Histoire Des Berbères Et Des Dynasties
Histoire Des Berbères Et Des Dynasties
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HISTOIRE
DES
BERBÈRES
/
ERBÈRE
■ ET DES
DYNASTIES MUSULMANES
de l'afriqce septentrionale
Par IBN-KHALDOUN
M. LE BARON DE SLANE
Interprète principal de l'armé* d'Afrique
TOME DEUXIÈME
ALGER
IMPRIMERIE du gouvernement
\8M
1
HISTOIRE
DES
DYNASTIES MUSULMANES
1 Voy. l'Appendice, n» i.
s Maintenant Alger. — Les Beni-Mezghanna habitent, de nos jours,
l'ayhalic des Beni-Djâd, à onze lieues S. E. d'Alger. — Voy. ls carte
dressée par MM. Carette et Warnier.
3 Maintenant Médéa, en arabe El-Medïa. — Le mot lemdani s'em
ploie encore avec la signification de natif de Média .
LES SANHADJA. BENI- MB.VAD. 7
rain, et eut souvent occasion de louer les grands services rendus
par ce chef. Quand Yala-Ibn-Mohammed-cl-Ifréni perdit la vie,
le Zenata soupçonnèrent Zîri d'y avoir contribué. Pendant le
siége de Fer, où Ahmed-Ibn-Bekr-el-Djodami résista très-long
temps au général Djouher, Zîri déploya une grande bravoure,
et dans une attaque nocturne, emporta la ville par escalade.
La guerre entre Zîri et les Maghraoua devint enfin si acharnée
que ceux-ci formèrent une alliance avec El-Hakem-el-Mostancer
[souverain oméïade de l'Espagne] et firent proclamer l'autorité de
ce prince dans le Maghreb central. Mohammed, fils d'El-Kheir et
petit-fils de Mohammed-Ibn-Khazer, prit une part si active à
cette démonstration qu'El-Moëzz jugea nécessaire de lui opposer
les troupes sanhadjiennes. Il donna en même temps à leur com
mandant, Zîri, le gouvernement du Maghreb et l'autorisation de
s'approprier tous les pays qu'il parviendrait à soumettre. Zîri
réunit aussitôt les forces de son territoire et se mit en marche.
Son avant-garde poussa en avant, sous la conduite de Bologguîn,
afin d'attaquer à l'improviste les troupes zenatiennes qu'Ibn-el-
Kheir était en train de rassembler. Le chef maghraouien n'avait
pas encore complété ses dispositions, quand les Sanhadja fon
dirent sur lui. Il s'ensuivit un des conflits les plus acharnés qu'on
eût jamais vus; la ligne de l'armée zénato-maghraouienne fut
enfoncée, et Mohammed-Ibn-el-Eheir, se trouvant dans l'impos
sibilité d'échapper et jugeant la mort inévitable, passa dans un
endroit écarté et mit fin à ses jours en se jetant sur son épée. Les
Zenata prirent la fuite, et pendant le reste de la journée, les
Sanhadja continuèrent à les poursuivre et les tailler en pièces.
Plusieurs siècles après, on voyait encore les ossements des mor,ts
répandus sur le champ do bataille. 'L'on rapporte que plus d'une
dixaine de leurs principaux émirs y perdirent la vie. El-Moëzz
reçut les tètes de ces chefs et ressentit la joie la plus vive à l'as
pect de ce cadeau que Zîri lui avait envoyé. Quant à El-Hakem-
el-Mostancer, il éprouva un chagrin profond du coup terrible
qui avait ainsi ébranlé son autorité.
Zîri et les Sanhadja parvinrent alors à dompter les peuples
nomades du Maghreb; il s'acquit ainsi une grande supériorité
8 HISTOIRE DES BERBÈRES.
sur Djàfer-Ibn-Ali seigneur d'El-Mecîla et du Zab, et son rival
en rang à la cour du khalife. El-Moëzz ayant alors pris la réso
lution de transporter au Caire le siége de son gouvernement,
invita Djâfer à quitter El-Mecîla et à venir prendre le comman
dement de l Ifrîkïa. Cet émir, redoutant les intrigues qui s'our
dissaient contre lui depuis quelque temps, hésita d'obéir, et
ayant appris qu'un des affranchis d'El-Moëzz était en route pour
le chercher, il céda à la crainte et s'enfuit d'El-Mecila. Arrivé au
milieu des Maghraoua, il les rallia autour de lui, et profi
tant des bonnes dispositions que ces peuples lui témoignèrent
ainsi que de leur ancien attachement pour les Oméïades, il pro
clama de nouveau la souveraineté d'El-Hakem-el-Mostancer.
Ziri sentit la nécessité de comprimer cette révolte avant que les
insurgés eussent le temps de raffermir leur puissance. Il se hâta
donc de marcher contre eux et de leur livrer bataille. A la suite
d'un combat sanglant, l'armée sanhadjienne fut mise en déroute';
le cheval de Zîri s'abattit sous lni, et la retraite des vaincus
laissa voir les corps de leur chef et de ses gardes étendus au
milieu d'un champ de carnage. La tête de Zîri fut portée à Cor-
doue par une députation d'émirs maghraouiens, qui avaient pour
mission de renouveler à El-Hakem-el-Mostancer le serment de
fidélité et de lui demander l'appui de ses armes. Yahya-Ibn-
Ali, le frère de Djâfer, conduisit cette députation. Zîri perdit la
vie en l'an 360 *, après avoir gouverné pendant vingt-six ans.
Quand la nouvelle de ce désastre parvint à Acbîr, Bologguîn
se mit aussitôt en campagne et remporta sur les Zenata une vic
toire éclatante. Par cet exploit il vengea non-seulement la mort
de son père et de ses parents, mais il mérita les éloges d'El-
Moëzz et obtint sa nomination au gouvernement d'Achîr, de
Tèhert et de toutes les provinces du Maghreb qui avaient composé
les états de son prédécesseur. Il reçut, de plus, le gouvernement
d'El-Mecîla. du Zab et des autres provinces qui avaient appar
tenu à Djàfer-Ibn-Ali. L'accroissement de sa puissance et l'éten-
f
Règne d'El-Mansour, fils de Bologguin. — Aussitôt que Bo-
logguîn eut rendu le dernier soupir, son affranchi, Abou-Zoghbel,
en fit porter la nouvelle à El-Mansour, fils et successeur désigné
du prince décédé. El-Mansour se chargea à l'instant même du
commandement des Sanhadja, et ayant quitté Achîr, ville dont
il exerçait le gouvernement à cette époque, il se rendit à Sabra
[près de Cairouan]. Ce fut là qu'il reçut de la part d'El-Azîz-
Nizar, fils d'El-Moëzz-Màdd, sa nomination au gouvernement de
l'Ifrîkïa et du Maghreb, sous les mêmes conditions qui avaient
été imposées à son père. Il confia aussitôt le gouvernement do
' Le texte arabe porte à son frère; mais d'autres indications, fournies
par IbD-Khaldoun, démontrent qu'Abou-'l-Behar était frère de Bologguîn.
* Ici les manuscrits et le texte imprimé portent Bologguîn. Il faut
remplacer ce nom par celui d'El-Mansour-
* Abd-Allah-lbn-Mohammed, surnommé El-Kateb (l'écrivain), était
fils d'un prince aphlebide qui s'était réfugié dans le pays des Nefzaoua,
à l'époque où les Falemides enlevèrent à sa famille le trône de l'Ifrikïa.
Ayant mon I ré de (grands talents comme écrivain épistolaire et une con
naissance parfaite des langues arabe et berbère, il fut admis au service
de Zlri en qualité de secrétaire, et il remplit ensuite le même emploi
sous Bologguîn. Nommé gouverneur de Cairouan dans le mois de Rebift
premier 364 (décembre 974), il y amassa tant de richesses que, dix
années plus tard, il put dépenser huit cent mille pièces d'or (huit mil
lions de francs) dans la construction d'un palais entouré de plantations
d'arbres. Eu Moharrem 377, El-Mansur reçut une lettre d'EI-Azîz-
Nizar, sultan de l'Egypte, dans laquelle il lui fut enjoint d'insérer le
nom d'Abd- Allah-el-Kateb danS la prière publique. C'était le désigner
comme héritier du trône-, aussi la jalousie d'El-Mansour et de toute sa
famille ne tarda pas d'éclater. Six mois après l'arrivée de cette dépêche,
El-Mansour alla faire une promenade à cheval, accompagné de plusieurs
officiers de sa maison, et il emmena Abd-Allah avec lui. Adressant alors
44 HISTOIRE DE8 BERBÈRES.
Plusieurs soulèvements ayant eu lieu parmi les Ketama, El-
Mansour en fit mourir les auteurs et châtia les révoltés avec une
grande sévérité*. Quand il eut réduit cette tribu à la soumission,
il la plaça sous l'administration de fonctionnaires [sanhadjiens].
la parole à celui-ci, Il entama une conversation qu'il interrompit subi
tement par un coup de lance. Abd-Allah, frère d'EI-Mansour, lui porta
un autre coup qui lui traversa le dos et la poitrine. Le malheureux Ka-
teb tomba en proférant ces paroles : «Je meurs dans la religion de Dieu ;
« dans la religion de son Prophète 1 « Son fils Youçof ayant essayé de
le sauver, fut massacré en même temps que lui. (En-Novoeiri). —
On volt par le Ba'ian que cet homme était trés-redouté d'EI-Mansour et,
qu'à l'époque où Bologgutn mourut, il tenait les clefs du trésor public
et du dépôt d'armes. It parvint ensuite a exercer un tel pouvoir qu'il
disposait de tous les emplois. Ses ennemis, et il en avait beaucoup
parmi les courtisans , le dénoncèrent eufin à EI-Mansour comme l'au
teur caché de la révolte d'Abou-'l-Fehm et des Ketama. (Voyez la note
suivante). EI-Mansour lui ordonna alors de se démettre du gouverne
ment de l'ifrikïa et de se contenter de la place de secretaire d'état.
Abd-Allah répondit qu'il aimerait mieux être tué que destitué. Quelques
jours après, il mourut de la main de ce prince et de la manière que
nous raconte En-Noweiri. Les troupes profitèrent de la confusion
amenée par la mort de ce fonctionnaire pour piller son palais et com
mettre toutes sortes de brigandages aux environs de Cairouan .
' La première révolte des Ketama eut pour auteur un missionnaire,
ou agent politique des Fatemides, nommé Abou-'l-Fehm-Haceu-Ibn-
TSasrouïah, natif de Khoraçan. Cet homme arriva à Cairouan, l'an 376,
chargé par le khalife El-Aziz-Nizar d'une mission auprès des tribus
ketamiennes. loupo/^/èn-Abd-Allah, gouverneur de Cairouan, le reçut
avec un empressement marqué, le combla de dons et de prévenances
et lui fournit les moyens de se rendre à sa destination. Parvenu dans
le pays des Ketama, Abou-'l-Fehm commença à y lever des troupes et
à battre monnaie. L'année suivante, EI-Mansour reçut la visite de deux
officiers envoyes par la cour du Caire qui lui remireot des dépêches, en
lui intimant l'ordre de ne rien entreprendre contre Abou-'l-Fehm. On
dit même que ces messagers déclarèrent qu'en cas de désobéissance
aux ordres du khalife, les Ketama le mèneraient en Egypte la corde au
cou. Provoqué par cette insolente communication, EI-Mansour leur
répondit très-vertement et, s'étant mis en campagne, il les força à l'ac
compagner. Entré dans le pays des Ketama, il saccagea la ville de Mîla
et détruisit tous les villages ketamiens qui se trouvaient sur son pas
sage. Ayant défait les insurgés à Setif, il poursuivit Abou-'l-Fehm
et parvint i l'atteindre dans une montagne où il s'était réfugié. Le
prisonnier fut conduit en présence d'EI-Mansour qui le frappa au
LES SAKHADJA. DYNASTIE ZIBIDE. 45
Vers cette époque, il donna le gouvernement d'Achîr à son frère
Hammad.
En l'an 379 (989-90), pendant que la guerre avec les Zenata
durait encore, Saîd-Ibn-Khazroun abandonna ceux-ci et passa
du côté d'El-Mansour. Ce prince accueillit le transfuge de la ma
nière la plus honorable, le combla de présents, lui donna le
gouvernement de Tobna et [au fils de Saîd il accorda] la main
de sa fille. Par cette conduite généreuse, il décida plusieurs
tribus zenatiennes à lui envover des députations [chargées de lui
présenter leur soumission]. Saîd conserva le gouvernement de
Tobna jusqu'à sa mort, événement qui eut lieu en 381 (994-2).
Son fils Felfoul lui succéda dans cette charge.
En l'an 379, Abou-'l-Behar, fils de Zîri, leva l'étendard de la
révolte, mais, à l'approche d'El-Mansour, il prit la fuite et se
dirigea vers le Maghreb. El-Mansour continua la poursuite, après
avoir amnistié les habitants de Tèhert, et ne consentit à re
brousser chemin qu'au moment où les vivres commençaient à lui
manquer*. Abou-'l-Behar invoqua alors l'appui d' [El-Mansour-]
Ibn-Abi-Amer, régent de l'Espagne, et lui envoya, en même
temps, son fils comme otage. En conséquence de cette demande,
Ibn-Abi-Amer écrivit à Zîri-Ibn-Atïa de la tribu de Zenata, chef
1 Le texte porte contre les fils de Z'xri, ses frères. Us étaient frères de
Bologguio, père de Hammad et grand-père de Badis. Ibn-Khaldoun
aurait dû écrire : ses oncles. — Tout le chapitre des Zirides est rédigé
avec une négligence extrême. L'auteur a bien rassemblé les principaux
faits de leur histoire, mais il les a trop condensés; souvent même il se
trompe sur les degrés de parenté qui existaient entre les personnages
dont il parle, et, quelquefois, il met un nom à la place d'un autre. Les
renseignements qu'il nous fournit dans les chapitres sur les Hanima-
dites, les Beni-Khazroun, etc., ont servi pour faire reconnaître et
corriger ces erreurs. Nos modifications avaient été faites avant la pu
blication du texte arabe de l'histoire de l'Afrique et de l'Andalousie
intitulée le Batan, etc.; et elles sont pleiuement justifiées par les leçons
et indications de cet important ouvrage.
a
fS HISTOIRE DES BBBBBRES.
et Cons>tantine. Hammad refusa son consentement et se mit en
révolte ouverte. Son frère Ibrahîm, que Badîs envoya contre lui,
embrassa son parti. Alors Badîs lui-même se mit en marche,
et, parvenu jusqu'au Chelif, il réussit à attirer sous ses drapeaux
une partie de leurs troupes. Ayant obtenu, dans cette expédition,
la soumission et l'appui des Toudjîn, il combla de présents leurs
émirs Atïa, fils de Dafleten, dont Hammad avait tué le père, et
Yedder-Ibn-Locman-IbB-el-Motezz, qui étaient venus se joindre
à lui. Après avoir campé successivement sur le bord du Ouacel,
dans le Seressou, et sur le mont Guezoul, il força Hammad à
prendre la fuite et à rentrer dans la Calà. Il avait déjà commencé
le siège de cette forteresse, quand la mort vint le surprendre,
pendant qu'il dormait dans sa tente, au milieu de ses compa
gnons. Cet événement eut lieu en [Dou-'l-Càda de] l'an 406
(avril 1016). Les assiégeants reprirent alors la route de la capi
tale, emportant avec eux le corps de leur souverain.
certains, paraît justifiée, dans le cas actuel, par un passage d'un ancien
historien que l'autenr du Baïan cite à propos du même événement. Oo
y lil : El-Moëzz donna une de ses filles en mariage à un de ces chefs
urrtb'-s et contracta ainsi une parenté avec eux.
LES SANHADJA. DYNASTIE ZÎRIDE. 23
succès, il dirigea ses troupes contre Cairouan. Cette ville avait
été placée par El-Moëzz sous le commandement de Caïd-Ibn-
Meimoun-es-Sanhadji, lequel se la laissa enlever, trois [années]
plus tard, parles Hoouara, et alla se réfugier dans El-Mehdïa.
Ayant été ensuite rétabli dans le siége de son commandement
par Temîm, il se révolta contre lui au bout de six [ans] et ouvrit
des négociations avec En-Nacer-Ibn-Alennas, seigneur de la
Calâ. Par cette conduite perfide il obligea Temîm à expédier une
armée contre lui, et se trouvant dans l'impossibilité de résister,
il abandonna la ville et se rendit auprès d'En-Nacer. Après avoir
laissé écouler encore six [années^, Caïd alla trouver Hammou-Ibn-
Melîl-el-Berghouati, seigneur de Sfax, auquel il décida Yabki-
Ibn-Ali, émir des Zoghba, à vendre Cairouan; et, en récompense
de ce service, il reçut [de Hammou] le commandement de cette
ville *. Ce fut en l'an 470 (1077-8), qu'il y rentra et qu'il s'y
fortifia.
Pendant ces événements la guerre continua entre Temîm et Eu-
Nacer, seigneur de la Calâ. Les Arabes, ces fauteurs de troubles,
entraînaient En-Nacer à faire des incursions dans l'Ifrîkïa et
même à prendre des villes ; puis ils l'obligeaient à revenir sur
ses pas et rentrer à la Calâ. Les hostilités durèrent jusqu'à l'an
470, quand En-Nacer fit la paix avec son adversaire et lui
donna sa fille en mariage *.
* Voici la traduction littérale de ce passage : < Ensuite, après six, il
revint auprès de Hammou-Ibn-Melil, et il (qui ?) acheta pour lui {qui ?)
Cairouau de Yabki-lbn-Ali, émir des Zoghba, et, en conséquence, il
(qui?) lui en donna le commandement et il s'y fortifia en l'an 70. » —
Dans le Baïan, la venie de Cairouan est racontée différemment, on y lit :
« En l'an 466, ou 467, les Zoghba furent expulsés de l'Ifrîkïa par les
Riah et ils (qui?) vendirent Cairouan à En-Nacer-Ibn-Alennas, te
sanbadjien, seigneur de la Calâ. »
* Pendant la guerre eutre ces deux princes, les Arabes prêtèrent
teur appui à Temîm. Eu l'an 257, En-Nacer, soutenu par les Zenala,
essuya une défaite qui lui coûta vingt-quatre mille hommes. Les dé
pouilles des vaincus servirent à enrichir les Arabes qui, jusqu'alors,
avaient vécu misérahlprnpnt, et Temîm eut le regret d'avoir contribué à
fortifier la puissance ,te iv peuple en affaiblissant celle d'un membra
de sa propre famille.
24 HISTOIRE DES BERBÈRES.
En 474 (4081 -2), Temîm marcha sur Cabes et y assiégea
Cadi-Ibn-Mohammed-es-Sanhadji, qui avait succédé au gouver
nement de la ville à la mort de son frère Ibrahîm. Ne pouvant
réussir dans cette tentative, il décampa, et deux années plus
tard, il se vit lui-même bloqué dans El-Mehdïa par les Arabes.
Ayant forcé ces bandits à lever le siége, il les poursuivit jusqu'à
Cairouan et les en expulsa au moment où ils venaient d'y entrer.
Ce fut sous le règne de Temîm, en l'an 480 (1087-8), que les
chrétiens de Gènes envoyèrent trois cents navires et trente mille
soldats contre El-Mehdïa. Ces troupes étant débarquées, occu
pèrent la ville ainsi que [le faubourg de] Zouîla. Après y avoir
tout saccagé, elles la remirent à Temîm moyennant la somme de
cent mille pièces d'or.
En l'an 489 (1096), Temîm enleva Cabes à son frère Omar-
Ibn-el-Moëzz auquel les habitants avaient déféré le commande
ment après la mort de Cadi-Ibn-Ibrahîm *. Quatre années plus
tard, il se rendit maître de Sfax. Hammou-Ibn-Melîl se rendit
alors à Cabes, où il passa le reste de ses jours sous la protection
de Megguen-Ibn-Kamel-ed-Dehmani l.
Depuis l'année 467 (1074-5), les Arabes rîahides avaient
chassé de l'Ifrîkïa les Arabes zoghbiens et s'y étaient installés à
leur place.
Vers la fin de ce siècle, les Akhder, tribu rîahide, s'emparèrent
de la ville de Bèdja.
Temîm mourut dans [le mois de Redjeb] 501 (février-mars
4108).
< Le même impôt que les musulmans imposaient sur les chrétiens,
habitants des pays conquis.
LES SANHADJA. BENI-KDORAÇAN. 29
entreprit une seconde expédition contre ce pays et y amena El-
IIacen-Ibn-Ali. Arrivé à El-Mehdïa, il emporta cette ville d'as
saut, l'an [555:1460 de J.-C], à la suite d'un siége qui dura
plusieurs mois. Ayant alors établi El-Hacen dans son ancienne
capitale, il lui donna en apanage le territoire de Rohhîeh *.
El-Hacen passa encore huit ans à El-Mehdïa , mais , ayant été
appelé à Maroc par Youçof, fils d'Abd-el-Moumen, il se mit en
route avec sa famille pour cette destination, et mourut à Abar-
Zellou, dans la province de Temsna, en l'an 563 (1 167-8) *.
1 Le texte arabe porte nezel, à la première forme, mais il faut lire nazel
à la troisième. Dans les manuscrits africains, et surtout dans ceux de
l'ouvrage d'Ibn-Khaldoun, tes copistes confondent très-souvent ces deux
formes du verbe , ce qui pourrait donner lieu à de graves contresens,
si le traducteur n'apportait pas dans son travail une attention soutenue
* Voici la généalogie de ce chef: Abd-Allah, fils d' Abd-el-Azîz, fils
d'Abd-el-Hack, fils d'Abd-el-Azîz, fils de Khoraçan.
LES SANHADJA. BENI-R-REND. 33
* Variante : Iroukcen.
LES SANHADJA. AUTRES CBBFS INDÉPENDANTS. 41
lbii-el-Mansour , seigneur de Bougie et de la Calâ. Il s'y était
fortifié après avoir répudié l'autorité de son souverain, ainsi que
nous allons le raconter. A la suite d'une victoire qu'El-Azîzet lui
avaient remportée sur les Arabes, il s'en attribua tout le mérite
et prétendit que le sultan s'était conduit en lâche. Craignant alors
les conséquences d'une forfanterie qui avait profondément blessé
son maître, il se réfugia dans Bédja, où Mabmoud-Ibn-Yezal-er-
Robaï, cheikh de l'endroit, lui fit un honorable accueil. La popu
lation de Zerâ, ville située dans les dépendances de Bédja, faisait
partie de la tribu berbère de Zatîma, et était alors partagée en
deux factions ennemies, les Aulad-Medîni et les Aulad-Lahec.
Fatiguées enfin de leurs querelles , ils invitèrent Mahmoud ,
seigneur de Bédja, à venir rétablir l'ordre chez eux. En ré
ponse à cette prière, il leur envoya Berougcen pour juger leurs
différends et veiller à leurs intérêts. Ce chef commença par
soudoyer et faire entrer dans la forteresse un tas de gen3 sans
aveu qui fréquentaient les campagnes voisines. Ensuite, il s'al
lia par un mariage aux Aulad-Medîni et les aida à expulser
les Aulad - Lahec. Devenu ainsi maître de Zerâ , il ramassa
des hommes de tous côtés, et parvint à former un corps de
cinq cents cavaliers, avec lequel il porta la dévastation dans les
pays environnants. Les Beni-'l-Ouerd de Benzert et Ibn-Allal 0
de Tebourba eurent à soutenir ses attaques, et Mohammed-Ibn-
Sebâ, émir des Beni-Saîd, tribu rîahide,en fut la victime. La for
teresse ayant commencé à regorger d'habitants, il y fit construire
un faubourg pour les loger. El-Azîz expédia enfin de Bougie un
corps d'armée pour soumettre le rebelle, et Ghîlas, le général
auquel fut confié cette expédition, réussit à s'emparer de lui
par une trahison. Le prisonnier ne mourut que beaucoup plus
tard. Meniâ , son fils et successeur , eut à soutenir un siège
contre les Beni-Sebâ et les Beni-Saîd qui voulaient venger la
mort de leur chef Mohammed. Ces Arabes réduisirent la forte
resse à la dernière extrêmité par un long blocus , et l'empor
tèrent enfin d'assaut. Meniâ y perdit la vie, et les membres de sa
* Variante : Ghalal.
42 HISTOIRE DES BERBÈRES.
famille subirent, les uqs , la mort, et les autres, l'esclavage.
Lors du bouleversement général qu'avait causé l'irruption des
Arabes en Ifrîkïa, un nommé Modafê-Ibn-Allal-el-Caïci, un des
cheikhs de Tebourba, se rendit maître de cette ville avec l'aide
de ses fils, ses parents et ses dépendants. S'y étant retranché, il y
maintint son autorité jusqu'à ce qu'Ibn-Bîzoun-el-Lakhmi l'at
taqua dans le voisinage d'El-Bahrein (les deux tacs), localité si
tuée sur le Medjerda 1, en face d'Er-Rîahîn. La guerre entre ces
deux chefs dura fort longtemps.
Un autre aventurier, Cahroun-Ibn-Ghannouch, s'établit à Men-
zil-Dahmoun, et y bâtit un château où il installa un corps de
troupes composé de gens de diverses tribus. Nommé auparavant
gouverneur de Tunis par la populace, il s'en était fait chasser à
cause de sa mauvaise conduite. Ce fut alors qu'il convertit les
arcades [de l'aqueduc] , à Dahmoun , en une forteresse où il
fixa son séjour. Comme il ne cessait d'insulter les environs de
Tunis, les habitants parvinrent à s'en débarrasser avec l'aide de
Mohrez-Ibn-Zîad. Ibn-Allal, seigneur de Tebourba, ayant appris
sa mésaventure , le logea dans un château de ce canton et en
épousa la fille. Cet édifice s'appelle encore Calâ-Ghannouch. Les
deux chefs s'entraidèrent pour commettre des brigandages ; après
eux, leurs fils tinrent une conduite semblable ; mais, en l'an 554
(1 1 59), Abd-el-Moumen arriva en Ifrîkïa et mit fin aux désor
dres qui affligeaient ce pays.
Hammad-Ibn-Khalîfa-el-Lakhmi s'établit à Menzil-Ractoun ,
dans le canton de Zaghouan, et s'y conduisit à l'instar d'Ibn-Allai,
d'Ibn-Ghannouch et d'Ibn-Bîzoun. Son fils suivit le même exem
ple, jusqu'à ce qu'Abd-el-Moumen en fit cesser les brigandages.
Eïad * -Ibn-Nasr-Allah-el-Kelaï réunit une foule de gens sans
aveu et de vagabonds appartenant à diverses tribus, et parvçit,
avec leur appui, à protéger Sicca Venerea contre les Arabes. Sur
l'invitation d'Ibn-Fetata, cheikh de Laribus, qui l'avait prié de
1 Variante : Oualtm.
» Variante . Daflin.
■
46 HISTOIRE DES BEBBERES.
Règne d'El-Caïd, fils de Hammad. — El-Caïd monta sur le
trône aussitôt après la mort de son père, et se fit redouter à
cause de son caractère altier. Youçof, un de ses frères, fut
nommé, par lui, gouverneur du Maghreb, ctOuîghlan [un autre
de ses frères] reçut le commandement de Hamza, ville fondée par
Hamza~Ibn-Idrîs. En l'an 430 (1038-9), Hammama, fils de Zîri-
Ibn-Atïa, prince maghraouien qui régnait à Fez, marcha contre
El-Caïd, qui, de son côté, se porta au-devant de l'ennemi et fit
passer secrètement de fortes sommes d'argent aux troupes zena-
tiennes. Hammama, s'en étant aperçu, demanda la paix, fit sa
soumission et rentra à Fez. En 434, El-Caïd conclut une paix
avecEl-Moëzz, qui était sorti deCairouan pour lui faire la guerre
et qui l'avait tenu assiégé pendant un temps considérable. Il re
partit alors [de la Calâ] pour faire le siége d'Achîr. Quand El-
Moëzz-Ibn-Badîs répudia l'autorité des Fatemides , El-Caïd
reconnut de nouveau la souveraineté de cette dynastie et en ob
tint, comme récompense, le titre de Chéref-ed-Dola (noblesse de
l'empire). Il mourut en 446 (1054-5).
1 Voy. t. i, page 74 .
* El-Mélek- el-Modaffer (le prince victorieux), tel fut le titre honori
fique de Taki-ed-Dîn, fils de Cbahanchah.
3 Dans le texte arabe, les mots bi-sokoun il-mim (avec un m quies-
cent) se rapportent au mot amr. L'Intention de l'auteur était d'empêcher
le lecteur de regarder amr comme une faute de copiste et amir comme
la bonne leçon. En ce dernier cas, le titre porté par Caracoch aurait
signifié ami du commandant des Croyants.
AL.MORAYIDES. 1BN-GBAKÎA. 93
soumission. Cette famille portait une telle haine à la dynastie
d'Abd-el-Moumen qu'aile ouvrit les portes de la ville et permit ii
Ibn-Caratikîn d'y faire célébrer la prière publique aux noms du
khalife abbacide et de Salah-ed-Dîn. Officier dévoué, il maintint
la suprématie de ces princes à Cafsa jusqu'à ce qu'il fut tué par
El-Mansour [le souverain almohade] lors de la prise de cette
ville.
Revenons maintenant à Ibn-Ghanîa. Quand Ali-Ibn-Ghanîa
arriva à Tripoli, il y trouva Cnracoch et prit avec lui l'engage
ment de se soutenir mutuellement contre les Almohades. Il rallia
sous ses drapeaux tous les Arabes soleimides qui s'étaient can
tonnés avec leurs troupeaux dans le territoire de Barca, et il eut
toujours à se louer du dévouement que cette tribu lui témoigna.
Plusieurs fractions de la tribu de Hilal, telles que les Djochem,
les Rîah et les Athbedj, embrassèrent aussi sa cause, tant elles
détestaient la domination des Almohades ; mais les Zoghba se
rangèrent du parti de cette dynastie et lui restèrent invariable
ment fidèles. Les débris des Lemtouna et des Messoufa accouru
rent de tous les côtés pour soutenir Ibn-Ghanîa et l'aider à con
solider son autorité. Ayant établi dans ces contrées la domina-
tion de son peuple, il réorganisa l'empire almoravide dont il
ressuscita tous les usages. Après avoir pris plusieurs villes du
Djerîd et y avoir fait proclamer la suprématie des Abbacides, il
envoya son fils auprès du khalife En-Nacer, fils d'El-Mostadi, en
le faisant accompagner par son secrétaire, Abd-el-Berr-Ibn-
Ferçan, natif d'Espagne. L'objet de cette mission était de solli
citer l'appui du khalife et de renouveler à la cour de Baghdad les
assurances de fidélité et d'obéissance que les Almoravides du
Maghreb n'avaient jamais cessé de lui donner. Le divan répondit
à cette communication en accordant à Ibn-Ghanîa tous les privi
léges dont ses prédécesseurs avaient joui et en adressant une
lettre à Salah-ed-Dîn-Youçof, fils d'Aïoub-el-Ghozzi, souverain
de l'pgypte et de la Syrie, qui lui ordonnait de porter secours au
prince almoravide. Conformément à cette injonction, Salah-ed-
Dîn transmit à Caracoch la recommandation de travailler de con
cert avec Ibn-Ghanîa, afin de relever en Afrique la suprématie des
94 HISTOIRE DES BERBÈRES.
Abbactdes. Secondé par son allié, Caracoch mit le siége devant
Cabes, l'enleva à Saîd-Ibn-Abi-'l-Hacen et en confia le comman
dement à un de ses affranchis, après y avoir déposé ses trésors.
Ayant ensuite appris que Cafsa s'était révolté contre Ibn-Gha-
nîa, il l aida à emporter cette place d'assaut. De là, ils allèrent
réduire la ville de Touzer.
Quand El-Mansour reçut la nouvelle de ces événements et de
l'invasion du Djerîd, il quitta Maroc, l'an 583 (1187-8), afin d'y
porter remède et de reprendre les villes que ces chefs avaient
conquises. Arrivé à Tunis, où il établit son quartier-général, il
envoya l'avant-garde de son armée contre Ibn-Ghanîa. Ce corps,
qui était commandé par deux chefs, lecîd Abou-Youçof-Yacoub,
(fils d'Abou-Hafs-Omer, fils d'Abd-el-Moumen) et Omar-Ibn-
Abi-Zeid, personnage de haut rang parmi les Almohades, attei
gnit Ghomert et livra bataille aux troupes d'Ibn-Ghanîa qui s'é
taient portées de ce côté. Dans cette rencontre, les Almohades
essuyèrent une défaite, Ibn-Abi-Zeid y perdit la vie avec beau
coup des siens, et Ali-Ibn-ez-Zoborteir tomba entre les mains de
l'ennemi. Les vainqueurs firent un butin immense.
Déjà les avant-coureurs d'Ibn-Ghanîa se montraient aux en
virons de Tunis quand El-Mansour marcha contre les insurgés
et, dans le mois de Châban 583 (oct.-nov. 1187), il les mit en
déroute sous les murs d'El-Hamma. Ibn-Ghanîa et Caracoch
échappèrent à grand'peine aux dangers qui les entouraient, et les
habitants de Cabes, ville où Caracoch avait jusqu'alors com
mandé à l'exclusion d'Ibn-Ghanîa, s'empressèrent de faire leur
soumission au vainqueur et de lui livrer tous les amis de leur
ancien maître. El-Mansour envoya ces prisonniers à Maroc et
marcha contre Touzer dont les habitants, voyant la déroute des
partisans d'Ibn-Ghanîa, reconnurent sans difficulté l'autorité des
Almohades. Il tourna ensuite ses armes contre Cafsa, et, l'ayant
assiégé jusqu'à ce que la garnison se rendît à discrétion, il passa
au fil de l'épée tous les contingents des tribus arabes qui s'y
étaient enfermés. Il fit mourir aussi Ibrahîm-Ibn-Caratikîn ,
mais il pardonna aux autres Ghozz et les renvoya libres. Ayant
autorisé les habitants à se gouverner eux-mêmes, il les laissa en
ALSOIUV1DES. IBN-GHANÎA. 95
possession de leurs terres, mais à la condition do lui fournir une
portion des récoltes II attaqua ensuite les Arabes, livra au pillage
leurs camps et leurs lieux de station, et les contraignit ainsi à
faire leur soumission ; mais telle fut sa colère contre les Djo-
chem, les Rîah et les Acem, tribus qui avaient figuré en pre
mière ligne pendant cette révolte, qui les déporta en Maghreb.
En l'an 584 (1 188-9), El-Mansour reprit le chemin du Maghreb
et Ibn-Ghanîa profita de son départ pour recommencer, avec
Caracoch, ses courses dans le Djerîd. Il perdit la vie, cette même
année, dans une rencontre avec les habitants de Nefzaoua ,
ayant été atteint par une flèche lancée au hasard. On l'enterra
de ce côté-là, tout en cachant l'emplacement de son tombeau.
Selon un autre récit, son corps fut transporté à Maïorquo pour y
être enterré.
Yahya, fils dishac-Ibn-Mohammed-Ibn-Ghanîa, prit alors le
commandement du parti almoravide et maintint avec Caracoch
l'alliance offensive et défensive qui avait subsisté entre son frère
Ali et ce chef.
En 586 (H90), Caracoch passa aux Almohades et reçut, à
Tunis, un très-bon accueil du cîd Abou-Zeid. Quelques jours
plus tard, il s'évada furtivement et réussit, par de fausses repré
sentations, à se faire ouvrir les portes de Cabes. A peine maître
de cette ville, il en massacra une partie des habitants et, ayant
alors invité les chefs des tribus soleimides, les Dcbbab et les
Kaoub, à venir le voir dans le château d'El-Aroucïîn, il les fit
mourir au nombre de soixante-dix individus. Parmi ses victimes
se trouvèrent Abou-'l-Mehamed-Mahmoud-Ibn-Tauc et Abou-'l-
Djouari-Hamîd-Ibn-Djaria. Il alla ensuite s'emparer de la ville
de Tripoli, et s'étant tourné de là vers le Djerîd, il en soumit la •
plus grande partie. Une mésintelligence ayant éclaté entre lui et
Ibn-Ghanîa, celui-ci marcha à sa rencontre, mit ses troupes en
déroute et le força à se réfugier dans les montagnes. De la, Ca
racoch s'enfuit vers le Désert et fixa son séjour dans Oueddan ;
mais, peu de temps après, Ibn-Ghanîa, secondé par un corps
d'Arabes debbabiens qui brûlaient de venger la mort de leurs
chefs, emporta cette place d'assaut et lui ôta la vie. Le fils de
9G HISTOIRE DES BERBERES.
Caracoch passa aux Almohades et, jusqu'au règne de [Youçof-]
el-Mostaneer, il continua à habiter la capitale de leur empire. Il
s'enfuit alors à Oueddan d'où il fit des courses dnns les pays
voisins, jusqu'à ce qu'en 65G (1258), il fut assassiné par des
émissaires du roi de Kanem.
Revenons encore à Ibn-Ghanîa et citons les renseignements
fournis par El-Tidjani dans son Rihla. Devenu maître duDjerîd,
il força Yacout, affranchi de Caracoch, à lui livrer la forteresse
de Torra. De là, Yacout se rendit à Tripoli et, pendant un temps
considérable, il y fit une vigoureuse résistance. Ibn-Ghanîa eut
alors recours à son frère Abd-Allah [souverain des Baléares], et
ayant obtenu l'envoi de deux navires faisant partie de la flotte
de Maïorque, il parvint à s'emparer de la ville. Yacout fut fait
prisonnier et envoyé à Maïorque où il resta en détention jusqu'à
la prise de cette île par les Almohades.
Nous allons maintenant reprendre l'histoire de Maïorque.
Quand Ali-Ibn-Ghanîa partit pour s'emparer de Bougie, il laissa
son frère Mohammed et Ali-Ibn-ez-Zoborteir prisonniers dans
cette île. Ibn-ez-Zoborteir, sachant que les fils de Ghanîa avaient
emmené la majeure partie de la garnison, se mit, du fond de sa
prison, à entretenir une correspondance avec quelques habitants
de l'île et réussit à les soulever en faveur de Mohammed. Les
insurgés envahirent la citadelle et ne renoncèrent aux hostilités
qu'après avoir fait mettre en liberté leur ancien émir ainsi
qu'Ibn-ez-Zoborteir. Mohammed reprit alors le commandement
de l'île et, comme il avait embrassé le parti des Almohades, il se
rendit auprès de Yacoub-el-Mansour et emmena Ibn-ez-Zoborteir
avec lui. Abd-Allah-Ibn-Ishac [-Ibn-Ghanîa] quitta alors l'Ifrî-
kïa et obtint, en Sicile, l'appui d'une flotte qui le rendit maître
de Maïorque. Il y régnait encore quand son frère Ali lui fit de
mander des secours afin de pouvoir réduire la ville de Tripoli.
Quant à Yacout, il resta en captivité chez Abd-Allah-Ibn-
Ishac jusqu'à la défaite de cet émir par les Almohades en 599
(1 202-3). Abd-Allah y perdit la vie et Yacout alla passer le reste
de ses jours à Maroc.
• Yabya-Ibn-Ghanîa s'étant emparé de Tripoli y laissa son cou-
t
ALMORAVIDES. 1BN-GBANÎA. 97
sin, Tachefin-Ibn-Ghazi, eu qualité de gouverneur et marcha
contre Cabes. Les habitants de cette ville venaient d'obtenir pour
commandant un officier almohade nommé Omar-Ibn-Tafraguîn.
Ce fut à l'époque où Tripoli succomba qu'ils s'adressèrent au
cheikh Abou-Saîd le hafside pour avoir un gouverneur; car ils se
voyaient abandonnés par le lieutenant que Caracoch avait établi
chez eux. Ibn-Ghanîa mit donc le siége devant Cabes et força les
habitants à capituler. Par un des articles du traité, Ibn-Tafra-
guîn eut l'autorisation de s'en aller librement. Ceci se passa en
591 (1 195). Le vainqueur imposa sur les habitants une contribu
tion forcée de soixante mille pièces d'or. En l'an 597 (1200-1),
il prit El-Mehdïa et y fit mourir Mohammed-er-Regragui qui s'y
était rendu indépendant.
Mohammed- Ibn-Abd-el-Kerîm-er-Regragui , de la tribu de
Koumïa, naquit à El-Mehdïa et s'enrôla dans la milice, corps de
troupes soldées que l'on y entretenait. Doué d'une grande bra
voure, il parvint facilement à former une bande de cavaliers et
de fantassins avec laquelle il combattait les Arabes nomades qui
dévastaient la province. La crainte qu'il leur inspira ajouta en
core à sa réputation, pendant que sa conduite lui attirait les
bénédictions du peuple. A cette époque, Abou-Saîd le hafside
administrait l'Ifrîkïa, charge qu'il occupait depuis l'avènement
d'El-Mansour, et il venait de donner à son frère Abou-Ali-You-
nos le gouvernement d'El-Mehdïa. Celui-ci ayant demandé à
Ibn-Abd-el-Kerîm-er-Regragui la moitié du butin enlevé aux
Arabes, essuya un refus dont il se vengea en persécutant et en
emprisonnant ce brave soldat. En l'an 595 (1198-9), Ibn-Abd-
el-Kerîm se concerta avec ses affidés, s'empara de Younosetle
retint prisonnier jusqu'à ce qu' Abou-Saîd le rachetât moyennant
cinq cents dinars en or monnayé. Devenu ainsi maître d'El-
Mehdïa, il y proclama son indépendance et prit le titre d'El-
Motéwakkel-ala-'llah (qui met sa confiance en Dieu). Le cîd
Abou-Zeid, fils d'Abou-Hafs-Omar et petit-fils d'Abd-el-Moumen,
vint alors prendre le gouvernement de l'Ifrîkïa, et, en l'an 596,
il se vit assiéger dans Tunis par Ibn-Abd-el-Kerîm qui, ayant
dressé son camp à la Goulette (Halk-el-ouadi), repoussa avec
T.n. 7
HISTOIRE DES BERBÈRES.
avantage les sorties tentées par les Almohades. Le siége avait
traîné en longueur, quand Ibn-Abd-el-Kerîm exauça les prières
des habitants et s'éloigna. Arrivé sous les murs de Cabes, il y
assiégea Yahya-Ibn-Ghanîa pendant quelque temps et, ensuite,
il prit la route de Cafsa. Vivement poursuivi par Ibn-Ghanîa, il
rentra dans El-Mchdïa où il eut bientôt à soutenir un siége. Ce
fut en 597 (1200-1) qu'Ibn-Ghanîa prit position devant la ville
et, avec l'aide de deux navires de guerre obtenus du cid Abou-
Zeid, il força son adversaire à se rendre et l'envoya mourir au
fond d'une prison.
Maître de Tripoli, de Cabcs, de Sfax et dn Djerîd, Ibn-Ghanîa
ajouta alors à ses états la ville d'El-Mehdïa. Ayant ensuite entre
pris une expédition dans la partie occidentale de l'Ifrîkïa, il dressa
ses catapultes contre la ville de Bèdja, la prit d'assaut et la ruina
de fond en comble. Le gouverneur, Omar-Ibn-Ghaleb, y perdit la
vie, et les habitants se réfugièrent dans Laribus et Sicca Veneria.
Après le départ du chef almoravide, ils rentrèrent chez eux par
l'ordre du cîd Abou-Zeid, mais Ibn-Ghanîa vint encore les y
attaquer. La nouvelle de l'approche d'une armée almohade com
mandée par le cîd Abou-'l-Hacen, frère d'Abou-Zeid, l'obligea à
lever le siége et à marcher à la rencontre de l'ennemi. Il s'en
suivit une bataille près de Constantine qui entraîna la défaite des
Almohades et la prise de leur camp. Biskera étant tombé au pou
voir d'Ibn-Ghanîa, il fit couper les mains aux habitants et em
mena prisonnier Abou-'l-Hacen-Ibn-Abi-Yala , officier qui y
commandait. Après cette conquête, il occupa Tebessa et Cai-
rouan; puis, ayant reçu les hommages des habitants de Bône, il
rentra à El-Mehdîa.
Parvenu ainsi à un haut degré do puissance, il partit, l'an 599
(1202-3), pour assiéger Tunis, après avoir confié le gouverne
ment d'El-Mehdïa à son cousin Ali-cl-Kafi, fils de Ghazi, fils
d'Abd-Allah , fils de Mohammed , fils d'Ali et de Ghanîa. Il
campa sur le Djebel-el-Ahmer (le Mont-Rouge), près de Tunis, fit
occuper la Goulette par son frère, de manière à investir la ville,
puis, il en fit combler les fossés et jouer ses catapultes et autres
machines de guerre. Au bout de quatre mois, et dans la dernière
AUMORAVIDES. — IBPi- GHANÎA. 99
année du sixième siècle (1203), il emporta Tunis d'assaut. Parmi
les prisonniers se trouvèrent le cîd Abou-Zeid et ses deux fils.
Une contribution de cent mille pièces d'or fut imposée sur les
habitants, et Ibn-Asfour, secrétaire d'Ibn-Ghanïa, entreprit de
percevoir cette somme en se faisant seconder par Abou-Bekr-
Ibn-Abd-el-Azîz-Ibn-es-Sekak. Ces commissaires mirent tant de
rigueur dans l'exécution de leur tâche, que la plupart de ceux
qui passèrent par leurs mains auraient préféré la mort au trai
tement cruel qu'ils avaient dû subir. L'on rapporte même qu'is-
maïl-Ibn-Abd-er-Refiâ, membre d'une des premières familles de
la ville, céda au désespoir et mit fin à ses jours en se précipitant
dans un puits. Ce triste événement fit renoncer au recouvrement
des sommes qui restaient encore à payer. Ibn-Ghanîa emmena
prisonnier le cîd Abou-Zeid et, parvenu à Nefouça, il imposa
tur les habitants de cette localité une contribution de deux mil
lions de dinars (pièces d'or). Se livrant, dès lors, à toute espèce
de violence, il opprima le peuple et se lança insolemment dans
les excès de la tyrannie.
Le khalife En-Nacer éprouva l'indignation la plus vive en
apprenant l'étendue des malheurs dont Ibn-Abd-el-Kerîm et Ibn-
Ghanîa avaient accablé le peuple de l'Ifrîkïa ; aussi, en l'an 604
(1204-5), il quitta Maroc et se mit en marche pour ce pays. A
cette nouvelle, Ibn-Ghanîa sortit de Tunis, traversa Cairouan
et, arrivé à Cafsa, il rassembla ses partisans arabes et s'en fit
remettre des otages pour assurer leur fidélité. Quand il eut as
siégé et ruiné Torra, forteresse située dans le pays de Nefzaoua,
il se porta sur le Hamma des Matmata.
En-Nacer, étant arrivé à Tunis, se rendit à Cafsa et, de là, à
Cabes où il apprit que son adversaire s'était retranché dans la
montagne de Demmer. Ne voulant pas l'attaquer dans une posi
tion aussi forte, il alla camper sous les murs d'El-Mehdïa dont il
se proposa d'entreprendre le siége. En l'an 602, pendant qu'il
faisait construire des machines pour battre la place en brèche, il
expédia contre Ibn-Ghanîa un corps de quatre mille Almohades
commandés par Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed le hafside. Un
engagement eut lieu entre les deux partis à Mont-Tadjera, aux
100 DISTO1BE DES BERBÈRFS.
environs de Cabes, et Djobara-Ibn-Ishac, frère d'Ibn-Ghanîa, y
perdit la vie en même temps que le cîd Abou-Zeid recouvra la
liberté.
En-Nacer obtint alors la possession d'El-Mehdïa, et comme le
gouverneur, Ali-Ibn-Ghazi, avait embrassé sa cause, il l'accueillit
avec une haute distinction et lui fit présent d'un riche cadeau que
son affranchi Naseh venait de lui apporter de Ceuta. Parmi les
objets de prix dont cette offrande se composait, on remarqua
surtout deux robes ornées de pierreries. Ibn-Ghazi resta au
service d'En-Nacer et trouva la mort en combattant les infidèles
(les Chrétiens de l'Espagne).
Rentré à Tunis, après avoir donné le commandement d'El-
Mehdïa à un chef almohade nommé Mohammed-Ibn-Yaghmor,
En-Nacer s'occupa à trouver un homme capable de gouverner
l'Ifrîkïa et de protéger ce pays contre les bandes d'Ibn-Ghanîa.
Son choix se fixa sur Abou-Mohammed le hafside, auquel il con
fia ce poste éminent en l'an 603 (1206-7). Aussitôt qu'il eut
repris la route du Maghreb, son adversaire infatigable rassem
bla des troupes aiîn d'attaquer les Al monades dans Tunis. Les
Douaouida, sous la conduite de leur émir Mohammed, fils de
Masoud Ibn-Soltan, accoururent sous les drapeaux d'Ibn-Ghanîa,
ainsi qu'une foule d'autres brigands arabes ; mais la tribu d'Auf,
branche de celle de Soleim, se rangea du côté des Almohades.
Après une rencontre qui eut lieu à Chebrou, près de Tebessa, et
dans laquelle les Almoravides furent mis en déroute, Ibn-Ghanîa
s'enfuit du côté de Tripoli ; mais, quelque temps après, il enva
hit le Maghreb avec ses Arabes et ses Almoravides qu'il était
parvenu à rassembler de nouveau. Arrivé à Sidjilmessa, il reprit
le chemin du Maghreb central, après avoir tout dévasté sur son
passage et gorgé de butin les guerriers qui marchaient sous son
drapeau. Cédant alors à l'invitation de quelques Zenatiens, amis
du désordre, il se dirigea vers Tèhert pour livrer bataille aux
troupes du cîd Abou-Amran-Mouça, fils de Youçof-Ibn-Abd-el-
Moumen et gouverneur de Tlemcen. Les Almohades y essuyèrent
une défaite; Abou-Amran perdit la vie et son fils fut fait pri
sonnier. Le vainqueur reprit alors le chemin de l'Ifrîkïa, mais,
A LMOH AVIDES. 1BN-GHAMA.
ayant rencontré une armée almohade commandée par le cheikh
Abou-Mohammed, gouverneur de cette province, il perdit tout
le butin qu'il avait ramassé et se vit repousser dans les monta
gnes de Tripoli. Son frère, Sîr-Ibn-Ishac , l'abandonna vers
cette époque et se rendit à Maroc où En-Nacer lui fit un accueil
fort honorable.
Malgré ce revers, Ibn-Ghanîa parvint encore à rassembler
plusieurs bandes d'Arabes appartenant, les unes à la tribu de
Rîah, et les autres aux tribus d'Auf et de Nefath. Un certain
nombre de tribus berbères, alliées de ces nomades, vinrent
aussi se joindre à lui. Il prit alors la résolution d'envahir l'Ifrî-
kïa, sans prévoir le rude échec auquel il allait s'exposer. En l'an
606 (1209-10), son armée fut totalement dispersée à Mont-
Nefouça par les Almohades sous les ordres du cheikh Abou-
Mohammed ; tous ses émirs périrent sur le champ de bataille ;
ses chevaux, ses équipages et ses armes tombèrent au pouvoir
des vainqueurs. Dans cette journée, Mohammed-Ibn-el-Ghazi
perdit la vie ainsi que Djerrar-Ibn-Ouîghern le maghraouien, et
Abd-Allah, fils de Mohammed-Ibn-Masoud-Ibn-Soltan le doua-
ouidien, dont le père était alors émir des Riah. Avec Abd-Allah
succombèrent son cousin Harakat, fils d'Abou-'s-Cheikh-Ibn-
Açaker-Ibn-Soltan et l'émir des Corra, branche de la tribu de
Hilal. Ibn-Nakhîl, qui mentionne la mort de ce dernier, rapporte
qu'en ce jour les Almohades enlevèrent aux Almoravides dix-
huit mille bétes de somme.
Ce revers contribua beaucoup à ruiner l'influence d'Ibn-Ghanîa
et à réprimer son audace. Les tribus nefouciennes se soulevèrent
contre son scribe Ibn-Asfour, qui avait été chargé de prélever sur
elles une contribution forcée, et elles mirent à mort ses deux fils.
Abou-Mohammed parcourut alors Hfrîkïa et, étant tombé sur
les Arabes soleimides, il fit prisonniers leurs cheikhs et les en
voya à Tunis avec leurs familles. Par de semblables moyens, il
réprima l'esprit de brigandage qui animait les Arabes et rendit
[graduellement] la paix à l'Ifrîkïa. Cette province continua à
jouir d'une grande prospérité jusqu'à la mort d'Abou-Moham-
med, événement qui eut lieu en 61 8 (1 221 ).
102 HISTOIRE DES BERBÈRES.
Le gouvernement de l'Ifrîkïa passa alors au cîd Abou-'l-Ola-
Idrîs, fils de Youçof et petit-fils d'Abd-el-Moumen ; mais quel
ques auteurs déclarent qu'Idrîs parvint à ce poste un peu avant
la mortd'Abou-Mohammad. Quoi qu'il en soit, ce changement ral
luma l'amour d'Ibn-Ghanîa pour le désordre et le porta à
commencer une nouvelle carrière de révolte et de dévastation,
quand Abou-'l-Ola se mit en campagne pour la combattre.
Arrivé à Cabes, le cîd Abou-'l-Ola s'installa dans le Casr-el-
Aroucïîn d'où il envoya du côté de Derdj et de Ghadams un
corps almohade sous les ordres de son fils, le cîd Abou-Zeid. Un
autre corps partit, en même temps, pour Oueddan afin d'y blo
quer le chef almoravide. Pendant que le cîd Abou-'l-Ola songeait
au moyen de châtier les Arabes qui s'étaient révoltés, Abou-
Zeid chassa Ibn-Ghanîa depuis Oueddan jusqu'au Zab et le força
à se réfugier dans Biskera. Il emporta même cette ville d'assaut,
mais son adversaire parvint à lui échapper et à réunir un nou
veau corps d'armée composé d'Arabes et de Berbères. Il continua,
toutefois, la poursuite et, en l'an 621 (1224), les Almohades et
les Hoouara, ses alliés, atteignirent les troupes d'Ibn-Ghanîa
aux environs de Tunis. Des deux côtés, l'on se mit en ordre de
bataille, et le combat s'engagea vigoureusement; mais les Almo
hades mirent encore les partisans d'Ibn-Ghanîa en déroute,
tuèrent un grand nombre d'Almoravidos et firent un énorme
butin. Dans cette bataille, les Hoouara, sous la conduite de leur
chef Hannach-Ibn-Bâra-Ibn-Ounîfen, se couvrirent de gloire.
Le cîd Abou-Zeid ayant appris, à la suite de cette victoire,
que son père venait de mourir à Tunis, reprit le chemin de cette
ville, et, [quelque temps après,] les Hafsides obtinrent encore le
gouvernement de l'Ifrîkïa. L'émir Abou-Zékérïa enleva ensuite
l'autorité à son frère Abou-Mohammed-Abd-Allah et finit par
détacher cette province de l'empire régi par les descendants
d'Abd-el-Moumen. Ce chef fut l'ancêtre des khalifes hafsides et
le fondateur de leur puissance en lfrîkïa. Il défendit ce pays avec
succès contre Ibn-Ghanîa, le poursuivant partout où il osa se
présenter et délivrant, peu à peu, les habitants et les cultivateurs
de l'oppression qui les accablait.
ALMORAV1DES. IBN-GHANÎA. 103
Quant à Ibn-Ghanîa, il s'enfonça dans le Désert avec ses
Arabes et continua à y mener une vie vagabonde : tantôt il se
dirigea vers l'occident, jusqu'aux environs de Sidjilmessa, et,
tantôt, il poussa jusqu'à la grande Acaba*, sur la frontière de
l'Egypte. Dans une de ces courses, il enleva Soueica, lieu des
environs de Barca, à Ibn-Metkoud', et, dans une autre, il atta
qua les Maghraoua à Ouédjer, entre Metîdja et Milîana, tua leur
émir Mendîl-Ibn-Abd-er-Rahman, et mit son cadavre en croix
sur les murs d'Alger. Il avait l'habitude de prendre des troupes
à sa solde et do les laisser partir sans obstacle quand elles étaient
fatiguées du service. Il mourut en 631 (1 233-4) ou en 633, après
avoir régné cinquante ans. On cacha le lieu de son tombeau que
les uns disent être à Redjouan, vallée au midi de Laribus, et
que les autres placent sur le bord du Chelif, dans le voisinage de
Milîana. D'autres encore assurent qu'il fut enterré dans le Sahra
de Badîs et Tennouma, désert de la province du Zab. Avec lui
succomba l'empire que les Messoufa et les Lemtouna , tribus
almoravides, avaient fondé en Ifrîkïa, en Maghreb et en Espagne,
et, avec la chute de sa puissance, la domination de la race
sanhadjienne disparut de la terre.
Il mourut sans postérité masculine, et telle fut sa confiance
dans la générosité de l'émir Abou-Zékérïa, qu'il recommanda,
dit-on, ses filles aux soins de ce prince. Saber, son esclave eu
ropéen, les conduisit auprès d'Abou-Zékérïa qui, en effet, leur
accorda sa protection et bâtit, dans la capitale de son empire, un
palais pour les loger. Cet édifice porte encore le nom de Casr-
el-Benat (château des filles). Elles passèrent le reste de leurs
jours dans le célibat, pour se conformer à la dernière volonté de
leur père, et elles jouirent d'une forte pension qu'Abou-Zékérïa
leur avait accordée. L'on raconte qu'un de leurs cousins ayant
exprimé le désir d'en avoir une pour femme, Abou-Zékérïa en
* Voy. 1. 1, p. 8, note.
* Le texte arabe imprimé et les manuscrits portent ici Medkour.
Soueioa est sHué près du cap Mesrata, tout-à-fatt en dehors du territoire
de Barca.
104 HISTOIRE DES BERBÈRES.
fît part à la jeune personne, en déclarant qu'il regardait une telle
alliance comme fort convenable , puisqu'un cousin a plus de
droits à la main de sa cousine que tout autre, et qu'elle lui ré
pondit : a S'il était réellement notre cousin, nous ne serions pas
» réduites à vivre au dépens d'autrui. » Elles moururent à un
âge fort avancé, sans avoir jamais voulu se marier. Mon père
m'a raconté que , dans sa jeunesse , vers l'an 710 (1310-14), il
avait vu une de ces dames qui était alors dans sa quatre-vingt-
dixième année, « De toutes les femmes du monde , me dit-il ,
» c'était la plus noble de caractère , la plus généreuse de cœur,
s la plus vertueuse de conduite. »
Les tribus porteurs du litham existent encore de nos jours
dans les contrées où elles s'adonnaient autrefois à la vie nomade.
Leur territoire avoisine le pays des Noirs et le sépare de la ré
gion sabloneuse qui touche aux deux Maghrebs et à l'Ifrîkïa,
pays qu'habitent les Berbères. On rencontre les peuples à litham
depuis l'Ocean atlantique jusqu'au bord du Nîl de l'Orient. La
fraction de cette race qui fonda un empire en Espagne et en
Afrique et qui se composa d'une faible portion des Messoufa et
des Lemtouna, a péri de la manière que nous avons décrite :
épuisée à force de dominer, consumée dans de lointaines expé
ditions et ruinée par le luxe, elle disparut, enfin, exterminée par
les Almohades.
Quant à ceux qui restèrent dans le Désert, rien ne se changea
dans leur manière d'être et, jusqu'à ce jour, ils restent divisés et
désunis à cause de la diversité de leurs sentiments et de leurs
intérêts. Soumis à l'autorité du roi des Noirs (Mélek-es-Soudan).
ils lui paient l'impôt (kharadj) et fournissent des contingents à
ses armées.
Ils forment une espèce de cordon sur la frontière du pays des
Noirs ; cordon qui s'étend vers l'Orient parallèlement à celui que
forment les Arabes sur la frontière des deux Maghrebs et de
l'Ifrîkïa. Les Guedala, une de leurs tribus, se trouvent en face
des Doui-Hassan, branche de la tribu arabe des Makil qui habite
le Sous-el-Acsa ; les Lemtouna et les Ounzîga [ou Outrîga] ont
devant eux les Doui-Mansour et les Doui-Obeid-Allah, Makiliens
ROIS DES PEUPLES NEGRES. lOo
du Maghreb-el-Acsa ; les Messoufa sont vis-à-vis des Zoghba,
tribu arabe du Maghreb central; les Lamta se trouvent en face
des Rîah, tribu arabe qui occupe le Zab et [les campagnes de]
Bougie et de Constantine, et, enfin, les Targa (Touareg) se
tiennent vis-à-vis des Soleim, tribu arabe de l'Ifrîkïa.
L'éducation des chameaux forme leur principale occupation ;
ces animaux fournissant à leur subsistance et servant aussi à les
porter, eux et leurs bagages. On ne trouve que très-peu de che
vaux chez eux, mais ils ont pour monture une espèce de chameau
très-actif qu'ils appellent nodjob '. Quand une guerre éclate en
tre ces peuples, ils combattent montés sur des chameaux. L'al
lure des nodjob est un amble qui approche du galop.
Les Arabes du Désert, et surtout les Beni-Saîd, peuplade
nomade qui fait partie de la tribu des Rîah, envahissent, de
temps à autre, les contrées appartenant aux porteurs du lithum
et s'en retournent au plus vile, après avoir pillé tout ce qui se
trouve sur leur passage. Alors, l'alarme se répand dans les cam
pements, l'on monte ses chameaux, l'on court occuper les endroits
où les ravisseurs doivent s'arrêter pour prendre de l'eau, et,
presque toujours, on les atteint avant qu'ils puissent rentrer
chez eux. Il s'ensuit un combat acharné, et les Arabes n'empor -
tent leur butin qu'à grand'peine et après avoir perdu plusieurs
de leurs camarades.
Puisque nous avons fait mention des rois des Noirs, nous par
lerons maintenant de ceux dont les états touchent, de nos jours,
au royaume du Maghreb.
•
no HISTOIRE DES BEBBRBES.
cette nation forte et nombreuse , se composait de deux villes
séparées par le Nîl [le Niger] et formait une des plus grandes
cités du monde et des mieux peuplées. L'auteur du Livre de
Roger 1 en fait une mention spéciale ainsi que l'auteur des Routes
et Royaumes *. L'on rapporte que, du côté de l'Orient, les Ghana
avaient pour voisins les Sousou, ou Ceuceu.
Après eux, on trouve successivement les Melli, les Kaokao, ou
Kaghou, et les Tekrour. En l'an 796 (1393-4), le cheikh Othman,
mufti des habitants de Ghana et leur personnage le plus distingué
par le savoir, la piété et la haute renommée, vint en Egypte
avec sa famille dans l'intention de faire le pèlerinage. Ce savant
docteur m'apprit alors qu'on donnait aux Tekour le nom de
Zeghaï et aux Melli le nom d'Ankarïa.
Le royaume de Ghana était tombé dans le dernier affaiblisse
ment vers l'époque où l'empire des porteurs du litham [les
Almoravides] commençait à devenir puissant; aussi, ce dernier
peuple, qui habitait immédiatement au nord des Ghana, du côté
du pays des Berbères, étendit sa domination sur les Noirs,
dévasta leur territoire et pilla leurs propriétés. Les ayant
alors soumis à la capitation, il leur imposa un tribut et porta un
grand nombre d'entre eux à embrasser l'islamisme. L'autorité
des souverains de Ghana s'étant anéantie, leurs voisins, les
Sousou, subjuguèrent ce pays et réduisirent les habitants en es
clavage.
Plus tard, la population de Melli prit un tel accroissement
qu'elle se rendit maîtresse de toute cette région et subjugua les
Noirs des contrées voisines. Ayant vaincu les Sousou, elle oc
cupa tous les états qui formaient cet ancien royaume et étendit
sa domination sur le royaume de Ghana jusqu'à l'Océan atlan
tique, du côté de l'Occident. Ils professaient l'islamisme, et l'on
dit que le premier d'entre eux qui embrassa cette religion fut un
roi appelé Bermendana. C'est ainsi que le cheikh Othman pro-
Nous avons dit 3 que ces tribus sont sœurs de celles de San-
hadja [et de Hoouara] , toutes les cinq ayant eu pour mère
Tîski-el-Ardia, fille de Zahhîk-Ibn-Madghis. Les Sanhadja des
cendent d'Amîl, fils' de Zéazâ ; les Hoouara d'Aurîgh, fils d'El-
* Voifs t. ui, hist. des Hafskles, et, t. iv, hist. des Mérinides.
SANHADJA DE LA TROISIÈME RACE. 121
le désastre de Cairouan. Son fils, Ibrahîm, partit alors pour
rejoindre le sultan Abou-'l-Hacen ; mais, arrivé à Tlemcen, il
apprit qu'Abou-Einan s'était fait proclamer sultan. Cette nou
velle le décida à rentrer dans sa montagne, et, comme il s'y
montra serviteur dévoué d' Abou-'l-Hacen, il encourut l'inimitié
d'Abou-Einan et fut attaqué par son oncle Abd-el-Hack qui
venait d'obtenir de ce prince l'administration des provinces ma
rocaines. Il persévéra, néanmoins, dans sa résistance et, jusqu'à
l'occupation de Maroc par Abou-'l-Hacen, il se distingua comme
le partisan le plus brave, le plus fidèle de cet infortuné monarque.
Lors de la mort d'Abou-'l-Hacen, Abou-Einan le fit emprison
ner, et, en l'an 757 (1356), avant de partir pour Tlemsen, il lui
ôta la vie. Mansour-Ibn-Mohammed, frère d'Ibrahîm, lui suc
céda et garda le commandement de la tribu jusqu'à l'an 776
(1374-5), quand l'émir Abd-er-Rahman, fils d'Abou-Ifelloucen,
prit possession de la ville de Maroc. Ce prince l'ayant alors cité
devant lui, le mit aux arrêts dans la maison de Beddjou-Ibn-el-
Alam-Ibn-Mesri-Ibn-Masoud-Ibn-Khattab, un de ses officiers
et cousin du prisonnier. Ce Beddjou était allé avec son père
se ranger du côté des Mérinides , afin d'échapper à l'inimitié
de la famille de Mohammed-Ibn-Omer qui voyait en lui un com
pétiteur pour le commandement de la tribu. Beddjou n'eut
pas plus tôt reçu son parent chez lui, qu'il le fit assassiner
avec ses fils. Par cet acte de vengeance, il encourut la colère
du sultan [Abd-er-Rahman] et se fit mettre en prison. Peu de
temps après, il recouvra la liberté et, ayant obtenu le comman
dement des Heskoura, il continue encore à l'exercer.
' Cette dole est fausse : il faut sans doute lire 369 ou 370. —
Voy. pp. 41 et 12 de ce volume.
432 HISTOIRE DES BERBÈRES.
hostilités contre eux et y déploya un zèle extraordinaire. Leur
ayant tué beaucoup de monde et fait un grand nombre de pri
sonniers, il leur enleva Temsna et y établit un de ses officiers
comme gouverneur.
Après la mort de Temîm, les Berghouata réparèrent leurs
pertes, mars enfin les Almoravides étendirent sur eux leur
domination. Ce peuple, étant sorti de ses déserts, pénétra
dans le Maghreb et prit d'assaut un grand nombre de places
fortes situées, les unes, dans le Sous-el-Acsa, et, les autres,
dans les montagnes habitées par les Masmouda; ensuite il lui
sembla bon de faire une guerre sainte aux Berghouata qui se
trouvaient dans la province de Temsna etsurle littoral de l'oc
cident. En conséquence de cette résolution , Abou-Bekr-Ibn-
Omar, émir des Lemtouna, marcha contre eux à la tête de ses
Almoravides et leur livra plusieurs batailles. Dans un de ces
conflits, lequel eut lieu en l'an 450 (1058), Abd-Allah-Ibn-
Yacîn le guezoulien trouva le martyre et mourut les armes à la
main. Abou-Bekr et ses successeurs ne cessèrent de combattre
les Berghouata jusqu'à ce qu'ils les eurent totalement exterminés.
Quand les Berghouata étaient sur le point de succomber, ils
avaient pour chef un nommé Abou-Hafs-Abd-Allah, descendant
d'Abou-Mansonr-Eïça , fils d'Abou-'l-Ansar-Abd-Allah , fils
d'Abou-Ghofaïr-Mohammed, fils de Moâd, fils d'Elîça, fils de
Saleh, fils de Tarîf. Il mourut sur le champ de bataille, et, avec
lui, succomba la puissance de sa nation. Les débris de cette secte
furent exterminés par les Almoravides; louanges en soient à
Dieu, seigneur de tous les êtres I
Ils se trompent, ceux qui regardent les Berghouata comme un
peuple zenatien. « Quelques personnes disent que Saleh était
» juif, que son père se nommait Chemaoun[Simon]-Ibn-Yacoub
» et qu'il avait passé ses premières années dans Berbat *. Ayant
» alors fait le voyage de l'Orient, il étudia sous Abd-Allah le
» le motazelite», et, après s'être adonné à la magie et à plu-
1 II sera question de cet endroit quelques lignes plus loin.
* Les motazclites enseignaient le libre arbitre et rejetaient la doctrine
des attributs divins.
TRIBUS MASMOUDIBNKES. LES GHOMARA. 133
» sieurs autres sciences, il repartit pour l'Occident et se fixa
» dans Temsna. Là, il trouva quelques tribus berbères plongées
u dans l'ignorance ; il afficha devant elles une grande austérité
» de mœurs et parvint à les fasciner par son éloquence. Ayant
» ainsi gagné leur appui, il commença à jouer le rôle de pro-
» phète. On lui donna le surnom de Berbati, c'est-à-dire natif
» de Berbat, vallée dans les environs de Xérès, en Espagne.
» Les Arabes changèrent ce mot en Berghouati pour le plier au
» génie de leur langue. » — Nous rapportons ici les paroles de
l'auteur du Nadm-el-Djouhcr dont les opinions, à ce sujet, s'ac
cordent avec celles de plusieurs autres généalogistes qui se sont
occupés des Berbères. Tout cela n'est cependant qu'un tissu
d'erreurs qui sautent aux yeux, car les Berghouata n'apparte
naient pas à la race zenatienne ; on en voit la preuve dans la
localité qu'ils habitaient1 et dans les rapports de bon voisinage
qu'ils entretenaient avec leurs frères, les Masmouda. Quant à
Saleh-Ibn-Tarîf, c'est une chose reconnue qu'il était berghoua-
tien de naissance ; il est d'ailleurs impossible qu'un intrus, un
individu d'origine étrangère , puisse réussir à subjuguer des
pays et des tribus *. Enfin, nous le répétons, c'est une chose
avérée que la personne dont il s'agit appartenait réellement à la
tribu des Berghouata, branche des Masmouda.
1 En effet, ils avaient enirc eux et les Zenata les Iribus de Zanaga et
de Masmouda, sans compter la chaîne de l'Atlas.
' Ibn-Khaldoun invoque ici un principe qu'il a développé ailleurs et
qu'il regarde comme incontestable. Dans l'histoire de l'Afrique musul
mane, on trouve, cependant, plusieurs faits qui contredisent ce prin
cipe : tels sont l'avènement des Beoi-Saleh chez les Gbomara. des
Idricides chez les Zenata, des Falemides chez les Ketama et de la
famille d'Abd-el-Moumen chez les Masmouda.
•I3i HISTOIRE DES BtRBtRES.
[ou Mesettaf] , fils de Melîl, fils de Masmoud. Quelques personnes
encore représentent Ghomar comme fils d'Assad et petit-fils de
Masmoud, pendant que d'autres prétendent que les Ghomara
sont des Arabes qui débordèrent (ghamar) sur ce pays de mon
tagnes et que, de là, est venu leur nom. Cette dernière opinion
n'a cours que chez le vulgaire.
Les Ghomara se partagent en une quantité innombrable de
branches et de familles, parmi lesquelles on distingue, surtout,
les Beni-Hamîd, les Metiona, les Beni-Nal, les Aghsaoua, les
Beni-ou-Zeroual et les Medjekéça. Cette dernière tribu demeure
b l'extrême limite [occidentale] du territoire ghomarien.
Les Ghomara habitent les montagnes du Rîf, région qui borde
la Méditerranée; leur pays a une longueur de plus de cinq jour
nées, depuis Ghassaça, au nord 1 des plaines du Maghreb, jusqu'à
Tanger, et il renferme ces villes ainsi que Nokour, Badis, Tîkîsas,
Tîttawîn (Tétouan), Ceuta et El-Casr. La largeur de ce terri
toire est aussi de cinq journées, depuis la mer jusqu'aux plaines
qui avoisinent Casr-Ketama et la rivière Ouergha. En suivant
cette direction, on rencontre successivement plusieurs chaînes de
hautes montagnes formant des barrières qui s'élèvent à perte de
vue et aux cîmes desquelles les oiseaux — que dis-je? — l'ima
gination même ne saurait atteindre*. Entre les crêtes de ces
montagnes s'ouvrent plusieurs défilés qui offrent un passage aux
voyageurs et qui renferment des pâturages, des terres cultivées /
et des bocages semblables à des jardins.
Ce qui prouve que ce peuple appartient à la race masmou-
dienne est le fait que quelques-unes de ses tribus, qui habitent
entre Ceuta et Tanger, portent encore le nom de Masmoudu.
C'est même d'elles que le Casr-el-Medjaz, où l'on s'embarque
pour Tarifa, a tiré son appellation de Casr-Masmouda. Un autre
jait vient à l'appui de cette opinion : de ce côté-là, le territoire
* Cette date est fausse : Ed-Demma fut pris en 465 et Tanger en 470.
Voy. te Cm tas, pages 91 et 92 du texte arabe.
* Ce litre signifie : le prince prévoyant ou bien le diseur d'avis'
5 Vfy. le Cartas, page 92.
456 HISTOIRE DES BERBÈRES.
Conduit devant El-Moëzz et sommé de livrer ses trésors, il répon
dit avec tant d'insolence que ce prince le tua sur-le-champ. On
découvrit, par hasard, le lieu où il avait déposé ses richesses, et
l'on trouva dans çe dépôt le cachet de Yahya, fils d'Ali-Ibn-
Hammoud. El-Moëzz écrivit alors à son père pour lui annoncer
la victoire des Almoravides.
Ainsi succomba la dynastie des Hammoudites et, avec elle,
disparurent les derniers vestiges de leur domination dans le
pays des Ghomara. Depuis ce moment, le gouvernement almo-
ravide trouva dans les Ghomara des sujets obéissants.
En l'an 537 (1142-3), la puissance des Almohades était de
venue formidable, et Abd-el-Moumen, le successeur du Mehdi,
faisait, dans le territoire du Maghreb, la grande expédition qui
devait se terminer par la prise de Maroc. Dans notre histoire de
la dynastie fondée par ce prince, nous aurons l'occasion de parler
du grand événement auquel nous faisons allusion. Les Ghomara
embrassèrent alors la doctrine almohadeet réunirent leurs forces
à celles d'Abd-el-Moumen pour faire le siége de Ceuta. Les
habitants de cette ville se defendirent vigoureusement sous les
yeux de leur chef et cadi, le célèbre Eïad, dont la piété, le savoir,
la noble fierté et le rang éminent avaient mérité tout leur res
pect*. Malgré leur résistance, la place succomba en l'an 544
(1446-7), quelque temps après la chute de Maroc*. L'empresse
ment des Ghomara à se rallier aux Almohades leur valut la
faveur constante de cette dynastie.
La puissance de la famille d'Abd-el-Moumen s'affaiblit à la
fin; de nombreux soulèvements eurent lieu sur les frontières de
l'empire, et en l'an 625 (1 228), Abou-t-Touadjen-Mohammed-
,
LE* GHOMA1U.-— LES BA-J MOl'lin ES. 157
Ibn-Mohammed-el-Ketami souleva le pays des Ghomara. Le père
de cet aventurier était natif du Casr-Ketama ; il y avait mené
une vie retirée, s'occupant principalement de la magie naturelle,
science qu'il enseigna à son fils. Celui-ci se rendit à Ceuta, et
s'étant établi chez les Beni-Saîd, il professa l'alehimie et trouva
beaucoup de disciples parmi les gens du peuple. Alors il se
donna pour prophète, publia une nouvelle loi religieuse, et sé
duisit une foule de gens par ses prestiges et tours d'adresse.
Malgré toute son habileté, il laissa enfin découvrir sa fourberie,
et, se voyant abandonné par ses partisans, il prit la fuite devant
la garnison de Ceuta qui était sortie pour le combattre, et mou
rut assassiné par quelques Berbères..
Vers l'an 640 (1242-3), les Mérinides avaient subjugué les
campagnes et les villes du Maghreb; en 668 (1269), ils s'empa
rèrent de Maroc, capitale de l'empire almohade, mils ils ne
purent amener les Ghomara à faire leur soumission. Ce peuple
se tint à l'écart pour éviter leur domination, et, toujours prêt à
courir aux armes, il encouragea les habitants de Ceuta par son
exemple et les décida à repousser les prétentions de la nouvelle
dynastie. Le gouvernement de cette viJIe passa alors entre les
mains d'une junte, et, quelque temps après, le légiste Abou-'l-
• Cacem-el-Azéfi , un des principaux cheikhs de la localité, s'em
para du commandement. Nous raconterons ailleurs les détails
de cette affaire.
Les tribus et les chefs ghomarides se laissèrent enfin entraîner
dans une guerre civile par leurs querelles intestiues. L'un des
partis fit alors sa soumission au sultan mérinide, et l'autre se
résigna, bon gré mal gré, à suivre cet exemple. Les Mérinides,
devenus maîtres chez ce peuple, lui donnèrent des gouverneurs
de leur choix, et ayant alors dirigé leurs efforts contre Ceuta,
ville située derrière le territoire des Ghomara, ils l'enlevèrent
à la famille Azefi eu l'an 729 (1328-9).
De nos jours, les Ghomara sont redevenus puissants et nom
breux; ils obéissent, cependant encore, au gouvernement méri
nide et lui paient l'impôt tant qu'il a les moyens de se faire
respecter; mais, dans les moments ôù il montre de la faiblesse
1 Î58 HISTOIRE DES BERBÈRES.
ou qu'il est occupé à comprimer des révoltes ailleurs, leur dé
vouement s'affaiblit, et il est obligé d'expédier des troupes de la
capitale pour les faire rentrer dans l'obéissance. Protégés par
des montagnes presqu'inabordables, ils ne craignent pas d'offrir
asile aux princes de la famille royale [qui cherchent à s'emparer
du trône] et à tous les révoltés qui demandent leur protection.
Une de leurs tribus, surtout, les Beni-Iguem, se distingue par
son esprit d'indépendance; occupant la montagne la plus es
carpée de cette région, elle méprise les efforts de tous ses enne
mis. Cette montagne est située à l'ouest de Ceuta ; elle s'élève
jusqu'aux nuages et ne peut être abordée que par certains défilés
où la violence des vents suffit pour arrêter le voyageur. Les
habitants obéissent à un chef pris dans une de leurs familles
appelée les Beni-Youçof-Ibn-Omar. Cette riche et puissante tribu
y a construit des grandes maisons et formé de belles plantations*.
Le sultan leur accorde une donation annuelle prise sur les pro
duits de la douane de Ceuta ; il leur a aussi concédé plusieurs
fermes et terres labourables dans la plaine de Tanger. De cette
manière, il croit s'être assuré leur amitié et s'être ménagé des
alliés avec lesquels il pourra comprimer l'esprit d'insubordina
tion qui se manifeste assez souvent dans le pays des Ghomara.
4 foy. l'Appendice u° n.
* Voy. p. 252 du premier volume de cet ouvrage.
474 HISTOIRE DES BERBÈRES.
principaux disciples se rassemblaient pour concerter tous leurs
projets ; et quand ils virent, enfin, leur autorité assurée et les
esprit3 complètement façonnés à la nouvelle doctrine, ils jetè
rent le masque et placèrent Abd-el-Moumen , l'exécuteur de
toutes leurs décisions, à la tête de la nation. Le cheikh Abou-
Hafs, qui avait eu la conduite de cette grave affaire, obtint alors
des Hintata et des autres tribus masmoudiennes leur consente
ment à une nomination qui, peu de temps auparavant, les aurait
vivement offensés. En annonçant au public la mort du Mehdi,
on déclara qu'il avait fait choix d'Abd-cî-Moumen pour lui suc
céder et que tous les compagnons y avaient donné leur appro
bation. Yahya-Ibn-Yaghmor prit alors la parole et déclara que
l'imam terminait toujours sa prière par ces mots : « Dieu tout-
» puissant! je t'implore, en grâce, de verser tes faveurs sur
» l'excellent disciple. » Ce témoignage ayant entraîné la convic
tion de toute l'assemblée, on décida que le serment de fidélité
serait prêté au nouveau chef dans la ville de Tînmelel.
Abd-el-Moumen prit le commandement des Almohades en
l'an 524 (1130), et entreprit aussitôt une série d'expéditions
lointaines. Deux années plus tard, il soumit le Derâ, après avoir
remporté de grands avantages dans la province de Tedla. En
suite,' il prit d'assaut la ville de Tachâbout*. Deux contingents
ghomariens, les Beni-Ounam * et les Beni-Mezerdâ, y furent
passés au fil de l'épée avec leur chef Abou-Bekr-ïbn-Mézeroual 3.
Alors, les Berbères accoururent en troupes de toutes les parties
du Maghreb, afin d'embrasser la cause des Almohades et se sous
traire à la domination des Lemtouna.
En l'an 533 (14 38-9), Tachefîn, fils du souverain almoravide,
Ali-Ibn-Youçof, reçut de son père l'ordre de marcher contre les
insurgés. Précédé d'une avant-garde formée des contingents
< Une partie de ce corps fut taillée en pièces et le reste reprit le che
min de Bougie.
T. II. 42
478 HISTOIRE DES BERBÈRES.
tous les siens, par un corps almohade faisant partie de l'armée
d'Abd-el-Moumen. Son cadavre fut mis en croix.
Un autre détachement que Tachefîn expédia vers le pays des
Beni -Ouémannou fut défait par un corps almohade sous les
ordres de Tachefîn-Ibn-Makhoukh. Les vainqueurs se mirent
ensuite à la poursuite des troupes sanhadjiennes qui opéraient
leur retraite sur Bougie , et leur firent éprouver des pertes
énormes.
Découragé par tant de revers, Tachefîn-Ibn-Ali se décida à
gagner Oran, et, en l'an 539 (1 444-5), il partit pour cette ville,
après avoir renvoyé à Maroc son fils et successeur désigné,
l'émir Ibrahîm. Ce jeune prince se mit en route avec une es
corte de troupes lemtouniennes et accompagné par Ahmed-Ibn-
Atïa, secrétaire d'état. Parvenu à Oran, Tachefîn y attendit,
pendant un mois, l'arrivée de son amiral, Mohammed-Ibn-Mei-
moun, qui lui amena, enfin, d'Almcria, une flotte de dix navires
et vint mouiller à peu de distance du camp.
Abd-el-Moumen s'éloigna alors de Tlemcen. Son avanl-garde,
composée de Beni - Ouémannou et commandée par le cheikh
Abou-Hafs-Omar-Ibn-Yahya, envahit les territoires des Beni-
Iloumi, des Beni-Abd-el-Ouad, des Beni-Ourcîfen et des Beni-
Toudjîn, et ne cessa de combattre ces peuples jusqu'à ce qu'ils
eurent embrassé la cause des Almohades. Abd-el-Moumen ac
cueillit avec bonté les chefs de ces tribus et surtout Séïd-en-Nas,
fils d'Amîr-en-Nas et cheikh des Beni-Iloumi. Rassemblant alors
tous les corps de son armée, il marcha sur Oran et réussit à
surprendre les Almoravides dans leur camp.
Tachefîn, voyant la déroute de ses troupes, s'enferma dans un
rabla (couvent fortifié ou redoute) qui se trouvait près de là, et
il y fut cerné par les Almohades qui allumèrent plusieurs feux à
l'entour de l'éditicc. Quand la nuit fut venue, il monta à cheval
et sortit du fort, mais, étant tombé dans un des précipices dont
la montagne est sillonnée, il y perdit la vie. Cet événement eut
lieu le 27 de Ramadan, 539 (mars 1145)*- Sa tête fut envoyée à
lci, il assigne une autre date à cet événement, ayant suivi l'autorité des
mêmes documents dont L'auteur du Cartas s'était servi. El-Merrakchi
fait mourir Tachefin en l'an 640.
480 HISTOIRE DES BERBÈRES.
duisit les Almohades pendant la nuit. Es-Sahraouï s'enfuit à
Tanger et passa en Espagne pour y trouver Ibn-Ghanîa.
Abd-el-Moumen assiégeait encore la ville de Mequinez, quand
on vint lui annoncer la prise de Fez. Il confia aussitôt à Yahya-
Ibn-Yaghmor le soin de réduire Mequinez, et étant allé établir
Ibrahîm-Ibn-Djamê dans Fez, il prit la route de Maroc.
Après la conquête de Tlemcen, Ibn-Djamê en était parti pour
rejoindre Abd-el-Moumen sous les murs de Fez, mais, en passant
par Guercîf, il fut dépouillé, lui et les siens, par El-Mokhaddeb-
Ibn-Asker, émir des Beni-Merîn. Abd-el-Moumen écrivit aussi
tôt à Youçof-Ibn-Ouanoudîn, gouverneur de Tlemcen, lui ordon
nant d'envoyer un corps de troupes contre ces bandits. Abd-el-
Hack-Ibn-Menaghfad, commandant de cette expédition et cheikh
des Beni-Abd-el-Ouad, châtia les Beni-Merîn et tua leur chef,
El-Mokhaddeb.
Pendant qu'Abd-el-Moumen se rendait de Fez à Maroc, il reçut
une députation des habitants de Ceuta qui était venue lui prêter
le serment de fidélité, et il leur donna pour gouverneur un
cheikh hintatien nommé Youçof-Ibn-Makhlouf. Parvenu jusqu'à
Salé, il y pénétra après une légère escarmouche, et alla se loger
dans la maison d'Ibn-el-Achera. En reprenant la route de Maroc,
il chargea Abou-Hafs de porter la guerre chez les Berghouata.
Ce chef accomplit sa mission avec une grande promptitude ,
leur infligea un châtiment sévère, et alla ensuite rejoindre son
maître. Ils arrivèrent ensemble aux environs de Maroc et y trou
vèrent une foule de Lamta qui étaient venus s'y réfugier. Les
Almohades tuèrent un grand nombre de ces nomades, et, après
leur avoir enlevé bagages, femmes et troupeaux, ils mirent le
siége devant la ville. Les Almoravides avaient alors pour émir
un fils d'Ali-Ibn-Youçof, nommé Ishac, auquel ils venaient de
confier le commandement, en apprenant la mort de son frère 1 et
INVASION DK L'iFRÎKÏA.
/
DYNASTIE ALMOHADE. — ABD-BL-MOl MEN. 189
daient la dévastation et tenaient la ville de Cairouan étroitement
bloquée ; sachant aussi crue Mouça-Ibn-Yahya-el-Mirdaci , le
rtahide, s'était rendu maître de Bedja, prit conseil d'Abou-
Hafs, d'Abou-Ibrahîm et d'autres grands cheiks almohades, et
forma la résolution d'envahir ce pays.
Sorti de Maroc vers la fin de l'an 546 (mars 11 52), sous pré
texte d'aller combattre les chrétiens, il se rendit à Ceuta, et,
quand il eut reconnu que les affaires de l'Espagne marchaient
à son gré, il fit courir le bruit qu'il allait s'en retourner à
Maroc. En quittant Ceuta, il prit la route de Bougie et, à la suite
d'une marche très-rapide, il réussit à surprendre et occuper la
ville d'Alger. De là, il emmena El-Hacen-Ibn-Ali, ex-seigneur
d'El-Mehdïa, qui était sorti au-devant de lui., et, ayant ensuite
mis en déroute une armée sanhadjite qui était venue le rencon
trer à Omm-el-Alou *, il pénétra, le lendemain, dans la ville de
Bougie. Yahya-Ibn-el-Azîz eut à peine le temps de s'embarquer
avec ses trésors dans deux navires qu'il tenait toujours prêts
en cas de revers, et [alla prendre terre à Bône d'où] * il se rendit
à Constantine, ville qu'il remit plus tard à Abd-el-Moumen.
Ayant ainsi mérité la clémence du vainqueur, il obtint l'autori
sation d'aller vivre à Maroc sous la protection et aux frais du
EVEKEBENTS DE L'ESPAGKB.
■
DYNASTIE ALMOHADE. YACOUB-EL-MANSOUR. 205
vernement deCordoue; le cîd Abou-Zeid-el-Hardani, celui de
Grenade, et, le cîd Abou-Abd-Allah, celui de Murcie.
En l'an 579 (1183-4), le khalife partit pour Salé et y ren
contra Abou - Mohammed - Ibn - Abi-Ishac-Ibn Djamê qui lui
amenait de l'Ifrîkïa les contingents fournis par les Arabes. S'é-
tant ensuite rendu à Fez, il se forma une avant-garde de troupes
hintatiennes, ttnmeleliennes et arabes ; puis, dans le mois de
Safer 580 (mai-juin 4 484), il traversa le Détroit et débarqua à
Gibraltar. De là, il se porta à Séville et, ayant réuni sous ses
drapeaux les contingents espagnols, il relégua dans le château de
Ghafec 1 Mohammed-Ibn-Ouanoudîn qui lui avait donné sujet de
mécontentement, et marcha ensuite contre Santarem. Pendant
plusieurs jours, il fit le siége de cette place , puis il y renonça,
et, le matin même du jour où il devait décamper, il trouva que
ses troupes étaient déjà parties et qu'on l'avait laissé sans
moyens de défense. Les chrétiens firent alors une sortie contre
lui et ses compagnons ; un combat acharné eut lieu dans lequel
le monarque almohade déploya la plus grande bravoure. Ils
effectuèrent alors leur retraite et le khalife mourut le même jour.
L'on dit qu'il fut atteint d'une flèche au plus fort de la mêlée ;
mais d'autres assurent qu'il fut emporté par une subite indis
position *.
REVOLTE D'IBK-GHAkU*.
CONQUÊTE DE MAÏORQUB.
RÉVOLTE D'iBN-FERÈS.
* Selon l'auteur du Cartas, El-Mostancer fut tué par uoe vache qui
lui donna un coup de corne. H plaisait à élever des bœufs de race
espagnole et des chevaux qu'il faisait paître daos une vaste prairie aux
environs de Maroc. Ce fut eu parcourant ce lieu que lui arriva l'acci
dent dont il mourut.
Au commencement de son règne, il laissa gouverner l'état par ses
parents et par les grands chefs almohades ; mais, ensuite, il les rem
plaça par des gens qui ne jouissaient d'aucune considération, et s'aban
donna entièrement aux plaisirs. Dès lors, chaque gouverneur de ville
et de province agissait à sa fantaisie, sans avoir égard aux ordres du
ministre, preuve évidente que la dynastie almobade entrait dans son
déclin.
230 HISTO1RË DES BERBÈRES.
de ce projet, le prisonnier était déjà élargi. Le sultan El-Mos-
tancer, avant de mourir, avait résolu de faire déporter Ibn-
Youwoddjan en Maïorque, et Ibn-Djamê venait d'envoyer son
frère, Abou-Ishac, avec la flotte pour exécuter cette commission
quand il eut connaissance de la fausse démarche d'Abd-el-
Ouahed.
Abou-Mohammed-Abd-Allah, fils d'El-Mansour et gouverneur
de Murcie, commença alors à prêter l'oreille aux suggestions
d'Ibn-Youwoddjan qui le poussait à s'emparer du trône, en lui
représentant que rien ne lui serait plus facile. Il lui disait aussi
qu'il l'avait entendu désigner par El-Mansour comme devant
succéder au khalifat après En-Nacer ; que le peuple était mal
disposé pour Ibn-Djamê et que les gouverneurs des provinces
espagnoles étaient tous fils d'El-Mansour [et peu satisfaits, par
conséquent, du nouvel ordre des choses] . Comme ce prince avait
hésité, jusqu'alors, de reconnaître la souveraineté de son oncle,
il écouta volontiers les conseils d'Ibn-Youwoddjan et se fit pro
clamer khalife sous le titre d'El-Adel (le juste). Déjà ses frères,
Abou-'l-Ola, gouverneur de Cordoue, Abou-'l-Hacen, gouver
neur de Grenade, et Abou-Mouça, gouverneur de Malaga, lui
avaient prêté, en secret, le serment de fidélité. Un autre per
sonnage éminent, qu'il rallia à son parti, fut le gouverneur de
Jaen, Abou-Mohammed-el-Baïaci (natif de Baéça), fils d'Abou-
Abd -Allah -Mohammed, petit-fils d'Abou-Hafs* et arrière-
petit-fils d'Abd-el-Moumen. El-Baïaci s'était décidé à cette
démarche, en apprenant que son oncle , Abou-'r-Rebiâ-Ibn-
Abi-Hafs, avait été nommé au gouvernement de Jaen par Abd-
el-Ouahed-el-Makhlouê. Après avoir effectué sa jonction avec
Abou-'l-Ola, gouverneur de Cordoue, Abou-Mohammed-el-Baïaci
marcha sur Séville où il gagna encore l'appui- d'Abd-el-Azîz,
frère d'El-Mansour et d'El-Makhlouê. Quant au cîd Abou-Zeid,
fils d'Abou-Abd-Allah et frère' d'El-Baïaci, il refusa de coopérer
- -- - — -*
1 Petit-fils de Youçof, selon le Cartas.
* Dans le lexte arabe, l'auteur a écrit, par erreur, alchi à la place
d'akhou.
DYNASTIE ALMOHADE. EL-ADEL. 231
à la révolte et garda sa fidélité envers le souverain de Maroc. EI-
Adel partit alors de Murcie et fit, avec Ibn-Youwoddjan, son
entrée à Séville.
Aussitôt que cette nouvelle fut connue à Maroc, les Almohades
répudièrent l'autorité d'Abd-el- Ouahed et reléguèrent Ibn-
Djamé dans le pays des Heskoura. Abou-Zékérïa-Yahya, fils
d'Abou-Yahya-es-Chehîd, prit alors le commandement du pays
des Hintata, et Youçof-Ibn-Ali s'empara de l'autorité à Tînmelel.
Abd-el-Ouahed-el-Makhlouê avait transmis à Abou-Ishac-Ibn-
Djamê [frère du vizir] l'ordre d'occuper le Détroit avec la flotte,
afin d'empêcher les révoltés de passer en Afrique. Il avait même
fait prévenir secrètement [ le vizir ] Ibn-Djamê d'agir en sa
faveur aussitôt qu'il serait arrivé chez les Heskoura ; mais il fut
lui-même mis à mort dans un endroit caché, avant que ses plans
eussent reçu leur exécution. Il mourut dans le mois de Rebiâ 621
(mars-avril-mai 1224)*. Les Almohades envoyèrent alors à
El-Adel l'assurance de leur dévouement.
* Variante : Amr.
* Dans un autre chapitre, qui se trouvera ci-après, l'auteur parte
plus longuement d'fbn-el-Djedd. Dans la note 3, p. SOI do ce volume,
nous avons dit quelques mots de la famille Haddjadj.
DYNASTIE ALMOBADE. E9-SAÎD. 243
Ibn-Youçof-Ibn-Nasr-Ibn-el-Ahmer, qui s'était soulevé en Es
pagne contre Ibn-Houd.
L'année suivante, de graves désordres affligèrent le Maghreb
dont les campagnes avaient été envahies par la tribu des Merîn.
Les Rîah, commandés par leur cheikh, Othman-Ibn-Nasr, es
suyèrent une défaite sanglante en voulant les repousser de 1»
province d'Azghar. Abou-Mohammed-Ibn-Ouanoudîn, qui avait
été rappelé de Sidjilmessa, en 635, pour recevoir d'Er-Rechîd
le commandement général de Fez, de Sidjilmessa, de Ghomara
et des territoires qui en dépendent, marcha contre les Mérinides
et se fit battre par eux. Le même malheur lui arriva dans une
seconde et une troisième expédition, mais, néanmoins, il conti
nua à leur faire la guerre encore deux ans avant do rentrer
dans la capitale.
Les Mérinides persistèrent, toutefois, à harasser le Maghreb
et, pendant ces hostilités, les Beni-Hammama, une de leurs fa
milles, obligèrent les Miknaça à leur payer tribut. Les Beni-
Asker, [autre tribu merinide,] en éprouvèrent une telle jalousie
qu'ils ne cessèrent de porter le ravage dans le territoire des
Miknaça [à Tèza].
En 639 (1241-2), Er-Rechîd fit mourir son secrétaire [Abou-
Abd-Allah]-Ibn-el-Moumenani , après avoir découvert que ce
fonctionnaire entretenait une correspondance secrète avec le cîd
Omar-Ibn-Abd-el-Azîz, neveu du feu sultan El-Mansour. Une
lettre écrite par El-Moumenani et adressée au cîd, avait été dé
posée au palais par une méprise du messager était tombée entre
les mains du sultan.
En 640 [9 du second Djomada] (4 décembre 1 242), Er-Rechîd*
fut trouvé noyé, dit-on, dans une des citernes du palais. Selon
un autre récit, il en fut retiré vivant, mais une fièvre le saisit à
l'instant et l'emporta.
RÈGNE D'BS-SAÎD, FILS d'EI-MAMOUN.
Après la mort d'Er-Rechîd, son frère, Abou-'l-Hacen-[Ali-]Es-
Saîd, fut proclamé souverain sur la proposition d'Abou-Moham-
med-Ibn-Ouanoudîn. Le nouveau khalife prit le titre d'El-Mo
244 HISTOIRE DES BERBÈRES.
taded-btllah (soutenu par la faveur de Dieu) et choisit pour
vizirs les cîds Abou-Ishac, fils du cîd Abou-Ibrahîm, et Yahya-
Ibn-Attouch. Il emprisonna alors plusieurs cheikhs almohades
dont il confisqua, en même temps, les biens, et, voulant s'assurer
l'appui des Djochem, il attacha à son service les chefs de cette
population arabe et confia même la présidence du conseil à
Kanoun-Ibn-Djermoun.
A peine eut-il reçu du peuple le serment de fidélité, qu'il apprit
la révolte d'Abou-Ali-Ibn-Khalas le valencien, gouverneur de
Ceuta, et la défection des habitants de Séville qui avaient re
connu pour souverain l'émir hafside, Abou-Zékérïa, seigneur de
l'Ifrîkïa. Bientôt après, le chef hezerdjien, Abd-Allah-Ibn-Zéké-
rïa, se révolta à Sidjilmessa et y fit proclamer la souveraineté de
ce même émir ; heureux de pouvoir ainsi se soustraire à la ven
geance d'Es-Saîd qui ne voulut jamais lui pardonner certains
propos qu'il avait tenus le jour de l'avènement d'Er-Rechîd.
Plus tard, mais dans la même année, Es-Saîd reçut un présent
que lui envoya Yaghmoracen, seigneur de Tlemcen. Cette cir
constance porta l'émir hafside, Abou-Zékérïa, à marcher sur
Tlemcen et à s'en rendre maître ; mais il y rétablit Yaghmoracen
bientôt après, ainsi que nous le raconterons dans l'histoire des
Beni-Abd-el-Ouad.
En l'an 642 (1244-5), Es-Saîd sortit de Maroc afin de rétablir
l'ordre dans les provinces du Maghreb, et, après avoir dressé
son camp sur le bord du Tencîft, il fit arrêter Saîd-Ibn-Zékérïa-
el-Guedmîoui contre lequel on l'avait indisposé. Abou-Zeid, frère
de Saîd, s'enfuit aussitôt à Sidjilmessa, emmenant avec lui
Abou-Saîd-el-Aoud-cr-Reteb. Le khalife confisqua les biens que
les fugitifs avaient laissés à Maroc et marcha ensuite contre Sid
jilmessa où il trouva que le gouverneur, Abd-Allah le hezerdjien,
s'était mis en état de défense. Abou-Zeid-Ibn-Zékérïa-el-Gued-
mîoui [profita de cette occasion pour rentrer en grâce], il poussa
les habitants à se soulever contre le hezerdjien, se rendit maître
de la ville et la remit au khalife. Abd-Allah-el-Hezerdji subit la
peine de mort, mais El-Aoud-er-Reteb trouva moyen de s'enfuir
à Tunis.
DYNASTIE ALMOHADB. ES-SAÎD. 245
Rentré en Maghreb, Es-Saîd ordonna la mort de Saîd-Ibn-
Zékérïa, et, après avoir pris position à El-Macarmeda, ville des
environs de Fez, il conclut une trêve «vec les Beni-Merîn. Arrivé
à Maroc, il fit arrêter Abou-Mohammed-Ibn-Ouanoudîn et l'en
voya prisonnier à Azemmor, ainsi que Yahya-Ibn-Mezahem et
Yahya-Ibn- Attouch. Le soin de garder ces détenus fut confié à
Ibn-Makcen. Peu de temps après, Ibn-Ouanoudîn effectua son
évasion par un stratagème, et, s'étant rendu, de nuit, chez
Kanoun-Ibn-Djermoun, il obtint de ce chef une monture et une
escorte d'Arabes sofyanides, afin d'aller rejoindre son peuple,
les Hintata. Es-Saîd lui écrivit alors une lettre d'excuses, et,
étant parvenu à le rassurer, il lui donna l'autorisation de fixer
son séjour dans Tafîout, château situé sur la montagne des
Hintata, et d'y amener sa famille.
Kanoun-Ibn-Djermoun s'étant alors mis en révolte, Es-Saîd
marcha contre lui, après s'être assuré l'appui des Beni-Djaber et
des Kholt. En quittant Maroc, il prit pour vizir le cîd Abou-
Ishac, fils du cîd Abou-Ibrahîm-lshac et neveu d'El-Mansour, et
il y laissa comme son lieutenant Abou-Zeid, frère du cîd Abou-
Ishac ; au troisième frère, Abou-Hafs-Omar, il donna le gouver
nement de Salé. Abou-Yahya-Ibn-Abd-el-Hack [le mérinide]
ayant appris que le sultan venait de se mettre en campagne [l'an
643] *, rassembla les Beni-Rached, les Beni-Oura et les Sofyan,
afin de lui livrer bataille; les deux armées étaient sur le point
de se trouver en présence, lorsque Kanoun-Ibn-Djermoun profita
de l'embarras des Almohades pour surprendre Azemmor. Le
sultan marcha aussitôt contre lui et le poursuivit si vivement
qu'il réussit à lui tuer un grand nombre de Sofyanides. Il s'em
para aussi de toutes les richesses du chef rebelle et de ses trou
peaux. Kanoun se réfugia, avec les débris de sa tribu, au milieu
des Beni-Merîn, et Es-Saîd rentra dans sa capitale.
En l'an 643 (1245-6), la populace de Mequinez assassina le
gouverneur que Saîd y avait installé, et les cheikhs de la ville,
1 Ici, l'auteur a laissé la date en blanc, bien qu'il l'ait déjà indiquée.
Voy. t. i, p. 62.
246 D1STO1RE DES BEMEMS.
craignant la vengeance du khalife, y proclamèrent la souverai
neté d'Abou-Zékérïa le hafside, émir de l'Ifrîkïa. Ils lui en
voyèrent, en même temps, un acte d'hommage et de fidélité
qu'ils firent dresser par Abou-'l-Motarref-Ibn-Omeira. En prenant
cette résolution, ils avaient suivi les conseils d'Abou-Yahya-
Ibn-Abd-el-Hack, l'émir mérinide, dont ils s'étaient assurés la
protection par le don d'une somme d'argent ; mais ils ne tardè
rent pas cependant de changer d'avis, et une députation, com
posée des personnages les plus distingués chez eux par leur
piété, se rendit aeprès d'Es-Saîd et lui fit agréer les excuses do
leurs concitoyens.
En cette même année, les habitants de Séville et de Ceuta
firent prévenir Abou-Zékérïa le hafside qu'ils venaient do le
reconnaître pour souverain. Un navire équipé par Ibn-Khalas,
qui voulut envoyer de riches présents à cet émir et dans lequel il
avait fait monter son fils, sombra en sortant du port [de Ceuta].
Le 27 Ramadan 646 (43 janvier 1249) *, le roi chrétien s'em
para de Séville.
Es-Saîd ayant appris que Séville et Ceuta s'étaient déclarés
pour Abou-Zékérïa et que cet émir avait conquis là ville de
Tlemeen, informé aussi que Yaghmoracen venait d'embrasser le
parti des Hafsides, ainsi que les habitants de Mequinez et de
Sidjilmessa , résolut do marcher sur Tlemeen et d'envahir
l'Ifrîkïa. Parti de Maroc dans le mois de Dou-'l-Hiddja 645
(avril 1248), il fit la rencontre de Kanoun-Ibn-Djermoun qui
venait se mettre de nouveau à ses ordres, et, avec le concours
de ce chef, il rallia sous ses drapeaux les Sofyan et les autres
tribus djochemites. Arrivé à Tèza, il reçut une députation méri
nide qui lui présenta la soumission de l'émir Abou-Yahya-Ibn-
Abd-el-Hack. Il reprit alors sa marche vers Tlemeen avec un
renfort mérinide. Dans le mois do Safer 646 (mai-juin 4248), il
arriva à Temzezdekt où il fut tué par les Abd-cl-Ouadites, ainsi
qae nous le raconterons dans l'histoire de ce peuple. L'on dit
que cette catastrophe fut amenée par la trahison des Kholt qui
1 L'auteur ajoute ici son frère (akhxhi) ; il aurait du écrire son neveu
(ibn akhihi).
* Peut-être Don Lopez.
3 Le sultan n'osait pas indisposer ses troupes chrétiennes en punis-
saut leur chef par la voie régulière : il lo Gt donc assassiner.
252 HISTOIRE DBS BERUERKS.
En l'an 662 (1263-4), Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack parut devant
Maroc à la tète de ses Mérinides. Pendant plusieurs jours, les
Almohades leur livrèrent une suite de combats sous les murs de
la ville, et, dans une de ces rencontres, Abd-Allah-Atadjoub1,
fils de Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack, perdit la vie. El-Morteda en
voya à son père des compliments de condoléance et le disposa à
faire la paix par la promesse d'un tribut qui lui serait envoyé
tous les ans. Yacoub accepta l'offre et leva le siége.
chaient leur solde tous les mois ; leurs chefs jouissaient, en outre, de
concessions ou fiefs. Sous le règne de Tacoub-el-Hansour, leur chef
possédait en Espagne plusieurs villages comme fiefs et en tirait un
revenu de neuf mille pièces d'or (dinar).— A la page 835 de ce volume,
notre auteur a déjà parlé du corps des chrétiens. Les Almoravides
étaient un reste des troupes qu'Abd-el-Moumeo avaient vaincues. Vers
l'an 620 (4223), les troupes almohades formaient deux classes : I* les
Djomoud (bandes); ceux-ci touchaient une solde régulière et tenaient
garnison à Maroc; 2* les Omown (communautés); ceux-ci restaient dans
leurs foyers et ne venaient à la capitale que par suite d'une convoca
tion. A la même époque, les troupes des diverses armes en garnison à
Maroc formaient un corps de dix mille hommes. — Dans te Khotba, ou
prône du vendredi, et sur les monnaies, les souverains almohades fu
rent désignés par le titre d''El-Kholefâ-er-Racheàin (les khalifes qui
marchent ions la voie droite).
260 HISTOIRE DES BERBÈRES.
de la guerre. Parents du fondateur de la secte, ils le servirent
avec tout le dévouement que pouvait leur inspirer le sentiment
de famille. Il n'en reste maintenant qu'une misérable population
sans ressources, sans consistance et sans autorité, population
dont le commandement est exercé par des chefs appartenant à
d'autres branches de la grande famille masmoudienne.
■
2G2 HISTOIRE DES BERBÈHES.
mouda virent disparaître de chez eux les derniers restes du
pouvoir souverain et se soumirent au gouvernement des Beni-
Merîn. Cette dynastie leur donna alternativement pour chefs des
membres de leurs grandes familles. Le sultan [que nous venons
de nommer] fut ù peine monté sur le trône qu'il choisit Mouça,
fils d'Ali-Ibn-Mohammed, pour remplir, chez les Hintata, les
fonctions de gouverneur et de collecteur de l'impôt, et, en lui
expédiant les titres de cet olfice, il lui assigna pour résidence la
ville de Maroc. Mouça remplit avec une grande habileté les de
voirs de sa place et s'y établit de manière à pouvoir la trans
mettre en héritage à ses enfants. Par cette conduite habile, il
procura à ses descendants une position dans l'empire qui leur
permit de passer au rang de gouverneur de province et de
vizir.
Après la mort de Mouça, son frère Mohammed reçut du sultan
le commandement des Hintata et continua, toute sa vie, à jouir
des avantages concédés à son prédécesseur. Il mourut, laissant
plusieurs enfants que le sultan attacha à son service et dont l'Un,
nommé Amer-Ibn-Mohammed, obtint du même prince le gouver
nement de la tribu. Quand le sultan Abou-'l-Hacen partit pour
envahir l'Ifrîkïa, il emmena dans sa suite tous les grands offi
ciers du royaume et, avec eux, Amer et les autres émirs mas-
moudiens. En 749 (4348), après le désastre de Cairouan, le sul
tan lui donna le commandement des gardes de police à Tunis,
grade qui, d'après l'organisation de l'empire almohade, compor
tait avancement et augmentation de traitement. Jouissant, dans
cette position, de toute la confiance du monarque, il en remplit
les devoirs avec tant de zèle et d'intelligence que son maître
n'eut plus à s'occuper des affaires de cette capitale. Abou-'l-
Hacen, s'étant embarqué à Tunis avec sa famille, confia aux
soins d'Amer la plus grande partie de son harem. Le même coup
de vent qui fit échouer son navire, poussa celui d'Amer au port
d'Almeria, ville forte de la péninsule espagnole. Le chef hintatien
y débarqua avec ces femmes, et, lorqu'Abou-Einan, qui venait
d'usurper l'autorité suprême en Maghreb au détriment de son
père, le sultan Abou-'l-Hacen, les fit réclamer, il se montra
TRIBUS ALBOHADBS MASBOUD1EKNKS. 263
digne de la confiance que son souverain lui avait témoignée et
refusa de les livrer. En 750, Abou-'l-Hacen, étant échappé du
naufrage, arriva dans Alger d'où il marcha contre les Beni-Abd-
el-Ouad. Ses troupes furent mises en déroute, et il prit alors le
chemin du Désert pour se rendre en Maghreb. Arrivé à Sidjil-
messa, il apprit qu'Abou-Einan marchait contre lui, et, voulant
éviter sa rencontre, il partit pour Maroc. Après avoir rallié à sa
cause les Masmouda et les Arabes Djochem, il livra bataille à son
fils, Abou-Einan, auprès de l'Omm-Rebiâ. Trahi encore parla
fortune, il passa dans la montagne des Hintata et trouva asile
au milieu de la tribu d'Abd-el-Azîz-Ibn-Mohammed, chef qui la
gouvernait en l'absence de [son frère] Amer et qui, après avoir
suivi le sultan dans cette dernière expédition l'avait accompagné
dans sa fuite. Les Hintata et leur chef prirent la résolution de
défendre Abou-'l-Hacen jusqu'à la dernière extrémité et se re
tranchèrent dans leur montagne pendant qu'Abou-Einan mar
chait sur Maroc à la téte des Mérinides. Abou-Einan resta quel
ques mois dans son camp, sous les murs de cette ville, pendant
que les contingents fournis à son armée bloquaient la montagne,
et, au bout de ce temps, Abou-'l-Hacen mourut, ainsi que nous
le raconterons ailleurs. Les partisans de ce malheureux sultan
placèrent son corps stir un brancard et le portèrent à Abou-
Einan auquel ils se rendirent à discrétion. Loin de les punir, ce
prince les combla d'honneurs, témoignant ainsi la haute satisfac
tion que lui avait causé leur devouement envers son père; il
accorda même à Abd-el-Azîz le commandement des Hintata.
Amer, le frère aîné d'Abd-el-Azîz, quitta alors la ville d'Al-
méria sur l'invitation d'Abou-Einan et se rendit auprès de lui
avec les femmes que le feu sultan lui avait confiées. L'accueil le
plus bienveillant et le plus honorable l'attendit à la cour; comblé
de marques d'égards par le souverain mérinide, il obtint de
nouveau le commandement de sa tribu, et, comme son frère s'é-
tait démis en sa faveur, il le choisit pour lieutenant.
En l'an 754 (1353), le.sultan nomma Amer au commandement
de toutes les tribus masmoudiennes et le chargea de percevoir
les impôts que ces peuplades devaient fournir au gouvernement.
264 HISTOIRE DES BERBÈRES.
Amer s'acquitta avec une grande habileté des devoirs que lut
imposait cet emploi et mérita les remercîments du sultan par le
soin et le talent avec lesquels il dirigea, à lui seul, l'administra
tion financière des provinces marocaines.
A la mort d'Abou-Einan et à l'avènement de son fils Es-Sald,
le vizir El-Bacen-Ibn-Omar-el-Foudoudi accapara toute l'auto
rité. Amer, dont la haute position avait excité la jalousie de ce
ministre et qui en craignait le caractère violent, quitta Maroc
avec El-Motamed, autre fils d'Abou-Einan, et se réfugia dans la
montagne des Hintata. Ce fut très-peu de temps avant la mort
d'Abou-Einan qu'El-Motamed, encore dans l'adolescence, reçut
de lui l'autorisation de gouverner Maroc sous le contrôle et la
surveillance d'Amer le hintatien.
En l'an 760 (1389), lorsque le sultan Abou-Salem, oncle d'El-
Motamed, monta sur le trône du Maghreb, Amer se rendit auprès
de lui, à la téte d'une députation, et lui présenta Mohammed-el-
Motamed. Accueilli avec une bienveillance extrême et comblé de
remercîments à cause de sa fidélité, il passa quelque temps à la
cour et obtint sa confirmation dans le commandement des Hin
tata. Appelé ensuite à faire partie de l'expédition contre Tlem-
cen, il amena au sultan un corps de troupes et se fixa à la cour.
Peu de temps avant la mort d'Abou-Salem, il reçut l'ordre de
s'en retourner à son poste. Quand Omar-Ibn-Abd-Allah-Ibn-Ali
s'empara de l'administration du Maghreb, Amer embrassa le
parti de ce vizir qui lui avait toujours témoigné beaucoup d'a
mitié. Voulant alors reconnaître les prévenances dont ce ministre
l'avait toujours comblé pendant son séjour auprès du sultan, il
se chargea de maintenir l'ordre dans les provinces marocaines et
d'empêcher toutes les tentatives que l'on pourrait essayer de ce
côté contre la sûreté de l'empire. Son dévouement au vizir lui
mérita le commandement de ces provinces et de toutes les con
trées voisines jusqu'à l'Omm-Rebiâ, de sorte que le territoire de
l'empire se trouva partagé entre ces deux chefs. Quelque temps
après cet arrangement, Abd-el-Moumen, fils d'Abou-Ali, sultan
[de Sidjilmessa], et Abou-'l-Fadl, fils du sultan Abou-Salem,
passèrent chez Amer-Ibn-Mohammed. Le premier de ces princes
TRIBUS ALMOBADES MASMOUD1ENNES. 2615
y trouva. une prison, mais Abou-'l-Fadl obtint du chef hintatien
le gouvernement de Maroc, ainsi que nous aurons à le raconter
plus tard. Une mésintelligence étant alors survenue entre Amer et
le vizir, celui-ci rassembla les Mérinides et les autres troupes,
afin de combattre son adversaire; mais, à peine eut-il quitté la
ville de Fez, qu'Amer se jeta dans la montagne des Hintata, son
lieu de retraite ordinaire, et y emmena les deux princes. Il mit
alors Abd-el-Moumen en liberté et s'en fit un drapeau dans l'es
poir d'attirer les Mérinides de son côté, car il croyait qu'ils
étaient mécontents de voir leurs souverains exclus des affaires
par des vizirs et qu'ils verraient avec plaisir ce prince monter
sur le trône. Son espoir fut trompé : les Mérinides se tinrent à
l'écart, sachant qu'Abd-el-Moumen n'étaH qu'un instrument
entre ses mains. La paix se fit enfin, et chacun des deux chefs
conserva une moitié de l'empire comme auparavant. Omar
rentra dans son gouvernement et Amer reprit le commande
ment qu'il avait exercé à Maroc et dans les provinces qui en dé
pendent.
Quand Abd-el-Azîz, fils du sultan Abou-'l-Hacen, ôta la vie à .
[son vizir] Omar-Ibn-Abd-Allah, [son neveu] Abou-'l-Fadl, fils
du sultan Abou-Salem, conçut la pensée de faire subir le même
sort à son vizir Amer-Ibn-Mohammed. Celui-ci, averti du danger,
partit avec ses femmes et atteignit sa maison dans la montagne
des Hintata. Abou-'l-Fadl fit alors mourir son parent, Abd-el-
Moumen, que l'on retenait prisonnier à Maroc. Amer fut telle
ment indigné de ce forfait qu'il envoya une ambassade au sultan
Abd-el-Azîz. Cette mission eut pour résultat que ce monarque
partit de Fez, l'an 769 (1367-8), à la tôle de ses troupes, qu'il
poursuivit Abou-'l-Fadl jusqu'à Tedla, le fit prisonnier et lui ôta
la vie. Nous parlerons ailleurs de ces événements. Amer fut alors
invité à se présenter à la cour ; mais, craignant les intentions du
sultan, il resta dans sa montagne. Abd-el-Azîz, étant rentré à
Fez, forma la résolution de faire attaquer ce chef et nomma
Ali-Ibn-Addjana, un ancien serviteur de sa famille, au gouver
nement de Maroc, lui ordonnant de le bloquer dans la montagne.
Amer et ses Hintata repoussèrent le général d'Abd-el-Azîz à la
266 HISTOIRE DBS BERBERES.
suite d'un combat dans lequel il fit prisonnier plusieurs Mérinides
et quelques clients du sultan. Cette défaite piqua le monarque au
vif et le décida à marcher en personne contre ce chef réfractaire.
Soutenu par les Mérinides et les contingents maghrebins, il tint
son adversaire cerné pendant uno année entière et, en 771
(1370), il parvint à disperser les bandes hintatiennes et à en
vahir la montagne. Amer fut conduit prisonnier devant Io sultan
qui le fit mettre aux fers et amener à la capitale. La même
année, au commencement du mois de Choual, Abd-el-Azîz célé
bra la fête de la rupture du jeûne, et, après avoir fait venir Amer
en sa présence, il lui reprocha sa conduite et donna l'ordre de le
traîner à la place des exécutions. Amer. y fut déchiré à coups de
fouet jusqu'à ce qu'il rendit le dernier soupir. Que Dieu lui fasse
miséricorde I
Le sultan donna alors le commandement des Hintata, à Farès
(fils d'Abd-el-Azîz et neveu d'Amer,) qui avait passé aux Méri
nides un peu avant la mort de son oncle. Abou-Yahya, fils
d'Amer, avait suivi le conseil de son père et fait sa soumission
avant la prise de la montagne; aussi, obtint-il du vainqueur
grâce entière et la permission d'entrer au service de l'empire.
Farès mourut quelque temps après.
La mort du sultan Abd-el-Azîz, événement qui eut lieu en
774 (1372), ralluma la guerre civile en Maghreb, et la province
de Maroc passa sous la domination du sultan Abd-er-Rahman,
fils d'Abou-Ifelloucen-Ali et petit-fils du sultan Abou-Ali. A
cette époque, Abou-Yahya, fils d'Amer, embrassa le parti de ce
prince et obtint de lui le commandement des Hintata. Averti,
quelque temps après, qu'on le soupçonnait d'avoir détourné, du
vivant même de son père, plusieurs sommes provenant des im
pôts et que le sultan se disposait à lui faire rendre gorge, il se
réfugia au milieu des tribus masmoudiennes de la province de
Sous et y passa le reste de ses jours. Il mourut entre les années
780 (1378-9) et 790.
* Comme les Masmouda avaient des mosquées chez eux, il faut sup
poser que cetle aversion ne s'étendait qu'aux mosquées où la prière se
faisait selon l'ancienne manière et sans les modifications que leur imam,
Ibn-Toumert, y avait introduites.
TRIBUS ALMOIUDES MASMOUDIENNES. 273
Allah se rendit auprès d'Amer-Ibn-Mohammed-el-Hintati, graDd
chef des tribus masmoudites et commandant de ces peuplades au
nom du sultan. A sa demande de secours il reçut une réponse
favorable, mais il dut attendre un an et demi avant qu'Amer pût
se rendre à la cour et obtenir l'autorisation de lui fournir un
corps de troupes. Enfin, le chef hintatien rassembla une armée,
et, après avoir adressé à ses administrés l'ordre de donner à
Abd-Allah un appui franc et efficace, il fit partir son protégé
pour El-Cahera. Abd-Allah s'établit dans cette forteresse et serra
étroitement son fils; puis, ayant été averti par un ami qu'une
des gorges de [la montagne était mal gardée, il y pénétra à l'im-
proviste, et, le lendemain matin, il tomba sur Izem et ses parti
sans. Ce fils rebelle prit la fuite et fut tué à Telacef, dans la même
montagne. Abd-Allah recouvra ainsi le commandement, et s'v
maintint jusqu'à l'époque où le vizir Omar-Ibu-Abd-Allah prit
sous sa tutelle le sultan du Maghreb et qu'Amer devint gouverneur
de toutes les provinces marocaines. Alors Yahya, fils de Soleiman-
Ibn-Haddou,chef qu'Abd-Allah avait fait mourir dans la première
période de son administration, trouva moyen de venger la mort
de son père en luant dans unguet-apens celui qui l'avait ordon
née. Faisons observer ici que Soleiman-Ibn-Haddou était oncle
d'Abd-Allah. Après avoir pris le commandement des Sekcîoua,
Yahya le garda jusqu'à l'an 775 (1373-4), époque à laquelle il
tomba sous les coups d'Abou-Bekr, Cls d'Omar-Ibn-Haddou, qui
voulut ainsi venger la mort de son frère Abd-Allah. Devenu
commandant des Sekcîoua et des peuplades qui dépendaient
de cette tribu, Abou-Bekr exerçait le pouvoir depuis quelques
mois*, quand un de ses parents lui déclara la guerre. Je n'ai pu
apprendre ni la filiation ni les antécédents de cet individu, puis
que sa révolte eut lieu l'an 776, pendant le second voyage que
je fis hors du Maghreb s ; tout ce que j'ai pu savoir revient à ceci
1 Le texte arabe porte àouam (années) ; mais les limites filées pur la
date qui précède ce passage et par celle qui le suit, rendent cette leçon
inadmissible. Il faut lire eschor (moi»), ou bien aïam (jours).
* Il s'était rendu en Espagne pour la seconde fois. — Voy. l'Intro
duction du tome i, p. l.
t. il. 48
ru B1STOIBB DES BERBERES.
qu'il s'appelait Abd-er-Rahman. Une personne digne de con
fiance m'a appris, depuis, qu'Abd-er-Rahman, ayant fait pri
sonnier Abou-Bekr-Ibn-Omar , lui ôla la vie et s'empara du
commandement de la montagne, poste qu'il remplit encore au
jourd'hui, à ce que l'on m'a dit. Nous sommes maintenant dans
l'année 779 (1377-8). — J'ai appris, en l'an 788 (1386), que
cet Abd-er-Rahman portait le surnom d'Al>ou-Zeid, et qu'il était
fils de Makhlouf et petit-fils d'Omar-Aguellîd *. Il fut tué par
Yahya, fils d'Abd-Allah-Ibn-Omar et frère d'Izom. Le meur
trier prit aussitôt le commandement de la montagne et le garde
encore.
Quant aux Hîlana, aux Ha!;a, aux Dokkala et aux peuples
masmoudiens qui habitent, soit les montagnes, soit les plaines de
cette contrée, et qui ne font pas partie des sept tribus dont nous
venons de parler, ils forment h eux seuls une population immense.
Les Dokkala occupent le territoire qui s'étend vers le couchant,
depuis le pied septentrional de la montagne qui avoisine Maroc
jusqu'à l'Océan. C'est là ou se trouve le ribat d'Asfi, poste for
tifié qui porte aussi le nom des Beni-Maguer, famille dokkalienne.
L'origine des Dokkala est encore un problème à résoudre : les
uns les regardent comme masmoudiens et les autres comme
sanhadjiens.
Immédiatement au [sud-]ouest de leur territoire, on rencontre
une plaine qui se déploie obliquement entre la mer et l'Atlas et
qui se prolonge jusqu'à la province de Sous. Cette région est
occupée par les Haha, peuple dont la majeure partie fait son
séjour au milieu de forêts d'argan et qui y trouve un abri et
an asile. Ils expriment des fruits de cet arbre une huile qui leur
sert d'assaisonnement et qui est fort recherchée ; elle a bonne
* On trouvera cette pièce plus loin, dans le chapitre qui a pour sujet
la mort de l'émir Abou-Yahya-Zékérïa.
ABOl-ZÊKBRÏA LE H APSIDE. 303
qui s'étendent derrière cette montagne * et qui vont aboutir à
Obba, à Mermadjenna, à Sebîba et à Toborsoc.
Quand les Almohades eurent renversé le royaume des San-
hadja et que les Arabes nomades, tant bilaliens que soleimides,
eurent conquis les campagnes de l'Ifrîkïa et subjugué, par leur
supériorité en nombre, les habitants de ces contrées, les peu
plades hoouarides dont nous venons de parler, adoptèrent les
usages des vainqueurs, leur habillement, leur vie nomade et
toutes leurs manières; elles renoncèrent à leur dialecte barbare
pour adopter l'idiome des Arabes et finirent par oublier totale
ment leur première langue. C'est là un des résultats que l'imita
tion du vainqueur amène chez le peuple vaincu.
Eblouis par les succès d'Abd-el-Moumen et des Almohades,
les Hoouara se montrèrent disposés à l'obéissance envers cette
dynastie naissante ; mais, après que l'usurpation de l'émir Abou-
Zékérïa eut fait passer le gouvernement [de l'Ifrîkïa] dans la
famille d'Abou-Hafs , ils témoignèrent un esprit d'insubordi
nation qui les conduisit au refus de l'impôt et aux actes de bri
gandage sur les grandes routes. Le sultan [Abou-Zékérïa] fut
donc obligé de prendre des mesures sévères à leur égard : il
quitta Tunis, l'an G36 (1238-9), sous le prétexte d'une expédi
tion contre les habitants de l'Auras, et il envoya aux Hoouara
l'ordre de lui fournir un contingent de troupes. Quand tous ces
détachements furent arrivés au camp, il les fit tailler en pièces
par ses Almohades et Arabes. Ceux qui échappèrent à la mort
tombèrent presque tous dans l'esclavage ; leurs richesses devin
rent la proie du soldat ; leur chef, Abou-'t-Taiîb-Bàra-Ibn-
Hannach, y perdit la vie, et le petit nombre qui put se soustraire
au massacre par la fuite resta dans un dénuement complet. Ce
châtiment abaissa l'orgueil des Hoouara, paralysa leurs forces
et les obligea à rester désormais dans J'obéissance.
* Je lis teghanrwman.
316 mSTOME DES BERBÈRES.
Tlemcen et rallier à sa cause toutes les tribus zenatiennes; que,
par l'occupation de cette ville, il aurait fait le premier pas
vers la conquête de Maroc, et qu'enfin cette acquisition lui
servirait d'échelle pour monter au trône qu'il ambitionnait, et
de porte par laquelle il pourrait facilement envahir le Maghreb.
Touché par leurs prières et leurs sollicitations, il résolut la
guerre, et, après avoir convié ses Almohades,ses troupes et tous
ses alliés à une expédition contre Tlemcen, il rassembla sous
ses drapeaux toutes les populations bédouines appartenant aux
tribus arabes de Rîah et de Soleim qui reconnaissaient son au
torité. Ces nomades se précipitèrent en masse vers le lieu de
réunion avec leurs femmes et leurs troupeaux, de sorte qu'en l'an
639 (1241-2), il put se mettre en marche à la téte d'une armée
immense. D'après son ordre, l'émir Abd-el-Caouï-Ibn-Abd-el-
Abbas et les fils de Mendîl-Ibn-Mohammed prirent les devants
afin de rassembler leurs compatriotes, les guerriers de Zenata,
de rallier leurs confédérés, les Arabes de la tribu de Zoghba, et
de se poster sur la frontière de leur pays pour y attendre
son arrivée. Il pénétra lui-même dans le désert de Zaghez ,
région située au sud de Tîteri et formant la limite occidentale
des courses entreprises par les Rîah et les Soleim. Voyant
alors que ces Arabes hésitaient à le suivre plus loin avec leurs
femmes et qu'ils cherchaient mille prétextes pour s'arrêter, il
dut employer de l'adresse, et même, dit-on, des ruses, afin de
réveiller leur courage et de les décider à marcher. Il arriva, enfin,
sous les murs de Tlemcen avec ses troupes almohades, les con
tingents zenatiens et ses alliés arabes. En traversant Milîana, il
avait expédié à Yaghmoracen une ambassade chargée de lui ex
poser les motifs de cette expédition et de l'inviter à faire sa sou
mission. Cette démarche n'eut aucun succès, et les envoyés
durent revenir sur leurs pas.
Quand l'armée almohade [hafside] eut pris position dans le
voisinage de Tlemcen, Yaghmoracen sortit avec ses troupes pour
lui livrer bataille. Les Abd-el-Ouadites, accablés par une grêle
de flèches, abandonnèrent bientôt le terrain et coururent se ré
fugier derrière leurs remparts, mais les guerriers d'Abou-Zé
ABOL'-ZÊKÊRÏA LE HAFSIDE. 317
kérïa s'élancèrent en avant et franchirent les murailles de la
ville, malgré la résistance des défenseurs. Au moment de perdre
ainsi sa capitale, Yaghmoracen rassembla sa famille, et, soutenu
par une troupe d'amis et de domestiques , il se fraya un
passage à travers les rangs de l'ennemi et réussit à se jeter
dans le Désert. Les Almohades [hafsides] envahirent la ville
de tous les côtés, la mirent au sac et au pillage, dévastant
tout et massacrant les femmes et les enfants.
Le lendemain de cette journée affreuse, lorsque le tumulte de
l'assaut se fut apaisé et que le feu de la guerre se fut éteint, les
troupes hafsides revinrent à la raison et cessèrent leurs ravages.
Alors l'émir Abou-Zékérïa chercha un homme auquel il pourrait
confier le gouvernement de Tlemcen et du Maghreb central et
qui, établi là, sur l'extrême frontière, aurait pour tâche d'y rem
placer l'influence de la dynastie d'Abd-el-Moumen par celle du
gouvernement hafside et de défendre tout ce pays en cas d'in
vasion. Les plus illustres d'entre ses partisans reculèrent devant
une telle responsabilité ; les émirs zenatiens eux-mêmes refusè
rent de s'en charger, sachant qu'ils étaient trop faibles pour
tenir tète à Yaghmoracen, chef dont tous connaissaient l'audace,
lion que personne n'oserait relancer dans sa tanière et auquel on
ne pourrait jamais enlever sa proie.
De son côté, Yaghmoracen ne s'endormit pas : sa cavalerie
venait enlever du monde jusqu'aux abords du camp hafside, ou
bien, postée sur les hauteurs, elle guettait tous les mouvements
de l'ennemi. Bientôt, cependant, il changea de conduite et envoya
des agents auprès du sultan [Abou-Zékérïa]. Cette ambassade
lui annonça que Yaghmoracen désirait faire sa soumission, con
tracter une alliance avec les Hafsides etles aider contre le souve
rain de Maroc, prince dont le cœur brûlait de venger la prise
de Tlemcen et la perte de l'Ifrîkïa; elle déclara que Yagh
moracen demandait, en retour de son amitié , l'autorisation
de soutenir, à lui seul, la cause des Hafsides [dans le Maghreb].
Abou-Zékérïa agréa cette proposition, et ayant alors reçu la
visite de Sot-en-Niça, mère de Yaghmoracen, qui vint, de la part
de son fils, pour régler et ratifier les conditions du traité, il lui
:M8 HISTO1BB DES OERBÊBES.
fit l'accueil le plus honorable et la combla de cadeaux, tant dans
le jour où elle arriva que dans celui où elle prit congé. Outre ces
conditions *, il accorda à Yaghmoracen la possession de cer
tains cantons de l'Ifrîkïa et le droit d'y envoyer des percepteurs
pour la recette des contributions.
Le dix-septième jour après son arrivée à Tlemcen, Abou-
Zékérïa reprit le chemin de sa capitale. Il était encore en marche
quand les chefs almohades commencèrent à le mettre en garde
contre le caractère ambitieux de Yashmoracen et à lui conseiller
de susciter des rivaux à ce prince chez les Zenata et les étnirs du
Maghreb central. « Il faut humilier sa fierté, lui disaient-ils, et
» mettre obstacle à ses projets; ce serait même un acte de pru-
» dence que d'autoriser ces personnages à porter un habillement
» royal et des emblèmes de commandement tout-à-fait sem-
» blables à ceux qu'on vient d'accorder au chef abd-el-ouadite. *
Par suite de ce conseil, Ahou-Zékérïa nomma Abd-el-Caouï-
Ibn-Atïa le toudjinite, El-Abbas -Ibn-Mendîl le maghraonien et
El-Mansour le melîkicbien au commandement de territoires
occupés par leurs tribus respectives. Avec les diplêmes de leur
nomination il leur expédia les insignes de la souveraineté
pareils à ceux de leur rival, Yaghmoracen ; les autorisant à
porter ces marques distinctives dans la capitale de l'empire,
à la cour même, et dans les grandes réunions des chefs almo
hades.
Il s'empressa alors de rentrer à Tunis, le cœur tout joyeux
d'avoir augmenté son royaume et atteint le but de ses désirs.
Devant lui il avait maintenant la perspective du Maghreb entier
soumis à sa domination et de l'autorité des enfants d'Abd-el-
Moumen cédant devant la sienne. Ayant tenu une séance royale,
dans laquelle plusieurs royaumes lui tendaient le cou avec sou
mission, ainsi que nous allons le raconter, il combla de dons
les poètes qui étaient venus pour célébrer le triomphe de ses
armes.
• Variante : Checaf.
T. 11. •I
322 HISTOIRE DES BERBÈRES.
de nouveau l'autorité du cheikh Abou-Fares. Pendant deux
années ils soutinrent avec fermeté les attaques de l'ennemi, bien
qu'ils eussent la douleur de voir Ibn-el-Ahmer paraître [avec les
siens] au service du roi chrétien et l'aider à bloquer la ville.
L'émir Abou-Zékérïa tenta de leur faire passer des secours et
arma quelques navires pour cet objet. Abou-'r-Rebiâ-Ibn-el-
Ghoreigher le tinmelélien, auquel il donna le commandement de
cette escadre, se dirigea d'abord vers Ceuta, d'après les instruc
tions de son maître, et, ayant fait équiper les vaisseaux apparte
nant à cette ville, il les conduisit jusqu'au fleuve qui baigne
les murs de Séville. Empêché par la flotte chrétienne de péné
trer jusqu'au port 1 [de Saint-Lucar], il repartit [pour l'Afrique] .
L'ennemi, auquel Ibn-el-Ahmer avait fourni des troupes et des
munitions, contraignit, enfin, les habitants de Séville à signer
une capitulation, et prit possession de sa nouvelle conquête en
l'an 646 (1248). Le roi chrétien donna pour chef aux traîtres
qui voulaient y rester un membre de la famille d'Abd-el-Moumen
appelé Abd-el-Hack-Ibn-Abi-Mohammed le baécien.
» Voy. p. 3DS.
ABOIi-Zfi&fiBÏA LE HAFS1DI. 329
toutes les localités qui dépendaient de cette ville, telles qu'Alger,
Constantine, Bône et le Zab. Sous le poids d'une si vaste admi
nistration, le jeune prince déploya tant d'habilité, tant de savoir,
de piété et de justice que, par son mérite seul, il aurait paru
digne du khalifat.
Aussi, en l'an 638 (1240-1), son père le désigna comme suc
cesseur du trône, et, ayant fait appuyer l'acte de cette nomina
tion par les signatures de tous les grands du royaume, convo
qués en assemblée générale , il ordonna que le nom d'Abou-
Yahya fût prononcé dans la prière publique après le sien. A cette
occasion, il dicta, pour l'instruction de son fils, la lettre de
conseils qui circule encore dans le pnblic. Voici le texte de cet
écrit : « Que Dieu te dirige et te conduise I qu'il te mène dans
» une voie où tu puisse mériter sa faveur et trouver le bonheur
» éternel ! Dieu veuille que tes actions soient toujours dignes
» d éloges et que tes pensées restent toujours pures et Ver-
» tueuses. Sache que le premier devoir de celui auquel Dieu a
» confié la garde de ses créatures et à qui il fera rendre compte
» même des moindres choses qui leur arriveront, est de ne
» rien entreprendre avant d'être assuré que son projet sera agré-
» able au Tout-Puissant. Après avoir placé sa cause, sa force et
» ses moyens sous la protection de Dieu, qu'il agisse, qu'il Ira-
» vaille, qu'il combatte pour la défense des musulmans et qu'il
» soutienne une guerre sainte pour l'avantage des vrais croyants.
» Mais, d'abord, qu'il mette sa confiance en Dieu et qu'il re-
» nonce à tout pouvoir qui ne viendrait pas du Seigneur.
» Quand il te surviendra une affaire grave, une nouvelle fâ-
» cheuse , dompte l'emportement de ton cœur, retiens ton
» ardeur, pèse bien les conséquences de ce que tu veux faire et
» réfléchis avant d'agir. Evite la précipitation qui dénote un
» esprit faible et l'hésitation qui caractérise l'homme insouciant
» et maladroit. Sache que les difficultés qui feraient reculer
» même les plus habiles, peuvent être surmontées par la pa-
» tience et la prudence, jointes aux conseils des militaires sages
» et expérimentés ; alors il est permis de les aborder en invo-
» quant l'appui et le concours de Dieu.
330 HISTOIRE DES BERBÈRES.
» Sois affable envers les soldats de tous grades, mais en les
» traitant chacun selon son rang; si tu mets les inférieurs au
» niveau des chefs, tu les jetteras dans l'insolence et la pré-
» somption, tout en indisposant les chefs et en portant atteinte
» à leur dévouement. Si tu prodigues tes faveurs, tu les rendras
» sans prix aux yeux des uns et des autres et tu scmeras la dis-
» corde parmi tes propres partisans. Regarde le chef de l'ar-
» mée comme ton père et les subordonnés comme tes fils;
» traites-les avec condescendance et bonté ; écoute leurs avis,
» et, quand tu auras pris une décision, mets ta confiance en
» Dieu, car Dieu aime ceux qui ont recours à son appui. Sévère
» pour toi-même, tu dois repousser l'amour-propre et la con-
» fiance en ton propre mérite ; tu n'écouteras point les gens
» égarés qui, voulant te tromper, diront : Tu es le premier des
» hommes en puissance; tu les surpasses tous en libéralité, en
» vertu et en bravoure. Sache que cela est mensonge et décep-
» tion et que Dieu exaltera celui qui s'humilie devant lui.
» Il est de ton devoir d'examiner l'état de tes sujets et de pren-
» dre des renseignements sur la conduite des fonctionnaires qui
» les administrent et des magistrats qui leur rendent justice; ne
» ferme les yeux ni sur leurs vertus, ni sur leurs fautes. Toutes
» les fois qu'on t'invoquera contre l'oppression, fais-la dispa-
» raître; punis les transgresseurs, sans distinction de rang;
» châtie les crimes de tes agents, sans avoir égard ni aux liens
» qui pourront les attacher à toi, ni aux services qu'ils auront
» pu te rendre. Ne laisse pas à un seul individu le droit de te
» présenter les pétitions de tes sujets et les plaintes des op-
» primés ; ne te conduis pas h leur égard d'après sa volonté,
» mais attache à ta personne des hommes probes, véridiques,
» qui rechercheront la vérité et qui se feront de nouveaux titres
» à la faveur de Dieu par leur empressement à te faire parvenir
» les réclamations de ceux qu'il a créés. Avant de prendre une
» décision, lu entendras chacun de ces agents en particulier;
» car si lu te fies exclusivement 1 aux rapports et aux conseils
1 Lisez : iclasert.
ABOC-ZtkÉRÏA LE HAFflDE. 33!
d'un seul individu, tu t'exposeras à être entraîné dans la par
tialité par ses passions et ses préjugés, au point de sacrifier les
intérêts du bon droit et de la vérité. Si un homme vient te
porter plainte pendant que tu es sur la route et en voyage,
dis-lui de s'approcher et interroge-le, afin de bien connaître
le sujet de sa réclamation ; réponds-lui avec bonté et douceur
pendant que lu l'écoutes; l'attention, la commisération que tu
lui auras montrées l'encourageront à te parler avec confiance
et laisseront dans les esprits des grands et des petits une
haute opinion de ta conduite comme administrateur et comme
souverain.
» La vie et les biens de tout musulman sont choses sacrées
pour quiconque croit en Dieu et au jour du jugement; on ne
peut y toucher sans être autorisé par le Coran et les tradi
tions du Prophète, et encore faut-il que le texte de la loi et la
preuve du délit soient là pour justifier la sentence. Il en est
autrement à l'égard de ceux qui attaquent et volent les mu
sulmans sur les grandes routes, des gens qui persistent dans
l'égarement et qui portent atteinte aux vrais croyants dans
leurs personnes et leurs biens. Pour ceux-là, il n'y a que
l'épée, instrument qui extirpe le mal et qui guérit les cerveaux
troublés par l'esprit du désordre. Ne pardonne jamais les
défauts des hommes envieux, de ces gens qui, étant incapables
d'aucun travail honnête, cherchent à ruiner la prospérité d'au-
trui ; si tu leur pardonnes, ils se mettront à parler : puis, des
paroles ils passeront aux actes, et c'est sur toi que retombera
le mal dont ils se seront rendus coupables. Ici, il faut couper
court au crime avant qu'il ne se propage : il ne faut pas
l'attendre, mais le prévenir.
» Tu dois avoir toujours la pensée de la mort présente à l'es
prit; ne te laisse pas séduire par les biens du monde, quand
même tu croirais les tenir, et garde-toi de comparaître devant
le Seigneur sans y être devancé par des bonnes actions, mar
chandise dont tu retireras grand profit en l'échangeant contre
la bienveillance de Dieu. La résignation à sa volonté est le
métier le plus profitable, la mine la plus riche à exploiter; et
332 HISTOIRE DIS BERBÈRES.
» l'abnégation de soi est un trésor inépuisable. Au sujet de ces
» paroles du Coran : Et nous avons laissé sur lui [cette béné-
» diction] pendant les générations suivantes : Que la paix soit
» sur Noé dans l'univers entier *\ un commentateur a dit:
v Cela signifie une bonne renommée dans le monde, parce qu'il
» y laissa l'éternel souvenir de sa conduite méritoire et de ses
» actions saintes et célèbres. » Qu'il te suffise donc, en fait des
» biens mondains, de posséder un habit pour te couvrir et un
» cheval pour te porter au secours des serviteurs de Dieu.
» Si lu gardes ces conseils sans cesse devant les yeux, j'ai
» tout espoir que Dieu laissera remporter par ta main des vic-
» toires qu'il aura rendu faciles, qu il te soutiendra sans cesse
» et qu'il ne t'affligera que pour ion avantage. [Ainsi soit- il]
» par la bonté de Dieu, par sa puissance et par sa majesté [
» Dieu veuille que tu sois de ceux qui écoutent pour retenir et
» qui répondent à l'appel quand on les invite à suivre la bonne
» voie. Dieu est tout-puissant et digne d'être obéi. Il n'y a de
» force, ni de puissance que par le moyen de Dieu très-haut!
» Dieu nous suffit, et il est le meilleur des gardiens. »
Ce fut en suivant les conseils renfermés daus cet excellent
écrit que l'émir Abou-Yahya se forma au trône et qu'il s'ac
quit une haute position dans l'empire ; mais , en l'an 646
(1248-9), pendant qu'il se livrait à l'étude et à la dévotion,
la mort vint l'enlever aux espérances qu'il avait éveillées dans
tous les cœurs. Cet événement plongea le sultan dans un chagrin
profond et fournit aux poètes le sujet de plusieurs élégies qui
servirent à augmenter la douleur et à entretenir la tristesse du
malheureux père.
Dans une assemblée des grands officiers de l'empire, le sultan
désigna comme son successeur l'émir Abou-Abd-Allah-Moham-
med, frère du prince décédé, et il leur ordonna à tous d'apposer
leurs signatures à l'acte de cette nomination.
• Coran, sou raie J7, versets 76, 77. L'auteur de cette lettre n'en cil»
que le premier verset.
IL-MOSÏAKCER LE HAfllDB. 33»
■
MO HISTOIRE DES BERBÈRES.
rendu célèbre. On y voyait une forêt d'arbres dont une partie ser
vait à garnir des treillages pendant que le reste croissait en pleine
liberté. C'étaient des figuiers, des oliviers, des grenadiers, des
dattiers, des vignes et d'autres arbres à fruit; puis, les diverses
variétés d'arbrisseaux sauvages, tels que le jujubier et le tama-
risc, et tout cela disposé de manière à former do chaque espèce
un groupe à part. On donna à ce massif le nom d'Es-Châra
(le bocage). Entre ces bosquets se déployaient des parterres,
des étangs, des champs de verdure ornés de fabriques et
couverts d'arbres dont les fleurs et le feuillage charmaient les
regards. Le citronnier et l'oranger mêlaient leurs branches à
celles du cyprès, pendant que le myrte et le jasmin souriaient au
nénufar. Au milieu de ces prairies, un grand jardin servait de
ceinture à un bassin tellement étendu qu'il paraissait comme une
mer. L'eau y arrivait par l'ancien aqueduc; ouvrage colossal qui
s'étend depuis les sources de Zaghouan jusqu'à Carthage et dont
la voie passe tantôt au niveau du sol et tantôt sur d'énormes
arcades à plusieurs étages, soutenus par des piles massives et
dont la construction remonte à une époque très-reculée. Ce con
duit part d'une région voisine du ciel, et pénètre dans le jardin
sous la forme d'un mur ; de sorte que les eaux , sourdissant
d'abord d'une vaste bouche pour tomber dans un grand et pro
fond bassin de forme carrée, construit de pierres et enduit
de plâtre , descendent par un canal assez court jusqu'au
bassin [du jardin] qu'elles remplissent de leurs flots agités. Telle
est la grandeur de cette pièce d'eau que les dames du sultan
trouvent moins d2 plaisir à se promener sur le rivage que de
s'asseoir chacune dans une nacelle et de la pousser en avant,
afin de remporter sur ses compagnes le prix de la vitesse.
A chaque extrêmité du bassin s'élève un pavillon, l'un grand,
l'autre petit, soutenus, tous deux, par des colonnes de marbre
blanc et revêtus de mosaïques en marbre. Les plafonds sont
en bois artistement travaillé et se font admirer par leur cons
truction solide autant que par la beauté des arabesques dont ils
sont ornés. En somme,. les kiosques, les portiques, les bassins
do ce jardin, ses palais à plusieurs étages, ses ruisseaux qui
ÏL-MOSTANCER LE HAFSIDE. 341
coulent à l'ombre des arbres, tous les soins prodigués à ce lieu
enchanteur, le rendaient si cher au sultan que, pour mieux en
jouir, il abandonna pour toujours les lieux de plaisir construits
par ses prédécesseurs. Rien ne fut négligé, de son côté, pour
augmenter les charmes d'un endroit dont la renommée devait
remplir l'univers.
1
• Dans le texte arabe, cette lettre remplit onze pages. Elle se com
pose d'allusions coraniques, scolastiques, métaphysiques, cabalistiques,
mystiques, historiques et grammaticales, entremêlées de jeux de mots
intraduisibles et de jeux d'esprit presqu'insaisissables. Bien que nous
ayons compris la plus grande partie de ces graves futilités, nous n'a
vons pas essayé de les traduire, puisqu'il faudrait, en outre, un long
commentaire pour les rendre intelligibles. La reconnaissance d'El-
Mostancer par les habitants de la Mecque est le seul fait qui y est
énoncé. L'aolcur, lbn-Sebâin, mourut en 669 (1270).
346 HISTO1RE DES BERBERES.
rité du monarque ut renvoya l'assemblée. Ce fut là un des plus
beaux jours de l'ernaire.
MORT D'iBK-EL-AB&AR.
1 Eu l'an 4259, l'infant Don Henri prit tes armes contre son frère
Alphonse x, roi de Castille. 11 essuya une défaite et, ne pouvant trouver
un asile en Espagne, il se retira auprès du roi de Tunis qu'il servit
pendant sept ans. — (Ferreras^ t. rv, pp. 235, 256.)
* Voy. t. i, p. 82, note.
•>*0 HISTOIRE DES BERBÈRES.
embrasser la religion de ce peuple, il aima mieux le quitter que
suivre un tel exemple*. Ensuite, il devint secrétaire de Zîan-Ibn-
Merdenîch, et, à l'époque où le roi [d'Aragon, Don Jayme] vint
assiéger Valence, il partitavec la députation qui devait présenter
à l'émir Abou-Zékérïa le document par lequel Zîan et les habi
tants de cette ville reconnaissaient la souveraineté de l'empire
hafside. Ayant été alors présenté au sultan, il lui récita le poème
si bien connu - dans lequel il implore l'appui de ce monarque
contre l'ennemi. Abou-Zékérïa y répondit par l'envoi de plu
sieurs navires chargés de vivres, d'argent et d'objets d'habil
lement.
Voyant que la ville de Valence allait succomber, Ibn-el-
Abbar repartit avec sa famille pour Tunis où il comptait être
bien reçu. Accueilli avec 'faveur par le sultan et nommé écrivain
de Valama, il fut chargé de tracer le paraphe impérial en téte de
toutes les lettres et écrits émanant du souverain.
Quelque temps après, le même prince, qui préférait l'écriture
de l'Orient à celle de l'Occident, résolut de confier cet emploi à
Abou-'l-Abbas-el-Ghassani, qui écrivait parfaitement bien le
paraphe en caractères orientaux. Ibn-el-Abbar ressentit une
vive indignation, quand on vint lui annoncer que le sultan, tout
eu lui laissant la rédaction des pièces officielles, exigeait que la
place du paraphe y fût laissée en blanc, afin d'être remplie par
une autre main ; et, sans avoir égard à cet ordre, il profita de
sa position comme seul rédactéur autorisé, pour tracer cette
marque comme auparavant. Aux remontrances qu'on lui adressa
à ce sujet, il répondit par des paroles de colère et, perdant toute
retenue, il jeta sa plume et prononça le vers suivant, dont il
faisait l'application à lui-même :
< Cette date répond 22 juillet 4270; mais il est certain que la flotte
de Saint-Louis mil à la voile le 4 juillet de cette .innée.
* Ce Tut en Sardaigne. dans la rade de Cagliari, que la flotte jeta
l'ancre.
» Dans le texte arabe, il faut lire aïnoho feraraho (son aspect [ut Vin-
tlication de son caractère). Expression proverbiale qui se trouve indi
quée dans les dictionnaires sous la racine ferr.
W.-MOST.K( ER LI H APSIDE.
•de la côte, d'où on aurait de la peine à le chasser. Le sultan
approuva ce dernier avis et laissa opérer le débarquement.
L'ennemi put ainsi prendre terre sur la côte de Carthage, tandis
que le rivage de Rades [à l'autre côté du lac de Tunis] était bien
gardé : on y comptait plus de quatre mille cavaliers, tant du
corps des Maures-Espagnols (émigrés) que des volontaires, et
tous sous les ordres de Mohammed-Ibn-Abi-'l-Hocein, premier
ministre de l'empire.
Mon père m'a raconté qu'il avait appris du sien que le nombre
des chrétiens débarqués, tant officiers que soldats, dépassait six
mille cavaliers et trente mille fantassins. Leur flotte se compo
sait de trois cents navires, les uns grands, les autres petits. Il
y avait sept grands princes, dont nous pouvons nommer les
suivants : le roi Français, Cari (Charles d'Anjou), seigneur de
la Sicile et des lles *, la chrétienne appelée Réna (ta reine), qui
était la femme du roi », et le seigneur de la Grande- Terre *.
La plupart de nos historiens s'imaginent que ces princes
étaient souverains indépendants, à l'époque où ils se réunirent
pour attaquer Tunis; mais c'est là une erreur : il n'y avait
qu'un seul roi, celui de la France. Il est vrai que ses frères et
ses nobles comptaient tous pour rois, à cause de leur grande
puissance.
Ainsi que nous l'avons dit, les troupes chrétiennes débar
quèrent auprès de l'ancienne ville de Carthage, dont les murailles
étaient encore debout, et campèrent dans l'intérieur de l'en*
ceinte. On ferma les brèches des murailles avec des planches de
bois; on y rétablit les crénaux et on entoura le tout d'un fossé
profond.
■
'{66 HISTOIRE DES BERBÈRES.
Le sultan eut alors à regretter son imprévoyance, d'abord, en
laissant subsister les murs de Cartbage; puis, en permettant à
l'ennemi de débarquer.
Pendant l'espace de six mois le roi fiançais et ses troupes
ne cessèrent de harceler la ville de Tunis : la flotte leur apportait
de la Sicile et du continent (européen) des renforts, des armes
et des vivres.
Une troupe d'Arabes, conduits par quelques musulmans [de
la ville], avant passé le lac [de Tunis] par un endroit guéable,
parvint à tromper la vigilance de l'ennemi et à lui enlever quel
que butin. Les Français s'en étant aperçus, firent garder le lac
par des galères remplies d'archers, de sorte que le passage du
gué devint impossible.
Des officiers, envoyés par le sultan dans toutes les provinces
de l'empire, lui amenèrent de nombreux renforts. Abou-IIilal,
uouverneur de Bougie, arriva à la tête d'une armée composée
d'Arabes nomades et de Berbères appartenant aux tribus de
Sedouîkich, d'Oulhaça et de Hoouara. Les rois zenatiens du
Maghreb expédièrent des troupes au secours de Tunis , et
Mohammed-Ibn-Abd-el-Caouï y envoya son fils Zîan s avec les
guerriers de la tribu des Toudjîn.
Le sultan sortit alors de la ville, et ayant dressé son camp, il
plaça ses troupes soldées et ses volontaires sous les ordres de
sept chefs almohades, dont voici les noms : Tsmaïl-Ibn-Abi-
Gueldacen , Eïça-Ibn-Daououd , Yahya-Ibn -Abi-Bekr, Yahya-
Ibn-Saleh, Abou-Hilal-Eïad, seigneur de Bougie, Mohammed-
Ibn-Abi-'l-Hocein et Mohammed-Ibn-Obbou. Le commandement
en chef fut déféré à Yahya-Ibn-Saleh et à Yahya-Ibn-Abi-Bekr.
Le nombre des musulmans assemblés sous les' armes dépassait
s Ceci est une erreur : Jean Tristan, duc de Nevers, le prince qui
naquit a Damiette pendant In captivité du roi, mourut en Afrique, peu
de temps avant son père. Ce fut Philippe le Hardi, fils aîné de Saint-
Louis, qui prit le commandement de l'armée.
* Encore une erreur : nous avons déjà dit que la reine était restée
en France.
s Un double de ce traité de paix, en date du 5 Rebiâ second 6G9
(5:2 novembre 4270). se trouve aux archives nationales. M. de Sacy en
a publié le texte avec une traduction dans les Mémoires de l'Académie
des Inscriptions, tom. ix.
1 Ceci est confirmé par le récit des anciens historiens français.
EL-MOSTAKCER LE HAFSIDE. 369
qu'il venait de payer à l'ennemi. Il avait donné, dit-on, dix
charges (de mulet) d'argent'. Le peuple lui remboursa cette
somme avec empressement.
Les chrétiens laissèrent après eux, à Carthage, quatre-vingt-
dix catapultes (mendjenîc).
Le sultan LU annoncer au souverain du Maghreb et aux autres
princes du pays comment il avait sauvé les musulmans et conclu
un traité de paix. Ensuite, il donna l'ordre de ruiner Carthage
et d'en renverser les édifices jusqu'aux fondations, de sorte
que l'emplacement de cette ville fut changée en désert et n'offrit
pas même les traces d'une ruine.
Les Français repassèrent dans leur pays, et ce fut ainsi qu'ils
laissèrent tomber leur puissance et leur domination. Depuis lors,
leur décadence ne s'arrêta plas ; leurs princes se partagèrent les
provinces de l'empire ; le seigneur de la Sicile se déclara indé
pendant, et son exemple fut suivi par le seigneur de Naples, de
Gênes et deSardaigne. L'ancienne famille de leurs rois existe en
core, mais elle est sans puissance et dans le dernier degré de la
faiblesse.
Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-Abi-'l-Hocein appartenait à
la famille des Beni-Saîd, seigneurs d'un château fort situé aux
environs de Grenade et appelé El-Calâ (le Château). Sous la
domination des Almohades, les Beni-Saîd remplirent de hauts
commandements tant en Afrique qu'en Espagne. Abou-'l-Hacen-
Saîd, grand- père du ministre, avait été directeur des contribu
tions à Cairouan, mais il fut destitué et mourut Bône, l'an
604 (1207-8), pendant qu'il se rendait en Maghreb. Mohammed,
qui avait été élevé sous les yeux de son aïeul, revint alors à
Tunis et entra au service d'Abou-Zeid, fils du cheikh Abou-
i
ÏL-MOSTANCER LE HAFS1DE. 371
sieurs ouvrages dont l'un, intitulé El-Kholasa (la quintessence),
offre une rédaction du Slohkam d'Ibn-Cîda 1 ; les articles s'y
trouvent disposés par ordre [alphabétique], à l'instar du Sahah,
dictionnaire célèbre composé par El-Djouheri. Comme adminis
trateur, il montra un esprit vif, un caraclère ferme, beaucoup
de dignité et un zèle extraordinaire pour les intérêts de son
maître. Et-Tidjani* et d'autres écrivains nous ont transmis
quelques-uns de ses poèmes, dont un des mieux connus est celui
dans lequel l'émir Abou-Zékérïa est censé adresser la parole à
Einan-Ibn-Djaber, en lui reprochant sa rebellion 3 et son al
liance avec Ibn-Ghanîa. Les vers de cette pièce se terminent par
la lettre r ; et dans un autre poème, qu'il composa auparavant,
la rime se forme par la lettre d. Il vivait encore quand son fils
Saîd, qui était parvenu à une haute position dans l'état, mourut
prématurément.
Trois années après la mort d'Ibn-Abi-Hocein eut lîeu celle du
cheikh Abou-Saîd-Othman-Ibn-Mohammed-el-Hintati, surnommé
El-Aoud-er-Reteb (bois vert), et dont la fau.ille était connue en
Maghreb sous le nom des Beni-Abi-Zeid. A cette maison appar
tenait aussi Abd-el-Azîz, surnommé Saheb-el-Achghal *. Abou-
Saîd s'enfuit du Maghreb sous le règne d'Es-Saîd à cause des
désagréments qu'il y avait éprouvés, et arriva dans Sidjilmessa
en l'an 641 5 (1243-4). Abd-Allah-el-Hezerdji, qui venait d'y
usurper le commandement en proclamant la souveraineté d'A-
bou-Zékérïa, l'envoya à Tunis. Abou-Zékérïa accueillit le ré-
1 Dans le texte arabe, il faut lire oua lam yezel à la place d'oua la
yezel.
1 II ne faut pas confondre ce personnage avec son cousin et homo
nyme dont notre auteur vient do donner une noticc biographique.
> En arabe : écrivain de ïalalama, Voy, p. 336.
376 HISTOIRE DES BERBÈRES.
Abi-'l-Hocein fut arrêté et conduit à la citadelle, pendaut
qu'Ibn-Yacîn, Ibn Seïad-er-Ridjala et d'autres officiers s'empa
rèrent de son mobilier. L'administration des finances fut confiée
à un affranchi d'origine chrétienne nommé Modafé,et Abou-Zeid-
Ibn-Abi-l-Alam reçut l'ordre d'opérer la confiscation des biens
du prisonnier. Par l'emploi de la torture, ce chef almohade
arracha de fortes sommes à l'inculpé, et il ne cessa de le mettre
à la question jusqu'à ce que eu malheureux eut déclaré n'avoir
plus rien. Il lui Ht prêter serment à cet eflët et, ensuite, par une
nouvelle application de la bastonnade, il le contraignit à avouer
qu'il avait encore quelques sommes en dépôt chez des individus
qu'il nomma. Quand la rentrée de cet argent fut effectuée, un
des esclaves dIbn-Abi-'l-Hocein déclara que dans la maison de
son maître il y avait encore un trésor caché. On alla y faire des
fouilles et on découvrit six cent mille pièces d'or. Alors, on n'a
jouta plus aucune foi aux paroles du prisonnier et on l'accabla
de tourments jusqu'à ce qu'il mourut. Cela eut lieu dans le mois
de Dou-'l-Hiddja 676 (avril-mai 1278). On ignore ce que de
vint le corps du supplicié.
Ibn-el-Habbeber se trouvant ainsi seul directeur do gouverne
ment et maître de l'esprit du sultan, nomma son propre frère,
Abou-'l-Ola[-Idrîs], administrateur des impôts de la province de
Bougie1, et encourut la haine des cheikhs almohades et des
courtisans par son orgueil, son esprit despotique et la hauteur
avec laquelle il accueillit leurs hommages. Par sa persévérance à
suivre cette voie dangereuse, il s'attira des malheurs qui re
tombèrent sur l'empire.
v
380 BISTOIItl DES BBRBtBES.
Hacen partit pour l'Orient où il mourut; mais son fils resta à
Tunis. A peine l'émir Abou-Ishac eut-il fait son entrée dans la
capitale, qu'il nomma Abou-Bekr au ministère des finances,
charge qui, jusqu'alors, avait été remplie par des Almohades.
Fadl-Ibn-AIi-Ibn-Mozni obtint le gouvernement du Zab, autre
poste où l'on avait toujours auparavant installé un chef ahno-
hade, et il dut cette faveur à la reconnaissance du sultan dont
il avait été le compagnon d'exil en Espagne. Son frère Abd-
el-Ouahed-Ibn-Mozni fut nommé gouverneur de Castîlïa.
Après ces nominations, le sultan fit arrêter Ibn-el-Habbeber
et le livra à Mouça-Ibn-Mohammed-Ibn-Yacîn, pour être mis à
la question jusqu'à ce qu'il eut dégorgé toutes ses richesses. On
trouva [au cou du prisonnier], où l'on porte ordinairement des
amulettes, plusieurs sceaux et talismans de diverses formes au
moyen desquels, dit-on, il avait fasciné l'esprit de son souve
rain. Ces objets lui portèrent malheur : il fut soumis aux mêmes
genres de torture que sa victime, Saîd-Ibn-Abi-Hocein, avait
subis; comme lui, il fit serment d'avoir déclaré toute3 ses ri
chesses, et, comme lui, il mourut dans les tourments. Cette exé
cution eut lieu dans le mois do Djomada premier de cette année
(sepl-oct. 1279). Dieu ne lésera [qui que ce soit], pas [même]
pour le poids d'un atome
En l'an 678», quand le sultan se fut bien raffermi^sur le
trône, il fit arrêter et mourir Mohammed-Ibn-Abi-Hilal qu'il re
gardait comme un homme dangereux, toujours porté vers l'in
trigue et la trahison.
Ici et plus loin, noire auteur a mi?, par inégarde. la date de 669.
384 HISTOIRE DES BERBÈRES.
il le nomma souverain absolu de la ville et province de Bougie.
Abou-Fares partit pour sa destination , emmenant avec lui , en
qualité de chambellan, mon aieul Mohammed, fils du ministre
des finances, Abou-Bekr-Ibn-Hacen-Ibn-Khaldoun. Ce fut au
sultan que mon parent dut sa nomination. Abou-Fares quitta
Tunis, l'an 679, et alla prendre possession de son gouvernement.
• Variante : Asratn.
* Le pays des Beni-Ghobriu ou Robri est à quatre lieues S. S. 0. de
Zefibun et à onze ou douze lieues 0. de Bougie, en ligne droite.
ABOU-HAFS LE HAFSIDE. 395
débarrasser de tous et les fit tuer partout où on pouvait les
rencontrer. Quatre-vingts cheikh* des Beni-Allac furent jetés
dans ses prisons; toutes les populations arabes furent en butte à
sa tyrannie et attendirent impatiemment le moment de la ven
geance. Elles se mirent à la recherche d'un prince de la famille
hafside, afin de l'opposer è l'usurpateur ; et, ayant appris que
l'émir Abou-Hafs se trouvait à Calat-Sinan, elles allèrent le voir
et le proclamer sultan. Ce fut dans le mois de Rebiâ [premier] de
l'an 683 (mai-juin 1 284) qu'elles lui prêtèrent le serment de fidé
lité et lui fournirent des tentes et des armes. Leur émir, Abou-'l-
Leil-Ibn-Ahmed, se mit à la tète du mouvement.
Cette nouvelle inspira au prétendant l'idée que les grands
officiers de l'empire voulaient le trahir. Emporté par ses ?oup-
çons, il fit arrêter Abou-Amrau-Ibn-Yacîn, premier ministre de
l'empire, Abou-'l-Hacen - Ibn-Yacîn , Ibn-Ouanoud^n et El-
Hocein-Ibn-Abd-er-Rahman, chef zenatien. Après avoir fait
mettre tous ces prisonniers à la question, il ordonna leur mort
et la confiscation de leurs biens. Ces exécutions remplirent de
tristesse tout le monde et contribuèrent à ébranler la fortune du
faux khalife.
1 Ce litre avait déjà été porté par son frère Abou -Abd -Allah, second
souverain de la dynastie hafiide. — Voy. ci-devant, p. 335.
ABOU-IUFS LE BAFSIDE. 397
repos et à vivre tranquille au sein de sa capitale jusqu'à l'arrivée
des événements dont nous allons faire l'histoire.
1 Dans le texte arabe, il faut insérer le mot sihr (avec un «a<J) après
min il-âmil.
ABOL-IUFS LE HAFSIDE 401
S'étant établi à Bougie , il éleva Abou-'l-Hocein-Ibn-Séïd-en-
Nas aux fonctions de grand chambellan , et se forma , dans la
partie occidentale du royaume de Tunis , un empire qu'il trans
mit à ses descendants. Nous verrons plus tard s'effectuer la
réunion des deux états par l'avènement de sa postérité au trôna
de Tunis.
1 La bonne leçon du texte arabe est celle qui est indiquée en noie.
* Voy. p. 399 de ce volume.
AbOU-HAFS LE HAPS1DE. 105
priviléges dont Ibn-Abi-1-Hoccin avait joui sous El-Mostancer
car il s'était fait une règle de suivre tous les usages et d'adopteT
tous les projets que ce sultan avait légués au gouvernement haf-
side. Nous pouvons même dire que l'autorité de ce chambellan-ci
fut bien plus grande que celle de son homonyme, vu qu'on ne ren -
contrait pas à Bougie de ces puissants chefs almohades qui, à
Tunis, avaient si bien su courber l'ambition et entraver les dé
marches du ministre d El-Mostancer. Devenu seul dépositaire
du pouvoir, le chambellan d'Abou-Zékérïa déploya un grand
zèle pour les intérêts de son maître. Nommant à tous les emplois,
destituant, décidant, faisant tout à sa volonté, il devint l'homme
le plus considéré du royaume. Les rênes du pouvoir restèrent
entre ses mains jusqu'à l'heure de sa mort, événement qui eut
lieu en 690 (1291). Jusqu'à la fin de ses jours, il avait conservé
le pouvoir et mérité la confiance de son souverain.
L'émir Abou-Zékérïa prit alors pour chambellan Abou-'l-
Cacem-Ibn-Abi-Djebbi, personnage dont j'ignore les antécé
dents, à l'exception du seul fait qu'ayant quitté l'Andalousie,
lors de la grande émigration1, il s'était présenté à la cour et avait
obtenu un emploi dans l'administration des provinces. Plus tard,
il entra au service d'Abou-'l-Hocein-Ibn-Séïd-en-Nas, en qualité
d'écrivain et, favorisé parla confiance de son patron, il s'éleva
aux plus hauts emplois et obtint l'autorisation de donner pleine
carrière à sa volonté dans la conduite des affaires publiques.
Ayant ensuite reçu les rênes du pouvoir de la main d'Ibn-Séïd-
en-Nas, il conduisit l'état en homme qui voulait montrer son
lèle et son habileté. Aussi, tous les regards se portèrent vers lui,
les courtisans recherchèrent sa faveur et le sultan lui-même se
plut à reconnaître les grands talents de son serviteur. A la mort
du chambellan, il le remplaça, avec l'autorisation du prince, et
il conserva cet emploi jusqu'à la fin du règne de l'émir Abou-'l-
Bacâ, fils d' Abou-Zékérïa. Nous aurons encore, plus tard, l'oc
casion de parler de lui.
Nous avons déjà parlé de la révolte qui eut lieu à Alger, sous
le règne du sultan El-Mostancer, et raconté la prise de cette ville
par l'armée almohade'. Nous avons dit aussi que les cheikhs
d'Alger furent conduits à Tunis et qu'ils y restèrent prisonniers
jusqu'à la mort du sultan. Quand l'émir Abou-Zékérïa, second
souverain hafside de ce nom, s'empara de Bougie et de Constan-
tine, boulevards de l'empire du côté de loccident, Alger avait
pour gouverneur un cheikh almohade nommé Ibn-Akmazîr. Cet
officier reconnut l'autorité d' Abou-Zékérïa, avec le consentement
du conseil des cheikhs, et chargea une députation de lui porter
leurs hommages. En retour de ce service, il reçut sa confirmation
dans le gouvernement de la ville, place qu'il conserva jusqu'à la
fin de sa vie. Il mourut à un âge très-avancé, lors de l'expédition
des Mérinides contre Bougie. A cette époque, Ibn-Allan, un des
cheikhs d'Alger, jouissait de toute la confiance d'Ibn-Akmazîr et
faisait exécuter ses ordres. Par l'influence que lui donnait cette
position, il était parvenu à traiter en maître les habitants de la
ville et à épouser, dit-on, une des filles du gouverneur. La mort
de son patron lui inspira le projet d'usurper le commandement,
et la nuit même où cet événement eut lieu, il appela chez lui
toutes les personnes dont il craignait l'opposition et leur fit
trancher la tète. Le lendemain, de bon matin, il prit le titre de
seigneur d'Alger. L'émir Abou-Zékérïa était trop préoccupé des
attaques que les Mérinides dirigeaient contre Bougie, pour faire
Nous avons dit que les Mérinides avaient tourné leurs armes
contre Bougie sur l'invitation du souverain de Tunis. Pour
mettre un terme aux hostilités qui duraient encore, le sultan
AEOL-ACÎDA LE HAFS1DB. 419
Abou-'l-Baca se décida, en montant sur le trône, à nouer des
rapports d'amitié avec le sultan tunisien. Il choisit pour remplir
cette mission Abou-Zékérïa le hafside, doyen des membres de la
famille royale qui se trouvaient à Bougie, et il le fil accompagner
à la capitale par le cadi Abou-'l-Abbas-el-Ghobrîni, premier
notable de la ville et grand conseiller du corps municipal. Ces
deux envoyés revinrent à Bougie après avoir accompli leur
mission ; mais, pendant leur absence, les courtisans avaient
réussi à indisposer le sultan contre El-Ghobrîni ; ils firent même
répandre le bruit que ce cadi avait concerté un projet avec le
sultan de Tunis afin de renverser l'autorité du souverain de
Bougie. Dafer, grand officier de la cour, fut le principal agent
dans cette intrigue : il récapitula au sultan les délits du cadi et
lui donna à entendre que la trahison des Beni-Ghobrîn envers
le sultan Abou-Ishac avait été ourdie par ce même personnage*.
Le sultan ajouta foi à ces accusations et ressentit une telle mé
fiance pour El-Ghobrîni qu'en l'an 704 (1304-5), il le fit mettre
en arrestation. Dans le cours de la même année, il céda aux ins
tances de son entourage et permit à El-Mansour le turc de se
rendre a la prison et de lui ôter la vie.
I
43i H1STO1RB DES BERBÈRES.
Un de ses gens, ayant été cité devant le tribunal du chambellan
sur la plainte d'un domestique du palais, fut puni de mort, séance
tenante, par l'ordre de ce fonctionnaire. Rached fut tellement
indigné de ce manque d'égards qu'il fit ployer ses tentes à
l'instant même et s'en alla. Ce fut ainsi que le chambellan s'y
prit pour faire réussir son projet. Le résultat fut tel qu'il l'avait
espéré : le sultan, sachant que Rached était intimement lié avec
Abd-er-Rahman-Ibn-Khalouf, conçut des inquiétudes pour la
sûreté de la ville et de la province de Bougie. Le chambellan, qu'il
consulta à ce sujet, fut d'avis d'y dépêcher Mansour-Ibn-Mozni, et
celui-ci, de son côté, proposa le chambellan pour cette mission.
Pendant plusieurs jours, ils se renvoyèrent mutuellement la tâche
que le sultan voulait leur confier, jusqu'à ce qu'enfin ce prince
prit le parti de les y envoyer tous les deux. Le chambellan obtint
alors qu'Abou-Yahya-Abou-Bekr, frère du sultan, fût nommé
gouverneur de Constantine et qu'il eût lui-même pour lieutenant,
à Tunis, son propre cousin, Ali-Ibn-Ghamr. Ayant alors quitté
la capitale, il se rendit à Constantine, pendant que Mansour-Ibn-
Mozni s'en alla chez lui, dans le Zab. Plus loin, nous parlerons
de la révolte de celui-ci.
Ibn-Ghamr, étant entré au service du prince Abou-Yahya-
Abou-Bekr, en qualité de chambellan, lui proposa de se révolter
contre le sultan, son frère. Quelques indices de leurs intentions
éveillèrent les soupçons d'Abou-'l-Baca et lui donnèrent tant
d'inquiétudes que le vice-chambellan, Ali-Ibn-Ghamr, s'en
aperçut et courut se réfugier dans Constantine. Alors, le sultan
plaça son affranchi, Dafer-el-Kebîr, à la tête d'une armée et
l'envoya contre cette ville. Nous raconterons plus loin comment
ce général s'arrêta à Bédja et ce qui lui arriva.
Quant à Ibn-Ghamr, le chambellan,, il se mit en révolte ouverte,
et, ayant fait appeler notre seigneur, le prince Abou-Yahya-Abou-
Bekr, il le préseula au peuple et le fit proclamer souverain. Ceci se
passa en l'an 714 (1344-2). Le nouveau sultan prit le titre d'2?/-
Motewekkel (qui met sa confiance en Dieu) et dressa son camp en
dehors de la ville de Constantine. Il y était encore, quand on vint
lui annoncer qu'Ibn-Khalouf s'était déclaré contre lui.
ABOU-'l-BACA-KDALED LE HAFSIDE. 433
L'ÉMIR SON
ABOU-ABD
FRÈRB-ALLAH
, L'ÉMIRESTABdU-ZBKÊRÏA
NOMMÉ GOUVERNEUR
, OBTIENTDE LECONSTAKTIlfE.
GOUVERNE
1 A la place des noms que nous avons mis entre parenthèses, les
manuscrits et le texte imprimé portent Mohammed-Ibn -el-Caloun ,
leçon inadmissible.
* On trouvjca dans le chapitre du troisième votumo qui contient la
notice do Mouça-Ibu-Ali, des renseignements sur tes Kurds qui passè
rent en Afrique après la chute du khalifat de Baghdad.
ABOli-ÏAHïA-ABOU-BeKIl LE HAï'siDE. 467
trouver Ibn-Abi-Amrau. Nommé chambellan, en remplacement
du transfuge, El-Mizouar, qui n'était qu'un guerrier plein d'au
dace et de courage, se fit aider dans ses nouvelles fonctions
par le secrétaire Abou-'l-Cacem-Ibn-Abd-el-Azîz, n'ayant pas
les connaissances requises pour remplir une telle position. Il
resta en place jusqu'à sa mort, événement qui eut lieu dans le
mois de Chaban 727 (juin-juil. 4327).
Le sultan avait offert la place de chambellan à mon grand-père,
Mohammed-Ibn-Khaldoun, sans pouvoir le décider à l'accepter.
Bien que le prince l'eût invité à revenir sur sa détermination,
mon parent persista dans son refus ; car , depuis plusieurs
•années, il s'était adonné à la dévotion et n'aspirait qu'à jouir
d'une vie tranquille, loin des grandeurs. Il conseilla toutefois au
sultan de choisir Mohammed-Ibn-Abi-'l-Hocein-Ibn-Séïd-eu-Nas,
gouverneur de Bougie, en lui faisant observer que les aocèlres
de ce personnage avaient été longtemps au service de ceux du
souverain ; qu'il possédait une nombreuse clientèle et qu'il
avait toujours déployé une grande énergie dans les affaires dont
on l'avait chargé. Je tiens ces renseignements de feu mon
père.
Un de mes amis, Mohammed-Ibn-Mansour«Ibn-Mozni, m'a fourni
sur le même sujet les détails suivants : « Le jour même dela mort
» d'El-Mizouar, me dit-il, j'allai prévenir votre grand-père que
» le sultan l'attendait au camp de Bédja. On l'introduisit dans la
» tente royale où il resta quelque temps, et, à sa sortie, il apprit
» que la nouvelle de sa nomination s'était répandue parmi les
» courtisans. Il démentit ce bruit et, le même jour, la place de
» chambellan fut confiée provisoirement au secrétaire Abau-'l-
» Cacem-Ibn- Abd-el-Azîz. Le sultan fit alors chercher le fils du
» chambellan de son père, et, dans le mois de Moharrem 728
» (nov.-déc. 4327), Mohammed, fils d'Abou-'l-Hocein-Ibn-Séïd-
» en-Nas, arriva à la cour et reçut sa nomination. » A cette
faveur fut ajoutée celle d'un diplôme confirmatif de l'acte en
vertu duquel il exerçait déjà le gouvernement de Bougie et les
/onctions de chambellan auprès du prince royal établi dans cette
ville. Ibn-Séïd-en-Nas se fit remplacer à Bougie par Mohammed
468 B1STOIRB DES BERBÈBES.
Ibn-Ferhoun, une de ses créatures, et par son secrétaire Ahou-
'1-Cacem-Ibn-el-Merîd '.
Sur ces entrefaites, les troupes zenatiennes continuèrent à par
courir le territoire de Bougie et à resserrer la ville au moyen de
forts qu'elles élevèrent sur les hauteurs voisines. Presqu'aussi
tôt après l'arrivée d'Ibn-Séïd-en-Nas, l'ancien chambellan,
Ibn-el-Caloun, se présenta à la cour, ayant obtenu sa grâce par
suite des démarches que son hôte , Ali-Ibn-Ahmed , chef des
Douaouida , venait de faire en sa faveur. Il espérait même
obtenir sa réintégration dans la place de chambellan. Reprenons
l'histoire de ce personnage.
Laissé à Tunis par le sultan [en l'an 721], il embrassa le parti
d'Ibn-Abi-Amran ; ensuite, il voulut passer en Espagne, mais le
retour imprévu du sultan l'empêcha d'exécuter ce dessein. Pour
échapper au danger, il s'éloigna avec Ibn-Abi-Amran et assista
aux expéditions que ce prince dirigea contre la capitale. Plus
tard, il se rendit à Tlemcen et, rentré de nouveau en Ifrîkïa
avec Ibn-es-Chehîd, il y commit des actes de brigandage épou
vantables. Quand la fortune se déclara contre Ibn-es-Chehîd, il
chercha un asile parmi les Douaouida et fixa son séjour à Tolga,
ville du Zab, où il demeura quelque temps sous la protection
d'Ali-Ibn-Ahmed, chef de ce peuple. A la fin, il reçut le pardon
de ses trahisons, grâce aux démarches de son hôte, dont le frère,
Mouça-Ibn-Ahmed, le ramena à Tunis. Il espérait même obtenir
la place de chambellan, mais Ibn-Séïd-en-Nas y était déjà ins
tallé. Dans une audience que le sultan lui accorda, il promit de
faire oublier le passé par un dévouement désormais inaltérable,
et, ayant obtenu sa nomination au gouvernement de Cafsa, il
partit pour cette ville avec Bechîr et Fareh, affranchis d'origine
européenne qui étaient au service du sultan. Ibn-Sé'ïd-en-Nas
avait déjà expédié aux cheikhs de Cafsa l'ordre d'arrêter l'es
corte d'Ibn-el-Caloun ; voulant ainsi procurer aux deux affran
chis l'occasion de lui ôter la vie. Quand cette troupe fut venu
camper à la porte de la ville, Kichli, officier qui en faisait partie
1 Malgré l'autorité des manuscrits, il faut insérer les mots oua cotila
dans le texte arabe.
HÙ ' HISTOIRE DES BEnBÈHES.
de temps après]; mais les deux autres continuèrent à jouir de F»
haute faveur dont leur frère les avait entourés et des honneur»
que sa bonté leur avait départis. L'émir Abou-Fares était, ce
pendant, rempli d'ambition et n'attendait qu'une occasion favo
rable afin de s'emparer du trône.
Or, à l'époque dont nous allons parler, i) se trouvait à la cour
un guerrier de la famille royale des Beni-Merîn, nommé Abd-el-
Hack-Ibn-Othman-Ibn-Mohammed-Ibn-Abd-el-Hack. Ce prince
ayant quitté l'Espagne, alla trouver Ibn-Ghamr à Bougie, en l'an
748, et, à la mort de ce fonctionnaire, il se rendit à la capitale. Le
sultan lui fit l'accueil le plus gracieux et accorda des pensions eb
des fiefs tant à lui qu'aux gens de sa suite. Il lui permit même
d'entretenir à son service une troupe de cavalerie et un corps
d'infanterie. Dans les expéditions militaires et dan» les cérémo
nies publiques, le sultan eroyait ajouter à l'éclat du trône en y
faisant paraître un prince qui tenait dans la nation mériuide tta
rang des plus élevés et qui avait été même proclamé souverain
par ses compatriotes. Abd-el-Hack était dur, hautain et jaloux
de sa dignité. Un jour, ayant voulu s'entretenir avec le cham
bellan Ibn-Séïd-en-Nas. il alla le visiter de bonne heure, mais
l'huissier * vint lui faire les excuses de son maître qui ne pouvait
pas le recevoir. Ce manque d'égards l'offensa si vivement qu'il
passa, le même jour, chez l'émir Abou-Fares, l'encouragea dans
ses projets de révolte et l'emmena avec lui hors de la ville. Ceci
se passa dans le mois de Rebiâ de l'an 729 (janv.-fév. 4329).
Ayant trouvé en chemin un camp arabe, ils en reçurent du
chef de la tribu l'invitation de s'y arrêter. Abou-Fares accepta,
mais Abd-el-Hack continua sa route et atteignit Tlemcen. Le
sultan apprit cet événement par courrier, et, sans perdre un
instant, il fit partir son serviteur et caïd, Mohammed-Ibn-el-
Hakîm, à la tète d'un détachement de l'armée et de la brigade
chrétienne. Au point du jour on arriva chez la tribu,. et ayant
cerné la tente où Abou-Fares se tenait, on le somma à se rendre.
Il s'y refusa et fit une vigoureuse résistance jusqu'à ce qu'il
' Pour avoir la bonne leçon tiël, il faut ajouter un point à la lettre
ba du mot tebel, dans le texte imprimé.
478 HISTOIRE DES BERBÈRES.
entretenu une correspondance secrète avec l'ennemi et laissé
graudir la puissance des Abd-el-Ouadites , afin de pouvoir
maintenir l'influence qu'il exerçait sur l'esprit du souverain.
Tant qu'il s'était occupé à défendre et à gouverner Bougie
sans le concours de son maître, on l'avait laissé faire; mais,
après la démonstration opérée de ce côté par le sultan Abou-
'l-llacen et la retraite des assiégeants, quand le sultan Abou-
Yahya-Abou-Bekr s'y fut porté pour renverser la forteresse
de Temzezdekt , les gens qui entouraient le prince renouve
lèrent, avec succès, leurs accusations contre le trop puis--
sant chambellan. Dans le mois de Rebià de l'an 733 (fin de 4 332),
le sultan étant de retour à Tunis, sortit enfin de son apathie et
fit arrêter Ibn-Séïd-en-Nas dont la domination lui était devenue
insuportable. Pour arracher au prisonnier les trésors qu'il avait
amassés on lui fit subir divers genres de tortures ; mais il n'en
lâcha pas la moindre parcelle, et, pendant ses souffrances, il ne
cessa d'implorer la miséricorde du sultan en lui rappelant qu'Us
avaient sucé le même lait, qu'ils avaient été élevés ensemble, et
que son père avait rendu de loyaux services à l'empire. Irrité
enfin par l'intensité de la douleur, il se répandit en injures contre
le monarque, et au milieu de ces invectives, on l'assomma de
coups de bâton. Son corps fut traîné hors de la ville et jeté au
feu. Telle fut la fin de sa puissance ; elle disparut comme si
elle n'avait jamais existé. Dieu conduit toute chose au terme
preseritl
Le secrétaire Abou-'l-Cacem-Ibn-Abd-el-Azîz obtint alors la
place de chambellan. Il avait quitté le Hamma [de Matmata] lors
de la reconnaissance d'Abd-cl-Ouahed-Ibn-el-Lihyani par Ibn-
Mekki, et, étant venu joindre le sultan qui marchait contre Tem
zezdekt, il resta auprès de lui et l'accompagna ensuite à Tunis.
Après l'arrestation d'Ibn-Séïd-en-Nas, il fut revêtu des fonctions
de chambellan, et comme la faiblesse de sa santé l'empêchait de
prendre part aux opérations militaires, le sultan confia à son
favori*, Mohammed-Ibn-el-Hakîm, l'administration de la guerre
M
APPENDICES.
i.
• Voy. 1. 1, p. 343.
* Daos les chapitres que nous donnons ici, En-Noweiri expose l'ori
gine des Zirides d'après Ibo-Cheddad, historien qui appartenait à cette
famille et qui cherchait toujours à en relever l'importance. Dans
l'exécution de sa tâche, il n'a pas hésité de confondre les faits et les
personnes, de sacrifier la vérité de l'histoire, d'altérer les dates et d'i
maginer une généalogie qui pùt rattacher son aïeul Ziri aux Himyerites,
ancienne et illustre dynastie des Arabes antéislamiques. Nous avons,
toutefois, reproduit les premiers chapitres de ce roman parce qu'ils
renferment quelques détails qui paraissent étre vrais et quelques faits
auxquels d'autres historiens ont fait allusion.
184 APPENDICE N° I.
Caïs, fils de Moaouïa, fils de Djochem, fils d'Abd-Chems, fils deji
Ouathel, [fils de HaidaD,] fils d'El-Ghauth, fils de Coten, fils
d'Auf, fils d'Arîb, fils de Zoheir, fils d'Aïmen, fils d'El-Homeiça,
fils d'Amr, fils de //imi/er-el-Arendjedj, fils de Seba1, fils de
Yechdjob, fils de Yarob, fils de Kahtan, fils d'Aber (Heber),
lequel est le même personnage que Houd*.
Telle est la généalogie donnée par Ezz-ed-Dîn-Abou-Moham-
med-Abd-el-Azîz, fils de Cheddad, fils d'El-Moëzz, fils de Badîs,
dans son ouvrage historique intitulé El-Djemê ou El-Baïan fi
Akhbar il-Maghreb ou el-Cairouan, (Recueil et Elucidation,
touchant l'histoire du Maghreb et de Cairouan.)
Ce fut en l'honneur de cette famille qu'un poète composa les
vers suivants :
Possesseurs d'un royaume et d'une couronnequi futjustement
fière d'emprunter l'éclat de leui gloire,
Ces princes jetèrent les fondations de la digue de Mareb »,
ouvrage colossal qui n'aurait cependant pas suffi à contenir
le torrent de leur générosité.
3
■ Les Khozâa, tribu descendant de Eeblan, frère de Himyer l'ancien,
possédèrent, pendant an temps considérable, l'intendance de la Câba
on temple de la Mecque, et les Beni-Soufa, une de leurs familles, y
présida aux cérémonies du pèlerinage. — Voy. VEstai de M.C. de
Percerai, t. i, p. 320.
1 Septsourates du Coran commencent par un mot cabalistique formé
des deux lettres ha (h) et mim (m). Une sourate, la 20*, porte en tôle
les lettres ta (l) et hé (h).
3 Mahomet, soutenu par les Aous et les Khazredj, descendants de
Kehlan, remporta la victoire dans ces trois expéditions.
1 Ce fut El-Abbas, oncle de Mahomet, qui rallia les Aous et les Khaz
redj à la bataille de Honein. — Voy. VEssai déjà cité, t. m, p. 350.
5 C'est probablement lbo-Cheddad dont Eo-Noweiri cite ici les
paroles.
6 Selon l'auteur de l'Essai, les Abyssins conquirent une partie du
Yémen dans le iv* siècle de nôtre ère et se rendirent maîtres de toute
cette province en l'an de J.-C. 535, après avoir renversé la dynastie des
rois himyerites.
7 Bs-Chihr, village situé dans l'Arabie heureuse, entre Aden et
Zafar, donna son nom à une province dont Zafar devint, plus lard, la
cipitale. — Consultez sur la ville et la province de Chihr la Géographie
d'Aboulfeda, traduite par M. Reinaud, t. t. pp. 444 et 424, et les notes
de ce savant orientaliste.
48G APPENDICE N0 I.
déchue, le salua et lui demanda le motif qui l'y avait amené.
El-Mothenna répondit que les Abyssins venaient d'enlever l'em
pire à la maison de Himyer. Alors le devin lui adressa ces pa
roles : a Va fixer la demeure dans le pays du Maghreb; il
» arrivera à tes enfants de grandes choses. Plusieurs d'entre
» eux régneront ; ils se succéderont dans le commandement et
» leur dynastie subsistera longtemps. » Encouragé par cette
prédiction, El-Mothenna partit pour le Maghreb. Là il fit part à
ses fils des paroles du devin et ceux-ci les transmirent à leurs
enfants. A l'époque où Menad, fils de Menkouch, vint au monde,
its nourrissaient encore l'espoir que leur famille régnerait un
jour. Menad acquit, en grandissant, une force extraordinaire, et
eut beaucoup de richesses et d'enfants. Son hospitalité envers
les voyageurs fut si grande que partout on s'entretenait de lui
et que sa renommée fut portée au loin. Une mosquée qu'il avait
fait construire fut le lieu où tous les voyageurs allaient des
cendre. Il s'y rendait lui-même régulièrement pour faire la prière,
et, chaque fois qu'il y voyait un étranger, il le saluait, l'amenait
chez lui et le traitait avec de grands égards ; puis, lors du départ
de son hôte, il lui donnait des vivres, des vêtements et de l'argent.
Telle fut son habitude quand, un certain jour, on vint lui an
noncer qu'un voyageur était arrivé à la mosquée et qu'il se disait
venir du pèlerinage. Comme c'était alors l'heure de la prière qui
se fait après midi, Menad se rendit à la mosquée et, quand il eut
acquitté les devoirs de la religion, il salua l'étranger et lui de
manda qui il était et d'où il venait. « Je suis natif du Maghreb,
» répondit le voyageur; je suis allé faire le pèlerinage, mais, à
» mon retour, j'ai été attaqué par des brigands, dépouillé et
» séparé de mes compagnons de voyage. Arrivé en Ifrîkïa, j'en-
» tendis parler de l'hospitalité de Menad, et, pour cette raison,
» je viens lui demander des secours afin de pouvoir continuer
» ma route et revoir ma famille. » — « Tu la reverras, lui
» répondit Menad, sois de bon courage. » L'ayant alors conduit
chez lui, il lui fit servir une collation, et l'ayant ensuite laissé
seul, en lui disant de se reposer, il alla égorger un mouton et
préparer un grand repas. Quand le voyageur eut achevé de
BN-NOWBIRI. 487
manger, il examina attentivement l'omoplate du mouton , le
tournant, le retournant, et jetant sur Menad des regards étonnés :
« Pourquoi me regardes-tu? lui dit Menad; pourquoi examiner
cet os de mouton ?—Ce n'est rien ; lui répondit l'étranger. — Par
Allah I il faut que lu me le dise. — As-tu une femme enceinte?
— Oui, dit Menad. — En as-tu déjà eu des enfants ? — Non,
mais j'en ai eu d'autres femmes. — Fais les mois voir.» Après
les avoir bien examinés il demanda à Menad s'il en avait d'autres.
— Je n'ai que ceux-là , répondit Menad. — « Puisqu'il en est
» ainsi, aie grand soin de ta femme qui est enceinte, car, par
» Allah I elle donnera le jour à un enfant qui deviendra maître
» de tout le Maghreb et dont les fils régneront après lui. —
» Par Allah I s'écria Menad, nous n'avons jamais cessé d'espérer
» qu'il naîtrait dans notre famille un enfant tel que tu me l'an-
» nonces ; c'est une tradition que nous tenons de nos aïeux, mais
» nous ignorions de quelle branche il sortirait. Tu nous ap-
» prends donc une chose à laquelle nous nous attendions depuis
» longtemps. »
Ensuite, dit l'historien, Menad traita son hôte avec de grands
égards jusqu'à ce qu'il se remit en route.
' Les Maghîla habitaient les plaines du bas Chelif, depuis la mer
jusqu'à Mazouna.
EK-KOWËIRI. 489
sur le lieu où il bâtit, plus tard, la ville d'Achîr. Cet endroit
était alors inhabité, mais il renfermait plusieurs sources d'eau.
FONDATION D'ACHÎn.
PIN DE L'EXTRAIT.
lI.
INTRODUCTION.
4° Le savoir film);
2° La justice (adalaj;
3° Les moyens d'action suffisants (kifaïa) pour exécuter ses
décisions ,
4° L'usage des cinq sens et des quatre membres du corps
(selama-t-et-hawass oua-'l-âdaï) ;
5° La parenté (neceb) avec les Coreich, tribu de Mahomet.
4° L'islamisme;
2° L'état d'homme libre ;
3° Le sexe masculin ;
4° L'état de la raison ;
5° L'âge de la majorité.
1 Variante : Kenaza.
1 lazrout est situé à deux ou trois lieues au sud-ouest de Mtla.
1BN-KHALDO1N. 513
Ibn-Nouh, chef des Latana, afin de le décider à quitter le parti
des coalisés et à faire la paix. Cette démarche n'eut aucun succès,
et Abou-Abd-Allah, qui l'avait provoquée, marcha contre ses
adversaires et les mit en fuite. Arouba-Ibn-Youçof-el-Melouchi
se distingua par sa bravoure dans cette journée dont les suites
furent très-importantes : tous les Ghasman, les Lehîça et même
les tribus de Belezma se rangèrent sous le drapeau du vainqueur.
Les Addjana vinrent aussi se joindre à lui, sous la conduite de
Makînoun-Ibn - Debara et Abou-Zaki -Temmam-Ibn-Moarek.
Feredj-Ibn-Kheiran,chef des Addjana, Youçof-Ibn- Mahmoud et
Fahl-Ibn-Noub, chefs des Latana, parvinrent à se réfugier dans
Mîla. Feth-Ibn-Yahya rassembla tous les membres de sa tribu, les
Messalta, qui reconnaissaient encore son autorité et se prépara
au combat ; mais ses troupes furent mises en déroute par celles
d'Abou - Abd - Allah, et les fuyards, qui s'étaient jetés dans
Setîf, embrassèrent la cause du vainqueur. Feth-Ibn-Yahya, leur
ancien chef, fut remplacé par Haroun-Ibn-Yahya, membre de
la même tribu, et obligé de se réfugier chez les Addjîça. Un
nouveau corps do troupes qu'il parvint à rassembler s'enferma
avec lui dans une des places fortes de ce pays , mais leur asile
fut bientôt assiégé et pris. Abou-Abd-Allah ayant alors réuni
sous ses drapeaux les Addjiça, les Zouaoua et toutes les fractions
de la grande tribu des Ketama, revint à Tazrout d'où il répandit
ses émissaires dans tout le pays.
Pendant que les populations de la province faisaient leur sou
mission, les unes de bon gré, les autres contraintes par la force
des aru.es, Feth-Ibn-Yahya se rendit à Tunis afin de porter
l'émir aghlebide, Ibrahîm-Ibn-Ahmed, 5 se mettre en campagne.
Le Chîï'te s'empara alors de Mîla par la trahison d'un des habi
tants, et, en ayant tué le gouverneur, Mouça-Ibn-Aïach, il le
remplaça par Abou-Youçof-Makînoun-Ibn-Debara-el-Addjani.
Ibrahîm, fils de Mouça-Ibn-Aïach, parvint à joindre Abou-'l-
Abbas l'aghlebide, fiis d'Ibrahîm, qui se trouvait alors à Tanis,
son père étant purti pour la Sicile. Abou-'l-Abbas avait déjà vu
arriver Feth-Ibn-Yahya-el-Messalti, et lui avait promis des se
cours ; aussi fit il partir sur-le-champ ces deux chefs, accom-
t. u. 33
514 APPENDICE N° II.
pagnés d'un corps de troupes sous les ordres do son fils Abou-
'l-Khawal'. Cetle expédition quitta Tunisen l'an 289 (902) et
soumit les Ketama ; ensuite elle se dirigea sur Tazrout et mit en
fuite les troupes qu'Abou-Abd-Allah avait concentrées auprès de
la ville de Melouça*. Le Chute abandonna aussitôt la forteresse
de Tazrout et courut s'enfermer dans lkdjan. Abou-'l-Khawal
marcha contre lui, après avoir démantelé Tazrout; mais, à
mesure qu'il s'avançait dans le territoire des Ketama, les diffi
cultés s'augmentèrent et le découragement se mit alors par/ni ses
troupes. Ibrahîm, fils de Mouça-Ibn-Aïach, ayant été envoyé à
la découverte du côté de Mîla, vit son détachement mis en dé
route par les insurgés et eut beaucoup de peine à leur échapper
et à rentrer au camp. La position d'Abou-'l-Khawal empira
tellement qu'il évacua lo pays des Ketama.
Abou-Abd-Allah établit alors sa demeure à lkdjan, où il
fonda une ville qu'il appela Dar-el-Hidjra (maison de la re
traite), et, comme son pouvoir était devenu trop grand pour être
méconnu, il rallia à sa cause une foule de tribus. Quelque temps
après, El-Hacen-Ibn-Haroun cessa de vivre, et Abou-'l-Khawal,
qui avait été placé par son père, Abou-'l-Abbas, à la téte d'une
seconde expédition, envahit de nouveau le pays des Ketama.
Cette tentative n'eut point de succès, et le prince aghlebide dut
rétrograder vers une position d'où il pourrait mieux s'opposer
au progrès de l'ennemi. Sur ces entrefaites eurent lieu la mort
d'Ibrahîm-Ibn-Ahmed l'aghlebide et l'assassinat de son fds Abou-
'l-Abbas. Zîadet-Allah prit alors le commandement de l'état et fit
mourir Abou-'l-Khawal qu'il avait rappelé à Tunis. S'étant
ensuite transporté à Raccada, il se plongea dans la débauche,
pendant que l'autorité du Chîïte grandissait tous les jours et que
les armées de cet aventurier envahissaient le territoire de l'em-
■
536 APPENDICE K" rr.
approvisionnements de guerre. Rechîc , secrétaire d'état , et
Yacoub-Ibn-lshac eurent le commandement de cette expédition.
Aussitôt après leur départ, El-Mansour se mit en campagne ;
mais, cédant aux instances de ses officiers, il revint sur ses pas.
La garnison de Souça, aidée par les troupes que la flotte y avait
débarquées, fit une sortie contre Abou-Yezîd, tailla en pièces
ses troupes, livra leur camp au feu et au pillage. Les fuyards
cherchèrent à se réfugier dans Cairouan, mais les habitants leur
fermèrent la porte de la ville. Abou-Yezîd se dirigea alors vers
Sbîba, emmenant avec lui le gouverneur qu'il avait installé
dans Cairouan et que les habitants venaient d'expulser. Ceci se
passa dans le mois de Choual 334 (mai-juin 946).
Après le départ de ce chef, El-Mansour arriva dans Cairouan
et accorda une amnistie aux habitants ; il respecta même les
femmes et les enfants d'Abou-Yezîd qui y étaient restés, et il
leur accorda des pensions pour leur entretien. Une division de
son armée sortit alors pour reconnaître les mouvements de l'en
nemi, mais elle fut attaquée et mise en déroute par un détache
ment qu'Abou-Yezîd avait mis en campagne pour découvrir ce
qui s'y passait. Ayant de nouveau raffermi son autorité parcelte
■victoire, Abou-Yezîd rassembla assez de troupes pour faire lo
siége de Cairouan. El-Mansour retrancha son armée et attendit
l'assaut : dès le premier jour, la fortune se déclara pour lui ,
dans le second, il attaqua l'ennemi avec avantage et conserva sa
position jusqu'à ce qu'il eut rallié les secours qui lui arrivaient
d'El-Mehdïa et de Souça. Découragé par cette vigoureuse résis
tance, Abou-Yezîd s'éloigna, vers la fin du mois de Dou-'l-
Hiddja ; puis, au bout de quelque temps, il révint à la charge.
Dans les combats qui s'ensuivirent, les revers balançaient les
succès ; mais enfin, El-Mehdïa et Souça se virent encore sérieu
sement menacées par les troupes de cet aventurier. Pour le dé
cider à la retraite, El-Mansour lui rendit ses femmes et ses
enfants, auxquels il donna de riches cadeaux ; il s'attendait alors
à quelque répit, puisqu' Abou-Yezîd lui avait promis, sous foi
do serment , qu'il décamperait ; mais au 5 Moharrem 335
{août 946), il s'en vit attaquer de nouveau. Bien que, dans les pre
1B?<-KHALDO1?C. 537
miers jours, la fortune ne le favorisât guère, ii réussit, le 15 du
même mois, à prendre sa revanche.
Ayant placé les Berbères à l'aîle droite de son armée et les
Ketama à l'aîle gauche , il se tint lui-même au centre avec
ses propres troupes. Abou-Yezîd commença la bataille par une
charge contre l'aîle droite, et, après l'avoir culbutée, il essaya
d'enfoncer le centre. Comme El-Mansour demeura inébranlable,
le combat se soutint avec acharnement ; enfin, l'armée du princo
fatemide chargea comme un seul homme, renversa les rangs des
insurgés, s'empara de leurs bagages et tua tant de monde que
le nombre des têtes apportées à Cairouan et livrées aux enfants
de la ville pour leur servir de jouets, montait à dix mille. Abou-
Yezîd s'enfuit du champ de bataille et tâcha de se réfugier dans
Baghaïa, mais les habitants refusèrent de lui ouvrir les portes. '
Il tenta alors d'y mettre le siége, mais l'approche d'El-Mansour
l'obligea à décamper. Ce prince était parti de Cairouan dans le
mois de Rebiâ premier [ octobre 946], après y avoir laissé
comme lieutenant Meraii l'esclavon, et bientôt après, il parut
devant Baghaïa. Chaque fois que son adversaire se dirigeaitvers
une forteresse, il l'y avait déjà dévancé, et arrivé à Tobna, il
reçut une communication importante deMohammed-Ibn-el-Kheir,
seigneur du Maghreb central et partisan d'Abou-Yezîd. Ce chef,
qui commandait aux Maghraoua, sollicita et obtint d'El-Man
sour sa grâce pleine et entière à la condition d'aider à la pour
suite des rebelles. Abou-Yezîd se trouvait chez les Beni-BerzaI,
tribu qui professait les doctrines des Nekkarïa, quand l'approche
d'El-Mansour fut annoncée. Il passa dans le Désert et reparut
bientôt après dans le pays des Ghomert. Là encore il se rencon
tra avec El-Mansour, et, ne pouvant soutenir la cha.rge impé
tueuse que ce prince dirigea contre lui, il s'enfuit vers le Salat.
Poursuivi à travers les précipices et les défilés de cette montagne,
il se jetta encore dans le Désert, et El-Mansour, sachant que
son adversaire ne pouvait atteindre le Soudan à cause des soli
tudes affreuses qu'il lui aurait fallu traverser, rentra chez les
Ghomert pour l'y attendre, pendant que les bandes de Khazer
marchaient sur la piste des fuyards. Arrivé daus le pays des
538 APPENDICE K" II.
Sanhadja, au milieu des Ghomert, El-Mansour fut accueilli aveo
de grands honneurs par le chef sanhadjien , Zîri-Ibn-Menad.
Une maladie l'ayant contraint à s'arrêter dans cette contrée,
Abou-Yezîd profita d'une si favorable occasion et vint mettre le
siége devant El-Mecila. Au 1er Redjeb 335 (fin de janvier 9t7),
El-Mansour se trouva assez bien portant pour aller au secours de
cette ville et refouler l'ennemi dans le Désert. Abou-Yezîd voulut
alors se rendre dans le Soudan, mais les Beni-Kemlan refusèrent
de l'y accompagner, et il se trouva obligé de se jeter avec eux
dans les montagnes des Kîana et des Adjîça. Le 10 du mois de
Châban (6 mars), il se vit bloqué dans ses retranchements et en
sortit pour repousser les assaillants; mais, ayant essuyé de
nouveaux revers, il prit la fuite pendant que ses partisans et
même ses fils mettaient bas les armes. Poursuivi par quelques
cavaliers, il fut atteint d'un coup de lance qui le jeta au bas de
de son cheval. Ses amis vinrent à son secours et une mêlée s'en
suivit dans laquelle plus de dix mille hommes perdirent la vie.
Parvenu encore à s'échapper, il occupa une position tellement
escarpée qu'aucun moyen de retraite ne lui resta. El-Mansour,
qui n'avait cessé de le poursuivre depuis le commencement de
Bamadan (fin de mars), l'attaqua vivement, mit ses partisans en
déroute, s'empara de leurs bagages et les força à se réfugier sur
les cîmes de la montagne. Ils s'y défendirent encore en lançant des
pierres sur leurs adversaires, et bientôt, les combattants se
trouvèrent tellement rapprochés qu'ils purent se battre corps à
corps. La nuit vint mettre fin à ce conflit sanglant et Abou-Yezîd
s'enferma dans le château de Kîana. Tous les Hoouara qu1
l'avaient accompagné jusqu'à ce moment, prirent le parti de faire
leur soumission. El-Mansour attaqua le château à plusieurs
reprises et parvint à y mettre le feu. De tous les côtés on mas
sacra les compagnons d'Abou-Yezîd qui tâchaient de s'échapper,
et, pendant ce temps, les enfants de ce chef intrépide se tenaient
dans le château. A l entrée de la nuit, El-Mansour fit mettre le
feu aux broussailles, afin de miéux découvrir les personnes qui
chercheraient à s'évader ; mais, au point du jour, les amis
d'Abou-Yezîd firent une sortie et frayèrent un passage à leur
iBN-SHALDOUK. 539
chef à travers les rangs des assiégeants. Les troupes d'El-Man-
sour les eurent bientôt atteints, et Abou-Yezîd, affaibli par sa
blessure, glissades bras des trois hommes qui l'emportaient et
tomba dans un précipice. Il en fut retiré vivant et déposé aux
pieds d'El-Mansour, qui se prosterna pour remercier Dieu. Dès
ce moment Abou-Yezîd resta en détention auprès du prince fate-
mide, et vers la fin de Moharrem 336 (août 947), il mourut de
ses blessures. Son cadavre fut écorché et sa peau, remplie de
paille, fut placée dans une cage pour servir de jouet à deux
singes qu'on avait dressés à ce métier, El-Mansour prit alors la
route de Cairouan pour se rendre à El-Mehdïa *.
Fadl, fis d'Abou-Yezîd,' alla trouver Mâbed-Ibn-Khazer et
marcha avec lui contre Tobna et Biskera ; mais ils durent se je
ter dans les montagnes de Kîana pour échapper à la poursuite
d'El-Mansour. Chafè et Caïcer, affranchis de ce monarque, con
duisirent une armée contre eux, et Ziri-Ibn-Menad assista à cette
expédition avec sa tribu, les Sanhadja. Les deux rebelles finirent
par prendre la fuite, leurs partisans se dispersèrent et El-Man
sour rentra enfin à Cairouan.
' Reddjar est le nom donné par les historiens arabes à Roger I et à
Roger II, rois de Sicile. Il est à peine nécessaire de relever l'étrange
anachronisme de notre auteur.
* La vie de ce médecin célèbre a été donnée par le biographe Ibu-
Âbi-Osaïbïa. Elle se trouve traduite dans ï'Abd Allatif de M. de Sacy,
p. 43. Ibn-Abi-Osaïbïa dit qu'Israili mourut vers l'an 320, mais l'anec
dote racontée par Ibn-Khaldoun démontre que cet événement D'a pu
avoir lien qu'après l'an 314 . Dans ma traduction d'Ibn-Khallikan,
vol. i, p. 220, cette même anecdote est reproduite.
542 AFPINMCI K° II.
sion des Beni-Kemlan et des Melîla, tribus hoouariennes. Il
agréa aussi la soumission de Mohammed-Ibn-Khazer qui, depuis
la mort de son frère Mâbed, n'avait cessé de solliciter sa grâce.
Laissant alors le commandement des troupes à son affranchi
Caïcer. gouverneur de Baghaïa, il rentra à Cairouan. Caïcer
travailla à soumettre les contrées voisines et, ayant gagné par
sa douceur les cœurs des Berbères et rallié les populations qui
avaient émigré, il conduisit leurs chefs à Cairouan. El-Moëzz leur
accorda à tous de riches cadeaux et une réception honorable.
Mohammed-Ibn-Khazer le maghraouien y arriva ensuite, et,
touché de l'accueil plein de bienveillance que lui fit El-Moëzz,
il ne le quitta plus et mourut à Cairouan, en l'an 348 (959-60).
En l'an 343 ( 954-5 ), El-Moëzz rappela d'Achîr Zîri-Ibn-Me-
nad, émir des Sanhadja, et, lui ayant fait un riche présent, il le
renvoya dans son gouvernement. L'année suivante il envoya à El-
Hacen-Ibn-Ali, gouverneur de la Sicile, l'ordred'opérer une des
cente sur la côte d'Espagne. Cet officier ravagea le territoire
d'Almeria et rapporta en Sicile un bntin considérable et beaucoup
de prisonniers. En-Nacer, le souverain espagnol, confia aussitôt à
son affranchi Ghaleb le commandement d'une flotte et l'envoya
sur les côtes de l'Ifrîkïa. N'y pouvant effectuer un débarquement
à cause de la résistance que lui opposèrent les troupes d'El-
Moëzz, Ghaleb remit à la voile; mais, étant revenu dans les
mêmes parages l'année suivante avec une flotte de soixante-dix
navires, il incendia Mersa-'l-Kharez, dévasta les environs de
Souça et ravagea le territoire de Tabarca.
El-Moëzz parvint toutefois à étendre son autorité en Ifrîkïa et
en Maghreb : le nombre de ses sujets s'accrut tous les jours,
et la région qui s'étend depuis Ifgan, ville située à trois journées
de marche au-delà de Tèhert, jusqu'à Er-Rammada, endroit
situé en-deça de la frontière égyptienne, le reconnut pour maî
tre. Tèhert et Ifgan avaient pour gouverneur Yala-Ibn-Moham-
med l'ifrenide; Achîretses dépendances obéissaient àZîri-Ibn-
Menad le sanhadjien; El-Mecîla et les contrées voisines étaient
sous le commandement de Djafer-Ibn-Ali-el-Andeloci; Baghaïa
reconnaissait l'autorité de Caïcer l'esclavon ; Fez celle d'Ahmed
W5-KlHLDOU!f. 543
Ibn-Bekr-Ibn-Abi-Sehl-el-Djodami, et Sidjilmcssa celle de Mo-
hamed-Ibn-Ouaçoul le miknacien.
En l'an 347 (958-9), El-Moëzz apprit que Yala-Ibn-Moham-
med l'ifrénide entretenait une correspondance avec les Oméïades
espagnols et que le Maghreb-el-Acsa venait de repousser la domi
nation des Fatemides. Cette nouvelle le décida à y envoyer une
armée sous la conduite de sou vizir, le kateb (secrétaire) Djouber
l'esclavon '. Zîri-Ibn-Menad, gouverneur d'Actrîr, et Djafer-Ibn-
Ali, seigneur d'El-MecîIa, accompagnèrent cette expédition, ainsi
que Yala-Ibn-Mohammed, seigneur du Maghreb central. Quand
cette armée passait par Ifgan, une rixe éclata parmi les troupes de
l'arrière-gaide, et Djouber, à qui on vint annoncer que les Ilré-
nides pillaient les bagages, ordonna l'arrestation de Yala qui fut
aussitôt tué à coups de sabre par les Ketamiens. Ifg;in fut sac
cagée, ut Yeddou, fils de Yala, fut mis en arrestation. Djouher
marcha ensuite sur Fez avec l'intention d'y assiéger Ahmed-Ibn-
Bekr-el-Djodami, mais la résistance que cette ville lui opposa le
décida à suspendre l'attaque et à décamper. Il prit alors la route
de Sidjilmessa où Mohammed-Ibn-el-Fcth-Ibn-Ouaçoul gouver
nait sous le titre d'Emir-el-Moumenin (commandant des
croyants), après avoir fait graver son nom sur les monnaies
ainsi que l'inscription suivante : tacaddecet ezzet Allah (que la
gloire de Dieu soit vénérée). Ce prince, averti de l'approche de
l'ennemi, avait pris la fuite, mais il fut fait prisonnier et livré
à lijunher. L'armée fatcmide se rendit ensuite jusqu'au bord de
l'Océan [atlantique], soumettant tous les pays qu'elle traversait,
et, revenu sous les murs de Fez, elle l'emporta d'assaut. Zîri-Ibn-
Menad eut l'honneur de cette conquête, ayant escaladé la place
pendant la nuit. Fez succomba en l'an 348 (959-60). Le gouver
neur, Ahmed-Ibn-Bekr, tomba entre les mains des vainqueurs et
fut remplacé par un serviteur de Djouher ; tous les préfets que
■
571- APPENDICE N° V.
qu'ils s'installaient alors dans les maisons des habitants, après
on avoir expulse les maîtres. Le Mehdi ayant demande aux pères
pourquoi leurs enfants étaient blonds tandis qu'eux-mêmes
étaient bruns, ils lui racontèrent la conduite des mamlouks, et,
comme il leur reprocha leur lâcheté en souffrant une pareille
indignité, ils lui firert cette réponse : « Comment pouvons-nous
» l'éviter ; nous ne sommes pas les plus forts. » — Il leur dit :
« La prochaine fois que ces gens viendront ici, laissez-les s'ins-
« taller chez vous, et, alors, que chacun de vous tue son hôte.
» Vous n'avez rien à craindre des conséquences, car votre mon-
» tagne est imprenable. » Ils suivirent ce conseil et massa
crèrent les mamlouks ; puis, craignant la vengeance de l'Emir
des musulmans, ils se retranchèrent dans leur montagne, à la
grande satisfaction du Mehdi, et soutinrent un long blocus contre
les troupes almoravides. La disette devint enfin si grande que
les compagnons du Mehdi n'eurent plus de pain et durent se
contenter, chaque jour, d'un plat de bouillie que leur maître
faisait apprêter et dont chaque individu prenait autant qu'il
pouvait saisir, en une seule fois, avec la main. Comme les prin
cipaux habitants finirent par vouloir un raccomodement avec
l'Emir des musulmans, le Mehdi dut prendre des mesures contre
eux, et, en l'an 519 (H 25-6), il eut recours aux services d'un
de ses aflidés, Abou-Abd-Allah-el-Ouancherîchi , personnage
dont il faisait grand cas. Cet individu avait étudié secrètement
le Coran et la jurisprudence sous la direction de son maître;
mais, en public, il eut l'air d'un ignorant, et, pour mieux trom
per son monde, il avait pris les dehors d'un idiot, la bouche
ruisselante de bave. Ibn-Toumert s'étant concerté avec lui, se
rendit un jour à la mosquée, avant l'aurore, afin d'y faire la
prière, et, ayant remarqué auprès du mihrab un homme bien
habillé et parfumé, il lui demanda qui il était. L'autre répondit :
« Abou-Abd-Allah-el-Ouancherîchi. » Quand la prière fut ter
minée, Ibn-Toumert fit signe aux assistants d'approcher et leur
dit : « Voici un homme qui prétend être Abou-Abd -Allah du
» mont ,Ouanchcrîch ; voyez si c'est bien lui. » Comme le jour
commençait à se montrer, ils purent facilement reconnaître que
IBN-EL-ATHÏR. 575
c'était effectivement celui qu'ils avaient cru un pauvre idiot.
Alors Ibn-Toumert montra un feint étonncment et demanda à
cet homme ce qui lui était arrivé. El-Ouancherîchi répondit :
« Cette nuit, un ange venu du ciel m'a lave le cœur et m'a en-
» seigné le Coran, les traditions, le Mouatta [ouvrage de juris-
» prudence composé par l'imam Malek] et autres livres. »
Questionné sur ce qu'il avait appris, il récita, d'une très-belle
voix, tous les passages du Coran que son maître lui demandait;
il montra, do même, une parfaite connaissance du tlouatta et de
plusieurs traités qui ont pour sujet le droit et la théologie dog
matique- Cette scène remplit les assistants d'admiration. Alors
El-Ouancherîchi leur dit : « Dieu très-haut m'a communiqué
» une lumière par laquelle je saurai distinguer les hommes
» prédestinés au paradis d'avec les réprouvés, gens voués à
» l'enfer. Il vous ordonne de faire mourir ceux-ci, et pour
» prouver la vérité de mes paroles, il a fait descendre plusieurs
» anges dans le puits qui est à tel endroit, afin qu'ils portent
» lémoisnage de ma véracité. » Aussitôt tout le monde se rendit
au puits, en versant des larmes de componction, et Ibn-Tou
mert, s'étant placé auprès de la margelle, fit une prière et pro
nonça ces paroles : « Anges de Dieu ! Abou-Abd-Allah-el-
» Ouancherîchi dit-il la vérité? » Alors des individus qu'il avait
fait secrètement cacher dans le puits, répondirent : « Oui, il est
» véridique! » Ayant reçu ce témoignage, il se tourna vers le
peuple et leur dit : « Ce puits est pur et saint, car les anges y
» sont descendus ; aussi, ferions -nous bien de le combler pour
» empêcher qu'il soit souillé par des ordures. » Tous s'em
pressèrent d'y jeter des pierres et de la terre, et bientôt, ils
l'eurent complètement rempli. Alors Ibn-Toumert fit proclamer
dans la montagne que tous les habitants eussent à se rassembler
auprès du puits, afin do subir un triage. Quand tout le monde
fut réuni, El-Ouancherîchi plaça successivement à sa gauche
tous les hommes dont il se méfiait et il ordonna aux autres de se
mettre à sa droite. Cette opération achevée, il indiqua les gens
de gauche, en disant : « Voilà les réprouvés ! » Aussitôt, les élus
se jetèrent sur ces malheureux et les lancèrent dans un préci
576 APPENDICE N° T.
pico. De cette façon, Ibn-Toumert raffermit complètement son
autorité et se débarrassa de sept mille individus qui lui avaient
donné ombrage. Tel est le récit que m'ont fait plusieurs Maghre
bins d'un grand mérite ; mais d'autres m'ont raconté le même
événement d'une manière différent. Selon eux, Ibn-Toumert
remarqua qu'il y avait un grand nombre de malfaiteurs et de
gens pervers parmi les habitants de la montagne. Il fit, en consé
quence, venir les cheikhs de tribu et leur dit : « Vous ne saurez
» maintenir votre religion dans sa pureté et sa force sans obliger
» le peuple à pratiquer le bien et à éviter le mal. Vous devez
» aussi expulser de chez vous les gens pervers. Recherchez donc
» tous les malfaiteurs qui pourront se trouver au milieu de
» vous, et infligez-leur des amendes. S'ils vous écoutent, lais-
» sez-les tranquilles ; si non, écrivez leurs noms sur un papier
» et faites-le moi parvenir. » Il leur demanda ensuite une se
conde série de listes, et puis une troisième. Quand il eut toutes
ces pièces sous la main, il prit note des noms qui s'y trouvaient
répétés et mit cette nouvelle liste entre les mains d'El-Ouanche-
rîchi, surnommé El-Bechîr. Ayant alors convoqué une assemblée
générale de toute la population, il ordonna à El-Ouancherîchi de
passer les tribus en revue et de placer à sa gauche tous les indi
vidus dont les noms se trouvaient sur la liste. Quand cette
opération fut terminée, Ibn-Toumert fit lier ces misérables et
donna aux gens de chaque tribu l'ordre d'ôter la vie à ceux qui
appartenaient à cette tribu. Ce fut là ce qu'on appela le jour du
triage.
T. H.
LlSTE DES COAPITRES
DU SBCOHD VOLUME.
Pacei.
Disloire des Sanhadja et des royaumes qu'ils fondèrent en
Afrique et en Espagne 1
Les Sanhadja de la première race , 4
Les Zîrides. — Bolosauîn, fils de Zîri 9
El-Mansour, fils de Bologguîn . . • , I-
Badîs, fils d'El-Mansour • . 16
El-Moëzz, fils de Badîs 4&
Temîm, fils d'El-Moézz 22
Yahya, fils de Temîm 24
Ali, fils de Yahya 25
El-Hacen, fils d'Ali 26
Les Beni-Khoraçan de Tunis 29
Les Beni-'r-Rend de Cafsa 33
Les Beni-Djamô de Cabes 34
Ibn-Matrouh, seigneur de Tripoli ♦ 37
El-Feryani [Gharîani?], seigneur de Sfax 37
Autres chefs indépendants 39
Les Hammadites — Hammad , fils de Bologguîn 43
El-Caïd, fils de Hammad 46
Mohcen, fils d'El-Caïd 46
Bologguîn, fils de Mohammed, fils do
Hammad 46
En-Nacer, fils d'Alennas, fils de Ham
mad 47
El-Mansour, fils d'En-Nacer 54
Badîs, fils d'El-Mansour 55
El-Azîz, fils d'El-Mansour 55
Yahya, fils d'El-Azîz 56
LISTE DES Cnil'ITRES.
APPENDICE N« 1.
EH-NOWSIM.
APPENDICE N° II.
IBN-KHALDODIf.
Page',
Du khalifat ot des sectes chîïtes, (par M. de Slane) .... 496
Croyances des Duodécemains 502
Croyances des Ismaïliens 504
Commencement de la dynastie obéidite 506
Le Mehdi arrive en Maghreb, est emprisonné à Sidjilmessa,
recouvre la liberté et s'empare du pouvoir 6V6
Mort d'Abou-Abd-AlIah-cs-Chîï et de son frère 521
Suite de l'histoire du Mehdi 523
Mort du Mehdi et avènement de son fils Abou-'l-Cacem-cl-
Caïm 528
Histoire d'Abou-Yezîd le kharedji te 530
Mort d'El-Caim ot avènement de son fils El-Mansour . . . 535
Suite de l'histoire d'Abou-Yezîd. — Sa mort 535
Suite de l'histoire d'El-Mansour 539
Mort d'El-Mansour et avènement de son fils El-Moëzz . . 544
Conquête de l'Egypte 545
Prise de Damas 547
El-Moëzz passe en Egypte et s'établit dans le Caire .... 549
APPENDICE N° III.
IBII-KBALDOVN.
APPENDICE N° IV.
IBN-KOALDOl N.
Pauls
Histoire des Idrîcides du Maghreb 559
APPENDICE N° V.
1BK-OL-ATHÎB.
/
INDEX DES NOMS.
El-Mélek-el-Moaddem, 91. Mermazou, 142.
— en-Nacer, 92. Mernîça, 137.
— es-Saleh, 360, 361. Beni-Merouan, 137.
Ibn-Melhem, 547. El-Merrakchi, 169, 191, 258,
Les Melkala, 237. 282.
Mellala, 56. 466. Mersa-'l-Khare:, 398.
Melli, 116. Les Mesfaoua, 160.
LesMelli, 110. Mesrour, 469.
Melouça, 514. Messala - Ibn - Habbous, 140,
Les Melouaca, 1 23. 141, 145, 516, 517, 518,
IbD-Melouyat, 170. 526, 567, 568.
Menad-Ibn-Abd-Allah, 50, 51. Les Messalta, 513.
— Ibn-Mencous, 5. Les Messoufa, 3, 64, 72, 105.
— Ibn-Menkouch, 486. Messouh, 451 .
Abou-Menad, 16. Les Metennan, 4.
Ibn-Menaghfad, 197, 284. Ibn-Methala, 447.
Beni-Menakcha, 35. Ibn-Metkoud, 103.
Menca-Gao, 146. Beni-Metkoud, 222.
— Magha, 114, 116. Metiona, 1 34.
— Mouca, 112, 113, 114, Les Metzara. 275.
116. Les Mezata, 9.
— Ouéli, 111. Mezdeli, 76, 79, 81, 176.
— Soleiman, 114. El-Mezdouri, 439.
Les Mendaça, 3. El-Mezemma, 138.
Mendîl-Ibn -Abd - er-Rahman , Beni -Mezerda, 474.
302. Ibn-Mezeroual, 174.
Ibn-Mendîl-el-^bbas, 318. Beni-Mezghanna, 5, 6.
Beni-Mendîl, 315, 316. Beni-Mezguelda, 123.
Mensoub, 216. Les Mez-Ouareth, 3.
Menzil-Dahmoun, 42. Les Miknaça, 1 49.
— Ractoum, 42. El-Milîani,'352.
Mequinez, 245, 328. Ibn-el-Milîani, 261, 267.
Beni-Meracen, 75. Ibn-el-Minhel, 521.
Merah, 537. Mithcal, 113.
El-Merakia, 397. El-Mi«ouar, 433, 435, 465,
Ibn-Mcrdenich,194, 197, 284, 466.
305, 307, 312. El-iloalleca, 27.
Merdjan, 424, 423. Moannecer, 50, 73, 74.
El-Merdjani, 410. Mobescher, 206.
•Ibn-el-Merîd, 468, 477. Beni-Mocaddem, 36, 40.
Beni-Merîn, 180, 245, 247. Moçameh, 442.
327, 346. Mocatel, 47.
Mermadj'nna, 393. Mocreb, 40.
024 1NDKX DES NOMS.
Modafé, 37, 42. Mohammed - Ibn - Eïça l'idrî
El-ModafTer, 60, 131. cide, 147.
El-Modafferi, 92. — , Ibn-Fadl, 444.
Le Mndauwena, 270. — Ibn-Ghanîa. 88,
Modjahed, 206. 96. 208, 210.
IbD-Modjahed, 79, 412. — Ibn-Ghazi, 101,
Ibn-Modjaher, 41 2. 291.
Modjîr-Ibn-Eisam, 136. — Ibn - el - Habîb ,
El - Moezz , 6, 9. 506, 509, 515.
— Ibn-Badîs,29, 44, — Ibn-el-Haddj. 81.
61. — Ibn - el - Hacen ,
— Mâdd, 149, 541. 148.
— Ibn- Mohammed , — Ibn-Houd, 181.
22, 35. — Ibn - Ibrahîm l'i
— Ibn-Motaën, 468. drîcide , 145,
— Ibn -Youçof- Ibn- 570.
Tachefîn, 155. — Ibn-Idrîs , 563 ,
— Ibn-Zîri-Ibn-Atïa, 564.
48, 49. — Ibn-Khattab, 92.
Aulad-Mohalli, 123. — Ibn-Khazer, 146,
Mohammed -Ibn-Abd-el-Caouï, 526, 549, 562.
356, 366. — Ibn - Khazroun ,
— Ibn-Abd-el-Hack, 554.
327. — Ibn-el-Kheir, 7,
— Ibn-Abi-'l-Aïeh, 537.
148. — Ibn-Meskîn, 462.
— Ibn-Ahmed l'idrî- — Ibn-Masoud, 100,
cîde, 570. 249. 223, 288.
— Ibn-Ali, 120. — ou-Meddjoun, 78.
— — el-Hintati, — Ibn-Meimoun, 26,
262. 27, 178.
— — l'idrîcide . — Ibn-Mendîl. 353.
186, 187 — Ibn-Abi-M-Olâ,
188. 268.
— — el-Koumi , — Ibn-Omar, 120,
194. 121.
Ibn-Calaoun, 452. — Ibn-Rached, 580.
— Ibn-Dawoud,463. — Ibn-Recbîd , 36 ,
— Ibn-ed-Debbagh , 37.
41,1. — Ibn-Sebà, 41. *
— Ibn-Djamê, 300. — Ibn - Soleiman ,
— Ibn-Eïça-Ibn-Da- 470, 190 , 47*,
wond, 394. 559, 570.
INDEX DES NOMS. 625
Mohammed -Ibn-Tînamer, 53, El-Mohr, 226.
54, 76. Ibn-cl-Mohteceb, 379.
— Ibn-Youcof, 204, Mohrez-Ibn-Zîad, 27, 28, 31,
442, 443, 454. 32, 42, 194.
Abou - Mohammed-Abd-Allah , El-Mokhaddeb. 480.
102, 297, El-Moktefi, 545.
298. Mokous, 70.
— — Abd-el-Oua- Les Motheda, 502.
hed, 99, Les Moletthemin, 64.
400, 101, Slonbeça. 106.
206, 285, El - Monder - Ibn - Mohammed,
286, 287. 201.
— —' Ihn-Atïa, Ibn-Monked, 245.
172. Beni-Monked, 246.
— — Ibn-Fatema , El - Mon lacer - Ibn - Khazroun ,
82. 49.
— — Ibn-Abi-Hafs El-Montakheb, 400.
101, 296. Morghem-Ibn-Saber, 389,403,
_ _ Abd - Allah , 404.
lecîd, 494 El-Morteda, 247, 254, 346.
— — le cîd, 496, Mosab-Ibn-Omeir, 561.
202, 229, Ibn-Moslem, 249.
230, 239, El-Mostadher, 82.
241. El-Mostaïn, 60, 81, 82.
— — el - Baïaci , — l'oméïade, 1 53.
230. El-Mostancer, 335, 373, 411,
— — Ibn-Ouanou- 449.
dîn, 490. — Ibn-en-Nacer ,
— — Sâd, 238. 227.
— — et-Tînmeléli, — Mâdd, 20. 21.
492. El - Motacem-Billah, 257.
— — Ibn-Younos, — Ibn-Saleh,438.
276. — Ibn-Saîd, 441.
— — Ibn-Abi-Zeid El-Motaded, 244, 507.
409. El-Motamed-Ibn-Abbad , 63 ,
Beni-Mohammed , 36 , 4 46 , 75, 78, 80.
447. Motarref-Ibn-Ali, 27, 30, 57.
— —■ Ibn-Masoud, Abou-'l-Motarref, 328.
358. El-Motewekkcl, 33, 34, 434.
El-Mohammedïa, 528. El-Motezz, 33, 34.
Mohareb-Ibn-Abboud, 567. Mothenna, 35.
Mohcen, 47, 46. El-Mothenna, 485.
Les Mohelhel, 431 . Ibn-Mothenna, 228, 293.
T it. li
626 INDEX DES NOUS.
El-Motiâ, 548. Ibn-Mozni-Mohammed , 459 ,
Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa , 441, 467.
446,492,526,529. Beni-Nal, 134.
— Ibn-Ahmed, 468. Les Nacara, 109.
— Ibn-Aïach, 513, 514. En-Nacer-Ibn-Abi-Amer, 60.
— Ibn-Ali, 120. — Ibn - Alennas , 22 ,
— Ibn-Ali-el-Hintati, 262. 23, 29, 47, 79.
— Ibn-Ali-el-Kordi, 465, — l'almohade,99,213,
477. 216.
— Ibn-Mocreb, 40. — li-dîn-Illah, 431.
— Ibn-Mohammed , 332. — Feta, 389.
— Ibn-el-Motacem , 442. — le hammadite, 23.
— Ibn-Noceir, 435, '36. — l'oméïade, 136,146.
— Ibn - en - Nacer, 239. Le Nador, 55.
— Ibn-Roumi, 142. Nudm-el-Djouher, 73, 133.
— Ibn-Saîd, 484. Ibn-el-Nahouï, 2, 5.
— Ibn-Yahya, 489. Ibn-Nakhîl, 33, 36. 104,462,
—- Ibn-Zîan, 247. 224 , 281 , 293.
Abou-Mouça, le cîd, 89, î»0, — Abou - Abd - Allah ,
203, 208, 209, 288.
230, 237, 252, Beni-'n-Namci, 64.
254, 255. Narecht, 66.
— Ibn - Abi - Hafs, Beni-Nasdja, 65.
223. Naseh, 100.
Ibn- el-Mansour, Nedia, 154.
234. Nedjah, 137.
Ibn-Abi-Mouça, 305. Abou-'n-Nedjat, 320.
Beni-Moulan, 65. Nedjachi, 108.
Moulahem - Ibn - Omar, 416, En-Nedromi, 314.
447, 448, 458, 459. LesNefath, 104, 290.
Ibn-el-Moumenani, 242, 243. Monl-Nefouça, 290.
Mounès, 524, 526. En-Nefs-ez-Zekïa, 499.
— Ibn-Yahya, 21, 35. Les Nègres, 405.
El-Mouwaied, 237. Aulad Nemi, 343.
Mouwatta, 160. Les Nemnem, 109.
El-Mowahhêdin, 170. Beni-Nfal, 65.
Ibn-Mouza, 425. Le Nil des Noirs, 68.
Mouzaïa, 89. Nizar-Ibn-el-Moëzz, 10.
Ibn-Mozni- Abd-el- Ouahed, Nodjob, 105.
380. Nokour, 134, 135, 137, 138.
— Fadl, 380, 406. Nôman-Ibn-Abd-el-Hack, 34.
— Mansour, 431 ,432, Ibn-en-Nôman,300,313,384,
447. 385.
INDEX DES NOUS. 621
Beni-'n-Nôman, 343. Beni-Omar, 146.
Aulad-Bou-Nôinan, 280. Ibn-Abi-Omara, 388, 396.
Dou-Nouas, 107. Ibn-Omeira, 246.
Noubi, 389. Omm-el-Alou, 90, 189, 209.
En-Noucheri, 515. Omm-el-Benîn, 565.
Noul, 280. Omin-el-Khalaïf, 379.
Nour-ed-Dîn-Mahmoud, 91 . Omm-er-Ridjelein, 250.
Les Nubiens, 106. 109. Onk-eUFidda, 289.
Obbou le hafside, 232. Les Orientaux, 44.
Ibn-Obbou,336; u. Ibn-Altou. Othman -Ibn-Abd-el-Hack,
Obeid - Allah - Ibn - Djermoun, 327.
251 . — le cheikh, 110.
— el-Mehdi, 506. — Ibn-Chibl, 438.
— Ibn-Saleh,139. — Ibn - Abi - Debbous ,
Les Douï- Obeid -Allah, 104. 40, 43, 44. 416.
Abou - Obeid - Allah - Ibn - el- — Ibn-Nasr, 243.
Uacen, 313. — Ibn-Sebâ,414, 438,
El-Ocab, 224. 475.
Abou-'l-Olâ-Idrîs, 233. — Ibn - Yaghmoracen ,
— lecîd,102,248, 387, 399.
228 , 229 , — Ibn-Yahya, 401.
230, 232, Ibn-Abi-Othman,256.
238 , 242 , Beni-Othman, 5.
292 , 370. Ibn-Ottou, 473.
— Ibn-Diamê,496 Beni-Ouacen, 138.
— Ibn-el- Habbe- Beni-Ouacîn, 530.
ber, 377. Ibn-Ouaçoul, 543, 544.
Oiuar-Ibn- Ahd-Allah, le vizir, — Mohammed, 144.
368. Ouadeh, 4 34. .
— Ibn-Abd-el-Azîz, lecîd, Ouadi-'t-Tin, 45.
243. ' Ouaggag, 68, 69, 4 47.
— Ibn-Abi-'l-Hacen, 38, Ibn-Ouaggag, 481, 223.
39. Ouahed-cl-Meskîn, 559.
— Ibn-Choaïb, 544. Oualaten, 1 1 2.
— Ibn-Ghaleb, 98. Beni-Abi-Oualîl , 44.
— Ibn-Idrîs, 145. El-Ouancherîchi, voy. Bechîr.
— Ibn-el-Moëzz, 24. Ouannour, 207.
— Ibn-Oucarît, 118, 238, Quannougha, 4.
241, 242. Ibn-Ouanoudîn,477,241, 242,
— Ibn-Saleh, 184. 245 , 277 ,
— Ibn - Tafraguîn , 470, 395.
191. — Abou-'l-Hacen.
— Ibn Abi-Zeid, 94, 211. 447, 448.
«
A la place de : Lisez
34, ligne 16, Emran Amran.
38, — 27, Georges George.
71, — *7, Zeinab Zeincb.
Id. — 25, Id. Id.
72, — 20, Id. Id.
Id. — 32, Id. Id.
88, -— 34, Ei-Acheri El-Aeheri.
122, — 15, -az- -ez-
485, — 19, en-Arebi el-Arebi.
497, — 33, Monaghfad Menaghfad.
202. — 12, Abou-Emran Abou - Amran.
206, — 25, Medjahed Modjahed.
208, 26, Emran Amran.
212, — 48, le hafside Ibn-Hafs.
232, — 27, Moccadem Mocaddem.
279, — 49, région datifère région dactilyfère
334. — 4, Hadjoun Hadjboun.
Id. — 10, dele Abd-
352, — 12, Yahgmoraceu Yaghmoracen.
364, — 33, ferar aho feraroho.
369, — 24, (le château] (Alcala la Real).
396, — 24, Fezazi Fazazt.
400, — 35, 7?iÙl il min el.
406, — 9, El-Fadl Fadl.
439, — 29, Abou-Zékérïa Abou -Yahya-Zé-
kérïa.
452, — 43, Faddj Feddj.
463, — », Davoud Dawoud.
524. — 33, Amr Omar.
540, — 18, Fald Fadl.