une méfiance entre les deux parties du pays.
Dans le même temps, c’est un mauvais triomphalisme qui berce les populations
du Centre-Sud et une partie du clergé catholique. Jean Zoa, archevêque de
Yaoundé n’hésita pas à proclamer « qu’un Président catholique est une
bénédiction pour le Cameroun »50. Sachant quelle proximité il entretenait avec
l’ancien régime, ses déclarations viennent traduire le malaise vécu dans une
partie du peuple Camerounais de voir à la tête de l’Etat un homme de confession
musulmane surtout après l’éviction d’un autre catholique André-Marie Mbida en
1958.
En vérité, pendant cette période, au Cameroun, il ne fait pas bon vivre. La vie
politique est suivie au quotidien par les observateurs et les analystes. Chaque
geste posé par Ahidjo ou Biya est analysé afin de déceler les indices d’une
certaine rivalité. La preuve, lors de sa visite au Président de la République
voisine du Nigéria, la suite du Président Ahidjo sera exclusivement Peule, avec,
en l’occurrence le Premier ministre Bello Bouba Maigari, le ministre Aminou
Oumarou, le gouverneur Ousmane Mey.
L’histoire politique du Cameroun contemporain est, dans une large mesure, une
histoire de luttes de pouvoir, c'est-à-dire, des conflits noués autour de sa
conquête, de sa dévolution et de sa conservation. Cette perspective permet
d’envisager la configuration du rapport de forces comme un produit du conflit et
de la concurrence entre une diversité d’acteurs aux positions inégales et aux
ressources spécifiques56.
Dans son article 77, du chapitre XII alinéa (b), le but final de la tutelle est
annoncé aussi qu’il suit :
Français précise une limite dans le temps en accord avec la résolution 558 (VI)
du 18 janvier 1952 de l’Assemblée Générale qui « invitait les autorités
administrantes à donner des informations sur le délai dans lequel on s’attendait
à ce que les territoires atteignent l’indépendance »63.
des vœux sincères pour l’organisation immédiate d’une nouvelle réunion des deux
Cameroun, lesquels doivent jouir d’un même statut »67.
Cette situation était mal vécue par le peuple Camerounais, parce qu’elle ne
permettait pas une circulation fluide des personnes et des biens. Il fallait
toujours présenter ses papiers (un visa ou un laissez-passer) ou payer les frais de
douane afin d’avoir accès à l’un des territoires. Ainsi, au congrès de l’UPC
d’Eséka, le 29 septembre 1952, Um Nyobé glorifia l’idée d’unification. Il déclarait
à cet effet « chrétiennement parlant, le monde entier reconnaît que Dieu a créé un
seul Cameroun, c’est le point de départ »68. Pour lui, l’unification des Cameroun
français et britannique constituait un premier pas vers l’indépendance. Son vœu
le plus cher est que le Cameroun retrouve ses frontières de la période allemande.
Et il dira : « lorsque les premiers colonisateurs arrivèrent chez nous pour
s’emparer de notre pays, le Cameroun était un seul, sous administration
allemande »69. L’UPC faisait de l’unification un impératif politique et avait su
attirer la sympathie du peuple Camerounais derrière cet objectif.
la mission de visite des Nations Unies et par la même occasion déposer quelques
pétitions qui glorifiaient les actions du gouvernement Français74. A travers ce
parti, l’administration Française va réussir l’exploit de coller à l’UPC l’étiquette
de communiste qu’elle va largement utiliser pour la combattre dans les milieux
internationaux compte tenu de la guerre froide qui cristallise l’attention au
niveau mondial. Il faut cependant souligner que ces récompenses que les leaders
de l’ESOCAM exigent des autorités coloniales n’ont pas tout le temps été
accordées, ou alors, ce qu’ils ont reçu n’a jamais été suffisant et a souvent suscité
de nouvelles demandes75. Par ailleurs, si l’ESOCAM est un bon argument de la
France sur le plan international, il ne réussit pas cependant à circonscrire
l’implantation de l’UPC.76
Ce parti estime que la réunification n’est possible que dans le cadre de l’ONU à
partir d’une entente entre Français et Anglais. Celle-ci réalisée, les Camerounais
auront la possibilité de choisir la puissance tutrice qui devra conduire les
destinées du territoire. Il apparaît clairement que, dans sa stratégie de lutte, le
BDC reprend, en d’autres termes, les propositions de l’UPC qu’il avait même
tourné en dérision des années auparavant et surtout indique son choix pour la
puissance tutrice qui devra conduire cette unité. Cette réunification permettra
ainsi à la France, puissance choisie par le parti de conclure une confédération
avec le Cameroun. Concernant l’indépendance, le BDC, au cours de son congrès
qui se tient à Yaoundé le 30 avril au 1er mai 1955, ce parti va faire une tentative
La rivalité politique latente peut être considérée comme cette compétition qui se
joue à l’intérieur des formations politiques et qui participe de l’expression de la
libéralisation politique. Cette rivalité met en scelle les éléments d’une même
entreprise politique mais qui sont en compétition pour le contrôle des postes et
des trophées politiques. Toute organisation politique a des règles qui structurent
la compétition86. Les règles peuvent renseigner sur la manière dont un militant
peut gravir les échelons de la structure politique, occuper les postes de
responsabilité au sein du groupe. Dans ce cas, un concurrent se mesure à son
rival en faisant des déclarations avec des mots ou des actions au sujet des
moyens dont il dispose.
analyse, nous allons nous attarder sur les exemples de l’UPC qui fut l’une des
formations politiques les mieux structurées du moment. Ce parti a été le théâtre
des dissensions internes d’une violence sans précédent. A partir de ce moment,
les ennemis, on ne les trouve plus en dehors des frontières des formations
politiques ; mais à l’intérieur, et ils sont identifiables non pas à leurs uniformes
mais à leurs prises de positions et leurs actions. Au sein de l’UPC, on a vu les
pro-russe affronter directement les prochinois pour le contrôle du parti.87 A cet
exemple, nous grefferons le cas du BDC où la rivalité Mbida-Aujoulat, a marqué
les esprits de par son caractère violent.
1. L’ère du chaos au sein de l’UPC : l’opposition sur les moyens et sur les
approches de lutte
Les dissensions se font sentir au sein de l’UPC dès les années 1955. Ces
dissensions sont le fait de quelques militants, appuyés sur la fibre tribale qui
trouvent que le Président n’a pas fait implanter l’UPC dans le Noun et certains
s’opposent à lui sur le plan idéologique. Ces divergences apparaissent lorsque le
gouvernement Français prend le décret interdisant le parti nationaliste le 13
juillet 1955. Face à la hargne de Roland Pré, Um Nyobé oppose un message non
violent, alors que le Président Moumié et son lieutenant Kingué demandent au
cours de la plupart des réunions qu’il fallait dorénavant répliquer aux multiples
attaques de l’administration88. C’est dans ce contexte que, lors d’une réunion
publique qui regroupa près de 250 personnes, un orateur
déclarait : « maintenant, tous les upécistes sont décidés à ne plus se soumettre aux
exigences administratives et éventuellement toute intervention d’un agent de
l’autorité dans une réunion sera repoussée par la force »89. Ce qui va arriver parce
que l’UPC va céder et à ses militants de répondre du « tac au tac » aux
provocations de l’administration90.
L’UPC des exilés est caractérisée par des intrigues et des luttes de leadership.
On va ainsi assister à la division du bloc en deux groupes. D’un côté, on a le
Président Moumié, Abel Kingué, Ndeh Ntumazah, Ossendé Afana comme les
principaux animateurs du camp dit « prochinois »91. De l’autre côté, Woungly
Massaga, Michel Ndoh, Jean Martin Tchaptchet venus fraîchement de Paris
pour Accra représentent le camp « prosoviétique »92. Ces deux groupes s’opposent
sur l’orientation que la branche extérieure doit donner à la lutte armée. Dans le
même sens, ils ne parviennent pas à trouver une direction collégiale des
opérations. A la fin de l’année 1960, ce groupe entend créer le « Secrétariat
C’est dans ces conditions que l’UPC extérieure entre dans la zone de tempête.
Elle va sombre dans les divisions. Il n’en subsistera bientôt plus en tant
qu’organisation, qu’une espèce d’image virtuelle, hologramme entretenu par les
médias93. Le danger réel que constituait l’UPC extérieure pour le régime restera
au fil du temps insignifiant. Cette division va aussi se manifester dans les
activités du front constitué par eux. C’est ce qui explique que pour un même but,
l’UPC extérieure se soit retrouvée au Congo Brazzaville avec deux colonnes
animées par deux leaders différents qui étaient incapables de s’entendre. Les
Chinois vont exprimer leur désarroi en doutant de la force de la rébellion
Camerounaise estimant que celle-ci n’a remporté aucun succès concret depuis
son existence94. Privé de soutiens extérieurs, ce front de l’ALNK va cheminer
doucement vers la fin de son existence sans résultat concret.
A la vérité, ces leaders extérieurs avaient-ils besoin de créer un second front sans
pour autant avoir totalement la maîtrise des foyers existants ? Il est clair que
l’éparpillement des forces n’a pas contribué à renforcer la lutte. Les leaders
upécistes n’ont pas pu constituer un bloc solide susceptible de favoriser la mise
en place d’actions communes et concertées. Car, par leur carnet d’adresses et
leurs connexions multiples, ils devaient veiller au ravitaillement des troupes au
combat. En d’autres termes, les dirigeants du deuxième front n’ont pas pu, en
raison de certaines divergences, impulser une dynamique unitaire au
mouvement nationaliste au moment idoine. C’est dans ce contexte de discorde et
de cacophonie généralisé qu’une première tentative de la guérilla est lancée par
l’universitaire Ossendé Afana. Il sera très vite assassiné le 15 mars 1966. Une
seconde tentative, animée par Woungly Massaga, sera entreprise sur pied. Mais,
elle va subir les mêmes déboires que la précédente.
L’insurrection avait perdu tout effet de surprise qui l’a toujours caractérisé. Ils
ont manqué d’esprit de créativité, d’anticipation et surtout de mobilisation.
Ainsi, il ressort que dans l’.PC, la division était tellement profonde qu’il était
difficile d’avoir des résultats probants. Les leaders de l’UPC extérieure ont
dépensé plus d’énergie à se combattre qu’à combattre leur véritable ennemi, le
Les opinions des proches d’Aujoulat estiment que Mbida avait trahi la confiance
de son mentor en jouant double jeu une fois élu à l’Assemblée. Selon une note
anonyme datée du 17 mai 1954, on peut lire ceci : « Peu de temps après son
élection à l’Assemblée de l’Union Française, André-Marie Mbida s’envole pour le
palais de l’Elysée où il exercera ses nouvelles fonctions (…). C’est ainsi qu’il a
accès aux réunions des Indépendants d’Outre-mer, qui, dans leur programme
d’action, n’avait pas à cœur les activités de l’Union Socialiste Camerounaise.
Grâce à son nouveau collaborateur politique, Okala Charles était au courant de
tout ce qui se passait à Paris. La réaction de ce dernier ne se fit pas attendre… »99.
Zang Atangana analyse cette situation et estime qu’elle est le fait des ambitions
démesurées de Mbida qui pensait qu’il faut « tuer le père pour que le fils vive ». Et
il précise ce qui suit : « et effectivement, dit-il, Mbida grandit docile dans l’ombre
du puissant maître (…, fatigué de jouer les brillants seconds, son ambition lui
commanda de sortir de l’ombre et de briguer la première place »100. Fatigué de
rester dans l’ombre de cette forte personnalité que fut son « père spirituel », il va
décider de prendre son indépendance et d’occuper la première place afin de
s’affirmer comme un véritable homme politique. Dans ces conditions, Mbida ne
cherchait plus qu’un prétexte, tel un félin, un lion qui veut se lancer sur sa proie,
pour abattre celui qui avait fait de lui un homme politique.
En fait, pendant l’élection partielle d’avril 1954, Aujoulat avait subi un revers
électoral en perdant la présidence de l’ATCAM101. Mbida s’est rendu compte
qu’Aujoulat n’était pas aussi indétrônable qu’on pouvait le penser. A partir de ce
moment, il fallait passer à l’offensive en détruisant la glorieuse réputation que
Louis-Paul Aujoulat s’était faite dans la région. En 1955, on attribue à Mbida
l’origine d’un tract qui faisait une campagne anti-Aujoulat. Dans ce tract, on
peut lire :
« Tous les Camerounais et les Camerounaises se rappellent que
Monsieur le Haut-Commissaire de la République a mis la population
au courant de l’arrivée au Cameroun de la mission de visite des Nation-
Unies en visite chez nous. C’est le moment précis où cette mission arrive
dans la circonscription du centre que notre député prend l’avion pour
Paris où rien ne l’appelle spécialement. Pour lui, la mission de visite ne
représente aucun intérêt sans oublier également que l’ATCAM siège en
session budgétaire, la plus importante session de cette institution.
Qu’est-il allé faire auprès de ses frères blancs ? »102.
Pour être plus efficace et marquer la différence entre les deux hommes, Mbida
ne va pas hésiter à se dissocier de son mentor et de ses anciens camarades du
BDC en les présentant comme des traîtres à la cause nationaliste104. Dans son
positionnement stratégique, il va aussi chercher à s’attirer la sympathie des
électeurs de la circonscription du centre, mais aussi après la dissolution de
l’UPC, à démontrer aux nationalistes qu’il défend cette cause. Il va même jusqu’à
s’approprier les thèses nationalistes de l’UPC. Mbida, dans ce duel fratricide, va
s’appuyer sur la fibre tribale, indigène, autochtone contre Aujoulat qui était un
« Blanc », un Français en plus. Il le fait savoir dans sa profession de foi avec
beaucoup d’insistance : « Chers Electeurs et Electrices, si vous l’approuvez, si vous
estimez que la troisième circonscription mérite d’être représentée à l’Assemblée
Nationale par un natif et non par un nuisible intrus, votez tous, le 2 janvier 1956,
pour André-Marie Mbida »105.
Notes
1. De Sardan (Jean-Perre Olivier) ; Anthropologie et développement. Essai en socio-
anthropologie du changement social, Paris, Karthala, 1995, p. 178.
2. Bourdieu (Pierre) ; Questions de sociologie, Paris, Editions de Minuit, 1980, p. 113.
3. Chouala (Yves Alexandre) ; « Le paradigme du champ à l’épreuve de l’analyse
internationaliste », Revue Internationale de Sociologie, Volume 12, n° 3, 2002, pp. 521-
544.
4. V.T. Le Vine, Le Cameroun, 1970, p. 125.
5. Sur cette spirale de la violence qui va s’abattre sur le Cameroun, lire les contributions de
D. Abwa, Commissaires et Haut commissaires, 2002, pp. 346-350 ; R. Joseph, Le
Mouvement Nationaliste au Cameroun, 1977, p. 188-190 ; J-M. Zang Atangana, Les
forces politiques au Cameroun réunifié, tome 1, Paris, L’Harmattan, 1989, p. 85.
6. Paul Henri d’Estournelles de Constant, La politique française en Tunisie : le protectorat
et ses origines, Paris, Plon, 1891, pp. 387-388. On peut aussi à juste titre évoquer ce
conseil qui a été prodigué aux Français en Indochine : « Je tiens à vous déclarer que si les
Français veulent désormais occuper l’Indochine en toute tranquillité, sans être gênés par
aucun mouvement révolutionnaire, ils doivent :1°) abandonner toute méthode brutale et
inhumaine ; 2°) se comporter en amis des annamites et non plus en maîtres cruels ; 3°)
s’efforcer d’atténuer les misères morales et matérielles en restituant aux annamites les
droits élémentaires de l’individu : liberté de voyage, liberté d’instruction, liberté
d’association, liberté de presse ; 4°) ne plus favoriser la concussion des fonctionnaires, ni
leurs mauvaises mœurs ; 5°) donner l’instruction au peuple, développer le commerce et
l’industrie indigènes ». (J.F. Horrabin, Deux ans d’Indochine. Un fleuve de sang, Paris,
Les Brochures de la Révolution Prolétarienne, n° 1, anti daté, p. 1.)
7. Jean François Bayart, L’Etat au Cameroun, Paris, Presses de la FNSP, 1985, p.90.
8. Jean François Bayart, Achille Mbembe et Comi Toulabor, La politique par le bas en
Afrique, Paris, Karthala, 2008, p. 76. Sur les dynamiques de retournement de la
domination des dominés, lire, avec intérêt, dans une perspective plus générale, De
Certeau (Michel) ; L’invention du quotidien, tome 1, Arts de faire, Paris, Gallimard, 350
16. P. Bonnafé et Michel Cartry ; « Les idéologies politiques des pays en voie de
développement », in Revue Française de Science Politique, 12e année, n°2, 1962.
pp. 417-425.
17. Ibid.,
18. J.F. Bayart, L’Etat au Cameroun, Paris, PresseS de la Fondation Nationale des
Sciences Politiques, 1985, p. 38
19. J.F. Bayart, L’Etat au Cameroun, 1985, p. 38.
20. Ibid. p.35.
21. A. Jourdain et S. Naulin, La théorie de Pierre Bourdieu et ses usages
sociologiques, Paris, Armand Colin, 2011, p. 105.
22. Lire à ce sujet J.M. Zang Atangana, tome 1, p. 184, cité par D. Abwa in André-
Marie Mbida, 1993, p. 136.
23. Aristide Mimbana Mebouf, « L’insurrection armée à l’Est-Cameroun », octobre
2010, p. 55.
24. Atéba Yéné, Cameroun. Mémoires d’un colonisé, 1988, p.114, cité par Assembé
Ndi in « Les ententes politiques au Cameroun : de la loi-cadre à l’institution du
parti unique 1956-1966 », Mémoire de Master en Histoire, Université de
Yaoundé 1, 2008-2009, p. 26. Lire aussi Jean-Pierre Fogui, L’intégration
politique au Cameroun, 1990, p. 67.
25. Ibid. p. 106. Pour ce courant de pensée, « le Cameroun n’a pas tout ce qu’il faut
pour vivre sans la présence d’une puissance tutrice […] sans la présence de la
France. Quand un orphelin est encore mineur, il a besoin d’un tuteur, un oncle,
un parent ou ami de la famille qui protège et protège ses biens. Au fur et à
mesure que cet enfant grandit, il rentre en possession des biens et de tout
l’héritage qui lui revient de droit. Il en est ainsi du Cameroun… ».
26. J.F. Bayart, L’Etat au Cameroun, 1985, p. 37.
27. Pour en savoir plus sur les circonstances de cette interdiction, lire Léonard
Sah ; « Les journées insurrectionnelles du mois de mai 1955 dans la région du
Mungo (Cameroun) », p.48 ; J.M. Zang Atangana ; Les forces politiques au
Cameroun réunifié, 1989, p. 85 ; Daniel Abwa ; Commissaires et Hauts-
Commissaires, 2002, p. 361 ; Richard Joseph, Le mouvement nationaliste au
Cameroun, 1977, p. 296 ; « Les émeutes de mai 1955 », p. 13…
28. A. Jourdain et S. Naulin ; La théorie de Pierre Bourdieu et ses usages
sociologiques, Paris, Armand Colin, 2011, pp. 105-106
29. P. Bonnafé, Michel Cartry ; « Les idéologies politiques… », op. cit., pp. 417-425.
30. Ruben Um Nyobé, Ecrits sous maquis, 1989, p. 214.
31. J.F. Bayart, L’Etat au Cameroun, 1985, p. 37
32. Raymond Aron ; Dimension de la conscience historique, Paris, Plon, 1985, p. 54.
33. Ibid.
34. E. Mveng, Histoire du Cameroun, Tome 2, 1985, p. 192
35. J.F. Bayart, L’Etat au Cameroun, 1985, p. 48
54. Pour en savoir plus sur les détenus politiques de cette période, lire les travaux
de Christian Tsala Tsala sur « Les détenus politiques au Cameroun de 1958 à
1997 ».
55. Les provinces étaient alors les délimitations administratives appliquées dans le
Cameroun indépendant qui remplaçaient les subdivisions coloniales. Cf. décret
n° 72/349 du 24 juillet 1972 portant réorganisation de la République du
Cameroun. Article 1er : Les cinq provinces francophones initiales allaient être
portées à huit par l’éclatement de la grande province du Nord en trois :
l’Adamaoua, le Nord et l’Extrême Nord et dans le sciage du Centre-Sud en
deux : le Centre et le Sud, en 1983. Cf. MINAT, Décret n° 72/349 du 24 juillet et
n° 83/390 du 22 août 1983 portant création des nouvelles provinces.
56. Yves Alexandre Chouala ; « Le Paradigme du Champ à l’Epreuve de l’Analyse
Internationaliste », 2002, p. 527.
57. F.G. Bailley ; Les règles du jeu politique, Paris, Presses Universitaires de
France, 1971, p. 30.
58. Ibid., p. 35.
59. Ils doivent créer la confusion dans l’esprit de la population, prendre le contre-
pied de l’UPC et convaincre les Camerounais de l’inutilité de ses revendications
formulées par le parti nationaliste.
60. 1Nkolo Foé, Le post-modernisme et le nouvel esprit du capitalisme sur une
philosophie globale d’Empire, Conseil pour le développement de la recherche en
sciences sociales en Afrique (CODESRIA), Dakar, 2008, p. 175.
61. E. Mveng, Histoire du Cameroun, tome 2 ,1985 p.175.
62. Il faut rappeler ici qu’à l’occasion du mandat, le Togo avait été divisé au même
titre que le Cameroun entre la France et l’Angleterre. Dans sa quête pour son
indépendance, le Togo va saisir les Nations Unies afin de poser cette question
des populations qui se retrouvaient entre deux zones d’influences distinctes et
deux systèmes d’administration différents. C’est dans ce cadre qu’une
délégation togolaise porteuse d’une pétition sur la question des Ewé et de la
réunification du Togo va présenter sa requête à l’Assemblée Générale des
Nations Unies dans les années 1950.
63. 1 R. Joseph, Le Mouvement nationaliste au Cameroun, 1977, p. 206.
64. R. Joseph, Le Mouvement nationaliste au Cameroun, 1977, p. 206.
65. R. Um Nyobé, Ecrits sous maquis, 1989, p. 69.
66. Ibid., p. 219.
67. Anonyme, "De la Réunification", n°1506/PS2/LD/AMB, Yaoundé le 25 juin
1959, p. 9.
68. Philippe Gaillard, Le Cameroun, Tome1 1989, p.194.
69. Ruben Um Nyobé, Ecrits sous maquis, 1989, p. 84.
70. Daniel Abwa, Commissaires et Hauts-Commissaires, 2002, p. 347.
71. Dans l’article 2 de ces statuts, l’ESOCAM écarte clairement toute
d’indépendance et de réunification et en affirmant qu’il entend « lutter contre
85. Dans cette pétition, on pouvait lire : « Les membres de l’Assemblée territoriale
du Cameroun français réunis en session à Yaoundé, sont obligés de souligner
avec fermeté que le parti surnommé (UPC) et son secrétaire général n’ont aucune
qualité pour représenter les intérêts et les aspirations des masses camerounaises.
Ils rappellent qu’ils sont eux-mêmes les représentants de ces masses, ayant été
élus le trente mars dernier, et qu’à ces élections générales, sur cinquante sièges à
pourvoir, l’UPC, malgré une activité intense de propagande, n’en a obtenu
aucun ». Abel Eyinga ; L’UPC, une révolution manquée, Paris, Editions Chaka,
1991, pp. 174-175.
86. F.G. Bailley, Les règles du jeu politique, 1971, pp. 42-43.
87. Philippe Gaillard, Le Cameroun, Tome 2, p 57.
88. Richard Joseph, Le Mouvement nationaliste au Cameroun, 1977, p. 295.
Ainsi, Um Nyobé déclare : « En ce qui concerne l’argument selon lequel nous
devons avoir des armes pour revendiquer notre liberté, nous répondons que
cela est dépassé (…). Les libertés fondamentales dont nous revendiquons
l’application et l’indépendance vers laquelle nous devons marcher résolument
ne sont plus des choses à conquérir par la lutte armée ».
89. Léonard Sah ; « Les émeutes du mois de mai 1955 dans le Mungo », in Cahiers
d’Histoire et d’Archéologie, juin 2004-juin 2005, p. 153.
90. Richard Joseph, Le Mouvement nationaliste au Cameroun, 1977, pp. 279-281.
91. Philippe Gaillard; Le Cameroun, tome 2, p 57.
92. Ibid., p, 57.
93. Ibid., pp. 24-26.
94. ANY : 1AA 7, Synthèse bimensuelle de sûreté, 1966, p. 8.
95. D. Abwa, André Marie Mbida, 1993, p. 29.
96. Au départ, cette structure politique a pour dénomination Union Démocratique
et Politique Camerounaise. Après quelques tractations qui vont dans le sens de
la rivalité avec l’UPC et créer la confusion dans l’esprit des camerounais, elle va
prendre le nom d’Union Démocratique Camerounaise pour finalement adopter
l’appellation de Bloc Démocratique Camerounais.
97. Ibid, p. 34.
98. A. Eyinga, Introduction, 1984, p. 96.
99. ANY : 1AC/365B ; « Causes et conséquences du malaise grave qui persiste au
sein du Bloc Démocratique Camerounais ».
100. J.M. Zang Atangana, Les forces politiques, 1989, p. 216.
101. R. Joseph, Le Mouvement nationaliste au Cameroun, 1977, p. 257.
102. ANY, 1AC/365, "circulaire P31 du mardi 8 novembre 1955".
103. Cité par Abwa in André Marie Mbida, 1993, p. 41.
104. Ibid., p. 46.
105. Profession de foi du candidat André-Marie Mbida aux élections du 2 janvier
1956. Il faut dire que cette élection comptait sur trois circonscriptions
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par
Nadine Machikou,
Université de Yaoundé II
connue15, la superposition de ces deux séquences qui peut aussi être envisagée de
manière spatiale16, est plus qu’articulation de soumission politico-administrative
et désobéissance morale, elle est révélatrice de la complexité des relations entre
Etat et société au Cameroun17. Or, c’est dans l’entreprise étatique de
normalisation des conduites (I) que l’individu-sujet se construit et que la
subjectivation s’affirme. De la sorte, penser le souci de soi, c’est lire la manière
dont les femmes se construisent dans des actes prohibés par un retour sur soi
(II).
Le souci de soi individuel est relatif au travail que chacun est amené à
entreprendre pour lui-même et pour la cité. En substance, « la tâche de
s’éprouver, de s’examiner, de se contrôler dans une série d’exercices bien définis
[est] au cœur de la constitution du sujet moral »18. Le souci de soi renvoie aussi à
la façon dont l’individu vont faire preuve de tempérance, en « se commander soi-
même », et faire preuve d’une « culture de soi ». C’est sans doute dans
L’herméneutique du sujet que la notion de souci de soi est affinée par Michel
Foucault dans le cadre de sa chaire d’histoire des systèmes de pensée (chaire
qu’il tient de 1971 à 1984)19. En partant de « la culture de soi », chapitre de
l’ouvrage Le souci de soi, l’auteur révèle le tournant qu’il avait amorcé dans la
manière de concevoir le pouvoir et ses dispositifs sous l’hypothèse répressive.
Nous la lirons ici en relation avec la production étatique de la docilité dans le
cadre de la célébration de la JIF au Cameroun. Dans un contexte de faiblesse
persistante des mouvements sociaux protestataires malgré le fait que « la
défiance à l’égard des membres du gouvernement, des « élites » en général et
même du président de la République, au pouvoir depuis 1982, se fait entendre
quotidiennement »20, il est désormais banal de signaler la démobilisation
collective ambiante au Cameroun. Comme ressorts, Marie-Emmanuelle
Pommerolle invoque notamment quatre éléments, à savoir, les « manque de
représentativité, autocensure, double langage, hostilité de l’État »21. Est-il dès
lors surprenant que la commémoration de la JIF ne soit véritablement promue
que comme espace de production politico-administrative et d’expression de la
loyauté22 et de la docilité ?
l’édition sera par la suite admis comme le prescrit des documents administratifs
produits à cet effet27. L’économie politique du pagne est révélatrice de la
mainmise de l’Etat et de certaines élites politiques sur les filières économiques,
expressive d’une forme de bienveillance et de prodigalité d'un pouvoir patriarcal
se substituant pour répondre aux obligations familiales à travers la fourniture de
cet objet socialement chargé de significations. Fabriqué par la Cotonnière
Industrielle du Cameroun (CICAM), entreprise créée en 1965 et anciennement
détenue par des capitaux étrangers et camerounais mais rachetée par la Société
nationale des investissements en 2009. Après une mauvaise passe financière28,
elle a réussi à inverser positivement la courbe de ses résultats grâce notamment
à des contrats institutionnels (fabrication à grande échelle de pagnes
spécifiquement créés pour de grandes organisations, publiques ou privées) à
l’instar du pagne du 8 mars qui est vendu à prix « social ».
Le pagne d’Etat, acheté et/ou distribué dans des organisations publiques est
l’instrument privilégié d’affirmation de l’allégeance29 qui va s’exprimer
également à travers le mouvement discipliné des corps sur la base d’un ordre de
passage et de règles déterminés à l’avance30 par le Ministère la promotion de la
femme et de la famille. Les femmes défilent au son d’une fanfare et adoptent
parfois la marche et le salut militaires en s’avançant devant les autorités
présentes. Au-delà du pagne, la parade est étroitement organisée par
l’administration publique que ce soit dans la capitale ou en région où le
Gouverneur y préside des festivités. Les activités annexes (causeries éducatives,
table-ronde, événements sportifs et culturels) sont fortement inspirées par le
ministère dédié et des comités d’organisation dans chaque organisation publique
mis en place longtemps à l’avance pour préparer l’évènement même si elles
mobilisent souvent faiblement puisque que l’obligation de participer au défilé est
finalement assez aléatoire31:
« Moi ça me fatigue quoi, qu’est-ce que c’est que cette histoire où on
vous donne un pagne et on exige que vous alliez défiler. Au début dans
mon organisation, on tenait une liste de présence des défilantes. Par
la suite, on a commencé à rembourser les frais de taxi, 2000 FCFA. Il
y a beaucoup de pagnes dans la vie des pagnes, un de plus … »,
s’agacera une femme. Elle ajoutera « Il y a beaucoup de choses qui se
font mais le kaba a vraiment pris le dessus. Si le MINPROFF se
retire, il n’y aura plus de 8 mars. C’est une journée qui donne
l’occasion de s’exprimer sur les violences et les inégalités qui touchent
la femme mais ce n’est pas véritablement le cas. Je souhaiterais qu’on
L’ordre est assuré par la police qui n’hésite pas, en région où à Yaoundé, à
repousser violemment ou à assener des coups de matraque eux badauds et
spectateurs indisciplinés qui s’aventurent trop sur la chaussée. Les chants sont
interdits au motif de contenir toute velléité de revendication contestataire35. La
loyauté, des élites comme des gens ordinaires, au régime s'exprime de manière
explicite dans des mots d’ordre et autres slogans.
2. Normalisation discursive
Cet « investissement de forme »41 producteur d’ordre est contrôlé par une
Commission en charge du défilé relevant du Ministère de la promotion de la
femme et de la famille. Il s’agit d’une pratique présente dans d’autres défilés où
les performances des défilants sont rigoureusement encadrées. En effet, « les
chants patriotiques qui seront exécutés ont été auditionnés, après avoir été
sélectionnés sur les critères de l’exaltation de la paix sociale et l’unité nationale,
la lutte contre les fléaux sociaux, originalité, ainsi que la cadence. Certes,
beaucoup reste encore à faire pour coordonner les chants avec le défilé des élèves
[…] Les slogans ont été conçus et transmis pour validation à la hiérarchie »42.
Dans l’espace politique, la docilité est d’autant réelle que l’Etat laisse la porte
ouverte à des formes de requalification et d’adaptation des normes
commémoratives par les individus. Ici, des transactions collusives entre groupes,
individus et Etat permettent de construire un lieu chargé d’un sens nouveau de
la commémoration. Les femmes qui s’engagent dans une discipline
commémorative matérialisée par le défilé, séquence de la matinée (et plus
largement du jour), se réapproprient la fête dans la séquence de l’après-midi
jusqu’à la nuit.
Or, la rhétorique du pouvoir n’en demande pas tant et se contente d’une mise en
scène et en mots utiles aux gouvernants et rendant possible un détournement de
la rhétorique officielle. C’est cette nuance qui apporte une touche de douceur au
dispositif disciplinaire qui organise la commémoration de la JIF au Cameroun.
Le pouvoir de mobiliser les corps féminins pour le défilé devant les autorités
politiques et administratives doit se penser au cœur d’interactions fondées sur
des dépendances mutuelles et ouvrant à une variété de possibilités. En effet, « il
est impossible de conclure à l’existence d’un rapport de causalité entre une
mesure précise censée exprimer la sollicitude de l’Etat et l’acquiescement, même
tacite de la population »53. Il faut sans doute partir d’une forme de transaction
performative entre les femmes et Paul Biya pour le comprendre.
Paradoxalement, c’est cette figure exaltée de la femme qui est la plus ravagée
dans l’imaginaire collectif lors de la JIF dans la séquence nocturne de la fête. Le
témoignage d’une femme meurtrie par le déferlement de frivolité des femmes en
est saisissant :
« Je ne sors pas le soir, ça ne m’intéresse pas parce que pour moi ça ne
prouve rien. Ce n’est pas à travers cette journée là que je vais vraiment
m’affirmer en tant que femme. En plus, la façon dont on prend la
journée du 8 mars fait que les hommes prennent ça mal. Elles pensent
que c’est le jour où elles doivent sortir. C’est comme une journée de
rébellion, et c’est ce que les gens en général retiennent. ‘‘C’est votre
journée aujourd’hui, je sens que là où tu sors là, tu ne vas pas revenir
avant minuit’’. Je trouve que ça n’a pas un sens honorable. Au moins
trois hommes vont vous demander si vous avez soulevé les kabas.
Même les prêtres, avant de souhaiter bonne fête aux femmes dans leur
homélie disent ‘‘mesdames allez doucement, n’allez pas soulever les
kaba’’. Je crois que c’est plutôt les femmes des milieux populaires qui
font ça. Ce n’est pas sérieux, il y a en qui exige que le mari devienne la
femme ce jour là. Pour elles c’est une journée de libertinage, il y a une
déviation. Pourtant c’est même ce jour là qu’il faut montrer qu’on est
une bonne épouse, c’est le jour où tu peux faire quelque chose de
spécial pour ton mari. Nous avons une culture ! Tu peux même
revendiquer mais avec l’arme de douceur »67.
Dans cette prise de position, il apparait nettement que le monopole exercé par
l’Etat sur l’espace matériel et symbolique de la JIF est très relatif et traversé par
de la complexité et des tensions. La séquence de l’après-midi, du soir et de la nuit
de la JIF illustre le souci de soi comme mécanisme d’évitement ou de
contournement des mailles du pouvoir68. De fait, dans l’entreprise de
gouvernement des corps, parce que la population n’est pas essentialisée mais vue
comme un ensemble de processus qu’il faut gérer « dans ce qu’ils ont de naturel
et à partir de ce qu’ils ont de naturel »69 comme espèce humaine et comme public.
Or, « de l’espèce au public, on a là tout un champ de réalités nouvelles, réalités
nouvelles en ce sens qu’elles sont pour les mécanismes du pouvoir, les éléments
pertinents, l’espace pertinent à l’intérieur duquel et à propos duquel on doit
agir »70. Protéger la société, c’est aussi constituer l’anormalité. Le pouvoir de
normalisation sert ainsi à protéger la société contre toute menace intérieure que
les anormaux et les dangereux pourraient constituer. Il est essentiel, dans l’art
de gouverner, de prescrire les comportements utiles, fonctionnels et dociles71. Le
souci étatique pour l’individu ne peut être envisagé, tout au moins dans son
opérationnalisation, sans prise en compte de la part de la pratique de soi qui
amène les individus à se gouverner et à se laisser gouverner : c’est que Michel
Foucault nomme la culture de soi qui suppose un retour sur soi.
Le souci de soi individuel est relatif au travail que chacun est amené à
entreprendre pour lui-même et pour la cité. En partant des conceptions du
plaisir sous l’antiquité, Michel Foucault est amené à réfléchir à la morale qui les
sous-tend et à la façon dont les individus la cultivent de sorte que, faire preuve
de tempérance, c’est « se commander soi-même », et faire preuve d’une « culture
de soi ». Elle s’inscrit dans les arts de l’existence, c’est-à-dire, « des pratiques
réfléchies et volontaires par lesquelles les hommes se fixent des règles de
conduite, mais cherchent à se transformer eux-mêmes, à se modifier dans leur
être singulier et à faire de leur vie une œuvre qui porte certaines valeurs
esthétiques et répondent à certains critères de style »72. Formulée comme une
« éthique du sujet »73, ce peut être le fait de « prendre la mesure de ce dont on est
capable »74, ou alors le rapport libre et vertueux que l’on entretient avec soi-
même et avec les autres.
Notes
3. Foucault M., Naissance de la clinique, Paris, PUF, 1966, p. 108 ; voir également
Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979), Ewald F.,
Fontana A. (dir.), par M. Senellart, Paris, Le Seuil - Gallimard, 2004. Voir
également Foucault M., « Pouvoir et corps », in Dits et écrits, Tome II, Paris
Gallimard, « La technologie politique des individus », in Dits et écrits, Tome IV,
1984, pp. 814-815.
4. Le 8 mars 1921, Lénine décrètera le 8 mars comme « Journée des femmes ». Il
faut dire que cette filiation soviétique tenant aussi de ce que les premiers pays à
commémorer le 8 mars (Chine, Vietnam et Cuba) sont communistes, va
beaucoup gêner l’historiographie féministe occidentale.
5. Pick F., Libération des femmes, quarante ans de mouvement, Brest, Éditions
Dialogues, 2011. Voir également Kandel L., Picq F., « Le mythe des origines, à
propos de la Journée Internationale des femmes », La revue d’en face, 12,
automne 1982.
6. Stoler A .A., « Beyond sex. Bodily exposures of the colonial at postcolonial
present » in A. Berger, E. Varikas (eds.), Genre et postcolonialismes. Dialogues
transcontinentaux, Paris, Editions des Archives Contemporaines, 2011, pp.185-
214. Elle dira notamment « A focus on sexual politics alone may not adequately
capture the colonial and postcolonial forms of governance that manage the
carnal, intimate, and domestic relations to which people are subject and by which
they, in turn, reorder what viscerally most shapes their lives » (p.186). Voir aussi
dans le même sens Pheng Cheah, « Female subjects of globalization », in A.
Berger, E. Varikas (eds.), Genre et postcolonialismes. Dialogues
transcontinentaux, Paris, Editions des Archives Contemporaines, 2011, pp.215-
228.
7. Voir notamment Foucault M., « Les mailles du pouvoir », in Dits et écrits,
Tome IV, 1981, pp.182-194 ; « Le sujet et le pouvoir », in Dits et Écrits, Tome II
(1976-1988), Paris, Gallimard, 2001; du même auteur « L'éthique du souci de soi
comme pratique de la liberté », Dits et Écrits, Tome II (1976-1988), Paris,
Gallimard, 2001 ; Histoire de la sexualité, vol.3 : Le souci de soi, Paris, Gallimard,
2004.
8. Beck U. "The reinvention of politics: towards a theory of reflexive modernization",
in U. Beck, A. Giddens, S. Lash (eds.), Reflexive Modernizatio : Politics, Tradition
and Aesthetics in the Modern Social Order, Cambridge, Polity Press, 1994, pp.1-
55.
9. L’on peut prendre l’exemple du biopouvoir ou de la biopolitique. Certes, c’est à la
faveur d’un déplacement théorique partant du biopouvoir (Histoire de la
sexualité, tome 1 : La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 2003) par la suite
explicité plus largement dans d’autres cours dès 1976 (‘‘Il faut défendre la
société’’. Cours au Collège de France. 1975-1976, F. Ewald, A. Fontana (dir),
Paris, Gallimard, 1997 pp. 213-235 et Foucault M., Sécurité, Territoire,
Population. Cours au Collège de France. 1977-1978, F. Ewald, A. Fontana, par M.
18. Voir l’analyse faite par Sabine Planel qui suggère la formule de « structuration
scalaire pour penser l’espace de l’autoritarisme en Ethiopie (Planel S.,
« Structurations scalaires et exercice de la domination en Ethiopie », In Clerval
A., Fleury A., Rebotier J., Weber S. (eds.), Espace et rapports de domination,
Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 99-109).
19. S’appuyant sur un matériau ethnographique et archivistique, cet article est issu
d’une recherche réalisée conjointement avec Marie-Emmanuelle Pommerolle
portant sur les commémorations de la journée internationale de la femme au
Cameroun entre 2006 et 2013. Qu’elle trouve ici l’expression de toute ma
gratitude.
20. Foucault M., Histoire de la sexualité, tome 3 : Le Souci de soi, Paris, Gallimard,
1984.
21. Bénédicte Goussault rappelle que ce cours marque un tournant dans les
préoccupations de Foucault relatives aux questions de pouvoir, de ses dispositifs,
et de la domination : « Foucault analyse le souci de soi, le rapport à soi et les
techniques de maîtrise de soi, depuis l’antiquité. Que l’étude de l’Occident
moderne, et l’importance qu’y prennent les systèmes normatifs, de pouvoir et de
savoir sur les comportements individuels, l’avaient empêché de percevoir […] Il
préconise l’avènement d’un sujet « producteur de sa vie », c’est-à-dire, ni
déterminé par ses appartenances sociales et sa place dans l’organisation sociale,
ni condamné à la soumission aux rôles et statuts sociaux liés à l’intégration
sociale. Il oppose à une société rationaliste, scientifique, et technologique, la
recherche de l’unité intérieure, de la création, de la liberté et de la mémoire. En
écho à l’herméneutique du sujet, il y a la recherche d’un réenchantement du sujet
face au désenchantement du monde ! » (Goussault B., « Leçon de mots, leçon de
choses. Michel Foucault, L’herméneutique du sujet, cours au collège de France
1982, 2001.», EspacesTemps.net, 1er mai 2002, (http://espacestemps.net/
document344.html).
22. Pommerolle M.E. « La démobilisation collective au Cameroun : entre régime post-
autoritaire et militantisme extraverti », Critique internationale, 40, 2008, pp.74-
94.
23. Idem, p.74.
24. La loyauté est retenue ici en référence à la figure tripolaire suggérée par Albert
Hirschman (in, Exit, Voice, and Loyalty: Responses to Decline in Firms,
Organizations, and States. Cambridge, MA, Harvard University Press, 1970).
25. Les deux sont des styles traditionnels de kaba, grandes robes avec de longues
manches.
26. Modèle de kaba cousu avec une découpe à la taille.
27. Style de kaba très court et aux modèles très inventifs.
28. Voir la Circulaire n°11/MINPROFF/CAB du Ministre de la Promotion de la
femme et de la famille.
29. C’est notamment la brochure préparée par le Ministère de le Promotion de la
femme et de la famille, intitulée XXVIIème édition de la Journée internationale
par
Claude Abé,
Université Catholique d’Afrique centrale
Mais, le problème c’est que chacune de ces manières de voir la nation connaît
aujourd’hui de sérieuses remises en question tant dans la littérature scientifique
que dans les événements qui meublent le quotidien. Pour ce qui est de la
première perspective, le débat tourne autour de la pertinence d’une analyse
fondée sur le territoire, cadre par excellence d’évolution de la nation pour cette
conception. Certains disent le territoire en voie de putréfaction, l’on parle alors
de la fin des territoires (Badie, 1995) à la faveur du retournement du monde
(Badie et Smouts, 1992). En clair, comme le démontre Cohen (1996), cette thèse
est fondée sur le constat selon lequel « l’opérationnalité de l’Etat-nation comme
forme d’organisation des sociétés humaines ou acteur de la vie internationale ne
va plus de soi » (Abé, 2001 : 314). Cette vision apocalyptique de la territorialité a
été tropicalisée par nombre de nos devanciers. Mbembé parle d’une menace
d’implosion de l’Afrique aux prises avec la question de la territorialité (1990).
Mazrui doute de la solidité des frontières africaines de type étatique et
s’interroge sur le nombre d’Etats qui conserveront leurs frontières intactes à la
fin du XXème siècle (1993 : 35).
La seconde perspective table sur le rejet des différences, la nation étant une et
indivis, l’hétérogénéité est tout simplement reniée. C’est pourquoi, les replis
identitaires de tous bords que l’on observe aujourd’hui un peu partout
participent à contrarier cette perspective conceptuelle de la nation qui insiste sur
l’homogénéité culturelle. C’est justement la valeur que prennent des situations
d’affirmation violente de la différence tels que le génocide rwandais, les querelles
intestines entre Ivoiriens ou encore l’exacerbation des identités primaires à
laquelle l’on a assisté au Cameroun au cours de la libéralisation politique
(Zambo Belinga, 2002). Comme l’on peut se rendre à l’évidence, cette conception
de la nation remet en question toute possibilité d’articulation du vivre ensemble,
c’est-à-dire, d’une nation, dans une situation multiethnique comme celle du
Cameroun. Il s’agit, cependant, d’une lecture qui ne s’écarte guère de
l’apocalyptisme méthodogique initié par Francis Fukuyama.
Une autre approche peut être faite de ces dynamiques identitaires dans leur
rapport au sentiment national. C’est ce que l’on se propose de réaliser ici. Les
replis identitaires qui agissent comme marqueurs sociaux d’une remise en
question du modèle de construction nationale amorcée au Cameroun peuvent
aussi être interrogés sous l’angle des jeux d’acteurs dans leur rapport au
politique ou alors comme des prises de parole en actes visant à ouvrir un débat
sur ledit modèle. La mobilisation de la notion de capital social telle que
conceptualisée par Bourdieu (1980 : 2-3) et par Putnam (1995) permet une telle
lecture. Selon Bourdieu, « le capital social est la somme des ressources, actuelles
ou virtuelles, qui reviennent à un individu ou à un groupe du fait qu’il possède
un réseau durable de relations, de connaissances et de reconnaissances
mutuelles plus ou moins institutionnalisées, c’est-à-dire, la somme des capitaux
ou des pouvoirs qu’un tel réseau permet de mobiliser » (1992 : 95). En clair, les
relations sociales (familiales, amicales ou professionnelles) qu’un individu
accumule représentent un capital auquel il peut recourir en les convertissant en
autant de possibilités d’action pour faire face à une situation de crise ou obtenir
un gain quelconque (Pirotte, 2007 : 47).
Ce qui précède suggère que l’on peut tout aussi bien se réclamer membre d’une
nation, comme celle que constitue les Camerounais, et marquer son attachement
à une cause ethnique, régionale ou une revendication autonomiste. Bien que cela
soit possible, il n’existe pas d’incompatibilité naturelle entre particularismes et
universalismes ; l’universel peut se penser dans le registre du particulier
(entendez de l’ethnie, de la région ou de la revendication autonomiste), tout
comme le particulier peut s’énoncer dans la grammaire de l’universel. Dans cette
perspective, les mouvements d’affirmation/revendication à caractère ethnique,
régional ou autonomiste apparaissent comme des sociabilités militantes (Rétière,
2003 : 122), des formes d’engagement civil. C’est cette hypothèse que l’on
s’emploie à vérifier dans le cadre de cette réflexion.
Cette partie traite des ruptures, c’est-à-dire, des discontinuités, que connaît
aujourd’hui le processus de construction d’une nation au Cameroun. Comme on
l’a souligné plus haut, dans ce pays, la construction nationale s’est voulue un
projet de type jacobin fondé sur le refus de toute différence, du pluralisme social
(voir Bayart, 1985). Toute remise en question de cette perspective de conception
de la nation peut donc apparaître comme une technologie de décomposition, une
figure de la discontinuité. Ainsi des rivalités ethniques ou encore des
revendications autonomistes et de l’attachement sentimental au dehors/externe.
Pour ce qui est de la discontinuité introduite par l’ethnie, on a retenu que trois
exemples pour illustrer le propos bien que l’on dénombre une pluralité de
situations similaires. Les rivalités entre les Bamiléké et les Bëti constituent le
premier cas retenu. Le retour du Cameroun est venu mettre au devant de la
scène des querelles qui avaient été jusqu’ici savamment contenues. A la suite des
élections présidentielles de 1992 qui ont vu la victoire in extremis de M. Paul
Biya sur M. John Fru Ndi, un conflit d’une intensité jamais égalée a opposé les
membres de l’ethnie Bamiléké aux originaires de l’ethnie Bëti. Sur fond de
mobilisation de l’argument de l’autochtonie, ces derniers ont perpétré de
nombreuses violences aux Bamiléké. Il a été donné de l’observer dans les villes
du Sud-Cameroun où l’installation des populations des Grassfields (les Bamiléké)
date d’environ 50 ans environ, notamment de la période coloniale. Il s’agit de
Mbalmayo, Sangmélima et Ebolowa. Il est important de noter que les Bamiléké
occupent particulièrement la région de l’Ouest et une partie de celle du Littoral
dans la localité de Nkongsamba. L’on peut dire que ces deux régions constituent
leur fief traditionnel. Mais, très actifs dans les activités commerciales, il existe
une forte tradition de migration dans le reste du pays. C’est ainsi que nombre
d’entre eux se sont installés dans les villes du Sud-Cameroun. C’est d’ailleurs
pourquoi, les Bëti, qui revendiquent l’ancienneté résidentielle dans cette partie
du territoire, les qualifient d’allogènes. Il y a cependant une autre raison sur
laquelle le groupe Bëti prend appui pour stigmatiser les Bamiléké : c’est le lieu
d’inhumation de leurs morts. Il est de règle, au Cameroun, que l’on enterre ses
morts aux côtés des ancêtres, c’est-à-dire dans le lieu avec lequel l’on entretient
des liens affectifs d’attachement. Or, lorsqu’un des migrants Bamiléké vivant
dans le Sud-Cameroun, l’on s’organise pour aller organiser ses obsèques à
l’Ouest, dans les Grassfields. Cela a fait dire aux Bëti que les Bamiléké ne se
reconnaissent pas d’attache avec leur lieu d’accueil et d’activités quotidiennes.
rejet de l’autre. Ce refus d’accepter l’autre dans et avec ses différences culturelles
est une preuve que le primordialisme, notamment la mobilisation de
l’autochtonie, peut déboucher sur la déconstruction du vivre ensemble. Ce qui
indique que, dans certaines circonstances, elle constitue une menace pour le
processus de construction de la nation (Bayart, Geschiere et Nyamnjoh, 2001 :
192). C’est dans ce sens que l’appel à l’autochtonie apparaît comme une
dynamique en rupture/contradiction avec l’articulation d’une nation. C’est parce
qu’elle est décomposition de la nation par précarisation de toute possibilité du
vivre ensemble que la mobilisation de l’autochtonie contre l’autre constitue une
figure de la discontinuité du travail de structuration du sentiment national
amorcé.
La même analyse peut être faite dans le cas de la mobilisation de l’ethnie Duala
contre l’hégémonie Bamiléké dans les exécutifs communaux de la ville de Douala
après les municipales de 1996 qui ont vu la victoire du Social Democratic Front
(SDF) de M. John Fru Ndi et l’élection des originaires des Grassfields à la
présidence des exécutifs de mairie. L’argument convoqué ici c’est celui de la
protection des minorités reconnue par la constitution du 18 janvier 1996 (Bayart,
Geschiere et Nyamnjoh, 2001 : 186).
C’est peut être cette situation qui rend compte d’une autre beaucoup plus récente,
celle de l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Maroua. Maroua est la ville qui
abrite les institutions de la région de l’Extrême-Nord, dont l’un des plus
importants centres urbains du Grand Nord. Au cours de l’année 2008, il a été
créé une université dans cette ville ainsi que l’école suscitée. Il a aussitôt été
organisé un recrutement des étudiants pour cette dernière. L’étude de dossiers a
été la formule choisie par la tutelle. Pour les deux cycles (celui des titulaires du
Baccalauréat et celui des titulaires du diplôme de Licence), 25.182 dossiers ont
été jugés recevables par le Ministère de l’enseignement supérieur (MINESUP)
pour 2000 places disponibles. Les résultats publiés le 8 décembre 2008 indiquent
que, « de manière globalisante, les trois régions du septentrion totalisent un taux
de 36% au premier cycle, soit 472 admis sur 1300, et de 30% au second cycle dont
288 admis sur 953. Les sept autres régions se contentent des 66% des restants »
(L’anecdote n°396, 2008 : 6).
Le problème va naître ici du fait que certaines élites du Grand Nord parmi
lesquelles les 52 parlementaires que compte cette partie du pays vont estimer
leur aire géographique peu représentée pour une école qui se trouve chez eux. Le
chef de l’Etat est aussitôt saisi par ces élites qui lui ont adressé un mémorandum
faisant état de ces réclamations. Les parlementaires ont même menacé
d’écourter leurs mandats à la chambre des représentants en démissionnant en
bloc. Face à toutes ces manœuvres, le chef de l’Etat a instruit au Ministre de
l’enseignement supérieur d’admettre tous les candidats du Grand Nord à l’ENS
de Maroua, soit 5614 jeunes camerounais (Repères n°102, 2008 : 2 ; La Météo
n°217 : 2008 : 7). Si l’on s’en tient à la division qu’elle institue entre eux et nous,
une telle utilisation de l’appartenance régionale remet en cause le vivre
ensemble. Il s’agit de rejeter l’autre pour s’approprier un morceau du territoire
national et tous les biens qui s’y trouvent. Elle apparaît comme une discontinuité
parce que cela ne s’est jamais réalisé par le passé où l’on savait que les textes sur
l’équilibre régional réglementaient la répartition par région. C’est une rupture
qui introduit une crise dans le sentiment d’appartenance à la nation. En fait,
cette affaire de l’ENS de Maroua suggère que l’on s’identifie d’abord à la région
avant de se projeter sur le Cameroun, mieux que la région l’emporte même sur la
nation. Cette affectivité manifestée pour l’infranational brouille la relation à la
communauté des citoyens à l’échelle du pays et se structure comme une remise
en question du processus de construction d’une nation camerounaise. Ce qui est
mis en cause ici ce n’est pas le fait de se reconnaître une appartenance à une
région mais la préséance accordée à celle-ci face à la nation. La preuve de cette
préséance c’est la menace de démission des représentants de la nation au profit
des intérêts régionaux.
Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Les populations anglophones se
sentent doublement minoritaires : sur le plan numérique, elles pèsent moins que
les francophones, et sur le plan sociologique, elles estiment être l’objet d’une
domination abusive. C’est ce qui leur fait dire qu’elles sont victimes de
marginalisation et d’exclusion ; c’est aussi ce qui les amène à qualifier l’Etat
camerounais de francophone (Sindjoun, 2002 : 219). La raison de cet ordre de fait
c’est que, depuis 1961, date de la mise ensemble des deux Cameroon cités plus
haut, ce sont les francophones qui ont toujours gouverné. Cette qualification de
la communauté politique par les anglophones représente une remise en question
du caractère bilingue et multiculturel du pays affiché et promu par le projet de
construction nationale mis en place.
Sur le terrain, l’on est en face d’un activisme et d’une propagande sécessionnistes
qui indiquent le sérieux de ces entrepreneurs territoriaux. Cet activisme est si
significatif que les pouvoirs publics sont régulièrement amenés à procéder à
l’interpellation ou l’emprisonnement de ses acteurs. Ce qui indique qu’il ne s’agit
pas d’une simple agitation d’idées de division sans effet dans le champ social et
l’imaginaire national. C’est aussi ce que montre le fait qu’en 1999, la déclaration
d’indépendance ait été précédée d’un recours aux armes certains membres de la
Southern Cameroon National Council (voir Mutations du mercredi 26 décembre
2007 : 3). Même si les choses ne sont pas de nature à dire que l’on est en
présence d’une campagne militaire des sécessionnistes, ce qui se passe sur le
terrain indique que cette revendication souverainiste, similaire à celle que l’on
connaît en pays corse en France ou encore chez les Flamands en Belgique, prend
le sens d’une remise en question de l’intégrité territoriale du Cameroun et d’une
menace qui pèse sur l’articulation du vivre ensemble. Elle peut, en effet, servir
de « ferment [à] une inquiétante division nationale » (Dozon, 2000 : 53). Et dans
ce sens ce qu’il est convenu d’appeler la question anglophone au Cameroun
pourrait s’apprécier comme une remise en cause du sentiment d’être
camerounais. Le référent identitaire des souverainistes, c’est l’ailleurs de cet être
camerounais.
C’est aussi cette désaffection vis-à-vis de l’être camerounais que l’on peut
observer à l’œuvre dans la démarche des acteurs sociaux jeunes et adultes qui
vivent dans la hantise quotidienne de partir du Cameroun. En effet, « la plupart
des jeunes camerounais ont…fait de leur départ du pays une véritable obsession.
Toutes leurs petites économies n’ont de sens que parce qu’ils rêvent de prendre
un avion un jour…Ce désir est loin d’épargner même ceux d’entre eux qui
possèdent un emploi sur place. » (Abé, 2005 : 56). Il est de cette catégorie comme
il est des adultes. La fièvre du départ est quasi générale. L’allégeance à l’ailleurs
est tel que les pratiques vestimentaires, celles liées à l’esthétique corporelle
comme les alliances matrimoniales et même la consommation artistique s’y
réfèrent ouvertement avec ostentation et en sont très marquées (Abé, 2005 : 66-
65). Selon Séraphin, elle toucherait surtout ceux des camerounais qui
expérimentent la vie dure alors qu’ils possèdent des atouts pour réussir leur
insertion sociale et professionnelle (2000 : 200). Cette révérence à l’ailleurs de
l’Etat-nation, c’est-à-dire, à une trajectoire cosmopolitique est porteuse de sens.
Elle exprime l’entrée en crise de l’identification à l’ici ; c’est un défi auquel le
sentiment national est confronté. Comme on peut le constater, « la mise en route
De prime abord, le recours à l’ethnie ou à la région, bref aux origines peut être
apprécié comme un repli identitaire, un refus d’ouverture à ce qui est différent
de soi. Sous cet angle, « Le sentiment ethnique [ou régionaliste], c’est celui d’être
« nous », reliés à nos origines et différents des « autres » et de leurs origines »
(Gosselin 2001 : 122). Mais, nombre de travaux démontrent qu’il n’est plus
pertinent aujourd’hui d’opposer l’identité politique à l’identité culturelle car les
deux ne sont pas indissolublement incompatibles (Gosselin, 2001 : 125). On peut,
en effet, recourir l’une en tant que ressource pour articuler l’autre.
Cameroun. Le particulier apparaît ici comme un capital social que le pouvoir n’a
pas hésité à utiliser pour ne tirer profit dans la réalisation de son projet de
construction d’une nation.
Au regard de ce qui précède, l’on peut constater qu’il y a au moins trois niveaux
de clivages dans la grande composante constituée des défenseurs de la cause
anglophone. La deuxième observation, c’est que la cause anglophone constitue
tout simplement un prétexte, véritable capital social que les entrepreneurs
identitaires mobilisent pour s’affirmer dans le champ politique : « les « intérêts
individuels » des « représentants » anglophones sont défendus et présentés au
nom des « intérêts collectifs » » (Nkoum-Me-Tseny, 1999 : 187).
Le recours au repli identitaire apparaît dès lors moins comme une remise en
question de l’appartenance à la communauté nationale que comme une
dynamique d’articulation d’un espace de médiation des compétitions sociales, de
négociation entre acteurs en compétition pour jouir des biens appartenant à la
nation. Ces logiques d’affirmation identitaires sont donc à la fois des logiques de
différentiation au sein de la communauté primaire et des stratégies de
positionnement au niveau national à partir de cet appui pris sur la défense des
intérêts de l’en-groupe. De cette façon, lesdits replis identitaires s’actualisent
comme des manières de délimiter des territoires du lien social. Dans ce collectif
qui est magnifié, l’individu trouve des possibilités de s’inventer à travers la
construction des marges de liberté -sortes de zones d’incertitudes où le
particulier change de statut pour devenir universel- qui débouchent sur
l’individuation des acteurs à l’œuvre. Crozier et Friedberg ont apporté la preuve
que les individus peuvent s’emparer des revendications de l’ensemble pour s’en
servir à d’autres fins (1977). On est ici en face de la préséance du désir privé sur
les attentes du groupe primaire au nom duquel l’on dit parler. Le groupe
primaire laisse échapper une part de son emprise sur l’individu qui s’invente
ainsi une autre sphère d’attachement plus importante sur le plan de sa
dimension. Cet individu qui s’invente utilise la même stratégie que les
travailleurs se créent des zones de libertés en sortant de l’emprise de des
règlements et de la communauté (Flamant et Jeudy-Ballini, 2002). Le passage
du particulier à l’universel, c’est-à-dire, au politique s’effectue au moyen de la
résistance aux contraintes de l’appartenance à une communauté primaire.
Parmi les voisins du Cameroun se trouve le Nigéria. Les rapports avec ce grand
voisin, grand du fait de sa superficie, ont toujours été emprunts d’une
conflictualité larvée depuis le ralliement du Cameroun anglophone au Cameroun
en 1961 à la faveur de la réunification. La raison de cette situation de mauvaise
humeur, c’est que le Nigéria a toujours revendiqué des pans entiers du territoire
camerounais. Mais, en 1993, de larvée, la situation s’est davantage dégradée
avec l’ouverture d’un front armé par le Nigéria dans la péninsule de Bakassi. Les
deux pays auraient pu en venir aux armes si le Cameroun n’avait choisi la voie
d’un règlement pacifique du conflit en recourant à la Cour Internationale de
Justice de La Haye qui lui a donné raison en exigeant du Nigéria la rétrocession
de la partie du territoire occupée.
les mains des Nigérians. Par exemple, dans la vente des pièces de rechange pour
automobile, ils n’ont presque pas de concurrent à Douala et Yaoundé, bref dans
tout le pays. Ce sont ces migrants qui subissent les réponses de la société
camerounaise à l’attitude belliqueuse de leurs dirigeants. Ainsi, depuis les
années 1960, une rumeur accablant les Nigérians vivant au Cameroun circule de
manière récurrente, traversant décennies et changements politiques. C’est la
rumeur du vol des sexes. Cette rumeur au sujet de la disparition des sexes a
circulé dans les grandes métropoles urbaines camerounaises, notamment à
Douala et à Yaoundé, en 1975 (Cameroon Tribune, 2 janvier 1975 : 1-3) puis en
1976 (Cameroon Tribune, 3 décembre 1976 : 2) et même en 1983. En 1996, au
plus fort de la crise frontalière de Bakassi entre le Nigéria et le Cameroun, la
même rumeur est revenue au devant de la scène. La situation est telle que l’on
peut faire l’hypothèse d’un recours à l’imaginaire pour tirer profit de la présence
de l’étranger sur son territoire pour articuler le sentiment national grâce à l’effet
produit par sa diabolisation. C’est la technique du bouc-émissaire qui est alors
expérimentée.
Selon le bruit en question, des Nigérians parcourent les rues les plus fréquentées
de ces villes pour faire disparaître les organes génitaux des individus. Le procédé
est le suivant : un individu, généralement un inconnu, vous aborde gentiment
sur la voie publique pour s’enquérir de l’heure qu’il est. Puis, quelques temps
après, vous constatez, comme par enchantement, que votre sexe a disparu. Dans
une autre version, c’est la poignée de mains en guise de salutation qui provoque
l’émasculation. Toujours d’après le bruit, les auteurs de cette pratique
détiennent le pouvoir de vous rendre votre sexe.
Ce qui précède indique que l’ailleurs, ici l’autre, a souvent servi de médiateur
pour faire émerger un sentiment d’appartenance nationale. Il est de la
construction de l’autre comme bouc-émissaire pour renforcer son attachement au
groupe comme du départ de son pays dont vivent les jeunes. Ceux d’entre-eux
qui se retournent vers l’ailleurs ne rêvent que de revenir ici. Dès lors, l’ailleurs
n’est donc aussi qu’un lieu de médiation des luttes et conflits individuels de
construction ou de projection de soi dans l’univers du bien être tel que conçu sur
le plan national. Etudiant l’art d’utiliser les règles dans une entreprise qui table
sur une disciplinarisation militaire de ses employés, Trompette démontre que
l’on peut se projeter vers l’ailleurs sans se détacher de l’ici ou en renforçant son
attachement à lui (Trompette, 2002). C’est ce que font les jeunes camerounais.
Pour les jeunes camerounais, le « départ n’est jamais conçu comme une solution
radicale » (Abé, 2005 : 67). L’idée n’est pas d’un exil définitif ; c’est simplement
un moyen comme tant d’autres de s’extirper de la misère et des difficultés
d’insertion ambiantes. De Rosny a donc raison lorsqu’il observe que « un trait
est…caractéristique à l’Afrique subsaharienne, et en tout cas au Cameroun, qui
demeure aussi bien dans l’esprit de celui qui a réussi à s’envoler que de celui qui
en rêve : c’est cette recherche d’un statut ou d’une reconnaissance sociale auprès
des siens. Peu de jeunes…partent avec l’idée de s’expatrier pour de bon » (2002 :
628). Il est donc clair que, même dans ce cas de figure, l’allégeance à l’ailleurs se
fait à regret, à son corps défendant. Le détachement du pays renforce même
davantage ceux que l’on a laissés au bercail. C’est une forme récente
d’articulation du vivre ensemble.
Bibliographie
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Journaux
Cameroon Tribune, 2 janvier 1975
Camerooon Tribune, 3 décembre 1976
La Météo n°217 du 15 décembre 2008
L’Anecdote n°396 du lundi 15 décembre 2008
Les Cahiers de Mutations, n°005, septembre 2002
Mutations n°2060 du mercredi 26 décembre 2007
Repères n°102 du 17 décembre 2008
par
Alawadi Zelao
Université de Dschang
Introduction
1- Le contexte colonial
C’est en effet dans la mouvance coloniale des sociétés impériales que le coton a
été introduit au Cameroun. Après de vaines tentatives des Allemands (Bauer,
2002 : 119-131), c’est l’administration coloniale française qui va se donner les
moyens et la volonté d’installer définitivement la culture cotonnière en territoire
camerounais. C’est dans la partie septentrionale que la culture cotonnière sera
expérimentée en raison de la géographie et de la pédologie de cette région. La
encore clivés par des conflits socio-historiques (Motaze Akam, 1990). L’Etat
élabore toute une batterie de stratégies qui participent de la modernisation de
l’activité agricole au Cameroun (Courade, 1984 : 75-91). La mise en œuvre
effective des projets de développement rural tels que le Nord Est Bénoué (NEB),
Sud Est Bénoué (SEB), la Mission d’Etudes pour l’Aménagement et le
Développement de la Province Nord (MEADEN), la Mission d’Etudes pour
l’Aménagement de la Vallée Supérieure de la Bénoué (MEAVSB), le Secteur de
Modernisation Rurale du Nord (SEMNORD) a permis à l’Etat de mieux assurer
l’encadrement des paysans tout en innovant leurs habitudes et leurs pratiques
agricoles3.
La vision bureaucratique de la Sodecoton a fini par sécréter une élite locale qui
vit et survit grâce à la culture cotonnière6. Cette élite n’a pas intérêt à ce que la
Sodecoton subisse une quelconque récession malgré des périodes de crise que
traverse cette société. De toute évidence, il est loisible de parler d’une bourgeoisie
dont la Sodecoton a permis la sécrétion. Cette bourgeoisie est un véritable
complexe composé des catégories sociales plurielles. Il serait de toute façon
réducteur de n’y voir que la figure de la bureaucratie qui assume la direction de
cette entreprise et gère au quotidien l’administration de cette agro-industrie. La
bourgeoisie cotonnière est composée à la fois des bureaucrates, des moniteurs
agricoles, des pouvoirs traditionnels locaux, de l’élite qui détient un capital
foncier et des partenaires financiers extérieurs7. Elle constitue en effet un
véritable conglomérat d’acteurs qui modulent à quelque niveau que ce soit
l’activité de la production cotonnière au Nord-Cameroun. Cette bourgeoisie reste
fortement traversée par des logiques de capitalisation et d’accumulation des
rentes à partir de la culture cotonnière. Elle n’a pas toujours le souci de
l’efficacité et de la compétitivité de l’entreprise (Dévèze, 2006).
Les forces paysannes sont l’épine dorsale de l’action de la Sodecoton. Sur elles,
repose toute la dynamique d’ancrage de cette culture agro-industrielle au Nord-
Cameroun. Ce qu’il convient de souligner c’est que, la politique de migration des
catégories paysannes fut en grande partie organisée en raison justement de la
production cotonnière. Les plaines et les régions identifiées devant servir à la
pratique de cette partie furent généralement éloignées des groupes sociaux qui
disposaient des traditions agricoles de longue date. Il s’agit notamment des Mafa
et de l’ensemble des peuples des montagnes. Vivant dans des régions connues
pour un dynamisme démographique, ces peuples seront soumis à la politique de
décongestion qui va se traduire par des départs massifs sous les injonctions des
pouvoirs publics appuyés par les autorités traditionnelles. La stratégie de la
Sodecoton visant à faire venir les paysans montagnards en plaine s’inscrit dans
un double objectif : d’abord amener les paysans à faire désormais corps avec la
production cotonnière, et ensuite avoir un contrôle plus strict sur des catégories
sociologiques qui ont toujours une attitude de défiance vis-à-vis de l’autorité
publique.
La Sodecoton procède au traçage des voies routières qui sont utilisées pendant la
période de récolte. Les premiers contingents des paysans migrants ont été
confrontés à de difficultés d’adaptation aussi bien au plan écologique qu’au plan
sociologique. Car pour le paysan montagnard, la plaine est un espace qui lui
rappelle l’époque des conquêtes esclavagistes conduites par les empires
musulmans. Au plan écologique, les paysans sont soumis à de nouvelles
pratiques qui restent fortement contraires à celles en vigueur dans les
montagnes. Ainsi sont-ils désormais assujettis à la législation musulmane à
travers le versement de la dîme agricole (zakkât) et de la spéculation foncière
dans un contexte économique fortement marqué par l’entrée en scène de la
En effet, depuis la fin des années 1990 et au début des années 2000, marquées
par la démocratisation de la vie publique et la libéralisation de l’économie
nationale, les paysans ont adopté de nouvelles cultures telles que le maïs, les
arachides au détriment du coton. Aujourd’hui, dans les régions de Ngong, de
Touboro, de Bibémi, de Lagdo, les paysans qui ont émigré sous la tutelle de la
Sodecoton ont tourné le dos à cette culture pour expérimenter d’autres variétés.
Pour comprendre ce revirement dans le comportement du paysan, il faut prendre
au sérieux le contexte historique et sociologique qui avait présidé à l’avènement
de la culture cotonnière au Nord-Cameroun. En effet, c’est sous la pression que le
coton a fait son entrée dans les habitudes des paysans. Il revient dès lors à la
Sodecoton de procéder à des réajustements structurels, notamment dans le
rapport qu’elle doit désormais avoir avec le principal acteur de la filière que
représente le paysan au moment où ce dernier découvre de multiples
opportunités qui lui offrent une certaine marge d’autonomie qui lui manquait il y
a par le passé. A l’égard du coton, le paysan passe ainsi de la dépendance passive
à une dépendance active. Le rapport entre la Sodecoton et le paysan s’étant
largement distendu avec le temps.
Le coton cristallise des enjeux aussi bien au niveau régional que national. Ainsi
au courant de la rentrée parlementaire de juin 2011, c’est le président de
l’Assemblée nationale Cavaye Yeguié Djibril, qui attire l’attention de la
représentation nationale sur les difficultés auxquelles est confrontée la
Sodecoton au Cameroun. Le président de l’Assemblée nationale s’en prenait
clairement aux responsables de la filière coton qui ne seraient plus au service de
l’entreprise dont ils ont la charge. Selon le président de l’Assemblée nationale,
ces responsables seraient partagés entre de « multiples passions » et ils
géreraient la société à partir des « lointaines arènes ». Plus loin, il stigmatise le
fait que le « coton connaît comme une descente aux enfers » et de demander à
l’exécutif de « sauver » la filière coton en mettant en place un « management
adapté et dévoué à la cause du coton » (Cameroon tribune, 07 juin 2011 : 2). Les
faits et les chiffres évoqués par le président de l’Assemblée nationale montrent
effectivement une nette déchéance10 de la filière coton en termes de productivité,
de rentabilité, de l’évasion et de l’abandon par des paysans qui se tournent de
plus en plus vers d’autres cultures. Il faut dire que la sortie du président de
l’Assemblée relève de l’inédit, ce d’autant que l’opinion n’est pas habituée des
critiques de ce genre entre les membres de l’establishment politique
camerounais. Alors que les députés, au-delà de leurs chapelles politiques,
reconnaissent la justesse des propos tenus par le président de la Chambre des
représentants (Le jour, n°952, 2011), l’exécutif va plutôt prendre le contre-pied
de la position du législatif et s’ériger en défenseur de la gestion de la Sodecoton
et de ses dirigeants. C’est en effet, par la voix du Ministre d’Etat en charge de
l’Agriculture, Jean Nkueté, qu’est dévoilée la position de l’exécutif. C’est lors de
son passage dans la région de l’Extrême-Nord, à l’occasion de lancement de la
campagne agricole 2011, que le ministre de l’Agriculture dresse le bilan de la
Sodecoton, bilan qui reste globalement élogieux. Il déclare : « Le gouvernement et
la direction de la Sodecoton se préoccupent de trouver des solutions pour
En effet, la Sodecoton a mis sur l’espace public le type de relation qui existe entre
les différents pouvoirs au Cameroun. Cette relation loin d’être cordiale, reste
sujette à des contradictions de toutes sortes. Au Cameroun, si la Constitution (loi
fondamentale) admet la séparation de trois pouvoirs que sont l’exécutif, le
législatif et le judiciaire, la pratique institutionnelle indique la suprématie et
l’hégémonie du premier sur les autres. L’exécutif agissant depuis lors en bon
donneur de leçons et d’injonctions aux autres pouvoirs. La réplique du
gouvernement à l’encontre de la position de législatif réactualise en effet une
vieille tradition qui loge au cœur de fonctionnement des institutions au
Cameroun. L’Assemblée nationale n’étant alors qu’une « caisse d’enregistrement »
(Bayart, 1985) des ordres donnés par l’exécutif. .
Il faut aller au-delà d’une lecture purement institutionnelle pour mieux cerner le
sens et la praxis des luttes qui se construisent autour de la filière coton au
Cameroun. C’est à l’épreuve des logiques de rapport de force à l’échelle locale
qu’il est loisible de comprendre la bataille entre le président de l’Assemblée
nationale Cavaye Yeguié Djibril et le directeur général de la Sodecoton, Iya
Mohammed. Ce sont en effet deux figures marquant de la scène politique
régionale. Ils appartiennent au parti au pouvoir, le Rassemblement
démocratique du peuple Camerounais. Dans un contexte de conjoncture
politique (élections présidentielles à venir), la scène politique s’offre désormais
comme une véritable arène où des acteurs échangent des « coups » (Dobry, 1992)
les plus aigus. Sans doute, c’est ce qui explique la forte médiatisation du discours
tenu par le président de l’Assemblée et qui dressait un sombre bilan de la filière
coton au Cameroun. Car la réaction du Directeur général de la Sodecoton, bien
que s’inscrivant sur celle du ministre en charge de l’Agriculture va également
A l’échelle locale, les luttes autour du coton indiquent clairement qu’il se profile
en filigrane une question de leadership, lorsqu’on reconsidère la dynamique de
rapport entre les acteurs et les régions (Nay, 1997). Le conflit qui oppose Cavaye
Yeguié Djibril, président de l’Assemblée nationale à Iya Mohammed, directeur
général de la Sodecoton doit être saisie au-delà de son contexte institutionnel et
restitué à l’échelle locale. A cet horizon d’analyse, la réalité veut même que c’est
d’abord la quête du « leadership » (Sawicki, 2003) qui détermine les conflits entre
les « big men » sur leur propre terrain politique. Cavaye Yeguié Djibril, président
de l’Assemblée nationale, institutionnellement troisième personnalité de la
République14, ambitionne en effet d’assumer la primauté du leadership dans la
partie septentrionale du pays. En se faisant l’écho de la situation critique de la
Sodecoton, Cavaye Yeguié Djibril endosse du coup le costume de « porte-parole
collectif » des problèmes de développement du Nord-Cameroun. Il opère de la
sorte une mission de « porte-parole collectif » qui fait corps avec un travail de
délégation des rôles dans la société (Bourdieu, 1987 : 185-202). Le coton est
utilisé ici comme un instrument de conflictualité dans un contexte où les acteurs
politiques cherchent à conférer une certaine légitimité à leurs conduites et à
leurs actes. C’est la dialectique de l’interaction symétrique entre le « local » et le
« central » sous sa forme tensionnelle et transactionnelle (Sindjoun, 2002). Dès
lors, ce qui se joue sur le front de la restructuration de la Sodecoton, c’est d’abord
la monopolisation de la gestion des problèmes de développement concernant la
partie septentrionale du pays15. Dans la mesure où la relation au pouvoir central
reste médiatisée par l’élite locale, il y a dans le jeu des acteurs politiques, une
quête permanente de leadership.
Conclusion
Notes
1. Cette étude fut conduite par l’agronome français René Dumont.
2. L’ « acteur » renvoie ici à un ensemble de groupes de personnes et de structures qui influent,
de près ou de loin sur la production cotonnière au Cameroun. Dans l’entendement
sociologique, l’acteur agit toujours en fonction d’une rationalité ajustée à une stratégie que
déterminent les intérêts en jeu. Lire (Touraine, 1984 ; Crozier et Friedberg, 1977).
3. Il faut noter que c’est dans un cadre de coopération multilatérale que le Cameroun a élaboré et
mis en œuvre ses différents instruments et dispositifs pour innover son espace agricole à
l’échelle régionale. Voir (Hengue & al., 2005).
4. Société de développement du coton du Cameroun.
5. Il s’agit aujourd’hui du Ministère de l’Agriculture et du développement rural (MINADER).
6. Ce n’est donc pas sans pertinence (sociologique) que de poser sous la forme interrogative
l’utilité et la destination du coton camerounais dans un contexte de conjoncture socio-
économique des années 1990. Lire à ce sujet l’édifiant article de Motaze Akam (1995).
7. Il faut évoquer ici le cas de Développement des Agro-industries du Sud (DAGRIS) qui veille
scrupuleusement sur les mécanismes, procédures et logiques de production des sociétés agro-
industrielles dans les différents pays d’Afrique noire.
8. Regroupée dans la Société mobilière d’Investissement du Cameroun (SMIC), cette élite était
constituée de : Sadou Hayatou, ancien premier ministre, Cavaye Yeguié Djibril, président de
l’Assemblée nationale, Ahmadou Moustapha, ancien Vice-Premier Ministre, Tikela Kemone,
conseiller à la Présidence de la République, Sadou Daoudou, ancien ministre de la Défense, le
lamido Abdoulaye de Rey-bouba et le lamido Moustapha Moussa de Demsa.
9. Interview sur les antennes de la Radio nationale CRTV lors de l’émission « Dimanche Midi »,
en 1996.
10. Selon le président de l’Assemblée nationale, la Sodecoton subit « …une chute drastique qui est
passée de 300 000 tonnes en 1995-1996 à 114 000 tonnes en 2008…une évasion massive du peu
qui reste vers des pays voisins, le Nigéria par exemple, où les prix pratiqués sont trois fois plus
intéressants ».
11. Voir dossier Mutations « Batailles politiques autour du coton », n° 2944, 07 juin 2011, pp. 12-
13.
12. Cf. Le Messager, n°3323, 11 avril 2011 ; Le Messager, n° 3373, 24 juin 2011.
13. Au Cameroun le prix du coton oscille entre 200 et 250 francs CFA, alors qu’au Nigéria le coton
est racheté aux cotonculteurs camerounais à 650 francs CFA le kilogramme. Voir L’Actu
Quotidien, n° 041, 10 juin 2011, pp. 4-5.
14. A l’époque deuxième personnalité, mais depuis l’avènement du Sénat en 2013, chambre haute
du parlement camerounais, le président de l’Assemblée nationale (chambre basse) occupe, du
point de vue protocolaire d’Etat, la position de 3ème personnalité. Mais au plan régional (qui
vaut pour toute la partie septentrionale du pays), Cavaye Yeguié Djibril jouit de la position de
première personnalité et sa conduite en rapport avec les affaires « régionales » montre une
recherche permanente d’un leadership en quête d’ancrage, qui conteste toute modalité
d’opposition et de contradiction à son endroit. A la suite de Bourdieu, il est loisible de parler ici
du « fétichisme de représentation ». Voir Bourdieu (1987 : 185-202).
15. Ainsi en 2008 lors de la création de l’Université de Maroua. A la publication des résultats de
concours à l’Ecole normale supérieure de cette école, l’élite politique régionale s’est mobilisée
contre la faible représentativité
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L’œil du Sahel, n° 272, 2008.
Le Jour, n° 952, 08 juin 2011.
Le Messager, n°3323, 11 avril 2011.
Le Messager, n° 3372, 23 juin 2011.
Le Messager, n° 3373, 24 juin 2011.
Mutations, n° 2944, 07 juin 2011.
par
Delmas Tsafack2
Université de Dschang/GRAPS
Introduction
Les échecs des occidentaux et des Nations Unies en Afrique ont intensifié leur
précaution à engager leurs forces de défense dans les opérations de maintien de
la paix de l’ONU sur les théâtres des conflits africains. Ceci est une preuve que
la communauté internationale n’avait plus un intérêt particulier pour
l’intervention dans les problèmes africains (Bafmann, 2011 : 23). Visant à bâtir
l’argumentaire en faveur de cette évolution, l’ancien Secrétaire général de l’ONU
Boutros Boutros-Ghali a soutenu dans son rapport Agenda pour la paix qu’il
conviendrait de recourir plus fréquemment aux mécanismes régionaux de
sécurité pour alléger le fardeau de plus en plus lourd que représentent pour
l’ONU les opérations de maintien de la paix depuis la fin de la Guerre froide.
Après cette déclaration générale, un sentiment comparable a été exprimé par le
Président français d’alors, François Mitterrand, en novembre 19946 , lorsqu’il
appela ouvertement les États africains « à résoudre leurs conflits eux-mêmes et à
organiser leur propre sécurité7 ». En 1995, après les débâcles en Somalie et au
Rwanda, le rapport de Boutros-Ghali intitulé Amélioration de la capacité de
prévention des conflits et du maintien de la paix en Afrique lui donna l’occasion
de se montrer encore plus précis quant à l’importance des organisations
régionales dans les activités de l’ONU sur le continent :
continent et d’y réagir (Paul William, 2008 : 310). Il peut sembler logique
d’accroître la participation des pays africains à des activités telles que le
maintien de la paix sur leur propre continent. Cela renforce un sentiment de
prise en charge et de responsabilité. La persistance et la résurgence des conflits
sur le continent ainsi que le retrait ou la méfiance des grandes puissances vis-à-
vis des théâtres conflictuels africains ont d’ailleurs poussé à la création d’un
organe spécialisé au sein de la nouvelle organisation, qui s’est donné pour
mission sacrée de veiller à l’instauration et au maintien de la paix et de la
sécurité sur l’ensemble du continent noir9. C’est dans ce contexte que les États
membres de l’UA ont pensé à l’institution du Conseil de Paix et de sécurité (CPS)
de l’UA.
L’une des nouveautés apportées par le Conseil de paix et de sécurité de l’UA est
le droit de cette dernière d’intervenir, dans certaines circonstances graves :
crimes de guerre, génocide et crimes contre l’humanité. Les fondateurs de la
nouvelle organisation panafricaine souhaitaient ainsi tirer les leçons des
insuffisances de l’OUA, qui n’a pas pu ou su intervenir militairement pour
mettre un terme aux violations massives des droits de l’homme sur le continent.
Il s’agit donc, tout en affirmant le principe d’égalité souveraine des États et
d’inviolabilité de leurs frontières, de permettre à l’UA d’assumer, dans des
circonstances définies, sa « responsabilité à protéger » les populations en danger,
inscrite dans son Acte constitutif, en entreprenant des interventions
humanitaires.
Malgré les difficultés du CPS, il se montre d’ores et déjà actif, visible, et tente
d’avoir un véritable impact politique dans la gestion des crises continentales.
Réfléchissant à l’amélioration de ses méthodes de travail, il dispose d’un groupe
des sages, mis en place en 2007, chargé de l’appuyer et de le conseiller. Cette
instance est composée de cinq personnalités africaines hautement respectées,
d’une grande intégrité et indépendance, qui ont apporté une contribution
exceptionnelle au continent dans les domaines de la paix, de la sécurité et du
développement. Ils ne doivent pas occuper de poste politique actif au moment de
Des efforts sont en cours pour que la Force africaine en attente et son
déploiement rapide atteignent leur pleine capacité opérationnelle à travers le
cycle d'exercices AMANI et la mise en œuvre de la capacité de la FAA révisée par
la feuille de route de la CARIC. Cette dernière a atteint la capacité
opérationnelle initiale en Décembre 2014. Alors que la FAA ne peut être déployé
en tant que tel, elle continuera à être une valeur importante pour les opérations
futures en tant que dépositaire de la doctrine, des normes et des lignes
directrices de formation, et à fournir une compréhension commune d'une
approche nettement africaine des opérations de maintien de la paix et de la
sécurité (Coning, Gelot et Karlsrud, 2015 : 13). Comme le confirme Michel
Luntumbue (2014 : 3), « la FAA a été conçue avec une structure pyramidale se
déclinant du niveau continental vers les États membres et passant par le niveau
des organisations sous-régionales, celui des communautés économiques
régionales (CER), avec une répartition de responsabilités à chaque échelon
concerné ».
Depuis 2003, l’UA a marqué quelques avancées dans la résolution des crises sur
le continent grâce à la création du Conseil de paix et de sécurité. En quelques
années d’existence, l’expérience de l’organisation dans la résolution des conflits
en Afrique laisse présager un avenir prometteur. Dans ce sens, l’organisation
s’achemine dans le futur vers une prise en charge des conflits africains
En mars 2008, l’UA est intervenue militairement sur l’île d’Anjouan, dans
l’archipel des Comores, territoire de l’UA situé dans l’Océan indien, pour déloger
son dirigeant illégal Mohamed Bacar, à la demande du gouvernement central
comorien (Forite, 2008). L’opération baptisée « Démocratie aux Comores »,
intervient à la suite de l’élection contestée par l’UA, en juin 2007, au terme de
laquelle Mohamed Bacar a pris le contrôle de l’une des trois îles composant le
territoire comorien. Cette intervention militaire de l’UA marque un tournant
vers la régionalisation de la gestion de la sécurité sur le continent africain
(Luntumbue, 2014 : 10). Il s’agit de la première intervention militaire de l’UA
sur le territoire de l’un de ses États membres, conformément aux principes
définis dans son Acte constitutif. L’intervention avait pour fondement juridique
le Protocole de l’UA instituant le Conseil de paix et de sécurité de l’Union. Elle
s’appuyait notamment sur l’article 4 (h), permettant à l’UA d’intervenir en cas de
circonstances graves et sur l’article 4 (j) qui consacre le droit des États membres
de solliciter l’intervention de l’Union pour restaurer la paix et la sécurité
(Quelhas, 2009). Face aux refus répétés de toutes les solutions diplomatiques
proposées à M. Bacar, l’UA a adopté, sans succès, des sanctions à l’égard
d’Anjouan.
La volonté des États membres de l’UA de mettre fin aux conflits en Afrique se
manifeste aujourd’hui dans l’augmentation des budgets de défense des États
africains, dans l’augmentation des contingents africains sur les théâtres des
conflits dans la région et une envie de recherche des sources de financement des
opérations de maintien de la paix en Afrique.
Source : Conçu par l’auteur à partir des données extraites de « SIPRI Military Expenditure
Database», SIPRI, 2015, www.sipri.org/research/armaments/milex/milex_database,
www.sipri.org/research/armaments/milex/milex_database consulté le 7
août 2015.
Source : Conçu par l’auteur à partir des données extraites de « SIPRI Military Expenditure
Database», SIPRI, 2015, www.sipri.org/research/armaments/milex/milex_database consulté le 7
août 2015
Les pays africains se dotent d’armées de plus en plus développées pour affronter
les conflits et les coups d’État qui sont monnaie courante depuis la fin de
l’époque coloniale. Les nouvelles forces militaires tiennent aussi un rôle dans la
lutte anti-terroriste, « particulièrement dans la zone sahélo-saharienne, la Corne
de l'Afrique et la côte orientale où les groupes djihadistes demeurent très
présents23 ». Les dépenses militaires africaines se sont accompagnées d’une
augmentation du déploiement des forces armées africaines dans les missions de
maintien de la paix de l’ONU en Afrique. Des huit missions de maintien de la
paix de l’ONU en cours en Afrique, les États africains disposent d’environ 55%
des troupes sur le terrain. À côté de cela, l’Union Africaine et les CER dirigent
des missions de maintien de la paix sur certains théâtres de conflits en Afrique
avec des armées africaines uniquement (AMISOM, ECOMIB). Ceci montre que
l’Union Africaine peut mobiliser les troupes pour la gestion des conflits sur le
continent. Le tableau suivant présente la physionomie des contingents africains
au sein des missions de l’ONU sur les terrains de conflits en Afrique.
Source : compilation de l’auteur à partir des données du Réseau de Recherche sur les Opérations de
paix (ROP) : www.operationspaix.net/operations-en-cours.html.
Le tableau montre que sur les huit missions de maintien de la paix de l’ONU en
cours en Afrique, les troupes africaines disposent des plus grands contingents
dans quatre d’entre-elles. Sur certains terrains de conflits, les États africains
comptent plus du tiers du contingent total ; ce qui est un signe important en ce
qui concerne la capacité de l’Union Africaine à résoudre les conflits sur le
continent. La résolution du problème de formation des troupes africaines est
aussi liée au problème de financement. Depuis quelques temps, des réflexions
sont menées autour d’un éventuel cadre de financement des missions africaines.¨
L’une des caractéristiques des Opérations de maintien de la paix de l’UA est que
ces missions ont été « financées et soutenues par les pays contributeurs de
troupes africaines et les pays contribuant à la police, ainsi que des partenaires
internationaux. Cette dimension financière a été un facteur important dans la
détermination de la taille et de la portée des missions, ainsi que leur longueur »
(Coning, Gelot et Karlsrud, 2015 : 4). Les missions de l'UA ont eu à faire avec
moins de personnel et moins de ressources qu'une mission de l'ONU dans le
même théâtre. Par exemple, au Darfour, la mission des Nations Unies qui a
suivi celle de l’UA (MUAS) avait environ trois fois plus de personnel et quatre
fois le budget de celle-ci. La même tendance peut être observée dans les
transitions au Mali et en RCA. Tout ceci montre que si les troupes africaines sur
le terrain sont financées, l’organisation continentale peut véritablement faire
face aux crises en Afrique.
Conclusion
L’UA est une jeune institution de 13 ans (2015) seulement. Elle représente une
évolution institutionnelle majeure par rapport à l'Organisation de l'Unité
Africaine (OUA), qu’elle a remplacée en 2002. L’Acte Constitutif de l’UA a
marqué un changement radical de doctrine en consacrant le droit de l'Union
d'intervenir dans un État membre en cas de crime de guerre, de génocide et de
crime contre l’humanité. Au lieu de critiquer, de remettre en cause et de
dévaloriser de manière systématique le dispositif africain, il faut plutôt le
prendre au sérieux, saisir les acquis de sa structuration et faire des propositions
objectives pour sa maturation, son renforcement et sa consolidation. Aucun
mécanisme de maintien de la paix et de la sécurité dans le monde n'est parfait et
totalement satisfaisant. Tous les mécanismes, y compris le dispositif multilatéral
onusien, font face aux contraintes structurelles, conjoncturelles et contextuelles.
Notes
1. Cet article est une version remaniée et corrigée de la communication présentée lors du Congrès 2015
de la Société Québécoise de Science Politique tenu à l’Université de Concordia, Québec, Canada du
20 au 22 mai 2015. Je remercie grandement Patrice Bigombe Logo de la Société Camerounaise de
Science Politique pour ses remarques pertinentes qui m’ont permis de remanier l’ossature de ce texte.
Les remerciements vont aussi à l’endroit d’Émile Ouedraogo pour son évaluation préliminaire et aux
participants de l’atelier sur « L’Union Africaine face aux crises récentes du continent » pour leurs
suggestions en vue de l’amélioration de l’argumentaire de cet article. Merci aux évaluateurs
anonymes de la revue Polis pour leurs commentaires précieux.
2. Delmas Tsafack est chercheur en Histoire et en Relations Internationales à l’Université de Dschang et
au Groupe de Recherches Administratives, Politiques et Sociales (GRAPS) de l’Université de
Yaoundé 2. Il est spécialiste des questions d’intégration régionale en Afrique, de la politique
étrangère des petits États et des questions de sécurité, défense et de gestion des conflits. Il est membre
de plusieurs sociétés savantes à l’instar du Conseil pour le Développement de la Recherche en
Sciences Sociales en Afrique (CODESRIA), de l’Association Internationale de Science Politique
(IPSA) et de la Société Camerounaise d’Histoire (SCH).
3. Cf. Article 19 de la Charte de l’OUA.
4. Cf. Article 20 al. 3 de la Charte de l’OUA.
5. Le principe de non-ingérence est inscrit dans la Charte de l’OUA dans son article 3 al.2. Le même
article prescrit dans son alinéa 3 le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque
État et de son droit inaliénable à une existence indépendante.
6. Chose curieuse, quelques mois seulement après le génocide rwandais et la très controversée opération
Turquoise.
7. Cité dans Franke Benedikt F., « In Defense of Regional Peace Operations in Africa », Journal of
Humanitarian Assistance, 2011, 1, disponible en ligne sur [http://sites.tufts.edu/jha/iles/
2011/04/a185.pdf].
8. Improving Preparedness for Conlict Prevention and Peace-Keeping in Africa, rapport du Secrétaire
général, UN Document A/50/711 et S/1995/911, 1 novembre 1995.
9. Roger Paligwendé Konombo, « L’UA et son Conseil de paix et de sécurité à l’épreuve des crises du
continent », Tribune n°518, pp.1-7.
10. Article 12 alinéa 1 du Protocole relatif a la création du conseil de paix et de sécurité de l’UA.
11. La mission a été entérinée le 20 février 2007 par la résolution 1744 du Conseil de sécurité de l’ONU.
12. Présentation de l’AMISOM, site de la mission de l’UA en Somalie.
13. La Brigade d’intervention est une force militaire offensive créée par la Résolution 2098 du Conseil de
sécurité en mars 2013, avec le mandat précis de neutraliser les groupes armés de l’est du Congo. Cette
initiative à l’origine africaine et régionale, répondait à la situation de crise permanente dans les deux
provinces du Kivu, à l’est de la RDC, en proie à la violence des groupes armés et à l’ingérence
rwandaise depuis 15 années, en dépit de la présence de la Mission de maintien de la paix de l'ONU
(MONUC).
14. La rébellion du M23, est née en avril 2012 de la mutinerie d'anciens rebelles s'appuyant
essentiellement sur les populations rwandophones du Nord-Kivu qui avaient été réintégrés dans
l'armée congolaise trois ans plus tôt. Pour une information détaillée sur la problématique sécuritaire
au Kivu voir notamment, Georges Berghezan, « Groupes armés actifs en R. D. Congo - Situation dans
le Grand Kivu au 2ème semestre 2013 ». Rapport du GRIP, 2 décembre 2013.
15. Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo.
16. « En RDC, les rebelles du M23 annoncent leur abandon de la lutte armée », Le Monde, 5 novembre
2013.
17. Pour plus d’informations, lire UNGA-UNSC doc., Identical letters dated 24 Decembre 2008 from the
Secratary General addressed to the President of the General Assembly and the President of the
Security (Prodi report), A/63/666-S/2008/813, 31 December 2008. Romano Prodi, « G-8 focuses on
continent: Peacekeeping stressed as key to development success”, Washington Times, 8 juillet 2009.
18. Kofi Annan, Rapport du Secrétaire Général à l’Assemblée Générale et au Conseil de Sécurité : « Les
causes des conflits et la promotion de la paix et du développement durable en Afrique ».
19. SIPRI Yearbook 2015 Summary. Armaments, Disarmament and International Security, Stockolm,
SIPRI, 2015, p.14.
20. www.sipri.org/research/armaments/milex/milex_database, consulté le 26 août 2015
21. Le Nigeria a annoncé récemment qu’il créera son propre usine de fabrication d’armes.
22. SIPRI Yearbook 2015 Summary. Armaments, Disarmament and International Security, Stockolm,
SIPRI, 2015, p.14.
23. http://www.slateafrique.com/388886/defense-quels-pays-africains-depensent-le-plus-pour-leur-armee,
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Par
Pélagie Chantal Belomo Essono
Université catholique d’Afrique centrale.
Introduction
La science politique en tant que science s’appuie sur des pratiques cognitives et
des pratiques sociales. D’après P. Favre, est scientifique une proposition
construite et exposée de telle manière que toute personne de même compétence
puisse, à des fins de vérification (plus précisément, de falsification éventuelle), en
réitérer la démonstration et en contrôler le rapport aux grandeurs observables.
Ce critère associe donc la logique- la correction des procédures du raisonnement
et la confrontation au réel et un critère social car la possibilité de réitération de
la démonstration implique l’existence d’une communauté scientifique2.
sont pas toujours englués dans la crise politique. La rhétorique ne porte pas sur
les conjonctures de crise en tant que transformations d’état des systèmes sociaux
complexes. Il ne s’adresse pas non plus à des mobilisations multisectorielles,
c’est-à-dire celles qui se déploient simultanément dans plusieurs secteurs
sociaux. La désectorisation conjoncturelle de l’espace social entendu comme une
moindre prégnance des frontières entre les secteurs sociaux, l’incertitude
structurelle vue comme l’effacement ou le brouillage des repères routiniers du
calcul politique et les processus de désobjectivation compris comme la perte
d’objectivité d’aspects antérieurement stabilisés de la réalité sociale ne sont pas
pris en compte dans ce domaine. Mobiliser la sociologie des crises politiques
revient à analyser l’activité tactique, les calculs, les anticipations et les échanges
de coups entre acteurs qui se déploient dans des arènes en tant que lieux
d’interaction directe. Concrètement, cette théorisation s’applique davantage dans
les situations de conjoncture qui existent entre certains acteurs de la science
politique comme pourfendeurs des régimes et les acteurs politiques. Cette
conjoncture qui décrit les situations de tension entre les deux catégories
s’institue dans le long terme d’autant plus que la dissension porte sur les
modalités de gouvernance des Etats.
par des Africains eux-mêmes à l’instar d’A. Mbembé. Elle présente ainsi une
innovation en termes d’idées et d’approches.
L’universel n’est pas qu’une construction scientifique, il est une réalité qui
s’impose même dans ce domaine. Il n’est pas l’homogénéité, il s’énonce plutôt
comme un phénomène qui tient compte des singularités qui lui sont d’ailleurs
consubstantielles. L’explication du fait politique en Afrique va se réaliser à partir
de nombreuses théories. La mobilisation de ces théories dans le cadre de
l’intelligibilité de la science politique en Afrique revient à mettre en sens les
théories universalistes et particularistes qui consistent à produire l’entendement
du phénomène politique en Afrique. L’une des constructions scientifiques qui va
marquer le politique en Afrique est le développementalisme qui apparaît dans
les années 60 dans un contexte de décolonisation. Dérivée des théories
économiques des années cinquante en l’occurrence celle de Rostow6, les théories
« du développement politique »7 postulaient que les sociétés du tiers-monde
devaient s’acheminer vers un « plus être » supposé germer dans toute
organisation sociale. Le gène n’attendait que son déploiement sur un plan
linéaire tout tracé. Ceci supposait une tentative à l’universalisation de
l’expérience historique des nations européennes et nord américaines. Cette
expérience avait en toile de fond la rationalité. En postulant l’existence d’une loi
universelle du changement politique, il conduit à l’évolutionnisme ; dans cette
optique, les analyses anthropologiques sont éludées. Le développementalisme a
plutôt aidé à légitimer les politiques de coopération et les politiques d’aide
accordée au tiers-monde pour son progrès économique et l’accession à un modèle
de politique libérale et pluraliste. Le développementalisme va tomber en
désuétude à cause des trois crises : celle de l’universalisme, de l’explication et des
rapports entre analyse comparative et histoire.8
Cette ère de recherche constitue un terrain privilégié pour les chercheurs durant
les premières décennies de l’Etat postcolonial du fait de l’érection de nouveaux
Etats sur la scène internationale. Le champ scientifique est socialisé à la
caractérisation de l’Afrique. En d’autres termes, la rhétorique sur l’Afrique qui
s’articule autour du champ politique international, médiatique affecte le champ
scientifique. La récurrence du regard sur le chaos qu’elle représente s’appuie sur
une vision et une lecture du monde qui laisse apparaître un maelstrom en
termes de coups d’Etats, d’autoritarisme, d’ingouvernance, de thanatos, etc. Le
propos sur l’Afrique s’enchâsse donc sur une vision apocalyptique et
eschatologique.
Dans un autre registre, il est indéniable que l’Afrique n’est pas une
robinsonnade. Elle est en interaction avec le monde. Cependant, la timide
intégration des analyses africaines dans la science politique globale qui induit les
limites de son insertion dans le comparatisme relève de la rhétorique de son
exceptionnalité. On assiste également à un transfert de cadres d’analyse sans
construction préalable ni réadaptation sur les terrains africains. La légitimité
scientifique repose en effet sur l’utilisation des schèmes d’analyse externes
désignés comme référentiels scientifiques. La critique déconstructive qui résiste
à la volonté de forger des modèles ou des outils scientifiques, voire le refus de la
scientificité d’un tel programme oblige les chercheurs de cette sphère à s’arrimer
sur les protocoles de recherche et les théories déjà existantes dans les sphères de
légitimité scientifique.
La science politique est donc le reflet des rapports de forces dans la production de
l’historicité scientifique en tant que l’occident dit et produit le monde et par
conséquent le discours scientifique. La singularité du propos scientifique sur le
fait politique en Afrique rencontre néanmoins l’épistémologie d’une science
politique universelle.
En tant que science qui étudie le pouvoir, ce dernier façonne également les
acteurs qui l’étudient dans un sens ou dans un autre. Autrement dit, les
trajectoires des politistes se présentent dans une complexité qui se décline entre
distanciation et neutralité axiologique, association et assimilation au pouvoir
politique. Ces deux tendances sont parfois imbriquées faisant ainsi du savant un
politique. Le rapprochement avec le pouvoir se comprend dans une mouvance de
fabrication du pouvoir. Aussi, le politiste devient-t-il le conseiller du prince. Si la
politique est un art, le savant lui apporte une vision et une formulation
nécessaire à l’accomplissement des desseins politiques. Les rhétoriques
récurrentes sur le mandat illimité des chefs d’Etat et par conséquent la
problématique de l’alternance politique témoignent de ces stratégies politiques
dont les politistes sont parfois les porteurs de cause ou les thuriféraires. Les
Conclusion
portées par les politistes qui contribue dans une posture néguentropique à
saborder leur propre champ avec l’aide du politique. En revanche, certains
politistes incarnent les figures de la contestation de par leur engagement
politique et leur travail scientifique rendant difficile le déploiement de
l’autoritarisme.
Notes
1. Belomo Essono Pélagie Chantal, enseignante/ chercheure à l’Université catholique d’Afrique
centrale.
2. Favre, (P.), Naissance de la science politique en France 1870-1914, Paris, Fayard, 1989.
3. Bourdieu, (P.), « Sur le pouvoir symbolique », Annales, vol. 32, n°3, mai-juin 1977 ;
« Quelques propriétés des champs », Questions de sociologie, Paris, Minuit, 1980 ; La
noblesse d’Etat, Paris, Minuit, 1989 ; « La domination masculine », Actes de la recherche en
sciences sociales, n°84, septembre 1990.
Bibliographie
Badie, (B.), Le développement politique, Paris, Economica, 1994.
Badie, (B.), Hermet, (G.), La politique comparée, Paris, Armand Colin, Dalloz, 2001.
Bayart, (J.-F.), « Revanche des sociétés africaines », « Les sociétés africaines face à
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Contribution à une problématique de la démocratie, Paris, Karthala, 1992.
Bourdieu, (P.), « Sur le pouvoir symbolique », Annales, vol. 32, n°3, mai-juin 1977.
« Quelques propriétés des champs », Questions de sociologie, Paris, Minuit, 1980.
- La noblesse d’Etat, Paris, Minuit, 1989.
- « La domination masculine », Actes de la recherche en sciences sociales, n°84,
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Chazan, (N.), “Patterns of State-society incorporation and disengagement in Africa”, in
Rothchild, (D.), Chazan, (N.), (dir.), The Precarious Balance. State and Society in Africa,
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Dobry, (M.), Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations
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Freund, (J.), L’essence du politique, Paris, Dalloz, 2004.
Gazibo, (M.), Thiriot, (C.), (dir.), « L’Afrique en science politique », in Le politique en
Afrique. Etat des débats et pistes de recherche, Paris, Karthala, 2009, pp. 13-18.
Médard, (J-F.), (dir.), Etats d’Afrique noire : formation, mécanismes et crise, Paris,
Karthala, 1991.
- « Autoritarismes et démocraties en Afrique noire », in Politique africaine, n° 43,
octobre 1991, pp. 92-104.
Rostow, (W.), The stages of economic growth, Cambridge, Cambridge University Press,
1960
Schmitt, (C.), La notion de politique, théorie du partisan, Paris, Flammarion, 1992.
par
Antang Yamo,
Département d’Anthropologie,
Université de Yaoundé I
C'est avec une grande tristesse que j'apprends le décès de notre ami Yves
Chouala. Je garde un souvenir très fort de sa personnalité affirmée et
chaleureuse, ainsi que de ses travaux de très haute qualité. L'Université
camerounaise peut être fière de lui et de ce qu'il a apporté.
Recevez, avec mes amitiés, mes très sincères et fidèles condoléances.
Cher Yves, que puis je dire ? Que puis-je écrire ? Je peux dire et écrire que tu as
su donner la vie à tes vertes et luxuriantes années passées sur cette terre. Une
vie de curiosité scientifique, d'esprit critique, de méfiance a l'égard des
conventions et des évidences, de liberté d'esprit et de conscience. C'est cette vie
que nous célébrons, qui va défier la mort. Les intellectuels de qualité, comme toi,
ne meurent pas : leurs idées défient l'épreuve du temps et survivent à la chair.
En écrivant ces mots, j'ai encore le souvenir de notre dernier entretien, lorsque
nous échangions les vœux de paix, de santé, de plénitude et d'accomplissement
pour la nouvelle année. Et voici que cette année que nous voulions merveilleuse
pour l'un comme pour l'autre, commence avec ta mort. Oui, il a fallu se résoudre
à accepter cette triste nouvelle. Et, a commencé dans ma mémoire, le défilé de
toutes ces années passées : je te revois étudiant préparant et achevant deux
thèses de doctorat sous ma direction ; je te revois collègue et ami, menant une
activité scientifique exceptionnelle.
Cher Yves, que puis-je dire ? Que puis-je écrire ? Je peux dire et écrire que
l'intensité de ta vie a compensé la brièveté de ton existence terrestre. Une vie
intellectuelle intense au cours de laquelle tu as effectué de voyages incessants
dans les différentes provinces de la science en conjuguant de manière admirable
philosophie, sociologie, relations internationales, politiques publiques,
géostratégie et j'en passe. Chacun de ces voyages a été consacré par une
publication de qualité. Tu n'étais pas un sédentaire obnubilé par l'assignation à
C'est avec une profonde douleur que je présente les condoléances les plus
émues à la famille du Dr. Yves-Alexandre Chouala et à tout le monde qui l'avait
connu. C'est une perte immense pour sa famille et pour notre communauté. Un
jeune chercheur dévoué pour son travail. Ses contributions pour l’avancement du
savoir scientifique sont rayonnantes.
Que son Âme repose éternellement en paix.
travail, il a, très tôt, toujours su faire preuve d'une fine intelligence politique
largement tributaire d'une solide assise philosophique. Malgré tout le confort de
cette reconnaissance, le Docteur Yves-Alexandre Chouala laisse derrière lui
l'image d'un être humble, serviable, affable, généreux et volontiers bon vivant. Il
pratiquait l'auto-dérision avec un inégalable sens de l'humour. Je le revois
encore, lors de son dernier passage ici en Belgique, souriant, se moquant
gentiment des dérives universitaires bien de chez nous, nous entraînant ainsi
dans un moment d'hilarité dont lui seul avait le secret. Plus que d'un éminent
collègue, je voudrais partager le souvenir d'une connivence humaine et
fraternelle brève mais d'une exceptionnelle densité.
Le maître s’en est allé. O mort où est donc ta victoire ? Grand prof., le Cameroun
et toute l’Afrique te pleurent. Tous tes élèves te pleurent déjà. Combien de
jeunes Camerounais, d’Africains ne bénéficieront plus de tes enseignements, de
ta rigueur épistémologique ? Est-ce donc ainsi que s’achève grand professeur ta
lourde mission d’analyste des faits sociaux internationalistes, d’éveilleur et
veilleur des consciences, de Pigmalion qui lutte contre tous ceux qui ont choisi
l’obscurité comme mode de vie et l’ignorance ? A la fin, mon maître, tu étais un
esprit qui émerge, scintille en marquant son temps, puis monte dans les cimes de
l’immortalité humaine en laissant les pauvres humains gager sur son passage
dans l’univers.
Repose en paix mon Maître.
Devant le tombeau qui s’ouvre, pour ensevelir celui qui m’avait pris comme son
petit frère d’adoption, depuis 1995, il y aura sans doute un corps inerte. Mais, je
connaissais cet homme : Yves Alexandre Chouala. Il n’est pas mort. Sa
silhouette ne sera plus visible ; sa voix désormais sera inaudible ; il ne pourra
plus serrer la main de qui que ce soit. Pourtant, face à la sècheresse de cette
évidence, je reste accroché à une ultime consolation : Cet homme n’est pas
mort. Très cher frère Yves, accepte ma gratitude pour ces traces d’esprit, de
générosité, d’affection et d’humilité, mais aussi d’humanité partagées, semées et
léguées. Ce sont ces traces qui m’obligent à contester la vieille phrase prêtée à
Salomon dans le texte biblique : « Vanité des vanités, tout est vanité ». Non…,
tout n’est pas vanité.
Mon Cher Yves, en Toi Nous perdons un esprit vif, avisé, inventif et fécond ;
mais particulièrement modeste, sobre, discret et efficace. Quelques images fortes
resteront gravées dans ma mémoire, notamment :
1- ce jour où notre Frère Oloum Cyriac te conduit vers moi, se réjouissant de
ce qu’en Toi il a enfin trouvé un philosophe en herbe capable de relever en sa
compagnie le défi de l’émergence d’une génération dorée de philosophes
originaires de l’Est-Cameroun ;
2- à Ton admission à l’IRIC, alors que beaucoup ne perçoivent pas
l’importance de l’investissement intellectuel d’un futur diplomate, tu nous rejoins
au GRAPS où sous la houlette du Professeur Luc Sindjoun, tu as pleinement fait
honneur à la Science politique à travers enseignements et recherches. Ta
notoriété en ce domaine est avérée ;
3- encore plus saisissante est cette action emprunte de chaleur et de
fraternité le jour de ma soutenance de thèse à l’IRIC, Toi le Petit Frère, si
distant du protocole, tu as spontanément rallié le Comité d’Organisation pour
coordonner l’accueil et la mise en place des personnalités présentes au campus
de l’IRIC. Que dire d’autre Yves, si ce n’est qu’il n’ya que des génies et des gens
sincères et généreux qui sont précocement arrachés à la vie, sans doute pour que
la postérité garde d’eux cette image.
Que Ton âme repose en paix alors que Ton Œuvre immense innerve et inspire les
générations futures.
GABES.
RIP Moamaye.
Adieu Moamaye !
Pour tes frères de Nkoul Tsieli,
Le Président, Daniel Lono Miasse
Comme un météore
Excellence,
Tu as symbolisé pour nous, au plus haut degré, l’altruisme, l’objectivité, la
sociabilité, la rigueur. Et tu as enjolivé toutes ces qualités d’un sourire sincère,
signe de ton amour pour les autres.
De plus, tes grands diplômes universitaires et tes hautes fonctions exercées ici et
là ne t’ont pas détaché de la société.
Tu t’en vas à la fleur de l’âge, abandonnant tes multiples chantiers inachevés.
Que le Tout-Puissant t’accueille dans son royaume. Nous ne t’oublierons jamais.
Nous t’avons appelé grand Yves depuis ton enfance, tu représentais notre père,
toujours prompt à réagir quand tu étais sollicité. Pilier de toute la famille,
rassembleur, tu étais l’incarnation de l’amour, de la paix, de la tolérance et de la
simplicité. Tu laisses un vide qu’on ne saurait combler. Que ton âme repose en
paix.
Tonton Yves,
A Life of Surprises
Darling, as I fondly called you, your life has been a series of surprises to me but
your sudden disappearance remains the biggest of all. I wish you could come
back to tell me what really happened as you often did when I talked most of the
times without a response and you would eventually talk when I least expected.
Life is really a mystery. One thing I want to acknowledge here is making me
realize that after all I was a woman and that I needed a man and you alone
could be that man.
Patience is a virtue and you were a man of great patience which you showed in
our four years long period of courtship which culminated in our pre-honey moon
in Burgers Park and finally our marriage. Thank you for the patience and
endurance towards my child-like outbursts and behavior which you bore
lovingly. You were a man of few words but with deep meaning whenever you
decided to speak. Thank you again for all the words of wisdom, and even for the
hard times because in them I learnt a lot. You leave me with lots of fond
memories, Yaoundé, Kribi, Libreville, Pretoria, Cairo, Paris, etc., which I will
cherish for a longtime. Many thanks for teaching me to talk to someone
cheerfully immediately after we had had a quarrel and to have a peaceful night
thereafter. You were one in a thousand that made me know I was a woman after
all and needed a strong manly figure in my life that you were.
I will miss your fun and jokes which very few people knew about, the fine head
with a rich brain full of knowledge in several domains. But what makes me
proud is that you penned downed most of them in highly recognized and famous
Antang Yamo
Yves, the blow is too heavy; it looks like a dream, but a bitter truth. It had to
happen that way; it’s so hard to believe that you are gone so soon, at this early
age. You were such a brave husband and friend. Between you and your wife
(Vivian), it’s the Almighty God who sees, knows and understands the intensions
of a man’s heart, and He always knows how to act accordingly. You were a
humble, quiet and peace loving man. However, God has your file in his hands.
The last time I came to your village was during the death of your mum. You
were so receptive and promised we will come back for a happy event. Yves you’ve
made us to come again in another sad mood. Why? Even though we may be sad,
we are happy to know you are resting in the bossom of the Lord, to Him we give
glory. Thank you for the love and care you showed to us although it was short-
lived especially as you left us without saying good-bye. You will continue to
remain lovely in our hearts. We love you but God loves you most. Rest in peace.
Pray for us Yves as we pray for you, Adieu Yves till we meet to part no
more.
Priscilla Song. (Friends and Witness during council wedding) .
Yves, When You came to the end of the road, and the sun set for you, You
wanted no rites in a gloom-filled room. Why cry for a soul set free ?
We will Miss you a little-but not too long And not with your head bowed low.
Remember the love that you once shared with Vivian, that faithful day in
Njinikom, when you and Vivian were to seal your love deal, I was there not only
as an onlooker, but you handed the pen to me, to include my signature on your
marriage Certificate as witness, I did it with all joy. I have been one of those
who saw you with Vivian from the day you started making advances to her, till
the day she said Yes to your requests, Yves I didn’t know that Marriage
certificate will one day expire, I was touched when you told Vivian your beloved
to change the lipstick she used that morning and use the colours that you love,
and like an obedient wife as she has been, she did it for you with all love, she
looked at you into your eyes and saw nothing but love. We Miss you --but we
will let you go. For this is a journey that we all must take, And each must go
alone. It's all a part of the Master's plan, A step on the road to home. When
Vivian is lonely and sick of heart she will Go to the friends you knew And bury
her sorrows in doing good deeds. We will Miss You and your intelligence - But
Will Let You Go!
Yves, May your soul rest in peace. We, your inlaws were connected to you
through marriage. Before that union you were a friend and a brother. We all
loved you from the day you came into our family. That love will remain forever
dispite all odds. Yves ALexandre chouala was a fine gentleman to all those who
knew him. You spoke very little and only did so when you were excited. You were
buried to your books most the time and enjoyed travelling either for work or just
for touristic reasons. We will all miss you. We saw you battle with your illness,
you tried your best but the good Lord thought it was time to take you into his
heavenly kingdom.
Goodbye Yves.
Confused, perplexed, shocked is the I felt when I got the news, past memories
crowded my mind especially of brilliant and successful career that has gone
down the drain. You were a man with exceptional qualities, abilities, capabilities
and capacities. I remember the jurvial and receptive manner in which you
welcomed me to your home in 2007 when I came visiting from South Africa. You
usually called me “Milret” each time we chatted which was so comic. Your
demise "bobe" as I fondly called you, particularly as a friend, brother and low
profiled person has left a big vaccum with so many unanswered questions. Death
indeed is really an inevitable bitter pill to swallo and only God knows best. Bobe
you shall forever remain in our hearts and prayers, and I am sure the good Lord
whom you so faithfully served will welcome you in the land of no return.
Adieu Bobe.
Antang Yamo
Gisou
I still vividly remember the time and date the painful announcement of your
disappearance got to me, while I was about to enter the class to give an
information session to students session OH My God I screamed, cried and yet a
thousand of those were not enough to bring you back to life for God who is the
author and finisher of our lives had already said his final word. Tonton what
happened? What went wrong? Where have you gone too? These are few among
the questions I asked and have still been asking you are gone with your few
words and your unpredictable and calm nature. May the host of heavenly angels
welcome you to the Lord’s bossom. We will miss you. Forever in our Hearts.
Adieu Tonton.
Docta, it was a shocking news that came to me on the 29th of January about
your journey to the land of no return of which I refused to accept it. I picked up
my phone and dialed your number and it was not going through. My family and I
are trying to accept that you are no longer with us. It is such a great loss to both
families but we only have to accept that you are gone to prepare a place for us till
we meet again to part no more. We loved you but God loved you most.
Nom : Chouala
Prénoms : Yves Alexandre
Date de naissance : 19 mai 1968
Nationalité : Camerounaise
Région : Est
Département : Haut-Nyong
Arrondissement : Angossas
Fonction : Enseignant & Chercheur
Position actuelle :
• Enseignant à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC)
• Chargé de Cours Associé à l’Université Catholique d’Afrique Centrale
• Chargé de recherches, Groupe de Recherches Administratives, Politiques et
Sociale (GRAPS), Université de Yaoundé II
• Vice Président pour l´Afrique Centrale de l´Association Africaine de Science
Politique
TITRES UNIVERSITAIRES
• Habilité à Diriger des Recherches (HDR), titre de la thèse : «De la
relativisation des monopoles régaliens à la transnationalisation de la vie
internationale : une trajectoire de recherche à partir du terrain africain »,
Jury : Président : Bertrand Badie, Rapporteurs : Alain Didier Olinga,
Saïbou Issa, Membres : Jean Emmanuel Pondi, Luc Sindjoun (Directeur des
travaux), Date : 14 avril 2010, Université de Yaoundé II-Soa
• Docteur en Science Politique, titre de la thèse : "L’interétatisme dans le
Golfe de Guinée : Contribution du champ à la sociologie des relations
internationales", Jury : Président : Bertrand Badie, Rapporteur : Luc
Sindjoun, Membres : Augustin Kontchou Kouomegni, Jean Emannuel
Pondi, Narcisse Kombi Mouelle, Mention : Très Honorable avec Félicitations
du Jury. Date : 26 octobre 2003, Université de Yaoundé II-Soa
ACTIVITES DE RECHERCHE
2003-2004 : Chercheur invité, Centre d’Etude d’Afrique Noire, Institut d’Etudes
Politiques, Université de Bordeaux IV, France
2003-2004 : Conférencier invité à l’Ecole d’Etat Major de Libreville, Gabon
2002: Guest Research Fellow, African Institute of South Africa, Pretoria
2008 : Conférencier au Cours Supérieur Inter armé de Défense (CSID), Yaoundé
BOURSES ET SUBVENTIONS
2004 : Lauréat, subvention de recherche de la World Society Foundation,
(Zurich)
2004 : Fellow de la Harry Frank Guggenheim Foundation, New York
2003 : Boursier de l’Agence Universitaire de la Francophonie (Bourse
d’Excellence)
2002 : Lauréat, Campus Annuel des Sciences Sociales, CODESRIA
2001 : Fellow de la Harry Frank Guggenheim Foundation, New-York
1999 : Lauréat, Institut de Gouvernance, CODESRIA
1998 : Lauréat Programme de Petites Subventions pour Mémoires et Thèses du
CODESRIA
ANIMATION SCIENTIFIQUE
• Directeur du panel sur "Démocratisation, conflits et sorties de crises en
Afrique : le cas de l’Afrique centrale", Congrès de l’Association
Internationale de Science Politique, Durban, Juillet 2003
• Personne resource: African Association of Political Science/Harry Frank
Guggenheim Foundation Worksop on "Conflict over Natural Ressources »,
Yaoundé, avril 2004
TRAVAUX PUBLIES
OUVRAGES
■ 2010 : « The Gulf of Guinea in the New American Century Project : A New Oil
Heartland? », in Malinda Smith, ed., Securing Africa. Post-9/11 Discourses on
Terrorism, University of Alberta, Canada, 2010
■ 2005: « Violence, Security and State in Cameroon and South Africa: State De-
monopolization of Organised Violence and Privatisation of Public Security’ AAPS
Occasional Paper Series, (Pretoria) Vol. 10, N° 2, 46p
MEMOIRES
■ Ndolo Balock Sabine Vivianne, « Le chevauchement institutionnel et ses
incidences sur la vie internationale de l’Etat. Le cas de la Francophonie et du
Commonwealth au Cameroun », Mémoire de DESS en Relations internationales,
Université de Yaoundé II/IRIC, 2006-2007
■ Sommo Pende Achille, « L’intégration sous-régionale dans la zone CEMAC à
l’épreuve de la liberté de circulation des hommes et des biens », Mémoire de
Master en Sciences Sociales, Université Catholique d’Afrique Centrale », 2009-
2010
■ Nzeugang Alexis, « L’éthique dans la politique africaine des Etats Unis après
le 11 septembre 2001 », Mémoire de Master en Relations internationales,
Université de Yaoundé II/IRIC, 2010-2011
■ Beyala Corine Eliane, « La structure de l’insécurité en Afrique centrale »,
Mémoire de Master en Relations internationales, Université de Yaoundé II/IRIC,
2010-2011
■ Kouma Jean Cotin Gelin, « Le facteur culturel dans la coopération sino-
camerounaise : Le cas de l’implantation de l’Institut Confucius à l’Institut des
Relations Internationales du Cameroun (IRIC), Mémoire de Master en Relations
internationales, Université de Yaoundé II/IRIC, 2010-2011
Articles de Journaux
Antang Yamo
Les hommages au Dr. HDR Yves Alexandre Chouala (1968-2015) : la reconnais-
sance d’un universitaire brillant et d’un diplomate compétent
I.S.B.N. 9956-18-000-9