WARY La Cure D Ame
WARY La Cure D Ame
WARY La Cure D Ame
Damien WARY
La cure d'âme :
Une psychopasteurologie
en devenir ?1
Nous attelant à la recension de l'ouvrage de Jean Ansaldi sur le dialogue pastoral, nous
avons cru discerner que le travail de la cure d'âme repose en grande partie sur quelques
présupposés, peu ou non expliqués, sur la corrélation entre psychanalyse et cure d'âme. Il nous a
alors paru intéressant, plutôt que de nous cantonner à une recension sur l'ouvrage de M. Ansaldi, ce
qui aurait été sans nul doute aussi très fructueux, de nous centrer sur l'étude de la relation entre
psychologie et cure d'âme. Pour cela, nous axerons notre attention sur différentes approches de cette
relation entre psychologie et cure d'âme en nous risquant à une critique et, espérons nous, à la
construction d'une vision personnelle de la chose.
Pour commencer, Crabb décide, afin de mieux cerner le problème, de symboliser l'ensemble
des vérités bibliques par un cercle comportant une croix (image de la centralisation de la Bible sur
le Christ), et l'ensemble des théories psychologiques par un cercle comportant un homme (image de
la centralisation de la psychanalyse sur l'homme). A cela nous pouvons déjà contester une
simplification réductrice qui fait de la Bible un livre dénué de toute anthropologie et qui oublie les
nombreuses tentations métaphysiques des diverses méthodes psychanalytiques. Une fois cela
1
Rédigé dans le cadre d’un cours de théologie pratique à la FLTE.
Une cinquième catégorie peut être attribuée aux intégrationnistes pessimistes qui, tenant
compte de la nature pécheresse des méthodes psychologiques, vont choisir rigoureusement les outils
avec lesquels ils pourront pratiquer la cure d'âme. Cette catégorie se trouve néanmoins très proche
de la position de Lawrence Crabb, qui, bien que un peu plus optimiste sur la psychologie, choisit
bien sa méthode psychologique avant de « fuir loin des Egyptiens ».
2. L'approche de J. ANSALDI
La cure d'âme est présentée comme une demande urgente de la part des croyants et pour les
croyants. La cure d'âme doit être repensée afin de l'épurer totalement des dimensions extrêmes que
peuvent être l'individualisme et le communautarisme. La cure d'âme doit être repensée afin de
répondre à l'avancée des sciences humaines. Les deux approches anthropologiques de la cure d'âme
et des sciences humaines ont souvent cohabité et « le divorce entre les deux approches fut fort
rare »2, écrit Ansaldi. Nous ajouterons que les connaissances très sommaires en psychologie,
acquises avant le XIXème siècle, ne pouvaient favoriser une approche séparatiste parallèle, puisque
le domaine de la psychologie n'était encore guère rigoureusement défini. Le minimum de
compétences requises pour faire de la psychologie à cette époque pré-freudienne ne nécessitait donc
aucune distinction franche et raisonnablement justifiable entre cure d'âme et sciences humaines. Le
fait est que les progrès actuels ont amené une nécessité de compétences scientifiques (non
réductible à la lecture de quelques ouvrages sur la psychologie comme pourrait le croire certains)
qui a engendré, selon nous, une distinction pleinement justifiable et justifiée, entre la cure d'âme et
la psychologie.
Par la suite, Ansaldi nous gratifie d'un bref panorama historique du XXème siècle, mettant
en relief la relation entre psychologie et cure d'âme à travers trois étapes.
2 ANSALDI, p. 9
3 Ibid., p. 12
4 Ibid., p. 12
5 Ibid., p. 15
6 Ibid., p. 15-16
7 Pour avoir un meilleur apercu de cette question délicate et technique concernant le choix d'une méthode
psychologique en tant que chrétien, voir: S.L JONES & R.E. BUTMAN, Modern Pschotherapies, Intervarsity
Press, Downers Grove (Illinois),1991
3. L'approche de A.GODIN
André Godin nous donne une bonne définition de ce qu'il appelle le dialogue pastoral: « Une
rencontre principalement verbale entre personnes dont l'une, au moins, entend l'instaurer et la
poursuivre « au nom du Seigneur » sur la base d'une relation non réciproque »8.
Le mot rencontre montre que le dialogue pastoral (que nous assimilons à la cure d'âme ici)
doit avoir conscience d'être plus qu'un discours d'un pasteur sur les solutions que le pasteur peut
apporter grâce à la Bible. Il y a une réelle relation interpersonnelle qui est régie par des règles, ayant
été mis en évidence par la psychologie, qui influeront consciemment ou non sur l'entretien. Pour
notre part, il convient d'affirmer que ces règles entrent en jeu pour n'importe quelle situation où il y
a échange par la parole, mais ne sont pas pour autant partie intégrante du cadre de travail du
professionnel. Nous ne sommes pas contre le fait, et tendrons même à l'encourager, qu'un pasteur
lise des ouvrages de psychologie afin d'apprendre à mieux communiquer, et cela d'autant plus pour
communiquer la parole de Dieu; mais là où cela devient dangereux, c'est quand le pasteur se sert,
dans le cadre de la cure d'âme, de compétences psychologiques, non pour favoriser la simple
relation, mais pour approfondir les liens psychiques entre la personne et son enfance ou la personne
et son entourage familiale. Il semble qu'ici nous revenons à la distinction, au sein de la psychologie,
entre méthode de communication et psychopathologie: le pasteur doit savoir communiquer mais
n'est pas là pour soigner les désordres psychiques. L'auteur semble d'ailleurs aller dans ce sens un
peu plus loin en avançant: « [Cette rencontre principalement verbale] exclut du champ de cette
étude les rencontres où un usage technique du langage, typiquement thérapeutique, vise à modifier
des comportements (comme dans la pratique de la suggestion hypnotique) ou des structures
affectives inconscientes (comme en psychanalyse) »9. Nous allons dans le sens de Godin en
affirmant que la psychologie a « contribuer à faire voir autrement toutes les relations d'aide et, du
même coup, invité à approfondir les termes et les significations dans la pratique et la théorie des
entretiens pastoraux »10. Avec l'explosion des modèles psychologiques pour les entretiens utilisants
la parole comme outil, la spécificité de la cure d'âme ne pourra qu'être d'autant plus flagrante.
Notons tout de même que par la suite, Godin développe une méthode de dialogue pastoral que nous
ne pouvons suivre. Bien que toujours teinté de christianisme (mention du travail de l'Esprit, témoins
de la parole,etc.), il s'inspire de la méthode rogérienne pour l'écoute comme fonction d'accueil, et
l'empathie envers le patient (qu'il assimile à « la médiation d'effacement au bénéfice de l'Esprit »11),
8 GODIN, p.47
9 Ibid., p.48
10 Ibid., p.49
11 Ibid., p.63
Conclusion
Psychologie et cure d'âme sont des termes interchangeables pour Jones et Butman, car la
psychanalyse et la cure d'âme, bien que d'origines différentes, ont grandi ensemble durant de
nombreux siècles, et sont donc dur à différencier car elles ont les même bases14. Nous rejoignons
Jones et Butman sur le fait que la distinction n'est pas aisée entre cure d'âme et psychologie,
mais comme nous l'avons affirmé tout au long de notre travail, nous pensons maintenir une certaine
différence entre les deux. Il est vrai que l'outil de la parole est le même, mais l'usage que l'on en
fait est différent. Ce n'est, en effet, qu'avec l'apparition des nouvelles méthodes psychologiques
que l'on se doit de distinguer entre cure d'âme et psychologie (c'est à dire depuis Freud en Occident;
mais cette distinction n'affecte toujours pas de nombreux pays où la psychologie n'a pas encore une
place significative). La psychopathologie s'occupant de personnes malades, n'empiète guère sur le
domaine pastoral. La psychologie comme ''art de communication'' peut, en revanche être utilisée
par le pasteur comme par tout autre professionnel utilisant la parole comme outil de travail. La
question réelle est donc de savoir là où se situe la limite entre le psychopathologique et la simple
communication. Le fait de « faire des liens » entre la personne et son entourage ou la personne et sa
12 Ibid., p.64
13 Ibid., p.66-67
14 JONES & BUTMAN, p. 14
15 ADAMS, Competent to Counsel, Baker book house Grands Rapids, Michigan, 1970, chapter II p. 20-25
Bibliographie
J. ANSALDI, Le dialogue pastorale, Labor et Fides, Genève, 1986, introduction p.7-17 surtout pour
une vision de sa position sur la relation entre psychanalyse et cure d'âme
L.J. CRABB, Approche biblique de la relation d'aide, éditions LLB, Guebwiller, 1988, chapitre2
p.32-63
C.A.WISE, Pastoral psychotherapy: Theory and practice, Jason Aronson, New-york,1980, préface
et premier chapitre p.1.-23
J.E. ADAMS, Competent to Counsel, Baker book house Grands Rapids, Michigan, 1970, chapter I
and III (p.1-19 et p. 26-40)
J.E. ADAMS, The christian counselor's manual, Presbyterian and reformed Publishing Company,
USA, 1973, cette ouvrage complète son précédent et nous intéresse surtout au chapitre V (p.33-38)
et X (p.71-97)
S.L JONES & R.E. BUTMAN, Modern Pschotherapies, Intervarsity Press, Downers Grove
(Illinois),1991, p.1-38