Lobaczewski, Andrew - La Ponérologie Politique
Lobaczewski, Andrew - La Ponérologie Politique
Lobaczewski, Andrew - La Ponérologie Politique
La ponérologie
politique
Étude de la genèse du mal
appliqué à des fins politiques
1 Je n’ai jamais obtenu de diplôme officiel, de sorte que je ne suis pas une «
professionnelle » à cet égard.
évidente est que j’étais convaincue « que tous les gens sont
fondamentalement ‘bons’ et qu’ils veulent bien faire, vivre de
belles choses, avoir de belles pensées et prendre des décisions
qui auront de bons résultats. Et qu’ils s’y essaient de toutes
leurs forces… »
Il se fait que ce n’est pas le cas, ainsi que moi-même et tous
ceux qui faisaient partie de notre groupe de recherche l’avons
appris à nos dépens. Mais nous l’avons aussi appris pour notre
édification. Pour pouvoir comprendre un peu quelle sorte
d’humains peuvent faire ce qui m’a été fait à moi (et à d’autres
qui me sont proches), et ce qui les motive – ou les pousse
même à se comporter de cette manière –, nous avons cherché
des pistes dans la littérature concernant la psychologie, car il
nous fallait comprendre pour la paix de notre esprit.
S’il existe une théorie psychologique qui peut expliquer un
comportement vicieux et blessant, il est très utile à la victime
de tels actes de disposer de ces informations, car ainsi elle ne
restera pas trop longtemps blessée ou en colère. Il est certain
que s’il existe une théorie psychologique qui peut aider une
personne à trouver des mots ou accomplir des actions qui
peuvent combler le fossé séparant les gens, qui peuvent
dissiper les malentendus, cela est aussi louable. C’est dans
cette perspective que nous avons entrepris notre long travail de
recherche sur le narcissisme, qui a ensuite mené à l’étude des
psychopathies.
Bien sûr, nous n’avons pas dès le départ établi un « diagnostic
» ou mis une étiquette sur ce que nous observions. Nous avons
commencé par des observations et avons cherché dans la
littérature existante des indices, des profils, qui pourraient
nous aider à comprendre le monde intérieur de l’être humain
(en fait un groupe) qui paraissait si dépravé et différent de tout
ce que nous avions rencontré auparavant. Nous avons trouvé
que cette espèce d’humains est malheureusement très
répandue et que, d’après les dernières recherches, ils causent
plus de dégâts dans la société humaine que tous les autres «
malades mentaux ». Martha Stout, qui a beaucoup travaillé
avec les victimes de psychopathes écrit:
Imaginez – si vous le pouvez – que vous n’avez pas de
conscience, aucune conscience, aucun sentiment de culpabilité
ou de remords, quoi que vous fassiez, aucun souci des autres
qui vous restreigne dans ce que vous faites à des étrangers, des
amis ou même des membres de votre famille. Imaginez que
vous n’avez jamais de votre vie éprouvé de honte, quelques
égoïstes, négligentes, dommageables ou immorales qu’aient été
vos actions.
Et faites comme si le concept de responsabilité vous était
inconnu, sauf considéré comme une charge que les autres
paraissent accepter sans la mettre en question, comme de
pauvres imbéciles.
Ajoutez maintenant à cet étrange fantasme la faculté de
dissimuler aux autres que votre composition psychologique est
radicalement différente de la leur. Puisque tout le monde
suppose simplement que la conscience est universelle chez les
humains, dissimuler le fait que vous êtes dépourvu de
conscience ne demande pratiquement aucun effort.
Vous n’êtes retenu dans aucun de vos désirs par la culpabilité
ou par la honte, et vous n’êtes jamais mis en face de votre
froideur par personne. L’eau glacée qui coule dans vos veines
est tellement bizarre, tellement en-dehors de leur expérience
personnelle, qu’ils parviennent même très rarement à
soupçonner votre état.
Autrement dit, vous êtes complètement libre de toute
contrainte intérieure, et votre liberté totale de faire exactement
ce qu’il vous plaît, sans aucun remords, est confortablement
invisible pour le monde.
Vous pouvez faire n’importe quoi, et cependant votre étrange
avantage sur la majorité des gens ne sera très probablement
jamais découvert.
Comment allez-vous vivre votre vie ?
Qu’allez-vous faire de votre énorme avantage secret et de son
handicap corollaire : la conscience des autres ?
La réponse dépend en grande partie de ce que vous désirez voir
se produire, car tous les gens ne sont pas pareils. Même ceux
qui n’ont aucun scrupule ne sont pas tous pareils. Certains –
qu’ils aient ou non une conscience – choisissent l’inertie,
tandis que d’autres ont plein de rêves et d’ambitions. Certains
humains sont brillants et talentueux, d’autres ont l’esprit
médiocre et la plupart, qu’ils aient ou non une conscience, sont
entre les deux. Il y a des gens violents et des non-violents, des
individus poussés par l’attrait du sang, et d’autres qui n’ont pas
ces appétits. […]
Si aucune force ne vous retient, vous pouvez faire n’importe
quoi.
Si vous êtes né au bon moment, que vous disposez d’une
fortune familiale, si vous avez un certain talent pour faire
monter chez les autres la haine et le sentiment de privation,
vous parviendrez à faire tuer un grand nombre de gens sans
méfiance. Avec assez d’argent vous pouvez accomplir tout cela
à distance, vous pouvez rester tranquillement assis dans votre
fauteuil et, satisfait, regarder ce qui se passe. […]
Fou et effrayant – et réel chez environ 4% de la population…
Le taux général d’anorexie est estimé à 3,43%, pratiquement
épidémique, et cependant ce chiffre est un peu inférieur à celui
des personnalités antisociales. Les troubles à profil haut,
classés comme schizophrénie, affectent environ 1% seulement
de la population – un quart du taux des personnalités
antisociales – et les centres de contrôle et prévention des
maladies estiment que le taux de cancers du côlon aux USA,
considéré comme ‘très préoccupant’ concerne environ 40
personnes sur 100 000 – c’est-à-dire cent fois moins que le
taux des personnalités antisociales.
La grande incidence des sociopathies sur la société affecte
profondément tous ceux qui doivent vivre aussi sur cette
planète, y compris ceux qui n’ont pas été diagnostiqués comme
cliniquement traumatisés. Les individus qui constituent ces 4%
pèsent sur nos relations, nos comptes bancaires, notre
confiance en nous, et notre paix.
Néanmoins, il est surprenant de constater que la plupart des
gens ne savent rien de ces troubles, ou bien ils ne les voient
que comme des psychopathies violentes dues à des meurtriers,
des tueurs en série, des meurtres collectifs ; bref, des gens qui
ont indubitablement violé les lois et qui sont emprisonnés
quand ils sont appréhendés, ou même condamnés à mort par
notre système légal.
Nous ignorons et sommes habituellement incapables
d’identifier le grand nombre de sociopathes non violents parmi
nous, des gens qui souvent ne contreviennent pas de manière
flagrante aux lois en vigueur, et contre lesquels notre système
judiciaire offre peu de défense.
La plupart d’entre nous sont incapables d’imaginer une
correspondance quelconque entre le fait de concevoir un
génocide ethnique et, disons, un mensonge éhonté fait à un
patron au sujet d’un collègue. Mais la correspondance
psychologique ne s’arrête pas là et elle est effrayante : le lien
simple et profond est l’absence d’un mécanisme intérieur qui
nous rappelle à l’ordre, émotionnellement parlant, lorsque
nous faisons un choix que nous voyons comme immoral, non-
éthique, négligent, ou égoïste.
La plupart d’entre nous se sentent légèrement coupables
quand ils s’emparent en douce du dernier morceau du gâteau
dans la cuisine, sans compter ce que nous ressentirions si nous
entreprenions de blesser intentionnellement et
méthodiquement notre prochain.
Ceux qui n’ont pas de conscience du tout forment un groupe en
soi qui rassemble tant les tyrans homicides que les simples «
marginaux de la société » sans scrupules.
La présence ou l’absence de conscience divise profondément
les humains, bien plus que les différences d’intelligence, de
race, ou même de sexe.
Ce qui différencie le sociopathe qui vit du travail des autres de
celui qui vole à l’occasion dans un supermarché, ou de celui qui
est un voleur avéré – ou ce qui fait la différence entre un
tourmenteur ordinaire et un meurtrier sociopathe – n’est rien
d’autre que le statut social, la motivation, l’intellect, la soif de
sang, ou la simple opportunité.
Ce qui distingue tous ces gens des autres est un véritable trou
dans la psyché, là où il devrait y avoir les plus évoluées de
toutes les fonctions qui font l’humain2.
Nous ne connaissions pas le livre du Dr. Stout au début de
notre projet de recherche. Nous disposions, il est vrai, des
ouvrages écrits par Robert Hare, Hervey Cleckley,
Guggenbühl-Craig et d’autres encore. Mais ils traitent
seulement du grand nombre probable des psychopathes qui
vivent parmi nous sans jamais être pris en flagrant délit de
contrevenir aux lois, qui n’assassinent pas – ou s’ils sont pris
ils ne sont pas inquiétés– et qui nuisent cependant
impunément à leur famille, à leurs connaissances et aussi à des
personnes qui leur sont étrangères.
2 Stout, Martha: The Sociopath Next Door (Le sociopathe d’à côté – NdT),
Broadway. 2005.
La majorité des experts en maladies mentales se sont
longtemps basés sur l’hypothèse que les psychopathes
proviennent de milieux défavorisés et ont été maltraités d’une
façon ou l’autre dans l’enfance, de sorte qu’il devrait être facile
de les repérer, ou du moins qu’ils ne devraient pas faire partie
de la société. Cette idée a sérieusement été révisée ces derniers
temps. Ainsi que le souligne Łobaczewski dans son ouvrage, il
y a une certaine confusion entre psychopathie, personnalité
antisociale, et sociopathie. Comme l’a dit Robert Hare, certes,
de nombreux psychopathes sont aussi « antisociaux », mais il
paraît bien y en avoir infiniment plus qui n’auraient jamais
auparavant été considérés comme anti-sociaux ou sociopathes!
Autrement dit, ce sont aussi bien des médecins, juristes, juges,
policiers, membres du Congrès, ou présidents de sociétés, qui
volent les pauvres pour donner aux riches, et même des
Présidents.
Dans un récent article il est suggéré que la psychopathie existe
sans doute dans la société ordinaire en pourcentage beaucoup
plus important qu’on ne l’a pensé jusqu’ici :
Les psychopathies, telles qu’à l’origine conçues par Cleckley
(1941), ne sont pas limitées à des actes illégaux, mais elles
englobent des caractéristiques de personnalité telles que la
manipulation, l’insincérité, l’égocentrisme et l’absence de
sentiment de culpabilité – caractéristiques clairement
présentes chez les criminels, mais aussi chez des conjoints, des
parents, des patrons, des avocats, des politiciens, et des
directeurs de sociétés pour n’en énumérer que quelques uns
(Bursten, 1973 ; Stewart, 1991). Notre propre étude de la
présence de psychopathies au sein d’une population
universitaire a montré que sans doute 5% au moins de cet
échantillon pouvaient être considérés comme psychopathes, et
que la grande majorité de ces psychopathes est masculine (plus
d’un homme sur dix par rapport à environ une femme sur
cent).
Vues de cette façon, les psychopathies peuvent être considérées
comme …. impliquant une tendance à la domination et à la
froideur. Wiggins (1995) dans son résumé des nombreuses
découvertes faites jusque là… indique que ces individus sont
prompts à la colère et à l’irritation, et ont tendance à exploiter
leur entourage. Ils sont arrogants, manipulateurs, cyniques,
exhibitionnistes, amateurs de sensations fortes,
machiavéliques, revanchards, et en recherche de leur propre
profit. En ce qui concerne leurs modèles d’échanges sociaux
(Foa & Foa, 1974), ils s’attribuent à eux-mêmes amour et
importance, se voient comme très estimables et importants,
mais n’accordent ni amour ni importance aux autres, qu’ils
voient d’ailleurs comme sans valeur ni importance. Cette
caractérisation adhère clairement à l’essence des
psychopathies communément décrites.
La présente investigation a cherché à répondre à certaines
questions fondamentales concernant la structure des
psychopathies dans un cadre non judiciaire … ce faisant, nous
sommes revenus à ce qu’a affirmé Cleckley à l’origine (1941),
c’est-à-dire que la psychopathie est un style de personnalité,
non pas seulement chez les criminels, mais aussi chez des
individus qui ont « réussi » au sein de la communauté.
Ce qui apparaît clairement de ce que nous avons découvert est
que (a) les mesures de psychopathie ont convergé vers un
prototype de psychopathie impliquant une combinaison de
traits interpersonnels de domination et de froideur ; (b) La
psychopathie apparaît dans la communauté et dans une
mesure plus importante que ce qui était attendu ; et (c) les
psychopathies ne semblent pas vraiment se superposer aux
troubles de la personnalité autres que les troubles antisociaux.
…
Beaucoup de travail reste manifestement à faire dans la
reconnaissance des facteurs qui différencient le psychopathe
qui se conforme aux lois (mais peut-être pas à la morale) de
celui qui ne s’y conforme pas ; une telle recherche devra
indubitablement se fonder davantage sur un échantillonnage
non judiciaire que ce ne l’a été fait par le passé3.
Łobaczewski tient compte du fait qu’il existe différents types de
psychopathes. Le type le plus dangereux est le psychopathe
essentiel. Il ne nous donne pas de « checklist », mais nous dit
ce qu’il y a à l’intérieur d’un psychopathe. Sa description
épouse totalement les éléments donnés dans l’article précité.
Martha Stout affirme aussi que les psychopathes, comme
n’importe qui, naissent avec des goûts et aversions différents,
c’est pourquoi certains sont médecins ou présidents, d’autres
des petits voleurs ou des violeurs.
« Aimables », « charmants », « intelligents », « éveillés », «
impressionnants », « inspirant la confiance, » et « très
appréciés des dames ». Voilà comment Hervey Cleckley a
décrit la plupart de ses sujets dans The Mask of Sanity4. Il
semble que, en dépit du fait que leurs actes les dénoncent
comme « irresponsables » et « auto-destructeurs », les
psychopathes aient en abondance les traits les plus convoités
parmi les personnes normales. L’affirmation de soi en douceur
agit presque comme un aimant surnaturel sur les gens
normaux qui ont lu des livres sur la confiance en soi ou qui
consultent afin de pouvoir interagir sans difficulté avec leurs
semblables. Le psychopathe, au contraire, n’a jamais de
névroses, pas de doutes existentiels, jamais d’angoisses ; il est
ce que les gens « normaux » aspirent à être. Plus fort encore,
même quand ils ne sont pas follement séduisants ils attirent
comme des aimants.
Mesdames et Messieurs,
J’ai pu lire sur mon ordinateur votre projet spécial de
recherche sur la psychopathie. Vous faites un travail des plus
importants et précieux pour l’avenir des nations.[…]
Je suis un psychologue clinicien très âgé. Il y a quarante ans,
j’ai participé à une enquête secrète sur la réelle nature et la
psychopathologie du phénomène macrosocial appelé «
communisme ». Les autres chercheurs étaient des scientifiques
de la génération précédente, maintenant disparus.
L’étude approfondie de la psychopathie qui a joué un rôle
capital et exemplaire dans ce phénomène psychopathologique
macrosocial, et qui se distingue des autres anomalies mentales,
paraît être une étape préalable nécessaire à la compréhension
de la nature du phénomène dans son ensemble.
Une grande partie du travail que vous accomplissez en ce
moment a déjà été faite à cette époque. …
Je puis vous procurer un document scientifique très précieux,
et qui peut vous être très utile. Il s’agit de mon livre «
Ponérologie politique – Une science de la nature du mal
servant des objectifs politiques ». Vous pourrez aussi trouver
un exemplaire de cet ouvrage à la Bibliothèque du Congrès
ainsi que dans certaines bibliothèques universitaires ou
publiques aux États-Unis.
Soyez assez aimables de me contacter afin que je puisse vous
en envoyer un exemplaire.
Bien à vous! Andrew M. Łobaczewski
J’ai promptement répondu par l’affirmative : oui j’aimerais
beaucoup pouvoir lire ce livre. Quelques semaines plus tard,
l’ouvrage arrivait par la poste.
Pendant que je lisais, j’ai réalisé que je tenais entre les mains la
chronique précieuse d’une descente aux enfers, d’une
transformation, et d’un retour triomphant au monde armé
d’une connaissance de cet enfer ; il est évident que de nos jours
un enfer semblable a enveloppé toute la planète. Les risques
encourus par le groupe des scientifiques qui se sont livrés à ces
recherches passent la compréhension de la plupart d’entre
nous.
La majorité d’entre eux étaient jeunes, au début de leur
carrière, quand les Nazis ont commencé à parcourir l’Europe
avec leurs grandes bottes de sept lieues. Ces chercheurs ont
survécu à cette période, et quand les Nazis ont quitté la place,
ils ont été remplacés par les Communistes et, sous la botte de
Staline, ils ont vécu des années de répression dont ceux qui ont
choisi aujourd’hui de se dresser contre le Reich Bush ne
peuvent avoir aucune idée. Mais, au vu du syndrome qui
détermine le début de la maladie, il semble bien que les États-
Unis en particulier, et peut-être même le monde entier,
entreront bientôt dans des « temps malheureux » d’une telle
horreur et d’un tel désespoir que l’holocauste de la seconde
guerre mondiale sera vu comme un simple galop d’essai.
Ainsi donc, puisqu’ils ont été là, qu’ils ont survécu et rapporté de
précieuses informations, nous aurons peut-être la vie sauve grâce à ce
guide qui nous permettra de traverser l’obscurité qui commence à
nous envelopper.
Laura Knight-Jadczyk
Préface de l’auteur
7 Il n’est pas possible de traiter une maladie que l‘on ne connaît pas (NdT)
On doit donc se poser la question de savoir pourquoi le travail
accompli dans ce but par des chercheurs éminents et par
l’auteur n’a pas eu de résultats probants ?
C’est une longue histoire.
J’avais été reconnu comme un dépositaire de cette «
dangereuse science » en Autriche, par un « amical » médecin,
dont j’ai appris par la suite qu’il était un agent des services «
rouges ». Toutes les cellules et agents « rouges » de New York
avaient été mobilisés pour organiser une contre-action à
l’égard des informations contenues dans le présent ouvrage qui
se répandait dans le public. Il m’a été terrible de voir que le
système ouvertement répressif auquel je venais d’échapper
était tout aussi actif, bien que moins visible, aux États-Unis.
J’ai été démoralisé de constater comment fonctionnait le
système de pions conscients et inconscients ; de voir que des «
amis » fréquentés en toute confiance m’avaient poignardé dans
le dos avec un zèle patriotique. À cause de ces activités, on m’a
refusé toute assistance et pour survivre j’ai dû travailler en tant
qu’ouvrier à un âge où j’aurais dû pouvoir prendre ma retraite.
Ma santé s’est détériorée, et deux années ont été perdues.
J’ai appris aussi que je n’étais pas le premier émissaire venu en
Amérique porteur d’un savoir de ce genre ; j’avais paraît-il été
le troisième. Mes prédécesseurs avaient été traités de la même
manière.
Malgré ces circonstances, j’ai persévéré, et le livre a finalement
été terminé en 1984, et traduit en anglais. Il avait été qualifié
de « très intéressant » par ses lecteurs, mais n’avait pas pu être
publié. Pour les éditeurs d’ouvrages sur la psychologie il
contenait trop de politique, et pour les éditeurs d’ouvrages sur
la politique, il contenait trop de psychologie et
psychopathologie – ou bien, « la date limite de soumission à la
rédaction était dépassée ».
Peu à peu je me suis rendu compte que ce livre ne passait pas
la barrière de l’inspection interne.
La valeur politique de ce livre ne s’est pas amoindrie avec le
temps. Son essence scientifique reste toujours d’actualité. Il
pourrait être très utile et une source d’inspiration dans les
temps à venir, quand il aura été adapté et étoffé. De nouvelles
recherches dans ces domaines peuvent déboucher sur une
nouvelle compréhension des problèmes humains qui accablent
l’humanité depuis des millénaires. La ponérologie pourra
remplacer les vieilles sciences morales par une approche
moderne naturelle. C’est ainsi que le présent ouvrage pourra
peut-être contribuer à une paix universelle. Voilà la raison
pour laquelle j’ai pris la peine de redactylographier sur mon
ordinateur le manuscrit qui commençait à pâlir après vingt
années. Aucune modification importante n’y a été apportée : il
est présenté ici tel qu’il a été écrit à New York il y a si
longtemps. Puisse-t-il être le témoignage du travail périlleux
accompli par d’éminents hommes de science et moi-même, au
cours d’une période sombre et tragique, dans des conditions
impossibles ; de la bonne ouvrage malgré tout.
L’auteur a souhaité remettre son manuscrit dans les mains de
personnes capables de reprendre le flambeau et de poursuivre
les recherches théoriques en ponérologie, de les enrichir par de
nouveaux éléments afin de remplacer ce qui a été perdu, et de
les mettre en pratique pour le bien des individus et des
nations.
Je suis très reconnaissant à Madame Laura Knight-Jadczyk et
au Professeur Arkadius Jadczyk ainsi qu’à leurs amis, pour
leurs chaleureux encouragements, leur compréhension, et
leurs efforts, qui permettront enfin la publication de mon
ouvrage.
Andrew M. Lobaczewski
Rzeszów - Pologne – Décembre 2005
Introduction
Que le lecteur veuille bien imaginer une très grande salle dans
un vieil édifice universitaire de style gothique. Nous avons été
nombreux à nous y rassembler pendant nos premières années
d’études supérieures pour y écouter les conférences données
par des philosophes d’exception. Nous y avions été conviés une
nouvelle fois l’année avant celle du diplôme, pour écouter les
discours d’endoctrinement qui avaient récemment été mis à la
mode. Quelqu’un que personne ne connaissait apparut derrière
le pupitre et nous informa que dorénavant ce serait lui notre
professeur. Son discours était aisé, mais n’était aucunement
scientifique ; il ne faisait aucune distinction entre concepts
scientifiques et ceux de la vie ordinaire, et voyait les fruits
d’une imagination « borderline » comme des éléments de
sagesse qui ne pouvaient être mis en doute. Chaque semaine,
pendant 90 minutes il nous gava de pseudo logique naïve et
présomptueuse, et d’une vision pathologique de la réalité
humaine. Il nous traitait avec mépris et une haine à peine
dissimulée. Comme les plaisanteries auraient entraîné de
désagréables conséquences, il nous fallait écouter
attentivement et avec la plus grande gravité.
La rumeur permit bientôt de savoir d’où venait cet homme. Il
venait d’un faubourg de Cracovie et avait fréquenté un collège,
mais personne ne savait s’il avait obtenu un diplôme. De toute
manière, c’était la première fois qu’il franchissait le seuil d’une
université, en tant que professeur du moins !
« Il est impossible de convaincre quiconque de cette façon ! »
murmurions-nous entre nous. « C’est vraiment de la
propagande dirigée contre eux-mêmes ». Mais après cette
torture mentale, il a fallu beaucoup de temps avant que
quelqu’un ose briser le silence. Nous nous étudiions nous-
mêmes, sentant que quelque chose d’étrange s’était emparé de
notre esprit et que quelque chose de précieux s’en échappait
irrémédiablement. Le monde de la réalité psychologique et des
valeurs morales semblait suspendu comme dans un brouillard
glacé. Nos sentiments humains et la solidarité estudiantine
perdirent leur signification, comme le fit notre patriotisme et
nos critères de toujours. Et nous nous interrogions
mutuellement : « est-ce que toi aussi tu ressens cela » ? Tous
nous ressentions à notre manière cette préoccupation par
rapport à notre personnalité et notre futur. Certains d’entre
nous répondaient à ces questions par le silence. La profondeur
de ces expériences fut différente pour chacun.
Nous nous demandions donc comment nous protéger des
résultats de cet « endoctrinement ». C’est Teresa D. qui fit la
première suggestion : « allons passer un week end dans la
montagne ». Cela fit merveille. L’agréable compagnie, quelques
plaisanteries, puis la fatigue suivie d’une nuit de profond
sommeil dans un refuge, tout cela nous rendit nos
personnalités, bien qu’il restât un arrière-goût. Le temps lui
aussi suscita une certaine immunité psychologique, mais pour
certains seulement. L’analyse des traits psychopathologiques
de la personnalité du « professeur » constitua une autre
excellente façon de protéger notre propre hygiène mentale.
Imaginez notre consternation, notre désappointement, notre
surprise, quand certains des camarades que nous connaissions
bien se mirent à modifier leur vision du monde ; leur façon de
penser, et nous les firent comparer aux inepties du «
professeur ». Leurs sentiments qui jusqu’à récemment avaient
été amicaux, se refroidirent, bien que sans hostilité encore. Les
discussions estudiantines favorables ou adverses fusèrent. Ils
donnaient l’impression de posséder quelque connaissance
secrète ; quant à nous, nous étions seulement leurs anciens
camarades qui croyaient encore à ce que nos anciens
professeurs nous avaient enseigné. Il nous fallait faire
attention à ce que nous leur disions.
Nos anciens camarades rejoignirent bientôt le Parti. Qui
étaient-ils, de quels groupes sociaux venaient-ils, quelle sorte
d’étudiants, quelles personnes étaient-ils? Pourquoi et
comment avaient-ils autant changé en moins d’une année ?
Pourquoi ni moi ni la majorité de mes camarades étudiants
n’avions-nous pas succombé à ce phénomène et à ce processus
? Bien des questions tournaient dans notre tête à cette époque.
Ces temps, ces questions et ces attitudes suggéraient que ce
phénomène pouvait être compris objectivement, idée dont
l’importante signification se cristallisa avec le temps. Bon
nombre d’entre nous participèrent aux observations et
réflexions initiales, mais la plupart reculèrent devant des
problèmes matériels et académiques. Bien peu restèrent ; ainsi
donc, l’auteur du présent livre est peut-être le dernier des
Mohicans.
Il a été relativement facile de cerner l’environnement et
l’origine des gens qui ont succombé au processus qu’à l’époque
j’ai appelé « transpersonnification ». Ils provenaient de tous
les groupes sociaux, y compris de familles aristocratiques et
profondément religieuses, et ils ont provoqué une rupture de
notre solidarité estudiantine, d’un ordre d’environ 6 %. La
majorité de ceux qui restaient souffraient à des degrés divers
d’une désintégration de la personnalité qui a donné lieu à des
efforts individuels de recherche de valeurs qui nous
permettraient de nous retrouver ; les résultats ont été divers et
parfois créatifs.
Même alors, nous n’avions aucun doute quant à la nature
pathologique de ce processus de « transpersonnification », qui
dans tous les cas présentait certains traits semblables mais non
identiques. La durée des résultats de ce phénomène était elle
aussi variable. Certains de ces gens sont par la suite devenus
des fanatiques.
D’autres ont profité plus tard de certaines circonstances pour
se retirer et rétablir les liens perdus avec la société des gens
normaux. Ils ont été remplacés. La seule valeur constante du
nouveau système social a été le chiffre magique de 6 %.
Nous avons tenté d’évaluer le niveau de talent des camarades
qui avaient succombé au processus de transformation de la
personnalité et sommes arrivés à la conclusion qu’en moyenne
il était légèrement plus bas que celui de la moyenne de la
population estudiantine. Leur moindre résistance provenait
manifestement d’autres caractéristiques bio-psychologiques
probablement qualitativement hétérogènes.
J’ai dû étudier des matières à la limite de la psychologie et de
la psychopathologie pour pouvoir répondre aux questions qui
découlaient de nos observations ; la négligence scientifique
dans ces domaines s’est révélée un obstacle difficile à
surmonter. Pendant ce temps, quelqu’un qui savait
apparemment ce qu’il faisait, a vidé les bibliothèques de tout ce
que nous aurions pu trouver sur le sujet.
En analysant ces événements avec du recul, nous pourrions
dire à présent que ce « professeur » avait agité un appât au-
dessus de nos têtes, inspiré par le savoir psychologique
particulier aux psychopathes. Il savait à l’avance qu’il
parviendrait à pêcher les individus malléables, mais leur
nombre limité le déçut. Le processus de transpersonnification
n’a affecté que les individus dont le substrat instinctif était
affaibli ou marqué par certaines déficiences. Dans une moindre
mesure, il a fonctionné aussi chez des gens présentant d’autres
déficits, mais l’état dans lequel ils étaient plongés était en
partie impermanent, car il résultait en grande partie d’une
induction psychopathologique.
Ce savoir à propos de l’existence d’individus influençables et la
manière de les manipuler continuera à être un outil pour la
conquête du monde aussi longtemps qu’il restera l’arme
secrète de ce genre de « professeurs ». Quand il devient une
science adroitement vulgarisée, il peut aider les nations à
développer leur immunité, mais aucun d’entre nous ne le
savait à l’époque.
Il nous faut néanmoins admettre qu’en dévoilant les rouages
de la pathocratie de façon à nous forcer à en faire une
expérience approfondie, ce professeur nous a aidés à
comprendre la nature du phénomène dans une mesure plus
large que n’aurait pu le faire un authentique chercheur
scientifique contribuant d’une manière ou d’une autre à ce
travail.
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Psychologie
Il a fallu attendre les années 1870 pour qu’une tempête
surgisse : la recherche de la vérité cachée en ce qui concerne la
nature humaine. Ce mouvement laïc était issu des progrès faits
en biologie et en médecine, de sorte que ses connaissances
étaient issues du monde matérialiste. Dès le départ, de
nombreux chercheurs ont vu l’énorme importance du rôle
qu’allait jouer cette science dans la paix et l’ordre en général.
Cependant, comme elle reléguait la connaissance intérieure au
domaine de la spiritualité, l’approche de la personnalité
humaine a forcément été amputée. Des gens comme Ivan
Pavlov, C.G. Jung, et d’autres ont très tôt noté cette partialité,
et ont tenté de faire des synthèses. Mais Pavlov, n’a jamais été
autorisé à rendre publiques ses convictions.
La psychologie est la seule science où l’observateur et l’observé
appartiennent à la même espèce, et aussi à la même personne
quand il s’agit d’introspection. Il est donc facile à l’erreur
subjective de se glisser dans le processus de raisonnement, par
l’intermédiaire de l’imaginaire et des habitudes de la personne
qui pense. À partir de là, l’erreur se mord la queue, en un cercle
vicieux, et fait apparaître des problèmes dus au manque de
distance entre l’observateur et l’observé, une difficulté absente
des autres disciplines.
Certains, comme les behavioristes, ont tenté de pallier cet
inconvénient. Mais ce faisant, ils ont tellement appauvri le
contenu cognitif qu’il en est très peu resté. Néanmoins, ils nous
ont laissé une discipline de pensée très utile. Les progrès ont
souvent été dus à des personnes simultanément rongées par
des inquiétudes intérieures et poussées à la recherche d’une
méthode pour mettre de l’ordre dans leur propre personnalité
grâce aux connaissances en général et à la connaissance de soi
en particulier. Là où les anxiétés avaient été provoquées par un
défaut dans l’éducation, la volonté de surmonter ces difficultés
a donné lieu à d’excellentes découvertes. Mais là où la cause
des anxiétés était due à la nature humaine, le résultat a été une
tendance permanente à déformer la compréhension des
phénomènes psychologiques. Dans cette science, le progrès
dépend malheureusement beaucoup des valeurs individuelles
et de la nature de ceux qui la pratiquent. Il dépend également
du climat social. Là où la société est devenue esclave, par
exemple d’une caste très privilégiée, la psychologie est la
discipline qui souffre le plus de la censure et des intrusions
d’une administration qui veut toujours avoir le dernier mot en
matière de vérité scientifique.
Mais, grâce aux travaux de pionniers hors pair, cette discipline
scientifique existe et continue à se développer en dépit de tous
les obstacles ; et elle est utile à la vie de la société. De
nombreux chercheurs remplissent les vides de cette science en
fournissant des données détaillées qui corrigent la subjectivité
et le flou des pionniers. Mais les « maladies d’enfance »
comme en subit n’importe quelle discipline nouvelle,
persistent, y compris un manque d’ordre général et de
synthèse, et aussi une tendance à se diviser en écoles
individuelles qui insistent sur certaines théories et pratiques
aux dépens d’autres domaines.
Mais on assiste aussi à des découvertes de nature pratique qui
permettent d’aider ceux qui ont besoin d’aide. Les observations
directes qui se font au cours du travail quotidien sont bien plus
utiles à la compréhension et au langage de la psychologie
contemporaine, que n’importe quelle expérience ou discussion
académique. Après tout, c’est la vie qui se charge de faire naître
les circonstances variées, qu’elles soient agréables ou
tragiques, et qui soumet les individus à des expériences
qu’aucun homme de science ne pourrait entreprendre. Le
présent volume traite des réactions à des expérimentations
inhumaines menées sur des nations entières.
C’est l’expérience qui enseigne au psychologue comment
retracer promptement et efficacement le vécu psychologique
d’une personne, de découvrir les causes qui ont suscité le
développement de sa personnalité et de son comportement.
Notre mental est donc capable de reconstruire les facteurs qui
ont influencé cette personne, même si celle-ci n’en a pas
conscience. Pour y arriver, nous ne nous basons pas sur la
structure naturelle de concepts, ce que l’on appelle le « bon
sens », apprécié de l’opinion publique et de nombreux
individus, mais nous avons recours à des catégories aussi
objectives que possible. Un langage conceptuel où les
descriptions des phénomènes sont indépendantes de tout
imaginaire commun est devenu un outil indispensable. Il faut
bien admettre, cependant, qu’il est devenu un jargon clinique
et non pas un langage scientifique convenable et distingué,
agréable à l’oreille.
Langage objectif
Parmi les catégories d’objectivité psychologique, la cognition et
la pensée sont basées sur les mêmes principes logiques et
méthodologiques qui se révèlent être des outils excellents dans
de nombreux autres domaines d’études scientifiques. Les
exceptions à ces règles sont devenues une tradition pour nous-
mêmes et ceux qui nous ressemblent, mais elles engendrent
plus d’erreurs que d’utilité. Par ailleurs, cependant, une
adhésion constante à ces principes et le rejet de contraintes
scientifiques supplémentaires nous ouvrent des horizons au-
delà desquels il nous est possible d’apercevoir une causalité
surnaturelle. Accepter l’existence de tels phénomènes dans la
personnalité humaine devient une nécessité si notre langage de
concepts psychologiques doit rester une structure objective.
En affirmant sa propre personnalité, l’homme a tendance à
éliminer du champ de sa conscience toutes les associations
indiquant un conditionnement causatif de sa perception du
monde et de son comportement. Les jeunes, en particulier,
veulent croire qu’ils choisissent librement leurs intentions et
décisions ; et cependant, le psychanalyste expérimenté peut,
sans grande difficulté, retrouver la trace des conditionnements
causatifs de ces choix. Une grande partie de ce
conditionnement se cache dans notre enfance ; les souvenirs
peuvent s’effacer, mais nous emportons tout au long de notre
vie les résultats de nos premières expériences.
Meilleure est notre compréhension de la causalité de la
personnalité humaine, plus forte est l’impression que
l’humanité fait partie de la nature et de la société, et qu’elle est
sujette à des dépendances que nous sommes de mieux en
mieux à même de comprendre. Accablés par la nostalgie, nous
nous demandons ensuite s’il n’y a vraiment aucun espoir de
liberté, de Purusha15. Plus nous progressons dans l’art de
comprendre la causalité humaine, mieux nous pouvons libérer
des résultats excessifs du conditionnement la personne qui
nous fait confiance, et qui a sans nécessité, restreint sa propre
liberté de compréhension et de décision. Nous sommes alors
en mesure d’accompagner notre patient dans la recherche du
meilleur moyen de sortir de ses problèmes. Si nous
succombons à la tentation d’utiliser la structure naturelle des
concepts psychologiques pour ce faire, les avis que nous lui
prodiguerons ressembleront aux affirmations non productives
qu’il a déjà entendues.
La perspective psychologique naturelle, sociétale et morale, est
un produit du processus de développement de l’homme au sein
d’une société, sous la constante influence de traits innés. Parmi
ces traits innés se trouvent l’instinct, qui est
phylogénétiquement déterminé, et l’éducation qui est donnée
par la famille et l’environnement. Personne n’est à même de se
développer sans être influencé par d’autres personnes et leur
personnalité, ou par les valeurs portées par la civilisation dont
il fait partie, et ses traditions morales et religieuses. C’est la
raison pour laquelle le point de vue humain ne peut être ni
suffisamment universel, ni complètement vrai. Les différends
entre individus et nations sont les produits de dispositions
hérités et de l’ontogenèse16 des personnalités.
17 Absence de connaissance.
fascination pour sa valeur scientifique ; ils se sont attardés à
des enquêtes détaillées. Leurs accomplissements peuvent être
présents dans cet ouvrage puisqu’ils ont compris la
signification générale de leur travail. D’autres ont abandonné
devant des problèmes d’ordre scientifique, des difficultés
personnelles, ou la peur d’être découverts par des autorités
d’une vigilance extrême en ces matières.
Lorsqu’il parcourra ce livre, le lecteur se retrouvera lui aussi
devant des problèmes similaires, bien que dans une moindre
mesure. Une certaine impression d’injustice pourra être
ressentie, due à la nécessité de laisser derrière soi une partie
importante de nos conceptualisations habituelles, au
sentiment que notre vision naturelle du monde est
inapplicable, et à nos émotions. Je demande dès lors à mes
lecteurs d’accepter ces sentiments perturbants, pour l’amour
du savoir et de ses vertus salvatrices.
Les explications qui précèdent étaient indispensables pour
rendre plus lisible le langage utilisé dans le présent ouvrage.
L’auteur a tenté d’aborder les sujets décrits de manière à éviter
de perdre le contact avec le monde des concepts objectifs et de
devenir incompréhensible en dehors d’un petit cercle de
spécialistes. Je demanderai donc aux lecteurs de bien vouloir
pardonner les faux-pas qui ont pu se produire entre les deux
façons de penser. Par ailleurs, l’auteur ne serait pas un
psychologue expérimenté s’il ne pouvait prédire que certains
lecteurs rejetteront les données scientifiques présentées
comme une mise en question de la sagesse naturelle de leur
expérience de la vie.
L’être humain
Lorsque Auguste Comte18 a voulu fonder la science de la sociologie,
au début du XIXe siècle, c’est-à-dire bien avant la naissance de la
psychologie moderne, il s’est dès l’abord trouvé confronté au
problème de l’Homme, mystère qu’il était incapable d’élucider. Si,
sur le modèle de l’Église catholique, il rejetait les simplifications à
l’extrême de la nature humaine il ne restait rien, à l’exception des
modèles traditionnels dérivés de conditions sociales bien connues,
pour comprendre la personnalité. Il lui fallait donc contourner ce
problème parmi d’autres pour pouvoir créer, dans ces conditions, sa
nouvelle branche scientifique.
Il a donc accepté pour postulat que la cellule de base de la
société était la famille, ce qui était plus commode à caractériser
et à traiter en tant que modèle élémentaire des relations
sociétales. Cela pouvait également se faire par le truchement
d’un langage de concepts compréhensibles, sans avoir à
affronter des problèmes impossibles à résoudre à l’époque. Un
~~~
~~~
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La Société
Très tôt, la Nature a fait de l’homme un être social au niveau
instinctuel de notre espèce. Notre esprit et notre personnalité
ne peuvent se développer sans des contacts et des interactions
avec un cercle de gens de plus en plus étendu. Les informations
passent de mental à mental, consciemment ou
inconsciemment, en ce qui concerne la vie émotionnelle et
mentale, les traditions et la pensée, au moyen de la résonance
de sensibilité, de l’identification, de l’imitation, de l’échange
d’idées, et aussi de règles permanentes. Les matériaux ainsi
obtenus sont ensuite transformés par notre psychisme, pour
créer une nouvelle personnalité humaine, celle que nous
appelons « la nôtre ». Cependant, notre existence est
conditionnée par les liens que nous avons nécessairement avec
ceux qui ont vécu avant, ceux qui font actuellement partie de
notre société, et ceux qui vivront après. Notre existence ne voit
la signification que comme une fonction des liens sociétaux ;
l’isolation hédoniste nous fait perdre notre « soi ».
C’est la destinée de l’homme de contribuer activement à
donner forme à la destinée de la société par deux moyens
principaux : la formation de sa vie individuelle et familiale au
sein de cette société, et la participation aux activités sociales
bien comprises. L’individu doit pour cela développer deux
champs de connaissances qui se chevauchent dans une
certaine mesure. Non seulement sa vie dépend de la qualité de
ces connaissances, mais aussi sa nation et l’humanité dans son
ensemble.
Si nous observons un rucher avec l’oeil du peintre, nous voyons
ce qui ressemble à une multitude d’insectes liés par la
ressemblance de leur espèce. Mais l’apiculteur, lui, voit des lois
complexes inscrites dans l’instinct de chaque insecte ainsi que
dans l’instinct collectif de la ruche ; cela l’aide à comprendre
comment coopérer avec les lois naturelles qui gouvernent la
société des abeilles. La ruche est un organisme d’un ordre
supérieur ; aucune abeille ne peut exister hors de cet
organisme ; elles se soumettent donc toutes à la nature absolue
de ses lois.
Lorsque nous observons les multitudes qui parcourent les rues
de quelque métropole humaine, nous voyons ce qui paraît être
des individus pressés par leurs affaires et leurs problèmes, à la
poursuite de quelques miettes de bonheur. Mais la
simplification à l’extrême de la réalité nous fait oublier les lois
de la vie sociale qui existent depuis bien avant la naissance de
cette métropole et qui existeront bien après la disparition de
ces grandes villes. Les solitaires qui se trouvent parmi une
foule acceptent difficilement cette réalité, qui existe au moins
en potentiel, bien qu’ils soient incapables de la percevoir
directement.
L’acceptation des lois de la vie sociale permet de les mieux
comprendre dans toute leur complexité, même si cela nous est
difficile. Grâce à la compréhension, ou seulement l’intuition de
ces lois, l’individu est capable d’atteindre ses objectifs et de
faire mûrir sa personnalité dans l’action. Par une intuition et
une compréhension suffisantes de ces conditions, une société
est à même de progresser culturellement et économiquement,
et d’atteindre une maturité politique.
Mieux nous comprenons cela, plus nous sommes frappés par la
primitivité et la naïveté psychologique des doctrines sociales,
en particulier celles qui émanent de penseurs ayant vécu aux
XVIIIe et XIXe siècles, et sont caractérisées par la faiblesse de
leur perception psychologique. La nature persuasive de ces
doctrines provient de leur extrême simplification de la réalité,
ce qui permet une adaptation facile et l’utilisation à des fins de
propagande politique. Ces doctrines et idéologies comportent
en leur base des défauts de compréhension des personnalités
humaines et des différences entre les gens, qui apparaissent
clairement à la lumière de notre langage naturel des concepts
psychologiques, et encore plus clairement à la lumière du
langage objectif.
Dans sa vision de la société, le psychologue, même s’il se base
uniquement sur son expérience professionnelle, place toujours
l’être humain à l’avant-plan ; il élargit ensuite la perspective
jusqu’à inclure de petits groupes, comme les familles, et puis
les sociétés et l’humanité dans son ensemble. Il nous faut donc
accepter dès le départ que le sort de l’individu est en grande
partie déterminé par les circonstances. Lorsque nous
élargissons le champ de nos observations, nous percevons
aussi une plus grande spécificité pictoriale des liens causatifs,
et les données statistiques acquièrent plus de stabilité.
Pour pouvoir décrire l’interdépendance du sort et de la
personnalité de l’individu, et l’état de développement de la
société, il nous faut étudier tout le corpus des informations
rassemblées dans ce domaine jusqu’au moment présent, et y
ajouter un nouvel ouvrage écrit en langage objectif. Je me
contenterai d’ajouter ici quelques exemples de ce
raisonnement de façon à ouvrir la porte aux questions
présentées dans des chapitres ultérieurs.
~~~
Tout au long des âges et dans les diverses cultures, les
meilleurs pédagogues ont saisi l’importance, dans la formation
d’une culture et du caractère d’une personne, de la portée des
concepts décrivant les phénomènes psychologiques. La qualité
et la richesse des concepts et de la terminologie26 maîtrisés par
~~~
36 Et l’amour des Américains pour les litiges est bien connue dans le
monde entier. [Note de l’Éditeur]
Le résultat est que l’Amérique étouffe le progrès dans tous les
domaines de la vie, de la culture aux technologies, en passant
par l’économie, sans oublier l’incompétence politique. Quand
elle est ajoutée à d’autres déficiences, l’incapacité de l’égotiste
à comprendre les autres gens et les autres peuples mène à
l’erreur politique et à faire des étrangers des boucs émissaires.
Mettre un frein à l’évolution des structures politiques et des
institutions sociales accroît l’inertie administrative et le
mécontentement de ceux qui en sont victimes.
Réalisons que les plus grandes difficultés et tensions sociales
se produisent au moins dix ans après les premières indications
observables d’une sortie de crise psychologique. Comme elles
sont des conséquences, elles constituent aussi une réaction
tardive à la cause ou bien elles sont stimulées par le même
processus psychologique. La période permettant des contre-
mesures efficaces est donc assez limitée.
L’Europe a-t-elle le droit de mépriser l’Amérique quand celle-ci
souffre des mêmes maux qu’elle a connus à plusieurs reprises ?
Est-ce que le sentiment de supériorité de l’Amérique par
rapport à l’Europe provient de cet état passé et ses résultats
inhumains ne seraient-ils rien d’autre qu’un méchant
anachronisme ? Il serait bien utile que les pays européens
tirent les leçons de leur expérience historique et de leurs
connaissances plus modernes en matière de psychologie, pour
aider l’Amérique de manière efficace.
L’Europe Centrale/de l’Est, actuellement sous domination
soviétique37, fait partie du cycle européen, bien qu’avec un effet
retard ; la même chose est vraie en ce qui concerne l’empire
soviétique, particulièrement en ce qui concerne la partie
européenne. Là, cependant, le dépistage de ces changements et
le fait de les isoler de phénomènes plus spectaculaires fait
disparaître les possibilités d’observation, bien qu’il s’agisse là
~~~
Parmi 5000 psychotiques, névrosés, et personnes saines,
l’auteur a sélectionné 384 adultes qui s’étaient comportés de
manière à sérieusement nuire à leur entourage. Ils provenaient
de tous les cercles de la société polonaise, mais principalement
d’un grand centre industriel caractérisé par des mauvaises
conditions de travail et une grande pollution de l’air. Ils
représentaient diverses positions morales, sociales et
politiques. Une trentaine d’entre eux avaient été soumis à des
sanctions pénales souvent excessivement sévères. Une fois
sortis de prison ou terminée leur peine, ces gens tentaient de se
réadapter à la vie sociale, ce qui les rendait sincères dans leurs
entretiens avec le psychologue. D’autres avaient échappé aux
sanctions ; d’autres encore avaient nui à des membres de leur
entourage d’une façon qui n’appelait pas un recours à la justice
dans le cadre légal théorique ou pratique. Certains étaient
protégés par un système politique qui était en lui-même un
dérivé ponérogénique. L’auteur a en outre eu l’avantage de
parler avec des personnes dont les névroses avaient été
provoquées par des maltraitances dont elles avaient elles-
mêmes été victimes.
Tous ces gens avaient été soumis à des tests psychologiques et
à une anamnèse38 détaillée pour pouvoir déterminer leurs
aptitudes mentales, s’assurer que toute lésion cérébrale était à
exclure ou bien détectée, et pour pouvoir opérer des
comparaisons39. D’autres méthodes aussi ont été suivies, selon
parce que tous mes documents de recherche ont été confisqués avec tout le
reste.
pathologique. Nous concluons en général que cet acte n’aurait
pas eu lieu, parce que c’est le facteur pathologique qui soit l’a
déclenché, soit a été une composante indispensable de son
origine.
L’hypothèse suggère donc que ces facteurs sont communément
présents dans la genèse du mal. La conviction que des facteurs
pathologiques interviennent en général dans les processus
ponérologiques se renforce lorsqu’on sait que pour bon
nombre d’éthiciens le mal, dans notre monde, représente une
sorte de réseau ou continuum de conditionnement réciproque.
Dans cette structure entremêlée, une sorte de mal alimente et
ouvre la porte à d’autres, peu importe les individus ou les
motifs doctrinaux. Il ne se limite pas aux cas individuels,
groupes sociaux ou nations. Puisque les facteurs pathologiques
sont présents dans la synthèse de la plupart des exemples de
mal, ils sont aussi présents dans ce continuum.
D’autres réflexions sur les observations ainsi faites n’ont porté
que sur une partie des divers cas mentionnés plus haut,
spécialement sur ceux qui n’ont pas engendré le doute en
allant à l’encontre d’attitudes morales normales, et ceux qui
n’ont pas présenté de difficultés pratiques comme par exemple
l’absence de contact ultérieur avec le patient. L’approche
statistique n’a donné que des lignes générales. C’est l’approche
intuitive de chaque problème individuellement et une synthèse
semblable par la suite, qui s’est révélée la méthode la plus
avantageuse dans ce domaine.
Le rôle de facteur pathologique dans un processus de genèse
du mal peut être joué par n’importe quel phénomène
psychopathologique connu ou peu connu, et aussi par des
éléments pathologiques que la pratique médicale n’inclut pas
dans la psychopathologie. Mais leur intervention dans un
processus ponérogénique dépend de caractéristiques autres
que l’évidence ou l’intensité de la condition. Au contraire,
l’activité ponérogénique est à son point culminant quand les
facteurs pathologiques atteignent une intensité permettant en
général la détection grâce à des méthodes cliniques, bien qu’ils
ne soient pas encore considérés comme pathologiques par
l’opinion au sein de l’environnement social. Ces facteurs
peuvent limiter, à son insu, la capacité de la personne affectée
à contrôler sa conduite, ou bien affecter d’autres personnes en
traumatisant leur psyché, en exerçant sur elles une fascination,
en faussant le développement de leur personnalité, en
suscitant des émotions vindicatives ou un désir de punir.
L’interprétation moralisante de ces facteurs et de leurs
conséquences entrave la faculté qu’a l’humanité de voir les
causes du mal et d’utiliser son bon sens pour les combattre.
C’est pourquoi l’identification de ces facteurs pathologiques et
la mise en évidence de leur action peuvent souvent limiter
leurs fonctions ponérologiques.
Dans la genèse du mal, des facteurs pathologiques peuvent être
à l’oeuvre à l’intérieur de l’individu qui a commis un acte
nuisible ; cela est relativement facilement reconnu par
l’opinion publique et les tribunaux. Mais il est rarement
remarqué comment ceux qui en sont porteurs influencent des
individus ou des groupes. Ces influences jouent cependant un
rôle capital dans la genèse du mal en général. Pour qu’une telle
influence entre en action, la caractéristique pathologique en
question doit être interprétée d’une manière moralisatrice,
c’est-à-dire en lui attribuant une nature qui ne lui est pas
propre. Il y a toute une liste de ces activités. Pour le moment,
contentons-nous d’indiquer les plus néfastes.
Au cours de sa vie et particulièrement dans son enfance et son
adolescence, toute personne assimile des éléments
psychologiques en provenance de son entourage, par la
résonance mentale, l’identification, l’imitation, et d’autres
moyens de communication, et les transforme pour bâtir sa
propre personnalité et vision du monde. Si ces éléments sont
contaminés par des facteurs pathologiques et déformés, le
développement de la personnalité s’en verra affecté. Le résultat
en sera une personne incapable de comprendre correctement
elle-même et les autres, les relations humaines et la morale,
une personne qui commettra des actes répréhensibles avec un
sentiment très faible d’être en faute. Et en fait, est-elle
vraiment en faute ?
Depuis toujours, les défauts et faiblesses humaines : faiblesses
morales, d’intelligence, de raisonnement, défaut de
connaissance, se combinent avec divers facteurs pathologiques
pour créer un réseau complexe de causalités, qui contient
souvent des relations de feedback ou des structures causales
fermées. Dans la pratique, la cause et l’effet sont souvent très
éloignés l’un de l’autre dans le temps, ce qui rend plus difficile
le dépistage des liens. Quand notre champ d’observation est
suffisamment large nous pouvons observer que les processus
ponérogéniques ont quelque ressemblance avec une complexe
synthèse chimique : on y modifie un seul facteur et le
processus tout entier en est affecté. Les botanistes connaissent
la Loi du Minimum, selon laquelle la croissance de la plante est
limitée par le contenu de la composante en déficit dans le sol.
De même, l’élimination ou du moins la limitation de l’activité
d’un des facteurs ou défauts sus-mentionnés provoque une
réduction correspondante dans le processus de genèse du mal.
Pendant des siècles, les moralistes nous ont exhortés à
développer l’éthique et les valeurs humaines ; ils ont recherché
les critères intellectuels qui le permettaient. Ils ont également
respecté la correction du raisonnement, dont la valeur dans ce
domaine est indiscutable. Néanmoins, en dépit de tous leurs
efforts ils n’ont pas été capables de dominer les diverses sortes
de mal qui pèsent sur l’humanité depuis des âges et qui
prennent actuellement des proportions jamais atteintes
auparavant, de mémoire d’homme. Le but du ponérologue
n’est aucunement de minimiser le rôle des valeurs morales et
du savoir dans ce domaine ; bien au contraire, il est de le
renforcer grâce aux connaissances scientifiques jusqu’ici
tenues en peu d’estime, afin d’obtenir une vue d’ensemble et de
la mieux adapter à la réalité, rendant ainsi possible la prise de
mesures efficaces en morale, psychologie, et domaines social et
politique.
Cette discipline s’intéresse donc au premier chef au rôle des
facteurs pathologiques dans l’origine du mal, en particulier
parce qu’un contrôle et une surveillance aux niveaux
scientifique, social et individuel peuvent limiter ou désamorcer
ces processus. Quelque chose qui a été impossible pendant des
siècles est à présent faisable dans la pratique grâce aux progrès
scientifiques. Les raffinements méthodologiques dépendent
des progrès futurs dans l’obtention de données détaillées et de
la conviction que cette position est valable.
Par exemple, en psychothérapie nous pouvons avoir à informer
un patient que dans la genèse de sa personnalité et de son
comportement nous trouvons les résultats d’influences d’une
personne présentant des traits psychopathologiques. Ce
faisant, nous intervenons de manière douloureuse sur un
patient qui a besoin que nous procédions avec tact et adresse.
Cependant, en conséquence de ce comportement le patient
procède à une sorte d’auto-analyse qui va le libérer des
résultats de ces influences et lui permettre de prendre une
certaine distance par rapport à d’autres facteurs d’une nature
semblable. La réhabilitation dépend de l’amélioration de sa
capacité à comprendre lui-même et les autres. Grâce à cela il
pourra surmonter plus facilement ses difficultés intérieures et
interpersonnelles et pourra éviter des erreurs qui portent tort à
lui-même et à son entourage immédiat.
Facteurs pathologiques
Tentons de donner une description concise des facteurs
pathologiques les plus actifs dans les processus ponéro-
géniques. Les exemples proviennent de l’expérience
personnelle de l’auteur, et non de correspondances statistiques
exhaustives, et peuvent donc différer des avis de certains
spécialistes. Quelques données statistiques concernant ces
phénomènes ont été empruntées à d’autres ouvrages ou
constituent des évaluations approximatives élaborées dans des
conditions qui ne permettaient pas de faire des recherches sur
tous les tableaux.
Il faut aussi mentionner certains personnages historiques, des
gens dont les caractéristiques pathologiques ont contribué au
déclenchement de la genèse du mal sur une grande échelle, et
qui ont scellé le sort de certaines nations. Ce n’est pas tâche
aisée que d’établir un diagnostic pour des gens dont les
anomalies psychologiques et les maladies ont disparu avec eux.
Les résultats de telles analyses cliniques sont susceptibles
d’être mis en doute, même par des personnes qui ne possèdent
aucune connaissance ou expérience dans ce domaine,
simplement parce que le fait de reconnaître un tel état d’esprit
ne correspond pas à leur façon de penser du point de vue
historique ou littéraire. Bien que ceci ait été fait sur base de
l’héritage d’un langage naturel et souvent moralisateur, je puis
assurer que j’ai toujours fondé mes recherches sur des
comparaisons de données acquises par de nombreuses
observations faites en examinant un nombre élevé de patients
semblables, en suivant les méthodes objectives de la
psychologie clinique contemporaine. J’ai poussé l’approche
critique aussi loin que possible. Les opinions de spécialistes
ayant utilisé des méthodes similaires restent valables elles
aussi.
Déviances acquises
Le tissu cérébral est très limité dans sa capacité de
régénérescence. Lorsqu’il est endommagé et que commence la
guérison, un processus de réhabilitation se met en place, grâce
auquel les tissus sains avoisinants assument les fonctions de la
partie endommagée. Cette substitution n’est jamais parfaite, de
sorte que, même quand les dégâts sont minimes, on peut y
détecter certaines faiblesses dans l’adresse et certains
processus psychologiques, en appliquant des tests appropriés.
Les spécialistes connaissent les diverses causes de ces
dommages, y compris les traumatismes et les infections.
Soulignons que les résultats psychologiques de ces
modifications, tels que nous pouvons les observer des années
plus tard, dépendent plus de l’endroit où s’est situé le
dommage dans la masse cérébrale, que ce soit à la surface ou à
l’intérieur de celle-ci, que de leur cause. L’importance de ces
conséquences varie aussi selon l’âge de la personne au moment
de l’événement. En ce qui concerne les facteurs pathologiques
des processus ponérologiques, les dommages périnataux ou
survenus dans la petite enfance sont plus graves que ceux qui
sont apparus plus tard dans la vie.
Dans les sociétés où les soins médicaux sont très développés,
nous voyons, dans les plus petites classes d’école primaire (où
des tests peuvent déjà être appliqués), que 5 à 7 % des enfants
ont subi des lésions des tissus cérébraux à l’origine de troubles
dans l’étude ou le comportement. Ce pourcentage augmente
avec l’âge. Les soins médicaux modernes ont contribué à une
réduction significative de ces phénomènes, mais dans certains
pays relativement peu civilisés, et en des temps historiques, les
indications de difficultés provoquées par de telles altérations
ont été et sont plus fréquentes.
L’épilepsie et ses nombreuses variantes représentent les causes
les plus anciennement connues de lésions de ce type ; elles sont
observées chez un nombre relativement réduit de personnes
ayant subi ce type de dommages. Les chercheurs sont
relativement unanimes pour admettre que Jules César et
ensuite Napoléon Bonaparte ont eu des crises d’épilepsie. Ces
deux cas étaient probablement des exemples d’épilepsie
végétative provoquée par des lésions profondes du cerveau au
voisinage des centres végétatifs. Cette variante n’est pas cause
de démence. La mesure dans laquelle ces affections cachées
ont eu des effets négatifs sur leur caractère et leurs décisions
historiques, ou bien ont joué un rôle ponérogénique, pourrait
faire l’objet d’une étude séparée. Dans la plupart des cas,
cependant, l’épilepsie est une affection évidente, ce qui limite
son rôle en tant que facteur ponérogénique.
Chez un bien plus grand nombre de porteurs de lésions aux
tissus cérébraux, la déformation négative de leur caractère
s’accroît avec le temps. Elle prend des formes diverses qui
dépendent des propriétés et de la localisation de ces
modifications, de l’époque où celles-ci sont survenues, et
également des conditions de vie des individus après leur
occurrence. Nous nommerons ces troubles du caractère des
caractéropathies. Certaines caractéropathies jouent un rôle
primordial en tant qu’agents pathologiques dans le processus
de genèse du mal. Nous allons donc identifier les plus actives.
Les caractéropathies ont en commun une certaine qualité qui
est mise en évidence à condition que le tableau clinique ne soit
pas brouillé par la coexistence d’autres anomalies mentales
(généralement héritées), qui apparaissent parfois. Le tissu
cérébral intact conserve les propriétés psychologiques
naturelles de notre espèce. Cela est particulièrement évident
dans les réactions instinctives et affectives, qui sont naturelles
mais souvent insuffisamment contrôlées. L’expérience des
personnes présentant ce genre d’anomalies dépasse le monde
humain normal auquel elles appartiennent par nature. C’est
pourquoi leur inhabituelle manière de penser, la violence de
leurs émotions, et leur égocentrisme entrent relativement
facilement dans l’esprit des gens et sont perçus comme faisant
partie des catégories de vision du monde naturelle. Un tel
comportement de la part de personnes affectées de troubles du
caractère traumatise l’esprit et les sentiments des gens
normaux, ce qui affaiblit progressivement leur faculté d’utiliser
leur bon sens. Malgré leur résistance, les gens s’habituent aux
habitudes rigides de la pensée et du comportement
pathologiques. Il en résulte, chez les personnes jeunes, un
développement anormal de la personnalité qui débouche sur
des malformations. Dès lors, ils présentent des facteurs
pathologiques, ponérologiques, qui par leur activité cachée,
déclenchent sans difficulté de nouvelles phases dans l’éternelle
genèse du mal, en ouvrant la porte à une activation ultérieure
d’autres facteurs qui deviennent ensuite prépondérants.
Un exemple relativement bien documenté de l’influence d’une
personnalité caractéropathique à l’échelle macro sociale est
celui du dernier empereur d’Allemagne : Guillaume II40. Il a
subi un traumatisme cérébral à la naissance. Pendant et après
son règne, son handicap physique et psychologique a été caché
au public. Les capacités motrices de la partie supérieure
gauche de son corps étaient réduites. Pendant son enfance, il a
éprouvé des difficultés à apprendre la grammaire, la géométrie
et le dessin, qui représentent le trio typique des difficultés
d’étude dues à des lésions cérébrales mineures. Sa personnalité
est restée infantile, et il contrôlait difficilement ses émotions ;
~~~
Troubles du caractère à tendance paranoïaque : c’est une
caractéristique du comportement de personnes paranoïaques
que d’être capables de raisonner et discuter relativement
correctement aussi longtemps que la discussion implique
seulement des divergences de vues mineures. Mais cela s’arrête
brusquement dès que les arguments de l’interlocuteur
commencent à ébranler les idées auxquelles elles se
cramponnent, à écraser leurs raisonnements stéréotypés
auxquels elles tiennent de longue date, ou les forcent à
accepter les conclusions que leur subconscient avait
précédemment rejetées. Un stimulus de cet ordre déchaîne vis-
à-vis de l’interlocuteur un torrent de déclarations pseudo-
logiques, largement pseudo-moralisantes, souvent insultantes,
qui contiennent toujours un certain degré de suggestion.
Un tel discours inspire l’aversion chez les gens cultivés et
logiques, mais il subjugue des esprits moins critiques, par
exemple des personnes présentant d’autres faiblesses
psychologiques, qui ont à une époque subi l’influence
d’individus affectés de troubles du caractère, et ce en grande
partie parmi les jeunes. Un prolétaire percevra peut-être cela
comme une sorte de victoire sur les classes supérieures et
prendra donc parti pour le paranoïaque. Mais ce n’est pas une
réaction normale parmi les gens ordinaires, où la perception de
la réalité psychologique n’est pas moindre que chez les
intellectuels. Quoi qu’il en soit, la réaction d’acceptation d’une
argumentation paranoïaque est qualitativement plus fréquente
en proportion inverse du niveau de civilisation de la
communauté en question, bien qu’elle n’atteigne jamais la
majorité. Néanmoins, les individus paranoïaques se rendent
compte par l’expérience de la fascination qu’ils exercent, et
s’efforcent d’en tirer profit de manière pathologiquement
égoïste.
Nous savons à présent que le mécanisme psychologique des
phénomènes de paranoïa est double : les uns sont causés par
des lésions du tissu cérébral, les autres sont fonction du
comportement. Dans le cadre du processus de réhabilitation
sus-mentionné, toute lésion au tissu cérébral provoque une
certaine perte de précision de la pensée, et par conséquent de
la structure de la personnalité. Les cas les plus typiques sont
ceux qui sont dus à une agression du diencéphale 43 par divers
facteurs pathologiques, et dont le résultat est une diminution
permanente de la tonicité de celui-ci, et du tonus d’inhibition
dans le cortex cérébral. C’est en particulier pendant les nuits
sans sommeil que les pensées vagabondes suscitent une vision
altérée, paranoïaque, de la réalité humaine, ou des idées qui
peuvent être doucement naïves ou bien violemment
révolutionnaires. Nous appellerons cela une caractéropathie
paranoïaque.
Chez les personnes ne présentant pas de lésions du tissu
cérébral, de tels phénomènes résultent le plus fréquemment
d’une éducation donnée par des personnes affectées de
caractéropathie paranoïaque, ainsi que des terreurs
psychologiques vécues dans l’enfance. Ces éléments
psychologiques sont ensuite assimilés et donnent lieu aux
rigides stéréotypes d’un vécu anormal. Les pensées et la vision
du monde ne peuvent se développer normalement, et le
contenu de terreur bloquée se transforme en centres
fonctionnels congestionnés en permanence.
Ivan Pavlov a compris tous les états paranoïdes d’après ce
modèle fonctionnel, sans avoir conscience de cette cause
fondamentale et primordiale. Il a cependant donné une
description vivante de ces caractères paranoïdes et de la facilité
~~~
Lui et six de ses supposés complices ont été arrêtés et fusillés en décembre
1953. [Note de l’Éditeur]
46 Vingt lettres à un ami (NDT)
interprétation à des considérations historiques et morales,
nous débouchons sur d’autres facteurs ponérogéniques. Un tel
raisonnement doit dès lors être considéré non seulement
comme non scientifique, mais aussi immoral.
~~~
Déviances héritées
Les sciences protègent déjà les sociétés des effets de certaines
anomalies physiologiques accompagnées de certains troubles
psychologiques. Le rôle tragique de l’hémophilie héréditaire au
sein de certaines familles royales européennes est bien connu.
De nos jours, les responsables ne permettraient pas à une
porteuse de ce gène de devenir reine. Toute société se
préoccupant des individus présentant une insuffisance au
niveau de la coagulation sanguine élèverait des protestations si
un hémophile était nommé à un poste élevé. Ce modèle de
comportement devrait s’étendre à de nombreuses autres
anomalies héritées.
Les daltoniens : des hommes incapables de distinguer du gris
le rouge et le vert n’ont plus accès à des professions où ce
défaut pourrait provoquer des catastrophes. Nous savons
également que cette anomalie est accompagnée d’une
diminution du sens esthétique, des émotions, et du sentiment
d’appartenir à une société qui peut voir les couleurs
normalement. Les psychologues intervenant dans des
industries sont dès lors prudents dans leurs décisions à cet
égard : est-ce qu’on peut vraiment confier à un daltonien des
tâches exigeant un sens autonome des responsabilités étant
donné que la sécurité des travailleurs est impliquée ?
Il a été découvert il y a bien longtemps que les deux anomalies
ci-dessus sont héritées du fait d’un gène localisé dans le
chromosome X, et il n’est pas difficile de remonter le cours de
leur ligne de transmission au fil de nombreuses générations.
Les généticiens ont ainsi étudié l’héritage de nombreuses
autres caractéristiques de l’organisme humain, mais ils ne se
sont pas beaucoup penchés sur les anomalies qui nous
intéressent. Bien des traits de caractère ont une base
héréditaire dans des gènes localisés dans ce même
chromosome X ; bien que ceci ne soit pas la règle. Quelque
chose de similaire pourrait s’appliquer à la majeure partie des
anomalies psychologiques que nous allons bientôt aborder.
D’importants progrès ont été faits récemment dans la
connaissance de toute une série d’anomalies chromosomiques
résultant de défauts de division des cellules de la reproduction
et dans leurs symptômes psychologiques phénotypiques. Ceci
permet d’entreprendre des études sur leur rôle
ponérogénétique et d’atteindre des conclusions théoriquement
valables, ce qui est fait actuellement. Cependant, dans la
pratique la majeure partie des anomalies chromosomiques ne
sont pas transmises à la génération suivante ; en outre, leurs
porteurs ne représentent qu’une faible proportion de la
population dans son ensemble, et leur intelligence générale est
inférieure à la moyenne de la société, de sorte que leur rôle
ponérologique est même plus insignifiant que leur répartition
statistique. La plupart des problèmes proviennent du
karyotype XYY53, qui produit des hommes grands, forts et
émotionnellement violents, ayant une propension à ne pas
respecter les lois. Ils ont fait l’objet d’analyses et d’études, mais
leur rôle au niveau pris en compte ici est également
négligeable.
Beaucoup plus nombreuses sont les déviances psychologiques
qui jouent aussi un bien plus grand rôle en tant que facteurs
~~~
Schizoïdie : la schizoïdie54, ou psychopathie schizoïde a été
isolée par le tout premier des fondateurs célèbres de la
~~~
61 Hervey Cleckley : The Mask of Sanity, 1976 ; C.V. Mosby Co., p. 386
62 Dans leur article, « Construct Validity of Psychopathy in a Community
Sample: A Nomological Net Approach, » (op cit.) Salekin, Trobst, et
Krioukova, écrivent : « La psychopathie, telle que conçue à l’origine par
Cleckley (1941), ne se limite pas à se livrer à des activités illégales, mais elle
englobe aussi des caractéristiques de personnalité comme la manipulation,
l’insincérité, l’égocentrisme et l’absence de sentiment de culpabilité –
caractéristiques clairement présentes chez les criminels, mais aussi chez des
conjoints, parents, patrons, avocats, politiciens, et administrateurs de
sociétés, pour n’en nommer que quelques uns. (Bursten, 1973 ; Stewart,
1991)…. La psychopathie peut donc être caractérisée …. comme impliquant
une tendance à la domination et à la froideur. Wiggins (1995) dans son
résumé de nombreuses découvertes précédentes… indique que ces
individus sont prompts à la colère, à l’irritation et à l’exploitation de leur
entourage. Ils sont arrogants, manipulateurs, cyniques, exhibitionnistes,
machiavéliques, avides de sensations fortes, et ne cherchent que leur
propre profit. En ce qui concerne leurs modèles d’échanges sociaux (Foa &
Foa, 1974), ils s’attribuent amour et statut social, se voient comme précieux
et importants, mais ne donnent ni amour ni statut social aux autres, qu’ils
voient comme sans valeur et insignifiants. Cette caractéristation est
manifestement en accord avec l’essence de la psychopathie telle que décrite
en général. … il apparaît clairement de nos résultats que (a) les mesures de
psychopathie convergent vers un prototype impliquant une combinaison
de caractéristiques de domination et de froideur interpersonnelle ; (b) la
psychopathie apparaît dans la communauté et ce à un taux plus élevé que
supposé précédemment ; et (c) la psychopathie ne paraît pas vraiment
chevaucher les troubles de la personnalité à part le Trouble de la
Personnalité Antisociale. » [Note de l’Éditeur].
Le patient névrosé est généralement taciturne et a difficile à
expliquer ce qui lui fait le plus mal. Le psychologue doit savoir
comment surmonter ces obstacles en faisant appel à des
comportements non douloureux. Les névrosés se sentent
extrêmement coupables d’actes qui pourraient être aisément
pardonnés. Ces patients sont à même d’éprouver un amour
profond et durable, mais ne parviennent pas à l’exprimer ou à
réaliser leurs rêves. Le comportement du psychopathe est aux
antipodes de ces phénomènes et difficultés.
Le premier contact se caractérise par un bavardage qui coule
avec aisance et évite les sujets très importants quand ils sont
perçus comme inconfortables pour l’interlocuteur. Le fil de la
pensée du psychopathe évite naturellement aussi les sujets
dont la représentation est absente de sa vision du monde. Nous
avons alors le sentiment que nous avons à faire à une imitation
du modèle de pensée d’une personne normale, pour qui c’est
quelque chose d’autre qui est « normal » en fait. Du point de
vue de la logique, le cours des pensées est apparemment
correct, bien que dépourvu de critères communément
acceptés. Une analyse plus détaillée met cependant en
évidence le recours à de nombreux contrelogismes suggestifs.
Les psychopathes dont il est question ici sont virtuellement
ignorants des émotions de l’amour durable, en particulier vis-
à-vis du conjoint. L’amour représente un conte de fées
appartenant à cet « autre » monde humain. L’amour peut être
un phénomène éphémère dans une aventure sexuelle. Notons
cependant que ces Don Juan sont capables de jouer de manière
convaincante pour leur partenaire le rôle de l’amoureux. Après
le mariage, les sentiments qui n’ont en fait jamais existé sont
remplacés par de l’égoïsme, de l’égocentrisme et de
l’hédonisme. La religion, qui enseigne l’amour du prochain est
aussi vue par eux comme un conte de fées destiné aux enfants
et aux autres « prochains ».
On pourrait s’attendre à ce qu’ils ressentent de la culpabilité en
conséquence de leurs nombreux actes antisociaux ; mais
l’absence de sentiment de culpabilité est le résultat des
déficiences décrites précédemment63. Le monde des gens
normaux qu’ils blessent leur est incompréhensible et hostile, et
pour eux la vie c’est la recherche d’attraits immédiats, de
moments de plaisir, et de passagers sentiments de pouvoir. Ils
rencontrent l’échec sur toute la ligne, ainsi que la
condamnation morale de la société de ces « autres » gens
incompréhensibles. Dans leur ouvrage intitulé Psychopathy
and Delinquency, W. et J. McCord disent des psychopathes :
Le psychopathe éprouve peu ou pas du tout de
culpabilité. Il peut commettre les actes les plus
barbares sans aucun remords. Le psychopathe a une
capacité tronquée d’aimer. Ses liens émotionnels,
quand ils existent, sont ténus, flous, et ne tendent à
satisfaire que ses propres désirs ; ces deux derniers
traits : le manque de culpabilité et d’amour, font
manifestement apparaître le psychopathe comme
différent des autres êtres humains. (1956)64
~~~
~~~
Ceci doit être souligné, d’autant plus qu’il a existé des théories
sur le rôle exceptionnellement créatif des individus anormaux,
et même une identification du génie humain grâce à la
psychologie de l’anormalité. Cependant, la subjectivité de ces
théories paraît provenir de gens qui étaient à la recherche
d’une affirmation de leur propre personnalité en se basant sur
ce genre de vision du monde. Certains penseurs, inventeurs et
artistes hors pair ont été des spécimens psychiquement
normaux, qualitativement parlant.
Après tout, les gens psychologiquement normaux constituent à
la fois la grande majorité statistique et la base réelle de la vie
en société dans chaque communauté. Selon les lois naturelles,
ce sont donc eux qui devraient donner le ton ; c’est de leur
nature que dérivent les lois de la morale. Le pouvoir devrait
être aux mains de gens normaux. Le ponérologue demande
seulement que les autorités apprennent à comprendre ces gens
moins normaux et qu’elles basent leurs lois sur cette
compréhension.
Le pourcentage et la composition qualitative de cette fraction
de la population biopsychologiquement déficiente varient
beaucoup dans l’espace et dans le temps sur la planète. Ce
pourcentage ainsi que la structure qualitative influencent tout
le climat psychologique et moral d’un pays. C’est pourquoi ce
problème devrait attirer l’attention. Mais il semble que les
rêves de pouvoir si présents, comme on le voit dans ces cercles,
ne se réalisent pas nécessairement dans les pays où ce
pourcentage est très élevé. D’autres circonstances historiques
sont également déterminantes.
Dans toutes les sociétés du monde, les psychopathes et certains
autres individus atteints de déviances créent un réseau de
collusion ponérogéniquement actif, provenant en partie de la
communauté des gens normaux. L’influence appréciable de la
psychopathie essentielle au sein de ce réseau semble être un
phénomène courant également. Ces gens prennent conscience
de leur différence à mesure qu’ils avancent dans la vie et se
familiarisent avec les différentes manières de lutter pour
atteindre leurs objectifs. Leur monde est divisé en « nous » et «
eux » et il est régi par ses propres lois et coutumes, par
opposition à « ce monde-là » rempli de présomptions et
coutumes en vertu desquelles ils sont moralement condamnés.
Leur propre code d’honneur les encourage à tromper et avilir
cet autre monde humain et ses valeurs. Pour eux le non-
respect de leurs promesses et signatures est un comportement
allant de soi. Ils apprennent aussi comment leur personnalité
peut traumatiser la personnalité des gens normaux et
comment ils peuvent tirer profit de cette terreur afin
d’atteindre leurs buts. Cette dichotomie dans le monde est
permanente et ne disparaît pas quand ils parviennent à réaliser
leur rêve d’acquérir du pouvoir sur la société des gens
normaux. Cela prouve que cette séparation est conditionnée
biologiquement.
Ces gens ont des rêves utopiques d’un monde « heureux »,
d’un système social dont ils ne seraient pas rejetés, et où ils ne
seraient pas soumis à des lois et coutumes dont la signification
leur échappe. Ils rêvent d’un monde dans lequel dominerait
leur manière simple et radicale70 d’appréhender et percevoir la
réalité, et où leur sécurité et leur prospérité seraient assurées.
Ces « autres », qui sont différents mais également très doués
techniquement, doivent être mis à contribution pour qu’ils
puissent atteindre ces objectifs. Ils veulent créer un nouveau
gouvernement, un gouvernement juste71. Ils sont prêts à
combattre et souffrir pour ce « meilleur des mondes », et aussi,
bien sûr, à faire souffrir les autres. Leur vision justifie
l’assassinat de gens dont les souffrances ne suscitent pas leur
compassion parce qu’ »ils » ne sont pas de la même espèce. Ils
ne réalisent pas qu’ils vont rencontrer de l’opposition, et ce
peut-être pendant des générations.
~~~
~~~
~~~
~~~
77 Celui qui l’a fait est celui à qui cela profite (NDT)
et l’erreur psychologique lorsque nous donnons une
interprétation moralisante aux défauts et erreurs de
comportement humain, qui dépendent en fait largement de
l’influence de facteurs pathologiques, qui passe souvent
inaperçue de ceux qui n’ont pas de formation dans ce domaine.
Nous permettons ainsi à ces facteurs de poursuivre leur action
ponérogénique à l’intérieur de nous-même et chez les autres.
Cependant, rien n’empoisonne plus l’âme, rien ne nous prive
autant de notre faculté de comprendre objectivement la réalité,
que d’obéir à cette impulsion.
Dans la pratique, tout comportement qui blesse sérieusement
une autre personne implique, dans sa genèse psychologique,
l’influence de facteurs pathologiques, entre autres choses bien
sûr. C’est pourquoi, toute interprétation de causes de mal qui
se limiterait à des catégories morales se base sur une
interprétation non appropriée de la réalité, une interprétation
qui mène en général à un comportement erroné, qui limite
notre capacité à contrebalancer le mal de manière causative et
mène au désir de vengeance. Elle ranime très souvent le feu
dans les processus ponérogéniques. Nous allons dès lors
considérer que l’interprétation unilatéralement moralisante
des origines du mal est toujours fausse et immorale. L’idée de
surmonter cette tendance commune et ses résultats peut être
vue comme un motif moral étroitement lié à la ponérologie.
L’analyse des raisons pour lesquelles certaines personnes
abusent des interprétations chargées d’émotions et rejettent
avec indignation toute interprétation plus correcte révèle
naturellement la présence de facteurs pathologiques dans ces
interprétations. L’intensification de cette tendance est
provoquée par l’élimination du champ de la conscience de
toute autocritique concernant leur propre comportement et les
raisons internes de celui-ci. L’influence que peuvent avoir ces
personnes accentue cette tendance dans leur entourage.
~~~
78 De nombreux exemples récents sont les enfants battus à mort par leurs
parents pour des « raisons religieuses ». Les parents prétendent que leur
Les déclarations et suggestions pseudo-morales accompagnent
si souvent diverses formes de mal qu’elles semblent
irremplaçables. Malheureusement, il est devenu très fréquent
que des individus, des groupes de pression, ou des systèmes
patho-politiques inventent de nouveaux critères moraux dans
leur propre intérêt. Des suggestions de ce genre privent
souvent les gens d’une partie de leur raisonnement moral et
affectent le développement de ce dernier chez les jeunes gens.
Il y a des fabricants de pseudo-morale dans le monde entier, et
il est difficile pour le ponérologue de croire que ces gens sont
psychologiquement normaux.
Les traits d’inversion dans la genèse du pseudo-moralisme
tendent à prouver qu’ils proviennent principalement d’un rejet
subconscient (et d’une élimination du champ de la conscience)
de quelque chose d’entièrement différent, que nous nommons
la voix de la conscience. Le ponérologue peut cependant faire
état de nombreuses observations appuyant l’opinion que divers
facteurs pathologiques contribuent à la tendance au pseudo-
moralisme. Cela est illustré dans la famille susmentionnée.
Comme c’est le cas pour l’interprétation moralisante, cette
tendance s’intensifie chez les égocentriques et les hystériques,
et ses causes sont similaires. Comme pour tous les
phénomènes d’inversion, la tendance à recourir au pseudo-
moralisme est psychologiquement contagieuse. Cela explique
pourquoi elle est observée chez des gens ayant été élevés par
enfant est possédé du démon, ou qu’il s’est conduit si mal que seule « une
solide correction pourra le remettre dans le droit chemin ». Autre exemple :
la circoncision des garçons, l’excision des filles dans certaines ethnies. La
coutume indienne du sâti où la veuve s’immole sur le bûcher de son époux
; ou encore dans les cultures musulmanes où, quand une femme a été
violée, les hommes de la famille ont pour devoir de la tuer afin de laver la
honte qui entache l’honneur familial. Tous ces actes sont qualifiés de «
moraux », mais ils sont en fait pathologiques et criminels. [Note de
l’Éditeur et de la traductrice].
des individus chez lesquels le phénomène s’est développé en
parallèle avec des facteurs pathologiques.
C’est peut-être le moment de se dire que la vraie morale naît et
existe indépendamment de nos jugements à cet égard, et même
de notre capacité à la reconnaître. L’attitude requise pour
comprendre cela est donc scientifique, et non créatrice : il nous
faut humblement soumettre notre esprit à la réalité perçue.
C’est ce qui se passe quand nous découvrons l’homme dans sa
vérité : ses faiblesses et ses qualités ; elle nous montre ce qui
est convenable et approprié par rapport à autrui et aux autres
sociétés.
~~~
Les fascinateurs
Pour pouvoir comprendre les voies ponérogéniques, en
particulier celles qui sont à l’oeuvre dans un contexte social
large, nous allons passer en revue les rôles et personnalités
d’individus que nous appellerons « fascinateurs », qui sont très
actifs dans le domaine qui nous occupe, bien que leur nombre
soit statistiquement négligeable. Ils sont en général porteurs
de divers facteurs pathologiques, de certaines caractéropathies,
et d’anomalies héritées. Les individus présentant des
malformations de la personnalité jouent souvent les même
rôles, bien que l’échelle sociale reste restreinte (famille ou
voisinage) et qu’ils ne dépassent pas certaines limites de
décence. Les fascinateurs sont caractérisés par un égotisme
pathologique. Ces personnes se sentent très tôt forcées par
quelque cause interne, de faire un choix entre deux possibilités
: soit de forcer les gens à penser et ressentir les choses comme
elles le font elles ; soit de se sentir solitaires et différentes, un
défaut pathologique d’adaptation à la vie sociale. Parfois le
choix doit se faire entre « charmer le serpent » et le suicide.
La répression réussie de l’autocritique ou de concepts
déplaisants du champ de la conscience donne graduellement
lieu aux phénomènes déjà cités de pensée inversive, de pseudo-
logique, pseudo-moralisme, et de blocages inversifs. Ils
finissent par affluer si abondamment qu’ils noient le mental de
l’homme moyen. Tout doit être subordonné à leur conviction
surcompensatoire qu’ils sont exceptionnels, et parfois même
messianiques. Une idéologie se fait jour, en partie véridique, et
dont la valeur est censée être supérieure. Mais l’analyse des
fonctions exactes d’une telle idéologie dans la personnalité du
fascinateur, montre qu’il s’agit là d’un moyen d’auto-séduction,
utile dans le balayage des associations autocritiques vers le
subconscient. Le rôle de cette idéologie dans
l’instrumentalisation d’autrui sert lui aussi les objectifs du
fascinateur.
Lorsqu’ils extrapolent leurs expériences antérieures et croient
qu’il se trouvera toujours des gens désireux de se convertir aux
idées qu’ils proposent, ces fascinateurs n’ont pas tort. Ils ne
sont choqués (ou ressentent une indignation pseudo-morale)
que quand ils découvrent que leur influence ne s’étend qu’à
une petite minorité alors que la plupart des gens gardent à leur
égard une attitude critique, peinée et perturbée. Le fascinateur
est donc confronté à un choix : ou bien il se retire dans son
désert, ou bien il renforce sa position en augmentant
l’efficacité de ses activités.
Le fascinateur met sur un plan moral élevé ceux qui
succombent à son influence et suivent les méthodes qu’il
impose. Il comble ces gens d’attentions et de bienfaits. Les
critiques sont considérées comme des outrages « moraux ». Il
peut aller jusqu’à proclamer que la minorité docile constitue en
fait la majorité morale (Bolcheviks), puisqu’elle professe la
meilleure idéologie et honore un chef dont les qualités sont au-
dessus de la moyenne.
Ces activités sont toujours caractérisées par l’incapacité à
prévoir les résultats finaux ; cela est manifeste du point de vue
psychologique car le substrat abrite des phénomènes
pathologiques, et tant la séduction que l’auto-séduction
rendent impossible une perception de la réalité suffisamment
précise pour prévoir des résultats dans une optique logique.
Néanmoins, les fascinateurs nourrissent un grand optimisme
et voient un avenir triomphant, semblable à celui qu’ils voient
dans leur propre âme perturbée. Leur optimisme peut
également être un symptôme pathologique. Dans une société
saine, les fascinateurs rencontrent assez de critiques qui les
mettent rapidement au pas. Mais quand ils sont précédés par
des conditions qui affectent négativement le bon sens et l’ordre
social (comme l’injustice sociale, le recul culturel, ou des
dirigeants intellectuellement limités manifestant des traits
pathologiques), les fascinateurs peuvent mener des sociétés
entières à la tragédie humaine sur grande échelle.
Ce genre d’individus recherche dans leur environnement ou la
société des gens qu’ils peuvent placer sous leur influence en
accentuant leurs faiblesses psychologiques jusqu’à ce qu’ils
forment ensemble une union ponérogénique. Par ailleurs,
certaines personnes ayant conservé intactes leurs facultés de
saine critique peuvent, en s’appuyant sur leur propre bon sens
et leurs propres critères moraux, tenter de contrecarrer les
activités et objectifs des fascinateurs. Dans la polarisation des
attitudes sociales qui en résultent, chacune des parties se
justifie par des catégorisations morales. C’est pourquoi cette
résistance par le bon sens est toujours accompagnée d’un
certain sentiment d’impuissance et de faiblesse des critères. Le
fait de savoir que le fascinateur est toujours un individu
présentant des pathologies devrait nous protéger des résultats
connus d’une interprétation moralisante des phénomènes
pathologiques, ce qui permettrait de disposer de critères
objectifs pour des actions plus efficaces. L’explication du
substrat pathologique qui se cache derrière ces activités de
séduction devrait permettre des solutions modernes à de telles
situations.
C’est un phénomène caractéristique qu’un quotient intellectuel
élevé, et spécialement tel que mesuré par des tests typiques de
QI, ne protège que modérément de ces activités de séduction.
Les réelles différences dans la formation des attitudes
humaines sous l’influence de telles activités doivent être
attribuées à d’autres propriétés de la nature humaine. Le
facteur le plus décisif dans l’adoption d’une attitude critique
est une bonne intelligence de base, car elle conditionne notre
perception de la réalité psychologique. Nous pouvons aussi
observer comment les activités du séducteur parviennent à «
mettre à nu » les gens influençables avec une régularité
surprenante.
Nous reviendrons par la suite aux relations spécifiques entre la
personnalité du fascinateur, l’idéologie qu’il prêche, et les
choix faits par ceux qui succombent. Une clarification plus
exhaustive de ce phénomène exigerait une étude séparée dans
le cadre de la ponérologie générale, un travail qu’il faut laisser
aux spécialistes, afin d’expliquer certains de ces intéressants
phénomènes qui ne sont toujours pas compris complètement
de nos jours.
~~~
Idéologies
Il est un phénomène commun à tous les associations et
groupes ponérogéniques : ils ont tous une idéologie
particulière qui justifie leurs activités et leur fournit des motifs
de propagande. Même les associations temporaires de truands
ont leur propre idéologie mélodramatique et romantisme
pathologique. La nature humaine exige que les sujets les plus
vils soient entourés d’un halo de mystique surcompensatoire
afin de faire taire et tromper la conscience et les facultés
critiques, qu’il s’agisse de nous-même ou d’autrui.
Si l’on dépouille l’association ponérologique de son idéologie il
n’en reste rien, à l’exception d’une pathologie psychologique et
morale qui apparaît dans toute sa nudité repoussante. Ce
dépouillement provoque un « outrage moral », et pas
seulement vis à vis des membres de l’association mais aussi vis
à vis des gens normaux qui condamnent ce genre d’association
et d’idéologie, qui se sentent privés d’une partie de ce qui
constituait leur propre romantisme, leur propre perception de
la réalité. Il se peut même que certains lecteurs du présent
ouvrage en veuillent à l’auteur de dépouiller sans cérémonie le
mal de tous ses ornements littéraires. Le fait est que procéder à
un tel « effeuillage » peut se révéler bien plus difficile et
dangereux qu’on ne le pense.
L’association ponérogénique primaire se forme en même
temps que son idéologie, peut-être même avant. Une personne
normale perçoit cette idéologie comme différant du monde des
concepts humains, comme manifestement suggestive, et peut-
être même comme comiquement primitive au premier abord.
L’idéologie d’une association ponérogénique secondaire est
formée par adaptation graduelle de l’idéologie primaire à des
fonctions et objectifs qui diffèrent de ceux qui étaient présents
au moment de la formation. Une certaine sorte de « feuilletage
» ou de schizophrénie de l’idéologie a lieu au cours du
processus de ponérisation. La couche extérieure qui est la plus
proche du contenu originel est utilisée pour la propagande du
groupe, spécialement par rapport au monde extérieur, bien
qu’elle puisse aussi être utilisée en partie à l’intérieur, à
l’intention des membres pas assez convaincus des échelons
inférieurs. La deuxième couche ne présente aucun problème de
compréhension pour l’élite : elle est plus hermétique,
généralement composée en glissant des significations
différentes dans les même mots. Puisque des mots identiques
ont des sens différents selon la couche dans laquelle on les
place, la compréhension de ce « double langage » nécessite la
maîtrise des deux « langues ».
L’homme moyen succombe aux insinuations suggestives de la
première couche longtemps avant de commencer à
comprendre la deuxième aussi. Toute personne présentant
certaines déviances psychologiques, en particulier si elle porte
un masque de normalité, perçoit immédiatement la deuxième
couche comme attrayante et significative. C’est normal,
puisqu’elle a été élaborée par des gens qui lui ressemblent.
Comprendre ce double langage constitue donc un travail ardu
qui provoque une résistance psychologique bien
compréhensible. Mais cette dualité de langage est en fait un
symptôme pathognomonique84 indiquant que l’association
humaine en question est atteinte du processus ponérogénique,
et ce à un stade avancé.
Le processus de ponérisation
L’observation du processus de ponérisation de diverses
associations humaines à travers l’Histoire montre clairement
que l’étape initiale est la déformation du contenu idéologique
du groupe. La perversion de l’idéologie peut être analysée par
le biais d’infiltrations par des éléments matériels étrangers qui
la privent du soutien de la confiance et de la compréhension de
la nature humaine. C’est ainsi que s’engouffrent les facteurs
pathologiques et que se met en place le rôle ponérogénique de
ceux qui en sont atteints.
Ce fait pourrait justifier la conviction des moralistes que
maintenir une discipline éthique et la pureté de l’idéal
constituent une protection suffisante contre le dévoiement ou
l’égarement dans un monde d’erreurs. Mais une telle
conviction frappe le ponérologue comme la simplification
unilatérale exagérée d’une réalité éternelle qui est bien plus
complexe. En fait, le relâchement de la maîtrise éthique et
intellectuelle découle parfois de l’influence directe ou indirecte
de ces omniprésents facteurs, ainsi que d’autres défauts
humains non pathologiques.
Tout organisme humain peut, au cours de sa vie, passer par
des périodes pendant lesquelles sa résistance physiologique et
psychologique est affaiblie, ce qui facilite le développement
d’infections bactériennes. De même, une association humaine,
un mouvement social peuvent passer par des périodes de crise
au cours desquelles leur cohésion idéologique et morale se
relâche. La cause peut en être des pressions exercées par
d’autres groupes, une crise spirituelle générale de l’entourage,
ou une intensification de sa condition hystérique. Tout comme
des mesures sanitaires renforcées sont indiquées par le corps
médical dans le cas d’un organisme affaibli, ainsi la mise en
place d’un contrôle conscient des facteurs pathologiques est
une indication dans le cadre de la ponérologie, une chose
particulièrement importante pendant les périodes de crise
morale d’une société.
Pendant des siècles, des individus présentant diverses sortes
d’anomalies expérientielles se sont joints à des associations
humaines. Cela a été rendu possible grâce aux faiblesses
existant déjà au sein de ces groupes. Par ailleurs, cela accentue
les carences morales, réduit la possibilité de recourir au bon
sens, et de comprendre les choses de manière objective. En
dépit des tragédies et des malheurs qui en ont résulté,
l’humanité a fait certains progrès, en particulier dans le
domaine cognitif. C’est pourquoi, le ponérologue peut se
montrer prudemment optimiste. En détectant et décrivant ces
aspects de la ponérisation de groupes humains, ce qui n’avait
pu être compris auparavant, nous serons à même de
contrecarrer ces processus plus tôt et de manière plus efficace.
Tout groupe humain affecté par le processus ici décrit est
caractérisé par la régression de plus en plus forte du bon sens
naturel et de la faculté de percevoir la réalité psychologique.
Quelqu’un qui traiterait cela par le biais de catégories
traditionnelles pourrait le voir comme une « crise de semi
idiotie » ou une poussée de déficience intellectuelle et de
carences morales. Mais l’analyse ponérologique du processus
indique qu’une pression est exercée sur la partie la plus
normale de l’association par les porteurs de ces facteurs
pathologiques.
Dès lors, lorsque nous remarquons qu’un membre d’un groupe
est traité sans prise de distance critique bien qu’il présente
l’une ou l’autre des anomalies psychologiques qui nous sont
familières et que ses opinions sont considérées comme au
moins à l’égal de celles de gens normaux bien qu’elles
s’appuient sur un point de vue différent du caractère humain, il
nous faut en conclure que ce groupe est engagé dans un
processus ponérogénique. Nous développerons ce sujet dans le
cadre du premier critère de ponérologie tel que nous l’avons
décrit, et qui reste valable quelles que soient les
caractéristiques qualitatives et quantitatives d’une telle
association.
Une telle situation est même temps liminale (à un point
décisif), et il devient alors de plus en plus aisé d’amoindrir les
facultés de bon sens et de critique morale. Dès qu’un groupe a
absorbé une dose suffisante d’éléments pathologiques pour
l’amener à croire que ces gens pas-tout-à-fait-normaux sont
d’extraordinaires génies, il commence à soumettre ses
membres plus normaux à une pression caractérisée par des
éléments pseudo-logiques et pseudo-moraux, comme prévu.
Pour beaucoup, une opinion collective de ce genre prend les
attributs de critères moraux ; pour d’autres elle constitue une
espèce de terreur psychologique encore plus difficile à endurer.
Il se produit alors, au cours de cette phase de ponérisation, un
phénomène de contre sélection : les individus qui ont un sens
plus normal de la réalité psychologique quittent après être
entrés en conflit avec le groupe nouvellement modifié ; et
simultanément, des individus atteints de diverses anomalies
psychologiques se joignent au groupe et y trouvent un style de
vie qui leur convient. Les premiers se sentent « poussés à
prendre des positions contre-révolutionnaires » et les derniers
peuvent se permettre « d’enlever leur masque » de normalité
mentale.
Les gens qui ont été écartés d’une association ponérogénique
parce qu’ils étaient justement « trop normaux » souffrent
amèrement ; ils ne parviennent pas à comprendre comment ils
en sont arrivés là. L’idéologie qui donnait un sens à leur vie a
été dégradée, et ils ne trouvent à cela aucune base rationnelle.
Ils se sentent lésés, en lutte contre des « démons » qu’ils sont
incapables d’identifier. En fait, leur personnalité a déjà été
modifiée dans une certaine mesure, saturée par des éléments
psychologiques anormaux, et en particulier des éléments
psychopathiques. Ils tombent alors facilement dans une autre
extrême, car leurs décisions sont motivées par des émotions
perturbées. Ce dont ils ont besoin c’est de bons conseils qui
leur permettent de retrouver le chemin de la raison et de la
mesure. Dans le cadre d’une compréhension ponérogénique de
leur situation, la psychothérapie peut donner des résultats
positifs rapides. Mais si l’association qu’ils ont quittée
succombe à une ponérisation profonde, une menace plane au-
dessus d’eux : ils peuvent faire l’objet de vengeance car « ils
ont trahi une magnifique idéologie »86.
La période tumultueuse de la ponérisation d’un groupe est
suivie d’une certaine stabilisation du contenu, de la structure,
et des coutumes. De rigoureux critères de sélection, de nature
clairement psychologique, sont appliqués aux membres
entrants. Pour exclure toute possibilité d’être doublés par des
insoumis, les gens sont observés et jugés, et ceux qui font
preuve d’une indépendance mentale excessive ou de normalité
psychologique sont écartés. Cette nouvelle fonction interne
peut être comparée à celle d’un « psychologue », et elle
s’appuie sur des connaissances psychologiques acquises par
des psychopathes. Il faut noter que certaines des mesures
d’exclusion prises par un groupe impliqué dans un processus
de ponérisation auraient dû être prises dès le début par le
groupe idéologique à l’encontre des déviants. Dès lors, de
rigoureuses mesures de sélection de nature psychologique
n’indiquent pas nécessairement que le groupe est
86 Il faut aussi mentionner que c’est le même processus qui est à l’oeuvre
quand un déviant psychologique est rejeté d’un groupe de gens normaux.
La différence est qu’un groupe de gens normaux qui rejette un déviant ne
cherche pas nécessairement à se venger du membre rejeté, tandis que le
déviant cherchera toujours à se venger du groupe qui l’a rejeté. [Note de
l’Éditeur]
ponérogénique. Il faut plutôt voir sur quoi est basée la
sélection psychologique. Un groupe qui cherche à éviter la
ponérisation voudra exclure les individus accrochés à des
croyances subjectives, rites, rituels, drogues, et ceux qui se
montrent incapables d’analyser leur propre contenu intérieur
ou qui rejettent le processus de désintégration positive.
Dans un groupe en cours de ponérisation, les fascinateurs
veillent à la « pureté idéologique ». La position du chef est
relativement assurée. Les individus qui émettent des doutes ou
des critiques font l’objet d’une condamnation pseudo-morale.
Dans la plus grande dignité et le plus grand style, les «
instances » discutent d’opinions et d’intentions qui sont
psychologiquement et moralement pathologiques. Toute
connexion intellectuelle susceptible de révéler leur nature
profonde est éliminée grâce à la substitution de prémisses
opérant au niveau du subconscient, sur base de réflexes
préalablement conditionnés. L’observateur objectif comparera
peut-être cette situation à celle d’un asile où les internés
prennent en main les rênes de l’institution. L’association en
arrive au point où tous arborent le masque d’une ostensible
normalité. Au chapitre suivant nous parlerons de cette « phase
de dissimulation » par rapport aux phénomènes
ponérogéniques macrosociaux
Observer un état correspondant au premier critère
ponérologique requiert une habile psychologie et un savoir
factuel spécifique. La deuxième phase de stabilisation peut être
perçue tant par une personne moyennement douée de raison
que par l’opinion publique, dans la plupart des sociétés.
Néanmoins, l’interprétation imposée est unilatéralement
moraliste ou sociologique, influencée à la fois par un sentiment
d’impuissance vis-à-vis de la compréhension du phénomène et
des possibilités d’opposition à l’extension de ce mal.
Cependant, au cours de cette phase, de nombreuses minorités
au sein de sociétés tendent à placer ce genre d’associations
dans des catégories appartenant à leur propre vision du
monde, et à considérer la couche extérieure de l’idéologie à
diffuser comme une doctrine qui leur convient. Plus primitive
est la société en question, plus éloignée elle est du contact
direct avec une association présentant un état pathologique, et
plus nombreuses seront ces minorités. C’est pendant cette
période au cours de laquelle les coutumes de l’association
s’adoucissent quelque peu, que les activités d’expansion de
celle-ci sont les plus intenses.
Cette période peut être longue, mais elle ne peut durer
éternellement. L’intérieur du groupe devient de plus en plus
pathologique, et finit par réapparaître tel qu’il est, tandis que
ses activités deviennent de plus en plus chaotiques. À ce
moment, une société de gens normaux peut aisément mettre
en péril une association ponérologique, même au niveau
macrosocial.
Phénomènes macrosociaux
Lorsqu’un processus ponérogénique affecte toute la classe
dirigeante d’une société ou d’une nation, ou bien lorsque
l’opposition par des sociétés de gens normaux est entravée (en
conséquence du caractère de masse du phénomène ou bien du
recours à la fascination et à la contrainte physique), nous
sommes en face d’un phénomène ponérologique macrosocial.
À ce moment, la tragédie d’une société, souvent accompagnée
des propres souffrances du chercheur, met sous les yeux de
celui-ci une masse de connaissances ponérologiques où il peut
tout apprendre des lois qui régissent ces processus, pourvu
qu’il parvienne à se familiariser à temps avec leur langage
naturel et leur grammaire propres.
Les études sur la genèse du mal qui sont basées sur
l’observation de petits groupes de gens peuvent nous révéler
leurs lois dans le détail. Elles présentent un tableau faussé qui
dépend de diverses conditions environnementales concernant
la période historique étudiée, que nous percevons comme
l’arrière-plan des phénomènes observés. Ces observations nous
permettent d’hasarder une hypothèse : il se peut que les lois
générales de la ponérogenèse soient toutes analogues, peu
importe l’importance et la portée du phénomène dans le temps
et l’espace. Cependant, ces observations ne permettent pas de
vérifier l’exactitude d’une telle hypothèse.
L’étude d’un phénomène macrosocial permet d’obtenir des
données quantitatives et qualitatives, des indices de
corrélation statistique, et d’autres observations encore, dont
l’exactitude dépend de l’état des progrès scientifiques, des
méthodes de recherche, et de la très inconfortable situation de
l’observateur87. Nous pouvons aussi suivre la méthode
classique qui consiste à émettre une hypothèse et puis
activement rechercher les faits susceptibles de l’anéantir. La
régularité causative à grande échelle des processus
ponérologiques pourrait alors être confirmée dans les limites
des possibilités susmentionnées. Il est surprenant de constater
combien clairement elles régissent ce phénomène macrosocial.
La compréhension du phénomène étant alors acquise, elle
pourra servir de base pour prédire son développement, et c’est
le temps qui arbitrera sa véracité. Nous constatons alors
qu’après tout, le colosse a des pieds d’argile.
L’étude des phénomènes ponérogéniques macrosociaux
rencontre de sérieux problèmes : la période de leur genèse,
leur durée et leur déclin est bien plus longue que l’activité
scientifique du chercheur. Et aussi, il y a des transformations
dans l’Histoire, les coutumes, l’économie et les technologies ;
cependant, les difficultés à abstraire les symptômes appropriés
ne sont pas insurmontables, car nos critères sont basés sur des
Ponérologie
La ponérologie met à profit les progrès scientifiques de ces
dernières décennies, particulièrement dans le domaine de la
biologie, de la psychopathologie, et de la psychologie clinique.
Elle clarifie les liens causaux et analyse les processus de la
genèse du mal sans oublier des facteurs jusque là tenus pour
négligeables. En initiant cette nouvelle discipline, l’auteur a
également mis à profit son expérience professionnelle dans ces
domaines et les résultats de ses propres recherches récentes.
Une approche ponérologique facilite la compréhension de
certaines des plus grandes difficultés de l’humanité sur deux
plans : macrosocial et individuel. Cette nouvelle discipline doit
rendre possible la découverte de solutions d’abord théoriques
et ensuite pratiques aux problèmes que nous avons tenté de
résoudre par des moyens trop traditionnels et inefficaces, ce
qui a abouti à un sentiment d’impuissance. Ces anciens
moyens sont basés sur des concepts historiographiques et des
attitudes excessivement moralisantes qui font surestimer la
force envisagée comme un moyen de contrecarrer le mal.
La ponérologie peut contribuer à rétablir l’équilibre grâce à
une pensée scientifique moderne, en renforçant notre
compréhension des causes et de la genèse du mal par les faits
nécessaires à l’élaboration de bases plus stables pour
l’inhibition effective des processus de ponérogenèse et la
minimisation de leurs résultats.
La synergie de plusieurs mesures visant aux mêmes objectifs,
par exemple comme le fait de traiter médicalement une
personne malade, produit habituellement de meilleurs effets
que la simple somme des facteurs impliqués. En mettant au
point un deuxième train d’efforts moralistes, la ponérologie
permettra d’atteindre des résultats eux aussi meilleurs que la
simple somme de leurs effets utiles. En renforçant la confiance
dans des valeurs morales familières, il sera possible de
répondre à des questions laissées jusqu’ici sans réponse, et
d’avoir recours à des moyens jusqu’ici inusités, spécialement
sur une plus grande échelle sociale.
Les sociétés ont le droit de se défendre contre n’importe quel
mal qui les harcèle ou les menace. Les gouvernements
nationaux sont obligés de recourir à des moyens efficaces pour
ce faire, et de les utiliser aussi adroitement que possible90.
Pour s’acquitter de cette fonction essentielle, les nations font
usage des informations disponibles sur le moment au coeur de
leur civilisation, ainsi que de tout autre moyen à leur
disposition. La survie de la société doit être assurée, mais
l’abus de pouvoir et une dégénérescence teintée de sadisme
entrent trop facilement en jeu.
Nous avons à présent des doutes quant à la rationalité et la
moralité de la compréhension des générations précédentes et
de leur lutte contre le mal. Dans les sociétés libres, l’opinion
exige que les mesures répressives soient humanisées et
adoucies de manière à limiter les abus, ainsi que nous l’avons
vu récemment et continuons à le voir. Les individus
moralement sensibles veulent en même temps protéger leur
propre personnalité et celle de leurs enfants de l’influence
délétère provenant de la conscience que des sanctions sévères,
et en particulier la peine capitale, peuvent être infligées.
La sévérité des méthodes de lutte contre le mal est adoucie,
mais en même temps aucune méthode de protection efficace
des citoyens contre l’apparition du mal et de l’usage de la force
n’est préconisée. C’est ainsi que s’accroît la disparité entre la
Genèse du phénomène
Le cycle chronologique esquissé au chapitre III a été qualifié
d’hystéroïde parce que l’intensification et la diminution de
l’hystéricité d’une société peuvent être considérées comme le
moyen le plus significatif de mesurer cet état, mais ce cycle ne
constitue naturellement pas la seule caractéristique sujette à
modification dans le cadre d’une certaine périodicité. Le
présent chapitre traite du phénomène qui peut émaner de la
phase d’intensification maximale de l’hystérie. Cette séquence
ne paraît pas résulter de lois historiques relativement
constantes, bien au contraire : certains facteurs et
circonstances doivent être présents, lorsqu’une société passe
par une crise spirituelle, pour faire dégénérer sa raison et sa
structure sociale jusqu’à une génération spontanée de la plus
grande des maladies de société. Nous appellerons ce
phénomène la « pathocratie » ; ce n’est pas la première fois
qu’il apparaît dans l’Histoire de notre planète.
Il s’avère que ce phénomène, dont la cause est sous-jacente
dans toutes les sociétés, suit son propre processus de genèse,
conditionné, en partie seulement, par et dissimulé dans
l’hystérie à son niveau maximal, dans le cycle précédemment
décrit. Il s’ensuit que les temps malheureux deviennent
exceptionnellement cruels et prolongés, et que leurs causes
sont impossibles à comprendre dans le cadre des catégories
des concepts naturels. Examinons donc de plus près ce
processus de l’origine de la pathocratie, en l’isolant
méthodiquement des autres phénomènes que nous pouvons
reconnaître comme conditionnels ou même d’accompa-
gnement.
Une personne psychologiquement normale, hautement
intelligente et appelée à des fonctions supérieures éprouve des
doutes quant à ses capacités à se montrer à la hauteur des
exigences de sa situation, et fait appel à l’assistance d’autres
personnes dont elle apprécie l’opinion. En même temps, cette
personne éprouve de la nostalgie en pensant à son ancienne
vie, plus libre et moins chargée, à laquelle elle aimerait
retourner après avoir rempli ses obligations.
Dans le monde entier, toute société abrite des individus dont
les rêves de pouvoir surviennent très tôt. Ils font l’objet d’une
discrimination de la part de la société qui interprète de façon
moralisante leurs échecs et leurs difficultés, bien que ces
individus en soient rarement responsables. Ils souhaiteraient
pouvoir changer ce monde hostile en quelque chose d’autre.
Les rêves de pouvoir peuvent aussi représenter une
surcompensation par rapport à un sentiment d’humiliation, le
deuxième angle dans le losange d’Adler91. Une partie
importante et active de ce groupe est composée d’individus
95 Il est important de noter ici que cela ne veut pas dire que le psychopathe
ait été blessé dans ses « émotions », ou qu’une telle « blessure » ait
provoqué son état. Mais, comme l’auteur me l’a expliqué dans un courrier
privé: Pour eux vous êtes le pire ennemi. Vous le blessez profondément.
Pour un psychopathe, révéler sa réelle condition, arracher son masque de
Cleckley, met fin a son auto-admiration. Vous le menacez de la destruction
de son monde secret, vous anéantissez ses rêves de pouvoir et de mise en
place d’un système social où il peut gouverner et être servi. Lorsque sa
situation réelle est dévoilée au public le psychopathe se sent comme un
animal blessé. « Vous avez en partie raison de trouver quelque
ressemblance entre le psychopathe essentiel et le processus de pensée du
crocodile. Il est en quelque sorte mécanique. Mais le psychopathe est-il
coupable d’avoir hérité d’un gène anormal, et d’avoir un substrat instinctif
différent de celui de la majorité des humains ? Une telle personne n’est pas
capable de ressentir comme une personne normale ni de comprendre
quelqu’un qui est doté d’un instinct normal. Il est important d’essayer de
comprendre le psychopathe et d’éprouver quelque pitié à son égard
[comme on aurait pitié d’un crocodile et qu’on accepterait son droit
d’exister dans la nature]. Limiter le rôle des psychopathes dans la
ponérogenèse, particulièrement dans les tragédies qu’ils font vivre à des
femmes, et réduire ainsi leur nombre, c’est là le but. « Considérez aussi que
dans l’ensemble des facteurs pathologiques qui participent de la
ponérogenèse, toutes les sortes de psychopathies représentent moins de la
moitié. Les autres conditions pathologiques, généralement non
héréditaires, constituent plus de l’autre moitié. Staline n’était pas un
psychopathe. Il était atteint d’une caractéropathie frontale due à des centre
frontaux (10A&B) endommagés à cause d’une maladie qu’il a eue à la
naissance et qui produit des caractères extrêmement dangereux. » [Note de
l’Éditeur]
semblent familières et inspirantes. Ils s’insinuent donc dans
des mouvements qui prêchent la révolution et la guerre à ce
monde injuste qui leur est tellement étranger.
Ils commencent par exécuter des tâches subalternes au sein du
mouvement et obéir aux ordres du chef, spécialement quand il
faut faire quelque chose qui inspire de la répugnance aux
autres96. Leur zèle et leur cynisme font l’objet de critiques de la
97 Dans la mythologie grecque : pour avoir osé tromper les dieux, Sisyphe
fut condamné à rouler éternellement jusqu’en haut d’une colline une pierre
qui en redescendait à chaque fois avant de parvenir au sommet (NDT)
incapables de comprendre que le facteur décisif qui fait
obstacle à leurs efforts, c’est la nature des humains normaux.
Tout le système de recours à la force, à la terreur et à
l’endoctrinement forcé, c’est-à-dire la pathologisation, se
révèle dès lors inefficace, ce qui surprend immensément les
pathocrates. La réalité place un point d’interrogation à côté de
leur conviction que ces méthodes peuvent faire changer les
gens jusqu’à leur faire tenir cette sorte de gouvernement pour
normal.
Après le choc initial, le sentiment d’appartenance à la société
s’atténue ; après l’avoir surmonté, cependant, la grande
majorité des gens témoigne de son propre phénomène
d’immunisation psychologique. Simultanément, la société se
met à rassembler des informations pratiques au sujet de cette
nouvelle réalité et de ses propriétés psychologiques. Les gens
normaux perçoivent peu à peu les points faibles du système et
les mettent à profit pour améliorer leur vie. Ils échangent des
avis et conseils sur ces matières, et régénèrent ainsi lentement
les liens sociaux et la confiance réciproque. Un nouveau
phénomène apparaît : une séparation entre pathocrates et
société des gens normaux. Ces derniers ont des avantages en
termes de talents, compétences professionnelles, et bon sens.
Ils ont donc certains atouts. La pathocratie finit par réaliser
qu’elle doit trouver un modus vivendi ou établir des relations
avec la majorité de la société : « il faut bien que quelqu’un fasse
le travail pour nous ».
Il y a d’autres nécessités et pressions, spécialement vis à vis de
l’extérieur. L’aspect pathologique doit à tout prix être
dissimulé au monde, car si l’opinion mondiale savait, ce serait
catastrophique. Une propagande idéologique seule pourrait
être insuffisante. En premier lieu, dans l’intérêt de la nouvelle
élite et de ses plans expansionnistes, un état pathocratique se
doit d’entretenir des relations commerciales avec les pays des
humains normaux. Un tel état vise à la reconnaissance
internationale en tant que structure politique, mais craint cette
même reconnaissance en tant que diagnostic clinique.
Tout cela oblige les pathocrates à limiter leurs mesures
terroristes : ils font subir à leur propagande et à leurs
méthodes d’endoctrinement un peu de « chirurgie esthétique
», et accordent une certaine marge d’autonomie (surtout dans
le domaine de la vie culturelle) à la société qu’ils tiennent sous
contrôle. Les pathocrates les plus libéraux iraient même
jusqu’à accorder à une telle société un minimum de prospérité
économique afin de réduire le niveau d’irritation, mais leurs
propres corruption et incompétence dans la gestion de
l’économie les empêchent de le faire.
Cette grande maladie sociale passe par une nouvelle phase : les
méthodes s’adoucissent, et il y a une certaine coexistence avec
des pays dont la structure est celle d’humains normaux. Le
psychopathologiste qui étudie ce phénomène voit la
ressemblance avec l’état ou la phase de dissimulation d’un
patient qui s’efforce de jouer le rôle d’une personne normale,
alors qu’il dissimule sa réalité pathologique et qu’il continue à
être malade ou anormal. Utilisons comme auparavant la
périphrase « phase dissimulatrice de la pathocratie » pour
décrire une situation où un système pathocratique joue encore
plus adroitement son rôle de système sociopolitique normal
doté de diverses institutions doctrinales. Dans un état affecté
par ce phénomène, les gens deviennent résistants et s’adaptent
à la situation ; à l’extérieur cependant, cette phase se signale
par une activité ponérogénique intense. L’élément
pathologique de ce système s’infiltre avec facilité dans d’autres
sociétés, particulièrement quand celles-ci sont plus primitives,
et toutes les voies d’une expansion pathocratique sont libres vu
l’absence de critiques inspirées par le bon sens de la part des
états constituant le territoire visé par l’expansion.
Entre-temps, dans le pays pathocratique la structure active du
gouvernement est entre les mains de psychopathes, et la
psychopathie essentielle y joue un rôle capital. Mais au cours
de cette phase dissimulative, les individus présentant des traits
visiblement pathologiques doivent être retirés de certains
domaines d’activité, comme les postes politiques impliquant
des relations internationales, où de telles personnalités
contribueraient à trahir le contenu pathologique du
phénomène. Ils disposeraient aussi de quelques moyens
d’exercer des fonctions diplomatiques ou de se familiariser
avec une situation politique caractérisant des états où
gouverne l’humain normal. Les personnes sélectionnées pour
occuper ces postes ont donc un processus de pensée qui
ressemble à celui du monde des gens normaux ; en général,
elles ont suffisamment de liens avec le système pathologique
pour garantir leur loyauté envers celui-ci98. Un expert en
anomalies psychologiques peut néanmoins discerner les
discrètes déviances sur lesquelles ces liens sont créés. D’autres
facteurs d’expansion sont les grands avantages personnels qui
leur sont accordés par la pathocratie. Faut-il s’étonner dès lors
si cette loyauté laisse parfois à désirer ? Cela concerne en
particulier les enfants de pathocrates typiques qui jouissent
naturellement de la confiance, puisqu’ils ont été élevés dans
l’allégeance au système ; si par quelque heureux hasard
génétique ils n’ont pas hérité des propriétés pathogènes, leur
nature prend le pas sur l’acquis.
Des exigences semblables s’appliquent à d’autres domaines
aussi. L’homme qui dirige la construction d’une nouvelle usine
n’a souvent que peu de liens avec le système pathocratique,
mais ses compétences sont essentielles. Une fois l’usine en
fonctionnement, l’administration est confiée à des pathocrates,
ce qui mène très souvent à la ruine technique. De même,
l’armée a besoin de gens qui fassent preuve de perspicacité et
possèdent des qualifications très spécifiques, spécialement
Expansion de la pathocratie
La tendance qu’a le monde à fixer du regard avec adoration ses
dirigeants remonte aux époques où les souverains pouvaient se
permettre d’ignorer les opinions de leurs sujets. Néanmoins,
dans une certaine mesure, les gouvernants ont toujours été
dépendants de la situation régnant dans leur pays, même dans
les systèmes pathocratiques, et l’influence de certains groupes
sociaux a pu peser sur leur trône par des moyens divers.
Nous voyons bien trop souvent intervenir le raisonnement
erroné suivant lequel des leaders autocrates dans des pays
101 Cela est particulièrement vrai de nos jours : les chefs et parlementaires
de très nombreux états, insatisfaits de l’administration néoconservatrice de
Bush, pensent que la diplomatie ou de nouvelles élections aux USA «
remettront les choses en place ». Ils ne comprennent pas la vraie nature de
la pathocratie et ils ne réalisent pas que les psychopathes dans l’ombre de
ce phénomène ne relâcheront pas les rênes sans qu’il n’y ait des bains de
sang [Note de l’Éditeur]
La personne normale privée de tout privilège ou haute position
vaque à des tâches qui doivent lui permettre de gagner sa vie ;
mais les pathocrates ne possèdent jamais de talents pratiques,
et le cadre de leur autorité n’inclut aucune possibilité de
s’adapter aux exigences du travail normal. Si les lois de
l’humain normal devaient être restaurées, ces pathocrates et
leur entourage seraient exposés à un jugement, et à une
interprétation moralisante de leurs déviances psychologiques ;
ils seraient menacés de perdre leur liberté et leur vie, et pas
seulement leur position et leurs privilèges. Parce qu’ils sont
incapables de faire la part des choses, la survivance du système
qui leur convient le mieux devient une idée morale. La menace
doit être combattue par la ruse psychologique et politique,
ainsi qu’une choquante absence de scrupules102 envers « les
autres » qui sont « de classes inférieures ».
En général, cette nouvelle classe a les moyens de faire tomber
ses chefs si le comportement de ceux-ci met en péril l’existence
du système. Cela peut se produire en particulier si un dirigeant
veut aller trop loin dans une compromission avec la société des
gens normaux parce que leurs qualifications les rend
indispensables pour la production. Cette dernière situation
menace plus directement ceux qui se trouvent aux échelons les
plus bas de l’élite pathocratique que les dirigeants. La
pathocratie survit grâce au sentiment d’être menacée par la
société des gens normaux ainsi que par d’autres pays où
subsistent diverses formes de systèmes humains normaux.
Pour les dirigeants, rester au sommet est une question de vie
ou de mort.
Nous pouvons formuler la question moins brutalement : est-ce
qu’un tel système est capable de renoncer à son expansion
102 Ceci ne devrait pas être perdu de vue par ceux qui pensent que se
débarrasser de George W. Bush et des néoconservateurs changera quoi que
ce soit. [Note de l’Éditeur]
politique et territoriale et se contenter de ses possessions du
moment ? Que se produirait-il si une telle situation permettait
d’assurer la paix intérieure, l’ordre et une relative prospérité de
cette nation ? La grande majorité de la population du pays
pourrait alors tirer parti de toutes les possibilités émergentes
et mettre à contribution ses qualifications particulières pour
étendre le champ des activités ; grâce à un taux de naissances
élevé, son pouvoir peut s’accroître. Cette majorité serait alors
rejointe par certains enfants des classes privilégiées qui
n’auraient pas hérité de ces gènes-là. La domination de la
pathocratie commence alors à s’affaiblir, imperceptiblement
mais régulièrement, pour arriver enfin à une situation où c’est
une société de gens normaux qui est au pouvoir. Vision de
cauchemar pour les pathocrates. La destruction biologique,
psychologique, morale et économique de cette majorité devient
dès lors une nécessité « biologique ». De nombreux moyens
sont mis en oeuvre pour arriver à ces fins, à commencer par
des camps de concentration et une lutte menée avec
obstination contre un ennemi bien armé qui affaiblira,
anéantira, le pouvoir qui les menace, c’est-à-dire celui qui met
en péril la domination des pathocrates. Une fois morts, les
soldats sont alors décrétés héros morts pour la patrie, ce qui
est bien utile pour éduquer une nouvelle génération fidèle à la
pathocratie en place.
Toute guerre menée par un pays pathocratique présente deux
fronts : l’interne et l’externe. Le front interne est plus
important pour les chefs et l’élite dirigeante, et la menace
interne est le facteur décisif en ce qui concerne l’éclatement
d’une guerre. Avant d’entreprendre une guerre contre un pays
pathocratique, il faut d’abord être bien conscient que celui qui
déclenchera la guerre pourra être utilisé comme l’exécuteur de
civils dont le pouvoir grandissant représente une menace
latente pour la pathocratie. Les pathocrates ne donnent pas
cher des vies humaines et des souffrances de gens dont ils
n’ont que faire. Des rois peuvent avoir souffert de la mort de
leurs chevaliers, mais ce n’est jamais le cas des pathocrates : «
nous avons des tas de gens ici ». Quand la situation du pays
pathocratique est « mûre », quiconque prête assistance à ce
pays est bienvenu ; quiconque manque de le faire est maudit.
La pathocratie a encore d’autres raisons de poursuivre son
expansion par tous les moyens possibles. Tant qu’existera un «
autre » monde dirigé par des systèmes de gens normaux, il
s’alignera sur la majorité non pathologique. La majorité non
pathologique de la population du pays n’arrêtera jamais de
rêver à la restauration d’un système normal sous une forme ou
une autre. Cette majorité n’arrêtera jamais d’observer les
autres pays, attendant le moment opportun ; son attention et
son pouvoir doivent donc être distraits de ce but, et les masses
doivent être éduquées et canalisées dans la direction de
l’impérialisme. Cet objectif doit être poursuivi avec
persévérance afin que tous sachent quel est l’objectif à
atteindre et au nom de qui la dure discipline et la pauvreté
doivent être endurées. Ce dernier facteur limite en effet la
probabilité d’activités « subversives » de la part des gens
normaux de la société.
L’idéologie doit bien sûr justifier le droit qu’elle s’arroge de
conquérir le monde, et doit donc être soigneusement mise au
point. L’expansionnisme fait partie de la nature de la
pathocratie et non de l’idéologie, mais ce fait doit être masqué
par l’idéologie103. À chaque fois que ce phénomène a été
observé au cours de l’Histoire, c’est l’impérialisme qui a été sa
caractéristique la plus forte.
Par ailleurs, il existe des pays gouvernés par des gens normaux,
où la majorité des gens frissonnent d’horreur à l’idée qu’un tel
système pourrait leur être imposé. Les gouvernements de ces
104 Cela est très utilisé actuellement sous forme de ‘guerre à la terreur’, un
truc qui a recours à des « opérations sous faux drapeaux » pour pousser les
gens dans des « camps de soutien » à l’impérialisme US. [Note de l’éditeur]
105 C’est ce qui est en train d’être fait, et très bien fait, par de nouvelles
sources alternatives sur l’Internet, des bloggers, et par de nombreuses gens
« ordinaires » qui voient bien ce qui se passe. Malheureusement, jusqu’ici
aucun parti au pouvoir dans aucun pays susceptible de s’élever contre la
pathocratie des USA n’est parvenu à penser jusque là. [Note de l’Éditeur]
dépend de la formulation qui est fondée sur des données que
les législateurs sont à même de comprendre. Sous l’angle du
droit théorique, nous acceptons leur nature de réglementation,
et nous acceptons aussi que dans certains cas elles soient
quelque peu en décalage par rapport à la réalité humaine.
Compris de cette manière, l’appui fourni par les lois se révèle
insuffisant pour contrer un phénomène dont le caractère est
hors de portée de l’imagination des législateurs. Et la
pathocratie sait bien comment tirer parti des faiblesses du
système juridique.
Cependant, les actions internes et l’expansion externe de ce
phénomène macrosocial se basent sur des données
psychologiques. Et peu importe comment ces données sont
déformées selon la personnalité des pathocrates : leur rouerie
est infiniment supérieure aux systèmes légaux des gens
normaux. C’est ce qui fait de la pathocratie un système social
d’avenir, même s’il n’est plus qu’une caricature. En fait,
l’avenir appartient bien à des systèmes sociaux basés sur une
compréhension accrue des hommes ; une évolution dans cette
direction peut donc, entre autres, permettre une plus grande
résistance aux méthodes expansionnistes appliquées par ce
phénomène macrosocial dans sa volonté de dominer le monde.
106 Observable dans n’importe quel pays. Maintenant que les USA sont en
bon chemin pour devenir complètement une pathocratie, et sont donc une
source de contamination, les fascinateurs en faveur de cette réalité déviante
prônent une économie et une « culture de « style américain » et sont
considérés par leurs compatriotes comme des « américanophiles ». La
plupart des gens ne comprennent pas que le premier pas vers l’assimilation
par la pathocratie globale que l’Amérique est en train d’essayer d’imposer
au monde consiste à s’enrôler dans le système économique tel qu’il est
formulé en Amérique. Un récent exemple de pays ayant refusé cette
manoeuvre est celui de la France qui a rejeté la Constitution européenne,
un document centré sur la transformation néo-libérale de l’économie
européenne et aligné sur le modèle américain. [Note de l’Éditeur]
trouve. Certains pays ont acquis une certaine immunité en
résultat du contact direct avec le phénomène. Nous
développerons ce sujet au chapitre suivant.
Une doctrine élaborée de manière appropriée atteint le
substrat autonome de la société et de ceux qui la traitent
comme une réalité idéationnelle dans des pays qui
commencent seulement à émerger de conditions primitives, et
qui manquent d’expérience politique. Cela se passe aussi dans
des pays où une classe dirigeante extrêmement égotiste défend
ses positions en se basant sur des doctrines naïvement
moralisatrices, où l’injustice est commune, ou bien encore où
une montée du niveau d’hystérie étouffe le bon sens. Les gens
qui répondent aux cris de ralliement révolutionnaires ne se
préoccupent plus de savoir si ceux qui exposent cette idéologie
sont sincères ou bien se parent du masque de cette idéologie
pour dissimuler d’autres motifs qui eux tirent leur origine de
leur personnalité déviante.
À côté de ces fascinateurs il y a une autre espèce de prêcheurs
d’idées révolutionnaires : une espèce dont le statut est lié à
l’argent reçu en échange de ses activités. Et il est peu probable
que ces rangs abritent des gens psychologiquement normaux
d’après les critères cités plus haut. Leur indifférence aux
souffrances provoquées par leurs activités provient de leur
défaut de perception de la valeur des liens sociétaux ou de leur
incapacité à prévoir les résultats de ces activités. Dans les
processus ponérogéniques les défaillances morales, échecs
intellectuels et facteurs pathologiques s’entrecroisent au sein
du réseau spatio-temporel à l’origine des souffrances
individuelles et nationales. Une guerre menée avec des armes
psychologiques coûte infiniment moins d’une guerre classique,
mais elle a cependant un coût, particulièrement lorsqu’elle est
menée simultanément dans plusieurs pays.
Les gens qui agissent au nom des intérêts de la pathocratie
peuvent mener leurs activités en parallèle, sous la bannière de
quelque idéologie traditionnelle ou différente, ou même sur
base d’une idéologie contradictoire qui combat l’idéologie
traditionnelle. Dans ce cas, le service doit être accompli par des
individus dont la réponse à l’appel de la pathocratie est
suffisamment véhémente pour empêcher les activités de l’autre
idéologie qu’ils utilisent d’anéantir leurs espoirs d’arriver au
pouvoir.
Lorsqu’une société éprouve de sérieux problèmes sociaux, il se
trouve toujours l’un ou l’autre groupe de personnes sensées
pour tenter d’améliorer la situation grâce à des réformes
énergiques permettant d’éliminer les causes de la tension
sociale. D’autres considèrent comme de leur devoir de susciter
une régénérescence morale de la société. L’élimination de
l’injustice sociale et la reconstruction de la morale et de la
civilisation du pays peuvent priver une pathocratie de toute
chance de prendre le pouvoir. C’est pourquoi ces réformateurs
et moralistes doivent absolument être neutralisés grâce à des
positions libérales ou conservatrices et des mots de ralliement
et une pseudo-moralité suggestifs ; si nécessaires, les meilleurs
d’entre eux doivent être assassinés.
Les stratèges de la guerre psychologique doivent décider très
tôt de l’idéologie qui sera particulièrement efficace dans tel ou
tel pays grâce à son adaptabilité aux traditions des pays en
question. En fait, la meilleure idéologie doit pouvoir jouer le
rôle d’un « cheval de Troie » pour faire entrer la pathocratie
dans le pays. Ces idéologies sont ensuite graduellement
adaptées à l’idéologie originelle du plan de base. Et le masque
peut enfin tomber.
En temps opportun, les partisans locaux sont organisés et
armés, les recrues provenant de milieux où l’insatisfaction est
grande. Le leadership est fourni par des officiers bien entraînés
familiarisés avec l’idée secrète ainsi qu’avec les opérations en
vue pour le pays visé. Assistance doit ensuite être accordée aux
groupes de conspirateurs adhérant à l’idéologie mise en place,
qui peuvent ainsi fomenter un coup d’état, après quoi un
gouvernement répressif est mis en place. Cela fait, les activités
des partisans du camp adverse sont réprimées, afin que les
nouvelles autorités puissent se féliciter d’avoir ramené la paix à
l’intérieur du pays. Tout récalcitrant qui ne peut ou ne veut pas
se soumettre aux nouvelles lois est aimablement invité à se
présenter à son chef « d’avant » puis abattu d’une balle dans la
tête.
Voilà comment naissent de tels systèmes de gouvernement. Un
réseau de facteurs pathologiques ponérogéniques est dès lors
en place, et le rôle important de la psychopathie essentielle est
au point. Mais l’image de la pathocratie n’est pas encore
complète à ce moment. De nombreux chefs locaux et adhérents
persistent dans leurs convictions d’origine qui, bien que
radicales, leur semblent être meilleures pour une grande partie
des personnes réprimées, et pas seulement par rapport au
quelques pourcents de pathocrates ou à l’intérêt de ce qui
voudrait devenir un empire.
Les chefs locaux continuent à penser en termes de révolution
sociale et à poursuivre les buts politiques auxquels ils croient.
Ils exigent que « l’aimable pouvoir » leur fournissent non
seulement l’aide promise, mais aussi une certaine autonomie
qu’ils considèrent comme essentielle. Ils ne sont pas
suffisamment au fait de la mystérieuse dichotomie « nous-eux
». En même temps, il leur est ordonné de se soumettre aux
diktats de vagues ambassadeurs dont les objectifs et les
attributions leur sont difficiles à comprendre. La frustration et
le doute idéologiques, nationalistes, et pratiques grandissent
donc.
Le conflit s’amplifie progressivement, particulièrement lorsque
de larges portions de la société commencent à mettre en doute
la foi de ceux qui sont supposés agir au nom de cette grande
idéologie. Par l’expérience et les contacts avec la nation
pathocrate, des portions similaires renforcent par ailleurs leur
connaissance pratique de la réalité et des méthodes
comportementales du système. Si cette sorte de demi-colonie
acquiert trop d’indépendance ou même décide de se
désolidariser, il se peut alors qu’une trop grande partie de cette
connaissance atteigne la conscience des pays d’humains
normaux, ce qui pourrait aboutir à une fameuse défaite de la
pathocratie.
Un contrôle sans cesse croissant est donc nécessaire jusqu’à ce
que la pathocratie soit complètement installée. Les chefs que
les autorités centrales considéraient comme temporaires
peuvent alors être éliminés, à moins qu’ils ne fassent montre
d’un degré suffisant de soumission. Les conditions
géopolitiques sont généralement décisives dans ce domaine.
Voilà qui explique pourquoi il est plus facile à de tels dirigeants
de survivre sur une île lointaine que dans des pays limitrophes
de l’empire. Si ces dirigeants parviennent à conserver une
autonomie suffisante en dissimulant leurs doutes, ils peuvent
parvenir à tirer avantage de leur position géopolitique, si les
circonstances le permettent.
Pendant cette phase de crise de confiance, une politique
circonspecte de la part des pays d’humains normaux peut
encore faire pencher la balance en faveur d’une structure peut-
être révolutionnaire et gauchisante, mais du moins non
pathocratique. Cependant, là n’est pas la seule considération
qui manque : une autre considération primordiale est l’absence
de connaissance objective du phénomène, quelque chose qui
rendrait possible une politique de ce genre. Mais des facteurs
émotionnels assortis d’une interprétation moralisante des
phénomènes pathologiques jouent souvent un trop grand rôle
dans les prises de décisions politiques.
Aucune pathocratie pleine et entière ne peut se développer
avant qu’ait eu lieu le second bouleversement et la purge du
leadership de transition insuffisamment loyal. C’est la
contrepartie d’une confrontation avec les authentiques adeptes
de l’idéologie à l’intérieur de la genèse de la pathocratie
d’origine, qui peut alors se développer grâce aux chefs
appropriés imposés et à l’activation des mécanismes
ponérogéniques autonomes de ce phénomène.
Après la période initiale de gouvernement, - brutale, sanglante
et psychologiquement naïve - la pathocratie peut entreprendre
sa transformation en forme dissimulative, ainsi que nous
l’avons déjà décrit dans la genèse du phénomène et de la
pathocratie imposée de force. Pendant cette période, même la
plus habile des politiques extérieures ne peut parvenir à saper
un tel système. La période de faiblesse n’arrivera que quand un
puissant réseau de gens normaux sera formé.
La description lapidaire qui précède, de l’imposition d’une
pathocratie par contamination, indique que ce processus
répète toutes les phases de la ponérogenèse indépendante
condensée en temps et en contenu. À l’arrière-plan du
gouvernement formé par ses prédécesseurs administratifs
incompétents nous discernons même une période
d’hyperactivité de la part de schizophrènes mesmérisés par la
vision de leur propre loi basée sur le mépris de la nature
humaine, en particulier quand ils sont nombreux dans un pays
donné. Ils ne réalisent pas que la pathocratie ne leur permettra
jamais de concrétiser leurs rêves. Elle les fera plutôt passer
dans l’ombre, car ce sont les individus qui nous sont déjà
familiers qui vont devenir les dirigeants.
La pathocratie ainsi engendrée a une emprise plus forte sur le
pays soumis que celle qui est imposée par la force. Elle
conserve cependant certains traits de son contenu divergent,
parfois qualifié d’ « idéologique », bien qu’en fait il dérive d’un
substrat ethnologique différent sur lequel a été implanté un
greffon. Si des conditions telles que la force numérique, une
large extension ou l’isolement géographique permettent de se
rendre indépendant de la nation pathocrate primitive, alors
des facteurs plus mesurés et une société de gens normaux
peuvent parvenir à influencer le système gouvernemental en
tirant parti des opportunités offertes lors de la phase de
dissimulation. En complément de circonstances avantageuses
et d’une habile assistance extérieure, voilà qui peut mener à
une dépathologisation progressive du système.
Considérations générales
Le moyen de comprendre le vrai contenu du phénomène et sa
causalité interne s’obtient en surmontant les réflexes et
émotions naturels, ainsi que la tendance aux interprétations
moralisantes. Il faut ensuite des données, qui résultent d’un
difficile travail clinique quotidien, et puis des généralisations
sous la forme de ponérologie théorique. Cette compréhension
s’étend naturellement à ceux qui créent ces systèmes
inhumains. Le problème de la détermination biologique de leur
comportement est donc ainsi esquissé dans toute son
expression, et montre combien leur capacité à juger
moralement et à déterminer le champ de leur comportement
est réduite bien en deçà des niveaux de capacité des personnes
normales. Essayer de comprendre même ses ennemis est une
attitude proche des recommandations des Evangiles, et très
difficile pour nous les humains. La condamnation morale
constitue un obstacle à la guérison de cette maladie.
Une des conséquences du caractère du phénomène décrit dans
ce chapitre est qu’aucune tentative pour comprendre sa nature
ou découvrir ses liens internes de causalité et ses
transformations diachroniques n’est possible si nous ne
disposons pas du langage scientifique déterminant les concepts
psychologiques, sociaux, et moraux, ne serait-ce que dans la
forme imparfaite utilisée par les sciences sociales. Il est tout
aussi impossible de prédire les phases subséquentes du
développement de ce phénomène ou de distinguer ses périodes
et points faibles afin de le contrer.
L’élaboration d’un langage conceptuel approprié et
suffisamment exhaustif s’est donc révélée essentielle ; elle a
demandé plus de temps et d’efforts que l’étude du phénomène
proprement dit. C’est pour cette raison qu’il nous a fallu
prendre le risque d’ennuyer le lecteur par l’introduction à la
fois succincte et appropriée de ce langage conceptuel,
compréhensible pour les lecteurs qui n’ont pas reçu de
formation dans le domaine de la psychopathologie. Cependant,
quand il apprend à comprendre ce phénomène macrosocial
dans un système donné, l’homme de science se trouve un peu
comme l’archéologue devant la tombe de Tout Ankh Amon,
avant de pouvoir saisir les lois du phénomène et compléter ses
connaissances par un certain nombre de données.
La première conclusion, qui s’est présentée peu après la
rencontre avec le « professeur » a été que le développement du
phénomène est limité par la nature en termes de présence
d’individus susceptibles d’être impliqués dans ce phénomène
au sein d’une société donnée. L’évaluation initiale d’environ 6
% s’est révélée réaliste ; des données statistiques rassemblées
progressivement par la suite n’ont pas pu remettre ce
pourcentage en question. Ce chiffre varie selon les pays, d’un
pourcent environ de plus ou de moins. Quantitativement
parlant, ce chiffre comprend 0.6 % de psychopathes essentiels,
c’est-à-dire qu’il représente environ 1/10 de ces 6 %. Toutefois,
cette anomalie joue un rôle d’une importance disproportionnée
par rapport aux chiffres, en saturant l’ensemble du phénomène
de sa propre qualité de pensée et expérience. D’autres
psychopathies : asthénique, schizoïde, anankastique (ou
obsessionnelle), hystérique, etc., jouent un rôle secondaire,
mais dans l’ensemble elles sont bien plus nombreuses. Les
individus skirtoïdes relativement primitifs viennent s’y ajouter,
poussés par leur appétit de la vie, mais leurs activités sont
limitées par des considérations visant à leurs propres intérêts.
Chez les nations non sémitiques, les schizoïdes sont un peu
plus nombreux que les psychopathes essentiels ; bien que très
actifs dans les premières phases de la genèse du phénomène,
ils se montrent à la fois attirés par la pathocratie et par la
distance rationnelle de la pensée efficiente. Ils sont donc
déchirés entre ce système et celui de la société des gens
normaux.
Parmi les personnes qui ne sont pas clairement attirées par la
pathocratie se trouvent celles dont l’état provient de l’action
toxique de certaines substances telles que l’éther, le monoxyde
de carbone107, et sans doute certaines endotoxines, si toutefois
ces intoxications se sont produites dans l’enfance 108. Parmi les
individus présentant d’autres indications d’endommagement
du tissu cérébral, seuls deux parmi les types décrits présentent
une inclination mesurée : les caractéropathes frontaux et
paranoïdes. Dans le cas d’une caractéropathie frontale, il s’agit
principalement du résultat de l’absence de faculté
d’autocritique et d’une incapacité à sortir d’un cul-de-sac dans
lequel on est entré sans réfléchir. Les paranoïdes attendent un
appui inconditionnel dans un tel système. Cependant, en
Perspective temporelle
Une personne dotée d’un substrat instinctif normal et d’une
intelligence normale, qui sait déjà à quoi ressemble un
impitoyable système autocratique « basé sur une idéologie
fanatique » s’est formé une opinion à ce sujet. Cependant, une
confrontation directe avec le phénomène lui montre son
impuissance intellectuelle. Tout ce qu’elle a pu imaginer à ce
sujet se révèle pratiquement inutile et n’explique rien. Cela
provoque en elle la sensation dérangeante qu’elle-même et la
société au sein de laquelle elle a été élevée ont été très naïves.
Quiconque est capable d’accepter ce vide dérangeant en
prenant conscience de sa propre ignorance, ce qui ferait la
fierté d’un philosophe, est aussi à même de trouver, dans ce
monde déviant, un chemin qui mène quelque part. Mais
protéger de manière égocentrique sa propre bonne vieille
vision du monde de la désintégration résultant de la prise de
conscience, et tenter de la combiner avec des observations en
provenance de cette nouvelle réalité divergente, n’apporte que
chaos mental. Ce dernier a produit chez certains bien des
conflits et désillusions inutiles ; d’autres se sont soumis à la
réalité pathologique. Une des différences observées entre une
personne normalement résistante et quelqu’un qui a subi une
transpersonnification est que la première est mieux à même de
surmonter ce vide cognitif désintégrant tandis que la seconde
remplit, sans discernement, le vide au moyen de matériel de
propagande pathologique.
Lorsque l’esprit humain entre en contact avec cette nouvelle
réalité, si différente de tout ce que connaît une personne
normale élevée dans une société de gens normaux, des
symptômes de choc apparaissent dans le cerveau, avec un plus
grand tonus d’inhibition dans le cortex et un affaiblissement
du ressenti, qui sont parfois incontrôlables. L’esprit travaille
plus lentement et est moins acéré, parce que les mécanismes
d’association ont perdu de leur efficience. En particulier,
quand une personne est en contact direct avec des
psychopathes de la nouvelle autorité qui mettent à profit leur
expérience spécifique pour traumatiser les « autres » au moyen
de leur propre personnalité, cette personne entre dans un état
de catatonie temporaire. Leurs arrogantes techniques
d’humiliation, leur pseudo-moralisme brutal, affaiblissent ses
processus de pensée et ses facultés d’autodéfense, et leurs
méthodes s’ancrent dans son esprit. Devant un tel phénomène,
toute évaluation moralisante du comportement d’une personne
est donc au moins inexacte.
Une fois dépassés ces états psychologiques extrêmement
déplaisants, grâce à la fréquentation d’une société
bienveillante, il est possible de réfléchir (processus toujours
difficile et pénible) ou de prendre conscience du fait que
l’esprit et le bon sens ont été déséquilibrés par quelque chose
qui n’entre pas normalement dans l’imagination humaine.
L’homme et la société se trouvent au départ d’une longue route
d’expériences inconnues qui, après bien des essais et erreurs,
aboutit enfin à certaines connaissances hermétiques des
caractéristiques du phénomène et de la manière dont il est
possible d’y résister psychologiquement. En particulier au
cours de la phase de dissimulation, la réflexion rend possible
l’adaptation à ce monde différent et une vie dans des
conditions tolérables. Nous allons à présent observer les
phénomènes psychologiques, les connaissances, les manières
de se prémunir et de s’adapter, qui n’auraient pas pu être
décrits avant, ni compris dans un monde soumis à la règle des
gens normaux. Cependant, une personne normale est
incapable de s’adapter complètement à un système
pathologique ; il est facile de se montrer pessimiste quand au
résultat final de tout cela.
Des expériences sont échangées au cours de soirées de
discussion entre amis, ce qui crée dans l’esprit des gens une
sorte d’amoncellement cognitif qui est d’abord incohérent et
qui contient des erreurs factuelles. L’intervention de catégories
morales dans cette compréhension du phénomène
macrosocial, et le comportement de certains individus sont des
éléments proportionnellement bien plus importants dans cette
nouvelle vision du monde, que ne le dicterait la connaissance
scientifique telle que précédemment décrite. L’idéologie
officiellement prêchée par la pathocratie conserve ses pouvoirs
de suggestion qui diminuent cependant sans cesse, jusqu’à ce
que la raison parvienne à les voir comme quelque chose de
subordonné, qui n’appartient pas à l’essence du phénomène.
Les valeurs morales et religieuses, ainsi que l’héritage culturel
séculaire des nations apportent à la plupart des sociétés un
soutien sur le long chemin qui les sortira individuellement et
collectivement de la jungle de ces étranges phénomènes. Cette
faculté de perception possédée par ceux qui ont une vision
naturelle du monde, contient un défaut qui dissimule pendant
longtemps le fond du phénomène. Dans ces conditions, tant
l’instinct que les sentiments et l’intelligence qui en résulte,
jouent un rôle capital de stimulation à faire des choix qui sont,
dans une grande mesure, subconscients.
Dans les conditions imposées par la règle pathocratique en
particulier, où les déficiences psychologiques qui viennent
d’être décrites sont décisives dans la participation aux activités
qui se déroulent dans un tel système, notre substrat instinctif
naturel est un facteur capital pour rejoindre l’opposition. De
même, les motivations environnementales, économiques et
idéologiques ayant influencé la formation de la personnalité
individuelle, y compris les attitudes politiques adoptées
auparavant, jouent un rôle de facteurs de modification qui ne
perdure pas. L’activité de ces facteurs, bien que relativement
claire par rapport aux individus, disparaît dans l’approche
statistique et diminue au fil des années de pathocratie. Les
décisions et la manière dont sont opérées les sélections du côté
de la société des gens normaux sont à nouveau le fait de
facteurs habituellement hérités biologiquement, et ne sont
donc pas les produits des choix de quelqu’un, mais surtout des
processus subconscients.
L’intelligence générale de l’homme, et spécialement son niveau
intellectuel, joue un rôle relativement limité dans ce processus
de sélection d’une voie d’action telle qu’exprimée par une
corrélation statistiquement significative, bien que faible (-
0.16). Plus élevé est le niveau général de talent d’une personne,
plus il lui est difficile de se réconcilier avec cette réalité
différente et d’y trouver un modus vivendi. Néanmoins, des
gens doués et talentueux rejoignent la pathocratie, et des mots
de dur mépris envers le système sont entendus de la bouche de
gens simples et sans éducation. Seules les personnes possédant
les plus hauts degrés d’intelligence qui, comme il a été dit, n’est
pas le fait des psychopathies, sont incapables de trouver un
sens à la vie dans un tel système109. Elles sont parfois à même
de tirer profit de leur supériorité mentale pour trouver des
moyens exceptionnels de venir en aide à leur prochain. Gâcher
les meilleurs talents ne peut que déclencher des catastrophes
dans tout système social.
110 « Un tas de fils de putes qui ont grimpé sur le dos des classes
travailleuses pour atteindre la mangeoire. »
L’expérience historique nous enseigne que toute tentative de
concrétiser l’idée communiste par des moyens
révolutionnaires, violents ou non, déforme ce processus
jusqu’à lui faire prendre des formes anachroniques et
pathologiques dont l’essence et le contenu restent inaccessibles
aux esprits qui se basent sur les concepts de la vision naturelle
du monde. L’évolution construit et transforme plus vite que la
révolution, et sans les complications tragiques de celle-ci.
Une des premières découvertes faites par la société des gens
normaux est qu’elle est supérieure aux nouveaux dirigeants en
intelligence et talents pratiques, même si ceux-ci paraissent
être des génies. Les noeuds qui paralysent la raison sont
graduellement défaits, et la fascination pour les nouvelles
connaissances et les plans d’action du nouveau pouvoir en
place perdent de leur intérêt, et l’étape suivante est la
familiarisation avec l’idée de cette nouvelle réalité.
Le monde des gens normaux est toujours supérieur à l’autre à
chaque fois qu’une activité constructive est nécessaire, qu’il
s’agisse de la reconstruction d’un pays dévasté, de
technologies, d’organisation de la vie économique, ou de
travail scientifique, médical entre autres. « Ils veulent
construire des choses mais ils ne peuvent pas faire grand chose
sans nous ». Les experts qualifiés peuvent de plus en plus
fréquemment formuler des exigences ; malheureusement pour
eux, ils ne sont considérés comme qualifiés que jusqu’à ce que
le travail soit terminé. Une fois l’usine en état de
fonctionnement les experts peuvent s’en aller et la direction est
reprise par quelqu’un qui est incapable de faire progresser les
choses et sous les ordres duquel les efforts consentis seront
gaspillés.
Ainsi que nous l’avons déjà souligné, toute anomalie
psychologique est en fait une sorte de déficience. Les
psychopathies sont fondées d’abord sur les déficiences existant
dans le substrat instinctif ; cependant, leur influence, exercée
sur le développement mental mène elle aussi à des déficiences
dans l’intelligence en général, comme nous l’avons déjà
expliqué. Ces déficiences ne sont pas compensées par le
développement de connaissances psychologiques particulières
comme nous l’observons chez certains psychopathes. Ces
connaissances perdent de leur pouvoir de fascination lorsque
des gens normaux apprennent eux aussi à comprendre ces
phénomènes. Le psychopathologiste n’a donc pas été surpris
par le fait que le monde des gens normaux est dominant en
termes d’habileté et de talents. Pour cette société-là,
cependant, cela a représenté une découverte qui a engendré
l’espoir et la détente psychologique.
Puisque notre intelligence est supérieure à la leur, nous
sommes capables de les reconnaître et de comprendre
comment ils pensent et agissent. C’est ce qu’une personne peut
apprendre de sa propre initiative dans un tel système, forcée
par la nécessité quotidienne. Cette personne apprend pendant
son travail au bureau, à l’école ou à l’usine, quand elle doit
affronter les autorités et quand elle est arrêtée, ce que bien peu
parviennent à éviter. L’auteur et bien d’autres de ses
concitoyens ont beaucoup appris sur la psychologie de ce
phénomène macrosocial pendant son écolage
d’endoctrinement forcé. Les organisateurs et professeurs n’ont
pas pu vouloir un tel résultat. La connaissance pratique de
cette nouvelle réalité croît donc, grâce à quoi la société
augmente ses ressources d’action, ce qui lui permet de tirer
meilleur profit des points faibles du système de pouvoir en
place. Cela permet une réorganisation graduelle des liens
sociétaux, et porte des fruits après un certain temps.
Cette nouvelle science est incalculablement riche en détails
casuistiques111. Je pourrais la qualifier de trop littéraire. Elle
contient une connaissance et une description du phénomène
~~~
~~~
Comprendre
Comprendre ces gens normaux, extraordinaires ou ordinaires,
obligés de vivre sous une férule pathocratique, leur nature et
ses réponses à une réalité fondamentalement déviante, leurs
rêves, leur façon d’appréhender la réalité (ainsi que les
difficultés tout au long de leur chemin), ainsi que leur besoin
de s’adapter et de devenir résistants (sans oublier les effets
secondaires de tout cela), est la condition sine qua non d’un
comportement qui pourrait les aider efficacement dans leurs
efforts pour retrouver un système de gens normaux. Il serait
psychologiquement impossible aux politiciens d’un pays libre
d’assimiler toutes les connaissances pratiques que ces gens ont
acquises année après année. Ces connaissances sont
impossibles à transmettre ; aucun effort journalistique ni
littéraire ne peut y arriver. Cependant, une science analogue
formulée en un langage scientifique objectif peut être
communiquée dans les deux directions. Il peut être assimilé
par des gens sans qualifications particulières. Il peut aussi être
retransmis de l’autre côté, là où le besoin de cette science est
grand et où les esprits sont préparés à la recevoir. Cette science
agirait en fait sur leur personnalité endolorie comme le font les
meilleurs remèdes. La simple prise de conscience du fait que
l’on a été soumis à l’influence de déviants mentaux constitue
en elle-même une partie cruciale du traitement.
Quiconque désire préserver la liberté de son pays et du monde
déjà menacé par ce phénomène macrosocial pathologique,
quiconque souhaite guérir notre planète malade, doit non
seulement comprendre la nature de cette grave maladie, mais
doit aussi prendre conscience de la potentialité des pouvoirs
générateurs de guérison. Tout pays à portée de ce phénomène
macrosocial abrite une large majorité de gens normaux qui y
vivent et souffrent, et qui n’accepteront jamais aucune
pathocratie ; leur protestation vient des profondeurs de leur
âme et de leur nature humaine conditionnées par l’hérédité
biologique. Les formes de ces protestations et les idéologies par
lesquelles ils veulent réaliser leurs souhaits naturels peuvent
cependant varier.
L’idéologie ou la structure sociale par l’intermédiaire de
laquelle ils souhaiteraient regagner leur droit de vivre dans un
système de gens normaux est cependant d’une importance
toute relative pour ces gens. Il existe bien sûr des différences
d’opinion à cet égard, mais ces différences ne risquent pas de
déboucher sur des conflits violents entre des personnes qui
aperçoivent devant elles un but digne de sacrifice. Les gens
dont les attitudes sont plus pénétrantes et équilibrées voient
l’idéologie originelle telle qu’elle était avant sa caricaturisation
par le processus de ponérisation, et comme la base la plus
pratique pour atteindre les objectifs de la société. Certaines
modifications pourraient donner à cette idéologie une forme
plus mature, mieux adaptée aux exigences des temps présents ;
elle pourrait alors servir de base à un processus d’évolution, ou
plutôt de transformation en un système socio-économique
susceptible de fonctionner de manière adéquate. Les
convictions de l’auteur sont quelques peu différentes. De
graves problèmes feraient leur apparition du fait de pressions
extérieures visant à l’introduction d’un système économique
ayant perdu ses racines historiques dans un tel pays.
Les gens qui ont été obligés de vivre pendant de longues
périodes dans le monde étrange de cette divergence sont
difficiles à comprendre pour quelqu’un qui a eu la chance
d’échapper à ce sort. Evitons donc de leur imposer des images
qui n’ont de sens que dans un monde de gouvernements
normaux ; ne les cantonnons pas dans de quelconques
doctrines politiques qui ne reflètent souvent pas la réalité qui
les entoure. Voyons-les dans des sentiments de solidarité, de
respect mutuel, et de plus grande confiance en leur nature
humaine normale et leur raison.
La psychologie et la psychiatrie
sous la férule pathocratique
114 En 1950, L’Académie russe des Sciences a décidé que tout le monde
devrait se plier à la théorie avancée par le professeur moscovite Andrei
Snejnevsky, pour qui « tout le monde pouvait souffrir de « schizophrénie à
progression lente ». On pouvait en souffrir sans le savoir, mais une fois que
Snejnevsky ou un de ses collaborateurs avait décidé qu’on en souffrait, on
d’une réalité différente ont rencontré des obstacles à présent
familiers, bien que certains eussent déjà entendu parler d’abus
de la psychiatrie. Néanmoins, les « pourquoi ? » étaient
nombreux dans les conversations, et restaient sans réponse.
La situation des sciences sociales et médicales, ainsi que des
personnes qui y travaillent, ne peut être comprise que quand
on a saisi la vraie nature de la pathocratie à la lumière de
l’approche ponérologique. Imaginons donc quelque chose qui
n’est possible qu’en théorie, c’est-à-dire un pays soumis à une
règle pathocratique, mais où il est autorisé de développer
librement ces sciences, de laisser circuler tout aussi librement
de la littérature scientifique, et d’avoir des contacts avec les
hommes de science d’autres pays. La psychologie, la
psychopathologie, la psychiatrie, seraient florissantes et
était enfermé et assommé par des sédatifs sans quoi, la maladie allait «
progresser ». …les dissidents étaient tout simplement enfermés dans des
institutions psychiatriques et déclarés déments. » Jusqu’à sa mort en 1987
Snejnevsky a nié que le régime soviétique avait déformé sa théorie. Mais
ses assistants d’alors admettent à présent qu’il ne savait que trop bien ce
qui se passait. Malheureusement, ces assistants n’en parlent encore que très
prudemment. Ils travaillent dans des instituts moscovites où les
successeurs scientifiques de Snejnevsky occupent encore des postes élevés.
Cette clique de 30 à 40 psychiatres à l’époque, avait le contrôle de tous les
instituts importants de recherche scientifique à Moscou, et les choses ont
peu changé de nos jours. Les conséquences de la déformation des idées de
Snejnevsky, à part le fait qu’elles ont été utilisées comme moyens de
répression, sont que la psychiatrie en ex-Union Soviétique est en retard
d’environ cinquante ans. La littérature psychiatrique occidentale était
interdite en Union Soviétique ; les psychiatres qui s’élevaient contre les
abus politiques de leur science ont fini derrière les barreaux ou ont été eux-
mêmes déclarés « insidieusement schizophrènes ». - A Mess in Psychiatry
(« un gâchis psychiatrique » – NDT), interview de Robert Van Voren,
Secrétaire Général de l’Initiative de Genève sur la Psychiatrie, parue dans
le journal néerlandais De Volkskrant du 9 août 1997 [note de l’Éditeur]
produiraient des représentants remarquables. Quels seraient
les résultats ?
Cette accumulation rapide de connaissances utiles permettrait
d’entreprendre des études dont nous saisissons la portée. Les
éléments manquants et les questions insuffisamment
approfondies seraient complétés et approfondis grâce à des
recherches détaillées. Le diagnostic de la situation pourrait
donc avoir lieu, disons, dans la première douzaine d’années de
formation d’une pathocratie, particulièrement si cette dernière
est imposée. La base du scénario de déduction serait
significativement plus large que tout ce que l’auteur peut
présenter ici, et ce scénario serait illustré grâce à un riche
corpus de matériel analytique et statistique.
Une fois communiqué à l’opinion mondiale, ce diagnostic
serait promptement intégré, ce qui aurait pour résultat
d’expulser de la conscience de la société les naïves doctrines
politiques et la propagande. Il atteindrait les nations faisant
l’objet de visées expansionnistes de la part de l’empire
pathocratique. Cela rendrait pour le moins caduque toute
idéologie élaborée sur le modèle d’un Cheval de Troie
pathocrate. En dépit de leurs différences, les pays gouvernés
par des systèmes normaux seraient solidaires devant un
danger déjà compris, leur solidarité étant semblable à celle qui
lie les gens normaux forcés de vivre sous une règle
pathocratique. Cette conscience, répandue dans les pays
affectés par ce phénomène, renforcerait simultanément la
résistance psychologique des sociétés normales et leur
fournirait de nouveaux moyens d’autodéfense. Est-ce qu’un
empire pathocratique peut se risquer à permettre cela ?
Pendant les périodes où les disciplines susmentionnées se
développent avec rapidité dans un certain nombre de pays, le
problème de la prévention de la menace psychiatrique devient
une question de vie ou de mort pour la pathocratie. Tout risque
de voir émerger une telle situation doit donc être étouffé dans
l’oeuf, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’empire. En même
temps, cet empire est à même de trouver d’efficaces mesures
préventives grâce à la conscience de sa différence, ainsi qu’à sa
connaissance psychologique des psychopathes avec lesquels
nous sommes à présent familiarisés, connaissance renforcée
partiellement par un savoir académique.
Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des pays affectés par le
phénomène dont nous avons parlé, un système spécialisé et
conscient de contrôle, de terreur, et de diversion se met donc
en place. Tous les articles scientifiques publiés sous de tels
gouvernements, ou importés de l’étranger, sont surveillés pour
s’assurer qu’ils ne contiennent pas de données qui pourraient
représenter un danger pour la pathocratie. Les spécialistes les
plus doués font l’objet de chantages et contrôles
malintentionnés. La conséquence de tout cela est que le niveau
de qualité de ces sciences baisse considérablement. Toute
l’opération doit donc être conduite de manière à éviter d’attirer
l’attention de l’opinion publique sur des pays où les structures
sont « normales ». Les effets d’une « mauvaise rupture »
seraient trop étendus. Cela explique pourquoi des personnes «
attrapées » en train de se livrer à du travail d’investigation
dans ces domaines sont éliminées sans bruit, et pourquoi les
personnes faisant l’objet de soupçons sont forcées de s’exiler
pour devenir alors les objets de campagnes savamment
orchestrées de harcèlement115.
Des batailles ont donc lieu sur des fronts ignorés, ce qui peut
rappeler la Seconde Guerre Mondiale. Sur plusieurs fronts, les
soldats et les officiers qui combattaient n’avaient pas
conscience que leur sort dépendait de l’issue de cette autre
115 C’est aussi la raison pour laquelle Lobaczewski a été privé des données
qu’il avait mis tant d’années à collecter, données qui auraient pu venir à
l’appui des informations présentées dans le présent livre. [Note de
l’Éditeur]
guerre, menée par des hommes de science et d’autres soldats,
et dont les objectifs étaient d’empêcher les Allemands de
produire la bombe atomique.
Les Alliés ont gagné cette bataille et ce sont les États-Unis qui
ont été les premiers à posséder l’arme fatale. De nos jours,
cependant, l’Occident est en train de perdre des batailles
scientifiques et politiques sur ce nouveau front secret. Les
francs-tireurs sont méprisés, privés d’assistance, ou forcés de
travailler dur pour gagner leur pain. Pendant ce temps, le
Cheval de Troie envahit de nouveaux pays.
L’étude de la méthodologie de ces combats, tant sur les fronts
internes qu’externes démontre cette connaissance de soi
pathocratique si particulière et difficile à comprendre dans le
cadre des concepts de langages naturels. Pour pouvoir exercer
un contrôle sur les gens et sur les domaines scientifiques qui
n’ont pas ou peu fait l’objet de vulgarisation, il faut pouvoir
percevoir ce qui est en train de se produire et quels segments
de la psychopathologie sont les plus dangereux. Celui qui
analyse cette méthodologie voit alors les limites et
imperfections de cette connaissance de soi et de cette pratique,
c’est-à-dire les faiblesses, erreurs, et gaffes faites par
l’adversaire, et peut alors en tirer parti.
Dans les pays soumis à des systèmes pathocratiques, la
surveillance des organismes scientifiques et culturels est
confiée à un service spécial composé de personnes
particulièrement fiables ; un « bureau sans nom » rassemblant
des personnes relativement intelligentes, présentant des
caractéristiques psychopathiques. Ces gens doivent pouvoir
réussir dans leurs études supérieures, parfois en forçant les
examinateurs à être généreux dans leurs appréciations. Leurs
talents sont habituellement inférieurs à ceux des étudiants
moyens, particulièrement dans les sciences de la psychologie.
Malgré quoi, ils sont récompensés pour leurs services par des
diplômes universitaires, de bons postes, et la représentation à
l’étranger de la communauté scientifique de leur pays. En tant
qu’individus particulièrement fiables, ils ne sont pas obligés de
participer aux réunions locales du parti, ni même d’y adhérer
entièrement. En cas de besoin, ils peuvent donc passer pour
étrangers au parti. Malgré cela, ces surintendants des sciences
et de la culture sont bien connus de la société des gens
normaux, qui apprend très vite à faire la distinction. On ne les
distingue pas toujours facilement des agents de la police
politique ; bien qu’ils estiment appartenir à une classe
supérieure à ces derniers, ils sont cependant obligés de
collaborer avec eux.
Nous rencontrons souvent ces gens à l’étranger, où diverses
fondations et instituts leur accordent des prêts, convaincus
qu’ils sont d’aider ainsi au développement des connaissances
dans des pays d’obédience communiste. Ces bienfaiteurs ne
réalisent pas qu’ils rendent en fait de bien mauvais services
aux vraies sciences et aux vrais hommes de science, en
permettant à des contremaîtres d’obtenir une autorité semi-
authentique et en leur permettant d’approcher des choses qui
se révèleront dangereuses par la suite.
Ces gens auront tôt ou tard l’autorité de permettre à quelqu’un
d’obtenir un doctorat, de s’embarquer dans une carrière
scientifique, d’occuper des postes dans des universités,
d’obtenir des promotions. Très médiocres scientifiques eux-
mêmes, ils s’efforcent d’écarter les gens talentueux, car ils sont
mus par des intérêts égoïstes et une jalousie typique des
pathocrates envers les gens normaux. Ce sont eux qui
surveilleront la parution d’articles scientifiques selon leur «
idéologie propre », et qui s’assureront que tout spécialiste
valable se voie refuser l’accès à la littérature scientifique dont il
a besoin116.
116 Sur base de nombreux rapports publiés ces cinq dernières années, il
semble bien que les USA suivent un chemin qui les mène au même
Le contrôle est exceptionnellement rusé et traître dans les
sciences touchant à la psychologie en particulier, et ce pour les
raisons que nous connaissons à présent. Des listes écrites et
non écrites sont compilées : elles mentionnent les sujets qu’il
est interdit d’enseigner ; quant aux autres matières, elles font
l’objet de directives destinées à les déformer. La liste qui
concerne la psychologie est si longue qu’il ne reste rien de cette
science, à l’exception d’un squelette dépourvu de tout ce qui
peut être subtil ou pénétrant.
Le curriculum exigé d’un psychiatre ne doit pas contenir un
minimum de connaissances en psychologie générale,
développementale, ou clinique, ni aucune compétence de base
en psychothérapie. Grâce à cela, les médecins les plus
médiocres ou privilégiés deviennent psychiatres après
seulement quelques semaines d’étude. Voilà qui ouvre des
carrières en psychiatrie à des individus qui sont par nature
enclins à servir ce genre d’autorité, ce qui a de fatales
répercussions sur les niveaux de traitement. Par la suite, cette
situation permet que la psychiatrie soit utilisée à des objectifs
qu’elle ne devrait jamais servir117.
système. En fait, les analyses confirment que ce système est en place depuis
un certain temps déjà. [Note de l’Éditeur]
117 En Ukraine on fait subir une chirurgie du cerveau aux schizophrènes. «
L’Ukraine doit faire face à une pénurie de fonds, ce qui signifie qu’il n’y a
pas d’argent pour acheter des médicaments, et l’on a recours à des
méthodes alternatives de traitement. Et puis il y a aussi à Dnieperopetrovsk
des psychiatres qui pensent: « et si nous enlevions un morceau de cerveau ?
alors nous serions débarrassés à bon compte de la schizophrénie ». Van
Voren imagine ce qu’ils pensent : ‘Peut-être recevrons-nous même un prix
Nobel ! Qui sait ? ». D’autre part, poursuit-il ‘ils savent bien que ce genre
d’opérations n’est pas réellement admis. Alors ces schizophrènes
deviennent censément épileptiques, car les cas extrêmes d’épilepsie
peuvent nécessiter une intervention chirurgicale. Sous ce prétexte ils
peuvent enlever des parties du cerveau.’ L’Institut de Neurochirurgie de
Comme ils sont sous-éduqués, ces psychologues se révèlent
impuissants devant la plupart des problèmes humains,
spécialement quand des connaissances particulières sont
nécessaires. Il faudrait donc pouvoir acquérir ces
Kiev va même plus loin : là sont implantés des tissus d’embryons avortés
dans le cerveau de malades mentaux. ‘Ils affirment qu’ils peuvent guérir de
cette façon. Naturellement, rien ne se produit ou la situation empire, mais
ils se font payer des milliers de dollars’. « Les psychiatres ukrainiens
utilisent l’insuline comme un tranquillisant, c’est-à-dire qu’elle est
administrée à des doses telles qu’elle provoque un coma‘. Ce traitement est
appliqué à hautes doses, alors que des diabétiques meurent faute
d’insuline. Quant aux électrochocs ils sont administrés avec grande
libéralité : à L’Institut Psychiatrique Central de Kiev ils sont administrés à
la douzaine, sans anesthésie préalable ni relaxant musculaire. Quand les
patients ont reçu leur ‘billet de sortie’, ils peuvent cependant encore
recevoir une douzaine d’électrochocs le jour de leur départ : ‘une sorte
d’indemnité de rupture’. « Et tout cela se passe de nos jours », conclut Van
Voren, « cela se passe aujourd’hui, en ce moment-même ». « Dans les
journaux russes on peut écrire librement sur les abus politiques de la
psychiatrie. Mais les méthodes de Snejnevsky n’ont jamais été
officiellement révoquées. La majorité des psychiatres moscovites y
adhèrent encore. ‘Par conséquent, aucun changement structurel n’est
possible à Moscou. Même actuellement, les gens qui occupent des postes
élevés dans ces instituts et qui voudraient s’adresser au public pour parler
des abus de la psychiatrie reçoivent le ferme conseil de se taire ou de se
trouver un travail ailleurs. C’est ainsi que le pouvoir se maintient en place.’
« Sous prétexte qu’ils sont atteints de ‘schizophrénie en progression’ des
dissidents sont toujours enfermés en ex-Union Soviétique, mais surtout en
province, et plus aussi ‘facilement’ poursuit Van Voren. Les gens qui ne
sont pas bien vus par les autorités locales peuvent atterrir dans une
institution, mais maintenant des organismes de défense des droits de
l’homme et certains médias peuvent les en sortir. Au Turkménistan
cependant cela est encore officiel. « C’est un musée de l’ex-Union
Soviétique staliniste, et là-bas cette théorie a été remise en faveur. » « A
Mess in Psychiatry », interview de Robert Van Voren, Secrétaire Général de
l’Initiative de Genève pour la Psychiatrie, parue dans le journal néerlandais
De Volkskrant du 9 août 1997.[Note de l’Éditeur]
connaissances par soi-même, ce qui n’est pas à la portée du
premier venu.
Ce comportement traîne derrière lui un cortège de misères et
injustices, dans des domaines de la vie qui n’ont rien à voir
avec la politique. Malheureusement, ce genre de
comportement est nécessaire du point de vue du pathocrate,
pour empêcher que ces dangereuses sciences ne mettent en
péril un système qu’il considère comme le meilleur possible.
Les spécialistes en psychologie et psychopathologie
trouveraient hautement intéressante une analyse de ce système
de prohibitions et de recommandations. Ils verraient qu’elle
permettrait d’examiner jusqu’au fond la nature de ce
phénomène macrosocial. Les interdictions engloberaient la
psychologie des profondeurs, l’analyse du substrat instinctif
chez l’homme, ainsi que l’analyse des rêves.
Comme il a été souligné au chapitre d’introduction à certains
concepts indispensables, la compréhension de l’instinct
humain est la clé qui permet de comprendre l’humain ; mais la
connaissance des anomalies de cet instinct est la clé de la
compréhension de la pathocratie.
Bien que de plus en plus rarement utilisée dans les cabinets
des psychologues, l’analyse des rêves reste toujours le meilleur
outil de compréhension de la pensée du point de vue
psychologique ; c’est ce qui la rend dangereuse. Même les
recherches sur la sélection d’un conjoint sont, au mieux,
regardées de haut.
L’essence de la psychopathie ne peut naturellement pas être
recherchée ni élucidée. Un voile est pudiquement jeté sur cette
matière par le truchement de définitions intentionnellement
déformées des psychopathies ; définitions qui comprennent
diverses espèces de trouble du caractère, ainsi que d’autres
dont les causes sont complètement différentes et connues118.
Ces définitions doivent être mémorisées, non seulement par
tout conférencier parlant de psychopathologie, psychiatrie et
psychologie, mais aussi par certains fonctionnaires politiques
qui n’ont aucune formation dans ces domaines.
Ces définitions doivent être utilisées dans tous les exposés
publics, quand il est absolument impossible d’éviter le sujet. Il
est cependant préférable, pour celui qui fait des exposés dans
ces domaines, de croire toujours ce qui est le plus confortable
dans ce genre de situations, et d’avoir une intelligence qui ne le
prédestine pas à faire des distinctions subtiles de nature
psychologique.
Il faut aussi souligner ici que la doctrine principale sur laquelle
se basent ces systèmes a pour devise : « c’est l’existence qui
définit la conscience ». Telle quelle, elle relève plutôt de la
psychologie que de la doctrine politique. Cette doctrine
contredit en fait en grande partie les données empiriques
établissant le rôle de facteurs héréditaires dans le
développement de la personnalité et de la destinée de
l’homme. Les conférenciers sont autorisés à aborder les
recherches sur les jumeaux identiques, mais seulement
brièvement, prudemment, et de loin. Il n’est cependant pas
permis de rien publier à ce sujet.
Revenons au génie psychologique particulier de ce système. On
peut admirer comment la définition donnée ci-dessus à la
psychopathie bloque efficacement la faculté de comprendre les
phénomènes qui s’y déroulent. Nous pouvons enquêter sur la
relation entre ces interdictions et l’essence du phénomène
macrosocial qu’elle reflète. Nous pouvons aussi observer les
limites de ces talents et les erreurs commises par ceux qui
appliquent cette stratégie. Ces points faibles sont habilement
118 C’est aussi le cas aux USA comme l’a souligné Robert Hare dans
plusieurs articles. [Note de l’Éditeur].
exploités pour insérer furtivement un peu de connaissances
valables, par des spécialistes doués ou des gens âgés qui ne
craignent plus pour leur carrière ou même leur vie. La bataille
« idéologique » se mène donc sur un terrain dont n’ont
absolument pas conscience et que ne peuvent même pas
concevoir les hommes de science qui sont gouvernés par des
structures mises en place par des gens normaux. Cela est
valable tant pour ceux qui dénoncent le Communisme, que
pour ceux dont cette idéologie est devenue l’idéal.
Peu après mon arrivée aux États-Unis, dans une rue du Queens
à New York, un jeune homme noir m’a donné un journal. J’ai
sorti mon porte-monnaie, mais il a fait un geste de refus : ce
journal était gratuit.
À la Une on pouvait voir la photo d’un jeune et beau Brejnev
décoré d’un tas de médailles reçues en fait bien plus tard. À la
dernière page, cependant, j’ai trouvé un résumé très bien fait
sur les recherches effectuées à l’Université du Massachusetts
sur les jumeaux identiques élevés séparément. Ces recherches
avaient démontré le rôle important de l’hérédité, et le texte
contenait une illustration littéraire de la similitude des
destinées des paires de jumeaux. Comme les éditeurs de ce
journal devaient être « idéologiquement désorientés » pour
publier quelque chose qui n’aurait jamais pu paraître en
terrain censé être communiste119 !
Dans cette autre réalité, la ligne de front de la bataille croise
toutes les études menées dans les domaines de la psychologie
et de la psychiatrie, dans les hôpitaux psychiatriques, les
119 La liberté observée par Lobaczewski aux USA dans les années 1980 est
en train d’être remplacée par une presque totale pathocratie. Il ne faudra
pas attendre longtemps avant que ce genre d’articles ne soient censurés
dans les journaux américains aussi à moins, naturellement, que l’étude ne «
démontre » la supériodité de la psychopathie. [Note de l’Éditeur]
centres de consultation pour la santé mentale, et la
personnalité de tous ceux qui oeuvrent dans ces domaines.
Ce qui se passe là-bas ? Des affrontements larvés, des
tentatives de faire entrer des informations scientifiques
valables, du harcèlement. Certaines personnes se découragent,
d’autres renforcent leurs convictions et se préparent à affronter
difficultés et risques pour pouvoir acquérir des connaissances
valables qui les mettront à même de venir en aide aux malades
et aux nécessiteux. La motivation initiale de ce dernier groupe
n’est donc pas politique puisqu’elle a pour origine la bonne
volonté et la probité professionnelle. Leur conscience des
causes politiques des restrictions et de la signification politique
de cette bataille intervient plus tard, quand viennent
l’expérience et la maturité professionnelle, spécialement si leur
expérience et leurs compétences doivent venir au secours de
gens persécutés.
Entre-temps, il faut bien trouver les moyens d’obtenir les
données et articles scientifiques nécessaires, malgré les
difficultés et le manque de compréhension qui les entourent.
Les étudiants et spécialistes débutants n’ont pas encore
conscience de ce qui a été retiré de l’enseignement, des
données scientifiques qui ont été volées. Les sciences se
dégradent à une vitesse alarmante quand cette prise de
conscience est absente.
~~~
~~~
Pendant des siècles, des tentatives ont été faites pour traiter
diverses maladies sur base d’une compréhension naïve de
celles-ci, et d’une expérience transmise de génération en
génération. Ces tentatives n’ont pas été vaines ; dans de
nombreux cas elles ont produit des résultats positifs. Le
remplacement de cette médecine traditionnelle par les sciences
modernes en Europe a commencé par détériorer la santé
sociale. Néanmoins, c’est grâce aux sciences modernes qu’ont
pu être vaincus de nombreuses maladies et maux devant
lesquels la médecine traditionnelle s’était montrée
impuissante. Cela s’est produit parce qu’une compréhension
scientifique des maladies et de leurs causes a permis des
réactions efficaces.
En ce qui concerne les phénomènes abordés dans le présent
ouvrage, notre situation est semblable à celle qui a été
engendrée par la crise citée plus haut, qui a affecté la santé des
nations d’Europe. Nous avons abandonné l’organisation socio-
morale traditionnelle avant d’avoir mis au point une science
plus valable, une science qui remplirait le vide laissé derrière
nous. Nous avons dès lors besoin de nouveaux critères pour
mettre au point une discipline analogue, dotée d’une structure
stable ; nous comblerions ainsi un manque cruel dans le
monde d’aujourd’hui.
D’après la pensée contemporaine, le traitement effectif d’une
maladie devient possible une fois découverte son essence, les
facteurs étiologiques et leurs propriétés, ainsi que son cours
pathodynamique dans des organismes dont les propriétés
biologiques sont cependant différentes. Lorsque ces éléments
sont devenus disponibles, il devient en général moins difficile
et dangereux d’agir. Pour les médecins, la maladie représente
un phénomène biologique intéressant et même fascinant. Ils
acceptent même le risque d’entrer en contact avec des facteurs
pathogéniques contagieux, et même de se perdre, afin d’arriver
à comprendre la maladie et de pouvoir guérir les gens. Grâce à
cela, ils sont à même de traiter étiotropiquement les maladies
et d’induire une immunisation artificielle de l’organisme
humain. La santé des médecins eux-mêmes est ainsi mieux
protégée également, mais ils ne peuvent se permettre de traiter
à la légère ni le patient ni la maladie.
Quand nous sommes confrontés à un phénomène pathologique
macrosocial qui demande un traitement comparable à ceux qui
sont utilisés par la médecine contemporaine, particulièrement
dans les maladies qui se propagent avec rapidité dans les
populations, la loi exige que soient prises des mesures
rigoureuses qui s’étendent au personnes en bonne santé aussi.
Soulignons que les gens et organes politiques dont la vision du
monde penche à gauche ont une attitude plus cohérente à cet
égard : ces sacrifices sont exigés au nom du bien commun.
Nous devons aussi constater que ce phénomène est analogue
aux maladies devant lesquelles les médecines traditionnelles se
sont révélées impuissantes. Pour remédier à cette situation il
nous faut recourir à des moyens nouveaux fondés sur la
connaissance de l’essence et des causes du phénomène, c’est-à-
dire des principes similaires à ceux qui gouvernent la médecine
moderne. La voie qui mène à la compréhension de ce
phénomène est bien plus difficile et dangereuse que celle qui
mène de cette compréhension à la découverte de thérapies
scientifiquement et moralement justifiées, ainsi que bien
organisées. Ces méthodes sont possibles et potentiellement
applicables, puisqu’elles dérivent de la compréhension du
phénomène per se et en deviennent une extension. Dans le cas
de cette maladie-ci comme dans le cas de celles qui sont
traitées par des psychothérapeutes, la compréhension seule
permet déjà de mettre en route le processus de guérison.
L’auteur a pu constater la véracité de cette affirmation dans
des cas individuels qu’il a traités. Il apparaît aussi que bon
nombre de résultats expérientiels connus deviennent
également applicables de cette manière.
L’insuffisance des efforts, même ceux qui s’inspirent des
meilleures valeurs morales, est évidente. Par ailleurs, les armes
redoutables qui mettent en péril l’humanité entière peuvent
être considérées comme aussi indispensables que les camisoles
de force, dont l’usage diminue à mesure qu’augmentent les
compétences de ceux qui apprennent les arts de guérir. Il nous
faut des mesures qui peuvent atteindre tous les gens, dans tous
les pays, et qui peuvent agir sur les causes reconnues des
grandes maladies.
Ces mesures thérapeutiques ne peuvent être limitées au
phénomène de la pathocratie. La pathocratie trouvera toujours
une réponse positive dans un pays indépendant contaminé par
un état avancé d’hystéricisation, ou dans lequel une caste
privilégiée peu nombreuse opprime et exploite les autres
citoyens, les gardant ignorants et attardés ; tous ceux qui sont
désireux de guérir le monde peuvent être pourchassés, et leur
droit moral d’agir peut être mis en question. Le mal dans le
monde constitue un continuum : une espèce ouvre la porte à
une autre espèce, toutes essences qualitatives et slogans
idéologiques confondus.
Il devient également impossible de trouver des moyens
thérapeutiques efficaces quand l’esprit des gens qui
entreprennent de telles actions a tendance à l’interprétation
subjective : comme des choix subconscients, la substitution de
données, ou bien quand est imposée une doctrine empêchant
une perception objective de la réalité. Cela est vrai, en
particulier, pour les doctrines politiques qui ont adopté pour
dogme le recours à un phénomène macrosocial pathologique
en accord avec leur idéologie, et qui empêchent de comprendre
leur vraie nature, au point que toute action s’y opposant
devient impossible. Tous ceux qui agissent ainsi devraient être
soumis à un examen préalable, ou même à une sorte de
psychothérapie, visant à éliminer toute tendance à penser de
manière désordonnée.
Comme pour tout traitement bien pensé, la thérapie du monde
doit satisfaire à deux exigences fondamentales : le
renforcement général du pouvoir de défense de la communauté
humaine, et l’attaque de sa maladie la plus dangereuse, de
manière étiotropique si possible. Pour prendre en compte tous
les aspects envisagés au chapitre de la ponérologie théorique,
les efforts thérapeutiques doivent viser à soumettre l’action des
facteurs connus de la genèse du mal ainsi que les processus
régissant la ponérogenèse elle-même, à la conscience
scientifique et sociétale.
Les tendances actuelles à ne se fier qu’aux données morales,
même si elles sont perçues avec grande sincérité, sont aussi
inadéquates que celle qui voudrait se fier exclusivement sur les
données présentées dans le présent ouvrage en laissant de côté
le support essentiel des valeurs morales. L’attitude du
ponérologue doit en premier souligner les aspects scientifiques
du phénomène ; mais cela ne veut pas dire que les aspects
traditionnels soient dénués de valeur. Les efforts visant à doter
les pays de l’ordre moral nécessaire devraient dès lors
constituer « une deuxième aile » travaillant en parallèle et
rationnellement soutenue par des principes scientifiques.
Les sociétés contemporaines, depuis la fin du XIXe siècle, ont
subi une récession morale ; il est du devoir des générations
actuelles d’inverser ce processus. La position primordiale à
adopter devrait être la ferme intention de se conformer au
commandement de l’amour de son prochain, même si celui-ci a
commis des actes réellement répréhensibles. L’entreprise
thérapeutique ne peut se mettre en place qu’à condition de
faire cela au nom de Dieu, et sous le contrôle honnête de la
conscience morale, d’une modération dans les paroles et d’une
réflexion avant l’action. C’est alors que la ponérologie
montrera son utilité pratique dans l’accomplissement de cette
tâche. Les gens et les valeurs acquerront de la maturité par
l’action. Ainsi donc, une synthèse des enseignements moraux
traditionnels et une nouvelle approche scientifique ne
pourront se produire que dans le cadre de comportements
raisonnés.
La Vérité guérit
Il serait difficile de résumer ici les déclarations de nombreux
auteurs fameux sur le rôle psycho-thérapeutique de la prise de
conscience de ce qui encombre le subconscient, de ce qui est
constamment péniblement « rentré » à cause de la crainte de
regarder en face une vérité désagréable, de l’absence de
données objectives pour tirer des conclusions correctes, ou de
trop de vanité pour permettre de se rendre compte de
l’absurdité de certains comportements. Outre le fait qu’elles
sont à présent bien comprises par les spécialistes, ces matières
sont aussi connues du public dans une mesure raisonnable.
Dans toute méthode, technique de psychothérapie analytique,
ou de psychothérapie autonome, comme l’a nommée T.
Szasz121, la motivation-phare expose à la lumière de la
conscience tout ce qui a été refoulé par une sélection
inconsciente des données, ou abandonné à cause des
problèmes intellectuels que cela posait. Tout cela
s’accompagne d’une mise au jour des substitutions et
rationalisations illusoires dont la création est en général
proportionnelle au volume des matériaux réprimés.
121 Thomas Szasz, psychiatre américain qui depuis les années 1950 affirme
que la psychiatrie obligatoire est incompatible avec une société libre. [Note
de l’Éditeur]
Dans de nombreux cas il s’avère que ce que la crainte a
peureusement éliminé de la conscience et fréquemment
substitué par des associations ostensiblement plus
confortables, n’aurait jamais eu des résultats aussi désastreux
si nous avions dès le début rassemblé assez de courage pour le
percevoir consciemment. Nous aurions alors pu trouver un
moyen indépendant et souvent créatif de nous sortir de
situations périlleuses.
Cependant, dans certains cas, spécialement quand il faut
traiter des phénomènes difficiles à appréhender dans le cadre
de notre vision naturelle du monde, sortir le patient de ses
problèmes signifie lui fournir des données objectives cruciales,
habituellement dans les domaines de la biologie, de la
psychologie et de la psychopathologie, et de lui indiquer les
dépendances spécifiques qu’il a été incapable de voir jusque là.
L’activité didactique commence à prendre de l’importance
dans le travail psychothérapeutique. Il faut dire que le patient
a besoin de ces données matérielles supplémentaires pour
reconstruire sa personnalité désintégrée, et pour former une
nouvelle vision du monde, mieux adaptée à la réalité. C’est à
partir de ce moment seulement qu’il est possible de reprendre
des méthodes plus traditionnelles. Si nos actions doivent
profiter à des gens restés sous l’influence d’un système
pathocratique, c’est ce dernier schéma de comportement qui
est le plus approprié ; les données objectives fournies aux
patients doivent provenir d’une compréhension de la nature du
phénomène.
Ainsi qu’il l’a déjà dit, l’auteur a pu observer les effets du
processus qui rend conscient de l’essence et des propriétés de
ce phénomène macrosocial, en travaillant avec des patients
rendus névrotiques par l’influence de conditions sociales
pathocratiques. Dans les pays gouvernés par des dirigeants de
cet ordre, quasiment toutes les personnes normales ont des
réactions névrotiques à des degrés divers. Il est vrai que la
névrose est une réaction normale de la nature humaine quand
elle est sous le joug d’un système pathologique.
Malgré l’anxiété, bien normale, engendrée des deux côtés par
ces courageuses mesures psychothérapeutiques, mes patients
ont rapidement assimilé les données objectives qui leur ont été
fournies, les ont complétées par les résultats de leur propre
expérience, et ont voulu des informations et vérifications
supplémentaires de ces informations. La réintégration
spontanée et créative de leur personnalité s’est produite peu
après, accompagnée d’une reconstruction similaire de leur
vision du monde. La psychothérapie subséquente a
simplement été un moyen de poursuivre une assistance dans
ce processus d’autonomie de plus en plus grande dans la
résolution individuelle des problèmes, c’est-à-dire une
approche plus traditionnelle. Ces gens ont perdu leurs tensions
chroniques ; leur perception de la réalité déviante est devenue
de plus en plus réaliste et teintée d’humour. Leur capacité à
entretenir leur propre hygiène psychologique, et à développer
leur auto thérapie, et leur auto pédagogie, s’est montrée bien
plus grande que prévu. Ils se sont découvert plus de ressources
pour résoudre les problèmes de leur vie de tous les jours et
parfois de leur entourage. Malheureusement, le nombre de
personnes auxquelles le psychothérapeute a pu assez faire
confiance est plutôt limité.
Un effet semblable devrait pouvoir se produire à l’échelle
macrosociale : cela est techniquement faisable dans les
circonstances actuelles. À cette échelle il y aurait une
interaction spontanée entre individus éclairés et la
multiplication des phénomènes thérapeutiques au sein de la
société. Ces phénomènes thérapeutiques susciteraient alors
des réactions sociales très probablement violentes ; il nous
faudra être préparés à cela afin de pouvoir calmer le jeu. Enfin,
il y aura un sentiment général de détente et la vraie science
triomphera du mal ; les paroles des adversaires n’y feront rien
et l’emploi de la force n’aura plus aucun sens. L’apparition de
mesures si différentes de tout ce qui a été fait auparavant
engendrera un sentiment de « fin d’un temps”, celui pendant
lequel ce phénomène macrosocial a pu apparaître, se
développer et puis mourir. Les gens normaux en éprouveront
enfin du bien-être.
En ce qui concerne cette psychothérapie globale, des éléments
complémentaires sous forme de compréhension scientifique
du phénomène sont des facteurs clés ; c’est pourquoi, le
présent ouvrage a rassemblé les données essentielles obtenues
par l’auteur et les a présentées ici dans une approche quelque
peu simplifiée. Ces données ne représentent pas la totalité des
connaissances nécessaires : il faudra les compléter. Par
ailleurs, je ne me suis pas appesanti sur les méthodes, ce qui
aurait été inutile étant donné que, de nos jours, grâce aux
diffusions massives, de nombreux spécialistes sont à présent
au courant de ces comportements et en voient d’ailleurs défiler
dans leur cabinet.
Ces activités permettront au monde de retrouver l’usage du
bon sens et de réintégrer des visions du monde basées sur des
données scientifiquement objectives et adéquatement
diffusées. La prise de conscience ainsi suscitée permettra de
mieux appréhender la réalité, grâce à quoi les humains seront
davantage tentés par les activités pratiques, et deviendront
plus indépendants et capables de résoudre les problèmes de la
vie, tout en se sentant davantage en sécurité. Cela n’a rien de
nouveau ; cette tâche constitue en fait le pain quotidien d’un
bon psychothérapeute. Le problème est technique plutôt que
théorique : il s’agit de savoir comment répandre sur tout le
globe ces influences qui font cruellement défaut pour le
moment.
~~~
Tout psychothérapeute doit être préparé aux difficultés qui
naîtront d’attitudes persistantes et de convictions dont la
fragilité se révèlera au cours du travail. C’est parmi les grands
groupes de gens que ces résistances seront les plus manifestes ;
cependant nous y trouverons aussi des alliés qui nous aideront
à briser ces résistances. Pour pouvoir visualiser cela, revenons
à l’exemple de la famille N., où une bonne douzaine de
personnes se sont rassemblées pour maltraiter un charmant et
intelligent bouc émissaire de treize ans.
Lorsque j’ai expliqué aux oncles et tantes qu’ils s’étaient
trouvés pendant des années sous l’influence d’une personne
psychologiquement anormale, qu’ils avaient accepté pour
normal son monde déformé et qu’ils avaient tenu à honneur de
contribuer à son acharnement sur ce garçon qu’elle considérait
comme responsable de ses échecs à elle, y compris ceux qui
s’étaient produits des années avant la naissance de son fils, le
choc a temporairement mis une sourdine à leur indignation. Il
n’y a pas eu de crise à proprement parler, probablement parce
que la scène se passait dans mon cabinet du Ministère de la
Santé publique et que j’étais protégé par le cache-poussière
blanc que j’enfilais à chaque fois que je ne me sentais pas
complètement en sécurité. Je n’ai donc reçu que des menaces
verbales. Mais une semaine plus tard ils sont revenus un à un,
pâles et contrits ; ils ont offert leur coopération pour aider à
améliorer la situation familiale et l’avenir de ce malheureux
garçon.
En général, les gens reçoivent inévitablement un choc et
réagissent par une opposition violente, des protestations et la
désintégration de leur personnalité quand ils sont confrontés à
une situation de ce genre, c’est-à-dire qu’ils se sont trouvés
sous l’influence fascinante et traumatisante d’un phénomène
pathologique macrosocial, et peu importe qu’ils l’aient
approuvé ou s’y soient opposés. Beaucoup de gens sont amenés
à protester violemment contre le fait que l’idéologie qu’ils
condamnaient ou acceptaient mais voyaient comme un
élément de guidance, est à présent traité comme quelque chose
de secondaire.
Les protestations les plus bruyantes viennent de ceux qui se
considèrent justes parce qu’ils ont condamné le phénomène
macrosocial en mettant à contribution leurs talents littéraires,
qu’ils ont élevé la voix et qu’ils ont abusé d’interprétations
moralisatrices par rapport à ces phénomènes pathologiques.
Les amener à voir la pathocratie sous son vrai jour est une
tâche sisyphéenne, car ils doivent prendre conscience que leurs
efforts ont surtout servi des objectifs complètement à l’opposé
de leurs intentions. Dans les cas où ils ont été engagés
professionnellement dans ces activités, il est plus pratique
d’éviter de libérer leur agressivité ; on peut même considérer
ces gens comme trop vieux pour être soignés.
Transformer la vision du monde de gens qui vivent dans des
pays où règnent des systèmes de gens normaux est une tâche
très difficile, car ces gens sont très égotistement attachés aux
images qui leur sont suggérées depuis l’enfance, ce qui les rend
plus difficiles à réconcilier avec l’idée qu’il existe des matières
que leur système naturel de concepts ne peut assimiler. Ils
manquent aussi de l’expérience qu’ont les gens qui ont vécu
pendant des années sous un gouvernement pathocratique. Il
faut donc s’attendre à de la résistance et des attaques de la part
de ceux qui protègent leur style de vie et leur job, ainsi que leur
personnalité qu’ils ne veulent pas voir désintégrer
ignominieusement. Il nous faut compter aussi avec les
réactions de la majorité.
L’acceptation d’une psychothérapie sera différente dans les
pays où auront déjà été mises en place des sociétés de gens
normaux offrant une solide résistance à la règle pathocratique.
De nombreuses années d’expérience, la connaissance pratique
du phénomène et l’immunisation psychologique y ont produit
depuis longtemps un terrain favorable à l’ensemencement par
la vérité objective et la compréhension scientifique.
L’explication de l’essence du phénomène macrosocial y sera
vue comme une psychothérapie qui aurait dû intervenir bien
plus tôt (ce qui aurait permis au patient d’éviter bien des
erreurs), mais utile cependant car ses résultats produisent
ordre et détente, et permet ensuite l’action raisonnée. Ces
données, obtenues ici par un processus plutôt pénible, seront
associées à l’expérience déjà disponible. Il n’y aura pas de
protestations inspirées par l’égoïsme ou l’égocentrisme dans ce
monde-là. La valeur d’une vision objective sera appréciée bien
plus rapidement, puisqu’elle assurera la base d’activités
raisonnées. Peu après, un sentiment de réalisme dans
l’appréhension du monde, suivi de l’apparition d’un certain
sens de l’humour constitueront pour ces gens une sorte de
compensation à l’expérience qu’ils ont dû accepter, c’est-à-dire
la désintégration de leur personnalité, provoquée par la
thérapie.
Cette désintégration de la vision du monde laissera d’abord un
vide désagréable. Les thérapeutes connaissent bien la volonté
de combler ce vide aussitôt que possible avec des matériaux
plus crédibles et fiables, ce qui permet d’éviter de recourir à
des méthodes primitives de réintégration de la personnalité.
En pratique, il vaut mieux réduire l’anxiété du patient en lui
promettant que des matériaux suffisamment objectifs lui
seront fournis sous la forme de données fiables. Cette
promesse doit bien sûr être tenue, en anticipant autant que
faire se peut l’apparition des états de désintégration. J’ai testé
cette technique avec succès sur des patients individuels, et je
peux assurer que son application sur grande échelle est sûre et
efficace.
Pour les gens qui ont déjà développé une certaine immunité
psychologique, la résistance accrue à l’influence destructive de
la pathocratie sur leur personnalité, grâce à la connaissance de
son essence, est moins significative mais non dépourvue de
valeur, car elle permet d’accroître l’immunité à moindres frais
en termes de tension nerveuse. Cependant, pour les hésitants
qui font partie des membres bien adaptés de la nouvelle classe
moyenne, l’immunisation fournie par la prise de conscience de
la nature pathologique du phénomène peut faire pencher la
balance des attitudes à adopter du côté de la décence.
Le deuxième aspect clé de ces opérations est l’influence de ce
comportement éclairé sur la personnalité des pathocrates eux-
mêmes. Pendant une psychothérapie individuelle nous évitons
de faire prendre conscience aux patients de l’existence
d’aberrations permanentes, spécialement quand nous avons
des raisons de penser que celles-ci découlent de facteurs
héréditaires. Cependant, les psychothérapeutes sont guidés
dans leurs prises de décision par la conscience de l’existence de
cette condition. Ce n’est que dans les cas résultant de lésions
légères au tissu cérébral que nous pouvons décider d’informer
le patient afin de l’aider à mieux admettre ses difficultés et
éviter des craintes inutiles. En ce qui concerne les
psychopathes, nous traitons leurs déviances grâce à un langage
d’allusions discrètes, tout en gardant à l’idée qu’ils possèdent
un certaine connaissance de soi, et nous appliquons des
techniques de modification du comportement pour corriger
leur personnalité, tout en ménageant aussi les intérêts de la
société.
À l’échelle macrosociale il sera naturellement impossible
d’adopter ces tactiques discrètes. Un certain traumatisme des
pathocrates sera inévitable, et parfois même intentionnel et
moralement justifié dans l’intérêt de la paix générale.
Néanmoins, notre attitude devra être définie par une
acceptation des facteurs biologiques et psychologiques ; il
faudra renoncer à toute interprétation chargée de morale ou
d’émotion par rapport à leurs déviances psychologiques.
Lorsque nous entreprendrons ce travail, il nous faudra mettre
au-dessus de tout le bien de la société sans pour autant
abandonner notre attitude psychothérapeutique, ni vouloir
punir ceux dont nous sommes incapables d’évaluer le degré de
culpabilité. Si nous oublions cela nous augmenterons le risque
d’une réaction incontrôlée de leur part, ce qui pourrait aboutir
à une catastrophe mondiale.
Par ailleurs, il ne faut pas nourrir de craintes exagérées, par
exemple en pensant qu’une prise de conscience par le public
provoquera des réactions dramatiques parmi les pathocrates,
comme une vague de cruautés ou de suicides. Non ! Les
individus décrits comme des psychopathes essentiels, comme
d’autres porteurs d’anomalies héréditaires, ont depuis
l’enfance le sentiment qu’ils sont psychologiquement différents
des autres. Leur révéler cela sera moins traumatisant que de
révéler par exemple une anomalie psychologique à une
personne normale. L’aisance avec laquelle ils écartent tout ce
qui leur est inconfortable du champ de leur conscience les
empêche d’avoir des réactions violentes. En même temps, ils
gardent le désir d’être compris. Ces mêmes gens qui sont cruels
envers autrui développent un réflexe de respect et même de
sentiments amicaux envers quiconque peut leur montrer qu’on
les comprend.
Les procédures thérapeutiques pourraient se baser sur
l’acceptation de leur idéologie, et aller aussi loin que la raison
le permet. Les pathocrates font bien de craindre les réactions à
leur idéologie traditionnelle après correction et reconstruction
dans sa forme primitive. En fait, ce qui est appelé «
révisionnisme » leur arrache des mains leurs instruments de
propagande et leurs armes. Il serait bon que nous acceptions
en partie qu’ils accomplissent une mission historique ou même
qu’ils fonctionnent comme « le bras armé de Dieu”.
La base réelle plutôt que tactique de cette thérapie devrait
inclure une vision et des prédictions permettant une
réalisation partielle de leurs rêves d’ordre social, basée sur la
compréhension de l’homme et de la société. En effet, cette
compréhension tiendrait compte d’individus présentant des
déviances et difficultés psychologiques diverses, à qui l’on
garantirait la possibilité de structurer leur vie avec plus de
dignité et sans être condamnés selon les concepts moraux des
gens normaux.
Un tel comportement commencerait par diminuer leur
violence provoquée par un sentiment d’impuissance du fait que
leur secret est soudain connu de tous. Que peuvent-ils faire s’il
n’y a plus d’idéologie à utiliser comme un masque ? Une fois
l’essence du phénomène scientifiquement dévoilée, le résultat
psychologique sera qu’ils sentiront que leur rôle historique est
terminé. En outre, leur oeuvre prendra une signification
historique créative, et le monde des gens normaux leur offrira
une réconciliation à des conditions extraordinairement
avantageuses. C’est ainsi que se passera la démobilisation
générale de la pathocratie, en particulier dans les pays où le
soutien d’une idéologie est déjà pratiquement perdu. Cette
démobilisation interne qu’ils redoutent tant est le deuxième
objectif important.
Une condition essentielle et un complément de travail
thérapeutique doit être le pardon accordé aux pathocrates,
pardon qui est le fruit de la compréhension d’eux-mêmes et
des signes du temps. Cela s’accomplira grâce à des lois
amendées qui se basent sur la compréhension de l’homme et
des processus de genèse du mal à l’intérieur des sociétés ; c’est
ainsi que seront causalement entravés ces processus et que
seront abolies les lois pénalisantes. Il ne faut pas voir
l’élaboration de telles lois comme une simple promesse
psychothérapeutique : au contraire, elles doivent être
préparées scientifiquement avant d’être mises en vigueur.
Le pardon
L’évolution contemporaine des concepts légaux et de la
moralité sociale démocratique est orientée vers le
démantèlement des anciennes traditions qui faisaient
respecter les lois et maintenir l’ordre par la répression
punitive. De nombreux pays ont renoncé à la peine capitale,
perturbés par les abus génocidaires au cours de la dernière
guerre mondiale. D’autres châtiments et leurs méthodes
d’application ont eux aussi été adoucis, la motivation
psychologique et les circonstances des crimes étant prises en
compte. La conscience des nations civilisées s’élève contre le
principe romain selon lequel Dura lex sed lex, et de leur côté,
les psychologues commencent à entrevoir que bon nombre de
déséquilibrés pourraient retrouver une vie sociale normale si
des mesures pédagogiques appropriées étaient prises ; mais il
faut ajouter que la pratique ne confirme cela qu’en partie.
La raison en est que l’adoucissement des lois n’a pas été
équilibré par des méthodes correspondantes permettant
d’affaiblir les processus de genèse du mal grâce à la
compréhension de celle-ci. C’est ce qui provoque une crise
dans la protection des sociétés contre le crime et permet aux
cercles pathocratiques de recourir au terrorisme pour atteindre
leurs objectifs. Dans ces conditions, de nombreuses personnes
sont d’avis qu’un retour à une tradition de sévérité de la Loi est
le seul moyen de protéger la société d’un excès de mal. D’autres
pensent que ce comportement traditionnel nous handicape
moralement et ouvre la porte à d’innombrables abus. C’est
pourquoi ils englobent la vie et la santé dans les valeurs
humanistes. Pour pouvoir sortir de cette crise, il nous faut
galvaniser nos efforts de recherche d’une voie nouvelle, une
voie qui à la fois serait plus humaine et qui protégerait
efficacement les individus et sociétés sans défense. Une telle
possibilité existe et pourrait être concrétisée à condition de
bien comprendre la genèse du mal.
En fait, l’habitude irréaliste de relier le crime de quelqu’un (ce
que personne n’est à même de faire objectivement) à son
châtiment, ce qui réforme rarement le criminel, devrait à
présent faire partie du passé. La science des causes du mal
devrait redresser la discipline morale de la société et avoir un
effet prophylactique. Souvent, le fait de faire prendre
conscience à une personne que celle-ci a été sous l’influence de
psychopathes casse le cercle vicieux de destruction. Une
psychothérapie appropriée devrait dès lors en permanence
faire partie des mesures destinées à contrecarrer le mal.
Malheureusement, quand quelqu’un nous tire dessus, il nous
faut rendre la pareille avec plus d’habileté. En même temps,
cependant, nous devrions retrouver la loi du pardon, cette
antique loi des sages souverains. C’est une loi qui a de
profondes implications morales et psychologiques, et elle est
bien plus efficace que le châtiment dans certaines situations.
Les codes pénaux prévoient que celui qui a commis un acte
appelant une peine, et qui au moment du passage à l’acte était
limité dans sa faculté de discerner la portée de cet acte ou de se
comporter autrement à cause d’une maladie mentale ou de
quelque autre déficiences psychologique, reçoit une peine
réduite. Dès lors, si nous regardons la responsabilité des
pathocrates à la lumière de ce que nous avons déjà dit des
raisons de leur comportement, nous devons considérablement
réduire l’intervention de la justice dans le cadre des lois
existantes.
Ces lois, qui sont plus modernes en Europe qu’aux États-Unis
sont tout de même dépassées partout et ne sont pas adaptées à
la réalité bio-psychologique. Elles sont des compromis entre la
pensée juridique traditionnelle et l’humanisme médical. En
outre, les législateurs n’étaient pas à même de prévoir
l’apparition des phénomènes pathologiques macrosociaux qui
s’emparent des individus et limitent considérablement leur
capacité à discerner le sens de leur propre comportement. Les
individus fragiles sont aspirés sans qu’ils en aient conscience,
puisqu’ils ignorent la qualité pathologique du phénomène. Les
propriétés spécifiques de ces phénomènes suscitent des
attitudes indubitablement déterminées par des facteurs
inconscients, suivies de pressions exercées par les pathocrates
au pouvoir, qui ne sont pas très regardants sur les méthodes
utilisées ni même sur leurs adeptes. Alors comment une
modération pénale pourrait-elle les juger équitablement ?
Par exemple, si une psychopathie essentielle est quasiment à
100 % prévisible en ce qui concerne une attirance vers des
activités pathocratiques et le passage à l’acte, est-ce qu’un
jugement devrait tenir compte de la nécessité d’un
adoucissement de peine ? Il faudrait alors faire la même chose
dans les cas d’autres anomalies héréditaires, puisqu’il s’agit là
aussi de facteurs primordiaux dans le choix des attitudes.
Nous ne devrions blâmer personne pour avoir hérité de ses
parents des anomalies psychologiques, pas plus que nous ne
blâmons quelqu’un pour des défauts physiques ou
physiologiques comme le daltonisme. Nous devrions aussi
arrêter de blâmer des gens qui ont souffert de traumatismes ou
de maladies ayant eu pour séquelles des tissus cérébraux
endommagés, ou ceux qui sont soumis à des méthodes
pédagogiques inhumaines (au nom de leur propre bien et de
celui de la société, nous devrions utiliser la force pour mettre à
raison ces gens-là, et les soumettre à une psychothérapie
forcée, à une surveillance, à une prévention et à un traitement).
Tout blâme ou culpabilité ne ferait que rendre plus difficile le
retour à un comportement non seulement plus humaniste et
adapté, mais aussi plus efficace.
Dans l’approche d’un phénomène macrosocial, surtout quand
il dure plus longtemps que la vie des individus, son influence
permanente force même les gens normaux à s’adapter jusqu’à
un certain point. Est-ce que nous, dont les instincts et
l’intelligence sont normaux, d’après les critères de notre vision
morale du monde, sommes en mesure d’évaluer la culpabilité
de ces gens pour des actes qu’ils ont commis dans la folie
collective de la pathocratie ? Juger ces gens selon les lois
traditionnelles équivaudrait à revenir au recours à la force par
les gens normaux pour venir à bout des psychopathes, c’est-à-
dire que l’on reviendrait à la situation qui a engendré la
pathocratie. Est-ce que les soumettre à une justice vindicative
vaudrait la peine de prolonger, ne serait-ce que d’une année, la
prédominance de la pathocratie ? Est-ce que l’élimination d’un
certain nombre de psychopathes aurait pour résultat de
diminuer significativement le fardeau de ces anomalies qui
pèsent sur les réserves génétiques de la société et cela
contribuerait-il à résoudre le problème ? Malheureusement, la
réponse est « non » !
Il a toujours existé, dans toutes les sociétés, sur cette Terre des
gens atteints de déviances psychologiques. Leur style de vie
inclut une forme de prédation sur la créativité économique de
la société, parce que leur propre créativité est en général en
dessous de la moyenne. Quiconque se branche sur ce système
de parasitisme organisé perd graduellement toute capacité de
travail légal.
Ce phénomène et sa brutalité perdurent du fait de la menace
d’une riposte légale, ou pire, d’une riposte de la part d’une
populace devenue enragée. Des rêves de revanche distraient
l’attention de la société qui n’est plus capable de comprendre
l’essence bio-psychologique du phénomène, et stimulent les
interprétations moralisantes dont nous connaissons déjà les
résultats. Cela rend encore plus difficile à trouver une solution
à l’actuelle situation périlleuse, et complique les possibilités de
résoudre le problème de l’alourdissement du patrimoine
génétique de la société par des anomalies psychologiques qui
affecteront les générations à venir. Ces problèmes, tant
présents que futurs, peuvent cependant être résolus si nous les
abordons en comprenant leur essence scientifique et la nature
de ceux qui font le mal de manière substantielle.
Une riposte juridique équivaudrait à une répétition de l’erreur
de Nuremberg. Ce jugement de criminels de guerre aurait pu
représenter une opportunité unique de montrer au monde,
dans toute son ampleur, la psychopathologie du système
hitlérien, avec à sa tête la personne du « Führer”. Voilà qui
aurait permis une mise à nu plus prompte et plus complète de
la tradition nazie en Allemagne. Cette mise en lumière de
l’intervention de facteurs pathologiques à une échelle
macrosociale aurait renforcé le processus de réhabilitation
psychologique des Allemands et du monde dans son ensemble,
grâce à des catégories scientifiques appliquées à cette situation.
Elle aurait aussi constitué un précédent sain pour mettre en
lumière et désamorcer l’intervention d’autres pathocraties.
Ce qui s’est produit en fait, c’est que des psychiatres et des
psychologues ont succombé trop aisément aux pressions de
leurs propres émotions et à des facteurs politiques, et donc leur
jugement a fait l’impasse sur les qualités véritablement
pathologiques de la majorité des accusés et du nazisme en
général. Plusieurs individus très connus, présentant des traits
psychopathiques ou d’autres déviances ont été pendus ou
condamnés à des peines de prison. De nombreux faits et
données qui auraient pu servir dans le cadre du présent
ouvrage, ont été pendus ou emprisonnés en même temps que
ces individus. Nous pouvons donc aisément comprendre
pourquoi les pathocrates souhaitaient tant arriver à ces
résultats. Nous ne pouvons pas nous permettre de répéter ces
erreurs, car les résultats rendent plus difficile la
compréhension de l’essence des phénomènes pathologiques
macrosociaux, ce qui limite la possibilité d’étouffer leur
causalité interne.
Dans le monde d’aujourd’hui il n’existe qu’une seule solution
scientifiquement et moralement justifiée pour porter remède à
ce fardeau des nations et commencer à résoudre le problème
du fardeau génétique des sociétés par rapport à l’avenir. Il
s’agit de lois appropriées fondées sur la meilleure
compréhension possible des phénomènes pathologiques
macrosociaux et leurs causes, ce qui limiterait la responsabilité
des pathocrates aux cas (en général de nature criminellement
sadique) où il est impossible de discerner le sens de tels actes.
Rien d’autre ne pourrait permettre aux sociétés de gens
normaux de reprendre le pouvoir et mettre en oeuvre des
talents internes qui assureraient au pays un retour à une vie
normale.
Un tel acte de pardon est en fait justifié par la nature, car il
provient d’une reconnaissance de la causalité psychologique
qui dirige la personne qui commet le mal, reconnaissance tant
à la portée de notre cognition qu’au-delà de ce que nous
sommes capables de comprendre. Le domaine accessible à la
cognition scientifique augmente à mesure que progressent les
connaissances générales ; mais dans une pathocratie, l’image
du phénomène est tellement dominée par la causalité qu’il n’y
a pas beaucoup de place pour le libre arbitre.
Nous ne serons jamais à même d’évaluer le degré de libre-
arbitre laissé à une personne. En pardonnant nous soumettons
fondamentalement notre esprit aux lois de la nature. Lorsque
nous nous abstenons de juger ce qui nous est inconnu nous
nous soumettons à une discipline qui nous garde à l’écart d’un
domaine qui n’est pas accessible à notre esprit. Le pardon met
donc notre raison dans un état de discipline et d’ordre
intellectuels, ce qui nous permet d’appréhender plus
clairement les réalités de la vie et leurs liens de cause à effet. Il
nous devient alors plus facile de contrôler nos réflexes de
revanche et de protéger notre esprit d’une tendance à donner
des interprétations moralisantes à des phénomènes
psychopathologiques. Cela est, bien sûr, à l’avantage des
individus comme des sociétés.
Simultanément, et d’après les préceptes des grandes religions,
le pardon contribue à nous faire partager des joies d’un ordre
surnaturel et nous gagne ainsi le droit au pardon de soi. Nous
sommes alors capables de percevoir la voix intérieure qui dit «
fais ceci » ou « ne fais pas cela”. Nous améliorons ainsi notre
capacité à prendre les bonnes décisions dans des situations
épineuses où nous ne disposons pas de toutes les données
nécessaires. Dans ce combat difficile, ne renonçons pas à cette
assistance et à ce privilège qui peuvent alourdir le plateau de la
balance qui contient la victoire.
Les nations qui ont eu à endurer pendant longtemps une férule
pathocratique sont à présent près d’accepter une telle
proposition résultant de leurs connaissances pratiques de cette
autre réalité et de l’évolution caractéristique de leur vision du
monde. Cependant, leurs motivations sont mues par des
éléments pratiques qui dépendent eux aussi d’une adaptation à
la vie dans cette réalité divergente. Des motivations religieuses
font elles aussi leur apparition ; la compréhension et la
confirmation mûrissent dans de telles conditions. Les
processus de pensée et l’éthique sociale mettent en avant un
certain sentiment téléologique des phénomènes, comme s’il se
produisait un tournant historique.
Quoi qu’il en soit, le renoncement à la vengeance judiciaire et
émotionnelle envers des gens dont les comportements ont été
guidés par une causalité psychologique, et en particulier par
certains facteurs héréditaires, est justifié dans une grande
mesure par l’approche scientifique. C’est la raison pour
laquelle des principes scientifiques et rationnels doivent laisser
aux décisions importantes l’occasion de mûrir. L’effort
intellectuel impliqué dans la coupure des liens avec une
perception naturelle des problèmes du mal et sa confrontation
à des préceptes moraux sera fructueux dans de nombreux
effets de la pensée humaine.
Les gens qui ont perdu leur faculté de s‘adapter au travail
sensé devront recevoir des garanties de conditions de vie
tolérables et d’assistance dans leurs efforts de réadaptation. Ce
qu’il en coûtera à la société sera probablement moindre que
n’importe quelle autre solution. Tout cela exigera des efforts
d’organisation permettant d’arriver à comprendre ces choses,
des efforts très éloignés des recours traditionnels à la justice.
Des promesses devront être faites aux pathocrates, et tenues
avec une honnêteté digne d’une société de gens normaux. Ces
actes et leur application devront donc être soigneusement
préparés en temps utile, sous les angles moraux, légaux et de
l’organisation.
L’idée ici décrite trouve une réponse vivace chez les gens
familiarisés par l’expérience avec le phénomène macrosocial,
mais elle insulte les sentiments de vengeance de nombreux
émigrés politiques qui veulent conserver les vieilles méthodes
d’approche des problèmes sociaux et moraux. Nous devrons
donc nous attendre à une plus grande opposition de ce côté,
justifiée par l’indignation. Des efforts de persuasion devront
donc être entrepris dans ce sens.
Il serait bon aussi que la solution à ce problème tienne compte
de l’héritage contemporain des sciences bio-humaines, un
héritage qui prend une direction similaire, même s’il continue
à se cacher dans le monde académique qui n’est pas assez mûr
pour sa concrétisation. La valeur des études scientifiques dans
ce domaine est souvent sous-estimée dans les sociétés
conservatrices. La tâche peut être facilitée par une diffusion de
ces informations, pour une préparation ou une adaptation
rapide des lois.
Dans nos civilisations, les législations sont issues d’abord de la
tradition du Droit romain, ensuite des droits des souverains de
« droit divin”, un système dont on peut se douter qu’il
défendait leur position et qui, bien qu’il leur ordonnât la
clémence, n’en était pas moins sans âme et revanchard par
rapport à nos conceptions actuelles du Droit. Ces situations ont
favorisé l’apparition de systèmes pathologiques de recours à la
force, au lieu de les prévenir. Voilà pourquoi nous avons à
présent réellement besoin d’une rupture avec ce passé et de la
formulation de nouveaux principes axés sur la compréhension
de l’homme, y compris des ennemis et des malfrats. Née de
grandes souffrances et de la compréhension des causes de
celles-ci, la législation sera plus moderne et humanitaire, ainsi
que plus efficace dans la protection des sociétés des effets de la
ponérogenèse. La grande décision de pardonner provient des
préceptes les plus crédibles d’enseignements moraux éternels,
quelque chose qui est aussi en accord avec l’évolution actuelle
de la pensée sociétale. Elle exprime un souci concret et une
compréhension scientifique de la genèse du mal. C’est
seulement un tel acte de pardon, sans précédent dans
l’Histoire, qui pourra briser l’éternelle chaîne des cycles
ponérogéniques et ouvrir la porte à de nouvelles solutions à ces
problèmes et à de nouvelles méthodes législatives basées sur la
compréhension des causes du mal.
Cette difficile décision cadre bien avec les signes des temps.
L’auteur pense que ce changement précis de méthodologie
dans la pensée et l’action fait partie du Plan Divin pour cette
génération.
Idéologies
Tout comme le psychiatre s’intéresse surtout à la maladie et
pas tellement au système de déformation de sa réalité
individuelle mis en place par le patient, l’objet de la thérapie
globale doit être la maladie du monde. Les systèmes
idéologiques déformés issus de certaines circonstances
historiques et faiblesses des civilisations, doivent être compris
dans leur aspect d’élément déformant, d’instrument, ou de
Cheval de Troie de la contamination pathocratiques.
La conscience sociétale doit d’abord séparer ces deux couches
hétéroclites du phénomène grâce à l’analyse et à l’évaluation
scientifiques. Cette perception correcte et sélective doit devenir
inhérente à la conscience de toute nation, en forme
adéquatement accessible. Elle renforcerait ainsi leur capacité
de s’orienter dans la réalité compliquée qui est la nôtre, en lui
permettant de distinguer naturellement ces phénomènes. Le
résultat en serait la correction des attitudes et visions du
monde. La concentration de nos efforts sur les phénomènes
pathologiques permettra d’aboutir à des résultats satisfaisants
et suffisamment complets.
L’absence en politique de cette discrimination fondamentale
est une erreur menant au gaspillage d’efforts. Nous pouvons ne
pas être d’accord avec des idéologies datant du XIXe siècle qui,
même dans leurs formes originelles, ont simplifié la réalité
sociale au point de l’estropier, sans compter les versions
pathologiquement déformées. Il faudrait au premier plan
l’identification de leur rôle par rapport au phénomène
macrosocial ; l’analyse, la critique, et même la lutte, peuvent
être laissées au deuxième plan. Des discussions concernant les
directions à prendre pour changer les structures sociales
peuvent avoir lieu concurremment, pourvu qu’elles prennent
en compte cette séparation fondamentale. Ainsi corrigée, la
conscience sociale peut alors résoudre plus aisément ces
problèmes, et les groupes sociaux qui sont intransigeants à
présent deviendront graduellement plus enclins à accepter des
compromis.
Lorsqu’un malade mental est guéri de sa maladie, nous
essayons souvent de réinsérer le patient dans le monde de ses
convictions les plus réelles. Le psychothérapeute recherche
alors dans le monde qui a été déformé et caricaturé le contenu
primitif et toujours plus sensé, pour pouvoir jeter un pont
entre la période de folie et la saine vision actuelle de la réalité.
Cette opération nécessite bien sûr des compétences dans le
domaine de la psychopathologie, car chaque maladie a sa
manière propre de déformer le monde originel d’expériences et
de convictions d’un patient. Le système idéologique déformé
qui a été mis en place par la pathocratie doit être soumis à une
analyse analogique permettant de retrouver les valeurs
primitives certainement plus sensées. Pour cela il faut faire
appel à la connaissance du style caractéristique utilisé par la
pathocratie pour caricaturer l’idéologie du mouvement qu’elle
parasite.
Cette grave maladie, la pathocratie, accommode diverses
idéologies sociales à sa propre mode et à celle des pathocrates,
ce qui les prive de toute possibilité de développement naturel
et de maturation dans un cadre de raisonnement sain et de
réflexion scientifique. Ce processus transforme aussi ces
idéologies en facteurs de destruction en les empêchant de
contribuer à l’évolution constructive des structures sociales et
en condamnant ses adeptes à la frustration. En parallèle avec
sa croissance dégénérée, une telle idéologie est rejetée par tous
les groupes sociaux mus par le sain bon sens. Les activités
découlant de cette idéologie encouragent donc les nations à
conserver leurs formes structurelles traditionnelles éprouvées,
donnant ainsi aux conservateurs purs et durs la meilleure arme
possible. Alors les processus d’évolution stagnent, ce qui est
contraire aux lois générales de la vie en société et provoque
une polarisation des attitudes au sein de divers groupes
sociaux, ce qui a pour résultat une atmosphère révolutionnaire.
L’action de cette idéologie pathologiquement altérée facilite la
pénétration et l’expansion de la pathocratie.
Seules l’analyse psychologique rétrospective de l’idéologie,
remontant à l’époque qui a précédé la contamination
ponérogénique, et la prise en compte des causes pathologiques
de sa déformation peuvent révéler les valeurs créatrices
originelles et jeter un pont au-dessus de la chronologie des
phénomènes morbides. Cet habile décorticage de l’idéologie
originelle ainsi que des éléments de raison apparus après la
contamination ponérogénique, peuvent être renforcés par des
valeurs élaborées entre-temps et permettre de poursuivre une
évolution créatrice. Il est alors possible d’enclencher des
transformations en accord avec la nature évolutive des
structures sociales, ce qui rend ces sociétés plus résistantes à la
pénétration des influences pathocratiques.
Cette analyse nous mettra en face de problèmes qu’il faut
résoudre avec compétence, c’est-à-dire en trouvant une
sémantique appropriée. Sa créativité dans ce domaine permet
à la pathocratie de produire des tas d’appellations suggestives
qui détournent habilement l’attention des caractéristiques
essentielles du phénomène. Quiconque s’est trouvé piégé une
seule fois dans cette sémantique perd non seulement la faculté
d’analyser objectivement ce type de phénomène, mais aussi sa
capacité à faire usage de son bon sens. C’est l’effet recherché
par cette patho-sémantique. Il vaut mieux d’abord en protéger
sa propre personne avant de vouloir protéger la conscience
sociale.
Les seules désignations que nous puissions accepter sont celles
qui ont une tradition historique contemporaine des faits et qui
remontent à l’époque d’avant la contamination. Par exemple, si
nous nommons le socialisme pré-marxiste « socialisme
utopique”, il nous sera difficile de comprendre qu’il a été plus
réaliste et socialement créatif que les mouvements postérieurs
déjà entachés de pathologie. Cependant, cette prudence ne
suffit pas dans le cas de phénomènes qui ne peuvent être
mesurés dans le cadre d’une structure naturelle de concepts
parce qu’ils sont les produits d’un processus pathologique
macrosocial. Il nous faut donc souligner une fois encore que le
bon sens naturel ne suffit pas pour opérer un tel raffinement
rétrospectif des valeurs idéologiques déformées ensuite par un
tel processus. L’objectivité psychologique, des connaissances
adéquates dans le domaine de la psychopathologie, et les
données présentées aux chapitres précédents du présent
ouvrage sont indispensables pour ce faire.
Ainsi équipés, nous sommes dès lors qualifiés pour créer les
nouveaux vocables indispensables pour pouvoir élucider les
propriétés réelles des phénomènes, à condition de prêter
suffisamment attention aux préceptes de la sémantique, en
toute probité et économie ainsi que l’exigerait Guillaume
d’Ockham122, car ces vocables doivent faire le tour du monde et
aider les gens à redresser leur vision du monde et leur attitude
sociale. Ces actions, bien qu’abstraites, visent en fait à
dépouiller les cercles pathocratiques de leur monopole sur les
appellations. Leurs prévisibles protestations ne serviront qu’à
prouver que nous sommes sur la bonne voie.
L’idéologie ainsi régénérée regagnera son énergie naturelle et
la faculté d’évolution que la pathologisation avait étouffée.
Simultanément, elle perdra cependant sa capacité à remplir
des fonctions imposées, tel le renforcement de la pathologie et
sa mise à l’abri de toute saine critique, et quelque chose de plus
dangereux encore, c’est-à-dire le ressenti de la réalité
psychologique dans ses aspects humoristiques.
La condamnation d’une idéologie à cause de ses erreurs,
qu’elles se soient manifestées dès le début ou bien plus tard, ne
la privera jamais de sa fonction première, surtout pas dans
l’esprit de eux qui se sont abstenus de la condamner pour des
raisons similaires. Si nous poussons plus loin l’analyse de
Immunisation
Bien des maladies contagieuses donnent à l’organisme une
immunité naturelle dont la durée est variable mais peut
s’étendre à de nombreuses années. La médecine imite ce
mécanisme biologique en mettant sur le marché des vaccins
permettant à l’organisme d’être immunisé sans devoir passer
par la maladie. De plus en plus souvent, les psychothérapeutes
tentent d’immuniser la psyché de leurs patients contre divers
facteurs traumatiques qui sont trop difficiles à éliminer de leur
vie. En pratique, nous recourons le plus souvent à cette
technique pour traiter des personnes qui ont été soumises à
l’influence destructrice de caractéropathes. Immuniser
quelqu’un contre les effets destructeurs de personnalités
psychopathiques est encore plus difficile ; cependant il y a là
une analogie avec la tâche que devraient entreprendre les
nations subissant l’influence psychologique déviante de
pathocrates.
Les sociétés régies pendant de nombreuses années par un
système pathocratique développent cette immunisation
naturelle en même temps qu’un détachement caractéristique
vis-à-vis du phénomène, ainsi qu’un humour sarcastique. En
combinaison avec l’augmentation des connaissances pratiques,
il faudrait tenir compte de cet état à chaque fois que nous
souhaiterons évaluer la situation politique dans un pays donné.
Il nous faut aussi réaliser que cette immunité se réfère au
phénomène pathologique en soi et non pas à son idéologie, ce
qui explique pourquoi elle apparaît aussi dans n’importe quelle
pathocratie, quel que soit son masque idéologique.
L’expérience psychologique acquise permet de reconnaître ce
même phénomène à ses propriétés fondamentales ; l’idéologie
est en accord avec son rôle véritable.
Si elle est menée avec compétence, la psychothérapie exercée
sur un individu qui a été soumis à l’influence destructrice
d’une pathocratie amène toujours une importante amélioration
de l’immunité psychologique. En rendant un patient conscient
du caractère pathologique de ces influences nous favorisons en
lui le développement de ce détachement critique et de cette
sérénité spirituelle qu’une immunisation naturelle n’aurait pas
pu produire. Nous ne nous contentons donc pas d’imiter la
nature ; nous apportons en fait une qualité d’immunité
meilleure que l’immunité naturelle, ce qui est plus efficace du
point de vue de la protection du patient contre les tensions
névrotiques, et qui renforce ses ressources pratiques
courantes. Une prise de conscience de l’essence biologique du
phénomène lui donne une supériorité par rapport à ce
phénomène et aux personnes qui n’ont pas cette conscience.
Ce type d’immunité psychologique se révèle aussi plus durable.
Si l’immunité naturelle dure ce que dure la vie de la génération
au cours de laquelle elle a été produite, une immunité fondée
sur la science peut être transmise plus loin. De même,
l’immunité naturelle plus les connaissances pratiques sur
lesquelles elle est basée, peuvent être très difficiles à
transmettre à des nations qui n’ont pas bénéficié de cette
expérience immédiate, mais la sorte d’immunité qui s’appuie
sur des données scientifiques accessibles peut être transmise à
d’autres nations sans devoir faire des efforts surhumains.
Nous sommes en face de deux objectifs qui sont liés. Dans les
pays affectés par le phénomène précité, il faut essayer de
transformer l’immunité naturelle existante en immunité de
meilleure qualité, ce qui permettra d’agir plus facilement tout
en abaissant les tensions psychologiques. En ce qui concerne
les individus et sociétés présentant une évidente
immunodéficience et qui sont menacés par une expansion
pathocratique, il nous faudra favoriser le développement d’une
immunité artificielle.
Cette immunité est, en grande partie, le résultat naturel de la
compréhension du contenu réel du phénomène macrosocial.
Cette prise de conscience sera suivie d’une période
expérientielle non dépourvue de violents remous
protestataires, mais ce substitut du processus de maladie sera
de courte durée. Mettre en lumière la réalité scientifique
jusque là voilée d’un masque idéologique représente une aide
efficace et nécessaire prêtée aux individus et sociétés. En peu
de temps ils commenceront à être protégés de la ponérogénie
des facteurs pathologiques mobilisés au coeur du front
monolithique de la pathocratie. Des indications appropriées
des moyens pratiques pour protéger sa propre hygiène mentale
faciliteront et accélèreront la mise en place de cette précieuse
immunité psychologique, d’une manière comparable à celle
dont agissent les vaccins.
Une telle immunité psychologique collective et individuelle,
fondée sur une compréhension scientifique et objective de
cette autre réalité, est colorée d’un sentiment de savoir ce qui
est approprié, ce qui créera un nouveau réseau humain. Arriver
à cette immunité paraît donc être un préalable nécessaire au
succès, en ce qui concerne les efforts et actions de nature
politique visant à remettre le gouvernement aux mains d’une
société de gens normaux. Sans cette conscience et cette
immunisation il sera toujours difficile d’arriver à une
coopération entre pays libres et pays soumis à une férule
pathocratiques. Aucun langage commun de communication ne
peut être garanti par aucune doctrine politique basée sur
l’imagination naturelle de gens dépourvus, tant d’expérience
pratique que de compréhension scientifique du phénomène.
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