Le Bon Usage de La Française

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Sommaire

Titre

AVANT-PROPOS

REMERCIEMENTS

PARTIE 1
LES ÉLÉMENTS DE LA LANGUE ORALE ET ÉCRITE
CHAPITRE 1 LES SONS ET LA PRONONCIATION
1. Les sons isolés
1. Les voyelles
2. Les consonnes
3. Les semi-voyelles
2. La prononciation en parole continue
1. La modification des consonnes au contact d’autres consonnes
2. La prononciation de voyelles successives
3. L’élision
4. La liaison
5. Le e muet
3. La prosodie
1. L’accentuation (accent tonique)
2. L’intonation
3. Le rythme

CHAPITRE 2 LES ÉLÉMENTS DE LA LANGUE ÉCRITE


1. Écriture et orthographe
1. Les graphèmes du français
2. Graphèmes représentant des sons
3. Graphèmes à valeur lexicale ou grammaticale
4. Lettres historiques
2. Les lettres de l’alphabet
1. Inventaire des lettres minuscules et majuscules
2. Emploi des majuscules
3. Les accents, le tréma, la cédille
1. L’accent aigu
2. L’accent grave
3. L’accent circonflexe
4. Le tréma
5. La cédille
4. La ponctuation
1. Ponctuation et découpe des phrases
2. Ponctuation modifiant le sens de la phrase
3. Les signes de ponctuation du mot

PARTIE 2
LES MOTS
CHAPITRE 1 LES CLASSES DE MOTS
1. Définition
2. Les mots variables
3. Les mots invariables

CHAPITRE 2 L’ORIGINE DES MOTS


CHAPITRE 3 LA FORMATION DES MOTS
1. La dérivation
1. Principaux préfixes
2. Principaux suffixes
3. Suffixes formateurs de verbes
4. La conversion
2. La composition
1. Composition avec des mots français
2. Composition savante (avec des mots grecs ou latins)
3. Composition à partir de mots abrégés
3. Composition à partir de mots abrégés
3. Autres procédés de formation

CHAPITRE 4 LES MOTS APPARENTÉS


1. Les homonymes
2. Les paronymes
3. Les synonymes
4. Les antonymes

PARTIE 3
LES CLASSES GRAMMATICALES
CHAPITRE 1 LE NOM
1. Définitions et types
1. Noms communs
2. Noms propres
2. Le genre du nom
1. Le féminin des noms animés
2. Les noms à double genre
3. Le nombre du nom
1. Le pluriel des noms communs
2. Le pluriel des noms propres
3. Le pluriel des noms composés
4. Le pluriel des noms étrangers
5. Le pluriel des noms par conversion
6. Cas particuliers
4. Le groupe nominal
1. Le groupe nominal minimal
2. Le groupe nominal étendu
CHAPITRE 2 LE DÉTERMINANT
1. Définition
1. Types de déterminants
2. Caractéristiques
2. Les articles
1. L’article défini
2. L’article indéfini
3. L’article partitif
4. La répétition de l’article
5. L’omission de l’article
3. Les déterminants démonstratifs
1. Les formes du déterminant démonstratif
2. L’emploi du déterminant démonstratif
4. Les déterminants possessifs
1. Les formes du déterminant possessif
2. L’emploi du déterminant possessif
5. Les déterminants numéraux
1. Les formes du déterminant numéral cardinal
2. L’emploi du déterminant numéral cardinal
6. Les déterminants relatifs, interrogatifs et exclamatifs
1. Les déterminants relatifs
2. Les déterminants interrogatifs
3. Les déterminants exclamatifs
7. Les déterminants indéfinis
1. Les formes du déterminant indéfini
2. L’emploi du déterminant indéfini

CHAPITRE 3 L’ADJECTIF QUALIFICATIF


1. Définition
2. Les marques du genre et du nombre de l’adjectif
1. Le féminin des adjectifs qualificatifs
2. Le pluriel des adjectifs qualificatifs
3. L’accord des adjectifs qualificatifs
1. Règles générales
2. Règles particulières
4. La place de l’adjectif épithète
1. Règles générales
2. Règles particulières
5. Les degrés des adjectifs qualificatifs
1. Les degrés d’intensité de l’adjectif
2. Les degrés de comparaison de l’adjectif
6. Les adjectifs numéraux ordinaux
7. Le groupe adjectival

CHAPITRE 4 LE PRONOM
1. Définition
2. Les pronoms personnels
1. Définition
2. Les formes du pronom personnel
3. L’emploi du pronom personnel
3. Les pronoms possessifs
4. Les pronoms démonstratifs
1. Définition
2. L’emploi des pronoms démonstratifs
5. Les pronoms relatifs
1. Définition
2. L’emploi des pronoms relatifs
6. Les pronoms interrogatifs
1. Définition
2. L’emploi des pronoms interrogatifs
7. Les pronoms indéfinis
1. Définition
2. L’emploi des pronoms indéfinis
8. Les compléments du pronom
CHAPITRE 5 LE VERBE
1. Définition
2. Les constructions du verbe
1. Les verbes transitifs
2. Les verbes intransitifs
3. Les verbes attributifs
4. Les verbes impersonnels
5. Les verbes supports
3. Les variations du verbe
1. Le mode
2. Le temps, l’aspect et la voix
3. Le nombre et les personnes
4. Les formes du verbe
1. Comment varie le verbe
2. Les finales des temps
3. Les terminaisons aux différentes personnes
4. Les verbes auxiliaires
5. Les conjugaisons
5. L’emploi des modes et des temps
1. L’indicatif
2. Le subjonctif
3. L’impératif
4. L’infinitif
5. Le participe

CHAPITRE 6 L’ADVERBE
1. Généralités
1. Définition
2. Invariabilité de l’adverbe
2. La forme des adverbes
1. Les formes simples et composées
2. La formation des adverbes en -ment
3. Les adverbes par conversion
3. Le sens des adverbes
1. Les adverbes de manière
2. Les adverbes de quantité et d’intensité
3. Les adverbes de temps
4. Les adverbes de lieu
5. Les adverbes d’affirmation
6. Les adverbes de négation
7. Les adverbes de doute
8. Les adverbes d’interrogation
4. Les degrés des adverbes
5. La place de l’adverbe
1. Avec un verbe
2. Avec un adjectif, un participe ou un adverbe

CHAPITRE 7 LA PRÉPOSITION
1. Définition
2. Principales prépositions et locutions prépositives
1. Principales prépositions
2. Principales locutions prépositives
3. Rapports exprimés
4. L’emploi des prépositions
1. Les prépositions à, de, en se répètent
2. Les prépositions à, de, en ne se répètent pas
5. La répétition des autres prépositions
6. Remarques sur quelques prépositions

CHAPITRE 8 LA CONJONCTION
1. Définition
2. Les conjonctions de coordination
1. Principales conjonctions de coordination
2. Principales relations indiquées par les conjonctions de coordination
3. Les conjonctions de subordination
1. Principales conjonctions de subordination
2. Principales relations indiquées par les conjonctions de subordination

CHAPITRE 9 L’INTERJECTION
1. Définition
2. Mots employés comme interjections
1. Principales interjections
2. Principales locutions interjectives

PARTIE 4
LA PHRASE SIMPLE
CHAPITRE 1 LA PHRASE : DÉFINITION ET IDENTIFICATION
1. Définitions de la phrase
1. Définition syntaxique (sujet-verbe)
2. Point de vue logique (prédication)
3. Point de vue sémantique (actants)
4. Point de vue informationnel (thème/rhème)
5. Point de vue pragmatique (acte de langage)
6. Point de vue typographique (majuscule-point)
2. La phrase et l’énoncé
3. La phrase de base et la phrase étendue
4. Les phrases atypiques
1. La phrase non verbale
2. La phrase elliptique
3. La phrase figée

CHAPITRE 2 LES FONCTIONS DANS LA PHRASE : DÉFINITION ET IDENTIFICATION


1. Les fonctions syntaxiques
1. Les fonctions dans la phrase
2. Les fonctions dans les groupes
3. Les mots sans fonction dans la phrase
2. L’identification des constituants
1. La substitution
2. Le déplacement
3. La suppression
4. Critères pour établir la fonction syntaxique d’un constituant
3. L’ambigüité dans la phrase

CHAPITRE 3 LE SUJET
1. Définition et identification
2. La nature syntaxique du sujet
3. La position du sujet dans la phrase
4. L’absence de sujet

CHAPITRE 4 LES COMPLÉMENTS DU VERBE


1. Généralités
1. Types de compléments du verbe
2. Compléments essentiels et accessoires
2. L’attribut
1. Définition et identification
2. Verbes introducteurs
3. Nature de l’attribut
4. Place de l’attribut
3. Le complément d’objet direct et indirect
1. Définition du complément d’objet direct
2. Nature du complément d’objet direct
3. Définition du complément d’objet indirect
4. Nature du complément d’objet indirect
5. Position du complément d’objet direct et indirect
4. Les autres compléments essentiels du verbe
1. Les compléments essentiels de lieu, de quantité et de temps
2. Le complément d’objet interne
5. Le complément d’agent
6. Le complément circonstanciel
1. Définition et identification
2. Nature du complément circonstanciel
7. Le complément de la phrase
1. Définition et identification
2. Nature des compléments de phrase

CHAPITRE 5 LES TYPES DE PHRASES (DÉCLARATIVE, INTERROGATIVE,


INJONCTIVE, EXPRESSIVE)

1. Définition
2. La phrase déclarative
3. La phrase interrogative
1. L’interrogation totale
2. L’interrogation partielle
4. La phrase injonctive
5. La phrase exclamative

CHAPITRE 6 LES FORMES DE PHRASES


1. Définition
2. La phrase négative
1. Définition
2. Négation totale, partielle ou restrictive
3. La phrase passive
4. La phrase impersonnelle
1. Structure de la phrase impersonnelle
2. Verbes impersonnels ou utilisés impersonnellement
5. Les réorganisations de l’ordre des mots dans la phrase
1. La phrase avec détachement
2. La phrase emphatique (clivée)
3. Les constructions en il y a et apparentées
4. La phrase en ce que... c’est... (pseudoclivée)

CHAPITRE 7 LES MARQUES D’ACCORD DANS LA PHRASE


1. Définition
1. Chaines d’accord dans la phrase
2. Difficultés particulières
2. L’accord du verbe avec le sujet
1. L’accord du verbe avec un seul sujet
2. L’accord du verbe avec plusieurs sujets
3. L’accord du participe passé
1. Règles générales
2. Règles particulières
4. L’accord de l’attribut

PARTIE 5
LA PHRASE COMPLEXE
CHAPITRE 1 GÉNÉRALITÉS
1. Définition de la phrase complexe
2. La subordination comparée à la coordination et à la corrélation
3. Classification des propositions subordonnées selon leur fonction
4. Classification des propositions subordonnées selon le mot introducteur
1. Avec mot introducteur
2. Sans mot introducteur

CHAPITRE 2 LES PROPOSITIONS SUBORDONNÉES RELATIVES


1. Les propositions subordonnées relatives adjectives (avec antécédent)
1. Sur le plan du sens
2. Sur le plan syntaxique
2. Les propositions subordonnées relatives substantives
(sans antécédent)
3. Emploi du mode
1. À l’indicatif
2. Au subjonctif
3. À l’indicatif, au subjonctif ou à l’infinitif

CHAPITRE 3 LES PROPOSITIONS SUBORDONNÉES CONJONCTIVES


1. Typologie
2. Les propositions subordonnées conjonctives essentielles
1. À fonction de sujet
2. À fonction d’attribut du sujet
3. À fonction de séquence de l’impersonnel
4. À fonction de complément d’objet direct ou indirect du verbe
5. À fonction de complément du présentatif
3. Les propositions subordonnées interrogatives indirectes
1. Définition
2. Verbes introducteurs
3. Mots introducteurs
4. Emploi du mode
4. Les propositions subordonnées conjonctives compléments
du nom ou de l’adjectif
1. Complément du nom
2. Complément de l’adjectif
3. Emploi du mode

CHAPITRE 4 LES PROPOSITIONS SUBORDONNÉES CIRCONSTANCIELLES


1. Définition
1. Mots introducteurs
2. Classification selon le sens
3. Classification syntaxique : attachée au verbe ou à la phrase
4. Un cas particulier : les propositions subordonnées corrélatives
2. Les propositions circonstancielles de temps
1. Définition
2. Mots introducteurs
3. Emploi du mode
3. Les propositions circonstancielles de cause
1. Définition
2. Mots introducteurs
3. Emploi du mode
4. Les propositions circonstancielles de but
1. Définition
2. Mots introducteurs
3. Emploi du mode
5. Les propositions circonstancielles de conséquence
1. Définition
2. Mots introducteurs
3. Emploi du mode
6. Les propositions circonstancielles de condition et d’hypothèse
1. Définition
2. Mots introducteurs
3. Emploi du mode
7. Les propositions circonstancielles de manière et de comparaison
1. Définition
2. Mots introducteurs
3. Emploi du mode
8. Les propositions circonstancielles d’opposition, de concession
et de restriction
1. Définition
2. Mots introducteurs
3. Emploi du mode

CHAPITRE 5 LA CONCORDANCE DES TEMPS DANS LES PROPOSITIONS


SUBORDONNÉES

1. Verbe de la subordonnée à l’indicatif


1. Le verbe principal est au présent ou au futur
2. Le verbe principal est au passé
2. Verbe de la subordonnée au subjonctif
1. Dans la langue littéraire classique, concordance à quatre temps
2. Dans la langue courante, concordance à deux temps

CHAPITRE 6 LES SUBORDONNÉES SANS MOT INTRODUCTEUR : PROPOSITIONS


INFINITIVES ET PARTICIPIALES

1. Définition
2. Les propositions subordonnées infinitives
1. À fonction de sujet ou d’attribut du sujet
2. À fonction de complément du présentatif ou d’un verbe impersonnel
3. À fonction de complément d’objet direct ou indirect du verbe
4. À fonction de complément circonstanciel
5. À fonction de complément du nom ou de l’adjectif
3. Les propositions subordonnées participiales
1. Avec un sujet propre
2. Sans sujet exprimé
3. En apposition

PARTIE 6
AU-DELÀ DE LA PHRASE
CHAPITRE 1 LES PHRASES JUXTAPOSÉES ET COORDONNÉES
1. Les phrases juxtaposées
2. Les phrases coordonnées
1. Addition
2. Disjonction
3. Contraste
4. Cause
5. Conséquence
6. Temporalité
3. Les phrases en incise et les incidentes
1. Les phrases en incise
2. Les phrases incidentes

CHAPITRE 2 LE DISCOURS RAPPORTÉ


1. Définition
2. Le discours direct
3. Le discours indirect
1. Les verbes introducteurs
2. Les modifications syntaxiques
3. Les changements de temps, de mode et de personne
4. Le discours indirect libre
PARTIE 7
ANNEXES
CHAPITRE 1 NOUVELLE ORTHOGRAPHE
1. Les rectifications de l’orthographe de 1990
2. Règles modifiées
1. Trait d’union pour les numéraux
2. Singulier et pluriel des noms composés comportant un trait d’union
3. Accent grave
4. Accent circonflexe sur i et u
5. Tréma
6. Participe passé laissé + infinitif
7. Singulier et pluriel des mots empruntés
3. Recommandations pour la création de mots nouveaux
4. Graphies particulières fixées ou modifiées
1. Mots fréquents
2. Soudure de mots
3. Accents
4. Diverses anomalies

CHAPITRE 2 FÉMINISATION
1. Introduction
2. Règles morphologiques
1. Noms terminés au masculin par une voyelle dans l’écriture
2. Noms terminés au masculin par une consonne dans l’écriture
3. Règles syntaxiques
4. Écriture inclusive

CHAPITRE 3 TABLEAUX DE CONJUGAISON


1. Les verbes auxiliaires
2. Les verbes du premier groupe (-er)
3. Les verbes du deuxième groupe (-ir)
4. Les verbes du troisième groupe (-oir, -re, et certains -ir)
5. Conjugaison des verbes irréguliers et des verbes défectifs
Les verbes très défectifs ou rares

INDEX DES AUTEURS

INDEX DES NOTIONS

Copyright
Avant-propos

Moi, je crois que la grammaire, c’est une voie d’accès à la


beauté. Quand on parle, quand on lit ou quand on écrit, on
sent bien si on a fait une belle phrase ou si on est en train
d’en lire une. On est capable de reconnaître une belle
tournure ou un beau style. Mais quand on fait de la
grammaire, on a accès à une autre dimension de la beauté
de la langue. Faire de la grammaire, c’est la décortiquer,
regarder comment elle est faite, la voir toute nue, en quelque
sorte. Et c’est là que c’est merveilleux : parce qu’on se dit :
« Comme c’est bien fait, qu’est-ce que c’est bien fichu ! »
(MURIEL BARBERY, L’élégance du hérisson, 2006)

Nous sommes nombreux à avoir pris gout à la langue française à


travers la littérature. Nous sommes nombreuses à fréquenter
assidument les romans tant pour les intrigues qu’ils nous réservent
que pour le plaisir d’arpenter le chemin sinueux de leurs phrases. Le
petit bon usage est une grammaire destinée aux amoureux de la
littérature et de la langue françaises. Il marche sur les traces de son
grand frère Le bon usage de Maurice Grevisse et d’André Goosse,
véritable encyclopédie du français. Le petit bon usage est une
grammaire complète du français actuel, présentée de manière
simple et accessible. Son originalité tient à trois aspects principaux :
l’utilisation de citations littéraires classiques et contemporaines pour
illustrer toutes les règles de la grammaire ; la mise en avant des
règles actuelles telles qu’elles sont recommandées par les
institutions de référence, dont l’Académie française ; de nombreuses
remarques sur la variation dans la langue.
Des citations littéraires classiques
et contemporaines
Le petit bon usage compte près de 1 800 citations littéraires,
provenant de 600 romans, poésies, pièces de théâtre et chansons,
d’auteurs francophones (France, Belgique, Suisse, Canada, Liban,
Maroc, Tunisie…). Parmi ces œuvres, les romans contemporains
(publiés entre 2008 et 2018) tiennent une place importante. Les
citations illustrent les règles en plongeant le lecteur dans l’univers
d’un auteur, pour découvrir la grammaire à travers un roman, un
poème ou une chanson. Les œuvres ont été sélectionnées sur la
base de leur notoriété, parce qu’elles ont remporté un prix littéraire
ou qu’elles ont rencontré un grand nombre de lecteurs. En cherchant
une réponse à vos questions, vous aurez le plaisir de reconnaitre
certains passages de vos œuvres favorites, et peut-être de découvrir
vos prochaines lectures.
La mise en avant des règles actuelles
Henry de Montherlant disait que c’est à l’audace de leurs fautes de
grammaire que l’on reconnaît les grands écrivains. Cela signifie que
les écrivains font parfois usage de la licence poétique, qui les
autorise à s’écarter de la norme pour coller au plus près de leur
style, mais cela nous rappelle aussi que l’usage des écrivains
transforme la langue. On sait que la langue française est complexe,
dans son orthographe et dans sa grammaire. Régulièrement,
l’Académie française ou les institutions politiques proposent de
régulariser certaines incohérences. Ces propositions sont
importantes pour l’apprentissage du français et pour sa diffusion
dans le monde. Le petit bon usage met en avant les règles actuelles
du français, dont les dernières rectifications remontent à 1990 et
sont aujourd’hui enseignées en France et dans le reste de la
francophonie, en précisant toujours quand l’ancienne orthographe
est acceptée comme correcte. L’évolution perpétuelle de la langue
entraine la coexistence, pendant deux ou trois générations, de
plusieurs façons correctes d’écrire la même chose (il parait ou il
paraît ; un piquenique ou un pique-nique). Il faut garder à l’esprit que
la langue est vivante et que son vêtement, l’orthographe, s’adapte
de manière à rester confortable, élégante et conviviale.
La prise en compte de la variation
La langue évolue dans le temps, de même qu’elle varie dans
l’espace ou en fonction des situations dans lesquelles on l’utilise. Le
petit bon usage est avant tout une grammaire de la langue de
référence en même temps qu’il inclut ponctuellement la description
de certains usages anciens, régionaux ou informels. Les sources
littéraires sont ainsi complétées par des citations issues du
e e
Dictionnaire de l’Académie (dans ses 8 et 9 éditions), de revues
spécialisées, de journaux ou de discours politiques.
Remerciements

Nous remercions Hubert Naets, qui a conçu le logiciel Copora et a


participé à la constitution de notre base de données littéraires ainsi
que Cathy Bodson qui l’a aidé dans cette tâche ; l’Institut de
recherche Langage & Communication (Université catholique de
Louvain) qui a contribué au financement de cette base de données,
de même que le Centre VALIBEL – Discours & Variation et le Centre
de traitement automatique du langage (CENTAL) ; Benoît Grevisse
pour la confiance qu’il nous a accordée. Le petit bon usage n’aurait
pas vu le jour sans le professionnalisme et la pugnacité de notre
éditrice, Marie-Amélie Englebienne.

Anne-Catherine Simon remercie Kira Rahir ( † 2014) et Michel


Francard, aux origines de sa vocation de linguistique et de
grammairienne ; Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, dont la pièce La
convivialité a été une source d’inspiration ; Cédric, Aloys et Lhasa
pour leur joie de vivre et pour leur patience.

Cédrick Fairon est reconnaissant envers Jean René Klein, Maurice


Gross († 2001) et Ray C. Dougherty à qui il doit sa passion pour la
linguistique et le traitement automatique du langage. Il remercie
également Nadja, Victor, Jeanne et Florent pour leur soutien et leur
infinie patience !
PARTIE 1

Les éléments de la langue orale


et écrite

CHAPITRE 1
Les sons et la prononciation

CHAPITRE 2
Les éléments de la langue écrite
CHAPITRE 1

Les sons et la prononciation


1. Les sons isolés
2. La prononciation en parole continue
3. La prosodie
1. Les sons isolés
Les sons de la parole sont produits par l’appareil vocal. L’air expulsé
par les poumons fait vibrer les cordes vocales et est ensuite modulé
par la position des articulateurs (le palais, la langue, les dents et les
lèvres) de façon à produire des sons variés. Les sons du langage se
répartissent entre voyelles et consonnes.

Remarque
La phonétique étudie la réalisation concrète des sons du langage : leur
production, leur transmission et leur perception auditive. La phonologie
étudie la fonction des sons (les phonèmes) et la manière dont ils se
distinguent et s’organisent pour former des syllabes et des mots.

Une syllabe est formée d’un son ou d’un groupe de sons que l’on
prononce en une seule émission de voix : eau, mi-di, é-lé-phant.


J’entendis une syllabe répétée comme une prière et que je
reconnus pour l’avoir déjà entendue transpercer le mur de
mon appartement. « Nê, nê, nê. » (CHRISTOPHE ONO-DIT-
BIOT, Croire au merveilleux, 2017)


Le noyau de la syllabe est constitué par une voyelle. Selon la
position de la voyelle dans la syllabe, cette voyelle est dite :
libre, quand elle termine la syllabe (la syllabe est ouverte) : dé-fi-
ni ;
entravée, quand la voyelle est suivie d’une consonne prononcée
(la syllabe est fermée) : bes-tiair(e), planch(e).
Les phonèmes sont les sons qui, dans une langue donnée,
permettent de distinguer les mots les uns des autres. Le français
utilise 16 phonèmes-voyelles /i,e,ɛ,a,ɑ,y,ø,œ,ə,u,o,ɔ,ɑ̃,ɛ,̃ œ̃,ɔ̃/ et
18 phonèmes-consonnes /p,b,t,d,k,g,m,n,ɲ,ŋ,ʀ,f,v,s,ʃ,z,ʒ,l/. À ceux-ci
s’ajoutent 3 semi-voyelles /j,w,ɥ/.
L’alphabet phonétique international permet de transcrire chaque
phonème par un symbole unique, contrairement à l’orthographe
usuelle où un son peut être transcrit par différentes lettres ou
combinaisons de lettres (par ex. le son [s] dans cieux, sol, assez, ça,
nation, etc.). (› Les graphèmes)
Les phonèmes du français (alphabet phonétique
international)

Voyelles

Voyelles Voyelles Consonnes


orales nasales

[a] date [ɑ̃] mang [b] bon [ʀ] rose


er

[ɑ] pâte [ɛ]̃ matin [d] déjà [s] sol

[e] pré [ɔ̃] saiso [f] fier [t] tas


n

[ɛ] mère [œ̃] lundi [g] gare [v] verre

[ə] chemi [k] car [z] zéro,


n oser

[i] cri [l] loup [ʃ] chat

[o] rose, [m] main [ʒ] jardin


pause

[ɔ] note, [n] non [ɲ] agneau


forme

[ø] lieu [p] par [ŋ] smoking

[oe] peur, Semi-voyelles


coeur (ou semi-consonnes)

[u] trou

[y] pur
[j] yeux, bien
[w] oui, ouate
[ɥ] cuir, nuit

1. Les voyelles
On appelle voyelles les sons produits avec les articulateurs
(mâchoires, lèvres, etc.) relativement ouverts. Le timbre d’une
voyelle est la couleur sonore qui la caractérise en fonction du
placement précis des articulateurs.

a) Voyelles orales et voyelles nasales


Les voyelles sont orales quand le son s’échappe uniquement par la
bouche : [i] lit, [ɛ] laid, [u] lourd, [y] lune, etc. Elles sont nasales quand
le souffle s’échappe simultanément par la bouche et par le nez
(grâce à l’abaissement de la partie mobile du palais) : un bon vin
blanc [œ̃,ɔ̃,ɛ,̃ ɑ̃].

b) Voyelles ouvertes et voyelles


fermées
Le timbre de la voyelle se modifie en fonction du degré d’ouverture
de la bouche. Les voyelles sont ouvertes ou mi-ouvertes quand
elles s’articulent avec une ouverture grande ou moyenne de la
bouche : [a] car, [ɛ] mère, [ɔ] note, [œ] heure, [ɑ] pâte, [ɛ]̃ lin, [ɑ̃] plan. Elles
sont fermées ou mi-fermées quand elles s’articulent avec une
fermeture moyenne ou quasi-complète de la bouche : [i] cri, [e] dé, [y]
mur, [ø] feu, [u] sou, [o] rose.
c) Voyelles d’avant et voyelles
d’arrière
Le timbre de la voyelle se modifie en fonction du lieu d’articulation.
Les voyelles sont antérieures lorsque la langue se déplace à l’avant
de la bouche : [a] date, [ɛ] mère, [e] pré, [i] cri, [y] pur, [ø] peu, [œ] peur, [ɛ]̃
lin, [œ] brun. Les voyelles sont postérieures lorsque la langue se
déplace à l’arrière de la bouche : [u] sou, [o] rose, [ɔ] note, [ɑ] pâte, [ɔ̃]
bon, [ɑ̃] plan.

d) Voyelles labialisées et voyelles


étirées
Le timbre de la voyelle se modifie en fonction de la position des
lèvres (projetées vers l’avant ou étirées en forme de sourire). Les
voyelles sont labialisées lorsque les lèvres, projetées vers l’avant,
forment une cavité de résonance supplémentaire : [y] pur, [ø] peu, [œ]
peur, [œ̃] brun, [u] bout, [o] beau, [ɔ] bol.
Elles sont étirées lorsque les
lèvres sont plaquées contre les dents : [i] cri, [e] pré, [ɛ] mère, [a] date,
[ɑ] pâte, [ɑ̃] danse.

e) Tableau des voyelles


Les caractéristiques articulatoires permettent de décrire chaque
voyelle par une combinaison de traits qui l’oppose aux autres
voyelles. Le français usuel compte 12 voyelles orales et 4 voyelles
nasales.
Antérieures Postérieures

Labialis Labialisée
Étirées Étirées
ées s

Fermées [i] cri [y] pur [u] bout

Mi- [e] pré [ø] peu [o] beau


Orale fermées
s Mi- [ɛ] mère [œ] peur [ɔ] bol
ouvertes

Ouvertes [a] date [ɑ] pâte

Nasal [ɛ]̃ brin [ɔ̃] long


es [œ̃] brun [ɑ̃] ange

Remarques
1. La voyelle [ə], comme dans chemin [ʃəmɛ]̃ , est dite centrale : elle n’est ni
antérieure ni postérieure ; elle n’est ni ouverte ni fermée. Il s’agit du e dit
muet. (› Le e muet. )
2. La voyelle postérieure [ɑ], dite a vélaire, est aujourd’hui rarement utilisée.
La plupart des francophones ne font plus de différence audible entre les
pâtes et les pattes, ou remplacent la différence de timbre par une
différence de durée (en allongeant la voyelle dans pâtes). Il en va de
même pour la différence entre brun et brin, qui s’estompe au profit de la
seconde voyelle.

f) Durée des voyelles


D’après leur durée, les voyelles sont :
longues : corps, mur, tige, rage, bêle ;
mi-longues : coude, nue ;
brèves : lu, prix, bac.
Le double point après une voyelle marque qu’elle est longue : mur
[myːʀ]. Le simple point indique qu’elle est mi-longue : coude [kuˑd].

Remarque
Dans certaines variétés de français, la durée d’une voyelle est utilisée pour
distinguer deux mots : belle [bɛl] vs bêle [bɛːl].

2. Les consonnes
Les consonnes sont des bruits de frottement ou d’explosion produits
par le souffle qui rencontre dans la bouche divers obstacles résultant
de la fermeture ou du resserrement des lèvres, des dents, de la
langue contre le palais, etc. Les consonnes sont décrites par leur
mode d’articulation, leur lieu d’articulation et leur caractère sonore
ou sourd.

a) Mode d’articulation
Le mode d’articulation correspond à la manière dont le son est
produit.
Les consonnes fricatives résultent d’un bruit de frottement
produit par l’échappement de l’air alors que les organes buccaux
sont resserrés : [f] faux, [v] veau, [s] sot, [z] zoo, [ʃ] chaud, [ʒ] jolie.
Les consonnes occlusives sont produites par l’échappement
brusque de l’air à l’ouverture des organes articulateurs (lèvres,
langue, etc.) : [p] peau, [b] beau, [t] taux, [d] dos, [k] car, [g] gare.
Les consonnes nasales sont produites par un échappement de
l’air à travers le nez : [m] maux, [n] nos, [ɲ] gagne et [ŋ] gang.
Les consonnes vibrantes sont articulées au moyen d’une
vibration de l’arrière de la langue contre l’arrière du palais (pour
le [ʀ] dit parisien) ou de la pointe de la langue contre le palais
(pour le [r] dit roulé).
Le [l] lac est une consonne latérale produite par l’écoulement de
l’air de part et d’autre de la langue.

b) Lieu d’articulation
Le lieu d’articulation permet de distinguer les consonnes selon
l’endroit où les organes articulatoires se touchent ou se resserrent.
Les consonnes bilabiales (lèvres) : [b] beau, [p] peau, [m] maux, et
labio-dentales (lèvre supérieure contre les dents) : [v] veau, [f]
faux.
Les consonnes dentales ou alvéolaires (langue contre les dents
ou l’arrière des dents) : [t] taux, [d] dos, [s] sot, [z] zoo, [n] nos, [l] lac.
Les consonnes palatales (langue contre le palais) : [ʃ] chaud, [ʒ]
jolie, [ɲ] gagne.
Les consonnes vélaires (langue contre l’arrière du palais) : [k]
car, [g] gare, [ʀ] rare, [ŋ] gang.

c) Caractère sourd ou sonore


Les consonnes sont sonores quand le souffle qui les produit fait
vibrer les cordes vocales resserrées ; elles sont sourdes quand les
cordes vocales, légèrement écartées, restent au repos. Dans la
paire [p-b], le [p] peau est sourd et le [b] beau est sonore. On sent la
différence en posant un doigt sur sa gorge lorsqu’on les prononce :
la gorge vibre pour une consonne sonore (ou une voyelle) et ne
vibre pas pour une consonne sourde.

d) Tableau des consonnes


Les caractéristiques articulatoires des consonnes permettent de
décrire chacune d’elle par trois traits qui les opposent à toutes les
autres.

Palatales
Labiales Dentales
et vélaires

Sourdes [p] peau [t] taux [k] car


Occlusives
Sonores [b] beau [d] dos [g] gare

Sonores [m] maux [n] nos [ɲ] gagne


Nasales
[ŋ] gang

Sourdes [f] faux [s] sot [ʃ] chaud


Fricatives
Sonores [v] veau [z] zoo [ʒ] jolie

Vibrantes Sonores [ʀ] rose


et latérales [l] lac
Remarques
1. Le h (aussi appelé h aspiré) n’existe plus comme son distinctif en français.
On l’appelle parfois h muet pour cette raison. Lorsqu’il est d’origine
germanique, le h initial de mot empêche l’élision ou la liaison (par ex. le
haricot, le hêtre, le héros, mais l’histoire, l’huile, l’huitre). Par
conséquent, le hêtre [lə.ɛtʀ] s’oppose à l’être [lɛtʀ] ; les héros [lɛ.e.ʀo]
s’oppose à les zéros [lɛ.ze.ʀo]). (› Élision, › Liaison)
2. D’un point de vue auditif, les consonnes s [s] et z [z] sont appelées
sifflantes ; les consonnes ch [ʃ] et j [ʒ] sont appelées chuintantes ; le [r]
vibré avec la pointe de la langue est appelé roulé.
3. Dans la prononciation, une consonne est simple quand elle est produite en
une seule émission vocale. Elle est double (ou géminée) quand elle donne
l’impression d’être émise deux fois de suite : [m] se prononce simple dans
sommet [sɔmɛ] et peut se prononcer double dans sommité [sɔmmite] ou
dans grammaire [gʀammɛʀ].

3. Les semi-voyelles
Il y a trois semi-voyelles (ou semi-consonnes) :
[ɥ] (qu’on nomme ué), comme dans lui [lɥi], juin [ʒɥɛ]̃ , fuir [fɥiʀ] ;
[w] (qu’on nomme oué), comme dans oui [wi], poids [pwa] ;
[j] (qu’on nomme yod), comme dans pied [pje], yeux [jø].
D’ordinaire, la semi-voyelle se lie dans la prononciation à la voyelle
qui suit ou à celle qui précède, pour former une diphtongue. La
voyelle et la semi-voyelle sont prononcées en une seule syllabe : lier
[lje], œil [œj].
2. La prononciation en parole continue
Les mots sont rarement prononcés de manière isolée. Dans la
prononciation courante, le contact des mots dans la phrase modifie
l’articulation des consonnes et des voyelles.

1. La modification des consonnes


au contact d’autres consonnes
Lorsque deux consonnes se trouvent en contact l’une avec l’autre,
dans un mot ou à la frontière entre deux mots, leur prononciation
tend à se rapprocher en adoptant des caractéristiques articulatoires
communes. Il s’agit du phénomène d’assimilation.
L’assimilation est progressive quand la première consonne
impose son caractère à la seconde : dans subsister (prononcé
[sybziste]), la consonne sonore [b] modifie le [s] en [z].
L’assimilation est régressive quand une consonne modifie celle
qui précède : dans absent (prononcé [apsɑ̃]), la consonne [s]
assourdit le [b] en [p]. C’est le même phénomène dans médecin
prononcé [metsɛ]̃ .
Il y a dissimilation lorsque deux consonnes identiques, se trouvant
dans le voisinage l’une de l’autre, se différencient. Quand le mot latin
peregrinum est devenu en français pèlerin, le premier [ʀ] s’est
transformé en [l].

2. La prononciation de voyelles
successives
Le hiatus est la prononciation de deux voyelles successives dans
deux syllabes détachées : né-ant [neɑ̃]. Le hiatus s’oppose à la
diphtongue qui regroupe deux voyelles dans une même syllabe :
Louis [lwi].
Quand deux voyelles se suivent, comme dans nuage, on peut les
prononcer en une seule syllabe [nɥaʒ] ou en deux syllabes [ny.aʒ], en
fonction d’habitudes (personnelles, régionales, etc.) ou de
nécessités rythmiques (en poésie ou en théâtre classique).

Remarque
Les francophones hors de France ont tendance à prononcer en deux
syllabes des mots que les Français prononcent en une seule : lion fr.
Belgique [li.ɔ̃] vs fr. France [ljɔ̃].

Il y a synérèse lorsque deux voyelles contigües se fondent en une


seule syllabe, la première voyelle étant prononcée comme une semi-
voyelle. Il y a diérèse lorsque les voyelles se trouvent dissociées
dans deux syllabes. Les poètes ou les chanteurs jouent de cette
flexibilité pour régler le nombre de syllabes dans leurs vers.
“ C’est le duel effrayant de deux spectres d’airain. (V ICTOR
HUGO, Le mariage de Roland, 1859) (Le mot duel est prononcé en une
seule syllabe ; le vers compte 12 syllabes.)

J’ai su tout ce détail d’un an-ci-en valet. (PIERRE CORNEILLE ,


Le menteur, 1644) (Le mot ancien est prononcé en trois syllabes ; le vers
compte 12 syllabes.)

Le ciel, tu le visites souvent

Des nu-ages pris entre les dents. (PIERRE LAPOINTE, Mais sais-
tu vraiment qui tu es ?, 2017) (Ciel est prononcé en une syllabe et nu-age
en deux syllabes. Chaque vers compte 8 syllabes.)

Remarque
L’articulation correcte des voyelles exige que les muscles de la bouche soient
tendus, afin que la voyelle reste stable. Lorsque l’articulation est relâchée, on
peut être amené à insérer une semi-voyelle entre deux voyelles, comme
Noël prononcé [nɔwɛl], ou à ajouter une semi-voyelle après une voyelle,
comme année prononcé [anej]. Ces prononciations sont perçues comme
informelles.

3. L’élision
L’élision est la suppression d’une des voyelles finales a, e, i, devant
un mot commençant par une voyelle ou un h muet. L’élision permet
d’éviter le hiatus, qui est la prononciation de deux voyelles
successives. Les élisions dans la prononciation ne sont pas toujours
marquées dans l’écriture, en particulier pour le e : faibl(e) escorte, il a
presqu(e) échoué. À l’écrit, la voyelle élidée est remplacée par une
apostrophe : l’or, d’abord, l’heure, s’il t’aperçoit. (› Élision à l’écrit, › Le e
muet)
L’élision n’a pas lieu devant le nom un (chiffre ou numéro), ni devant
oui, huit, huitain, huitaine, huitième, onze, onzième, yacht, yak,
yatagan, yole, yucca, ni devant certains noms propres tels que
Yougoslavie, Yémen, Yucatan, etc. :


Quelquefois, je me dis que oui, mais le plus souvent je reste
convaincu du contraire. (ÉRIC FAYE, Il faut tenter de vivre, 2015)

Il crève d’angoisse depuis bien avant le onze septembre


2001. (GAËLLE PINGAULT, Ce qui nous lie, 2011)


Toutefois on a pu dire et on trouve encore parfois :
“ Je pense qu’oui. (J EAN DE LA BRUYÈRE, Les caractères, 1688)

Et vous dites au chauffeur de taxi qu’oui, merci, ça va là,


très bien, je vous dois ? (JEAN-LUC BENOZIGLIO, La boîte noire,
1974)

Lorsque Sylvain, dehors, frappe du poing sur le rideau de


fer, il est plus d’onze heures. (SÉBASTIEN JAPRISOT, Un long
dimanche de fiançailles, 1991)


Pour ouate, même si l’usage varie, on écrit plus souvent l’ouate que
la ouate.


Sa voix sonnait bizarrement dans l’ouate, au bord de
l’asphyxie. (ANNE-MARIE GARAT, La source, 2015)


Remarque
La voyelle u ne peut pas s’élider, en particulier dans le pronom tu. On
observe cependant des élisions lorsqu’un auteur veut imiter le style parlé :
Hein ? T’es complètement malade ! (DIDIER VAN CAUWELAERT,
Le principe de Pauline, 2014)
Ah sacré papa
Dis-moi où es-tu caché ?
Ça doit faire au moins mille fois
Que j’ai compté mes doigts
Où t’es, papa où t’es ? (STROMAE, Papaoutai, 2013)

4. La liaison
La liaison consiste à prononcer, devant un mot commençant par une
voyelle ou un h muet, une consonne finale, muette en dehors de
cette position. Il se produit alors un enchainement car la consonne
finale s’appuie si intimement sur la voyelle du mot suivant que, pour
l’oreille, elle fait corps avec lui plutôt qu’avec le mot auquel elle
appartient (› Le h muet) :

“ Tu crois que ça t’a été donné, sans sueur, sans_efforts


[sɑ̃.zɛ.fɔʀ],
et que c’est_ennuyeux [sɛ.tɑ̃.nɥi.jø]. (ALICE ZENITER,
Jusque dans nos bras, 2010)


La liaison est obligatoire entre un déterminant et un nom, entre un
adjectif et le nom qui suit, ou dans certaines expressions figées :
les_idées, le petit_enfant, pas_à pas. La liaison est interdite entre deux
groupes syntaxiques, comme dans le petit / attend sa maman où petit
fait partie du groupe sujet. Dans les autres cas, la liaison est
facultative : deux_idées(_)essentielles, des choses(_)insensées, il
faut(_)aimer, il n’est pas(_)arrivé, etc.

Remarques
1. Certaines lettres voient leur prononciation modifiée dans les liaisons :
s et x se prononcent [z] : pas_à pas [pa.za.pa], deux_hommes [dø.zɔm]
; en français, la liaison en [z] est la plus fréquente et couvre 50 % des
cas ;
d se prononce [t] : grand_effort [gʀɑ̃.tɛ.fɔʀ] ;
g se prononce [k] : sang_et eau [sɑ̃.ke.o] ;
on se prononce [ɔn] dans certains cas ː bon enfant [bɔ.nɑ̃.fɑ̃]
2. Dans certains contextes très formels, on peut prononcer la consonne de
liaison sans l’enchainer avec la voyelle qui suit. La liaison sans
enchainement est plutôt rare et réservée au registre politique :
Il y a d’abord cette belle expérience de deux journaux, l’un
francophone, l’autre néerlandophone, prenant_ensemble
[pʀənɑ̃t.ɑ̃sɑ̃blə], pendant_un mois [pɑ̃dɑ̃t.œ̃mwa], le pouls de
chacune de nos communautés et régions. (ALBERT II DE
BELGIQUE, Vœux de fin d’année, 2007)
3. La liaison facultative est une marque stylistique : elle est réalisée plus
fréquemment lorsqu’on s’exprime de manière formelle. Il arrive que des
liaisons interdites soient réalisées dans un style poétique soutenu :
Quand les mois_auront passé. (GEORGES BRASSENS, Les
amoureux des bancs publics, 1953)

5. Le e muet
Le e qui n’est ni accentué ni suivi d’une consonne double, comme
dans chemin [ʃəmɛ]̃ , est conventionnellement noté [ə] dans l’alphabet
phonétique ; sa prononciation se confond généralement avec celle
du [œ] (comme dans œuf) ou du [ø] (comme dans deux). On
prononce ainsi chemin [ʃœmɛ]̃ ou [ʃømɛ]̃ , voire [ʃmɛ]̃ . Ce e a la
particularité d’être instable dans la prononciation, c’est pourquoi il
est nommé e muet ou e caduc. (› Alphabet phonétique)
Le e n’est généralement pas prononcé en fin de mot, ni quand il est
précédé ou suivi d’une seule consonne prononcée, comme dans
maint(e)nant [mɛt̃ nɑ̃]. Lorsqu’il est précédé de deux consonnes et
suivi d’une consonne, il est maintenu dans la prononciation, comme
dans squelette [skəlɛt]. Lorsque deux syllabes consécutives
contiennent un e, on peut choisir de prononcer l’un ou l’autre, ou les
deux, comme dans simple demi-heur(e). En conséquence de ces
règles, la plupart des e à l’écrit ne sont pas prononcés :

“ Après la séanc(e) halluciné(e) qu’il s’était offert(e), on


n’aurait pas pu app(e)ler autrement un(e) simple d(e)mi-
heure à rouler tranquill(e)ment sur un(e) joli(e) p(e)tit(e)
rout(e) peu fréquenté(e). (PHILIPPE DJIAN, Marlène, 2017)


Un [ə] peut être inséré dans la prononciation, sans qu’il y ait de e à
l’écrit, pour servir d’appui dans une succession de trois consonnes
ou plus :
“ On l’a trouvée hier avant le lever du jour
Un peu à l’est-e de [lɛstədə] Johannesburg. (JEANNE CHERHAL,
Noxolo, 2014)


Remarque
Comme pour les semi-voyelles, la prononciation du e muet peut enfreindre
les règles énoncées plus haut pour des raisons rythmiques, afin d’assurer un
nombre précis de syllabes dans un vers. (› Semi-voyelles)
Ne cherche plus longtemps de fontaine
Toi qui as besoin d’eau.
Ne cherche plus, aux larmes d’Hélène
Va-t’en remplir ton seau. (GEORGES BRASSENS, Les sabots
d’Hélène, 1954)
3. La prosodie
La prosodie désigne les variations de la voix dans la parole : durée
(allongements et pauses), hauteur (mélodie) et intensité (volume
sonore). Ces variations forment l’accentuation, l’intonation et le
rythme.

1. L’accentuation (accent tonique)


L’accentuation consiste à prononcer la dernière syllabe d’un mot ou
d’un groupe de mots avec une force particulière qui fait qu’elle se
détache des syllabes environnantes. La syllabe accentuée peut être
allongée, suivie d’une pause silencieuse ou porter un mouvement
mélodique audible. Elle est parfois prononcée avec une intensité
accrue. Les syllabes frappées de l’accent sont toniques ; les
syllabes non accentuées sont atones. (› Les accents à l’écrit)
Il faut se garder de confondre l’accent prosodique avec les accents à
l’écrit.

a) L’accent final
L’accent final est obligatoire et il frappe la dernière syllabe articulée
d’un mot ou d’un groupe de mots. Il peut s’agir de l’avant-dernière
syllabe écrite quand la finale contient un e muet : C’est la vérité, mon
sentiment, l’indifférenc(e), les montagn(es), ils désespèr(ent). (› Le e muet)
Dans la phrase, l’accent frappe la dernière syllabe de chaque groupe
de mots unis par le sens : c’est le groupe accentuel. Il y a plusieurs
manières correctes de former les groupes accentuels selon le sens
que l’on veut transmettre ou selon la vitesse de parole (plus on parle
vite, plus les groupes accentuels sont longs) :

Au bout d’une heur(e) tout était décidé ; un grand bruit
d’hommes et de chevaux avait succédé au silenc(e). (ALFRED
DE MUSSET, Le fils du Titien, 1838)


b) L’accent initial
L’accent initial est facultatif en français. On le nomme accent
d’insistance ou accent expressif. Cet accent ne remplace pas
l’accent final. Il se réalise sur la première syllabe du mot, ou sur la
seconde lorsque le mot débute par une voyelle, et se marque
généralement par un ton haut et une intensité accrue, sans
allongement syllabique :

“ Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule,


La foule épouvantable avec des bruits de houle
Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer
(ARTHUR RIMBAUD, Le forgeron, 1892) (Accents initiaux d’emphase.)

Toute l’entreprise de Nietzsche tend en effet à fortifier le


« surmoi » en accroissement et en élargissement du moi.
(SIMON LIBERATI, Les rameaux noirs, 2017) (Accent initial
d’insistance.)


2. L’intonation
Les phrases ne sont pas prononcées sur un ton monotone, mais en
variant la mélodie de la voix. Cette variation de la mélodie forme
l’intonation :
une intonation montante (//) est associée à une continuation
(dans une phrase ou à la fin d’une phrase qui appelle une
réponse) ;
une intonation descendante (\\) indique un achèvement (fin de
phrase) ou un ordre ;
une intonation montante-descendante (/\) sert à marquer
l’importance d’un mot.

“ Demain, // dès l’aube, // à l’heure où blanchit la campagne,


//
Je partirai. \\ (VICTOR HUGO, Demain, dès l’aube ..., 1847) (La
phrase est découpée par trois contours mélodiques indiquant la continuation
suivis d’un contour indiquant la finalité.)

Dis, // viens plus près ! \\ (ARTHUR RIMBAUD, Ce que retient


Nina, 1895) (Un contour de continuation suivi d’un contour d’ordre.)

Tu pars aussi ? // (ALBERT COHEN, Belle du Seigneur, 1968)


(Intonation montante de question.)

C’est incroyable /\ comme tu es belle. (VIRGINIE DESPENTES,


Apocalypse bébé, 2010) (Contour montant-descendant marquant
l’exclamation.)


Remarques
1. L’intonation et l’accentuation sont étroitement liées : le mouvement
intonatif est porté par la syllabe accentuée finale.
2. Le ton est le degré de hauteur musicale d’un son : tel son est plus ou
moins aigu, plus ou moins grave. Dans un sens large, le ton est la manière
particulière de parler relativement aux mouvements de la pensée ou de
l’humeur : une phrase peut être dite sur un ton impérieux, doctoral, badin,
doucereux, etc.

3. Le rythme
Le rythme se définit par la vitesse de parole, les scansions et les
pauses :
la vitesse de parole, ou débit, se mesure par le nombre de
syllabes ou de mots articulés par seconde ; le débit varie
généralement entre 3 et 7 syllabes par seconde ;
une scansion rythmique résulte du retour, à intervalles réguliers,
d’une syllabe accentuée ;
les pauses silencieuses ou d’hésitation (euh) interviennent
également dans la perception du débit et du rythme.

Remarque
Chaque style de parole se définit par un rythme particulier. Le journaliste
radiophonique adopte un débit de parole rapide, avec peu de pauses et des
accents initiaux réguliers. Le discours d’un politicien se caractérise par un
débit lent, des pauses nombreuses et des groupes accentuels courts.
CHAPITRE 2

Les éléments de la langue écrite


1. Écriture et orthographe
2. Les lettres de l’alphabet
3. Les accents, le tréma, la cédille
4. La ponctuation
1. Écriture et orthographe
L’écriture est une technique pour représenter les mots et les
phrases sur un support visuel. En français, l’écriture représente
principalement la prononciation de la langue orale, selon un principe
phonographique (littéralement « écrire les sons »).
L’orthographe est la manière d’écrire les mots de la langue d’une
part en conformité avec le système graphique retenu, d’autre part en
tenant compte de certains rapports établis avec le lexique ou avec la
grammaire. L’orthographe résulte d’un choix entre différentes
considérations et elle est réglée par convention. L’orthographe n’est
pas la langue, mais une technique pour l’écrire. Elle peut évoluer
sans porter atteinte à l’intégrité de la langue.

1. Les graphèmes du français


Un graphème est un signe graphique composé d’une ou de
plusieurs lettres. Un peu plus de 80 % des graphèmes du français
représentent des sons. Cependant, le système d’écriture du français
est complexe : on compte quelque 130 graphèmes (lettres ou
combinaisons de lettres) pour représenter environ 35 sons. Cela est
dû au fait qu’un graphème peut se composer d’une ou de plusieurs
lettres, qu’un même graphème peut représenter différents sons, et
qu’un son peut être représenté par différents graphèmes. (› Sons du
français)

2. Graphèmes représentant des sons


1° Le cas le plus simple, mais pas le plus fréquent, est qu’un
graphème se transcrive par une lettre et corresponde à un son,
comme les trois lettres du mot sol [sɔl].
2° Certains graphèmes sont formés par la combinaison de deux
lettres (ch-e-v-a-l, ge-ai, r-a-ss-u-r-an-t) ou de trois lettres (eau).
3° Un même graphème peut représenter plusieurs sons, comme s
dans sol [sɔl] ou dans apaiser [apeze] ; c dans cabane [kaban] ou
dans cire [siʀ].
4° Un même son peut être représenté par différents graphèmes,
comme [o] dans oser, pause, château ; ou [s] dans sang, assez, céder,
ça, science, six, traction, isthme, etc.

3. Graphèmes à valeur lexicale


ou grammaticale
Certains graphèmes ne se prononcent pas, mais contribuent au
sens lexical ou grammatical lorsqu’ils :
1° représentent le pluriel d’un mot (le -s final dans enfants, passées ;
le -x dans bijoux) ou une marque de personne, de genre ou de
nombre dans la conjugaison, comme -s, -t -nt ou -e dans les
exemples suivants : je sais, tu venais, ils étaient, elle est arrivée. Ces
graphèmes ne se prononcent pas, sauf lorsqu’ils entrainent un
phénomène de liaison : ils_étaient_arrivés [ilzetɛtaʀive]. (› Liaison)
2° indiquent qu’un mot est dérivé d’un autre et qu’ils appartiennent à
la même famille, comme le p de champêtre qu’on retrouve dans
champ ; le t dans toiture et toit, le s dans boisé et bois, etc. Cette
logique permet de rectifier certaines anomalies orthographiques :
bonhommie (à privilégier à bonhomie) comme bonhomme ; charriot
(à privilégier à chariot) comme charrue et charrier ; etc.
(› Dérivation)
3° permettent de distinguer des mots qui se prononcent de la même
façon, mais ont des graphies différentes : ver, verre, vers, vert, vair ;
champ, chant ; compte, comte, conte ; se, ce ; ses, ces ; on, ont ; etc.

4. Lettres historiques
L’orthographe n’a pas évolué en même temps que la prononciation
et l’Académie française a souvent privilégié les graphies fidèles à
l’étymologie, les lettres historiques ou étymologiques :
1° il arrive qu’une ou plusieurs lettres du mot latin qui a évolué en
français (jugum a donné joug), disparues dans la prononciation
depuis le moyen âge, soient pourtant toujours exigées par
l’orthographe : doigt, tort, vert, lourd, cerf. Ces graphies
anciennes sont parfois régularisées selon le principe de
correspondance entre les sons et les lettres comme clé (au lieu
de clef) ;
2° le français savant a emprunté de nombreux mots au grec et leur
graphie a été adaptée à l’aide de « lettres grecques » (th, ph,
rh, y) : psychologie, théâtre, rhétorique, etc. ;
3° la consonne h initiale a été utilisée pour distinguer la
prononciation de la voyelle u qui n’était pas différente
graphiquement de v : huile était ainsi orthographié vile. Cette
consonne h se distingue de celle que l’on trouve à l’initiale des
mots empruntés aux langues germaniques (haricot, hache, haine) :
il s’agit là du h aspiré qui empêche la liaison et l’élision
(des#haricots [dɛaʀiko], la hache, la haine).
Ces lettres étymologiques et historiques peuvent constituer une aide
pour le lecteur cultivé. Cependant, elles représentent une difficulté
pour quiconque ne leur trouve pas de correspondance avec la
prononciation.
2. Les lettres de l’alphabet
La langue écrite dispose pour former les graphèmes de vingt-six
lettres, dont l’ensemble constitue l’alphabet. L’alphabet français s’est
constitué à partir de l’alphabet latin. Ce dernier comprenait
uniquement des lettres capitales dites romaines. Les lettres
minuscules se sont développées ultérieurement.

1. Inventaire des lettres minuscules


et majuscules
Les lettres sont majuscules (ou capitales) : A, B, C, D, E, F, G, H, I,
J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z ; ou minuscules : a,
b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, q, r, s, t, u, v, w, x, y, z.
Il y a six lettres-voyelles : a, e, i, o, u, y ; les autres sont les lettres-
consonnes. Les lettres-voyelles i, u et y correspondent parfois à des
semi-voyelles dans la prononciation. (› Semi-voyelles)
Les caractères sont italiques lorsqu’ils sont légèrement inclinés vers
la droite et romains lorsqu’ils sont perpendiculaires à la ligne. Les
caractères italiques sont utilisés de manière équivalente aux
guillemets, pour désigner un exemple ou une citation. (› Guillemets)

2. Emploi des majuscules


Les majuscules ont un rôle démarcatif (marquer le début d’une
phrase) ou un rôle distinctif (noms propres).

a) Rôle démarcatif
Les majuscules sont utilisées au début d’une phrase, d’un titre ou
d’un texte. Le plus souvent, la majuscule suit un signe de
ponctuation fort (point, point d’exclamation, point d’interrogation).
Après les deux points, on met une majuscule si la phrase est une
citation (1) et on met une minuscule si la phrase développe ou
illustre ce qui précède (2). (› Majuscule après le point)


Elle éludait d’une boutade, disant par exemple : Eh bien,
c’est tout simplement un nom parfait, n’est-ce pas ? (MARIE
NDIAYE , La cheffe, roman d’une cuisinière, 2016) (1)

Cette canicule, par exemple : je ne sais pas pourquoi les


gens s’en plaignent. (AMÉLIE NOTHOMB, Le fait du prince, 2008)
(2)


En poésie, on utilise la majuscule en début de chaque vers dans un
poème de forme régulière, de sorte que la majuscule ne coïncide
pas nécessairement avec un début de phrase.

“ Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème


De la mer, infusé d’astres et lactescent. (ARTHUR RIMBAUD ,
Le bateau ivre, 1871)

Les bois noirs sur le ciel, la neige en bandes blanches


Alternent. La nature a comme dix-sept ans. (CHARLES CROS,
Le coffret de santal, 1873)


b) Rôle distinctif
1° La majuscule s’emploie pour marquer un nom propre, par
opposition à un nom commun (les Vosges, Bruxelles, la Loire, la
Terre, Julien Sorel).
Elle est utilisée pour les noms de pays et de
peuples (la France, les Français), mais pas pour les noms de
langues ou les adjectifs (le français, langue qu’on parle ; le peuple
français). (› Nom propre)
2° Les titres des œuvres littéraires ou des ouvrages d’art prennent
également une majuscule : Le bateau ivre de Rimbaud, la 9e
Symphonie de Beethoven, le Printemps de Botticelli, etc. Si le titre
est formé d’une suite de mots, seul le premier mot prend une
majuscule : À l’ombre des jeunes filles en fleurs, Le dernier jour d’un
condamné, Le malade imaginaire.
3° On utilise aussi la majuscule pour marquer un mot utilisé dans
une fonction ou un titre lorsqu’on s’adresse à quelqu’un (Madame,
le Premier Ministre), désignant un concept (le Bien et le Mal), un
courant (le Romantisme) ou un évènement historique (la Révolution
française, le 11-Septembre, Mai-68).

Il me semble que le cliché, c’est plutôt de dire “Je perds ma
vie à la gagner”, a repris Paz. – Un slogan de Mai-68... – ...
dont il a inversé les termes, corrigea-t-elle à nouveau. »
(CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT, Plonger, 2013)

Le Baroque aime l’asymétrique, le trompe-l’œil,


l’extravagance. Simon a mis ses écouteurs mais il entend
l’Italien citer Montaigne en français dans le texte : « Je ne
peins pas l’être, je peins le passage. Insaisissable, le
Baroque se déplace d’un pays à l’autre, d’un siècle à l’autre,
e
XVI en Italie, concile de Trente, Contre-Réforme, premier
e e
XVII en France, Scarron, Saint-Amant, deuxième XVII ,
retour en Italie, Bavière, XVIII e, Prague, Saint-Pétersbourg,
Amérique du Sud, Rococo… » (LAURENT BINET, La septième
fonction du langage, 2015)


Remarques
1. On distingue habituellement les capitales, qui constituent des séries
continues de grandes lettres (C’EST IMPORTANT ), des majuscules, qui
sont placées au début d’un mot (Pierre).
2. Les points cardinaux (nord, sud, est, ouest) ne prennent une majuscule
que lorsqu’ils désignent un ensemble de régions (par ex. les oiseaux du
Nord et du Sud) ou la région sud d’un pays ou d’un continent (le Nord de
l’Allemagne, les pays de l’Est).
L’exquis, le savoureux cahotent vers l’ouest de la capitale,
l’aigre va aux masures. Le moelleux et le succulent galopent à
la cour, l’insipide et le blet s’en vont à Paris. (ÉRIC VUILLARD,
14 Juillet, 2016)
On escorta Sitting Bull et Buffalo Bill jusqu’ au petit écrin où ils
devaient, les pieds sur un tapis de paille, se tenir devant un
maigre bouleau badigeonné sur une toile, censée représenter
l’Ouest sauvage. (ÉRIC VUILLARD, Tristesse de la terre, 2014)
3. Pour les noms de fêtes (religieuses ou civiles), la règle est de mettre une
majuscule si le nom comporte un seul mot (Noël, Pâques) et de ne mettre
la majuscule qu’au mot le plus spécifique si le nom comporte plusieurs
mots ( jour de l’An, lundi de Pâques, fête des Mères). Ces règles ne
sont pas toujours respectées dans les usages.
3. Les accents, le tréma, la cédille
Les accents, le tréma et la cédille sont des signes qui s’ajoutent à
une lettre pour en modifier la valeur. Les accents et la cédille
indiquent une prononciation particulière (é, è, ç) ou empêchent la
confusion entre les mots qui s’écrivent de la même manière (du, dû ;
a, à). L’apostrophe est utilisée pour marquer l’élision d’une voyelle
(l’amour).
On distingue trois sortes d’accents : l’accent aigu (’), l’accent grave
(’) et l’accent circonflexe (ˆ).

1. L’accent aigu
L’accent aigu se met sur le e représentant le son [e] non suivi d’un -
d, d’un -r ou d’un -z finals : vérité, coupés (que l’on peut comparer à
pied, chanter, nez).
Remarques
1. La nouvelle orthographe a muni d’un accent aigu les mots où il avait été
omis ou dont la prononciation a changé. L’ancienne orthographe reste
acceptée. (› Listes complètes)
asséner québécois réfréner
démiurge recéler sénestre, etc.
2. On munit également d’un accent les mots empruntés à d’autres langues
lorsqu’ils n’ont pas valeur de citation.
Mots empruntés au latin
artéfact facsimilé mémorandum vadémécum
critérium linoléum placébo véto, etc.
délirium trémens média référendum
désidérata mémento sénior
Mots empruntés à d’autres langues
allégro édelweiss péséta séquoia
braséro imprésario péso sombréro
décrescendo pédigrée piéta trémolo
diésel pérestroïka révolver zarzuéla, etc.

2. L’accent grave
L’accent grave se met sur le e, sur le a et sur le u.
L’accent grave se met sur le e représentant le son [ɛ] lorsqu’il est
suivi d’une consonne et d’un e muet final de mot (père), ou lorsqu’il
apparait en fin de mot devant -s (procès).
Lorsqu’un e prononcé [ɛ] est suivi d’une syllabe non finale avec un e
muet, le è s’est généralisé là où on employait parfois le é.
C’est le cas au présent, au futur et au conditionnel de verbes
comme céder, interpréter ou régler : je cèderai, elle considèrera,
1
nous interprèterons .
Dans les inversions interrogatives, la première personne du
singulier à l’indicatif présent porte un accent grave lorsqu’elle est
2
suivie du pronom je : puissè-je, dussè-je .
L’emploi du è pour noter le son [ɛ] est étendu à tous les verbes du
type -eler et -eter : au présent, au futur et au conditionnel,
l’accent grave remplace la double consonne qui suivait le e (je
pèle, il ruissèle, elle étiquètera).
Les noms en -ement dérivés de ces
verbes suivent la même orthographe 3 (craquèlement, ruissèlement,
etc.). Font exception appeler (et rappeler) et jeter (et ses
composés) dont la graphie avec la double consonne est
stabilisée dans l’usage : j’appelle, elle jette, nous interjetterons.
Sur a, on a un accent grave dans deçà, déjà, delà, voilà, holà (mais non
dans cela).
Sur a, u, e, l’accent apparait dans certains mots qui peuvent par ce
moyen être distingués de mots homonymes : à, a ; là, la ; çà, ça ; où,
ou ; dès, des.

Remarque
La nouvelle orthographe a muni d’un accent aigu les mots où il avait été
omis, ou dont la prononciation a changé. L’ancienne orthographe reste
acceptée. (› Liste complète)
abrègement cèleri évènement règlementer
allègement crèmerie hébètement sècheresse,
etc.
allègement crèneler règlementaire
assèchement empiètement règlementation

3. L’accent circonflexe
L’accent circonflexe se met sur a, e, o, et indique la chute d’un s ou
d’une voyelle de l’ancienne orthographe : bâtir (autrefois bastir), tête
(teste), âge (eage). L’accent circonflexe indique également la
prononciation longue de certaines voyelles : cône [koːn], infâme [ɛf̃ aːm],
extrême [ɛkstʀɛːm].
En nouvelle orthographe, les voyelles i et u ne portent plus d’accent
circonflexe. (› Nouvelle orthographe)
Une première exception concerne la terminaison dans la
conjugaison des verbes. On continue d’utiliser l’accent circonflexe
sur i ou sur u aux temps et modes suivants :
au passé simple : nous vîmes, vous reçûtes comme nous
chantâmes ;
à l’imparfait du subjonctif (troisième personne du singulier) : qu’il
fît, qu’elle voulût comme qu’elle chantât ;
au plus-que-parfait du subjonctif (troisième personne du
singulier) : qu’elle eût voulu, nous voulûmes qu’il prît la parole, il eût
préféré qu’on le prévînt.
La seconde exception prévoit le maintien de l’accent circonflexe
dans les mots où il apporte une distinction de sens utile : dû (qui
s’oppose à du), jeûne (qui s’oppose à jeune), les adjectifs mûr (qui
s’oppose à mur) et sûr (qui s’oppose à sur), et le verbe crû (du verbe
croitre étant donné que sa conjugaison est en partie homographe de
celle du verbe croire). L’exception ne concerne pas les dérivés et les
composés de ces mots (sûr mais sureté). Comme c’était déjà le cas
pour dû, les adjectifs mûr et sûr ne prennent un accent circonflexe
qu’au masculin singulier.
Remarques
1. Les personnes qui ont la maitrise de l’orthographe ancienne peuvent
naturellement ne pas suivre cette nouvelle norme.
2. Cette mesure entraine la rectification de certaines anomalies
étymologiques, en établissant des régularités. On écrit désormais mu
(comme déjà su, tu, vu, lu), plait (comme déjà tait, fait), piqure, surpiqure
(comme déjà morsure), traine, traitre, et leurs dérivés (comme déjà gaine,
haine, faine), et ambigument, assidument, congrument, continument,
crument, dument, goulument, incongrument, indument, nument
(comme déjà absolument, éperdument, ingénument, résolument).
3. Sur ce point comme sur les autres, aucune modification n’est apportée aux
noms propres ni aux adjectifs issus de ces noms (Nîmes, nîmois).

4. Le tréma
Le tréma (¨) se met sur les voyelles e, i, u, pour indiquer que ces
voyelles sont prononcées : haïr, coïnculpé, aigüe, Noël. (› Nouvelle
orthographe)
Le tréma sur la voyelle u indique que cette lettre doit être prononcée
séparément de la lettre g qui précède, ce qui permet d’éviter des
prononciations erronées : il argüe se prononce [aʀgy] et ne se
prononce pas comme il nargue [naʀg]. On écrit donc : il argüe (et
toute la conjugaison du verbe argüer) ; aigüe (et ses dérivés, comme
suraigüe, etc.), ambigüe, exigüe, contigüe, ambigüité, exigüité, contigüité,
cigüe ; gageüre qui se prononce [gaʒyʀ], mangeüre, rongeüre, vergeüre.

Remarque
Anciennement, certains mots prenaient le tréma sur le e, malgré la
prononciation de la voyelle u : aiguë, ambiguë, etc. Ces anciennes graphies
sont encore acceptées.
5. La cédille
La cédille (¸) se place sous le c devant a, o, u, pour indiquer que ce c
doit être prononcé [s] : avança, leçon, reçu.
4. La ponctuation
La ponctuation est l’art d’indiquer, par des signes conventionnels,
l’organisation d’un texte écrit, en signalant les pauses à faire dans la
lecture, en séparant ou en regroupant des éléments de la phrase, ou
en véhiculant des informations sémantiques. Les signes de
ponctuation sont aussi utilisés au niveau du mot, pour relier des
mots entre eux ou pour indiquer une abréviation (quand-même, M.,
etc.).
Les signes de ponctuation sont :

le point . les deux : les guillemets «»


points français

le point ? les points de … les guillemets “”


d’interrogation suspension anglais

le point ! le point · le tiret –


d’exclamation médian

la virgule , les () le trait d’union -


parenthèses

le point-virgule ; les crochets [] l’astérisque *

Remarque
Le trait d’union (-) est plus court que le tiret (–) et sert à la coupe ou au
regroupement des mots. (› Trait d’union)
1. Ponctuation et découpe des phrases
Le point, le point-virgule et la virgule marquent des interruptions
d’importance décroissante, de même que les points de suspension.

a) Le point
Le point indique la fin d’une phrase, simple ou complexe, et est suivi
d’une majuscule. (› Majuscule en début de phrase)

“ Les pleurs la réveillent. Elle vous regarde. Elle regarde la


chambre. Et de nouveau elle vous regarde. Elle caresse
votre main. (MARGUERITE DURAS, La maladie de la mort, 1989)


Quand le point isole un segment inférieur à la phrase, cela a pour
effet de mettre ce segment en évidence ou de simuler le style parlé.

“ Charlotte est étourdie par son apparition. Il tourne la tête à


droite, à gauche. Comme attiré par tout ce qui n’est pas elle. Le
serveur apporte sa boisson, qu’il avale aussitôt. D’une traite,
sans respirer entre les gorgées. (DAVID FOENKINOS, Charlotte,
2014)


Le point peut regrouper plusieurs propositions syntaxiques
coordonnées ou juxtaposées, qui forment un tout du point de vue du
sens.
“ J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes
de fenêtre à fenêtre ; des chaines d’or d’étoile à étoile, et je
danse. (ARTHUR RIMBAUD, Phrases, 1886)

Ils rient, boivent, elle repart travailler, et lui fait ce qu’il a à


faire. (LAURENT MAUVIGNIER, Continuer, 2016)


Le point se place aussi après tout mot écrit en abrégé. (› Point
d’abrègement)

b) La virgule
La virgule marque une pause de moindre durée que le point. Elle
permet d’isoler un élément dans le développement de la phrase, qu’il
s’agisse d’éléments de même statut ou de statut différent.

• La virgule sépare des éléments de même statut


1° La virgule sépare des éléments juxtaposés, qu’ils soient sujets,
verbes, compléments, attributs, propositions, etc.
“ Tous ces hommes qui ont creusé, réfléchi, cherché, échoué et
cherché encore. (LAURENT GAUDÉ, Écoutez nos défaites, 2016)

Nous nous retrouvions autour de la musique russe ou


polonaise, autour de Rimski, de Borodine, de Szymanowsky.
(MATHIAS ÉNARD, Boussole, 2015)

La terre a disparu, la maison baigne, les arbres submergés


ruissèlent, le fleuve lui-même qui termine mon horizon
comme une mer parait noyé. (PHILIPPE CLAUDEL,
Connaissance de l’Est, 1907)


Remarque
Quand les conjonctions et, ou, ni sont répétées plus de deux fois dans une
énumération, on sépare généralement par une virgule les éléments
coordonnés :
Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port,
Sont des champs de carnage où triomphe la mort. (PIERRE
CORNEILLE , Le Cid, 1637)
Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l’huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins.
(CHARLES BAUDELAIRE, Les bijoux, 1842)
Tout, autour, et la nuit et le monde, et la plupart du cosmos,
eût fait claquer les dents d’un légionnaire ou d’un ours. (YANN
MOIX, Naissance, 2013)
Les idées qui se présentent aux gens qui sont bien élevés, et
qui ont un grand esprit, sont ou naïves, ou nobles, ou
sublimes. (MONTESQUIEU, Essai sur le goût, 1757)

2° La virgule est souvent placée avant la conjonction mais, or, donc,


car lorsque les éléments sont introduits par ces conjonctions.
“ En général je ne trouve pas particulièrement séduisant ce
genre d’accoutrement, mais sur elle c’était seyant. (SERGE
JONCOUR, L’écrivain national, 2014)

Tout est bon dans le film pour faire japonais, or les studios
manquent d’accessoires. (ÉRIC FAYE, Éclipses japonaises,
2016)

Il serait dommage de rebrousser chemin, car sitôt passé


cette porte, on gagne un autre monde. (NICOLAS D’ESTIENNE
D’ORVES, La gloire des maudits, 2017)


3° La virgule isole les éléments identiques qui sont répétés avec un
effet d’insistance.

“ Rien n’arrête leur course, ils vont, ils vont, ils vont !
(VICTOR HUGO, L’aigle du casque, 1859)

Bien, bien, bien, semble dire Albert, rien d’autre, le reste est
bloqué dans sa poitrine. (PIERRE LEMAITRE, Au revoir là-haut,
2013)


• La virgule sépare des éléments de statut
différent
1° La virgule isole un complément ou une proposition
(subordonnée, participiale, etc.) placé en tête de phrase.

“ Sur ce sentiment inconnu,


dont l’ennui, la douceur
m’obsèdent, j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave
de tristesse. (FRANÇOISE SAGAN, Bonjour tristesse, 1954)

Quand on peut raconter le réel, il s’éclaire. (ALEXIS JENNI, Son


visage et le tien, 2014)


Toutefois, on omet ordinairement la virgule en cas d’inversion, quand
le verbe suit immédiatement le complément et que le sujet est placé
après le verbe.

“ De la plage étincelante et de la petite main chaude naît un


parfum. (LÉONOR DE RECONDO, Pietra viva, 2013)


Dans des phrases où la proposition subordonnée est intimement liée
par le sens à la principale et qu’aucune pause n’est demandée, on
ne met pas la virgule.
“ Visiblement, les éleveurs devenaient très vite nerveux et
impatients quand des troupeaux se mélangeaient. (OLIVIER
TRUC, Le dernier Lapon, 2012).

Marianne serrait les dents et poussait un petit cri dès que le


fouet s’abattait violemment sur l’animal. (MATHIAS ÉNARD, Zone,
2008)

Le village prenait place au cœur de la forêt sans que la


présence des êtres humains se marquât plus bruyamment que
celle des oiseaux, des serpents ou des insectes. (JEAN-
CHRISTOPHE RUFIN, Rouge Brésil, 2001)


2° La virgule isole un élément détaché, placé en tête ou en fin de
phrase, dans des constructions détachées. (› Phrase avec
détachement)


Moi, je suis un invalide du cœur. (PIERRE LEMAITRE, Au revoir
là-haut, 2013)

L’embrasement du ciel,
Michelangelo l’a déjà connu dans sa
vie. (LÉONOR DE RECONDO, Pietra viva, 2013)


3° Deux virgules encadrent un élément ayant une valeur purement
explicative ou une proposition incidente ; on parle de virgule
ouvrante et de virgule fermante. (› Phrase incidente)


Elena, qui ne prenait officiellement son poste qu’au 1er septembre,
profita de ses derniers jours libres pour faire rénover chaque
pièce de la maison. (LILIANA LAZAR, Enfants du diable, 2015)

Il n’empêche que, non content de faire dire à Paul le contraire de


ce qu’il disait, il s’emploie à discréditer ce qu’il a
effectivement dit et, en faisant passer sa lettre authentique pour
un faux, à justifier toutes ses inquiétudes. (EMMANUEL
CARRÈRE, Le Royaume, 2014)


4° On insère une virgule avant les propositions subordonnées à
valeur de justification ou de commentaire, qui sont associées à la
phrase sans dépendre directement du verbe principal. (› Prop.
subordonnése de phrase)


Aucun voisin ne s’étonnerait d’entendre des cris de douleur,
puisque tout le monde la voyait proche de son terme. (LILIANA
LAZAR, Enfants du diable, 2015)


Mais on ne met pas de virgule quand la proposition subordonnée
dépend du verbe et est intimement liée par le sens à la proposition
principale.
“ Il était inquiet parce que l’obscurité blanche persistait autour de
lui. (MICHEL TOURNIER, Vendredi ou La vie sauvage, 1971)

Tout s’est fait sans que nous parlions. (LAURENT GAUDÉ,


Ouragan, 2010)


5° La virgule isole les mots en apostrophe. (› Mot mis en
apostrophe)

“ Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. (C HARLES


BAUDELAIRE, Recueillement, 1861)


6° La virgule est insérée entre des groupes syntaxiques rapprochés
suite à une ellipse d’un verbe ou d’un autre mot exprimé dans
une proposition précédente. (› Ellipse)

“ Le devoir des juges est de rendre la justice ; leur métier, de la


différer. (JEAN DE LA BRUYÈRE, Les caractères, 1688)


• La virgule est en principe interdite
La virgule est en principe interdite entre des groupes étroitement liés
d’un point de vue syntaxique, comme le verbe et le sujet, ou le verbe
et le complément qui suit immédiatement. Cependant, la longueur
d’un groupe peut justifier l’insertion d’une virgule. Cet usage est
assez rare, voire varie selon les éditions d’une même œuvre.

“ Les sophistes dont Julien était environné, se déchaînèrent


contre le christianisme. (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND,
Le génie du christianisme, 1828)


c) Le point-virgule
Le point-virgule s’emploie pour séparer, dans une phrase, les parties
dont une au moins est déjà subdivisée par la virgule, ou encore pour
séparer des propositions de même fonction qui ont une certaine
étendue.
“ C’étaient deux femmes, l’une très vieille et courbée ; l’autre,
une jeune fille, blonde, élancée. (ALAIN FOURNIER, Le grand
Meaulnes, 1913)

Je m’emparai du téléphone pour appeler les secours ; le


souvenir de la conversation de la veille arrêta mon geste.
(AMÉLIE NOTHOMB, Le fait du prince, 2008)

Soudain, il entendit un bêlement : ce n’était pas surprenant ;


quelques moutons redevenus sauvages habitaient au cœur
de l’île ; ceux-là avaient trouvé comme lui un abri sûr.
(MARGUERITE YOURCENAR, Un homme obscur, 1985)


d) Les points de suspension
Les points de suspension indiquent que l’expression de la pensée
reste incomplète par réticence, par convenance ou pour une autre
raison.

“ Jamais Camille n’avait été aussi… Il cherche. (PIERRE


LEMAITRE, Alex, 2011)

Du coup, quand à son tour elle est tombée enceinte, elle a


eu envie que son enfant soit… (THOMAS GUNZIG, Manuel de
survie à l’usage des incapables, 2013)


Remarques
1. Quand ils marquent l’inachèvement d’une énumération, les points de
suspension sont en concurrence avec etc. suivi d’un point. On ne fait pas
précéder les points de suspension d’une virgule, pas plus qu’on ne fait
suivre la mention etc. de points de suspension.
Vos yeux, vos cheveux… (DANIEL RONDEAU, Mécaniques du
chaos, 2017)
Et tous les vendredis, dès l’aube, à l’heure où blanchit etc.,
elle installait une Paulette toute fripée près de la vitre. (ANNA
GAVALDA, Ensemble, c’est tout, 2010)
2. Les points de suspension entre crochets […] indiquent qu’une citation est
donnée de manière incomplète.
3. Les points de suspension, comme l’astérisque, peuvent être utilisés pour
abréger un mot qu’on préfère ne pas écrire. (› Astérisque)
Par exemple, je suis bien sûr que la comtesse de B…, qui
répondit sans difficulté à ma première lettre. (CHODERLOS DE
LACLOS, Les liaisons dangereuses, 1782)

2. Ponctuation modifiant le sens


de la phrase
Les signes de ponctuation sont utilisés pour indiquer une
discontinuité dans la phrase (l’insertion d’un commentaire, d’un
exemple, d’un discours rapporté, etc.) ou une valeur particulière de
la phrase (interrogation, exclamation).

a) Les deux points


Les deux points s’emploient :
1° pour introduire une citation, un discours direct ; dans ce cas
uniquement, les deux points sont suivis d’une majuscule (›
Discours direct) :
“ Quand Verlaine dit : « L’espoir luit comme un brin de paille
dans l’étable », c’est une superbe imagination lyrique.
(MILAN KUNDERA, Testaments trahis, 1993)


2° pour introduire une énumération ou des exemples qui
développent un terme :

“ Il n’y a pour l’homme que trois événements : naître, vivre et


mourir. (JEAN DE LA BRUYÈRE, Les caractères, 1688)

Le fonctionnalisme se divise lui-même en deux sous-


courants : les machiavéliens et les cicéroniens. (LAURENT
BINET, La septième fonction du langage, 2015)


3° pour annoncer l’analyse, l’explication, le développement, la
conséquence, la synthèse de ce qui précède :
“ Les téléspectateurs ne considèrent jamais le fond d’un
débat : ils sont happés par la forme. (YANN MOIX, La meute,
2010)

Quiconque s’est déjà risqué à la photographie le sait : il n’y


a pas de prise parfaite. (JAKUTA ALIKAVAZOVIC, La blonde et le
bunker, 2012)


b) Le point d’interrogation
Le point d’interrogation s’emploie après toute phrase exprimant une
interrogation directe. Il correspond généralement à une intonation
montante de question. Si la phrase interrogative est suivie d’une
incise, le point d’interrogation se place à la fin de la phrase
interrogative (› Phrase interrogative) :

“ N’est-il pas dans son assiette ? Et que fait-il ? Agent de


police ? de bourse ? de change ? Comptable ? Commis ?
(PATRICK ROEGIERS, La géométrie des sentiments, 1998)

– Tu veux que je vienne ? demandait Joséphine, à


contrecœur. (KATHERINE PANCOL, Les écureuils de Central Park
sont tristes le lundi, 2010)


Remarque
Un point d’interrogation placé entre parenthèses (?) marque un commentaire
de l’auteur pour attirer l’attention sur le caractère incertain du terme utilisé :
Pour ne rien oublier, il attrapa son cahier de textes, un feutre,
et nota à la va-vite tout ce qui lui venait à l’esprit : vêtements,
argent, train, avion (?), Spider-Man, passeport ! (PIERRE
LEMAITRE, Trois jours et une vie, 2016)

c) Le point d’exclamation
Le point d’exclamation se met après une exclamation et il
correspond généralement à une intonation descendante. Ses
valeurs sémantiques sont variées : dépit, alerte, ordre, etc. (› Phrase
exclamative)

“ Alors ils m’ont laissé seul. Un moyen de fuir, mon Dieu ! un


moyen quelconque ! Il faut que je m’évade ! il le faut ! sur-le-
champ ! par les portes, par les fenêtres, par la charpente du
toit ! quand même je devrais laisser de ma chair après les
poutres ! Ô rage ! démons ! malédiction ! (VICTOR HUGO, Le
dernier jour d’un condamné, 1829)


d) Les parenthèses
Les parenthèses s’emploient pour intercaler dans une phrase un
commentaire ou une rectification, qui pourrait être supprimé sans
affecter le sens général. À la différence d’un élément inséré entre
virgules, qui garde un lien syntaxique avec le contexte, le contenu
d’une parenthèse peut être indépendant de celui-ci (c’est ce qu’on
appelle une phrase incidente).


On conte qu’un serpent voisin d’un horloger
(C’était pour l’horloger un mauvais voisinage)
Entra dans sa boutique. (JEAN DE LA FONTAINE, Le serpent et
la lime, 1668)

J’ai résolu d’écrire au hasard. Entreprise difficile : la plume


(c’est un stylo) reste en retard sur la pensée. Or il importe
de ne pas prévoir ce qu’on va dire. (ANDRÉ GIDE, Ainsi soit-il
ou Les jeux sont faits, 1952)


Remarques
1. Dans un texte théâtral, les parenthèses isolent des indications scéniques
données aux acteurs, qu’on appelle des didascalies.
L’élève (cherche un instant, puis, heureuse de savoir) – Paris,
c’est le chef-lieu de… la France ? (EUGÈNE IONESCO, La leçon,
1951)
2. Dans un texte scientifique ou administratif, les parenthèses peuvent
encadrer une référence (titre, page, renvoi).
3. Dans une citation, la mention (sic) indique que les propos rapportés sont
fidèles à la source. On indique (sic) quand on trouve une erreur
orthographique ou un mot qui semble inapproprié.
Au soir, m’allant coucher, je trouvis (sic) trois anges à mon lit
couchés, un aux pieds, deux au chevet. (VICTOR HUGO, Les
misérables, 1862)
4. Le contenu de la parenthèse pouvant être indépendant du contexte, il
conserve sa ponctuation propre et le signe de ponctuation final précède la
parenthèse fermante.
Le commissaire s’empresse de lui faire signer cette
déclaration anodine, avant de lui apprendre avec un sourire
de porc sauvage que c’était une ruse. (Plus tard, devant la
juge d’instruction, elle se rétractera, s’indignera du procédé
(« Ils ont triché, menti ! »), sans grand effet.) (PHILIPPE
JAENADA, Sulak, 2013)

e) Les crochets
Les crochets servent au même usage que les parenthèses, mais ils
sont moins usités.
“ Les douze meilleurs de la Reichssonderklasse [littéralement
« classe exceptionnelle du Reich »] ont été distingués et
vont recevoir l’agrafe d’or ou d’argent de la NSRL (Société
national-socialiste pour la gymnastique). (LAURENT BINET,
HHhH, 2010)


On les emploie aussi pour isoler une indication qui contient déjà des
parenthèses :

“ Il se réduit à l’observance sans tapage ni ostentation des


obligations islamiques principales (la prière, le ramadhan, le
pèlerinage [el hadj] et l’aumône légale [zakat]) et quelques
rites traditionnels devenus au fil du temps. (BOUALEM
SANSAL, Gouverner au nom d’Allah, 2013)


Les crochets servent également à encadrer une transcription de la
prononciation réalisée à l’aide de symboles phonétiques : crochets
[kʀɔʃɛ].

f) Les guillemets
Les guillemets s’emploient pour encadrer une citation ou un discours
direct (› Discours direct) :
“ Laurent Fabius proteste avec une moue dédaigneuse : « Je
n’ai pas dit ça… » Mitterrand, hargneux : « Mais si ! »
(LAURENT BINET, La septième fonction du langage, 2015)


Les guillemets sont parfois employés au lieu des caractères italiques
pour souligner certains mots dans une phrase (néologismes, mots
étrangers, populaires ou familiers, mots que l’auteur veut mettre en
évidence ou doter d’un sens particulier, etc.). Il est préférable de
recourir aux caractères italiques et de réserver les guillemets pour
l’encadrement des citations. (› Caractères italiques)

“ Un général trois étoiles l’avait averti à Paris que


« quelqu’un » prendrait contact avec lui de façon discrète,
pour le mener à l’intermédiaire de confiance censé ouvrir la
négociation. (SERGE BRAMLY, Le premier principe, le second
principe, 2008)


Remarque
Les guillemets vont toujours par paire. Les guillemets français (« … ») sont
concurrencés par les guillemets anglais (“…”). Lorsqu’on introduit une citation
à l’intérieur d’une autre citation, on utilise les deux sortes de guillemets pour
les séparer, d’abord les français puis les anglais.
J’étais de plus en plus stupéfait. « À la fin de l’année dernière,
je l’ai croisé dans le tram. Sa vue avait fort baissé. Il portait
d’énormes lentilles. Il m’a quand même reconnu. “Votre belle
voix est gravée dans mon vieux crâne,” m’a-t-il avoué. – Ce
sont ses flatteries idiotes qui t’ont poussée à le revoir ? T’es
une grande fille maintenant ! » (ALAIN BERENBOOM, La fortune
Gutmeyer, 2015)

g) L’astérisque
L’astérisque est un signe en forme d’étoile qui indique un renvoi ou
qui, simple ou triple, remplace un nom propre qu’on ne veut pas faire
connaitre, sinon parfois par la simple initiale, ou une date :

“ La passion très véritable que le comte M*** avait eue pour


la Fausta se réveilla avec fureur. (STENDHAL, La chartreuse de
Parme, 1839)

Le pauvre demeura six mois à B***, où il devint célèbre.


(BERNARD QUIRINY, Histoires assassines, 2017)

Du château de…, ce 2 octobre 17**, au soir. (CHODERLOS DE


LACLOS, Les liaisons dangereuses, 1782)


Dans un usage spécialisé, un astérisque précédant une forme
indique que cette forme ne respecte pas les règles orthographiques
ou grammaticales de la langue (on parle de forme agrammaticale) :
*elles sourièrent (au lieu de : elles sourirent).

h) Le tiret
Le tiret s’emploie dans un dialogue pour introduire les paroles d’un
personnage ou indiquer le changement d’interlocuteur. Il dispense
d’utiliser les guillemets :

“ – Le champagne est le meilleur repas, dit-elle.


– Vous voulez dire la meilleure boisson pour accompagner
un repas ? repris-je, très Français voulant enseigner les
subtilités de sa langue.
– Non. Vous voyez, je ne dîne pas. Le champagne, c’est
boire et manger.
– Attention à l’ivresse.
– Je la recherche. L’ivresse du champagne est un trésor.
(AMÉLIE NOTHOMB, Le fait du prince, 2008)


Lorsque le tiret est répété (tiret ouvrant et tiret fermant), il est utilisé
pour séparer du contexte des mots, des propositions, comme le
feraient les parenthèses :
“ À moins de tenter – sans espoir de réussite aucune – de se
déguiser en un de ces pauvres petits singes affreusement
enchaînés à un orgue de Barbarie… (PATRICK DECLERCK,
Crâne, 2016)


Il faut distinguer, typographiquement, le tiret (–) du trait d’union (-)
qui est plus court. (› Trait d’union)

i) L’alinéa
L’alinéa marque une segmentation plus importante que le point ;
c’est une séparation qu’on établit entre une phrase et les phrases
précédentes, en la faisant commencer un peu en retrait à la ligne
4
suivante , après un petit intervalle laissé en blanc. L’alinéa délimite
un paragraphe : il s’emploie quand on passe d’un groupe d’idées à
un autre groupe d’idées.
“ Quelques-uns ont repris du canard à l’orange. La
conversation, de plus en plus facile, augmente à chaque
minute un peu davantage encore l’éloignement de la nuit.
Dans l’éclatante lumière des lustres, Anne Desbaresdes se
tait et sourit toujours.
L’homme s’est décidé à repartir vers la fin de la ville, loin de
ce parc. À mesure qu’il s’en éloigne, l’odeur des magnolias
diminue, faisant place à celle de la mer.
Anne Desbaresdes prendra un peu de glace au moka afin
qu’on la laisse en paix.
(MARGUERITE DURAS, Moderato cantabile, 1958)


j) La barre oblique
La barre oblique remplace une conjonction de coordination (et, ou),
en particulier dans des expressions elliptiques. L’usage veut qu’on
ne mette pas d’espace entre la barre oblique et les mots simples
qu’elle sépare, mais qu’on ajoute une espace si elle sépare deux
groupes de mots ou propositions :
“ La portée sociologique du concept Langue/Parole est
évidente. (ROLAND BARTHES, Éléments de sémiologie, 1964)

Un programme méthodique fut établi, et sur le fronton des


écuries, on tendit une banderole bilingue : Moresnet
Universität / Université de Moresnet. (MARC BRESSANT, Un si
petit territoire, 2017)


3. Les signes de ponctuation du mot
Le blanc typographique, l’apostrophe, le trait d’union et le point sont
utilisés pour abréger, segmenter ou regrouper les mots.

a) Le blanc typographique
Le blanc typographique, aussi appelé une espace, a pour fonction
première de séparer visuellement les mots graphiques, séparation
qui n’était pas marquée dans les manuscrits médiévaux. L’usage du
blanc typographique est tellement courant qu’il est parfois perçu
comme un critère de définition du mot ; or certains mots sont
séparés par des blancs : parce que, tout à fait, pomme de terre, etc.

b) Le point d’abrègement
Le point se place après tout mot écrit en abrégé ou sous la forme
d’un acronyme (suite d’initiales) : etc. (et cetera) ; P.S. (Post
scriptum) ; l’U.E. (l’Union européenne).
Remarques
1. Le point ne s’utilise pas quand la dernière lettre du mot est conservée
dans l’abréviation, ce qui explique la différence entre Mme (Madame) et M.
(Monsieur) (et non pas Mr, abréviation de l’angl. Mister).
2. L’usage tend à se passer de point dans les sigles : ONU, USA, etc.
3. On n’emploie pas le point à la fin d’un titre, dans les symboles d’unités de
mesure (3 km, 20 €, 60 kg) ni pour séparer la partie décimale dans les
nombres écrits en chiffres, où on utilise la virgule (22,5 €).

c) L’apostrophe (élision)
L’apostrophe (’) se place en haut et à droite d’une consonne pour
marquer l’élision de a, e, i : l’arme, d’abord, l’école, s’il pleut. (› Élision)

• Règles de l’élision graphique


1° L’élision de a est marquée par l’apostrophe dans l’article la :
l’église, l’heure, et dans le pronom atone la, devant les pronoms
en, y, ou devant un verbe :

“ Ah, ils l’ont méritée, leur Révolution française et son lot de


pseudo-penseurs et de scientifiques. (HYAM YARED, Tout est
halluciné, 2016)

Même avant d’y voir Odette, même s’il ne réussissait pas à


l’y voir. (MARCEL PROUST, Du côté de chez Swann, 1913)


(Mais : Laisse-la entrer, Envoie-la ouvrir, car la est accentué.)
2° L’élision de e est marquée par l’apostrophe dans les cas
suivants :
dans l’article le : l’aveugle, l’homme ;
dans les pronoms atones je, me, te, se, le, devant les pronoms
en, y, ou devant un verbe :

“ Le hasard a voulu que j’aie une mère… (H ERVÉ BAZIN, Vipère


au poing, 1948)

Skandar le premier se mit à manger, tout le monde l’imita.


(CHARIF MAJDALANI, Villa des femmes, 2015)


(Mais : Fais-le assoir, car le le est accentué.)
dans de, ne, que, jusque, lorsque, puisque, quoique, et dans les
locutions conjonctives composées avec que :

“ Quoiqu’il ne fût plus jeune, on contait qu’il était d’une force


prodigieuse. (VICTOR HUGO, Les misérables, 1862)


dans le pronom ce devant en et devant le e ou le a initial d’une
forme simple ou composée du verbe être :

C’en est fait de nos vies. (YANN MARTEL, L’histoire de Pi, 2001)

C’étaient des femmes. (JACQUELINE HARPMAN, Moi qui n’ai pas


connu les hommes, 1995)


dans presqu’ile, quelqu’un(e), mais non dans presque entier, presque
achevé, quelque autre, etc. :


La vieille médina ayant été construite sur une sorte de
presqu’île. (PHILIPPE JAENADA, La petite femelle, 2015)

L’après-midi était presque achevé. (MARC BRESSANT, Un si


petit territoire, 2017)


dans entre, élément des deux verbes s’entr’appeler, s’entr’avertir.
Mais sans élision graphique : entre eux, entre amis, entre autres,
etc. :
“ Entre amis, il ne faut jamais qu’on s’abandonne. (J EAN DE LA
FONTAINE, Le chat et les deux moineaux, 1693)

Il entrouvrit l’enveloppe. (HONORÉ DE BALZAC, Le père Goriot,


1835)


Remarque
L’Académie a abandonné, dans les mots suivants, l’apostrophe qui marquait
l’élision du e final de entre, et a soudé les éléments composants :
s’entraccorder, s’entraccuser, entracte, s’entradmirer, entraide,
s’entraider, entrouverture, entrouvrir.

La graphie avec soudure est également privilégiée par les dictionnaires de


référence pour s’entraimer, s’entrapercevoir et s’entrégorger. Elle tend à
se généraliser.

3° L’élision de i est marquée par l’apostrophe dans la conjonction si


devant il(s) :

“ Je ne sais même pas s’ils se connaissaient. (R OMAIN GARY,


La vie devant soi, 1975)


d) Le trait d’union
Le trait d’union (-) sert à lier plusieurs mots unis par une relation
lexicale ou syntaxique : arc-en-ciel, dit-il, toi-même.

• Le trait d’union dans le mot


Le trait d’union remplit une fonction lexicale lorsqu’il marque la
liaison entre les éléments de mots composés : arc-en-ciel, vis-à-vis,
après-midi, c’est-à-dire, etc. (› Mots composés)
Le trait d’union est concurrencé, et progressivement remplacé, par la
soudure, qui consiste à ne pas séparer les mots. En nouvelle
orthographe, le trait d’union est remplacé par la soudure dans les
cas suivants.
Les composés formés avec contr(e) et entr(e) : contrattaque,
contreculture, contrenquête, entretemps, s’entretuer.
Les composés formés avec extra-, infra-, intra-, ultra-, sauf si la
soudure engendre une prononciation erronée (comme intra-
utérin : intrautérin pourrait se lire [o]) : extrafort, infrason,
intraatomique, intraveineuse, ultramoderne.
Les composés d’éléments savants, en particulier en -o :
autoécole, microonde, socioéconomique.
Les mots d’origine étrangère ou formés par onomatopée : apriori,
bouiboui, checkup, statuquo, weekend, etc.
Certains composés formés d’un verbe et un nom, d’un verbe et
de tout, avec basse-, mille-, haute-, et quelques autres :
croquemonsieur, hautparleur, mangetout, millepatte, portemonnaie,
rondpoint, chauvesouris, saufconduit, etc.
Remarque
Pour tous les composés où la nouvelle orthographe préfère la soudure au
trait d’union, aucune des deux graphies ne peut être considérée comme
fautive. (› Liste complète des mots soudés)
Mots d’origine latine
apriori exlibris exvoto statuquo vadémécum
Mots d’origine
étrangère
baseball cowboy harakiri sidecar
basketball fairplay hotdog striptease
blackout globetrotteu motocross volleyball
r
bluejean handball ossobuco weekend,
etc.

Dans les noms de nombres composés, le trait d’union est utilisé


entre toutes les parties, que le nombre soit inférieur ou supérieur à
cent : quatre-vingt-huit, cinq-cent-vingt-cinq, vingt-et-un-mille-six-cent-
deux, etc.
Remarques
1. On distingue ainsi quarante-et-un tiers (41/3) de quarante et un tiers
(40 + 1/3), et aussi mille-cent-vingt septièmes (1120/7) de mille-cent vingt-
e
septièmes (1100/27), ou encore de mille-cent-vingt-septième (1127 ).
2. On considère généralement que million et milliard sont des noms et ne
sont donc pas concernés par le trait d’union dans les numéraux. Certaines
grammaires et certains correcteurs d’orthographe considèrent cependant
que million et milliard sont des noms numéraux et qu’on peut les écrire
avec un trait d’union. Sans recommander cet usage, on ne le considèrera
pas comme fautif : un-million-cent euros, cinq-millions-deux-cent-mille
voyageurs, etc.

• Le trait d’union pour grouper les mots


Le trait d’union remplit une fonction syntaxique lorsqu’il unit deux
mots formant un groupe. On utilise le trait d’union dans les cas
suivants.
Entre le verbe et le pronom placé après lui : Dit-il, Puis-je, Voit-on,
Est-ce vrai ?
Entre le verbe à l’impératif et les pronoms personnels
compléments de ce verbe : Crois-moi, Prends-le, Dites-le-moi, Faites-
le-moi savoir. (Lorsque le pronom est complément d’un autre
verbe, on ne met pas de trait d’union : Veuille me suivre, viens
me le raconter.)
Avant et après le t, consonne de liaison entre un verbe et un
pronom : Répliqua-t-il, Chante-t-elle, Convainc-t-on.
Devant ci et là joints aux diverses formes du pronom celui ou à
un nom précédé d’un adjectif démonstratif : celui-ci, ceux-là, cette
personne-ci, ces choses-là ; et dans les expressions composées
avec ci et là : ci-contre, ci-joint, là-haut, jusque-là, par-ci, par-là, etc.
Entre le pronom personnel et l’adjectif même : moi-même, nous-
mêmes, etc. (Mais pas lorsque même suit un nom : il n’est pas
correct d’écrire *ce livre-même.)

• Le trait d’union et la césure (fonction


typographique)
Le trait d’union remplit une fonction typographique lorsqu’il permet
de montrer qu’un mot dont la première partie est coupée à la fin
d’une ligne ne fait qu’un avec la suite du mot à la ligne suivante :
c’est la césure. Le trait d’union marque la coupure en fin de ligne et
il n’est pas repris à la ligne suivante.
Les cas où la coupure de mot est autorisée sont les suivants.
Quand il y a une seule consonne entre deux voyelles, la coupure
se place avant la consonne : bâ-ti-ment, dé-mé-na-geur, ca-pi-tu-ler.
Si cette consonne est un x, il n’y a pas de coupure possible, sauf
si ce x est prononcé comme un son unique : taxa-tion [taksasjɔ̃],
auxi-liaire [ogsiljɛʀ], mais deu-xième [døziɛm].
Quand il y a deux consonnes différentes ou une consonne
redoublée entre des voyelles, la coupure se place entre les deux
consonnes : par-don, es-timation, frac-ture, pos-sibilité, al-laitement.
Cependant, les deux consonnes ne se séparent pas quand :
elles représentent un seul son : élé-phant [elefɑ̃], hypo-thèse
[ipɔtɛz], déta-cher [detaʃe], gro-gner [gʀɔɲe].
la deuxième consonne est r ou l et la première autre que r ou
l : pota-ble, nu-cléaire, dé-fla-gration, pro-priétaire.
Quand il y a trois consonnes, la coupure se fait après la
deuxième consonne : cons-titution, obs-tétrique. Cependant, on ne
sépare pas les consonnes lorsqu’elles représentent un son
unique : mar-cher [maʀʃe], am-phithéâtre [ɑ̃fiteatʀ], Or-phée [ɔʀfe]. Si la
dernière consonne est r ou l, la coupure s’effectue après la
première consonne : ap-pliquer, res-trein-dre, des-cription.
Quand il y a quatre consonnes, la coupure se fait après la
deuxième consonne, pour autant que ne soient pas séparées
des consonnes représentant un son unique : obs-truction, ins-
trument, cons-tructif, mais ar-thropodes [aʀtʀɔpɔd].

Remarque
Certaines coupures ne respectent pas les règles énoncées ci-dessus,
lorsque des préfixes ou des suffixes peuvent être isolés. La coupure se place
toujours après les préfixes dé- et pré- : bis-annuel, re-structurer, endo-
scopie, dé-structurer, pré-scolaire.

La coupure est évitée dans les cas suivants.


On ne sépare pas deux voyelles, ni une voyelle et une semi-
voyelle : théâ-tre, déo-dorant, avia-teur, atten-tion, com-bien.
Un y placé entre deux voyelles ne peut être coupé : rayon,
appuyer.
Aucune coupure ne s’effectue après une apostrophe : pres-qu’ile,
aujour-d’hui.
On évitera de rejeter à la ligne suivante une syllabe seulement
composée d’une consonne et d’un e muet (*contredan-se), et
d’isoler en fin de ligne une syllabe formée par une voyelle seule
(*a-dorer).

e) Le point médian
Dans le cadre de l’usage des formes féminines et masculines d’un
mot, le point médian (·) est un signe de ponctuation utilisé pour
former une abréviation. Il permet d’écrire de manière condensée
deux formes d’un mot en séparant le suffixe masculin du suffixe
féminin : lecteur·rice, français·e. Le point médian peut être répété pour
séparer la marque du pluriel : il·elle, il·elle·s, un·e, le·a, ce·tte, chacun·e,
chef·fe·s, usager·ère·s, locaux·ales, nombreux·ses, etc. (› Féminisation)
Le point médian n’est pas destiné à être lu à voix haute : la forme
tou·te·s se lit tous et toutes (ou toutes et tous). Il s’agit d’une
technique parmi d’autres pour donner autant d’importance dans les
textes au genre féminin et au genre masculin. On recommande de
ne pas abuser du point médian, car il peut rendre la lecture d’un
texte difficile, et de le combiner avec d’autres techniques, comme
l’usage de noms collectifs (le corps professoral au lieu de les
professeurs). (› Écriture inclusive)

Remarques
1. Au clavier, le point médian s’encode grâce à la combinaison de touches
Alt + 250 ou Alt + 0183 sur PC ; Alt + Maj + F sur Mac.
2. L’usage du point médian a été préféré à celui du tiret (nombreux-se-s), des
parenthèses (agriculteur(rices)s) ou des majuscules (unE avocatE), signes
qui remplissent d’autres fonctions.
3. On rencontre des difficultés lorsque la forme au féminin diffère de celle au
masculin par la présence d’un accent : cher·e·s vs chèr·e·s.
PARTIE 2

Les mots

CHAPITRE 1
Les classes de mots

CHAPITRE 2
L’origine des mots

CHAPITRE 3
La formation des mots

CHAPITRE 4
Les mots apparentés
CHAPITRE 1

Les classes de mots


1. Définition
2. Les mots variables
3. Les mots invariables
1. Définition
Le mot est l’unité de base de notre système grammatical. Il se
compose d’une suite de sons (ou de lettres à l’écrit), est porteur d’un
sens et joue un rôle particulier dans la phrase au sein de laquelle il
s’insère. Ce rôle est appelé fonction grammaticale.


Les mots sont devenus des clowns. (YANN MOIX, Terreur,
2017) (Dans cette phrase, il y a 6 mots.)


À l’écrit, les mots sont généralement délimités par des espaces
blancs. À l’oral, les frontières des mots sont plus difficiles à
distinguer, car les mots sont rassemblés en groupes. La
segmentation des énoncés oraux et la reconnaissance des mots
représentent d’ailleurs un défi majeur dans l’apprentissage d’une
nouvelle langue. (› Accent final de groupe)
Plusieurs mots peuvent se combiner pour former une locution ayant
un sens particulier : tout à coup, à l’œil, au bas mot, moins que rien, bleu
marine, bois-sans-soif, table ronde, tourner de l’œil, etc. La frontière des
mots simples ne concorde donc pas toujours avec le sens qui peut
s’établir, comme nous venons de le voir, sur une séquence de mots
(ville basse, sourd-muet) ou à l’inverse, sur des unités plus petites,
appelées morphèmes, qui entrent dans la composition de certains
mots : re-commenc-er, sur-expos-é, photo-graphe. (› Formation des
mots)
On range les mots du français en neuf classes grammaticales
(nom, déterminant, adjectif, pronom, verbe, adverbe, préposition,
conjonction, interjection). Celles-ci correspondent à la nature des
mots qu’il ne faut pas confondre avec la fonction que ces mots
peuvent occuper dans la phrase. Dans la phrase L’orage gronde,
orage est un nom par nature et occupe la fonction de sujet de la
phrase. (› Fonctions syntaxiques)
Ces classes peuvent elles-mêmes être regroupées selon différents
critères. On oppose par exemple les mots variables aux mots
invariables ou les mots lexicaux aux mots grammaticaux.
Les mots lexicaux sont porteurs de sens et ont essentiellement une
fonction référentielle (ou dénotative), c’est-à-dire qu’ils renvoient
au monde extérieur, ils désignent des êtres, des choses, des
actions, etc. Ils forment une classe ouverte qui s’enrichit
continuellement grâce à la néologie (noms, verbes, adjectifs,
adverbes). Les mots grammaticaux ont généralement un sens plus
général ou limité. Ils jouent avant tout un rôle dans l’organisation
syntaxique de la phrase en introduisant des groupes ou établissent
des relations entre eux. Leur nombre est plus limité et les possibilités
d’extension de cette classe sont très limitées.
Remarque
L’innovation concernant les mots grammaticaux passe en général par des
locutions qui apparaissent dans l’usage et se figent avec un sens particulier.
Par exemple, la locution en même temps évoque d’abord la simultanéité
temporelle de deux évènements (› Coordination de phrases) :
En même temps, j’eus des effrois et des plaisirs pour de bon.
(JEAN-PAUL SARTRE, Les mots, 1964).
Elle est de plus en plus souvent utilisée avec une fonction de locution
conjonctive (pour introduire une précision, une restriction comparable au
sens de « mais, cependant, toutefois ») :
Je n’ai jamais compris pourquoi je raffole de ces saloperies.
En même temps, c’est pareil avec la cigarette. (ÉRIC-EMMANUEL
SCHMITT, L’homme qui voyait à travers les visages, 2016)

J’admets que son activité alimentaire le préoccupe vivement,


reconnut ma mère. En même temps, c’est de son âge. Il n’a que
peu d’occasions de se divertir autrement ! (YANN MOIX,
Naissance, 2013)
2. Les mots variables
Cinq classes de mots sont variables.
1° Le nom ou substantif, qui sert à désigner, à « nommer » les
êtres ou les choses. (› Nom)
2° Le déterminant, qui sert à marquer le sens complètement ou
incomplètement déterminé du nom qu’il précède. Cette classe
comprend les articles. (› Déterminants)
3° L’adjectif, qui qualifie, précise le sens du nom ou du pronom
auquel il se rapporte. (› Adjectif)
4° Le pronom, qui, en général, représente un nom, un adjectif, une
proposition. (› Pronom)
5° Le verbe, qui exprime l’existence, l’action ou l’état. (› Verbe)
Remarques
1. Le nom, le déterminant, l’adjectif et le pronom varient en genre, pour
indiquer, en général, le sexe des êtres et en nombre, pour indiquer qu’il
s’agit :
soit d’un seul être ou objet,
soit de plusieurs êtres ou objets.
2. Les déterminants possessifs, les pronoms possessifs, les pronoms
personnels varient, non seulement en genre et en nombre, mais aussi en
personne.
3. Certains noms n’existent qu’au singulier (bercail, bétail, etc.) ou au pluriel
(fiançailles, honoraires, alentours, etc.). (› Pluriel des noms)
4. Le verbe varie :
en nombre
en personne, pour indiquer qu’il s’agit :
re
soit de la personne qui parle : 1 personne,
e
soit de la personne à qui l’on parle : 2 personne,
e
soit de la personne (ou de la chose) dont on parle : 3 personne ;
en temps, pour indiquer à quel moment se situe le fait ;
en mode, pour indiquer de quelle manière est connue et présentée
l’action (ou l’état, ou l’existence).
Au participe, le verbe peut varier en genre. (› Accord du participe)
3. Les mots invariables
Quatre classes de mots sont invariables :
1° l’adverbe, qui modifie un verbe, un adjectif ou un autre adverbe ;
2° la préposition, qui marque un rapport entre le mot devant lequel
elle est placée et un autre mot ;
3° la conjonction, qui unit deux mots, deux groupes de mots ou
deux propositions ;
4° l’interjection, qui marque l’irruption d’un sentiment personnel
dans le discours.

Remarque
Il faut mentionner à part les deux présentatifs voici et voilà, qui servent à
annoncer, à présenter. (› Présentatifs)
CHAPITRE 2

L’origine des mots

Les mots de la langue française proviennent de différentes langues.


e
1° D’un fonds latin. Vers le V siècle, les parlers gaulois ont été
supplantés par le latin populaire, qui s’est peu à peu transformé
en langue romane, selon des lois dont la principale est celle de la
persistance de la syllabe qui était accentuée en latin : bastonem,
radicinam, animam, par exemple, ont abouti à bâton, racine, âme.
2° D’un certain nombre de mots gaulois ou germaniques. Au fonds
latin – dans lequel se sont maintenus un petit nombre de mots
e
gaulois – l’invasion franque du V siècle a mêlé un apport assez
considérable de mots germaniques, qui nous ont donné, par
exemple : banc, bannière, héron, etc.
Les différents dialectes romans formèrent de part et d’autre d’une
ligne de démarcation allant approximativement de La Rochelle à
Grenoble, deux grands domaines linguistiques : au nord, celui de
la langue d’oïl, et au sud, celui de la langue d’oc. À partir du
e
XII siècle, le francien ou dialecte de l’Île-de-France prit le pas sur
les autres dialectes.
3° De différents emprunts faits au latin écrit, au grec, aux dialectes
et à diverses langues.
e
1. Latin. À partir du XII siècle, le vocabulaire roman s’est enrichi,
par formation savante, de quantité de mots calqués par les
lettrés sur des mots du latin écrit. Mais certains de ces mots
avaient déjà été transformés en mots romans par le peuple ; ainsi
un même terme latin a pu produire un mot populaire et un mot
savant, c’est-à-dire des doublets : navigare a donné nager (mot
populaire) et naviguer (mot savant) ; potionem a donné poison (mot
populaire) et potion (mot savant).
2. Grec. Le grec a fourni au français, par formation populaire, un
certain nombre de mots, qui sont passés par la forme latine :
baume, beurre, trésor, etc. Il lui a fourni en outre, par formation
savante, nombre de mots, transportés dans la langue, soit
indirectement, en passant par le latin, soit directement (surtout au
e
XIX s.) : amnésie, enthousiasme, téléphone, etc. De nombreux
formants d’origine grecs restent très productifs dans la formation
de néologismes : bio, cyber, hétéro, hydro, hyper, néo, poly, etc. Ces
formants grecs ne doivent pas être confondus avec les
abrègements de mots français comme télé (abrègement de
télévision) ou cyber (abrègement de cybernétique et désignant de
manière générale le monde des réseaux informatiques) qui sont
eux-mêmes devenus productifs avec un sens différent du formant
originel : cyberespace, cyberattaque, cyberterrorisme, téléphage,
téléréalité, téléachat, etc. (› Abrègement et abréviation,
› Fractomorphèmes)
3. Dialectes. Le français a emprunté aux différents dialectes,
surtout au provençal et au gascon, un certain nombre de mots :
auberge, badaud, fadaise, goujat, etc.
4. Langues romanes. L’italien et l’espagnol ont fait entrer dans
le français un assez grand nombre de mots : balcon, bambin, opéra,
carnaval, etc. ; abricot, adjudant, cigare, etc. Le portugais n’a fourni
qu’un petit contingent de termes : fado, pagode, autodafé, etc.
5. Langues germaniques. L’allemand a fait passer dans le
lexique français d’assez nombreux mots relatifs surtout aux
domaines des sciences (par exemple en biologie, géologie,
philosophie, etc. : enzyme, écologie, cobalt, idéal, noumène,
introversion) ou des choses militaires (sabre, obus, dictat, hallebarde,
etc.). L’anglais nous a fourni un notable apport qui s’est accru, à
e
partir du XIX siècle, de nombreux termes concernant le sport, la
marine, le commerce, la politique, la mode et la culture : handicap,
paquebot, chèque, budget, magazine, bluejean, comics, etc. Depuis la
fin du XXe siècle, le domaine des technologies a apporté un
nombre particulièrement important de nouveautés, empruntées le
plus souvent à l’anglais : web, blog (dont l’orthographe
officiellement recommandée est blogue), smartphone, laptop, selfie,
hashtag, etc. Une centaine de mots nous viennent du
néerlandais : cambuse, kermesse, matelot, polder, etc. Quelques
termes de marine nous ont été fournis par les langues
scandinaves : cingler, vague, etc.
6. Apports divers. Le français a admis aussi un certain nombre
de mots venus de l’arabe : alcool, algèbre, etc. ; de l’hébreu :
chérubin, zizanie, etc. ; des langues africaines ; baobab, chimpanzé,
etc. ; du turc : kébab, tulipe, pacha, etc. ; des langues de l’Inde ou
de l’Extrême-Orient : avatar, jungle, bonze, thé, etc. ; des langues
amérindiennes : acajou, ananas, caoutchouc, etc. ; de l’argot :
cambrioleur, maquiller, mégot, etc.
Remarques
1. Les emprunts ne se font pas toujours directement à la langue dont le mot
est originaire, mais parfois à une langue qui sert d’intermédiaire. C’est le
cas de cougar, par exemple, emprunté au tupi (Brésil) par l’intermédiaire
de formes apparaissant dans des récits de voyage au Brésil ou de
cannibale emprunté à l’espagnol par l’intermédiaire de textes italiens.
2. Les emprunts vont parfois de pair avec un ajustement morphologique ou
graphique qui permet de mieux intégrer à la langue d’accueil le mot
emprunté : par exemple to like devient liker (verbe du premier groupe) ou
to google devient googler (ou googliser) :
La villa Punta Rossa avait mille fois été prise en photo,
googlisée et facebookée (MICHEL BUSSI, Le temps est assassin,
2016)
3. L’étymologie populaire est un procédé suivant lequel un mot se trouve
rattaché, dans la conscience du sujet, à tel mot ou à telle expression qui
paraissent en fournir l’explication : ainsi choucroute – venu en réalité de
l’alsacien sûrkrût, proprement « herbe (krût) aigre (sûr) » – est rattaché par
l’étymologie populaire aux mots français chou et croute.
CHAPITRE 3

La formation des mots


1. La dérivation
2. La composition
3. Autres procédés de formation

La langue française, qui vit au travers de ses usagers, est en


perpétuel devenir : des mots sortent de l’usage et disparaissent,
d’autres naissent, formés par dérivation, par composition, et, dans
une moindre mesure, par onomatopées et par abréviation.
(› Dérivation)
On distingue les mots simples qui ne peuvent être décomposés en
unités de sens plus petites (table, rue, sol, ciel) et les mots construits
qui sont formés d’au moins deux unités de sens : dans pommier, le
suffixe -ier signifie « arbre qui porte le fruit désigné par la base »
comme dans cerisier, poirier, prunier, etc. Les unités de sens du
lexique peuvent être composées de plusieurs unités lexicales,
reliées ou non par un trait d’union, on parle alors de mots
composés : avant-poste, pomme de terre, tête-à-queue, table ronde, etc.
(› Composition)
Certains mots du vocabulaire français sont des emprunts faits à
d’autres langues : redingote (de l’anglais riding-coat), kimono (du
japonais). Il y a de faux emprunts, mots artificiellement fabriqués
sur le modèle de mots étrangers : footing (= sport pédestre) forgé à
partir de l’anglais foot, « pied », sur le modèle de rowing (= sport
nautique), babyfoot (au lieu de table football en anglais), baskets (au
lieu de tennis shoes ou sneakers en anglais).
La forme de certains mots est calquée par transposition des
éléments dont ils sont composés dans la langue d’origine : gratte-ciel,
par exemple, est un calque de l’anglo-américain sky-scraper. Dans
d’autres cas, c’est le sens qui est calqué sur une autre langue, puis
associé à un mot déjà existant en français : le verbe router (dérivé de
route dans les années 80) reçoit ultérieurement un sens
supplémentaire (dans le domaine de l’informatique) calqué sur
l’anglais.
Les mots sont venus par formation populaire ou par formation
savante. Dans la formation populaire, ils proviennent de l’usage
naturel et spontané qu’en fait la masse des gens qui les emploient ;
dans la formation savante, ils résultent de l’action délibérée de
lettrés ou de commissions de terminologie. Par exemple, la
Commission d’enrichissement de la langue française (France) crée
ou promeut de nombreux termes pour désigner des réalités
nouvelles ou des inventions techniques et scientifiques : objet
connecté, mobile multifonction (pour smartphone), granulés de bois
(pour wood-pellet), végétalien (pour vegan). Ceux-ci sont ensuite
publiés au Journal officiel de la République et diffusés sur la toile
(www.culture.fr/franceterme).
Remarques
1. On appelle archaïsme un mot tombé en désuétude, un tour de phrase ou
une construction hors d’usage : occire (« tuer »), idoine (« propre à »),
moult (« beaucoup, très »). Ces archaïsmes peuvent subsister plus
longtemps en contexte littéraire ou être utilisés occasionnellement pour
créer un effet de style :
Cinq lampadaires occis par la rouille. (MARC LEVY, Un sentiment
plus fort que la peur, 2013)

EgyptAir : recherches en cours, moult hypothèses (EDOUARD


PFLIMLIN, Le Monde, 20/05/2016)
Dans certains cas, un mot archaïque peut être maintenu au sein d’une
locution ou d’une expression figée. C’est le cas de fur (qui signifie « taux,
proportion ») et de maille (qui signifie au Moyen Âge « un demi-denier »)
dans les expressions au fur et à mesure, avoir maille à partir.
2. On appelle néologisme un mot nouvellement créé ou un mot déjà en
usage, mais employé dans un sens nouveau ; il y a donc des néologismes
de forme et des néologismes de sens :
Néologisme de forme : flexitarien, dépose-minute, mère porteuse,
bébé-papiers, mariage gris.
La Chevrolet s’engagea dans la bretelle menant au parking
dépose-minute. (GUILLAUME MUSSO, Demain, 2013)
Néologisme de sens : la déferlante (des investissements japonais), une
puce ou un virus (en informatique), une souris (d’ordinateur), la jungle
(lieu de vie de fortune occupé par des réfugiés).
1. La dérivation
La dérivation crée des mots nouveaux en ajoutant à des mots
simples une particule sans existence indépendante (un affixe) que
l’on appelle :
préfixe quand elle se place au début du mot : inactif, mécontent ;
suffixe quand elle se place en fin de mot : mangeable, mangeoire,
mangeur.
Alors que l’ajout d’un préfixe produit un mot nouveau de même
catégorie que la base, les suffixes, eux, servent à dériver des noms,
des adjectifs, des verbes ou des adverbes à partir d’une base
appartenant à une autre catégorie : opportun (adjectif) a donné
opportunisme (nom).
Le radical (ou la base) est, dans un mot, l’élément essentiel, qui
exprime fondamentalement le sens de ce mot ; on peut le
reconnaitre en dégageant, dans les divers mots de la famille à
laquelle appartient le mot considéré, l’élément commun à tous ces
mots : dans détourner, le radical est tour (contour, pourtour, détour,
entourer, entourage, etc.).
Remarques
1. Strictement parlant, radical et racine ne sont pas synonymes. Tandis que
le radical est ordinairement un mot complet, la racine n’est qu’un
fragment de mot, auquel on aboutit en éliminant, dans un mot, tous les
éléments de formation secondaire : par exemple, struct dans instruction.
La notion de racine est principalement utilisée dans le domaine de
l’étymologie.
2. Certains préfixes existent cependant comme mots indépendants : entre,
sur, sous, contre, etc. (› Composition)
3. L’orthographe du préfixe peut être modifiée : ainsi in- devient il-, ir-, par
assimilation régressive, dans illettré, irréflexion ; dans impoli,
imbuvable, etc., il y a simple accommodation graphique.
4. La dérivation est dite régressive quand elle procède par suppression
d’une syllabe finale : galop est formé sur galoper ; démocrate, sur
démocratie. Seule la connaissance de l’histoire du mot permet d’identifier
les dérivations de ce type. (› Assimilation)
5. Certains mots sont venus par formation parasynthétique : à un mot
simple s’ajoutent simultanément un préfixe et un suffixe : éborgner,
encolure, atterrir.

1. Principaux préfixes
Préfixes d’origine latine

PRÉFIXE SENS EXEMPLES

a- (ad-, ac-, tendance, abattre, adapter, affamer,


af-, ag-, al-, direction annoter, apporter, assécher,
an-, ap-, attrister
ar-, as-, at-)

anté-, anti- avant antédiluvien, antidater

bien- bienfaisant

b-, bis-, bé- deux bipède, bisection, bévue

circon-, autour circonférence,


circum- circumnavigation

cis- en deçà Cisjordanie, cisalpin

con- (co-, avec concitoyen, colocataire,


col-, com-, collatéral, compatriote,
cor-) corrélation

contre- opposition, à côté contrecoup, contresigner


de

dé- (des-, séparation, décharger, dissemblable


dis-, di-) distinction

en-, em- éloignement enlever, emmener

entr(e)-, au milieu, à demi, s’entraider, entrelacer,


inter- réciproquement entrevoir, intersection

ex- (é-, ef-, hors de exproprier, écrémer, effeuiller,


es-) essouffler

extra- hors de, superlatif extravagant, extrafort

in- (il-, im-, négation inactif, illettré, imbuvable,


ir-) irresponsible

mal- (mau-, mal maladroit, maudire,


malé-) malediction

mé-, més- mal, négation médire, mésaventure

mi- moitié milieu, mi-carême

non- négation non-sens

outre-, au-delà de outrepasser, ultraviolet


ultra-

par-, per- à travers, parsemer, parachever,


complètement performer

pén(é)- presque pénombre

post- après postdater

pour-, pro- devant, à la place pourvoir, pourchasser,


de projeter

pré- devant, avant préavis, présupposer

re- (ra-, ré-, répétition, contre, revoir, rafraichir, réagir,


res-, r-) intensité ressortir, remplir

semi-, moitié semi-remorque


demi-
sou(s)-, dessous soulever, subvenir
sub-

sur-, super- au-dessus surcharge, superstar

trans- au-delà, transpercer, tressaillir,


(tres-, tré-, déplacement trépasser, traduire
tra-)

vice, vi- à la place de vice-président, vicomte


Préfixes d’origine grecque

PRÉFIXE SENS EXEMPLES

a-, an- privation amoral, anaérobie

amphi- autour, double Amphibie

ana- renversement Anagramme

anti-, anté- opposition antialcoolique, antichrist

apo- éloignement Apostasie

arch(i)- au-dessus de archiconnu

cata- changement catastrophe

di(s)- double diptère, dissyllable

dys- difficulté dysfonctionnement

épi- sur épiderme

eu- bien euphonie, euphémisme

hémi- demi hémicycle

hyper- au-dessus hypertrophie, hyperespace,


hypercritique

hypo- au-dessous hypogée

méta- changement métaphore

para- à côté paradoxe

péri- autour périphrase


syn- (sym-, avec synthèse, symbole, syllabe,
syl-, sy-) symétrie

Remarque
Il y a deux préfixes anti-. L’un vient du latin anti, variante de ante (« avant »
dans le sens temporel ou locatif) : antédiluvien, antichambre. L’autre, plus
fréquent, vient du grec et a deux acceptions principales (« contre, opposé à
qqch » et « le contraire, l’opposé de ») qui peuvent traduire différentes
nuances de sens. Associé à un nom, le préfixe peut signifier « qui permet de
lutter contre » comme dans antichar, antirides, antidouleur (devant voyelle,
le -i peut tomber antalgique) ou « qui est l’opposé de » comme antihéros.
Associé à un adjectif, il peut signifier
« qui s’oppose à un système d’idées » : antibolchévique,
antieuropéen ;
« qui combat la maladie » : antibactérien, anticancéreux ;
« qui supprime les effets ou protège de » : antiatomique, antidérapant.
Il peut aussi fonctionner de manière plus générale comme un morphème
négatif :
Il faut reconnaître que les parents sont l’instance la plus anti-
érotique du monde. (AMÉLIE NOTHOMB, Barbe bleue, 2012)
Comme les mots, les préfixes sont des unités de sens qui peuvent être
polysémiques.

2. Principaux suffixes
Comme les préfixes, beaucoup de suffixes sont également
polysémiques. Ils peuvent apporter différentes nuances de sens aux
bases auxquelles ils sont attachés. Les sens présentés dans les
deux tableaux qui suivent constituent un large éventail qui n’est
cependant pas exhaustif. Comme on le voit, certains suffixes
(comme -in) peuvent être utilisés pour former des substantifs
(tambourin) aussi bien que des adjectifs (enfantin). L’ajout d’un suffixe
peut entrainer un changement de genre : le fer, la ferraille. Certains
ajoutent une connotation péjorative (-aille, -ard, -asse) : poiscaille,
fêtard, tignasse.


J’ai grommelé à son intention une ribambelle fleurie de mots
en -asse. (VÉRONIQUE PINGAULT, Les maisons aussi ont leur
jardin secret, 2015)


Principaux suffixes formateurs de substantifs

SUFFIXE
SENS EXEMPLES
S

-ade collection, action colonnade, glissade

-age collection, action, feuillage, déminage, cirage,


produit, état servage

-aie, - plantation chênaie, hêtraie,


eraie châtaigneraie

-ail instrument épouvantail

-aille collection, action, pierraille, trouvaille, ferraille


péjoratif

-ain, -aine habitant(e) de, châtelain, trentaine,


collection, fonction, douzaine, forain, sacristain,
membre d’une écrivain, dominicain
collectivité

-aire objet se rapportant à moustiquaire, sanctuaire,


ossuaire, lampadaire

-aison action ou son crevaison, pendaison


résultat (› Variante -ison)

-an, -ane habitant(e) de Persan, Texan, Mosan

-ance, - action ou son alliance, puissance,


ence résultat présidence

-ard se rapportant à, montagnard, brassard, criard


péjoratif
-as, -asse collection, péjoratif plâtras, paperasse

-at état, institution secrétariat, pensionnat

-ateur objet, profession accumulateur, administrateur

-atoire lieu observatoire

-ature, - action ou son coupure, magistrature,


ure résultat, état, verdure, filature, chevelure
fonction, lieu,
collection

-eau, -elle diminutif drapeau, ruelle,


-ceau, - lionceau, lapereau,
ereau louveteau, arbrisseau
-eteau, -
isseau

-ée contenu, ayant cuillerée, matinée


rapport à

-(e)ment action ou son logement, recueillement,


résultat bâtiment

-er, -ier, - agent, réceptacle, écolier, herbier, archer,


ière arbre poirier, théière

-erie, -ie qualité, action, lieu fourberie, causerie, brasserie,


folie

-esse qualité finesse

-et, -ette, diminutif livret, fourchette, osselet,


-elet(te) tartelette
-eur qualité grandeur

-eur, - agent, instrument chercheur, plongeur,


euse youtubeur,
torpilleur, mitrailleuse,
bétonneuse

-ien, -éen profession, historien, lycéen, Parisien


nationalité

-il lieu chenil, courtil

-ille diminutif brindille, faucille

-in, -ine diminutif ou tambourin, tantine, gamin,


dépréciatif, carabin, diablotin, chopine,
substance caféine, grenadine,
térébenthine

-is lieu, résultat d’une logis, fouillis


action

-ise qualité sottise, débrouillardise,


maitrise

-isme disposition, chauvinisme, royalisme,


croyances, métier islamisme, journalisme

-ison action ou son guérison, trahison


résultat

-iste profession, qui archiviste, gréviste, apnéiste


s’occupe de
ou pratique le
-ite produit, maladie, anthracite, sulfite, méningite,
partisan bronchite, jésuite, sunnite

-itude qualité platitude, quiétude,


exactitude, latitude, altitude

-oir, -oire instrument, lieu arrosoir, baignoire

-on, -eron diminutif veston, aileron, caneton,


-eton, - oisillon
illon

-ose maladie, produit tuberculose, cellulose

-ot, -otte diminutif Pierrot, menotte

-oison action ou son pâmoison (› Variante -iason)


résultat

-té, -ité, - qualité fierté, authenticité,


eté citoyenneté, criminalité
Principaux suffixes formateurs d’adjectifs

SUFFIX
SENS EXEMPLES
ES

-able, - possibilité active blâmable, éligible


ible ou passive

-aire qui a rapport à, légendaire, lunaire,


qui a la forme triangulaire

-ais, -ois qui habite marseillais, namurois

-al, -el qui a le caractère royal, matinal, mortel,


de, relatif à professionnel

-an qui habite, disciple persan, catalan, mahométan,


de anglican

-ard qui habite, qui a le montagnard, savoyard,


caractère de vantard, thésard, mouchard,
(familier ou péjoratif) smicard, banlieusard, veinard

-âtre approximatif, noirâtre, rougeâtre, bellâtre,


péjoratif folâtre

-é qui a le caractère de azuré, imagé, iodé, âgé

-esque qui a rapport à livresque, romanesque,


cauchemardesque

-et, -elet diminutif propret, aigrelet

-eur, - caractère rageur, courageux, hargneux


eux
-er, -ier caractère mensonger, saisonnier

-ien qui habite, qui parisien, historien


s’occupe de

-if caractère tardif, craintif, coopératif,


subversif

-in caractère, diminutif enfantin, blondin, rouquin

-ique caractère, origine volcanique, ibérique

-issime superlatif richissime, énormissime

-iste caractère, relatif égoïste, socialiste, terroriste


à un parti

-ot diminutif pâlot, viellot, fiérot

-u qualité barbu, feuillu

-ueux qualité luxueux, majestueux

3. Suffixes formateurs de verbes


La grande majorité des nouveaux verbes est formée au moyen du
suffixe -er (liker, googler, ubériser, déradicaliser, vapoter, covoiturer,
téléverser) ; quelques-uns, beaucoup plus rares, sont en -ir : rougir,
maigrir, s’amochir, etc.
“ Tu les auras vus s’amochir à mesure qu’ils vieillissent.
(PIERRE MAGNAN, Le commissaire dans la truffière, 1978)


Certains verbes en -er sont formés au moyen d’un suffixe complexe,
qui leur fait exprimer une nuance diminutive, péjorative ou
fréquentative :

SUFF SUFF
EXEMPLE EXEMPLE
IXE IXE

-ailler trainailler -iller mordiller

-asser rêvasser -iner trottiner

-ayer bégayer -iser neutraliser

-eler bosseler -ocher effilocher

-eter voleter -onner chantonner

-eyer grasseyer -oter vivoter, neigeoter,


picoter

-(i)fier momifier -oyer foudroyer

De nombreux adverbes sont formés à l’aide du suffixe -ment. (›


Adverbes en -ment)
Remarque
La dérivation porte typiquement sur des formes simples, mais peut
également s’appliquer à l’un des éléments d’un mot composé (Sans-abri >
sans-abrisme, alors que *abrisme n’existe pas seul).
Le rapport pointe la nécessité impérieuse de prévenir les
expulsions locatives pour tarir à la source le sans-abrisme.
(TONINO SERAFINI, Libération, 6/12/2007)

4. La conversion
La conversion (aussi appelée dérivation impropre), sans changer
la forme des mots, les fait passer d’une catégorie grammaticale à
une autre.
a) Peuvent devenir noms :
1° des adjectifs : un malade, le beau, l’humanitaire ;
2° des infinitifs : le sourire, le savoir, un aller ;
3° des participes présents ou passés : un trafiquant, un raccourci,
une issue.

“ Le beau n’a qu’un type ; le laid en a mille. (V ICTOR HUGO,


Cromwell, 1827)


Remarque
En les faisant précéder de l’article, on peut donner à des pronoms, à des
impératifs, à des mots invariables, le caractère de noms : le moi, un rendez-
vous, le bien, les devants, de grands bravos.

b) Peuvent devenir adjectifs :


1° des noms : un ruban rose, un discours rasoir ;
2° des participes : un spectacle charmant, un livre illustré ;
3° des adverbes : des gens très bien.
c) Peuvent devenir adverbes des noms, des adjectifs : voir clair, voter
utile.
d) Peuvent devenir prépositions des adjectifs, des participes : plein
ses poches, durant dix ans, excepté les enfants.
e) Peuvent devenir conjonctions certains adverbes : Aussi j’y tiens.
Ainsi(= par conséquent) je conclus que…
f) Peuvent devenir interjections des noms, des adjectifs, des
formes verbales :
Attention ! Bon ! Suffit !
2. La composition
La composition est un mécanisme linguistique permettant de former
des mots nouveaux :

1. Composition avec des mots français

a) Définition
On forme des mots nouveaux en combinant entre eux deux ou
plusieurs mots français : chou-fleur, sourd-muet, portemanteau, pomme
de terre, super-héros. Cette combinaison peut résulter d’une
composition à partir de deux mots indépendants (homme-grenouille,
porte-serviette) ou du figement d’une locution : homme de paille, pain
d’épice, plante verte, etc. Quand les éléments qui entrent dans la
composition ne sont plus interprétés dans l’usage, il est fréquent
qu’ils soient agglutinés : gendarme, monsieur, passeport, vinaigre.
Si le trait d’union permet de marquer la différence entre certains
composés et un groupe syntaxique libre équivalent (il progresse sans
gêne vs un sans-gêne), il n’est pas en soi un critère suffisant de
reconnaissance des mots composés, car l’usage de celui-ci n’est
pas uniforme : on écrivait traditionnellement malappris, mais mal-
1
aimé (avec trait d’union ou soudure ) ; eau-de-vie, mais eau de rose
(avec ou sans trait d’union). Il faut donc chercher d’autres critères
pour définir les mots composés. (› Trait d’union)
Certains composés se caractérisent par des traits
morphosyntaxiques inhabituels. Par exemple, chaise longue se
caractérise par la postposition de l’adjectif qui serait devant le nom
dans un syntagme libre une longue chaise ; rouge-gorge (en plus du
trait d’union) se caractérise par l’antéposition de l’adjectif de couleur
et par le genre masculin qui renvoie à la catégorie oiseau, à laquelle
ressortit le composé, plutôt qu’au nom gorge.
La notion de figement permet de rendre compte de l’existence des
locutions dans la langue. Ces unités figées sont perçues comme un
seul mot (une unité lexicale) et mémorisées telles quelles, même si
elles se composent de plusieurs mots séparés par des blancs. Selon
la nature des mots simples avec lesquels ces unités composées
peuvent commuter, on parlera de locution nominale, locution
adjectivale, locution verbale, etc. Plusieurs critères (qui ne sont pas
toujours présents simultanément) permettent d’identifier le figement.
1° Critère référentiel : on peut identifier le référent unique qui est
globalement désigné par les locutions pomme de terre, fort en thème
ou galop d’essai et remplacer celles-ci par un mot simple
équivalent : légume, érudit, test.
2° Critère syntaxique : certaines locutions se démarquent des
règles ordinaires de la syntaxe (accord, concordance des temps,
etc.) :

“ Quelque chose est arrivé que nous ne sommes plus libres de


défaire. (JEAN-PAUL SARTRE, Les mouches, 1943)

Elle est pathétique, mais elle a l’air heureuse. (VIRGINIE


DESPENTES, Apocalypse bébé, 2010)


Elles peuvent également empêcher certaines transformations
telles que : la passivation (Max a fait fortune vs *La fortune a été faite
par Max), la nominalisation (ville haute vs *la hauteur de la ville), ou
l’adjonction d’un adverbe (boite noire vs *boite très noire).
3° Critère sémantique : le sens global de la locution n’est pas
toujours équivalent à la somme des parties dont elle se
compose : cordon-bleu (« fin cuisinier »), table ronde (« réunion où
les intervenants sont placés sur pied d’égalité »), boite noire
(« enregistreur des données de vol »). Ce critère est très
variable : par exemple, plante verte est plus facilement
compréhensible sur le plan littéral (on parle de transparence
sémantique) que boite noire dont le sens ne peut pas être
deviné.
Le phénomène du figement est dit gradable, car il y a des
séquences très figées qui refusent tout changement et d’autres qui
s’accommodent de certaines adaptations en fonction du contexte :
insertion de mots (avoir vraiment peur), accord du verbe (elle a fait
fortune), etc.

b) Noms composés de différentes


catégories
Ces procédés de création touchent toutes les catégories
grammaticales.
Noms nom + nom : homme-grenouille,
composés moissonneuse-lieuse, artiste peintre, timbre-
poste
nom + prép. + nom : homme de paille, tableau
de bord, tête à claques
nom + dét. + nom : Château-la-Pompe,
assurance tous risques
nom + adjectif : vinaigre, carte bleue, bande
dessinée, chaise longue
adjectif + nom : blanc-seing, rouge-gorge,
grand œuvre, nu-pieds, franc-maçon, vieux-
beau
prép. + nom : après-midi, à-coup, arrière-gout,
sous-verre
adverbe + nom : presqu’ile, plus-value, mal-
être, pis-aller, non-lieu
verbe + nom : cache-misère, garde-barrière,
taille-crayon
verbe + verbe : laisser-passer, savoir-faire

Locution sourd-muet, comme il faut


adjectivale

Locution faire fortune, rendre visite, savoir gré


verbale

Locution on ne peut plus, tout à fait


adverbiale

Locution en compagnie de, quant à


prépositionn
elle
Déterminant beaucoup de, une foule de
composé

Locution bien que, au cas où


conjonctive

Remarques
1. Quand l’expression verbale inclut d’autres éléments que le verbe lui-
même, on parle d’expression verbale figée (› Phrase figée) :
Il est temps d’arrêter les frais. (MARC BRESSANT, La citerne, 2009)
Les choses sont claires, il n’y a pas à chercher midi à quatorze
heures. (JEAN GIONO, Le hussard sur le toit, 1951)
Lucile aimait naviguer à contre-courant, mettre les pieds dans le
plat, se savait sous surveillance. (DELPHINE DE VIGAN, Rien ne
s’oppose à la nuit, 2011)
2. Le défigement consiste à détourner une expression figée en remplaçant
certains éléments normalement obligatoires ou en modifiant une structure
syntaxique normalement fixe :
Clara rosissante qui a mis les petits plats dans les
gigantesques. (DANIEL PENNAC, La petite marchande de prose,
1989) (Au lieu de mettre les petits plats dans les grands.)

2. Composition savante (avec


des mots grecs ou latins)

a) Définition
On forme des mots nouveaux en combinant entre eux des formants
grecs ou latins qui n’existent pas de manière autonome en français
(composition savante) ou en associant ceux-ci à un mot français
(composition hybride) :
grec + grec : phil-anthrope, baro-mètre, bio-graphie ;
grec + latin : stétho-scope, auto-mobile ;
français + grec : herbi-vore, cocaïno-mane ;
Ces compositions n’ont pas toujours eu lieu en français. La
formation peut être antérieure à un emprunt : baromètre a été formé
en anglais avant d’être emprunté en français ; philanthrope et
biographie existaient déjà en grec et sont donc des emprunts
savants. À l’inverse, herbivore (apparu en 1748) et philatélie (apparu
en 1864) sont des compositions françaises.
Comme on le voit, tantôt les éléments composants sont soudés,
tantôt ils sont reliés entre eux par le trait d’union, tantôt encore ils
restent graphiquement indépendants. Face à cette hésitation de
l’usage, on recommande la soudure dans les cas suivants
(› Recommandations pour les mots nouveaux) :
composés formés de contr(e)- et entr(e)- : entretemps,
contrexemple ;
composés formés d’extra-, infra-, ultra- : extraterritorial,
infrapaginal, ultracompliqué (la soudure est cependant évitée dans
les cas où un problème de prononciation surviendrait : intra-
utérin) ;
composés formés d’éléments savants (hydro-, baro-, socio-,
philo-) : hydrologie, bathyscaphe, barotraumatisme, sociopathe, etc.
les onomatopées et mots d’origine étrangère : froufrou, tictac,
weekend, etc.
Remarque
Dans de rares cas, l’ordre des éléments entrant dans la composition est
interchangeable et modifie le sens du mot. Ainsi, on oppose cruciverbiste
(« amateur de mots croisés ») et verbicruciste (« personne qui conçoit les
mots croisés »), mot de création plus récente.

b) Mots ou radicaux latins et grecs


Nombre de termes savants sont formés à l’aide de mots ou radicaux
(formants) latins et grecs.
Mots ou radicaux latins

FORMA
SENS EXEMPLES
NTS

agri- champ agricole

-cide qui tue parricide, suicide

-cole ayant rapport à la viticole, horticole


culture

-culture act. de cultiver apiculture, ostréiculture

-fère qui porte crucifère

-fique qui produit frigorifique

-fuge qui met en fuite, qui fébrifuge, centrifuge


fuit

-grade pas, degré plantigrade, centigrade

omni- tout omniscient, omnivore

-pare qui produit ovipare

-pède pied quadrupède

-vore qui mange granivore, carnivore


Mots ou radicaux grecs

SUFFIXE
SENS EXEMPLES
S

aéro- air aéroport, aérolite

-algie douleur névralgie

anthropo- homme anthropométrie

archéo- ancien archéologie

auto- soi-même autobiographie

bathy- profond, profondeur bathymétrie, bathyscaphe

biblio- livre bibliographie

bio- vie biographie, biodégradable

céphale tête céphalopode, microcéphale

chromo-, couleur chromosome, monochrome


-chrome

chrono-, - temps chronomètre, isochrone


chrone

cosmo-, - monde cosmographie, cosmonaute,


cosme microcosme

cratie, - pouvoir démocratie, aristocrate


crate

dactylo-, doigt dactylographie, ptérodactyle


-dactyle
dynamo- force dynamomètre

gast(é)r(o ventre gastéropode, gastroentérite


)-

-gène engendrant hydrogène, pathogène

géo- terre géologie, géographie

-gramme écrit, poids télégramme, décagramme

grapho-, - écrit, étude graphologie, biographie,


graphie, - sismographe
graphe

hydr(o)-, - eau hydrographie, anhydre


hydre

logo-, discours logopédie, biologie, dialogue


logie, -
logue

-mane, - folie cocaïnomane, mégalomanie


manie

méga(lo)- grand mégalithique

mono- seul Monothéisme

morpho-, forme morphologie,


-morphe anthropomorphe

nécro- mort nécrophage, nécrologie

neuro-, nerf neurologie, névropathe,


névr(o)- névralgie
-nome, - règle métronome, gastronomie
nomie

ortho- droit orthopédie

paléo- ancien paléographie

patho-, - maladie pathogène, psychopathe,


pathe, - télépathie
pathie

phago-, - manger phagocyte, aérophagie,


phagie, - anthropophage
phage

phil(o)-, - ami philatélie, philosophe,


phile bibliophile

-phobe, - haine anglophobe, agoraphobie


phobie

phono-, - voix, son phonétique, microphone,


phone, - téléphonie
phonie

photo- lumière photographie

ptéro-, - aile ptérodactyle, hélicoptère


ptère

-scope, - regard spectroscope, endoscopie


scopie

-technie science pyrotechnie

télé- loin téléphone, télévision


-thérapie guérison hydrothérapie

thermo-, - chaleur thermomètre, isotherme


therme

-tomie coupe laparotomie

Remarque
De manière plaisante, des dénominations de collections sont formées à partir
de formants grecs et latins : puxisardinophilie (« collection de boites de
sardines », du grec puxi « boite »), lécithiophilie (« collection de flacons de
parfum », du lat. lecythus « lécythe, fiole »), digiconsuériphilie (« collection
de dés à coudre », du lat. digitus « doigt » et consuere « coudre »).

3. Composition à partir de mots


abrégés
De nombreuses compositions sont également réalisées à partir de
mots abrégés dont la forme pourrait se confondre avec un formant
grec ou latin ou un autre affixe. On parle alors de fractomorphèmes
pour désigner ces formes. Par exemple, dans téléfilm et téléréalité,
télé- est une abréviation de télévision et non le formant grec télé-
(« loin ») que l’on retrouve dans les mots téléobjectif, télécopieur,
télévision.
De même, l’élément cyber- (tiré de cybernétique) est utilisé
dans une variété de composés évoquant les réseaux informatiques :
cyberespace, cyberattaque, cyberterroriste, etc. Dans bioingénieur ou
biodégradation on retrouve bien le sens du mot grec bios qui a servi à
construire biologie ou biologique (désignant de manière générale la
vie en tant que phénomène organique), alors que dans bioplanète
(nom de magasins spécialisés dans la vente de produits issus de
l’agriculture biologique), il s’agit d’une composition à partir du mot
autonome bio (adjectif ou substantif), abrègement de biologique
dans le sens « issu de l’agriculture biologique ».

“ Sauf qu’elle est soprano à l’Opéra de Cologne, pas


chanteuse dans des émissions de téléréalité. (MICHEL BUSSI,
Le temps est assassin, 2016)


3. Composition à partir de mots
abrégés
De nombreuses compositions sont également réalisées à partir de
mots abrégés dont la forme pourrait se confondre avec un formant
grec ou latin ou un autre affixe. On parle alors de fractomorphèmes
pour désigner ces formes. Par exemple, dans téléfilm et téléréalité,
télé- est une abréviation de télévision et non le formant grec télé-
(« loin ») que l’on retrouve dans les mots téléobjectif, télécopieur,
télévision. De même, l’élément cyber- (tiré de cybernétique) est utilisé
dans une variété de composés évoquant les réseaux informatiques :
cyberespace, cyberattaque, cyberterroriste, etc. Dans bioingénieur ou
biodégradation on retrouve bien le sens du mot grec bios qui a servi à
construire biologie ou biologique (désignant de manière générale la
vie en tant que phénomène organique), alors que dans bioplanète
(nom de magasins spécialisés dans la vente de produits issus de
l’agriculture biologique), il s’agit d’une composition à partir du mot
autonome bio (adjectif ou substantif), abrègement de biologique
dans le sens « issu de l’agriculture biologique ».
“ Sauf qu’elle est soprano à l’Opéra de Cologne, pas
chanteuse dans des émissions de téléréalité. (MICHEL BUSSI,
Le temps est assassin, 2016)


3. Autres procédés de formation

a) Onomatopées
Les onomatopées sont des mots imitatifs qui reproduisent
approximativement certains sons ou certains bruits : cocorico,
glouglou, tictac, froufrou.

Remarque
Les onomatopées sont souvent formées par réduplication d’une même
syllabe. On notera qu’elles ne reproduisent jamais exactement les bruits ou
les cris dont elles voudraient donner une représentation phonétique. Le cri du
canard, par exemple, évoqué en France par couincouin, l’est en Italie par
qua-qua, en Allemagne par gack-gack (gick-gack, pack-pack, quack-
quack), en Angleterre par quack, au Danemark par rap-rap, en Hongrie par
hap-hap.

b) Sigles et acronymes
Les locuteurs résistent naturellement aux mots trop longs, et
souvent, les abrègent. Un premier mécanisme consiste à réduire
une expression à un sigle constitué de ses seules lettres initiales :
TVA (= taxe sur la valeur ajoutée), ULM (= ultra-léger motorisé), MDR
(= mort de rire), équivalent de l’anglais LOL (= laughing out loud),
RAS (= rien à signaler). Si ce sigle constitue un mot prononçable
comme un mot simple, on le qualifie d’acronyme : sida (= syndrome
d’immunodéficience acquise), OTAN (= Organisation du traité de
l’Atlantique Nord), LIFRAS (= Ligue francophone de recherches et
d’activités subaquatiques).
c) Abrègement
Un second mécanisme repose sur la suppression d’une partie du
mot : l’abrègement du mot peut porter sur les syllabes finales ou
initiales : auto(mobile), ciné(ma)(tographe), micro(phone),
métro(politain), (auto)bus. Le succès de certaines formes abrégées
peut être tel que le mot original tombe en désuétude ou ne subsiste
que dans des contextes littéraires :

“ On y trouvait un rythme saccadé à l’image de ce


cinématographe dont les salles couvraient peu à peu les
boulevards de Paris et de la province. (NICOLAS D’ESTIENNE
D’ORVES, La gloire des maudits, 2017)


Remarques
1. À l’origine LOL et MDR étaient exclusivement utilisés à l’écrit, dans les
échanges électroniques (SMS, courrier électronique, etc.) où ils servaient
de marquage énonciatif signifiant que l’on ne doit pas prendre au sérieux
ou que l’on trouve très drôle un passage que l’on vient de lire ou d’écrire.
L’usage s’est diversifié et l’on retrouve aujourd’hui ces deux formes
utilisées comme adjectifs (= hilare) ou substantifs (= éclat de rire) et même
à l’oral dans des expressions du type J’étais trop MDR. ou Hé, LOL,
hein ! Cette seconde expression assume la fonction originale : il s’agit
d’un commentaire signifiant que ce qui précède dans la discussion ne doit
pas être pris au sérieux. On remarquera que LOL et MDR ne sont pas
interchangeables dans ces expressions qui présentent un certain degré de
figement.
Je suis écrivain, ajoutais-je (wo shi zuodjia), et LOL des trois
filles qui s’esclaffaient de plus belle. (JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT,
Made in China, 2017)

Certaines mesures ne méritent comme commentaires qu’un


lol mêlé d’un mdr (mort de rire). (NICOLAS DE PERETTI, Le Monde,
10/04/2009)

Alors là je suis trop MDR, comment en 1 semaine un éduc


peut il arriver a changer un ado ? (CRAPAT16, Forum de
Charentelibre.fr, 25/02/2012)
2. Les sigles ou acronymes constituent de nouvelles unités qui peuvent à leur
tour faire l’objet de dérivation (RMI > rmiste, PACS > pacser).
C’est à ce moment qu’il l’a traînée au tribunal pour se pacser.
(VIRGINIE DESPENTES, Vernon Subutex 3, 2017)
3. On se gardera de confondre abrègement et abréviation. Dans le premier
cas, il s’agit d’un phénomène lexical qui produit un nouveau mot (ciné,
bus, etc.). Dans le second, il s’agit d’un phénomène purement graphique
visant à écrire le mot de manière plus courte : M. (= monsieur), Mme
(= madame), tél. (= téléphone). Le « langage SMS » est particulièrement
riche en abréviations dont beaucoup sont créées librement par les
utilisateurs sans référence à une norme : oj (« aujourd’hui »), pq
(« pourquoi » ou « parce que »), etc.

d) Analogie, contamination,
étymologie populaire, tautologie
Parmi les actions qui s’exercent dans le domaine de la formation des
mots et des expressions, il y a lieu de signaler encore : l’analogie, la
contamination, l’étymologie populaire et la tautologie.
L’analogie est une influence assimilatrice qu’un mot exerce sur un
autre au point de vue de la forme ou du sens ; ainsi bijou-t-ier a un t
d’après les dérivés comme pot-ier, cabaret-ier ; amerr-ir a deux r
devant le suffixe d’après atterr-ir (contrairement aux exemples
précédents, ici l’adaptation est purement graphique, elle ne s’entend
pas à l’oral).
La contamination est une sorte de croisement de deux mots ou
expressions d’où résulte un mot ou une expression où se retrouve
un aspect de chacun des éléments associés : ainsi le tour je me
souviens (aujourd’hui tout à fait commun) est issu de la
contamination de je me rappelle et il me souvient.

“ Faut-il qu’il m’en souvienne


La joie venait toujours après la peine.
(GUILLAUME APOLLINAIRE, Le pont Mirabeau, 1912)


La tautologie est une expression pléonastique qui revient à dire
deux fois la même chose, généralement par répétition littérale : au
jour d’aujourd’hui.
Remarques
1. Un gallicisme est une construction propre et particulière à la langue
française (impossible à traduire littéralement dans une autre langue) : il ne
voit goutte ; je me porte bien, à la bonne heure (à ne pas confondre
avec l’autre sens de gallicisme : « emprunt fait au français pas une autre
langue »).
D’ailleurs même dans le même pays, chaque fois que
quelqu’un regarde les choses d’une façon un peu nouvelle, les
quatre quarts des gens ne voient goutte à ce qu’il leur montre.
(MARCEL PROUST, Le côté de Guermantes, 1920)
Ce petit chéri se porte bien, très belle flamme. (ALBERT COHEN,
Belle du Seigneur, 1998)

C’est votre ami, à la bonne heure ! Monsieur a tout à fait l’air


d’un galant homme. (DENIS DIDEROT, Jacques le fataliste et son
maître, 1796)
2. Un barbarisme est une incorrection d’ordre lexicologique ou
morphologique ; il consiste à donner à un mot une forme ou un sens que
n’autorisent pas le dictionnaire ou la grammaire, par exemple : ils
s’asseyèrent (pour ils s’assirent), c’est l’acceptation ordinaire de ce
mot (pour c’est l’acception ordinaire de ce mot), aéropage (pour
aréopage), infractus (pour infarctus), etc.
3. Un solécisme est une incorrection d’ordre syntaxique, par exemple par
non-respect des règles de l’accord du verbe ou de l’emploi de tel ou tel
mode. Il crie trop que pour être pris au sérieux (au lieu de : Il crie trop
pour être pris au sérieux). (› Préposition sur)
4. Solécismes et barbarismes sont deux notions qui ne prennent de sens
qu’en rapport avec une norme dont ils s’éloignent. Certains usages perçus
à une époque comme déviants peuvent s’imposer avec le temps. Par
exemple, l’usage de la préposition sur semble évoluer et s’éloigner de la
norme, sous l’influence d’expressions parisiennes. D’origine populaire ou
familière, des expressions telles que travailler sur Paris ou habiter sur
Paris, s’entendent de plus en plus dans les médias au lieu de travailler à
Paris, près de Paris.
CHAPITRE 4

Les mots apparentés


1. Les homonymes
2. Les paronymes
3. Les synonymes
4. Les antonymes

Une famille de mots est l’ensemble de tous les mots qui peuvent se
grouper autour d’un radical commun d’où ils ont été tirés par la
dérivation et par la composition : arme, armer, armée, armement, armure,
armurier, armet, armoire, armoiries, armorier, armoriste, armorial, armateur,
armature, désarmer, désarmement, alarme, alarmer, alarmant, alarmiste,
armistice.

“ J’ai songé à m’armer, ajoute Daniel Longérinas : un pistolet


d’alarme ? (MORGAN SPORTÈS, Ils ont tué Pierre Overney, 2008)


Remarques
1. Parfois, comme c’est le cas dans la famille du mot arme, le radical n’a subi
aucune modification, mais le plus souvent le radical des mots d’une même
famille se présente sous plusieurs formes : la famille de peuple, par
exemple, offre les radicaux peupl, popul, publ : peuplade, populaire,
public, etc.
2. La relation historique qui lie deux mots entre eux n’est plus toujours perçue
par l’usager : peu de gens associent pain à panier ou sel à salade. À
l’inverse, l’étymologie populaire établit parfois (sur la base de
ressemblances formelles et/ou sémantiques) des rapports entre mots qui
n’ont pourtant pas d’histoire commune. On pourrait ainsi être tenté de voir
un lien étymologique entre forain et foire qui sont formellement proches et
qui ont apparemment un rapport de sens puisque le forain travaille sur la
foire (mais forain vient du bas lat. foranus, « étranger » et foire du bas lat.
feria, « marché ») ; il en est de même avec la tentation de rapprocher
habits et s’habiller sous prétexte que les habits c’est pour s’habiller (alors
que habits vient du lat. habitus, « tenue » et habillé du gaulois bilia, « tronc
d’arbre »).

Au-delà des familles mots et des phénomènes de composition et


dérivation, on peut également identifier au sein du lexique différents
types de relations de forme et de sens entre les mots.
1. Les homonymes
Les homonymes sont des mots de prononciation identique
(homophones), mais différant par le sens et souvent par
l’orthographe (les homonymes ne sont donc pas nécessairement
homographes) :
Livre (d’images), livre (de beurre).
Chair, cher, chère, chaire.
Voler (quelque chose), voler (comme un oiseau).
2. Les paronymes
Les paronymes sont des mots proches l’un de l’autre par leur forme
extérieure (orthographe et sonorité), mais de sens différents (par ex.
conjoncture et conjecture, évènement et avènement). Seuls sont
considérés comme paronyme les mots que l’usager est susceptible
de confondre, ce qui n’est pas le cas de roi et loi, par exemple.
Exemples de paronymes.
Conjoncture : « situation qui Conjecture : « hypothèse,
résulte de circonstances opinion fondée sur des
particulières » apparences »

Évènement : « des faits, Avènement : « commencement


quelque chose qui arrive, du règne de quelque chose »
survient » (Voir exemple ci-
dessous.)

Empreint : « marqué, qui porte Emprunt : « somme d’argent


l’empreinte de quelque chose » empruntée, obtenue en prêt »

Effraction : « bris de serrure ou Infraction : « violation d’une


clôture » règle »

Éruption : « émission de lave et Irruption : « apparition


de cendres par un volcan » soudaine, entrée en force »

Luxurieux : « débauché, porté Luxuriant : « qui pousse avec


à la luxure » abondance »

Mettre à jour : « actualiser des Mettre au jour : « révéler,


informations, un dossier » rendre public »

Original : « objet primitif, de Originel : « qui date de


référence, dont il est fait des l’origine »
copies »

Partial : « qui prend parti » Partiel : « qui n’est pas


complet »

Précepteur : « personne Percepteur : « celui qui perçoit


chargée de l’éducation ou de les impôts »
l’instruction d’un individu »
Prescrire : « recommander » Proscrire : « interdire »

Vénéneux : « organisme ou Venimeux : « animaux ou


substance contenant un végétaux qui produisent un
poison » (Voir exemple ci- venin »
dessous.)

On peut jouer sur l’assonance de paronymes et produire un effet de


sens. C’est ce que fait l’auteur de l’exemple suivant en altérant la
collocation évènement à répétition :

“ Depuis quand les évènements s’annoncent-ils, chère


madame ? – Un avènement, alors… – Tous les
magnétoscopes se sont déclenchés d’un coup à la première
seconde de cet avènement, fit observer Lekaëdec. À l’heure
qu’il est, le film du vieux Job est un avènement à répétition !
(DANIEL PENNAC, Monsieur Malaussène, 1995)


Par exemple :
“ Lepré est vénéneux, mais joli en automne. (GUILLAUME
APOLLINAIRE, Les colchiques, 1913)

Le plus souvent, de peur de recevoir un coup de dard


venimeux, elles préfèrent abandonner leurs prises. (BERNARD
WERBER, Le jour des fourmis, 1992)


Remarques
1. Il faut mieux pour il vaut mieux est une confusion assez répondue que l’on
retrouve chez des auteurs illustres :
Si vous n’osez pas regarder ce spectacle en face, madame, je
crois qu’il faut mieux vous crever les yeux. (JEAN GIONO, Le
hussard sur le toit, 1951)

Il me fit signe alors qu’il faudrait mieux que je demande d’abord


l’avis à Madelon. (LOUIS-FERDINAND CÉLINE, Voyage au bout de la
nuit, 1932)
2. Les mots attention et intention ne sont généralement confondus que dans
les locutions à l’attention de et à l’intention de. La locution à l’attention
de est une « formule administrative précisant le destinataire d’une
communication ou d’un envoi. À l’attention de monsieur le préfet. »
(Dictionnaire de l’Académie). On retrouve donc typiquement cette
formule au dos d’une enveloppe ou en tête de lettre. De son côté, la
locution à l’intention de signifie « pour, au bénéfice de ».
On remarque cependant que dans le contexte de la correspondance,
quand il est question de messages, de lettres, la locution à l’attention de
est régulièrement utilisée en remplacement de à l’intention de :
Une lettre avait été déposée à son attention et la personne avait
insisté pour qu’elle fût remise sans délai. (VINCENT ENGEL, Le
miroir des illusions, 2016)

Il archive soigneusement les réponses qu’il rédige à son


attention, faute de pouvoir les lui faire parvenir. (VIRGINIE
DESPENTES, Vernon Subutex 2, 2015)
La seconde locution est parfaitement acceptable également :
À peu près deux mois après l’entrevue de Mai avec le
général, un messager déposa à l’hôpital un billet à son
intention. (NGUYEN HOAI HUONG, L’ombre douce, 2013)
En dehors de ces contextes, l’usage semble plus discutable.
On retrouve également à l’attention de dans l’expression figée porter à
l’attention de (= faire connaitre, faire savoir), construite sur le même moule
que soustraire à l’attention de :
La lumière tombait si implacable du ciel devenu fixe que l’on
aurait voulu se soustraire à son attention. (MARCEL PROUST, Du
côté de chez Swann, 1913)
3. Les synonymes
Les synonymes sont des mots qui appartiennent à la même classe
grammaticale et présentent de fortes analogies de sens, mais
différant entre eux par des nuances d’acception : châtier, punir ;
casser, rompre, briser.
4. Les antonymes
Les antonymes ou contraires sont des mots qui, par le sens,
s’opposent directement l’un à l’autre : riche, pauvre ; naitre, mourir.

Remarques
1. Les liens de synonymie ou d’antonymie s’établissent entre des sens
particuliers et non globalement entre des mots. Par exemple, en fonction
du sens choisi, fort aura pour synonyme : épicé, gros, costaud, doué,
etc. et pour antonyme : doux, maigre, faible, nul, etc.
2. L’opposition de sens des antonymes peut se caractériser de différentes
manières : comme des valeurs binaires exclusives (mort / vif ; vrai / faux),
comme des bornes sur une échelle graduée (chaud / froid ;
riche / pauvre), comme les aspects opposés d’une réalité
réversible (monter / descendre ; haut / bas ; vendre / acheter).
PARTIE 3

Les classes grammaticales

CHAPITRE 1
Le nom

CHAPITRE 2
Le déterminant

CHAPITRE 3
L’adjectif qualificatif

CHAPITRE 4
Le pronom

CHAPITRE 5
Le verbe

CHAPITRE 6
L’adverbe

CHAPITRE 7
La préposition

CHAPITRE 8
La conjonction

CHAPITRE 9
L’interjection
CHAPITRE 1

Le nom

1. Définitions et types
2. Le genre du nom
3. Le nombre du nom
4. Le groupe nominal
1. Définitions et types
Le nom ou substantif est un mot qui sert à désigner les êtres, les
choses, les idées : Louis, livre, chien, gelée, bonté, néant.
Le nom simple est formé d’un seul mot : ville, chef. Le nom
composé est formé par la réunion de plusieurs mots exprimant une
idée unique et équivalant à un seul nom : chemin de fer, arc-en-ciel,
tire-au-flanc.
Une locution nominale est une réunion de mots équivalant à un
nom, c’est-à-dire pouvant lui être substituée au sein d’une phrase :

“ er
Nous aurons beaucoup d’autres 1 janvier pour échanger
des vœux. (ÉDOUARD ESTAUNIÉ) (= Nous aurons beaucoup d’autres
er
dates pour échanger des vœux. 1 janvier n’est pas un mot composé et n’est
pas non plus une expression figée. C’est une locution nominale, un assemblage
de mots pouvant être substitué à un nom.)


Bon nombre de locutions nominales sont figées (c’est-à-dire qu’on
ne peut pas modifier les éléments dont elles se composent ou leur
ordre). Elles peuvent alors être lexicalisées, c’est-à-dire enregistrées
comme une unité à part entière du lexique, et fonctionner comme un
mot composé : un m’as-tu vu, le qu’en dira-t-on, un sot-l’y laisse, un moins
que rien, etc.
“ Les vieilles pierres de granit exhalaient un je ne sais quoi
d’éternel féminin. (VÉRONIQUE PINGAULT, Les maisons aussi
ont leur jardin secret, 2015) (› Composition et figement)


Les noms possèdent un genre (dauphin est masculin, baleine est
féminin) et sont susceptibles de varier en nombre. Au sein d’une
phrase, le nom constitue le noyau du groupe nominal, c’est-à-dire
son point central. Il peut être précédé d’un déterminant et
éventuellement complété de différents éléments. (› Groupe nominal)

1. Noms communs
Le nom commun est celui qui convient à tous les êtres ou objets
d’une même espèce. Il est pourvu d’une signification, d’une
définition : tigre, menuisier, table.

a) Noms concrets et noms abstraits


Le nom concret est celui qui désigne un être ou une chose réels,
ayant une existence propre, perceptible par les sens : plume, fleuve,
neige.
Le nom abstrait est celui qui désigne une action, une qualité, une
propriété considérée comme existant indépendamment du sujet qui
l’exerce ou la possède : envol, patience, épaisseur, amour.
Certains noms peuvent avoir une acception abstraite et une autre
concrète : cuisine (« pièce de la maison », au sens concret vs « art
de cuisiner », au sens abstrait) ; cadre (« bordure qui marque la
limite », au sens concret vs « environnement, contexte », au sens
abstrait).

b) Noms individuels et noms collectifs


Le nom individuel est celui qui désigne un individu, un objet
particulier : jardin, ballon, pomme.
Le nom collectif est celui qui, même au singulier, désigne un
ensemble, une collection d’êtres ou d’objets : foule, tas, troupeau.

c) Noms comptables et noms massifs


Les noms comptables désignent les choses que l’on peut compter.
Ils peuvent être accompagnés d’un numéral : pied, chien, pétales. Les
noms massifs désignent des réalités continues que l’on ne
dénombre pas : neige, sable, air. Cette opposition concerne surtout
les noms concrets.
Remarque
Une description détaillée nécessite d’aller plus loin dans la définition des
classes. Par exemple, pour valider les phrases dans lesquelles le verbe
téléphoner peut être utilisé, il est utile d’introduire la classe « humain » : N-
humain téléphone à N-humain. Le recours à de telles classes sémantiques
(que les linguistes appellent classes d’objets) permet de caractériser
l’emploi de certains verbes. Par exemple, on peut distinguer les emplois de
prendre à l’aide de différentes classes d’objets : prendre un <chemin>
(= emprunter une route) ; prendre une <boisson> (= boire ou commander) ;
prendre un <train> (= utiliser un moyen de transport), etc. On retrouve ce
besoin de précision dans les définitions des dictionnaires. Par exemple, le
Petit Robert définit manger par « avaler pour se nourrir (un aliment solide ou
consistant) » signifiant ainsi que le verbe manger peut se construite avec un
élément appartenant à la classe des aliments solides ou consistant : on peut
manger une pomme, mais pas manger une limonade. De même, dans
l’article consacré à éteindre, on distingue à côté du sens « faire cesser de
brûler ou d’éclairer » le sens « faire cesser de fonctionner (un appareil
électrique) », à nouveau en référence à une classe particulière.

2. Noms propres
Par opposition, le nom propre ne convient qu’à un seul être ou objet
ou à un groupe d’individus de même espèce : Jean, Liège, les
Québécois, Le Louvre, ONU, la Callas. Ils prennent toujours une
majuscule et sont généralement invariables. On inclut dans cette
catégorie :
les noms de lieux (toponymes) : voies (rues, avenues, place,
etc.), villages, villes, régions, pays, iles, montagne, monuments,
étoiles, planètes (à l’exception de la terre, la lune et le soleil qui
sont des noms communs) : le mont Blanc, l’aiguille du Midi, Paris, la
Corse, Jupiter, etc.
les noms des cours d’eau et des étendues d’eau (hydronymes) :
rivières, fleuves, canaux, étangs, lac, mers, etc. : le Rhin, l’Ourthe,
la Mer Méditerranée, la mer des Caraïbes, etc.
les noms de personnes : noms de famille, prénoms,
pseudonymes et sobriquets. Ces derniers font référence à une
caractéristique physique ou morale ou à une anecdote qui
concerne directement la personne désignée comme Poil de
carotte.

“ Poil de carotte [...] Elle donne ce petit nom d’amour à son


dernier-né, parce qu’il a les cheveux roux et la peau tachée.
(JULES RENARD, Poil de carotte, 1894)


De leur côté, les noms de famille, même s’ils ont un sens qui
s’explique historiquement (Langlais, Lebreton, etc. sont basés sur des
noms géographiques ; Boulenger, Fournier, Fabre, etc. réfèrent à des
noms de métier ; les noms de famille correspondant à des prénoms
font allusion à la filiation : Martin Pierre = Martin fils de Pierre),
s’appliquent de manière générique.
Remarque
Dans les noms propres composés, certains mots ne prennent pas de
majuscule. C’est le cas :
de l’article ou de la préposition dans les surnoms (1,2). Mais la règle n’est
pas toujours appliquée de manière systématique (3). Il y a également des
exceptions : par exemple, Le Corbusier (surnom de l’architecte français
Charles-Édouard Jeanneret-Gris) s’écrit toujours avec une majuscule (4) ;
Au-dessus, sur le mur, s’étalaient de gauche à droite des
posters de la Callas, Che Guevara, les Doors et Attila le Hun.
(BERNARD WERBER, La Révolution des fourmis, 1996) (1)
Lanternes, poignards, gourdins. Scène violente et confuse,
faite pour Rembrandt ou le Caravage.
(EMMANUEL CARRÈRE, Le Royaume, 2014) (2)
Sous l’auréole du sacré, Michelangelo Merisi, dit Le
Caravage, a bouleversé la peinture. (DANIEL Rondeau, Malta
Hanina, 2012) (3)
Comme les marxistes, comme les libéraux, Le Corbusier était
un productiviste. (MICHEL HOUELLEBECQ, La carte et le
territoire, 2011) (4)
de la particule de noblesse : Jean de La Fontaine, Madame de Sévigné,
le marquis de Sade ;
des noms communs génériques qui apparaissent dans les noms
géographiques. Ces noms sont fréquemment composés d’un générique
(océan, avenue, place, école, etc.) et d’un spécifique (nom ou adjectif).
Le générique s’écrit généralement sans majuscule : la mer Méditerranée,
la fosse des Mariannes, l’aiguille du Midi, l’autoroute du Soleil, le pont
des Soupirs, le barrage de la Plate Taille, la baie du Saint-Laurent, le
mur des Lamentation, l’ile de Ré, etc.
Quand le déterminant fait partie du nom propre, il commence par une
majuscule : Le Mans, Le Touquet, La Mecque, etc.

Un nom propre peut être utilisé en lieu et place d’un nom commun,
pour évoquer un trait de caractère particulier du personnage dont on
emprunte le nom (un tartuffe, « un hypocrite », un don juan, « un
séducteur », un mécène, « un donateur soutenant une cause de
manière désintéressée », etc.), en référence à un inventeur (un
newton, « unité de mesure de la force », un pascal, « unité de mesure
de la pression », etc.) ou encore en référence à la marque d’un
produit donné (kleenex pour « mouchoirs en papier », frigidaire pour
« armoire frigorifique », scotch pour « ruban adhésif »). Cette figure
de style consistant à un utiliser un nom propre comme un nom
commun est appelée antonomase. Celle qui ont du succès se
lexicalisent et finissent par être utilisées sans majuscule et ils
peuvent s’accorder comme des noms communs ordinaires. On les
retrouve dans les dictionnaires. Le passage du nom propre avec
majuscule au nom commun avec minuscule est progressif.

“ Ils se consacraient aux relations publiques auprès des


mécènes du moment. (MICHEL HOUELLEBECQ, La carte et le
territoire, 2011)

Cela faisait une sacrée brochette de don juans. (JEAN-


CHRISTOPHE GRANGÉ, Le passager, 2011)


Les noms propres peuvent servir de base à la dérivation d’autres
unités lexicales (› Dérivation) :
“ Selon Kierkegaard dans son Traité du désespoir, l’homme
connaît trois âges : celui de la jouissance esthétique et
donjuanesque, celui du doute faustien, celui du désespoir.
(SYLVAIN TESSON, Dans les forêts de Sibérie, 2011)

Un corps enfin délivré de la tartufferie puritaine et qui


s’abandonnait outrageusement à la volupté. (LYDIE
SALVAYRE, Hymne, 2011)

Espèces lessepsiennes. Bien identifiées, ces espèces


[invasives de Méditerranée] tirent leur nom du vicomte
français Ferdinand de Lesseps, architecte du Canal (1859-
1869). (MARTINE CARRET, Le Parisien, 07/08/2015)


Le genre peut aussi varier : Mécène est à l’origine un personnage
masculin, mais le nom commun qui en dérive se voit régulièrement
féminisé :

“ Une mère et une mécène. (D AVID FOENKINOS, Charlotte,


2014)

« La millionnaire », comme l’appelaient les Ouïghours dans


les années 90, était aussi une mécène qui lança une ONG
pour sortir de la pauvreté un millier de femmes ouïghoures.
(PHILIPPE GRANGEREAU, Libération, 08/07/2009)


2. Le genre du nom
Le français a deux genres : le masculin et le féminin.
Pour les noms d’êtres animés il y a en général correspondance
entre le genre grammatical (masculin/féminin) et le genre naturel des
sexes (mâle/femelle). Les noms sont, en général, du genre
masculin quand ils désignent des hommes ou des animaux mâles ;
on peut les faire précéder de un, le (l’) : le père, un cerf. Ils sont du
genre féminin quand ils désignent des femmes ou des animaux
femelles ; on peut les faire précéder de une, la (l’) : la mère, une
brebis.
Les noms d’êtres inanimés ou de notions abstraites sont, sans
variation, les uns masculins, les autres féminins ; leur genre
s’explique par des raisons d’étymologie, d’analogie ou de forme. Le
déterminant qui les accompagne indique leur genre :


Et puis, à la fin, la terre emportait la forme du bateau dans
sa courbure. (MARGUERITE DURAS, L’amant, 1984) (La fin, la
terre, la forme, sa courbure : féminin ; du bateau : masculin.)


1. Le féminin des noms animés
Au point de vue orthographique, le féminin des noms d’êtres animés
se marque :
a) en général, par ajout d’un e à la forme masculine (député >
députée, apprenti > apprentie, avocat > avocate) ;
b) par modification ou addition de suffixe (maire > mairesse,
programmeur > programmeuse) ;
c) par une forme spéciale, de même radical cependant que celle
du masculin (canard > cane) ou encore par un terme spécial
dont le radical est entièrement différent de celui du masculin
(coq > poule, oncle > tante).
Il faut noter en outre que, pour certains noms d’êtres animés, il n’y a
pas de variation de forme selon le genre. Dans ce cas, c’est la
déterminant qui marque le genre : une élève vs un élève. (›
Féminisation)
La catégorie des noms de métiers, grades et titres fait l’objet
d’une attention particulière depuis quelques années. Différents pays
de la francophonie ont publié des règles destinées à féminiser ces
noms. Ces règles, le plus souvent rédigées par des commissions de
linguistes, respectent les principes généraux en usage dans la
langue. Elles ont force de loi dans les textes officiels et les
documents administratifs, mais elles ne peuvent bien sûr être
contraignantes pour les particuliers. C’est l’usage qui tranchera avec
1
le temps. Nous illustrerons les règles morphologiques concernées
avec des exemples de métiers et un résumé complet des règles
appliquées dans ce domaine est disponible en annexe.

a) Addition d’un -e
On obtient le féminin de la plupart des noms d’êtres animés en
écrivant à la fin de la forme masculine un e, qui souvent ne se
prononce pas.
Ami, amie [ami].
Ours, ourse [uʀs].
Dans certains cas, l’ajout du e est facultatif :
Professeur, une professeure [pʀɔfesœʀ] ou une professeur.
Remarque
Selon les règles de féminisation, une professeur s’écrit sans e final. Mais
certains, adoptant une habitude provenant du Québec et de la Suisse
écrivent tout de même une professeure, avec un e final.
Peu d’hommes ont eu la chance d’avoir une professeur aussi
douce, douée et affectueuse pour les introduire aux subtilités
de l’amour physique. (NANCY HUSTON, Danse noire, 2013)
Une jeune femme… (Barnes jeta un regard à son dossier et
reprit :) Fanny Ferreira. Une professeur, à l’université. (JEAN-
CHRISTOPHE GRANGÉ, Les rivières pourpres, 1997)
Après son accident, elle était devenue professeure à la
School of American Ballet tout en participant à la mise en
scène de quelques comédies musicales à Broadway.
(GUILLAUME MUSSO, La fille de papier, 2010)

Dans les noms terminés au masculin par une voyelle, l’adjonction


du e au féminin n’entraine pas, quant à la prononciation,
l’allongement de cette voyelle finale : les voyelles i et u ont la même
durée dans amie, têtue que dans ami, têtu. Il devrait en être de
même avec les noms de métier forgé de cette manière : une chargée
de cours, une députée, une préposée, une apprentie, etc.

Remarque
Il existe cependant dans de nombreuses régions de la francophonie une
tendance à marquer la différence dans la prononciation par un allongement
de la voyelle finale au féminin : une députée [yndepyteː]. (› Durée des
voyelles)
Dans les noms terminés au masculin par une consonne,
l’adjonction du e au féminin :
a) tantôt ne modifie pas la prononciation du nom : aïeul, aïeule
[ajœl] ;
b) tantôt fait reparaitre, dans la prononciation, la consonne finale
qui (sauf en liaison) ne se prononce pas au masculin :
marchand, marchande [maʀʃã], [maʀʃãd] ; parent, parente [paʀã],
[paʀãt] ;
c) tantôt, comme on va le constater, provoque un redoublement
ou une modification de cette consonne finale, avec parfois une
modification (phonétique ou même orthographique) de la
voyelle qui précède. Ces changements sont présentés de
manière synthétique dans le tableau suivant.
Effets de l’ajout du e Exemples Remarques

La consonne finale se prononce, mais ne change pas

Simple ajout d’un e sans avocat, avocate ; idiot, Exceptions : chat,


doublement de idiote chatte ; linot, linotte ;
consonne une agente, sot, sotte
-at, -ot → -ate, -ote une experte, une
lieutenante, une
magistrate,
une marchande, une
présidente, une
principale

Doublement de la intellectuel, 1. Les mots en -eau


consonne finale : intellectuelle ; Gabriel, (masc. ancien en -el) font
-el → -elle Gabrielle leur féminin en -elle :
un contractuel, une chameau, chamelle.
contractuelle 2. À côté des féminins
Michelle et Danielle
existent aussi les formes
Michèle et Danièle.
3. Fou (autrefois fol) a
pour féminin folle.

Doublement de la cadet, cadette ; Exception : préfet,


consonne finale et coquet, coquette préfète, avec un accent
changement grave sur le e qui précède
phonétique : le t.
-et → -ette
Effets de l’ajout du e Exemples Remarques

Doublement de la gardien, gardienne Pour Lapon, Letton,


consonne finale et [gaʀdjɛ]̃ , [gaʀdjɛn] Nippon, Simon, l’usage
changement phonétique une chirurgienne, hésite : une Lapone ou
(dénasalisation) : une doyenne, une Laponne, une Lettone
-en, -on → -enne, - mécanicienne, une ou Lettonne, une
onne pharmacienne Nippone ou Nipponne,
baron, baronne Simone ou Simonne
[baʀɔ̃], [baʀɔn] ; maçon, mais le redoublement du
maçonne ; bucheron, n semble plus rare.
bucheronne Exception : compagnon
> compagne.

Changement phonétique orphelin, orpheline ; Les mots suivants font


sans redoublement du - châtelain, châtelaine ; exception :
n: gitan, gitane Jean, Jeanne ; paysan,
-in (-ain), -an → -ine, - échevine, artisane paysanne ;
ane valaisan, valaisanne ;
veveysan, veveysanne.

Changement phonétique berger, bergère


([e] devient [ɛ]) et [bɛʀʒe], [bɛʀʒɛʀ]
graphique (accent une conseillère,
grave) de la voyelle : une huissière, une
-er → -ère officière, une ouvrière

La consonne finale change et/ou se prononce

La plupart des noms en - bourgeois [buʀʒwa], Le mot andalou


s (précédé d’une bourgeoise [buʀʒwaz] (anciennement andalous)
voyelle) ou en -x ont leur époux, épouse ; fait au féminin
féminin en -se ambitieux, ambitieuse ; andalouse.
(s prononcé [z]) métis, métisse ; roux,
rousse ; vieux, vieille
Effets de l’ajout du e Exemples Remarques

Les noms en -f changent captif, captive ; juif,


f en v devant le e du juive ; veuf, veuve
féminin :
-f → -ve

Ajout de consonne favori, favorite

-c → -que franc, franque Sans changement à l’oral


pour : Frédéric,
Frédérique ; turc,
turque. Le mot grec se
distingue par le fait qu’il
conserve le c au féminin :
grecque.

b) Modification ou addition de suffixe


Suffixe Exemples Remarques

Les noms masculins en -eur

Les noms en -eur auxquels on menteur, Exceptions :


peut faire correspondre un menteuse ; porteur, -eur → -eresse :
participe présent en changeant - porteuse enchanteur,
eur en -ant font leur féminin en - une carreleuse, enchanteresse ;
2 pécheur,
euse (eu devient fermé) : une chercheuse,
-eur → -euse une contrôleuse, pécheresse ;
une vendeuse vengeur, vengeresse

Les noms en -eur auxquels on une docteur, Recommandation


ne peut pas faire correspondre une ingénieur, une au Québec et Suisse :
un participe présent en procureur, une une docteure,
changeant -eur en -ant ont une professeur une ingénieure,
forme féminine identique au une procureure,
masculin une professeure
Cette pratique tend
à se généraliser au-
delà de la Suisse et du
Québec.

Les noms masculins en -teur


Suffixe Exemples Remarques

Les noms en -teur auxquels on exécuteur,


peut faire correspondre un exécutrice ;
participe présent en changeant inspecteur,
le -eur en -ant (par ex. inspectrice ;
exécuteur - exécutant) : inventeur,
-teur → -trice inventrice
persécuteur,
persécutrice
une
administratrice,
une apparitrice,
une aviatrice, une
directrice, une
éditrice, une
éducatrice, une
rédactrice, une
rectrice

Les noms en -teur auxquels on directeur,


ne peut pas faire correspondre directrice ; facteur,
un participe présent en factrice ; électeur,
changeant -eur en -ant font leur électrice
3
féminin en -trice (par ex. une
directeur - *directant) : administratrice,
-teur → -trice une apparitrice,
une aviatrice, une
directrice, une
éducatrice, une
rédactrice, une
rectrice
Remarques
1. Inférieur, mineur, prieur, supérieur (qui sont d’anciens comparatifs latins
employés comme noms) forment leur féminin par simple addition d’un -e :
inférieure, mineure, prieure, supérieure.
2. Ambassadeur fait au féminin ambassadrice. Empereur fait impératrice.
Débiteur fait débiteuse (« qui débite ») et débitrice (« qui doit »).
Chanteur fait ordinairement chanteuse ; cantatrice se dit d’une
chanteuse professionnelle spécialisée dans l’opéra.
3. Les termes de la langue juridique bailleur, défendeur, demandeur,
vendeur – ainsi que charmeur, chasseur, quand ils sont employés dans
la langue poétique – font leur féminin en -eresse : bailleresse,
défenderesse, venderesse, charmeresse, chasseresse.
La cour condamne le défendeur à payer deux mille piastres
fortes à la demanderesse, ou bien à l’épouser dans le jour.
(PIERRE-AUGUSTIN CARON DE BEAUMARCHAIS, Le mariage de
Figaro, 1785)
Dans l’usage courant, on a les féminins demandeuse, vendeuse,
charmeuse, chasseuse.
Le rapport de forces venait de s’inverser ; elle était à présent
demandeuse. (BERNARD QUIRINY, Le village évanoui, 2013)
4. En médecine, la langue familière emploie parfois doctoresse comme
féminin de docteur.

Féminin en -esse
Une trentaine de noms (presque tous en -e) ont leur féminin en -
esse :
abbé, abbesse faune, faunesse prêtre, prêtresse

âne, ânesse hôte, hôtesse prince, princesse

bougre, bougresse ivrogne, ivrognesse prophète, prophétesse

chanoine, chanoinesse maitre, maitresse sauvage, sauvagesse

comte, comtesse mulâtre, mulâtresse Suisse, Suissesse

devin, devineresse nègre, négresse tigre, tigresse

diable, diablesse ogre, ogresse traitre, traitresse

drôle, drôlesse pair, pairesse vicomte, vicomtesse

druide, druidesse pauvre, pauvresse

duc, duchesse poète, poétesse

c) Forme spéciale au féminin


Certains noms ont au féminin une forme spéciale, de même radical
cependant que celle du masculin :
canard, cane favori, favorite neveu, nièce

chevreuil, chevrette fils, fille 5


perroquet, perruche

compagnon, compagne gouverneur, roi, reine


gouvernante
4 héros, héroïne serviteur, servante
daim, daine

diacre, diaconesse lévrier, levrette sylphe, sylphide

dieu, déesse loup, louve tsar, tsarine

dindon, dinde merle, merlette

empereur, impératrice mulet, mule

Certains noms marquent la distinction des genres par deux mots de


radical différent :

bélier, brebis homme, femme oncle, tante

bouc, chèvre jars, oie papa, maman

cerf, biche lièvre, hase parrain, marraine

coq, poule mâle, femelle père, mère

étalon, jument mari, femme sanglier, laie

frère, sœur matou, chatte singe, guenon

garçon, fille monsieur, madame, taureau, vache

gendre, bru ou mademoiselle verrat, truie

d) Noms ayant la même forme


aux deux genres
Certains noms de personnes dits épicènes, terminés pour la plupart
en -e, ont la même forme pour les deux genres : un artiste, une
artiste ; un élève, une élève ; un bel enfant, une charmante enfant.
Pour marquer le féminin dans l’usage des noms de professions qui
se termine par -e au masculin, on ajoute simplement un déterminant
féminin : une aide, une architecte, une comptable, une dactylographe, une
diplomate, une ministre, une secrétaire.
Certains noms de personnes ne s’appliquant anciennement qu’à des
hommes, ou pour lesquels le sexe de la personne n’a pas d’intérêt,
n’avaient pas reçu de forme féminine : auteur, bourreau, charlatan,
cocher, déserteur, échevin, écrivain, filou, médecin, possesseur, professeur,
successeur, vainqueur, etc. Pour ce qui concerne les noms de
profession, grade et titre, ce manque a été comblé par une activité
néologique volontaire (basée sur les règles morphologiques
standard) et il est désormais recommandé d’utiliser les formes
féminisées. (› Féminisation des noms de profession)
Remarques
1. Certains noms ne possèdent qu’un genre linguistique alors qu’ils peuvent
désigner des êtes des deux sexes. Quand on veut préciser le sexe de
l’être désigné, on peut leur adjoindre des mots comme : homme, femme,
masculin, féminin ou pour les animaux, mâle et femelle. Quand mâle et
femelle sont utilisés pour désigner des humains, c’est avec une
connotation négative ou à tout le moins une certaine ironie.
Andrée gardait le flegme souriant d’un dandy femelle.
(MARCEL PROUST, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919)
Ces adjonctions (homme/femme) peuvent également être apportées pour
lever une éventuelle ambigüité quand le nom est épicène (identique au
masculin et féminin) ou en cas d’hésitation sur la forme féminine appropriée :
Il me semble être encore au jour où les jeunes gens et les
dames montaient sur des chaises pour vous voir danser au
bal, madame, ajouta l’abbé en se tournant vers son
adversaire femelle. (HONORÉ DE BALZAC, Eugénie Grandet,
1833)
La toute première psychiatre femme de l’établissement.
(ADÉLAÏDE DE CLERMONT-TONNERRE, Le dernier des nôtres,
2016)
Je lui choisis un Taxi Vert propre avec un chauffeur femme.
(DIDIER VAN CAUWELAERT, Les Témoins de la mariée, 2010)
Un grand nombre d’animaux ayant un genre unique quel que soit le sexe
sont distingués par une adjonction lexicale (mâle ou femelle) : le mérou, le
dauphin, le tigre, la girafe, la mouche, le moustique, la vipère, l’aigle,
etc.
Sa femme attendait qu’il revînt. […] Caressant sa gazelle
mâle. (GUILLAUME APOLLINAIRE, La chanson du mal-aimé,
1913)
Il en est de même pour les êtres surnaturels : un démon femelle, un
vampire femelle, une goule mâle, un centaure femelle, un gobelin
femelle, etc.
Au lieu de ça, le gobelin femelle qui avait surgi et resurgi sur
mon écran avait été pris dans mes rets. (ÉRIC FAYE, Nagasaki,
2010)
Lui qui partit en Égypte pour trouver une épouse à enfanter,
un messie femme, et réconcilier ainsi l’Orient et l’Occident.
(MATHIAS ÉNARD, Boussole, 2015)
2. Historiquement, les déterminants, adjectifs ou pronoms qui se rapportaient
à ces mots invariables en genre s’accordaient au masculin même pour
désigner des femmes ; ce n’est plus le cas aujourd’hui :
Madame de Sévigné est un grand écrivain.
Cette femme est un excellent professeur.

Il est également recommandé d’accorder les adjectifs et participe en


relation avec les noms féminisés, y compris dans les appellations
professionnelles complexes : une conseillère principale, une contrôleuse
adjointe, une ingénieur technicienne, une première assistante, la doyenne
s’est montrée intéressée, la présidente directrice générale.
De la même manière, certains noms ne s’appliquant qu’à des
femmes n’ont pas de forme masculine : lavandière, nonne, matrone,
etc. Ici aussi, l’évolution des mœurs justifie parfois des créations
lexicales. On utilise par exemple le terme maïeuticien (1980) pour
désigner « les hommes qui exercent la profession de sagefemme ».

2. Les noms à double genre

• Aigle
Aigle est du masculin quand il désigne l’oiseau de proie ou, au
figuré, un homme de génie ; de même quand il désigne un pupitre
d’église ou une décoration portant un aigle :
“ Un aigledescendit de ce ciel blanc d’archanges.
(GUILLAUME APOLLINAIRE, Un soir, 1913)

Je veux qu’elle me regarde comme un aigle à part entière.


(DIDIER VAN CAUWELAERT, La femme de nos vies, 2013)

Cet homme-là est un aigle. (Dictionnaire de l’Académie)


Il est du féminin quand il désigne expressément l’oiseau femelle ou
dans le sens d’étendard, d’armoiries :

“ L’aigle est furieuse quand on lui ravit ses aiglons.


(Dictionnaire de l’Académie)

Des pancartes frappées d’une aigle bicéphale somment de


ne pas aller plus avant et des agents grecs patrouillent le
long de cette frontière morte. (ÉRIC FAYE, Somnambule
dans Istanbul, 2013)


• Amour
Amour, le plus souvent, est masculin :
“ Amour sacré de la patrie, rends-nous l’audace et la fierté !
(DANIEL-FRANÇOIS-ESPRIT AUBER, La Muette de Portici, 1828)

L’amour est sorcier : il sait les secrets ; il est sourcier, il sait


les sources. (MARGUERITE YOURCENAR, Feux, 1936)


Il peut être féminin au pluriel, surtout en littérature, mais aussi dans
l’usage courant :

“ J’entends il vous jurait une amour éternelle. (J EAN RACINE,


Phèdre, 1677)

Mais le vert paradis des amours enfantines. (CHARLES


BAUDELAIRE, Moesta et Errabunda, 1857)

C’étaient des amours potentielles, des flirts sous le coude


ou des casiers jadis posés, des dossiers en cours, des
affaires pendantes présentant plus ou moins d’intérêt. (JEAN
ECHENOZ, Je m’en vais, 1999)


Amour est toujours masculin en termes de mythologie, de peinture
ou de sculpture (et prend une majuscule dans les références au dieu
Amour) :
“ Peindre, sculpter des Amours. (Dictionnaire de
l’Académie)

Toi, chrétien, tu ignores peut-être que l’Amour est fils de


Vénus. (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Les martyrs,
1810)


• Après-midi
Après-midi est masculin ou féminin (mais plus fréquemment
masculin) :

“ Cet après-midi, elle a lu pendant que je préparais le repas.


(ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, Les perroquets de la place
d’Arezzo, 2013)

Je participai en retrait à cette après-midi et cette soirée de


retrouvailles. (FRANÇOIS GARDE, Ce qu’il advint du sauvage
blanc, 2012)


• Délice
Délice est féminin au pluriel :
“ Il fait toutes ses délices de l’étude. (Dictionnaire de
l’Académie)

Je fréquentai la petite maison où l’impératrice veuve


s’adonnait aux délices sérieuses de la méditation et des
livres. (MARGUERITE YOURCENAR, Mémoires d’Hadrien, 1951)

À la source de ces anxieuses délices il y avait la


combinaison de deux peurs contradictoires. (JEAN-PAUL
SARTRE, Les mots, 1964)


Remarque
Dans le contexte culinaire, on remarque que le masculin a tendance à se
répandre (bien que cet usage s’écarte de la norme) :
Hubert revint avec les liqueurs, vodka, sliwowica et autres
délices fabriqués en Pologne. (ALAIN BERENBOOM, La fortune
Gutmeyer, 2015)
Tatin de poire pochée aux épices, crème glacée franboise-
violette, sont quelques petits délices culinaires et poétiques
que vous dégusterez ici. (Le Petit Futé : Saint-Malo, 2017)
Saviez-vous que certains insectes sont aussi de petits
délices culinaires ? (ville.montreal.qc.ca, Consulté le
22/05/2018).

Au singulier, délice est du masculin :


“ Mais presque aussitôt, il perçut sur ses lèvres le délice tiède
d’une béance inconnue. (JEAN-CHRISTOPHE RUFIN, Rouge
Brésil, 2001)

À cette heure-là, en été, manger des mûres est un délice.


(HENRY BOSCO, Un rameau dans la nuit, 1950)


• Foudre
Foudre est féminin dans le sens de « feu du ciel » et aussi quand il
désigne de manière figurée ce qui frappe d’un coup soudain :

“ Il faut se méfier de la foudre qui a tué sept personnes l’an


dernier. (NICOLAS BOUVIER, L’usage du monde, 1963)

Cette révélation me frappa comme la foudre. (FRANÇOIS


GARDE, Ce qu’il advint du sauvage blanc, 2012)


Il est masculin dans les expressions foudre de guerre, foudre
d’éloquence, ainsi que dans la langue du blason et quand il désigne
le faisceau enflammé, attribut de Jupiter :
“ Sans compter qu’au volant, ce n’est pas un foudre de
guerre. (PIERRE LEMAITRE, Alex, 2011)

Une aigle tenant un foudre dans ses serres. (Dictionnaire


de l’Académie)

L’entrée du jardin oblige à passer dans un gigantesque


tonneau, un foudre de chêne de 1847 qui contenait 57
000 litres de rhum, précise une pancarte. (MICHEL BUSSI, Ne
lâche pas ma main, 2013)


• Gens
Gens, nom pluriel signifiant « personnes », est du masculin :

“ Les gens insatisfaits détruisent tout autour d’eux. (L EÏLA


SLIMANI, Dans le jardin de l’ogre, 2014)


Cependant s’il est précédé immédiatement d’un adjectif ayant une
terminaison différente pour chaque genre, il veut au féminin cet
adjectif et tout adjectif placé avant lui :
“ Tous étaient d’ailleurs d’excellentes gens, des cœurs d’or.
(MARCEL AYMÉ, Le passe-muraille, 2016)

Et pour célébrer la venue de la jeune fille, il avait invité lui-


même ces enfants et ces vieilles gens débonnaires. (ALAIN
FOURNIER, Le grand Meaulnes, 1913)


Mais quand l’adjectif qui précède a la même terminaison aux deux
genres, il reste au masculin : Quels bons et honnêtes gens !
Quant aux adjectifs (et pronoms) qui suivent gens et sont en rapport
avec lui, on les laisse au masculin : Ce sont les meilleures gens que j’aie
connus.
Les adjectifs qui ne précèdent gens que par inversion restent au
masculin :


Instruits par l’expérience, les vieilles gens sont
soupçonneux. (Dictionnaire de l’Académie)


Remarques
1. Gens, dans certaines expressions telles que gens de robe, gens de
guerre, gens d’épée, gens de loi, gens de lettres, gens de bonne
compagnie, gens de passage, gens de la bohème, etc., demande
toujours l’adjectif ou le participe au masculin :
De nombreux gens de lettres. Des gens
d’affaires. (Dictionnaire de l’Académie)
2. Gent signifiant « nation, race » est féminin :
La gent marécageuse. (JEAN DE LA FONTAINE, Les
grenouilles qui demandent un roi, 1668)
Il […] s’approcha doucement de la meule autour de laquelle la
gent caquetante picorait. (RENÉ BARJAVEL, Ravage, 1943)
Il a plus d’amitié pour la gent animale que pour l’espèce
humaine. (LÉONORA MIANO, La saison de l’ombre, 2013)

• Hymne
Hymne est masculin dans l’acception ordinaire, mais ordinairement
féminin dans le sens de « cantique latin qui se chante à l’église » :

“ Quel hymne pourra te chanter ? (J EAN D’ORMESSON, C’est


une chose étrange à la fin que le monde, 2010)

La semaine suivante, sa ballade passait à la BBC comme


une hymne funèbre. (SORJ CHALANDON, Retour à Killybegs,
2011)


• Œuvre
Œuvre est toujours féminin au pluriel ; il l’est généralement aussi au
singulier :

“ Je crée des œuvres uniques, pleines de mouvement. (L UC-


MICHEL FOUASSIER, Histoires Jivaro, 2014)

Ce tableau est une œuvre de jeunesse. (Dictionnaire de


l’Académie)


Il est masculin quand il désigne, soit l’ensemble de la bâtisse, soit
l’ensemble des œuvres d’un artiste, soit la transmutation des métaux
en or, dans l’expression le grand œuvre : Le gros œuvre est achevé ;
travailler au grand œuvre.

“ Ma fille et mon œuvre … mon cœur et mon âme. (G ASTON


LEROUX, Le mystère de la chambre jaune, 1907)


• Orge
Orge est féminin, sauf dans les deux expressions orge mondé, orge
perlé.
“ Rechele servit la potée d’orge perlé accompagnée
d’intestins farcis. (OLIVIER GUEZ, Les révolutions de
Jacques Koskas, 2014)


• Orgue
Orgue, au singulier, est du masculin. On retrouve cette forme dans
les locutions orgue portatif, orgue de Barbarie.

“ Le gibet noir mugit comme un orgue de fer ! (ARTHUR


RIMBAUD, Le bal des pendus, 1888)

Une petite musique d’orgue de Barbarie désaffecté.


(LAURENT DEMOULIN, Robinson, 2017)


Le pluriel orgues est également du masculin quand il désigne
plusieurs instruments : Les deux orgues de cette église sont excellents.
Le pluriel orgues est du féminin lorsqu’il désigne un instrument
unique ainsi que dans la locution orgues de Staline qui désigne « un
engin soviétique multitube lançant des roquettes (pendant la
Deuxième Guerre mondiale) » :
“ On entendait les grandes orgues, et chanter le chœur.
(SERGE BRAMLY, Le premier principe, le second principe,
2008)

Des alignements de batteries de tubes rappelant les


fameuses « Orgues de Staline ». (FRANÇOIS BOSTNAVARON,
Le Monde, 13/07/2012)


• Pâques
Pâques (avec s final), désignant la fête catholique, est masculin et
singulier ; il prend la majuscule et rejette l’article :

“ Quand Pâques sera venu. Je vous paierai à Pâques


prochain. (Dictionnaire de l’Académie)


Pâques est féminin pluriel dans les expressions faire ses pâques
(remarquez la minuscule) ou Joyeuses Pâques, et quand il est
accompagné d’un article :
“ Depuis les Pâques précédentes. (JOSEPH MALÈGUE,
Augustin ou Le maître est là, 1933)


Pâque (sans s), désignant la fête juive ou orthodoxe, est féminin
singulier ; il prend la minuscule et l’article, mais certains auteurs
emploient la majuscule :

“ Le jour de la Pâque, qui est pour Israël celui de la sortie


d’Égypte. (EMMANUEL CARRÈRE, Le Royaume, 2014)

La présentation générale des serfs au comte eut lieu le


dimanche de la pâque orthodoxe. (MATHIAS MENEGOZ,
Karpathia, 2014)


• Période
Période, féminin dans les acceptions ordinaires, est masculin quand
il désigne le point où une chose, une personne est arrivée :
“ Démosthène et Cicéron ont porté l’éloquence à son plus
haut période. (Dictionnaire de l’Académie)

Son existence artificielle arrivait à son dernier période : il


était blessé, déjeté, fini. (HONORÉ DE BALZAC, La peau de
chagrin, 1831)


3. Le nombre du nom
Le français distingue deux nombres : le singulier, qui désigne un
seul être ou un seul ensemble d’êtres (un livre, un essaim) et le
pluriel, qui désigne plusieurs êtres ou plusieurs ensembles
d’êtres (des livres, des essaims).
Du point de vue phonétique, le s du pluriel s’est prononcé jusqu’à la
e
fin du XVI siècle. Aujourd’hui, en général, il n’y a plus, pour l’oreille,
de différence entre la forme du pluriel et celle du singulier : l’ami, les
amis. Toutefois il subsiste deux prononciations différentes selon le
nombre :
quand on fait la liaison ;
dans la plupart des noms en -al : un animal, des animaux ;
dans quelques noms en -ail : un émail, des émaux ;
dans quelques autres noms : un os, des os [œ̃nɔs], [dezo] ; un œuf,
des œufs [œ̃nœf], [dezø] ; un œil, des yeux [œnœj], [dezjø], etc.
En général, c’est par l’article ou par l’adjectif accompagnant le nom
que l’oreille peut distinguer si ce nom est au singulier ou au pluriel.

1. Le pluriel des noms communs

a) Pluriel en -s
Dans le cas général, on forme le pluriel des noms communs en
ajoutant à la fin de la forme du singulier un s 6 (muet, sauf en
liaison) : un enfant, des enfants. En liaison : des enfants avides
[dezɑ̃fɑ̃zavid].
Cas particuliers :
Terminais Formation
Exemples Exceptions
on du pluriel

Les noms ne un pois, des pois ; une


terminés changent croix, des croix ; un
par -s, -x pas au nez, des nez ; un
ou -z pluriel remous, des remous

Les noms prennent un éventail, des Excepté les neuf noms :


en -ail un s au éventails ; un détail, bail, corail, émail,
pluriel des détails ; un portail, fermail, soupirail, travail,
des portails, vantail, ventail, vitrail, qui
un cocktail, des changent -ail en -aux : un
cocktails ; un chandail, bail, des baux ; un corail,
des chandails des coraux, etc.
Bétail n’a pas de pluriel
(bestiaux est le pluriel
de l’ancien nom bestial).
Bercail a un pluriel
rarement usité : bercails.

Les noms prennent un clou, des clous ; un Excepté les sept noms :
en -ou un s filou, des filous ; un bijou, caillou, chou,
au pluriel bisou, des bisous ; un genou, hibou, joujou et
sou, des sous ; un pou, qui prennent un x :
caribou, des caribous ; des bijoux, des cailloux,
un trou, des trous ; un des choux, etc.
verrou, des verrous

b) Pluriel en -x
Terminais Formation
Exemples Exceptions
on du pluriel

Les noms changent - un cheval, des bal, cal, carnaval, chacal,


en -al al en -aux chevaux ; un festival, récital, régal
au pluriel journal, des prennent s au pluriel de
journaux ; un même que quelques noms
animal, moins usités : aval, bancal,
des animaux ; un cérémonial, choral, narval,
tribunal, pal, etc.
des tribunaux ;
hôpital, hôpitaux

Les noms prennent un tuyau, des landau, sarrau, bleu, pneu


en -au, - un x au tuyaux ; prennent un s : des landaus,
eu pluriel un cheveu, des des sarraus, des bleus, des
cheveux pneus.

c) Noms à double forme au pluriel

• Aïeul
Aïeul fait au pluriel aïeuls quand on désigne précisément le grand-
père paternel et le grand-père maternel ou encore le grand-père et la
grand-mère (1). Il fait aïeux, au sens d’ancêtres (2,3,4) :
“ Ses deux aïeuls assistaient à son mariage. (Dictionnaire
de l’Académie) (1)

Qui sert bien son pays n’a pas besoin d’aïeux. (VOLTAIRE,
Mérope, 1743) (2)

La femme répond que les aïeux ne sont pas hors de soi,


mais en soi. (LÉONORA MIANO, La saison de l’ombre, 2013)
(3)

Depuis ce temps-là tous les décors de mes aïeux, tous mes


ancêtres même les plus morts, sommeillent à jamais sous
les eaux calmes d’un lac placide et dérangé par rien. (SERGE
JONCOUR, L’homme qui ne savait pas dire non, 2009) (4)


Remarque
Régulièrement on dit les bisaïeuls, les trisaïeuls : Souvenirs de nos
trisaïeuls bornés. (ÉRIC VUILLARD, La bataille d’Occident,
2012)
Les pluriels bisaïeux, trisaïeux sont utilisés principalement dans les textes
spécialisés (généalogie, héraldique, histoire), mais pas uniquement :
C’est fou, le nombre de retraités à la recherche de
renseignements sur leurs trisaïeux. (BENOÎT DUTEURTRE,
Ballets roses, 2009)

• Ail
Ail fait au pluriel ails (1). La forme aulx, vieillie, est également
admise (2).

“ Ilfaut planter les ails ronds à la pleine lune de


mars. (CLAUDE SEIGNOLLE, Le Berry des tradition et
superstitions, 2002) (1)

Il y a des aulx cultivés et des aulx sauvages. (Dictionnaire


de l’Académie) (2)


• Ciel
Ciel fait au pluriel cieux quand il désigne l’espace indéfini où se
meuvent les astres, le séjour des dieux ou le paradis (1,2) et ciels
quand il signifie « baldaquin au-dessus d’un lit » (3), « partie d’un
tableau qui représente le ciel » (4) ou qu’il évoque le climat (5,6).

Les cieux et la mer ne font qu’un. (CATHERINE POULAIN, Le
grand marin, 2016) (1)

La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent


pas sans avoir abreuvé la terre. (JEAN-CLAUDE GARRIGUES,
La vie en crue, 2011) (2)

Des ciels de lit. (Dictionnaire de l’Académie) (3)

Ce peintre fait bien les ciels. (Dictionnaire de l’Académie)


(4)

Un de ces ciels perfides qui caressent et brûlent la peau


tendre des citadins. (ANATOLE FRANCE, Le crime de
Sylvestre Bonnard, 1881) (5)

Le printemps arrivait, précédé de grands ciels


lumineux. (PHILIPPE DJIAN, Impardonnables, 2010) (6)


• Œil
Œil fait au pluriel yeux :
“ Il y a toujours une lumière,
Dans les yeux de ma mère. (ARNO, Les yeux de ma mère,
1995)

La stupeur, pour se loger, n’a que ses yeux soudain affolés.


(ARMEL JOB, Tu ne jugeras point, 2009)


Le pluriel œils se retrouve dans certains noms composés :
des œils-de-bœuf (« fenêtres rondes ou ovales ») ;
des œils-de-perdrix (« cors au pied ») ;
des œils-de-chat, œils-de-tigre, œils-de-serpent (« pierres précieuses ») ;
des œils -de-pie (« œillet dans une voile »).
En typographie, l’œil est la partie saillante du caractère d’imprimerie.
Son pluriel est œils :

“ Alors l’inventeur eu l’heureuse idée de faire par le précipité


de cuivre des rangées d’œils, de souder ces rangées d’œils
sur la planche […] puis de scier cette planche pour en tirer
des lettres séparées. (Bulletin de la classe physico-
mathématique de l’Académie impériale des sciences de
Saint-Pétersbourg, 1856)


2. Le pluriel des noms propres
• Les noms propres avec marque du pluriel
Les noms propres prennent la marque du pluriel dans certains cas.
1° Quand ils désignent des peuples ou certaines familles illustres :
les Espagnols, les Césars, les Bourbons, les Stuarts.
2° Quand ils désignent des personnes possédant les talents, le
caractère, etc. des personnages nommés ou plus généralement
quand ils désignent des catégories de personnes : Existe-t-il encore
des Mécènes ? (C’est-à-dire des hommes généreux comme Mécène.) ; les
Pasteurs sont rares.

“ Un mental aux antipodes des Don Juans de plateaux.


(NATHALIE RAULIN, Libération, 05/08/2005) (Notons que dans ce
sens, on écrirait en principe don juans sans majuscules.)


La marque du pluriel n’apparait cependant pas chez tous les
auteurs.
3° Les noms propres géographiques désignant plusieurs pays,
provinces, cours d’eau, etc., prennent la marque du pluriel : les
Amériques, les Guyanes, les deux Sèvres, les Pyrénées. Mais on
écrira : Il n’y a pas deux France. Il y a plusieurs Montréal.

• Les noms propres sans marque du pluriel


Dans d’autres cas, les noms propres ne prennent pas la marque du
pluriel.
1° Quand ils désignent des familles entières :
“ Les Schweitzer sont grands et les Sartre petits, je tenais
de mon père, voilà tout. (JEAN-PAUL SARTRE, Les mots,
1964)

La vendetta qui venait de débuter et endeuillait le village ne


concernait que les Poli et les Amadeï, deux familles de
notables. (JÉRÔME FERRARI, Dans le secret, 2007)


2° Quand ils désignent, non des familles entières, mais des individus
qui ont porté le même nom :


Elle regarda fort ironiquement les deux Cruchot, qui prirent
une mine piteuse. (HONORÉ DE BALZAC, Eugénie Grandet,
1833)


3° Quand, par emphase, on leur donne l’article pluriel, quoiqu’on
n’ait en vue qu’un seul individu :
“ e
Un clin d’œil involontaire au XIX siècle, à l’époque où
Bruxelles accueillait les Victor Hugo et autres opposants
au régime… (Philosophie Magazine, 2016)

Une race qui a des Bergson, des Freud et des Einstein !


(ALBERT COHEN, Belle du Seigneur, 1968)


4° Quand ils désignent des titres d’ouvrages, de revues, etc. : un
paquet de « Nouvel Observateur ».

“ Les Vogue et les Marie-Claire déjà cachés à la cuisine.


(ALBERT COHEN, Belle du Seigneur, 1968)


• Les noms propres pour lesquels l’usage varie
Les noms propres désignant des œuvres par le nom de leur auteur
peuvent prendre la marque du pluriel (1) mais on peut aussi les
laisser invariables (2) : J’ai emprunté deux Simenon ou deux Simenons.
“ En 1828, Guérin préconise la copie des Raphaëls du
Vatican. (JACQUES LETHÈVE, La vie quotidienne des
e
artistes français au XIX siècle, 1968) (1)

Ce poupon vôtre aurait parfaitement sa place au Louvre


parmi les Van Dyck, les Velasquez et les Titien. (YANN
MOIX, Naissance, 2013) (2)


Les noms de marques entrés dans l’usage restent le plus souvent
invariables (deux Renault, trois Martini, deux Coca), mais on trouve
aussi des exemples de pluriel :

“ Blériot se fait alors servir deux martinis. (P ATRICK LAPEYRE,


La vie est brève et le désir sans fin, 2010)

Et face à nous, nous bouchant l’horizon, des voiliers, des


yachts, des Zodiacs. (MICHEL BUSSI, Le temps est
assassin, 2016)


Remarque
Pour petit-beurre (marque déposée de Lu, en principe sans trait d’union), on
remarque que l’usage du trait d’union se généralise et qu’il y a une hésitation
sur la formation du pluriel. Les grands dictionnaires actuels acceptent des
petits-beurres et des petits-beurre (ainsi que les variantes sans trait d’union).
Ils avaient dîné du demi-paquet de petits-beurre. (MARIE
NDIAYE, Ladivine, 2013)
Le maître ouvre un paquet de petits-beurres. (ALICE ZENITER,
L’art de perdre, 2017)

7
3. Le pluriel des noms composés

a) Les éléments soudés


Les noms composés dont les éléments sont soudés en un mot
simple forment leur pluriel comme les noms simples : des bonjours,
des entresols, des passeports, des pourboires, des portemanteaux.
Exceptions : bonhomme, gentilhomme, madame, mademoiselle,
monseigneur, monsieur font au pluriel : bonshommes, gentilshommes,
mesdames, mesdemoiselles, messeigneurs (nosseigneurs), messieurs
[mɛsjø].
On dit parfois familièrement ou de manière ironique : des madames,
des monseigneurs, des monsieurs.
“ Mais les pauvres petits monsieurs peuvent berner des
idiotes vous voyez bien. (YASMINA REZA, Heureux les
heureux, 2013)


Cette règle s’applique à tous les mots dont on recommande la
soudure dans le cadre des la nouvelle orthographe : un grigri, des
grigris ; un millepatte, des millepattes ; un curedent, des curedents ; un
contrejour, des contrejours, etc. (› Soudure des mots composés)

b) Les éléments non soudés


Dans les noms composés dont les éléments ne sont pas soudés en
un mot simple, la marque du pluriel dépendra de la structure du
composé, comme décrit ci-dessous :

• Nom + nom en apposition


Quand le nom composé est formé de deux noms dont l’un est
apposé à l’autre, les deux éléments prennent la marque du pluriel :
des chefs-lieux, des oiseaux-mouches, des avocats-conseils, des filles-
etc.
mères, des bars-tabacs, des mètres cubes,
Dans aller-retour, les deux noms devraient logiquement varier (1),
mais on trouve également des cas où la forme ne varie pas (2).
“ Ne nous embarrassons pas à faire des allers-retours d’une
cuisine à l’autre. (AURÉLIE VALOGNES, Mémé dans les
orties, 2016) (1)

Soudain, elle me flanqua deux paires de baffes, des aller-


retour grand style. (ALAIN BERENBOOM, Périls en ce
royaume, 2008) (2)


• Nom + nom complément
Quand le nom composé est formé de deux noms dont le second
(avec ou sans préposition) est complément du premier, le premier
nom seul prend la marque du pluriel : des arcs-en-ciel [aʀkɑ̃sjɛl], des
chefs-d’œuvre, des timbres-poste. Il en va de même lorsque l’un des
deux noms est lui-même un nom composé : des points de non-retour,
des sous-marins de poche.
En présence d’une préposition, il n’y a pas d’hésitation sur la
manière de produire le pluriel, mais dans le cas contraire, le rôle
syntaxique du second élément peut dans certains cas être incertain.
En principe, si les deux noms en apposition ne désignent pas la
même chose ou la même personne, le second nom est vu comme
un complément déterminatif sans préposition et ne s’accorde pas :
des timbres-poste (= des timbres pour la poste) ; des bébés-
éprouvette (= issus d’une fécondation en éprouvette), des pauses-café
(= pour prendre le café), des poches-révolver, etc. Mais bon nombre
d’exemples plus récents montrent que cette règle n’est pas suivie
systématiquement. Les grands dictionnaires ont ainsi enregistré des
timbres-quittances (pourtant équivalent à timbre de quittance), des
timbres-taxes, des timbres-amendes, des romans photos, des images
satellites, etc. Cette variété se retrouve dans les textes :

“ Après étude des plans et des photos satellites, les agents


du RAID sont disposés en quatre endroits. (PIERRE
LEMAITRE, Alex, 2011)

Les images satellites, d’assez bonne qualité grâce à des


conditions météo favorables. (SERGE BRAMLY, Le premier
principe, le second principe, 2008)

Des images satellite montrent un nouveau tunnel sur un


site nucléaire en Corée du Nord. (Le Monde, 03/12/2015)

Nigeria : des images satellites témoignent du massacre de


Baga. (Le Monde, 15/01/2015)


• Nom + adjectif
Quand le nom composé est formé d’un nom et d’un adjectif, les deux
éléments prennent la marque du pluriel : des coffres-forts, des arcs-
boutants, des comptes rendus, des tables rondes, des cartes bleues, des
caisses noires, des trous noirs, etc.
On écrit : des grand-mères, des grand-tantes, etc.
Remarque
Il est recommandé d’écrire de manière soudée un certain nombre de nom
composés à partir d’éléments nominaux et adjectivaux. Une fois soudés, la
formation du pluriel est similaire à celle des mots simples : des arcboutants,
autostops, autostoppeurs, autostoppeuses, bassecontres,
bassecontristes, bassecours, bassecouriers, basselisses,
basselissiers, bassetailles, branlebas, chauvesouris chèvrepieds,
cinéromans, hautecontres, hautelisses, hautparleurs. (› Trait d’union)

• Mot invariable + nom


Quand le nom composé est formé d’un mot invariable et d’un nom,
évidemment le nom seul prend la marque du pluriel : des arrière-
gardes, des haut-parleurs, des non-lieux, des en-têtes, des contre-attaques,
des avant-gouts, des sous-marins, des après-midis.

• Verbe + complément
Quand le nom composé est formé d’un verbe et d’un nom
complément d’objet direct, il forme son singulier et son pluriel
comme s’il s’agissait d’un nom simple : seul le second élément
prend la marque du pluriel et celle-ci n’apparait que quand le mot est
au pluriel : un bouche-trou, des bouche-trous ; un couvre-lit, des couvre-
lits ; un abat-jour, des abat-jours ; un perce-neige, des perce-neiges, un
ramasse-miette, des ramasse-miettes.
Seuls font exception quelques composés dont le second terme
contient un article (des trompe-l’œil, des trompe-la-mort) ou commence
par une majuscule (des prie-Dieu).
Remarques
1. L’agglutination (soudure) est recommandée pour un certain nombre de
nom très ancrés dans l’usage et composés à partir d’un élément verbal
suivi d’un élément nominal. Une fois soudés, la formation du pluriel est
similaire à celle des mots simples : des piqueniques, boutentrains,
brisetouts, chaussetrappes, coupecoupes, couvrepieds,
crochepieds, croquemadames, croquemitaines, croquemonsieurs,
croquemorts, croquenotes, faitouts, fourretouts, mangetouts,
Mêletouts, passepartouts, passepasses, piqueniques, porteclés,
portecrayons, portemines, portemonnaies, portevoix, poucepieds,
poussepousses, risquetouts, tapeculs, tirebouchons, tirefonds,
tournedos, vanupieds.
2. Cette règle, issue des rectifications orthographiques de 1990, rend le
système d’accord plus cohérent. Anciennement, une série d’exceptions
tentaient de tenir compte du sens, (tout en suscitant beaucoup
d’hésitations). On écrivait alors : des abat-jour, des perce-neige (en
justifiant par le sens : « il abat le jour » ; « il perce la neige »).
3. Par ailleurs, dans certains noms composés, même au singulier, le
complément d’objet direct gardait la marque du pluriel : un casse-
noisettes, un compte-gouttes, un porte-bagages, un presse-papiers,
etc. Aujourd’hui, on recommande : un casse-noisette, un compte-
goutte, un porte-bagage, un presse-papier.
4. Dans les noms composés à l’aide du mot garde, ce mot variait au pluriel
quand le composé désignait une personne : des gardes-chasse (« des
gardes qui surveillent la chasse »), des gardes-malades (« des gardes
qui surveillent les malades »), des gardes-côtes (« des gardes qui
surveillent les côtes »), etc. Il restait invariable quand le composé désignait
une chose (des garde-robes) ou un lieu (des garde-meubles).
5. Selon un ancien usage, on écrit : des ayants droit, des ayants cause.
6. Toutes ces considérations revenaient à traiter les mots composés comme
s’il s’agissait de séquences de mots libres. Or, quand on écrit un ramasse-
miette, on ne désigne pas des miettes ni l’acte de les ramasser, mais bien
un objet particulier tout comme, quand on écrit un mille-feuille, on
désigne un gâteau et non mille feuilles. Pour cette raison, on considère
qu’à ce type de noms doit s’appliquer la règle générale d’accord en
nombre des noms : pas de marque au singulier et s ou x au pluriel.
• Expressions toutes faites ou elliptiques
Quand le nom composé est formé d’une expression toute faite ou
d’une expression elliptique, aucun élément ne varie au pluriel : des
meurt-de-faim, des pince-sans-rire, des on-dit, des coq-à-l’âne, des pur-
sang.

• Noms composés étrangers


Dans les noms composés, les mots étrangers restent invariables :
des mea culpa, des post-scriptum, des vice-rois, des mass-média.
Cependant on écrit : des facsimilés, des orangs-outangs, des best-
8
sellers .

• Noms composés savants


Quand le premier élément présente la terminaison -o, il reste
invariable : les Gallo-Romains, des électro-aimants.

4. Le pluriel des noms étrangers


Les noms empruntés aux langues étrangères s’intègrent
progressivement au français, notamment en adoptant ses règles
morphologiques. On marquera donc le singulier et le pluriel des
noms et adjectifs empruntés de manière régulière. Cette pratique est
déjà habituelle pour des termes fréquents et bien implantés : un
accessit, des accessits ; un autodafé, des autodafés ; un intérim, des
intérims ; un salami, des salamis ; un quota, des quotas. Elle s’étend
aujourd’hui à tous les noms empruntés : un zakouski, des zakouskis ;
un ravioli, des raviolis ; un graffiti, des graffitis ; un confetti, des confettis ;
un scénario, des scénarios ; un jazzman, des jazzmans. On choisit comme
forme du singulier la forme la plus fréquente, même s’il s’agit d’un
pluriel dans l’autre langue : un spaghetti (pluriel de spaghetto en
italien), des spaghettis.
Remarques
Un certain nombre de cas particuliers étaient traditionnellement pris en
compte pour la formation du pluriel en fonction de la langue et de la
terminaison du mot.
1. Les noms italiens tels que soprano, impresario faisaient leur pluriel en -i :
un soprano, des soprani ; un concerto, des concerti ; un impresario,
des impresarii ; un scenario, des scenarii, etc. Mais le pluriel français
s’est progressivement imposé. On écrit : des sopranos, des concertos,
des imprésarios, des scénarios, des bravos, des lazzis, des confettis,
des spaghettis.
2. Les noms anglais en -man faisaient leur pluriel en changeant -man en -
men : un gentleman, des gentlemen ; un barman, des barmen ; un
cameraman, des cameramen, etc.
3. Les noms anglais en -y changeaient parfois -y en -ies au
pluriel (conformément à la langue d’origine) : une lady, des ladies ; un
whisky, des whiskies ; un dandy, des dandies, mais on écrit toujours
des jurys. De manière générale, on préfèrera : des ladys, des whiskys,
des dandys, etc.
4. Les noms anglais terminés par une ou deux consonnes font leur pluriel par
l’addition de -es (non prononcé) : un box, des boxes ; un match, des
matches ; un sandwich, des sandwiches, etc.
À côté, se trouvaient des boxes vides. (ÉMILE ZOLA, Nana,
1880)
Mais les pluriels à la française sont aussi acceptés depuis longtemps : des
box, des matchs, des sandwichs, etc.
Nous défaisions notre paquet de sandwichs et de gâteaux.
(MARCEL PROUST, À l’ombre des jeunes filles en fleurs,
1919)
5. Certains mots latins restent invariables, et notamment des mots de la
langue liturgique : les prières catholiques désignées par leur début sont
invariables : des Avé, des Gloria, des Pater, des Te Deum. L’Académie
écrit toutefois : des alléluias, des bénédicités.
5. Le pluriel des noms par conversion
Les mots invariables pris comme noms, les mots employés
occasionnellement comme noms ainsi que les noms des lettres de
l’alphabet, des chiffres, des notes de musique, ne changent pas au
pluriel :

“ On n’écrit pas l’histoire avec des si. (A MÉLIE NOTHOMB, Tuer


le père, 2011)

Il donne des raisons, des pourquoi, des parce


que. (MICHEL ROSTAIN, Jules, etc., 2015)


Cependant les infinitifs et les mots qui sont devenus des noms dans
l’usage courant, ainsi que avant, devant, arrière, derrière, employés
substantivement, prennent s au pluriel :

“ Elle avait pris les devants. (HÉLÈNE JOUSSE, Le joker, 2013)

La France première équipe de la compétition à percer le


coffre-fort brésilien ne résiste pas à la furia de ses avants.
(OLIVIER GUEZ, Éloge de l’esquive, 2014)

C’était lui qui devait donc lire les attendus lugubres de cet
arrêt. (LÉONORA MIANO, Crépuscule du tourment, 2017)


6. Cas particuliers

a) Restrictions portant sur le nombre


des noms
Certains noms ne s’emploient normalement qu’au pluriel : des
agissements, les alentours, des annales, des armoiries, les bonnes grâces,
les confins, les décombres, les frais, les funérailles, des menottes, des
obsèques, des pierreries, etc. Mais l’usage ne tient pas toujours
compte de cette restriction :

“ Nous progressons de décombre en décombre, de survivant


en survivant. (EMMANUEL CARRÈRE, D’autres vies que la
mienne, 2009)

Des gens ont préféré prendre un crocodile pour armoirie


municipale. (MICHEL ROSTAIN, Jules, etc., 2015)

Mon poignet gauche était retenu par une menotte


accrochée à une planche de la paroi. (MICHEL BUSSI,
N’oublier jamais, 2014)


D’autres ne se trouvent ordinairement qu’au singulier :
noms de sciences ou d’arts : la botanique, la sculpture, la géométrie,
etc. ;
noms de matières : l’or, le plâtre, etc. ;
noms abstraits : la haine, la soif, etc. ;
noms des sens, des points cardinaux : l’odorat, le nord.
Remarque
Ces noms sont parfois utilisés au pluriel quand ils désignent les différents
sous-ensembles ou les variétés d’une matière, d’un sentiment, d’une science
ou d’un art. La plupart de ces noms admettent le pluriel quand on les emploie
au figuré ou dans des acceptions particulières :
Deux lourds bracelets trois ors au poignet droit. (KATHERINE
PANCOL, La valse lente des tortues, 2008)
Nous connaissons des géométries non euclidiennes. (MICHEL
HOUELLEBECQ, En présence de Schopenhauer, 2017)
Les armées doivent partager les haines des civils. (JEAN
COCTEAU, Les enfants terribles, 1929)
Des soifs à gober les oranges sans même les éplucher.
(SERGE JONCOUR, L’amour sans le faire, 2012)

Certains noms ont un sens différent au singulier et au pluriel.


Comparez :

un ciseau de sculpteur des ciseaux de coiffure

une lunette d’approche des lunettes de lecture

écrire une lettre faire des études de lettres

la vacance du pouvoir les vacances à la mer

En contexte littéraire, cette distinction n’est pas toujours respectée :


“ Hé ! de combien de nos Samson modernes ne tiens-je pas
la chevelure sous le ciseau ? (CHODERLOS DE LACLOS, Les
liaisons dangereuses, 1782)


b) Pluriel et figement
Il est fréquent que le nombre des noms employés dans des locutions
ou expressions figées soit fixe :
Ne pas perdre des yeux (*de l’œil).
Tourner de l’œil (*des yeux).
Les yeux dans les yeux (*l’œil dans l’œil).
La locution le mauvais œil au sens de « faculté de porter malheur par
le regard » est toujours au singulier :

“ On s’imagine que certaines gens jettent des sorts, le


mauvais œil. (GUY DE MAUPASSANT, Coco, coco, coco
frais, 1878)


4. Le groupe nominal
Le nom est généralement accompagné d’autres mots qui précisent,
déterminent, complètent l’idée qu’il exprime et qui forment avec lui
un groupe nominal.
Le déterminant (et l’article) sont nécessaires à l’insertion d’un nom
dans une phrase. Ensemble, ils forment le groupe nominal minimal
dont le nom constitue le noyau. Le groupe nominal étendu peut lui
accueillir d’autres expansions du nom : des adjectifs ou groupes
adjectivaux, des groupes prépositionnels, des propositions
subordonnées. (› Déterminant)

1. Le groupe nominal minimal


Le groupe nominal minimal est composé d’un nom et de son
déterminant (le cas des noms propres est particulier, car ils n’exigent
généralement pas d’article).
L’article est le déterminant élémentaire : la porte, une maison, de
l’eau. (› Déterminant article)
Les déterminants ajoutent une information complémentaire. Ils
peuvent être de différents types : déterminant numéral (deux amis),
possessif (mon livre), démonstratif (cette école), indéfini (tout individu),
relatif (lequel détenu ; laquelle loi), interrogatif (Quels témoins ? Combien
de blessés ?), exclamatif (Quel bonheur !).

Il s’est empressé de reconnaître l’enfant, lequel enfant n’est
pas de lui. (PHILIPPE DJIAN, « Oh… », 2012)

Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance ? (MICHEL


TOURNIER, Vendredi ou La vie sauvage, 1971)


2. Le groupe nominal étendu
Des mots et groupes de différentes natures peuvent préciser le sens
du nom.

a) Nom + épithète
Une épithète est formée d’un adjectif qualificatif placé généralement
à côté d’un nom et exprimant, sans l’intermédiaire d’un verbe, une
qualité de l’être ou de l’objet nommé :


Une souffrance authentique vaut mieux qu’un bonheur
illusoire. (EMMANUEL CARRÈRE, Le Royaume, 2014)


Remarque
La différence entre l’attribut et l’épithète, c’est que
l’attribut suppose un lien qu’on noue entre lui et le sujet (ou le complément
d’objet), il y a une copule (› Attribut) :
Cet amour est impardonnable. (CATHERINE CUSSET, Une
éducation catholique, 2014)
l’épithète ne suppose pas ce lien ; il n’y a pas de copule :
Pollux avoue son amour impardonnable à Télaïre. (SYLVIE
BOUISSOU, Jean-Philippe Rameau, 2014)
L’épithète est dite détachée quand elle est jointe au nom (ou au pronom)
d’une façon si peu serrée qu’elle s’en sépare par une pause, généralement
indiquée par une virgule à l’écrit ; elle s’écarte même souvent du nom (ou du
pronom) et est fort mobile à l’intérieur de la proposition
L’épithète détachée a quelque chose de la nature de l’attribut, et l’on peut
concevoir qu’elle suppose une copule implicite :
Le paysan, furieux, leva la main. (GUY DE MAUPASSANT, La
ficelle, 1883)
Sournoises et rusées, les flammes profitaient d’une seconde
d’inattention pour jaillir en flammèches à des endroits
inattendus. (CATHERINE CUSSET, Indigo, 2013)
Il ouvrit, froid et majestueux. (KATHERINE PANCOL, La valse
lente des tortues, 2008)

b) Nom + adverbe pris adjectivement


Le nom peut être complété par un adverbe pris adjectivement :
“ Stupeur : qui a écrit les lignes ci-dessus ? (BERNARD
QUIRINY, Histoires assassines, 2015)

Il parle du temps jadis. (MARCUS MALTE, Le garçon, 2016)

Il y a des tas de gens très bien qui sont chefs de cabinet.


(DANIEL PENNAC, Au bonheur des ogres, 1885)


c) Apposition
Une apposition est un nom, un pronom, un infinitif, une proposition,
que l’on place à côté du nom pour définir ou qualifier l’être ou la
chose que ce nom désigne ; l’apposition est comparable à la relation
qui existe entre un attribut et son sujet, mais le verbe copule est
absent (› Attribut du sujet) :


Jusqu’ en 1967, Chengdu, capitale de la province
chinoise du Sichuan, était une ville tranquille. (BERNARD
WERBER, La révolution des fourmis, 1996)

Mais la chouette était aussi l’animal de compagnie des


démons, des sorcières, la messagère de la mort. (MICHEL
BUSSI, On la trouvait plutôt jolie, 2017)


L’apposition peut également être de nature pronominale :

Ils trouvèrent leur plus petit garçon, celui de deux ans et
demi, dans les bras du brave Roger. (HÉLÈNE JOUSSE, Le
joker, 2013)

Les enfants eux-mêmes n’osaient pas grimacer. (CAROLE


MARTINEZ, Le cœur cousu, 2007)


Elle peut aussi être verbale ou phrastique :

“ Il n’eut plus qu’une chose en tête, s’enfuir. (PIERRE


LEMAITRE, Au revoir là-haut, 2013)

Elle ne souhaitait qu’une chose : que chez ses parents, il


se sente à jamais chez lui. (CATHERINE CUSSET, Un brillant
avenir, 2008)


Remarques
1. C’est le plus souvent à un nom que l’apposition se joint, mais elle peut
aussi se joindre à un pronom, à un adjectif, à un infinitif, à une
proposition :
Cet homme grossier, et malhonnête, qui pis est, m’exaspère.
Consoler, cet art si délicat, est parfois difficile.
Des vagues énormes déferlent, spectacle impressionnant.

2. Le nom apposé désigne toujours le même être ou la même chose que le


nom auquel il est joint.
3. Le nom ou le groupe nominal apposé précède parfois le nom auquel il est
joint :
C’est l’heure où, troupe joyeuse, les élèves quittent la classe.

4. Dans des expressions comme le mois de mai, la ville de Montréal, le


royaume de Belgique, l’île de Chypre, le nom de mère, la comédie des
Plaideurs, où les deux noms sont unis par la préposition vide de et
désignent le même être ou la même chose, c’est le second nom qui est
l’apposition. Dans cet amour de petite fille, mon idiot de voisin et
autres expressions semblables, on peut considérer que le second nom est
construit comme une apposition pour mettre en relief le premier nom.
5. Il est sans intérêt de chercher à reconnaitre, dans des expressions comme
le mont Sinaï, le musée Grévin, le philosophe Platon, le capitaine
Renaud, Sa Majesté le Roi dont les éléments ne sont pas joints par de,
quel est l’élément qui est l’apposition ; on peut se contenter de dire qu’on a
là des « éléments juxtaposés ».

d) Nom + complément du nom


Un complément du nom se subordonne au nom pour en préciser le
sens. Ce complément, qui se place après le nom, peut être un
groupe nominal prépositionnel (1), un groupe infinitif (2), un groupe
adverbial (3) ou une proposition subordonnée (relative ou
complétive) (4).

Moi, les coups, je m’en foutais, j’ai une certaine expérience
de la souffrance. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, Trompe-la-
mort, 2015) (1)

L’ardeur de vaincre cède à la peur de mourir. (PIERRE


CORNEILLE, Le Cid, 1637) (2)

Le printemps d’autrefois fleurit ton tablier. (LOUIS ARAGON,


Plus belle que les larmes, 1942) (3)

L’idée qu’elle me demandait salaire de notre nuit me


traversa l’esprit. (ADELAÏDE DE CLERMONT-TONNERRE, Le
dernier des nôtres, 2016) (4)


Le complément du nom peut être supprimé sans remettre en cause
l’acceptabilité syntaxique de la phrase (même si le contenu
sémantique est forcément réduit) : Les coups, je m’en foutais, j’ai une
certaine expérience ; L’ardeur cède à la peur ; L’idée me traversa l’esprit ; Le
printemps fleurit ton tablier.
1° Le groupe prépositionnel complément du nom est un groupe
nominal introduit par une préposition. Cette préposition est le plus
souvent de, mais ce peut être aussi à, autour, en, envers, contre, par,
pour, sans, etc. : une planche à dessin, un sirop contre la toux, la bonté
envers tous.
Le complément prépositionnel peut apporter des précisions
sémantiques très variées qui dépendent de la préposition utilisée. Il
peut indiquer notamment :
l’espèce : un cor de chasse ;
l’instrument : un coup d’épée ;
le lieu : la bataille de Waterloo ;
la matière : une statue de bronze ;
la mesure : un trajet de dix kilomètres ;
l’origine : un jambon d’Ardenne ;
la possession : la maison de mon père ;
la qualité : un homme de cœur ;
le temps : les institutions du moyen âge ;
la totalité : une partie de cette somme ;
la destination : une salle de sport ;
le contenu : une tasse de lait.
Le groupe prépositionnel peut être réduit à un simple pronom :


J’ai une certaine expérience de ça. (PHILIPPE DJIAN, Chéri-
Chéri, 2014)


Il arrive qu’un groupe nominal dans lequel on aurait attendu une
préposition donne naissance à une locution nominale de type nom-
nom, sans préposition. C’est un tour fréquent dans le langage
commercial : un thé au citron, un thé citron ; une impression en couleur,
une impression couleur ; la stratégie de Macron, la stratégie Macron.

Municipales 2020 : quelle est la stratégie Macron pour
Paris ? (MYRIAM ENCAOUA ET PAULINE THÉVENIAUD, Le
Parisien, 25/03/2018).


2° Un groupe infinitif se compose d’un verbe à l’infinitif exprimant
une action (et de ses éventuelles expansions). Il est introduit par
une préposition, généralement à ou de :

“ Je hantais ces bistrots dans l’espoir de la voir. (M ATHIAS


ÉNARD, Boussole, 2015)

L’unique autre femme à siéger au Conseil des anciens.


(LÉONORA MIANO, La saison de l’ombre, 2013)

D’autres s’exilent, avec l’espoir de trouver ailleurs la


possibilité de peindre encore. (ANAÏS BARBEAU-LAVALETTE,
La femme qui fuit, 2015)

Remarque
Certaines locutions Nom+de+verbe et Nom+à+nom se sont figées et
fonctionnent comme des unités lexicales à part entière : un empêcheur de
tourner en rond, une fin de non-recevoir, la joie de vivre, le permis de
conduire, un mandat d’amener, un homme à tout faire, un terrain à bâtir,
un manque à gagner, une salle à manger, le fil à couper le beurre, un
vent à décorner les bœufs, etc.
3° La proposition subordonnée complément du nom peut être
relative ou conjonctive.
La proposition subordonnée relative est introduite par un pronom
relatif. (› Prop. sub. relative)


Le rêve qu’était en train de nous raconter Desi me faisait
penser à certains rêves que j’ai faits dans les mois qui ont
suivi la mort de mon père, où mon père m’apparaissait
comme étant gravement malade. (JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT,
Made in China, 2017) (La dernière proposition relative introduite par le
pronom où est apposée à la précédente et se rapporte au même antécédent
nominal que celle-ci, à savoir rêves.)


Le caractère facultatif de ces propositions relatives apparait
clairement : la phrase reste correcte, même si on les supprime. Elles
appartiennent au groupe nominal étendu. On peut également les
remplacer par une épithète ou les pronominaliser pour mieux se
rendre compte de leur position dans la structure syntaxique :
Le rêve évoqué me faisait penser à certains rêves étranges, où mon père
m’apparaissait comme étant gravement malade. (Substitution des
deux premières propositions par des épithètes.)
Le rêve évoqué m’y faisait penser. (Si on pronominalise on constate
que les deux propositions qui ont rêves pour antécédent sont
absorbées.)

La proposition subordonnée conjonctive est introduite par la


conjonction que. (› Prop. sub. conjonctive)

La peur que ça réveille les vieux démons, que ça écarte
ses ouailles. (OLIVIER TRUC, Le dernier Lapon, 2012)

Lisa est d’avis que l’argent fait le bonheur – et les gens de


cette maison étaient manifestement très heureux. (NICOLAS
DICKNER, Six degrés de liberté, 2015)


Ces constructions apparaissent surtout après des noms qui sont
associés à des verbes qui se construisent avec une proposition
subordonnée : crainte (il craint que…, la crainte que), espoir (il espère
etc.
que…, l’espoir que), volonté (il veut que…, la volonté que),
À la différence des propositions relatives, le que des conjonctives ne
joue aucun rôle dans la proposition qu’il introduit. On comparera
avec l’exemple suivant :

“ L’espoir que j’avais mis en lui n’était qu’une illusion à


laquelle je m’étais accrochée pour survivre à sa disparition.
(BLANDINE LE CALLET, La ballade de Lila K, 2010) (J’avais mis
en lui qqch = que = l’espoir.)


Ce n’est pas le cas avec une construction comme l’espoir que je me
réveille.
Remarque
Les différents types de compléments peuvent s’enchâsser. Dans l’exemple
qui suit, le nom épaule est complété par un complément prépositionnel (de la
fille) comportant un nom (fille) qui est lui-même complété par une proposition
relative :
Le garçon avait passé son bras sur l’épaule de la fille qui
tenait des livres contre sa poitrine. (KATHERINE PANCOL, La
valse lente des tortues, 2008)
CHAPITRE 2

Le déterminant

1. Définition
2. Les articles
3. Les déterminants démonstratifs
4. Les déterminants possessifs
5. Les déterminants numéraux
6. Les déterminants relatifs, interrogatifs et exclamatifs
7. Les déterminants indéfinis
1. Définition
Le déterminant est un mot que l’on place devant le nom pour lui
apporter différentes informations et préciser son sens. Il peut
marquer le genre (masculin, féminin) et le nombre (singulier, pluriel)
et ajouter des informations telles que l’appartenance, l’identification
ainsi que sur le nombre précis ou imprécis des êtres ou objets
désignés par le nom :

“ Il regardait mon oncle. (SORJ CHALANDON, Retour à


Killybegs, 2011) (Le déterminant possessif permet de renvoyer à une
personne précise.)

Il y a deux enfants et une femme. (LAURENT GAUDÉ, Danser


les ombres, 2015) (Le déterminant numéral permet de dénombrer
précisément les personnes dont on parle.)

J’entendis chanter quelques oiseaux. (JACQUELINE


HARPMAN, Moi qui n’ai pas connu les hommes, 1995) (Le
déterminant indéfini apporte une information sur le nombre de manière
imprécise.)


Ensemble, le déterminant et le nom forment le groupe nominal
minimal, dont le nom constitue le noyau. L’usage du déterminant
est obligatoire pour l’insertion d’un nom dans une phrase. Il ne peut
pas être effacé, sauf dans des cas particuliers : * Il regardait oncle. * Il
y a enfant et femme. * J’entendis chanter oiseaux. (› Groupe nominal)
1. Types de déterminants
Au sein de la classe des déterminants, on distingue les articles qui
sont les déterminants « élémentaires ». On les utilise pour insérer un
nom dans une phrase quand l’information complémentaire véhiculée
par les autres déterminants n’est pas nécessaire.

Articles Formes Exemples

Définis Masc. sing. : le, l’ Dans la maison un


Fém. sing. : la, l’ calme étrange
Pluriel : les régnait. (JOËL
DICKER, Le livre des
Baltimore, 2015)
Indéfinis Masc. sing : un Un beau jour ou
Fém. sing. : une peut-être une nuit.
Pluriel : des (BARBARA, L’aigle
(de + adjectif) noir, 1970)
Partitif Masc. sing. : du, de l’ Venise, c’est de
Fém. sing. : de la, de l’ l’eau, du sable et de
Pluriel : des (pour la boue ! (LAURENT
certains noms) BINET, La septième
fonction du
langage, 2015)
Ils mangent des
épinards et des
brocolis, des
lasagnes vertes et
des kiwis.
(KATHERINE PANCOL,
La valse lente des
tortues, 2008)
Déterminants Formes Exemples

Démonstratifs Masc. sing. : ce, cet Je les aime


Fém. sing. : cette profondément, tous
Pluriel : ces les deux, parce que
je vois ce qu’ils
portent en eux, ces
possibles avortés.
(LÉONORA MIANO,
Crépuscule du
tourment, 2017)
Un ange gardien
cette petite ! (NÉGAR
DJAVADI,
Désorientale, 2016)
Possessifs Masc. sing. : mon, ton, Notre vie est un
son, notre, votre, leur voyage. (LOUIS-
Fém. sing. : ma, ta, sa, FERDINAND CÉLINE,
notre, votre, leur Voyage au bout de
Pluriel : mes, tes, ses, la nuit, 1932)
nos, vos, leurs Je ne mérite pas
mon fils et sa
gentillesse.
(CHRISTOPHE ONO-
DIT-BIOT, Croire au
merveilleux, 2017)
Numéraux Masc. sing. : (un), Elle a six cents
cf. article poussins d’ un coup,
Fém. sing. : (une), quarante mètres
cf. article carrés de poussins.
Pluriel : deux, trois, (MARGUERITE DURAS,
quatre…dix, cent, mille… L’amant, 1984)
Indéfinis Masc. sing. : tout, aucun, Les ténèbres, la
nul, chaque jeune femme le
savait, revêtaient
Fém. sing. : toute, diverses formes.
aucune, nulle, chaque (LÉONORA MIANO,
Pluriel : tous, toutes, Les aubes
certain(e)s, quelques, écarlates, 2009)
diverses, différentes,
n’importe quel(le)s, etc.

Interrogatifs Masc. sing. : quel Je ne sais ce que j’ai


et exclamatifs Fém. sing. : quelle vu, quels objets
Pluriel : quels, quelles usés, quelle vision
lumineuse ou
torturante. (GWENAËL
LE AUBRY,
Perséphone 2014,
2016)
Relatifs Masc. sing. : lequel Laquelle fête était
Fém. sing. : laquelle toute récente, ayant
Pluriel : lesquel(le)s, er
eu lieu le 1
desquel(le)s mai. (VICTOR HUGO,
Les misérables,
1862)
Mais comme le texte
dit : laquelle femme
je paierai à la
première réquisition,
ou bien j’épouserai,
etc. (PIERRE-
AUGUSTIN DE
BEAUMARCHAIS, Le
mariage de Figaro,
1784)

2. Caractéristiques
Quelques caractéristiques des déterminants :
dans un groupe nominal, le déterminant précède le nom noyau.
Un adjectif peut s’insérer entre les deux : mon pauvre oncle, deux
grands enfants, quelques beaux oiseaux ;
le déterminant et le nom s’accordent en genre et en nombre : une
ombre (fém. sing.) ; ma file (fém. sing.) ; ce jardin (masc. sing.) ; les
rideaux (masc. plur.) ;
tous les déterminants apportent une information quantitative qui
peut être précise ou non : le, un, mon, ce (= un seul) ; les, des, mes,
ces, certains (= plusieurs) ; deux (= un nombre précis) ;
un déterminant peut toujours être remplacé par un article, qui est
le déterminant le plus élémentaire. Quelle vue charmante ! (= la
vue) ; (› Article)
les déterminants permettent de convertir n’importe quel mot en
nom occasionnel :

“ Moi seul, je sais ce que j’aurais pu faire… Pour les autres,


je ne suis tout au plus qu’un peut-être. (STENDHAL, Le
rouge et le noir, 1830)

On avance avec des si qui n’arrivent jamais. (JEAN-MICHEL


GUENASSIA, Le club des incorrigibles optimistes, 2009)

Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, marmonne José


d’une voix bébête. (LYDIE SALVAYRE, Pas pleurer, 2014)


les déterminants permettent de marquer le genre des noms dont
la forme ne varie pas en fonction du genre : un/une artiste ; un/une
pilote, etc. (› Noms épicènes)
Les déterminants peuvent s’employer seuls devant le nom ou se
combiner par exemple dans des séquences article défini +
déterminant numéral (1), déterminant possessif + déterminant
numéral (2) ou déterminant démonstratif + déterminant indéfini (3) :


Les quatre cavaliers de l’Apocalypse, Copernic, Galilée,
Kepler, un peu plus tard Newton. (JEAN D’ORMESSON, C’est
une chose étrange à la fin que le monde, 2010) (1)

Il prend mes deux mains. (CATHERINE POULAIN, Le grand


marin, 2016) (2)

Ces quelques jours étaient pour lui les plus longs de


l’année. (CAROLE MARTINEZ, Le cœur cousu, 2007) (3)


Remarque
La terminologie grammaticale évolue. Les déterminants autres que les
articles étaient anciennement classés parmi les adjectifs, sous l’étiquette
d’adjectifs déterminatifs. Selon cette terminologie, mon était donc un
adjectif possessif et cette un adjectif démonstratif. La classification actuelle
qui regroupe les déterminants en dehors de la classe des adjectifs permet de
rendre compte des particularités de ceux-ci par rapport aux adjectifs. Si les
deux classes ont en commun de s’accorder avec le nom, elles se distinguent
par le fait que l’on peut généralement supprimer un adjectif au sein d’un
groupe nominal, mais pas un déterminant :
Le petit garçon le fusillait du regard. (JEAN-CHRISTOPHE
GRANGÉ, Le passager, 2011) (Le garçon le fusillait du regard. *Petit
garçon le fusillait du regard.)
Par ailleurs, les deux catégories se distinguent également au niveau de leurs
fonctions : l’adjectif peut être attribut (Le garçon est petit), ce qui n’est pas
le cas des déterminants (*Le garçon est mon).
2. Les articles
L’article se place devant le nom pour indiquer que celui-ci est pris
dans un sens complètement ou incomplètement déterminé ; il sert
aussi à indiquer le genre et le nombre du nom qu’il précède. On
distingue trois espèces d’articles : l’article défini, l’article indéfini et
l’article partitif.

1. L’article défini
L’article défini est celui qui se met devant un nom dont le sens est
complètement déterminé :


Le livre humiliait l’auteur, puisqu’il allait plus loin que lui,
souvent si prudent dans l’usage de sa vie. (SIMON LIBERATI,
Eva, 2015)

Vous leur donnez la vie, ils vous donnent la mort. (HONORÉ


DE BALZAC, Le père Goriot, 1835)


a) Les formes de l’article défini
le pour le masculin singulier (le confident, le crieur de nuit) ;
la pour le féminin singulier (la garçonnière, la citerne) ;
les pour le pluriel des deux genres (les mots, les fourmis).
L’article élidé est l’article le ou la dont la voyelle est remplacée par
une apostrophe devant les mots commençant par une voyelle ou un
h muet : l’or, l’avion, l’habit, l’heure, l’horrible vision. (› Élision)
L’article contracté est le résultat de la fusion des prépositions à, de,
avec les articles le, les :
à le se contracte en au (au matin, au cœur de la tourmente) ;
à les se contracte en aux (aux enfants, aux antipodes) ;
de le se contracte en du (la chaleur du désert, le repos du guerrier) ;
de les se contracte en des (la profondeur des abysses, la sagesse
des anciens).

b) L’emploi de l’article défini


D’une manière générale, l’article défini se met devant les noms
communs pris dans un sens complètement déterminé.
a) L’article défini s’emploie pour désigner une chose ou une
personne clairement identifiable par l’interlocuteur.
Il peut s’agir d’une entité connue (le soleil, la lune, la terre), située
par rapport à la situation de communication (Ferme la porte !), ou
encore introduite préalablement dans le contexte :

“ Il s’assit et conseilla à son chien d’en faire autant. Le chien


resta debout. (BERNARD WERBER, La révolution des
fourmis, 1996) (Après avoir précisé de quel chien on parle, on peut y faire
référence avec l’article défini.)


Le référent peut également être identifié par l’adjectif ou le
complément qui accompagne le nom :
“ Le chat de Nina ronronne sur mon ventre. (S YLVAIN TESSON,
Dans les forêts de Sibérie, 2011)

Le chat noir avait une peur bleue de l’aspirateur rouge.


(JEAN-LOUIS FOURNIER, Ma mère du Nord, 2015)


Le sens du groupe nominal introduit par le déterminant défini
peut être générique, c’est-à-dire faire référence à la classe
désignée par le nom dans son ensemble plutôt qu’à une instance
spécifique de cette classe, comme c’était le cas dans les
exemples qui précèdent :


Il sentait fort le tabac. (CATHERINE CUSSET, Indigo, 2013)

La nature nous a oubliés. (SAMUEL BECKETT, Fin de partie,


1957)


b) Au pluriel, l’article défini peut également réaliser une
généralisation ou désigner tous les êtres d’une espèce ou d’un
groupe :

Liz aime les poissons. Elle collectionne les aquariums,
disposés partout, pêle-mêle, dans la maison. (ANAÏS
BARBEAU-LAVALETTE, La femme qui fuit, 2015)


c) Dans un contexte exclamatif, l’article défini contribue à véhiculer
un sens démonstratif :

“ Ah les sournois, les misérables ! (V IRGINIE DELOFFRE, Léna,


2011)


d) L’article défini est utilisé comme possessif, surtout devant des
noms désignant des parties du corps ou du vêtement, ou les
facultés intellectuelles :
“ Je garde les yeux fermés. (H EDWIGE JEANMART, Blanès,
2014)

Tu as la mémoire courte, Yasmina. (GILBERT SINOUÉ,


Avicenne ou La route d’Ispahan, 1989)

Morgane tira Bart par la manche. (MARIE-AUDE MURAIL, Oh,


boy !, 2000)


e) L’article défini apparait parfois devant les noms propres de
personnes.
Quand ils sont employés soit dans un sens emphatique (alors
l’article est au pluriel), soit dans un sens méprisant : les Corneille,
les Racine, les Molière ont illustré la scène française. La Brinvilliers.
L’article se rencontre devant des noms de cantatrices ou
d’actrices célèbres (le Tasse, le Corrège, la Callas) (1) ou devant des
noms propres accompagnés d’une épithète ou déterminés par un
complément (le grand Corneille, le Racine des Plaideurs) (2) :
“ Il s’est acheté La Traviata avec la Callas et la passait en
boucle. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, Le club des incorrigibles
optimistes, 1950) (1)

– C’est une bonne farce ! et le monde ricane


Au nom doux et sacré de la grande Vénus ! (ARTHUR
RIMBAUD, Soleil et chair, 1870) (2)


Quand ils désignent soit plusieurs individus de même nom, soit
des types, des familles entières, des peuples : les deux Corneille,
les Cicérons sont rares, les Gagné, les Belges. Les Schweitzer sont
nés musiciens. (JEAN-PAUL SARTRE, Les mots, 1964)
Quand ils désignent des œuvres produites : les Raphaëls du
Vatican ; le Simenon que je préfère est « Pedigree ».
f) Devant les noms propres de continents, de pays, de provinces, de
montagnes, de mers, de cours d’eau, d’iles : l’Amérique, la France,
le Manitoba, les Vosges, la Méditerranée, le Zambèze, la Sardaigne. Les
noms de villes rejettent l’article : Dakar, Rome ; sauf s’ils sont
accompagnés d’une épithète ou d’un complément, ou encore s’ils
étaient originairement des noms communs : le vieux Québec, le
Paris d’autrefois, Le Havre, La Haye. On dit cependant : Paris entier,
tout Paris.
Devant plus, moins, mieux, suivis d’un adjectif ou d’un participe,
l’article le reste invariable et forme avec ces adverbes des locutions
adverbiales, quand il y a comparaison entre les différents degrés
d’une qualité (1), mais s’accorde lorsqu’on fait la comparaison entre
des êtres ou des objets différents (2) :

La pluie ne les empêcha pas de se promener dans les rues
pavées autour des bâtiments en brique rouge recouverts de
lierre du campus le plus prestigieux du monde, le lieu sur
terre où Helen se sentait le plus heureuse et le plus
légitime. (CATHERINE CUSSET, Un brillant avenir, 2008)
(Heureuse et légitime au plus haut degré.) (1)

Je suis la plus heureuse des femmes d’avoir fait ce choix,


je n’ai aucun regret. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, La valse des
arbres et du ciel, 2016) (= La femme la plus heureuse, comparée aux
autres femmes.) (2)


Remarque
Les confusions dans l’usage des locutions le plus, le moins, le mieux ne sont
pas rare et l’on trouve régulièrement des accords abusifs :
À quel moment de votre vie avez-vous été la plus heureuse ?
(GUILLAUME MUSSO, La fille de papier, 2010)
C’était quand le jour où tu as été la plus heureuse de ta vie ?
(FRÉDÉRIC BEIGBEDER, Une vie sans fin, 2018)
Pour s’en prémunir, on peut appliquer le test suivant. Quand on peut placer
après l’adjectif les expressions au plus haut (bas) degré, le plus (moins,
mieux) possible, on laisse l’article invariable. Quand on peut placer après
l’adjectif les mots de tous, de toutes, on accorde l’article.

2. L’article indéfini
L’article indéfini se place devant le nom pour indique que l’être ou
l’objet désigné est présenté comme non précisé, non déterminé, non
encore connu :

“ Si quelqu’un, n’importe qui, un passant, un touriste,


s’intéressait à moi, il pourrait croire que je souris. (MICHEL
BUSSI, Nymphéas noirs, 2011)


a) Les formes de l’article indéfini
L’article indéfini est :
un pour le masculin singulier (un vélo, un enfant) ;
une pour le féminin singulier (une ville, une mer) ;
des pour le pluriel des deux genres (des profondeurs, des
sommets).
Devant un adjectif épithète antéposé au nom, la forme des devient
de (et celui-ci s’élide en d’ si l’adjectif commence par une voyelle ou
un h muet) :

“ En France nous savons organiser de belles manifestations.


(ALEXIS JENNI, L’art français de la guerre, 2011)

Elle avait un pied mignon dans d’ignobles souliers, comme


l’héroïne du conte de Peau-d’Âne. (HONORÉ DE BALZAC, La
peau de chagrin, 1831)


Remarque
Dans une phrase négative, le nom qui suit de est accordé en fonction du
sens. On constate qu’il est souvent au singulier, mais quand on considère
que ce nom aurait été pluriel dans une phrase positive, on peut le mettre au
pluriel :
Moi, si je suis là, c’est justement pour qu’il n’y ait pas de
problèmes. (SERGE JONCOUR, Repose-toi sur moi, 2016) (Il y
aurait des problèmes.)
Il n’a pas de couche de graisse pour le protéger du froid.
(JEAN-BAPTISTE DEL AMO, Règne animal, 2016) (Il aurait une
couche de graisse.)

b) L’emploi de l’article indéfini


De manière générale, le déterminant indéfini situe le nom qu’il
précède dans une classe (un enfant, un nuage, une plume) et porte une
certaine valeur numérale affaiblie. Il désigne généralement un objet
ou une personne inconnue ou non précisée, sauf quand le groupe
nominal est en position d’attribut. Dans ce cas, on situe un sujet
clairement identifié dans une classe particulière :

“ C’était un philosophe, un platonicien, un élève de Philon.


(EMMANUEL CARRÈRE, Le Royaume, 2014)

Maud était une femme, pas une ado. (BERNARD MINIER,


Glacé, 2011)


En outre, l’article indéfini peut avoir, dans des emplois particuliers,
certaines valeurs expressives ; ainsi il s’emploie :
a) avec une valeur de généralisation, devant un nom désignant un
type, une catégorie (c’est-à-dire considéré comme représentant
tous les individus de l’espèce) :


Un artiste est un rêveur, donc un inutile. (PIERRE LEMAITRE,
Au revoir là-haut, 2013)

Une baleine vaut donc vingt-sept éléphants. (FRANÇOIS


GARDE, La baleine dans tous ses états, 2015)


b) avec une valeur emphatique, dans des phrases exclamatives :

“ Il fait une chaleur aujourd’hui ! (K ATHERINEPANCOL, Les


écureuils de Central Park sont tristes le lundi, 2010)


c) Devant un nom propre, soit par mépris, soit par emphase, soit
pour donner au nom propre la valeur d’un nom commun :
“ Un docteur de l’Église, c’est un saint qui a du génie : c’est
un génie de saint : c’est un Proust, c’est un Mozart, c’est un
Colette, c’est un Picasso de saint. (YANN MOIX, Mort et vie
d’Édith Stein, 2008)

Tous les souverains de la terre, fussent-ils des César


Borgia, ne viendraient pas à bout de me l’enlever.
(ALEXANDRE DUMAS, Le Comte de Monte-Cristo, 1844)


3. L’article partitif
L’article partitif se place devant le nom des choses massives, non
comptables, pour indiquer qu’il s’agit d’une partie seulement ou
d’une certaine quantité imprécise de ce qui est désigné par le nom :

“ Illeur faut de l’huile, du sel et de la farine. (DANY


LAFERRIÈRE, L’énigme du retour, 2009)

Les écrivains en début de carrière se plaisent à manger des


lentilles dans une mansarde misérable, c’est bien connu,
non ? (NANCY HUSTON, Danse noire, 2013)

La bataille lui donnait du courage. (JEAN COCTEAU, Les


enfants terribles, 1950)


a) Les formes de l’article partitif
L’article partitif est :
du (de l’) pour le masculin singulier (du pain, du sucre, de l’épeautre, de
l’amour) ;
de la (de l’) pour le féminin singulier (de la viande, de la farine, de
l’amertume) ;
des pour le pluriel des deux genres (des épinards).
L’élision des formes du singulier (du et de la s’élident en de l’) a lieu
devant une voyelle ou un h muet : ressentir de l’hypocrisie, boire de
l’eau.

b) L’emploi de l’article partitif


1° Les articles partitifs se réduisent en de après une négation (et
celui-ci s’élide devant voyelle ou h muet) (1,2) sauf après le verbe
être (3) ou si la phrase, malgré le tour négatif, implique, quant au
nom, une idée affirmative (4) :
“ M. Lepic n’a presque plus de pain. (J ULES RENARD, Poil de
carotte, 1894) (1)

Elle ne mérite pas d’amour ! (JOËL DICKER, La vérité sur


l’affaire Harry Quebert, 2012) (2)

– Patron, c’est pas du sang. (FRÉDÉRIC VERGER, Arden,


2013) (3)

Vous êtes gentille mais je ne bois que de l’eau. (NICOLAS


D’ESTIENNE D’ORVES, La gloire des maudits, 2017) (Tour négatif,
mais sens positif.) (4)


De même quand on veut insister sur le nom :

“ Et ses yeux, d’après le mokhtar, ne sont pas des yeux mais


des vitres, à travers leur bleu, c’est le ciel qu’on voit. (VÉNUS
KHOURY-GHATA, Sept pierres pour la femme adultère,
2009)


2° Devant un adjectif épithète antéposé au nom, la forme des
devient de (et celui-ci s’élide en d’ si l’adjectif commence par une
voyelle ou un h muet) :

Le comte resta avec de grandes espérances de sauver
Fabrice. (STENDHAL, La chartreuse de Parme, 1839)


Sauf bien entendu quand l’adjectif fait partie d’un nom composé ou
d’une locution nominale (l’adjectif fait alors corps avec le nom) : des
grands-pères, des jeunes gens, des petits pois, etc.
3° Devant les noms précédés d’un adjectif, au lieu de du, de la, de l’,
des, on met de, dans la langue soignée :

“ Le dimanche, ces dames vont parfois à la messe, pour


entendre de bonne musique. (JEAN-PAUL SARTRE, Les mots,
1964)


Remarque
L’article partitif résulte de la combinaison ou de la fusion de la préposition de
(qui abandonne sa valeur ordinaire) avec l’article défini le, la, l’, les. Des est
un article partitif quand il correspond au singulier du, de la, de l’ : J’ai
mangé des épinards. C’est un article indéfini quand il correspond au
singulier un ou une (il désigne alors des choses nombrables) : J’ai mangé
des noix.
Il ne faut pas confondre ces cas avec les phrases dans lesquelles on a un
article contracté avec une préposition qui introduit un complément du nom,
du verbes, circonstanciels, etc. : la cueillette des fruits, le chant des baleines,
Il rêve des mers chaudes, etc.). (› Article contracté)
4. La répétition de l’article
Si l’article est employé devant le premier nom d’une série, il doit
l’être aussi devant chacun des autres :

“ Puis au fur et à mesure des drames, des crises et des


révolutions, les couches d’immigrés sont venues se rajouter,
contrariant l’ordonnancement des plans de
l’architecte. (PASCAL MANOUKIAN, Le diable au creux de la
main, 2013)

Des années après la guerre, après les mariages, les


enfants, les divorces, les livres, il était venu à Paris avec sa
femme. (MARGUERITE DURAS, L’amant, 1984)


Mais l’article ne se répète pas quand le second nom est l’explication
du premier, ou qu’il désigne le même être ou objet, ou encore quand
les noms forment un tout étroitement uni dans la pensée :

“ Iltrouve refuge chez un collègue et ami d’Alois


Moravec. (LAURENT BINET, HHhH, 2011)

Outre les jambons et fromages, excellents certes, il y a la


Chartreuse. (MARCUS MALTE, Le garçon, 2016)


L’article se répète devant deux adjectifs unis par et ou par ou lorsque
ces adjectifs qualifient des êtres ou des objets différents, quoique
désignés par un seul nom :

“ Il y a de bons et de mauvais clients. (P ATRICK LAPEYRE, La


splendeur dans l’herbe, 2016)

Chaque possibilité semblait également un bon et un


mauvais choix. (YANN MARTEL, L’histoire de Pi, 2001)


Mais on ne répète pas l’article si les deux adjectifs qualifient un seul
et même être ou objet, un seul groupe d’êtres ou d’objets :

“ Un illustre et clairvoyant poète. (A LEXANDRE POSTEL, Un


homme effacé, 2013)

Notre obésité constitue un formidable et spectaculaire


acte de sabotage. (AMÉLIE NOTHOMB, Une forme de vie,
2010)


Remarque
Si les deux adjectifs ne sont pas unis par et ou par ou, on doit répéter
l’article :
Ils vivaient sans doute leur dernière journée de travail et
allaient pouvoir s’offrir une ferme, une villa avec piscine, une
chambre à l’année à Vegas, tous les rêves devenaient
possibles. (TONINO BENACQUISTA, Malavita, 2004)
Si le nom précède les deux adjectifs coordonnés, on peut avoir les tours
suivants :
– La langue latine et la langue grecque (c’est le tour ordinaire).
– La langue latine et grecque.
– La langue latine et la grecque.
– Les langues latine et grecque (surtout dans le langage technique).
Dans une série de superlatifs relatifs se rapportant à un même nom, l’article
doit être répété chaque fois :
La plus délicieuse, la plus vicieuse, la plus tendre, la plus
sale des étreintes est toujours spirituelle. (YANNICK HAENEL, Je
cherche l’Italie, 2015)

5. L’omission de l’article
On omet l’article :
1° devant des compléments déterminatifs n’ayant qu’une simple
valeur qualificative, ou désignant la destination d’un récipient : une
statue de marbre, une boite à bijoux, un adverbe de lieu, une corbeille à
papier ;
2° dans certains proverbes, dans certaines comparaisons ou
certaines expressions sentencieuses : Noblesse oblige ; Blanc
comme neige ; Il y a anguille sous roche ; Pierre qui roule n’amasse pas
mousse (Proverbe) ;
3° dans certaines énumérations rapides :
“ Acteurs, chanteuses, sportifs, tous ont tôt ou tard associé
leur image aux emblématiques bagages de la marque.
(GILLES LEGARDINIER, Demain j’arrête !, 2011)


4° devant le nom apposé ou attribué exprimant simplement une
qualité :

“ Pigeon, oiseau à la grise robe. (RÉMY BELVAUX, André


Bonzel, Benoît Poelvoorde, C’est arrivé près de chez
vous , 1992)

Je crois me rappeler que vous êtes amateur de café.


(DANIEL PENNAC, La petite marchande de prose, 1989)


Mais on met l’article si le nom apposé ou attribut garde toute sa
valeur substantive et marque une identification nettement soulignée :
“ Rome : le creuset, mais aussi la fournaise, et le métal qui
bout, le marteau, mais aussi l’enclume, la preuve visible des
changements et des recommencements de l’histoire.
(MARGUERITE YOURCENAR, Mémoires d’Hadrien, 1951)

Vous dites que vous êtes le Messie ? (ALAIN BERENBOOM,


Messie malgré tout !, 2011)


5° devant le nom mis en apostrophe (› Apostrophe) :

“ Cieux, écoutez ma voix ; terre, prête l’oreille. (J EAN RACINE,


Athalie, 1691)

Vous croyez que je reverrai un mois de mars, docteur ?


(YANN MOIX, Naissance, 2013)


6° dans un grand nombre d’expressions où le complément est
intimement lié au verbe (avoir peur, donner congé, rendre justice,
imposer silence, perdre patience, avoir à cœur, aller à cheval, etc.) ou à
la préposition (avec soin, sans gêne, par hasard, sous clé, sur
commande, sur rendez-vous, par etc.). Dans ces
ouï-dire,
constructions verbales, le sens est principalement véhiculé par le
nom (on parle de prédicat nominal) et le verbe n’est qu’un
simple support. Ces prédicats nominaux ont parfois un verbe
morphologiquement associé dont le sens est plus ou moins
équivalent : donner congé ≈ congédier, perdre patience ≈ s’impatienter,
aller à cheval ≈ chevaucher, etc. (› Verbes supports)
Le déterminant n’est pas toujours absent dans ces constructions à
verbe support : donner une gifle ; chanter les louanges, adresser des
félicitations, etc.

Remarques
1. Souvent devant les noms unis au moyen de soit… ou, tant… que, (ni) …
ni, (et) … et :
Mais le temps, […] qui n’a ni début ni fin ni mesure ni
épaisseur, cela l’homme ne le comprend pas. (JEAN-MARC
CECI, Monsieur Origami, 2016)
Il mena le jeune homme dans le petit salon, et, soit hasard,
soit adresse, derrière Andrea la porte fut repoussée.
(ALEXANDRE DUMAS, Le Comte de Monte-Cristo, 1844)
2. Dans les inscriptions, les titres d’ouvrages, les adresses, etc. : Maison à
vendre ; Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue
française ; Monsieur X., 20, rue du Commerce.
3. Les déterminants démonstratifs
Les déterminants démonstratifs sont dits définis, car ils apportent
une détermination complète, au même titre que l’article défini. Leur
sens vise à identifier précisément et complètement le nom auquel ils
sont joints.
Les déterminants démonstratifs sont ceux qui marquent, en général,
que l’on « montre » (réellement ou par figure) les êtres ou les objets
désignés par les noms auxquels ils sont joints :

“ Je possède ce livre depuis dix-neuf ans. (B ERNARD QUIRINY,


Une collection très particulière, 2012)

Seul au milieu de ces pierres, avec pour unique appui ces


liasses de papiers, ces cartes, ces cahiers où j’ai écrit ma
vie ! (JEAN-MARIE-GUSTAVE LE CLÉZIO, Le chercheur d’or,
1985)


1. Les formes du déterminant
démonstratif
Le déterminant démonstratif se présente sous les formes suivantes :
Masculin Féminin

Singulier ce, cet (devant cette


voyelle)

Pluriel ces

Au singulier, ce est remplacé par cet quand il est placé devant un


mot commençant phonétiquement par une voyelle, sauf en cas de
disjonction : ce héros, ce huis clos, ce ululement, etc. :

“ Assez rapidement, cet élan de tendresse se mua en autre


chose. (PATRICK DECLERCK, Démons me turlupinant, 2012)

Elle hait cet hôpital. (LEÏLA SLIMANI, Dans le jardin de


l’ogre, 2014)


2. L’emploi du déterminant
démonstratif
Le déterminant démonstratif signale que le groupe nominal fait
référence à une personne ou un objet présent, représenté ou connu
dans la situation de communication. Dans le contexte de cette
communication, le sens déictique (qui vise à montrer) peut être
soutenu par un geste qui désigne l’objet de la discussion :
“ Et cette robe te fait un sacré ventre : on dirait que t’es
enceinte. (AURÉLIE VALOGNES, Mémé dans les orties, 2014)

C’est à toi, cette voiture ? (PHILIPPE JAENADA, Sulak, 2013)


Le déterminant démonstratif s’emploie souvent avec une valeur
atténuée, sans qu’il exprime précisément l’idée démonstrative :

“ C’est elle qui t’a réveillée ce matin. (G WENAËLLE AUBRY,


Perséphone 2014, 2016)

J’espère (…) que vous aurez obtenu cette place de


bibliothécaire que vous convoitiez, dans ce lieu qui vous
rappelle votre enfance. (PATRICK MODIANO, Rue des
Boutiques Obscures, 1978)


À l’inverse, les adverbes ci et là (joints au nom après lequel ils se
placent par un trait d’union) peuvent renforcer le démonstratif (ci
exprime un sens proche et là un sens plus lointain) :
“ Olivier
arriva tôt ce matin-là au journal. (NELLY ALARD,
Moment d’un couple, 2013)

Je savais que ce jour-ci était d’une autre sorte que les


autres. (MARCEL PROUST, À l’ombre des jeunes filles en
fleurs, 1919)


4. Les déterminants possessifs
Les déterminants possessifs sont également définis. Ils déterminent
le nom en indiquant, en général, une idée d’appartenance :

“ Mais ma vie, mes nuits, ma respiration, mes désirs, mes


envies, auraient été condamnés. (TAHAR BEN JELLOUN,
L’enfant de sable, 1985)


Souvent l’adjectif dit possessif marque, non pas strictement
l’appartenance, mais divers rapports :

“ Avec plaisir, mon bon Monsieur, avec plaisir. (A NNE CUNEO,


Le maître de Garamond, 2002) (= Le monsieur à qui je parle.)

Sarah se lança à sa poursuite. (AHMADOU KOUROUMA, Allah


n’est pas obligé, 2000) (= Sarah poursuit quelqu’un.)


1. Les formes du déterminant
possessif
Plusieurs
Un seul possesseur
possesseurs

Plusieur Un seul Plusieur


Un seul objet
s objets objet s objets

Masculin Féminin 2 genres 2 genres 2 genres


re mon ma mes notre nos
1 personne
e ton ta tes votre vos
2 personne
e son sa ses leurs leurs
3 personne

Le déterminant possessif varie d’une part en genre et en nombre


avec le nom auquel il est adjoint (mon vélo, ma voiture, mes patins) et
d’autre part en fonction de la personne grammaticale qu’il représente
et dont il prend le rang (1re, 2e, 3e personne) et le nombre : mon école
(un possesseur, un seul objet) ; mes amis (un possesseur, plusieurs
objets) ; nos voisins (plusieurs possesseurs, plusieurs objets).

Remarque
Devant un mot féminin commençant par une voyelle ou un h muet,
on emploie mon, ton, son, au lieu de ma, ta, sa : mon erreur, ton habitude,
son éclatante victoire. (› Le h muet)

2. L’emploi du déterminant possessif


a) Le pluriel dit de majesté, de politesse ou de modestie s’applique
également aux déterminants possessifs (on utilise : notre, nos,
votre, vos au lieu de mon, ma, mes, ton, ta, tes) :
“ Puis-je vous demander quel funeste nuage, Seigneur, a pu
troubler votre auguste visage ? (RACINE, Phèdre, 1677)

A propos, Seigneur, me direz-vous votre nom ? (JEAN-PAUL


SARTRE, Huis clos, 1944)


b) Le déterminant possessif peut prendre une valeur expressive et
marquer relativement à l’être ou à la chose dont il s’agit l’intérêt,
l’affection, le mépris, la soumission, l’ironie de la personne qui
parle :

“ Jacques, mon cher ami, je crains que vous n’ayez le diable


au corps. (DENIS DIDEROT, Jacques le fataliste et son
maître, 1796)

Dites ce que vous avez à dire, arrêtez avec vos sous-


entendus. (HÉLÈNE GRÉMILLON, La garçonnière, 2013)

Oh, vous étiez admirable, mon capitaine, il me coûte de


l’avouer aujourd’hui, mais c’est la vérité. (JÉRÔME FERRARI,
Où j’ai laissé mon âme, 2010)


c) En général, on remplace le déterminant possessif par l’article
défini quand le rapport de possession est assez nettement
indiqué par le sens général de la phrase, notamment devant les
noms désignant des parties du corps ou du vêtement, les facultés
intellectuelles (1), mais on met le possessif quand il faut éviter
l’équivoque, ou quand on parle d’une chose habituelle (2,3) :

“ Quand je ferme les yeux, les voix s’allument dans ma tête.


(LARRY TREMBLAY, L’orangeraie, 2013) (1)

Me prêteriez-vous votre bras ? (MARCUS MALTE, Les


harmoniques, 2011) (2)

Sa migraine lui obscurcissait la vue. (JEAN-CHRISTOPHE


GRANGÉ, Le passager, 2011) (3)


d) Il y a beaucoup d’hésitation à propos de l’éventuel accord du
possessif employé après chacun. Quand chacun ne renvoie pas
dans la phrase à un pluriel qui précède, on emploie son, sa, ses,
pour marquer la possession :
“ Chacun a son défaut, où toujours il revient. (J EAN DE LA
FONTAINE, L’ivrogne et sa femme, 1668)

Rendue à sa violence primordiale, la nature se déchaîne et


confronte chacun à sa vérité intime. (LAURENT GAUDÉ,
Ouragan, 2010)

Mais pour l’avenir, tous les deux, chacun à sa manière, on


peut travailler pour la France sans être président de la
République. (YANN MOIX, Naissance, 2013)


Quand chacun renvoie à un pluriel, il y a normalement accord du
déterminant possessif avec le référent de chacun, s’il renvoie à la
1re ou à la 2e personne. On emploie donc notre, nos (pour la 1re
e
personne) ou votre, vos (pour la 2 personne) :
“ Elle nous enlaça une dernière fois, chacun notre tour.
(JOËL DICKER, Le livre des Baltimore, 2015)

Durant tout le trajet, nous nous enfermâmes chacun dans


nos pensées. (AGNÈS MARTIN-LUGAND, Les gens heureux
lisent et boivent du café, 2013)

Des survivants, voilà ce que vous êtes, chacun à votre


manière et tous autant que vous êtes. (DELPHINE DE VIGAN,
D’après une histoire vraie, 2015)


Si chacun renvoie à la 3e personne du pluriel, l’usage est plus
hésitant : on emploie tantôt son, sa, ses (comme s’il n’y avait qu’un
possesseur), tantôt leur(s) (faisant référence à plusieurs
possesseurs).

“ Les princes électeurs touchèrent chacun sa part. (ÉRIC


VUILLARD, Conquistadors, 2009)

Ils ont vécu chacun leur vie quand il le fallait ! (MARC


BRESSANT, Assurez-vous de n’avoir rien oublié, 2010)

Ils parlaient abondamment mais chacun à son tour. (ALEXIS


JENNI, La conquête des îles de la Terre Ferme, 2017)


Cette hésitation se retrouve en fait pour toutes les personnes du
pluriel :

“ Tucker et moi travaillions pour feu Thomas Colbert, chacun


à sa manière. (FRANÇOIS GARDE, Pour trois couronnes,
re
2013) (1 pl.)

Et vous en avez souffert, chacun à sa manière. (MIANO


e
LÉONORA, Crépuscule du tourment, 2017) (2 pl.)


Il semble en particulier, que ce sont les constructions similaires à
chacun à son <NOM> qui suscitent le plus d’hésitation chacun à
(son/sa/ses)(rythme/tour/manière/guise, etc.). C’est-à-dire que les
formes du possessif qui désignent un possesseur unique sont
souvent utilisées, même si le référent de chaque désigne plusieurs
possesseurs (nous, vous, ils).

a) Accord
1° Leur, notre, votre, ainsi que les noms qu’ils accompagnent,
restent au singulier devant les noms qui n’admettent pas le
pluriel (1) et quand il n’y a qu’un seul objet possédé par
l’ensemble des possesseurs (2) :
“ Il pensait à votre avenir, il voulait vous voir faire des études
sérieuses. (BOUALEM SANSAL, Le village de l’Allemand ou
Le journal des frères Schiller, 2007) (1)

Seuls les fous s’attachent à leur empire. (MARIE-CLAIRE


BLAIS, Une réunion près de la mer, 2018) (2)


2° Ils prennent la forme du pluriel :

devant les noms qui n’ont pas de singulier :

“ On les traîne en place publique et, devant tout le village, on


expérimente à leurs dépens un supplice encore peu usité.
(SPORTÈS MORGAN, Le ciel ne parle pas, 2017)

Ils nettoient leur paillasse, ôtent leur blouse, leurs lunettes,


leurs gants. (ALEXIS JENNI, La nuit de Walenhammes, 2015)


quand la phrase implique l’idée de réciprocité, de comparaison
ou d’addition :
“ Nous avons échangé nos adresses. (S ORJ CHALANDON, Mon
traître, 2008)

Elle nous dit juste de parler chacun notre tour parce que
nos voix se chevauchaient. (SERGE JONCOUR, L’écrivain
national, 2014)


quand il y a plusieurs objets possédés par chaque possesseur :

“ Les mères rassemblent leurs enfants autour de leurs


jambes. (RENÉ BARJAVEL, Ravage, 1943)


3° Lorsque chacun des possesseurs ne possède qu’un seul objet,
selon le point de vue de l’esprit, on emploie :
le singulier si on envisage le type plutôt que la collection :

“ Un jour il devient un grand arbre et les oiseaux du ciel font


leur nid dans ses branches. (EMMANUEL CARRÈRE, Le
Royaume, 2014)


le pluriel si on envisage la pluralité ou la variété du détail :
“ Il le compare […] à un arbre immense dans lequel les
oiseaux font leurs nids. (EMMANUEL CARRÈRE, Le Royaume,
2014)

Ils houspillaient leurs épouses puis les aidaient à enfiler


leurs manteaux. (LEÏLA SLIMANI, Chanson douce, 2016)


5. Les déterminants numéraux
Les déterminants numéraux cardinaux expriment le nombre précis
des êtres ou objets désignés par le nom.

“ Elle les aurait bien mérités, ses trois jours et deux nuits de
plaisirs à Paris ! (MICHEL BUSSI, Un avion sans elle, 2012)

Cinq hommes… six… sept… Et des fenêtres qui s’ouvrent


un peu partout, des chuchotements… (GEORGES SIMENON,
Le chien jaune, 1931)


Remarques
1. Les adjectifs numéraux perdent quelquefois leur valeur précise et
marquent un nombre ou un rang approximatifs, indéterminés :
Je les mis, en deux mots, au courant de la situation. (GASTON
LEROUX, Le mystère de la chambre jaune, 1907)
Il m’avait dit cent fois avoir grandi à la campagne. (ANNE
CUNEO, Le maître de Garamond, 2002)
2. Il ne faut pas confondre les déterminants numéraux cardinaux avec les
adjectifs numéraux ordinaux qui indiquent l’ordre, le rang des êtres ou
des objets dont on parle (› Adjectifs ordinaux) :
Citoyens, le dix-neuvième siècle est grand, mais le
vingtième siècle sera heureux. (VICTOR HUGO, Les
misérables, 1862)
Nous cinq enfants, moi la troisième, bien planquée au milieu,
la solitaire entre les solitaires. (OCÉANE MADELAINE, D’argile et
de feu, 2014)

1. Les formes du déterminant numéral


cardinal
On distingue les formes simples et composées.
Formes simples sont : un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit,
neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize, vingt, trente,
quarante, cinquante, soixante, cent, mille 1.
Les autres formes sont composées :
soit par addition : dix-sept, soixante-dix, trente-et-un, etc. ;
soit par multiplication : quatre-vingts, six-cents, etc.
Dans quatre-vingt-dix, il y a à la fois multiplication et addition.

2. L’emploi du déterminant numéral


cardinal
L’écriture des formes composées adopte plusieurs principes
généraux.
On met un trait d’union entre tous les nombres (y compris quand
ils sont joints par et), sauf avant et après million et milliard qui ne
2
sont pas des déterminants, mais des noms (voir cependant la
remarque 3. ci-dessous). (› Nouvelle orthographe)
Vingt et cent prennent un s quand ils sont multipliés et terminent
le déterminant numéral : Il fallait deux-cents kilos de fleurs pour un
litre d’eau de lavande. Il avait déboursé près de quatre-vingts euros.
Mais : quatre-vingt-deux dollars ; six-cent-vingt hommes. Les noms
millier, million, milliard, billion, trillion, etc., varient au pluriel et
n’empêchent pas l’accord de vingt et cent) :

“ Il a laissé après lui à ses ayants droit une des plus


colossales fortunes d’Afrique noire, plus de trois mille cinq
cents milliards de francs CFA (AHMADOU KOUROUMA, Allah
n’est pas obligé) (Ou trois-mille-cinq-cents milliards, en nouvelle
orthographe.)


Tous les autres déterminants numéraux sont invariables, y
compris mille : deux-mille ans.
Et ne se met que pour joindre un aux dizaines (sauf quatre-vingt-
un) et dans soixante-et-onze. On dira donc : quarante-et-un, mais
cent-deux, mille-un, mille-deux, etc.
Remarques
1. Vingt et cent, mis pour vingtième et centième, ne varient pas : page
quatre-vingt, l’an huit-cent.
2. Dans la date des années de l’ère chrétienne, quand mille commence la
date, on écrit mille ou mil :
Wanborough Manor, un domaine ancestral datant de l’an mil.
(JOËL DICKER, Les derniers jours de nos pères, 2012)
J’ai l’impression d’arpenter le monde de l’an mille. (ALEXIS
JENNI, L’art français de la guerre, 2011)
3. Million et milliard, qui sont parfois appelés noms numéraux, sont des noms
à part entière : ils ont besoin d’un déterminant, ils varient au pluriel et le
nom qu’ils accompagnent est introduit par une préposition (un million
d’euros). De plus, ils n’empêchent pas la variation de vingt et cent (deux
cents millions, quatre-vingts milliards). On considère généralement
qu’il ne sont pas concernés par les traits d’union de la nouvelle
orthographe. Mais comme les Rectifications relatives au trait d’union
parlent simplement de numéraux, cela laisse de la place à
l’interprétation : faut-il y inclure les noms numéraux ? Certains sont de cet
avis et proposent d’écrire : cinq-millions-deux-cent-mille voyageurs.
Certains correcteurs orthographiques compatibles avec la nouvelle
orthographe vont également en ce sens.

Les déterminants cardinaux s’emploient souvent à la place des


adjectifs ordinaux dans l’indication du rang d’un souverain dans une
dynastie, du quantième du mois, etc. : Louis quatorze. Le quatre aout.
Mais on dit : François premier, le premier aout.
Plusieurs expressions sont formées à partir de déterminants
numéraux, sans nom exprimé. L’expression des mille et des cents
signifie « beaucoup d’argent ». Le nom de monnaie n’est pas
exprimé, mille est invariable et cent s’écrit avec un -s (1) ; on dit
trente-six, cent-et-un, mille ou mille-et-un, pour exprimer de manière
indéterminée un grand nombre (2) ; un cinq-à-sept (ou cinq à sept) est
« un rendez-vous érotique dans l’après-midi » (3) ; être/se mettre sur
son trente-et-un. consiste à « porter/mettre ses plus beaux habits » (4)
; à la six-quatre-deux signifie « négligemment, de manière trop
rapide » (5)

“ Après s’être vanté de gagner des mille et des cents grâce


à sa musique (PATRICK LAPEYRE, La splendeur dans
l’herbe, 2016) (1)

Vous cherchez les mille et une raisons qui justifient mon


retard. (GENEVIÈVE DAMAS, Patricia, 2017) (2)

Il aurait pu avoir des femmes, il aurait pu passer des cinq-à-


sept dans des cinq étoiles. (DAVID FOENKINOS, La
délicatesse, 2009) (3)

Ma fiancée est sur son trente et un. (JEAN-LOUIS FOURNIER,


Poète et paysan, 2010) (Moins fréquemment on trouve
également sur son trente-deux, son trente-six.) (4)

Et puis elle me rend mes baisers vite ; je n’aime pas du tout


qu’on m’embrasse à la six-quatre-deux ! (COLETTE,
Claudine à l’école, 1900) (5)


D’autres expressions figées, plus nombreuses, comportent à la fois
un déterminant numéral et un nom : être six pied sous terre, « être
mort » (1) ; Voir trente-six chandelles, « être étourdi par un choc, un
coup » (2) ; Trois francs six sous, « pour presque rien » (3) ; Tous les
trente-six du mois, « jamais ou rarement » (4). (› Figement)
“ Georges est six pieds sous terre depuis des mois mais je
sens qu’il n’est pas bien loin.,(PHILIPPE DJIAN, Love Song,
2013) (1)

Une beigne d’une telle force qu’elle en voyait trente-six


chandelles. (ÉMILE ZOLA, L’assommoir, 1877) (2)

Se lever aux aurores pour trois francs six sous ! (PIERRE


LEMAITRE, Trois jours et une vie, 2016) (3)

Je travaillais à présent dans une entreprise d’urbanisme qui


nous payait tous les trente-six du mois. (RICHARD MILLET,
La fiancée libanaise, 2011) (4)


Remarque
Mille et cent (numéraux) ne doivent pas être confondus avec les noms qui
sont leurs homographes :
Quand cent désigne la centième partie d’une unité monétaire (du dollar,
de l’euro dans certains pays…), c’est un nom et il varie au pluriel : douze
dollars et cinquante cents (prononcé [sɛnt]).
Mille, nom de mesure itinéraire, est une francisation de l’anglais mile
[maɪl], forme qui se trouve parfois en français : le record du monde du
mile (athlétisme) ; les cinq-cents miles d’Indianopolis (course
automobile annuelle). Sur terre, un mile correspond approximativement
à 1,6 km.
On se traîne à 50. On a mis six heures pour faire deux cent
soixante-dix miles. (MICHEL BUSSI, Gravé dans le sable,
2014)
La forme francisée mille varie au pluriel :
Au bout de deux milles, le chemin escalada une côte abrupte
et entra en plein bois. (LOUIS HÉMON, Maria Chapdelaine,
1913)
Le nom mille, désigne aussi par ellipse, le mille marin (ou mille nautique
pour la Marine nationale française) qui équivaut pour sa part à 1852 m.
À quelques milles de l’épave croisait un voilier hollandais.
(DANIEL RONDEAU, Malta Hanina, 2012)
6. Les déterminants relatifs, interrogatifs
et exclamatifs

1. Les déterminants relatifs


Les déterminants relatifs sont ceux qui se placent devant un nom
pour indiquer que l’on met la proposition qu’ils introduisent en
relation avec ce même nom déjà exprimé (ou suggéré)
précédemment.
Ce sont :

Masculin : lequel, duquel, auquel


– pour le singulier { Féminin : laquelle, de laquelle, à laquelle

Masculin : lesquels, desquels, auxquels


– pour le pluriel { Féminin : lesquelles, desquelles, auxquelles

Les déterminants relatifs sont essentiellement utilisés dans la langue


juridique ou administrative. Ils sont également présents dans l’usage
littéraire :
“ Ils pourraient gagner Udine et le domaine de son ami, le
comte C*** . Lequel ami est mélomane et attentionné.
(VINCENT ENGEL, Alma Viva, 2017)

Il a donc fait appel à la voie hiérarchique. Laquelle voie


menait à la police. (DANIEL PENNAC, Au bonheur des ogres,
1985)

Mais comme le texte dit : laquelle femme je paierai à la


première réquisition, ou bien j’épouserai, etc. La cour
condamne le défendeur à payer deux mille piastres. (PIERRE-
AUGUSTIN CARON DE BEAUMARCHAIS, Le mariage de Figaro,
1784)


2. Les déterminants interrogatifs
Les déterminants interrogatifs : quel, quelle, quels, quelles,
indiquent que l’être désigné par le nom fait l’objet d’une question
relative à la qualité, à l’identité, au rang :
“ Mais cet enfant fatal, Abner, vous l’avez vu : Quel est-il ? de
quel sang ? et de quelle tribu ? (JEAN RACINE, Athalie, 1691)
(Le premier quel est un pronom interrogatif et non un déterminant.)

Quelles affaires fait donc ma mère à cette heure de la nuit


dans sa chambre à coucher ? (RÉJEAN DUCHARME, L’avalée
des avalés, 1966)


3. Les déterminants exclamatifs
Ces mêmes déterminants quel, quelle, quels, quelles, sont
exclamatifs quand ils servent à exprimer l’admiration, l’étonnement,
l’indignation :

“ J’ai reçu tes cartes ! Quelles cartes ! Ma-gni-fiques ! (J OËL


DICKER, Les derniers jours de nos pères, 2012)

Quelle coïncidence, ah mon Dieu, quelle coïncidence !


(EUGÈNE IONESCO, La cantatrice chauve, 1950)


7. Les déterminants indéfinis
Les déterminants indéfinis sont ceux qui se joignent au nom pour
marquer, en général, une idée plus ou moins vague de quantité
(grande, petite ou nulle : quelques, nuls, aucun, toute, plus de, etc.) ou
de qualité (restriction, identité, ressemblance : tel, même, je ne sais
quel, etc.) :

“ Certain matin il me devint tout à fait impossible de me lever.


(LOUIS-FERDINAND CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932)

Plusieurs mois passèrent durant lesquels rien ne se passa,


sinon le temps. (VINCENT ENGEL, La peur du paradis, 2009)


1. Les formes du déterminant indéfini

aucun divers certain quel

nul 3 maint quelconque


je ne sais quel

pas un l’un et l’autre plusieurs quelque

chaque n’importe quel plus d’un tel

différents tout

Les formes des déterminants indéfinis peuvent être simples ou


composées. Certaines de ces formes simples varient en genre
(aucun/aucune ; nul/nulle) et parfois en nombre (certain/certains). Mais
certaines formes n’existent qu’au singulier ou au pluriel : plusieurs,
divers, différents sont toujours au pluriel ; aucun et nul sont
généralement singuliers (sauf devant un nom strictement pluriel).
Les formes composées de déterminants indéfinis sont assez
nombreuses et variées. Elles sont construites sur différents
modèles :
a) à partir du mot quel : n’importe quel, je ne sais quel (quel varie en
genre) ;
b) à partir d’un adverbe de degré : une locution adverbiale
évoquant une certaine quantité ou le degré et construite sur la
structure adv+de peut servir de déterminant indéfini devant un
nom. Le déterminant évoque alors une idée en rapport direct
avec l’adverbe : (beaucoup, infiniment, peu, trop, plus, moins,
énormément) de.

“ Il y a beaucoup de vies qui sont tombées quand j’ai secoué


ma mémoire (GRAND CORPS MALADE, 1000 vies, 2018)

Avec infiniment de brumes à venir (JACQUES BREL, Le plat


pays, 1962)

Les vieux ne bougent plus leurs gestes ont trop de


rides (JACQUES BREL, Les vieux, 1963)

Un coin de ciel qui vire au mauve


J’étais déjà bien peu de choses (BENJAMIN BIOLAY, Volver,
2017)


D’autres types d’expressions adverbiales jouent également ce rôle
de déterminant indéfini : nombre de, quantité de, force, la plupart de, etc.:

“ Le journaliste décrit son martyr avec force détails. (K AMEL


DAOUD, Meursault, contre-enquête, 2013)

L’embouteillage mélange quantité de voitures aux fenêtres


ouvertes. (MAYLIS DE KERANGAL, Réparer les vivants, 2013)


Avec un peu de, le nom qui suit est généralement au singulier (1),
sauf pour les noms qui s’utilisent toujours au pluriel (un peu de
rillettes, victuailles, etc.). Cependant, on trouve aussi des pluriels
(2,3) :

“ Une photo qui j’espère mettra un peu de lumière sur les


restes de nos joies (PIERRE LAPOINTE, Une lettre, 2017) (1)

L’empereur acquiesça avec un peu de regrets et la jeune


femme fut décapitée. (ALEXIS JENNI, L’art français de la
guerre, 2011) (Influence de l’expression avoir des regrets, dans laquelle le
nom regrets est au pluriel.) (2)

Il faut bien […] faire un peu de réserves pour les jours sans
pluie. (SCHOLASTIQUE MUKASONGA, L’Iguifou, 2010) (Influence de
l’expression faire des réserves dans laquelle le nom réserves est au pluriel.) (3)


c) à partir d’un déterminant nominal : un groupe nominal
évoquant une unité de mesure (un litre de, des kilos de, deux
tonnes de, etc.) ou une notion plus vague de collection ou de
quantité (un tas de, une foule de, un paquet de, une flopée de, une
ribambelle de, etc.) peut prendre une valeur déterminative dans
une construction du type Dét. N1 de N2 : un tas d’ennuis, une
tonne de vêtements, etc. On peut tester la valeur déterminative
de la séquence N1 de en remplaçant celle-ci par un
déterminant simple : une foule de supporters = des supporters.
Dans certains cas, il y a une sélection (une spécialisation) qui
s’établit entre le N1 et le N2. Par exemple, régime s’utilise avec les
fruits de certaines plantes, reliés en grappe (un régime de bananes, un
régime de dattes) et banc désigne un ensemble d’animaux marins
d’une même espèce (un banc de poissons, un banc d’huitres). À côté de
cette spécialisation, on remarque que certains déterminants
nominaux sont utilisés de manière métaphorique : un troupeau de N
peut désigner de manière métaphorique « un groupe massif et
désorganisé d’humains » (touristes, élèves, clients, etc.) (1). Il y a
aussi des déterminants qui n’apparaissent que de manière
métaphorique (2,3) :
“ Un troupeau de gosses dévala la rue en sens
inverse. (JEAN-BAPTISTE DEL AMO, Une éducation libertine,
2008) (1)

Murmurant entre leurs dents une litanie de jurons, ils


prenaient acte du coup qui les frappait. (ALEXANDRE POSTEL,
Les deux pigeons, 2016) (2)

Dans la rue, l’Internationale résonne, rythmée par un


concert de klaxons. (LAURENT BINET, La septième
fonction du langage, 2015) (3)


Remarque
On ne confondra pas les déterminants nominaux (Une flopée de supporters
sont arrivés au stade) avec les groupes nominaux libres (Une voiture de
supporters a été incendiée) ou avec les locutions figées (Une voiture de
fonction représente un avantage en nature). On peut distinguer les deux
premiers en soulignant que dans ces deux structures qui ont la forme
Det N1 de N2, ce n’est pas le même nom (N) qui est noyau du groupe
nominal. Dans le une flopée de supporters on parle de supporters (N2 est le
noyau) et dans le second exemple, on parle d’une voiture (cette fois, N1 est
le noyau qui reçoit une extension sous forme de complément prépositionnel).
e
Dans le 3 cas (une voiture de fonction), on a une locution qui désigne une
réalité particulière (conceptuelle) et fonctionne comme un mot composé.

2. L’emploi du déterminant indéfini

• Aucun, nul
Aucun et nul, marquant la quantité zéro, ne s’emploient
généralement qu’au singulier :


Ma tristesse ne me laissait aucun répit. (TAHAR BEN
JELLOUN, L’enfant de sable, 1985)

Nulle santé étincelante sans pratique assidue du coït, socle


et burin de la nation régénérée. (OLIVIER GUEZ, Les
révolutions de Jacques Koskas, 2014)


Ils s’emploient au pluriel devant des noms qui n’ont pas de singulier
ou qui prennent au pluriel un sens particulier :

“ Il n’avait raté aucun baptême, aucunes funérailles et


autres sauteries du gotha européen. (SERGE BRAMLY, Le
premier principe, le second principe, 2008) (Funérailles est un
nom féminin pluriel.)

Un baiser sur la tempe qui ne lui valait aucunes


représailles. (HÉDI KADDOUR, Les prépondérants, 2015)
(Représailles est un nom féminin pluriel.)

L’enfant n’a subi aucuns sévices. (JOB ARMEL, Tu ne


jugeras point, 2009) (Sévices est un nom masculin pluriel.)


Même en dehors de ces cas, on trouve occasionnellement des
exemples pluriels en contexte littéraire :

“ Vous vous ébahissez bellement, et, en vérité, comme


aucunes personnes ignorantes. (VICTOR HUGO, Les
misérables, 1862)

Son menton était droit, ses lèvres n’offraient aucunes


sinuosités. (HONORÉ DE BALZAC, Eugénie Grandet, 1833)

Je ne rétorquai donc pas qu’à part les siennes, nulles


mains étrangères ne se seraient crues autorisées à fouiner
sous mon lit. (BERNARD WERBER, Les Thanatonautes, 1994)


Aucun a signifié primitivement quelque, quelqu’un. Il a conservé
cette valeur positive dans certains cas (1), mais le plus souvent,
accompagné de la négation ne, il a pris la valeur de nul par
contagion (2,3) :
“ Cet ouvrage est le meilleur qu’on ait fait dans aucun pays
sur ce sujet. (Dictionnaire de l’Académie) (1)

Le réseau était tombé et, en ce lundi matin, plus aucun


ordinateur ne fonctionnait. (NELLY ALLARD, Moment d’un
couple, 2013) (2)

Aucune instance suprême ne les montre du doigt, aucun


séraphin ne croise au-dessus de leurs têtes. (MARCUS
MALTE, Le garçon, 2016) (3)


• Quelque
Dans le cas le plus simple, quelque est déterminant, il se rapporte à
un nom et varie :

“ Candide, en s’en retournant avec son abbé périgourdin,


sentit quelques remords d’avoir fait une infidélité à Mlle
Cunégonde. (VOLTAIRE, Candide ou L’optimisme, 1759)

Pendant quelques mois, je ne remarquai rien qui pût


captiver mon attention. (BENJAMIN CONSTANT, Adolphe, 1816)


Remarques
Le déterminant indéfini quelques ne doit pas être confondu avec ses
homonymes (quelque, quelque que, quel que, etc.).
1. Quelque est adverbe et invariable quand, devant un nom de nombre, il
signifie « environ », ou encore dans l’expression quelque peu :
Très bien, il l’avait voulu, halant derrière lui quelque trente
affaires criminelles dénouées à grand renfort de rêveries, de
promenades et de montées d’algues. (FRED VARGAS, Pars
vite et reviens tard, 2001)
Ses quinze ans et demi commençaient à devenir quelque
peu révolutionnaires. (HERVÉ BAZIN, Vipère au poing, 1948)
2. Dans l’expression toutes affaires cessante, quelque… que, il convient de
distinguer plusieurs situations possibles :
3. Devant un nom, quelque est déterminant indéfini et variable : Quelques
raisons que vous donniez, vous ne convaincrez personne.
Devant un simple adjectif, il est adverbe et invariable : Quelque bonnes
que soient vos raisons, vous ne convaincrez personne.
Devant un adverbe, il est lui-même adverbe et invariable : Quelque
habilement que vous raisonniez, vous ne convaincrez personne.
Devant un adjectif suivi d’un nom, il est adverbe et invariable quand le
nom est attribut (le verbe de la subordonnée est alors être ou un verbe
similaire) : Quelque bonnes raisons que représentent ces
témoignages, vous ne convaincrez personne. (= Ces témoignages
sont de bonnes raisons). Sinon, il est déterminant indéfini et variable :
Quelques bonnes raisons que vous donniez, vous ne convaincrez
personne.
4. Quel que s’écrit en deux mots quand il est suivi du verbe être ou d’un
verbe similaire (parfois précédé de devoir, pouvoir), soit immédiatement,
soit avec l’intermédiaire d’un pronom ; quel est alors attribut et s’accorde
avec le sujet du verbe :
Quel que soit l’avenir, notre passé est terminé. (DRISS
CHRAÏBI, La Civilisation, ma Mère !..., 1972)
Tout ce qui est vivant sait se défendre, quelle que soit sa
taille. (YANN MARTEL, L’histoire de Pi, 2001)
Et puis un père et un fils doivent s’aimer, quelles que soient
les circonstances. (GUEZ OLIVIER, La disparition de Josef
Mengele, 2017)
S’il y a des sujets synonymes, l’accord se fait avec le plus rapproché :
Et désormais, tous les personnages que je pourrais inventer,
quelle que soit leur stature, leur histoire, leur blessure, ne
seraient jamais à la hauteur. (DELPHINE DE VIGAN, D’après une
histoire vraie, 2015)
S’il y a deux sujets joints par ou, l’accord se fait avec les deux sujets ou
avec le plus rapproché seulement, selon que c’est l’idée de conjonction
ou l’idée de disjonction qui domine :
Regarder aujourd’hui une photo de Mars, […] quels que
soient l’échelle ou le procédé ne suggère absolument pas que
l’on puisse trouver un réseau de canaux. (ALEXIS JENNI, Son
visage et le tien, 2014)
Quelle que soit l’offre ou l’interlocuteur, il ne sait plus que
satisfaire ou contenter. (SERGE JONCOUR, L’homme qui ne
savait pas dire non, 2009)

• Chaque
Chaque est exclusivement déterminant singulier :

“ Chaque homme a besoin d’esclaves comme d’air pur.


Commander, c’est respirer. (ALBERT CAMUS, La chute, 1956)


Remarque
La langue commerciale emploie chaque au sens du pronom
chacun : J’ai acheté trois couettes blanches, au prix de
10 euros chaque. (MORGAN SPORTÈS, Tout, tout de suite,
2016) Dans un style plus soutenu, on dirait au prix de 10 euros
chacune.

• Différent, divers
Différents, divers, sont déterminants indéfinis lorsque, placés devant
le nom, ils marquent la pluralité de personnes, de choses qui ne sont
pas les mêmes :

“ Il les sortit et les regarda sous différents angles. (O LIVIER


TRUC, Le dernier Lapon, 2012)

J’examinais récemment diverses traductions de l’Iliade.


(FRANÇOIS WEYERGANS, Trois jours chez ma mère, 2005)


• Certain
Certain est déterminant indéfini lorsqu’il est placé devant le nom ; il
est parfois précédé de l’article un(e) au singulier, ou de la préposition
de, sans article, au pluriel :
“ Certain jour, la terre brune s’est mise à verdoyer ; des
milliers de plantes ont germé tout à coup comme à une
parole de commandement. (PATRICK DEVILLE, Equatoria,
2009)

Une certaine joie de vivre est en train de revenir par ici !


(MARC BRESSANT, La citerne, 2009)

Il y a de certains esprits qu’il ne faut prendre qu’en biaisant.


(MOLIÈRE, L’avare, 1668)


• Tout
Tout, en tant que déterminant indéfini, identifie l’ensemble des êtes
ou objets désignés par le nom, en les considérant de manière
individuelle. Il est synonyme de « chaque », « n’importe quel ». Il
s’accorde en genre avec le nom, mais est utilisé principalement au
singulier :

“ Dans ces étendues désertiques, les hommes sont si rares


que toute rencontre avec un être humain est une fête.
(VIRGINIE DELOFFRE, Léna, 2011)


On retrouve toutefois le déterminant au pluriel dans des emplois
poétiques ou littéraires :
“ Toutes lumières allumées, le Magasin repose dans sa
poudre d’or. (DANIEL PENNAC, Au bonheur des ogres, 1985)

Toutes marques d’amour dissimulées, elle sonnait le maître


d’hôtel qui peu après arrivait. (ALBERT COHEN, Belle du
Seigneur, 1968)


Tout est également employé au pluriel dans des déterminants
nominaux (toutes sortes de <N>, toutes espèces de <N>) ainsi que dans
des locutions adverbiales (toutes affaires cessantes, toutes réflexions
faites, toutes proportions gardées). Certaines de ces locutions sont
utilisées au singulier ou au pluriel (› Déterminants nominaux) :
“ Il fallait que j’envoie, toutes affaires cessantes, un SMS à
Pointel. (YANNICK HAENEL, Tiens ferme ta couronne, 2017)

Oncle Numéro 3 devait toute affaire cessante punir


sévèrement sa fille. (NÉGAR DJAVADI, Désorientale, 2016)

Il fallait qu’il y passe, et pour toutes espèces de raisons,


pas très bonnes toutes, mais solides toutes. (LOUIS-
FERDINAND CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932)

Je n’ai jamais été bien jeune, à présent toute espèce de


jeunesse m’a abandonné définitivement. (MARIE NDIAYE,
Les grandes personnes, 2011)


Les déterminants nominaux toute espèce de et toute sorte de au
singulier peuvent être utilisés même si le nom qui suit est au pluriel :

“ Jamais on n’a entendu parler d’épouser la sœur de lait de


sa cousine ; cela passe toute espèce de bornes. (ALFRED
DE MUSSET, On ne badine pas avec l’amour, 1834)


Tout peut être suivi d’un article, d’un déterminant démonstratif ou
possessif (on le qualifie alors de prédéterminant). Il signifie alors
« les uns et les autres sans exception » ou « l’entièreté » :
“ J’admirais le naturel parfait de toutes ses réponses.
(PROSPER MÉRIMÉE, La Vénus d’Ille, 1837) (= Les unes et les
autres sans exception.)

Tous les hommes seront frères. (FRANÇOIS GARDE, L’effroi,


2016) (= Sans exception.)

Virgil se demanda qui pouvait bien agiter toute cette eau.


(PASCAL MANOUKIAN, Les échoués, 2015) (= L’entièreté.)


Tout suivi de autre est déterminant indéfini et variable s’il se rapporte
au nom qui suit autre ; il peut alors être rapproché immédiatement
de ce nom :

“ La tâche est jugée suffisamment pénible pour qu’on les


dispense de toute autre activité. (MARCUS MALTE, Le
garçon, 2016) (= Toute activité autre.)


Il est adverbe et invariable s’il modifie autre ; il signifie alors
« entièrement », et on ne peut le séparer de autre :
“ La Défense, c’est une tout autre ville, irréelle et droite.
(SERGE JONCOUR, Repose-toi sur moi, 2016) (= Une ville
entièrement autre.)


Remarque
Le déterminant indéfini ne doit pas être confondu avec d’autres usages de
tout qui peut également être adjectif qualificatif, pronom, nom ou adverbe.

Adverbe
Tout est adverbe et invariable quand il signifie « entièrement, tout à fait,
très » ; il est placé devant un adjectif, une locution adjective, un participe, un
adverbe qu’il modifie :
Il faut nous débrouiller tout seuls ! (MARC BRESSANT, Un si
petit territoire, 2017)
Les enfants revinrent tout en larmes, me conter ce qu’ils
avaient vu. (ALPHONSE DAUDET, Lettres de mon moulin,
1869)
Tout, adverbe, varie en genre et en nombre devant un mot féminin
commençant par une consonne (à l’oral) ou un h aspiré :
Camille était toute rouge et toute honteuse. (COMTESSE DE
SÉGUR, Les petites filles modèles, 1858)
Une colère toute légitime monte en eux. (LÉONORA MIANO,
Crépuscule du tourment, 2017)
Il y a quand même des hésitations à propos de cet accord :
La journée fut ennuyeuse pour Julien, il la passa toute
entière à exécuter avec gaucherie son plan de séduction.
(STENDHAL, Le rouge et le noir, 1830)
Prends ma bouche ; je suis à toi tout entière. (JEAN-PAUL
SARTRE, Huis clos, 1944)
Dans l’expression tout en N (tout en sueur, tout en émoi, etc.), tout peut
être vu comme un adverbe (au sens de « complètement ») ou comme un
adjectif détaché (au sens de « entier »). Dans le premier cas, il est invariable
(1) et dans le second cas on l’accorde (2) :
Elle arrivait tout en sueur vers le bas de la rue Nationale
(GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, 1856) (Tout =
complètement.) (1)

Elle était dodue, énergique, toute en rondeurs juxtaposées


et fermes. (MARIE NDIAYE, Ladivine, 2013) (Toute = entière.) (2)
Tout est encore adverbe dans l’expression concessive tout … que signifiant
4
« quelque… que » , et aussi devant un gérondif :
Prenez garde, Cibo, prenez garde à votre salut éternel, tout
cardinal que vous êtes. (ALFRED DE MUSSET, Lorenzaccio,
1895)
Raymond avait vu ses parents mourir tout en restant
vivants. (DAVID FOENKINOS, La tête de l’emploi, 2016)
Tout est invariable devant un nom propre de personne désignant l’ensemble
des œuvres de la personne nommée :
Je n’ai pas lu tout Proust. (JEAN-LOUIS FOURNIER, Mon
autopsie, 2017)
En quittant la porte de Clignancourt, elle a jeté tout Blixen,
tout Forster, en partant de la rue du Commerce, ç’a été le
tour de Zweig et Pirandello. Quand elle a quitté Champigny,
elle a balancé tout Duras. (PIERRE LEMAITRE, Alex, 2011)
Tout devant un nom propre de ville reste invariable, qu’il s’agisse des
habitants ou qu’il s’agisse de la ville au sens matériel :
Je pensais à l’époque où cette forêt recouvrait tout
Montmartre. (CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT, Plonger, 2013)
Mon fils adoré, tout Nice est fier de toi. (ROMAIN GARY, La
promesse de l’aube, 1960)
La plupart ne venaient que dans le but d’apercevoir la
Moretta pour en rendre compte après dans tout Venise.
(VÉRONIQUE OLMI, Bakhita, 2017)
Cependant, devant un nom de ville féminin (pris au sens matériel ou
métaphorique) on met parfois le féminin toute :
C’était le même admirable panorama de Rome, toute Rome
jusqu’aux arbres lointains du Janicule, une Rome écrasée,
ce jour-là, sous un ciel de plomb. (ÉMILE ZOLA, Les trois
villes, 1896)
Pendant ce temps où toute Santiago murmurait, négociait,
empruntait pour s’armer. (ALEXIS JENNI, La conquête des
îles de la Terre Ferme, 2017)
Tout + nom. Tout peut servir à renforcer un nom. Dans être tout yeux, tout
oreilles ; être tout feu, tout flamme, et dans les expressions commerciales
tout laine, tout soie, etc., il est invariable comme adverbe. Soyez tout
yeux et tout oreilles. (STENDHAL, Le rouge et le noir, 1830) Dans
ce type d’usage, on peut considérer tout, soit comme un adverbe signifiant
« entièrement » (1) soit comme un adjectif s’accordant avec le nom qui suit
(2) :
Un front tout innocence et des yeux tout azur. (VICTOR HUGO,
Le roi s’amuse, 1832) (1)
Elle était toute certitude en cet instant. (CATHERINE CUSSET,
Indigo, 2013) (2)
Adjectif
Tout est adjectif qualificatif quand il signifie « entier » ou « unique » dans le
groupe prépositionnel pour tout(e) nom :
Le remède ! ce serait, en attendant l’exorcisme… ce serait
de vous mettre à l’eau bénite pour toute boisson. (DENIS
DIDEROT, Jacques le fataliste et son maître, 1796)
Il est généralement utilisé avec des noms singuliers ou avec des noms
utilisés uniquement au pluriel :
Des otites pour toutes vacances. (YANN MOIX, Naissance,
2013)
Pronom indéfini
Tout, comme pronom indéfini masculin singulier, est utilisé comme nominal
pour désigner de manière générique « toutes les choses » :
Tout est mouvement. (HONORÉ DE BALZAC, La peau de
chagrin, 1831)
Tout est pénible, tout est amer puisqu’elle est morte. (ALAIN
FOURNIER, Le grand Meaulnes, 1913)
On le retrouve dans certaines expressions et proverbes qui par essence
visent un haut degré de généricité : tout est bien qui finit bien, tout vient à
point à qui sait attendre, tout ce qui brille n’est pas or, tout fait farine à
bon moulin, etc. (Proverbes) (› Proverbes)
Au pluriel tous (masculin, prononcé [tus]) et toutes (féminin, prononcé [tut])
peuvent soit représenter un nom ou pronom précédemment exprimé, soit
signifier « toute chose, tout le monde » :
Quand tous furent réunis, le jour était presque tombé. (ÉRIC
VUILLARD, Conquistadors, 2009)
Soûls, ne l’étions-nous pas tous ? [tus]. (BERNARD QUIRINY,
Contes carnivores, 2008)
Toutes restèrent bouche bée. (MOHAMMED DIB, La grande
maison, 1952)
Les devoirs de tous sont les grands devoirs. Il y en a quatre.
Saint Matthieu les indique. (VICTOR HUGO, Les misérables,
1862) (Emploi générique.)
Nom
Tout est nom quand il signifie « la chose entière » : il est alors précédé de
l’article ou d’un déterminatif et s’écrit touts au pluriel :
Le tout est un rébus, une devinette, une interrogation
béante, une énigme. (JEAN D’ORMESSON, C’est une chose
étrange à la fin que le monde, 2010)
Et puisque les événements prenaient ce tour désespéré je
me décidais à risquer le tout pour le tout. (LOUIS-FERDINAND
CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932)
Les différents éléments d’une musique doivent être entendus
[…] comme les parties d’un tout, voire de plusieurs touts
successifs dans lesquels chaque élément est en relation
avec […] le ou les touts dont il fait partie. (FRANCIS WOLF,
Pourquoi la musique, 2015)
En conclusion, il importe de consulter le sens pour reconnaitre la valeur de
tout :
Elles exprimaient toute leur joie. (= Leur joie entière.)
Elles exprimaient toutes leur joie. (= Toutes exprimaient leur joie.)
Demandez-moi toute autre chose. (= Toute chose autre que celle-là.)
Vous demandez tout autre chose. (= Tout à fait autre chose.)

• Tel
Tel, placé devant le nom, est déterminant indéfini dans des phrases
où l’on parle de personnes ou de choses qu’on ne veut ou ne peut
désigner précisément :

“ Les candidats au pèlerinage s’inscrivaient sur une liste pour


tel lieu saint. (BOUALEM SANSAL, 2084. La fin du monde,
2015)


Remarque
Il faut distinguer les différents usages de tel.

Adjectif
Tel est adjectif qualificatif quand il signifie « semblable » ou « si grand, si
fort » :
Et celle-ci est d’une telle audace, d’une telle assurance !
(GUY GOFFETTE, Elle, par bonheur, et toujours nue, 1998)
Je voudrais me libérer de la pensée que de telles choses ont
eu lieu. (YANNICK HAENEL, Jan Karski, 2009)
On a un tel besoin de beauté aux côtés de la mort. (MAURICE
MAETERLINCK, Pelléas et Mélisande, 1892)
Conjonction
Tel est souvent employé, sans que, comme conjonction de comparaison ;
il s’accorde alors tantôt avec le premier terme de la comparaison, tantôt
avec le second ; l’usage hésite :
Il bandait ses muscles, tel une bête qui va sauter. (ANTOINE
DE SAINT-EXUPÉRY, Vol de nuit, 1931)
Elle se balançait dans la tempête tel un panier au bras d’une
ménagère. (BERNARD MINIER, Glacé, 2011)
Je partis tel un voleur. (KENAN GORGÜN, Détecteur de mes
songes, 2016)
Tel, suivi de que, peut annoncer une énumération développant un terme
synthétique ; il s’accorde avec ce terme synthétique :
On parle, dans la principauté, environ onze à douze langues
telles que l’arabe, le persan, le türk, le mongol, l’hindi,
l’afghan… (NICOLAS BOUVIER, L’usage du monde, 1963)
Pronom
Tel est pronom indéfini quand il désigne une personne indéterminée ; il
ne s’emploie guère qu’au singulier :
Le crime serait presque parfait ; tel est pris qui croyait
prendre. (JAKUTA ALIKAVAZOVIC, La blonde et le bunker,
2012)
Tel est fait pour être aimé, tel autre pour être moins
aimé ! (ALBERT COHEN, Belle du Seigneur, 1968)
« Telle trouve à se vendre qui n’eût pas trouvé à se
donner » : on dit que Stendhal répétait souvent ce
proverbe. (YANNICK HAENEL, Je cherche l’Italie, 2015)
Nom
Un tel s’emploie au lieu d’un nom propre pour désigner une personne
qu’on ne veut ou ne peut nommer plus précisément :
Il vous dira couramment et sans broncher : – « Un tel est
traître ; – un tel est très méchant ; – un tel est grand ; – un
tel est ridicule ». (VICTOR HUGO, Les misérables, 1862)
Je suis la fille d’une telle et d’un tel ? (NANCY HUSTON,
L’espèce fabulatrice, 2008)
CHAPITRE 3

L’adjectif qualificatif
1. Définition
2. Les marques du genre et du nombre de l’adjectif
3. L’accord des adjectifs qualificatifs
4. La place de l’adjectif épithète
5. Les degrés des adjectifs qualificatifs
6. Les adjectifs numéraux ordinaux
7. Le groupe adjectival
1. Définition
L’adjectif qualificatif exprime une manière d’être, une qualité de
l’être ou de l’objet désigné par le nom (ou le pronom) auquel il est
joint. Il s’accorde en genre et en nombre avec ce nom et peut servir
d’épithète (1) ou d’attribut (2).


Leur victoire fulgurante menaçait de se muer en un brutal
désastre. (ÉRIC VUILLARD, Conquistadors, 2009) (1)

Elle paraît jeune, à ce moment-là. (VIRGINIE DESPENTES,


Apocalypse bébé, 2010) (2)


L’adjectif épithète est un constituant facultatif du groupe nominal. Il
peut être directement juxtaposé au nom (devant ou derrière celui-ci)
(› Groupe nominal) :
“ Ces deux austères Messieurs n’ont trouvé aucune trace de
sang humain sur la médiocre lame, rien que des résidus gras
à base de caséine et des sucres de fruit provenant du
fromage et des pommes volées dans les vergers, dont le
sujet se nourrit le plus souvent. (JACQUES CHESSEX, Le
vampire de Ropraz, 2007)


Il peut aussi être détaché, c’est-à-dire, joint au nom (ou pronom)
d’une manière moins directe, qui se caractérise à l’oral par une
pause et à l’écrit par un signe de ponctuation.

“ Elles revenaient de ces expéditions blêmes, hagardes,


épuisées, craignant d’en avoir trop fait ou au contraire de
s’être montrées trop distantes. (FRÉDÉRIC VERGER, Les
rêveuses, 2017)


L’adjectif attribut est relié au nom (ou pronom) par un verbe
attributif (être, paraitre, sembler, devenir, rester, etc.).

Il est un moment où la vie se recroqueville, où les actes
semblent caducs, avortés. (ÉRIC VUILLARD, Conquistadors,
2017)


Dans cette fonction attribut, l’adjectif est un constituant obligatoire du
groupe verbal ; on ne peut pas le supprimer : *elle paraît ; *les actes
semblent. En fonction du nom auquel il se rapporte, il peut être
attribut du sujet ou attribut du complément d’objet direct :

“ La solitude devient impossible. (HÉLÈNE GRÉMILLON, La


garçonnière, 2013) (Impossible est attribut du sujet solitude.)

Elle trouvait Klemet injuste avec les éleveurs. (OLIVIER TRUC,


Le dernier Lapon, 2012) (Injuste est attribut du COD Klemet. L’adjectif
injuste est lui-même précisé par un groupe prépositionnel complément de
l’adjectif.)


2. Les marques du genre
et du nombre de l’adjectif

1. Le féminin des adjectifs qualificatifs


Au point de vue orthographique, le féminin des adjectifs qualificatifs
se marque :
en général, par addition d’un e à la forme masculine ;
par modification du suffixe, dans les adjectifs en -eur.

a) Addition d’un e

• Règle générale
On obtient le féminin des adjectifs en écrivant à la fin de la forme
masculine un e, qui souvent ne se prononce pas : un haut mur, la
haute mer [la’ot(ə)mɛr] ; un ciel bleu, une robe bleue [yn(ə)rɔbəblø].
Les adjectifs déjà terminés par un e au masculin ne changent pas au
féminin : un sol fertile, une époque fertile en évènements. Toutefois maitre
et traitre, adjectifs, font au féminin maitresse, traitresse :


Il était temps d’abattre la carte maîtresse. (OLIVIER GUEZ, Les
révolutions de Jacques Koskas, 2014)

Ses pieds glissent sur la chaussée traîtresse. (NANCY


HUSTON, Danse noire, 2013)


Dans les adjectifs terminés au masculin par une voyelle (-i, -u, -e),
l’adjonction du e au féminin ne modifie ni la forme, ni sa
prononciation. En principe, l’ajout du e ne devrait pas entrainer
l’allongement de cette voyelle finale dans la prononciation : le i et le
u ont la même durée dans jolie [ʒɔli] et menue [məny] que dans joli
[ʒɔli], menu [məny]. Cependant, dans de très nombreuses régions de
la francophonie, une différence se marque dans la prononciation.
(› Durée de la voyelle)

“ Pauvre reine mère édentée et détrônée. (J ACQUES PRÉVERT, La


morale de l’histoire, 1945)

Mon insomnie est due à cette lune joufflue, si ambrée, qui


chamboule les sens. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, La valse des
arbres et du ciel, 2016)


Favori fait au féminin favorite.
Dans les adjectifs terminés au masculin par une consonne,
l’adjonction du e au féminin :
a) tantôt ne modifie pas la prononciation de l’adjectif : banal,
banale ;
b) tantôt fait reparaitre, dans la prononciation, la consonne finale
qui (sauf en liaison) ne se prononce pas au masculin : petit,
petite [pəti], [pətit] ; lourd, lourde [lu:ʀ], [luʀd]
;
c) tantôt, comme on va le constater, provoque un redoublement
ou une modification de cette consonne finale, avec parfois
une modification (phonétique ou même orthographique) de la
voyelle qui précède.

• Pas de modification de la prononciation


Terminaison du Formation du Exception /
masculin féminin Remarque

Les adjectifs en...

-al, -il, -eul, -air prennent un e au


féminin sans autre
modification :
– bancal, bancale ;
banal, banale
– vil, vile ; viril,
virile ; civil, civile ;
puéril, puérile
– seul, seule ; peul,
peule
– clair, claire ;
impair, impaire ;
pair, paire

-er [ɛʀ] forment leur féminin Les variantes


en -ère, avec un orthographiques :
accent grave sur le e casher, cascher font
qui précède le r : fier, leur féminin de
fière ; cher, chère ; manière identique :
amer, amère kasher, cashère, caschère.
kashère

-eur onze adjectifs en -eur Certains étaient des


font leur féminin par comparatifs en latin,
simple addition d’un mais sont utilisés
e: comme des adjectifs
en français.
antérieur,
antérieure ;
postérieur,
postérieure ;
intérieur, intérieure ;
ultérieur, ultérieure ;
extérieur,
extérieure ; majeur,
majeure ; mineur,
mineure ; supérieur,
supérieure ;
inférieur, inférieure ;
meilleur, meilleure

-el, -eil, ainsi que redoublent le l devant beau, jumeau,


nul et gentil le e du féminin : nouveau, fou, mou,
– cruel, cruelle vieux font au féminin
– pareil, pareille ; belle, jumelle,
vermeil, vermeille nouvelle, folle,
– nul, nulle ; gentil, molle, vieille.
gentille Ces formes féminines
sont tirées des
masculins anciens :
bel, jumel, nouvel,
fol, mol, vieil, qui
sont encore d’usage
devant un nom
masculin singulier
commençant par une
voyelle ou un h
muet (sauf jumeau) :
un bel ouvrage, un
nouvel habit, un fol
espoir, un mol
oreiller, un vieil
avare.

-c changent c en -que – blanc, franc (« qui


au féminin : a de la franchise »),
ammoniac, sec ont un féminin qui
ammoniaque ; se prononce
caduc, caduque ; différemment :
franc (peuple), blanche, franche,
franque ; public, sèche.
publique ; turc, – grec fait grecque.
turque

• Avec de modification de la prononciation


Terminaison du Formation du Exception /
masculin féminin Remarque

Prononciation de la finale muette du masculin : les adjectifs


en...

-t, -d, -l prennent un e au sauf boulot,


féminin (et la maigriot, pâlot, sot,
consonne finale du vieillot qui double le t
masculin se au féminin : boulotte,
prononce) maigriotte, pâlotte,
délicat [delika], sotte, vieillotte.
délicate [delikat]
idiot [idjo], idiote
[idjɔt]
petit [p(ə)ti], petite
[p(ə)tit]
soul [su], soule [sul]

-g Long, oblong
prennent entre le g et
le e du féminin un u,
qui garde au g sa
prononciation
gutturale [g] : long,
longue [lɔ̃], [lɔ̃g] ;
oblong, oblongue

-gu prennent sur le e du


féminin un tréma,
indiquant que le u doit
se prononcer : aigu,
aigüe [ɛgy], [ɛgy:] ;
ambigu, ambigüe ;
exigu, exigüe ;
suraigu, suraigüe

-et redoublent le t devant Exceptions : les neuf


le e du féminin : adjectifs complet,
aigrelet, aigrelette ; incomplet, concret,
blet, blette ; brunet, désuet, discret,
brunette ; cadet, indiscret, inquiet,
cadette ; coquet, replet, secret ne
coquette ; maigrelet, redoublent pas le t au
maigrelette ; muet, féminin et prennent
muette ; propret, un accent grave sur le
proprette e qui précède (lat.
completa, etc.) :
complète,
incomplète,
concrète, désuète,
discrète, indiscrète,
inquiète, replète,
secrète.

Sonorisation de la consonne finale du masculin : les adjectifs


en...

-s (précédé d’une ont leur féminin en -se Mais bas, gras, las,
voyelle) ou en -x (prononcé [z]) : épais, gros, métis,
– gris, grise [gʀi], faux (anciennement
[gr ʀiz] ; mauvais, faus), roux
mauvaise (anciennement rous),
ont leur féminin en -
– heureux, sse : basse, grasse,
heureuse ; jaloux, lasse, épaisse,
jalouse grosse, métisse,
fausse, rousse.
Exceptions :
– exprès fait
expresse (sans
accent grave), quand
l’adjectif signifie « qui
exprime formellement
la volonté de
quelqu’un ». Une
lettre exprès reste
donc invariable ;
– andalou
(anciennement
andalous) fait
andalouse ;
– doux fait douce ;
– tiers fait tierce ;
– frais fait fraiche.

-f changent f en v La sonorisation de f
devant le e en v s’accompagne
du féminin : de l’apparition d’un
abusif, abusive ; accent dans bref qui
actif, active ; donne brève au
craintif, craintive ; féminin.
collectif, collective ;
naïf, naïve ; pensif,
pensive ; tardif,
tardive ; veuf,
veuve ; vif, vive

-er [e] forment leur féminin


en -ère, avec un
accent grave sur le e
qui précède le r :
léger, légère [leʒe],
[leʒɛʀ] ; financier,
financière ;
nourricier,
nourricière ; policier,
policière ; ouvrier,
ouvrière ; dépensier,
dépensière ; minier,
minière ; routinier,
routinière

Dénasalisation de la finale du masculin : les adjectifs en...

-n redoublent le n devant Pour lapon, letton,


-ien, -on le e du féminin (et il y nippon, l’usage
a dénasalisation) : hésite, mais tous les
ancien, ancienne cas, le redoublement
[ãsjɛ]̃ , [ãsjɛn] ; bon, du n semble plus
bonne [bɔ̃], [bɔn] 1
rare .

-n ne redoublent pas le n Exceptions :


-in, -ain, -ein, -un, (et il y a – paysan, valaisan et
-an dénasalisation) : veveysan doublent le
– voisin, voisine n au féminin :
[vwazɛ]̃ , [vwazin] paysanne,
– hautain, hautaine valaisanne,
[otɛ]̃ , [otɛn] veveysanne
– plein, pleine – bénin, malin font
– commun, au féminin bénigne
commune [beniɲ], maligne
– persan, persane [maliɲ] (lat. benigna,
[pɛrsã], [pɛrsan] maligna)

b) Modification du suffixe
Terminaison du Formation du Exception /
masculin féminin Remarque

-eur Les adjectifs en -eur Exceptions :


auxquels on peut faire enchanteur,
correspondre un pécheur, vengeur
participe présent en changent -eur en -
changeant -eur en - eresse :
ant font leur féminin enchanteresse,
2 pécheresse,
en -euse (le eu se
prononce [ø]) : vengeresse.
menteur, menteuse L’adjectif sauveur
[mɑ̃tœʀ], [mɑ̃tøz] ; donne au féminin
flateur, flateuse ; salvatrice. Le nom
trompeur, masculin sauveur se
trompeuse. voit de plus en plus
féminisé sous la
forme sauveuse : Ma
sauveuse, murmura-t-
il avec un sourire.
(ÉRIC-EMMANUEL
SCHMITT, La rêveuse
d’Ostende, 2007)
Pour le féminin de
vainqueur, on
emprunte à victorieux
le féminin victorieuse.

Onze comparatifs en -
eur (certains l’étaient
en latin mais sont
utilisés comme des
adjectifs en français)
font leur féminin par
simple addition d’un
e ; ce sont :
antérieur,
postérieur ;
citérieur, ultérieur ;
extérieur, intérieur ;
majeur, mineur ;
supérieur, inférieur ;
meilleur.

-teur Les adjectifs en -teur


auxquels on ne peut
faire correspondre un
participe présent en
changeant -eur en -
ant font leur féminin
3
en -trice :
accusateur,
accusatrice ;
consolateur,
consolatrice ;
divinateur,
divinatrice ;
émetteur, émettrice ;
exécuteur,
exécutrice ;
inspecteur,
inspectrice ;
persécuteur,
persécutrice ;
prorecteur,
prorectrice.

c) Cas spéciaux
Coi fait au féminin coite.
Pour le féminin de hébreu, on emploie juive ou israélite en parlant de
personnes : le peuple hébreu, une famille juive, une personne de
confession israélite ; pour les choses, on emploie hébraïque, adjectif
des deux genres, mais rare au masculin : un texte hébreu, la langue
hébraïque.

“ Il s’agissait d’un papier sur la poésie lyrique hébraïque


d’Andalousie. (MATHIAS ÉNARD, Boussole, 2015) (Au féminin.)

« Hadès » une étrange étymologie au mot geôle qu’il


rapproche du premier enfer hébraïque : « schéol ». (SIMON
LIBERATI, Les rameaux noirs, 2017) (Au masculin.)


(familier), kaki, pop, rock, rococo, snob n’ont qu’une
Angora, capot, chic
forme pour les deux genres :
“ Si les rois sont dorés et les chèvres angora, cela ne doit pas
être mal au soleil levant. (JEAN GIRAUDOUX, La guerre de Troie
n’aura pas lieu, 1935)

Fichtre ! te voilà belle, t’as une toilette chic. (ÉMILE ZOLA,


L’assommoir, 1876)

La petite radio d’Hippolitov crache à débit constant des


informations sur la guerre de 1941-1945 et des chansons
pop. (SYLVAIN TESSON, Dans les forêts de Sibérie, 2011)

Elle enleva son chapeau de toile kaki. (HÉDI KADDOUR, Les


prépondérants, 2015)


Sont inusités au masculin : (bouche) bée, (ignorance) crasse, (rose)
trémière.
Sont inusités au féminin : (nez) aquilin, benêt, (pied) bot, (vent) coulis, fat,
(feu) grégeois, (yeux) pers, preux, (hareng) saur, (papier) vélin.
Châtain, considéré comme n’ayant pas de féminin, varie cependant
depuis longtemps :

“ Le chef d’orchestre porte une moumoute châtaine qui glisse


avec la transpiration. (PIERRE LEMAITRE, Alex, 2011)


Sterling est invariable et ne s’emploie plus aujourd’hui qu’avec le
nom livre (unité monétaire anglaise) : cinquante livres sterling. Celui-ci
peut occasionnellement disparaitre par ellipse :

“ Il les a revendus pour des centaines de millions de sterling.


(OLIVIER GUEZ, Les révolutions de Jacques Koskas, 2014)


2. Le pluriel des adjectifs qualificatifs
L’adjectif qualificatif s’accorde en nombre avec le nom auquel il se
rapporte. Le pluriel se marque en général par l’ajout d’un s à la
forme du singulier ou par l’ajout d’un x pour une série limitée
d’adjectifs. Les adjectifs qui se terminent au singulier par s ou x ne
changent pas de forme au pluriel.
Terminaison du Formation du Exception /
masculin féminin Remarque

Cas général Pluriel en -s : un vin Tous les adjectifs


pur, des vins purs ; féminins prennent un
une eau pure, des s au pluriel :
eaux pures nouvelle, nouvelles ;
fatale, fatales ; etc.

Cas particuliers en fonction des terminaisons

-al La plupart des Exceptions : bancal,


adjectifs en -al font un fatal, final, naval ont
pluriel en -aux : un leur pluriel en -als :
soldat loyal, des bancals, fatals,
soldats loyaux ; un finals, navals.
voisin amical, des
voisins amicaux

-eau Ajout d’un x sans Hébreu et esquimau


changement prennent également
phonétique un x au pluriel, sans
changer de
prononciation.

-s, -x Ne varient pas au Au pluriel, des


pluriel : un vent frais, liaisons peuvent
des vents frais s’entendre :
d’heureux
évènement [døʁø z
evɛnmɑ̃]
a) Pluriel en -s
On forme le pluriel des adjectifs en écrivant à la fin de la forme du
singulier un s (muet, sauf en liaison) : un vin pur, des vins purs ; l’eau
pure ; les eaux pures.
Tous les adjectifs féminins prennent un s au pluriel. Ce qui va suivre
ne concerne que le pluriel des adjectifs masculins. Les adjectifs en -
s ou -x ne changent pas au pluriel : un argument bas et haineux, des
arguments bas et haineux.

b) Pluriel en -x
La plupart des adjectifs en -al changent au pluriel masculin cette
finale en -aux : un homme loyal, des hommes loyaux.

“ Chérif, cousin de Bozambo, sortit son livre de grammaire :


général, généraux ; amical, amicaux. (KATEB YACINE, Nedjma,
1956)


Exceptions : bancal, fatal, naval ont leur pluriel en -als :
“ Ses vieux Beyrouthins de quartier installés sur des
tabourets bancals et jouant aux dames. (HYAM YARED, Tout
est halluciné, 2016)

Sauf qu’en Inde, les accidents de circulation étaient


fréquents et souvent fatals. (CATHERINE CUSSET, Indigo, 2013)

Les chantiers navals japonais construisent les navires de


transport. (PATRICK DEVILLE, Taba-Taba, 2017)


Pour un certain nombre d’autres adjectifs en -al, le pluriel masculin
est peu employé ou mal fixé. Ainsi font parfois leur pluriel en -als :
austral, boréal, final, glacial, initial, jovial, martial, matinal, natal, pascal,
théâtral, etc. Mais rien n’empêche de donner à ces adjectifs un pluriel
en -aux :
“ À peine mes examens finals de théologie passés, je suis
entré en apprentissage chez un orfèvre. (ANNE CUNEO, Le
maître de Garamond, 2002)

Nous allions beaucoup plus loin : […] scores finaux,


meilleurs joueurs, meilleurs marqueurs et transferts. (JOËL
DICKER, Le livre des Baltimore, 2015)

Certains matins glacials, […] Daniel piétinait sur le seuil.


(MARIE NDIAYE, Ladivine, 2013)

J’ai vu des sanctuaires glaciaux. (SIMON LIBERATI, Les rameaux


noirs, 2017)


Certains sont d’ailleurs beaucoup plus fréquents avec la finale en -
aux :
“ Vous êtes matinaux dans la gendarmerie ! (M ICHEL BUSSI, Ne
lâche pas ma main, 2014)

Elle pourchassait les agents théâtraux, ces prometteurs


d’engagements, au fond de leurs escaliers pisseux. (LOUIS-
FERDINAND CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932)

Les devis initiaux avaient été respectés. (MICHEL


HOUELLEBECQ, La carte et le territoire, 2010)


Banal, terme de droit féodal, fait au masculin pluriel banaux : des
fours banaux. Dans l’emploi ordinaire, il fait banaux ou banals :

“ Ils emploient les mots les plus banals de leur lexique.


(BERNARD QUIRINY, Contes carnivores, 2008)

Patrick Le Braouzec avait été condamné plusieurs fois pour


des délits banaux. (MICHEL HOUELLEBECQ, La carte et le
territoire, 2010)


Beau, nouveau, jumeau, hébreu prennent un x au pluriel :
Les adjectifs en -eau prennent un x au pluriel (beau, nouveau, jumeau,
manceau, tourangeau, etc.) : Il en va de même pour esquimau et
hébreu : de beaux sentiments ; des textes hébreux.
3. L’accord des adjectifs qualificatifs

1. Règles générales
L’adjectif qualificatif s’accorde en genre et en nombre avec le nom
ou le pronom auquel il se rapporte :

“ Les reflets métalliques du fleuve, la silhouette imposante des


bateaux au repos, le son discret de l’eau, tout ça forme un
tableau humide et onirique dans lequel tu te fonds
parfaitement. (ANAÏS BARBEAU-LAVALETTE, La femme qui fuit,
2015)


L’adjectif qualificatif qui se rapporte à plusieurs noms ou pronoms se
met au pluriel et prend le genre des mots qualifiés :

“ Tout était conservé jusqu’à l’extrême usure, et ce qui cassait


s’entassait dans des boîtes de bois elles-mêmes entassées
dans les recoins de ce lieu à l’abri du temps, des modes et
des engouements passagers. (DANIEL RONDEAU, J’écris parce
que je chante mal, 2010)


Si les mots qualifiés sont de genres différents, l’adjectif se met au
masculin pluriel :

“ Ils étaient tassés derrière, vêtus l’un comme l’autre d’une


chemise et d’un pantalon neufs. (JEAN-CHRISTOPHE RUFIN,
Rouge Brésil, 2001)


Remarques
1. Quand l’adjectif a pour les deux genres des prononciations fort différentes,
l’harmonie demande que le nom masculin soit rapproché de l’adjectif :
Les gloires et les deuils nationaux
(Plutôt que : Les deuils et les gloires nationaux).
2. Parfois l’adjectif, quoique se rapportant à plusieurs noms, ne s’accorde
qu’avec le plus rapproché :
Ses moindres actions étaient d’une correction et d’une gravité
admirable. (HIPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Voyage aux Pyrénées,
1858)
3. Bien entendu, si l’adjectif ne se rapporte qu’à un des deux noms
coordonnés, le sens exige que l’accord n’ait lieu qu’avec le dernier nom :
Un jour, le fou et son frère aîné assistèrent à un abominable
prodige. (EUGÈNE SAVITZKAYA, Fraudeur, 2015)

2. Règles particulières
Quand l’adjectif est en rapport avec plusieurs noms joints par une
conjonction de comparaison (comme, ainsi que, etc.), il s’accorde
avec le premier terme de la comparaison si la conjonction garde sa
valeur comparative : L’aigle a le bec, ainsi que les serres, puissant et
acéré. Mais on fait l’accord simultané si la conjonction a le sens de
et :


Ils portent une tunique et un turban noirs de crasse.
(EMMANUEL CARRÈRE, Limonov, 2011)


Quand l’adjectif est en rapport avec des noms synonymes ou
placés par gradation, il s’accorde avec le dernier, qui exprime l’idée
dominante : Il entra dans une colère, une fureur terrible.
Quand l’adjectif est en rapport avec deux noms joints par ou, il
s’accorde le plus souvent avec le dernier :

“ Elle a repéré un homme ou une femme seule, ce soir, et l’a


invité. (KATHERINE PANCOL, La valse lente des tortues, 2008)

On leur enseigna comment joindre un contact sur le terrain,


[...] trouver un refuge ou une maison sûre. (JOËL DICKER, Les
derniers jours de nos pères, 2012)


Cet accord est obligatoire si l’adjectif ne qualifie évidemment que le
dernier nom :
“ Je contemplais longuement un objet pris au hasard, un galet
ou une orange précoce. (KAMEL DAOUD, Zabor, 2017)


L’adjectif s’accorde avec les deux noms quand on veut marquer qu’il
qualifie chacun d’eux :

“ Mais il n’avait pas la patience, le courage ou la folie


nécessaires. (ALEXANDRE POSTEL, Les deux pigeons, 2016)


Quand l’adjectif suit un complément déterminatif, il s’accorde avec le
nom complément ou avec le nom complété, selon le sens :

“ Un groupe de savants darwiniens. (B ERNARD WERBER, La


révolution des fourmis, 1996)

J’avais avec cet abruti un air de famille évident. (JEAN-MICHEL


GUENASSIA, Trompe-la-mort, 2015) (Air de famille forme une locution
nominale et l’adjectif qui suit s’accorde logiquement avec le nom noyau de cette
locution.)


Quand un adjectif est en rapport avec avoir l’air, on a, en général, la
faculté d’accorder cet adjectif avec air ou avec le sujet (› Accord de
l’attribut) :

“ Elle a l’air contrarié. (P


IERRE LEMAITRE, Sacrifices, 2012)

Elle a l’air fatiguée, ces jours-ci. (RENÉ GOSCINNY, Le petit


Nicolas, 1960)


L’adjectif précédé de des plus, des moins, des mieux se met
presque toujours au pluriel, même s’il est question d’une seule
personne ou d’une seule chose : ces expressions équivalent à
« parmi les plus, les moins, les mieux » :


Il y existait une vue des plus agréables sur la vallée des
Gobelins. (HONORÉ DE BALZAC, Le père Goriot, 1835)

Ma rue était l’une des pires du quartier, une des plus


pittoresques si l’on veut. (MATHIAS ÉNARD, Rue des voleurs,
2012)

Les Italiens ont cru éviter il y a peu un attentat islamiste des


plus étranges. (MATHIAS ÉNARD, Zone, 2008)

J’avais pensé écrire, mais la tentative avait été des moins


concluantes. (DAVID FOENKINOS, Je vais mieux, 2013)


On met le singulier pour exprimer le fait que la comparaison est
établie entre les différents degrés d’une qualité :

“ La chose est des plus mystérieuse. (L ÉONORA MIANO, La


saison de l’ombre, 2013)


a) Mots désignant une couleur
1° Si l’adjectif désignant la couleur est simple, il s’accorde avec le
nom qu’il qualifie :

“ Vous avez gardé vos souliers noirs ! (M ARCEL PROUST, Le


côté de Guermantes, 1920)


Si l’adjectif désignant la couleur est composé (c’est-à-dire qualifié
par un autre adjectif ou complété de façon quelconque), l’ensemble
reste invariable :
“ Elle avait retroussé les manches sur ses bras brun
clair. (CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT, Croire au merveilleux, 2017)

Un homme maigre, pâle, protégé par une écharpe bleu ciel.


(SORJ CHALANDON, Le jour d’avant, 2017)

Visage de marbre clair, taches de rousseur, cheveux or et


cuivre en élégant carré. (SORJ CHALANDON, Le jour d’avant,
2017)


2° Le nom (simple ou composé) employé pour désigner la couleur
reste invariable :

“ Les yeux de Leïli, verts à la naissance, sont devenus


noisette. (NÉGAR DJAVADI, Désorientale, 2016)

En me retournant, je reconnus le gardien rachitique, à la


moustache poivre et sel. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, Ulysse from
Bagdad, 2008)

Un lutrin était couvert d’une liasse de feuilles


dactylographiées et d’un volume noir aux veinures
orange. (FRÉDÉRIC VERGER, Les rêveuses, 2017)


Les noms écarlate, mauve, pourpre, rose, devenus adjectifs,
varient :
“ Mauves, ocre, rouges, jaunes, des images fractales chatoient
à l’infini. Des papillons irisés s’échappent de becs
d’hirondelles roses. (BERNARD WERBER, Les Thanatonautes,
1994) (Dans cet exemple ocre reste invariable.)


b) Adjectifs composés
1° Quand un adjectif composé est formé de deux adjectifs
qualificatifs, les deux éléments sont variables (aigre-doux, sourd-muet,
doux-amer, clair-obscur).

“ Sa mère a changé de chapitre et en est revenue, à coups


de remarques aigres-douces, au motif de sa visite. (PATRICK
LAPEYRE, La vie est brève et le désir sans fin, 2010)


Dans grand-ducal et dans les adjectifs composés dont le premier
élément présente la désinence -o ou -i, le premier élément est
invariable :
“ Arrivé, il les salua de l’archet puis se remit à improviser pour
son propre et privé plaisir, avec des fougues puis de subites
paresses grand-ducales. (ALBERT COHEN, Belle du Seigneur,
1968)

Sur le modèle des conglomérats anglo-saxons, les


entreprises avaient jugé bon d’embrasser une forme de
communisme spatial. (CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT, Plonger,
2013)


2° Les adjectifs composés désignant des couleurs peuvent être
composés d’un adjectif de couleur auquel on adjoint un nom qui
précise la couleur. Dans le cas, l’adjectif varie, mais pas le nom
qui lui est associé :

“ Il porte un costume gris acier avec une de ces chemises de


couleur pastel qui évoque toujours les peintures de cuisine,
des bleus ciel, des mauves pâles. (PIERRE LEMAITRE, Cadres
noirs, 2010)

Je n’apercevais plus aucun de ces points rouges laser


témoins de leur présence. (JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT, Nue,
2013)


3° Dans les adjectifs composés formés d’un mot invariable et d’un
adjectif, évidemment l’adjectif seul est variable :

“ L’avant-dernière salle était consacrée à la vieillesse et à la


mort. (BOUALEM SANSAL, 2084. La fin du monde, 2015)


4° Dans les adjectifs composés formés de deux adjectifs, si le
premier a la valeur adverbiale, il est invariable :


Naturellement, aucune de ces personnes « haut placées »
auxquelles mon père avait eu affaire pendant sa vie ne
s’était dérangée. (ANNIE ERNAUX, La place, 1983)

Au premier coup d’œil je repérais une jambe torse, une


poitrine haut perchée, un ventre proéminent. (PHILIPPE
GRIMBERT, Un secret, 2004)

La révolution est-elle mort-née ? (LYDIE SALVAYRE, Pas pleurer,


2014)


Remarques
1. Ces adjectifs composés unissent plusieurs éléments qui forment une
nouvelle unité à part entière pouvant être considérée fonctionnellement
comme un seul adjectif.
2. Nouveau, devant un participe passé pris substantivement, s’accorde :
Vous sentez bien qu’il faut isoler de nouveaux mariés. (PROSPER
MÉRIMÉE, La Vénus d’Ille, 1837)
Ces nouveaux convertis convertiront leurs proches. (FRANÇOIS
GARDE, La baleine dans tous ses états, 2015)
Dans nouveau-né, nouveau est pris adverbialement, et reste donc
généralement invariable, mais on rencontre des cas d’accord :
Elles lavaient les nouveau-nés et les cadavres. (CAROLE
MARTINEZ, Le cœur cousu, 2007).
Le moelleux du nid dans lequel la lapine dépose ses
lapereaux nouveaux-nés (EUGÈNE SAVITZKAYA, Fraudeur, 2015)
Le Dictionnaire de l’Académie signale également le féminin nouvelle-née,
mais il faut constater que ce féminin reste rare :
La marque Piaget creuse l’écart avec la 900P, nouvelle-née de
la gamme Altiplano (DAVID CHOKRON, Le Monde, 09/11/2015).
Nous étions, comme les autres, des survivantes de la guerre,
nouvelles-nées au féminisme. (ELIZABETH ALVAREZ HERRERA,
Autoportrait féministe. Voyages entrecroisés dans le temps, 2005).

5° Dans certains cas, le premier adjectif, bien qu’employé


adverbialement, s’accorde, suivant un ancien usage, comme
l’adjectif (ou le participe) qui le suit :
“ Les yeux et la bouche larges ouverts. (J EAN COCTEAU, Les
enfants terribles, 1929)

Ils arrivèrent bons derniers. (BERNARD WERBER, La révolution


des fourmis, 1996)

Les trois yuccas étaient encore là, raides morts. (YANNICK


HAENEL, Tiens ferme ta couronne, 2017)


Remarque
Dans tout-puissant, tout varie au féminin seulement.
Vos charmes tout-puissants. (JEAN RACINE, Andromaque, 1667)
La France malade d’une présidence toute-puissante. (GUY
LARDEYRET, Le Monde, 12/06/2012)
En finance, les forces du conformisme sont toutes-puissantes.
(VITTORIO DE FILIPPIS, Libération, 22/11/2008)

c) L’adjectif pris adverbialement


L’adjectif pris adverbialement après certains verbes reste invariable,
comme dans les expressions : voler bas, sentir bon, couter cher, voir
clair, marcher droit, chanter faux, parler franc, viser juste, etc.
“ Ces écoles coûtent cher. (J EAN-MICHEL GUENASSIA, Trompe-la-
mort, 2015)

Ses cheveux sentent bon. (PHILIPPE DJIAN, Chéri-Chéri, 2014)


d) Cas particuliers

• Demi, semi, à demi


Demi, semi placés devant le nom, sont invariables et s’y joignent par
un trait d’union : une demi-heure, deux demi-douzaines, les semi-voyelles.
Placés après le nom, demi s’accorde en genre seulement et s’y joint
par et : deux heures et demie.

Remarque
Demi et demie peuvent s’employer comme noms et varier :
C’est comme les demis, c’est mieux que pas du tout. (MARIE-
AUDE MURAIL, Oh, boy !, 2000)

Le mécanisme produit une espèce de claquement en passant


sur les heures et les demies. (JOB ARMEL, Tu ne jugeras point,
2009)

Demi, semi, placés devant un adjectif, s’y joignent par un trait


d’union, et sont invariables comme adverbes :
“ Il restait bien tranquille, les paupières demi-closes. (É MILE
ZOLA, Nana, 1880)

La plupart des gestes que nous faisons sont des


commandes semi-automatiques. (NELLY ALARD, Le crieur de
nuit, 2010)


À demi s’emploie de même, mais rejette le trait d’union :

“ Elle est couchée sur ton matelas, à demi nue. (ANAÏS


BARBEAU-LAVALETTE, La femme qui fuit, 2015)


À demi, placé devant un nom, veut le trait d’union : à demi-mot, à
demi-voix, à demi-hauteur.

“ À demi-mots, on devine que c’est une bâtarde du potier.


(OCÉANE MADELAINE, D’argile et de feu, 2014)


• Mi
Mi est invariable et se joint par un trait d’union au mot qu’il précède :
“ J’étais à mi-parcours et je commençais vaguement à me
détendre. (AGNÈS MARTIN-LUGAND, Les gens heureux lisent et
boivent du café, 2013)

Après l’amour, étendu sur le dos les yeux mi-clos, il soupirait


de bien-être. (NELLY ALARD, Moment d’un couple, 2013)


• Feu
Feu, signifiant « défunt », varie s’il est précédé de l’article défini ou
d’un adjectif possessif : ma feue mère, les feus rois de Suède et de
Danemark.
Dans les autres cas, il reste invariable (1,2), même si on observe de
la variation dans l’usage (3,4). L’usage de feu après le nom est une
liberté prise par le poète (5).
“ Une lettre signée par feu Mme la Présidente. (ÉRIC-
EMMANUEL SCHMITT, Concerto à la mémoire d’un ange, 2010) (1)

Le digne successeur de feu M. Swann. (MARCEL PROUST, Du


côté de chez Swann, 1917) (2)

Le texte soulignait l’attachement de feue Mme Daret […] à


l’article 5 du règlement intérieur. (PASCAL MANOUKIAN, Les
échoués, 2015) (3)

Mme Berger, cleptomane connue des forces de police, qui a


une dent contre mon client, plus précisément contre feue
Daisy, la chienne de M. Brun. (VALOGNES AURÉLIE, Mémé dans
les orties, 2014) (4)

Se détruira-t-elle comme les fleurs feues... (ARTHUR RIMBAUD,


Est-elle almée ?, 1872) (5)


• Fort
Fort ne varie pas dans les expressions se faire fort de, se porter fort
pour (« se porter garant, se sentir capable de »). Se porter fort est
plus rare et généralement utilisé dans le domaine juridique :
“ C’était à ce résultat que le jeune homme se faisait fort de
parvenir. (LÉONORA MIANO, Ces âmes chagrines, 2011)

On peut parfaitement se porter fort pour des personnes non


identifiées dans la convention. (PIERRE VAN OMMESLAGHE,
Traité de droit civil belge. Les obligations, 2013)


• Franc de port
Franc de port, expression vieillie signifiant que « le destinataire ne
doit pas payer les frais de port », est invariable comme locution
adverbiale, quand on la rapporte au verbe (1), mais varie quand elle
est rapportée au nom (2) :

“ Recevoir franc de port une caisse. (Dictionnaire de l’Académie)


(1)

Recevoir une caisse franche de port. (Dictionnaire de


l’Académie) (2)


• Grand
Grand ne varie pas dans certaines expressions anciennes où il se
trouve devant un nom féminin, auquel il se joint par un trait d’union :
des grand-mères, des grand-mamans, des grand-tantes, des grand-messes.
L’accord en nombre de grands au pluriel est aujourd’hui largement
accepté dans les dictionnaires et dans l’usage :


Leurs grands-mères parlaient déjà de lui. (LILIANA LAZAR,
Terre des affranchis, 2011)

Vous l’avez vu, lors des grands-messes. (LAURENT GAUDÉ,


Écoutez nos défaites, 2016)

L’une des grands-tantes, Parvindokht, habitait dans une


vieille demeure en ruine. (NÉGAR DJAVADI, Désorientale, 2016)


Grand est employé de même dans les expressions suivantes (dont
la plupart d’ailleurs ne se disent pas au pluriel) : grand-chambre, grand-
chose, grand-croix, grand-faim, grand-peine, grand-peur, grand-pitié, grand-
route, grand-rue, grand-salle, grand-soif.

“ J’avais de M. de Charlus. (MARCEL PROUST,


grand-pitié
Sodome et Gomorrhe, 1922)

Je ne te demande pas grand-chose. (HÉDI KADDOUR, Les


prépondérants, 2015)

Hébété, respirant à grand-peine, il n’arrivait plus à penser.


(FRÉDÉRIC VERGER, Les rêveuses, 2017)


• Haut, bas
Haut s’emploie adverbialement dans haut la main :

“ Qui a décroché haut la main le prix Razac-sur-


Livre ? (PHILIPPE JAENADA, La serpe, 2017)


Haut et bas s’emploient de même dans certaines exclamations
elliptiques : haut les mains ! Haut les cœurs ! Bas les armes !

“ Haut les petits cœurs, haut les petits culs, haut les petits
seins ! (MICHEL BUSSI, Le temps est assassin, 2016)

Il se trouvait toujours quelque garnement pour surgir dans


son dos et crier : « Haut les mains ! Les fellagas attaquent ! »
(FAWZIA ZOUARI, Le corps de ma mère, 2016)

Bas les pattes, démons ! (CAROLE MARTINEZ, La Terre qui


penche, 2015)


• Nu
Nu est invariable devant tête, bras, jambes, pieds, employés sans
article ; il se joint à ces noms par un trait d’union : aller nu-tête, nu-
bras, nu-jambes, nu-pieds.
“ Je ne pouvais le voir nu-tête sans éclater de rire. (N ICOLAS
BOUVIER, L’usage du monde, 1963)

Elle allait le plus souvent nu-pieds. (YANICK LAHENS, Bain de


lune, 2014)


Il varie quand il est placé après le nom : aller la tête nue, les bras nus,
les jambes nues, les pieds nus.

“ Je le retrouvais vieilli, à moitié fou, avançant tête nue sous


un soleil de plomb. (CAROLE MARTINEZ, Du domaine des
murmures, 2011)

Depuis combien de temps n’a-t-elle pas marché jambes


nues dans la rue ? (PATRICK LAPEYRE, La splendeur dans
l’herbe, 2016)


On écrit : la nue-propriété, les nus-propriétaires.
“ Vous […] laisseriez à votre père l’usufruit de tous les biens
indivis entre vous, et dont il vous assure la nue-propriété.
(HONORÉ DE BALZAC, Eugénie Grandet, 1833)


• Plein
Plein, devant un nom précédé d’un déterminant est préposition et
reste invariable :

“ J’avais des fleurs plein mes corbeilles. (V ICTOR HUGO, À


Mademoiselle J., 1835)

Il a du sang plein ses cheveux d’argent et sa barbe. (CAROLE


MARTINEZ, La terre qui penche, 2015)

Ayant sa carabine sur l’épaule, avec des cartouches plein


ses poches, de nouveau l’idée lui était venue de
redescendre. (CHARLES-FERDINAND RAMUZ, La grande peur
dans la montagne, 1926)


• Possible
Possible est invariable après le plus, le moins, le meilleur, etc., s’il se
rapporte au pronom impersonnel il sous-entendu :
“ Cherchez toujours à faire soit le plus de victimes possible,
soit l’action la plus symbolique. (PASCAL MANOUKIAN, Ce que
tient ta main droite t’appartient, 2017) (= Le plus de victimes qu’il soit
possible de faire.)


Il est variable s’il se rapporte à un nom :


Je me renseignais sur lui par tous les moyens possibles.
(ADELAÏDE DE CLERMONT-TONNERRE, Fourrure, 2010)


4. La place de l’adjectif épithète

1. Règles générales
Quand l’adjectif épithète est directement rattaché au nom, il se place
généralement après celui-ci : un pont suspendu, un vélo électrique, une
table bancale, un match international, etc.
Certains adjectifs ont une position fixe : un *électrique vélo, un
*international match, etc. alors que d’autres peuvent être placés
devant ou derrière le nom : un magnifique vélo, un vélo magnifique, une
cuisante défaite, une défaite cuisante, etc. La position des adjectifs qui
peuvent être déplacés est parfois contrainte par des raisons
d’euphonie. On évitera en effet que l’adjectif forme avec le nom une
suite de sons peu agréable à l’oreille ou difficile à prononcer : un feu
vif, un cœur sec (plutôt que : un vif feu, un sec cœur).
L’adjectif inséré entre l’article et le nom se trouve intimement uni à
ce nom pour former un tout. Placé après le nom, l’adjectif joue plutôt
le rôle d’attribut et exprime quelque chose d’accidentel ou une
qualité qu’on veut mettre en relief.

“ Clara traversait la ville, tel un lumineux fantôme. (C AROLE


MARTINEZ, Le cœur cousu, 2007)

L’horloge numérique indique, en chiffres lumineux, 1h15 du


matin. (MORGAN SPORTÈS, Tout, tout de suite, 2016)


Mais dans les textes littéraires, les auteurs peuvent changer la place
ordinaire de l’épithète pour produire des effets de style :

“ Rouges reflets sur lui, le blond fut rouquin, puis d’un blanc de
métal, se mêla à la masse, lasers lumières flash. Il est
poli
mort. (YANN MOIX, Naissance, 2013)

Quand le front de l’enfant plein de rouges tourmentes,


Implore l’essaim blanc des rêves indistincts. (ARTHUR
RIMBAUD, Les chercheuses de poux, 1871)


Dans certains cas, la locution nominale (adjectif-nom ou nom-
adjectif) se fige avec un sens particulier (une boite noire, une main
etc.). Dans ce cas, le
courante, un thé dansant, un heureux évènement,
sens global dépend de la position de l’adjectif qui ne peut pas être
déplacé sans altérer le sens : un heureux évènement (= une
naissance) mais un évènement heureux (= un évènement positif). Dans
certains cas, tout déplacement est impossible : un *dansant thé, une
*courante main. (› Figement)

2. Règles particulières

a) L’adjectif se place avant le nom


En général, l’adjectif monosyllabique se place avant le nom
polysyllabique qu’il qualifie :
“ Vous avez un bel appartement, vraiment très agréable.
(BLANDINE LE CALLET, La ballade de Lila K, 2010)


L’adjectif ordinal se place également avant le nom auquel il se
rapporte :

“ Ils s’installèrent dans le vingtième arrondissement de Paris.


(KATHERINE PANCOL, Les écureuils de Central Park sont tristes le
lundi, 2010)


b) L’adjectif se place après le nom
En général, l’adjectif polysyllabique qualifiant un nom
monosyllabique se place après celui-ci :

“ Ils se laissent guider par des rites immémoriaux sans


contester l’Autorité. (OLIVIER GUEZ, Les révolutions de Jacques
Koskas, 2014)


C’est également le cas de nombreux adjectifs exprimant des qualités
physiques, occasionnelles, accidentelles (1,2), ainsi que des
adjectifs indiquant la forme ou la couleur (3,4).

“ Longue silhouette évanescente, front haut, visage émacié.


(YANICK LAHENS, Bain de lune, 2014) (1)

Danny plongea dans l’eau glacée. (SIMON LIBERATI, California


Girls, 2016) (2)

Une petite valise de forme cubique. (BERNARD WERBER, La


révolution des fourmis, 1996) (3)

Une toile plastique grise et ronde. (SORJ CHALANDON,


Profession du père, 2015) (4)


Les adjectifs dérivés d’un nom propre et ceux qui marquent une
catégorie religieuse, sociale, administrative, technique, etc. se
placent également après le nom (une tragédie cornélienne, le peuple
français, les prérogatives royales, le principe démocratique).
C’est également le cas des participes passés pris adjectivement et
de beaucoup d’adjectifs verbaux en -ant (un directeur redouté, des
sables mouvants).

c) La place de l’adjectif modifie le sens


Certains adjectifs peuvent aussi bien être placés devant que derrière
le nom, sans que cela modifie fondamentalement le sens de
l’énoncé :
“ Il bâtit dans sa capitale un palais magnifique et une mosquée
de marbre. (GILBERT SINOUÉ, Avicenne ou La route d’Ispahan,
1989)

Elia Mosseri [...] propriétaire d’un magnifique palais Art déco


à Garden City. (MATHIAS ÉNARD, Zone, 2008)


Mais pour certains adjectifs, le changement de position
s’accompagne d’un changement de sens. En passant devant le
nom, certains se dépouillant de leur valeur ordinaire pour prendre
une signification figurée.

Avant le nom Après le nom

un simple soldat (= soldat non un soldat simple (= sans


gradé) prétention)

un triste personnage, un triste un personnage triste (= qui a


individu, un triste sire (= un de la tristesse)
personnage sinistre)

un grand homme (= un homme un homme grand (= de grande


brillant). taille)

un petit ami (= un amoureux) un ami petit (= de petite taille)

Quand un sens particulier est lié à la position de l’adjectif, on se


trouve face à une forme de figement. La locution ne fonctionne plus
librement sur le plan syntaxique. Par exemple, on ne peut pas
coordonner un deuxième adjectif sans altérer le sens. Comparez un
*gentil et petit ami avec un ami petit et gentil ; un *célèbre et triste
personnage avec un personnage triste et célèbre.
Les cas de figement adjectif-nom et nom-adjectif sont à la base de
nombreux noms composés en français. Leur caractère unitaire est
parfois rendu explicite par la présence d’un trait d’union, mais ce
n’est pas systématique : un amour-propre, un cousin germain, une table
ronde, une boite noire, une belle-mère, un piano droit, un bouc émissaire, un
cuir chevelu, une main courante, un grand brulé, un nouveau riche, etc.
(› Noms composés)
5. Les degrés des adjectifs qualificatifs
Le sens d’un adjectif peut être précisé en révélant le degré plus ou
moins élevé de la qualité exprimée. C’est ce qu’on appelle les
degrés (de signification) de l’adjectif qualificatif. Il y a deux manières
d’exprimer ces degrés :
en faisant état d’un degré d’intensité de l’adjectif (sur une
échelle) (1,2) ou par comparaison avec un élément de référence
(3).

“ La transfiguration de cette disparate en une personne


encore très fascinante venait de son regard, le plus fort
appel de l’au-delà que j’aie jamais reçu. (SIMON LIBERATI,
Eva, 2015) (1)

C’est une créature extrêmement fascinante. (YANN MARTEL,


L’histoire de Pi, 2001) (2)

La cité mythique de Chichén Itzá, la plus grande et la plus


fascinante des villes mayas. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, La vie
rêvée d’Ernesto G., 2012) (3)


Certains adjectifs n’admettent pas de degrés, parce qu’ils expriment
des idées absolues (carré, circulaire, horizontal, enceinte, etc.) ou
encore parce qu’ils expriment par eux-mêmes le comparatif ou le
superlatif (ainé, cadet, double, triple, principal, majeur, mineur, ultime,
etc.).
1. Les degrés d’intensité de l’adjectif
Les degrés s’expriment le plus souvent à l’aide d’adverbes que l’on
peut classer en fonction de l’intensité qu’ils évoquent (faible,
moyenne, élevée).
Intensité
Intensité faible Intensité élevée
moyenne

à peine, un peu, moyennement, très, fort,


faiblement, modérément, fortement,
légèrement, assez, quasiment, complètement,
modestement, plutôt, énormément,
minimalement, passablement, excessivement,
doucement sensiblement extrêmement,
Ils s’éloignèrent par Yeats semble formidablement,
une allée faiblement passablement mortellement, on
éclairée. (HEDWIGE distrait. (NANCY ne peut plus, on ne
JEANMART, Blanès, HUSTON, Danse saurait plus,
2014) noire, 2013) passionnément,
remarquablement
Ce n’est en rien Madame de Chartres Je suis
scandaleux, c’est en fut sensiblement mortellement
juste doucement offensée. (MADAME inquiet. (MARCEL
bête comme l’est DE LA FAYETTE, La AYMÉ, Le passe-
toute normalité Princesse de muraille, 1941)
statistique. (PATRICK Clèves, 1678)
DECLERCK, Crâne, Il était
2016) remarquablement
beau. (GASTON
LEROUX,
Le mystère de la
chambre jaune,
1907)
Les degrés peuvent aussi être marqués par l’adjonction d’un
élément formant (préfixe, suffixe ou autre) qui exprime l’intensité
forte ou faible, au sein même de la structure morphologique de
l’adjectif : archi-, hyper-, super-, -extra, ultra-, sur-, sous-, sub-, méga-, etc.
Même si certains de ces formants étaient des mots dans leur langue
d’origine, en français ils fonctionnent globalement comme des
préfixes en se plaçant devant l’adjectif qu’ils modifient (hyper-attentif,
superconstructif, etc.). On les appellera donc préfixes intensifs. Il
existe également un suffixe intensif (-issime) qui sert à former des
termes d’étiquette : excellentissime, importantissime, illustrissime,
éminentissime ou des superlatifs plaisants ou familiers (grandissime,
richissime, rarissime, etc.) : une pièce de théâtre baroquissime
(MORGAN SPORTÈS, Le ciel ne parle pas, 2017) ; un crépuscule bleu
étoilé kitschissime (YASMINA REZA, Heureux les heureux, 2013) ;
Les choses ont pris un tour urgentissime (MICHEL ROSTAIN, Le fils,
2011).
La construction qui en résulte peut être occasionnelle (hyper-content,
hyper-heureux, hyper-proche, hyper-éloigné, hyper-envieux, etc.) ou être
lexicalisée et enregistrée comme un mot du lexique français à part
entière : ultralibéral, hypersensible, hypersexualisé, hyperventilé,
suréquipé, extraterrestre, etc.
Dans la langue générale, ces formants sont accolés à des adjectifs
autonomes : hyper + riche = hyper-riche. Mais dans les domaines
techniques de nombreux adjectifs sont composés à partir d’un
élément intensif et d’un autre formant non autonome : hyper- + -
chromie = hyperchromie (« pigmentation accrue ») ; hyper- + -algie
= hyperalgie (« sensibilité accrue à la douleur »), etc. Le sens intensif
est alors constitutif de l’adjectif.
Remarques
1. Il y a beaucoup d’hésitations sur la manière d’écrire les mots créés à partir
des formants savants tels que hyper-, super-, ultra-, sur-, sous-, sub-. On
les retrouve agglutinés à l’adjectif, reliés par un trait d’union ou simplement
placés devant l’adjectif :
Un garçon volontariste, cent pour cent américain, à la fois
austère et hyperactif. (PATRICK LAPEYRE, La vie est brève et le
désir sans fin, 2010)
C’était hyper-violent. (MORGAN SPORTÈS, Tout, tout de suite, 2016)
Une adolescente nymphomane, défoncée à la coke et hyper
active. (VIRGINIE DESPENTES, Apocalypse bébé, 2010)
On recommande d’écrire de manière agglutinée les mots qui sont formés au
moyen de préfixes latins : extra, intra ultra, infra, supra. Cette règle
s’applique aux adjectifs comme aux noms : extraterritorial,
extraterritorialité. Le trait d’union est utilisé quand la soudure risquerait de
susciter des prononciations problématiques et quand la dernière lettre du
premier composant et la première lettre du second sont des voyelles qui
pourraient former une diphtongue : extra-utérin.
2. Les préfixes sur et sous peuvent aussi avoir une sens de localisation
géographique (« au-dessus » ou « au-dessous ») qu’il ne faut pas
confondre avec le sens intensif évoqué ici : Une scientifique anglaise qui
faisait de la plongée sous-glaciaire a été victime d’une attaque et s’est
noyée. (FRANÇOIS GARDE, La baleine dans tous ses états, 2015)
(= sous la glace.)
3. Évoquer l’intensité moyenne (entre sous- et sur-, entre hyper- et hypo-)
peut simplement consister à utiliser positivement l’adjectif sans ajout de
préfixe :
sous-utilisé → utilisé → surutilisé ;
sous-qualifié → qualifié → surqualifié ;
hypocalorique → calorique → hypercalorique ;
hypoglycémie → glycémie → hyperglycémie.

On remarque qu’on n’a pas systématiquement la possibilité de remplacer


hypo- par hyper- pour inverser le sens. Par exemple, dans le domaine
médical on a la paire allergénique et hypoallergénique (« dont le risque
allergique est faible, diminué »), mais pas *hyperallergénique.
4. On qualifie parfois de superlatif absolu la construction qui exprime une
qualité portée à un très haut degré sans aucune idée de comparaison. Il
se forme habituellement au moyen d’un des adverbes très, fort, bien,
extrêmement, infiniment, etc., précédant l’adjectif : Marie est très
savante, fort savante, extrêmement savante.
Intensité
Intensité faible Intensité élevée
moyenne

sous-, hypo- normo- « conforme archi-, hyper-,


Cette grosse à la norme, normal » super-, -extra,
centrale sous- est surtout utilisé ultra-, sur-, sous-,
utilisée (ALEXIS dans les domaines méga-, etc.
JENNI, La nuit de scientifique et
Walenhammes, médical L’amour
2015) ultracontemporain
Les otoémissions (Laurent Demoulin,
Le tube de gel provoquées sont Robinson, 2016)
hypoallergénique présentes chez
(BLANDINE LE presque tous les Je me sens
CALLET, La ballade sujets normo- mégaseule
de Lila K, 2010) entendants. (KATHERINE
(https://www.univers PANCOL, Les
alis.fr/) (= Les sujets écureuils de
entendant Central Park sont
normalement.) tristes le lundi,
2010)

Ces moyens morphologiques sont particulièrement utilisés


dans les langues de spécialité

hypochrome : « peu normochrome : hyperchrome : « qui


coloré » (anémie « dont la couleur est et fortement coloré »
hypochrome) normale, conforme à (effet hyperchrome
hypotendu : « dont un indice de de l’ADN)
la tension artérielle référence » (anémie hypertendu : « dont
est insuffisante » normochrome) la pression artérielle
est excessive »
En 1946, il a normotendu : « dont
organisé, dans une la tension artérielle Au sein des caissons
base de Floride, est normale » hyperbares, la
l’« Opération pression exercée va
Everest », une L’oxygénothérapie favoriser la
4 dissolution de
simulation de normobare peut
montée en altitude avoir des effets l’oxygène dans le
dans un caisson délétères souvent sang. (SYLVIE
hypobare. (CHARLIE peu connus. (Revue BURNOUF, Le
BUFFET, Le Monde, médicale suisse, Monde, 06/11/2017)
31/10/2009) 2015)

2. Les degrés de comparaison


de l’adjectif
Dans l’expression des degrés de comparaison de l’adjectif, on
distingue le comparatif, où la comparaison se fait avec un certain
nombre d’autres éléments (choses, êtres, situations) et le superlatif,
où la comparaison se fait avec la totalité d’un ensemble d’éléments
(choses, êtres, situations) : Léa est plus gentille que Max vs Léa est la
plus gentille.

a) Le comparatif

• Formation du comparatif
Le comparatif appréhende la qualité évoquée par l’adjectif par
comparaison avec un ou plusieurs termes. La comparaison peut
établir la supériorité, l’égalité ou l’infériorité par rapport à la
référence. L’expression comporte deux parties : un adverbe qui se
place devant l’adjectif et un complément en que qui présente le
terme de comparaison.
1) Le comparatif d’égalité se forme au moyen de l’adverbe aussi
précédant l’adjectif :


Il est presque aussi blême que le lavabo. (DELPHINE DE VIGAN,
Les heures souterraines, 2009)


2) Le comparatif de supériorité se forme au moyen de l’adverbe
plus précédant l’adjectif :

“ Il était beaucoup plus âgé que moi. (F RÉDÉRIC VERGER, Les


rêveuses, 2017)


Le comparatif de supériorité utilise pour certains mots des formes
particulières : meilleur, moindre et pire (formes issues des comparatifs
latins meliorem, minorem, pejorem) sont les comparatifs de bon, petit,
mauvais.
“ Je ne crois pas qu’au départ, j’étais pire ou meilleure que
vous. (MICHEL BUSSI, Gravé dans le sable, 2014)

Cette colère amusée était pire que les autres injures. (JEAN-
CHRISTOPHE GRANGÉ, Le passager, 2011)


Moindre s’emploie au sens abstrait (1). Au sens concret, on dit plus
petit (2) :

“ Dès qu’elle sentait monter en elle les prémices du moindre


sentiment à l’égard d’un nouvel amant, elle se mettait à la
recherche d’un deuxième. (HYAM YARED, Tout est halluciné,
2016) (1)

Dans le train, je m’endors contre ma mère, qui est plus


petite que moi. (ANAÏS BARBEAU-LAVALETTE, La femme qui fuit,
2015) (2)


3) Le comparatif d’infériorité se forme au moyen de l’adverbe
moins précédant l’adjectif :
“ Le Minnesota est moins attirant que la Côte d’Azur.
(FRANÇOIS WEYERGANS, Trois jours chez ma mère, 2005)


• Complément du comparatif
Le complément du comparatif introduit par que peut être de
différentes natures.
1) Groupe nominal (groupe, nom ou pronom) : la propriété évoquée
par l’adjectif qui est au cœur de la comparaison porte sur deux
référents :

“ Les pêcheurs étaient moins bouleversés que la population


par le drame qui se jouait autour du Café de
l’Amiral. (GEORGES SIMENON, Le chien jaune, 1931)

J’étais moins délicat que Huysmans sur ce chapitre. (MICHEL


HOUELLEBECQ, Soumission, 2015)

On récupère des moins chanceux que vous tous les jours.


(AURÉLIE VALOGNES, Mémé dans les orties, 2014)


Remarque
On peut sous-entendre dans ces constructions le verbe être : moins
heureuse que ne l’est la moindre hirondelle, mois délicat que ne l’est
Huysmans, moins chanceux que vous ne l’êtes. Le verbe est explicitement
mentionné dans l’exemple suivant :
Il ne paraît pas plus âgé que ne l’est monsieur Cruchot.
(HONORÉ DE BALZAC, Eugénie Grandet, 1833)

2) Adjectif : deux propriétés évoquées par les adjectifs qui se


trouvent de part et d’autre de la comparaison sont attribuées à un
référent unique (l’une de ces propriétés est présentée comme
aussi, plus ou moins importante que l’autre).

“ Rosal de Sainte-Croix laisse entendre sa voix aussi tendre


que ferme. (BERNARD TIRTIAUX, Le passeur de lumière, 1993)

Mais Jeannette était déjantée, plus folle que calculatrice.


(DANIEL RONDEAU, Mécaniques du chaos, 2017)


3) Groupe prépositionnel ou adverbial : la propriété évoquée par
l’adjectif et précisée par l’expansion prépositionnelle ou
adverbiale est attribuée à un référent unique.
“ Les arbres, hêtres et chênes, y étaient plus grands que nulle
part ailleurs. (FRÉDÉRIC VERGER, Arden, 2013)

Elle était pour son mari plus charmante que jamais. (GUSTAVE
FLAUBERT, Madame Bovary, 1856)

Peut-être paraissais-je un peu plus avenant qu’à mon


arrivée dans le village ? (LYDIE SALVAYRE, Tout homme est une
nuit, 2017)


4) Proposition : le comparatif peut servir à construire des
corrélations comparatives entre propositions qui ont un lien et
éventuellement un rapport de proportion entre elles (› Prop.
subord. corrélative) :
“ Cette femme, parce que handicapée, s’était révélée plus
forte, plus dure et plus rigoureuse que tout ce que j’avais
prévu. (TAHAR BEN JELLOUN, L’enfant de sable, 1985) (Plusieurs
qualités sont évaluées dans la comparaison : forte, dure, rigoureuse.)

Elle commençait à se faire vieille, sourde et plus acariâtre


qu’il eût été souhaitable. (MARC BRESSANT, Un si petit
territoire, 2017)

Mes promenades de cet automne-là furent d’autant plus


agréables que je les faisais après de longues heures
passées sur un livre. (MARCEL PROUST, Du côté de chez
Swann, 1913)

La jeunesse, le passé de BB sont aussi différents que


possible de ceux de Pauline. (PHILIPPE JAENADA, La petite
femelle, 2015) (Que possible est une proposition adverbiale non verbale
équivalente à qu’il est possible. Elle résulte d’une ellipse du verbe et du pronom
il impersonnel.)


b) Le superlatif relatif
Le superlatif relatif exprime une qualité portée au degré le plus
élevé ou le plus bas, par comparaison, soit avec la catégorie de
l’être ou l’objet dont il est question, soit avec un ou plusieurs autres
êtres ou objets.

• Formation du superlatif
Il est formé du comparatif de supériorité ou d’infériorité précédé de
l’article défini (1,2,3), d’un adjectif possessif (4,5) ou de la
préposition de (6,7,8) :
“ Le sang le plus abject vous était précieux. (J EAN RACINE,
Britannicus, 1669) (1)

Leplus jeune avait quinze ans et trente le plus âgé. (MARCUS


MALTE, Les harmoniques, 2011) (2)

Comme souvent, le chemin le plus long est le moins


dangereux. (BOUALEM SANSAL, Le village de l’Allemand ou Le
journal des frères Schiller, 2007) (3)

Ici, deux continents en étaient à rechercher leur plus petit


dénominateur commun ; le résultat était à la mesure de
l’ambition : étriqué. (FAWZI MELLAH, Elissa, la reine vagabonde,
1988) (4)

Red et Sonny étaient ses plus anciens amis. (CAROLINE DE


MULDER, Bye Bye Elvis, 2014) (5)

Peut-on rien voir de plus agréable ? (MOLIÈRE, Don Juan,


1682) (6)

Je trouve beau que des gens se rassemblent pour cela,


pour se tenir le plus près possible de ce qu’il y a de plus
pauvre et de plus vulnérable dans le monde et en eux-
mêmes. (EMMANUEL CARRÈRE, Le Royaume, 2014) (7)

En dehors des rings, le boxeur sparnacien est le plus


aimable des hommes. (DANIEL RONDEAU, Boxing-Club, 2016)
(8)


Le superlatif peut être renforcé par des éléments de différentes
natures :

“ Et tout fut consterné le plus beau et le plus agréable des


châteaux possibles. (VOLTAIRE, Candide ou L’optimisme, 1759)

À quinze ans, elle était de loin la plus belle fille du lycée des
Adieux. (AMÉLIE NOTHOMB, Riquet à la houppe, 2016)

Woody, Hillel et moi fûmes les amis les plus fidèles qu’il
soit. (JOËL DICKER Le livre des Baltimore, 2015)


• Complément du superlatif
Le superlatif peut être complété par un groupe prépositionnel ou une
relative :

“ On dirait que Kiko est le plus adulte de la bande. (V IRGINIE


DESPENTES, Vernon Subutex 3, 2017)

M. de Villefort avait la réputation d’être l’homme le moins


curieux et le moins banal de France. (ALEXANDRE DUMAS, Le
Comte de Monte-Cristo, 1844)

Le plus fort parmi les hommes. (YANICK LAHENS, Bain de lune,


2014)


6. Les adjectifs numéraux ordinaux
Sauf premier et second, les adjectifs numéraux ordinaux se forment
par l’addition du suffixe -ième aux adjectifs cardinaux
correspondants : deuxième, troisième, … vingtième, vingt-et-
unième, … centième, etc.
Avant d’ajouter -ième, on supprime le e final dans quatre, trente,
quarante, etc. ; on ajoute u à cinq ; on change f en v dans neuf.

Remarques
1. En dehors des adjectifs ordinaux composés, second et deuxième peuvent
s’employer indifféremment. Aujourd’hui, second est plus utilisé dans la
langue soignée. Les dictionnaires signalent que second s’emploie plutôt
quand il n’y a que deux choses (le second tour des élections, le Second
Empire, etc.), mais cette règle n’est pas toujours suivie : Le premier jour
il mangeait la viande, le second jour il mangeait la graisse, le
troisième jour il rongeait l’os. (VICTOR HUGO, Les misérables, 1862)
2. Unième ne s’emploie que dans les adjectifs ordinaux composés :
Beverly Brody, révèle que Jayne Mansfield est la quarante et
unième femme avec qui son mari se livre à un adultère avéré.
(SIMON LIBERATI, Jayne Mansfield 1967, 2011)
Michael Jackson est né trop tôt, mort trop tôt surtout pour
connaître le monde tel qu’il sera au vingt et unième siècle.
(YANN MOIX, Cinquante ans dans la peau de Michael Jackson, 2009)

L’adjectif numéral ordinal se place devant le nom : la cinquième roue


de la charrette, la rencontre du troisième type, le sixième sens, etc.

Il a fait un premier bond, puis un second. (WAJDI MOUAWAD,
Anima, 2012)


Les ordinaux dixième, centième, millième, etc. peuvent être utilisés
pour exprimer, de manière indéterminée, un grand nombre de fois :
De même, pour évoquer un grand nombre de fois sans préciser
l’ordre de grandeur, on peut utiliser la lettre n ou la lettre x (en
référence à x et n désignant un nombre en mathématique) devant le
suffixe -ième (on écrit : xième ou ixième, nième ou énième) :

“ J’ai présenté pour la nième fois un papier sur les voyages


de Faris Chidiac en Europe, dans une version différente,
certes, mais j’ai toujours la sensation de rabâcher.

Et plus loin, un ixième comptoir : Fradebu. (CHRISTOPHE


BOLTANSKI, Minerais de sang, 2014)


Remarque
Aux adjectifs numéraux on rattache :
o
1 Les mots multiplicatifs : simple, double, triple, quadruple, quintuple,
sextuple, septuple, octuple, nonuple, décuple, centuple.
o
2 Les noms des fractions. Sauf demi, tiers et quart, ils se confondent,
quant à la forme, avec les adjectifs ordinaux : le cinquième de la
somme, les trois huitièmes du capital.
Selon la tradition, il devait recevoir le cinquième du trésor
aztèque que Cortès ramenait du Mexique. (MICHEL BUSSI,
Mourir sur Seine, 2008)
o
3 Des dérivés en -ain, -aine, -aire : quatrain, sixain, etc. ; dizaine,
douzaine, vingtaine, etc. ; quadragénaire, quinquagénaire,
sexagénaire, etc.
o
4 Des expressions distributives : un à un, deux à deux, chacun dix.
7. Le groupe adjectival
Le sens de l’adjectif qualificatif peut être précisé par différents
éléments qui forment un groupe adjectival dont l’adjectif est le
noyau. Les compléments de l’adjectif peuvent être :
1) un adverbe ou complément adverbial :


Violentes, parfois sanglantes, ces rencontres duraient des
journées entières. (MOHAMMED DIB, La grande maison, 1952)

Fils d’un père […] inquiet seulement devant les chances d’un
ébranlement européen. (VICTOR HUGO, Les misérables, 1862)

En même temps, il se sentait désolé, furieux et horriblement


lucide. (JÉRÔME FERRARI, Dans le secret, 2007)


Les adverbes peuvent exprimer une certaine intensité de l’adjectif.
(› Degrés d’intensité de l’adjectif)
2) un complément prépositionnel :

Il s’était perdu dans les bois et il était tombé dans un fossé
plein d’eau. (RENÉ GOSCINNY, Les vacances du petit Nicolas,
1962)

La disposition mathématique de son esprit le rendait apte à


tout comprendre par le calcul. (ALEXANDRE DUMAS, Le Comte de
Monte-Cristo, 1844)

Le moment ultime, c’est l’instant privilégié entre tous, celui où


l’être va enfin savoir. (MAURICE MAETERLINCK, Pelléas et
Mélisande, 1892)


3) une proposition conjonctive :


Le regard tantôt rieur et tantôt haineux comme celui d’enfants
se battant dans une cour d’école. (ALEXANDRE POSTEL, Les deux
pigeons, 2016)

Fils d’un père […] brave comme un grenadier, courageux


comme un penseur. (VICTOR HUGO, Les misérables, 1862)

C’est bête, je suis sûre que mes parents auraient été d’accord.
(JEAN-MARC CECI, Monsieur Origami, 2016)


4) un pronom :

Ses petits n’auraient d’autre patrimoine que leurs diplômes,
elle en était consciente. (LÉONORA MIANO, Ces âmes chagrines,
2011)


Remarques
1. Parmi les compléments de l’adjectif, il convient de signaler à part le
complément du comparatif (et du superlatif relatif), qui exprime le
deuxième terme de la comparaison (› Complément du comparatif) :
Il y a un spectacle plus grand que le ciel, c’est l’intérieur de
l’âme. (CATHERINE CUSSET, Un brillant avenir, 2008)

Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur. (JEAN
RACINE, Phèdre, 1677)
2. Deux adjectifs peuvent avoir un complément commun s’ils admettent
chacun séparément la même préposition après eux :
Tu devenais rouge et furieuse pour un rien ! (KATHERINE
PANCOL, Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi, 2010)
On ne dirait pas : Prêt et avide de combattre. On tournerait ainsi : Prêt à
combattre et avide de le faire.
CHAPITRE 4

Le pronom
1. Définition
2. Les pronoms personnels
3. Les pronoms possessifs
4. Les pronoms démonstratifs
5. Les pronoms relatifs
6. Les pronoms interrogatifs
7. Les pronoms indéfinis

8. Les compléments du pronom


1. Définition
Le pronom est un mot grammatical qui, en général, est équivalent à
un syntagme nominal. Il peut se substituer à lui ou éventuellement
désigner son référent (c’est-à-dire la personne ou la chose désignée
par le nom).

“ i
Son père, il sait même pas qu’on se voit ! s’exclama Zoé.
ii
Gaétan, il fait tout en cachette ! (KATHERINE PANCOL, La
i ii
valse lente des tortues, 2008) (Il = son père ; il = Gaétan.)

Contrarié par cette réserve, North réclama un baiser qui lui


fut offert du bout des lèvres. (ALEXANDRE POSTEL, Un homme
effacé, 2013) (Qui = un baiser ; lui = à North.)

Petite fille, elle l’est aussi par ses caprices. (BERNARD


QUIRINY, Les assoiffées, 2010) (L’ = petite fille.)

Je vous écrirai, croyez-le donc bien. (ALEXANDRE DUMAS, Le


Comte de Monte-Cristo, 1844) (Le = je vous écrirai.)

Quand un sujet ne l’intéresse pas, l’intimide, le chagrine ou


le fâche, il se retire dans un coin de sa tête et joue les idiots.
(ALICE ZENITER, L’art de perdre, 2017) (L’, l’, le, le = il.)


Certains pronoms peuvent varier en genre (chacun des hommes,
chacune des femmes) et/ou en nombre (celui-ci pleure ; ceux-ci pleurent).
Les pronoms personnels et les interrogatifs varient en fonction de
leur personne (je, tu, il, elle, nous, vous, ils, elles) et les pronoms
personnels, les relatifs et interrogatifs varient d’après la fonction
qu’ils jouent dans la phrase : je plains (sujet), il me plaint (complément
d’objet direct), Il se plaint à moi (complément d’objet indirect).
Certains pronoms ont la forme d’une locution :

“ Je ne sais qui exactement répondit à son appel. (DRISS


CHRAÏBI, La Civilisation, ma Mère !..., 1972) (› Pronoms
indéfinis)


Malgré son nom, le pronom ne remplace pas que des noms. Il peut
se substituer à un syntagme nominal ou un adjectif (1), une
proposition (2), un groupe prépositionnel (3), un adverbe (4), un
verbe (5) :

L’occupation soviétique était illégale en 1939, elle l’est
toujours cinquante ans plus tard, allez-vous-en. (EMMANUEL
CARRÈRE, Limonov, 2011) (Elle = l’occupation soviétique ; l’ = illégale.) (1)

Il le sait que c’est moi, et que rien ne va. (DIDIER VAN


CAUWELAERT, Le retour de Jules, 2017) (Le = c’est moi et rien ne va.)
(2)

Je protège Nad, et je lui donne un formidable sujet. (DIDIER


VAN CAUWELAERT, Attirances, 2005) (Lui = à Nad.) (3)

Là d’où je viens aussi on peut mourir, je pense. (CATHERINE


POULAIN, Le grand marin, 2016) (Où reprend l’adverbe là.) (4)

Mourir, cela n’est rien


Mourir la belle affaire. (JACQUES BREL, Vieillir, 1999)
(Cela = mourir.) (5)


Les exemples qui précèdent comportent des pronoms
représentants, c’est-à-dire de pronoms substituts qui reprennent un
terme du contexte.
Selon les cas, le pronom peut être utilisé avant ou après le groupe
qu’il remplace. S’il apparait après le groupe qu’il remplace (ce qui est
la situation la plus courante), on parle d’anaphore, il s’agit d’une
reprise d’un antécédent :

Ces aliments lui paraissaient pharaoniques, il en rêvait la
nuit. (AMÉLIE NOTHOMB, Le crime du comte Neville, 2015) (En = de
ces aliments.)


Quand le pronom apparait avant le groupe auquel il se substitue, on
parle de cataphore, il s’agit d’une annonce, d’un renvoi vers un
segment à venir que l’on appelle conséquent :


Elle en rêvait, pour tout dire, de ce bébé. (ADÉLAÏDE DE
CLERMONT-TONNERRE, Le dernier des nôtres, 2016) (En = de ce
bébé.)


Quand le pronom représente un nom, il adopte le genre (masculin
ou féminin) de ce nom ; quand il représente autre chose qu’un nom
(une proposition ou un adjectif par exemple) ou quand il exprime une
notion vague, il est au masculin singulier, car c’est ainsi que l’on
marque le genre et le nombre indifférenciés :

Micheline Brasme l’intimidait, parce qu’elle était connue.
(BERNARD QUIRINY, Les assoiffées, 2010) (Elle = Micheline Brasme –
féminin).

Les alligators sont Votre armée, je le comprends. C’est Vous


qui les avez lancés sur la ville. Il ne doit plus rien rester
qu’eux, je le sais. (LAURENT GAUDÉ, Ouragan, 2010) (Les deux
pronoms le renvoient respectivement aux propositions Les alligators sont Votre
armée et Il ne doit plus rien rester qu’eux.)

Que d’heureux qui ne savent pas qu’ils le sont ! (ALEXANDRE


DUMAS FILS, La dame aux camélias, 1848)


Par ailleurs, il y a des pronoms qui ne représentent aucun élément
exprimé dans le contexte (que ce soit avant ou après la position
occupée par le pronom) : on parle alors de pronoms nominaux. Ils
ne remplacent pas, mais jouent eux-mêmes le rôle d’un nom
indéterminé :

“ Non ! Rien de rien… Non ! Je ne regrette rien. (É DITH PIAF,


Je ne regrette rien, 1960)


On retrouve également ce type de pronom dans des phrases figées
comme : Tout est dit, C’est cela, oui ! On est jamais trop prudent, Qui va à
etc. (dans ces exemples, le sens est
la chasse perd sa place, Qui sait ?,
générique et ne vise pas à identifier un référent en particulier).
Font également l’objet d’un usage nominal les pronoms déictiques
(qui désignent quelqu’un, dans la situation de communication (je, tu,
me, moi, toi, etc.) :

“ Moi j’ai rendez-vous avec ce que j’ignore. (É RIC-EMMANUEL


SCHMITT, Ulysse from Bagdad, 2008) (Moi et j’ désignent la
personne qui parle.)


On distingue traditionnellement six espèces de pronoms : les
pronoms personnels, les possessifs, les démonstratifs, les relatifs,
les interrogatifs et les indéfinis.
Type de pronom Exemples

Pronoms personnels je, tu, il, elle, nous, vous, ils, elles,
lui, leur, etc.

Pronoms possessifs le mien, le tien, le sien, le nôtre, le


vôtre, etc.

Pronoms démonstratifs ce, cette, ceux, celle, celui-ci, celui-


là, etc.

Pronoms relatifs qui, que, quoi, dont, où, lequel,


laquelle, etc.

Pronoms interrogatifs qui, que, lequel, laquelle, duquel,


etc.

Pronoms indéfinis quelqu’un, certains, plusieurs, rien,


etc.

Toutes les classes de pronoms contiennent un nombre fini


d’éléments, à l’exception de la classe des pronoms indéfinis dans
laquelle on range également les numéraux cardinaux qui sont
déterminants numéraux quand ils accompagnent un nom, mais qui
s’emploient aussi seuls, comme pronoms (› Déterminants
numéraux) :
“ Ils étaient deux ingénieurs appréciés. (JEAN-MICHEL
GUENASSIA, Trompe-la-mort, 2015) (Deux est déterminant numéral et
accompagne le mot ingénieur.)

Les types de la police étaient repassés au Miranda.[…] Ils


étaient deux, même taille, pas très grands. (HEDWIGE
JEANMART, Blanès, 2014) (Deux est ici pronom.)


Remarques
1. Pour qu’un nom puisse être représenté par un pronom, il faut, en principe,
que ce nom soit déterminé, c’est-à-dire précédé d’un article ou d’un
adjectif possessif, démonstratif, etc. :
On cherche les rieurs, et moi je les évite. (JEAN DE LA
FONTAINE, Le rieur et les poissons, 1678)
On ne dit donc pas :
* Vous avez tort et je ne l’ai pas. (Ici, c’est le figement de l’expression
verbale avoir tort qui explique l’impossibilité de remplacer le mot tort par un
pronom.)
1
* Il a agi par jalousie, qui est un sentiment dangereux .
2. Il arrive que le pronom représentant un nom collectif singulier s’accorde en
nombre non avec ce collectif, mais avec le nom pluriel auquel on pense (il
y a alors accord par syllepse ) :
Jamais il n’eût tourmenté un chat inutilement. Il les respectait.
(HENRY TROYAT, Une extrême amitié, 1963)
Beaucoup de monde. Comme d’habitude, ils ne quittaient pas
leurs pardessus. (PATRICK MODIANO, Rue des Boutiques
Obscures, 1978)
2. Les pronoms personnels

1. Définition
Les pronoms personnels désignent les êtres en marquant la
personne verbale, donc en indiquant qu’il s’agit :
re
soit de l’être qui parle (1 personne) : je lis, nous lisons ;
soit de l’être à qui l’on parle (2e personne) : tu lis, vous lisez ;
e
soit de l’être de qui l’on parle (3 personne) : il lit, ils lisent.
(› Pronoms conjoints et disjoints)
Les pronoms personnels varient donc en fonction :
de la personne et du nombre (je, tu, il, elle, nous, vous, ils, elles) ;
de la fonction (je manque, il me manque) ;
de leur position. (› Pronom représentant)
C’est seulement à la 3e personne que le pronom personnel peut
représenter, remplacer un nom déjà exprimé. À la première et
deuxième personnes, l’usage est déictique : le pronom désigne une
personne dans la situation de communication (› Pronom déictique) :


Tuveux que je te mette du poivre sur la langue ? (DRISS
CHRAÏBI, La Civilisation, ma Mère !..., 1972) (Je désigne la personne
qui parle, tu et te désignent l’interlocuteur.)


2. Les formes du pronom personnel
Formes
Formes conjointes
disjointes

Objet Non
Perso Objet Réfléc Réfléchi
Sujet indire réfléch
nne direct hi e
ct ie
re je me moi
1
singul
ier
e tu te toi
2
singul
ier
e il/elle lui/elle soi
3
singul
ier
re nous le/la lui se
1
pluriel
e vous
2
pluriel
e ils/elles les leur se eux/elle soi
3
pluriel s

En plus des formes, certains considèrent on comme un pronom


personnel indéfini. Il est souvent employé à la place de nous à
l’oral. Le rôle pronominal de en et y est également à considérer. (› Le
pronom indéfini on)
re
a) 1 personne
La première personne du singulier représente le locuteur qui parle.


Je pense à toi tout le temps. (DOMINIQUE COSTERMANS, Nous
dormirons ensemble, 2008)


Au pluriel, le pronom désigne un ensemble de personnes dont le
locuteur fait partie :

“ Nous pensons que tu commets une erreur, Alex. (C ATHERINE


CUSSET, Un brillant avenir, 2008)


Selon les cas, le nous peut inclure ou non l’interlocuteur. Par
exemple, dans la phrase Les enfants, nous partons, on parlera de
nous inclusif, si les enfants partent avec la personne qui a
prononcé l’énoncé et de nous exclusif, si les enfants ne sont pas
concernés par le départ (par exemple, si la personne qui prononce
l’énoncé part avec une tierce personne).
La première personne du pluriel est également utilisée pour désigner
une seule personne dans un usage que l’on appelle le nous de
modestie ou nous de majesté (ou encore nous majestatif ). Ce
mode d’expression est généralement utilisé par un locuteur qui veut
éviter de se mettre en avant (par exemple, dans un essai, dans un
texte scientifique, lors d’un discours, etc.).
e
b) 2 personne
La deuxième personne du singulier désigne la personne à qui l’on
s’adresse, l’interlocuteur :


Tu souffles sur la braise. (ANAÏS BARBEAU-LAVALETTE, La
femme qui fuit, 2015)


Au pluriel, le pronom désigne soit :
un groupe de personnes dont le ou les interlocuteurs font partie ;
une seule personne à laquelle on s’adresse à la forme polie. On
appelle vouvoiement l’usage de ce pluriel de politesse.

“ Vous êtes jeune, vous êtes costaud. (P HILIPPE DJIAN, Love


Song, 2013)

Il demande : « Mademoiselle Mathilde, est-ce que je peux


vous tutoyer ? Je suis très mal à l’aise de dire vous aux
gens, surtout à ceux qui me plaisent. Quand je parle à une
seule personne, j’ai l’impression de faire une faute de
français.» Elle répond : « Il m’est bien égal qu’on me dise tu
ou vous, pourvu qu’on me dise des choses intéressantes.
Moi, je vous dis vous, Célestin, parce que j’ai peur de
t’avoir, depuis hier soir, beaucoup ennuyé.» (SÉBASTIEN
JAPRISOT, Un long dimanche de fiançailles, 1991)


Remarque
Le choix du vouvoiement ou du tutoiement (le recours à la deuxième
personne du singulier qui indique une plus grande proximité) est lié à des
habitudes sociales complexes, différentes d’une région à l’autre de la
francophonie et qui tiennent compte de la situation de communication, du
rapport hiérarchique des personnes (on vouvoie un supérieur), de leur degré
de familiarité, etc. Le passage éventuel du vous au tu peut être négocié dans
la conversation et les règles de politesse voudraient que la proposition
vienne de la personne la plus âgée ou hiérarchiquement supérieure (ce qui
n’est pas toujours facile à déterminer). Dans le langage courant, on fait
également référence au tutoiement par la formule on se dit tu et au
vouvoiement par la formule on se dit vous. L’expression être à tu et à toi
signifie « être proche de » (en référence à la proximité qu’atteste
généralement le tutoiement) :
Il n’en revenait pas qu’Igor soit à tu et à toi avec une pareille
célébrité. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, Le club des incorrigibles
optimistes, 2009)

Quand on utilise le pluriel de politesse, l’accord des adjectifs et


participes passés liés à ce pronom est sylleptique (c’est-à-dire qu’il
se fait en fonction du sens). Il exige le singulier et le genre est
respecté :

“ Vous êtes belle comme une créature de Khnopff. (A MÉLIE


NOTHOMB, Barbe bleue, 2012)


c) 3e personne
re e e
Contrairement à la 1 et 2 personnes qui sont déictiques, la 3
personne représente des êtres dont on parle.
Le pronom il impersonnel s’emploie comme sujet syntaxique
(parfois nommé sujet apparent parce qu’il ne désigne rien) avec les
verbes impersonnels qui sont suivis de la séquence de
l’impersonnel (ou sujet réel, qui représente le sujet) : Il est arrivé un
malheur (= Un malheur est arrivé) ; Il semble que le temps passe trop vite
(= Le temps semble passer trop vite). On dit de ces verbes qu’ils
sont occasionnellement impersonnels, car les phrases dans
lesquelles ils sont utilisés résultent d’une transformation et il est
possible d’identifier le sujet réel. D’autres verbes sont dits
essentiellement impersonnels, car il n’y a pas de sujet réel (c’est le
cas des verbes météorologiques et des formes il y a, il fait, il est, il
faut) (› Verbe impersonnel) :


Sur cette frontière il neige, il fait moins trente. (ALEXIS JENNI,
L’art français de la guerre, 2011)


d) En et y
En et y sont des formes conjointes représentant un syntagme
nominal prépositionnel en de (pour en) ou en à (pour y). Le sens
véhiculé par la préposition se retrouve dans le pronom :
J’aime les pommes, j’en mange beaucoup (= je mange beaucoup de pommes).
J’aime Paris, j’y habite (= j’habite à Paris).
On les appelle parfois pronoms adverbiaux ou adverbes
pronominaux, car ils sont à la fois proches des pronoms (dans la
mesure où ils représentent un antécédent) et des adverbes (par leur
dimension circonstancielle, par le fait qu’ils ne varient ni en genre ni
en nombre). Ils peuvent chacun revêtir de nombreuses fonctions
dont voici un aperçu non exhaustif :
EN

Complément de Le labo, de son côté, n’a pas réussi


verbe à faire réapparaître les numéros de
série des appareils audio-visuels,
téléviseur, CD portable, etc. De
chacun, il s’en est vendu des
milliers. (PIERRE LEMAITRE, Travail
soigné, 2006) (Complément d’objet indirect.)
Les marches sont très hautes… et
il en manque. (MAURICE LEBLANC,
L’aiguille creuse, 1909) (Complément
d’objet direct.)

Complément du J’ai mené cette vie-là, j’en connais


nom les débours. (HONORÉ DE BALZAC, Le
père Goriot, 1835)
Il a un savoir livresque et
cinématographique sur les deux
guerres mondiales. Il en connaît du
dehors les modalités, la logistique,
les stratégies, le déroulement. Il en
connaît les horreurs
innommables. (LYDIE SALVAYRE, BW,
2009)

Complément À la Pietà, on est coutumier du


d’un groupe attribut silence, sauf pour la musique –
mais n’en est-elle pas la forme la
plus pure ? (VINCENT ENGEL, Alma
Viva, 2017)

Complément de Est-ce que, par hasard, Simon


pronom Herzog connaîtrait des Bulgares
dans le milieu universitaire ? Simon
réfléchit. Oui, il en connaît
un. (LAURENT BINET, La septième
fonction du langage, 2015)

Complément d’objet On ne change pas le passé, Harry.


indirect de verbe N’y pensez pas. (JOËL DICKER, La
vérité sur l’affaire Harry Quebert, 2012)
C’était « original », cette coupe de
cheveux. Comptait-il faire quelque
chose pour y remédier ? (ADELAÏDE
DE CLERMONT-TONNERRE, Fourrure,

2010)

Complément Lorsque y désigne le lieu, il peut prendre


adverbial la place d’un complément introduit par
d’autres préposition que à :
Le soir où son oncle et sa tante la
convoquèrent dans leur chambre,
elle y entra à reculons. (CATHERINE
CUSSET, Un brillant avenir, 2008) (Y
marque le lieu : dans la chambre.)
La caisse est notre dernière
demeure, mais j’y habite déjà.
(ALEXIS JENNI, L’art français de la
guerre, 2011) (Y = dans la caisse.)

Complément d’un Édouard lui donne du « camarade


adjectif attribut ou Président » : il n’y est pas habitué,
participe passé
ça lui plaît. (EMMANUEL CARRÈRE,
employé de manière
attributive Limonov, 2011)
Ah ! ce métier de servante, tu n’y
es pas fait, pauvre cœur
orgueilleux. (ALFRED DE MUSSET,
Lorenzaccio, 1895)
Mais revenons au cinéma. Où BW
fait ce qu’on appelle ses
humanités. Il y est très assidu.
(LYDIE SALVAYRE, BW, 2009)

Les pronoms en et y sont également utilisés dans de nombreuses


expressions avec un sens imprécis : s’en aller ; en vouloir à quelqu’un ;
en finir avec quelqu’un ; n’en faire qu’à sa tête ; s’en tenir à ; il y a ; n’y voir
goutte ; y regarder à deux fois ; y perdre son latin ; s’y prendre mal, etc.
Ces expressions étant le résultat d’un figement, il n’y a plus lieu de
faire l’analyse des éléments qui les composent. (› Expressions
figées)

e) Les pronoms réfléchis


Le pronom personnel est dit réfléchi lorsqu’il sert à former les
verbes pronominaux ; il reflète alors le sujet (tantôt il est
complément d’objet : je me blesse ; je me lave les mains ; ils se
réconcilient ; tantôt il n’a aucune fonction logique : je m’évanouis).
(› Verbe pronominal)
Le pronom réfléchi est :
pour la 1re personne : me, nous. Je me blesse ; nous nous blessons.
e
pour la 2 personne : te, vous. Tu te blesses ; vous vous blessez.
Il n’a de forme spéciale qu’à la 3e personne : se, soi.

“ On se sauve, on est poursuivi, chacun pense à soi. (D ENIS


DIDEROT, Jacques le fataliste et son maître, 1796)

Toute épée a deux tranchants ; qui blesse avec l’un se


blesse à l’autre. (VICTOR HUGO, Les misérables, 1862)


3. L’emploi du pronom personnel
Les pronoms personnels peuvent remplir, dans la phrase, les
mêmes fonctions que les noms. Ils peuvent être :
1º Sujets : je, tu, il, elle, nous, vous, ils, elles, et dans certains cas :
moi, toi, lui, eux.
2º Compléments d’objet directs : me (après impératif : moi), te
(après impératif : toi), le, la, se, nous, vous, les.
3º Compléments d’objet indirects sans préposition : me, te, lui,
se, nous, vous, leur.
4º Compléments précédés d’une préposition : moi, toi, lui, elle,
soi, nous, vous, eux, elles.
Ces dernières formes s’emploient aussi comme attributs et comme
mots renforçant le sujet, le complément d’objet direct ou indirect.
Les pronoms personnels se caractérisent aussi par la place qu’ils
occupent par rapport au verbe. Ils peuvent être devant ou derrière le
verbe :

“ Donne-leur ce qui leur manque le plus. (TONINO BENACQUISTA,


Malavita, 2004)

boit ce qu’elle lui donne de tendresse, d’attention. (ÉRIC


Il
VUILLARD, La bataille d’Occident, 2012)


On distingue les pronoms conjoints et les pronoms disjoints.
Les pronoms conjoints (également appelés pronoms atones) sont
directement accolés au verbe (ou éventuellement séparés par un
autre pronom ou une particule négative) :

Je parle sans attendre de réponse. (MARGUERITE DURAS,
L’amant, 1984)

Pour avoir la paix, rêve-t-elle que je n’existe plus ? (PIERRE


LEMAITRE, Cadres noirs, 2010) (Une particule négative sépare le pronom
je du verbe auquel il est accolé.)

Je ne lui parle plus, à cette désolante ordure. (PATRICK


DECLERCK, Socrate dans la nuit, 2008) (Une particule négative et un
pronom indirect séparent le pronom je.)


Me, te, se, sont toujours conjoints. Dans la prononciation, ils sont
atones, c’est-à-dire dépourvus d’accent d’intensité ; ils précèdent un
verbe (ou un pronom), sur lequel ils s’appuient intimement :

“ Il se raconte des histoires et puis il aime les raconter aux


autres, quitte à les enjoliver. (MICHEL ROSTAIN, L’étoile et la
vieille, 2013)


Dans les formes conjointes, je, me, te, se, le, la, la voyelle s’élide
devant un verbe commençant par une voyelle ou un h muet, et
devant en, y : j’ouvre, il m’appelle, il s’humecte les lèvres, tu t’en vas, je l’y
envoie. (› Élision)
Les pronoms disjoints sont les formes que l’on utilise quand ceux-
ci sont séparés du verbe par d’autres éléments (préposition ou signe
de ponctuation) ou qu’ils sont mis en relief dans la phrase (formule
présentative c’est… que, apostrophe, etc.). On constate que leur
forme peut être différente, mais qu’elle ne l’est pas toujours (c’est le
cas d’elle, par exemple) :


Tu t’accroches à lui. (ANAÏS BARBEAU-LAVALETTE, La femme qui
fuit, 2015) (Pronom séparé du verbe par une préposition.)

La voilà ; dès que je parle d’elle, je la vois. (JEAN-PAUL


SARTRE, Huis clos, 1944) (Les deux je sont des pronoms conjoints, par
contre, elle est reliée au verbe par une préposition qui en fait un pronom
disjoint.)

Moi, avec lui, je marchais toujours sur des œufs. (AGNÈS


MARTIN-LUGAND, Les gens heureux lisent et boivent du café,
2013) (Moi et lui sont disjoints, je est conjoint.)

Eux l’ont pris. (CHARLES-FERDINAND RAMUZ, La grande peur


dans la montagne, 1926) (Mise en évidence du sujet.)

Après tout, c’est elle qui l’avait provoqué par son


comportement obscène. (LILIANA LAZAR, Terre des affranchis,
2011) (Formule présentative qui met le pronom en relief.)


Moi, toi, soi, eux sont toujours disjoints : crois-moi ; C’est à toi que je
parle, non à eux.
Les autres pronoms personnels sont conjoints ou disjoints selon
leur fonction et leur place par rapport au verbe : on nous parle
(conjoint), parle-nous (disjoint).
Les formes disjointes peuvent être renforcées par l’adjonction de
même : moi-même, toi-même, etc. Nous, vous peuvent être renforcés
par autres : nous autres, vous autres.

a) Le pronom personnel sujet


Le pronom personnel sujet est le plus souvent conjoint : je, tu, il, elle,
nous, vous, ils, elles :

“ Je pose donc je suis. (F RÉDÉRIC BEIGBEDER, Une vie sans fin,


2018)


Des pronoms disjoints (moi, toi, lui, elle, nous, vous, eux, elles)
s’emploient comme sujets dans les cas suivants (› Phrase à
détachement) :
1º Détaché en début ou fin de phrase, suivi d’une apposition (ou
construction détachée) ou suivi d’une proposition relative :

“ Toi aussi, mon fils, tu vas dormir… (D ANIEL PENNAC, Monsieur


Malaussène, 1995)

ne boit jamais, ou si peu, cette fois la tête lui tourne.


Lui qui
(LAURENT MAUVIGNIER, Des hommes, 2009)


Remarque
Sur ce point, la formule administrative Je soussigné fait exception. Un
pronom conjoint est utilisé de manière détachée en début de phrase :
Je soussigné, Giancarlo Malcessati, sain d’esprit sinon de
e
corps, ai demandé à M Honoré Constant, notaire à Genève,
de consigner ici mon testament. (VINCENT ENGEL, Le miroir des
illusions, 2016)

2º Quand le pronom sujet s’oppose à un autre sujet ou le renforce :

“ J’ai bien survécu, moi… (K ATHERINE PANCOL, Les écureuils de


Central Park sont tristes le lundi, 2010)


3º Dans les propositions où il y a ellipse du verbe :


Elle a rosi et j’ai ajouté en l’embrassant : – Et ça m’a plu. –
Moi aussi… (LUNATIK, Tous crocs dehors, 2012) (Moi aussi [ça m’a
plu].)


4º Quand le pronom sujet est joint à un ou plusieurs autres sujets :
“ La femme, la fille et moi, on y est allé au moins vingt fois.
(JEAN GIONO, Le hussard sur le toit, 1951)


5º Avec l’infinitif exclamatif ou interrogatif, avec l’infinitif de narration
et avec le participe absolu :

“ Moi, ne plus t’aimer, pourquoi ? … Je me moque de ton


passé. (ÉMILE ZOLA, La bête humaine, 1890) (Avec un infinitif en
proposition interrogative.)

« On rêve ! » Et lui de répondre, avec une ironie teintée de


lyrisme : « Eh bien, je garde le mot : c’est un beau rêve. »
(LAURENT BINET, Rien ne se passe comme prévu, 2012) (Avec
infinitif de narration.)

Luiparti, elle nous regardait comme des intrus. (CHRISTOPHE


BOLTANSKI, La cache, 2015) (Avec un participe absolu.)


6º Comme sujet dans la phrase emphatique en c’est ... qui (› Phrase
emphatique) :
“ Moi, ne plus t’aimer, pourquoi ? … Je me moque de ton
passé. (ÉMILE ZOLA, La bête humaine, 1890) (Avec un infinitif en
proposition interrogative.)

« On rêve ! » Et lui de répondre, avec une ironie teintée de


lyrisme : « Eh bien, je garde le mot : c’est un beau rêve. »
(LAURENT BINET, Rien ne se passe comme prévu, 2012) (Avec
infinitif de narration.)

Luiparti, elle nous regardait comme des intrus. (CHRISTOPHE


BOLTANSKI, La cache, 2015) (Avec un participe absolu.)


b) Le pronom personnel complément

• Pronom conjoint
Le pronom personnel complément est le plus souvent une forme
conjointe : me, te, se, le, la, lui, nous, vous, les, leur :

“ Quand il me prend dans ses bras / Il me parle tout bas.


(ÉDITH PIAF, La vie en rose, 1945)

Ilnous a tous manipulés. (LARRY TREMBLAY, L’orangeraie,


2016)


• Pronom disjoint
Les pronoms disjoints moi, toi, soi, lui, elle, nous, vous, eux, elles
s’emploient comme compléments dans les cas suivants :
1º Pour renforcer un complément d’objet direct :

“ Zita, je t’aime toi. La femme. Pas l’image. (A DÉLAÏDE DE


CLERMONT-TONNERRE, Fourrure, 2010)


2º Quand le pronom personnel complément est joint à un ou
plusieurs autres compléments de même espèce que lui :

“ Ni moi ni personne en Italie n’a pu se plaire à toutes ces


tristes extravagances. (VOLTAIRE, Candide, Préface de l’éditeur,
1759)


3º Dans les propositions où il y a ellipse du sujet et du verbe :

“ Qu’attendent-ils donc pour venir le demander ? Toi, maître


el-Birouni. (GILBERT SINOUÉ, Avicenne ou La route d’Ispahan,
1989)


4º Après un impératif affirmatif – sauf devant en et y :

“ Je suis trop vieille… vous êtes trop jeune… oubliez-moi !


(GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, 1856)


Mais : Donnez-m’en, menez-m’y.
5º Après une préposition, dans des compléments d’objet indirects :

“ Je pense à toi et je ruisselle. L’envie est là. Elle est terrible.


(MARCUS MALTE, Le garçon, 2016)

Vivez, régnez pour vous : c’est trop régner pour elle. (JEAN
RACINE, Britannicus, 1669)

J’ai compris, je n’attends rien de lui, je ne lui dois rien. (ÉRIC-


EMMANUEL SCHMITT, Ulysse from Bagdad, 2008)

J’aurais aimé que le matelas fût imprégné d’elle. (ÉRIC FAYE,


Nagasaki, 2010)


6º Après ne… que et avec la construction emphatique c’est… que :
“ Quand je vois Danceny, je ne désire plus rien ; quand je ne
le vois pas, je ne désire que lui. (CHODERLOS DE LACLOS, Les
liaisons dangereuses, 1782)

Allons, Pierret, tu sais bien que c’est toi que j’aime. (JEAN
TEULÉ, Je, François Villon, 2006)


Remarques
1. Le pronom personnel disjoint, précédé de à, sert de complément d’objet
indirect au participe passé :
J’ai laissé là / un enfant, un jeune homme, un homme / qui de
moi ne saura rien / ni les rires à moi interdits / ni les larmes à
moi refusées. (VINCENT ENGEL, Le miroir des illusions, 2016)
Mais les paroles à moi promises par le regard de Gisèle pour le
moment où Albertine nous aurait laissés ensemble ne purent
m’être dites. (MARCEL PROUST, À l’ombre des jeunes filles en
fleurs, 1919) (› Pronom explétif)
2. Le pronom personnel peut être explétif (c’est-à-dire ne pas être nécessaire
au sens ou à la syntaxe ; on pourrait le supprimer) : goutez-moi cela.

• Place du pronom personnel complément d’objet


1° Avec un verbe à l’impératif : le pronom personnel complément
d’objet d’un impératif sans négation se place après le verbe. Le
pronom est disjoint :
“ Regarde-moi, dis-moi, pourquoi m’as-tu appelé ? (NELLY
ALARD, Moment d’un couple, 2013)


Avec un impératif négatif, il se place avant le verbe. Le pronom est
conjoint :

“ Par pitié, par grâce, ne me livrez pas ! (A LEXANDRE DUMAS,


Le Comte de Monte-Cristo, 1844)


Si un impératif sans négation a deux pronoms compléments d’objet,
l’un direct, l’autre indirect, on place le complément d’objet direct le
premier :

“ Dites-le-moi et je serai triste avec vous. (J OËL DICKER, La


vérité sur l’affaire Harry Quebert, 2012)


Toutefois, il arrive de manière exceptionnelle qu’on ait l’ordre
inverse :
“ Le flot monte, on lui parle, on crie : Oh ! rends-nous-les !
(VICTOR HUGO, Les pauvres gens, 1859)

Puisque nous sommes en train de nous rappeler nos noms,


rappelons-nous-les tous. (ALEXANDRE DUMAS, Le Comte de
Monte-Cristo, 1844)


Mais si l’impératif est négatif, le pronom complément d’objet
indirect se place le premier (1) ; toutefois lui et leur font exception
(2) :

“ Ne me le prenez pas, je vous en supplie, ne me le prenez


pas. (SÉBASTIEN JAPRISOT, Un long dimanche de fiançailles,
1991) (1)

Ne le lui dites jamais, s’il vous plaît. Pitié. (ARMEL JOB, Tu ne


jugeras point, 2009) (2)


2° Avec un mode autre que l’impératif : les pronoms conjoints
compléments d’objet me, te, se, le, la, lui, nous, vous, les, leur se
placent avant le verbe (avant l’auxiliaire dans les temps
composés) :
“ Je te promets la clé des secrets de mon âme. (J OHNNY
HALLYDAY, Je te promets, 1986)

On leur avait demandé de partir. (DELPHINE DE VIGAN, Les


heures souterraines, 2009)

Tu lui diras les choses progressivement. (MARIE-AUDE


MURAIL, Oh, boy !, 2000)


Quand le verbe a deux compléments d’objet, l’un direct, l’autre
indirect, celui-ci se place le premier (sauf avec lui et leur) :

“ Tu vas me le dire. Tu me le dois. (S CHOLASTIQUE MUKASONGA,


Notre-Dame du Nil, 1831)

Nous le lui affirmons sur cette barricade. (VICTOR HUGO, Les


misérables, 1862) (Lui et leur se placent après le complément d’objet direct.)


Les pronoms personnels disjoints moi, toi, soi, lui, elle, nous, vous,
eux, elles utilisés comme compléments se placent généralement
après le verbe :
“ C’est qu’ils les aiment eux, les histoires que je ne veux pas
entendre. (VIRGINIE DELOFFRE, Léna, 2011)

Il me plaît, à moi. (JEAN GIRAUDOUX, La guerre de Troie n’aura


pas lieu, 1935)


Elles sont parfois détachées avant le verbe, par effet de style
(› Phrase avec détachement) :

“ À moi ils n’avaient rien demandé ; à lui, ils avaient demandé


d’un geste de présenter une carte qui prouve son identité.
(ALEXIS JENNI, L’art français de la guerre, 2011)

À moi aussi, il arrive d’aboyer. (PASCAL MANOUKIAN, Le diable


au creux de la main, 2013)


3° Avec un infinitif complément d’un verbe principal : le pronom
personnel complément de cet infinitif se place immédiatement avant
ce dernier :
“ Appelez-moi votre responsable, je veux le voir. (A NNA SAM,
Les tribulations d’une caissière, 2008)


Toutefois si l’infinitif est complément de voir, entendre, sentir, laisser,
faire, regarder, envoyer, le pronom personnel complément de cet
infinitif se place avant le verbe principal si celui-ci n’est pas à
l’impératif :

“ Marseille était la dernière direction qu’on s’attendrait à le


voir prendre. (JEAN-CHRISTOPHE GRANGÉ, Le passager, 2011)


Si au contraire le verbe principal est à l’impératif sans négation, le
pronom se place après le verbe : Faites-le prendre.

c) Le pronom personnel attribut


Les pronoms disjoints moi, toi, lui, elle, soi, nous, vous, eux, elles
s’emploient comme attributs après le verbe être (surtout avec le
sujet ce) :
“ Ma vie c’est toi. (N ELLY ALARD, Moment d’un couple, 2013)

Eh bien, toi c’est toi, moi c’est moi. D’accord ? (ÉRIC-


EMMANUEL SCHMITT, Les perroquets de la place d’Arezzo, 2013)

Suis-je moi ou l’ombre qui s’attache à mes


pas ? (GWENAËLLE AUBRY, Perséphone 2014, 2016)

Ma plus belle histoire d’amour c’est vous. (BARBARA, Ma plus


belle histoire d’amour, 1965)

Si j’étais vous, j’irais faire un petit tour au spa. (GUILLAUME


MUSSO, La fille de papier, 2010)


Pour représenter un nom indéterminé (c’est-à-dire sans article ou
précédé de l’article indéfini ou de l’article partitif) ou un adjectif, on
emploie comme pronom attribut le neutre le, invariable :

“– Nous serons maudits, murmura Bamby. – Nous le


sommes déjà. (MICHEL BUSSI, On la trouvait plutôt jolie, 2017)

Je voulais devenir imprimeur, je le suis. (ANNE CUNEO, Le


maître de Garamond, 2002)

Mais l’épée devait bien sûr leur être retirée et, un soir, elle le
fut. (JÉRÔME FERRARI, Le sermon sur la chute de Rome, 2012)


Remarque
Si le nom est déterminé (précédé d’un article ou d’un déterminant), on
emploie parfois le, la ou les accordé avec ce nom. Mais cet usage reste
relativement rare :
J’ai été cette pauvre chose-là. Tu la seras toi aussi. (HENRY DE
MONTHERLANT)

Le, neutre, peut représenter comme attribut un participe passif :

“ Sans vous, je serais haï et digne de l’ être. (F RANÇOIS DE


FÉNELON, Les aventures de Télémaque, 1699)


Il peut aussi représenter, en le faisant sous-entendre au passif, un
verbe qui précède, à l’actif : cet usage est condamné par Littré et par
beaucoup de grammairiens, mais il est attesté par nombre
d’auteurs :

“ On ne peut bien déclamer que ce qui mérite de l’ être.


(VOLTAIRE, Le siècle de Louis XIV, 1751)

Ne vous laissez pas troubler … J’avoue que je l’ai été moi-


même au début. (ANDRÉ MAUROIS, Le cercle de famille, 1936)


d) Cas particuliers
Le pronom réfléchi (› Pronom réfléchi)
re
À la 1 personne, on emploie comme réfléchis les pronoms me,
nous : je me blesse, nous nous blessons. (› Verbe pronominal)
e
À la 2 personne, te, vous : tu te blesses, vous vous blessez.
e
À la 3 personne, le pronom réfléchi a deux formes spéciales : une
forme conjointe : se (toujours devant le verbe) ; une forme disjointe :
soi (après le verbe) : il(s) se blesse(nt) ; chacun pense à soi.

Remarque
Au point de vue de sa valeur logique, le pronom de forme réfléchie a tantôt
un sens réfléchi, tantôt un sens non réfléchi.
Au sens réfléchi, il indique, comme complément d’objet direct ou indirect, que
l’action revient sur le sujet : Je me blesse. Tu te nuis.
Au pluriel, il peut marquer un sens réciproque : Nous nous querellons. Ces
deux hommes se disent des injures.
Au sens non réfléchi, il ne marque aucunement que l’action revient sur le
sujet ; il n’est pas alors analysable séparément et fait corps avec le verbe. Il
s’emploie ainsi, soit comme pronom sans fonction logique : (Je m’évanouis,
il se meurt) soit comme pronom auxiliaire de conjugaison servant à faire
exprimer au verbe l’idée du passif : Le blé se vend bien.

Soi, seul ou renforcé par même, ne se rapporte, en général, qu’à un


sujet indéterminé et singulier (mais il s’agit toujours d’une
personne) :
“ Plus personne ne sait combler l’abîme à l’intérieur de soi.
(ÉRIC VUILLARD, La bataille d’Occident, 2012)

On ne tremble jamais que pour soi, que pour ceux qu’on


aime. (MARCEL PROUST, Du côté de chez Swann, 1913)

Chacun pour soi, chacun chez soi ! (CAROLE MARTINEZ, La


terre qui penche, 2015)


Avec un sujet déterminé, on emploie généralement lui, elle(s), eux :

“ M. Thiboust-Gouron était dur pour lui-même comme pour


autrui. (JEAN-PAUL SARTRE, La nausée, 1938)


Il ne serait pas incorrect de mettre soi, comme à l’époque classique :

“ Le feu s’était de soi-même éteint. (GUSTAVE FLAUBERT,


Salammbô, 1862)

Elle hochait la tête, regardant droit devant soi. (ALAIN


FOURNIER, Le grand Meaulnes, 1913)


En particulier si une équivoque par rapport au référent est possible
et aussi quand le sujet désigne un type, un caractère :

“ Doña Manuela, laissant comme toujours sa fille s’occuper


de soi. (OCTAVE AUBRY, Impératrice Eugenie, 1933) (Si on avait le
pronom elle, le référent serait équivoque : sa fille ou Doña Manuela.)


On constate que ces usages de soi avec sujet déterminé sont
beaucoup plus rares.
Remarque
Soi-disant fonctionne comme un adjectif invariable s’applique à des
personnes ou à des choses :
Il donne rendez-vous aux deux soi-disant vainqueurs un peu plus
tard, à l’hôpital. (PHILIPPE JAENADA, La petite femelle, 2015)
Il croit que j’ai compris ce qui se cache réellement derrière cette
soi-disant adoption. (HÉLÈNE GRÉMILLON, La garçonnière, 2013)
1
Selon l’Académie (billet du 6 mars 2014 ), soi-disant ne devrait s’appliquer
qu’à des êtres doués de parole et capables de se dire. Dans le second
exemple, on pourrait ainsi préférer l’adjectif prétendue pour qualifier
adoption. Malgré le côté logique de cette explication, on remarque que
l’usage ne fait pas ou plus cette analyse et que de très nombreux auteurs
utilisent soi-disant en dehors de ce contexte restreint : le mandat soi-
disant impératif (JEAN-PAUL SARTRE, Les mots, 1963) ; au grand
détriment de toutes les maisons de campagne ou soi-disant
châteaux du voisinage (STENDHAL, Le rouge et le noir, 1830) ; un
soi-disant contre-poison (VICTOR HUGO, Lucrèce Borgia, 1833) ; la
soi-disant bonne santé (JEAN GIONO, Le hussard sur le toit, 1951) ;
un soi-disant chemin (SERGE JONCOUR, Bol d’air, 2011) ; etc.
Soi-disant peut également se dire au sens adverbial de « censément,
prétendument » :
Elle avait pris la mouche un jour où il lui avait, soi-disant, mal
parlé. (KATHERINE PANCOL, Les écureuils de Central Park sont tristes
le lundi, 2010)
Cet enfant, l’enfant qu’il a soi-disant adopté. (HÉLÈNE GRÉMILLON,
La garçonnière, 2013)

Les pronoms en et y sont pronoms personnels quand,


représentant, soit un nom de chose ou d’animal, soit une idée, ils
équivalent, le premier à un complément construit avec de, le second
2
à un complément construit avec à ou dans :
“ Pour la première fois de ma vie, sans doute, je considère
comme un travail manuel le fait d’écrire. Pour la première
fois du moins, j’en apprécie l’aspect pénible. (PHILIPPE
JAENADA, La serpe, 2017) (= J’apprécie l’aspect pénible de ce travail.)

Remuez le monde, changez-en la face. (ALEXANDRE DUMAS,


Le Comte de Monte-Cristo, 1844) (= changez la face de ce monde.)

Vous chantiez ? J’en suis fort aise : Eh bien dansez


maintenant. (JEAN DE LA FONTAINE, La cigale et la fourmi, 1668)

Je vais vous poser des questions et vous y répondrez.


(GASTON LEROUX, Le mystère de la chambre jaune, 1907) (= Vous
répondrez aux questions.)

Anne-Lise c’est le genre de numéro que je devrais effacer,


mais j’y suis attaché à mes numéros. (SERGE JONCOUR,
Combien de fois je t’aime, 2008) (Ici le référent du pronom y – numéro –
est repris pour créer un effet de renforcement : à mes numéros.)

En dessous de nous, il y a un fond de 8 000 mètres.


Pensez-y. (BERNARD QUIRINY, Histoires assassines, 2015)


Remarques
1. Il est parfois difficile de décider si en (du lat. inde, « de là ») et y (du lat. ibi,
« là ») sont adverbes de lieu ou pronoms personnels. On pourra observer,
en particulier :
a) qu’ils sont pronoms personnels quand ils représentent un nom (une
chose ou une personne) ou une proposition :
– La villa n’a pas été démolie. – Si, j’en viens. (DIDIER VAN
CAUWELAERT, Attirances, 2005)
Cette histoire de la première nuit, c’est peut-être pour vous,
pensez-y. (EMMANUEL CARRÈRE, D’autres vies que la mienne,
2009)
Les pochetrons du coin. Presque sympas. Ne vous y fiez pas !
(MICHEL BUSSI, Un avion sans elle, 2012)
b) qu’ils sont adverbes de lieu lorsque, ne représentant ni un nom ni une
proposition, ils équivalent à « de là », « là » Sors-tu d’ici ? Oui, j’en
sors. N’allez pas là : il y fait trop chaud.
2. En et y ont une valeur imprécise dans un grand nombre d’expressions,
telles que : s’en aller, s’en tirer, en vouloir à quelqu’un, c’en est fait, il
y va de l’honneur, il n’y parait pas, n’y voir goutte, il s’y prend mal,
s’en tenir à quelque chose, y regarder à deux fois, etc.
3. Les pronoms possessifs
Les pronoms possessifs représentent le nom en ajoutant à l’idée de
ce nom une idée de possession :

“ Il n’y avait pas d’autres voitures sur le quai, que la sienne.


(CLAUDIE GALLAY, Les déferlantes, 2008)


Le pronom possessif marque souvent, non la possession au sens
strict, mais divers rapports :

“ Dans une situation aussi désespérée que la sienne, elle


n’avait plus le choix. (LILIANA LAZAR, Enfants du Diable, 2016)

Adolescent, je l’ai maudit, mais je n’ai pas choisi une autre


route que la sienne. (AMÉLIE NOTHOMB, Le crime du comte
Neville, 2015)

Ma carrière était fichue, et ils le savaient. La leur était au


zénith. (BERNARD QUIRINY, Les assoiffées, 2010)


Les pronoms possessifs sont :
Un seul objet Plusieurs objets

Masculin Féminin Masculin Féminin

le mien la mienne les miens les miennes


Un seul
le tien la tienne les tiens les tiennes
objet
le sien la sienne les siens les siennes

le nôtre la nôtre les nôtres


Plusieurs
le vôtre la vôtre les vôtres
objets
le leur la leur les leurs

Le pronom possessif s’emploie parfois d’une manière absolue, sans


représenter aucun nom exprimé :
1º au masculin pluriel pour désigner les proches, les partisans :

“ Dans sa prison, il pourra travailler encore pour les siens.


(VICTOR HUGO, Le dernier jour d’un condamné, 1829)

Je me sentais isolé et sans lien avec les miens, même dans


leur sollicitude. (KAMEL DAOUD, Zabor, 2017)


2º dans certaines locutions : y mettre du sien ; faire des siennes.
“ Si chacun y met du sien, tout se passera bien. (DAVID
FOENKINOS, Charlotte, 2014)

Il risquait de faire des siennes en public, de la couvrir de


honte. (ARMEL JOB, Tu ne jugeras point, 2009)


4. Les pronoms démonstratifs

1. Définition
Les pronoms démonstratifs désignent, sans les nommer, les êtres ou
les objets que l’on montre (valeur déictique), ou dont on va parler, ou
dont on vient de parler (valeur anaphorique) :

“ Voyez ceci, avait lancé le médecin. (MARCUS MALTE, Le


garçon, 2016)

Ils espèrent un univers parallèle plus accueillant que celui-ci.


(FRÉDÉRIC BEIGBEDER, Un roman français, 2009)


Le pronom démonstratif n’implique pas toujours l’idée
démonstrative : cette idée est effacée dans celui, ceux, celle(s), ce :
“ Ceux qui n’ont pas mis les pieds dans une école meurent de
faim ? (MOHAMMED DIB, La grande maison, 1952) (Ceux = « les
personnes », non « ces personnes ».)

Cela est effrayant de passer aussi près de la destruction,


mais cela effraye encore plus cette vie. (ALEXIS JENNI, L’art
français de la guerre, 2011) (Cela apparait ici comme une variante du il
impersonnel.)


Les pronoms démonstratifs sont simples ou composés et
susceptibles de varier en genre et en nombre :

SINGULIER PLURIEL

Masculi Fémini Masculi


Neutre Féminin
n n n

Formes celui celle ce ceux celles


simples

Formes celui-ci celle-ci ceci ceux-ci celles-ci


composées celui-là celle-là cela, ça ceux-là celles-là

2. L’emploi des pronoms démonstratifs


Les formes composées (celui-ci, celle-là, ceux-ci, etc.) sont
syntaxiquement autonomes.

• Celui, celle(s), ceux


Celui, celle(s), ceux demandent toujours après eux, soit un participe,
soit un complément introduit par une préposition, soit une
proposition relative :

“ Il n’y a pas d’autre décoration que celle créée par les rayons
de soleil dans les pièces que Naïma traverse timidement.
(ALICE ZENITER, L’art de perdre, 2017)
Comment écrire l’histoire du fils sans celle du père. (PATRICK
DEVILLE, Peste & Choléra, 2012)
Il n’était plus question ni de sous, ni de guerre, sinon celle
entre l’homme et la femme. (ALAIN BERENBOOM, La fortune
Gutmeyer, 2015)

qui ouvrent leur cœur s’en mordent les doigts. (MIANO


Celles
LÉONORA, Crépuscule du tourment, 2017)


On trouve aussi celui, celle(s), ceux, suivis d’un adjectif, lorsque
celui-ci est accompagné d’un complément :

“ Ils sont si rares ceux capables de s’explorer. (PATRICK


DECLERCK, Démons me turlupinant, 2012)


• Ce
Ce s’emploie comme sujet :
1º devant un pronom relatif :

“ Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement.


(NICOLAS BOILEAU, L’art poétique, 1674)


2º devant le verbe être (parfois précédé de devoir ou de pouvoir) :

“ Ce fut le début du succès. (A DÉLAÏDE DE CLERMONT-TONNERRE,


Fourrure, 2010)

Ce devait être une sorte de carnaval. (ÉRIC VUILLARD,


Conquistadors, 2009)


Ce, devant le verbe être, peut reprendre un sujet :

“ Tout cela, ce devait être au début. (PATRICK MODIANO, Rue des


Boutiques Obscures, 1978)
Faire un enfant, c’est un risque à courir… On ne gagne pas
à tous les coups. (JEAN-LOUIS FOURNIER, Où on va, papa ?,
2008)


Il peut aussi annoncer un sujet, qui est :
soit un nom ou un pronom introduits par que : C’est un trésor que la
santé ;
soit un infinitif introduit par de ou que de : C’est une folie (que)
d’entreprendre cela ;
soit une proposition introduite par que, parfois par comme,
quand, lorsque, si :

“ C’est une honte qu’un mauvais homme comme lui n’ait pas
rencontré plus tôt la mort. (ALICE ZENITER, L’art de perdre,
2017)
C’est étonnant comme les drames unissent les familles.
(DAVID FOENKINOS, Les souvenirs, 2011)
C’est meilleur quand c’est réchauffé. (JEAN-MICHEL
GUENASSIA, Le club des incorrigibles optimistes, 2009)
C’est pire si tu ne dis rien. (JAKUTA ALIKAVAZOVIC, L’avancée
de la nuit, 2017)


Remarque
C’est forme avec qui ou que un tour qui permet de mettre en évidence
n’importe quel constituant de la phrase, sauf le verbe (› Phrase emphatique) :
C’est moi qui suis désolée pour toi. (KATHERINE PANCOL, La valse
lente des tortues, 2008)
C’est la raison qui ouvre les yeux. (MARCEL PROUST, Sodome et
Gomorrhe, 1922)
C’est demain que tout doit se faire. (OLIVIER TRUC, Le dernier
Lapon, 2012)

Ce s’emploie comme attribut ou comme complément


immédiatement devant un pronom relatif :

“ Je ne pouvais pas inviter tous les exilés, car ce n’est pas ce


qui manque à New York. (DANY LAFERRIÈRE, L’énigme du
retour, 2009)

Tout ce qui vous importe, ce sont les apparences. (AGNÈS


MARTIN-LUGAND, Les gens heureux lisent et boivent du café,
2013)


Ce, non suivi d’un pronom relatif, est complément dans certains
tours anciens : et ce, ce disant, ce faisant, pour ce faire, sur ce, de
ce non content :
“ Elle m’a tout raconté et ce, croyez-m’en, dans les moindres
détails. (YANN MOIX, Naissance, 2013)


Les démonstratifs prochains ceci, celui-ci, celle(s)-ci, ceux-ci
s’emploient en opposition avec les démonstratifs lointains cela, celui-
là, celle(s)-là, ceux-là, pour distinguer nettement l’un de l’autre deux
êtres ou objets, deux groupes d’êtres ou d’objets qu’on a devant soi :

“ Ceci est à moi, cela est à vous. (Dictionnaire de l’Académie)


De ces deux frères, celui-ci est plus actif que celui-là.
(Dictionnaire de l’Académie)


Le plus souvent, quand il y a opposition, les démonstratifs prochains
désignent l’être ou l’objet, les êtres ou les objets les plus rapprochés
ou nommés en dernier lieu ; les démonstratifs lointains désignent
l’être ou l’objet, les êtres ou les objets éloignés ou nommés en
premier lieu :
“ Île de la Grande-Jatte, une discussion des ouvriers Werck et
Pigot, a fini par trois balles que tira celui-ci et que reçut celui-
là. (FÉLIX FÉNÉON, Faits divers. 1210 nouvelles en trois lignes,
2018)


S’il n’y a pas opposition, les démonstratifs prochains s’appliquent
à ce qui va être dit, à l’être ou à l’objet, aux êtres ou aux objets,
qu’on a devant soi, ou dont on parle, ou dont on va parler ; les
démonstratifs lointains représentent ce qui a été dit, l’être ou
l’objet, les êtres ou les objets dont on a parlé :

“ Dites ceci de ma part à vos amis. (Dictionnaire de l’Académie)


Julien, qui avait le temps de faire des phrases, se souvint de
celle-ci : – Regretteriez-vous la vie ? (STENDHAL, Le rouge et
le noir, 1830)


Remarques
1. Celui-là, ceux-là s’emploient au lieu de celui, ceux, lorsque la relative qui
les détermine est rejetée après la principale :
Ceux-là font bien qui font ce qu’ils doivent. (JEAN DE LA
BRUYÈRE, Les caractères, 1688)
e
2. Ça est une forme réduite de cela. Au XVII siècle, il était de la langue
e e
populaire ; c’est au XIX et au XX siècles qu’il s’est imposé dans l’usage
général, tout en restant cependant moins « soigné » que cela :
Il a une panoplie d’expressions : « Ça suffit ! » « OK ! » « Ça
fera ! » (WADJI MOUAWAD, Anima, 2012)
Ça pourrait, ça devrait ne rien me faire du tout. (LYDIE
SALVAYRE, BW, 2009)
3. Cela, ça, dans la langue familière, désignent parfois des personnes :
Un juge, ça a des hauts et des bas. (ALBERT CAMUS, Les justes,
1949)
4. Dans l’exemple suivant, celui-ci ou celle-là est utilisé pour référer de
manière indéterminée à des individus. Il n’y a pas de mise en opposition
des deux pronoms.
Ils suivront celui-ci ou celle-là des jours entiers. (VICTOR HUGO,
Les misérables, 1862)
5. Les pronoms relatifs

1. Définition
Le pronom relatif sert à introduire une proposition subordonnée dite
relative. Généralement, le pronom établi un lien entre la
subordonnée relative et un antécédent qu’il représente. Cet
antécédent, qui peut être un nom, un groupe nominal ou un pronom
voit son sens précisé par la relative :

“ Le premier pas, mon fils, [que l’on fait dans le monde]


Est celui [dont dépend le reste de nos jours]. (VOLTAIRE,
L’indiscret, 1877)

Je suivais une femme [dont le regard m’avait plu]. (ÉRIC-


EMMANUEL SCHMITT, Les perroquets de la place d’Arezzo, 2013)


Les pronoms qui, que, quoi et où peuvent également introduire des
relatives substantives et dans ce cas, ils n’ont pas d’antécédent.
On retrouve ce type de construction dans de nombreux proverbes :
[qui va à la chasse] perd sa place ; [qui vivra] verra ; [qui se sent morveux]
se mouche ; [qui trop embrasse] mal étreint ; [qui se couche avec les chiens]
se lève avec les puces, etc. (Proverbes). (› Subordonnées relatives
substantives)
Les pronoms relatifs ont des formes simples et des formes
composées :
Formes qui, que, quoi, dont, où
simples Les pronoms qui, que, dont, où peuvent être
utilisés avec des antécédents des deux genres
et des deux nombres. Quoi a généralement un
référent indéterminé ou de sens vague.

Formes SINGULIER PLURIEL


composées
Masculi Fémini Masculi
Féminin
n n n

lequel laquelle lesquels lesquelles


duquel de desquels desquelles
auquel laquelle auxquels auxquelles
à
laquelle

Les formes simples varient essentiellement d’après leur fonction au


sein de la relative et en fonction du caractère animé/inanimé de
l’antécédent dans les compléments prépositionnels :

“ C’est mon père, je sais de qui je parle. (É RIC-EMMANUEL


SCHMITT, Le poison d’amour, 2014)

Tous ceux qui ont déjà fait de la garde à vue savent de quoi
je parle : le retour à l’état de bête soumise et inquiète.
(FRÉDÉRIC BEIGBEDER, Un roman français, 2009)


Même si la forme du pronom relatif ne change pas, celui-ci est
malgré tout du même genre, du même nombre et de la même
personne que son antécédent :

“ C’est peut-être elle que j’ai fuie en m’excluant moi-même de


leur assemblée. (NÉGAR DJAVADI, Désorientale, 2016)

C’est elles que j’ai vues en premier. (GAËL FAYE, Petit pays,
2016)


Les formes composées sont également marquées par le genre et le
nombre de leur antécédent. Certaines formes résultent de la
contraction d’une préposition (à ou de) avec le pronom :
à + lequel = auquel ; de + lequel = duquel ; de + laquelle = de laquelle, etc.

“ La seule chose à laquelle je pense sur le moment : appeler la


sécurité. (ANNA SAM, Les tribulations d’une caissière, 2008)


Outre les formes signalées dans ce tableau, il y a les pronoms
relatifs composés quiconque, qui que, quoi que, qui que ce soit qui, qui
que ce soit que, quoi que ce soit qui, quoi que ce soit que, qui sont des
relatifs indéfinis :
“ Quiconque est égaré, n’est égaré qu’à son propre détriment.
(GILBERT SINOUÉ, Avicenne ou La route d’Ispahan, 1989)

Qui que tu sois, tu es unique et, une fois parti, tu ne


reviendras jamais. (PATRICK DECLERCK, Crâne, 2016)

Quoi que tu en penses, je te préviens, je lâche la


surveillance. (FRED VARGAS, Debout les morts, 1995)

Je me révélais incapable d’exprimer quoi que ce soit.


(HEDWIGE JEANMART, Blanès, 2014)


Dans l’analyse des mots de la subordonnée, on peut considérer
globalement chacun des relatifs composés qui que, quoi que, etc.,
mais strictement parlant, c’est le premier élément qui a une fonction
particulière de sujet, d’attribut, etc.
Remarque
S’emploient sans antécédent :
o
1 qui, que, quoi, où, pris comme relatifs indéfinis ;
o
2 les relatifs indéfinis quiconque, qui que, quoi que, qui que ce soit qui
(ou que), quoi que ce soit qui (ou que) :
Qui n’a pas connu l’absence ne sait rien de l’amour.
(CHRISTIAN BOBIN, Une petite robe de fête, 1991)
Vous d’abord et advienne que pourra. (PATRICK DEVILLE, Taba-
Taba, 2017)
Il paraît qu’avec ce qu’elle a gagné dans son hôtel, elle a de
quoi assurer. (PATRICK LAPEYRE, La vie est brève et le désir sans
fin, 2010)
J’ai tant d’invitations que je ne sais où donner de la tête.
(MARCEL PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922)
Je tuerai quiconque de ces ivrognes et drogués tentera de le
toucher. (MOHAMED CHOUKRI, Le pain nu, 1973)

2. L’emploi des pronoms relatifs


Antécédent
Fonction Antécédent animé
inanimé

Sujet qui qui


(› Expression que
s figées et
propositions
infinitives)

COD ou que que


attribut

Complément préposition + qui, dont préposition + quoi,


prépositionn dont, où
el

• Qui
Qui est sujet ou complément.
a) Comme sujet, il s’applique à des personnes ou à des choses :

“ Un jeune homme, qui n’avait pas l’air très intelligent, parla


quelques instants avec un monsieur qui se trouvait à côté de
lui. (RAYMOND QUENEAU, Exercices de style, 1947)

North se dirigea, comme prévu, vers l’arbre qui se trouvait


au fond du jardin. (ALEXANDRE POSTEL, Un homme effacé,
2013)


Il s’emploie sans antécédent comme nominal, dans certains
proverbes ou dans certaines expressions sentencieuses :

“ Qui se sent morveux, qu’il se mouche. (M OLIÈRE, L’avare,


1668)

Qui se ressemble s’assemble, n’est-ce pas ? (MARCUS


MALTE, Les harmoniques, 2011)


De même dans qui plus est, qui mieux est, qui pis est, et après voici,
voilà :

“ Il avait qui plus est le sens du symbole. (MICHEL


HOUELLEBECQ, Soumission, 2015)

Ainsi donc, voilà qui est fait. (ALFRED DE MUSSET, Lorenzaccio,


1895)

Dans notre comédie les hommes sont souvent des bêtes ;


et qui pis est, des bêtes méchantes. (PIERRE-AUGUSTIN CARON
DE BEAUMARCHAIS, Le mariage de Figaro, 1785)


Qui répété s’emploie comme sujet au sens distributif de « celui-ci…
celui-là, ceux-ci… ceux-là » :
“ Les couloirs grouillent de fourmis serrant, qui sa plume, qui
son duvet-souvenir. (BERNARD WERBER, Les fourmis, 1991)


b) Comme complément, qui est précédé d’une préposition et
s’applique à des personnes ou à des choses personnifiées, parfois
aussi à des animaux :

“ Ce n’est pas moi qui le veux ; c’est l’homme dur à qui je


parle. (DENIS DIDEROT, Jacques le fataliste et son maître, 1796)
Je suis ébahie qu’un homme que je connais, qui est mon
parrain, dans la voiture de qui je monte, à côté de qui je
marche dans la rue, ait su inventer une histoire qui me
captive. (CATHERINE CUSSET, Une éducation catholique, 2014)
Devait-elle accepter d’épouser un homme pour qui elle
n’éprouvait nulle attirance. (LYDIE SALVAYRE, Pas pleurer,
2014)


Dans les phrases telles que les suivantes, qui, relatif indéfini, a sa
fonction (sujet ou complément) dans la proposition relative, et cette
proposition tout entière est complément du verbe principal ou d’un
autre mot de la principale :
“ Vous ne savez pas à qui vous avez l’honneur de parler !
(ROMAIN GARY, La promesse de l’aube, 1960)
Liane clame à qui veut bien l’entendre que le mariage lui a
apporté bonheur et liberté. (DELPHINE DE VIGAN, Rien ne
s’oppose à la nuit, 2011)
Un enquêteur se demande à qui profite le crime. (BERNARD
QUIRINY, Contes carnivores, 2008)


• Que
Que, relatif, s’applique à des personnes ou à des choses. Il peut être
sujet, attribut ou complément.
a) Le relatif que est le plus souvent complément d’objet direct
(COD) au sein de la proposition relative :

“ Je me sentis étreint d’une sorte de regret absurde pour les


enfants que cette femme aurait pu mettre au monde.
(MARGUERITE YOURCENAR, Le coup de grâce, 1939) (Cette femme
aurait pu mettre au monde [que=les enfants]COD.)


b) Que, neutre, peut être attribut :
“ Vous êtes aujourd’hui ce qu’autrefois je fus.
(PIERRE CORNEILLE, Le Cid, 1637)

Je l’ai méconnu, je l’ai repoussé, je lui ai fait mille maux !


infâme que je suis ! (HONORÉ DE BALZAC, Le père Goriot, 1835)


c) Il est sujet dans quelques expressions figées (1,2,3,4) ou dans
les propositions infinitives (5) :

“ Que Paul fasse ce que bon lui semble. (J EAN COCTEAU, Les
enfants terribles, 1929) (1)

Advienne que pourra, a-t-elle soupiré en me détachant d’elle


pour me remettre au travail. (DIDIER VAN CAUWELAERT, La
femme de nos vies, 2013) (2)


“ Il serait, coûte que coûte, le premier secrétaire de sa vie.
(DAVID FOENKINOS, La délicatesse, 2009) (3)

À part cela, la vie ordinaire a repris, vaille que vaille. (ARMEL


JOB, Tu ne jugeras point, 2009) (4)

Eden ne sait que penser de ce discours. (LAURENT BINET,


HHhH, 2010) (5)


Avec les verbes impersonnels, que introduisant la proposition
relative est séquence de l’impersonnel (› Séquence de
l’impersonnel) :

“ Il avait vingt-quatre ans – le temps qu’il faisait était le cadet


de ses soucis. (VIRGINIE DESPENTES, Vernon Subutex 2, 2015)


d) Il est complément adverbial quand il a la valeur de où, durant
lequel, etc. :
“ Du temps que je gardais les bêtes sur le Luberon, je restais
des semaines entières sans voir âme qui vive. (ALPHONSE
DAUDET, Lettres de mon moulin, 1869)

Depuis que je l’ai vu entrer dans la salle d’audience, je sais


qu’il est très en colère contre moi. (PIERRE LEMAITRE, Cadres
noirs, 2010).


• Quiconque
Quiconque ne se rapporte à aucun antécédent. Il signifie « celui,
e
quel qu’il soit, qui » : il est donc de la 3 personne du masculin
singulier et est normalement sujet :

“ Quiconque voulait l’accompagner essuyait un refus. (É RIC-


EMMANUEL SCHMITT, Les perroquets de la place d’Arezzo, 2013)

Et l’on crevait les yeux à quiconque passait. (VICTOR HUGO,


La conscience, 1859)


Quiconque est aussi employé au sens de « n’importe qui » (ou de
« personne ») :
“ Pourquoi ne les invite-t-il pas à souper, comme ferait
quiconque à sa place ? (HENRY DE MONTHERLANT, Maître de
Santiago, 1947)

Toutes les plus vives peines perdent leur force pour


quiconque en voit le dédommagement grand et sûr. (JEAN-
JACQUES ROUSSEAU, Les rêveries du promeneur solitaire, 1782)


Remarque
Lorsque quiconque a nettement rapport à une femme, l’adjectif dont il
commande l’accord est au féminin (mais ce cas est relativement rare) :
Mesdames, quiconque de vous sera assez hardie pour médire
de moi, je l’en ferai repentir. (Dictionnaire de l’Académie).

• Quoi que
Quoi que, en deux mots, doit être distingué de la conjonction
quoique, en un mot.
Quoi que (pronom relatif) signifie « quelle que soit la chose que » :

“ Quoi que vous disiez, ne dites rien. (S ORJ CHALANDON, Retour


à Killybegs, 2011)


Quoique (conjonction) signifie « bien que » (› Conjonction) :

“ Vous êtes un bon serviteur, Bertuccio, quoique vous


manquiez de confiance. (ALEXANDRE DUMAS, Le Comte de
Monte-Cristo, 1844)


• Quoi
Quoi, relatif, ne s’applique qu’à des choses. Il s’emploie uniquement
comme complément et est presque toujours précédé d’une
préposition ; il se rapporte généralement à un antécédent de sens
vague (ce, rien, chose, etc.) ou à toute une proposition :

“ C’est la première fois que je n’ai rien sur quoi m’appuyer.


(DIDIER VAN CAUWELAERT, Attirances, 2005)

Quand tu me corriges, sur quoi t’appuies-tu ? (JACQUELINE


HARPMAN, Moi qui n’ai pas connu les hommes, 1995)


Quoi s’emploie parfois sans antécédent :
“ Faut dire que la gamine, elle a de quoi affoler, vous la verriez
l’été. (SERGE JONCOUR, L’écrivain national, 2014)


Remarque
La langue littéraire, reprenant un vieil usage, emploie assez fréquemment
quoi dans le sens de lequel :
Regrets sur quoi l’enfer se fonde. (GUILLAUME APOLLINAIRE, La
chanson du mal-aimé, 1913) (Au lieu de lesquels.)
Cette cathédrale de lumière sur quoi ouvrait la porte n’était
que la montée d’escalier d’une barre HLM, plutôt petite.
(ALEXIS JENNI, Élucidations. 50 anecdotes, 2013)
Il se tue pour une chose à quoi il tient. (ANDRÉ MALRAUX, Les
conquérants, 1928)

• Lequel
Lequel s’applique à des personnes ou à des choses et s’emploie
comme sujet ou comme complément. Il est variable en genre et en
nombre :
a) Comme sujet, il se rencontre dans la langue juridique ou
administrative, mais aussi dans la langue courante quand il
permet d’éviter l’équivoque :
“ Le corps est lentement purgé de son sang, lequel est
remplacé par un liquide réfrigéré qui, injecté à fort débit, va
rincer les organes de l’intérieur. (MAYLIS DE KERANGAL,
Réparer les vivants, 2014)

Depuis, aucun signe de vie, sauf à Marie, laquelle a reçu ses


excuses et des messages d’amour. (ÉRIC-EMMANUEL
SCHMITT, Le poison d’amour, 2014)

Les porte-jarretelles en dentelle et les combinaisons en


nylon rose, lesquels ont le pouvoir de convoquer ses
rêveries d’amour les plus échevelées. (LYDIE SALVAYRE, Pas
pleurer, 2014)


b) Comme complément, lequel, toujours précédé d’une
préposition, renvoie le plus souvent à un nom de chose ou
d’animal :

“ Je tire une luge d’enfant sur laquelle j’ai chargé un sac de


vêtements. (SYLVAIN TESSON, Dans les forêts de Sibérie, 2011)


Après parmi, qui ou quoi est exclu :
“ Pétain et ses sbires parmi lesquels Jacques de Lesdain sont
à Sigmaringen. (PATRICK DEVILLE, Taba-Taba, 2017)

Toute une vie étrange d’objets vieillots et désuets, parmi


lesquels je passais des heures merveilleuses. (ROMAIN GARY,
La promesse de l’aube, 1960) (› Prop. subord. complément
d’objet)


Remarque
Dans l’exemple suivant, lesquels est un pronom interrogatif qui apparait à la
place d’une subordonnée complément d’objet et exprime une
interrogation indirecte (› Interrogative indirecte) :
Il a dû hésiter entre plusieurs, je serais curieux de savoir
lesquels. (EMMANUEL CARRÈRE, Le Royaume, 2014)
Cette jolie garçonne faisait des ravages, mais je ne savais
pas lesquels. (AMÉLIE NOTHOMB, Pétronille, 2014)

• Dont
Dont s’applique à des personnes ou à des choses ; comme
complément du sujet, du verbe, de l’attribut ou du complément
d’objet direct, il marque, comme ferait le relatif ordinaire introduit par
de, la possession, la cause, la manière, etc. :
“ Paul s’assoit à côté d’elle, ronronne dans son cou dont il
aime l’odeur de bruyère. (LEÏLA SLIMANI, Chanson douce,
2016)

Il lui fit onze enfants, dont huit survécurent à leur éducation


chrétienne. (HERVÉ BAZIN, Vipère au poing, 1948)

C’est l’appartement d’une femme dont le mari est prisonnier


de guerre. (YANNICK HAENEL, Jan Karski, 2009)


Remarques
1. Dont ne peut, en principe, dépendre d’un complément introduit par une
préposition. On ne dirait pas, d’ordinaire : *Une amie dont on se console
de la mort.
2. Dont est parfois, simultanément, complément du sujet et du complément
d’objet direct (ou de l’attribut) :
Il plaignit les pauvres femmes dont les époux gaspillent la
fortune. (GUSTAVE FLAUBERT, L’éducation sentimentale, 1869) (Dont
est complément du nom femme et complément du nom fortune.)
3. Comme complément de verbe pour marquer l’origine, on distingue dans la
langue générale :
o
1 d’où, quand il s’agit de choses ou que l’on parle d’une source, d’un
mouvement :
Une ambulance fit le ménage et retourna d’où elle venait.
(DANIEL PENNAC, Au bonheur des ogres, 1985)
J’ignore d’où ils tiraient l’énergie et la force de batailler sans
lassitude pour avoir le dernier mot. (JEAN-MICHEL GUENASSIA,
Le club des incorrigibles optimistes, 2009)
o
2 dont, quand il s’agit de personnes, de descendance :
Il fallait que la famille dont elle était sortie occupât dans son
village une situation aisée. (MARCEL PROUST, À l’ombre des
jeunes filles en fleurs, 1919)
Cependant, dans un contexte plus formel (par exemple à l’écrit), on met
parfois dont dans des phrases où il s’agit de choses :
Je fixai la cabine dont il venait de sortir. (ALAIN BERENBOOM, La
fortune Gutmeyer, 2015)
Elle fulminait, non contre l’enfant, mais contre le milieu,
encore pétri de haines, dont il était issu. (CHRISTOPHE
BOLTANSKI, La cache, 2015)
Quand la phrase est interrogative ou qu’il n’y a pas d’antécédent exprimé, on
met toujours d’où (qui est alors adverbe interrogatif) :
Et le temps, d’où vient-il ? (NANCY HUSTON, L’espèce fabulatrice,
2008)
Mais d’où vous le sortez, celui-là ? (RENÉ BARJAVEL, Ravage,
1943)

• Où
Où, relatif, ne peut s’appliquer qu’à des choses et est toujours
complément circonstanciel de lieu ou de temps :

“ Je connais mal la ville où j’ai grandi. (N


ELLY ALARD, Le crieur
de nuit, 2010)

Vous devriez dormir dans l’état où vous êtes ! (BERNARD


MINIER, Glacé, 2011)


Il s’emploie parfois sans antécédent :

“ Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.


(ARTHUR RIMBAUD, Le bateau ivre, 1871)


6. Les pronoms interrogatifs

1. Définition
Les pronoms interrogatifs servent à interroger sur la personne ou
la chose dont il est question dans la phase (› Phrase interrogative) :

“ Mais qui donc la rendait si malheureuse ? (GUSTAVE


FLAUBERT, Madame Bovary, 1856)
Que me veux-tu, triste oiseau de passage ? (ALFRED DE
MUSSET, La nuit de décembre, 1835)
Conscience, que me veux-tu ? (ALEXANDRE DUMAS, Le Comte
de Monte-Cristo, 1844)

On passe sa vie à dire merci, Merci à qui, à quoi ? (PATRICK


BRUEL, Qui a le droit ?, 1991)
Ils sont dans des embarras avec tous les candidats qu’ils
ont… Lequel prendre ? (VIRGINIE DELOFFRE, Léna, 2011)


Les formes des pronoms interrogatifs ne sont autres que celles des
pronoms relatifs (dont et où étant exclus). Où, dans l’interrogation,
est toujours adverbe (au même titre que comment, quand, combien,
etc.) :

Burrhus, où courez-vous ? (JEAN RACINE, Britannicus, 1669)


Remarque
On emploie très souvent est-ce qui, est-ce que couplé aux diverses formes
du pronom interrogatif, avec une fonction de renforcement :
Qui est-ce qui vous a donné une couronne ? (MAURICE
MAETERLINCK, Pelléas et Mélisande, 1892)
Qu’est-ce que j’ai dit de drôle ? (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, Les
perroquets de la place d’Arezzo, 2013)
Eh bien, les enfants, qu’est-ce que c’est que ce vacarme, vous
ne savez pas vous amuser gentiment ? (RENÉ GOSCINNY, Le
petit Nicolas, 1960) (Ici, il y a à la fois un renforcement en est-ce que et une
focalisation avec c’est… que. Il s’agit donc d’une double mise en évidence. C’est
une construction relativement familière.)

Alors votre plat national, qu’est-ce que c’est ? (MICHEL


TOURNIER, La goutte d’or, 1985)

2. L’emploi des pronoms interrogatifs

• Qui
Qui interrogatif est ordinairement du masculin singulier. Il sert à
interroger sur des personnes, tant dans l’interrogation indirecte que
dans l’interrogation directe, et peut être sujet, attribut ou
complément :
“ Qui a le droit ? (P ATRICK BRUEL, Qui a le droit ?, 1991)

Qui a donné l’alerte ? (CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT, Croire au


merveilleux, 2017)

Qui se battait avec qui et contre qui ? (DRISS CHRAÏBI, La


Civilisation, ma Mère !..., 1972) (Les deux autres qui de la phrase sont des
pronoms relatifs formant chacun avec la préposition un complément d’objet avec
qui, contre qui.)

Je me demande qui était l’actrice. (FRANÇOIS WEYERGANS,


Trois jours chez ma mère, 2005)


• Que
Que interrogatif est du neutre singulier. Dans l’interrogation
directe, il s’emploie comme sujet (devant certains verbes
impersonnels), comme attribut ou comme complément d’objet
direct :
“ Sauf le soupir et le mal de mes fautes, que reste-t-il de ma
jeunesse ? (GILBERT SINOUÉ, Avicenne ou La route d’Ispahan,
1989) (Que séquence de l’impersonnel.)

Mais que ne ferais-je pour toi, mon amour ! (MARCUS MALTE,


Le garçon, 2016) (Que complément d’objet direct.)
Alors qu’était tout ce boucan ? (YANN MARTEL, L’histoire de Pi,
2001) (Que attribut.)


Dans l’interrogation indirecte, il s’emploie comme attribut ou
comme complément d’objet direct après avoir, savoir, pouvoir, pris
négativement et suivi d’un infinitif :


On ne savait où se mettre, que devenir. (ALPHONSE DAUDET,
Lettres de mon moulin, 1869)
Il ne sait que répondre et soupire, oppressé. (MARIE
LABERGE, Le goût du bonheur, Adélaïde, 2001)
J’étais stupéfait, et je ne savais que dire. (DENIS DIDEROT,
Jacques le fataliste et son maître, 1796)
Je n’ai que faire de vos dons. (MOLIÈRE, L’avare, 1668)


Quoi interrogatif est du neutre singulier. Dans l’interrogation directe,
il peut être sujet (phrases elliptiques) ou complément :

Et quoi de plus charmant que de vivre ? (ALBERT COHEN,
Belle du Seigneur, 1968)

Ils font quoi, là, au juste, tes taulards, dans ta prison de


rêve ? (DANIEL PENNAC, La petite marchande de prose, 1989)


Dans l’interrogation indirecte, il est toujours complément :

“ Je n’ai pas su quoi répondre alors je me suis tu. (K AMEL


DAOUD, Meursault, contre-enquête, 2013)
J’ai demandé de quoi elle parlait. (DIDIER VAN CAUWELAERT,
Le principe de Pauline, 2014).


Remarque
Quoi peut s’employer dans des phrases non verbales avec les adjectifs neuf,
nouveau, autre ou l’adverbe plus pour poser des questions qui appellent
réellement une réponse, une information (Quoi de neuf ? Quoi d’autre ?
etc.) :
À propos de l’enquête : quoi de neuf, justement ? (JOËL DICKER,
La vérité sur l’affaire Harry Quebert, 2012)
Alors je ne ris pas, je ne parle pas… quoi d’autre ? (DAVID
FOENKINOS, La tête de l’emploi, 2014)
Mais dans les phrases non verbales construites avec d’autres adjectifs
(naturel, grand, beau, etc.), la question est plus rhétorique et n’appelle pas
de véritable réponse. Plus qu’une question, c’est une affirmation qui met en
évidence la propriété exprimée par l’adjectif en soulignant qu’elle est
évidente, indubitable. On constate d’ailleurs que dans ces usages, le point
d’interrogation peut être omis :
Je suis un homme, quoi de plus naturel en somme. (MICHEL
POLNAREFF, Je suis un homme, 1996)
Quoi de plus beau que de naviguer ? (JEAN D’ORMESSON, C’est
une chose étrange à la fin que le monde, 2010)
Dire ce mot, et mourir ensuite. Quoi de plus grand ! (VICTOR
HUGO, Les misérables, 1862)

• Lequel
Lequel interrogatif varie en genre et en nombre ; il se dit des
personnes et des choses et peut remplir toutes les fonctions, tant
dans l’interrogation indirecte que dans l’interrogation directe :

De ton cœur ou de toi lequel est le poète ? (ALFRED DE
MUSSET, La nuit d’août, 1836)

Il y a bien une raison. Laquelle ? (JEAN TEULÉ, Je, François


Villon, 2006)

Lequel d’entre eux faudrait-il interroger ? Lequel de ces


garçons, laquelle de ces filles ? (MICHEL BUSSI, Nymphéas
noirs, 2011)

Je lui demande laquelle de ces trois transgressions lui


viendrait la première à l’esprit. (PATRICK DEVILLE, Equatoria,
2009)


7. Les pronoms indéfinis

1. Définition
Les pronoms indéfinis servent à indiquer d’une manière vague, soit
une quantité non chiffrée (certains, plusieurs, etc.), soit une
identification imprécise de personnes ou de choses (quelqu’un,
quelque chose, etc.) :

“ Elle compare souvent les gens à des gâteaux ou à des


viennoiseries. Untel est un chou, unetelle un croûton. (GILLES
LEGARDINIER, Demain j’arrête !, 2011)

J’ai deux fils. L’un est la main, l’autre, le poing. L’un prend,
l’autre donne. Un jour, c’est l’un, un jour, c’est l’autre. (LARRY
TREMBLAY, L’orangeraie, 2016)

Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. (ALPHONSE


DE LAMARTINE, L’isolement, Premières méditations poétiques,
1820)


Les pronoms indéfinis comportent des formes simples et des formes
composées. Certains sont variables en genre et/ou en nombre :
Quantité non chiffrée Identification
imprécise

Quantité
Quantité Équivale
Totalité indétermi Différence
nulle nce
née

aucun(e) tout d’aucun(e) le même une autre


nul(le) tous plusieurs la même, un autre
pas un(e) chacun(e) plus les mêmes d’autres
personne d’une(e) untel, un l’un(e) et
rien certain(e)s tel, l’autre
pas un quelqu’un(e unetelle, l’autre
) une telle
quelques-
un(e)quelq
ue chose
n’importe
qui

Les éléments classés parmi les pronoms indéfinis sont assez divers.
Certains pronoms sont à mettre en correspondance avec des
déterminants indéfinis. En effet, un certain nombre d’indéfinis
peuvent être utilisés tantôt comme déterminant au sein d’un groupe
nominal dont ils déterminent le noyau, tantôt comme pronom, à la
place de ce groupe nominal qui se voit pronominalisé : aucun, certain,
et tout. Cette particularité ne s’applique pas à
maints, nul, plusieurs, tel
tous : par exemple, certains, différent, divers n’ont pas d’usage
pronominal. (› Déterminants indéfinis)
Déterminant indéfini Pronom indéfini

J’oublie qu’il n’a aucun J’oublie qu’il n’en a aucun.


sens de l’humour.
(PHILIPPE DJIAN, Chéri-Chéri,
2014)

Plusieurs idées m’ont Plusieurs m’ont échappé.


échappé. (SIMON LIBERATI, (Plusieurs en fonction sujet.)

Les rameaux noirs, 2017)

J’ai aussi plusieurs idées J’en ai plusieurs. (En fonction


de reportage… (OLIVIER objet, on remarque l’apparition
de en.)
GUEZ, Les révolutions de
Jacques Koskas, 2014)

Toutes les étoiles sont Toutes sont fleuries.


fleuries. (ANTOINE DE SAINT-
EXUPÉRY, Le petit prince,
1943)

Quand on pronominalise le complément d’objet dont fait partie le


déterminant indéfini, on introduit un en partitif : il n’a aucun sens de
l’humour ; il n’en a aucun.
Certains adverbes de quantité : assez, beaucoup, combien, peu, trop,
etc., désignant une quantité indéterminée d’êtres ou d’objets,
peuvent être mis au nombre des pronoms indéfinis :

Beaucoup s’amusent de cette excentricité, certains s’en
irritent. (ALIÉNOR DEBROCQ, À voie basse, 2017)

Le camp est affolé, beaucoup pleurent, ils ont peur. (PATRICK


MODIANO, Dora Bruder, 1997)

Combien ont pris la route depuis ? (PASCAL MANOUKIAN, Le


diable au creux de la main, 2013)


De même certaines expressions, comme : n’importe qui, n’importe
quoi, tout le monde, un autre, le même, peuvent avoir la valeur de
pronoms indéfinis :


Je m’baladais sur l’avenue le cœur ouvert à l’inconnu /
J’avais envie de dire bonjour à n’importe qui / N’importe qui et
ce fut toi, je t’ai dit n’importe quoi / Il suffisait de te parler,
pour t’apprivoiser (JOE DASSIN, Les Champs-Elysées, 1969)

Dieu sait qui finira. (RENÉ BARJAVEL, Ravage, 1943)

Il dormait dans son lit lorsque lui était dehors ; la nuit, il


faisait Dieu sait quoi. (JAKUTA ALIKAVAZOVIC, La blonde et le
bunker, 2012)


Remarque
D’anciens noms ayant pris un sens indéterminé sont utilisés comme pronom.
C’est le cas d’on, classé parmi les pronoms personnels indéfinis, ainsi que
de rien et personne. (› Pronom personnel indéfini)

2. L’emploi des pronoms indéfinis

• Aucun
Aucun a signifié autrefois « quelque, quelqu’un ». Il a conservé une
valeur positive dans certains emplois :


Il n’était pas le dégonflé que d’aucuns s’imaginaient ! (LYDIE
SALVAYRE, Tout homme est une nuit, 2017)

D’aucuns concluraient que je suis triste, que je regrette. Ce


n’est pas le cas. (AMÉLIE NOTHOMB, La nostalgie heureuse,
2013)

Vous valez mieux qu’aucun de nous. (VICTOR HUGO, Les


misérables, 1862)


Mais étant le plus souvent accompagné de la négation, aucun a pris,
par contagion, la valeur négative de « pas un » :

Je lui inventai des excuses, mais aucune ne me convainquit.
(SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958)

Quel rapport ? Aucun, sans doute. (MICHEL BUSSI, Un avion


sans elle, 2012)


• Nul
Nul se construit toujours avec une négation ; il est toujours au
singulier et ne s’emploie que comme sujet.
Quand il ne renvoie à aucun nom (ou pronom) exprimé, il ne se dit
que des personnes et ne peut être que masculin :

“ Nul ne peut me comprendre. (C HARLES BAUDELAIRE, Le vin de


l’assassin, 1857)


Quand il renvoie à un nom (ou pronom) exprimé, il se dit des
personnes et des choses et s’emploie aux deux genres :
“ Aucune de ces artistes ne portait de chapeau, elles étaient
tête nue […]. Nulle ne m’avait prêté la moindre attention.
(JEAN-MICHEL GUENASSIA, La valse des arbres et du ciel, 2016)


• Autrui
Autrui ne se dit que des personnes et s’emploie comme complément
prépositionnel, parfois aussi comme sujet ou comme objet direct :

“ Autrui est un soi ailleurs, un soi d’ailleurs, un soi venu


d’ailleurs, et qui s’apprête à y retourner. (YANN MOIX,
Naissance, 2013)

On ne doit pas empiéter sur la liberté d’autrui. (GILBERT


SINOUÉ, Avicenne ou La route d’Ispahan, 1989)

Notre commerce avec autrui n’a qu’un temps ; il cesse une


fois la satisfaction obtenue, la leçon sue, le service rendu,
l’œuvre accomplie. (MARGUERITE YOURCENAR, Mémoires
d’Hadrien, 1951)

Notre désespoir ayant cela de particulier qu’il enveloppe


autrui comme nous-mêmes, il lui semblait logique que tout le
monde vînt mourir. (VICTOR HUGO, Les misérables, 1862)


• On
On (du lat. homo, homme) est proche des pronoms personnels. Il est
e
régulièrement de la 3 personne du masculin singulier et ne
s’emploie que comme sujet. Son sens évoque un référent animé
indéfini (on = quelqu’un, des gens) qui peut représenter un
ensemble d’êtres ou au contraire, un être unique. (› Pronoms
personnels)
Dans son sens le plus indéterminé, on apparait dans des énoncés
génériques comme les proverbes. Son indétermination convient
parfaitement à la visée généralisante : on ne change pas une équipe qui
gagne, on ne change pas de chevaux au milieu du gué, on reconnait l’arbre à
ses fruits, on ne crache pas dans la main qui vous nourrit (Proverbes).
(› Proverbe )

“ On a souvent besoin d’un plus petit que soi. (J EAN DE LA


FONTAINE, Le lion et le rat, 1668)


Mais en fonction du contexte, on peut aussi représenter des
collectivités plus précises ou restreintes :

En ce moment c’est un vrai bordel dans l’administration, on
ne saurait même pas à qui s’adresser. (MATHIAS ÉNARD,
Boussole, 2015) (On = les gens qui s’adressent à l’administration.)

Cet accident était de ceux dont on se souvient. (JOËL


DICKER, La vérité sur l’affaire Harry Quebert, 2012) (On = les gens qui
ont été confrontés à ce type d’accident.)


On prend parfois un sens bien déterminé et se substitue à je, tu,
nous, vous, il(s), elle(s), en marquant la modestie, la discrétion,
l’ironie, le mépris, etc. :

“ On ne se refuse rien chez vous. (A MÉLIE NOTHOMB, Barbe


bleue, 2012) (On = vous ne vous refusez rien.)


Il peut aussi être équivalent à nous dans un style plus oral, moins
formel :
“ Il m’a demandé de t’inviter. On y va ensemble, si tu
veux. (GILLES LEGARDINIER, Demain j’arrête !, 2011) (On = nous.)

Nous, les pauvres cons, on est sur place. (LAURENT BINET,


HHhH, 2010) (On = nous.)


c) Quand les circonstances marquent précisément qu’on parle d’une
femme ou d’un ensemble de personnes, l’attribut de on s’accorde
par syllepse (c’est-à-dire en fonction du référent du pronom on,
l’accord est guidé par le sens) :


Joséphine réfléchit encore, croisa les bras sur sa poitrine et
laissa tomber, funèbre : – On a l’air malignes toutes les deux
dans notre lit ! (KATHERINE PANCOL, Les écureuils de Central
Park sont tristes le lundi, 2010)


Il arrive que on soit suivi d’un attribut au pluriel :

“ On n’est pas des méchants, on n’est pas des voleurs, on doit


pouvoir se parler. (PHILIPPE DJIAN, Marlène, 2017)


d) Comme on était originairement un nom, il a gardé la faculté de
prendre l’article l’, surtout quand l’euphonie le demande,
principalement après et, ou, où, que, si, et parfois après lorsque
(cet l’ est regardé aujourd’hui comme simple consonne
euphonique) :

“ De nouveau, la peur me reprend, cette peur que j’éprouve


chaque fois que je descends la rue Mirabeau, la peur que
l’on me remarque, que l’on m’arrête, que l’on me demande
mes papiers. (PATRICK MODIANO, Rue des Boutiques Obscures,
1978)

Si l’on ne se définit qu’en s’opposant, j’étais l’indéfini en


chair et en os. (JEAN-PAUL SARTRE, Les mots, 1964)


• Personne
Personne, originairement nom féminin, s’utilise comme pronom
indéfini masculin singulier. Il a gardé son sens positif dans certains
emplois dans lesquels il signifie « quelqu’un, n’importe qui » :
“ N’y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant
mon cher argent, ou en m’apprenant qui l’a pris. (MOLIÈRE,
L’avare, 1668)

Mais c’est que je ne crois pas que personne se soit jamais


trouvé dans le cas où je suis. (CHODERLOS DE LACLOS, Les
liaisons dangereuses, 1782)

Il ne pensait pas que personne eût jamais fait allusion à ce


problème devant la Cheffe. (MARIE NDIAYE, La Cheffe, roman
d’une cuisinière, 2016)


Mais personne, étant souvent accompagné d’une négation, a pris,
par contagion, la valeur négative de « nul être ». C’est l’usage le
plus fréquent aujourd’hui.

“ Il se dirigea vers la fenêtre, l’ouvrit encore plus grande, puis


jeta un œil dehors.
– Tiens, c’est curieux : personne ! (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT,
Ulysse from Bagdad, 2008)


Il apparait régulièrement dans la dépendance de sans ou en lien
avec l’adverbe ne :
“ Mais ce ne sera pas amusant du tout d’avoir un âne sans
personne dessus. (COMTESSE DE SÉGUR, Les petites filles
modèles, 1858)

Créon – Va vite. Si personne ne sait, tu vivras. (JEAN


ANOUILH, Antigone, 1944)

N’y a-t-il personne ? (AHMED SEFRIOUI, La boîte à merveilles,


1954)


Quand personne désigne évidemment une femme, on lui donne le
genre féminin, mais cet usage est assez rare :

“ Tenez, ajouta la duchesse sur un ton mélancolique, personne


plus que moi ne serait touchée par un sentiment vrai.
(MARCEL PROUST, Le côté de Guermantes, 1920)


• Quelqu’un
Quelqu’un, employé d’une façon absolue, ne se dit que des
personnes et uniquement au masculin :
“ À quoi sait-on que quelqu’un est mort ? (A MÉLIE NOTHOMB, Le
fait du prince, 2008)

Quelqu’unest venu vous rendre visite avant nous ? (DANIEL


RONDEAU, Mécaniques du chaos, 2017)


e) Comme pronom représentant, quelqu’un se dit aussi bien des
personnes que des choses et le pronom s’emploie aux deux
genres et aux deux nombres (parfois en lien avec en) :

“ La plupart de ces chansons sont lugubres ; quelques-unes


sont gaies ; une est tendre (VICTOR HUGO, Les misérables,
1862)

Seul, quelquefois, je sentais affluer du fond de moi


quelqu’une de ces impressions qui me donnaient un bien-
être délicieux. (MARCEL PROUST, À l’ombre des jeunes filles en
fleurs, 1919) (Ici équivalent à l’une de ces impressions. Forme rare.)

Quelqu’un arrive, quelqu’une est déjà là, Louise est parmi


nous. (EUGÈNE SAVITZKAYA, Exquise Louise, 2003) (forme rare.)


• Rien
Rien a signifié originairement « chose ». Il vient du latin rem,
accusatif de res, chose. Il a gardé une valeur positive dans certains
emplois :

“ Est-il rien de plus réel qu’un rêve ? (L YDIE SALVAYRE, Hymne,


2011)

Il se trouva lui-même mangé sans avoir eu le temps d’y rien


comprendre. (MARCEL AYMÉ, Les contes du chat perché, 1934-
1946)

Vivre sans rien attendre me paraissait affreux. (SIMONE DE


BEAUVOIR, Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958)


Mais étant le plus souvent accompagné d’une négation, rien a pris,
par contagion, la valeur négative de « nulle chose » :

“ Les gens adorent dire « qui ne tente rien n’a rien ». (D AVID
FOENKINOS, Les souvenirs, 2011)

Et comptez-vous pour rien Dieu qui combat pour nous ?


(JEAN RACINE, Athalie, 1691)


Rien est renforcé dans certaines formules : absolument rien, rien du
tout, deux fois rien, trois fois rien, etc. Le pronom a par ailleurs été
renominalisé avec le sens « peu de chose » :

Un rien soulevait un orage qui durait jusqu’au lendemain.
(ÉMILE ZOLA, Thérèse Raquin, 1867)


• L’un(e)… l’autre
L’un(e)… l’autre, les un(e)s… les autres, l’un(e)… un(e) autre, les
un(e)s… d’autres servent à marquer l’opposition :

“ L’un est orfèvre, l’autre ferronnier d’art, le troisième est


garçon boucher, un autre laquais. Tous se présentent et
entourent bientôt Johann. (BLAISE CENDRARS, L’or, 1925)


L’un l’autre, les uns les autres, l’un à l’autre, l’un de l’autre, etc.,
marquent la réciprocité :
“ De gros nuages se mangent les uns les autres, plongeant le
paysage dans une grisaille sans ombre. (LAURENT GAUDÉ,
Ouragan, 2010)

Les femmes ont deux façons d’aimer qui peuvent résulter


l’une de l’autre : elles aiment avec le cœur ou avec les sens.
(ALEXANDRE DUMAS FILS, La dame aux camélias, 1848)


• Tel
Tel marque une identification volontairement imprécise. Utilisé seul,
comme nominal, tel peut servir à désigner des personnes de
manière très générale, comme c’est le cas dans les proverbes, par
exemple : Tel père, tel fils ; Tel chien, tel maitre ; Tel refuse qui après
muse ; Tel est pris qui croyait prendre, etc. (Proverbes).
Souvent le pronom tel apparait dans des expressions plus
complexes.
Tel ou tel s’utilise pour désigner quelqu’un de manière totalement
imprécise :

“ Il n’a pas pesté contre les embouteillages lui qui d’ordinaire


aurait sorti le bras par la fenêtre pour invectiver tel ou tel.
(LAURENT GAUDÉ, Danser les ombres, 2015)


Mais dans certains cas, on mentionne tout de même la catégorie à
laquelle appartient la personne ou la chose désignée :

“ À deux ans de la retraite, il était dans un placard et n’avait


plus à plaire à tel ou tel chef de service. (ÉRIC FAYE, Éclipses
japonaises, 2016)

Je trouve fatigantes les femmes qui nous demandent si


nous avons remarqué tel ou tel changement physique. (DAVID
FOENKINOS, Les souvenirs, 2011)


Tel… tel autre s’emploie de manière distributive pour distinguer les
référents, éventuellement les mettre en contraste :
“ On pouvait croire que tel invité se réjouirait de la présence
de tel autre et découvrir lors de la réception qu’ils se
haïssaient. (AMÉLIE NOTHOMB, Le crime du comte de Neville,
2015)

On ne sait pas pourquoi la mémoire a choisi tel moment


plutôt que tel autre. (DAVID FOENKINOS, Les souvenirs, 2011)

Le mariage, le thème central de presque toutes ses lettres.


Entre l’état des affaires et des finances, Frania ne manque
jamais une occasion de s’y attarder. Tel est fiancé, telle autre
mal mariée. Telle autre encore ferait bien de ne pas tarder.
(ALAIN BERENBOOM, Monsieur Optimiste, 2013) (Le genre peut
éventuellement varier d’un pronom à l’autre, indiquant que les différentes
personnes dont on parle ne sont pas du même sexe, mais c’est relativement
peu fréquent.)


Un tel désigne de manière « anonyme » une personne. Le pronom
peut s’écrire en un mot ou en deux avec ou sans majuscule. Bien
que la variation soit possible, on remarque qu’en un mot, il prend
généralement une majuscule (Untel) et en deux mots, il est
généralement en minuscules (un tel au lieu de un Tel) :
“ Mais comment diable connaissez-vous un tel ? (MARCEL
PROUst, Sodome et Gomorrhe, 1922)

La folie d’Untel ou l’étrange pathologie d’un autre sont des


conversations que j’ai l’impression d’avoir déjà eues mille
fois. (DAVID FOENKINOS, La tête de l’emploi, 2014)


8. Les compléments du pronom
Le pronom peut former un groupe lorsqu’il est accompagné d’autres
mots qui le précisent, le déterminent, le complètent. Les
compléments du pronom peuvent être des articles, des
compléments direct ou indirect, détachés ou liés.
1° Un article : l’association peut être fréquente (1,2,3) ou
occasionnelle (4).

“ T’aimes tellement ça être enceinte, toé, que des fois j’ai


envie de te demander de porter le mien. (MICHEL TREMBLAY,
La grosse femme d’à-côté est enceinte, 1978) (1)

L’autrelui déclara la guerre. (JEAN DE LA FONTAINE, Le lion et


le moucheron, 1668) (2)

Mais comment diable connaissez-vous un tel ? (MARCEL


PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922) (3)

Il fait partie des quelques-uns ici à avoir travaillé en France.


(MARC BRESSANT, La citerne, 2009) (Des = de + les.) (4)


2° Un adjectif ou un syntagme adjectival.
Les adjectifs seul, même, autre se joignent directement à certains
pronoms :
“ Du rythme de leurs soupirs émergea un langage qui pour
eux seuls avait un sens très doux. (ALEXIS JENNI, La nuit de
Walenhammes, 2015)


D’autres sont détachés :

“ Moi, moche et méchant (C HRISRENAUD ET PIERRE COFFIN, Moi,


moche et méchant, adaptation du titre anglais Despicable Me,
2010) (La version québécoise de ce titre de film calque l’anglais en proposant
Détestable moi, une construction inhabituelle en français.)


Les adjectifs épithètes indirects sont liés au pronom indéfini par la
préposition de :
“ Le cœur à portée de main
Juste quelqu’un de bien. (ENZO ENZO, Juste quelqu’un de bien,
1993)
Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait, c’est ce
qui se fera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. (ANCIEN
TESTAMENT, Ecclésiaste 1:9)
Les repas en famille ont ceci de magique qu’on trouve
toujours quelque chose à dire. (MICHEL BUSSI, On la trouvait
plutôt jolie, 2017) (Le pronom démonstratif ceci renvoie au contexte, il
annonce la proposition conjonctive introduite par que.)

Je suis un homme, quoi de plus naturel en somme. (MICHEL


POLNAREFF, Je suis un homme, 1996) (Le pronom interrogatif quoi joue
un rôle prédicatif et est équivalent à qu’y a-t-il, même si la question est purement
rhétorique.) (› Quoi interrogatif)


3° Un déterminant numéral ou indéfini, dans certains cas :

“ Elle me regardait. Elle, moi, nous deux, nous seuls. (S ORJ


CHALANDON, La légende de nos pères, 2009) (après le pronom
personnel, le cardinal joue un rôle d’adjectif).

Je jure que nul autre jamais ne viendra piétiner mes plates-


bandes. (MARCUS MALTE, Le garçon, 2016)


4° Une apposition, qui peut être un nom, un pronom, un infinitif,
une proposition :

“ On a tous / Quelque chose en nous de Tennessee (Paroles


MICHEL BERGER, Interprétation JOHNNY HALLYDAY, Quelque
chose de Tennessee, 1985)

Moi président de la République, j’engagerai de grands débats.


(FRANÇOIS HOLLANDE, Débat télévisé du 02/05/2012)

Et on ne put recueillir que ceci : « Mais comment avez-vous pu


savoir ? Qui vous a dit ? » (MARCEL PROUST, Le côté de
Guermantes, 1920)


5° Un complément prépositionnel :


Je suis sûr de pouvoir compter sur chacun de vous. (RENÉ
BARJAVEL, Ravage, 1943)

Les noms m’échappent, hormis ceux de ces gamines-là.


(CAROLE MARTINEZ, La terre qui penche, 2015)


6° Une proposition :
“ Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent. (V
ICTOR HUGO, Ceux
qui vivent, 1853)


CHAPITRE 5

Le verbe
1. Définition
2. Les constructions du verbe
3. Les variations du verbe
4. Les formes du verbe
5. L’emploi des modes et des temps
1. Définition
Le verbe est un mot qui se conjugue : sa forme varie en fonction du
mode, du temps, de la personne, du nombre et de la voix (active ou
passive). Au participe passé, il peut également varier en genre (élu,
1
etc.). Le verbe peut servir de prédicat , – ou
élue ; contraint, contrainte,
faire partie du prédicat quand il y a un attribut du sujet, le verbe étant
alors appelé verbe attributif (ou copule).

“ Très vite il dormait. Les cauchemars reprenaient. Je gémissais.


Il se réveillait et il écoutait (CATHERINE POULAIN, Le grand
marin, 2013) (Ces verbes servent de prédicats.)

Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais


pas. (ALBERT CAMUS, L’étranger, 1942) (Le verbe est sert de verbe
attributif, c’est-à-dire de verbe lien entre le sujet et l’attribut.)


Sur le plan sémantique, le verbe exprime, soit l’action faite (1) ou
subie par le sujet (2), soit l’existence ou l’état du sujet (3), soit l’union
de l’attribut au sujet (4) :
“ Le bonheur qu’on attend gâche parfois celui qu’on vit. (É RIC-
EMMANUEL SCHMITT, Ulysse from Bagdad, 2008) (1)

Après quelques coups de matraque, il a été emmené au


mitard. (PHILIPPE JAENADA, Sulak, 2013) (2)

Il y a du canard dans le réfrigérateur et une bouteille d’eau


minérale au pied du lit. (ANNA GAVALDA, Ensemble, c’est
tout, 2007) (3)

Tout le monde est mortel et on meurt beaucoup en cette


saison. (JEAN GIONO, Le hussard sur le toit, 1951) (Le verbe
relie l’attribut mortel au sujet tout le monde.) (4)


Certains noms peuvent exprimer une action faite ou subie : un cri, un
appel, une déchirure, etc. À la différence de ces noms qui évoquent
une action de manière statique, le verbe exprime un procès, c’est-à-
dire un évènement qui se déroule dans le temps :

Et c’est un cri d’amour à la vie. (GUY GOFFETTE, Elle, par
bonheur, et toujours nue, 1998)

Quelqu’un qui, se jetant à ses pieds, avait crié l’amour d’une


famille, le deuil impossible, la joie de ces retrouvailles
inespérées. (LÉONORA MIANO, Crépuscule du tourment,
2016) (› Verbes supports)


Dans certains cas, un nom prédicatif peut être associé à un verbe
qui le situe dans le temps et lui sert de support. (› Compléments du
verbe)
Sur le plan syntaxique, le verbe est le noyau du groupe verbal. Ce
groupe verbal peut être limité au verbe seul : il mange, elle dort,
nous voyageons. Il peut être accompagné de différents types de
compléments (1,2) et modifié par un groupe adverbial ou
circonstanciel (3,4) (› Complément circonstanciel) :

Il mange ce que je cuisine. (LÉONORA MIANO, Crépuscule du
tourment, 2016) (1)

Il mange des amandes. (MARCUS MALTE, Le garçon, 2016) (2)

Il mange moins. (VIRGINIE DESPENTES, Vernon Subutex 1,


2015) (3)

Il mange de bon appétit, ça fait plaisir à voir. (VIRGINIE


DESPENTES, Vernon Subutex 1, 2015) (4)


Une locution verbale est une réunion de mots qui exprime une idée
unique et joue le rôle d’un verbe : avoir besoin, avoir peur, avoir raison,
avoir envie, ajouter foi, donner lieu, faire défaut, prendre garde, savoir gré,
tenir tête, avoir beau, se faire fort, faire savoir, etc.
2. Les constructions du verbe
Le verbe est le noyau du groupe verbal. On distingue les verbes
selon qu’ils sont obligatoirement accompagnés d’un complément
(verbes transitifs), qu’ils ne prennent pas de complément (verbes
intransitifs) ou qu’ils introduisent l’attribut du sujet (verbes attributifs).
Les verbes impersonnels (comme il pleut) font partie de la catégorie
des verbes intransitifs. Les verbes pronominaux (comme se laver, se
taire) sont transitifs ou intransitifs.

1. Les verbes transitifs


Les verbes transitifs expriment une action qui se transmet (latin
transire, « passer ») du sujet sur une personne ou sur une chose ; ils
appellent un complément d’objet (direct ou indirect) sans lequel ils
auraient un sens incomplet.
Ils supposent donc une relation nécessaire entre :
un être ou une chose qui fait l’action ;
un être ou une chose qui la subit.
1° Ils sont transitifs directs quand leur complément d’objet est
direct :

“ Ils vont tous se dire qu’ils ont acheté un morceau de bonheur


humain. (CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT, Plonger, 2013) (› c’est-à-
dire sans préposition : COD)


2° Ils sont transitifs indirects quand leur complément d’objet est
indirect :


Mme de Rênal pensait aux passions, comme nous pensons
à la loterie : duperie certaine et bonheur cherché par les fous.
(STENDHAL, Le rouge et le noir, 1830) (› c’est-à-dire introduit
par une préposition : COI)


Certains verbes transitifs ont ou peuvent avoir à la fois deux
compléments d’objet, l’un direct, l’autre indirect :


Je commande [à Nicolette]COI [un bon petit dîner]COD. (VICTOR
HUGO, Les misérables, 1862)

Il raconte [à tout le monde]COI [que le livre a été brûlé, pas


pilonné]COD. (NANCY HUSTON, Danse noire, 2013)


Il faut être attentif aux emplois du verbe car :
a) parfois, un même verbe peut être tantôt transitif direct, tantôt
transitif indirect, mais généralement avec des sens plus ou moins
différents :

Voilà un bel exemple de remède qui manque son effet !
(CAROLE MARTINEZ, Le cœur cousu, 2007) (Emploi transitif direct de
manquer = rater.)

Nous pourrons bien je pense, sans qu’elle manque à sa


promesse, nous rencontrer en plein jour et comme par
hasard ? (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d’une jeune fille
rangée, 1958) (Emploi transitif indirect manquer à = ne pas honorer.)

Ô durs talons, jamais on n’use sa sandale ! (ARTHUR RIMBAUD,


Le bal des pendus, 1888) (Emploi transitif direct de user = abimer.)

Il use de toute son imagination pour m’interdire de m’éloigner


de lui. (LAURENT DEMOULIN, Robinson, 2016) (Emploi transitif
indirect user de = utiliser.)


b) certains verbes transitifs peuvent être utilisés de manière
intransitive et vice versa, mais généralement le sens change plus ou
moins :
“ Marie entre dans la salle à manger et ferme la fenêtre.
(CATHERINE CUSSET, Un brillant avenir, 2008) (Usage transitif
direct de fermer = refermer, verrouiller.)

Et la fenêtre ferme mal, à cause du bois qui a travaillé.


(PHILIPPE JAENADA, La serpe, 2017) (Fermer est utilisé avec l’adverbe
mal qui le rôle de complément circonstanciel de manière. Il s’agit donc d’un
usage intransitif de fermer : ici on évoque une propriété défectueuse de la
fenêtre.)

J’ai l’habitude, je ne bouge pas, j’attends que ça passe.


(MARGUERITE DURAS, L’amant, 1984) (Usage intransitif de
passer = s’arrêter, s’interrompre.)

Celui que j’avais élu leur chef s’avance dans ma direction


puis, immobile, un sourire flottant sur les lèvres, m’observe
comme je passe le porche. (JEAN-BAPTISTE DEL AMO,
Pornographia, 2013) (Usage transitif direct de passer = dépasser, aller
plus loin.)


2. Les verbes intransitifs
Les verbes intransitifs sont ceux qui se construisent sans
complément d’objet ni attribut. Ils expriment une action qui ne
transmet pas du sujet sur une personne ou sur une chose ; ils
suffisent avec leur sujet à exprimer l’idée complète de l’action :

Avec l’enfant nouveau… la mère qui crie… l’enfant pleure…
le sang coule… la terre tourne. (JACQUES PRÉVERT, Chanson
dans le sang, 1946)

Son puissant moteur ronfle. (MORGAN SPORTÈS, Tout, tout de


suite, 2011)


Quelques verbes intransitifs peuvent, en devenant transitifs, avoir
pour complément d’objet direct un nom qui, par sa forme ou par son
sens, rappelle leur radical (› Complément d’objet interne) :


Dormez votre sommeil, riches de la terre, et demeurez dans
votre poussière. (JACQUES-BÉNIGNE BOSSUET, Oraison
funèbre de Le Tellier, 1686)


3. Les verbes attributifs
Les verbes d’état joignent l’attribut au sujet. On parle de verbe
attributif ou de verbe copule (ou plus simplement encore de copule)
pour le verbe être qui sert de lien entre l’attribut et le sujet
(› Attribut) :
“ Disons que chez vous, le dur est mou et le mou est
dur. (FRED VARGAS, Pars vite et reviens tard, 2001)


Certains verbes d’état ou d’action sont aussi verbes attributifs quand
ils joignent l’attribut au sujet : à l’idée qu’ils expriment par eux-
mêmes l’esprit associe alors l’idée du verbe être (paraitre, sembler,
devenir, rester, etc.).

“ Le jugement reste incertain. (M ARCEL PROUST, Sodome et


Gomorrhe, 1922)

Il mourut [étant] vierge, dit-on. (ALEXIS JENNI, Élucidations.


50 anecdotes, 2013)

Il vécut [étant] heureux. (MICHEL BUSSI, Nymphéas noirs,


2011)


4. Les verbes impersonnels
Les verbes impersonnels sont ceux qui ne s’emploient qu’à la
troisième personne du singulier ; ils ont pour sujet le pronom neutre
il qui est invariable en genre et en nombre.
a) Les verbes impersonnels proprement dits expriment des
phénomènes de la nature : il pleut, il pleuvine, il bruine, il drache
(Belgique), il tonne, il gèle, il neige, il grêle, il vente, etc. (› Sujet du verbe
impersonnel)

“ Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, le voisin d’en face portait
toujours des chaussures coupées et assemblées dans une
bonne maison et impeccablement cirées. (ANNA GAVALDA,
Fendre l’armure, 2017)

Ferme donc la porte, dit la Carconte, je n’aime pas les


portes ouvertes quand il tonne. (ALEXANDRE DUMAS, Le
Comte de Monte-Cristo, 1844)

Imaginez qu’il flotte à torrents… (MICHEL BUSSI, Nymphéas


noirs, 2011)


Dans la langue orale ou familière, le pronom il peut être remplacé
par ça : ça caille, ça flotte, ça gèle, ça pèle :
“ Brr, ça caille ! dit-elle en se frottant les jambes. (G UILLAUME
MUSSO, La fille de papier, 2010)

L’escalier est mal orienté, ça gèle sans arrêt. (JEAN-MICHEL


GUENASSIA, La vie rêvée d’Ernesto G., 2012)

Ça pèle et pourtant « malgré le froid Paris ne manquera ni


de charbon ni de gaz ». (PATRICK DEVILLE, Taba-Taba, 2017)


Remarque
Certains de ces verbes s’emploient parfois avec un sujet personnel dans un
sens figuré :
Boulets, mitraille, obus, mêlés aux flocons blancs, pleuvaient.
(VICTOR HUGO, L’expiation, 1851)

Le canon tonne, les cloches sonnent, des chœurs célèbrent


son apothéose. (BLAISE CENDRARS, L’or, 1924)

En attendant cette saison, il pleut des baisers. (MARC LEVY, Où


est-tu ?, 2005)

Le verbe impersonnel météorologique peut être accompagné d’un


constituant plus ou moins figé à valeur adverbiale. Ce constituant
apporte une précision sur l’intensité du phénomène. Certains verbes
ont des compléments variés : il pleut des cordes, des trombes d’eau, des
sceaux, des hallebardes, de grosses gouttes (sont des compléments
nominaux) ; à grosses gouttes (complément prépositionnel).
“ Le lendemain, il pleut des cordes. (D IDIER VAN CAUWELAERT,
Double identité, 2012)

Il pleut des trombes d’eau cette nuit, je vais aller me


coucher. (MARC LEVY, Où es-tu ?, 2005)


Alors que pour d’autres, le choix est plus restreint : Il neige de gros
flocons ou à gros flocons. Dans certains cas, la notion d’intensité est
déjà incluse dans le sémantisme du verbe et il devient donc inutile,
voire redondant, d’ajouter un constituant adverbial : bruiner, pleuviner
(= pleuvoir faiblement) ; dracher (Belgique), flotter (= pleuvoir
fortement). En général, le sens de ces compléments n’est approprié
qu’à certains verbes météorologiques et il est difficile de les
substituer, signe du figement de ces expressions : *Il neige des
hallebardes, *Il pleut des gros flocons, *Il bruine des cordes. Avec le verbe
tomber qui est sémantiquement plus neutre, les échanges sont
possibles : Il tombe (des flocons, des cordes, des hallebardes, etc.) :

“ Il faudra faire vite, murmura l’un des soldats. Il tombe des


flocons à habiller les pauvres. (GILBERT SINOUÉ, Avicenne ou
La route d’Ispahan, 1989)

Dans la rue c’est le grand essorage, il tombe des cordes.


(SERGE JONCOUR, Combien de fois je t’aime, 2008)


D’autres verbes sont impersonnels, dans un sens non exclusivement
météorologique. C’est le cas de falloir, y avoir, et aussi faire.
Il fait + nom/adjectif permet d’exprimer une sensation ressentie ou
décrire un état de l’environnement : il fait froid, il fait beau, il fait moche,
il fait du vent, il fait nuit noire, il fait moite, il fait soif, il fait soleil, il fait bon,
etc.

“ Il fait un clair de lune superbe, que j’irai regarder au Bois.


(MARCEL PROUST, Le côté de Guermantes, 1920)

Le 24 décembre au soir il neige, il fait grand froid. (JACQUES


CHESSEX, Le vampire de Ropraz, 2007)

Malgré le vent, il fait assez bon. (PHILIPPE DJIAN, Love Song,


2013)


Un grand nombre d’expressions plus ou moins figées à valeur
adverbiale sont également disponibles pour préciser la température :
Il fait un froid de loup (MARC LEVY, Où es-tu ?, 2005) ; de canard
(AURÉLIE VALOGNES, Mémé dans les orties, 2014) ; à ne pas mettre
un poussin dehors (ANNE CUNEO, Le maître de Garamond, 2002) ;
de gueux (KATHERINE PANCOL, Les yeux jaunes des crocodiles,
2006) ; de tous les diables (ALFRED DE MUSSET, Lorenzaccio, 1895),
etc.
“ Il fait un brouillard à couper au couteau. (M ARCEL PROUST, Le
côté de Guermantes, 1920)

Il y avait un vent à décorner les bœufs. (AGNÈS MARTIN-


LUGAND, Les gens heureux lisent et boivent du café, 2013)


Il fait bon + infinitif est utilisé pour signifier qu’il est agréable ou aisé
de faire l’action décrite par l’infinitif. On rencontre occasionnellement
cette construction avec d’autres adjectifs que bon :

“ Il fait beau reprocher aux phénoménologues leur autisme


sans chat. (MURIEL BARBERY, L’élégance du hérisson, 2006)

C’est d’ailleurs un nom qu’il fait bon prononcer en gerbant ; il


ressemble déjà à un bruit d’expectoration. (NANCY HUSTON,
Danse noire, 2013)

Il fait bon avoir de bons parents comme ça. (HONORÉ DE


BALZAC, Eugénie Grandet, 1833)


Il faut introduit une recommandation, un conseil, une obligation ou
encore, une constatation désabusée :
“ Il faut toujours laisser une marge de manœuvre au destin.
(DANIEL RONDEAU, Malta Hanina, 2012)

Voilà, le jeu est aussi bête que cela : il faut toujours qu’il y
ait des exclus. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, Ulysse from
Bagdad, 2008)

Il faut coûte que coûte que tu appelles un médecin. (PATRICK


LAPEYRE, La vie est brève et le désir sans fin, 2010)


Il s’agit de… peut être synonyme de il faut… ou jouer le rôle d’un
présentatif équivalent à c’est :

“ Il s’agit de bien plus : de l’honneur ! (S


TENDHAL, Le rouge et
le noir, 1830)

« préparer idéologiquement les masses à la manif


Il s’agit de
antiraciste » qui suivra. (MORGAN SPORTÈS, Ils ont tué Pierre
Overney, 2008)


Il y a…, il est…, c’est… sont des locutions verbales impersonnelles
qui sont utilisées comme présentatifs. (› Phrases en il y a)
“ Il y a de bonnes et de mauvaises affaires. (J ULES VERNES, Le
tour du monde en 80 jours, 1872)


b) Un grand nombre de verbes personnels peuvent être pris
impersonnellement : il est arrivé un malheur ; il convient de partir, etc.


un malheur aux filles ? (KATHERINE PANCOL, Les
Il est arrivé
écureuils de Central Park sont tristes le lundi, 2010)

de les recevoir dans la paix. (JEAN GIRAUDOUX, La


Il convient
guerre de Troie n’aura pas lieu, 1935)

Il nous incombe de la décrire. (NANCY HUSTON, Bad Girl, 2014)


Remarques
1. Le verbe être se combine avec des adjectifs pour former de nombreuses
locutions impersonnelles : il est possible, douteux, nécessaire, utile,
bon, juste, heureux, faux, rare, etc.
2. On peut employer comme impersonnels les verbes pronominaux de sens
passif :
Les filles, il se trame ici quelque chose de louche. (ALICE
ZENITER, Jusque dans nos bras, 2010)

Il se raconte encore qu’une bête fièvre angoissée me cloue


au lit depuis hier soir. (MICHEL ROSTAIN, Le fils, 2011)

5. Les verbes supports


Le verbe support est sémantiquement vide (ou presque) et il est
accompagné d’un nom prédicatif : porter plainte, prendre froid, etc.
Le verbe situe le nom dans le temps et lui sert de support.
L’essentiel du sens prédicatif est porté par le nom : donner une gifle
= gifler ; pousser un cri = crier ; faire un appel = appeler, etc.

“ À ce moment, l’agent l’a giflé à toute volée d’une claque


épaisse et lourde, en pleine joue. (ALBERT CAMUS,
L’étranger, 1942) (Gifler a un sens plein, il est autonome.)

Là-dessus, je donnais une gifle au malheureux. (ROMAIN GARY,


La promesse de l’aube, 1960) (Donner est ici un verbe support : le
sens prédicatif est porté par le nom gifle que l’on ne peut supprimer de la
phrase : *Là-dessus je donnais au malheureux.)


Différents verbes supports peuvent être utilisés avec un nom
prédicatif donné, ce qui permet d’apporter différentes nuances de
sens :

“ Alors, poussé à bout, voulant dormir, Fontan lui allongea une


gifle, à toute volée. (ÉMILE ZOLA, Nana, 1880)

La seconde suivante, il prenait une gifle. (OLIVIER TRUC, Le


dernier Lapon, 2012)


Les verbes supports se construisent aussi avec des groupes
adjectivaux ou prépositionnels :

“ Il fait froid à l’intérieur. (C


ATHERINE CUSSET, Indigo, 2013) (verbe
support + adjectif)

Tout ce fric l’avait mis en rogne. (JEAN-CHRISTOPHE GRANGÉ, Le


passager, 2011) (Verbe + groupe prépositionnel.)


3. Les variations du verbe
Employé dans une phrase, le verbe voit sa forme affectée par
plusieurs éléments et il varie d’après : le mode, le temps, l’aspect,
la voix, la personne et le nombre :

“ Les gens ne changent pas. Ce sont les choses qui changent.


(BORIS VIAN, L’écume des jours, 1947) (Le verbe changer est à la
e
voix active, à la 3 personne du pluriel, de l’indicatif présent).


1. Le mode
Les modes identifient les diverses manières de concevoir et de
2
présenter l’action exprimée par le verbe.
Ils sont personnels ou impersonnels.

• Les modes personnels


Il y a trois modes personnels (ou conjugués), c’est-à-dire qui varient
en fonction des personnes grammaticales :
1° L’indicatif, qui présente l’action et la situe dans le temps (présent,
passé, futur). C’est donc le mode temporel par excellence. Il
permet de construire des phrases déclaratives et interrogatives
(› Types de phrases) :

Il remonte l’avenue des Gobelins, vers la place
d’Italie. (VIRGINIE DESPENTES, Vernon Subutex 1, 2015)


Le conditionnel présente l’action comme éventuelle ou comme
dépendant d’une condition :

“ Il remonterait la voie de chemin de fer jusqu’à un endroit


éloigné dans la forêt. (HOAI HUONG NGUYEN, Sous le soleil
qui brûle, 2017)


Remarque
On place désormais le conditionnel à l’intérieur du mode indicatif : à ce titre,
il est considéré dans son emploi général, comme un futur particulier (futur
dans le passé ou futur hypothétique).

2° Le subjonctif, qui présente l’action comme simplement


envisagée dans la pensée, hypothétique, ou avec un sentiment
particulier (comme dans le désir, le souhait, la volonté, etc.) :
“ Eh bien, vivement que je m’en aille ! (A DÉLAÏDE DE CLERMONT-
TONNERRE, Fourrure, 2010)

Il faut qu’il vous connaisse, qu’il vous reconnaisse, avant de


lire vos livres… (NICOLAS D’ESTIENNE D’ORVES, La gloire des
maudits, 2017)


3° L’impératif, qui présente l’action sous la forme d’un ordre, d’une
exhortation, d’une prière :

“ Quant à vous, fuyez, partez ! (A LEXANDRE DUMAS, Le Comte


de Monte-Cristo, 1844)

S’il vous plaît… dessine-moi un mouton ! (ANTOINE DE SAINT-


EXUPÉRY, Le petit prince, 1943)


L’impératif est un mode défectif, c’est-à-dire que seules certaines de
e
ses formes sont usitées, à savoir : la 2 personne du singulier
(Mange !), ainsi que les deux premières personnes du pluriel
(Mangeons !, Mangez !).

• Les modes non personnels


3
Il y a deux modes non personnels , c’est-à-dire qui ne varient pas
selon les personnes grammaticales : l’infinitif et le participe. Ce sont
des formes à la limite du verbe et d’autres catégories grammaticales
(noms, adjectifs, etc.) dont elles partagent certaines caractéristiques.
1° L’infinitif, forme nominale du verbe, exprime simplement le nom
de l’action : manger, courir, plonger, rêver, etc. Outre ses emplois
verbaux, il peut assumer des fonctions du nom ou du groupe
verbal (sujet, complément d’objet, etc.) (› Emplois de l’infinitif) :


Tu devras apprendre à courir. (ANAÏS BARBEAU-LAVALETTE, La
femme qui fuit, 2015)

Mourir, cela n’est rien


Mourir, la belle affaire
Mais vieillir… oh, oh vieillir (JACQUES BREL, Vieillir, 1977)


2° Le participe, forme adjectivale du verbe, exprimant l’action à la
manière d’un adjectif, mais également susceptible d’emplois
verbaux (› Emplois du participe) :

“ Son visage est mangé par les boucles d’une courte barbe
brune. (RENÉ BARJAVEL, La nuit des temps, 1968) (Participe
passé.)

Les gardiens de troupeaux restaient immobiles comme des


lézards espérant rester invisibles. (MATHIAS MENEGOZ,
Karpathia, 2014) (Participe présent.)


De son côté, le gérondif est la forme adverbiale du verbe. Il apporte
une information qui caractérise les circonstances dans lesquelles se
déroule le procès décrit par le verbe principal. Il a la forme du
participe présent précédé de en :

“ J’ai cru en écrivant pouvoir délier le temps. (H YAM YARED,


Tout est halluciné, 2016) (Exprime le moyen.)

L’Histoire s’écrit aussi en rêvant. (DANIEL RONDEAU, Malta


Hanina, 2012) (Exprime la manière.)


Remarque
Certains grammairiens traitent le gérondif comme un mode à part entière, car
il a une origine latine distincte du participe. En français contemporain, on
peut considérer le gérondif comme une forme du participe présent précédé
du mot en.

2. Le temps, l’aspect et la voix


Par essence, le verbe situe l’action dans le temps. Cette notion
complexe comporte deux dimensions complémentaires : celle de
chronologie (un évènement à lieu avant, de manière concomitante
ou après un autre) et celle de l’aspect qui traduit la durée interne du
procès (est-ce que l’évènement débute, se répète, se termine, etc.).
La première est prise en charge par les temps verbaux, la deuxième
se marque par différents procédés grammaticaux, sémantiques et
lexicaux.
a) Le temps : passé, présent et futur
Les temps sont les formes que prend le verbe pour indiquer à quel
moment de la durée on situe l’action dans l’une des trois époques :
présent, passé, futur. On distingue les temps suivants (› Emploi des
modes et des temps) :

• Par rapport au moment présent


a) Pendant : pour évoquer la simultanéité, on conjugue au présent :

“ Je sais si bien à quoi vous pensez en ce moment ! (A LBERT


COHEN, Belle du Seigneur, 1968)


b) Avant : pour évoquer l’antériorité, on utilise l’imparfait (1), le passé
simple (2) ou le passé composé (3) :
“ C’étaient des images obscènes… Je dormais dessus, quand
il est entré. (GUSTAVE FLAUBERT, L’éducation sentimentale,
1869) (1)

Elle courut alors vers un pin amandier, dont les rameaux


serrés étaient presque impénétrables, embrassa le tronc, et
disparut dans la ramure. (MARCEL PAGNOL, Manon des
sources, 1963) (2)

Le docteur est venu ce matin. Quand il est entré dans ma


chambre, j’ai pleuré. (RENÉ GOSCINNY, Le petit Nicolas, 1960)
(3)


c) Après : pour évoquer la postériorité, on utilise le futur simple (1)
ou le futur antérieur pour faire référence à un fait futur, présenté
comme antérieur à un second évoqué au futur simple (2) :

“ Elle viendra demain cueillir les giroflées. (GUILLAUME


APOLLINAIRE, Les fiançailles, 1908) (1)

L’interne passera vous voir dès qu’il aura fini. (LEÏLA SLIMANI,
Dans le jardin de l’ogre, 2014) (2)


• Par rapport à tel moment du passé
a) Avant : pour évoquer l’antériorité par rapport à un événement du
passé, on utilise le passé antérieur (1) ou le plus-que-parfait (2)

“ Dès qu’il eut quitté la pièce, Lauren ouvrit un œil et sourit


malicieusement. (MARC LEVY, Et si c’était vrai, 1999) (1)

Il récita, dans une traduction improvisée, hésitante, le


poème qu’il avait écrit avant de monter dans l’avion de l’exil.
(ÉRIC FAYE, Nous aurons toujours Paris, 2009) (2)


b) Après : pour évoquer un futur par rapport à un événement du
passé on utilise le conditionnel (1) et si on mentionne une action
qui aurait dû avoir lieu dans le passé on utilise le conditionnel
passé (2) :

“ J’espérais même qu’elle ferait un faux pas, qu’elle se


fourvoierait. (DRISS CHRAÏBI, La Civilisation, ma Mère !...,
4
1972) (1)

Voilà ce qu’elle aurait dû raconter au médecin du travail tout


à l’heure. Si elle en avait eu l’envie… Ou la force ? (ANNA
5
GAVALDA, Ensemble, c’est tout, 2007) (2)


b) Les temps dans chaque mode
1° L’indicatif possède dix temps : le présent, l’imparfait, le passé
simple, le passé composé, le plus-que-parfait, le passé antérieur,
le futur simple, le futur antérieur, le conditionnel présent et le
conditionnel passé.
2° L’impératif possède deux temps : le présent (dont les formes
marquent aussi le futur) et le passé.
3° Le subjonctif possède quatre temps : le présent (dont les formes
marquent aussi le futur), l’imparfait, le passé et le plus-que-parfait.
4° L’infinitif possède trois temps : le présent (dont la forme peut
marquer aussi le futur), le passé et le futur (rare : devoir aimer).
5° Le participe possède trois temps : le présent, le passé et le futur
(rare : devant aimer).

c) Les temps simples et composés


Les temps simples sont ceux dans lesquels le verbe ne présente, à
chaque personne, qu’un seul mot. Ils se trouvent dans la
conjugaison active et dans la conjugaison pronominale (dans la
conjugaison passive, uniquement au participe passé employé seul) :
je chante, je chantais, je me lève, chassé, etc.
Les temps composés sont ceux dans lesquels le participe passé
(simple) est joint à différentes formes des verbes avoir ou être : ils se
trouvent dans la conjugaison active, dans la conjugaison passive et
dans la conjugaison pronominale (dans la conjugaison passive, à
tous les temps, sauf le participe passé employé seul) : j’ai chanté, que
j’eusse chanté, je suis félicité, j’avais été félicité, je suis venue.
Remarque
Il y a des temps surcomposés , dans lesquels le participe passé (simple) est
joint à un temps composé d’avoir (parfois d’être) :
J’ai su votre arrivée une demi-heure après que vous avez eu
passé la barrière. (ALEXANDRE DUMAS, Le Comte de Monte-
Cristo, 1844)

d) L’aspect du verbe
L’aspect du verbe traduit comment l’action se développe dans la
durée : de manière brève, longue ou répétitive ; selon un processus
qui se termine, qui est en cours ou qui commence ; etc.
Concrètement, ce sens aspectuel se marque de différentes
manières :

• L’aspect grammatical
L’aspect grammatical provient de l’usage des formes verbales (les
temps) et de l’opposition entre formes verbales simples et formes
verbales composées qui permettent par exemple de distinguer :
l’accompli et l’inaccompli. L’aspect inaccompli permet d’exprimer
un processus qui est en train de se passer, qui n’est pas encore
arrivé à son terme alors que l’aspect accompli traduit un procès qui
est terminé :
“ Il nettoie doucement le visage de Helder avec son chiffon
imbibé. (CAROLINE DE MULDER, Calcaire, 2017) (Forme verbale
simple, procès en cours.)

Il a nettoyé le terrain. (LARRY TREMBLAY, L’orangeraie, 2016)


(Forme verbale composée, procès terminé.)


• L’aspect sémantique
L’aspect sémantique provient du sens véhiculé par le verbe lui-
même. On distingue ainsi les verbes perfectifs et imperfectifs. Le
sens des premiers implique un procès qui arrive à son terme au bout
de l’action : il meurt, elle sort, nous montons, etc. Une fois que l’action
est terminée : il est mort, elle est sortie, nous sommes en haut. Au
contraire, le sens des verbes imperfectifs implique une action qui
peut se prolonger indéfiniment : elle nage, il travaille, nous aimons.

• L’aspect lexical
L’aspect lexical est apporté par des éléments lexicaux : des affixes 6
(recommencer, pâlir, etc.), des auxiliaires d’aspect qui
accompagnent le verbe principal (commencer de, terminer de,
continuer à, etc.), les temps verbaux (j’ai mangé vs je mange), des
compléments circonstanciels de temps (soudainement,
fréquemment, souvent, tous les soirs, etc.). (› Verbes auxiliaires
marquant l’aspect)
1° Aspect instantané (action instantanée) :
“ Un orage éclate, puissant, effrayant. (LAURENT GAUDÉ,
Écoutez nos défaites, 2016)


2° Aspect duratif (action qui dure) :

“ Dans le salon, papa était en train de parler avec maman.


(RENÉ GOSCINNY, Le petit Nicolas, 1960)

Vienne la nuit sonne l’heure

Les jours s’en vont je demeure. (GUILLAUME APOLLINAIRE, Le


pont Mirabeau, 1912)


3° Aspect inchoatif ou ingressif (action qui commence) :

“ Si notre intelligence n’est pas sollicitée, notre cerveau


s’endort. (AMÉLIE NOTHOMB, Stupeur et tremblements, 1999)


4° Aspect itératif (action qui se répète) :
“ Je lis des vers chinois en sirotant une vodka. (SYLVAIN
TESSON, Dans les forêts de Sibérie, 2011)


5° Aspect accompli (action achevée) :

“ Tu ta blouse blanche et descends. (ANAÏS


finis d’enfiler
BARBEAU-LAVALETTE, La femme qui fuit, 2015)


6° Aspect imperfectif (action non achevée) :

“ – Ma parole, tu dormais ? – Oh ! non. Je réfléchissais. Je


réfléchissais au proverbe. (MARCEL AYMÉ, Le passe-muraille,
1941)


7° Proximité soit dans le passé, soit dans le futur :
“ Je viens de lire dans un fait divers de journal un drame de
passion. (GUY DE MAUPASSANT, Le Horla, 1886)

Celui-là n’est pas comme les autres, il va partir. (HÉDI


KADDOUR, Les prépondérants, 2015)


Un aspect donné peut se rencontrer à d’autres personnes, à d’autres
temps et à d’autres modes que ceux qu’on observe dans les
exemples donnés ci-dessus ; par exemple : Papa était en train de
parler ; Tu seras en train de parler ; Qu’il soit en train de parler.

e) La voix
On appelle voix les formes que prend le verbe pour exprimer le rôle
du sujet dans l’action. On distingue voix active (il trompe) et voix
passive (il est trompé) et on range également dans ce phénomène la
forme pronominale du verbe (il se trompe).

• Voix active
La voix active indique que le sujet fait l’action ; cette action est
considérée du point de vue de l’agent qui la réalise :

“ Le juge d’instruction interroge Mlle Stangerson. (GASTON


LEROUX, Le mystère de la chambre jaune, 1907)


• Voix passive
La voix passive indique que le sujet subit l’action. Celle-ci est
considérée à partir de l’être ou de l’objet qui la subit : Mlle Stangerson
est interrogée par le juge d’instruction.
Les phrases ayant un verbe transitif et un complément d’objet
direct peuvent être mises au passif, tout en préservant le sens global
de l’énoncé (c’est le point de vue qui change) :


Un vieil homme vend des ballons en forme de poisson.
(CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT, Plonger, 2013)


[Un vieil homme] SUJET ACTIF vend [des ballons…] COD ACTIF
[Des ballons…] SUJET PASSIF sont vendus par [un vieil
homme] COMPLEMENT
D’AGENT

Le complément d’objet direct (COD) du verbe actif devient le sujet du


verbe passif, et le sujet du verbe actif devient le complément d’agent
du verbe passif.
Pour conjuguer un verbe au passif, on utilise l’auxiliaire être que l’on
fait suivre du participe passé simple de ce verbe.
Aimer (voix passive)
Indicatif
Présent : Je suis aimé Passé composé : J’ai été aimé
Imparfait : J’étais aimé Plus-que-parfait : J’avais été
Passé simple : Je fus aimé aimé
Futur simple : Je serai aimé Passé antérieur : J’eus été
Conditionnel présent : Je aimé
serais aimé Futur antérieur : J’aurai été
aimé
Conditionnel passé : J’aurais
été aimé
Subjonctif
Présent : Que je sois aimé Passé : Que j’aie été aimé
Imparfait : Que je fusse aimé Plus-que-parfait : Que j’eusse
été aimé
Impératif
Présente : Sois aimé
Participe
Présent : Étant aimé Passé : Aimé(e), ayant été
aimé
Futur (rare) : Devant être aimé
Remarques
1. Quand le sujet du verbe actif est on, ce pronom disparaît dans la phrase
mise au passif, qui dès lors ne comporte pas de complément d’agent :
Tout a été pillé, trahi, vendu. (NANCY HUSTON, Le club des
miracles relatifs, 2016) (= On a tout pillé, trahi, vendu.)
2. Les verbes intransitifs ne peuvent être mis au passif. Toutefois obéir,
désobéir, pardonner font exception :
Vous êtes obéi. (JEAN RACINE, Britannicus, 1669)

Aussitôt son despotisme est obéi par toute la


maison. (MARCEL PROUST, Le côté de Guermantes, 1920)

Oh ! il n’y a pas de quoi, vous êtes pardonnée, interrompit le


forgeron. (ÉMILE ZOLA, L’assommoir, 1876)
3. Certains verbes intransitifs peuvent avoir un passif impersonnel :
Il en sera discuté par l’Assemblée. (Annales de l’assemblée
nationale, Tome 29, 1874)

Le nom de la femme de Pluton, Proserpine, dont il a été dit un


mot et dont il sera parlé en temps et lieu […]. (STÉPHANE
MALLARMÉ, Les dieux antiques, 1880)

Les organisateurs seront reçus, il sera discuté de l’itinéraire,


des conditions d’organisation de cette manifestation, avait
expliqué [...] Bernard Cazeneuve. (FAÏZA ZEROUALA, Le Monde,
25/07/2014)
4. Les verbes pronominaux ne peuvent se mettre au passif : il se vante, elle
s’adapte, on s’implique ne peuvent pas être reformulées à la voie
passive. Cependant, on emploie fréquemment la forme pronominale dans
le sens passif, sans indication d’agent.

f) Forme pronominale
La forme pronominale du verbe (ou réfléchie) indique que l’action,
faite par le sujet, se réfléchit, revient sur lui. C’est un cas particulier
de la voix active. Les verbes pronominaux sont ceux qui sont
accompagnés des pronoms me, te, se, nous, vous, désignant le
même être ou objet, les mêmes êtres ou objets que le sujet :


Je me blesse et ma douleur est preuve et sentiment. (ÉRIC
VUILLARD, Conquistadors, 2009)

Eva Maria se cache derrière un arbre. (HÉLÈNE GRÉMILLON,


La garçonnière, 2013)

Tu te prends donc pour un général ! (LOUIS-FERDINAND CÉLINE,


Voyage au bout de la nuit, 1932)


Il faut distinguer les constructions pronominales (à partir de
verbes autonomes) des verbes qui sont intrinsèquement
pronominaux. Dans le premier cas, la pronominalisation est
occasionnelle et modifie le sens du verbe : apercevoir (= voir) ;
s’apercevoir (= se rendre compte ; se voir soi-même ou
réciproquement). Dans le second, le verbe est exclusivement
pronominal, il se construit toujours avec le pronom (s’extasier,
s’amouracher, s’écrouler, se méfier, etc.). Les verbes pronominaux
posent des difficultés spécifiques pour l’accord des participes
passés. (› Accord du participe passé des verbes pronominaux)
Du point de vue formel, les formes pronominales se caractérisent :
par la présence d’un pronom personnel réfléchi de même
personne que le sujet : je me comprends, tu te blesses, il se plaint,
nous nous enthousiasmons, vous vous renseignez, ils se voient. Le
e
pronom complément est le même à la 3 personne du singulier et
du pluriel ;
par le recours à l’auxiliaire être pour la formation des temps
composés (passé composé, plus-que-parfait, passé antérieur,
etc.) : je me suis blessé, tu t’étais perdu, il se sera battu, nous nous
fûmes égarés, vous vous seriez blessés, qu’ils se soient compris.
Le pronom représentant le sujet du verbe pronominal se place avant
le verbe ; aux temps composés, il se place avant l’auxiliaire. Il s’agit
d’un pronom conjoint. (› Pronom conjoint)

“ Longtemps je me suis pour un oui, pour un


battue
non. (YASMINA REZA, Heureux les heureux, 2013).


À l’impératif, ce pronom se place après le verbe : souviens-toi,
envolons-nous.

“ Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là (JACQUES PRÉVERT,
Barbara, 1946).


Il est alors tonique (sauf s’il perd son accent tonique au profit d’un
monosyllabe faisant corps avec la forme verbale : Souviens-toi bien.
Envolons-nous donc !).
Verbe type : s’envoler
Indicatif
Présent : Je m’envole Passé composé : Je me suis
Imparfait : Je m’envolais envolé
Passé simple : Je m’envolai Plus-que-parfait : Je m’étais
Futur simple : Je m’envolerai envolé
Conditionnel présent : Je Passé antérieur : Je me fus
m’envolerais envolé
Futur antérieur : Je me serai
envolé
Conditionnel passé : Je me
serais envolé
Subjonctif
Présent : Que je m’envole Passé : Que je me sois envolé
Imparfait : Que je m’envolasse Plus-que-parfait : Que je me
fusse envolé
Impératif
Présent : Envole-toi
Infinitif
Présent : S’envoler Passé : S’être envolé
Futur (rare) : Devoir s’envoler
Participe
Présent : S’envolant Passé : Envolé(e),
s’étant envolé
Futur (rare) : Devant s’envoler
Du point de vue du sens, les verbes pronominaux présentent
différentes valeurs :

Sens Exemple

Réfléchi : l’action du sujet Puis, il se voit dans le miroir et


s’applique à lui-même. il demeure stupéfait : qui est cet
étranger ? (VIRGINIE
DESPENTES, Vernon
Subutex 2, 2015)

Réciproque : l’action des Deux gars dépenaillés


différents sujets s’applique des s’invectivent sur un banc.
uns aux autres. (CATHERINE POULAIN, Le
grand marin, 2016)

Passif : le pronom soutient La classe sociale héréditaire se


une construction passive. voit de loin, elle se porte sur le
corps, elle se lit sur le visage.
(ALEXIS JENNI, L’art français
de la guerre, 2011)

Sans fonction logique : le sens Il s’aperçoit qu’il transpire


n’est pas directement comme au sauna. (VIRGINIE
analysable DESPENTES, Vernon
Subutex 2, 2015)

En fonction du contexte, plusieurs sens peuvent être possibles :


“ Plusieurs étés de suite, ils s’aperçoivent timidement, vont à la
plage ou à la messe, boivent des citronnades. (FRÉDÉRIC
BEIGBEDER, Un roman français, 2009) (Sens réciproque = ils
s’aperçoivent l’un l’autre.)

Dès que les assiégées s’aperçoivent que toutes les ouvrières


sorties se sont fait tuer, elles décident de boucher les
issues. (BERNARD WERBER, Les fourmis, 1991) (Sens réfléchi
= elles se rendent compte.)


Les murs de la ville s’aperçoivent de loin. (Sens passif = on aperçoit les
murs de la ville de loin.)

• Verbes pronominaux réfléchis


Les verbes pronominaux sont réfléchis lorsque l’action revient, se
réfléchit sur le sujet ; le pronom est alors complément d’objet direct
ou indirect :

Au moins, disait à côté de moi une femme assez commune,
elle [se]COD dépense celle-là, elle [se]COD frappe à se faire mal.
(MARCEL PROUST, À l’ombre des jeunes filles en fleurs,
1919)

Elle [se]COI promet d’y remédier. (DANIEL PENNAC, La petite


marchande de prose, 1989)

Les vieilles il faut qu’elles [s’]COD entretiennent ! (MICHEL BUSSI,


Mourir sur Seine, 2008)


• Verbes pronominaux réciproques
Ils sont réciproques lorsque deux ou plusieurs sujets agissent l’un
sur l’autre ou les uns sur les autres :

“ Il lève les yeux, leurs regards se croisent, ils se sourient


craintivement, comme s’ils voulaient sympathiser bien qu’ils
ne parlent pas la même langue. (PIERRE LEMAITRE,
Sacrifices, 2012)

Voyons, pourquoi se querellent-ils ? (MAURICE MAETERLINCK,


Pelléas et Mélisande, 1892)


Le sens réciproque est parfois indiqué par le mot entre qui entre
dans la composition du verbe : ils s’entreregardent, s’entretuent,
s’entredévorent, s’entrégorgent, etc. Cette construction peut être
occasionnelle ou lexicalisée (c’est-à-dire enregistrée dans le lexique
et présent dans les dictionnaires). On la retrouve avec des verbes
autonomes utilisés de manière pronominale (ils s’entretuent) aussi
bien qu’avec des verbes intrinsèquement pronominaux (ils
s’entraident).

“ Elle embrassa Chloé et ils s’entrebaisèrent tous pendant


quelques instants. (BORIS VIAN, L’écume des jours, 1947)

Ils rotent. Ils s’entrecongratulent. Ils sont extrêmement


contents d’eux-mêmes. (LYDIE SALVAYRE, Pas pleurer, 2014)

Elles s’entre-regardèrent furtivement, ces oies trop blanches,


trop grasses, trop ternes, sans grâce ni finesse. (VINCENT
ENGEL, Le miroir des illusions, 2016)


Le sens réciproque peut être renforcé ou rendu explicite par une des
expressions du type : l’un l’autre, l’un à l’autre, mutuellement,
réciproquement, entre eux :
“ On s’est déshabillés l’un l’autre, avec une violence qui n’était
que l’écho de ses phrases. (DIDIER VAN CAUWELAERT, Double
identité, 2012) (L’expression l’un l’autre explicite le sens
réciproque qui ne serait pas clair sans celle-ci.)

Veronica et Virginia s’accrochaient l’une à l’autre pour ne pas


être éjectées du véhicule. (SCHOLASTIQUE MUKASONGA, Notre-
Dame du Nil, 2012)

Nous nous sommes appris mutuellement beaucoup de


choses. (JEAN GIONO, Le hussard sur le toit, 1951)

Il ne nous reste qu’à nous féliciter réciproquement d’avoir


perdu en même temps le sentiment fragile et trompeur qui
nous unissait. (DENIS DIDEROT, Jacques le fataliste et son
maître, 1796)

Tu sais que les gauchers se reconnaissent entre


eux ? (DELPHINE DE VIGAN, D’après une histoire vraie, 2015)


• Verbes pronominaux subjectifs
Certains verbes pronominaux sont dits subjectifs, car ils ont un
pronom sans fonction logique, qui reflète simplement le sujet, sans
jouer aucun rôle de complément d’objet direct ou indirect :
s’en aller s’endormir se jouer de se moquer

s’ensuivre se pâmer s’emparer de s’enfuir

s’écrier se douter de s’envoler se rire de

s’évanouir s’en revenir se mourir se prévaloir de

s’en retourner se taire se connaitre à se repentir, etc

“ Maman regarde à tout et s’aperçoit de tout. (C HODERLOS DE


LACLOS, Les liaisons dangereuses, 1782)

Ah ! je me repens, Seigneur, si vous saviez comme je me


repens, et ma fille aussi se repent. (JEAN-PAUL SARTRE, Les
mouches, 1943)

Elle tourna la tête et s’évanouit. (HONORÉ DE BALZAC, Madame


Bovary, 1856)


• Verbes pronominaux à sens passif
On emploie fréquemment la forme pronominale dans le sens passif,
toujours sans indication d’agent (le pronom conjoint se ou s’ ne
s’analyse pas dans ce type de construction). Ces verbes
pronominaux passifs expriment une action subie par le sujet :
“ Tout s’achète et tout se vend – avec une marge ! (M ARCUS
MALTE, Le garçon, 2016)

Au fond, talus traversant toute la scène. Au-delà s’aperçoit


un horizon de plaine : le pays couvert de travaux de siège.
(EDMOND ROSTAND, Cyrano de Bergerac, 1897)

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. (d’après


ANTOINE LAURENT DE LAVOISIER, Traité élémentaire de
chimie, 1789.)


3. Le nombre et les personnes
En français, il y a 3 personnes et 2 nombres.
Le verbe varie en nombre, c’est-à-dire suivant que le sujet est au
singulier ou au pluriel : je travaille, nous travaillons.
Le verbe varie aussi en personne, c’est-à-dire suivant que le sujet
désigne :
re
1° La personne ou les personnes qui parlent (1 personne) : je
travaille, nous travaillons.
2° La personne ou les personnes à qui l’on parle (2e personne) : tu
travailles, vous travaillez.
3° La personne ou les personnes de qui l’on parle, la chose ou les
e
choses dont on parle (3 personne) : elle travaille, elles travaillent.
La personne est à la fois marquée par le pronom et par la
terminaison verbale.
4. Les formes du verbe

1. Comment varie le verbe


Les variations du verbe en termes de mode, temps, voix, personne
et nombre s’expriment de trois manières : par des changements qui
affectent le radical du verbe (je peux, je pourrais), celui des
terminaisons (je peux, il peut) et celui des auxiliaires (j’ai pu, je suis
allée).
1° Le radical, est la partie du mot qui porte le sens lexical du verbe
au travers de toute sa conjugaison et de toutes ses formes. Pour
identifier le radical d’une forme verbale, il faut supprimer sa
terminaison (par exemple, la terminaison de la première personne
du pluriel de l’indicatif présent étant -ons, le radical dans la forme
nous espérons est espér-). Dans le cas le plus simple (et le plus
fréquent), le verbe a un radical unique : chanter, je chante, tu
chantais, il a chanté, nous chanterons, etc. Mais d’autres verbes ont
un radical qui peut varier en fonction du mode ou du temps. Par
exemple, au présent de l’indicatif, le verbe pouvoir a trois
7
radicaux : peu-, pouv-, peuv-.

je tu il/elle nous vous ils/elles

peux peux peut pouvons pouvez peuvent

La variation du radical peut tantôt entrainer son allongement (je fin-is,


nous fin-iss-ons),
tantôt donner lieu à une alternance de formes (je
meurs, nous mourrons) qui ont généralement une partie commune
(pouvant éventuellement être réduite à une seule lettre comme le m-
des formes meurs et mourrons dans l’exemple qui précède), tantôt
reposer sur l’utilisation des auxiliaires qui permettent la formation
des temps composés ou du passif.
2° La terminaison (ou désinence) des formes verbales sert à
marquer les modifications de personne, de nombre, de mode et
de temps : je chante, nous chantons, que je chantasse. (› Auxiliaire)
3° les auxiliaires sont des formes du verbe avoir ou être qui se
combinent avec un participe passé pour former les temps
composés et le passif.

2. Les finales des temps


En général, les finales des temps sont semblables dans la
conjugaison des verbes en -er et dans celle des autres verbes ; elles
ne diffèrent qu’au singulier de l’indicatif présent, du passé simple et
de l’impératif présent, comme le fait voir le tableau suivant :
Tableau synthétique des désinences verbales
SINGULIER PLURIEL

re e e re e e
1 2 3 1 2 3 pers.
pers pers pers pers pers
. . . . .

Indicatif

Prése verbes e es e ons ez ent


nt en -er

autres s s t (ou ons ez ent


verbes d)

Imparf tous les ais ais ait ions iez aient


ait verbes

Passé verbes ai as a âmes âtes èrent


simple en -er

autres is is it îmes îtes irent


verbes us us ut ûmes ûtes urent

Futur tous les rai ras ra rons rez ront


simple verbes

Condit tous les rais rais rait rions riez raient


ionnel verbes
Prése
nt

Impératif

Prése verbes – e – ons ez –


nt en -er
autres – s – ons ez –
verbes

Subjonctif

Prése tous les e es e ions iez ent


nt verbes

Imparf verbes asse asse ât assio assie assent


ait en -er s ns z

autres isse isses ît issio issiez issent


verbes usse usse ût ns ussie ussent
s ussio z
ns

Infinitif

Prése er ir oir re
nt

Participe

Prése tous les ant


nt (et verbes
gér.)

Passé verbes é
en -er

autres i, u,
verbes s, t
3. Les terminaisons aux différentes
personnes
re
a) 1 personne du singulier
re
La 1 personne du singulier se termine :
par -e à l’indicatif présent de tous les verbes en -er et des verbes
assaillir, couvrir (et ses dérivés), cueillir (et ses dérivés), défaillir,
offrir, ouvrir (et ses dérivés), souffrir, tressaillir ; ainsi qu’aux
temps simples du subjonctif de tous les verbes (sauf que je
sois) : je marche, j’ouvre, que je cède, que je vinsse ;
par -ai dans j’ai, ainsi qu’au futur simple de tous les verbes et au
passé simple de tous les verbes en -er : j’aimerai, je prendrai,
j’aimai ;
par -s à l’indicatif présent et au passé simple de tous les verbes
autres que les verbes en -er, ainsi qu’à l’imparfait de l’indicatif et
au conditionnel de tous les verbes : je finis, je reçois, je rends ; je
dormis, je reçus, je sentis ; je pensais, je disais ; je chanterais, je
;
croirais
par -x à l’indicatif présent de trois verbes : je peux, je vaux (et
composés), je veux. 8

Remarque
Quand il y a inversion du sujet à la première personne des verbes en -er (par
exemple, dans une phrase interrogative ou une exclamative), la finale -e
1
devient -è : Dussè-je vivre dix vies . (› Phrase interrogative)

e
La 2 personne du singulier se termine par -s (tu chantes, tu fus, tu
lirais) à l’exception de :
tu peux, tu vaux (et composés), tu veux, où l’on a un -x ;
l’impératif des verbes en -er (sauf aller) et des verbes assaillir,
couvrir (et ses dérivés), cueillir (et ses dérivés), défaillir, offrir,
ouvrir (et ses dérivés), souffrir, tressaillir, savoir, vouloir, où l’on a
un e : plante, couvre, sache.

Remarques
e
1. La 2 personne de l’impératif de aller est va.
e
2. La 2 personne du singulier de l’impératif de tous les verbes en -er, et des
verbes assaillir, couvrir, etc., prend un s final devant les pronoms en, y,
non suivis d’un infinitif :
Penses-y quand tu feras tes entretiens. (LEÏLA SLIMANI,
Chanson douce, 2016)

Manges-en donc, ma femme ? Ça nourrit au moins pour deux


jours. (HONORÉ DE BALZAC, Eugénie Grandet, 1833)
Mais devant les pronoms en, y, suivis d’un infinitif et devant la préposition
en, on n’a ni s final ni trait d’union : Ose en dire du bien ; Va y mettre
ordre ; Laisse y porter remède ; Parle en maitre.
3. Dans va-t’en, retourne-t’en, etc., on remarquera l’apostrophe : le t, en
effet, n’est pas une consonne euphonique, comme dans aime-t-il, c’est le
pronom te dont le e est élidé (comparez : allez-vous-en). Vu l’apostrophe,
on se dispense en principe de mettre le second trait d’union.
Tu as décidé de partir. Va-t’en. (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Le
petit prince, 1943)
Il en est de même pour la locution verbale va-t’en + infinitif :
Mais va-t’en savoir pourquoi les gens meurent. (VINCENT
ENGEL, Le mariage de Dominique Hardenne, 2010)

b) 3e personne du singulier
e
La 3 personne du singulier se termine :
Par -t : il finit, il part, il venait, il ferait.
Par -a et -c : dans il a, il va, il vainc, il convainc.
Par -e (comme pour la 1re personne) : à l’indicatif présent des
verbes en -er (sauf aller) et des verbes assaillir, couvrir, etc. (elle
envoie, elle couvre, elle offre), ainsi qu’au subjonctif présent de tous
les verbes (sauf qu’il ait, qu’il soit) : qu’il plante, qu’il tienne, qu’il
reçoive, qu’il rende.
Par -a au futur simple de tous les verbes : elle chantera, elle finira,
elle rendra et au passé simple de tous les verbes en -er : il chanta,
il alla.
Par -d à l’indicatif présent des verbes en -dre (sauf -indre, -
soudre) : elle rend, elle fond, elle mord. Mais : elle plaint, elle résout,
etc.

re
c) 1 personne du pluriel
re
La 1 personne du pluriel se termine par -ons : nous plantons, nous
suivrons, nous rendrions ; sauf au passé simple de tous les verbes et à
l’indicatif présent du verbe être, où la finale est -mes : nous eûmes,
nous planâmes, nous sommes.

e
d) 2 personne du pluriel
La 2e personne du pluriel se termine par -ez : vous avez, vous chantez,
vous lisiez, que vous veniez ; sauf au passé simple de tous les verbes
et à l’indicatif présent de être, dire, redire, faire (et composés), où la
finale est -tes : vous êtes, vous dites, vous faites.

e) 3e personne du pluriel
e
La 3 personne du pluriel se termine par -ent : ils chantent, ils
finissaient, ils suivraient ; sauf au futur simple de tous les verbes et à
l’indicatif présent de avoir, être, faire (et ses dérivés), aller, où la
finale est -ont : ils planteront, ils recevront, ils ont, ils sont, ils font, ils
contrefont, ils vont.

f) Similitudes entre certaines formes


verbales
Il y a entre certaines formes verbales des similitudes qui facilitent
l’étude de la conjugaison.
e
À la 2 personne du singulier de l’indicatif présent et de l’impératif
présent, on a des formes semblables. Toutefois, dans les verbes en
-er et dans certains verbes en -ir (assaillir, couvrir et ses dérivés,
cueillir et ses dérivés, défaillir, offrir, ouvrir et ses dérivés, souffrir,
tressaillir), la 2e personne du singulier a un s final à l’indicatif
présent, et elle n’en a pas à l’impératif présent (à moins que ce ne
soit devant les pronoms en, y, non suivis d’un infinitif : tu finis, finis ; tu
reçois, reçois ; tu rends, rends. Mais : tu aimes, aime.
re e
À la 1 et à la 2 personne du pluriel de l’indicatif présent et de
l’impératif présent, on a des formes semblables ; excepté avoir et
être (qui empruntent au subjonctif présent les deux personnes du
pluriel de leur impératif présent) : nous aimons, aimons ; vous aimez,
aimez. Mais : que nous ayons, ayons ; que vous ayez, ayez ; que nous
soyons, soyons ; que vous soyez, soyez.
Savoir et vouloir se distinguent également par leurs formes de
l’impératif : nous savons, que nous sachions, sachons ; vous voulez, que
vous vouliez, voulez ou veuillez.
Le pluriel de l’indicatif présent, de l’impératif présent, du
subjonctif présent, ainsi que l’indicatif imparfait et le participe
présent ont le même radical (il n’y a que quelques exceptions : faire,
savoir, vouloir, pouvoir, etc.) : nous recevons, recevons, que nous
recevions, nous recevions, recevant ; nous plaignons, plaignons, que nous
plaignions, nous plaignions, plaignant.
re
La 1 personne du singulier du subjonctif imparfait présente la
forme de la 2e personne du singulier du passé simple augmentée
de -se : tu aimas, que j’aimas-se ; tu pris, que je pris-se ; tu reçus, que je
reçus-se ; tu vins, que je vins-se.
Dans le futur simple et dans le conditionnel présent,
généralement on retrouve la forme de l’infinitif, à laquelle se sont
ajoutées les désinences -ai, -as, -a, -ons, -ez, -ont, pour le futur
simple, et -ais, -ais, -ait, -ions, -iez, -aient, pour le conditionnel
présent :
j’aimer-ai, tu aimer-as… j’aimer-ais, tu aimer-ais…
je finir-ai, tu finir-as… je finir-ais, tu finir-ais…

Remarques
1. Dans les verbes autres que les verbes en -er, on observe de fréquentes
modifications du radical :
– ten-ir, je tiendr-ai, je tiendr-ais ;
– sav-oir, je saur-ai, je saur-ais ;
– pouv-oir, je pourr-ai, je pourr-ais.
2. Dans les verbes en -re, l’e final de l’infinitif a disparu devant les
désinences -ai, – as… ou – ais, -ais… : rendre, je rendr-ai, je rendr-ais.
3. Les désinences du futur simple et du conditionnel présent ne sont autres
que les formes du présent ou de l’imparfait de l’indicatif du verbe avoir
(avons, avez, avais, avait, avions, aviez, avaient, ont été réduits à ons, ez,
ais, ait, ions, iez, aient) ; ainsi j’aimerai, j’aimerais, étaient, à l’origine :
aimer ai (c’est-à-dire j’ai à aimer), aimer ais (c’est-à-dire j’avais à
aimer).
4. Les verbes auxiliaires
Les verbes auxiliaires sont des verbes qui, dépouillant leur
signification propre, servent à former les temps composés. Les
verbes auxiliaires par excellence sont avoir et être. Avoir est le plus
fréquent :

“ C’était l’aube d’un jour d’avril. J’ai chanté ma joie bien-


aimée. (GUILLAUME APOLLINAIRE, La chanson du mal-aimé,
1913)

Et tous ces hommes qui sont venus détruire ma vie,


pourquoi ? Ils ont incendié mes moulins, pillé et dévasté
mes plantations, volé et abattu mes troupeaux, ruiné mon
immense labeur, est-ce juste ? (BLAISE CENDRARS, L’or, 1960)


Les auxilliaires être et avoir sont utilisés pour former les temps
composés et le passif en se combinant avec un participe passé.
Remarques
Le verbe être n’est pas auxiliaire :
1. Quand il relie l’attribut au sujet :
Les hommes croient toujours que ce qu’ils vivent est mortel.
Ils oublient simplement que ça fait partie de la vie. (KATHERINE
PANCOL, La valse lente des tortues, 2008) (› Verbes attributifs)

Il y a du poison dans les pointes. Paraîtrait même que c’est


mortel si on se fait piquer dans le cou. (CATHERINE POULAIN, Le
grand marin, 2016)
2. Quand il signifie « exister, se trouver, aller, appartenir » ; dans ces divers
sens, il peut avoir un complément :
Je penche donc je suis, se dit Rena, non, je penche vers la
droite donc je suis en Italie, en italiques, toutes mes penchées
sont en italique. (NANCY HUSTOn, Infrarouge, 2010)

Lorsqu’on m’a obligée à rompre avec André, j’ai tant souffert


que plusieurs fois j’ai été à deux doigts du suicide. (SIMONE DE
BEAUVOIR, Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958)

Elle se lève matines et le monde est à elle. (BOUVIER NICOLAS,


L’usage du monde, 1963)

À côté des auxiliaires avoir et être, il faut mentionner quelques


verbes qui sont auxiliaires lorsque, suivis d’un infinitif, ils servent à
marquer certains aspects du développement de l’action ou à
exprimer certaines nuances de mode. On les appelle semi-
auxiliaires (› Auxiliaires de l’infinitif) :
“ Il va mourirchez lui, il ne va pas à l’hôpital ? (MURIEL
BARBERY, L’élégance du hérisson, 2006) (Futur proche.)

Clov laisse tomber les objets qu’il vient de ramasser. (SAMUEL


BECKETT, Fin de partie, 1957) (Passé récent.)

Un agent de police vint à passer ; alors il eut peur et s’en alla.


(GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, 1856) (Fait fortuit.)

Dorothée en vint à maudire les endorphines. (ALEXANDRE


POSTEL, Les deux pigeons, 2016) (Aboutissement.)

Le meurtre doit avoir eu lieu peu de temps après. (PIERRE


LEMAITRE, Alex, 2010) (Fait probable.)


a) Conjugaison avec l’auxiliaire être
La conjugaison du verbe être est présentée en annexe. (› Tableau
verbe être)
Se conjuguent avec être :
9
1° Tous les temps des verbes au passifs :
“ Je suis hanté par cette scène que je lui fis. (A LBERT COHEN,
Le livre de ma mère, 1954)

Ils ont été accusés à tort. (ANNE CUNEO, Le maître de


Garamond, 2002)


2° Les temps composés de tous les verbes pronominaux :

“ Il s’est trompé d’époque. (B ERNARD MINIER, Glacé, 2011)

Ils se sont embrassés. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, Le club des


incorrigibles optimistes, 2009)


3° Les temps composés de quelques verbes intransitifs exprimant,
pour la plupart, un mouvement ou un changement d’état :

aller échoir naitre rester venir

arriver éclore partir retourner revenir

décéder entrer repartir sortir parvenir

devenir mourir rentrer tomber survenir


“ Je suis arrivée en fin d’après-midi. (B LANDINE LE CALLET, La
ballade de Lila K, 2010)

Il préparait des spaghettis lorsqu’elles sont rentrées.


(PHILIPPE DJIAN, Dispersez-vous, ralliez-vous !, 2016)

Beaucoup de gens sont tombés du tabouret. (JEAN TEULÉ, Le


magasin des suicides, 2007)


b) Conjugaison avec l’auxiliaire avoir
La conjugaison du verbe avoir est présentée en annexe. (› Tableau
verbe avoir)
Se conjuguent avec avoir :
1° Les verbes avoir et être : j’ai eu, j’ai été.
2° Tous les verbes transitifs (directs ou indirects) :

“ Mais j’ai fait un pas, un seul pas en avant. Et cette fois, sans
se soulever, l’Arabe a tiré son couteau qu’il m’a présenté
dans le soleil. (ALBERT CAMUS, L’étranger, 1942)

Ils ont obéi aux mêmes ordres. (LAURENT GAUDÉ, Écoutez


nos défaites, 2016)


3° La plupart des verbes intransitifs :
“ Elle parlé de ce dîner. (VIRGINIE DESPENTES, Vernon
a
Subutex 1, 2015)

J’ai couru jusqu’à la chambre. (HÉLÈNE GRÉMILLON, Le


confident, 2010)

Aux mots « petit garçon », il a tremblé. (CHRISTOPHE ONO-DIT-


BIOT, Plonger, 2013)


4° Tous les verbes impersonnels proprement dits :

“ On dirait qu’il a plu sur mon cœur ! (M AURICE MAETERLINCK,


Pelléas et Mélisande, 1892)

Toute la nuit, il a neigé. (MARC BRESSANT, La citerne, 2009)


c) Cas particuliers
Avec les verbes pris impersonnellement, on emploie le même
auxiliaire que dans la conjugaison personnelle de ces verbes
(› Verbes pris impersonnellement) :
“ Je sens qu’il est arrivé un malheur à Richard. (ÉRIC-
EMMANUEL SCHMITT, La tectonique des sentiments, 2008)

C’est ce qu’il aurait convenu de faire. Tu as raison. (BERNARD


WERBER, Le jour des fourmis, 1992)


Certains verbes intransitifs ou pris intransitivement se conjuguent
avec avoir quand ils expriment l’action – et avec être quand ils
expriment l’état résultant de l’action accomplie : Depuis lors elle a
déchu de jour en jour. vs Il y a longtemps qu’il est déchu de ce droit.

déménage
aborder cesser empirer passer
r

accourir changer descendre expirer ressusciter

accroitre déborder diminuer grandir vieillir, etc.

apparaitre déchoir disparaitre monter

baisser dégénérer embellir paraitre


“ Nous avons parlé de choses et d’autres, et le temps a passé
sur nous à toute vitesse. (DAVID FOENKINOS, Je vais mieux,
2013)

Le temps est passé, précisa-t-elle en regardant sa montre.


(KATHERINE PANCOL, La valse lente des tortues, 2008)


Remarques
1. La plupart de ces verbes se conjuguent avec avoir : il a changé, déchu,
embelli, grandi, vieilli… ; quand ils prennent être, c’est que le participe
passé est employé comme un simple adjectif : il est changé, déchu,
embelli, grandi, vieilli…
2. Pour plusieurs de ces verbes (descendre, monter, passer, ressusciter,
etc.), l’usage a fait prévaloir l’auxiliaire être je suis passé, monté,
descendu à six heures, sauf s’ils sont construits transitivement (J’ai
descendu vos valises).

5. Les conjugaisons
On classe les verbes en trois groupes ou conjugaisons, d’après les
terminaisons de l’infinitif présent : on distingue les verbes en -er, les
verbes en -ir et les autres verbes (principalement -oir et -re, ainsi
que quelques verbes en -ir qui ne rentrent pas dans la deuxième
conjugaison). Les deux premiers groupes contiennent des verbes
aux règles de conjugaison régulières alors que le troisième est un
groupe résiduel qui rassemble des verbes réguliers ou non.
Le but de ce classement est de parvenir à synthétiser des règles.
Conjug Fiche de
Terminaison Exemples
aison conjugaison
er verbes en -er chanter, manger, cf. ici
1
groupe rêver, etc.

e
2 groupe verbes en -ir finir, abolir, cf. ici
maigrir, obéir, etc.
e
3 groupe Autres verbes : – avoir, savoir, cf. ici
verbes en -oir pouvoir, etc.
verbes en -re – boire, conduire,
certains verbes connaitre, etc.
en -ir qui se – fleurir, mentir,
distinguent des frire, luire, revenir,
e etc.
verbes du 2
groupe.

Pour distinguer les verbes en -ir des 2e et 3e groupe, il faut observer


les radicaux. Les verbes en qui allongent leur radical par l’insertion
e
de la syllabe -iss- à certaines conjugaisons font partir du 2 groupe :
au présent (plur.) de l’indicatif : nous fin-iss-ons ;
à l’imparfait de l’indicatif : je fin-iss-ais ;
au présent (plur.) de l’impératif : fin-iss-ons ;
au présent du subjonctif : que je fin-iss-e ;
au présent du participe : fin-iss-ant.
Les autres qui ne présentent pas cet allongement sont dans le 3e
groupe : nous sent-ons, je sent-ais, etc.
a) Effectifs des différentes
conjugaisons
Les verbes du premier groupe (en -er) constituent la vraie
conjugaison régulière en français ; ce sont de loin les plus
nombreux : on estime qu’ils représentent environ les neuf dixièmes
(plus de 5000) des verbes du français.
e
Les verbes du 2 groupe (en -ir) sont les verbes dont le participe
présent est en -issant. Ils ne dépassent guère le nombre de 300.
Le 3e groupe est la classe résiduelle qui contient les
« autres verbes » : une trentaine de verbes en -ir dont le participe
présent n’est pas en -issant, une trentaine en -oir et une centaine en
-re.
Les verbes de création récente sont majoritairement formés sur la
conjugaison en -er : googler, psychoter, solutionner, liker, cliquer, etc. et
occasionnellement sur la conjugaison en -ir (-issant) : amerrir, alunir.
(› Néologismes)
“ Cesse de faire des nœuds à ton ciboulot, me dis-je,
adoptant soudain le parler militaire. Arrête de psychoter.
(SERGE BRAMLY, Le premier principe, le second principe,
2008)

Elles lui apprenaient à […] changer sa photo de profil, à


unfriender des faux amis, à liker des youtubeuses rigolotes.
(ANNA GAVALDA, Fendre l’armure, 2017)

Seuls les Américains ont, pour l’instant, réussi à « amarsir ».


(DAVID LAROUSSERIE, Le Monde, 19/10/2016).


C’est pour cette raison que ces deux conjugaisons sont dites
vivantes. Quant à la conjugaison en -ir (sans -iss-), en -oir ou en -
re, non seulement elle ne s’enrichit plus d’aucun verbe nouveau,
mais elle s’appauvrit peu à peu ; c’est pourquoi elle est appelée
conjugaison morte.

b) Remarques sur les conjugaisons

• Verbes en -er
Les verbes en -cer prennent une cédille sous le c devant a et o, afin
de conserver au c la même prononciation [s] qu’à l’infinitif : nous
avançons, je plaçais, il acquiesça.
Les verbes en -ger prennent un e après le g devant a et o, afin de
conserver au g la même pronociation [ʒ] qu’à l’infinitif : je partageais,
songeant, nous mangeons.
Les verbes en -eler et -eter qui ont un e muet [ə] à l’avant-dernière
syllabe de l’infinitif changent cet [ə] en [ɛ] (écrit è) devant une syllabe
10
muette : semer, je sème, je sèmerai ; j’achète, elle cisèle, tu furètes, nous
11
crochèterons, il halète .
Exceptions : appeler, j’appelle ; jeter, je jette. (› Nouvelle orthographe)
Les verbes qui ont un [e] (écrit é) à l’avant-dernière syllabe de
l’infinitif (altérer, révéler, considérer, etc.) changent cet [e] en [ɛ] (écrit è)
dans leur conjugaison, y compris au futur et au conditionnel : altérer,
12
.
j’altère, j’altèrerais
Exception : les verbes en -éer conservent l’é dans toute leur
conjugaison : créer, je crée, je créerai.
Les verbes en -yer changent le y en i devant un e muet : employer,
j’emploie, j’emploierai ; ennuyer, tu ennuies, il ennuiera.
Les verbes en -ayer peuvent conserver l’y dans toute leur
conjugaison : payer, je paye (prononcé [pɛj]) ou je paie (prononcé [pɛ]).
Les verbes en -eyer conservent toujours le y : je grasseye.
Dans les verbes qui se terminent au participe présent par -iant, -
yant (sauf avoir), -llant, -gnant, on a, aux deux premières
personnes du pluriel de l’indicatif imparfait et du subjonctif
présent un i après le radical :
Crier, cri-ant Nous criions, vous criiez, que nous criions, que
vous criiez

Rire, ri-ant Nous riions, vous riiez, que nous riions, que
vous riiez

Envoyer, Nous envoyions, vous envoyiez, que nous


envoy-ant envoyions, que vous envoyiez

Travailler, Nous travaillions, vous travailliez, que nous


travaill-ant travaillions, que vous travailliez

Régner, Nous régnions, vous régniez, que nous


régn-ant régnions, que vous régniez

• Verbes en -ir
Bénir a deux participes passés.
Bénit, bénite, se dit de certaines choses consacrées par une
bénédiction rituelle, mais s’emploie uniquement comme adjectif
(épithète ou attribut) :
“ Parce que mon témoignage, ça m’étonnerait qu’ils
l’accueillent comme pain bénit. (FRED VARGAS, Pars vite et
reviens tard, 2001) (Même au sens métaphorique, pain
bénit s’écrit de cette manière.)

Tu m’as aspergé d’eau bénite, parce que je t’avais dit que


j’étais le diable. (JEAN-LOUIS FOURNIER, La servante du
Seigneur, 2013)


Béni, bénie, s’emploie dans tous les cas où le mot n’indique pas
une bénédiction rituelle :

“ C’était le jour bénide ton premier baiser.


(STÉPHANE MALLARMÉ, Apparition, 1914)

C’est un commerçant du Bazar, courtois, fort pieux et béni


dans ses affaires. (NICOLAS BOUVIER, L’usage du monde,
1963)


Même dans les cas où il s’agit d’une bénédiction rituelle, on emploie
béni chaque fois que le mot est appliqué à des personnes et
chaque fois qu’il est pris, non pas comme adjectif, mais comme
13
verbe :
“ Le peu d’eau qui reste est béni. (EMMANUEL CARRÈRE,
Limonov, 2011)

Loki annonça alors à tous que l’on n’échappe pas à la mort,


même lorsqu’on est béni par les dieux. (BERNARD WERBER,
Les Thanatonautes, 1994)


Fleurir, au sens propre, fait à l’imparfait de l’indicatif fleurissais, et
au participe présent ou adjectif verbal fleurissant :

“ Les hortensias fleurissaient. (PHILIPPE DJIAN,


Impardonnables, 2009)

Des massifs d’iris fleurissaient à profusion le long du mur.


(CLAUDIE GALLAY, Les déferlantes, 2008)

Ces choses étaient importantes pour elle, fleurissaient sa vie.


(ALBERT COHEN, Le livre de ma mère, 1954) (Usage
métaphorique au sens de « embellir ».)


Dans le sens figuré de « prospérer », il fait souvent florissait à
l’imparfait de l’indicatif, et presque toujours florissant au participe
présent ; l’adjectif verbal est toujours florissant :
“ Ces émissions florissaient à l’époque. (DOMINIQUE
COSTERMANS, Outre-Mère, 2017)

Les belles pleurèrent leurs robes inachevées, les voisines


leurs florissants commerces de douceurs et nous, nous
restions seuls, orphelins (CAROLE MARTINEZ, Le cœur cousu,
2007)

La pêche à la morue était encore une industrie florissante à


l’époque. (NANCY HUSTON, Le club des miracles relatifs,
2016)


Haïr perd le tréma au singulier de l’indicatif présent et de l’impératif
présent : je hais [ʒəɛ], tu hais, il hait, hais.

“ Je hais la défaite, même celle des autres ; elle m’émeut


surtout quand le vaincu est un vieillard. (MARGUERITE
YOURCENAR, Mémoires d’Hadrien, 1951)


Au passé simple et à l’imparfait du subjonctif, à cause du tréma,
on écrit sans accent circonflexe : nous haïmes, vous haïtes (ces
deux formes sont presque inusitées), il haït [ai] :
“ Henri haït cette cohabitation forcée avec sa femme. Puis,
par contamination, se mit à haïr Catherine elle-même. (ÉRIC-
EMMANUEL SCHMITT, Concerto à la mémoire d’un ange,
2010)


• Verbes en -oir et en -re
On écrit les participes passés dû, crû (de croitre), recrû (de recroitre)
avec un accent circonflexe au masculin singulier seulement :
l’honneur dû ; la rivière a crû. Mais : la somme due.

“ Alors, mû par une force obscure, il entre seul dans l’eau


turquoise. (OLIVIER GUEZ, La disparition de Josef Mengele,
2017)

Et pourtant, mue par quelque instinct, elle a patienté tout ce


temps. (ÉRIC FAYE, Il faut tenter de vivre, 2015)


L’accent circonflexe sur î et û se conserve uniquement pour
distinguer des mots de sens différents dont l’écriture serait identique
sans l’accent (du pain et un dû) et dans certaines formes verbales :
passé simple (nous suivîmes, nous voulûmes), subjonctif imparfait (qu’il
suivît) subjonctif plus-que-parfait (qu’il eût suivi). On écrit donc mu,
comme les autres participes passés su, tu, vu, lu. (› Nouvelle
orthographe)
On écrit sans accent circonflexe : accru, décru, ému, indu, promu,
recru (au sens de « très fatigué, harassé »).

“ Il se leva, recru de chagrin. (M ARIE-AUDE MURAIL, Oh, boy !,


2000)


Les verbes en -indre et en -soudre ne gardent le d que devant un r,
c’est-à-dire au futur simple et au conditionnel présent (donc en
particulier, pas de d au singulier du présent de l’indicatif ou de
l’impératif) :
Peindre : je peins, tu peins, il peint ; peins ; je peindrai ; je peindrais.
Résoudre : je résous, tu résous, il résout ; résous ; je résoudrai ; je
résoudrais.

Dans les verbes en -indre, les consonnes -nd- se changent en -gn-


(c’est-à-dire [ɲ]) devant une voyelle : peindre, nous peignons, je
peignais, peignant, etc.
Battre, mettre et leurs dérivés ne gardent qu’un t au singulier du
présent de l’indicatif et de l’impératif : mettre, je mets, tu mets, il met ;
mets.
Au singulier du présent de l’indicatif et de l’impératif, la consonne
finale du radical de l’indicatif se maintient :
1° dans les verbes en -dre (autres que les verbes en -indre et en -
soudre) :
Prendre : je prends, tu prends, il prend ; prends.
Répondre : je réponds, tu réponds, il répond ; réponds.
Répandre : je répands, tu répands, il répand ; répands.
Mordre : je mords, tu mords, il mord ; mords.
Moudre : je mouds, tu mouds, il moud ; mouds.

2° dans vaincre, rompre et dans les composés de ces verbes :


Vaincre : je vaincs, tu vaincs, il vainc ; vaincs.
Rompre : je romps, tu romps, il rompt ; romps.

Verbe en -oitre : on ne conserve l’accent que pour certaines formes


conjuguées de croitre afin d’éviter des confusions : on ajoute l’accent
circonflexe à chaque fois qu’une confusion serait possible avec une
forme correspondante de croire. (› Nouvelle orthographe)
Je croîs, tu croîs, il croît en sagesse.
Je crûs, tu crûs, il crût, nous crûmes, vous crûtes, ils crûrent en
science.

En général, dans les verbes en -ire (sauf rire, sourire et écrire), le


pluriel du présent de l’indicatif, l’imparfait de l’indicatif, le présent du
subjonctif, le passé simple, l’imparfait du subjonctif, ont un s sonore
[z] entre le radical et la terminaison.
Conduire : condui-s-ant, nous condui-s-ons, je condui-s-ais, que je
condui-s-e, je condui-s-is, que je condui-s-isse.

Rire, sourire ne prennent aucune consonne entre le radical et la


désinence : ri-ant, nous ri-ons, que nous ri-ions, etc.
Écrire et ses dérivés ont un v entre le radical et la désinence aux
temps indiqués ci-dessus : nous écri-v-ons, que je décri-v-e, il souscri-v-
ait.

c) Conjugaisons spécifiques
• Conjugaison des verbes intransitifs qui prennent
l’auxiliaire être
Les verbes dont il s’agit ici comprennent quelques verbes intransitifs
exprimant pour la plupart un mouvement ou un changement d’état
ainsi que certains verbes intransitifs exprimant l’état résultant de
l’action accomplie.
Ils ont pour particularité de prendre l’auxiliaire être aux temps
composés. C’est par exemple le cas pour le verbe tomber :

Tomber

Indicatif Subjonctif

Passé composé : Je suis Passé : Que je sois tombé


tombé Plus-que-parfait : Que je fusse
Plus-que-parfait : J’étais tombé
tombé
Infinitif
Passé antérieur : Je fus tombé
Futur antérieur : Je serai Passé : Être tombé
tombé
Participe
Conditionnel passé : Je serais
tombé Passé : Étant tombé

Impératif Gérondif

Passé : Sois tombé Passé : En étant tombé

Remarquons que le participe passé varie : elle est tombée, nous


sommes tombés, etc. (› Participe passé)

• La conjugaison impersonnelle
e
Les verbes impersonnels ne s’emploient qu’à la 3 personne du
singulier. (› Verbes impersonnels)

Verbe type : neiger

Indicatif

Présent : Il neige Passé composé : Il a neigé


Imparfait : Il neigeait Plus-que-parfait : Il avait neigé
Passé simple : Il neigea Passé antérieur : Il eut neigé
Futur simple : Il neigera Futur antérieur : Il aura neigé
Conditionnel présent : Il Conditionnel passé : Il aurait
neigerait neigé

Subjonctif

Présent : Qu’il neige Passé : Qu’il ait neigé


Imparfait : Qu’il neigeât Plus-que-parfait : Qu’il eût
neigé

Impératif

Présent : Envole-toi

Infinitif

Présent : Neiger Passé : Avoir neigé

Participe

Présent : Neigeant Passé : Neigé, ayant neigé

• La conjugaison des verbes irréguliers


et des verbes défectifs
a) Les verbes irréguliers
On appelle verbes irréguliers :
1° Ceux qui, tout en gardant le même radical à tous les temps,
présentent à certaines formes des particularités de terminaisons,
par exemple : cueill-ir. Ind. pr. Je cueill-e (comme j’aim-e).
(› Tableaux de conjugaison)
2° Ceux dont le radical ne reste pas le même à tous les temps,
comme tenir.
b) Les verbes défectifs
On appelle verbes défectifs ceux qui ne sont pas usités à certains
temps ou à certaines personnes ; par exemple : absoudre n’a ni
passé simple ni subjonctif imparfait ; s’ensuivre n’est usité qu’à
l’infinitif et aux troisièmes personnes de chaque temps ; gésir ne
s’emploie plus qu’au présent et à l’imparfait de l’indicatif et au
participe présent.
Les conjugaisons d’un large ensemble de verbes irréguliers et
défectifs sont présentées en annexe.
5. L’emploi des modes et des temps

1. L’indicatif
L’indicatif est le mode de l’action verbale considérée dans sa réalité,
dans son actualisation. Le mode de l’indicatif comporte plusieurs
temps qui permettent de situer l’action dans le présent, le passé ou
le futur ; ou de présenter une action comme simplement envisagée
(le conditionnel).
L’indicatif est le mode qui contient le plus grand nombre de temps
verbaux. Les temps sont organisés de manière symétrique : à
chaque temps simple, correspond un temps composé et un temps
surcomposé.
Les formes simples expriment l’aspect inaccompli (l’action est en
cours) et les formes composées expriment l’aspect accompli (l’action
est achevée) ou l’antériorité (l’action se passe avant) par rapport à la
forme simple correspondante.

“ Pendant
que l’homme parlait, Ibn Sina avait pris les
pulsations du malade. (GILBERT SINOUÉ, Avicenne ou La
route d’Ispahan, 1989)


Temps Temps Temps
simples composés surcomposés

Présent Présent
Je trouve

Passé Passé composé Passé


J’ai trouvé surcomposé
J’ai eu trouvé

Imparfait Plus-que-parfait Plus-que-parfait


Je trouvais J’avais trouvé surcomposé
J’avais eu
trouvé

Passé simple Passé antérieur Passé antérieur


Je trouvai J’eus trouvé surcomposé
J’eus eu
trouvé

Futur Futur simple Futur antérieur Futur antérieur


Je trouverai J’aurai trouvé surcomposé
J’aurai eu
trouvé

Conditionne Conditionnel Conditionnel Conditionnel


l présent passé passé
Je trouverais J’aurais trouvé surcomposé
J’aurais eu
trouvé
Remarques
1. Le passé composé est symétrique du présent ; il concerne des actions
passées et cependant proches du présent, ou en lien avec le présent.
2. On ne traite plus le conditionnel comme un mode à part entière mais
comme un temps de l’indicatif. Le conditionnel est symétrique du futur : il
partage la même marque morphologique -r-. Il se distingue du futur en ce
qu’il envisage l’action à venir avec une forte incertitude. (› Le conditionnel)

À la différence des autres temps de l’indicatif, le futur et le


conditionnel possèdent, en plus de leur valeur temporelle, une valeur
modale, permettant au locuteur d’exprimer une attitude personnelle
par rapport à ce qu’il énonce. Par exemple, le futur présente
habituellement une action comme certaine (1), tandis que le
conditionnel renforce le sentiment d’incertitude (2) ; mais le futur
antérieur peut lui aussi marquer une incertitude sur le fait rapporté
(3).


On sera à Paris dans moins d’une heure. (MICHEL BUSSI, Un
avion sans elle, 2012) (1)

Elle serait à Rome à ce moment. (VINCENT ENGEL, La peur du


paradis, 2009) (2)

Il aura appris, bien sûr, que tu as eu hier après-midi deux


mauvais points à l’école, et c’est pourquoi il ne veut pas te
répondre. (MARCEL AYMÉ, Les contes du chat perché, 1939)
(3)


Remarques
1. Les formes surcomposées (il a eu fini) sont formées à l’aide de deux
auxiliaires. Elles expriment l’antériorité par rapport à la forme composée
correspondante. Pour cette raison, les formes surcomposées sont souvent
utilisées dans des propositions circonstancielles de temps.
Je suis qu’un pauvre paysan… J’ai 89 hectares de blé, mais le
blé, ça paie quoi ? Ça paie la semence. Le blé, ça a eu payé,
mais ça paie plus. (FERNAND RAYNAUD, Sketch, 1965)

Ainsi, j’avais ressenti un soulagement profond quand j’avais


eu fini ce livre. (AMÉLIE NOTHOMB, Le voyage d’hiver, 2009)
e
2. Les formes surcomposées sont apparues au XVII siècle. Elles sont d’un
emploi plutôt rare, tant dans l’usage littéraire que courant. C’est le passé
surcomposé qui s’emploie le plus fréquemment : il est venu combler une
lacune liée au remplacement progressif du passé simple par le passé
composé.
Quand on a eu fini de se battre, il a commencé à pleuvoir.
(RENÉ GOSCINNY, Le petit Nicolas, 1960) (Équivalent à : Quand on eut
fini de se battre, il commença à pleuvoir.)

a) Le présent
La valeur première du présent est d’indiquer que le fait a lieu au
moment même de l’énonciation (› Énonciation) :

“ Pendant que tu te lamentes, les autres


s’entraînent ! (THOMAS GUNZIG, Manuel de survie à l’usage
des incapables, 2013)


• L’intervalle temporel que représente le présent
peut être étroit ou large
re
1° Un acte de langage doit être énoncé au présent et à la 1
personne pour être suivi d’effet. L’action qu’il décrit se réalise
dans le moment même de la parole (intervalle temporel étroit)
(› Acte de langage) :


par une
Je déclare solennellement ouverte l’occupation du lycée
bande de spécimens humains uniquement avides de joie,
de musique et de fête. (BERNARD WERBER, La révolution
des fourmis, 1996)


2° Le présent exprime un fait habituel, qui se répète (l’aspect répétitif
est indiqué par un adverbe ou par un complément circonstanciel) :

“ Elle appelle sa mère tous les jours et elle n’éteint jamais la


sonnerie de son cellulaire. (DANIEL RONDEAU, J’écris parce
que je chante mal, 2010)


3° Le présent exprime un fait permanent que nous pouvons, au
moment où nous nous plaçons, regarder comme présent ; c’est le
cas des faits d’expérience (1), des définitions (2) ou des maximes
(3) :

La Terre tourne toujours dans le même sens et à la même
vitesse. (PIERRE LEMAITRE, Cadres noirs, 2010) (1)

La grammaire est l’art de parler et d’écrire


correctement. (Dictionnaire de l’Académie) (2)

Il faut se prêter à autrui et ne se donner qu’à soi-


même. (MICHEL DE MONTAIGNE, Essais, 1580) (3)


• Un énoncé au présent peut se situer dans
le passé ou dans le futur
1° Le présent est utilisé pour exprimer un fait situé dans un passé
récent ou dans un futur proche :


Mais nous ne pouvons, dans l’immédiat, développer ce
point vu qu’une actualité plus urgente nous mobilise : nous
apprenons à l’instant, en effet, la disparition tragique de
Delahaye. (JEAN ECHENOZ, Je m’en vais, 1999) (Passé
récent.)

Je pars immédiatement avec Albertine pour Paris. (MARCEL


PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922) (Futur proche.)


2° Dans une subordonnée conditionnelle introduite par si, avec un
verbe au futur dans la principale, le présent situe l’action verbale
dans le futur :


Si j’échoue, j’irai dans un couvent ! (HONORÉ DE BALZAC, Le
père Goriot, 1835)


3° Le présent exprime un fait passé qu’on présente comme s’il était
en train de se produire au moment où l’on parle : c’est le
« présent historique » employé pour donner l’impression qu’on
voit l’action se dérouler maintenant.


Entre 1914 et 1916, en pleine guerre mondiale, éclate une
nouvelle passée inaperçue sous le fracas des bombes :
Einstein annonce la fin du règne de Newton et la naissance
d’une nouvelle théorie de la gravitation universelle, baptisée
relativité générale. (JEAN D’ORMESSON, C’est une chose
étrange à la fin que le monde, 2010)


b) Le passé composé

• Valeur générale
En général, le passé composé exprime un fait passé, achevé au
moment où l’on parle (accompli), et que l’on considère comme relié
au présent. Parfois le fait a eu lieu dans une période non encore
entièrement écoulée, parfois il a une suite ou des résultats dans le
présent.


J’ai lu tous les livres d’anatomie, de biologie, de psychologie
et même d’astrologie. J’ai beaucoup lu et j’ai opté pour le
bonheur. La souffrance, le malheur de la solitude, je m’en
débarrasse dans un grand cahier. En optant pour la vie, j’ai
accepté l’aventure. (TAHAR BEN JELLOUN, L’enfant de sable,
1986)

L’épisode pathétique du capot m’a ouvert des horizons


comme la pomme tombée sur le crâne de Newton. J’ai
décidé de ne plus être quelqu’un d’autre. (FRÉDÉRIC
BEIGBEDER, Un roman français, 2009)


Remarque
En ancien français, une phrase comme j’ai lu un livre avait la valeur de « j’ai
[maintenant] un livre lu » c’est-à-dire « je suis [maintenant] dans la situation
d’avoir lu un livre ». De là vient le lien du participe passé avec le présent de
l’énonciation.

Le passé composé marque une succession d’actions dans le récit


(1). Il est souvent utilisé en contraste avec l’imparfait : le participe
passé montre un fait achevé (accompli), tandis que l’imparfait
marque un fait qui dure (inaccompli), le plus souvent au second plan
ou appartenant au décor (2).

J’ai pris mon portefeuille. J’en ai extrait une feuille de papier
pliée en huit. Je la lui ai donnée. Elle l’a dépliée avec soin et a
découvert son portrait-robot. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, Le
club des incorrigibles optimistes, 2009) (1)

Il est sorti alors que je l’attendais depuis une éternité. (ANNE


CUNEO, Le maître de Garamond, 2002) (2)


Pour marquer la succession des actions dans un récit, le passé
composé a largement remplacé le passé simple, dans le style parlé
et écrit. Albert Camus a popularisé cet emploi du passé composé
comme temps du récit roma- nesque :


C’est alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle
épais et ardent. Il m’a semblé que le ciel s’ouvrait sur toute
son étendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s’est
tendu et j’ai crispé ma main sur le revolver. La gâchette a
cédé, j’ai touché le ventre poli de la crosse et c’est là, dans le
bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a
commencé. (ALBERT CAMUS, L’étranger, 1942)


• Valeurs particulières
Dans des emplois particuliers, le passé composé exprime :
1° l’achèvement d’une action, en mettant en avant le caractère
accompli de l’action (son aspect) plutôt que sa valeur passée (sa
temporalité).


Quand le chat est parti, les souris dansent. (Proverbe)

Comme vous dites en France : quand le vin est tiré, il faut le


boire. (MATHIAS ÉNARD, Boussole, 2015)


2° un fait répété ou habituel :

“ Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à


peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que
je n’avais pas le temps de me dire : « Je
m’endors. » (MARCEL PROUST, Du côté de chez Swann,
1913)


3° un fait non accompli, mais présenté comme s’il l’était déjà (c’est la
valeur du futur antérieur) :

J’ai fini dans une seconde. (DANIEL PENNAC, Au bonheur des
ogres, 1985) (= J’aurai fini dans une seconde.)


4° un fait potentiel à venir, après si marquant l’hypothèse, le verbe
principal étant au futur :

“ Elle n’a pas pu oublier le téléphone. Si elle l’a oublié, elle


devra retourner à la maison, trouver une excuse, inventer
quelque chose. (LEÏLA SLIMANI, Dans le jardin de l’ogre,
2014)


c) L’imparfait

• Valeur générale
L’imparfait montre généralement une action en train de se dérouler
dans le passé, sans montrer le début ni la fin de cette action.
L’imparfait s’oppose au passé simple et au passé composé en ce
qu’il montre l’action non achevée (inaccomplie) et peut en exprimer
la durée :
“ Je passai de pénibles vacances. Je me traînais à travers les
châtaigneraies et je pleurais. Je me sentais absolument seule
au monde. Cette année, ma sœur m’était étrangère. J’avais
exaspéré mes parents par mon attitude agressivement
austère ; ils m’observaient avec méfiance. (SIMONE DE
BEAUVOIR, Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958)


L’imparfait permet de montrer, dans le passé, plusieurs actions se
déroulant ensemble, ou plusieurs états existant ensemble. C’est
pourquoi il convient à la description.


Le soleil tombait presque d’aplomb sur le sable et son éclat
sur la mer était insoutenable. Il n’y avait plus personne sur la
plage. Dans les cabanons qui bordaient le plateau et qui
surplombaient la mer, on entendait des bruits d’assiettes et de
couverts. On respirait à peine dans la chaleur de pierre qui
montait du sol. (ALBERT CAMUS, L’étranger, 1942)


• Valeurs temporelles particulières
Dans des emplois temporels particuliers, l’imparfait peut marquer :
1° un fait permanent ou habituel (qui se répète) dans le passé :

Entre les deux repas il s’écoulait parfois trois heures, parfois
cinq. (JACQUELINE HARPMAN, Moi qui n’ai pas connu les
hommes, 1995)

Mais ses absences permanentes, happé qu’il était par des


voyages à travers l’Europe, les angoissaient. Très vite, elles
avaient compris que les objets médicaux de tous ces
déplacements n’étaient que des prétextes. Il allait à Paris,
Milan ou Munich rencontrer des gens mystérieux dont
quelques-uns parfois débarquaient à l’improviste au manoir,
s’enfermaient des nuits entières avec lui et disparaissaient
comme ils étaient venus. (MARC BRESSANT, Un si petit
territoire, 2017)


2° un fait qui a eu lieu à un moment précis du passé :

“ Des millénaires après les pharaons, les Turcs de l’empire


ottoman avaient entrepris en 1820 la conquête depuis
l’Égypte de ce Soudan aux frontières indécises. Une
quinzaine d’années plus tard débarquaient ici les saint-
simoniens de Sorèze. (PATRICK DEVILLE, Taba-Taba, 2017)


• Valeurs modales
L’imparfait a des valeurs modales (expression d’une attitude du
locuteur), qui ne portent pas nécessairement sur une action passée.
1° L’imparfait sert à accomplir un acte de langage (requête,
demande) d’une manière atténuée, afin de ne pas offenser son
interlocuteur par un ton trop direct. (› Acte de langage)

“ Et si je suis venu à l’atelier c’est parce que je voulais vous


demander de faire un livre avec mes dessins, et vous, vous
ferez les mots. (SERGE JONCOUR, L’écrivain national, 2014)

Pailhas répondit à la deuxième sonnerie. Mathias se


présenta.
– Et alors ? fit l’autre d’un ton exaspéré. Il n’aimait pas qu’on
le dérange en plein week-end.
– Je voulais savoir si vous aviez progressé dans votre
enquête.
– Je suis chez moi, là. Avec mes enfants. (JEAN-CHRISTOPHE
GRANGÉ, Le passager, 2011)


2° L’imparfait, dans une subordonnée introduite par si traduit un fait
présent ou futur envisagé comme possible.
“ Les larmes d’Élisa redoublèrent ; elle lui dit que si sa
maîtresse le lui permettait, elle lui conterait tout son
malheur. (STENDHAL, La chartreuse de Parme, 1839)

Et chaque mercredi après-midi elle me dit : oh Jo, Jo, si je


gagnais, si je gagnais, vous n’avez pas idée de tout ce que je
ferais ! (GRÉGOIRE DELACOURT, La liste de mes envies, 2012)


d) Le passé simple
Le passé simple exprime un fait passé dont le déroulement a pris fin
(accompli) ; il ne marque aucunement le contact que ce fait, en lui-
même ou par ses conséquences, peut avoir avec le présent :

“ Les étoiles s’éteignirent. Blanquette redoubla de coups de


cornes, le loup de coups de dents… Une lueur pâle parut
dans l’horizon. Le chant d’un coq enroué monta d’une
métairie. (ALPHONSE DAUDET, Lettres de mon moulin, 1869)


Comme il montre l’action accomplie, le passé simple permet de faire
voir plusieurs actions dans leur succession et de faire apparaitre la
progression des évènements. Il convient particulièrement à la
narration de faits passés : c’est le temps typique du récit littéraire.

Eva s’était replongée dans l’étude de la carte. Elle se déplaça
le long de la grande table pour aller observer les trois cartes
géologiques correspondant aux zones que Racagnal avait
l’intention d’aller explorer. Elle revint dans le petit bureau et
s’assit devant l’ordinateur. Elle écrivit quelque chose, regarda
l’écran, décrocha son téléphone et se mit à parler anglais
avec son interlocuteur. (OLIVIER TRUC, Le dernier Lapon,
2012)


Il arrive fréquemment que, dans un récit, on interrompe le
déroulement des actions pour montrer un élément d’arrière-plan
(décor, action secondaire) ; on passe donc du passé simple à
l’imparfait.

“ Élisa proposa aux enfants d’aller chercher des noisettes le


long des haies […] ; elles acceptèrent avec empressement,
et, emportant chacune un panier, elles coururent du côté
d’une haie de noisetiers. Pendant qu’Élisa travaillait, elles
remplirent leurs paniers, puis elles se réunirent pour voir
laquelle en avait le plus. (COMTESSE DE SÉGUR, Les petites
filles modèles, 1858)


e) Le passé antérieur
Le passé antérieur est propre à la langue écrite. Il exprime un fait
passé entièrement achevé (accompli) au moment où un autre fait
passé a commencé. Le passé antérieur s’emploie presque
exclusivement dans des propositions subordonnées temporelles
(quand, lorsque, dès que, etc.) et avec un passé simple dans la
principale (parfois avec un passé composé, ou un imparfait, ou un
plus-que-parfait) :

“ Mon rein guérit. Dès que la fièvre m’eut quitté, je fus placé sur
un brancard et transporté dans un compartiment spécial à
Bordighera, en Italie, où le soleil de la Méditerranée fut
invité à me prodiguer ses soins. (ROMAIN GARY, La
promesse de l’aube, 1960) (La forme fut invité n’est pas un passé
antérieur, mais un passé simple à la forme passive.)

Il regarda le bonhomme s’éloigner et quand il l’eut perdu de


vue il s’engagea dans un sentier qui le conduisit en pleins
champs. (MAURICE LEBLANC, L’aiguille creuse, 1909)


Remarque
Le passé antérieur s’utilise parfois dans des phrases indépendantes
exprimant une action faite rapidement ; dans cet emploi, il est accompagné
d’un complément de temps : bientôt, vite, etc. :
Le révérend comprit que le terrain était bon. Huit jours plus
tard, il eut converti Judith, quinze autres plus tard, épousée.
Leur bonheur fut bref. (MARCEL AYMÉ, Le passe-muraille, 1943)

Bientôt, il l’eut mise dans un tel état, qu’elle finit, comme


d’habitude, par se déshabiller et se coucher en
pleurant. (ÉMILE ZOLA, Nana, 1880)

f) Le plus-que-parfait

• Valeur générale : achèvement et antériorité


Le plus-que-parfait exprime, comme le passé antérieur, un fait passé
qui a eu lieu avant un autre fait passé. Comme tout temps composé,
il montre ce fait comme achevé ou accompli, sans assigner de borne
temporelle de départ à l’action :
“ En fin d’après-midi, papa et maman étaient déjà installés dans
le salon de thé de notre confortable hôtel, comme deux
chats qui prennent le soleil sur le rebord d’une fenêtre.
Maman lisait et papa conversait avec les autres clients. (YANN
MARTEL, L’histoire de Pi, 2001)

Ceux qui avaient attendu de devenir fonctionnaires ne le


deviendraient pas, ceux qui avaient fait des études pour avoir
des postes ne les auraient pas. (LAURENT MAUVIGNIER,
Continuer, 2016)


La valeur d’antériorité est surtout perceptible lorsque le plus-que-
parfait est utilisé dans une proposition subordonnée décrivant une
action qui commence ou se termine avant celle de la principale.

“ Comme elle avait été reçue un mois plus tôt à son certificat
d’études, son père et sa mère lui avaient acheté un bracelet-
montre, une bague en argent et une paire de souliers à
talons hauts. (MARCEL AYMÉ, Les contes du chat perché,
1939) (La forme avait été reçue est un plus-que-parfait à la forme passive.)

Mai était restée allongée sous la couverture pendant que Yann


avait remis ses vêtements. (HOAI HUONG NGUYEN, L’ombre
douce, 2013)


• Valeurs modales
Le plus-que-parfait est utilisé avec des valeurs modales (expression
d’une attitude du locuteur).
1° Pour exprimer une demande d’une manière atténuée, polie :

“ Monsieur Dimanche – Monsieur, je suis votre serviteur.


J’étais venu…
Don Juan – Allons, vite, un siège pour monsieur
Dimanche. (MOLIÈRE, Don Juan, 1665) (Monsieur Dimanche
cherche à formuler une demande de manière polie avant d’être interrompu.)


2° Pour exprimer un fait irréel situé dans le passé, après si (le verbe
principal étant au conditionnel passé) :

“ Si j’avais pu suivre mes plans jusqu’au bout, j’aurais été en


très peu de temps l’homme le plus riche du monde : la
découverte de l’or m’a ruiné. (BLAISE CENDRARS, L’or, 1960)


g) Le futur simple

• Valeurs temporelles
Le futur simple sert, en général, à exprimer un fait à venir :
“ Tout à l’heure, après les ablutions rituelles, il sera vêtu pour
la dernière fois de blanc. Des hommes le porteront sur leur
tête sur une confortable civière en bois de cèdre et iront
l’enfouir dans la terre humide. La terre se refermera pour
l’éternité sur Sidi Mohammed ben Tahar, le coiffeur. (AHMED
SEFRIOUI, La boîte à merveilles, 1954)


Pour exprimer une action à venir, le futur simple est concurrencé par
trois autres formes (› Présent à valeur de futur proche) :
le présent de l’indicatif : j’arrive immédiatement (1) ;
l’auxiliaire aller suivi d’un verbe à l’infinitif (je vais partir),
formulation qui présente l’action comme imminente (d’où
l’appellation futur proche) (2) ;
les auxiliaires modaux pouvoir et devoir suivis d’un infinitif
présentent une action comme possible ou nécessaire ; l’action
est également envisagée dans le futur (3).

Retourne au salon, j’arrive dans deux minutes. (DAVID


FOENKINOS, Je vais mieux, 2013) (1)
Viens, nous allons partir et nous marcherons à pas lourds,
courbés sous notre précieux fardeau. Tu me donneras la main
et nous irons… (JEAN-PAUL SARTRE, Les mouches, 1947) (2)
Il doit partir et il se dit rien ne presse. (VIRGINIE DESPENTES,
Vernon Subutex 2, 2015) (3)
Dans certains récits historiques, le futur peut exprimer un fait passé,
mais postérieur aux faits exprimés au présent :

“ Il trouve une idée, et un beau titre : Chroniques du crime et


de l’innocence. Ce sera le dernier ouvrage publié de son
vivant. (PHILIPPE JAENADA, La serpe, 2017)


• Valeurs modales
Lorsqu’il exprime une valeur modale et non plus temporelle, le futur
simple peut marquer :
1° une promesse ou une menace que le locuteur fait en utilisant la
1re personne :

“ Et le Seigneur lui a dit : « J’augmenterai la souffrance de tes


grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs te
porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi. » (JEAN-
BAPTISTE DEL AMO, Règne animal, 2016)


2° un ordre, un souhait ou une injonction, dont on veut atténuer le
caractère impératif (› L’impératif) :

Les travaux ne sont pas encore complètement terminés et
je vous prierai d’excuser la gêne occasionnée par ces
retards. (BERNARD WERBER, La révolution des fourmis,
1996)

À huit heures je vous rendrai votre liberté, et vous reviendrez


à dix souper avec le bel objet. (CHODERLOS DE LACLOS, Les
liaisons dangereuses, 1782)

Du porc à l’ananas – les dés de lard fumé revenus à la


poêle, l’échine grésillant dans l’huile, mélangée au riz
créole, parsemée de thym, de laurier, de girofle, sur laquelle
vous verserez une tasse de jus d’ananas frais. (YANN MOIX,
Naissance, 2013)


h) Le futur antérieur

• Valeur temporelle
Le futur antérieur exprime un fait qui sera accompli dans un moment
à venir, parfois précisé par un repère temporel (une date).
“ Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas
morte. Après l’enterrement, au contraire, ce sera une affaire
classée et tout aura revêtu une allure plus officielle. (ALBERT
CAMUS, L’étranger, 1942)


Le futur antérieur peut également marquer qu’un fait sera accompli
avant un autre fait (antériorité), tous les deux situés dans l’avenir.

“ Quand ils auront envahi nos villages, ils pourront avancer sur
la grande ville. Ils tueront nos femmes. (LARRY TREMBLAY,
L’orangeraie, 2013)


Dans un emploi modal (expression d’une attitude du locuteur), le
futur antérieur peut exprimer un fait passé que l’on présente comme
possible ou probable. Cet emploi sert à marquer la supposition ou
diverses nuances affectives :
“ Il aura cru voir en moi une âme basse, il aura pensé que je ne
répondais pas à son salut parce qu’il est prisonnier et moi
fille du gouverneur. (STENDHAL, La chartreuse de Parme,
1839)

Mais elle reste sans bouger, elle aura marché vers son fils et
lui n’est pas là, elle va abandonner, elle ne le trouvera pas,
maintenant elle le sait. (LAURENT MAUVIGNIER, Continuer,
2016)


i) Le conditionnel présent
Le conditionnel a une valeur modale et une valeur temporelle.

• Valeur modale
Dans sa valeur modale, le conditionnel envisage une action verbale
avec une forte incertitude. Il peut marquer :
1° un fait futur dont l’accomplissement dépend d’une condition
présentée comme possible (sens « potentiel ») :


Si j’étais sûre que vous soyez tous deux bien sages [et cela
sera peut-être, mais je n’en sais rien], dit Mme de Réan, je
vous permettrais d’aller seuls. (COMTESSE DE SÉGUR, Les
malheurs de Sophie, 1858)


2° un fait présent soumis à une condition non réalisée (sens
« irréel ») :

“ Si j’étais femme [mais cela n’est pas] je ne vous enverrais


pas cette lettre. (ALBERT COHEN, Belle du Seigneur, 1968)


Remarque
Le conditionnel se trouve aussi dans deux phrases juxtaposées, la première
exprimant la condition ; il s’agit d’un phénomène de parataxe. (› Parataxe)
Je serais vous, les gars, je ferais gaffe. (EMMANUEL CARRÈRE,
Limonov, 2011)

Le conditionnel n’exprime pas toujours un fait soumis à une


condition. Il s’emploie encore :
1° pour atténuer une affirmation dont l’énonciateur n’est pas sûr
qu’elle soit vraie :

“ Elle serait à Rome à ce moment. (V INCENT ENGEL, La peur du


paradis, 2009)


2° pour atténuer l’expression d’un souhait ou d’une volonté :
“ Je voudrais bien y aller moi aussi, repeindre la ville en rouge,
il l’a compris. (CATHERINE POULAIN, Le grand marin, 2016)

Voudriez-vous boire un verre un soir de la semaine


prochaine pour que nous en discutions ? (CATHERINE CUSSET,
Indigo, 2013)


• Valeur temporelle
Le conditionnel présent (autrefois appelé futur du passé) exprime un
fait futur par rapport à un moment du passé. Il est utilisé dans des
propositions subordonnées, selon les règles de concordance des
temps (› La concordance des temps) :

“ Ludovic connaissait à Bologne deux ou trois domestiques de


grandes maisons ; il fut convenu qu’il irait prendre langue
auprès d’eux. (STENDHAL, La chartreuse de Parme, 1839)

Vassili sortit un croûton de sa poche et lui fit comprendre


qu’il cacherait du pain sous les tuiles. (FRÉDÉRIC VERGER, Les
rêveuses, 2017)


• Valeur modale
Comme le conditionnel présent, le conditionnel passé marque une
action verbale qui ne s’est pas réalisée (1) ; cette action est parfois
assortie d’une condition (proposition conditionnelle ou hypothétique)
qui, elle non plus, ne s’est pas réalisée (sens « irréel ») (2,3).

“ J’aurais aimé vadrouiller de sexe en sexe, mais force me fut


de me décider à rechercher un endroit où on me donnerait
du boulot. (LOUIS-FERDINAND CÉLINE, Voyage au bout de la
nuit, 1952) (1)

« Si j’avais dû mourir [mais cela n’a pas été], j’aurais aimé


vous dire adieu. » Et je donnai libre cours aux larmes que
ma fiction rendait naturelles. (MARCEL PROUST, Sodome et
Gomorrhe, 1922) (2)

Si j’étais Dieu [et cela n’est pas], je me serais atomisé en des


milliards de facettes pour me tenir dans le cristal de glace,
l’aiguille du cèdre, la sueur des femmes, l’écaille de l’omble
et les yeux du lynx. (SYLVAIN TESSON, Dans les forêts de
Sibérie, 2011) (Le conditionnel passé marque l’aspect accompli de l’action
verbale, et pas l’antériorité.) (3)


Dans ses autres emplois, le conditionnel passé est utilisé :
1° pour atténuer une affirmation concernant un fait du passé dont
l’énonciateur n’est pas sûr qu’il soit vrai :
“ Rainer Maria Rilke (1875-1926), écrivain autrichien. Il serait
mortà la suite d’une piqûre de rose. (JEAN-LOUIS FOURNIER,
Ma mère du Nord, 2015)


2° pour atténuer l’expression d’un souhait ou d’une volonté, de
manière plus marquée qu’avec le conditionnel présent :

“– Vous travaillez ? demanda doucement Pastor, j’aurais


voulu vous prendre un peu de votre temps. (DANIEL PENNAC,
La fée carabine, 1987)


• Valeur temporelle
Le conditionnel passé permet de transposer le futur simple après un
verbe principal au passé. Cette valeur temporelle est souvent
assortie de la valeur modale du conditionnel.
“ Voltaire en avait envoyé le manuscrit à la duchesse de La
Vallière, qui lui fit répondre qu’il aurait pu se passer d’y
mettre tant d’indécences, et qu’un écrivain tel que lui n’avait
pas besoin d’avoir recours à cette ressource pour se
procurer des lecteurs. (VOLTAIRE, Candide, Préface de
l’éditeur, 1759)


Remarque
Le subjonctif plus-que-parfait peut avoir le sens du conditionnel passé :
Dante eût cru voir les sept cercles de l’enfer en
marche. (VICTOR HUGO, Les misérables, 1862) (Avec la valeur
modale de aurait cru.)

On eût cru une coquette détaillant sa garde-robe bien


pourvue et prête à conclure qu’elle n’a rien à se
mettre. (AMÉLIE NOTHOMB, Le fait du prince, 2008) (Avec la valeur
modale de aurait crû.)

2. Le subjonctif
Le subjonctif exprime, en général, un fait envisagé dans la pensée,
avec une attitude particulière du locuteur (le souhait que quelque
chose se passe, le regret que quelque chose se soit passé, etc.).
L’action verbale peut être réelle (1) ou non (2).
“ Il regrettait que son mouvement d’humeur lui ait
échappé. (ALEXIS JENNI, La nuit de Walenhammes, 2015) (1)

Il est impossible qu’on me fasse grâce. (VICTOR HUGO, Le


dernier jour d’un condamné, 1829) (2)


Il existe quatre temps du subjonctif en français. Dans le style parlé
comme à l’écrit, on emploie principalement le subjonctif présent et le
passé. L’imparfait et le plus-que-parfait, employés couramment en
français classique (au XVIIe siècle), sont aujourd’hui réservés à
l’usage littéraire ou recherché.

Présent
Temps que je trouve
simples Imparfait
que je trouvasse

Passé
Temps que j’aie trouvé
composés Plus-que-parfait
que j’eusse trouvé

Le subjonctif se trouve le plus souvent dans des propositions


subordonnées, mais il s’emploie aussi dans des propositions
indépendantes ou principales.
a) Le subjonctif dans des propositions
indépendantes

• Valeurs modales
Le subjonctif, dans une proposition indépendante, peut exprimer :
1° un ordre ou une interdiction (en phrase négative) ; le subjonctif
est utilisé à la 3e personne et est introduit par que :

“ Je ne veux plus d’elle ! Qu’elle reste sur son siège ! (A


LBERT
COHEN, Belle du Seigneur, 1968)

Qu’onnous donne du vin, j’en peux plus. (MARCEL AYMÉ, Le


passe-muraille, 1943)


2° un souhait (avec ou sans que) :

“ Voilà une terrible tête de femme ! Dieu me garde d’en


rencontrer une pareille. (DENIS DIDEROT, Jacques le fataliste
et son maître, 1796)

Dieu vous bénisse, que tout aille pour le mieux. (ADRIEN BOSC,
Constellation, 2004)


3° hypothèse : dans deux propositions juxtaposées, la première au
subjonctif et introduite par que équivaut à une subordonnée
hypothétique introduite par si ;

“ Qu’il vive ou périsse, c’est la dernière fois qu’elle le voit.


(LAURENT GAUDÉ, Pour seul cortège, 2013)


Remarque
La conjonction que introduisant les propositions indépendantes au subjonctif
est une marque du subjonctif ; elle ne porte pas de sens.

• Formes verbales figées dans leur emploi


au subjonctif
Plusieurs expressions verbales au subjonctif se sont figées, dans
leur forme et dans leur sens. La conséquence est que ces verbes ne
varient plus nécessairement en nombre, et qu’ils s’emploient de
manière limitée. (› Figement)
1° Le subjonctif du verbe savoir (sache) permet d’atténuer une
affirmation dans les expressions que je sache, qu’on sache, que nous
sachions (en phrase négative), que tu saches, que vous sachiez (en
phrase interrogative, sans négation) ; l’expression signifie « à ma
connaissance » :
“ Que je sache il n’y avait pas de crypte dans le château de
Hammer. (MATHIAS ÉNARD, Boussole, 2015)

La Loire ne fait pas de crochets par Shanghai, que je sache !


(KATHERINE PANCOL, La valse lente des tortues, 2008)

Vous n’êtes pas enfermée dans une cage que je


sache ? (ANNA GAVALDA, Ensemble, c’est tout, 2010)


2° Le subjonctif du verbe vivre (vive) est utilisé dans les expressions
exclamatives Vive la vie ! Vive les vacances ! ou Vivent les vacances !
Le verbe devient un marqueur d’exclamation et ne varie plus, ce
qui explique que la forme au singulier puisse introduire un groupe
nominal pluriel. L’usage accepte les deux formes vive et vivent
devant un nom pluriel.

“ Vivent donc les enterrements ! (A LBERT CAMUS, La chute,


1956)

les communistes ! Vive l’armée ! (BOUALEM SANSAL, Rue


Vive
Darwin, 2011)

– Vive toi ! – Vive moi, ça me va. (MICHEL ROSTAIN, Jules,


etc., 2015)


3° Le subjonctif présent du verbe être (la forme soit, avec le sens
« supposons que cette chose soit ») est utilisé pour introduire les
éléments d’un problème (1), l’explication de ce qui vient d’être dit
(2), les protagonistes d’une histoire (3), etc. Son caractère figé
explique que la forme au singulier soit la seule utilisée.

“ Soit M le point de l’espace occupé à l’instant […] par ce


corps A ; soit M’ le point de l’espace occupé à l’instant […]
par le corps B. (HENRI POINCARÉ, La valeur de la science,
1905) (1)

Plus rien ne sera jamais plus comme avant. Près de cent


mille emplois vont être supprimés dans la City. Soit un quart
des effectifs. (KATHERINE PANCOL, Les écureuils de Central
Park sont tristes le lundi, 2010) (2) (Dans cet emploi, soit est figé
avec le sens de « c’est-à-dire » et il fonctionne comme une conjonction.)

Soit un lapin terrorisé courant au point du jour à toute allure


sur une vaste surface plane herbeuse. Soit un furet nommé
Winston qui poursuit ce lapin. Celui-ci, apercevant non loin
le seuil de son terrier, s’imagine, l’innocent, qu’il est tiré
d’affaire et que là est son salut. Mais à peine s’est-il
engouffré, se ruant pour s’y réfugier tout au fond, que le
furet lancé à ses trousses le rejoint dans cette impasse, le
saisit à la carotide et le saigne dans l’obscurité. (JEAN
ECHENOZ, Je m’en vais, 1999) (3) (› La phrase complexe)


b) Le subjonctif dans les propositions
subordonnées
C’est principalement dans les propositions subordonnées que le
14
subjonctif est utilisé . (› La concordance des temps )

• Le subjonctif dans les propositions conjonctives


essentielles
Dans les propositions conjonctives essentielles (ou propositions
complétives), le subjonctif s’emploie (› Prop. sub. conjonctive sujet) :
1° dans une subordonnée sujet introduite par que et placée en tête
de phrase :

“ Que j’aie appris une langue étrangère en classe, sans aller


dans le pays, le laissait incrédule. (ANNIE ERNAUX, La place,
1983)


2° dans une proposition subordonnée complément d’un verbe de
forme impersonnelle marquant (› Prop. sub. séquence de
l’impersonnel) :
la nécessité, la possibilité, le doute, l’obligation ou une dimension
subjective (crainte, contentement, etc.) :
“ Il faut que Joseph me tienne la main ! (M ARCEL PAGNOL, La
gloire de mon père, 1957)


la certitude ou la vraisemblance dans une phrase négative,
interrogative ou au conditionnel.

“ Il n’est pas certain que cela se soit passé dans cet


ordre. (SERGE BRAMLY, Le premier principe, le second
principe, 2008)


3° dans une proposition subordonnée complément de verbes
d’opinion, de déclaration ou de perception, dans une phrase
négative, interrogative ou au conditionnel :

“ Tout allait, tout convenait et lui-même ne pensait pas que son


corps pût plaire ou déplaire. (MARIE NDIAYE, Ladivine, 2014)
(› Prop. sub. complément du verbe)


4° dans une proposition subordonnée complément de verbes
exprimant la volonté, le doute ou un sentiment du locuteur :
“ Solange craignait que la victoire ne soit trop aisée. (A DELAÏDE
DE CLERMONT-TONNERRE, Fourrure, 2010)


5° dans une proposition subordonnée complément d’objet direct du
verbe, introduite par que et mise en tête de la phrase avant la
principale :

“ Que Pierre soit tombé de haut, qu’il ait pâli sous le choc et se
soit soudain senti mal ou qu’il ait pris cette imposture pour
une coquetterie de femme pauvre et qui veut se grandir,
qu’il en ait souri en hochant la tête, nul n’en saura jamais rien.
(GUY GOFFETTE, Elle, par bonheur, et toujours nue, 1998)
(› Prop. sub. attribut)


6° dans une proposition subordonnée attribut, complément du nom
ou complément de l’adjectif, si elle exprime un fait envisagé dans
la pensée.
“ Aujourd’hui, son unique désir serait que sa femme sache
combien son amour est intact. (LÉONORA MIANO, La saison
de l’ombre, 2013) (La proposition subordonnée est attribut du sujet.)
(› Prop. sub. complément du nom ou de l’adjectif)


• Le subjonctif dans les propositions
subordonnées relatives
Le subjonctif s’emploie dans la subordonnée relative complément du
nom ou du pronom (› Prop. sub. relatives) :
1° marquant un but à atteindre, une conséquence ;

“ Je tente un signe des yeux, un mot, un truc, n’importe quoi


qui fasse réapparaître la minette. (MICHEL ROSTAIN, Jules,
etc., 2015)


2° ayant un antécédent accompagné d’un superlatif relatif ou de le
seul, l’unique, etc. ;
“ Elle est la seule femme qui ait trouvé la patience de m’aimer
et de me ramener à la vie. (KAMEL DAOUD, Meursault,
contre-enquête, 2014)


3° dépendant d’une proposition principale négative, interrogative ou
conditionnelle, si la proposition subordonnée relative exprime un
fait envisagé simplement dans la pensée.

“ Comment ça se fait qu’un mec comme lui n’a pas trouvé de


meuf qui prenne soin de lui ? (VIRGINIE DESPENTES, Vernon
Subutex 1, 2015)


• Le subjonctif dans les propositions
subordonnées circonstancielles
Le subjonctif s’emploie dans les propositions circonstancielles :
1° marquant le temps et introduites par avant que, en attendant que,
jusqu’à ce que ; (› Prop. sub. de temps)

“ Je voudrais vous dessiner jusqu’à ce que je vous connaisse


par cœur. (ANNA GAVALDA, Ensemble, c’est tout, 2010)


2° marquant une cause qu’on rejette, introduites par non que, non
pas que, ce n’est pas que ;

“ Puisque Lucile tenait le choc, s’armait, résistait, il nous fut


possible de nous disputer avec elle, de lui signifier nos
désaccords, d’élever la voix. Non que nous l’ayons épargnée
lorsqu’elle était dans le silence, mais nos révoltes, alors,
étaient plus sourdes, étouffées. (DELPHINE DE VIGAN, Rien ne
s’oppose à la nuit, 2011)


3° marquant le but ; (› Prop. sub. de but)

“ Mais il n’est pas mort et il rentre au village en février 1919


afin que Marcel puisse voir le jour. (JÉRÔME FERRARI, Le
sermon sur la chute de Rome, 2012)


4° marquant la conséquence après une proposition principale
négative ou interrogative, ou après assez pour que, trop pour que,
trop peu pour que, suffisamment pour que, sans que, ou encore
quand la subordonnée exprime un fait qui est à la fois une
conséquence et un but à atteindre ; (› Prop. sub. de
conséquence)
“ Nous étions tout simplement trop nombreux pour que maman
puissemontrer son attachement à chacun de nous. (FAWZIA
ZOUARI, Le corps de ma mère, 2016)


5° marquant la condition (ou la supposition) et introduites par une
locution conjonctive composée à l’aide de que (en admettant que,
supposé que, pourvu que, etc.) ; (› Prop. sub. conditionnelles)

“ En admettant que l’éléphant employât quinze heures à se


rendre à Allahabad, c’était six cents livres (15 000 F) qu’il
rapporterait à son propriétaire. (JULES VERNES, Le tour du
monde en 80 jours, 1872)


Remarque
Le subjonctif a été utilisé couramment dans les propositions conditionnelles,
e
y compris avec si, jusqu’au XVI siècle. Il a ensuite été remplacé par l’indicatif
(dans la subordonnée) et par le conditionnel (dans la proposition principale).
On trouve encore dans la langue classique ou recherchée l’usage du
subjonctif pour marquer une action verbale fictive (irréelle) dans le passé.
Eût-il vécu, mon père se fût couché sur moi de tout son long
et m’eût écrasé. (JEAN-PAUL SARTRE, Les mots, 1964) (Dans la
langue courante : S’il avait vécu, mon père se serait couché
sur moi de tout son long et m’aurait écrasé.)
6° marquant la concession (ou l’opposition) (› Prop. sub. de
concession) :

“ Pour la première fois, je me sens en totale confiance, bien


que je ne sois pas seule. (MURIEL BARBERY, L’élégance du
hérisson, 2006)


3. L’impératif

• Valeur modale
L’impératif est, d’une façon générale, le mode de l’injonction ; c’est
sa valeur modale. Il permet au locuteur d’exprimer un ordre (1), un
encouragement (2) ou de demander une faveur (3). À la forme
négative (4), l’impératif marque une interdiction :

“ Disparais et ne laisse jamais savoir un mot de ce que tu as


entendu. (JEAN-CHRISTOPHE RUFIN, Rouge Brésil, 2011) (1,4)

Soyezà la hauteur, et tenez-moi au courant. (DIDIER VAN


CAUWELAERT, Le retour de Jules, 2017) (2,1)

Ayez de l’indulgence, c’est le plus beau caractère de


l’amitié. (CHODERLOS DE LACLOS, Les liaisons dangereuses,
1782) (3)


e
L’impératif se conjugue principalement à la 2 personne, du singulier
ou du pluriel, ce qui s’explique par le fait qu’il est énoncé pour agir
sur le comportement du destinataire. À la 1re personne du pluriel,
l’impératif exprime une injonction qui concerne également le
locuteur :

“ Viens. Peut-être que Soulayed va revenir demain. Allons


dormir. (LARRY TREMBLAY, L’orangeraie, 2013)


• Valeurs particulières
Dans des emplois particuliers, l’impératif peut exprimer :
1° une demande polie si on utilise l’impératif du verbe modal
vouloir suivi d’un infinitif :

“ Veuillez excuser ma tenue : j’étais en train de faire un peu de


yoga. (BERNARD MINIER, Glacé, 2011)


2° la supposition : dans deux phrases juxtaposées, la première
phrase à l’impératif est équivalente à une subordonnée
conditionnelle introduite par si.
“ Ôtez leurs grands pieds, leurs godillots de plomb aux
figurines d’Alberto Giacometti, ce n’est plus rien. (Texte dit
par FRANCIS PONGE dans le film de LUC GODEVAIS, À propos
de Giacometti, 1970) (Si vous ôtez leurs grands pieds…)


Remarque
Certaines formes à l’impératif, comme voyons ou allez, se sont figées. Elles
n’expriment plus un ordre mais sont utilisées comme des marques de la
subjectivité (du locuteur) ou de l’intersubjectivité (sa relation à l’interlocuteur).
Dans cet usage, l’impératif est détaché du reste de la phrase par une virgule
et il fonctionne comme un marqueur (ou connecteur) de discours.
(› Connecteur de discours)
Allons, allons, faites votre droit, et n’en parlons plus. (GUY
GOFFETTE, Elle, par bonheur, et toujours nue, 1998)

Allez, on arrête de se prendre la tête, je fais ma valise et je te


laisse l’appart. (DIDIER VAN CAUWELAERT, Attirances, 2005)

Voyons, il est maintenant quatre heures cinquante. (ALBERT


COHEN, Belle du Seigneur, 1968)

L’impératif passé est d’un emploi restreint ; il indique qu’un fait


devra être accompli à tel moment du futur : Soyez arrivés pour
dimanche.

4. L’infinitif
L’infinitif est un mode non personnel : il ne varie ni en personne ni en
nombre. Il exprime simplement l’idée de l’action, sans faire connaitre
si l’action est réelle ou non. On distingue l’infinitif présent (croire,
naitre) et l’infinitif passé, moins usité (avoir cru, être né). (› Proposition
infinitive)
L’infinitif est utilisé comme verbe dans la proposition infinitive, où il
sélectionne un sujet et appelle un ou plusieurs compléments (1) ; il
peut aussi, en gardant un sens verbal, être employé dans les
fonctions ordinairement remplies par le groupe nominal, sans
nécessairement être précédé d’un déterminant (2) ; enfin, lorsque
l’infinitif est substantivé, il est précédé d’un déterminant et devient un
nom (3,4).

“ Jean Garnier a vu Camille revenir dans le bureau. (P IERRE


LEMAITRE, Rosy & John, 2014) (1)

Il importe d’engranger au fond de soi la lumière qui


disparaîtra bientôt, et puis de savourer, quand le vent tombe,
la timide tiédeur de l’air. (ÉRIC FAYE, Somnambule dans
Istanbul, 2013) (2)

La forme prend plus d’importance que le fond, le paraître


prend le pas sur l’être. (BERNARD WERBER, La révolution des
fourmis, 1996) (3)

Un laquais lui servait le boire et le manger sans le voir ni lui


adresser la parole. (JEAN-CHRISTOPHE RUFIN, Rouge Brésil,
2011) (4)


• Emploi verbal de l’infinitif
C’est surtout dans la proposition infinitive et dans la proposition
subordonnée interrogative indirecte que l’infinitif s’emploie comme
verbe.
L’infinitif se trouve aussi avec la valeur d’une forme personnelle dans
certaines phrases indépendantes.
1° L’infinitif d’interrogation, dont le sujet non exprimé peut être le
locuteur ou un sujet indéfini :

“ Où aller et que devenir, à travers ce pays affamé par le


chômage ? (ÉMILE ZOLA, Germinal, 1885)

Que faire quand tout manque ? (NICOLAS BOUVIER, L’usage


du monde, 1963)


2° L’infinitif exclamatif, qui exprime un sentiment vif, peut avoir un
sujet exprimé par un pronom personnel tonique (moi, vous) ou se
construire sans sujet :
“ Vous, la présidente Tourvel ! mais quel ridicule
avoir
caprice ! (CHODERLOS DE LACLOS, Les liaisons
dangereuses, 1782)

Moi, reprendre cette bague, après qu’elle a passé par les


mains de l’infâme ! (ALEXANDRE DUMAS, Les trois
mousquetaires, 1844)


3° Dans une narration, l’infinitif permet d’enchainer sur les propos
d’un personnage pour décrire ses actions. On parle d’un « infinitif
de narration », qui fait progresser le récit. Cet infinitif a un sujet
propre, qui est donné par le contexte ; il est introduit par de et est
souvent précédé de et pour faire le lien avec ce qui précède :


Mazet : On est là. Et de redescendre donner la main aux
pompiers qui s’activent autour de l’éruption. (DANIEL PENNAC,
Monsieur Malaussène, 1995)

Il vous aime pas beaucoup. Non, je ne crois pas. Et de


raconter alors comment il était arrivé tout à l’heure, juste
après l’épisode de la broche. (LAURENT MAUVIGNIER, Des
hommes, 2009)


4° L’infinitif impératif permet d’exprimer un ordre ; il remplace
l’impératif pour exprimer une injonction très générale (ne pas se
pencher, ne pas entrer), dans un proverbe (1) ou dans une liste
d’instructions (2) ; il peut aussi exprimer une injonction que le
locuteur s’adresse à lui-même (3).

“ Bien faire et laisser dire. (Proverbe) (1)


Pour faire le portrait d’un oiseau
Peindre d’abord une cage
avec une porte ouverte
peindre ensuite
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d’utile
pour l’oiseau
Placer ensuite la toile contre un arbre (JACQUES PRÉVERT,
Pour faire le portrait d’un oiseau, 1945) (2)

Lorsque le taxi s’arrêtera devant l’hôtel, ne pas entrer tout de


suite, se promener sur le trottoir d’en face, guetter. (ALBERT
COHEN, Belle du Seigneur, 1968) (3)


Remarque
Hors de ces emplois, la phrase se construit avec un verbe conjugué en
personne et en nombre, qui s’accorde avec le sujet. Les emplois où ce n’est
pas le cas ne sont pas admis par l’usage : ils permettent à un auteur de faire
sentir que le locuteur a une maitrise imparfaite des règles grammaticales.
Quand lama fâché lui toujours faire ainsi. (HERGÉ, Tintin et le
temple du soleil, 1969)

Le Chinois ne décolérait pas. « Moi, rien à faire ! Vous, partir


tout de suite ! » (PASCAL MANOUKIAN, Les échoués, 2015) (La
première phrase de cet exemple est une phrase non verbale :
à faire est complément du pronom indéfini rien.) (› Phrase non
verbale)

• L’infinitif précédé d’un auxiliaire modal


Utilisé avec un auxiliaire, l’infinitif reste le verbe principal de la
phrase, celui qui appelle les compléments et sélectionne le sujet.
L’auxiliaire peut marquer ː (› Verbe auxiliaire)
l’aspect (commencement, imminence ou achèvement de l’action
verbale) ;
“ J’avais déjà commencé à manger lorsqu’il est entré une bizarre
petite femme qui m’a demandé si elle pouvait s’asseoir à
ma table. (ALBERT CAMUS, L’étranger, 1942)

Luca allait arriver, ils allaient se battre et elle ne pourrait rien


faire. (KATHERINE PANCOL, La valse lente des tortues, 2008)

Il termina de brosser le cheval, noua sa longe et se fit


entreprenant. (JEAN-BAPTISTE DEL AMO, Une éducation
libertine, 2008)


la modalité avec devoir (obligation ou probabilité) ou pouvoir
(possibilité, permission) ;

“ S’il n’est pas là à 10h05, elle devra partir. (P HILIPPE JAENADA,


Sulak, 2013) (Obligation.)

Il avait dû se passer beaucoup de temps. (CHARLES-FERDINAND


RAMUZ, La grande peur dans la montagne, 1926) (Probabilité.)

À Kaboul, pour la première fois, il put dormir


tranquille. (NICOLAS BOUVIER, L’usage du monde, 1963)
(Possibilité.)


l’aspect causatif (ou factitif), ce qui cause l’action verbale.
“ Il bouscula alors une jeune femme et fit tomber son
livre. (DAVID FOENKINOS, Les souvenirs, 2013)


Deux auxiliaires, y compris être et avoir utilisés comme auxiliaires
temporels, peuvent se combiner devant un infinitif :

“ Face à elles deux, Olivier va bien devoir être clair. (NELLY


ALARD, Moment d’un couple, 2013)

Un matin, elle s’était levée et avait pu décider de ne pas


pleurer. (VIRGINIE DESPENTES, Vernon Subutex 1, 2015)


• Emploi nominal de l’infinitif
L’infinitif peut remplir toutes les fonctions du groupe nominal. Il
conserve en partie sa valeur verbale, car il peut avoir des
compléments, mais remplit les mêmes fonctions syntaxiques qu’un
groupe nominal :
e
1° sujet : le verbe principal s’accorde à la 3 personne ;
“ Verser son sang est aussi admirable que verser sa sueur est
innommable. (AMÉLIE NOTHOMB, Stupeur et tremblements,
1999)

Vivre et mourir se confondaient ici. (BOUALEM SANSAL, Le


village de l’Allemand ou Le journal des frères Schiller,
2008)


2° séquence d’une construction ou d’un verbe impersonnel ;

“ Je devine la réponse, mais il faut vérifier. (MICHEL ROSTAIN,


Jules, etc., 2015)


3° attribut du sujet ;

“ Mais la naissance, ce n’est pas naître, et la mort, ce n’est


pas mourir. On naît et on meurt à chaque instant de la
vie. (YANN MOIX, Naissance, 2013)


4° complément d’objet direct ou indirect ; (› Proposition subordonnée
infinitive)
“ Il renonce à avancer et se laisse tomber sur un
banc. (CATHERINE POULAIN, Le grand marin, 2016)


5° complément circonstanciel introduit par une préposition ;

“ J’ai déjà posé le pied dans le caniveau pour aller y voir, mais
un long hurlement de femme me saisit le sang comme une
flamme de chalumeau. (DANIEL PENNAC, La fée carabine,
1987)

Avant de partir,un gamin lui remit un pain noir et une


enveloppe. (TAHAR BEN JELLOUN, L’enfant de sable, 1986)


6° construction détachée ou en apposition (› Phrase avec
détachement) ;

“ Promettre, ce n’est pas suffisant. Jure sur ton établi. « Moi,


de jurer,ça ne me gêne guère : ces choses-là, je n’y crois
pas. » (MARCEL PAGNOL, Manon des sources, 1963)


7° complément du nom ou de l’adjectif.
“ Ils imitaient James Dean, la fureur de vivre, le mal du gringo,
il ne leur manquait que d’aller en Californie pour être des
Californiens. (BOUALEM SANSAL, Rue Darwin, 2011)

Elle avait retrouvé son attitude du début. Prête à affronter le


monde. (JEAN-CHRISTOPHE GRANGÉ, Le passager, 2011)


5. Le participe
Le participe est un mode impersonnel du verbe, comme l’infinitif. Il
fonctionne à la fois comme un verbe, qui peut avoir un sujet et des
compléments, et comme un adjectif, qui peut compléter un nom ou
être attribut du sujet, et s’accorder en genre et en nombre. On
distingue le participe présent (riant) et le participe passé (ri, ayant ri).
(› Accord du participe)

“ Riant et chantant, il s’accroupit en boule sur le sol, puis bondit


en levant les bras, retomba, projeta sa jambe gauche vers
le ciel, tournoya, accompagné par les gambades
d’Anda. (MICHEL TOURNIER, Vendredi ou La vie sauvage,
1971)


a) Le participe présent et l’adjectif
verbal
Le participe présent est employé tantôt comme forme verbale (1)
tantôt comme adjectif (2).

“ La chaîne avait déraillé. Il la remit en place sans se


préoccuper de la graisse salissant sa main. (CATHERINE
CUSSET, Indigo, 2013) (1)

La lecture des journaux est une activité salissante. (SERGE


BRAMLY, Le premier principe, le second principe, 2008) (2)


• Distinguer le participe présent de l’adjectif verbal
Quatre propriétés distinguent le participe présent, employé comme
verbe, de l’adjectif verbal, employé comme adjectif.
Participe présent Adjectif verbal

Invariable (les yeux scrutant Varie en genre et en nombre


l’obscurité). (une chaleur étouffante).

Parfois précédé de en (par ex. Certains adjectifs verbaux ont


en vivant, en écrivant), dans la une graphie différente du
forme qu’on appelait autrefois le participe présent correspondant
gérondif. (adj. excellent vs part. prés.
excellant).

En tant que verbe, il peut avoir En tant qu’adjectif, il est épithète


un sujet exprimé et des du nom (une situation
compléments (ex. la main épuisante) ou attribut (le passé
caressant sa barbe). est épuisant) ; il peut avoir un
complément de l’adjectif (un
sujet étourdissant de
profondeur et d’originalité).

Envisage l’action en cours de Exprime un état (l’aube


déroulement (aspect inaccompli, naissante) ou une propriété
en train de se faire) (en (une bière pétillante).
courant).

Tous les verbes (sauf les verbes impersonnels : *pleuvant, *fallant)


ont un participe présent, alors que certains verbes n’ont pas
d’adjectif verbal qui leur corresponde (*rangeante, *habillante).

• Le participe présent (forme verbale)


Comme forme verbale, le participe présent exprime une action en
train de s’accomplir au même moment que l’action exprimée par le
verbe qu’il accompagne. Il marque donc une action présente (1) ou
passée (2,3), voire même simplement envisagée dans le futur (4) :

“ Elle le voit errant d’une rue à l’autre, rebroussant chemin


lorsqu’il y a trop d’eau, sautant sur le capot d’une voiture
pour rire. (LAURENT GAUDÉ, Ouragan, 2013) (1)

Elle l’a vu domptant un lion, galopant à cheval, surmontant les


canons. (VÉRONIQUE OLMI, Bakhita, 2017) (2)

Cependant, Delphine regardait le loup qui s’en allait clochant


sur trois pattes, transi par le froid et par le chagrin. (MARCEL
AYMÉ, Les contes du chat perché, 1939) (3)

Elle se voyait vivant à Paris, continuant à donner à ses fils


cette éducation qui faisait l’admiration de tout le
monde. (STENDHAL, Le rouge et le noir, 1830) (4)


Remarque
Il existe une construction particulière du participe présent : il s’agit du verbe
aller suivi de la forme en -ant précédée (1) ou non (2) de la préposition en.
Ce tour sert à marquer la continuité, la progression de l’action :
Il n’empêche qu’un certain malaise était attaché à ces
cavernes artificielles, malaise qui allait augmentant à mesure
que je m’enfonçais plus avant sous la roche. (SIMON LIBERATI,
Les rameaux noirs, 2017) (1)

Nous trouvâmes les mêmes choses, y compris les bottes qui


venaient bien à point car l’état des sandales allait en
empirant. (JACQUELINE HARPMAN, Moi qui n’ai pas connu les
hommes, 1995) (2)

Le participe présent exprime une action délimitée dans la durée,


simplement passagère ; il fonctionne comme un verbe. Il a toujours
le sens actif :

“ Il y avait tant de gens parlant des langues différentes et même


jouant de la musique. (CATHERINE CUSSET, Un brillant avenir,
2011) (= Qui parlaient des langues différentes et même qui jouaient de la
musique.)


Le participe présent est invariable, il ne s’accorde pas avec le nom
qui lui sert de sujet :
“ Ainsi que le voulait la coutume, les trompettes annonçant le
début de la bataille sonnèrent au-dessus de la
plaine. (GILBERT SINOUÉ, Avicenne ou La route d’Ispahan,
1989)

Une image de carte postale, un port noyé dans le soleil et


les reflets brillant dans l’eau comme du papier
d’aluminium. (LAURENT MAUVIGNIER, Des hommes, 2009)


Remarque
Le participe présent est variable dans certaines expressions figées, selon
l’usage ancien où il pouvait s’accorder : les ayants-cause, les ayants-droit,
toutes affaires cessantes, cinq heures tapantes, etc.

On sait qu’on a affaire à un participe présent, et à pas un adjectif


verbal, quand la forme en – ant possède une ou plusieurs des
caractéristiques suivantes :
1° elle est précédée de la négation ne (et éventuellement suivie de
pas, plus, guère, etc.) :
“ J’ai été huit jours ne sachant plus ce que je devais
faire. (HONORÉ DE BALZAC, Le père Goriot, 1835)

Par réflexe, je réponds oui, ne voulant pas la


contrarier. (BERNARD QUIRINY, Les assoiffées, 2010)


2° elle est suivie d’un adverbe qui la modifie :

“ Ils avancent au galop, s’enfonçant toujours plus dans les


terres, ne s’arrêtant jamais dans les villages qu’ils
croisent. (LAURENT GAUDÉ, Pour seul cortège, 2013)

En grimpant encore,les maisons coloniales se font rares et le


village s’éparpille comme un troupeau. (KAMEL DAOUD,
Zabor, 2017)


3° il s’agit d’un verbe pronominal :
“ Les visages des orphelins se bousculant derrière le grillage
qui entourait l’institution lui apparaissaient
difformes. (LILIANA LAZAR, Enfants du diable, 2016)

Une maladie dégénérative ça veut dire vivre en s’écoutant en


permanence, c’est comme vivre en dehors de soi, juste à
côté, à s’observer, à tout veiller. (SERGE JONCOUR, Combien
de fois je t’aime, 2008)


4° elle a un complément d’objet direct ou indirect :

“ Possédant enfin leurs chambres respectives et ne voulant pas


en démordre, ils s’enfermaient rageusement ou se traînaient
de l’une à l’autre, la démarche hostile, les lèvres minces, les
regards lançant des couteaux. (JEAN COCTEAU, Les enfants
terribles, 1929)

Le cœur plein des félicités de la nuit, l’esprit tranquille, la


chair contente, il s’en allait ruminant son bonheur, comme ceux
qui mâchent encore, après dîner, le goût des truffes qu’ils
digèrent. (GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, 1857)


Remarque
L’adjectif verbal peut aussi avoir un complément, mais l’adjectif verbal
n’exprime pas une action, à la différence du participe présent : une scène
intéressante à regarder, un produit ni plaisant à l’œil ni séduisant au
goût, etc.

5° elle a un complément circonstanciel, qui exprime l’action :

“ Des chouettes voletant d’une tour à l’autre, passant et repassant


entre la lune et moi,
dessinaient sur mes rideaux l’ombre
mobile de leurs ailes. (FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND,
Mémoires d’outre-tombe, 1849)

La fièvre au front, le percepteur regardait le mouvement de


la place, les parapluies dansant sur les trottoirs, les autos
ralenties sur le pavé luisant. (MARCEL AYMÉ, Le passe-
muraille, 1943) (Dans le pavé luisant, il s’agit d’un adjectif verbal.)


6° elle forme une proposition participiale, qui traditionnellement
exprime un sujet propre (› Proposition participiale) :
“ Gilbert fit brûler l’église de
voulant se venger de Charles
Combray. (MARCEL PROUST, Du côté de chez Swann,1913)

Sniper ne voulant plus se mouiller là-dedans, il


panique… (MORGAN SPORTÈS, Tout, tout de suite, 2011)


• Le gérondif
Lorsque le participe présent est précédé de la préposition en, c’est
un gérondif. Le gérondif a les mêmes caractéristiques verbales que
le participe présent (il peut être nié, construire des compléments,
etc.), et les mêmes valeurs de temps et d’aspect (il marque une
action verbale en cours de réalisation). Le gérondif peut être
précédé de tout (tout en marchant) :

“ Elle s’endormait le soir en choisissant leur nom, la couleur de


leurs cheveux, de leurs yeux, en définissant leur caractère, en
leur inventant une vie, un passé, un présent, en dessinant une
ferme, un château, un moulin, une boutique. (KATHERINE
PANCOL, Les yeux jaunes des crocodiles, 2006)

Tout en sirotantun verre de punch tiédasse et limite


écœurant, j’ai périscopé à 360 pour soupeser la
marchandise en libre-service. (ANNA GAVALDA, Fendre
l’armure, 2017)


Le gérondif est employé comme complément circonstanciel (de
temps, de cause, de manière, de condition, etc.) ; il équivaut à un
groupe adverbial.

“ Et, pour la première fois de sa vie, il roula vers Paris en


regardant le soleil se lever. (ANNA GAVALDA, Ensemble, c’est
tout, 2010)

En pensant à tout ça et me racontant des chouettes histoires,


j’avais oublié mon carnet et j’avais marché très vite. (RENÉ
GOSCINNY, Le petit Nicolas, 1960)

Wim rentra place d’Arezzo en flânant. (ÉRIC-EMMANUEL


SCHMITT, Les perroquets de la place d’Arezzo, 2013)


• L’adjectif verbal (forme adjective)
L’adjectif verbal a la valeur d’un adjectif qualificatif et s’accorde en
genre et en nombre avec le nom auquel il se rapporte ; c’est la
raison pour laquelle il s’appelle adjectif verbal :
“ Glissez, glissez, brises errantes,
Changez en cordes murmurantes
La feuille et la fibre des bois. (ALPHONSE DE LAMARTINE, La
chute d’un ange, 1838)

Il fallait arrêter de se morfondre en sous-sol et remonter


vers la vie courante. (PHILIPPE JAENADA, La femme et l’ours,
2011)


En général, l’adjectif verbal a un sens actif : murmurante (= qui
murmure), luisante (= qui luit). Il a parfois un sens passif ou réfléchi :
une couleur voyante (= qui est vue), une personne bien portante (= qui se
porte bien), une place payante (= qui est payée). Parfois il n’est ni actif
ni passif, et a développé un sens spécialisé : une rue passante (= où
passe du monde), une soirée dansante (= où l’on danse).
Un certain nombre d’adjectifs verbaux se distinguent des participes
présents correspondants par l’orthographe :
Adjectif Participe Adjectif Participe
verbal présent verbal présent
-ent -ant -quant -cant

adhérent adhérant claudicant claudiquant

affluent affluant communicant communiquant

coïncident coïncidant convaincant convainquant

confluent confluant intoxicant intoxiquant

déférent déférant provocant provoquant

différent différant suffoquant suffocant

équivalent équivalant vaquant vacant

excellent excellant Adjectif Participe


verbal -gent présent -geant

expédient expédiant convergent convergeant

influent influant détergent détergeant

interférent interférant divergent divergeant

précédent précédant émergent émergeant

somnolent somnolant négligent négligeant

violent violant Adjectif Participe


verbal présent
-gant -guant

délégant déléguant

divagant divaguant
extravagant extravaguant

intrigant intriguant

fatigant fatiguant

navigant naviguant

zigzagant zigzaguant

La différence de graphie permet de distinguer l’adjectif verbal du


participe présent :
“ Tout suffocant
Et blême quand
Sonne l’heure
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure. (PAUL VERLAINE, Romances sans paroles,
1874)

Mais il partit sans lâcher le nom, suffoquant de rage. (DANIEL


PENNAC, Monsieur Malaussène, 1995)

Elle traversa en zigzaguant une zone herbeuse, où erraient


des lambeaux de fumée violette qui fluctuaient en
suspension dans l’air tremblant de la nuit. (JEAN-PHILIPPE
TOUSSAINT, La vérité sur Marie, 2009)

Le silence des marcheurs leur permettait de percevoir des


frôlements de serpents dans les lianes, des échappées de
phacochères et le vol zigzagant de petits oiseaux de
couleur. (JEAN-CHRISTOPHE RUFIN, Rouge Brésil, 2011)


Remarques
1. Certains participes présents ont été convertis en noms (un débutant, un
combattant, du courant, un faux-semblant, un mourant, un passant,
etc.) (› La conversion) :
Le célébrant avança alors vers les amoureux, leur fit joindre
les mains puis les saisit entre les siennes, les enfermant
comme les valves d’un coquillage. (CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT,
Plonger, 2013)
2. Il y a parfois une différence de graphie entre l’adjectif verbal (ou le
participe présent) et le nom correspondant : un excédent (adj. verb.
excédant), un fabricant (part. prés. fabriquant), un président (part. prés.
présidant), un résident (adj. verb. résidant). Le nom différend
(= désaccord, querelle) s’oppose à la fois à l’adjectif (différent) et au
participe présent (différant).
Entre la vie et lui, il y avait un vieux différend. (PIERRE
LEMAITRE, Travail soigné, 2006)

L’adjectif verbal se distingue du participe présent en ce qu’il exprime


un état (et non pas une action verbale), sans délimitation dans la
durée, et indique, en général, une qualité plus ou moins permanente.
La forme en -ant est adjectif verbal quand on peut la remplacer par
un autre adjectif qualificatif, et notamment :
1° quand elle est attribut (1) ou adjectif qualificatif (2) ; l’adjectif
verbal peut même se placer avant le nom qu’il qualifie (3), ce qui
montre la perte de son caractère verbal :
“ L’endroit était rassurant comme un jardin secret, avec ses
monticules de terre et ses bouts de bois entrelacés. (LILIANA
LAZAR, Enfants du diable, 2016) (1)

Il était le père le plus gentil, le plus prévenant qu’elle connût,


le plus plaisant à regarder aussi, estimait-elle, avec ses
cheveux abondants, tout emmêlés car il ne s’en souciait pas,
et son visage hâlé et ses yeux clairs. (MARIE NDIAYE,
Ladivine, 2014) (2)

Le récit de sa stupéfiante aventure va faire de Selkirk une


célébrité. (MICHEL TOURNIER, Vendredi ou La vie sauvage,
1971) (3)


2° quand elle est précédée d’un adverbe (autre que l’adverbe de
négation ne) qui la modifie :

“ D’une manière générale, pour limiter les risques


d’explosion, Juliette se montrait avec Olivier excessivement
conciliante, prévenante à la limite de la servilité. (NELLY
ALARD, Moment d’un couple, 2013)

Il y avait longtemps que leur vie de couple n’était plus très


réjouissante. (PHILIPPE DJIAN, Marlène, 2017)


Remarque
Il peut y avoir une ambigüité de statut entre le participe présent et l’adjectif
verbal lorsque la forme en -ant est suivie d’un complément d’objet indirect ou
15
d’un complément circonstanciel. On admettra alors l’un et l’autre emploi .
La fillette, obéissant à sa mère, alla se coucher. (= Emploi comme
participe présent.)
La fillette, obéissante à sa mère, alla se coucher. (= Emploi comme
adjectif verbal.)
J’ai recueilli cette chienne errant dans le quartier. (= Emploi comme
participe présent.)
J’ai recueilli cette chienne errante dans le quartier. (= Emploi comme
adjectif verbal.)

b) Le participe passé
Le participe passé peut être regardé tantôt comme une forme
verbale (1), tantôt comme un adjectif (2). À la différence du participe
présent, il est variable en genre et en nombre. (› Accord du participe)
“ Pour finir, ils étaient arrivés au bord du fleuve. Ils avaient
abandonné leur fourgonnette et étaient descendus sur la piste
cyclable. Ils avaient marché vers l’aval, en silence, scrutant
les eaux quasi immobiles, impénétrables, qui réverbéraient
la lumière du maigre soleil soudain apparu. (ARMEL JOB, Tu
ne jugeras point, 2009) (1)

Autour, les arbres déracinés, la chaussée défoncée, les


taches de sang rouillées sur le macadam, les rectangles
béants et carbonisés des immeubles, prouvaient clairement
que les combats avaient été rudes ; et la trêve, une fois de
plus, précaire. (ANDRÉE CHEDID, Le message, 2000) (2)


Le participe passé possède une forme simple (lu, parti) et une forme
composée (ayant lu, étant parti).

• Valeurs verbales du participe passé


Comme forme verbale, le participe passé se trouve dans tous les
temps composés des verbes, formés avec l’auxiliaire avoir ou être
(›Temps simples et composés) :
“ Je me suis assise sur le bord du fauteuil en cuir. J’avais déjà
vu quelque part l’imprimé des rideaux. Luc est revenu, il avait
enlevé sa veste. (YASMINA REZA, Heureux les heureux, 2013)

Cependant, soit qu’on eût répondu à cette toux par un signe


équivalent qui avait fixé les irrésolutions de la nocturne
chercheuse, soit que sans secours étranger elle eût reconnu
qu’elle était arrivée au bout de sa course, elle s’approcha
résolument du volet d’Aramis et frappa à trois intervalles
égaux avec son doigt recourbé. (ALEXANDRE DUMAS, Les
trois mousquetaires, 1844)


L’auxiliaire être suivi d’un passé composé sert à former le passif des
verbes transitifs (› Forme passive) :

“ Bruno, lui, sera condamné à perpétuité par


contumace. (PHILIPPE JAENADA, Sulak, 2013)

Elle était adorée du public, adulée par la critique. (JOËL DICKER,


Le livre des Baltimore, 2015)


Le participe passé se trouve aussi employé seul (1) ; accompagné
d’un sujet propre, il peut former une proposition subordonnée
participiale (2) (› Proposition subordonnée participiale) :
“ Des mères arrivèrent, une d’abord, suivie rapidement par
une seconde. (HEDWIGE JEANMART, Blanès, 2015) (1)

Albertine partie,
je me rappelai que j’avais promis à Swann
d’écrire à Gilberte et je trouvai plus gentil de le faire tout de
suite. (MARCEL PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922) (2)


• Valeur adjectivale du participe passé
Le participe passé ayant la valeur d’un adjectif qualificatif peut être
épithète d’un nom (1), apposé (2), attribut du sujet (3) ou du
complément d’objet direct (4) (› Adjectif qualificatif) :
“ Leur attitude énergique et résolue avait disparu, ils avaient
maintenant un air emprunté et vaguement coupable. (PIERRE
LEMAITRE, Trois jours et une vie, 2016) (1)

Des troupeaux dispersés, couchés dans les herbes salines,


ou cheminant serrés autour de la cape rousse du berger,
n’interrompent pas la grande ligne uniforme, amoindris qu’ils
sont par cet espace infini d’horizons bleus et de ciel ouvert.
(ALPHONSE DAUDET, Lettres de mon moulin, 1869) (2)

Elle est belle, elle est drôle, elle est désespérée. (YASMINA
REZA, Heureux les heureux, 2013) (3)

Puis Madeleine s’arrêta, frappée de voir Henri affolé. Elle


l’avait connu soucieux, oui, colérique, honteux, préoccupé, et
même tourmenté. (PIERRE LEMAITRE, Au revoir là-haut, 2013)
(4)


Remarques
1. Le participe passé employé comme adjectif a généralement le sens passif
(un directeur respecté) et parfois actif (une femme réfléchie = qui
réfléchit).
2. Le participe dit se soude avec l’article défini pour désigner, généralement
dans les procédures et documents administratifs, les personnes ou les
choses dont on a parlé : ledit preneur, ladite maison, audit lieu.
Khaled doit demander audit Mario de se rendre le même soir
dans une cabine téléphonique publique de Montrouge où
Yacef l’appellera, à 22 heures précises. (MORGAN SPORTÈS,
Tout, tout de suite, 2011)

Employé comme adjectif, le participe passé peut conserver une


partie de sa valeur verbale. Quand il possède des compléments
(complément d’objet, complément circonstanciel ou complément
d’agent), il est à la fois adjectif (par rapport au nom qu’il complète) et
verbe (par rapport aux complément qu’il construit) (1). Lorsqu’il est
employé sans complément ou avec des compléments de l’adjectif, il
joue pleinement le rôle d’un adjectif, perdant sa valeur temporelle
(passé) et aspectuelle (achèvement de l’action) (2). La limite entre
les deux fonctions est parfois délicate à tracer.
“ Comment une fille aussi préoccupée par sa propre apparence
pouvait-elle exercer un métier qui consistait à se soucier de
l’intimité des autres ? (MICHEL BUSSI, N’oublier jamais, 2014)
(1)

Entre deux villages, la route lisse, bordée de talus tondus,


serpentait à travers une alternance de petites forêts touffues
et de champs tracés au cordeau. (PASCAL MANOUKIAN, Les
échoués, 2015) (2)


CHAPITRE 6

L’adverbe
1. Généralités
2. La forme des adverbes
3. Le sens des adverbes
4. Les degrés des adverbes
5. La place de l’adverbe
1. Généralités

1. Définition
L’adverbe est un mot invariable qui sert généralement de
complément à un verbe, à un adjectif ou à un autre adverbe et en
modifier le sens :


Il parle bien, ce bœuf. (MARCEL AYMÉ, Les contes du chat
perché, 1939) (L’adverbe bien modifie le verbe parle et donc la relation de
ce verbe avec son sujet elle.)

Tu sais, j’ai lu une chose très étrange. (ALEXIS JENNI, L’art


français de la guerre, 2011) (L’adverbe très modifie l’adjectif étrange,
et donc la relation de cet adjectif avec le nom chose.)

On est allé trop loin, trop vite. (ANAÏS BARBEAU-LAVALETTE, La


femme qui fuit, 2017) (Les deux adverbes trop modifient respectivement
les adverbes loin et vite.)

– Aimer beaucoup, c’est comme aimer ?


– Non aimer, ça se conjugue sans adverbe et sans
condition… (KATHERINE PANCOL, Les écureuils de Central
Park sont tristes le lundi, 2010)


L’adverbe peut servir de complément à une préposition, à une
conjonction de subordination, à un présentatif ou à un mot phrase.
“ Ils arrivèrent à Ashland bien avant la nuit. (M ICHEL BUSSI,
Gravé dans le sable, 2014) (Bien porte sur la préposition avant.)

J’ai continué à me débattre bien après qu’il nous a séparées.


(BLANDINE LE CALLET, La ballade de Lila K, 2010) (Bien porte sur
la conjonction de subordination après que.)

Tenez, voici déjà un début de collaboration. (MAURICE


LEBLANC, L’aiguille creuse, 1909) (Déjà porte sur le présentatif voici.)

Merci bien ! (GUSTAVE FLAUBERT, L’éducation sentimentale,


1869) (Bien porte sur merci, utilisé comme mot phrase.)


Il peut aussi porter sur une phrase entière. On parle d’adverbe de
phrase ou d’énonciation, parce qu’il s’agit d’un commentaire sur
l’ensemble de l’énoncé qui suit (› Énonciation) :

Certainement,il lui arriverait une chose désagréable. (ÉMILE
ZOLA, Nana, 1880)

Bien sûr, on peut s’amuser aussi quand il pleut. (RENÉ


GOSCINNY, Le petit Nicolas, 1960) (Bien sûr donne à la phrase qui
suit un sens de concession : même si la pluie est désagréable, on peut aussi
s’amuser quand il pleut.)

Vraiment je trouve ça énorme. (JEAN ECHENOZ, Je m’en vais,


1999)


Certains adverbes sont dits explétifs, car ils peuvent être supprimés
sans altérer le sens de la phrase : c’est le cas de seulement, donc,
un peu, un peu, là, dans certains contextes.

Voulez-vous bien être l’arbitre ? (MURIEL BARBERY,
L’élégance du hérisson, 2006)

Qu’as-tu donc, cher amour ? (GUSTAVE FLAUBERT,


L’éducation sentimentale, 1869)

Que dis-tu là, toi ? (ALFRED DE MUSSET, Lorenzaccio, 1895)

Regarde un peu ça ! (GUILLAUME MUSSO, La fille de papier,


2010)

Monte seulement dessus, il est solide. (CHARLES-FERDINAND


RAMUZ, La grande peur dans la montagne, 1926)


2. Invariabilité de l’adverbe
Si l’adverbe est invariable, il faut remarquer que certains mots
variables peuvent être employés occasionnellement comme adverbe
et garder dans cet emploi leur variabilité. C’est le cas de tout, grand,
large, frais :

Bizarrement, à la fin elle se relève toute contente et lui plutôt
déçu. (PATRICK LAPEYRE, La vie est brève et le désir sans
fin, 2010) (Toute est ici employé adverbialement avec le sens de
« complètement ».)

Ma sœur, grande généreuse, n’aimait rien tant qu’aider


autrui et moi plus particulièrement. (ADÉLAÏDE DE CLERMONT-
TONNERRE, Le dernier des nôtres, 2016)

Il riait sans plus pouvoir s’arrêter, bouche grande ouverte,


chicots au vent. (OLIVIER TRUC, Le dernier Lapon, 2012)

Elle était bien ouverte, cette porte, même grand ouverte, la


porte de derrière, comme pour inviter les voleurs.
(GENEVIÈVE DAMAS, Si tu passes la rivière, 2011) (L’accord de
grand est possible, mais pas obligatoire.)


À l’inverse, d’autres adjectifs deviennent, dans cette position,
invariables :

“ Chaque jour, on ne pouvait qu’admirer ses longues jambes,


sa taille fine, ses seins haut placés. (KATHERINE PANCOL, Les
yeux jaunes des crocodiles, 2006)


Les adjectifs employés adverbialement avec un verbe restent
invariables :


Ces écoles coûtent cher et les études durent deux ans ou
plus. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, Trompe-la-mort, 2015)

Il semblait connaître son chemin, dans cette ville


souterraine, qu’il habitait depuis onze années ; et ses yeux
voyaient clair, au fond de l’éternelle nuit où il avait vécu.
(ÉMILE ZOLA, Germinal, 1885)


2. La forme des adverbes

1. Les formes simples et composées


Une trentaine d’adverbes très fréquents, de forme simple,
proviennent du latin (ailleurs, assez, bien, ci, comme, dehors, demain,
encore, ensemble, hier, là, loin, lors, mal, mieux, moins, ne, non, où, peu, pis,
plus, près, puis, quand, si, souvent, tant, tard, tôt, volontiers) et du
francique (guère, trop).
De nombreuses locutions adverbiales sont constituées par une
réunion de mots équivalant à un adverbe : d’ores et déjà, çà et là, en
etc. Dans certains cas, l’unité du groupe est
vain, ne pas, tout de suite,
matérialisée par un trait d’union : au-delà, ci-dessus, avant-hier, etc.
L’adverbe ci entre dans la composition de plusieurs locutions
adverbiales composées de deux éléments. Le second élément peut
être un autre adverbe (ci-après, ci-contre, ci-dessous, ci-dessus, ci-
devant) ; un adjectif ou un participe (ci-joint, ci-annexé, ci-inclus, ci-
attaché). Les mots formés de cette dernière manière s’accordent
quand ils sont placés après le nom (valeur d’adjectif) et ne
s’accordent pas quand ils le précèdent (valeur d’adverbe) (› Accord
participe passé) :
“ Aurait-il l’obligeance de signer et de renvoyer les papiers ci-
joints ? (NANCY HUSTON, Le club des miracles relatifs, 2016)

Ci-joint l’addition. (DANIEL PENNAC, Au bonheur des ogres,


2015)


Certains adverbes peuvent avoir un complément qui peut être un
adverbe, un nom ou un pronom.

“ La cuirasse desfourmis ne retient pas l’aiguillon,


contrairement à celle des scarabées. (BERNARD WERBER, Le
jour des fourmis, 1992)

Contrairement à toutes règles,


le jeune homme avait quitté la
barque sans spécifier le but et la longueur de son absence.
(MARGUERITE YOURCENAR, Mémoires d’Hadrien, 1974)


2. La formation des adverbes en -ment

a) Règle générale
On forme les adverbes en -ment en ajoutant ce suffixe -ment au
féminin de l’adjectif : grand, grande, grandement ; doux, douce,
doucement. Cependant beaucoup d’adjectifs ne peuvent donner
naissance à des adverbes en -ment : charmant, fâché, content, etc.

Tu me déçois grandement. (KATHERINE PANCOL, La valse
lente des tortues, 2008)

Il est venu doucement, sans faire de bruit. (ATIQ RAHIMI,


Syngué sabour. Pierre de patience, 2008)


b) Règles particulières
1° Dans les adverbes en -ment correspondant à des adjectifs
terminés au masculin par une voyelle, le e féminin de ces
adverbes a disparu : vrai, vraiment ; aisé, aisément ; poli, poliment ;
éperdu, éperdument.

Remarques
1. L’accent circonflexe qui marquait la chute de l’e féminin dans :
assidûment, congrûment, continûment, crûment, goulûment,
incongrûment, indûment n’est pas obligatoire. (› Nouvelle orthographe)
2. L’Académie écrit : gaiement, mais on écrit aussi gaiment, graphie
régulière sur le même modèle que vraiment. La nouvelle orthographe a
adopté la forme la plus régulière : gaiment.

2° On a -ément au lieu de -ement dans certains adverbes tels que :


commodément, confusément, énormément, expressément, précisément,
profondément, etc.
3° Gentil donne gentiment ; impuni, impunément ; traitre donne
traitreusement, formé sur traitreuse, féminin de l’ancien adjectif
traitreux.
4° Aux adjectifs en -ant et -ent correspondent des adverbes en -
amment, -emment : vaillant, vaillamment ; prudent, prudemment.
Exceptions : lent, lentement ; présent, présentement ; véhément,
véhémentement.
5° Quelques adverbes en -ment sont tirés de noms, d’adjectifs
indéfinis ou d’adverbes : bêtement, diablement, vachement (familier),
mêmement, tellement, comment, quasiment.

3. Les adverbes par conversion


La conversion est un mécanisme qui permet à un mot de passer
d’une catégorie grammaticale à une autre sans changer de forme.
Par exemple l’adjectif beau a donné le nom le beau. On constate
une tendance du français actuel à utiliser de nombreux adjectifs
dans une position adverbiale pour préciser le sens d’un verbe
(› Conversion) :

“ Mais comment faire pour voter utile ? (MATHIEU LINDON,


Libération, 24/03/2017)

À l’époque, je voyageais léger. On n’avait pas encore


inventé de valises à roulettes dignes de ce nom. (ADÉLAÏDE
DE CLERMONT-TONNERRE, Fourrure, 2010)

Il parle quinze langues, il a tout lu, il boit sec, rit


franchement, c’est une montagne de science et de charme.
(EMMANUEL CARRÈRE, Limonov, 2011)


L’adjectif pris adverbialement peut lui-même se voir modifié par un
adverbe :

“ Voyager trop lourd rendait les premiers décollages périlleux


et les débuts du vol énergivores. (PASCAL MANOUKIAN, Les
échoués, 2015)


Certaines locutions verbales composées d’un verbe et d’un adjectif
pris adverbialement sont bien installées dans le lexique : sonner
creux, sonner faux, sonner juste, marcher droit, filer droit, s’arrêter net, etc.
(› Figement) :

“ Oh ! que la science sonne creux quand on y vient heurter


avec désespoir une tête pleine de passion. (VICTOR HUGO,
Notre-Dame de Paris, 1831)


Mais d’autres sont des associations qui ont l’air plus occasionnelles :

“ Sa voix sonne étrangement distante et fatiguée. (C ATHERINE


CUSSET, Un brillant avenir, 2008)


Les raisons de ces associations sont diverses. On peut citer entre
autres :
l’adaptation d’une locution nominale : un vote utile donne voter
utile ;
le phénomène d’ellipse : s’habiller (avec un vêtement) court ;
sonner (comme si on était) distant, etc. ;
la recherche d’un mot plus bref que les adverbes en -ment qui
sont par nature plus longs que les adjectifs sur lesquels ils sont
construits : fort a donné fortement. Dans certains cas, l’adverbe
en -ment a une signification qui diffère beaucoup de celle de
l’adjectif bonnement (« simplement, vraiment, franchement ») ou
l’adverbe en -ment n’existe pas : *courtement.
3. Le sens des adverbes
On peut classer les adverbes en fonction du sens véhiculé : on
distingue les adverbes qui marquent la manière, la quantité (et
l’intensité), le temps, le lieu, l’affirmation, la négation, le doute.

1. Les adverbes de manière

ainsi debout gratis pis vite

bien ensemble incognito plutôt volontiers

comme exprès mal quasi etc.

comment franco mieux recta

Il faut y ajouter un très grand nombre d’adverbes en -ment, quantité


de locutions adverbiales : à l’envi, à dessein, à tort, à loisir, à propos,
cahin-caha, etc., certains adjectifs neutres pris adverbialement avec
des verbes : tenir bon, voler bas, coûter cher, voir clair, etc. (› Adjectif
pris adverbialement)

• Pis
Pis, comparatif archaïque de mal, ne s’emploie plus guère que dans
des locutions toutes faites. Il peut être utilisé dans des locutions plus
ou moins figées : aller de mal en pis, tant pis, qui pis est, etc.

Le monde va de mal en pis. (ALEXANDRE DUMAS, Le Comte de
Monte-Cristo, 1844)

Jamais il n’a vu une nuque si puissante (et, qui pis est,


poilue), sauf en cauchemar. (MORGAN SPORTÈS, Le ciel ne
parle pas, 2017)


En dehors de ces locutions adverbiales, pis peut être :
1° adjectif attribut ou complément d’un pronom neutre :

“ – Eh bien ! ton oreille ? – C’est pis que jamais. (D ENIS


DIDEROT, Jacques le fataliste et son maître, 1796)

J’avoue que je fus près de me jeter à ses pieds, à lui


déclarer que j’étais un brigand, un infâme, et… pis que cela,
un menteur ! (HONORÉ DE BALZAC, La peau de chagrin, 1831)

Elle a volé, ruiné je ne sais pas combien de gens, il n’y a


pas pis que ça comme fille. (MARCEL PROUST, Le côté de
Guermantes, 1920)


2° Nom (vieilli mais encore usité) :
“ Le pis était qu’il se taillait la part du lion. (ÉMILE ZOLA,
Germinal, 1885)

Le pis étant que quand même oui elle nous aime. (YANN
MOIX, Naissance, 2013)


Dans l’expression dire (écrire, penser) pis que pendre de quelqu’un,
pis est une forme nominalisée employée sans article.


Maintenant, la concierge disait d’elle pis que pendre. (ÉMILE
ZOLA, L’assommoir, 1877)


Remarques
1. Pis se distingue de pire en ce qu’il ne se joint jamais à un nom et en ce
qu’il peut être adverbe ou pronom.
Amants écartelés quelle pire aventure. (LOUIS ARAGON, Les
belles, 1942) (*Pis aventure.)

Le petit réveil blanc était mon pire ennemi. (OCÉANE


MADELAINE, D’argile et de feu, 2015) (*Pis ennemi.)
2. Plutôt, en un mot, marque la préférence et en deux mots, marque le
temps et s’oppose à « plus tard » :
Plutôt souffrir que mourir. (JEAN DE LA FONTAINE, La mort et le
bûcheron, 1668)

Un an plus tôt, il faisait encore des affaires à Hongkong.


(PASCAL MANOUKIAN, Le diable au creux de la main, 2013)

2. Les adverbes de quantité


et d’intensité
assez fort presque

aussi guère que (vous êtes


fort !)

autant mais (n’en pouvoir ~) quelque (dix ans)

beaucoup moins si

bien (content) moitié (mort) tant

combien par trop tout (fier)

comme… ! pas autrement tout à fait


(= guère)

comment (= à quel pas mal tellement


point)

davantage peu très

environ (un an) plus trop

Il faut y ajouter certains adverbes en -ment exprimant la quantité,


l’intensité : abondamment, énormément, grandement, extrêmement,
immensément, complètement, etc.

• Si, aussi
Si, aussi se joignent à des adjectifs, à des participes-adjectifs et à
des adverbes :
“ La mariée est si belle, les parents si émus, que de fleurs,
quel magnifique buffet. (ANDRÉE CHEDID, Le message, 2000)

Je n’avais jamais vu d’enfant aussi sage, aussi peu mobile.


(VIRGINIE DELOFFRE, Léna, 2011)

La princesse avait été ravie de voir arriver chez elle un


homme aussi renommé par son esprit et un premier
ministre. (STENDHAL, La chartreuse de Parme, 1839)


• Tant, autant
Tant, autant se joignent à des noms et à des verbes :

“ J’ai tant de peine ! (C AROLE MARTINEZ, La terre qui penche,


2015)

Son cœur jetait à travers son corps autant de courage que


de sang. (RENÉ BARJAVEL, Ravage, 1943)

Je travaille autant que je peux pourtant. (MOHAMMED DIB, La


grande maison, 2005)


• Si, tant
Si, tant marquent l’intensité :
“ Le bruit fut si faible qu’elle faillit ne pas l’entendre. (B
ERNARD
MINIER, Glacé, 2011)

C’était l’homme de sa vie, l’homme qu’elle avait tant pleuré.


(DAVID FOENKINOS, Les souvenirs, 2011)


• Aussi, autant
Aussi, autant marquent la comparaison :

“ Il accusa le chef d’être aussi coupable que lui. (M ATHIAS


MENEGOZ, Karpathia, 2014)

Il n’y a personne que j’aime autant que vous. (MARCEL AYMÉ,


Les contes du chat perché, 1939)


Remarques
1. Si, tant peuvent remplacer aussi, autant dans les phrases négatives ou
interrogatives :
Il n’y a rien de si beau que deux frères qui s’aiment, dit la
princesse de Parme. (MARCEL PROUST, Le côté de
Guermantes, 1920)

Rien ne pèse tant qu’un secret. (JEAN DE LA FONTAINE, Les


femmes et le secret, 1678)
2. Aussi signifiant « pareillement » se met dans le sens affirmatif :
Il pleure encore et moi aussi. (CATHERINE POULAIN, Le grand
marin, 2016)
Avec la négation, on doit dire non plus :
Il n’était pas pressé, moi non plus. (CLAUDIE GALLAY, Les
déferlantes, 2008)
Avec ne … que, on met indifféremment non plus ou aussi :
Il lit sans cesse, je ne fais non plus que lire, ou : je ne fais
aussi que lire.
3. Tant s’emploie pour exprimer une quantité indéterminée qu’on ne veut ou
ne peut préciser :
Et nos mains innombrables. / Usines manufactures fabriques
mains. / Où les ouvriers nus semblables à nos doigts. /
Fabriquent du réel à tant par heure. (GUILLAUME APOLLINAIRE,
Vendémiaire, 1920)
4. L’emploi de autant, dans ce sens, est à éviter. Ne dites pas :
*Ce mécanicien gagne autant par jour.
*Ceci vaut autant, cela autant.

• Beaucoup
On utilise beaucoup :
a) après un comparatif, ou après un verbe d’excellence, ou avec un
superlatif, beaucoup doit être précédé de la préposition de :

“ La sauce béarnaise de Pit s’était révélée de beaucoup


supérieure à celle du chef Vaillancourt. (MICHEL TREMBLAY,
La grosse femme d’à-côté est enceinte, 1978)

Ce pâturage de Sasseneire est à deux mille trois cents


mètres ; il est de beaucoup le plus élevé de ceux que possède
la commune. (CHARLES-FERDINAND RAMUZ, La grande peur
dans la montagne, 2015)


b) avant un comparatif, il peut être précédé de la préposition de :

“ Il est beaucoup plus puissant qu’on ne l’imagine, vous


savez ? (YANN MOIX, Naissance, 2013) (= Il est de beaucoup plus
puissant qu’on ne l’imagine.)


• Davantage
Si auparavant on recommandait d’éviter davantage devant un
adjectif ou un adverbe (au lieu de Elle est davantage heureuse ;
marchons davantage lentement, on préférait Elle est plus heureuse ;
marchons plus lentement), on constate que devant un adjectif
davantage est devenu assez commun :
“ Lefils achète une moto qui lui donne un air davantage
aventurier. (PATRICK DEVILLE, Taba-Taba, 2017)

Les mains étaient davantage animales, hypertrophiées, les


moustaches semblaient dessinées à la peinture noire sur
les trognes. (YANN MOIX, Naissance, 2013)

Cette nouvelle génération se montrait davantage


conservatrice, davantage respectueuse de l’argent et des
hiérarchies sociales établies que toutes celles qui l’avaient
précédée. (MICHEL HOUELLEBECQ, La carte et le territoire,
2011)

J’ai l’air minable, je le sais… Davantage long que grand, je ne


dispose pas d’un corps mais d’une tige, une tige qu’incline
le poids de mon crâne. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, L’homme
qui voyait à travers les visages, 2016)


Remarque
Davantage pouvait, à l’époque classique, se construire avec de et un nom,
et aussi avec que :
Rien n’obligeait à en faire davantage de bruit. (JACQUES-
BÉNIGNE. BOSSUET, Conférence avec M. Claude, ministre de
Charenton, sur la matière de l’église, 1682)

Il n’y a rien que je déteste davantage que de blesser tant soit


peu la vérité. (BLAISE PASCAL, Les provinciales, 1657)

Ces constructions se rencontrent encore dans l’usage moderne :


Un professionnel saurait sans doute avec davantage de
certitude. (PIERRE LEMAITRE, Rosy & John, 2014)

Sa disparition ne m’émeut pas davantage que son apparition.


Je la déteste ! Chat Mort ! Chameau Mort ! (RÉJEAN DUCHARME,
L’avalée des avalés, 1966)

• Plus, moins
Plus, moins introduisent par que le complément du comparatif
(› Adjectif comparatif) :

“ L’envie est plus irréconciliable que la haine. (F RANÇOIS DE LA


ROCHEFOUCAULD, Réflexions ou sentences et maximes
morales, 1665)


Toutefois lorsque le complément du comparatif est ou renferme un
nom de nombre, il s’introduit par de :

“ Le bonheur coûte moins de quarante euros. (GRÉGOIRE


DELACOURT, La liste de mes envies, 2012)


On dit : plus qu’à demi, plus qu’à moitié, etc., mais on peut dire aussi,
surtout dans la langue littéraire : plus d’à demi, plus d’à moitié, etc.

3. Les adverbes de temps

alors déjà jadis sitôt

après demain jamais soudain

après-demain depuis longtemps souvent

aujourd’hui derechef lors subito

auparavant désormais maintenant tantôt

aussitôt dorénavant naguère tard

autrefois encore parfois tôt

avant enfin puis toujours

avant-hier ensuite quand ?

bientôt hier quelquefois


On y joint un certain nombre de locutions adverbiales, telles que :
tout de suite, de suite, par la suite, dans la suite, tout à coup, à l’instant, à
jamais, à présent, de temps en temps, jusque-là, tout à l’heure, etc.

a) Cas particuliers

• De suite, tout de suite


De suite signifie « sans interruption » et tout de suite signifie « sur-
le-champ » :

“ Filip De Vloo trouve trois mots de suite, cale sur un


quatrième, « Réduit aménagé » en huit lettres. (CAROLINE DE
MULDER, Calcaire, 2017)

Il a reconnu la voix tout de suite. (LAURENT GAUDÉ, Danser les


ombres, 2015)


Remarque
L’usage courant a admis de suite au sens de « sur-le-champ » :
Allez de suite vous restaurer. (ANDRÉ GIDE, Thésée, 1946)

On ne comprend pas de suite un mot semblable. (PIERRE LOTI,


Aziyadé, 1879)

• Tout à coup, tout d’un coup


Tout à coup signifie « soudainement » et tout d’un coup signifie
« tout en une fois » ou « soudainement » :

“ Que ça sentait bien le roussi tout à coup. (A NNA GAVALDA,


Fendre l’armure, 2017)

Si toute ta beauté tout d’un coup s’envolait. (EDMOND


ROSTAND, Cyrano de Bergerac, 1897) (= En une fois.)

Tout d’un coup, l’homme fut devant elle de nouveau. (MARIE


NDIAYE, Trois femmes puissantes, 2009) (= Soudainement.)


b) Adverbes temporels utilisés comme
connecteurs de discours
Une série d’adverbes ont un sens temporel qu’ils ont perdu dans
certains de leurs emplois. C’est le cas de alors, après, déjà, enfin,
etc. Ces adverbes temporels peuvent être utilisés avec leur valeur
de base, mais ils peuvent aussi être utilisés dans le discours pour
connecter entre elles les phrases successives ou pour marquer les
étapes de la production d’un discours (souvent dans le style parlé) :
ils fonctionnent alors comme des connecteurs de discours (ou
marqueurs de discours). Dans cet emploi discursif, ils sont souvent
placés en tête de phrase comme les conjonctions de coordination.
(› Phrases coordonnées)

• Alors
Dans son sens temporel, alors situe une action et signifie « à ce
moment-là, à cette époque-là » (1). Dans son sens de marqueur de
la structure du discours, il signale le début d’une phrase ou de la
prise de parole du locuteur (2). (›Prop. sub. de conséquence )

“ Elle sortit. Thérèse alors alluma la lanterne accrochée dans


le vestibule et la rejoignit. (FRANÇOIS MAURIAC, Thérèse
Desqueyroux, 1927) (1)

Le monde n’est pas ce qu’on croyait ! Voilà tout ! Alors, on a


changé de gueule ! (LOUIS-FERDINAND CÉLINE, Voyage au
bout de la nuit, 1932) (2)


• Après
Dans sa valeur temporelle, après indique la postériorité d’un
évènement par rapport à l’évènement qui le précède (1,2). Dans le
discours, après est régulièrement employé comme connecteur entre
deux phrases pour introduire un argument ou une conclusion (3).
“ Tout le monde est beau, à vingt ans. Après, on a la tête
qu’on mérite. (DIDIER VAN CAUWELAERT, Attirances, 2005) (1)

Nous avons pu relever des traces assez nettes de scooter


qui ne correspondent pas à celui de Labba et qui recouvrent
les traces de son scooter, signe qu’il est arrivé après.
(OLIVIER TRUC, Le dernier Lapon, 2012) (2)

En plus de ne pas savoir compter, ma voisine fantôme se


jouait des scènes de théâtre en solo et avait pour devise :
Je vis et laissez-moi vivre. Après, on se demande pourquoi
les banlieues débordent. (DANIEL RONDEAU, J’écris parce
que je chante mal, 2010) (3)


• Déjà
Dans sa valeur temporelle, déjà exprime qu’un évènement se produit
plus tôt que ce qui était attendu (1). Dans sa valeur en discours, déjà
est utilisé pour introduire un argument et pourrait se subtituer à
« premièrement » (2).
“ Les autres avaient déjà quitté la place ; en moins de six
mois, ils avaient été mis en faillite, acculés, balayés.
(NICOLAS BOUVIER, L’usage du monde, 1963) (1)

On est chez moi. Sur mon lit. Pas le sien. Déjà, il m’a fallu
tous les trésors d’imagination du monde pour la convaincre
de rester. (CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT, Croire au merveilleux,
2017) (2)


• Enfin
Dans sa valeur temporelle, enfin signifie qu’un évènement se
déroule à la fin d’une série d’évènements (1). Employé en discours,
enfin peut servir à introduire le dernier élément d’une énumération
(2) ou à introduire une phrase qui reformule celle qui précède (3).
“ Madame Lepic sert elle-même les enfants, d’abord grand
frère Félix parce que son estomac crie la faim, puis sœur
Ernestine pour sa qualité d’aînée, enfin Poil de Carotte qui
se trouve au bout de la table. (JULES RENARD, Poil de
carotte, 1894) (1)

– Tous les trois sont morts de peste, Clémentine. Kévin


Roubaud, d’abord. Clémentine sourit.

– Puis un autre dont j’ai oublié le nom, et enfin Rodolphe


Messelet, pas plus tard qu’il y a une heure. Il est tombé
comme une quille. (FRED VARGAS, Pars vite et reviens tard,
2001) (2)

En tout cas, tu restes ici le temps que tu veux. Enfin je veux


dire, à la maison. (SERGE JONCOUR, Bol d’air, 2011) (3)


4. Les adverbes de lieu

ailleurs çà derrière loin

alentour céans (vieux) dessous où

arrière ci dessus outre

attenant contre devant partout

autour dedans ici près

avant dehors là proche (vieux)


À cette liste, il faut ajouter un certain nombre de locutions
adverbiales, comme : au-dedans, au-dehors, ci-après, ci-contre, en
arrière, en avant, quelque part, là-bas, là-dedans, etc.

5. Les adverbes d’affirmation

assurément certes que si soit

aussi en vérité sans doute volontiers

certainement oui si vraiment

bien précisément si fait (vieux) etc.

Ces adverbes sont souvent utilisés comme mot phrase en réponse à


une question :

“ – Vous venez prendre un verre ? – Volontiers. (J OËL DICKER,


Le livre des Baltimore, 2015)

– N’est-ce pas l’affaire de la po… police ? questionna Mr.


Collins. – Sans doute… Mais c’est aussi la nôtre ! (STANISLAS-
ANDRÉ STEEMAN, L’assassin habite au 21, 1939)

Je ne sais pas si tu es au courant […], mais Djilali a été


arrêté. Merde, lâche le prisonnier. Et Jacqueline ? Aussi.
(JOSEPH ANDRAS, De nos frères blessés, 2016)


6. Les adverbes de négation
Ce sont non, forme tonique, et ne, forme atone. Certains mots,
comme aucun, aucunement, nullement, guère, jamais, rien,
personne, qui accompagnent ordinairement la négation, sont
devenus aptes à exprimer eux-mêmes l’idée négative. (› Phrase
négative)

a) L’adverbe non
Non est la forme tonique de la négation. Elle s’utilise :
dans les réponses et ailleurs, avec la valeur d’une proposition
reprenant de façon négative une idée, une proposition ou un
verbe antérieurs :

“ La nourrice — Tu n’as pas d’amoureux ?


Antigone — Non, nounou. (JEAN ANOUILH, Antigone, 1944)

Toutes les femmes connaissent ça, non ? Pas vous ? Vous


dites que non ? (LAURENT MAUVIGNIER, Une légère blessure,
2016)

Je suis votre avocat, oui ou non ? (HÉLÈNE GRÉMILLON, La


garçonnière, 2013)


pour nier un élément de phrase qu’il oppose à un autre élément
de même fonction que le premier :
“ Et certains, consultant leur désir et non le vôtre, vous parlent
sans vous laisser placer un mot s’ils sont gais et ont envie
de vous voir. (MARCEL PROUST, À l’ombre des jeunes filles
en fleurs, 1918)

Le viol est traumatisme et non simple violence aggravée.


(NANCY HUSTON, Bad Girl, 2014)


Remarques
1. Non sert de préfixe négatif devant certains noms (avec un trait d’union) :
non-intervention, non-lieu, non-sens, etc. Il se trouve avec la même valeur
devant un infinitif dans fin de non-recevoir.
Dans un emploi analogue, non se place devant des adjectifs qualificatifs, des
participes, des adverbes, et devant certaines prépositions mais sans trait
d’union :
Non solvable, leçon non sue, non loin de là, non sans frémir.
2. Surtout dans les réponses directes, non est souvent renforcé par pas,
point, vraiment, certes, assurément, jamais, mais, oh ! ah !, etc. :
Tout danger social est-il dissipé ? non certes. (VICTOR HUGO,
Les misérables, 1862)

« Elle vous fatigue ! » dit sa mère. Il répondit : « Non ! oh


non ! ». (GUSTAVE FLAUBERT, L’éducation sentimentale, 1869)

b) L’adverbe ne
Ne est généralement accompagné d’un des mots pas, point, aucun,
aucunement, guère, jamais, nul, nullement, personne, plus, que,
rien, ou d’une des expressions âme qui vive, qui que ce soit, quoi
que ce soit, de ma vie, de longtemps, nulle part, etc.:

“ Tu fumes, toi ? – Non. – Bravo. Ne fume jamais ! (É RIC-


EMMANUEL SCHMITT, L’homme qui voyait à travers les
visages, 2016)

Il n’y avait pas âme qui vive. (GAËL FAYE, Petit pays, 2016)

Personne ne sait rien d’elle. (JEAN-MARC CECI, Monsieur


Origami, 2016)

Ne … que est une locution restrictive équivalant à seulement :


Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son. (Proverbe)
(Celui qui n’entend qu’un témoignage n’est pas correctement informé.)

Maintenant, elle n’entend qu’un son de cloche. (JEAN-LOUIS


FOURNIER, La servante du Seigneur, 2013)


Remarque
Pour nier la locution restrictive ne… que, la langue moderne insère dans
cette locution pas ou point. Cette construction ne… pas (ou ne… point
que), quoique combattue par les puristes, est entrée dans l’usage :
C’est peut-être même pire parce que là où il y a de l’argent, il
y a de la drogue – et pas qu’un peu et pas que d’une sorte.
(MURIEL BARBERY, L’élégance du hérisson, 2006)

• Ne employé seul
Ne s’emploie obligatoirement seul :
1° dans certaines phrases proverbiales ou sentencieuses et dans
certaines expressions toutes faites :
“ Il n’est pire eau que l’eau qui dort. (Proverbe) (Il faut se méfier des
personnes d’apparence inoffensive.)
Ne vous déplaise,
En dansant la Javanaise,
Nous nous aimions
Le temps d’une chanson. (SERGE GAINSBOURG, La javanaise,
1963) (Formule elliptique : que cela ne vous contrarie pas, que cela ne vous
déplaise pas.)

Qu’est-ce que vous voulez trouver dans une enfance, si ce


n’est du désarroi et de l’angoisse ? (JÉRÔME FERRARI, Balco
Atlantico, 2008)

Aujourd’hui le jeune homme n’en a cure. (EUGÈNE SAVITZKAYA,


Fraudeur, 2015) (Littéraire : ne pas se soucier.)

Il n’éprouve aucune attirance pour S. Qu’à cela ne tienne !


(ALAIN BERENBOOM, Monsieur Optimiste, 2013) (= Peu importe, il
ne faut pas que cela soit un obstacle.)


2° avec ni répété :
“ Pour moi, elle n’est ni hutu ni tutsi, c’est ma mère.
(SCHOLASTIQUE MUKASONGA, Notre-Dame du Nil, 2012)

Nil’or ni la grandeur ne nous rendent heureux. (JEAN DE LA


FONTAINE, Philémon et Baucis, 1693)


3° avec que, adverbe interrogatif ou exclamatif signifiant
« pourquoi » :

“ Mais pourquoi donc, vous, Japonais, écrivez-vous de haut


en bas ? Que ne le faites-vous comme nous,
horizontalement ? (MORGAN SPORTÈS, Le ciel ne parle pas,
2017)

Que ne puis-je garder au moins de lui son masque


mortuaire ? (JEAN-BAPTISTE DEL AMO, Pornographia, 2013)


4° avec savoir ou avoir, suivis de que interrogatif et d’un infinitif :

“ Illa regardait sourire et ne savait que faire. (FRÉDÉRIC


VERGER, Les rêveuses, 2017)


Ne s’emploie facultativement seul :
1° dans les propositions relatives dépendant d’une principale
interrogative ou négative :

“ Il existait peu d’ennuis dont il ne soit finalement venu à bout.


(PIERRE LEMAITRE, Au revoir là-haut, 2013)

Affreuse condition de l’homme ! il n’y a pas un de ses


bonheurs qui ne vienne d’une ignorance quelconque.
(HONORÉ DE BALZAC, Eugénie Grandet, 1833)


2° avec cesser, oser, pouvoir, surtout aux temps simples et avec un
infinitif complément :

“ La loi n’a de cesse d’imposer sa volonté, mais il est donné à


chacun de nous de détruire cette volonté. (YANNICK HAENEL,
Les renards pâles, 2013)

Il n’ose espérer quoi que ce soit. (AURÉLIE VALOGNES, Mémé


dans les orties, 2015)

Ce produit, comment ça marche exactement ? […] Je ne


peux expliquer son principe actif. (JEAN-CHRISTOPHE GRANGÉ,
Le passager, 2011)


Remarque
Pris négativement, savoir se construit le plus souvent avec le simple ne
quand on veut exprimer l’idée de « être incertain » :
Je ne sais si c’est une chance ou un piège de pouvoir partir,
voyager, errer, oublier. (TAHAR BEN JELLOUN, L’enfant de
sable, 1985)
Mais quand il signifie « connaitre, avoir la science de », il demande la
négation complète :
En vérité je ne sais pas trop ce que je veux faire. (YASMINA
REZA, Heureux les heureux, 2013)

Il ne sait pas ce qui l’attend. (FRANÇOIS WEYERGANS, Trois


jours chez ma mère, 2005)

Il ignore son nom. Il ne sait plus rien faire. (PIERRE BOULLE, La


planète des singes, 1963)
Au conditionnel, comme équivalent de « pouvoir », il veut le simple ne :
Il éprouve une joie qu’il ne saurait exprimer. (VIRGINIE
DESPENTES, Vernon Subutex 3, 2017)

3° avec si conditionnel :

“ Si tu ne te décides pas immédiatement à renoncer à ta


vengeance, tu en paieras mille fois le prix ! (BERNARD
WERBER, Les Thanatonautes, 1994)


4° devant autre suivi de que :
“ Je n’ai d’autre fonction ici que de traducteur. (MORGAN
SPORTÈS, Le ciel ne parle pas, 2017)


5° après le pronom et l’adjectif interrogatif :

“ Qui ne court après la Fortune ? (JEAN DE LA FONTAINE,


L’homme qui court après la fortune et l’homme qui
l’attend dans son lit, 1678)

Quelle femme ne fuirait pas au premier propos d’un


séducteur ? (CHODERLOS DE LACLOS, Les liaisons
dangereuses, 1782)


6° après depuis que, il y a (tel temps) que, voici ou voilà (tel temps)
que, quand le verbe dépendant est à un temps composé :

“ Son visage s’était beaucoup abîmé depuis qu’ils ne s’étaient


vus. (ÉRIC VUILLARD, Conquistadors, 2009)

Il y a des années que je ne l’ai vue. (ANNE CUNEO, Le maître


de Garamond, 2003)


c) Le ne explétif
Certaines propositions subordonnées de sens positif ont cependant
la négation ne, qui dans ce contexte n’est pas nécessaire pour le
sens ou la syntaxe. On l’appelle pour cette raison ne explétif :

“ Je crains qu’il ne pleuve : une averse peut l’empêcher de


venir. (ALAIN FOURNIER, Le grand Meaulnes, 1913)


L’emploi de ce ne explétif n’a jamais été bien fixé : dans l’usage
littéraire, il est le plus souvent facultatif ; dans la langue parlée, il se
perd de plus en plus. C’est pourquoi il serait vain de vouloir donner
pour cet emploi des règles absolues. Après les verbes de crainte
pris affirmativement, on met ordinairement ne quand la
subordonnée exprime un effet que l’on craint de voir se
produire (avec les verbes craindre, avoir peur, appréhender,
redouter) (1,2). Après ces verbes pris négativement, on ne met pas
ne (3,4).

Je crains qu’il ne trépasse avant moi cet idiot. (YASMINA REZA,
Heureux les heureux, 2013) (1)

La Cheffe avait toujours appréhendé qu’une conduite


douteuse de sa vie […] ne lui fassent perdre à jamais la
faveur qui lui était dévolue. (MARIE NDIAYE, La Cheffe,
roman d’une cuisinière, 2016) (2)

Alors que Wanda n’a pas beaucoup changé, elle ne craint


pas qu’il la reconnaisse. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, Odette
Toulemonde et autres histoires, 2006) (3)

Comme je suis pauvre et que je n’ai pas peur qu’on me vole,


j’allai ouvrir et je vis trois hommes à quelques pas de là.
(ALEXANDRE DUMAS, Les trois mousquetaires, 1844) (4)


Remarques
1. Après prendre garde que, on met ne s’il s’agit d’un effet à éviter ; on ne
met aucune négation s’il s’agit d’un résultat à obtenir :
Prenez garde que la petite n’ait pas froid, les jardins c’est
toujours un peu humide. (MARCEL PROUST, Sodome et
Gomorrhe, 1922)

Écris, dit-elle tout haut, et prends garde que ce soit bien


propre et lisible. (COMTESSE DE SÉGUR, Un bon petit diable,
1865)
2. Après défendre que, on ne met pas ne :
Je défends que quelqu’un le ridicoculise.(sic). (EDMOND
ROSTAND, Cyrano de Bergerac, 1897)

7. Les adverbes de doute


Les adverbes apparemment, peut-être, probablement, sans doute,
vraisemblablement. Ces adverbes peuvent porter sur toute la phrase
et indiquer un commentaire du locuteur sur l’énonciation (par ex.
pour préciser son degré de certitude par rapport à ce qu’il dit).
(› Énonciation)

“ Roquenton est mort hier matin, vraisemblablement de chagrin.


(MARCEL AYMÉ, Le passe-muraille, 1941)

Mon âme était flasque mais enfin, apparemment j’en avais


une. (FRÉDÉRIC BEIGBEDER, Une vie sans fin, 2018)


8. Les adverbes d’interrogation
On peut ranger dans une catégorie à part, celle des adverbes
d’interrogation, certains adverbes servant à interroger sur le temps,
la manière, la cause, le lieu, la quantité : Quand ? Comment ?
Pourquoi ? Que (ne) ? Où ? D’où ? Par où ? Combien ? (› Interrogation
partielle)

“ Quand viens-tu voir ta mère ? (DAVID FOENKINOS, Les


souvenirs, 2011)

Comment vont tes yeux ? (SAMUEL BECKETT, Fin de partie,


1957)

Par où commencer ? (KATHERINE PANCOL, Les yeux jaunes


des crocodiles, 2006)


Remarques
1. L’expression est-ce que permet de construire une phrase interrogative
sans modifier l’ordre des mots. Certains la considèrent donc comme un
adverbe interrogatif.
Est-ce que je vous fais horreur ? (VICTOR HUGO, Notre-Dame
de Paris, 1831)
2. Le mot grammatical si introduit l’interrogation indirecte ; il fonctionne plutôt
comme une conjonction :
Je me demande si nous nous reverrons. (BERNARD QUIRINY, Le
village évanoui, 2014)
4. Les degrés des adverbes
Certains adverbes admettent, comme les adjectifs qualificatifs,
divers degrés.
1° Loin, longtemps, près, souvent, tôt, tard.

“ Je me suis couché trop tard hier, j’avais un truc. (G ILLES


LEGARDINIER, Demain j’arrête !, 2011)


2° Les adjectifs pris adverbialement et modifiant un verbe : bas, bon,
cher, etc. (› Adjectifs pris adverbialement)

“ Ça me coûte très cher, mais je ne peux pas m’en passer.


(BORIS VIAN, L’écume des jours, 1947)


3° Certaines locutions adverbiales : à regret, à propos, etc.

“ Alors, je vous laisse, lâcha-t-il seulement un peu à regret.


(PIERRE LEMAITRE, Travail soigné, 2010)


4° La plupart des adverbes en -ment.

“ Et la pièce se termine très explicitement, nous dirions


presque très prosaïquement, par la mort de Pelléas et de
Mélisande. (MAURICE MAETERLINCK, Pelléas et Mélisande,
1892)


5° Beaucoup, bien, mal, peu.

“ Un peu de chair fraîche, ça me plaît, beaucoup… vraiment


beaucoup. (AGNÈS MARTIN-LUGAND, Les gens heureux lisent
et boivent du café, 2013)


Beaucoup, bien, mal, peu ont pour comparatifs de supériorité plus
(ou davantage), mieux, pis (ou plus mal), moins ; et pour superlatifs
relatifs le plus, le mieux, le pis (ou le plus mal), le moins.
5. La place de l’adverbe
La place de l’adverbe est assez variable ; assez souvent elle est
choisie pour des raisons de style.

1. Avec un verbe

a) Temps simple
Si le verbe est à un temps simple, l’adverbe qui le modifie se place
généralement après lui :

“ Quand on rêve beaucoup on grandit plus vite (R OMAIN GARY,


La vie devant soi, 1975)

La mer était une grande nappe noire, une toison ténébreuse


dans laquelle nous progressions laborieusement. (CHARIF
MAJDALANI, Villa des femmes, 2015)


b) Temps composé
Si le verbe est à un temps composé, l’adverbe se place à peu près
indifféremment après le participe ou entre l’auxiliaire et le participe :
“ Il a beaucoup perdu ces derniers temps, il devait pas mal
d’argent. (PIERRE LEMAITRE, Travail soigné, 2010)

En 1972, il publia un premier roman, dont il avait espéré


beaucoup, mais qui n’avait rencontré qu’un succès très
confidentiel. (JOËL DICKER, La vérité sur l’affaire Harry
Quebert, 2014)


Cependant les adverbes de lieu se placent après le participe :

“ Ils ont trouvé ailleurs l’appui dont ils avaient besoin. (D


ELPHINE
DE VIGAN, Les heures souterraines, 2009)


“ Ils ont attendu ici pendant trois jours. (FRANÇOIS GARDE,
L’effroi, 2016)

Je ne veux pas, mal vêtu, être jeté dehors. (ÉRIC VUILLARD,


Conquistadors, 2009)


Remarques
1. L’adverbe ne précède toujours le verbe ; il en est de même des adverbes
(ou pronoms) en et y, sauf à l’impératif affirmatif :
Je ne veux pas la perdre. (GILBERT SINOUÉ, Avicenne ou La
route d’Ispahan, 1990)

J’en viens, du Palais-Royal ! (DANIEL PENNAC, Monsieur


Malaussène, 1995)

Mais : Vas-y, Jo, vas-y ! (KATHERINE PANCOL, La valse lente


des tortues, 2008)

Va-t’en au diable. (MOHAMMED DIB, La grande maison, 2005)


2. Souvent l’adverbe, et surtout l’adverbe de lieu ou de temps, se place en
tête de la phrase, soit pour créer une mise en relief, soit pour indiquer que
l’adverbe sert à cadrer l’ensemble de la phrase (› Phrase avec
détachement) :
Ici, ils seront à l’abri. (MARIE-AUDE MURAIL, Oh, boy !, 2000)

Lentement s’immisçait en lui le sentiment qu’il avait une dette


envers eux, un devoir à accomplir. (NÉGAR DJAVADI,
Désorientale, 2016)
3. En général, les adverbes interrogatifs et exclamatifs se placent en tête de
la proposition :
Où aller quand on est déjà mort ? (KAMEL DAOUD, Meursault,
contre-enquête, 2014)

Comme il fait noir dans la vallée ! (ALFRED DE MUSSET, La nuit


de mai, 1835)
4. L’adverbe modifiant un infinitif se place tantôt avant lui, tantôt après lui ; en
général, c’est le rythme qui décide :
À trop crier l’on s’enroue. (JEAN COCTEAU, Les enfants
terribles, 1929)
Il ne fait plus bon vivre ici, au milieu des moustiques d’une
lagune ensablée. (VINCENT ENGEL, Alma Viva, 2017)

Tu dois aller vivre ailleurs. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, Trompe-


la-mort, 2015)

Faire et défaire, c’est toujours travailler, dit-on. (LAURENT


DEMOULIN, Robinson, 2016)

2. Avec un adjectif, un participe


ou un adverbe
L’adverbe se place, en général, avant l’adjectif, le participe ou
l’adverbe qu’il modifie :

“ Elle était là, très blonde, très mince, un foulard très bleu marine
dans ses cheveux très blonds coupés très court, en collants
très rouges et tennis très blanches. (KATHERINE PANCOL, Les
écureuils de Central Park sont tristes le lundi, 2010)

Elle haussa les épaules, moyennement impressionnée.


(LÉONORA MIANO, Ces âmes chagrines, 2016)

Avec son père, je fais l’amour. J’y vois à peu près clair. (MARIE
DARRIEUSSECQ, Le bébé, 2002) (Locution adverbiale.)


CHAPITRE 7

La préposition
1. Définition
2. Principales prépositions et locutions prépositives
3. Rapports exprimés
4. L’emploi des prépositions
5. La répétition des autres prépositions
6. Remarques sur quelques prépositions
1. Définition
La préposition est un mot invariable qui établit un lien de
subordination entre des mots ou des syntagmes :


Ma tante et lui vivaient dans un appartement des faubourgs.
(FRÉDÉRIC VERGER, Arden, 2013) (Rapport de lieu.)

Depuis deux ans, nos positions s’étaient durcies. (SIMONE DE


BEAUVOIR, Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958) (Rapport
de temps.)

Le jardin de la maison était nippon. (AMÉLIE NOTHOMB,


Métaphysique des tubes, 2000) (Rapport d’appartenance.)

Au centre, un homme pêche à la ligne. (YANN MOIX,


Naissance, 2013) (Rapport de moyen.)


Remarque
La préposition est parfois un simple lien syntaxique vide de sens, notamment
devant certaines épithètes, devant certains attributs, devant certaines
appositions, devant certains infinitifs sujets ou compléments ; comme elle ne
marque alors aucun rapport et qu’elle est vide de sens, on l’appelle
préposition vide ou proposition explétive :
Rien de nouveau. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, La tectonique des
sentiments, 2008)

Elle sera tenue pour responsable des crimes commis.


(YANNICK HAENEL, Jan Karski, 2009)

Il m’a serré en frère. (SORJ CHALANDON, Mon traître, 2008)

De le voir là, ça a fait un silence très inhabituel. (CLAUDIE


GALLAY, Les déferlantes, 2008)

J’aime à le croire. (PATRICK DECLERCK, Socrate dans la nuit,


2009)

Une locution prépositive est une réunion de mots équivalant à une


préposition : à cause de, auprès de, du côté de jusqu’à, loin de, etc.
Certaines prépositions et certaines locutions prépositives peuvent
avoir un complément : Elle se tient tout contre le mur.
2. Principales prépositions
et locutions prépositives

1. Principales prépositions

à de excepté passé sous

après depuis hormis pendant suivant

attendu derrière hors plein supposé

avant dès jusque(s) pour sur

avec devant malgré près touchant

chez durant moyennant proche vers

concernant en outre sans vu

contre entre par sauf

dans envers parmi selon

Voici et voilà servent ordinairement à annoncer, à présenter : ce sont


alors des présentatifs :

Voici le nouveau vizir. (GILBERT SINOUÉ, Avicenne ou La
route d’Ispahan, 1990)

Voilà ton chien ! (SAMUEL BECKETT, Fin de partie, 1957)


Ce sont proprement des prépositions quand elles introduisent une
indication de temps :


Voilà dix ans qu’elle est à mon service. (NICOLAS D’ESTIENNE
D’ORVES, La gloire des maudits, 2017)

Joëlle, ma femme, est morte voici dix ans. (MARC BRESSANT,


Assurez-vous de n’avoir rien oublié, 2010)


Remarques
1. Voici, voilà, sont formés de voi, impératif de voir, sans s, selon l’ancien
usage, et des adverbes ci, là. Ces présentatifs renferment originairement
un verbe, qui reste perceptible quand voici est suivi d’un infinitif ou quand
voici, voilà sont précédés d’un pronom personnel complément :
Voici venir l’hiver, tueur des pauvres gens… (ANNA GAVALDA,
Ensemble, c’est tout, 2007)

Me voici debout. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, L’homme qui


voyait à travers les visages, 2016)

Ah ! te voilà, brigand ! (CHARLES-FERDINAND RAMUZ, La grande


peur dans la montagne, 1926)
2. Dans l’analyse, on appelle complément du présentatif le mot ou groupe de
mots exprimant ce qui est annoncé ou présenté par voici ou voilà.

2. Principales locutions prépositives


à cause de au-dehors de de dessous hors de

à côté de au-delà de de dessus jusqu’à, jusque

à défaut de au-dessous de devant loin de


de

afin de au-dessus de de façon à par-dedans

à fleur de au-devant de de manière à par-dehors

à force de au lieu de d’entre par-delà

à l’abri de au milieu de de par par-dessous

à la faveur de au péril de de peur de par-dessus

à la merci de auprès de du côté de par-devant

à la mode de au prix de en deçà de par-devers

à l’égard de autour de en dedans de par rapport à

à l’encontre de au travers de en dehors de près de

à l’envi de aux dépens en dépit de proche de


de

à l’exception aux environs en face de quant à


de de

à l’exclusion de avant de en faveur de sauf à

à l’insu de d’après en sus de sus à

à moins de d’avec étant donné vis-à-vis de

à raison de de chez face à


au-dedans de de delà faute de

au défaut de de derrière grâce à


3. Rapports exprimés
Les rapports marqués par la préposition sont extrêmement
nombreux ; d’autre part, une même préposition (surtout à et de) peut
servir à exprimer différents rapports.
La préposition peut marquer les relations suivantes :
le lieu, la tendance : en, dans, à, chez, de, vers, jusqu’à, sous, etc.
le temps : à, de, vers, pour, avant, après, depuis, pendant, etc.
l’attribution : à, pour.
la cause, l’origine : attendu, vu, pour, à cause de, grâce à, etc.
le but, le motif : pour, à, envers, touchant, etc.
la manière, le moyen : à, de, par, en, avec, sans, selon, etc.
l’ordre, le rang : après, devant, derrière, au-dessus de, etc.
l’union, la conformité : avec, selon, d’après, suivant, etc.
l’appartenance : de, à, etc.
l’agent : de, par ;
l’opposition : contre, malgré, nonobstant, etc.
la séparation, l’exception : sans, sauf, excepté, etc.
4. L’emploi des prépositions
En principe, rien ne s’intercale entre la préposition et le mot qu’elle
introduit. Pourtant des intercalations se font parfois :


L’Italienne a refusé de louer une seule pièce pour quatre
hommes. (KATEB YACINE, Nedjma, 1956)

Il a quitté Oléron en janvier 1920 pour, disait-il, acheter un


garage de réparations automobiles en Dordogne. (SÉBASTIEN
JAPRISOT, Un long dimanche de fiançailles, 1951) (Une incise
apparait entre la préposition et le verbe.)


1. Les prépositions
à, de, en se répètent
Généralement les prépositions à, de, en se répètent devant chaque
complément :
“ Il faut que je parle de lui à Mumphoo, à Tomphoo et à
Stimphoo. (YANN MARTEL, L’histoire de Pi, 2001)

C’est que nous avons l’intention, Basin et moi, de passer le


printemps prochain en Italie et en Sicile. (MARCEL PROUST,
Le côté de Guermantes, 1920)

Je souffre de l’organe de la pensée et de l’organe du


contact. (ALEXIS JENNI, L’art français de la guerre, 2011)

Il avait voyagé en Occident : jusqu’à Buda et même


jusqu’à Vienne. (MATHIAS MENEGOZ, Karpathia, 2014)


2. Les prépositions
à, de, en ne se répètent pas
1° Quand les membres du complément forment une locution :

Il en restait un seul exemplaire, au musée des Arts et
Métiers. (RENÉ BARJAVEL, Ravage, 1943)

L’hôtesse se mit à aller et venir d’un air très affairé.


(ALPHONSE DAUDET, Lettres de mon moulin, 1869)

Vingt chauves-souris sortirent des coins et s’élancèrent en


allées et venues bruissantes comme autant de salves
d’éventails. (LOUIS-FERDINAND CÉLINE, Voyage au bout de la
nuit, 1932)


2° Quand ces membres représentent le même ou les mêmes êtres
ou objets :

“ Il écrivit peut-être à Monsieur Paul, le gabier, le casseur


d’assiettes qu’il avait connu également en Arles, mais
l’adresse était périmée. (PIERRE MICHON, Vie de Joseph
Roulin, 1988)

Il trouve refuge chez un collègue et ami. (LAURENT BINET,


HHhH, 2010)

Si elle me prend à faire une bêtise, elle le dira à monsieur El


Kassif, le directeur de la sécurité. (BLANDINE LE CALLET, La
ballade de Lila K, 2010)


Si on répète la préposition, cela indique que l’on fait référence à
deux personnes distinctes (1) ou cela marque une insistance
particulière (2) :

“ J’ai pensé à mon père, à Ted. (S ORJ CHALANDON, Profession


du père, 2015) (À mon père et à Ted.) (1)

Enfin, madame Lerat dit d’une voix aimable : – Écoutez,


c’est à monsieur Poisson… certainement, à monsieur.
Poisson… (ÉMILE ZOLA, L’assommoir, 1877) (2)


3° Quand ces membres désignent un groupe ou une idée unique (les
adresses des amis et connaissances), ou des actions simultanées (il
importe de bien mâcher et broyer les aliments).
5. La répétition des autres prépositions
D’une manière générale, les prépositions ne se répètent pas, surtout
lorsque les différents membres du complément sont intimement unis
par le sens ou lorsqu’ils sont à peu près synonymes :

“ Ilss’aimaient depuis l’enfance ; dans le tumulte et la


passion, mais au-delà de toute mesure. (ANDRÉE CHEDID, Le
message, 2000)


En répétant la préposition, on donne à chaque membre du
complément un relief particulier :

“ Sur mes cahiers d’écolier


Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom. (PAUL ÉLUARD, Liberté, 1942)


6. Remarques sur quelques prépositions

• À travers, au travers de
À travers ne se construit jamais avec de ; au travers veut toujours
de :

“ Tombé du ciel à travers les nuages


Quel heureux présage pour un aiguilleur du ciel (JACQUES
HIGELIN, Tombé du ciel, 1988)

Au travers de ces phrases, qu’avait-il voulu me dire ?


(NICOLE ROLAND, Kosaburo, 1945, 2013)


• Causer avec
On dit causer avec quelqu’un ; causer à quelqu’un provient de la
langue populaire, mais il tend à pénétrer dans la langue littéraire :
“ Vous causerez, elle a tant envie de causer avec vous !
(ALEXANDRE DUMAS, Le Comte de Monte-Cristo, 1844)

Je vous interdis de causer à ma fille. (MORGAN SPORTÈS,


Tout, tout de suite, 2016)

Vous croyez que ça me fait quelque chose de causer à un


écrivain, non mais vous m’avez regardé. (PHILIPPE DJIAN,
Chéri-Chéri, 2014)


• Durant, pendant
L’usage ne fait guère de distinction entre ces deux prépositions : on
peut observer toutefois que durant exprime une période continue, et
que pendant indique un moment, une portion limitée de la durée :

“ Nous avions connu des problèmes de voisinage durant la


campagne de calomnie qui avait précédé la séance du
Palais des Congrès. (BERNARD WERBER, Les
Thanatonautes, 1994)

Il se cassa un bras lors d’un décollage mal négocié


pendant la campagne de Norvège. (LAURENT BINET, HHhH,
2010)


• Jusque
Jusque se construit avec une préposition : à (c’est le cas le plus
fréquent), vers, sur, chez, etc. :

“ J’ai descendu bas, jusqu’en enfer, jusqu’à Dieu,


jusqu’aux AA. Puis j’ai cru. (DANIEL RONDEAU, J’écris parce
que je chante mal, 2010)

O toison, moutonnant jusque sur l’encolure ! O boucles !


(CHARLES BAUDELAIRE, La chevelure, 1857)

On a discuté jusque vers minuit de cette… punaise !


(KATHERINE PANCOL, La valse lente des tortues, 2008)


Jusque se construit aussi avec les adverbes ici, là, où, alors, et avec
certains adverbes d’intensité modifiant un adverbe de temps ou de
lieu :


J’ai cru jusqu’ici vous aimer plus que vous ne m’aimiez.
(HONORÉ DE BALZAC, Le père Goriot, 1835)

Tu prends la pilule rouge, tu restes au Pays des Merveilles


et je te montre jusqu’où va le terrier. (GUILLAUME MUSSO,
Parce que je t’aime, 2007)

On attendit jusqu’assez tard, personne ne vint. (ÉRIC


VUILLARD, L’ordre du jour, 2017)


Remarques
1. Une erreur fréquente est l’omission de à dans des expressions telles que :
jusqu’à Bruxelles, jusqu’à demain, jusqu’à hier, jusqu’à dix heures,
jusqu’à maintenant, etc.
2. On dit jusqu’à aujourd’hui ou jusqu’aujourd’hui :
Jusqu’à aujourd’hui je n’ai parlé à personne de cette
rencontre. (FRÉDÉRIC BEIGBEDER, Un roman français, 2009)

Mais pourquoi a-t-il attendu jusqu’aujourd’hui ? (ALEXANDRE


DUMAS, Les trois mousquetaires, 1844)

• Près de, prêt à


Près de, suivi d’un infinitif, signifie « sur le point de » ; prêt à signifie
« préparé à, disposé à » :

“ Je peux vous garantir qu’à l’heure qu’il est, il est pas près
de se lever. (CAROLINE DE MULDER, Calcaire, 2017)

La Mort ne surprend point le sage : Il est toujours prêt à


partir. (JEAN DE LA FONTAINE, La mort et le mourant, 1678)


• Sur
L’usage de la préposition sur semble évoluer et s’éloigner de la
norme, sous l’influence d’expressions parisiennes. D’origine
populaire ou familière, des expressions telles que travailler sur Paris
ou habiter sur Paris, s’entendent de plus en plus dans les médias au
lieu de travailler à Paris, près de Paris. Cette incorrection syntaxique est
appelée solécisme. (› Solécisme)
Sur suivi d’un nom de ville peut aussi bien désigner la ville que ses
environs :

“ Et pour en profiter, je pars tôt le matin, avant que tout soit


bouché sur Marseille. (MICHEL BUSSI, On la trouvait plutôt
jolie, 2017)


Ces expressions aujourd’hui largement répandues en France
progressent ailleurs dans la francophonie où elles sont cependant
perçues de manière plus marquée.
Avec un verbe de mouvement, la préposition sur remplace parfois
vers (peut-être par analogie avec les expressions standards comme
marcher sur, mettre le cap sur) :
“ Le navire […] fut dérouté par mon ordre de Bordeaux, où il
allait, vers un port de Grande-Bretagne. (CHARLES DE
GAULLE, Mémoires de guerre, 1954)

Ce mardi 9 janvier 51, quand Leonid reçut l’ordre de se


dérouter sur Paris, il pensait se poser au Bourget. (JEAN-
MICHEL GUENASSIA, Le club des incorrigibles optimistes,
2009)

Le souci, c’est qu’il faut que j’aille sur Paris. (JOSEPH


ANDRAS, De nos frères blessés, 2016)

Certains sont partis sur Toulouse. (RONDEAU DANIEL,


Mécaniques du chaos, 2017)


Remarque
Cette évolution fait l’objet de nombreux commentaires. Elle est critiquée par
l’Académie française et par certains auteurs :
Vous allez sur Toulouse ? lui demande Baumgartner. La jeune
femme ne répond pas tout de suite, son visage n’est pas bien
distinct dans la pénombre. Puis elle articule d’une voix
monocorde et récitative, un peu mécanique et vaguement
inquiétante, qu’elle ne va pas sur Toulouse, mais à Toulouse,
qu’ il est regrettable et curieux que l’on confonde ces
prépositions de plus en plus souvent, que rien ne justifie cela
qui s’inscrit en tout cas dans un mouvement général de
maltraitance de la langue contre lequel on ne peut que s’
insurger, qu’elle en tout cas s’insurge vivement contre, puis
elle tourne ses cheveux trempés sur le repose-tête du siège et
s’endort aussitôt. Elle a l’air complètement cinglée. (JEAN
ECHENOZ, Je m’en vais, 1999)
CHAPITRE 8

La conjonction
1. Définition
2. Les conjonctions de coordination
3. Les conjonctions de subordination
1. Définition
La conjonction est un mot invariable qui sert à joindre et à mettre en
rapport deux (groupes de) mots ou deux phrases. Les conjonctions
de coordination unissent deux éléments en les mettant au même
niveau (1,2,3) tandis que les conjonctions de subordination unissent
un élément en le subordonnant à un autre (4,5) :

“ C’était une belle journée, bleue et froide. (P HILIPPE DJIAN,


Vengeances, 2011) (1)

Voyez les lis des champs : ils ne travaillent ni ne


filent. (JEAN D’ORMESSON, C’est une chose étrange à la fin
que le monde, 2010) (2)

Je suis le chat du rabbin. Il m’arrive des tas de choses. Par


exemple, une fois, je suis allé à Paris et il a plu. Alors je
suis rentré chez moi, en Algérie. (JOANN SFAR, Le chat du
rabbin, 2005) (3)

Klemet, policier et rationnel, oui rationnel puisque policier, y


voyait le signe intangible d’une faute originelle. (OLIVIER
TRUC, Le dernier Lapon, 2012) (4)

La présence des enfants, quoique gênante en apparence,


dans le fait augmentait le bonheur commun. (STENDHAL, Le
rouge et le noir, 1830) (5)


Une locution conjonctive est une réunion de mots équivalant à une
conjonction : afin que, à moins que, pour que, c’est-à-dire, etc.

“ Il a disparu alors que j’étais moi-même en ville. (F


RANÇOIS
GARDE, Ce qu’il advint du sauvage blanc, 2013)


2. Les conjonctions de coordination

1. Principales conjonctions
de coordination

a) Conjonctions classiques
Le lien de coordination est assuré par des conjonctions dont c’est la
fonction quasi exclusive et par une série d’adverbes. Les principales
conjonctions de coordination sont : car, donc, et, mais, ni, or, ou.

Remarque
La grammaire scolaire nous a habitués à retenir la liste des conjonctions de
coordination à l’aide de la phrase mnémotechnique Mais où est donc
Ornicar ? (mais, ou, et, donc, or, ni, car). Cependant, donc est plutôt
considéré comme un adverbe que comme une conjonction. (› Donc)

D’un point de vue syntaxique, les éléments coordonnés sont


symétriques : ils restent indépendants l’un de l’autre et on peut
supprimer un des éléments coordonnés sans rendre la phrase
incorrecte. Cependant, du point de vue du sens, la relation établie
par la conjonction de coordination est parfois asymétrique et donne
à un élément un statut principal ou secondaire par rapport à l’autre :
l’élément introduit par mais domine l’élément qui précède du point de
vue du sens, l’élément introduit par car est secondaire car il apporte
la cause ou la justification, etc. (› Propositions coordonnées)

• Et
Et est la conjonction la plus fréquente en français (› Relations
encodées) :

“ Ce fut rapide et propre. (AMÉLIE NOTHOMB, Riquet à la


houppe, 2016)

Ils s’installèrent dans un petit appartement à la porte de


Vanves et eurent trois enfants. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, Le
club des incorrigibles optimistes, 2009)


Remarques
1. Il arrive que et (ou ni) unisse deux éléments qui n’ont pas la même
fonction syntaxique dans la phrase (1) ou qui actualisent un sens différent
du verbe (2). Si cela est fait de manière délibérée, c’est pour produire une
figure de style appelée zeugme.
En deux actes et en 1902, Barrico fait dialoguer Smith et
Wesson. (JÉRÔME GARCIN dans l’émission Le masque et la
plume, à propos de la pièce de théâtre Smith & Wesson
d’Alessandro Barrico, 2018) (Le complément circonstanciel en deux actes
fait référence à l’écriture de la pièce de théâtre tandis que le complément en 1902
est le repère temporel où se situe l’action.) (1)
Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques,
Vêtu de probité candide et de lin blanc. (VICTOR HUGO, Booz
endormi, 1859) (Le premier complément probité candide sélectionne un sens
abstrait, moral, du verbe vêtu tandis que le second, de lin blanc, sélectionne un
sens concret.) (2)
2. Et peut aussi coordonner des compléments n’ayant pas la même nature
syntaxique.
Ah ! savez-vous le crime et qui vous a trahie ? (JEAN RACINE,
Iphigénie, 1674) (› Compléments de différentes nature)

• Ni
Ni assure la coordination de deux éléments à l’intérieur d’une phrase
négative et équivaut à et ne … pas :

“ On ne les voyait ni ne les entendait jamais. (DANIEL


RONDEAU, J’écris parce que je chante mal, 2010)


• Ou
Ou indique une coordination exclusive entre deux termes (l’un exclut
l’autre : soit… soit…) (1) ou une coordination inclusive (l’un n’exclut
pas nécessairement l’autre) (2) :

“ Ce sera elle ou moi. À vous de choisir. (T AHAR BEN JELLOUN,


L’enfant de sable, 1986) (1)

Une grêle de légers chocs clairs et irrités qui s’amplifiaient à


mesure que nous avancions. Un peu semblables aux
craquements d’un feu de bois sec ou à ceux du métal
chauffé à blanc et qui travaille. (NICOLAS BOUVIER, L’usage
du monde, 1963) (2)


• Mais
Mais coordonne deux termes opposés argumentativement (deux
mots de sens opposés, deux arguments dont le second l’emporte
sur le premier, etc.) :

L’intention était noble mais dérisoire. (GILBERT SINOUÉ,
Avicenne ou La route d’Ispahan, 1989)

Ma mère ignorait tout de l’hôtellerie, mais elle fut


immédiatement à la hauteur des circonstances. (ROMAIN
GARY, La promesse de l’aube, 1960)


Remarque
Mais peut coordonner deux adjectifs identiques avec un effet de
renforcement :
Qu’est-ce que j’ai été bête mais bête ! (KATHERINE PANCOL, Les
yeux jaunes des crocodiles, 2006)

• Car
Car relie en principe deux phrases dont la seconde est présentée
comme une cause ou une justification de la première :

“ Or, nous n’y manquions jamais car c’était une façon


d’annoncer et de hâter la sortie du cours. (ALAIN-FOURNIER,
Le grand Meaulnes, 1913)


• Or
Or introduit une phrase décisive pour la suite (un évènement capital
dans un récit, un élément important dans une argumentation) :


Mais j’étais convaincu qu’à force d’efforts, à force de
patience et de persévérance, je finirais un jour par la
vaincre. Or, il advenait le contraire. (LYDIE SALVAYRE, Tout
homme est une nuit, 2017)


• Donc
Donc relie généralement deux phrases en introduisant la
conséquence, la justification ou l’explication de ce qui précède ; par
sa mobilité dans la phrase, et par la possibilité de le combiner avec
d’autres conjonctions (or donc, et donc), il appartient plutôt à la
classe des adverbes conjonctifs :

“ Je pense, donc je suis. (R ENÉ DESCARTES, Discours de la


méthode, publié anonymement en 1637)

Le cheveu est lisse, donc il a été lavé depuis peu. (BERNARD


WERBER, Le jour des fourmis, 1992)


b) Locutions et adverbes conjonctifs
De nombreux adverbes sont utilisés comme conjonctions de
coordination et ils peuvent se combiner avec les conjonctions
classiques (et pourtant, ou sinon, mais enfin, etc.). Les locutions
conjonctives remplissent les mêmes fonctions, en étant composées
de plusieurs mots. On regroupe souvent ces formes dans la
catégorie des connecteurs de discours.
Adverbes conjonctifs

ainsi ensuite sinon

aussi néanmoins soit… soit…

cependant partant tantôt… tantôt…

encore pourtant toutefois

enfin puis

Principales locutions conjonctives


à la vérité comme si en revanche

après tout dans ces conditions et puis

à savoir d’autant que moins que

au contraire d’autant plus que non moins que

au moins de plus non plus que

au reste du moins ou bien

aussi bien du reste par conséquent

au surplus encore que par contre

bien plus en effet quand même

c’est-à-dire en même temps sans quoi

c’est pourquoi en outre

d’ailleurs en somme

2. Principales relations indiquées


par les conjonctions de coordination
Lorsque les conjonctions ou les adverbes relient deux propositions
indépendantes, on les nomme connecteurs (ou marqueurs) de
discours. Ils contribuent à une interprétation cohérente du discours
en indiquant quelle relation (addition, conséquence, etc.) doit être
établie entre les deux segments. Ils se placent le plus souvent en
tête de phrase. (› Propositions coordonnées)
Remarque
Certains connecteurs de discours perdent leur sens premier pour marquer
uniquement la progression du discours. C’est le cas de alors qui perd sa
valeur temporelle ou de conséquence pour indiquer simplement le début
d’une prise de parole.
Pourquoi ne t’occupes-tu pas de nous ramener une belle
jeune femme ? Hein ? Hein ? Alors, tu ne réponds
plus ? (JOËL DICKER, La vérité sur l’affaire Harry Quebert,
2014)
C’est aussi le cas de enfin, mais enfin (parfois réduit à fin ; à m’enfin) :
Je ne sais pas. Des choses que vous vous dites entre
hommes. Enfin, tu sais mieux que moi. (PHILIPPE DJIAN,
Marlène, 2017)

M’enfin ?! Tu n’as pas dit que c’était les… (FRANQUIN, Gaston.


La saga des gaffes, 1982)
Addition, liaison, et, ni, puis, ensuite, alors, aussi, bien plus,
transition aussi bien que, de même que, non moins
que, or, etc.

Alternative, ou, soit… soit, soit… ou, tantôt… tantôt, ou


disjonction bien, etc.

Cause car, en effet, de fait, effectivement, etc.

Conséquence, donc, aussi, partant, alors, ainsi, par


justification conséquent, en conséquence,
conséquemment, par suite, c’est pourquoi,
etc.

Explication, savoir, à savoir, c’est-à-dire, soit


élaboration

Opposition, mais, au contraire, cependant, toutefois,


restriction néanmoins, pourtant, d’ailleurs, aussi bien,
au moins, du moins, au reste, du reste, en
revanche, par contre, sinon

Reformulation enfin, en fait, finalement


“ Mais ces mots : « Mademoiselle Albertine est partie »,
venaient de produire dans mon cœur une souffrance telle,
que je ne pourrais pas y résister plus longtemps. Ainsi ce
que j’avais cru n’être rien pour moi, c’était tout simplement
toute ma vie. (MARCEL PROUST, Albertine disparue, 1927)
(Explication.)

Quoi ? On pouvait vivre dans ces cellules et être innocent ?


Improbable, hautement improbable ! Ou sinon mon
raisonnement se casserait le nez. (ALBERT CAMUS, La chute,
1956) (Opposition.)

Ici, il fait un peu plus clair qu’ailleurs ; et cependant la mer


est sombre. (MAURICE MAETERLINCK, Pelléas et Mélisande,
1893) (Addition-opposition.)

C’est dans les mœurs, cela se fait mais pourtant, là


encore, rien de tel n’advint. (JEAN ECHENOZ, Je m’en vais,
1999) (Opposition.)

Jusqu’à présent, ils se sont pas mal amusés tous les deux,
et souvent disputés. Partant, tout va bien. Du moins
jusqu’à ce qu’elle commence à ressentir quelque chose de
trouble puis de gênant. (PIERRE LEMAITRE, Robe de marié,
2009) (Addition ; conséquence ; restriction.)


3. Les conjonctions de subordination
Les conjonctions de subordination servent à joindre une proposition
subordonnée à la proposition dont elle dépend. La proposition
subordonnée est essentielle (non effaçable) (1,2) ou accessoire
(3,4) :


Elle voulait savoir si j’étais amoureux. (MADAME DE LA
FAYETTE, La Princesse de Clèves, 1678) (1)

Elle crut que Paul l’avait prise en grippe et la fuyait. (JEAN


COCTEAU, Les enfants terribles, 1950) (2)

Mais, dès lors que nous nous sommes engagés dans


l’écriture d’un livre, il obéit à une fatalité qui nous
dépasse. (JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT, Made in China, 2017) (3)

Dans l’écrit, il ne reste que la langue, qui, par définition, ne


peut être imprimée par la passion, puisque neutre et
générale. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, Diderot ou
La philosophie de la séduction, 1997) (4)


1. Principales conjonctions
de subordination

a) Conjonctions
combien (interr. lorsque quoique
indirecte)

comme (interr. puisque si


indirecte)

comme (circ. quand


temporelle)

comment (interr. que


indirecte)

b) Locutions conjonctives
à condition que de crainte que pendant que

afin que de façon que plutôt que

ainsi que de manière que posé que

alors que de même que pour que

à mesure que de peur que pourvu que

à moins que depuis que sans que

après que de sorte que sauf que

à proportion que dès que selon que

au cas où en attendant que si ce n’est que

attendu que en cas que si peu que

au cas que en sorte que si tant est que

au fur et à mesure étant donné que soit que


que

au lieu que excepté que sitôt que

aussi bien que jusqu’à ce que suivant que

aussitôt que loin que supposé que

autant que lors même que tandis que


(littér.)

avant que maintenant que tant que

bien que malgré que vu que


cependant que outre que

de ce que parce que

2. Principales relations indiquées


par les conjonctions
de subordination
Les types de propositions subordonnées sont nombreux. On indique
ici quelques valeurs sémantiques encodées par les conjonctions de
subordination les plus fréquentes.

Remarque
Certaines relations de discours, comme la cause ou la conséquence,
peuvent être marquées par une conjonction de coordination (car, par
conséquent) ou de subordination (parce que, de sorte que).
But afin que, pour que, de peur que, etc.

Cause comme, parce que, puisque, attendu que, vu que,


étant donné que, etc.

Comparais comme, de même que, ainsi que, autant que, plus


on que, moins que, non moins que, selon que, suivant
que, comme si, etc.

Concessio bien que, quoique, alors que, tandis que, etc.


n,
opposition

Condition, si, au cas où, à condition que, pourvu que, à moins


suppositio que, etc.
n

Conséquen que, de sorte que, en sorte que, de façon que, de


ce manière que, etc.

Temps quand, lorsque, comme, avant que, alors que, dès


lors que, tandis que, depuis que, etc.
“ De même que les incendies éclairent toute la ville, les
révolutions éclairent tout le genre humain. (VICTOR HUGO,
Les misérables, 1862) (Comparaison.)

Toute puissance est faible, à moins que d’être unie. (JEAN


DE LA FONTAINE, Le vieillard et ses enfants, 1668) (Restriction.)

Comme je descendais des Fleuves impassibles

Je ne me sentis plus guidé par les haleurs. (ARTHUR


RIMBAUD, La bateau ivre, 1871) (Temporalité.)


CHAPITRE 9

L’interjection
1. Définition
2. Mots employés comme interjections
1. Définition
L’interjection est un mot (souvent invariable) inséré dans le discours
pour marquer l’irruption d’une sensation ou d’un sentiment
personnel, exprimés avec vivacité.

“ « Elle est bien belle, votre planète. Est-ce qu’il y a des


océans ?
– Je ne puis pas le savoir, dit le géographe.
– Ah ! (Le petit prince était déçu.) Et des montagnes ? »
(ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Le petit prince, 1943)

Elle lève alors les yeux… Dieu du ciel ! (VIRGINIE DELOFFRE,


Léna, 2010)

Alors on a tous crié : « Hip, hip, hourra » trois fois, et nous


sommes allés nous coucher très énervés. (RENÉ GOSCINNY,
Les vacances du petit Nicolas, 1962)


L’interjection est grammaticalement autonome : elle ne dépend
d’aucun élément de la phrase et ne remplit aucune fonction
grammaticale. La valeur des interjections relève de leur fonction
énonciative : l’interjection manifeste une émotion liée au fait de
prononcer certains énoncés dans une situation particulière.
(› Énonciation)
Ordinairement l’interjection est, dans l’écriture, suivie du point
d’exclamation (autrefois appelé point d’interjection). Dans un texte
écrit, l’interjection est un des moyens de mimer le réel des
conversations (le style parlé) et de faire émerger une impression de
spontanéité et d’expressivité. À l’oral, l’interjection peut être
accentuée et réalisée avec un contour mélodique marqué.
L’interjection permet de manifester une émotion, souvent de manière
subite.
2. Mots employés comme interjections
L’interjection n’est pas une catégorie grammaticale comme les
autres. Peu de mots fonctionnent uniquement comme des
interjections, et beaucoup de mots peuvent être utilisés comme des
interjections en plus de leurs emplois habituels.
Une locution interjective est une réunion de deux ou plusieurs mots
équivalant à une interjection :

“ Ah ! Non ! C’est un peu court, jeune homme !


On pouvait dire… oh ! Dieu ! … bien des choses en
somme… (EDMOND ROSTAND, Cyrano de Bergerac, 1897)

Il suffisait, bon sang, de lire les Évangiles ! (LYDIE SALVAYRE,


Pas pleurer, 2014)


On emploie comme interjections :
1° de simples vocalisations : Ah ! Eh ! Ho ! Hue ! Ouf ! Fi ! Chut ! ou des
onomatopées (mot qui imite un bruit) : Holà ! Boum ! Paf ! Patatras !

Cyrano – Quelqu’un m’ajuste: Paf ! et je riposte…
Christian – Pif !
Cyrano (éclatant) – Tonnerre ! Sortez tous ! (EDMOND
ROSTAND, Cyrano de Bergerac, 1897)

Chut, tu vois bien que je suis en train de lire. J’ai besoin de


me concentrer. (NANCY HUSTON, Infrarouge, 2012)


2° des noms employés seuls : Attention ! Courage ! Ciel ! ou associés à
d’autres mots : Bonté divine ! Ma parole ! Par exemple !


Ciel, mes bijoux ! Ça y est, elle a de nouveau égaré sa
bimbeloterie. (HERGÉ, Les bijoux de la Castafiore, 1962)

Encore ces gamines ! On n’entend plus qu’elles, ma


parole ! Je commence à en avoir assez ! (MARCEL AYMÉ,
Les contes du chat perché, 1939)


3° des adjectifs employés seuls ou accompagnés d’un adverbe :
Bon ! Ferme ! Tout doux ! Tout beau ! Bravo !

Bon ! alors trois limonades, disait-il avec colère. (SIMONE DE
BEAUVOIR, Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958)


4° Des adverbes ou des locutions adverbiales : Bien ! Comment ! Eh
bien ! Or çà !


Il partit comme un trait ; mais les élans qu’il fit
Furent vains : la Tortue arriva la première.
« Eh bien ! lui cria-t-elle, avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi, l’emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison ? » (JEAN DE LA FONTAINE, Le
lièvre et la tortue, 1668)


5° des formes verbales et spécialement des impératifs : Allons !
Gare ! Tiens ! Suffit ! Dis donc !

“ – Ah ! Ben t’es là, toi ?


– Eh oui… ajouta Franck. Je suis venu tenir la chandelle…
Dis donc, tu t’es faite belle ! (ANNA GAVALDA, Ensemble,
c’est tout, 2010)


Remarque
Les interjections sont fréquemment associées à une phrase exclamative.
(› Phrase exclamative)

1. Principales interjections
Adieu ! Eh ! Hourra ! Patatras !

Ah ! Euh ! Hue ! Pif !

Ahi ! Fi ! Hum ! Pouah !

Aïe ! Fichtre ! Là ! Pst !

Allo ! (ou allô !) Gare ! Las ! (vieux) Quoi !

Bah ! Ha ! Mince ! Sacristi !

Baste ! Haïe ! Motus ! Saperlipopette


!

Bernique ! Hardi ! Ô! Saperlotte !


(famil.)

Bravo ! Hé ! Oh ! Sapristi !

Çà ! Hein ! Ohé ! St !

Chiche ! Hélas ! Ouais ! (vieux) Stop !

Chut ! Hem ! Ouf ! Sus !

Ciao ! [tʃao] Ho ! Ouiche ! Vivat !


(famil.)

Crac ! Holà ! Ouste ! (id.) Zut ! (famil.)

Dame ! Hon ! Paf !

Dia ! Hosanna ! Pan !

2. Principales locutions interjectives


Ah ! çà Grand Dieu ! Là ! là ! Quoi donc !

À la bonne Hé bien ! Ma foi ! Ta ta ta !


heure !

Bonté divine ! Hé quoi ! Mon Dieu ! Tout beau !

Eh bien ! Ho ! Ho ! Or çà ! Tout doux !

Eh quoi ! Jour de Dieu ! Oui-da !

Fi donc ! Juste Ciel ! Par exemple !


PARTIE 4

La phrase simple

CHAPITRE 1
La phrase : définition et identification

CHAPITRE 2
Les fonctions dans la phrase : définition et
identification

CHAPITRE 3
Le sujet

CHAPITRE 4
Les compléments du verbe

CHAPITRE 5
Les types de phrases (déclarative, interrogative,
injonctive, expressive)

CHAPITRE 6
Les formes de phrases

CHAPITRE 7
Les marques d’accord dans la phrase
CHAPITRE 1

La phrase :
définition et identification
1. Définitions de la phrase
2. La phrase et l’énoncé
3. La phrase de base et la phrase étendue
4. Les phrases atypiques
1. Définitions de la phrase
Nous écrivons et nous parlons par assemblages de mots : chacun
de ces assemblages, logiquement et syntaxiquement organisé,
forme une phrase. La phrase constitue la plus grande unité
syntaxique ; elle est à la fois structurée (chaque groupe de mots
entre en relation avec d’autres groupes) et indépendante (les
relations syntaxiques ne débordent pas des limites de la phrase).
Les mots dans la phrase forment des groupes organisés et
interdépendants. Si l’on veut modifier l’ordre des mots dans une
phrase, on ne déplace pas des mots isolés, mais des groupes de
mots. Dans la phrase Belle marquise, vos beaux yeux me font
mourir d’amour, on peut déplacer les groupes belle marquise ou me
font, mais on ne peut pas séparer belle de marquise, ni me de font,
car ils forment des groupes syntaxiques soudés.

“ Le maître de philosophie – On les peut mettre premièrement


comme vous avez dit : « Belle Marquise, vos beaux yeux
me font mourir d’amour ». Ou bien : « D’amour mourir me
font, belle Marquise, vos beaux yeux ». Ou bien : « Vos
yeux beaux d’amour me font, belle Marquise, mourir ». Ou
bien : « Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour me
font ». Ou bien : « Me font vos yeux beaux mourir, belle
Marquise, d’amour. » (MOLIÈRE, Le bourgeois gentilhomme,
1670)


1. Définition syntaxique (sujet-verbe)
Selon le critère syntaxique, on identifie une phrase dès lors que l’on
peut y retrouver un groupe nominal à fonction de sujet et un groupe
verbal à fonction de prédicat, et qu’une relation d’interdépendance
est établie entre ces deux constituants.


Jack parlait lentement. (SORJ CHALANDON, Mon traître, 2010)

Nous empruntâmes un taxi. (CHRISTOPHE BOLTANSKI, Minerais


de sang, 2012)


La relation entre le sujet et le groupe verbal s’envisage selon
différents points de vue.

2. Point de vue logique (prédication)


Selon la tradition logique, qui remonte à l’Antiquité, la phrase est
composée de deux termes qui se définissent mutuellement : le sujet
et le prédicat. Le prédicat, correspondant le plus souvent au groupe
verbal, est ce qu’on affirme (ou nie) à propos du sujet. La phrase
simple dit à propos du sujet
ce qu’il fait ou subit :

Elle dessine trois fourmis. (BERNARD WERBER, La révolution des
fourmis, 1996)

Ce chien a été profondément terrorisé. (DIDIER VAN


CAUWELAERT, Le retour de Jules, 2017)


ce qu’il est, qui il est, dans quel état il est :


Barbara était la chanteuse préférée de ma mère. (GENEVIÈVE
DAMAS, Patricia, 2017)

Son plaisir était de jouer son sort. (STENDHAL, Le rouge et le


noir, 1830)


3. Point de vue sémantique (actants)
La sémantique analyse le sens élaboré dans la phrase et envisage
celle-ci comme une pièce de théâtre où chaque élément joue un
rôle.


Un couple sort de l’eau. (CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT, Croire au
merveilleux, 2017)


Le groupe nominal un couple remplit le rôle d’agent contrôlant
l’action et le complément de l’eau représente la source du
mouvement décrit par le verbe sortir. Chaque constituant de la
phrase s’envisage comme un actant (agent, objet, bénéficiaire,
siège, instrument, but, etc.).

4. Point de vue informationnel


(thème/rhème)
L’analyse informationnelle considère comment l’information est
répartie dans la phrase. Le sujet de la phrase constitue
généralement le thème, ce dont on parle, et le rhème apporte une
information nouvelle à propos du sujet. Dans chacune des phrases
Anne est assise dans l’escalier. Elle pleure. (PIERRE LEMAITRE,
Sacrifices, 2012), le sujet (Anne, elle) constitue le thème à propos
duquel le rhème apporte des informations (est assise dans l’escalier,
pleure).

5. Point de vue pragmatique (acte


de langage)
La pragmatique est l’étude des actes qu’on peut accomplir en
utilisant le langage dans une situation particulière (faire une
promesse, donner un ordre, etc.). On les appelle les actes de
langage. La phrase interrogative Mais as-tu bientôt fini ? (MARCEL
PROUST, Du côté de chez Swann, 1913) peut être utilisée pour
obtenir une information (si on cherche à savoir quelque chose qu’on
ignore) ; dans un autre contexte, elle peut être utilisée pour donner
un ordre, dont l’équivalent direct serait Arrête !
6. Point de vue typographique
(majuscule-point)
On peut considérer la phrase sur la base de critères typographiques
et la définir comme une suite de mots qui commence par une
majuscule et se termine par un point. Cette définition est souvent
insuffisante, parce que plusieurs propositions syntaxiques peuvent
être regroupées par un point (1), ou parce qu’une proposition
syntaxique peut être séparée à l’aide de points (2). Ces usages
atypiques de la ponctuation ont une valeur stylistique ou expressive.
Ils se retrouvent fréquemment dans des textes poétiques, littéraires
et journalistiques. (› Ponctuation)
“ Elle commença à s’agiter sur le palier, elle tenta de
repousser M’ma. J’eus peur pour M’ma, j’eus peur pour
nous. Soudain, la Française s’affaissa sur son perron, sans
connaissance. Les gens s’étaient arrêtés, je distinguais leur
ombre derrière moi, de petits attroupements s’étaient
formés de-ci de-là, quelqu’un a lancé le mot « Police ! ».
(KAMEL DAOUD, Meursault, contre-enquête, 2018) (1)

Elle pourrait se mettre à pleurer. Là, tout de suite. Après tout.


Personne ne la verrait. Ne l’entendrait. Elle pourrait
sangloter sans retenue, sans pudeur, laisser couler sa peine
sur le clavier, entre les touches, s’infiltrer dans les circuits.
Mais elle sait comment cela se passe. Dans ces moments-là.
Quand on ouvre la boîte. Quand on se laisse aller. Elle sait que
les larmes en appellent d’autres, en rappellent d’autres,
qu’elles ont le même goût de sel. (DELPHINE DE VIGAN,
Les heures souterraines, 2009) (2)


2. La phrase et l’énoncé
On distingue la phrase, en tant que structure syntaxique organisée
par des règles grammaticales, de l’énoncé, qui est l’usage d’une
phrase particulière dans un contexte donné, oral (une conversation)
ou écrit (un roman). Alors que les phrases sont censées
correspondre à un modèle de référence (la phrase canonique), les
énoncés peuvent être formellement incomplets ou mal délimités, ce
qui ne les empêche pas de convenir à leur contexte d’emploi.

“ Peut-être, il avait dit, que le succès ne leur monte pas à la


tête, il fallait voir s’ils en étaient dignes… Francesco, sans
doute, mais lui, Basilio… (VINCENT ENGEL, La peur du paradis,
2009)


La distinction entre phrase (modèle-type) et énoncé (emploi
particulier) permet d’expliquer que certains mots puissent
accompagner une phrase sans y être syntaxiquement intégrés : ils
relèvent de l’énonciation. Par exemple, l’adverbe astucieusement
peut être utilisé dans une phrase ou hors de celle-ci. Lorsqu’il
dépend du verbe de la phrase, il signifie « de manière
astucieuse » (1). Lorsqu’il accompagne l’énonciation, on peut le
paraphraser par « en étant astucieux » (2) :
“ Sous l’œil curieux des deux hommes, il s’affaira sur les
ingrédients qu’on lui avait apportés, mélangeant
astucieusement miel, jusquiame et pavot, pour obtenir une
pâte consistante. (GILBERT SINOUÉ, Avicenne ou La route
d’Ispahan, 1989) (1)

Alors, astucieusement, je leur ai demandé si je ne pourrais


pas jeter un coup d’œil sur l’appartement d’un client absent,
dans l’espoir qu’ils me montreraient le vôtre. Hélas, ils ont
refusé. Fin de mon astuce. (ALBERT COHEN, Belle du Seigneur,
1968) (2)


3. La phrase de base et la phrase étendue
Considérée dans ses termes essentiels, la phrase de base se
construit autour d’un verbe, son élément central. Selon le type de
verbe, on distingue trois modèles de phrase de base (ou phrase
minimale).
1° Un sujet et un verbe intransitif qui ne requiert aucun complément
(› Verbe intransitif) :

“ Rose disparaît. (B ERNARD WERBER, Les Thanatonautes, 1994)

Leur halo faiblit, leur chatoiement s’estompe. (FRÉDÉRIC


BEIGBEDER, Une vie sans fin, 2017)


2° Un sujet et un verbe transitif qui construit un ou deux
compléments (› Verbe transitif) :

“ La vie perd un peu de sa folie. (P IERRE LEMAITRE, Robe de


marié, 2009)

Je donnai à ma nouvelle maîtresse une voiture. (ALEXANDRE


DUMAS FILS, La dame aux camélias, 1848)


3° Un sujet, un verbe attributif (être, sembler) et un attribut du sujet
(› Verbe attributif) :

“ Marie est une enfant potelée. (O CÉANE MADELAINE, D’argile et


de feu, 2016)

Les nuages devinrent bleu sombre. (JEAN GIONO, Le hussard


sur le toit, 1951)


Les éléments de la phrase de base ne peuvent pas être supprimés,
sous peine de rendre la construction incomplète ; la phrase
deviendrait alors agrammaticale (ce qui est signalé par un
astérisque) :
Je donnai à ma nouvelle maîtresse une nouvelle voiture. → *Je donnai.
Marie est une enfant potelée. → *Marie est.

Remarque
Lorsque le verbe est à l’impératif, le sujet n’est pas exprimé (› Absence du
sujet) :
Surveille l’appartement, sois sage en mon absence et viens
me voir tous les soirs. (BERNARD WERBER, Le jour des fourmis,
1992)

La phrase étendue s’obtient par le développement de la structure


de base, en ajoutant des constituants facultatifs qui dépendent d’un
élément de la phrase ou de la phrase elle-même. Les éléments
ajoutés constituent des expansions, parmi lesquelles on peut citer :
les compléments facultatifs du verbe, comme le complément
circonstanciel de temps ou de lieu (› Complément
circonstanciel) :

“ Son frère Jules à tout jamais rôde avec la chienne dans les
fourrés. (ANNE-MARIE GARAT, La source, 2015)

Dans la maison, un homme lui tient désormais compagnie à


tout instant. (NANCY HUSTON, Le club des miracles relatifs, 2016)


les expansions dans un groupe nominal, qui prennent la forme
d’adjectifs, d’appositions, de propositions subordonnées ou
participiales, etc. (› Groupe nominal étendu) :

“ Leur drapeau sommeillait à l’arrière, immense, enroulé par


notre vent autour de son mât. (SORJ CHALANDON, Retour à
Killybegs, 2011)

Les familles chargées de poussettes et d’enfants


s’engouffraient dans l’autocar à destination de la Porte Maillot.
(MICHEL HOUELLEBECQ, La carte et le territoire, 2011)


les éléments « hors phrase », qui enrichissent ou commentent
l’énonciation (› Énonciation) :

“ D’après ce que j’ai entendu dire, vous avez connu le château


dans de tout autres conditions… (GEORGES SIMENON, L’affaire
Saint-Fiacre, 1932)

Selon le professeur Gérard Amzallag, auteur du livre Philosophie


biologique, les chamans sont aussi les gardiens et sans
doute les auteurs de la littérature orale. (BERNARD WERBER,
La révolution des fourmis, 1996)


Une phrase étendue peut être réduite à une phrase de base en
supprimant les compléments facultatifs, de manière à correspondre
à un des trois modèles de la phrase de base et à ne conserver que
la relation prédicative entre le sujet et le groupe verbal :
Les familles s’engouffraient dans l’autocar.
Elle prenait un calmant.
Tandis qu’une phrase simple contient un seul verbe conjugué, une
phrase complexe contient plusieurs verbes dont chacun est à la
base d’une proposition distincte, principale ou subordonnée.
“ Dédaignant le demi mousseux et le bol de cacahuètes que la
serveuse avait déposés devant lui, il se concentra sur les vers
qu’il avait appris, de la même façon que l’on cherche à se
remémorer un souvenir agréable afin de détendre les nœuds
qui étranglent l’esprit, et s’évader, se réfugier dans un cocon
bénéfique. (SERGE BRAMLY, Arrête, arrête, 2013) (Dans cette
phrase, se concentra est le verbe principal.)


4. Les phrases atypiques
Certaines phrases s’écartent du modèle de référence, parce qu’elles
se construisent sans verbe (phrases non verbales), parce qu’elles
suppriment un élément normalement obligatoire (phrases elliptiques)
ou parce qu’elles fonctionnent comme un tout dont on ne peut rien
modifier (phrases figées).

1. La phrase non verbale


La phrase se construit typiquement autour du verbe, élément central
qui affirme quelque chose à propos du sujet (relation prédicative). Il
existe également des phrases non verbales, ou phrases nominales,
qui établissent une relation prédicative non marquée par un verbe.
Ces phrases se rencontrent à l’oral et à l’écrit et remplissent
différentes fonctions.
1° La phrase non verbale attributive établit une relation
comparable à celle qu’on trouve entre un sujet et son attribut.
Elle est à deux termes quand le sujet et l’attribut sont énoncés
(1,2,3), ou à un seul terme, sans sujet (4). (› Attribut du sujet)
“ Délicieux, ces calamars ! (N ANCY HUSTON, Infrarouge, 2012)
(= Ces calamars sont délicieux.) (1)

Complètement paf, le boss. (ALBERT COHEN, Belle du


Seigneur, 1968) (2)

Immense hypocrisie que tout cela. (NICOLAS D’ESTIENNE


D’ORVES, La gloire des maudits, 2017) (= Tout cela n’est qu’une
immense hypocrisie.) (3)

Quel crétin. (THOMAS GUNZIG, Manuel de survie à l’usage des


incapables, 2013) (4)


2° La phrase non verbale existentielle affirme l’existence d’un être
ou d’une chose, comme on pourrait le faire avec un introducteur
comme voici, il s’agit de ou c’est.

“ Partout, des tapis précieux aux couleurs vives et pourtant


nuancées, des violets, des bleus, des orangés. (MATHIAS
ÉNARD, Boussole, 2015)

Je reste éveillé toute la nuit. Trente ans, c’est impensable.


Vingt ans, c’est impossible. Même dix ans, je ne pourrais
pas. Une nuit épouvantable. (PIERRE LEMAITRE, Cadres noirs,
2010)


3° La phrase non verbale locative situe un référent (personne,
chose) ou un évènement.

“À chacun sa définition de la folie. (LÉONORA MIANO,


Crépuscule du tourment, 2016)

De vrais Superman, en face de nous. (ALAIN BERENBOOM,


Périls en ce royaume, 2014)


4° La construction de type heureusement que + phrase est très
usuelle. Cette phrase ne contient pas de verbe principal. Elle se
construit à l’aide de certains adverbes, noms ou adjectifs tels
que : apparemment, certainement, dommage, heureusement, nul
doute, peut-être, possible, probablement, sans doute, surement,
vraisemblablement. Ces mots ont sous leur dépendance une
subordonnée introduite par que :
“ Apparemment que monsieur ne croit pas au péché originel;
car si tout est au mieux, il n’y a donc eu ni chute ni punition.
(VOLTAIRE, Candide, 1759)

Heureusement que sur la tête de Rufus il y avait le képi. (RENÉ


GOSCINNY, Le petit Nicolas, 1960)

Sans doute quela conversation languissait, qu’il craignait qu’à


nouveau un ange passe. (JEAN-LOUIS FOURNIER, Où on va,
papa ?, 2008)

Sauf que ce jour-là, Valentine a disparu. Possible qu’elle ait


fait une mauvaise rencontre. (VIRGINIE DESPENTES,
Apocalypse bébé, 2010)


Remarques
1. Dans une phrase non verbale à deux termes, on reconnait le prédicat en
ce qu’il peut être nié, ce qui n’est pas le cas du sujet.
Délicieux, ces calamars ! → Pas délicieux (= prédicat), ces calamars
(= sujet) !
Mais : *Délicieux, pas ces calamars !
2. Une phrase non verbale peut comporter un verbe dans une proposition
subordonnée. Il ne s’agit pas du verbe principal de la phrase.
Bizarre cette habitude que tu as prise de m’appeler par mon
prénom. (d’après JEAN-MICHEL GUENASSIA, La vie rêvée
d’Ernesto G., 2010)

2. La phrase elliptique
L’ellipse consiste à omettre un ou plusieurs éléments normalement
obligatoires dans une phrase. Ces éléments peuvent être
reconstruits aisément car ils ont été mentionnés antérieurement.

“ Au moins il a vu sa fille. Je ne sais pas comment il peut la


renier, elle lui ressemble comme deux gouttes d’eau. (HONORÉ DE
BALZAC, Le père Goriot, 1835) (Elle lui ressemble comme deux gouttes
d’eau [se ressemblent].)

Nous resterons là toute la journée et demain aussi. (PATRICK


DEVILLE, Taba-Taba, 2017) (Et demain [nous resterons là] aussi.)

Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais


pas. (ALBERT CAMUS, L’étranger, 1942) (Ou peut-être [maman est-elle
morte] hier.)


Remarque
Une phrase est non verbale quand le verbe a été omis sans avoir été
mentionné précédemment, ce qui la distingue de la phrase elliptique
(› Phrase non verbale) :
Dans la salle, ambiance religieuse, ce n’est plus un homme,
c’est un monument, ce n’est plus une idole, c’est une relique.
Immense succès commercial. (CAROLINE DE MULDER, Bye
Bye Elvis, 2014)

Les propositions elliptiques se rencontrent fréquemment dans les


dialogues, où elles permettent de ne pas répéter une partie de la
phrase précédente et donnent plus de vivacité aux répliques :

“ – Euh ! que dites-vous ? – [Je dis que] Ce n’est personne.


(MOLIÈRE, L’avare, 1668)

J’étais étranger et vous ne m’avez pas accueilli. Nu et vous


ne m’avez pas vêtu. Malade, en prison, et vous ne m’avez
pas visité. (EMMANUEL CARRÈRE, Le Royaume, 2014)


Les phrases elliptiques se rencontrent aussi dans des
coordinations : deux constructions syntaxiques sont coordonnées et
le verbe (ou un autre élément) n’est pas répété dans le second
membre de la coordination.

“ Il faut du vin aux hommes et de l’eau aux chevaux. (V ICTOR


HUGO, Les misérables, 1862)

Pour comprendre le monde, il faut parfois se détourner ;


pour mieux servir les hommes, les tenir un moment à distance.
(ALBERT CAMUS, L’été, 1954)

Lente est la fête, lente la célébration, lente la joie mystérieuse.


(FRANÇOIS EMMANUEL, Les murmurantes, 2013)


Remarque
Le sujet peut être omis lorsque la forme du verbe permet aisément de le
reconstruire :
Marche, Gascon, fais ce que dois ! Va, Cyrano ! (EDMOND
ROSTAND, Cyrano de Bergerac, 1897) (= Fais ce que [tu] dois.)

3. La phrase figée
Une phrase est figée lorsqu’elle est perçue comme formant un tout,
qu’aucun de ses éléments ne peut être remplacé par un autre et
qu’elle est mémorisée comme telle. Par exemple, la phrase Qui va à
la chasse perd sa place n’est pas modifiable : on ne trouvera pas dans
l’usage de formulations légèrement différentes telles que Qui va à la
chasse perd son tour, ou Qui va à la messe perd sa place. Ces
phrases sont mémorisées comme un tout :


Je me suis dit : c’est mon année, qui va à la place perd…
non, c’est quoi déjà l’expression ? (ISABELLE BALDACCHINO,
Les blondes à forte poitrine, 2015)


Les phrases figées sont les phrases situationnelles, les proverbes et
les dictons.
Les phrases situationnelles prennent leur sens et se prononcent
dans un contexte pragmatique particulier : Les carottes sont cuites (se
dit quand la situation est désespérée), Le monde est petit (se dit
quand on rencontre de manière inopinée une connaissance dans un
lieu inattendu), Un ange passe (se dit quand un silence gênant
interrompt la conversation), etc.

“ À un moment, par l’un de ces hasards qui font que plusieurs


conversations s’arrêtent en même temps (un ange passe), le
silence se fait. (DELPHINE DE VIGAN, Rien ne s’oppose à la nuit,
2011).


Les proverbes véhiculent une vérité générale, une connaissance
transmise par la sagesse populaire (on peut les faire précéder de
« comme chacun sait… ») : Chassez le naturel, il revient au galop (= on
ne peut pas changer la personnalité de quelqu’un), L’habit ne fait pas
le moine (= il ne faut pas juger les gens sur l’apparence), Rien ne sert
de courir, il faut partir à point (= il faut se mettre à l’ouvrage à temps
plutôt que de se hâter en dernière minute), La caque sent toujours le
hareng (= on ne peut jamais s’affranchir complètement de ses
origines), etc. (Proverbes)
Les proverbes peuvent cependant faire l’objet de jeux et de
détournements :
“ Les hommes employés comme domestiques portent des
livrées, et les femmes des robes. L’habit ne fait pas la liberté,
mais il lui ressemble. (DANIEL RONDEAU, Malta Hanina, 2012)

Rien ne sert de mourir, il faut pourrir à point ? (PATRICK


DECLERCK, Crâne, 2016)


Les dictons sont des phrases figées proches des proverbes, mais
qui véhiculent essentiellement des connaissances ou des croyances
relatives à la nature ou à la météo : Noël au balcon, Pâques aux
tisons (= quand l’hiver est tardif, le printemps est froid) ; À la Sainte-
Catherine, tout bois prend racine (= la date du 25 novembre est propice
à la reprise des boutures) (Dictons).
CHAPITRE 2

Les fonctions dans la phrase :


définition et identification
1. Les fonctions syntaxiques
2. L’identification des constituants
3. L’ambigüité dans la phrase
1. Les fonctions syntaxiques
La phrase est à la fois linéaire et structurée. La linéarité est le fait
que les mots se disposent les uns après les autres ; elle tient au fait
qu’on ne peut ni écrire ni prononcer deux mots en même temps. La
phase est structurée par le fait que chaque constituant entre en
relation avec d’autres constituants. Le découpage de la phrase par
la ponctuation (à l’écrit) ou par la prosodie (à l’oral) marque sa
structure.

1. Les fonctions dans la phrase


Les relations de dépendance syntaxique sont exprimées en termes
de fonctions. Un élément de la phrase remplit une fonction
relativement à un autre élément :
le verbe de la phrase :


Maître Corbeau sur un arbre perché
Tenait dans son bec un fromage. (JEAN DE LA FONTAINE, Le
corbeau et le renard, 1668)


le sujet du verbe :
“ Le petit chat est mort. (M OLIÈRE, L’écoles des femmes, 1662)


le complément du verbe (direct, indirect, du verbe passif, etc.) :


La terre est bleue comme une orange. (PAUL ÉLUARD, La terre
est bleue... , 1929)


le complément de la phrase :

“ Incidemment, lui effleurant le bras dans la conversation, il lui


proposa de l’accompagner à l’hippodrome. (JEAN-PHILIPPE
TOUSSAINT, Nue, 2013)


Remarque
Les fonctions sont également définies en termes sémantiques : complément
d’objet, complément de lieu, etc.

2. Les fonctions dans les groupes


Chaque groupe dans la phrase est également structuré. À un niveau
secondaire, s’établissent des relations de dépendance que la
grammaire décrit à l’aide des fonctions suivantes (› Groupe
nominal) :
complément du nom, complément de l’adjectif, complément de
l’adverbe ;
épithète (du nom, etc.) ;
apposition (au nom, à l’adjectif, etc.).

3. Les mots sans fonction dans


la phrase
Certains mots n’ont aucune relation syntaxique avec les autres mots
de la proposition. Ce sont :
les interjections comme ah, mon dieu !, etc. (› Interjections)

“ Hier, j’apprends la catastrophe… O ciel! (S


TENDHAL, Le rouge
et le noir, 1830)


le mot mis en apostrophe, nom ou pronom désignant l’être ou
la chose personnifiée à qui on adresse la parole :

Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !

Suspendez votre cours. (ALPHONSE DE LAMARTINE, Le lac,


1820)


le mot explétif, qui est un pronom personnel marquant l’intérêt
que prend à l’action la personne qui parle, ou indiquant qu’on
sollicite le lecteur ou l’auditeur de s’intéresser à l’action :


On vous happe notre homme, on vous l’échine, on vous
l’assomme. (JEAN DE LA FONTAINE, L’éléphant et le singe de
Jupiter, 1693)

Goûtez-moi ce plat de mon invention : l’anguille sous roche.


(AMÉLIE NOTHOMB, Barbe bleue, 2012)


2. L’identification des constituants
L’analyse de la structure syntaxique d’une phrase se fonde sur une
double opération : isoler les groupes et les sous-groupes ; identifier
les relations (fonctions) qu’ils entretiennent. Les groupes peuvent
être identifiés à l’aide des opérations suivantes : la substitution, le
déplacement et la suppression.

1. La substitution
Lors de la substitution syntaxique, un groupe est remplacé par un
seul mot, pronom ou adverbe, qui remplit une fonction équivalente
dans la phrase.

“ (La femme de chambre) lissa (les gros bas d’hiver) (sur les
chevilles et les mollets de Cara). (MATHIAS MENEGOZ,
Karpathia, 2014)


Le groupe la femme de chambre est remplaçable par le pronom
personnel elle : Elle lissa les gros bas d’hiver sur les chevilles et les
mollets de Cara.
Le groupe les gros bas d’hiver peut être remplacé par les : La
femme de chambre les glissa sur les chevilles et les mollets de Cara.
Le groupe sur les chevilles et les mollets de Cara peut être
remplacé par l’adverbe y : La femme de chambre y lissa les gros bas
d’hiver.
(La femme de chambre) lissa (les gros bas d’hiver) (sur les chevilles
et les mollets de Cara).
≃ (Elle) (les) (y) (lissa).
Au final, la phrase Elle les y lissa est fonctionnellement équivalente à
la phrase de départ. Le verbe, élément central de la phrase, ne peut
être remplacé par un autre verbe, car il détermine la forme des
compléments (avec ou sans préposition, etc.) ou le type de sujet
accepté (humain, non humain, etc.).
L’analyse peut se répéter au sein d’un groupe si ce groupe est lui-
même composé de sous-constituants.
Le groupe prépositionnel sur les chevilles et les mollets de Cara
contient un complément du nom de Cara qui peut être remplacé
par un déterminant possessif : sur ses chevilles et ses mollets.

2. Le déplacement
Sous certaines conditions, un groupe syntaxique peut être déplacé à
un autre endroit dans la phrase.


Marlène coinça Dan (le lendemain matin), (au petit jour).
(PHILIPPE DJIAN, Marlène, 2017)


Les compléments le lendemain matin, au petit jour peuvent être
déplacés en tête de phrase : (Le lendemain matin), (au petit jour),
Marlène coinça Dan.
Toutefois, le déplacement d’un groupe peut provoquer une
modification du sens de la phrase quand ce déplacement modifie la
fonction du groupe dans la phrase : Marlène coinça Dan n’est pas
équivalent à Dan coinça Marlène.
De même dans la phrase suivante, le groupe le lendemain matin ne
peut pas être déplacé sans modifier le sens de la phrase :

“ Le lendemain matin, Maria m’a annoncé que j’irais au lycée


seul. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, Le club des incorrigibles
optimistes, 2009) (N’est pas équivalent à : Maria m’a annoncé que j’irais au
lycée seul le lendemain matin.)


3. La suppression
Un groupe syntaxique peut être supprimé, pour autant qu’il ne soit
pas un constituant essentiel de la phrase de base :

“ Le lendemain matin, Maria m’a annoncé que j’irais au lycée


seul. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, Le club des incorrigibles
optimistes, 2009) (Le groupe le lendemain matin joue le rôle d’un
complément accessoire du verbe, il est supprimable.)

À son arrivée, l’empereur lui fit dire qu’il le recevrait le


lendemain matin. (MARC BRESSANT, Un si petit territoire, 2017)
(Le groupe le lendemain matin est complément essentiel du verbe et ne peut
pas être supprimé.)


4. Critères pour établir la fonction
syntaxique d’un constituant
La fonction syntaxique d’un élément est le rôle que cet élément
joue dans la phrase ou dans le groupe où il est employé. La fonction
d’un élément se définit toujours relativement à un autre élément :
sujet du verbe, attribut du sujet, apposition au nom, complément
d’objet direct du verbe, complément du nom, etc. Les fonctions se
définissent au moyen de différents critères, qui généralement se
combinent dans la pratique.
1° Le critère sémantique, dominant dans la grammaire
traditionnelle, associe une fonction syntaxique à un rôle
sémantique dans la phrase : le sujet est défini comme l’agent qui
accomplit l’action décrite par le verbe, un complément de temps,
de lieu ou de manière est défini en fonction de son apport
sémantique, etc. (› Analyse sémantique)
2° Le critère positionnel associe une fonction à une localisation
dans la phrase ou dans le groupe : généralement, le sujet
précède le verbe, l’adjectif épithète précède ou suit
immédiatement le nom, le complément suit l’élément qu’il
complète, etc.
3° Le critère d’accord associe à une fonction des règles
concernant les marques d’accord : le verbe s’accorde en genre
et en nombre avec le sujet, l’adjectif s’accorde avec le nom
auquel il se rapporte, etc. (› Accords dans la phrase)
4° Le critère de la classe grammaticale spécifie que chaque
fonction peut être réalisée par une ou plusieurs catégories de
mots : ainsi le sujet est généralement un nom ou un pronom ;
mais il peut être réalisé par un adjectif, un verbe à l’infinitif ou
une phrase relative qui sont pris comme noms.
Remarque
L’anacoluthe est une construction syntaxique modifiée en cours de route : la
phrase, commencée d’une manière, s’achève d’une autre manière, soit qu’un
élément présenté comme sujet est abandonné, soit que la phrase commence
sur un mode déclaratif pour se conclure sur un autre mode :
Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, la face du monde
aurait changé. (BLAISE PASCAL, Pensées, 1669)
3. L’ambigüité dans la phrase
Une phrase ambigüe est susceptible de recevoir plusieurs
interprétations.
1° L’ambigüité est syntaxique quand un constituant de la phrase
peut se rattacher à l’un ou l’autre élément de cette phrase.

“ Les rescapés les avaient vus venir de loin. (R ENÉ BARJAVEL,


Ravage, 1943) (Le complément de loin peut dépendre de vus ou de venir.)

Avez-vous vu le collier du chien que Gustave a acheté hier ?


(VICTOR THIBAUDEAU, 88 clefs pour identifier dans un texte un
problème de logique ou d’expression de la pensée, 2008) (Est-ce le
chien ou le collier qui a été acheté hier ?)


2° L’ambigüité lexicale est due à un mot qui a plusieurs sens ou à
deux mots différents qui ont la même graphie, comme dans la
phrase La belle porte le voile, où voile peut être le verbe voiler
(« cacher ») ou le nom voile (« tissu »). (› Homonymie)

Lorsqu’elle sourit, il pensa qu’il allait l’emporter. (ÉRIC-
EMMANUEL SCHMITT, Concerto à la mémoire d’un ange, 2010)
(L’expression il allait l’emporter est ambigüe : elle signifie « il allait prendre le
dessus » ou « il allait l’emmener avec lui ». Selon la première interprétation, le
pronom l’ est figé et n’a pas de fonction syntaxique ; selon la seconde
interprétation, le pronom l’ renvoie à elle.)


CHAPITRE 3

Le sujet
1. Définition et identification
2. La nature syntaxique du sujet
3. La position du sujet dans la phrase
4. L’absence de sujet
1. Définition et identification
Dans la phrase, le sujet est l’élément qui donne ses marques de
personne et de nombre au verbe : c’est avec le sujet que le verbe
s’accorde.

“ La lune brillante illumine tout au-dehors. (J OËL DICKER, La


vérité sur l’affaire Harry Quebert, 2014)

découvrent l’odeur enivrante de l’herbe coupée.


Les citadins
(PATRICK DEVILLE, Taba-Taba, 2017)


D’un point de vue sémantique, le sujet peut être animé ou inanimé.
Lorsqu’il est animé (par ex. le garçon), le sujet est soit l’agent, soit le
siège de l’action (1). S’il est inanimé (par ex. le feu, les arbres), le
sujet est l’instrument ou le siège (2). (› Analyse sémantique de la
phrase)
“ Le garçon rebrousse chemin vers le comptoir d’un pas
fatigué. (PIERRE LEMAITRE, Robe de marié, 2009) (1)

Le feu projette ses lueurs orangées jusque sur ton épaule.


(MATHIAS ÉNARD, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants,
2011) (2)


Le sujet est un élément essentiel de la phrase, il ne peut pas être
supprimé. On peut le remplacer par un pronom (il, ça, etc.). En
général le premier groupe nominal de la phrase est le sujet.


Une blonde qui possédait des nichons et une nuque inoubliables a
cru bon de venir rompre le silence. (LOUIS-FERDINAND CÉLINE,
Voyage au bout de la nuit, 1952) (Elle a cru bon de venir rompre le
silence.)


Pour trouver le sujet, on place avant le verbe la question qui est-ce
qui ? pour les sujets animés, et qu’est-ce qui ? pour les sujets non
animés. On peut aussi identifier le sujet en l’extrayant entre c’est…
qui… :

La vie des femmes est trop limitée, ou trop secrète.
(MARGUERITE YOURCENAR, Mémoires d’Hadrien, 1974) (Qu’est-ce
qui est trop limité, ou trop secret ? C’est la vie des femmes qui est trop limitée,
ou trop secrète.)


2. La nature syntaxique du sujet
Le sujet par excellence est le nom (ou le groupe nominal), le nom
propre ou le pronom :

“ Le soleil est encore chaud dans le ciel trouble de l’été.


(JÉRÔME FERRARI, Le sermon sur la chute de Rome, 2012)

Pascal est un marin du bitume. (JOSEPH INCARDONA, Derrière


les panneaux, il y a des hommes, 2015)

Tout s’envole dans sa tête. (LAURENT BINET, La septième


fonction du langage, 2015)


Peuvent être sujets tous les équivalents du nom :
un infinitif


Aimersemble être la dernière façon de résister. (SERGE
JONCOUR, Repose-toi sur moi, 2016)


un adverbe quantifieur :

Beaucoup sont des âmes de naufragés. (ADRIEN BOSC,
Constellation, 2014)


une proposition :


Quiconque tente de s’y soustrairese voit conspué. (DELPHINE DE
VIGAN, Les heures souterraines, 2009)


n’importe quel élément utilisé « en mention », c’est-à-dire pour se
désigner lui-même :


« Remourir » est un verbe qui, heureusement, n’existe pas.
(JEAN-LOUIS FOURNIER, Veuf, 2011)

Taquin, qui au féminin forme trivialement taquine,


est un adjectif
et un nom dont la provenance – vous vous en fichez comme
d’une guigne – est italienne. (YANN MOIX, Naissance, 2013)


un adjectif, un participe présent ou passé construit avec un
déterminant :
“ Le vert brillant des eaux parut se rider sous ce choc. (J EAN-
CHRISTOPHE RUFIN, Rouge Brésil, 2011)

Les mouches et tous les rampants du pays grouillaient sur la


nappe. (JACQUES PRÉVERT, Le point du jour, 1949)

Les blesséshurlaient, les morts se refroidissaient dans des


postures cassées. (ÉMILE ZOLA, Germinal, 1885)


Remarque
L’infinitif, le participe présent et le participe passé peuvent avoir un sujet
(› Prop. sub. infinitive) :
On entendit quelques secondes durant une femme pleurer et
supplier dans la maison. (SIMON LIBERATI, California Girls, 2016)

Le vent aidant, l’incendie semblait devoir épargner la rive


gauche. (RENÉ BARJAVEL, Ravage, 1943)

Une fois la frontière dépassée, Andrea faisait argent de ses


diamants. (ALEXANDRE DUMAS, Le Comte de Monte-Cristo, 1844)
(› Prop. sub. participiale)
3. La position du sujet dans la phrase

a) Avant le verbe
Dans la plupart des phrases et des propositions, le sujet se place
avant le verbe.

“ Tous les hommes ont la nostalgie de ce temps énorme où la


vie avait encore l’élasticité du possible. (PATRICK LAPEYRE, La
vie est brève et le désir sans fin, 2010)


b) Après le verbe, dans les phrases
déclaratives
Le sujet se place après le verbe dans les cas suivants.
1° Dans certaines propositions au subjonctif marquant le souhait, la
supposition :


Puissiez-vous être toujours libres, regardant le monde sans
peur, et avançant dans votre vie avec joie. (LAURENT GAUDÉ,
Les oliviers du Négus, 2013)

Vienne le vert été. (HOAI HUONG NGUYEN, L’ombre douce, 2013)


2° Dans la plupart des propositions en incise indiquant une parole
rapportée (› Les incises) :


Un mort qu’on ne connaît pas meurt un peu moins, pense-t-
elle. (ALICE ZENITER, L’art de perdre, 2017)

J’eusse tant aimé, soupire BW, que tu me visses en cette


chevaleresque situation. (LYDIE SALVAYRE, BW, 2015)


3° Dans les propositions où l’attribut est mis en tête :


Rares étaient ceux qui osaient essayer un plat inconnu et
luxueux : ils préféraient les valeurs sûres. (AMÉLIE NOTHOMB,
Le fait du prince, 2008)


c) Après le verbe, dans les phrases
interrogatives
Le sujet se place après le verbe dans les constructions
interrogatives suivantes. (› Phrases interrogatives)
1° Dans les interrogations directes si la question porte sur le verbe
et que le sujet est un pronom personnel (je, il, etc.), ou le pronom
ce ou on :

Peut-on avoir en soi, nuageuse, diffuse, une mémoire de
l’avenir ? (ÉRIC FAYE, Nous aurons toujours Paris, 2009)

Est-ce vrai de toute photo ? (YASMINA REZA, Babylone, 2016)


2° Dans les interrogations directes commençant par le pronom que
ou quel, interrogatif attribut ou complément d’objet direct du
verbe :

“ Que sommes-nous devenus ? (L AURENT GAUDÉ, Danser les


ombres, 2015)

Et quelles sont les nouvelles de Paris ? (JOËL DICKER, Les


derniers jours de nos pères, 2012)


Remarques
1. Si l’interrogation ne commence pas par un mot interrogatif et que le sujet
n’est ni un pronom personnel ni l’un des pronoms ce, on, le sujet se place
avant le verbe et on le répète après le verbe par un pronom personnel :
Le roi de France n’est-il pas prisonnier en Espagne ? (AMIN
MAALOUF, Léon l’Africain, 1986)

Tout est-il donc voué à chanceler ? (HÉLÈNE GRÉMILLON, La


garçonnière, 2013)
2. Si l’interrogation commence par un mot interrogatif ni attribut ni
complément d’objet direct et que le sujet n’est ni un pronom personnel ni
ce ou on, ce sujet se met facultativement en inversion :
Où va l’amour ? (CAROLINE DE MULDER, Bye Bye Elvis, 2014) (Où
l’amour va-t-il ?)
Toutefois, après pourquoi, ce sujet ne se met guère en inversion :
Alors, pourquoi Dieu se conduit-il de manière si infantile ?
(AMÉLIE NOTHOMB, Barbe bleue, 2010)
3. Quand l’interrogation commence par est-ce que l’inversion du sujet n’a
jamais lieu :
Est-ce que l’on sait où l’on va ? (DENIS DIDEROT, Jacques le
fataliste et son maître, 1796)

Est-ce que j’ai rêvé que j’oubliais ? (LAURENT MAUVIGNIER, Une


légère blessure, 2016)

d) Avant ou après le verbe


Le sujet se met facultativement après le verbe dans les cas
suivants.
1° Dans les phrases commençant par à peine, aussi, aussi bien,
ainsi, au moins, du moins, en vain, vainement, peut-être, sans
doute :

Sans doute faisait-il partie de ces gens dont le corps se
détraque tout seul. (CAROLINE DE MULDER, Bye Bye Elvis, 2014)

Sans doute il vous a regardé, peut-être même il va venir


vous parler. (STENDHAL, Le rouge et le noir, 1830)

À peine se souvient-il de leur rencontre, un soir, chez des


amis d’amis qui habitaient en banlieue. (PATRICK LAPEYRE,
La vie est brève et le désir sans fin, 2010)

À peine il quitte la scène qu’il les entend derrière, grand


galop de grands talons. (CAROLINE DE MULDER, Bye Bye Elvis,
2014)


Remarque
Si le sujet n’est ni un pronom personnel, ni ce ou on, il se place avant le
verbe et se répète facultativement après lui par un pronom personnel :
À peine le soleil était-il levé, à peine le soleil était levé.
(Dictionnaire de l’Académie)

2° Dans les phrases commençant par le verbe intransitif (sans


complément) :
“ Vint un poème en vers libres que j’ai reproduit deux fois
dans deux livres. (SIMON LIBERATI, Les rameaux noirs, 2017)

Arrive ensuite la conférencière qui doit présenter la première


communication. (LAURENT DEMOULIN, Robinson, 2016)


3° Dans les propositions relatives, si le sujet est autre chose qu’un
pronom personnel ou l’un des pronoms ce, on : Les efforts que ce
travail vous demandera, … que vous demandera ce travail.
4° Dans les propositions commençant par un complément
circonstanciel ou par certains adverbes (temps, lieu, manière), si
le sujet est autre qu’un pronom personnel ou que l’un des
pronoms ce, on :
“ Et là-bas était le détroit qui permettrait de passer à l’océan
du Sud. (ALEXIS JENNI, La conquête des îles de la Terre Ferme,
2017)

À comparer avec un sujet pronominal : Là-bas on parlera


longtemps de leur bravoure. (MARCUS MALTE, Le garçon,
2016)

Ici poussaient alors le peuplier, le hêtre, la vigne et le séquoia


mais c’est fini, tout ça. (JEAN ECHENOZ, Je m’en vais, 1999)

Dans la cuisine le soir après le dîner, arrivent les enfants.


(VIRGINIE DELOFFRE, Léna, 2010)


5° Dans des propositions infinitives, quand l’infinitif n’a pas de
complément d’objet direct et que son sujet est autre chose qu’un
pronom personnel ou relatif (1). Mais quand la proposition
infinitive dépend de faire, si le sujet de l’infinitif est autre chose
qu’un pronom personnel ou relatif, ce sujet se met après
l’infinitif (2) (› Proposition infinitive) :

Ici nous avons pensé être perdus tous deux. (CHODERLOS DE
LACLOS, Les liaisons dangereuses, 1782) (Ou : Ici, nous avons pensé
tous deux être perdus.) (1)

Il a fait grandir son peuple durant son exil en Égypte.


(EMMANUEL CARRÈRE, Le Royaume, 2014) (2)


4. L’absence de sujet
Différentes raisons expliquent que le sujet ne soit pas exprimé dans
la phrase.
1° À l’impératif, le sujet n’est pas réalisé :

“ Soyez heureuse pour elle. (DIDIER VAN CAUWELAERT, La


femme de nos vies, 2010)

N’y pense même pas. (VIRGINIE DESPENTES, Apocalypse bébé,


2015)


2° Lorsque la phrase contient plusieurs verbes coordonnés ayant le
même sujet, ce sujet n’est pas nécessairement répété (› Phrase
elliptique) :


Le président arpente la pièce, contemple longuement les
jardins. (BERNARD WERBER, Le jour des fourmis, 1992)


3° Dans un style informel, on omet parfois le sujet
dans des tournures impersonnelles où on devrait avoir il :
“ Tu peux me regarder, tu sais, je suis là. Faut pas avoir peur
de moi. (LAURENT MAUVIGNIER, Tout mon amour, 2012)

Y a pas de quoi être fier. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, Le club


des incorrigibles optimistes, 2009)


dans des tournures personnelles, quand la forme du verbe
marque sans ambigüité la personne ; ainsi, au présent de
l’indicatif, la première personne du verbe être (suis, sommes) ne
se confond ni avec la deuxième (es, êtes) ni avec la troisième
(est, sont) personne :


Suis sortie de la pharmacie en chantant tout bas : Ô mon
amour, à toi toujours. C’est bête, je sais. (ALBERT COHEN,
Belle du Seigneur, 1968)


à l’écrit en particulier, dans des messages à caractère bref :

“ Je me contente d’envoyer à Kathryne un bref message :


« Passeport récupéré. Caution inutile. Vais acheter le ticket
de retour. » (ALAIN BERENBOOM, Hong Kong Blues, 2016)


Remarque
Dans les phrases à verbe impersonnel il fait, il faut, il neige, il pleut (et verbes
apparentés), le pronom il précède le verbe et donne ses marques (de
nombre et de personne) au verbe. Pour autant, ce pronom ne représente pas
un autre terme, il est une pure marque grammaticale. (› Verbe impersonnel)
Il avait neigé pendant la nuit. (SORJ CHALANDON, La profession
du père, 2015)

Pour trouver la solution, il faut penser différemment. (BERNARD


WERBER, Les fourmis, 1991)
CHAPITRE 4

Les compléments du verbe


1. Généralités
2. L’attribut
3. Le complément d’objet direct et indirect
4. Les autres compléments essentiels du verbe
5. Le complément d’agent
6. Le complément circonstanciel
7. Le complément de la phrase
1. Généralités

1. Types de compléments du verbe


On distingue les compléments (› Les constructions du verbe)
selon le type de verbe : un verbe transitif construit un ou deux
compléments (nuire à quelqu’un, dire quelque chose à quelqu’un) ; un
verbe attributif (être, paraitre, sembler, etc.) relie l’attribut au sujet
ou au complément ; les verbes intransitifs n’ont pas de
complément (crier, pleurer) ;
selon leur caractère indispensable : les compléments
essentiels du verbe ne peuvent pas être supprimés et sont
difficilement déplaçables ; les compléments accessoires ou
circonstanciels sont effaçables et mobiles dans la phrase ;
selon que le complément suit immédiatement le verbe :
complément d’objet direct ; ou est introduit par une
préposition : complément d’objet indirect.
Après avoir présenté les critères qui permettent de distinguer les
compléments essentiels des compléments accessoires du verbe, ce
chapitre aborde le fonctionnement des compléments suivants :
l’attribut du sujet et l’attribut du complément d’objet direct ; le
complément d’objet direct et indirect ; les autres compléments
essentiels du verbe ; le complément d’agent ; le complément
circonstanciel ; le complément de phrase.
Remarque
On est face à deux verbes homonymes lorsqu’ils diffèrent par leur sens et par
leur construction syntaxique. Ainsi, se rendre se construisant sans
complément (emploi intransitif) signifie « se soumettre à une force supérieure
en abandonnant le combat », tandis que se rendre construisant un
complément prépositionnel (emploi transitif) signifie « se transporter, aller ».
Ça durera six semaines donc, jusqu’à ce qu’il se rende.
(MORGAN SPORTÈS, Tout, tout de suite, 2011)

En septembre 1956, Ali se rend à Alger pour des affaires.


(ALICE ZENITER, L’art de perdre, 2017)

2. Compléments essentiels
et accessoires
Les compléments essentiels sont nécessaires à la construction du
verbe : c’est le cas de l’attribut, du complément d’objet direct ou
indirect, et d’autres compléments essentiels (de lieu). Par contre, les
compléments accessoires complètent la prédication verbale en
indiquant une précision extérieure, comme les compléments
circonstanciels (de lieu, de temps, de manière, etc.), ou un
commentaire sur l’énonciation, comme les compléments de phrase.


De nuit[complément accessoire], la capitale de la Tanzanie
ressemblait à une bourgade [complément essentiel].
(CHRISTOPHE BOLTANSKI, Minerais de sang, 2012)


Les compléments accessoires peuvent être supprimés, ils sont
mobiles dans la phrase et ils peuvent être séparés du verbe par
l’insertion de et ce.
Test 1 : suppression du complément

Complément essentiel ☹ de nuit la capitale de la Tanzanie


ressemblait à une bourgade

Complément accessoire ☺ de nuit la capitale de la


Tanzanie ressemblait à une
bourgade

Test 2 : déplacement du complément

Complément essentiel ☹ à une bourgade la capitale de la


Tanzanie ressemblait

Complément accessoire ☺ de nuit la capitale de la Tanzanie


ressemblait à une bourgade
☺ la capitale de la Tanzanie
ressemblait, de nuit, à une
bourgade
☺ la capitale de la Tanzanie
ressemblait à une bourgade, de
nuit

Test 3 : insertion de et ce entre le verbe et le


complément

Complément essentiel ☹ la capitale de la Tanzanie


ressemblait, et ce à une bourgade

Complément accessoire ☺ la capitale de la Tanzanie


ressemblait à une bourgade, et ce
de nuit
Remarque
Dans certains cas, il est difficile de déterminer si un complément est essentiel
ou s’il est accessoire.
Il est en train de mentir à des millions de gens. (ALICE
ZENITER, Juste avant l’oubli, 2015)
Le complément du verbe mentir peut être supprimé sans que le sens du
verbe soit modifié et il peut être séparé du verbe par et ce. Par contre, il est
difficile de le déplacer en tête de phrase.
Il est en train de mentir à des millions de gens. (Test de
suppression.)
Il est en train de mentir, et ce à des millions de gens. (Test
d’insertion.)
*?À des millions de gens il est train de mentir. (Test de mobilité.)
La différence entre complément essentiel et accessoire correspond, dans
certains cas, à un continuum et non à une opposition stricte.

Les compléments essentiels sont étroitement liés au verbe et leur


interprétation dépend des rôles sémantiques associés au verbe. Les
compléments essentiels les plus fréquents sont l’attribut du sujet, le
complément d’objet direct et le complément d’objet indirect du verbe.
(› Définition sémantique de la phrase)
Les compléments accessoires correspondent aux compléments
circonstanciels : ils précisent les circonstances de la prédication
verbale, sans être des compléments spécifiques au verbe ; c’est la
raison pour laquelle ils sont mobiles et effaçables.
2. L’attribut

1. Définition et identification
L’attribut exprime une information (qualité, nature, état) sur le sujet
ou sur un complément, par l’intermédiaire d’un verbe attributif. Il y a
deux types d’attributs :
l’attribut du sujet ;

“ Plus qu’aucun autre, le roi de Némi est seul. (YANNICK


HAENEL, Je cherche l’Italie, 2016)


l’attribut du complément d’objet direct.


Faute de mieux, Félix a nommé cela son « âme ». (BERNARD
WERBER, Les Thanatonautes, 1994)


L’attribut du sujet possède les caractéristiques suivantes :
il fait partie du groupe verbal et se place habituellement après le
verbe ;
il ne peut pas être supprimé ;
avec certains verbes d’état (être, paraitre, devenir, etc.), il peut
être remplacé par le pronom personnel le/l’ ;
il peut être remplacé par un adjectif et s’accorde avec le sujet.
(› Adjectif épithète)
L’attribut du complément d’objet direct exprime une qualité qui
est accordée au complément objet du verbe.

“ Je les trouvais molles et pathétiques et elles devaient me


trouver rude et grossière. (NÉGAR DJAVADI, Désorientale, 2016)


Remarque
Lorsque l’attribut du complément d’objet direct est un adjectif, il ne se
confond pas avec l’adjectif épithète qui complète le nom.
Je trouvai l’explication valable. (ROMAIN GARY, La promesse de
l’aube, 1960) (L’adjectif valable est attribut du complément d’objet
direct l’explication.)

Reste à trouver l’explication scientifique (BERNARD WERBER,


Les Thanatonautes, 1994) (L’adjectif scientifique appartient au groupe
nominal.)
1. On ne peut pas supprimer l’attribut complément d’objet sans modifier le
sens de la phrase, alors qu’on peut supprimer l’adjectif épithète :
Je trouvai l’explication valable → ☹ Je trouvai l’explication.
Reste à trouver l’explication scientifique → ☺ Reste à trouver
l’explication.

2. L’attribut du complément d’objet direct n’est pas pronominalisable tandis


que l’adjectif épithète, parce qu’il fait partie du groupe nominal, sera inclus
dans la pronominalisation :
Je trouvai l’explication valable → Je la trouvai valable.
Reste à trouver l’explication scientifique → Reste à la trouver.

2. Verbes introducteurs
L’attribut peut être relié au sujet par les verbes suivants :
le verbe être (c’est le cas le plus fréquent) ;

La vérité générale et abstraite est le plus précieux de tous
les biens. Sans elle l’homme est aveugle ; elle est l’œil de la
raison. (JEAN-JACQUES ROUSSEAU, Les rêveries du promeneur
solitaire, 1782)


un verbe d’état exprimant l’existence et à laquelle est associée
une idée :
1° de devenir : devenir, se faire, tomber ;

“ Je suis devenue folle en pleine raison. (M ARGUERITE DURAS,


L’amant, 1984)


2° de continuité : demeurer, rester ;


Nous demeurions immobiles dans la profondeur du petit
matin. (KATEB YACINE, Nedjma, 1956)


3° d’apparence : paraitre, sembler, se montrer, s’affirmer, s’avérer, avoir
l’air, passer pour, être réputé, être pris pour, être considéré comme, être
regardé comme, être tenu pour ;
“ Le printemps qui a suivi s’est avéré moins charitable avec lui.
(PHILIPPE DJIAN, Dispersez-vous, ralliez-vous !, 2017)


4° d’appellation : s’appeler, se nommer, être appelé, être dit, être traité
de ;

“ Notre fille fut appelée Louise. (S ORJ CHALANDON, Le quatrième


mur, 2013)


5° de désignation : être fait, être élu, être créé, être désigné pour, être
choisi pour, être proclamé ;


À la fin de l’été, Benjamin Gordes a été fait caporal.
(SÉBASTIEN JAPRISOT, Un long dimanche de fiançailles, 1991)


6° d’accident : se trouver, par ex. :
“ er
Le 1 juillet, en revenant à la vie, Lucette va se trouver
veuve. (MARCEL AYMÉ, Le passe-muraille, 1943).


certains verbes d’action où se trouve associée l’idée d’attribution,
parmi lesquels on peut signaler :

aller courir fuir partir sortir

s’en aller dormir marcher passer tomber

s’arrêter s’éloigner mourir régner venir

arriver entrer naitre se retirer vivre

“ Elle est morte heureuse, puisqu’elle est morte en dansant.


(KATHERINE PANCOL, La valse lente des tortues, 2008) (Elle est
morte [en étant] heureuse.)

Les bois étaient emplis […] d’oiseaux en bande fuyant


indistincts. (FRANÇOIS GARDE, La baleine dans tous ses états,
2015) (Fuyant [en étant] indistincts.)


Les verbes qui relient l’attribut au complément d’objet direct sont
des verbes auxquels on associe implicitement l’idée d’attribution, par
exemple :
“ On pouvait nommer quelqu’un « frère » par extension ou
métaphore, pour souligner l’intimité d’un lien, mais l’idée
que tous les hommes sont frères est une trouvaille de cette
petite secte. (EMMANUEL CARRÈRE, Le Royaume, 2014)

Il est fort possible que Sarah trouve cela du dernier kitsch.


(MATHIAS ÉNARD, Boussole, 2015)


Parmi ces verbes on peut signaler :
accepter pour élire reconnaitre pour

accueillir en ériger en regarder comme

admettre comme estimer rendre

affirmer établir réputer

appeler exiger retenir

choisir pour faire savoir

consacrer imaginer sentir

considérer comme instituer souhaiter

créer juger supposer

croire laisser tenir pour

déclarer nommer traiter de

désigner pour préférer traiter en

désirer prendre pour trouver

dire présumer voir

donner proclamer vouloir

3. Nature de l’attribut
L’attribut du sujet ou du complément d’objet peut être :
1° un nom, un groupe nominal ou un mot (ou une locution) utilisé
comme un nom ;

Ayant, pour des causes diverses, échoué dans ses affaires,
de tabellion il était tombé charretier et manœuvre. (VICTOR
HUGO, Les misérables, 1862)

Un couturier fameux, dont je tairai le nom, m’avait choisie


comme son ambassadrice à travers l’Europe. (MARC BRESSANT,
Assurez-vous de n’avoir rien oublié, 2010)

Mais la Poison c’est une rien du tout sans éducation (ALBERT


COHEN, Belle du Seigneur, 1968)


2° un pronom ou un groupe pronominal ;


Mais ce chant est le mien ! (CAROLE MARTINEZ, Le cœur cousu,
2007)

L’écriture lui semblait celle d’une femme. (FRÉDÉRIC VERGER,


Les rêveuses, 2017)

L’heure était celle, douce, qui précède le crépuscule. (KAMEL


DAOUD, Zabor, 2017)


3° un adjectif, un groupe adjectival ou un mot utilisé comme un
adjectif ;
“ J’ai toujours trouvé la misogynie vulgaire et sotte, et presque
toutes les femmes que j’ai connues, je les ai jugées
meilleures que moi. (ALBERT CAMUS, La chute, 1956)

Tant de femmes sont tombées folles de cet homme. (AMÉLIE


NOTHOMB, Barbe bleue, 2010)

Ce que vous dites est d’un faux, d’un absurde, d’un à côté.
(MARCEL PROUST, La prisonnière, 1923)


4° un adverbe ou un groupe adverbial ;

“ L’église est mieux. (VICTOR HUGO, Les misérables, 1862)

Elle était mieux qu’algérienne. (ABDELLAH TAÏA, Un pays pour


mourir, 2015)


5° un groupe prépositionnel ;

“ Il s’allonge à même la terre rugueuse, se sert de sa


gibecière comme appuie-tête. (LÉONORA MIANO, La saison de
l’ombre, 2013)


6° un infinitif ;


Il faut avoir devant soi des décennies de jeunesse pour
imaginer que choisir n’est pas sacrifier. (ADELAÏDE DE
CLERMONT-TONNERRE, Fourrure, 2010)


7° une proposition subordonnée.

“ Leur rêve serait que ça ne s’arrête jamais ; que cette fuite se


transforme en voyage, et que ce voyage dure le plus longtemps
possible. (YANNICK HAENEL, Tiens ferme ta couronne, 2017)


Remarque
Le verbe être, comme les autres verbes attributifs, n’introduit pas
nécessairement un attribut. Il peut construire un complément essentiel de
lieu.
Le torrent est contre moi, mais rien ne peut arrêter l’homme
qui court. (DANIEL PENNAC, La fée carabine, 1987)

4. Place de l’attribut
L’attribut du sujet se place le plus souvent après le verbe. On le
place en tête de la phrase dans un style poétique ou pour des
raisons d’organisation informationnelle, lorsque l’attribut reprend un
élément d’information qui précède (par ex. avec tel) :

“ Lente est la fête, lente la célébration, lente la joie


mystérieuse. (FRANÇOIS EMMANUEL, Les murmurantes, 2013)

Dans une pièce jonchée de jouets multicolores, ma fille


dessina une maison avec une grande maman dedans et un
petit papa dehors, et je devais me retenir de pleurer : tel fut
mon châtiment pour avoir quitté sa mère. (FRÉDÉRIC
BEIGBEDER, Un roman français, 2009)


3. Le complément d’objet direct et indirect

1. Définition du complément d’objet


direct
Le complément d’objet direct se joint directement au verbe (sans
préposition) pour en compléter le sens. Il est indispensable à la
construction du verbe.


Pastor contemplait ce champ de ruines. (DANIEL PENNAC, La fée
carabine, 2012)

Dans cette famille, on cueillait les fruits avec soin (EUGÈNE


SAVITZKAYA, Fraudeur, 2014)

Pour mes quarante ans, il a posé une semaine de vacances à


l’usine, il a conduit les enfants chez sa mère et il m’a
emmenée à Étretat. (GRÉGOIRE DELACOURT, La liste de mes
envies, 2011)


Remarque
On le dénomme complément d’objet direct pour exprimer que ce complément
est l’objet de l’action décrite par le verbe. Cela n’est pas toujours le cas d’un
point de vue sémantique : recevoir une gifle, avoir de la fièvre.
Le complément d’objet direct n’est pas effaçable et il n’est pas
mobile dans la phrase. Il devient le sujet quand la phrase est mise
au passif :
Les gendarmes gardaient l’entrée du port.
*Les gendarmes gardaient. (Test de suppression : le complément d’objet
direct n’est pas effaçable.)
*L’entrée du port les gendarmes gardaient. (Test de déplacement : le
complément d’objet direct n’est pas mobile.)
L’entrée du port était gardée par les gendarmes. (Test de la transformation
passive : le complément d’objet direct devient le sujet dans la phrase passive.)
Remarque
On ne confondra pas le complément d’objet direct avec certaines
constructions verbales figées où un nom se construit avec des verbes
fréquents, comme avoir, donner, faire, porter, prendre. Dans les locutions
comme avoir peur, donner lieu, faire part, porter plainte, prendre pied,
etc., le verbe fonctionne comme un verbe support et c’est de la locution que
dépend le complément d’objet (par ex. prendre part à une discussion).
Dans ces de locutions verbales figées, le nom n’est pas précédé d’un
déterminant, comme cela pouvait être le cas dans l’ancienne langue. (› Verbe
support)
Par considération à l’égard de son père, le comité de
Résistance local n’a pas porté plainte.
(PHILIPPE JAENADA, La petite femelle, 2015)
Just sentit qu’il avait pris pied dans un de ces interminables
instants où les émotions se bousculent en troupe et affrontent
autant de pensées contraires. (JEAN-CHRISTOPHE RUFIN, Rouge
Brésil, 2011)
On peut vérifier que le nom dans l’expression verbale figée ne fonctionne pas
comme un complément d’objet direct, car il n’est pas pronominalisable
(l’astérisque indique que la phrase résultante est agrammaticale).
Porter plainte : *Le comité de Résistance local ne l’a pas portée.
Prendre pied : *Just sentit qu’il l’avait pris dans un de ces interminables
instants.

2. Nature du complément d’objet direct


Le complément d’objet direct peut être :
1° un nom ou un groupe nominal ; un pronom ou un groupe
pronominal :

Et là un train avait écrasé Christopher qui traversait les rails à
cet instant. (MARIE NDIAYE, Ladivine, 2014)

La pointe de la flamme perça le bleu du ciel. (RENÉ BARJAVEL,


Ravage, 1943)

Le cœur battant, il l’embrassa avec une tendresse qu’il


n’avait encore jamais éprouvée pour personne. (TONINO
BENACQUISTA, Malavita, 2004)


2° un mot utilisé comme un nom :


Enfin tu comprendras le pourquoi de cette sentence. (NANCY
HUSTON, Bad Girl, 2014)


3° une proposition subordonnée relative (sans antécédent),
complétive, infinitive ou interrogative indirecte :
“ Avec elle, on peut choisir où l’on se place. (G ENEVIÈVE DAMAS,
Patricia, 2017)

Il m’apprit que le papier encore intact n’est pas blanc : il est tout
autant noir que blanc, il n’est rien, il est tout, il est le monde
encore sans soi. (ALEXIS JENNI, L’art français de la guerre, 2011)

Monsieur de Nemours pensa expirer de douleur en présence


de celle qui lui parlait. (MADAME DE LA FAYETTE, La Princesse
de Clèves, 1678)

Un jour, il nous demanda si nous avions des passions. (JOËL


DICKER, Le livre des Baltimore, 2015)


Remarques
1. La proposition infinitive complément d’objet direct est parfois introduite par
une préposition vide à ou de. On vérifie que cette préposition n’est pas
appelée par le verbe en remplaçant la proposition par un pronom ou par
un groupe nominal, qui se construit sans la préposition :
Je décidai de quitter la société des hommes. (ALBERT
CAMUS, La chute, 1956) (À comparer avec : Je décidai cela. Je décidai ce
départ.)
2. Dans Je bois du vin, de la bière, de l’eau ; je mange des épinards ; il
n’a pas de pain, on a des compléments d’objet partitifs. On observera que
de ne garde pas sa valeur de préposition : combiné (ou fondu) avec le, la,
l’, les, il forme les articles partitifs du, de la, de l’, des ; employé seul,
comme dans Il n’a pas de pain, j’ai mangé de bonnes noix, il sert de
déterminant partitif ou indéfini. (› Article partitif)
3. Définition du complément d’objet
indirect
Le complément d’objet indirect se joint au verbe par une préposition
pour en compléter le sens. Les prépositions les plus fréquentes sont
de et à.

“ Ma mère n’a jamais parlé de cet enfant. (M ARGUERITE DURAS,


L’amant, 1984)

J’offris ma personne à la France, au monde. (JEAN-PAUL


SARTRE, Les mots, 1964)

Je voterais pour la sanction la plus lourde : le bannissement à


vie. (FRANÇOIS GARDE, L’effroi, 2016)


Les pronoms personnels compléments d’objet indirects me, te, se
(avant le verbe), moi, toi (après un impératif), nous, vous, lui, leur
(avant ou après le verbe), se présentent sans préposition ; la
même observation s’applique au pronom relatif dont complément
d’objet indirect :
Je ne leur ai pas nui. (Comparez : Je n’ai nui à aucun être vivant.)
On lui obéit. (Comparez : On obéit à son père.)
Pour reconnaitre le complément d’objet indirect, on peut vérifier qu’il
n’est ni effaçable, ni facilement déplaçable dans la phrase, et qu’on
insère difficilement et ce entre le verbe et le complément. Il est
pronominalisable, en y lorsque le complément est introduit par à, en
en lorsque le complément est introduit par de, ou par la préposition
suivie d’un pronom indéfini (par ex. pour cela).
Je voterai pour la sanction la plus lourde.
*Je voterai. (Test de suppression : le complément d’objet indirect n’est pas
effaçable.)
Je voterai pour cela. (Test de pronominalisation : le complément d’objet
indirect est pronominalisable.)
*Je voterais, et ce pour la sanction la plus lourde. (Test d’insertion : on ne
peut pas insérer et ce entre le verbe et le complément d’objet indirect.)
*Pour la sanction la plus lourde je voterai. (Test de déplacement : le
complément d’objet indirect n’est pas mobile.)

4. Nature du complément d’objet


indirect
Le complément d’objet indirect introduit par une préposition peut
être :
1° un nom ou un groupe nominal ; un pronom ou un groupe
pronominal :

“ Il discourait sur la vanité des choses terrestres. (GUSTAVE


FLAUBERT, Madame Bovary, 1857)

Thamar ne se pardonnait pas à elle-même. (LÉONORA MIANO,


Ces âmes chagrines, 2011)


2° une proposition subordonnée relative, complétive, infinitive ou
interrogative indirecte (› COI introduit par (à ce / de ce) que) :
“ Nul ne pouvait se douter que son cœur battait de manière
étrange, pour ne pas dire démoniaque. (DAVID FOENKINOS, Les
souvenirs, 2013)


5. Position du complément d’objet
direct et indirect
Le complément d’objet direct ou indirect se place généralement
après le verbe.
Il précède le verbe dans les cas suivants.
1° Lorsque c’est un pronom personnel :

“ J’éprouvai un puissant élan d’admiration pour Pétronille et je


le lui dis. (AMÉLIE NOTHOMB, Pétronille, 2014)

Je vais les lui arranger de façon qu’il soit penaud. (JEAN


GIONO, Le hussard sur le toit, 1951)


2° Dans certaines tournures interrogatives ou exclamatives, ou
encore dans certaines locutions figées :
“ Quel marché allait lui proposer l’assassin ? (J EAN-CHRISTOPHE
GRANGÉ, Le passager, 2011)

Et à quels maris sont-elles livrées ! (HONORÉ DE BALZAC, Le


père Goriot, 1835)

Chemin faisant, elle cueillait des herbes et des plantes.


(MARCEL PAGNOL, Manon des sources, 1963)


3° Le complément est détaché en tête de phrase quand on veut lui
donner du relief ; on le répète alors par un pronom personnel
placé avant le verbe (› Phrase avec détachement) :

“ Le bien, nous le faisons. (J EAN DE LA FONTAINE, L’ingratitude et


l’injustice des hommes envers la fortune)

Tous les détails que j’ai pu trouver, je les lui ai donnés. (CLAUDIE
GALLAY, Les déferlantes, 2011)

Ces chaussures, bien sûr, oui, c’est sa mère qui les lui a
offertes. (LAURENT MAUVIGNIER, Continuer, 2016)


Les règles suivantes s’appliquent lorsqu’un complément est commun
à plusieurs verbes ou qu’un verbe construit plusieurs compléments.
1° Un complément d’objet direct ou indirect peut être commun à
plusieurs verbes, pourvu que chacun d’eux puisse séparément
admettre ce complément :

“ L’insurgé poétise et dore l’insurrection. (V ICTOR HUGO, Les


misérables, 1862)

Chacun, je présume, redoute et guette le mot écorché, le


bégaiement malheureux, l’hésitation déplorable ou l’erreur
augurale qui scie les jambes d’entrée. (LAURENT BINET, Rien ne
se passe comme prévu, 2011)


2° Si les verbes n’appellent pas le même type de complément, le
complément s’exprime avec le premier verbe selon la
construction requise par celui-ci, et se répète par un pronom
avec les autres verbes, selon la construction demandée par
chacun d’eux :

“ La directrice convoqua mes parents et leur proposa de me


faire sauter une classe. (DOMINIQUE COSTERMANS, Petites
coupures, 2014) (On ne pourrait pas dire : *La directrice convoqua et
proposa à mes parents de me faire sauter une classe.)


3° Lorsqu’un verbe a plusieurs compléments d’objet, ceux-ci
doivent être, en principe, de même nature grammaticale :
“ Et je perds mes forces et ma vie à essayer de poser la bonne
question, celle qui obtiendra une réponse. (JEAN-MICHEL
GUENASSIA, La vie rêvée d’Ernesto G., 2010)

L’humanité doit autant à ses vedettes qu’à ses martyrs. (JEAN


GIRAUDOUX, La guerre de Troie n’aura pas lieu, 1935)

Elle sortait de chez la servante et voulait tour à tour hurler et


disparaître dans les eaux clémentes du fleuve. (MARIE NDIAYE,
Ladivine, 2014)


Remarque
À l’époque classique, on acceptait qu’un verbe ait des compléments de
différentes natures coordonnés entre eux (› Zeugme) :
Elle savait la danse, la géographie, le dessin, faire de la
tapisserie et toucher du piano. (GUSTAVE FLAUBERT, Madame
Bovary, 1857)

Tu veux partir et que je te suive. (MAURICE BARRÈS, Un jardin


sur l’Oronte, 1922)
4. Les autres compléments essentiels
du verbe

1. Les compléments essentiels de lieu,


de quantité et de temps
Certains verbes se construisent avec des compléments essentiels
(non effaçables) qui expriment le lieu, la quantité ou le temps.

“ En hiver, il se rendait à son bureau par l’autobus. (M ARCEL


AYMÉ, Le passe-muraille, 1943)

À l’idée de quitter la villa, je pesais mille kilos. (AMÉLIE


NOTHOMB, Le fait du prince, 2008)

Celui-ci mesure bien soixante têtes de long. (BERNARD


WERBER, Les fourmis, 1991)


Parce qu’ils expriment le lieu ou le temps, ces compléments
ressemblent aux compléments circonstanciels. Cependant, on ne
peut ni les effacer, ni les déplacer. Ils sont tantôt pronominalisables
(par y ou en), tantôt substituables par un adverbe de lieu (là), de
temps (alors) ou de quantité (autant) (› Compléments
circonstanciels) :
Il se rendait à son bureau. → Il s’y rendait.
Je pesais mille kilos. → Je pesais autant.
Remarques
1. Le complément essentiel de lieu se distingue du complément
circonstanciel de lieu par le fait qu’il n’est pas déplaçable, sous peine de
modifier le sens de la phrase.
Il décida de l’emmener diner à Paris. (HÉLÈNE JOUSSE, Le joker,
2013) (À Paris est un complément essentiel qui indique le lieu visé par l’action. Si
on le déplace comme dans la phrase À Paris, il décida de l’emmener
diner, il devient un complément circonstanciel qui donne le cadre spatial général
de l’action.)
2. Un verbe peut avoir deux constructions différentes, l’une avec un
complément d’objet direct (par ex. mesurer la durée du trajet), l’autre
avec un complément essentiel de quantité (par ex. mesurer deux
mètres). Cette différence a une incidence sur l’accord du participe passé
de ces verbes. (› Accord du participe)

2. Le complément d’objet interne


Certains verbes qui se construisent normalement sans complément
d’objet direct (dormir, pleurer, vivre, etc.) peuvent recevoir un
complément qui exprime la même idée que le verbe. On l’appelle
complément d’objet interne.
“ Le gamin lui avait dit qu’il aimait d’amour fou cette femme.
(AMÉLIE NOTHOMB, Tuer le père, 2010)

Et je pleure des larmes qui me déchirent le visage. (LARRY


TREMBLAY, L’orangeraie, 2013)

C’est le nid cotonneux où les enfants tapis,


Comme de beaux oiseaux que balancent les branches,
Dorment leur doux sommeil plein de visions blanches. (ARTHUR
RIMBAUD, Les étrennes des orphelins, 1870)


5. Le complément d’agent
Le complément d’agent est introduit par une des prépositions par ou
de après un verbe passif. Il représente le sujet de la phrase
équivalente au mode actif, et il en conserve le rôle sémantique. Le
sujet étant souvent l’agent de l’action, c’est de là que provient de
nom de ce complément. (› Voix passive)

“ Sa fin fut cruelle : il fut dévoré par un vautour. (C OMTESSE DE


SÉGUR, Les petites filles modèles, 1858)

Je suis exténuée par la beauté du corps d’Hélène Lagonelle


allongée contre le mien. (MARGUERITE DURAS, L’amant, 1984)

Tu es craint de tes étudiants, peu aimé de tes collègues. (HÉDI


KADDOUR, Les prépondérants, 2017)


Pour reconnaitre le complément d’agent, on transforme la phrase au
mode actif du verbe : si le complément introduit par une des
prépositions par ou de devient sujet du verbe actif, c’est bien un
complément d’agent.
Il fut dévoré par un vautour devient au mode actif : Un vautour le dévora.
Tu es craint de tes étudiants devient au mode actif : Tes étudiants te
craignent.
Le complément d’agent est facultatif : il peut être supprimé quand
l’information qu’il représente est jugée connue ou non importante : il
fut dévoré ou tu es craint.
6. Le complément circonstanciel

1. Définition et identification
Le complément circonstanciel complète le verbe sans être
indispensable à la construction de celui-ci. Il n’est pas spécifique au
verbe. (› Complément accessoire)

“ Vers le soir, je me revêtis de mes armes […], et sortant


secrètementdu château, j’allai me placer sur le rivage…
(FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Les martyrs, 1809)

Il a rédigé une nouvelle ordonnance de la main droite.


(DELPHINE DE VIGAN, Les heures souterraines, 2009)

La mère Fabre reçoit au ventre un mauvais coup de sabot.


(JEAN-BAPTISTE DEL AMO, Règne animal, 2016)


Les caractéristiques principales du complément circonstanciel sont
la mobilité (on peut le déplacer à différentes places dans la phrase)
et le caractère effaçable (on peut le supprimer sans que la phrase
devienne agrammaticale). Étant lié au verbe de manière moins
stricte que les compléments essentiels (direct, indirect, de temps, de
mesure, etc.), le complément circonstanciel peut également être
séparé du verbe par l’insertion de et ce (elle a rédigé une nouvelle
ordonnance, et ce de la main droite).
Les compléments circonstanciels sont souvent décrits à partir du
rôle qu’ils jouent par rapport à la prédication verbale, en en précisant
les « circonstances » : la cause, le temps (époque ou durée), le lieu
(situation, direction, origine, passage, distance), la manière, le but,
l’instrument, l’accompagnement, la matière, le résultat, etc.
Cependant, les tests syntaxiques constituent la manière la plus
fiable de distinguer un complément circonstanciel (par ex. de lieu)
d’un complément essentiel (par ex. de lieu). (› Tests syntaxiques)

“ En France, le noir est la couleur du deuil. (B ERNARD WERBER,


La révolution des fourmis, 1997) (Complément circonstanciel de lieu :
effaçable, mobile dans la phrase.)

Et puis elle a fini par rentrer en France. (MARGUERITE DURAS,


L’amant, 1984) (Complément essentiel de lieu : non effaçable, non mobile, ne
peut être séparé du verbe par l’insertion de et ce.)


2. Nature du complément
circonstanciel
Le complément circonstanciel est le plus souvent introduit par une
préposition, ou par une conjonction quand il s’agit d’une proposition
subordonnée circonstancielle. Un complément circonstanciel peut
être (› Prop. sub. circonstancielle) :
1° un groupe prépositionnel (préposition suivie d’un nom, d’un
pronom, d’un mot pris substantivement) :
“ Il avait obtenu un coin de terre au Jardin des plantes, en bonne
exposition, pour y faire, « à ses frais », ses essais d’indigo. Pour
cela il avait mis les cuivres de sa Flore au mont-de-piété.
(VICTOR HUGO, Les misérables, 1862)

À côté du feu toujours allumé sur la grève,


il entassa des fagots
de branchages et une quantité de varech. (MICHEL TOURNIER,
Vendredi ou La vie sauvage, 1971)


2° un adverbe ou un groupe adverbial :

“ Elle s’apercevait fort clairement qu’elle avait à lutter contre


l’amour de la solitude. (STENDHAL, Le rouge et le noir, 1830)

Lentement le capitaine avait sorti un petit papier plié de sa


poche. (FRANÇOIS EMMANUEL, Jours de tremblement, 2010)


3° un participe présent (accompagné de son complément
éventuel) :
“ Elle a ri et s’est enfuie dans l’escalier en agitant sa chevelure
orangée. (YASMINA REZA, Babylone, 2016)

Tout en mastiquant, il regarde la forêt défiler à toute allure de


l’autre côté de la vitre. (NANCY HUSTON, Danse noire, 2013)


4° une proposition subordonnée :

“ Le jeune homme eut le cœur brisé d’avoir été si mal


récompensé pour sa docilité. (FRÉDÉRIC BEIGBEDER, Un roman
français, 2009)

Quand Lucien est né, Richard lui a accordé un sursis. (LEÏLA


SLIMANI, Dans le jardin de l’ogre, 2014)


7. Le complément de la phrase

1. Définition et identification
Les compléments de phrase ne dépendent pas du verbe, ni
syntaxiquement ni sémantiquement. Ils sont associés à la phrase
dans son ensemble, pour la commenter ou la mettre en perspective.

“ Étrangement il avait gardé officiellement les noms de son


père et de sa mère. (FRANÇOIS EMMANUEL, Cheyenn, 2011)

Je suis venu pour vous dire que pour moi je vous trouve plus
belle maintenant que lorsque vous étiez jeune. (MARGUERITE
DURAS, L’amant, 1984)

Selon la loi islamique,le maître avait autorisé ce mariage et


les enfants lui appartenaient. (VÉRONIQUE OLMI, Bakhita, 2017)


Les compléments de la phrase sont souvent placés en tête de
phrase. Leur fonction est de donner le point de vue de l’énonciateur
sur le contenu sémantique de la phrase (degré de certitude,
jugement de valeur, etc.). Il est impossible de les extraire entre c’est
… que, car ils sont hors de la portée du verbe : *C’est étrangement
qu’il avait gardé officiellement les noms de son père et de sa mère. (Phrase
agrammaticale.) (› Énonciation)

2. Nature des compléments de phrase


Les compléments associés à la phrase peuvent être :
1° un adverbe énonciatif (personnellement, franchement,
évidemment, décidément, etc.) :

“ Décidément, dans la vie, on ne peut rien prévoir. (ALAIN


BERENBOOM, Monsieur Optimiste, 2013)


2° un groupe prépositionnel :

“ Selon Camille, trente ans plus tôt, Louis serait devenu un


révolutionnaire d’extrême gauche. (PIERRE LEMAITRE, Travail
soigné, 2006)

À propos de radio, l’autre soir on y a retransmis une pièce


d’un certain Sardou, intitulée Madame Sans-Gêne. (ALBERT
COHEN, Belle du Seigneur, 1968)


3° une proposition subordonnée :
“ Pour te parler franchement, je ne suis pas tenté. (J
EAN-MICHEL
GUENASSIA, De l’influence de David Bowie sur la destinée des
jeunes filles, 2017)


CHAPITRE 5

Les types de phrases


(déclarative, interrogative,
injonctive, expressive)
1. Définition
2. La phrase déclarative
3. La phrase interrogative
4. La phrase injonctive
5. La phrase exclamative
1. Définition
Il existe trois types de phrases fondamentaux : la phrase déclarative
(ou assertive), interrogative et injonctive. Chaque type se définit
par :
l’action langagière typique que cette phrase permet de réaliser :
asserter (« affirmer quelque chose à quelqu’un »), interroger
(« demander quelque chose à quelqu’un ») ou ordonner
(« ordonner à quelqu’un de faire quelque chose ») ; (› Acte de
langage)
des caractéristiques syntaxiques : ordre des mots, mots
grammaticaux spécifiques, etc.
une marque de ponctuation ou une intonation particulière.
Ces types sont mutuellement exclusifs : une phrase ne peut être à la
fois affirmative et interrogative, ou affirmative et injonctive. Toutefois,
dans l’usage, une phrase d’un type peut servir à réaliser une action
d’un autre type. Par exemple, une phrase interrogative peut servir à
donner indirectement un ordre : Avez-vous l’heure ?
Le type exclamatif diffère des autres en ce qu’il peut s’associer aux
autres types : il permet au locuteur d’exprimer sa subjectivité, une
attitude à l’égard de ce dont il parle (du dépit, de la colère, de
l’enthousiasme, etc.). C’est la fonction expressive du langage.
“ Les femmes l’initièrent à des rudiments de conversation qui
lui furent assez vite familiers. Mais combien plus difficile était la
grammaire des corps. (JEAN-CHRISTOPHE RUFIN, Rouge Brésil,
2011) (Phrase affirmative et exclamative.)

Comment as-tu pu me faire ça ? Comment as-tu pu


m’enfermer dans cette maison de fous ? Comment as-tu pu
m’oublier ? (KATHERINE PANCOL, Les écureuils de Central Park
sont tristes le lundi, 2010) (Phrases interrogatives et exclamatives.)

Ne laissez personne mettre des limites à vos ambitions et à


vos rêves ! (LAURENT BINET, Rien ne se passe comme prévu,
2011) (Phrase injonctive et exclamative.)


2. La phrase déclarative
La phrase déclarative permet au locuteur de dire quelque chose (par
ex. la terre tourne) en affirmant que cela est vrai. Elle peut être
affirmative (positive) ou négative :


La terre tourne, le navire flotte sur les mers, mais le
capitaine O’Hare ne bouge pas, ou si peu. (VINCENT ENGEL,
Le miroir des illusions, 2016)

La Mort ne surprend point le sage. (JEAN DE LA FONTAINE, La


mort et le mourant, 1678)


Lorsqu’elle est prononcée de manière isolée, la phrase déclarative
se termine par une intonation descendante indiquant la finalité. À
l’écrit, elle se termine ordinairement par un point.
L’ordre des mots est habituellement le suivant : d’abord le sujet, puis
le verbe, puis l’attribut ou le complément ; les compléments
accessoires sont placés à différentes positions dans la phrase.

“ En chantant des psaumes, les protestants accompagnèrent


l’esquif des yeux jusqu’à l’horizon déjà chargé de nuages.
(JEAN-CHRISTOPHE RUFIN, Rouge Brésil, 2011)


Si le verbe a plusieurs compléments, d’ordinaire l’harmonie
demande que le plus long soit à la fin de la phrase :

“ Idriss s’enfonça (avec quelques autres) (dans le dédale


intérieur du bateau). (MICHEL TOURNIER, La goutte d’or, 1985)

La nuit tombait (sur mon lit vide) et (sur l’écho de ces


conversations). (DANIEL PENNAC, Monsieur Malaussène, 1995)


Pour la place du sujet (cf. ici) ; pour celle de l’attribut (cf. ici) ; pour
celle du complément d’objet (cf. ici).
L’ordre des mots n’est pas réglé uniquement par les fonctions
grammaticales des éléments de la phrase. Il peut être modifié pour
s’adapter à l’ordre chronologique des faits ou à leur importance
relative. En outre il y a un ordre affectif, qui suit les mouvements très
variés des sentiments, et un ordre esthétique, qui produit des effets
de surprise, d’expressivité, etc. (› Réorganisation de la phrase)
3. La phrase interrogative
La phrase interrogative permet au locuteur d’exprimer une question
portant sur l’existence d’un fait (interrogation totale) ou sur un aspect
particulier de ce fait (interrogation partielle).


Rodrigue, as-tu du cœur ? (PIERRE CORNEILLE, Le Cid, 1637)
(Interrogation totale.)

N’ai-je pas été parfaite ? (AMÉLIE NOTHOMB, Barbe bleue,


2010) (Interrogation totale.)

En quelle année le jeune couple quitte-t-il l’Ontario pour


l’Alberta ? (NANCY HUSTON, Bad Girl, 2014) (Interrogation partielle.)


À l’écrit, la phrase interrogative est marquée par un point
d’interrogation. À l’oral, l’intonation prototypique de la phrase
interrogative est montante : elle indique la continuation à apporter à
la question au moyen d’une réponse. Si l’interrogation n’est pas
marquée par la syntaxe, l’intonation montante est nécessaire afin de
ne pas confondre la phrase interrogative (Tu viens ?) avec une
phrase déclarative ou injonctive. Si l’interrogation est marquée par
des mots interrogatifs (par ex. est-ce que ? qui ? comment ?),
l’intonation peut être montante ou descendante. Seul le mode verbal
indicatif peut prendre la forme interrogative.

1. L’interrogation totale
L’interrogation totale porte sur la totalité de la phrase et appelle une
réponse en oui, en non ou en si (si la phrase interrogative est
négative).


– Vous aimez ? – Oui, beaucoup. (BLANDINE LE CALLET, La
ballade de Lila K, 2010)

As-tu lu Érasme ? – Non, confessa Just sans remords ni


fierté. (JEAN-CHRISTOPHE RUFIN, Rouge Brésil, 2011)

– Il ne m’aime pas ? répéta Virginie une dernière fois. – Si,


admit Vincent pour la faire taire. Si, il t’aime. (JÉRÔME
FERRARI, Balco Atlantico, 2012)


a) L’interrogation totale directe
L’interrogation totale peut s’exprimer au moyen de trois structures
syntaxiques.
1° Une phrase déclarative, éventuellement non verbale,
accompagnée d’une intonation montante à l’oral ou d’un point
d’interrogation à l’écrit :

Tu sais que tu es née ici ? – Je suis née ici ? laisses-tu
échapper aussitôt. (CAROLE MARTINEZ, La terre qui penche,
2015)

Et tes amours ? (JEAN-BAPTISTE DEL AMO, Le sel, 2010)


2° La locution est-ce que en tête de phrase, accompagnée d’un
point d’interrogation à l’écrit et d’une intonation montante à l’oral :

“ Est-ce que c’est possible qu’on soit un lâche quand on a


choisi les chemins les plus dangereux ? (JEAN-PAUL SARTRE,
Huis clos, 1947)

Est-ce que tous les enfants sont des étrangers pour leur
père ? se demandait-il. (LYDIE SALVAYRE, Tout homme est une
nuit, 2017)


3° L’inversion du sujet, accompagnée d’une intonation montante ou
d’un point d’interrogation, relève d’un style plus formel. Elle peut
prendre deux formes :
l’inversion simple du sujet et du verbe, lorsque le sujet est un
pronom personnel ou le pronom ce :
“ Peut-on juger une vie sur un seul acte ? (J
EAN-PAUL SARTRE,
Huis clos, 1947)

Rêves-tu d’un amour blanc, fragile, là-bas, si loin ? D’une


enfance, d’un palais perdu ? (MATHIAS ÉNARD, Parle-leur de
batailles, de rois et d’éléphants, 2011)

La photo ne présenterait aucun intérêt sans la date et le


nom du personnage central. La légende bouleverse la
lecture. Est-ce vrai de toute photo ? (YASMINA REZA,
Babylone, 2016)


l’inversion complexe du sujet et du verbe, lorsque le sujet
formé d’un nom propre, d’un pronom disjoint ou d’un groupe
nominal est placé avant le verbe et est répété immédiatement
après celui-ci sous la forme d’un pronom personnel (› Pronom
disjoint) :

Aussi formulerai-je la question tout droitement : Notre-
Seigneur Jésus-Christ est-il oui ou non présent en personne
dans la communion ? (JEAN-CHRISTOPHE RUFIN, Rouge Brésil,
2011)

Tout individu ne se croit-il pas le héros de sa propre


existence ? (LAURENT BINET, La septième fonction du langage,
2015)


Remarques
1. Quand il y a inversion du sujet à la première personne des verbes en -er,
la finale -e devient -è (ou -é en ancienne orthographe) :
Dussè-je vivre dix vies, je n’aurais jamais assez de temps pour te
remercier de ce que tu as fait pour moi. (La langue ordinaire préfère la
tournure même si je dois…).
Pourquoi vous aimé-je ? (HONORÉ DE BALZAC, Le père Goriot,
1835)
2. L’inversion est également possible à l’indicatif présent pour quelques
verbes qui ne font pas leur première personne en -e mais qui sont très
fréquents : ai-je, suis-je, dis-je, fais-je, puis-je, tiens-je, vais-je, veux-je,
vois-je, etc. En dehors de ces cas choisis par l’usage, l’inversion n’est pas
admise : *cours-je, *mens-je, etc. On dira : est-ce que je cours, est-ce
que je mens, etc.
Que suis-je ? où suis-je ? où vais-je, et d’où suis-je tiré ?
(VOLTAIRE, Poème sur le désastre de Lisbonne, 1756)

Mais sais-je à quelle vitesse ton cœur bat ? (JACQUELINE


HARPMAN, Moi qui n’ai pas connu les hommes, 1995)
3. Devant les sujets, il, elle, on, en inversion, lorsque le verbe se termine par
e ou a, on intercale la consonne -t- (entre traits d’union), dite consonne
euphonique : Chante-t-il ? Ira-t-elle ? Viendra-t-on ?
Qu’ira-t-elle faire dans un désert ? (CATHERINE CUSSET, Un
brillant avenir, 2008)

b) L’interrogation totale indirecte


Lorsqu’une interrogation totale est indirecte, c’est-à-dire enchâssée
dans une phrase comme complément d’un verbe (par ex. demander,
ignorer, etc.), elle est introduite par si (qui peut être élidé en s’
devant voyelle). L’interrogation indirecte n’est pas marquée par un
point d’interrogation à l’écrit, ni par une intonation montante à l’oral.

J’ignore si la présence de ces offrandes obéissait aux
ancestrales coutumes méditerranéennes de l’antique fête
des morts. (JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT, Nue, 2013)

Je voudrais savoir si votre fils avait eu l’occasion de


s’exprimer sur ce sujet, s’il lui est arrivé d’en parler avec
vous. (MAYLIS DE KERANGAL, Réparer les vivants, 2013)


Remarques
1. L’interrogation est alternative lorsqu’elle implique deux éléments
coordonnés par la conjonction ou impliquant qu’on réponde en choisissant
un terme de l’alternative :
Préfères-tu que je vive dessus jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus,
ou que je les conserve intacts ? (PHILIPPE JAENADA, La serpe,
2017)

Je ne savais plus si j’étais celui qui tirait ou celui sur lequel on


tirait. (MATHIAS ÉNARD, La perfection du tir, 2003)
2. Une phrase interrogative directe peut contenir une subordonnée
interrogative indirecte :
Tu veux savoir si j’ai rencontré un homme beau, riche,
intelligent dont je suis follement éprise ? Joséphine hocha la
tête, pleine d’espoir. – Non, lâcha Hortense en ménageant un
petit temps de suspense avant sa réponse. (KATHERINE
PANCOL, La valse lente des tortues, 2008)

2. L’interrogation partielle
L’interrogation partielle porte sur un élément de la phrase, à
l’exception du verbe : elle peut porter sur le sujet (qui ?), sur un
complément essentiel du verbe (quoi ? à qui ?, etc.) ou sur un
complément circonstanciel (comment ? quand, ? où ? etc.).
L’élément interrogé est signalé par un mot interrogatif qui est un
pronom (qui, que, laquelle, à quoi, etc.), un déterminant (quel) ou un
adverbe (quand, où, pourquoi, etc.). L’intonation montante typique
de la question est possible, mais elle n’est pas nécessaire, car la
modalité interrogative est déjà marquée par le mot interrogatif.

a) L’interrogation partielle directe


L’interrogation peut porter sur le sujet, sur l’attribut ou sur un
complément du verbe.

• Interrogation portant sur le sujet ou l’attribut


L’interrogation portant sur le sujet ou sur l’attribut est formulée par
qui (pour un humain), que, quel + nom, lequel ou laquelle en début
de phrase.
Sujet :
“ Qui allait désormais nous parler avec une telle gourmandise
du plaisir que peut donner une traduction ? (CHRISTOPHE
ONO-DIT-BIOT, Croire au merveilleux, 2017)

Quelle autre ville que celle de la naissance, de l’enfance, des


premiers jeux, de l’école,
peut revenir avec cette force dans
une mémoire sinistrée ? (FRANÇOIS GARDE, Ce qu’il advint du
sauvage blanc, 2013)

Laquelle de vous trois était à la croisée au-dessus de la porte


d’entrée et a mis un index sur ses lèvres ? (MARC BRESSANT,
Un si petit territoire, 2017)


Attribut :

“ Qui est le plus fort en Italie, à votre avis ? (A MIN MAALOUF,


Léon l’Africain, 1986)

Quelleest la question que l’on pose en premier à un homme,


lorsqu’on souhaite s’informer de son état ? (MICHEL
HOUELLEBECQ, La carte et le territoire, 2011)

Mais que devient la vertu, pendant ces délicieux voyages où


la pensée a franchi tous les obstacles ? (HONORÉ DE BALZAC,
La peau de chagrin, 1831)


• Interrogation portant sur un complément d’objet
direct ou indirect du verbe
L’interrogation qui porte sur un complément d’objet direct du verbe
est formulée au moyen de qui (pour un humain) ou que, lequel, ou
quel + nom. Si l’interrogation porte sur un complément d’objet
indirect, elle est formulée avec une préposition (à, de, contre, sur,
etc.) suivie de qui, quoi, quel + nom. On peut aussi utiliser les
pronoms interrogatifs auquel (si la préposition est à) ou duquel (si la
préposition est de).


Qui saluez-vous donc là ? (ALEXANDRE DUMAS FILS, La dame
aux camélias, 1848)

Que vous sert, courtisane imparfaite,

De n’avoir pas connu ce que pleurent les morts ? (CHARLES


BAUDELAIRE, Remords posthume, 1857)

Sur fondez-vous cette assertion ? (DIDIER


quoi VAN
CAUWELAERT, Double identité, 2012)

Auquel de ces gouffres fit-il un signe de tête ? (VICTOR HUGO,


Les misérables, 1862)


L’ordre des mots dans la phrase interrogative est généralement
modifié par rapport à la phrase affirmative : on parle d’inversion de
la position du sujet et du verbe. Lorsque le sujet est un groupe
nominal, il suit le verbe (1) ; lorsque le sujet est un pronom, il suit
normalement le verbe (2), sauf dans un style informel (3).
“ Que voient Saturnin et Yvonne Doulet ? […] Que leur dit
Fernand ? (PHILIPPE JAENADA, La serpe, 2017) (1)

Quelle langue parlions-nous entre nous ? (PATRICK MODIANO,


Rue des Boutiques Obscures, 1978) (2)

Quelle solution tu proposes ? (BERNARD WERBER, Le jour des


fourmis, 1998) (Style informel.) (3)


Lorsque le sujet est un nom et que le mot interrogatif n’est pas que,
le sujet suit le verbe (1). Il peut aussi précéder le verbe et être repris
près du verbe par un pronom personnel, dans ce qu’on appelle une
inversion complexe (2). (› Inversion complexe)

“ À quoi sert l’écriture ? (L AURENT BINET, La septième fonction du


langage, 2015) (On peut aussi écrire : À quoi l’écriture sert-elle ?) (1)

De qui Sigrid était-elle la veuve ? (AMÉLIE NOTHOMB, Le fait du


prince, 2008) (On peut aussi écrire : De qui Sigrid était la veuve ? ) (2)


Remarque
L’interrogation partielle peut se construire avec les expressions qui est-ce qui
/ qui est-ce que / qu’est-ce qui / qu’est-ce que. La combinaison d’un pronom
interrogatif et d’un pronom relatif permet de lever certaines rares ambigüités,
comme dans Qui garde l’enfant ? où le pronom qui pourrait être sujet (Qui
est-ce qui garde l’enfant ? ) ou objet (Qui est-ce que l’enfant garde ? ). Cette
tournure permet de formuler des interrogatives impossibles à construire avec
le pronom interrogatif simple, et d’éviter l’inversion du verbe et du sujet.
Qui est-ce donc qui t’a envoyée à cette heure chercher de
l’eau dans le bois ? (VICTOR HUGO, Les misérables, 1862)

Qui est-ce que je vais pouvoir tuer, maintenant ? (DANIEL


PENNAC, Monsieur Malaussène, 1995)

Qu’est-ce qui vous motive, qu’est-ce qui suscite cette


volonté ? (JEAN ECHENOZ, Je m’en vais, 1999) (On ne peut plus avoir :
*Que vous motive ? *Que suscite cette volonté ? )

• Interrogation portant sur un complément de lieu,


de temps, etc.
Lorsque l’interrogation porte sur un complément essentiel (de lieu,
de temps ou de quantité) ou sur un complément circonstanciel du
verbe, elle est exprimée par les adverbes interrogatifs où, quand,
comment, combien et pourquoi, ou par une préposition suivie d’un
déterminant interrogatif (à quel endroit, en quelle année, etc.). Les
règles régissant l’ordre du sujet et du verbe sont les mêmes que
pour les interrogatives portant sur le complément d’objet.
“ Où est Elena maintenant ? (E MMANUEL CARRÈRE, Limonov,
2011) (On pourrait avoir : Où Elena est-elle maintenant ?)

Pourquoiest-elle couverte de sang ? (CAROLE MARTINEZ, Le


cœur cousu, 2007)

Quand est-ce que vous avez compris que l’enfer que nous
venons d’évoquer n’est pas pour vous ? (DANY LAFERRIÈRE,
L’énigme du retour, 2009)

En quelle languepriez-vous ? (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, Ulysse


from Bagdad, 2008)


Remarques
1. Avec l’adverbe interrogatif pourquoi et un sujet nominal, la norme veut
qu’on ait l’inversion complexe du sujet. Cette inversion peut cependant
être évitée si on utilise est-ce que :
Pourquoi certaines choses du passé surgissent-elles avec
une précision photographique ? (PATRICK MODIANO, Rue des
Boutiques Obscures, 1978)
Pourquoi est-ce que vous n’envoyez jamais de lettre
proposant la reconduction du contrat ? Pourquoi est-ce que
vous considérez cette reconduction comme tacite ?
(EMMANUEL CARRÈRE, D’autres vies que la mienne, 2010)
Cependant, on trouve aussi dans un style se voulant informel pourquoi sans
inversion :
Pourquoi elle était là plutôt qu’ailleurs, pourquoi elle était
aussi de si loin, de Boston, pourquoi elle était riche,
pourquoi à ce point on ne savait rien d’elle, personne, rien,
pourquoi ces réceptions comme forcées, pourquoi, pourquoi
dans ses yeux, très loin dedans, au fond de la vue, cette
particule de mort, pourquoi ? (MARGUERITE DURAS, L’amant,
1984)
2. Dans un style informel, on trouve aussi une forme interrogative avec le mot
interrogatif placé après le verbe :
Et maintenant, je fais quoi ? Tu viens quand ? (KATHERINE
PANCOL, La valse lente des tortues, 2008)
Comment tu t’appelles ? Tu es en quelle année ? (LAURENT
DEMOULIN, Robinson, 2016)
Tu es où, dis-moi, tu es où ? (PIERRE LEMAITRE, Cadres noirs,
2010)

b) L’interrogation partielle indirecte


Transformée en interrogation indirecte, une interrogation directe
commençant par un mot interrogatif ne subit pas de changement en
ce qui concerne le mot introducteur :

Interrogation directe Interrogation indirecte

Quel est le nom de Dites-nous quel est le nom de


l’assassin ? l’assassin. (GASTON LEROUX, Le
mystère de la chambre jaune, 1907)

Qui sont ces gens-là ? Dites-moi qui sont ces gens-là.


(PATRICK MODIANO, Rue des
Boutiques Obscures, 1978)

Cependant, à la tournure est-ce que ou à l’interrogation totale


marquée par l’inversion du sujet, correspond la conjonction si ; au
pronom interrogatif que (ou qu’est-ce que) correspond ce que ; à
qu’est-ce qui correspond ce qui :
Interrogation directe Interrogation indirecte

Êtes-vous de cet avis ? Dites-moi si vous êtes de cet avis.


Est-ce que vous êtes de (JEAN GIONO, Le hussard sur le toit,
cet avis ? 1951)

Que vas-tu faire ? Dis-moi ce que tu vas faire. (VIRGINIE


Qu’est-ce que tu vas DESPENTES, Apocalypse bébé,
faire ? 2015)

Que se passe-t-il ? Dites-moi ce qui se passe !


Qu’est-ce qui se (BLANDINE LE CALLET, La ballade
passe ? de Lila K, 2010)
Qu’est-ce qui te ferait Dis-moi ce qui te ferait plaisir !
plaisir ? (ALEXANDRE POSTEL, Un homme
effacé, 2014)

On trouve parfois on trouve qu’est-ce que ou qu’est-ce qui dans des


interrogations indirectes :

“ Et je me demande qu’est-ce qu’il peut lui trouver. (M ARCEL


PROUST, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919)

Il se demande qu’est-ce que foutent les mères, pendant ce


temps. (VIRGINIE DESPENTES, Apocalypse bébé, 2010)


Remarque
De l’interrogation véritable, qui ne préjuge pas la réponse, il faut distinguer
l’interrogation oratoire, ou question rhétorique, qui préjuge la réponse : elle
n’interroge pas vraiment, mais n’est qu’une forme par laquelle on donne à
une proposition affirmative ou négative un relief particulier :
Mais pourquoi ne m’a-t-il pas dit où il allait ? (DANY
LAFERRIÈRE, L’énigme du retour, 2009) (Je regrette qu’il ne m’ait pas dit
où il allait !)

Fallait-il attendre l’invention du cinématographe pour


apprendre que les ouvriers bougent ? que les bicyclettes
roulent ? que les portes s’ouvrent et se referment ? que les
trains entrent en gare ? que les aristocrates font la
révérence ? que les vieilles reines se déplacent moins vite
que les jeunes ? (DANIEL PENNAC, Monsieur Malaussène, 1995)
4. La phrase injonctive
La phrase injonctive sert à demander à quelqu’un de faire quelque
chose, que ce soit sous la forme d’un ordre impératif, d’une simple
requête ou d’un conseil. À l’écrit, la phrase impérative est souvent
marquée par un point d’exclamation. À l’oral, l’intonation est
descendante.

“ Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. (A


NTOINE DE
SAINT-EXUPÉRY, Le petit Prince, 1943)


Trois modes verbaux sont utilisés pour exprimer l’injonction.
1° L’impératif permet d’adresser directement à l’interlocuteur une
injonction : il ne se conjugue qu’aux deuxièmes personnes du
singulier et du pluriel et à la première personne du pluriel. Sous
sa forme négative, l’impératif exprime une défense ou une
interdiction de faire quelque chose. (› Impératif)
“ Prends soin d’eux. Sois leur bonne fée. (EMMANUEL
CARRÈRE, Limonov, 2011)

Soyez discrets, ne sortez pas, n’ouvrez à personne.


(BOUALEM SANSAL, 2084. La fin du monde, 2017)

Soyons sérieuses. N’ayons pas peur de dire la vérité.


(PHILIPPE DJIAN, « Oh… », 2014)


Au mode impératif le sujet n’est pas exprimé. Dans la phrase
affirmative, les pronoms compléments du verbe suivent celui-ci et y
sont reliés par un trait d’union ; dans la phrase négative, ils occupent
leur position habituelle :

“ Dites-le-lui, racontez donc comme il vous a fallu sortir une


araignée de ma chambre la semaine passée ! (JEAN-
BAPTISTE DEL AMO, Une éducation libertine, 2008)

Ne m’oblige pas à parler. (CATHERINE CUSSET, Un brillant


avenir, 2011)


2° Le subjonctif est utilisé, à la troisième personne du singulier ou
du pluriel, pour exprimer une injonction dont le destinataire direct
n’est pas présent ou lorsque le locuteur adresse un souhait qui le
concerne lui-même. (› Subjonctif)
“ Qu’ils crèvent tous de leur maladie du sommeil et qu’on n’en
parle plus ! (ALBERT COHEN, Belle du Seigneur, 1968)

Que je sois maudit ! (JOËL DICKER, Les derniers jours de nos


pères, 2015)


3° Le mode infinitif, qui se construit sans sujet, permet d’adresser
des injonctions plus générales, sans destinataire précis.
(› Infinitif)

“ « Attention : risque d’incendie. Ne pas jeter de mégots. »


(BERNARD WERBER, La révolution des fourmis, 1996)


Remarques
1. Un ordre peut être réalisé de manière indirecte : par une phrase non
verbale contenant une interjection (1), par une phrase déclarative avec un
verbe exprimant un ordre (2) ou avec un verbe au futur (3), par une phrase
de forme interrogative (4).
Silence ! Il ne voulait même pas entendre ses excuses
bidons. (ADELAÏDE DE CLERMONT-TONNERRE, Fourrure, 2010) (1)
Je vous prie de me faire savoir, par retour du courrier, si vous
désirez conserver vos fonctions jusqu’ à la fin de la guerre.
(PATRICK DEVILLE, Taba-Taba, 2017) (2)
Vous irez à Marrakech ou à Rabat voir si j’y suis ! (FOUAD
LAROUI, Une année chez les Français, 2014) (3)
Voulez-vous bien finir ! (GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary,
1857) (4)
2. La phrase optative exprime un souhait ou un désir :
Que Paul fasse ce que bon lui semble. (JEAN COCTEAU, Les
enfants terribles, 1950)
Pour Elio, Anna et Théo, puissiez-vous être toujours libres,
regardant le monde sans peur, et avançant dans votre vie
avec joie. (LAURENT GAUDÉ, Les oliviers du Négus, 2013)
5. La phrase exclamative
La phrase est exclamative lorsqu’elle exprime la vivacité d’un cri, un
sentiment de joie, de douleur, d’admiration, de surprise, etc. La
dimension affective de l’exclamation s’ajoute à une phrase
déclarative, interrogative ou injonctive. À l’écrit, la phrase
exclamative est marquée par un point d’exclamation ou par un
point ; à l’oral, on aura un mouvement mélodique souvent
descendant.

“ Et là, tu vas recevoir ton diplôme en infirmerie ! C’est


formidable, Ross… pardon, Varian… je suis si fière de toi !
N’est-ce pas que c’est une journée magnifique ?
(NANCY HUSTON, Le club des miracles relatifs, 2016)


La phrase exclamative peut prendre différentes formes, avec ou
sans mots exclamatifs.
1° Les marqueurs exclamatifs sont le déterminant quel ou les
adverbes comme, que et combien. Ils expriment un haut de
degré de quantité ou de qualité.
“ Que je t’aime, que je t’aime, que je t’aime ! (Interprète JOHNNY
HALLYDAY, parolier, GILLES THIBAUT, Que je t’aime, 1969)

Dieu ! que le son du cor est triste au fond des bois ! (ALFRED
DE VIGNY, Le cor, 1825)

Quel courage il avait eu de venir jusque-là. (SORJ


CHALANDON, Le quatrième mur, 2013)

Combien, dès sa naissance, elle avait aimé le bébé, combien


elle éprouvait de joie à s’occuper de lui. (MARIE NDIAYE, La
Cheffe, roman d’une cuisinière, 2016)

Comme ils sont heureux, tous ces souliers bien cirés, bien
alignés, sûrs d’eux. (ALBERT COHEN, Belle du Seigneur, 1968)


2° L’exclamation peut n’être marquée que par un point
d’exclamation à l’écrit, ou une intonation descendante à l’oral. Il
est par conséquent difficile de tracer une limite claire entre une
phrase exclamative ou non exclamative.
“ – On t’a dit de ne jamais courir dans le salon ! Tu aurais pu
casser un vase. Des Rosenthal ! Ils sont très précieux, très
chers ! Ton oncle sera furieux s’il l’apprend ! – Ne dis rien à
mon oncle, tata Iulia ! Pardon ! Je ne le ferai plus, c’est
promis ! (CATHERINE CUSSET, Un brillant avenir, 2011)


3° Certaines tournures syntaxiques favorisent une interprétation
exclamative (plutôt que déclarative) de la phrase :
l’inversion du verbe et du sujet (sans visée interrogative) ;

“ Est-ce beau ! (G USTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, 1857)


l’omission du ne de négation ;

“ C’est pas croyable ! (S ERGE JONCOUR, L’homme qui ne savait


pas dire non, 2009)


l’expression de l’intensité comme un de ces… ;
“ Mais Marianne, vous nous avez fait une de ces peurs, j’aime
autant vous le dire. (PHILIPPE DJIAN, Incidences, 2010)


certaines phrases non verbales.

“ Les travaux ? L’horreur ! C’est un boulot à plein temps.


(LEÏLA SLIMANI, Dans le jardin de l’ogre, 2014)


CHAPITRE 6

Les formes de phrases


1. Définition
2. La phrase négative
3. La phrase passive
4. La phrase impersonnelle
5. Les réorganisations de l’ordre des mots dans la phrase
1. Définition
La phrase de base est affirmative (sans négation), active (sans
recours à la voix passive), personnelle (sans construction
impersonnelle) et respecte l’ordre habituel des constituants (sujet-
verbe-objet). Cependant, les phrases écrites et orales incluent le
plus souvent des modalités (négation, restriction, etc.) ou des
arrangements particuliers (construction emphatique, détachement,
etc.), qui sont présentés dans ce chapitre. (› Phrase de base)


Jamais une révolution n’a été conduite par des poètes.
(NANCY HUSTON, Danse noire, 2013) (L’adverbe de négation jamais est
mis en avant (emphase) et la voix passive a été conduite permet de faire du
groupe nominal une révolution le sujet et le thème de la phrase.)


Ces réorganisations particulières de la phrase servent des fonctions
logiques et communicatives en adéquation avec le contexte
d’usage : expression de la subjectivité du locuteur, mise en évidence
de certains éléments, etc. Dans ce chapitre, nous présentons :
la polarité (positive ou négative) de la phrase ;
la forme passive ;
les constructions impersonnelles ;
les réorganisations de l’ordre des mots dans la phrase.
2. La phrase négative

1. Définition
Toute phrase peut connaitre une forme affirmative ou négative. Une
phrase négative devient affirmative dès lors qu’on supprime les
adverbes ne… pas et qu’on remplace la conjonction ni par et :


Lucile ne pouvait pas toucher le sol avec ses mains quand
elle était debout, ni faire le pont, ni pencher son corps vers
l’avant pour attraper ses pieds quand elle était assise.
(DELPHINE DE VIGAN, Rien ne s’oppose à la nuit, 2011)


La négation modifie la valeur logique d’une phrase : une phrase
affirmative qui est vraie devient fausse si elle est négative. Si la
phrase Il a vingt ans de plus qu’elle est vraie, alors la phrase Il n’a pas
vingt ans de plus qu’elle énoncée à propos de la même personne est
fausse.
La phrase négative est formée en utilisant :
des adverbes ou des locutions adverbiales : ne, non, guère,
jamais, pas, point, plus, nulle part, etc. ;
des pronoms : personne, rien ;
des déterminants : nul, aucun.
Par ailleurs, il existe de nombreux verbes (empêcher, nier, ignorer),
noms (absence, impossibilité, non-assistance) ou adjectifs
(infaisable, atypique) qui ont une polarité négative lexicale.

La simple attente de cet appel et l’incertitude l’empêcheraient
de s’endormir. (CATHERINE CUSSET, Indigo, 2013)
(L’empêcheraient = ne la laisseraient pas.)


2. Négation totale, partielle
ou restrictive
La négation totale porte sur l’ensemble de la phrase et est
généralement marquée par les adverbes ne… pas qui encadrent le
verbe.

“ D’ailleurs il ne vint pas à la maison le premier soir. (HEDWIGE


JEANMART, Blanès, 2015)


La négation partielle porte sur un constituant de la phrase.
Si la négation porte sur un groupe nominal sujet ou complément
du verbe, on utilise un pronom ou un déterminant négatif
(personne, aucun, nul, etc.)

Dans la guerre, personne ne peut être neutre ! (GAËL FAYE,
Petit pays, 2016) (La négation porte sur le sujet.)

Aucun ruisseau ne coulait à la baie Ronde ni à la baie Nord,


pourtant elle revenait au campement avec des gourdes
pleines. (FRANÇOIS GARDE, Ce qu’il advint du sauvage blanc,
2013) (La négation porte sur le sujet.)

Les jours suivants, il observa la villa, mais ne remarqua nulle


trace de vie. (FRÉDÉRIC VERGER, Les rêveuses, 2017) (La négation
porte sur le complément d’objet direct du verbe.)


Si la négation porte sur un complément adverbial, elle est formée
par un adverbe de négation : aucunement, jamais, nulle part, etc.

“ Chacun volait haut dans le ciel sans noter aucunement notre


présence. (YANN MARTEL, L’histoire de Pi, 2001)

Jamais il n’avait pris la main d’un homme et jamais plus il ne


le ferait. (SORJ CHALANDON, La légende de nos pères, 2009)


Remarque
L’adverbe plus peut se combiner avec d’autres marques pour indiquer une
idée d’interruption dans la continuité temporelle (plus jamais, plus personne,
etc.)

Deux autres tournures syntaxiques sont utilisées pour la négation


partielle : non pas qui introduit le constituant nié, lequel est suivi
d’un constituant introduit par mais et occupant la même fonction
auprès du verbe (1) ; l’extraction en ce n’est pas… que qui
permet d’isoler en tête de phrase le constituant nié (2). (› Phrase
emphatique)


J’avais donc imaginé, non pas de faire venir un uniforme de
pompier de Corse (j’aurais bien eu une filière), mais de me
rabattre sur un de ces uniformes de vigile, de gardien ou
d’agent de sécurité qu’on voit partout en Chine. (JEAN-
PHILIPPE TOUSSAINT, Made in China, 2017) (1)

Ce n’est paspar manque d’affection et de confiance que je


m’en vais sans te revoir. (PHILIPPE JAENADA, La serpe, 2017)
(La version sans ce n’est pas… que… ne serait pas acceptable : *Je m’en vais
sans te revoir pas par manque d’affection et de confiance.) (2)


La négation est restrictive (ou exclusive) lorsqu’on restreint la
portée du verbe à un seul élément à l’aide de ne… que, ayant le
sens de seulement.
“ Je ne voyais que le soleil de printemps dans un ciel de
montagne, je ne savais rien de ce qui se passait, et en
contrebas, dans cette vallée dont je ne voyais que le vide.
(ALEXIS JENNI, Élucidations. 50 anecdotes, 2013)

Mais ce sage conseil fut vite oublié et ce ne furent bientôt


qu’allées et venues nerveuses et artificiellement souriantes.
(ALBERT COHEN, Belle du Seigneur, 1968)


3. La phrase passive
La forme passive de la phrase, traditionnellement appelée voix
passive, consiste à réarranger la phrase active de sorte que le
complément d’objet du verbe devienne le sujet, et que le sujet
devienne le complément d’agent. La forme passive du verbe est
construite avec l’auxiliaire être suivi du verbe au participe passé,
accordé en genre et en nombre avec le sujet. (› Voix passive,
› Complément d’agent)

“ Forme active : Nombre de Français lurent rapidement sa


chronique littéraire.
Forme passive : Sa chronique littéraire fut rapidement lue
par nombre de Français. (AMÉLIE NOTHOMB, Pétronille, 2014)


La forme passive permet donner à l’objet du verbe, qui subit l’action,
la fonction de sujet ; tandis que l’agent de l’action (traditionnellement
représenté par le sujet) devient le complément d’agent du verbe.
Peuvent prendre la forme passive les verbes transitifs à complément
d’objet direct (par ex. lire, manger, voir, etc.). Exceptionnellement,
quelques verbes transitifs indirects (comme désobéir à, pardonner à)
peuvent aussi se construire à la forme passive (› Verbe transitif) :
“ On croirait vraiment qu’elle est seule, sûre de n’être vue par
personne. (EMMANUEL CARRÈRE, Le Royaume, 2014)

Ils avaient sûrement eu peur de ne plus être obéis par les


exploités. (BERNARD WERBER, Le jour des fourmis, 1992)


Remarque
Le passif peut aussi s’exprimer au moyen de la construction pronominale
passive :
S’élève alors, dans le ciel pur, une musique débarrassée de
fardeaux, de mensonges et de masques, où tous les mots se
ramassent en un seul qui signifie tout. (YANN MOIX, Naissance,
2013)

Les gestes s’accomplissaient tranquillement, sans désordre,


avec des paroles ordinaires. (ANNIE ERNAUX, La place, 2013)

Le complément d’agent est introduit par par et occasionnellement


par de. Lorsque le complément d’agent n’est pas exprimé, cela a
pour effet de garder anonyme l’agent de l’action, de présenter
l’action comme dépersonnalisée (1) ; ou de présenter une action
comme achevée (interprétation résultative) (2).

La mère et l’enfant ont été abattus juste devant lui. (LAURENT
BINET, HHhH, 2010)

La fenêtre a été réparée ou les battants poncés depuis : elle


ferme correctement. (PHILIPPE JAENADA, La serpe, 2017)


4. La phrase impersonnelle

1. Structure de la phrase
impersonnelle
La phrase impersonnelle se construit avec le sujet il suivi d’un verbe
impersonnel (1,2) ou d’un verbe personnel utilisé impersonnellement
(3). Le verbe est généralement suivi d’un groupe nominal.

“ Il pleut de la neige fondue sur Péronne et les champs de


bataille. (SÉBASTIEN JAPRISOT, Un long dimanche de fiançailles,
1991)

avant de proclamer que tous les


Il faut un temps de deuil
hommes sont frères. (FRANÇOIS GARDE, L’effroi, 2016)

Au milieu des mots que j’ai choisis, il arrive des mots que je
n’ai pas invités, des mots sauvages. (JEAN-LOUIS FOURNIER,
Poète et paysan, 2010)


Dans la phrase impersonnelle, les deux rôles (syntaxique et
sémantique) joués habituellement par le sujet sont répartis entre
deux termes :
le pronom il est le sujet syntaxique qui précède le verbe et
commande son accord à la troisième personne du singulier. Il est
dépourvu de référent, c’est-à-dire qu’il ne désigne aucun être ou
chose, et ne remplit aucun rôle sémantique auprès du verbe ;
le groupe placé après le verbe, appelé séquence de
l’impersonnel, apporte l’information sémantique.

Remarque
Pour rendre compte de cette répartition des rôles, la tradition grammaticale a
distingué le il sujet grammatical (ou sujet apparent) du groupe qui suit le
verbe et remplit le rôle de sujet sémantique (ou sujet réel). On nomme
séquence de l’impersonnel le groupe qui suit le verbe, puisque ce groupe
ne possède pas les caractéristiques du sujet (il ne donne pas ses marques
pour l’accord du verbe).

2. Verbes impersonnels ou utilisés


impersonnellement
Les verbes impersonnels au sens strict sont ceux qui ne
s’emploient qu’à la troisième personne du singulier :
des verbes dits météorologiques (il pleut, il vente, il neige, il
drache, etc.) ;

“ Dehors il vente, il pleut, un temps pourri, mais il est au sec et


au chaud, loin de la Grande Tarte. Les larmes du monde
n’entrent pas dans son perchoir. (DANIEL RONDEAU,
Mécaniques du chaos, 2107)


des expressions construites avec il fait + nom ou adjectif (il fait
beau, il fait gris, etc.) ;
“ Il fait gris, froid, elle arpente, avec ses cuissardes blanches,
le trottoir, à la sortie du RER Denfert-Rochereau. (MORGAN
SPORTÈS, Tout, tout de suite, 2011)


des verbes modaux exprimant une obligation, une nécessité, une
possibilité (il faut, il s’agit, il se peut, etc.) ;

“ Il se peut que cette inconnue ait échappé, comme mon père,


au sort commun qui leur était réservé. (PATRICK MODIANO,
Dora Bruder, 1997)


des locutions exprimant la temporalité, construites avec il y
a + durée (il y a une heure), il est + heure, il est tôt, etc.


Il était tardlorsque les cloches de la grand-messe nous
réveillèrent à toute volée. (NICOLAS BOUVIER, L’usage du
monde, 1963)


Remarques
1. Le verbe météorologique est parfois accompagné d’un groupe nominal
plus ou moins figé (il pleut des cordes) à une valeur intensifiante. Ce
groupe nominal fonctionne comme un complément d’objet interne.
(› Complément d’objet interne)
Il lansquine, il pleut, vieille figure frappante, qui porte en
quelque sorte sa date avec elle, qui assimile les longues
lignes obliques de la pluie aux piques épaisses et penchées
des lansquenets, et qui fait tenir dans un seul mot la
métonymie populaire : il pleut des hallebardes. (VICTOR
HUGO, Les misérables, 1862)
2. Dans le style littéraire, certains verbes impersonnels s’emploient, dans un
sens figuré ou métaphorique, avec un sujet personnel.
Les étoiles filantes pleuvaient sur la cour, mais j’avais beau
chercher, je ne trouvais rien à souhaiter sinon ce que j’avais.
(NICOLAS BOUVIER, L’usage du monde, 1963)
3. Dans l’usage familier, on peut rencontrer comme sujet d’un verbe
impersonnel le pronom démonstratif ça au lieu du pronom personnel il. Le
pronom ça renvoie à la situation d’énonciation.
Même Plastic Bertrand avait fait pleurer tout le monde avec sa
version remix, Ça craint pour moi, ça pleut pour nous tous,
tombe la pluie, tombent les masques, personne ne viendra
plus ce soir… (VINCENT ENGEL, Belgiques, 2017)

Un grand nombre de verbes personnels peuvent être construits à la


forme impersonnelle (il arrive, il convient, etc.) et sont
obligatoirement suivis d’une séquence impersonnelle. On peut
également employer comme impersonnels les verbes pronominaux
de sens passif (il se vend).

Il manqua à notre héros d’oser être sincère. (STENDHAL, Le
rouge et le noir, 1830)

Il arrivaque, dans certaines villes, la circulation des


véhicules non essentiels fût interdite. (ÉRIC FAYE,
Somnambule dans Istanbul, 2013)

que, si vous tuez quelqu’un, il convient que vous


Il est dit
voyiez son sang… (NICOLE ROLAND, Kosaburo 1945, 2013)


5. Les réorganisations de l’ordre
des mots dans la phrase
L’ordre habituel des mots dans la phrase déclarative peut être
modifié pour des raisons expressives ou de présentation de
l’information. Une modification de l’ordre des mots permet de mettre
en relief un constituant (emphase ou focalisation) ou d’introduire un
élément avant de donner une information à son propos
(topicalisation). Les dispositifs permettant de modifier l’ordre des
mots sont les suivants :
la phrase avec détachement : un constituant de la phrase est
détaché en tête ou en fin de phrase et est répété près du verbe
au moyen d’un pronom conjoint :

“ L’enfer c’est les autres. (J


EAN-PAUL SARTRE, Huis clos, 1944)
Ils sont fous, ces Romains. (RENÉ GOSCINNY, ALBERT UDERZO,
Astérix et Cléopâtre, 1965)


la phrase emphatique (ou clivée) : le sujet ou un complément du
verbe est déplacé en tête de phrase et encadré au moyen du
marqueur c’est… qui / c’est... que, avec un effet de mise en
évidence (emphase) :
“ C’est Zoé qui a inventé ce mot (KATHERINE PANCOL, Les
écureuils de Central Park sont tristes le lundi, 2010)


la phrase présentationnelle en il y a : elle permet d’introduire,
de présenter un élément avant de donner une information à son
propos au moyen d’une proposition relative introduite par qui ou
que :

“ Il y a un livre que tu n’avais pas encore terminé. (J EAN-LOUIS


FOURNIER, Veuf, 2011) (La formulation en il y a est plus naturelle que la
formulation sans : Tu n’avais pas terminé un livre.)


la phrase en ce qui... c’est (pseudoclivée) : cette construction
permet de créer une attente dans l’esprit du lecteur ou de
l’auditeur. À l’aide ce qui/ ce que + verbe, on annonce ce dont on
va parler et, dans un second temps, on donne l’information
attendue en l’introduisant par c’est :


Ce que je veux, c’est mon or. (OLIVIER TRUC, Le dernier Lapon,
2012)


1. La phrase avec détachement
Dans une construction avec un détachement (dite segmentée ou
disloquée), le sujet ou un complément du verbe est présenté en tête
ou en fin de phrase. L’élément détaché est généralement séparé du
reste de la phrase par une virgule à l’écrit ou par une légère pause à
l’oral. Cet élément est repris près du verbe par un pronom, qui
souvent porte les mêmes marques morphosyntaxiques (le soleil, la
vie → les ; nos parents → ils).

“ Le soleil, la vie, et le reste, que j’ai déjà oublié, j’irai les voir
briller de l’autre côté, vers les racines et les incendies
muets. (GWENAËLLE AUBRY, Perséphone 2014, 2015)
(Détachement à gauche.)

Tu aurais vu les pauvres fêtes qu’ils faisaient, nos parents.


(LAURENT MAUVIGNIER, Tout mon amour, 2012) (Détachement à
droite.)


Si l’élément détaché est en tête de phrase, cela a pour effet de
l’annoncer ou de le mettre en évidence ; s’il est mis en fin de phrase,
cela a pour effet de rappeler de quoi on parle. Plusieurs
détachements peuvent se combiner dans une phrase :
“ Et toi, tu sais le conduire le tracteur ? (S JONCOUR,
ERGE
L’amour sans le faire, 2012) (Un détachement à gauche, toi, et
un détachement à droite, le tracteur.)

Il était clair qu’elles en avaient de la valeur, ces œuvres-là.


(SERGE JONCOUR, Bol d’air, 2011) (Deux détachements à droite, de la
valeur et ces œuvres)


Remarques
1. L’élément détaché peut être un pronom personnel disjoint, qui a pour effet
de renforcer le pronom personnel près du verbe, avec un effet
d’insistance :
Nous on sort le matériel, toi tu guettes dehors. […] Je vais
t’le dire moi. (DOMINIQUE VAUTIER, La roue du silence, 2012)
2. Lorsque l’élément détaché est un adjectif ou un groupe nominal attribut du
sujet, la fonction communicative n’est pas d’annoncer le thème de la
phrase mais d’attribuer une caractéristique au sujet en mettant cette
caractéristique en évidence.
Bavarde elle l’était, certes, incorrigiblement. (VIRGINIE
DELOFFRE, Léna, 2010)
Alexis Leger (c’est son vrai nom, et léger, il le fut en effet)
accompagne Daladier à Munich en tant que secrétaire général
du Quai d’Orsay. (LAURENT BINET, HHhH, 2010)

La classification des constructions détachées se fonde sur :


1° le type d’élément détaché (pronom, groupe nominal, proposition)
et sa fonction dans la phrase (sujet, attribut, complément du
verbe) :

“ Combler ce désir premier, cela veut dire s’enlever la vie.


(NANCY HUSTON, Bad Girl, 2014) (= Une proposition infinitive détachée
remplit la fonction de sujet du verbe.)

L’appel que nous venons d’entendre, c’est


plutôt à l’humanité
tout entière qu’il s’adresse. Mais à cet endroit, en ce
moment, l’humanité c’est nous, que ça nous plaise ou non.
(SAMUEL BECKETT, En attendant Godot, 1952) (= Un groupe nominal
détaché remplit la fonction de sujet.)

La sensualité, j’y pense souvent. (DAVID FOENKINOS, Nos


séparations, 2008) (= Un groupe nominal détaché remplit la fonction de
complément d’objet indirect du verbe.)


2° la présence ou l’absence du pronom près du verbe ; lorsque ce
pronom est absent, le complément détaché est antéposé sans
reprise pronominale :

“ [Les enfants] aiment les Cruesli, ils aiment les Napolitains,


les Kinder Bueno ils adorent. (YASMINA REZA, Heureux les
heureux, 2012)

Six mois, il leur a fallu ! (TONINO BENACQUISTA, Malavita, 2004)


3° le fait que l’élément détaché soit (1,2) ou non (3) introduit par une
préposition quand il est un complément d’objet indirect du verbe :

“ Les chèvres, il leur faut du large. (A LPHONSE DAUDET, Lettres


de mon moulin, 1869) (Comparer avec : Aux chèvres, il leur faut du large.)
(1)

Les amis,on leur en a fait voir, avec nos fêtes. (LAURENT


MAUVIGNIER, Tout mon amour, 2012) (Comparer avec : Aux amis, on
leur en fait voir, avec nos fêtes.) (2)

Pourtant j’y pense, à cette vie à lui qui a lieu sans moi. (OCÉANE
MADELAINE, D’argile et de feu, 2016) (3)


Remarque
On trouve des détachements dans des propositions subordonnées.
Moi j’avoue que la psychologie des tueurs, je suis un peu
dépassé. (MICHEL BUSSI, Mourir sur Seine, 2015)

Hollande me demande si ça avance, mon livre. (LAURENT


BINET, Rien ne se passe comme prévu, 2011)

Sur le plan communicatif, le détachement d’un élément en tête de


phrase permet de construire la phrase en deux temps successifs :
l’élément détaché à gauche annonce un élément (thème) à propos
duquel la phrase va donner une information (rhème) ; on évite ainsi
que la phrase soit trop dense.
2. La phrase emphatique (clivée)
La construction clivée (littéralement séparée en deux) permet de
déplacer en tête de la phrase un élément dépendant du verbe et de
le mettre en évidence en l’encadrant par c’est… qui/c’est... que.
L’élément clivé est extrait de sa position habituelle dans la phrase
pour être déplacé en tête de phrase ; si c’est un sujet (dont la
position normale est en tête de phrase), l’élément clivé est
simplement mis évidence.

“ C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si


importante. (ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY, Le petit prince, 1943)
(La formulation neutre est : Le temps que tu as perdu pour ta rose fait ta rose si
importante.)

Moi, c’est l’apéro que je préfère ! (LOUIS-FERDINAND CÉLINE,


Voyage au bout de la nuit, 1952) (La formulation neutre est : Moi, je
préfère l’apéro.)


L’élément extrait apporte l’information principale de la phrase. Le
reste de la phrase est considéré comme présupposé, c’est-à-dire
qu’il ne peut pas être remis en question (ni nié, ni interrogé).
“ C’est à Londres que vous avez fait sa connaissance ? (A LAIN
BERENBOOM, Périls en ce royaume, 2014) (L’interrogation porte sur
l’élément à Londres, et pas sur la phrase vous avez fait sa connaissance, qui est
présupposée.)

Certes, ce n’est pas à Wannsee que la décision a été prise.


(LAURENT BINET, HHhH, 2010) (La négation porte sur l’élément à
Wannsee, et pas sur la phrase la décision a été prise, qui est présupposée.)


L’élément extrait est mis au centre de l’attention (c’est ce qu’on
appelle une emphase ou une focalisation). Cela permet souvent de
créer une opposition ou un contraste entre l’élément mis en
évidence et un autre élément de la phrase :

“ Pourquoi c’est à nous que vous racontez tout ça et pas aux


flics ? (MARCUS MALTE, Les harmoniques, 2011)

Quand on entendait des trucs pareils, ce n’était pas la grève


qui menaçait, c’était la Révolution. (MATHIAS ÉNARD, Rue des
voleurs, 2012)


La mise en emphase peut affecter les constituants remplissant les
fonctions syntaxiques de :
1° sujet, avec c’est… qui, lorsque le sujet est réalisé par un pronom,
un groupe nominal ou un verbe à infinitif :
“ Sa mort sur la plage, c’est lui qui l’a choisie. (M ICHEL BUSSI,
Gravé dans le sable, 2014)

l’a peinte l’an dernier, avec Juliette.


C’est Delphine qui
(EMMANUEL CARRÈRE, D’autres vies que la mienne, 2010)

C’est l’homme que vous êtes qui m’a tant appris de la vie. (JOËL
DICKER, La vérité sur l’affaire Harry Quebert, 2014)


2° complément d’objet direct ou indirect du verbe, avec c’est… que :

“ C’est le corps que les juges jugent d’abord, et c’est de ce corps


quela société va devoir faire quelque chose. (YANN MOIX, La
meute, 2010)

C’est à Vendredi que revient le rôle de faire voler en éclats les


valeurs du maître, de lui permettre de devenir un autre
homme et d’accéder au bonheur. (MICHEL TOURNIER, Vendredi
ou La vie sauvage, 1971)


3° complément circonstanciel, avec c’est… que :
“ Le mardi soir je suis toujours là d’habitude, c’est le jeudi que
je sors. (HÉLÈNE GRÉMILLON, La garçonnière, 2013)

tout a changé… Avant, on ne


C’est depuis qu’il est là que
traitait pas les gens comme ça. (ALEXANDRE POSTEL, Un
homme effacé, 2014)


4° Il est impossible d’extraire un verbe ou un adjectif attribut du
sujet, et le résultat donne une phrase agrammaticale (signalée
par *) :
Nous sommes joyeux → *C’est joyeux que nous sommes.
Il mange une pomme → *C’est manger qu’il une pomme.
Remarques
1. Dans la phrase emphatique, les éléments c’est… qui/c’est… que sont
utilisés pour mettre un élément en évidence. Le verbe être n’a plus son
sens plein et c’est ne s’accorde généralement plus en nombre :
Mes grands-parents étaient de là-bas, c’est eux qui m’ont
récupéré. (CLAUDIE GALLAY, Les déferlantes, 2011)
2. Certaines constructions verbales admettent mieux la tournure en c’est…
que que la tournure neutre, sans que l’effet de focalisation soit aussi
marqué :
C’est à Bruxelles que l’on consomme le plus de bière.
(VICTOR HUGO, Les misérables, 1862) (La version neutre est moins
acceptable : ? On consomme le plus de bière à Bruxelles.)
C’est pour cette raison que les fidèles des messes ont tous
plus de cinquante ans. (FRÉDÉRIC BEIGBEDER, Une vie sans fin,
2017) (La version neutre est moins acceptable : Les fidèles des messes ont tous
plus de cinquante ans pour cette raison.)
3. Comment distinguer le verbe être employé dans une phrase emphatique
de son emploi comme verbe principal de la phrase ? Lorsque la phrase
répond à la question « Qu’est-ce que c’est ? », le verbe être est utilisé
comme verbe plein (1). Lorsque la phrase ne répond pas à la question
« Qu’est-ce que c’est ? », le verbe être est utilisé pour créer une phrase
emphatique (2) mais il n’est pas le verbe principal de cette phrase.
C’est une photo que j’ai encore. (HEDWIGE JEANMART, Blanès,
2015) (1)
Il conduisait une Aston Martin Lagonda série 1, couleur bleu
nuit. C’est la voiture que Marthe avait remarquée en premier.
(JEAN-CLAUDE GARRIGUES, La vie en crue, 2013) (2)

3. Les constructions
en il y a et apparentées
a) Le il y a à usage présentationnel
La séquence il y a peut introduire un nom suivi d’une proposition
relative. Dans cet usage, il y a a parfois une fonction de simple
introducteur d’un élément (thème) à propos duquel on va ensuite
dire quelque chose (rhème), comme le fait la phrase à détachement.
Cet usage de il y a, dit présentationnel, permet de présenter
l’information dans la phrase de manière moins dense : la phrase est
divisée en deux parties, une première partie qui annonce ce dont on
va parler et une seconde partie où on donne l’information principale.
(› Phrase avec détachement)

“ Il y a un Arménien qui a emménagé dans notre rue avec sa


famille. (CATHERINE CUSSET, Un brillant avenir, 2008) (= Sans le
dispositif en il y a, la phrase serait : Un Arménien a emménagé dans notre rue
avec sa famille.)

La nuit, il y a des fouines qui courent. (CLAUDIE GALLAY, Les


déferlantes, 2011)


L’élément introduit par il y a est le plus souvent un groupe nominal
non spécifié (introduit par un, des), qui fonctionne moins facilement
comme sujet de la phrase en raison de son caractère indéfini.

b) Les constructions apparentées


La construction en avoir + groupe nominal + proposition relative a le
même effet de présenter un élément qui sera le thème de la phrase.
“ Bon, alors je te quitte parce que j’ai un gros travail qui
m’attend. (ALBERT COHEN, Belle du Seigneur, 1968) (La tournure
neutre est : Je te quitte parce qu’un gros travail m’attend.)

J’aiun ami qui fait ça, un ancien docker, je lui en parlerai.


(PATRICK DEVILLE, Equatoria, 2009) (La tournure neutre est moins
acceptable : ? Un ami fait ça.)


La construction figée il était une fois + groupe nominal + proposition
relative s’apparente également au dispositif il y a : elle permet
d’introduire un élément non spécifié à propos duquel on va donner
une information.

“ Il était une fois un tailleur de pierre qui en avait assez de


s’épuiser à creuser la montagne sous les rayons de soleil
brûlants. (BERNARD WERBER, Les fourmis, 1991)

cinq soldats français qui faisaient la guerre,


Il était une fois
parce que les choses sont ainsi. (SÉBASTIEN JAPRISOT, Un
long dimanche de fiançailles, 1991)


4. La phrase en ce que... c’est...
(pseudoclivée)
La phrase pseudoclivée (par ex. Ce que j’aime le plus au monde,
c’est la Sicile. ALBERT CAMUS, La chute, 1956) est utilisée pour créer
un effet de suspens dans la phrase. Elle divise la phrase en deux
parties : la première partie introduite par ce qui / ce que (ce que j’aime
le plus au monde) comporte le verbe principal et crée une attente sur
le complément ; le complément est annoncé par le pronom ce et est
développé dans la seconde partie de la phrase (c’est la Sicile).

“ Ce que Fabrice n’apprit que plus tard, c’est que cette chambre
était la seule du second étage du palais qui eût de l’ombre
de onze heures à quatre. (STENDHAL, La chartreuse de Parme,
1839) (= Fabrice n’apprit que plus tard que cette chambre…)

Ce qui me surprend dans le hasard, c’est son accumulation.


(JEAN D’ORMESSON, C’est une chose étrange à la fin que le
monde, 2010) (= Son accumulation est ce qui me surprend dans le hasard.)


La construction pseudoclivée permet que le sujet habituellement
placé en tête de la phrase, qui est supposé connu (le thème), soit
présenté plus tard dans la phrase et reçoive le statut d’information
principale de la phrase (le rhème).
CHAPITRE 7

Les marques d’accord dans


la phrase
1. Définition
2. L’accord du verbe avec le sujet
3. L’accord du participe passé
4. L’accord de l’attribut
1. Définition
L’accord est une correspondance des marques grammaticales du
genre (féminin ou masculin), du nombre (singulier ou pluriel) ou de la
personne (première, deuxième ou troisième) entre des éléments de
la phrase qui sont liés syntaxiquement. L’accord produit une
redondance des marques grammaticales qui rend visibles (à l’écrit)
ou parfois audibles (à l’oral) les relations de dépendance entre ces
éléments.
Les marques d’accord s’ajoutent à la finale des mots variables :
déterminants, noms, pronoms, adjectifs et verbes. Chaque catégorie
porte des marques spécifiques :
les déterminants, les noms et les adjectifs varient en genre et en
nombre ;
les pronoms et les verbes varient en genre, en nombre et en
personne.
Les marques d’accord fonctionnent différemment à l’oral et à l’écrit
car de nombreuses marques autrefois prononcées sont devenues
muettes. Par conséquent, les marques d’accord sont plus
nombreuses à l’écrit qu’à l’oral.

“ Les dieux s’affrontent par l’entremise de leurs représentants


de commerce. (MARCUS MALTE, Les harmoniques, 2011)


Dans cette phrase, le pluriel est marqué à l’écrit à cinq reprises,
tandis qu’il n’est audible à l’oral que par le déterminant les, ce qui
peut créer une ambigüité pour l’interprétation de leur(s)
représentant(s) de commerce. À l’oral, la liaison permet cependant
de faire entendre la marque finale (-s ou -x) de certains mots pluriels
(leurs_amis). (› La liaison)

1. Chaines d’accord dans la phrase


L’accord nécessite d’identifier quels mots sont reliés syntaxiquement
dans la phrase et de choisir les marques grammaticales propres à
chaque catégorie. Une chaine d’accords est une suite de mots qui
entretiennent entre eux des relations de dépendance syntaxique. On
distingue quatre chaines d’accord (› Accord du verbe avec le sujet) :
1° sujet + verbe : accord du verbe avec le sujet ;


comme des démons dans
cette terre grasse. (NICOLAS BOUVIER, L’usage du monde, 1963)


2° sujet + verbe attributif + attribut : accord du verbe et de
l’attribut avec le sujet ; (› Accord de l’attribut)


Plus on connaît les choses, plus . (SYLVAIN
TESSON, Dans les forêts de Sibérie, 2011)


3° déterminant + nom + adjectif : accord du déterminant et de
l’adjectif avec le nom ; (› Accord de l’adjectif)


,
rallume mes petites lumières. (DANIEL PENNAC, Au bonheur des
ogres, 1985)


4° complément d’objet direct du verbe + participe passé
conjugué avec avoir : accord du participe passé avec le COD
qui précède (› Accord du participe) ;


Elle doit tout vérifier, les notes , les lettres
, tout. (SÉBASTIEN JAPRISOT, Un long dimanche de
fiançailles, 1991)


2. Difficultés particulières
La chaine d’accord peut être difficile à percevoir et à produire
correctement lorsque la position des éléments n’est pas habituelle,
ou lorsqu’un élément s’intercale entre les mots à accorder.
1° Position des éléments : lorsque le sujet suit le verbe, ou que
l’attribut précède le verbe, il faut tenir compte de la suite de la
phrase pour accorder correctement.

Un berger au chapeau conique et long bâton mène un
troupeau de moutons qu’accompagnent de grands oiseaux
blancs. (PATRICK DEVILLE, Peste & Choléra, 2012)

Dès 1933, les savants juifs, chassés l’un après l’autre des
universités, privés de ressources du jour au lendemain sans
que fussent aucunement pris en considération leur valeur, leur
sang versé pour l’Allemagne ou la simple humanité, avaient
émigré en Angleterre, en Irlande, en Suisse, aux États-Unis.
(JÉRÔME FERRARI, Le principe, 2015) (Le participe passé s’accorde au
masculin et au pluriel car un des sujets, leur sang versé, est masculin.)


2° Constituant intervenant entre le verbe et le sujet, entre le
nom et l’adjectif : un élément sépare le sujet du verbe, de sorte
qu’on risque de faire un accord erroné avec le terme le plus
proche.

Car chaque anxiété nouvelle que nous éprouvons par eux
enlève à nos yeux de leur personnalité. (MARCEL PROUST, La
prisonnière, 1923)

Pour ceux qui comme moi partage (sic) l’amour de la langue


française (Message twitter, 20/03/2015) (= Le verbe a été accordé
erronément avec moi qui se trouve à proximité du verbe et masque le sujet :
ceux qui […] partagent.)

En revanche, l’analyse des actes constitutifs s’avèrent (sic)


concluante pour cette hypothèse. (Travail d’étudiant, 2012)
(= Le verbe a été accordé erronément avec des actes constitutifs car ce
constituant se trouve à proximité du verbe et masque le sujet : l’analyse […]
s’avère.)


2. L’accord du verbe avec le sujet
La règle générale veut que le verbe (ou son auxiliaire quand le verbe
est à un temps composé) reçoive du sujet les marques de nombre et
de personne. (› Sujet)

“ Tu es, je suis, tu es, nous sommes les clébards défoncés de


Lady Day ! (MARCUS MALTE, Les harmoniques, 2011)

Les camions ont roulé une petite demi-heure. Nous avons


tout de suite compris que nous étions sur l’aéroport militaire
de Kénitra. (AHMED MARZOUKI, Tazmamart. Cellule 10, 2016)


Remarque
Le verbe à l’infinitif, le participe présent et le gérondif ne varient ni en nombre
ni en personne.

1. L’accord du verbe avec un seul sujet

a) Un seul sujet
Lorsque le verbe est précédé d’un seul sujet, il s’accorde en nombre
et en personne avec son sujet.
1° Lorsque le sujet est un nom propre ou un groupe nominal, il
demande la troisième personne. Le nombre (singulier ou pluriel)
est fonction du noyau du groupe nominal (› Groupe nominal) :

Le spectacle du monde le surprend, l’enchante et le remplit d’une
allégresse terrifiée. (JEAN D’ORMESSON, C’est une chose
étrange à la fin que le monde, 2010)

et s’affaiblissent par la manière


Les meilleures actions s’altèrent
dont on les fait. (JEAN DE LA BRUYÈRE, Les caractères, 1696)


2° Lorsque le sujet est un pronom personnel, il donne sa marque
de personne et de nombre au verbe ; lorsque c’est un pronom
e
non personnel (chacun, tout…), il donne la marque de la 3
personne au verbe. Seul le pronom relatif sujet qui donne la
marque de personne qui correspond à son antécédent. (› Accord
du verbe avec le pronom qui)

“ Alors qu’en cultivant l’amour […] tu t’enrichis, tu t’agrandis, tu


resplendis, tu te bonifies ! (KATHERINE PANCOL, La valse lente
des tortues, 2008)

Vous qui êtes un triste, ça vous irait comme un gant et je


vous remplirais la salle. (NICOLAS BOUVIER, L’usage du monde,
1963)


3° Lorsque le sujet est un verbe à l’infinitif, le verbe prend la 3e
personne du singulier.
“ Aimer remplace presque penser. (VICTOR HUGO, Les
misérables, 1862)


b) Nom collectif comme sujet
Le verbe qui a pour sujet un nom collectif indéfini (une foule de, une
bande de) suivi de son complément s’accorde avec l’un des deux
1
mots selon l’intention . Le verbe s’accorde plutôt :
avec le nom collectif, si l’on considère dans sa totalité le groupe
formé par les êtres ou les objets ;

“ Une foule de flics et de journalistes était agglutinée devant « la


maison de l’horreur ». (SIMON LIBERATI, California Girls, 2016)

Une horde de cavaliers fond sur eux. (LAURENT GAUDÉ, Pour


seul cortège, 2013)


avec le complément, si l’on considère dans leur singularité les
êtres ou les choses ;

Une foule de gens avides sortirent des voitures et se
précipitèrent sur lui. (JÉRÔME FERRARI, Sermon sur la chute de
Rome, 2012)

Les nuages filtrent les rayons, un troupeau de plaques de


lumière glissent sur la neige. (SYLVAIN TESSON, Dans les forêts
de Sibérie, 2011)

Certaines des positions leur sont connues. Bon nombre les


surprennent et les ravissent. (MARCUS MALTE, Le garçon, 2016)


Remarques
1. Après la plupart, le verbe s’accorde avec le complément, que celui-ci soit
au singulier (rare) ou au pluriel ; si ce complément est absent, l’accord se
fait au pluriel :
La plupart du groupe ne réalisait pas de recherches
spécifiques. (HUBERT ANTOINE, Danse de la vie brève, 2015)

La plupart des hommes qui comptent dans l’histoire ont des


rejetons médiocres, ou pires que tels. (MARGUERITE
YOURCENAR, Mémoires d’Hadrien, 1958)

La plupart ne voulaient rien entendre. (PHILIPPE DJIAN,


Marlène, 2017)
2. Après le peu suivi d’un complément, le verbe s’accorde avec le peu quand
l’idée d’insuffisance domine, ce qui est rare dans l’usage actuel, ou avec le
complément quand le peu est remplaçable par un simple déterminant.
Dans tous les cas, on acceptera les deux accords :
Le peu de forces qui restait à cette âme affaiblie, avait été
épuisé à déguiser son état. (STENDHAL, Le rouge et le noir, 1830)

Le peu de couleur regagné par Clément disparut


instantanément de ses joues. (DANIEL PENNAC, Monsieur
Malaussène, 1995)

Le peu de libertés obtenues s’étaient évanouies. (JEAN-


MICHEL GUENASSIA, Le club des incorrigibles optimistes, 2009)
3. Avec un nom numéral (une douzaine, une centaine, un millier, etc.),
suivi ou non d’un complément, l’accord se fait habituellement au pluriel :
À neuf heures, un millier de fidèles au moins se pressaient
dans l’église Saint-Joseph. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, La vie
rêvée d’Ernesto G., 2010)

Des feuilles calcinées voletaient encore dans la cheminée


quand Raoul avait trouvé le corps. Une centaine étaient
encore lisibles. (BERNARD WERBER, Les Thanatonautes, 1994)

c) Adverbe de quantité comme sujet


Le verbe qui a pour sujet un adverbe de quantité 2 (combien,
beaucoup)
s’accorde avec le complément de cet adverbe ; si ce
complément n’est pas exprimé, l’accord se fait au pluriel :

“ Beaucoup de temps passa. (É RIC VUILLARD, Conquistadors, 2014)

Beaucoup de réflexions naissent de la fumée d’un thé. (SYLVAIN


TESSON, Dans les forêts de Sibérie, 2011)

Combien ont cru s’être débarrassées d’elle, qui l’ont vue se


pointer loin devant après avoir pris des raccourcis
insoupçonnés ? (BERNARD QUIRINY, Les assoiffées, 2010)


Remarques
1. Après plus d’un, le verbe se met presque toujours au singulier, à moins
qu’on n’exprime la réciprocité. On admettra l’accord au singulier et au
pluriel :
Plus d’un grand photographe a déjà appliqué cette théorie.
(AMÉLIE NOTHOMB, Barbe bleue, 2010)
2. Après moins de deux, le verbe se met au pluriel : Moins de deux ans
sont passés.

d) Pronom ce comme sujet


Le pronom démonstratif ce utilisé comme sujet peut renvoyer à
un référent au singulier ou au pluriel. (› Pronom ce)
1° Le verbe se met au pluriel (ce sont) quand l’attribut est au pluriel,
même si le singulier (c’est) s’emploie également :


Ce sont nos vies cachées, nos identités secrètes. (BOUALEM
SANSAL, Rue Darwin, 2011)

tous les jours, à Brooklyn et dans


C’est des tragédies grecques
le New Jersey. (TONINO BENACQUISTA, Malavita, 2004)


On met obligatoirement le pluriel quand il y a plusieurs attributs qui
développent un élément qui précède :

“ Vos ennemis, ce sont les vieux, les mous, les profiteurs et les
imbéciles. (DIDIER VAN CAUWELAERT, La femme de nos vies,
2010)


2° Dans une phrase emphatique où un élément est extrait entre
c’est… qui/c’est… que, on utilise au choix ce sont ou c’est pour
un élément au pluriel (1,2) ; et uniquement c’est quand l’élément
extrait est introduit par une préposition (3) (› La phrase
emphatique) :
“ Et puis ce sont les ennuis qui l’ont réveillé. (B
ERNARD WERBER,
Les fourmis, 1991) (1)

C’est des conneries qu’il raconte mon cousin. (ÉDOUARD


LOUIS, En finir avec Eddy Bellegueule, 2014) (2)

Pourquoi c’est à nous que vous racontez tout ça ? (MARCUS


MALTE, Les harmoniques, 2011) (3)


Remarques
1. Dans si ce n’est signifiant « excepté », le verbe être se met au singulier :
La frontière de Belgique traverse la rivière […] tracée sur la
carte d’un trait de plume qui ne signifie rien, […] si ce n’est
les bornes à fleur de lys égarées dans les bois. (ALEXIS JENNI,
La nuit de Walenhammes, 2015)
2. Dans certaines tournures interrogatives où le pluriel serait désagréable
à l’oreille, le verbe être se met au singulier : Sera-ce ? Fut-ce ?, etc.
Peut-être ne fut-ce là que simples querelles de serviteurs
mal dégauchis ? (BOUALEM SANSAL, Rue Darwin, 2011)
Dans cet emploi, les formes fusse ou fussent sont incorrectes.
3. Dans l’indication des heures, d’une somme d’argent, etc., quand l’attribut
de forme plurielle évoque l’idée d’un singulier, d’un tout, d’une quantité
globale , on met le verbe au singulier :
C’est cinq ans après le congrès de Berlin. (PATRICK DEVILLE,
Kampuchéa, 2011) (On indique la durée globale.)
C’est 20 balles si vous voulez vos clés pourries ! (JOËL
DICKER, Le livre des Baltimore, 2015) (On indique la somme
globale.)
4. Dans les expressions ce doit être, ce peut être, suivies d’un nom pluriel
e
ou d’un pronom de la 3 personne du pluriel, devoir et pouvoir se mettent
au singulier ou au pluriel :
Ce doit être des Brandebourgeois ! (LOUIS-FERDINAND CÉLINE,
Voyage au bout de la nuit, 1952)
Ce devaient être des odeurs de cuisine. (ALEXIS JENNI, L’art
français de la guerre, 2013)

e) Pronom relatif qui comme sujet


1° Le verbe ayant pour sujet le pronom relatif qui se met au même
nombre et à la même personne que l’antécédent de ce pronom.
Les règles relatives à l’accord du sujet s’appliquent comme si
l’antécédent était le sujet :

“ C’est moi qui ai commis une faute, hier. (J ÉRÔME FERRARI,


Balco Atlantico, 2012)

Toiqui voulais le suivre et te laisser ravir. (GWENAËLLE


AUBRY, Perséphone 2014, 2015)

Le peu de gens qui entrent dans les églises de nos jours sont
des malheureux poussés par le désespoir. (ARMEL JOB, Tu
ne jugeras point, 2009)

Le peu de lumière qui filtrait du couloir par le battant


entrouvert de la porte me permettait à peine de distinguer la
première marche. (ALEXANDRE POSTEL, L’ascendant, 2015)


2° Lorsque le relatif est précédé d’un attribut se rapportant à un
pronom personnel (le premier qui, celui qui), cet attribut commande
l’accord s’il est précédé d’un déterminant défini le, la, les ou d’un
démonstratif (ce, celui) :
“ Vous êtes le premier qui s’intéresse à moi. (A MÉLIE NOTHOMB,
Le fait du prince, 2008)

Harry, vous êtes celui qui m’a fait grandir ! (JOËL DICKER, La
vérité sur l’affaire Harry Quebert, 2014)


Il y a incertitude sur l’accord lorsque
l’attribut est précédé de l’article indéfini (un, une) :

“ Je suis un étranger qui viens chercher un asile dans l’Égypte.


(VOLTAIRE, Zadig ou La destinée, 1747)

Je suis un homme qui ne sait que planter des choux.


(ANATOLE FRANCE, Le livre de mon ami, 1885)


l’attribut est le seul, le premier, le dernier, l’unique :


Vous êtes le seul qui ne soit pas parti pour les fêtes (AURÉLIE
VALOGNES, Mémé dans les orties, 2015)

Vous êtes le seul qui vous soyez montré bienveillant et


accueillant à notre égard. (VINCENT ENGEL, Alma Viva, 2015)


3° Après un(e) des, un(e) de, le relatif qui se rapporte tantôt au nom
pluriel, tantôt à un(e), selon le sens de l’action décrite :

“ Salomon avait reconnu la bague ornée de deux serpents


entrecroisés au doigt d’une des mains qui dépassaient de la
charrette. (FRÉDÉRIC VERGER, Arden, 2015)

Je dégage une des mains qui agrippe un drap jauni de sueur


séchée. (DANIEL PENNAC, Au bonheur des ogres, 1985)


2. L’accord du verbe avec plusieurs
sujets
Lorsque le verbe a plusieurs sujets, il s’accorde généralement au
pluriel, et parfois au singulier.

a) Accord au pluriel
Le verbe qui a plusieurs sujets se met généralement au pluriel :

“ Ma vue débile et ma main tremblante ne me permettent pas de


longues lettres. (CHODERLOS DE LACLOS, Les liaisons
dangereuses, 1782)


Remarque
Si les deux éléments coordonnés désignent la même personne, le verbe
s’accorde au singulier :
Salut, cher papa, chère maman, cher Ravi. Votre fils aimant
et ton frère fidèle vient vous rejoindre. (YANN MARTEL,
L’histoire de Pi, 2001)

Si les sujets ne sont pas de la même personne, le verbe s’accorde


re
avec la personne qui a la priorité : la 1 personne l’emporte sur les
e e
deux autres, et la 2 sur la 3 .

“ Septembre et moi avions tant parlé durant la journée, que le


soir nous restions souvent silencieux. (THOMAS GUNZIG, La
vie sauvage, 2017)

J’ai gagé que cette dame et vous étiez du même âge.


(MONTESQUIEU, Lettres persanes, 1721)


Remarque
Quand les sujets sont de différentes personnes, on peut les résumer par le
re
pronom pluriel de la personne qui a la priorité (nous, vous ; on pour la 1
personne du pluriel) :
Éloi et moi, nous sommes tombés à côté du géant renversé.
(CAROLE MARTINEZ, La terre qui penche, 2015)

La femme, la fille et moi, on y est allé au moins vingt fois.


(JEAN GIONO, Le hussard sur le toit, 1951)

b) Accord avec le sujet le plus


rapproché
Le verbe qui a plusieurs sujets s’accorde avec le sujet le plus
rapproché qui prédomine sur les autres
3
1° lorsque ces sujets forment une gradation :


Un geste, un regard, un mot fait-il mouche, il en rajoute, et
ça marche mieux encore. (CAROLINE DE MULDER, Bye Bye
Elvis, 2014)


2° lorsque ces sujets sont résumés (ou annoncés) par un mot
comme tout, rien, chacun, personne, nul, etc. :
“ Ses paroles, sa voix, son sourire, tout vint à lui déplaire.
(GUSTAVE FLAUBERT, L’éducation sentimentale, 1869)

Mais rien, ni le rasoir douteux, le blaireau jaune, l’odeur, les


propos du barbier, ne put me faire reculer. (ANDRÉ GIDE,
L’immoraliste, 1902)

Personne, ni l’accusation ni la défense, n’évoqua une rivalité


amoureuse, comme si les deux partis voulaient privilégier la
dimension politique de l’affaire. (VINCENT ENGEL, Le miroir des
illusions, 2016)


Remarque
Le verbe peut s’accorder avec le sujet le plus proche lorsque les sujets sont
e
à peu près synonymes. Cet usage, répandu dans la langue écrite des XVII et
e
XVIII siècles, est cependant rare aujourd’hui :
Le bon sens et le bonheur des particuliers consiste
beaucoup dans la médiocrité de leurs talents et de leurs
fortunes (MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, 1744)

c) Plusieurs infinitifs
Le verbe qui a pour sujets plusieurs infinitifs se met au pluriel :

Tuer et mourir serontglorieux et érigeront en héros les
hommes ordinaires. (JEAN-BAPTISTE DEL AMO, Règne animal,
2016)


Cependant, si les infinitifs expriment une idée unique, le verbe se
met au singulier :

“ Volatiles sont ces bêtes dans leurs moindres gestes. Picorer


doigté et nonchalance, balancement
et gratter le sol requiert
comme roulement de coque. (EUGÈNE SAVITZKAYA, Fraudeur,
2014)


d) Sujets joint par ou ou par ni
e
1° Lorsque les sujets joints par ou ou par ni sont à la 3 personne,
le verbe se met au pluriel si l’on peut rapporter simultanément le
fait à chacun des sujets (1,2). Si l’action concerne chaque être ou
chaque chose individuellement, on mettra le verbe au singulier
(3). Mais dans tous les cas, on admettra l’un ou l’autre accord
(4,5).
“ Le pire ou le plus sot de nos patients nous instruisent encore.
(MARGUERITE YOURCENAR, L’œuvre au noir, 1968) (1)

Ici comme ailleurs, ni le foin, ni le blé n’avaient été fauchés.


(JEAN GIONO, Le hussard sur le toit, 1951) (2)

pourtant n’avait pensé que c’était lui. Ça ne


Ni l’un ni l’autre
leur était pas venu à l’esprit. (EMMANUEL CARRÈRE, Le
Royaume, 2014) (3)

ne croyait à cette promesse de Gascon.


Ni l’un ni l’autre
(JEAN-CHRISTOPHE GRANGÉ, Le passager, 2011) (4)

Freire promit et donna en retour ses coordonnées. Ni l’un ni


l’autre n’y croyaient. (JEAN-CHRISTOPHE GRANGÉ, Le passager,
2011) (5)


2° Si les sujets joints par ou ou par ni ne sont pas de la même
personne, le verbe se met au pluriel et à la personne qui a la
priorité :


lui rendre visite une fois par semaine.
Zibal ou moi allions
(DIDIER VAN CAUWELAERT, Le retour de Jules, 2017)


3° L’un ou l’autre, pris pronominalement ou comme déterminant,
veut toujours le verbe au singulier :
“ L’un ou l’autre tirait un coup sec et douloureux. (M ATHIAS
MENEGOZ, Karpathia, 2014)


e) Sujets joints par ainsi que, comme,
avec
Lorsque deux sujets sont joints par une conjonction de comparaison
ainsi que, comme, de même que, non moins que, non plus que,
etc.,
c’est le premier sujet qui règle l’accord si la conjonction garde
toute sa valeur comparative :

“ Son visage, aussi bien que son cœur, avait rajeuni de dix ans.
(ALFRED DE MUSSET, Nouvelles et contes, 1888)

Et madame Bovary, non plus que Rodolphe, ne lui répondait


guère. (GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, 1857)


le verbe s’accorde avec les deux sujets si la conjonction prend la
valeur de et :
“ Sa double maîtrise de l’allemand et de l’italien ainsi que sa
connaissance intime de l’Italie pouvaient se révéler
précieuses. (VINCENT ENGEL, Le miroir des illusions, 2016)

La littérature ainsi que la musique et ses modes n’eurent


plus de mystères pour lui. (GILBERT SINOUÉ, Avicenne ou La
route d’Ispahan, 1989)


Comme l’accord se fait selon l’intention, on admettra comme
corrects l’un et l’autre accords (au singulier ou au pluriel).
3. L’accord du participe passé (› Le
participe passé)

1. Règles générales

a) Participe passé employé seul


Le participe passé employé sans auxiliaire s’accorde en genre et
en nombre avec le mot auquel il se rapporte, comme un adjectif
(› Accord de l’adjectif) :

“ S’y retrouvent accroupis et abandonnés de jeunes étudiants et


des peintres confirmés. (ANAÏS BARBEAU-LAVALETTE, La femme
qui fuit, 2015)

Des espadrilles usées jusqu’à la corde, révélant des pieds


nus et noirs. (JEAN-CHRISTOPHE GRANGÉ, Le passager, 2011)


b) Participe passé employé avec être
(et verbes apparentés)
Le participe passé conjugué avec être s’accorde en genre et en
nombre avec le sujet du verbe :
“ La neige est arrivée plus tard, début janvier. (P HILIPPE DJIAN,
Dispersez-vous, ralliez-vous !, 2017)


Remarque
Lorsque le sujet est le pronom indéfini on, on admettra que l’accord se fasse
au masculin singulier, ou prenne la marque du genre et du nombre lorsque
on désigne une ou plusieurs personnes.
Dès qu’on est arrivées dans la maison, je me suis effondrée.
(VIRGINIE DESPENTES, Apocalypse bébé, 2010)

Le participe passé employé comme attribut du sujet avec des


verbes analogues au verbe être (sembler, devenir, etc.) s’accorde
avec le sujet :

“ Pour l’instant elle paraissait affaiblie. (SIMON LIBERATI,


California Girls, 2016)


Le participe passé attribut du complément d’objet direct
s’accorde avec le complément :
“ On crut Gervaise ébouillantée. (ÉMILE ZOLA, L’assommoir,
1876)


c) Participe passé employé avec avoir
Le participe passé conjugué avec avoir s’accorde en genre et en
nombre avec son complément d’objet direct si ce complément
précède le verbe (1,2) ; il reste invariable si ce complément suit le
verbe (3) ou si le verbe n’a pas de complément d’objet direct (4,5) :
“ À cause des lunettes qu’il a portées pendant l’été polaire, le
creux de ses yeux apparaît clair et fragile. (RENÉ BARJAVEL,
La nuit des temps, 1968) (Le complément d’objet est repris par que devant
le verbe.) (1)

Pour bien connaître les oranges, il faut les avoir vues chez
elles, aux îles Baléares, en Sardaigne, en Corse, en Algérie.
(ALPHONSE DAUDET, Lettres de mon moulin, 1869) (Le complément
d’objet est repris par les devant le verbe.) (2)

Elle a porté les mêmes vêtements toute sa vie. (NICOLAS


D’ESTIENNE D’ORVES, La gloire des maudits, 2017) (3)

Ils ont reculé lentement. (ALBERT CAMUS, L’étranger, 1942) (4)

Ah ! ils ont joué aux dés. (VICTOR HUGO, Notre-Dame de Paris,


1831) (5)


Remarques
1. Dans la langue parlée, l’accord du participe passé avec avoir ne se fait
plus de manière systématique, y compris chez les professionnels de la
parole publique (journalistes, hommes politiques, etc.). On entend
régulièrement Les choses que j’ai dit (sur le modèle de J’ai dit des choses)
ou Les propositions qu’il a fait (sur le modèle de Il a fait des propositions).
La généralisation de cet usage est le signe d’un changement en cours
dans la langue, qui pourrait être enregistré prochainement dans la norme.
L’aboutissement de ce changement serait que le participe passé conjugué
avec avoir reste invariable dans tous les cas.
2. Dans les temps surcomposés, seul le dernier participe varie : Ils sont
partis dès que je les ai eu avertis. (› Temps surcomposés)
3. La règle d’accord du participe passé conjugué avec avoir reste applicable
lorsque le complément d’objet direct a un attribut :
Elle ne s’était pas attendue à cette invitation chez des voisins
qu’elle avait crus condescendants. (YASMINA REZA, Babylone,
2016)

Il y a ainsi d’autres phrases d’Alice que j’ai trouvées


formidables et qui sont sans valeur pour le reste des hommes.
(DAVID FOENKINOS, Nos séparations, 2008)

2. Règles particulières
Au-delà des règles générales, l’accord du participe passé recèle un
grand nombre d’exceptions. C’est un secteur de la grammaire
française extrêmement complexe, pour lequel on constate une
certaine variabilité dans les usages.
Remarque
La complexité des règles particulières de l’accord du participe passé, et
l’impossibilité d’en rendre compte à l’aide d’un nombre réduit de règles
cohérentes, a amené le ministère français de l’éducation à décréter une série
4
de Tolérances grammaticales ou orthographiques , pour lesquelles il n’est
pas compté de fautes aux élèves ou aux candidats dans les examens ou les
concours sanctionnant les étapes de la scolarité élémentaire et secondaire.
Nous énonçons ces tolérances chaque fois qu’elles s’appliquent.

a) Le participe passé employé sans


auxiliaire
En général, lorsque le participe passé employé sans auxiliaire
précède le mot auquel il se rapporte, il est davantage perçu comme
une préposition ou comme un adverbe que comme un adjectif, et il
ne s’accorde pas. Lorsqu’il suit le mot, il s’accorde plus
fréquemment.

• Attendu, non compris, etc.


Attendu, non compris, y compris, entendu, excepté, ôté, ouï, passé,
supposé, vu, placés devant le nom ou le pronom, s’emploient
comme des prépositions et restent invariables :
“ Vu les dégâts, ça m’étonnerait que l’on puisse sauver le
disque dur. (GILLES LEGARDINIER, Demain j’arrête !, 2011)

Passéquarante ans tout le monde ressemble à une ville


bombardée. (VIRGINIE DESPENTES, Vernon Subutex 1, 2015)


Quand ces participes sont placés après le nom ou le pronom (1), ou
qu’ils le précèdent en apposition (2), ils varient 5 :


L’histoire de la Judée au I er siècle nous est mieux connue
que celle de tout autre peuple de l’Empire, Rome exceptée.
(EMMANUEL CARRÈRE, Le Royaume, 2014) (1)

Vue de près, Mère n’est pas très belle. (BERNARD WERBER,


Les fourmis, 1991) (2)


• Étant donné
Étant donné, devant le nom, peut rester invariable (1) ou s’accorder
(2) avec ce nom. Dans l’usage actuel, étant donné est davantage
perçu comme une locution prépositionnelle (de type à cause de) que
comme un participe, de sorte qu’on tend vers l’invariabilité :
“ Étant donné sa corpulence, elle avait le plus grand mal à entrer
dans ma Mini. (ADÉLAÏDE DE CLERMONT-TONNERRE, Fourrure,
2010) (1)

Il me semblait impossible qu’elle ne les lui répétât pas étant


donnée l’insistance que j’y mis. (MARCEL PROUST, À l’ombre des
jeunes filles en fleurs, 1919) (2)


• Ci-annexé, ci-joint, ci-inclus
Ci-annexé, ci-joint, ci-inclus restent invariables si on les considère
comme des adverbes (comme la lettre ci-contre, ci-après). Ils varient
si on les considère comme des adjectifs (comme la lettre jointe).
Dans beaucoup de cas, l’accord dépend de l’intention de celui qui
6
parle ou qui écrit .

“ Vous trouverez ci-joint les renseignements demandés.


(BERNARD QUIRINY, Contes carnivores, 2008)

Nous donnons ci-jointe, pour les personnes curieuses de


cette sorte de littérature, la chanson d’argot avec l’explication
en regard. (VICTOR HUGO, Le dernier jour d’un condamné, 1829)


Remarques
1. L’usage est de ne pas accorder ci-annexé, ci-joint, ci-inclus quand ils
précèdent le nom, que ce soit en tête de phase (1) ou non (2).
Ci-joint l’addition. (DANIEL PENNAC, Au bonheur des ogres) (1)
Vous trouverez ci-joint une photo qui date des années
quarante. (DOMINIQUE COSTERMANS, Outre-Mère, 2017) (2)
2. Dans les autres cas, on les accorde comme des adjectifs :
Vous verrez, ma belle amie, en lisant les deux lettres ci-
jointes, si j’ai bien rempli votre projet. (CHODERLOS DE LACLOS,
Les liaisons dangereuses, 1782)
Mon ami, n’ouvre la lettre ci-incluse qu’en cas d’accident.
(STENDHAL, Le rouge et le noir, 1830)

b) Le participe passé utilisé avec avoir


La règle générale veut que le participe passé conjugué avec avoir
s’accorde avec le complément d’objet direct si celui-ci précède le
verbe. Les difficultés résident
dans l’identification du complément d’objet direct : certains
verbes construisent un complément qui ressemble à un COD
sans être un COD ;
dans l’identification du genre et du nombre du COD ;
dans l’identification du COD quand le participe passé est suivi
d’un infinitif.

• Participe passé de certains verbes à complément


essentiel (couter, peser, mesurer, etc.)
Des verbes comme couter, valoir, peser, mesurer, marcher, courir,
vivre, dormir, régner, etc. ne construisent pas de complément d’objet
direct mais peuvent construire un complément essentiel indiquant
une quantité. En l’absence de complément d’objet direct, le participe
passé de ces verbes reste invariable. (› Complément essentiel)

“ Et la finance que cela avait coûté ! (VICTOR HUGO, Notre-Dame


de Paris, 1831)

Jamais la France n’a été si haut dans l’estime des peuples


que pendant les treize ans qu’il [= Bonaparte] a régné.
(STENDHAL, Le rouge et le noir, 1830)


Certains de ces verbes existent avec un autre sens et construisent
un complément d’objet direct ; leur participe passé est alors variable.
Il s’agit notamment de :
couter, valoir au sens de « causer, occasionner » ;
valoir au sens de « procurer » ;
peser au sens de « constater le poids, examiner » ;
courir au sens de « s’exposer à, parcourir », etc.
“ Après tous les ennuis que ce jour m’a coûtés [= causés],
Ai-je pu rassurer mes esprits agités ? (JEAN RACINE,
Britannicus, 1669)

Vous voyez, Suzanne, la jolie scène que votre étourdi m’a


value [= procurée] avec son billet. (PIERRE-AUGUSTIN CARON
DE BEAUMARCHAIS, Le mariage de Figaro, 1784)

Souvent, a posteriori, on ne pouvait que trembler devant les


précipices qu’on avait frôlés à son insu, les dangers qu’on
avait courus sans le savoir, le cheveu auquel on devait d’être
encore en vie. (PHILIPPE DJIAN, Incidences, 2010)


Que ces verbes soient construits avec un complément d’objet direct
ou non, les Tolérances grammaticales 7 acceptent l’un et l’autre
accord dans tous les cas, ce qu’on trouve parfois dans l’usage :

“ Marcus rédigea les accords de cession des deux


appartements que nous avait coûtés la reprise des travaux.
(ADÉLAÏDE DE CLERMONT-TONNERRE, Le dernier des nôtres, 2016)


• Participe passé des verbes impersonnels
Le participe passé des verbes impersonnels (il a fallu) ou pris
impersonnellement (il a fait, il y a eu) est toujours invariable ; en
effet, ces verbes ne construisent pas de complément d’objet direct
(› Phrase impersonnelle) :

“ L’alphabet s’est fixé dans ma tête en sept jours, ces sept


jours qu’il a fallu à Dieu pour créer le monde ? (CAROLE
MARTINEZ, La terre qui penche, 2015)

On commençait à être un peu tranquille après tous les


malheurs qu’il y a eu. (VICTOR HUGO, Les misérables, 1862)


• Dit, dû, cru, su, pu, su, voulu
Les participes dit, dû, cru, su, pu, voulu restent invariables lorsqu’ils
ont pour complément d’objet direct un infinitif (J’ai fait tous les efforts
que j’ai pu [faire]) ou une proposition à sous-entendre après eux (Elle
m’a donné tous les renseignements qu’elle avait dit [qu’elle me donnerait]) :

“ La Brûlé […] continuait d’allonger des claques dans le vide,


pour tous les patrons qu’elle aurait voulu tenir. (ÉMILE ZOLA,
Germinal, 1885)

Et tous les scandales que nous avons dû étouffer ! (LAURENT


BINET, HHhH, 2010)


• Participe passé précédé du pronom l’
Le participe passé est invariable lorsqu’il a pour complément d’objet
direct le pronom neutre l’ représentant une proposition signifiant
« cela » : Cette intervention est moins difficile que je ne l’avais estimé.
(= que je n’avais estimé cela, c’est-à-dire qu’elle était difficile.)

• Participe passé précédé de en


Le participe passé précédé du pronom en complément d’objet direct
est généralement invariable, parce que en est neutre et partitif
(1,2,3). On trouve également l’accord, en considérant que en renvoie
simplement à l’antécédent (4,5). Dans tous les cas, on admettra les
deux accords.
“ Des maîtres, j’en ai connu trois. (G
ILBERT SINOUÉ, Avicenne ou
La route d’Ispahan, 1989) (1)

Ma chemise se serait ouverte si j’en avais porté une. (DANIEL


RONDEAU, J’écris parce que je chante mal, 2010) (2)

Pour le dessert, la tarte a été très bonne, et j’en ai eu


plusieurs fois parce que ni papa ni maman n’en ont mangé.
(RENÉ GOSCINNY, Les vacances du petit Nicolas, 1962) (3)

Tous les gens photographiés, j’en ai vus beaucoup,


donnaient presque la même photo, leur ressemblance était
hallucinante. (MARGUERITE DURAS, L’amant, 1984) (4)

Les personnages qui allaient entrer seraient, non pas des


acteurs venus pour réciter comme j’en avais vus une fois en
soirée, mais des hommes en train de vivre. (MARCEL
PROUST, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919) (5)


Remarques
1. Cette règle reste d’application lorsque le pronom en est accompagné d’un
adverbe de quantité (beaucoup, tant, etc.) :
J’en ai beaucoup lu. (ALFRED DE MUSSET, Il ne faut jurer de rien,
1848)
2. Quand le pronom en n’est pas complément d’objet direct, il n’intervient pas
dans l’accord du participe passé :
Il lui offrit, en échange des soins qu’il en avait reçus, sa part
des primes. (ALEXANDRE DUMAS, Le Comte de Monte-Cristo, 1844)
(Le complément d’objet direct des soins régit l’accord du p.p. ; le pronom en est
complément d’objet indirect.)

• Participe passé dont le COD = nom collectif


(une bande) ou adverbe de quantité (combien,
peu de) + complément
Lorsque le complément d’objet direct qui précède le participe passé
est un nom collectif suivi de son complément, l’accord est
commandé par le collectif ou par son complément, selon le sens :
Il y avait là une bande de voleurs que la police eut bientôt cernée.
Il y avait là une bande de voleurs que la police eut bientôt ligotés.
Lorsque le complément d’objet direct précédant le participe est un
adverbe de quantité (autant, combien) suivi de son complément,
c’est en principe le complément qui commande l’accord (1,2), mais
on trouve aussi l’accord commandé par l’adverbe (3,4). On accepte
donc l’accord comme l’invariabilité :
“ Combien d’adultes auraient-ils tués cette fois ? (CAROLE
MARTINEZ, Le cœur cousu, 2007) (1)

Combien de témoins avait-il interrogés au cours de sa


carrière ? (BERNARD MINIER, Glacé, 2011) (2)

Combien de camarades avez-vous remplacé, cette semaine,


Pastor ? (DANIEL PENNAC, La fée carabine, 1987) (3)

Combien de soirées avions-nous passé à nous parler ! (JOËL


DICKER, Le livre des Baltimore, 2015) (4)


• Participe passé suivi d’un infinitif
a) Le participe passé conjugué avec avoir et suivi d’un infinitif
s’accorde avec le complément d’objet direct qui précède lorsque ce
complément est celui du participe :
“ Les médecins étaient loin de l’unanimité et Raphaël les a
entendus dire que sa tuberculose était sans rémission.
(HONORÉ DE BALZAC, La peau de chagrin, 1831) (= Raphaël a
entendu les médecins dire que sa tuberculose était sans rémission. Dans cette
phrase, les est le complément de a entendu.)

Nous ne les [= les hommes] avons pas entendus pousser la


porte. (CATHERINE POULAIN, Le grand marin, 2016) (= Nous n’avons
pas entendu les hommes pousser la porte.)


b) Le participe passé reste invariable si le complément d’objet direct
est le complément du verbe à l’infinitif :

“ Nous savions qu’elle-même faisait des aquarelles de fleurs,


et ma grand’mère qui les avait entendu vanter lui en parla.
(MARCEL PROUST, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919)
(= Ma grand’mère qui avait entendu [quelqu’un] vanter les aquarelles lui en
parla. Le pronom les est complément de l’infinitif vanter et pas du participe
passé entendu.)


Remarques
Trois méthodes permettent d’établir si le complément d’objet est celui du
participe passé (accord du p.p.) ou celui du verbe à l’infinitif qui suit
(invariabilité du p.p.).
1. Intercaler le complément d’objet direct (ou le nom qu’il représente) entre le
participe et l’infinitif, puis remplacer l’infinitif par le participe présent, par
une proposition relative à l’imparfait, ou par l’expression en train de. Si la
phrase garde son sens, faire l’accord :
On les [= les tigres] a vus nager dix kilomètres en pleine mer
houleuse. (YANN MARTEL, L’histoire de Pi, 2001) (= On a vu les tigres
nageant / qui nageaient / en train de nager.)
2. Quand l’être ou l’objet désigné par le complément d’objet direct fait l’action
exprimée par l’infinitif, le participe s’accorde :
L’amour de la montagne les [= Étienne et Juliette] a poussés
à s’établir, d’abord à Albertville, ensuite dans un village près
de Bourg-Saint-Maurice où ils ont acheté une maison.
(EMMANUEL CARRÈRE, D’autres vies que la mienne, 2010) (= Ce sont
Étienne et Juliette qui sont poussés à s’établir à Albertville.)
3. Si l’infinitif est suivi ou peut être suivi d’un complément d’agent introduit
par la préposition par, le participe est invariable : Ces arbres que j’avais
vus grandir, je les ai vu abattre (par le bûcheron).
4. La règle veut que le participe passé s’accorde lorsque le COD se rapporte
à lui, et qu’il reste invariable lorsque le COD se rapporte à l’infinitif qui suit.
Les Tolérances orthographiques ou grammaticales (article 10) admettent
l’absence d’accord dans le premier cas et l’accord dans le second cas.

c) En exception à cette règle, les participes passés fait et laissé


suivis d’un infinitif sont toujours invariables :
“ On les avait fait venir par jet de Rockefeller Station, la base
américaine de départ pour la Lune. (RENÉ BARJAVEL, La nuit
des temps, 1968)

Je les ai laissé rentrer tranquillement à Paris. (PIERRE


LEMAITRE, Robe de marié, 2009)


Remarque
Avant les rectifications de l’orthographe de 1990, le participe passé fait suivi
d’un infinitif pouvait s’accorder ou rester invariable, selon les règles ci-
dessus. On trouve fréquemment laissé accordé au COD, et ce n’est pas une
erreur :
Sa mère à lui ne les a jamais laissés traîner toute la journée
dans les escaliers. (VIRGINIE DESPENTES, Apocalypse bébé, 2010)
(Est également correct : Elle ne les a jamais laissé traîner.)

Vous auriez pu peut-être en toucher une [= une perdrix], si


vous les aviez laissées passer ! (MARCEL PAGNOL, La gloire de
mon père, 1957) (Est également correct : Si vous les aviez laissé passer.)

Je les [= les chiens] ai fait abattre ! (LOUIS-FERDINAND CÉLINE,


Voyage au bout de la nuit, 1952) (Invariable dans tous les cas, car les chiens
n’est pas le COD de fait mais de abattre.)

d) Eu et donné suivis d’un infinitif introduit par à peuvent, dans la


plupart des cas, s’accorder ou rester invariables, parce qu’il est
indifférent de faire dépendre le complément d’objet direct du
participe ou de l’infinitif :
“ Tous les villages que nous avons eu à traverser étaient
abandonnés. (AHMADOU KOUROUMA, Allah n’est pas obligé,
2015) (= Nous avons eu des villages à traverser ou Nous avons eu à traverser
des villages. Est également correct : les villages que nous avons eus à
traverser.)

Tu ne m’as jamais dit ton avis sur les poèmes que je t’avais
donnés à lire il y a deux ans. (MICHEL ROSTAIN, Jules, etc.,
2015) (= Tu m’as donné des poèmes à lire ou Tu m’as donné à lire des
poèmes. Est également correct : les poèmes que je t’avais donné à lire.)


c) Participe passé des verbes
pronominaux
L’accord du participe passé d’un verbe pronominal passe par
l’identification correcte de la fonction du pronom réfléchi (me, te, se,
etc.). (› Classification des verbes pronominaux)
D’un point de vue pratique, pour identifier la fonction du pronom de
forme réfléchie, on remplace l’auxiliaire être par l’auxiliaire avoir afin
de faire apparaitre si le pronom est complément d’objet direct du
verbe ou non. Ensuite, on applique la règle de l’accord du participe
passé employé avec avoir : on accorde le participe passé avec le
pronom si le pronom (se, me, nous…) est le COD et précède le
participe passé (1) ; on l’accorde également avec tout autre COD qui
précède (2).

Elle s’est coupée au pied. (= Elle a coupé elle-même [COD] au pied [CCirc] → accord
avec se = elle-même.) (1)
L’attente qu’ils se sont imposée. (= Ils ont imposé l’attente [COD] à eux [COI] → on
accorde avec l’attente.) (2)

• Le pronom réfléchi est COD du verbe


(par ex. se blesser)
Le participe passé des verbes pronominaux réfléchis ou réciproques
s’accorde avec le pronom réfléchi quand celui-ci est complément
d’objet direct :

“ Elle s’est blessée au talon. (B ERNARD WERBER, La révolution


des fourmis, 1996) (= Elle a blessé elle-même au talon → se est COD et
impose l’accord.)

Elle s’est coupé les cheveux, l’avant-veille. (DANIEL PENNAC,


La petite marchande de prose, 1989) (= Elle a coupé les cheveux à elle-
même → les cheveux est COD, se est COI → pas d’accord du p.p.)

Les deux frères se sont battus violemment. (LARRY


TREMBLAY, L’orangeraie, 2013) (= Ils ont battu eux-mêmes → se est
COD et impose l’accord.)

Ils se sont dit des tonnes de choses dans ce silence.


(PIERRE LEMAITRE, Alex, 2011) (= Ils ont dit à eux-mêmes des tonnes de
choses → des tonnes de choses est COD et se est COI → pas d’accord du
p.p.)


• Le pronom réfléchi n’est pas COD du verbe
(par ex. se ressembler)
Le participe passé des verbes suivants est toujours invariable, parce
que ces verbes ne peuvent jamais avoir de complément d’objet
direct :

se convenir se parler se ressembler se suffire

se nuire se plaire se rire se survivre

se mentir se déplaire se sourire

s’en vouloir se complaire se succéder

“ Les deux hommes se sont parlé sous une tente qui claquait
au vent. (LAURENT GAUDÉ, Écoutez nos défaites, 2016) (= Les
deux hommes ont parlé à eux-mêmes → pas de COD → p.p. invariable.)

Les bouffées de sueur se sont succédé. (GAËL FAYE, Il faut


tenter de vivre, 2015) (= Les bouffées de sueur ont succédé à elles-mêmes
→ pas de COD → p.p. invariable.)

Les deux hommes se sont souri. (CATHERINE POULAIN, Le


grand marin, 2016) (= Les deux hommes ont souri à eux-mêmes → pas de
COD → p.p. invariable.)


• Le pronom réfléchi est sans fonction auprès
du verbe (par ex. se taire)
Le participe passé des verbes pronominaux dont le pronom est sans
fonction auprès du verbe (il n’est pas complément d’objet, ni direct ni
indirect) s’accorde avec le sujet :

“ Depuis que les caisses se sont tues, il n’y a plus les bips qui
tintaient de toutes parts, plus aucun mouvement de tapis
roulant, plus le moindre bruit. (SERGE JONCOUR, Repose-toi
sur moi, 2016)

Les passants se sont évanouis et les voitures qui passent


accélèrent en faisant crisser leurs pneus. (DANIEL RONDEAU,
Mécaniques du chaos, 2107)

Les dieux se sont joués de nous, ils nous ont bien eus.
(MATHIAS ÉNARD, Zone, 2011)


• Exceptions : se rire, se plaire, se déplaire,
se complaire
Font exception les quatre verbes suivants, dont le participe passé ne
varie jamais :

se rire « se moquer »

se plaire « se trouver bien, trouver du plaisir »

se déplaire « ne pas se trouver bien »

se complaire « trouver sa satisfaction »


“ Elle s’était plu à ajouter au lit quelques bouts de dentelle.
(ÉMILE ZOLA, Thérèse Raquin, 1867)

La fille de la Cheffe s’est complu à m’inventer jaloux d’elle.


(MARIE NDIAYE, La Cheffe, roman d’une cuisinière, 2016)


4. L’accord de l’attribut
Lorsque l’attribut est un mot variable (adjectif, nom ou pronom), il
s’accorde avec l’élément dont il dépend, le sujet (1,2,3) ou le
complément d’objet (4).

“ Les feuilles humides semblent pesantes et pleuvent sur leur


nuque quand ils passent dessous. (PATRICK LAPEYRE, La vie
est brève et le désir sans fin, 2010) (1)

Après son accident, elle était devenue professeure à la


School of American Ballet. (GUILLAUME MUSSO, La fille de
papier, 2010) (2)

Ensuite parce que, évidemment, à Prague, la reine, c’est


elle. (LAURENT BINET, HHhH, 2010) (3)

Mais à toute heure quand ils venaient la voir, ils la trouvaient


silencieuse dans le noir, les yeux ouverts. (VIRGINIE
DELOFFRE, Léna, 2010) (4)


Dans certaines constructions verbales figées, l’attribut ne s’accorde
pas systématiquement.

• Avec avoir l’air


Lorsque avoir l’air fonctionne comme une locution et signifie
« paraitre », l’adjectif qui suit est un attribut et s’accorde avec le
sujet :

“ La maîtresse a poussé un gros soupir, elle a l’air fatiguée,


ces jours-ci. (RENÉ GOSCINNY, Le petit Nicolas, 1960)

La nounou a l’air tendue, concentrée. (LEÏLA SLIMANI, Chanson


douce, 2016)


Lorsque air signifie « mine, apparence », l’adjectif s’accorde avec
air, comme si l’on avait avoir un air. Cet usage est devenu rare.

“ Elle avait l’air ému, ce qui calma un peu ma colère.


(JACQUELINE HARPMAN, Moi qui n’ai pas connu les hommes,
1995)


• Avec être égal
Dans la formule être égal prise dans le sens de « être indifférent,
laisser indifférent », l’usage ancien était d’accorder égal avec le sujet
(1,2). Mais, sous l’influence de ça m’est égal et pour éviter la
confusion avec égal signifiant « de même valeur », des auteurs
modernes laissent parfois égal invariable (3,4).
“ Toutes femmes nous sont égales,
Que leurs cheveux soient bruns ou blonds (VICTOR HUGO,
Chanson barbare, 1859) (1)

Toute cette agitation nous était égale. (BERNARD WERBER, Les


Thanatonautes, 1994) (2)

Moi tout m’est égal. Mais il y a une chose qui ne m’est pas égal.
(RAYMOND QUENEAU, Derniers jours, 1936) (3)

Les autres me sont égal. (ROGER NIMIER, Les épées, 1948) (4)


PARTIE 5

La phrase complexe

CHAPITRE 1
Généralités

CHAPITRE 2
Les propositions subordonnées relatives

CHAPITRE 3
Les propositions subordonnées conjonctives

CHAPITRE 4
Les propositions subordonnées circonstancielles

CHAPITRE 5
La concordance des temps dans les propositions
subordonnées

CHAPITRE 6
Les subordonnées sans mot introducteur :
propositions infinitives et participiales
CHAPITRE 1

Généralités
1. Définition de la phrase complexe
2. La subordination comparée à la coordination et à la
corrélation
3. Classification des propositions subordonnées selon leur
fonction
4. Classification des propositions subordonnées selon le mot
introducteur
1. Définition de la phrase complexe
La phrase complexe se définit au sens strict comme une phrase à
l’intérieur de laquelle une autre phrase, dite subordonnée, remplit
une fonction syntaxique (sujet, complément du verbe, complément
du nom, etc.). Cet emboitement se concrétise habituellement par la
présence de plusieurs verbes au mode personnel (ou à l’infinitif).

“ Quand on écoute les confessions un peu répétitives d’une


dame qui vient chaque jour, on a le temps de contempler ses
oreilles, son cou, ses épaules. (ALEXIS JENNI, La conquête
des îles de la Terre Ferme, 2017)


Ce mouvement d’emboitement peut se répéter (c’est la récursivité),
si bien qu’une phrase subordonnée peut contenir elle-même une
phrase subordonnée, etc. L’accumulation de phrases enchâssées
rend la compréhension ardue, ce qui est parfois l’effet recherché par
les poètes :
“ Maudit !
soit le père de l’épouse
du forgeron qui forgea le fer de la cognée
avec laquelle le bûcheron abattit le chêne
dans lequel on sculpta le lit
où fut engendré l’arrière-grand-père
de l’homme qui conduisit la voiture
dans laquelle ta mère
rencontra ton père. (ROBERT DESNOS, La colombe de
l’arche, 1923)

Remarque
Une phrase non verbale (sans verbe principal) devient une phrase complexe
dès lors qu’une phrase subordonnée y est enchâssée. (› Phrase non verbale)
Mais, à présent, la voici qui vient à lui, tout près, horrible,
inévitable. (ÉRIC VUILLARD, L’ordre du jour, 2017)

Dans un sens plus large, on parle parfois de phrase complexe dès


lors que plusieurs phrases sont combinées, quel que soit le mode de
combinaison : la juxtaposition (1), la coordination (2), l’incise (3), la
corrélation (4) ou la subordination au sens strict (5).

J’avoue que je ne me souviens plus très bien de quoi il
s’agit, j’ai ressorti l’article hier, il est là, tiens il y a un petit
morceau de papier conservé à l’intérieur. (MATHIAS ÉNARD,
Boussole, 2015) (1)

Elles se détestaient cordialement, et puis elles se sont


retrouvées un été dans la galère à Los Angeles. (VIRGINIE
DESPENTES, Vernon Subutex 1, 2015) (2)

Pourtant c’est un arbre vivant aussi – oui, je t’assure – et pas


seulement un arbre généalogique. (NANCY HUSTON, Bad
Girl, 2014) (3)

Plus sa femme montrait de perfections, plus il


enrageait. (ALBERT CAMUS, La chute, 1956) (4)

Bien que l’été officiel vienne de paraitre, le ciel est assorti à


cette tenue, expectorant bassement un petit crachin par
intermittence. (JEAN ECHENOZ, Je m’en vais, 1999) (5)


La coordination et la subordination se combinent régulièrement au
sein d’une même phrase :

Elle se demanda d’ailleurs s’il n’était pas affecté d’un défaut
de vue car il lisait de fort près et ne reconnaissait pas
toujours ses interlocuteurs. (JEAN-CHRISTOPHE RUFIN, Rouge
Brésil, 2011)

Remarque
Les propositions infinitives et participiales sont aussi subordonnées
(› Subordonnées infinitives, › Subordonnées participiales) :
Elle regarde les gens sourire, autour d’elle. (VIRGINIE
DESPENTES, Vernon Subutex 3, 2017)

La vapeur et Suez aidant, elle mit seulement trois mois pour


parvenir à Anvers. (MARC BRESSANT, Un si petit territoire, 2017)
2. La subordination comparée
à la coordination et à la corrélation
Avec la subordination, on établit une dépendance syntaxique entre
un élément principal (par ex. un verbe) et un élément subordonné
(par ex. une proposition). Une proposition subordonnée (PS) est
dans la dépendance d’un verbe (je pense que + PS), d’un nom (le
garçon qui + PS), d’un adjectif (heureux de ce que + PS), d’un
adverbe (heureusement que + PS) ou d’un mot introducteur (voici
que + PS). La conjonction subordonnante par excellence est que,
mais les propositions subordonnées sont introduites par une grande
variété de conjonctions.
La subordination s’oppose à la coordination, par laquelle
différentes phrases sont ordonnées sur le même plan syntaxique,
leur connexion étant marquée explicitement par une conjonction de
coordination (par ex. et). Deux phrases coordonnées sont
indépendantes l’une de l’autre. Deux phrases juxtaposées sont
également indépendantes l’une de l’autre (comme les phrases
coordonnées), mais elles sont placées l’une à la suite de l’autre sans
aucune marque explicite de coordination.
La corrélation est un cas particulier de dépendance où deux
phrases s’impliquent réciproquement : elles sont interdépendantes
l’une de l’autre, l’une ne pouvant fonctionner sans l’autre (elle est
si… que + P). La proposition subordonnée corrélative est appelée
par un terme corrélatif dans la phrase principale. Certaines
conjonctions (comme plus… plus…) impliquent une corrélation de
phrases.
Remarque
Plusieurs propositions subordonnées peuvent se coordonner ; une
subordonnée peut inclure une autre subordonnée :
Quand elle sut que j’étais une fille et que Mère était morte,
Emma resta interdite. (NÉGAR DJAVADI, Désorientale, 2016)
(Deux propositions subordonnées en coordination.)

Elle comprend que Venise l’a sauvée parce que Venise


appartient à la mer. (VÉRONIQUE OLMI, Bakhita, 2017)
(Enchâssement d’une proposition subordonnée dans une autre.)

La proposition subordonnée remplit une fonction par rapport au


verbe principal ou par rapport à un constituant de la phrase ; dans le
cas de la coordination ou de la juxtaposition de phrases, les deux
phrases sont indépendantes ; elles ne sont pas reliées au niveau de
la phrase, mais au niveau du sens du discours.
3. Classification des propositions
subordonnées selon leur fonction
Dans la phrase complexe, la proposition subordonnée dépend du
verbe ou d’un autre élément de la phrase, comme un nom ou un
adjectif. Elle remplit une fonction syntaxique et occupe la position
liée à sa fonction. Par exemple, une proposition subordonnée
complément du verbe suit immédiatement le verbe et est équivalente
à un groupe nominal ; une proposition subordonnée relative suit
immédiatement le nom, et est équivalente à un adjectif.

Proposition subordonnée dans Équivalent dans la phrase


la phrase complexe simple

La femme attend que le La femme attend l’éloignement du


cortège se soit éloigné pour cortège pour partir.
partir. (LÉONORA MIANO, La
saison de l’ombre, 2013)

Il saisit une cuillère à café qui Il saisit une cuillère à café oubliée.
traîne sur le
comptoir. (LAURENT BINET, La
septième fonction du langage,
2015)

La classification traditionnelle des subordonnées repose sur leur


fonction dans la phrase. Le tableau suivant présente quels types de
propositions subordonnées peuvent remplir chacune des fonctions
dans la phrase.
Sujet

1° Proposition subordonnée Que nous ayons à déplorer


conjonctive introduite par la des traîtres ne signifie en
conjonction que et placée en tête de la aucun cas que le Continent n’ait
phrase pas été victime. (LÉONORA
MIANO, Les aubes écarlates,
2009)

2° Proposition relative (sans Quiconque a vécu solitaire


antécédent) introduite par un des sait bien que le monologue est
pronoms relatifs indéfinis qui ou dans la nature… (DANIEL
quiconque RONDEAU, Mécaniques du
chaos, 2017)

Attribut (du sujet et du complément d’objet direct du verbe)

1° Proposition subordonnée Le mieux est que je vienne ce


conjonctive introduite par que soir ou demain. (JOËL DICKER,
La vérité sur l’affaire Harry
Quebert, 2014)

2° Proposition subordonnée relative Et c’est pour ça que je suis qui


introduite par le relatif indéfini qui (au je suis (CAROLINE DE MULDER,
sens de celui qui) ou quoi Bye Bye Elvis, 2014)

3° Proposition subordonnée relative Elle a les mains qui


introduite par qui (attribut du tremblent. (LEÏLA SLIMANI, Dans
complément d’objet direct du verbe) le jardin de l’ogre, 2014)

Séquence de l’impersonnel (après un verbe impersonnel)

1° Subordonnée conjonctive introduite Il faut que nous parlions


par que franchement, face à
face. (BERNARD WERBER, La
révolution des fourmis, 1997)

2° Proposition infinitive Il convient de jeter le discrédit


sur ceux qui nous
diffament. (DIDIER VAN
CAUWELAERT, Le principe de
Pauline, 2014)

Complément d’objet direct du verbe

1° Proposition subordonnée Antoine remarqua que


conjonctive introduite par que l’ambiance avait
changé. (PIERRE LEMAITRE,
Trois jours et une vie, 2016)

2° Proposition subordonnée Il se demanda si Myriam s’était


interrogative indirecte introduite par si, endormie derrière son
qui, quel, quand, etc. écran. (PHILIPPE DJIAN,
Incidences, 2010)

3° Proposition relative sans Elle avait deviné ce qui plairait


antécédent aux filles. (CATHERINE CUSSET,
Indigo, 2013)

4° Proposition infinitive avec un sujet Elle a vu un scooter partir il y a


propre une demi-heure
environ. (OLIVIER TRUC, Le
dernier Lapon, 2012)

Complément d’objet indirect du verbe


1° Proposition subordonnée Il consent à ce qu’on
conjonctive introduite par à ce que, de l’ampute. (LAURENT GAUDÉ,
ce que, en ce que, sur ce que (et Écoutez nos défaites, 2016)
parfois que)

2° Proposition relative sans On parle à qui on


antécédent peut. (PHILIPPE JAENADA, Sulak,
2013)

3° Proposition infinitive Samuel a pensé à aller dans


l’Ouest, un temps. (LOUIS
HÉMON, Maria Chapdelaine,
1912)

Complément d’agent (du verbe passif)

1° Proposition relative sans Une fois dans sa vie, elle aurait


antécédent introduite par qui ou donc été aimée par qui elle
quiconque aimait. (MARC BRESSANT, Un si
petit territoire, 2017)

Complément circonstanciel (du verbe ou de la phrase)

1° Proposition subordonnée Dès que les fils ont atteint


conjonctive l’âge de seize ans, il les a
d’ailleurs déscolarisés. (JEAN-
BAPTISTE DEL AMO, Règne
animal, 2016)

2° Proposition relative (sans Où nous en étions, d’ailleurs,


antécédent) on ne pouvait plus
reculer. (LOUIS-FERDINAND
CÉLINE, Voyage au bout de la
nuit, 1932)

Complément du présentatif

1° Subordonnée conjonctive introduite Voilà que le doute commence


par que à entrer comme une lumière
crue. (TAHAR BEN JELLOUN,
L’enfant de sable, 1986)

2° Subordonnée infinitive Voici venir mon divin


roi. (ALBERT COHEN, Belle du
Seigneur, 1968)

Complément du nom (ou du pronom)

1° Proposition subordonnée relative Le regard que les gens posent


sur nous en tant que couple
est surprenant. (GILLES
LEGARDINIER, Demain j’arrête !,
2011)

2° Proposition subordonnée Cette idée que les auditeurs


conjonctive introduite par que ignoraient si le paquebot avait
un nom ou pas lui sembla
pleine de charme. (FRÉDÉRIC
VERGER, Arden, 2015)

Complément de l’adjectif

1° Proposition subordonnée Il est vexé ou furieux que tu


conjonctive introduite par que l’aies laissé
tomber. (KATHERINE PANCOL, La
valse lente des tortues, 2008)

2° Proposition corrélative complément Les gendarmes s’approchent,


du comparatif moins prudents qu’ils ne
devraient, pour les
contrôler. (PHILIPPE JAENADA,
Sulak, 2013)

3° Proposition relative sans Ne soyez pas cruelle envers


antécédent ceux qui vous sont
fidèles… (VINCENT ENGEL,
Mayday, 2015)
4. Classification des propositions
subordonnées selon le mot
introducteur
On distingue les subordonnées introduites par un mot introducteur
des subordonnées sans mot introducteur.

1. Avec mot introducteur


Lorsqu’une proposition subordonnée est introduite par un mot
introducteur, il s’agit :
d’un pronom relatif, qui remplit une fonction dans la
subordonnée et renvoie à un élément de la phrase principale ;

“ Le festin, auquel elle est invitée, sera englouti le soir


même. (DELPHINE DE VIGAN, Rien ne s’oppose à la nuit,
2011)


d’une conjonction de subordination (ou d’une locution
conjonctive), qui ne remplit pas de fonction dans la
subordonnée ;

Elle rêvait que ce ciel chargé de neige crevait sur elle, tant le
froid la pinçait. (ÉMILE ZOLA, L’assommoir, 1876)

Je vais voler les bijoux avant que Ric ne le fasse. (GILLES


LEGARDINIER, Demain j’arrête !, 2011)


d’un pronom ou d’un adverbe interrogatif (ou exclamatif) qui
remplit une fonction dans la subordonnée.

“ Il ignorait pourquoi ils avaient travaillé tout le jour. (J EAN-


BAPTISTE DEL AMO, Une éducation libertine, 2008)

Voilà comme Paul est poltron ! (COMTESSE DE SÉGUR, Les


malheurs de Sophie, 1858)

Il sait comme Maman est anxieuse. (ALAIN BERENBOOM,


Périls en ce royaume, 2014)


2. Sans mot introducteur
Les propositions subordonnées sans mot introducteur comprennent :
les propositions subordonnées à l’infinitif ;
“ Les yeux fermés, elle écoute les oiseaux pépier dans les
branches de l’arbre juste de l’autre côté de la fenêtre. (CATHERINE
CUSSET, Un brillant avenir, 2011)


les propositions subordonnées au participe présent ou au
participe passé.

“ Mon petit hôtel parisien ayant fermé par ordre de la préfecture,


j’avais obtenu de la patronne, en échange d’un peu d’argent
liquide, d’y passer la nuit en clandestin de temps en
temps. (SIMON LIBERATI, Eva, 2015)

Libéré de la télévision,
il découvre qu’une fenêtre est plus
transparente qu’un écran. (SYLVAIN TESSON, Dans les forêts
de Sibérie, 2011)

Battue par l’averse,


la colonie avait l’air totalement déserte. En
approchant des bâtiments, là où le sentier amorçait une pente
légère, il dérapa dans la boue et faillit s’étaler de tout son
long. (BERNARD MINIER, Glacé, 2011)


CHAPITRE 2

Les propositions subordonnées


relatives
1. Les propositions subordonnées relatives adjectives (avec
antécédent)
2. Les propositions subordonnées relatives substantives
(sans antécédent)
3. Emploi du mode

La proposition subordonnée relative est introduite par un pronom


relatif : qui, que, quoi, dont, où, lequel, quiconque, ou par une forme
composée du pronom relatif : auquel, duquel, sur lequel, dans
lequel, etc. (› Pronom relatif)
Le pronom relatif joue un triple rôle :
il signale l’ouverture de la proposition relative et l’enchâssement
d’une proposition dans la phrase en cours ;
il renvoie généralement à un nom qui précède et qui constitue
son antécédent, et il s’accorde éventuellement avec cet
antécédent ;


Une goutte d’eau dans laquelle circulent d’autres gouttes
d’eau (CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT, Croire au merveilleux,
2017)


il remplit une fonction syntaxique au sein de la proposition
relative ; cette fonction est marquée par sa forme : qui (sujet),
que (complément d’objet direct), dont (complément d’objet
indirect), etc.


Cette vie que Raphaël décrétait plate et ennuyeuse lui
semblait palpitante. (CATHERINE CUSSET, Indigo, 2013) (Le
pronom relatif que renvoie à l’antécédent « cette vie » ; dans la proposition
relative, il joue le rôle de complément du verbe « décrétait » : Raphaël décrétait
cette vie plate et ennuyeuse.)


Lorsque le pronom relatif a un antécédent, ce pronom est dit
représentant car il représente un nom mentionné précédemment.
Dans ce cas, la proposition relative remplit le plus souvent la
fonction de complément du nom. Elle est dite relative adjective, car
elle complète le nom comme l’adjectif peut le faire.


Je me revois encore restant debout, les jambes qui
tremblent. (LAURENT MAUVIGNIER, Des hommes, 2009) (= Les
jambes tremblantes : la proposition relative joue le rôle d’un adjectif épithète.)


Lorsque le pronom relatif n’a pas d’antécédent, la proposition
relative équivaut à un groupe nominal et peut en remplir toutes les
fonctions du nom (sujet, complément du verbe, etc.). Elle est
appelée relative substantive, car elle équivaut à un nom
(anciennement appelé substantif) ou à un pronom.


Quiconque a vécu solitaire sait bien que le monologue est
dans la nature… (DANIEL RONDEAU, Mécaniques du chaos,
2017) (= Celui-là sait bien que le monologue est dans la nature... : la
proposition relative joue le rôle d’un pronom sujet.)


1. Les propositions subordonnées
relatives adjectives (avec antécédent)

1. Sur le plan du sens


La proposition subordonnée relative complément de nom (ou de
pronom) peut remplir trois fonctions.
1° La proposition relative est déterminative, ou restrictive, quand
1
elle restreint la signification du référent . On ne peut pas l’effacer
sans modifier la définition du référent : elle sert à distinguer l’être
ou la chose dont il s’agit des autres êtres ou choses de la même
catégorie.


Ne t’inquiète pas des loups qui courent devant nous, ce sont
des amis. (CAROLE MARTINEZ, La terre qui penche, 2015) (La
relative déterminative spécifie le référent : il s’agit de ces loups-là qui courent
devant nous par opposition à tous les autres loups. Si on l’effaçait, la référence
deviendrait générale : tous les loups.)

Il est de mèche avec les extraterrestres qui viennent de la


planète de Ric. (GILLES LEGARDINIER, Demain j’arrête !, 2011)

C’est oublier la prodigieuse phrase de Colette : « Paris est


la seule ville au monde où il n’est pas nécessaire d’être
heureux. » (AMÉLIE NOTHOMB, La nostalgie heureuse, 2013)


2° La proposition relative est explicative, ou appositive, quand elle
décrit le référent à l’aide d’une caractéristique accessoire,
exprimant un aspect particulier. On peut l’effacer sans nuire
essentiellement au sens de la phrase et elle est, d’ordinaire,
séparée de l’antécédent par une virgule :


Elle restait accoudée sur le bord, entre deux pots de
géraniums, vêtue de son peignoir, qui était lâche autour
d’elle. (GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary, 1857)

Et dedans sont ses immenses trésors, qui viennent de son


Empire, qui entrent là et n’en ressortent jamais. (ALEXIS JENNI, La
conquête des îles de la Terre Ferme, 2017)


Remarques
Deux tests permettent de distinguer la proposition relative déterminative de
l’explicative.
1. Lorsque la relative est déterminative, on peut la reformuler avec le pronom
défini (celui ), ce qui n’est pas possible (*) quand elle est explicative.
Ne t’inquiète pas des loups qui courent devant nous. → Ne t’inquiète
pas des loups, ceux qui courent devant nous.
Elle était vêtue de son peignoir, qui était lâche autour d’elle → *Elle
était vêtue de son peignoir, celui qui était lâche autour d’elle.
2. Lorsque la relative est explicative, on peut remplacer le pronom qui par
lequel, et cette substitution n’est pas possible (*) pour une relative
déterminative.
Elle était vêtue de son peignoir, qui était lâche autour d’elle → Elle
était vêtue de son peignoir, lequel était lâche autour d’elle.
Ne t’inquiète pas des loups qui courent devant nous → *Ne t’inquiète
pas des loups, lesquels courent devant nous.

3° La proposition relative est attributive lorsqu’elle a la fonction


d’attribut du complément d’objet du verbe (avec des verbes de
perception comme voir, entendre, regarder, sentir ou trouver ;
avec voilà). Elle est introduite par le pronom qui et ne peut pas
être effacée, parce qu’elle apporte une information essentielle.
“ Je l’ai vu qui s’éloignait le long du quai, et il a disparu. (J
EAN-
MICHEL GUENASSIA, De l’influence de David Bowie sur la
destinée des jeunes filles, 2017)

T’es pas amoureux hein ? Je l’ai senti qui souriait. (CLAUDIE


GALLAY, Les déferlantes, 2011)

Remarque
Certaines propositions relatives peuvent être considérées comme des
attributs du sujet.
Maman est là qui veille. (KATHERINE PANCOL, La valse lente
des tortues, 2008)

2. Sur le plan syntaxique


Les propositions relatives adjectives sont des expansions du nom et
elles jouent le même rôle que les adjectifs épithètes (1) ou en
apposition (2). Lorsqu’elle est appositive, la proposition relative est
encadrée par des virgules (› Groupe nominal, › Groupe adjectival).

Les dangers qui menaçaient les Indiens étaient d’autre
nature. (JEAN-CHRISTOPHE RUFIN, Rouge Brésil, 2011) (1)

Le grand-père, qui menaçait de reprendre l’affaire, avait reçu


une bombe en temps utile, et sauté avec. (NICOLAS BOUVIER,
L’usage du monde, 1963) (2)


L’antécédent du pronom relatif peut être un groupe nominal, un
pronom personnel (moi, toi, lui, elle, nous, vous, elle), un pronom
possessif (le mien, le sien, etc.), un pronom indéfini (quelqu’un, rien),
etc.


Mais pourquoi les grands venaient -ils me parler à moi qui
étais nouveau ? (ÉDOUARD LOUIS, En finir avec Eddy
Bellegueule, 2014).

Il n’a personne à qui se confier. Personne dont il pourrait


supporter le regard, sur son visage de cocu, de mari
naïf. (LEÏLA SLIMANI, Dans le jardin de l’ogre, 2014)


Le pronom relatif remplit une fonction syntaxique auprès du verbe de
la proposition relative.
Le pronom relatif qui est sujet :
“ J’ai grand hâte de retrouver les affections qui m’attendent à
Paris. (PHILIPPE JAENADA, La serpe, 2017)


Le pronom relatif que est complément d’objet direct du verbe ou
attribut du sujet :


Les deux têtes que vous voyez là sont celles d’esclaves
nègres. (ALBERT CAMUS, La chute, 1956) (Le pronom que est
complément d’objet direct du verbe : vous voyez les deux têtes.)

Ce corps que nous sommes est tout chair et tout


esprit (ALEXIS JENNI, Son visage et le tien, 2014) (Le pronom
que est attribut du sujet : nous sommes ce corps.)


Le pronom dont et les pronoms composés auquel, duquel, sur
lequel, etc. sont complément du nom, complément d’objet
indirect du verbe, complément circonstanciel, etc.

Parmi toutes les questions auxquelles je sais désormais qu’il
ne répondra jamais, l’une provoque en moi une souffrance
particulière. (FRANÇOIS GARDE, Ce qu’il advint du sauvage
blanc, 2013) (Le pronom auxquelles est complément d’objet indirect du
verbe : Je sais désormais qu’il ne répondra jamais aux questions.)

Louise et Franck prenaient un café glacé dont Franck venait


d’improviser la recette. (SERGE JONCOUR, L’amour sans le
faire, 2012) (Le pronom dont est complément du nom : Franck venait
d’improviser la recette du café glacé.)

Il se demande si la façon dont Châtel pense à Dieu n’est pas


plus juste que la sienne. (LAURENT MAUVIGNIER, Des
hommes, 2009) (Le pronom dont est complément circonstanciel du verbe :
Châtel pense à Dieu de cette façon.)


Le pronom où peut être complément essentiel ou circonstanciel
du verbe :
“ Au mois d’août 38, la guerre se rapprocha dangereusement
de la région où Montse vivait. (LYDIE SALVAYRE, Pas pleurer,
2014) (Le pronom où est complément essentiel du verbe : Montse vivait dans
cette région.)

Dans la mer où les morts se mêlent aux varechs

Les bateaux renversés font des bonnets d’évêque. (LOUIS


ARAGON, La nuit de Dunkerque 1942) (Le pronom où est
complément circonstanciel du verbe : Les morts se mêlent aux varechs dans la
mer.)


Lorsque deux propositions relatives sont coordonnées, elles peuvent
être introduites par des pronoms relatifs différents, ayant des
fonctions différentes.


Dans le wagon qui parcourt les souterrains de la ville, et que
parcourent des soldats, je voudrais que m’éclaire un visage
et pas seulement l’écran de mon ordiphone. (CHRISTOPHE
ONO-DIT-BIOT, Croire au merveilleux, 2017) (Le pronom qui est
sujet du verbe : le wagon parcourt ; le pronom que est complément d’objet
direct du verbe : des soldats parcourent le wagon.)


Remarques
1. Souvent la subordonnée relative, tout en précisant un nom ou un pronom,
exprime simultanément une idée de but, de cause, de condition, de
conséquence, etc., comme pourrait le faire un complément circonstanciel.
Il fallait écrire un livre qui soit totalement indépendant du
premier, mais qui puisse en même temps servir de code
explicatif. (JEAN ECHENOZ, Je m’en vais, 1999) (Idée de but.)
2. La subordonnée introduite par la conjonction que et précisant un nom
comme bruit, certitude, conviction, crainte, espoir, fait, nouvelle, opinion,
preuve, sentiment, est une subordonnée conjonctive complément du nom.
(› Prop. sub. complément du nom)
La nouvelle que ma grand-mère était à toute extrémité
s’était immédiatement répandue dans la maison. (MARCEL
PROUST, Le côté de Guermantes, 1920)
3. Dans les tournures à valeur concessive qui que…, quel que soit, quelque
… que soit, l’élément que n’est plus ressenti comme un pronom relatif. Il
tend à être considéré comme invariable et sans fonction dans la
subordonnée. (› Prop. sub. de concession)
Si fort que l’on aime une femme, quelque confiance que l’on
ait en elle, quelque certitude sur l’avenir que vous donne son
passé, on est toujours plus ou moins jaloux. (ALEXANDRE
DUMAS FILS, La dame aux camélias, 1848)

Mais elle persistait à penser que ces terres nouvelles n’étaient


que des étapes vers la seule destination possible, quelque
détour que l’on fît pour y parvenir : la Méditerranée, avec son
Italie, son Espagne, sa Grèce et ses terres
barbaresques. (JEAN-CHRISTOPHE RUFIN, Rouge Brésil, 2011)
2. Les propositions subordonnées
relatives substantives
(sans antécédent)
Les propositions subordonnées substantives n’ont pas d’antécédent.
On les nomme substantives d’après l’ancienne appellation du nom,
le substantif. Elles équivalent à un pronom ou à un groupe nominal
dont elles peuvent remplir les fonctions dans la phrase : sujet,
attribut du sujet, complément du verbe, complément de l’adjectif ou
complément du présentatif. Elles sont introduites par un pronom
relatif ou par une locution relative.
1° Les propositions subordonnées relatives substantives sont
introduites par un pronom relatif seul.
Le pronom relatif qui (ou sa variante quiconque), spécialement
dans des phrases figées ou des proverbes :

“ Qui sème le vent récolte la tempête. (F RANÇOIS GARDE, Pour


trois couronnes, 2013) (Proposition relative sujet.)

Humble comme je suis qui ne suis rien qui vaille. (GUILLAUME


APOLLINAIRE, La porte, 1913) (Proposition relative attribut du sujet.)


Le pronom relatif quoi, obligatoirement précédé d’une
préposition :
“ C’est à quoi devrait tendre toute âme : être la servante du
Seigneur. (EMMANUEL CARRÈRE, Le Royaume, 2014)
(Proposition relative attribut du sujet.)


Le pronom relatif où :

“À la fin on va où veut maman et ce n’est pas chez


mémé. (RENÉ GOSCINNY, Les vacances du petit Nicolas,
1962) (Proposition relative complément essentiel du verbe.)


2° Les propositions subordonnées relatives substantives sont
introduites par une locution relative (ce qui, ce que, là où…) :

Elle fait ce que font tous les enfants, elle invente, elle donne
vie aux objets, aux pierres, aux plantes, elle anime et elle
imagine. (VÉRONIQUE OLMI, Bakhita, 2017) (Proposition relative
complément d’objet direct du verbe.)

De là où nous étions, nous ne pouvions non plus voir la


barge. (FRANÇOIS EMMANUEL, Jours de tremblement, 2010)
(Proposition relative complément circonstanciel.)


3. Emploi du mode

1. À l’indicatif
Le verbe de la proposition subordonnée relative se met à l’indicatif
quand cette subordonnée exprime un fait considéré dans sa réalité :

“ J’aimais la vie que Jo et moi avions construite. J’aimais la


façon dont les choses médiocres devinrent belles à nos
yeux. (GRÉGOIRE DELACOURT, La liste de mes envies, 2012)

J’ai choisi la solution que vous connaissez à présent que


vous lisez cette lettre. (YANN MOIX, Naissance, 2013)


2. Au subjonctif
Le verbe de la proposition subordonnée relative se met au subjonctif
quand on exprime un fait envisagé simplement dans la pensée ou
avec une dimension subjective ; en particulier
lorsque la subordonnée marque un but à atteindre, une
conséquence :
“ Elle aurait préféré un fourre-tout qui fasse sac à main, tenu
d’un seul côté pour marcher un peu penchée, avec ce
mouvement chaloupé de jeune fille qui mime avec
application un suprême détachement. (ALEXIS JENNI, La nuit
de Walenhammes, 2015)

Il n’avait rien dit mais s’était mis à chercher un mal qui pût
vraiment détruire un fils de caïd. (HÉDI KADDOUR, Les
prépondérants, 2017)


lorsque l’antécédent est accompagné d’un superlatif ou de le
seul, l’unique, le premier, le dernier :
“ Voilà sans doute la plus grande excuse que puisse faire une
âme aussi basse. (STENDHAL, Le rouge et le noir, 1830)

Soudain, la bête royale parut dans un froissement de


roseaux foulés, tourna vers nous son beau mufle terrible,
l’une des faces les plus divines que puisse assumer le
danger. (MARGUERITE YOURCENAR, Mémoires d’Hadrien,
1958)

Il n’y a que cela qui fasse tenir le monde debout, la fidélité des
hommes à ce qu’ils ont choisi. (LAURENT GAUDÉ, Ouragan,
2013)

Remarque
Cette dernière règle n’est pas absolue ; on met l’indicatif quand la
subordonnée relative exprime un fait dont on veut marquer la réalité :
Les mauvais succès sont les seuls maîtres qui peuvent nous
reprendre utilement. (JACQUES-BÉNIGNE BOSSUET, Oraison
funèbre de Henriette-Anne d’Angleterre, 1670)

Il est né riche au-delà du raisonnable et, pour faire bonne


mesure, doté d’une intelligence qui lui a ouvert les portes des
meilleures écoles que peut fréquenter un dilettante. (PIERRE
LEMAITRE, Sacrifices, 2012)
3. À l’indicatif, au subjonctif
ou à l’infinitif
Lorsque la subordonnée relative est insérée dans une phrase
négative, interrogative ou conditionnelle, elle met son verbe au
subjonctif ou à l’indicatif.
Au subjonctif si elle exprime un fait envisagé simplement dans
la pensée ou exprimant un certain sentiment du locuteur :

“ Il n’existe pas d’homme qui soit digne de vous. (H


ONORÉ DE
BALZAC, La peau de chagrin, 1831)

Comment ne pas voir que les incroyants, au contraire, sont


capables mieux que personne de donner un exemple qui
vaille d’être suivi ? (JEAN D’ORMESSON, C’est une chose
étrange à la fin que le monde, 2010)


Mais à l’indicatif si la relative exprime un fait dont on veut
marquer la réalité :
“ Il ne faut jamais mentir à celui qui vous a donné la
vie. (LARRY TREMBLAY, L’orangeraie, 2013)

Celui qui avait l’air le moins embêté, c’était Eudes. (RENÉ


GOSCINNY, Le petit Nicolas, 1960)


Quand la subordonnée exprime un fait éventuel ou soumis à une
condition énoncée ou non, elle a son verbe au conditionnel :

“ Les seuls traités qui compteraient sont ceux qui se


concluraient entre les arrière-pensées. (PAUL VALÉRY,
Regards sur le monde actuel, 1931)

Il fallait que j’accepte cette idée d’emprunter un chemin qui


serait peut-être une impasse. (DAVID FOENKINOS, Je vais
mieux, 2013)


Dans certains cas où la subordonnée relative implique une idée
de devoir, de pouvoir ou de nécessité, elle se construit à
l’infinitif sans sujet exprimé :
“ Il n’a rien, lui, rien à quoi rester fidèle, rien qui lui donne cette
force silencieuse. (LAURENT GAUDÉ, Ouragan, 2013)

C’était l’époque où sortir le martinet ne déclenchait aucune


polémique. (VIRGINIE DESPENTES, Vernon Subutex 1, 2015)


CHAPITRE 3

Les propositions subordonnées


conjonctives
1. Typologie
2. Les propositions subordonnées conjonctives essentielles
3. Les propositions subordonnées interrogatives indirectes
4. Les propositions subordonnées conjonctives compléments
du nom ou de l’adjectif
1. Typologie
Les propositions subordonnées conjonctives sont introduites par une
conjonction de subordination, comme que, si, quand, parce que, etc.
ou par une locution conjonctive, comme alors que, pendant que, du
moment que, etc. La conjonction de subordination ne joue aucun
rôle syntaxique dans la subordonnée ; tantôt elle est purement
conjonctive (comme que), tantôt elle indique le sens de la relation à
établir entre le verbe principal et la proposition subordonnée (lorsque
pour une relation temporelle, parce que pour une relation causale,
etc.). (› Conjonction de subordination)


Je pensais que cela m’aiderait à me sentir plus confiante,
quand viendrait le grand jour. (BLANDINE LE CALLET, La
ballade de Lila K, 2010)

Ce paragraphe a été tapé sur mon ordinateur alors que Lou


se cachait dans les rideaux afin que je la surprenne, avant
d’éclater de rire sous ses cheveux de paille lorsque je la
chatouillais. (FRÉDÉRIC BEIGBEDER, Une vie sans fin, 2017)


On distingue trois types de propositions subordonnées conjonctives
selon la fonction qu’elles remplissent dans la phrase.
1° Les propositions subordonnées conjonctives essentielles
remplissent une fonction essentielle dans la phrase et ne peuvent
pas être supprimées : sujet, attribut du sujet, séquence de
l’impersonnel, complément d’objet direct ou indirect du verbe,
complément d’agent, complément du présentatif.

“ Il sait qu’il boite toujours un peu même si tout le monde dit que
cela ne se voit pas. (LEÏLA SLIMANI, Dans le jardin de l’ogre,
2014)

Une collégienne m’a demandé si j’avais du feu. (SORJ


CHALANDON, Retour à Killybegs, 2011)


2° Les propositions subordonnées conjonctives compléments du
nom ou de l’adjectif sont des expansions du nom ou de
l’adjectif.


L’idée que Philippe et Bertrand puissent s’éloigner de moi me
blessait. (FRANÇOIS GARDE, L’effroi, 2016)

Il est vexé ou furieux que tu l’aies laissé tomber et il se


venge. (KATHERINE PANCOL, La valse lente des tortues,
2008)


3° Les propositions subordonnées conjonctives circonstancielles
sont facultatives. Certaines dépendent du verbe principal (1),
tandis que d’autres sont associées à la phrase dans son
ensemble et apportent un point de vue subjectif sur l’énonciation
(2). Elles sont traitées dans un chapitre spécifique. (› Prop.
subord. circonstancielles)


Mais dès que le père revient des champs, José se mure dans le
silence. (LYDIE SALVAYRE, Pas pleurer, 2014) (1)

Si je vous comprends bien,


vous n’avez pas envie que les
femmes se mêlent de la gestion des terres. (VINCENT ENGEL,
Nous sommes tous des faits divers, 2014) (2)


2. Les propositions subordonnées
conjonctives essentielles
Les propositions subordonnées conjonctives essentielles, aussi
appelées propositions subordonnées complétives, sont
généralement introduites par la conjonction de subordination que.
Elles sont parfois introduites par les locutions conjonctives à ce que
ou de ce que.


J’ai regretté que mon père ne soit pas là. (ALEXANDRE
POSTEL, L’ascendant, 2015) (Subordonnée équivalente à un groupe
nominal : J’ai regretté l’absence de mon père.)

Je m’attendais à ce que le radeau chavire d’un instant à


l’autre. (YANN MARTEL, L’histoire de Pi, 2001)
(Subordonnée équivalente à un groupe prépositionnel : Je m’attendais au
chavirage du radeau.)

Ça dépend de ce que vous cherchez. (PIERRE LEMAITRE,


Cadres noirs, 2010) (Subordonnée équivalente à un groupe
prépositionnel : Ça dépend de l’objet de votre recherche.)


Les subordonnées conjonctives essentielles sont équivalentes à un
groupe du nom ou à un groupe prépositionnel et elles remplissent
les fonctions de ces deux classes de mots : sujet, attribut du sujet,
séquence de l’impersonnel, complément d’objet direct ou indirect du
verbe, complément du présentatif ou de la construction en il y a.

Remarques
1. L’appellation subordonnée complétive convient aux subordonnées à
fonction de compléments, mais pas à celles qui remplissent d’autres
fonctions dans la phrase (sujet, séquence de l’impersonnel, etc.). C’est la
raison pour laquelle nous ne l’avons pas retenue ici.
2. Les propositions interrogatives indirectes totales introduites par si sont
des propositions conjonctives. Ce n’est pas le cas des propositions
interrogatives partielles (par ex. je demande à qui tu parles), qui sont
introduites par un pronom ou un adverbe interrogatif. Néanmoins, afin de
ne pas séparer les différentes formes de l’interrogation indirecte, elles sont
traitées ensemble. (› Prop. subord. interrogatives)

1. À fonction de sujet
Les propositions subordonnées conjonctives à fonction de sujet sont
introduites par la conjonction que et sont le plus souvent placées en
tête de la phrase :

“ Que nous ayons à déplorer des traîtres ne signifie en aucun cas


que le Continent n’ait pas été victime. (LÉONORA MIANO, Les
aubes écarlates, 2009)


Elles sont placées après le verbe quand on emploie des tournures
figées comme d’où vient que, de là vient que, qu’importe que, à cela
s’ajoute que, etc. :

“ Qu’importait que j’eusse cédé à la panique de vivre seul ou à une


quelconque faiblesse paternelle de l’ordre du réflexe. (PHILIPPE
DJIAN, Impardonnables, 2009)

De là vient que même si nous ne sommes qu’un entre mille


pour elle et peut-être le dernier de tous, pour nous, elle est la
seule et celle vers qui tend toute notre vie. (MARCEL PROUST,
Albertine disparue, 1925)

À cela s’ajoute que depuis l’ascension sociale des Presley, la


moitié de la famille s’est quasiment installée à
domicile. (CAROLINE DE MULDER, Bye Bye Elvis, 2014)


Remarques
1. La proposition subordonnée sujet introduite par que et placée en tête de la
phrase est souvent reprise par ce, cela, ou par un nom générique comme
la chose, le fait, etc. Il s’agit d’un détachement à gauche visant à mettre en
évidence le sujet (› Phrase avec détachement) :
Que les banlieues, que les cités de ces banlieues soient
pauvres, c’est un fait ; qu’on injecte des milliards d’euros dans
leur réfection, dans leur humanisation, dans leur réhabilitation,
dans leur éventuelle destruction, c’est sans nul doute un
devoir, c’est sans conteste une urgence. (YANN MOIX, Terreur,
2016)
Qu’Olivier soit en train de se saouler dans quelque bar
sordide, la chose semble improbable. (AGNÈS DUMONT, Mola
Mola, 2013)
2. Symétriquement, certaines propositions subordonnées à fonction de sujet
sont détachées à droite, en fin de phrase. Elles sont annoncées par un
des pronoms ce, ceci, cela (familièrement : ça) et sont introduites par que,
si, comme, quand, lorsque, etc. :
C’est un miracle s’il n’a pas foutu le feu à la
maison. (DANIEL PENNAC, La petite marchande de prose,
1989)
C’est étonnant comme elle mangeait vite ! (COMTESSE DE
SÉGUR, Les petites filles modèles, 1858)

Le verbe de la subordonnée sujet est généralement au subjonctif :


“ Qu’il fût parti en voyage, la chose paraît bien
improbable. (MARCEL AYMÉ, Les contes du chat perché,
1939)


2. À fonction d’attribut du sujet
La proposition subordonnée attribut du sujet est introduite par la
conjonction que. Elle vient après certaines locutions formées d’un
nom sujet et du verbe être, telles que : mon avis est, le malheur est,
le mieux est, la preuve en est, etc. :

“ Mon avis est que ce sont des choses qui n’ont aucune
importance. (MARCEL PROUST, À l’ombre des jeunes filles
en fleurs, 1919)

Le mieux est que je vienne ce soir ou demain. (JOËL DICKER, La


vérité sur l’affaire Harry Quebert, 2014)

Remarque
L’attribut pouvant se placer en tête de phrase, on peut hésiter entre la
fonction d’attribut et celle de sujet pour ces propositions conjonctives.
(› Position de l’attribut)
Le verbe de la subordonnée attribut se met :
à l’indicatif quand cette subordonnée exprime un fait considéré
dans sa réalité :

“ Mon opinion est que le vieillissement possède huit ou neuf


causes différentes. (FRÉDÉRIC BEIGBEDER, Une vie sans fin,
2017)

L’essentiel est que tout cela conduit à Anne. (PIERRE


LEMAITRE, Sacrifices, 2012)


au subjonctif quand on exprime un fait envisagé simplement
dans la pensée, avec un sentiment subjectif (souhait, désir,
volonté, etc.) :


L’essentiel est que tout devienne simple, comme pour
l’enfant, que chaque acte soit commandé, que le bien et le
mal soient désignés de façon arbitraire, donc
évidente. (ALBERT CAMUS, La chute, 1956)


au conditionnel quand on exprime un fait éventuel ou dépendant
d’une condition énoncée ou non :
“ La seule différence est que j’attendrais chaque jour qu’elle se
décide à me quitter et que, le moment venu, je serais pas
surpris. (AURÉLIE VALOGNES, Mémé dans les orties, 2015)


3. À fonction de séquence
de l’impersonnel
La proposition subordonnée à fonction de séquence de
l’impersonnel est introduite par la conjonction que, après un verbe
impersonnel (par ex. il faut, il s’ensuit) ou une construction
impersonnelle (par ex. il est exclu, il se dit) : (› Séquence de
l’impersonnel)

“ Il fallut que je me misse à apprendre ce jeu rien que pour lui faire
plaisir. (LOUIS-FERDINAND CÉLINE, Voyage au bout de la nuit,
1952)

Il est exclu que les enfants sachent quoi que ce soit à ce propos
pour le moment. (MARIE NDIAYE, Ladivine, 2014)


Le verbe de la subordonnée séquence de l’impersonnel se met :
à l’indicatif après les verbes de forme impersonnelle marquant la
certitude ou la vraisemblance et exprimant un sens positif :

La vieille dame pleurait pour un rien, mais il est évident
qu’elle eut vraiment du chagrin. (ADELAÏDE DE CLERMONT-
TONNERRE, Fourrure, 2010)

Il est probable qu’elle achètera la vieille maison bretonne dès


qu’ils auront suffisamment d’argent pour l’apport
initial. (CATHERINE CUSSET, Un brillant avenir, 2008)

Remarques
1. Après il me (te, lui…) semble que, on met généralement l’indicatif :
Il me semble que la moitié d’une heure chaque jour suffit pour
rappeler l’homme à ses devoirs envers Dieu. (JEAN-
CHRISTOPHE RUFIN, Rouge Brésil, 2011)
2. Après il semble que, on met l’indicatif ou le subjonctif selon qu’on exprime
le fait avec plus ou moins de certitude :
Ce soir-là il semblait bien que le monde était en train de
revenir à moi et je me laissais faire. (HEDWIGE JEANMART,
Blanès, 2015)

Aujourd’hui, il semblait bien que toute la sensualité de la


duchesse se satisfît des plaisirs de la bouche, nourriture et
bavardage. (VINCENT ENGEL, Le miroir des illusions, 2016)

au subjonctif après les verbes marquant la nécessité, la


possibilité, le doute, l’obligation ou exprimant une dimension
subjective (il faut, il importe, il est
nécessaire/possible/urgent/heureux/regrettable, il convient, etc.) ;
et après les verbes de forme impersonnelle marquant la certitude
ou la vraisemblance dans une phrase négative ou interrogative :

“ Il est urgent que cette somme me soit adressée sans aucun


retard. (ALEXANDRE DUMAS, Le Comte de Monte-Cristo,
1844)

Il n’est pas évident qu’elle ait le droit de vous communiquer


cela au parloir. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, La rêveuse
d’Ostende, 2007)

Remarque
Cependant, c’est l’indicatif qu’on emploie si l’on veut marquer la réalité du
fait :
Il n’est pas sûr que toutes ces libertés servaient à grand-
chose mais c’était excitant en diable. (BOUALEM SANSAL, 2084.
La fin du monde, 2015)

4. À fonction de complément d’objet


direct ou indirect du verbe
La proposition subordonnée complément d’objet direct ou indirect
est utilisée avec des verbes de déclaration ou de parole (dire,
affirmer, nier, raconter, etc.), de jugement ou d’opinion (penser,
supposer, etc.), de volonté (vouloir, souhaiter, défendre, demander,
etc.) ou de sentiment (adorer, craindre, regretter, etc.).

a) Mots introducteurs
Lorsqu’elle est complément d’objet direct, la proposition
subordonnée est introduite par la conjonction que :

“ J’ai quelquefois rêvé que de temps en temps des heures se


détachaient de la vie des anges et venaient ici-bas traverser
la destinée des hommes. (VICTOR HUGO, Les misérables,
1862)

Je reste silencieux et je crains que ma voix ne se perde,


n’aille ailleurs. (TAHAR BEN JELLOUN, L’enfant de sable,
1986)

Je ne pouvais plus nier que les lettres me blessaient, me


salissaient. (DELPHINE DE VIGAN, D’après une histoire vraie,
2015)

Remarque
Les propositions subordonnées interrogatives complément d’objet du verbe
(Je me demande si tu viens) sont traitées dans une section spécifique.
(› Prop. subord. interrogatives)
Lorsqu’elle est complément d’objet indirect, la subordonnée
est introduite par à ce que ou de ce que, selon la préposition
demandée par le verbe :

“ Finalement elle consentit à ce que nous nous revoyions mais


elle préférait que ce ne fût pas chez elle. (FRANÇOIS
EMMANUEL, Cheyenn, 2011)

Il profite de ce que Subutex ne l’a pas vu pour se faufiler


dans le McDo d’en face. (VIRGINIE DESPENTES, Vernon
Subutex 1, 2015)


Remarque
La subordonnée complément d’objet indirect est occasionnellement introduite
par en ce que ou sur ce que, ou leurs variantes en ceci/cela que, sur
ceci/cela que :
Le mot châtiment me convient en ce qu’il s’accorde à des
dégâts physiques et psychiques avérés, mais me déplaît en
ceci qu’il trahit une quelconque représaille, l’expression d’une
punition. (YANN MOIX, Naissance, 2013)

On se fie sur ce que les femmes n’ont pas reçu l’éducation


des hommes, on les empêche de lire, on les empêche de
penser, on les empêche de s’occuper de politique. (VICTOR
HUGO, Les misérables, 1862)

Elle semblait chercher à s’en excuser sur ce qu’un des


châteaux de son père, et où elle avait été élevée, étant situé
dans une région où il y avait des églises du même style
qu’autour de Balbec il eût été honteux qu’elle n’eût pas pris le
goût de l’architecture, ce château étant d’ailleurs le plus bel
exemplaire de celle de la Renaissance. (MARCEL PROUST, À
l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919)

Il n’y a pas de règle simple qui explique l’alternance entre que et à


ce que / de ce que pour introduire la proposition subordonnée.
Certains verbes à complément d’objet direct (par ex. demander)
peuvent construire une proposition subordonnée introduite par à ce
que en concurrence avec que :
“ Je vais demander à ce qu’on enterre l’urne avec
moi. (AURÉLIE VALOGNES, Mémé dans les orties, 2015)

Je vais demander que l’on nous trouve une boisson


chaude. (GILBERT SINOUÉ, Avicenne ou La route
d’Ispahan, 1989)


De nombreux verbes qui demandent un complément d’objet indirect
introduit par à ou de peuvent cependant construire une subordonnée
introduite par le simple que (par ex. abuser, consentir, remercier,
profiter, s’attendre, se réjouir, s’inquiéter, s’étonner, se plaindre, etc.).
Tantôt l’usage avec le simple que est jugé plus élégant, tantôt c’est
l’usage avec à ce que ou de ce que qui est jugé plus recherché.
“ Il s’attendait qu’on lui ait envoyé une frêle jeune fille
égarée. (ARMEL JOB, Tu ne jugeras point, 2009)

Il s’attendait à ce que la panthère soit un vieux mâle


décharné aux dents usées. (YANN MARTEL, L’histoire de Pi,
2001)

Elle n’aurait rien eu à payer si elle avait consenti qu’on


attache le cercueil sur le toit du camion. (DANY LAFERRIÈRE,
L’énigme du retour, 2009)

Il consent à ce qu’on l’ampute. (LAURENT GAUDÉ, Écoutez


nos défaites, 2016)


b) Emploi du mode
Le verbe de la subordonnée complément d’objet (direct ou indirect)
introduite par que se met :
à l’indicatif après un verbe qui exprime l’existence d’un fait (par
ex. affirmer, croire, espérer, déclarer, dire, penser, entendre, voir,
sentir), quand le fait est considéré dans sa réalité :
“ Pavel affirmait qu’ils pouvaient être fiers d’avoir enfin réussi à
réaliser l’idéal communiste : ils étaient égaux. (JEAN-MICHEL
GUENASSIA, Le club des incorrigibles optimistes, 2009)

Passerose s’aperçut que l’enfant avait la chair de


poule. (AMÉLIE NOTHOMB, Riquet à la houppe, 2016)


au subjonctif lorsque la phrase principale est négative ou
interrogative (1), sauf si on veut insister sur la réalité du fait (2) :

“ Il ne croyait pas que j’aie pu me traîner seul jusqu’à son


cabinet. (JEAN-BAPTISTE DEL AMO, Le sel, 2010) (1)

Il ne croyait pas que Lucia l’avait entendu. (VINCENT ENGEL,


La peur du paradis, 2009) (2)


on utilise généralement le subjonctif après un verbe principal
exprimant la volonté (vouloir, interdire) ou un sentiment (se
réjouir, craindre, douter, s’étonner) :
“ Matthieu craignit qu’il n’ait raison. (JÉRÔME FERRARI, Le
sermon sur la chute de Rome, 2012)

J’adorerais que vous me dévoriez (AMÉLIE NOTHOMB, Barbe


bleue, 2010)

Les pages congelées du registre interdisaient qu’on le


feuilletât. (JEAN ECHENOZ, Je m’en vais, 1999)

Remarque
Certains verbes comme admettre, entendre, dire, prétendre expriment tantôt
l’opinion ou la perception, tantôt la volonté ; construits avec que et employés
affirmativement, ils demandent après eux l’indicatif dans le premier cas, le
subjonctif dans le second :
J’entends [= je perçois] que tu as encore beaucoup fumé,
petit chenapan… (OLIVIER GUEZ, Les révolutions de Jacques
Koskas, 2014)

J’entends [= je veux] qu’on soit avec lui aux petits soins et


qu’il finisse ses jours en paix. (MARCEL AYMÉ, Les contes du
chat perché, 1939)

5. À fonction de complément
du présentatif
La proposition subordonnée complément du présentatif voici ou voilà
est introduite par que. La structure figée il y a peut également
introduire une subordonnée conjonctive, avec l’effet de la relier à la
phrase qui précède.

“ Or voici qu’elle était à ma portée, vive et brûlante et plus nue


qu’une eau de cascade, et voici que j’étais vivant. Voici que le
poids de mon corps n’entravait plus mes ailes. Voici que la
nuit vient. (GUY GOFFETTE, Elle, par bonheur, et toujours
nue, 1998)

Voilà que le doute commence à entrer comme une lumière


crue, vive, insupportable. (TAHAR BEN JELLOUN, L’enfant de
sable, 1986)

– Tu es lâche ? – Je suis le contraire de cela. Il y a que


certaines choses ont cessé de m’amuser. (CHRISTOPHE ONO-
DIT-BIOT, Plonger, 2013)

– Ce qu’il y a, Monseigneur?... Il y a que je suis en train de


me préparer une belle éternité de flammes et de coups de
fourche… Il y a que je bois, que je bois comme un
misérable… (ALPHONSE DAUDET, Lettres de mon moulin,
1869)


Remarque
À l’origine, voici et voilà sont construits sur le verbe voir à l’impératif : vois ci
(= vois ici) et vois là. C’est pourquoi certains grammairiens considèrent que
leur complément est un objet direct du verbe voir. Dans la mesure où l’origine
verbale du présentatif n’est plus ressentie par la plupart des usagers actuels,
on préfère analyser cette proposition subordonnée comme un complément
du présentatif.

La subordonnée complément du présentatif voici ou voilà a son


verbe à l’indicatif ou au conditionnel :

“ Voilà que tu parles à présent d’enfants avec des ailes dans


le dos. (DRISS CHRAÏBI, La Civilisation, ma Mère !..., 1972)

Et voilà qu’un jour l’Irlande se réunirait à nouveau. Voilà que


la frontière serait piétinée par des milliers d’enfants
rieurs. (SORJ CHALANDON, Retour à Killybegs, 2011)


3. Les propositions subordonnées
interrogatives indirectes

1. Définition
La proposition subordonnée interrogative est complément d’objet
direct ou indirect d’un verbe exprimant l’interrogation (demander,
douter). Elle se construit avec un verbe conjugué (1) ou avec un
verbe à l’infinitif (2).

“ Il se demanda si Myriam s’était endormie derrière son


écran. (PHILIPPE DJIAN, Incidences, 2010) (1)

Ma pauvre mère ne savait plus à quel saint se vouer, à tel


point qu’elle était venue un jour me le dire. (ANNE CUNEO, Le
maître de Garamond, 2002) (2)


La subordonnée interrogative permet de construire une phrase
interrogative indirecte. La phrase interrogative indirecte se prononce
comme une phrase déclarative ordinaire et n’est pas, dans l’écriture,
marquée par le point d’interrogation. (› Phrase interrogative)
Remarque
Il existe aussi une proposition subordonnée exclamative indirecte, introduite
par comme, par que, par combien, etc. :
Si vous saviez comme vous êtes belle pourtant et combien
nue dans cette blouse jaune qui montre votre cou et donne à
vos lèvres le velours du baiser. (GUY GOFFETTE, Elle, par
bonheur, et toujours nue, 1998)

2. Verbes introducteurs
Il existe environ quatre-vingts verbes qui peuvent introduire une
subordonnée interrogative indirecte. Il s’agit :
de verbes du type demander (demander, s’informer, dire, chercher à
savoir, interroger, etc.) :

“ Pas un mouvement ne révéla chez le baron qu’il eût


entendu ma phrase, et […] je finis par douter si je n’avais
pas été le jouet d’un mirage acoustique. (MARCEL PROUST,
Sodome et Gomorrhe, 1922)

Je me demandais quand tu finirais par me donner des


nouvelles. (PIERRE LEMAITRE, Alex, 2011)


un verbe déclaratif ou perceptif auquel s’associe l’idée de
l’interrogation (dire, répondre, voir, entendre, sentir, savoir, raconter,
comprendre, douter, ignorer, etc.) :
“ Nous ne saurons jamaisce que serait notre vie si elle
s’écrivait une fois pour toutes. (BOUALEM SANSAL, Rue
Darwin, 2011)


une locution verbale figée (poser la question, lever le doute, etc.) :

“ Ensuite, il agitait la question si une femme devait céder ou


résister à un homme passionné. (DENIS DIDEROT, Jacques
le fataliste et son maître, 1796)

Elle alla jusqu’à mettre en doute si elle ne devait pas tenter de


rompre son vœu. (STENDHAL, La chartreuse de Parme,
1839)


Remarques
1. Dans son sens déclaratif, voir (et d’autres verbes de perception) est
construit avec une subordonnée conjonctive introduite par que. Au sens
négatif, impliquant une idée d’ignorance, le verbe se construit avec une
subordonnée interrogative indirecte :
Je vois que ça s’arrange avec Aurore ! (GUILLAUME MUSSO, La
fille de papier, 2010)
On ramasse le bout de doigt au passage, mais Simon ne voit
pas si on le jette ou si on le garde quelque part pour l’exposer
dans des bocaux avec des étiquettes sur lesquelles on inscrira
la date et le sujet. (LAURENT BINET, La septième fonction du
langage, 2015)
2. Dans la langue littéraire, la proposition subordonnée interrogative indirecte
peut compléter un nom ou un adjectif :
Tenez-moi informée s’ils se revoient. (HÉLÈNE GRÉMILLON, Le
confident, 2010)
Mais à cette première incertitude si je les verrais ou non le jour
même venait s’ en ajouter une plus grave. (MARCEL PROUST, À
l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919)

3. Mots introducteurs
La proposition subordonnée interrogative prend deux formes selon
qu’elle est totale ou partielle. Lorsqu’elle est totale, elle est introduite
par si, qu’on peut considérer comme une conjonction de
1
subordination . Lorsqu’elle est partielle, la subordonnée interrogative
est introduite par un mot interrogatif :
Subordonnée si
interrogative
totale

Subordonnée qui, quand, que, quoi, à qui/quoi à quel + nom


interrogative où, quel, de qui/quoi de quel + nom
partielle comment, auquel, etc. en qui/quoi en quel + nom
pourquoi etc. etc.

Le mot interrogatif est le même que dans l’interrogation directe (à


part le si) et il joue un rôle dans la proposition subordonnée.
Proposition subordonnée interrogative Phrase interrogative
indirecte directe

Le cheval noir s’informa si l’oncle Alfred Oncle Alfred demeurait-il


demeurait bien loin. (MARCEL AYMÉ, Les bien loin ? Le cheval noir
contes du chat perché, 1939) s’en informa.

Je ne sais pas pourquoi je raconte la Pourquoi est-ce que je


vie triste de ma mère. (ALBERT COHEN, raconte la vie triste de ma
Le livre de ma mère, 1954) mère ? Je ne le sais pas.

Je ne peux évidemment pas dire quel Quel âge avais-je ? Je ne


âge j’avais. (JACQUELINE HARPMAN, Moi peux évidemment pas le
qui n’ai pas connu les hommes, 1995) dire.

S’il n’y avait plus d’étrangers, nous ne S’il n’y avait plus
saurions à quoi employer notre d’étrangers, à quoi
xénophilie. (PATRICK DEVILLE, emploierions-nous notre
Kampuchéa, 2011) xénophilie ? Nous ne le
saurions pas.

4. Emploi du mode
Le verbe de la subordonnée complément (direct ou indirect) dans
l’interrogation indirecte se met :
à l’indicatif si l’on exprime un fait considéré dans sa réalité :
“ Tu n’imagines pas combien l’annonce de cette nouvelle a pu
me peiner. (MARCEL AYMÉ, Les contes du chat perché,
1939)


au conditionnel si l’on exprime un fait éventuel ou dépendant
d’une condition énoncée ou non :

“ Il me vint de me demander comment je mourrais, si ce serait


la nuit, dans mon sommeil, et je serais définitivement
couchée sur la plaine, exposée au faible vent qui soufflait
sans cesse, ou si je deviendrais malade et aurais à endurer
des douleurs. (JACQUELINE HARPMAN, Moi qui n’ai pas
connu les hommes, 1995)

Remarque
Dans la subordonnée de l’interrogation indirecte, on a parfois l’infinitif lorsque
le sujet (non exprimé) de cet infinitif est le même que celui du verbe
principal :
Nous ne savions que dire ou que faire. (FRANÇOIS GARDE,
L’effroi, 2016)
4. Les propositions subordonnées
conjonctives compléments
du nom ou de l’adjectif

1. Complément du nom
La subordonnée complément du nom est une proposition introduite
par la conjonction que (au sens de à savoir que) et jointe à un nom
ou à un pronom pour le définir ou l’expliquer comme le ferait un
complément du nom ou une proposition relative. (› Groupe nominal,
› Prop. relative adjective)

“ Cette idée que les paysages ont une mémoire. (S YLVAIN TESSON,
Dans les forêts de Sibérie, 2013)

Charlotte a le sentiment que le piano peut la


comprendre. (DAVID FOENKINOS, Charlotte, 2014)


Ce type de subordonnée complète des noms exprimant une opinion
(idée, évidence, probabilité, preuve, hypothèse, etc.), une volonté
(souhait, espoir, désir, etc.) ou un sentiment (illusion, peur, crainte,
etc.).
“ La nostalgie était toujours en lui, et pour être plus précis :
une nostalgie absurde. Cette illusion que notre passé sinistre
possède tout de même un certain charme. (DAVID FOENKINOS, La
délicatesse, 2012)

Je vous quitte, avec l’espoir que le hasard ou le temps me


permettra de découvrir quelque chose qui vaille la peine de vous
déranger à nouveau. (SÉBASTIEN JAPRISOT, Un long dimanche
de fiançailles, 1991)

Elle y a vu la preuve que son corps foutait le camp, se


décomposait. (DELPHINE DE VIGAN, Rien ne s’oppose à la
nuit, 2011)


Comme le complément du nom, elle peut fonctionner en apposition.

“ Je suis certain d’une chose : que vous ne supportez pas la


nouvelle que je viens de vous apprendre. (YANN MOIX,
Naissance, 2013)


2. Complément de l’adjectif
La proposition subordonnée complément de l’adjectif se joint à
certains adjectifs exprimant, en général, une opinion ou un
sentiment, tels que : sûr, certain, heureux, content, etc. ; elle est
introduite par la conjonction que (parfois de ce que ou à ce que) :

“ Fallait voir le regard de la mère, contente que son fils ait des
amis bien habillés, et polis. (TONINO BENACQUISTA, Malavita,
2004)

Je me souviens d’avoir expliqué à L. ma conception du


succès, sans faux-semblant, sûre que mes paroles ne seraient
pas mal interprétées. (DELPHINE DE VIGAN, D’après une
histoire vraie, 2015)


Parmi les subordonnées compléments d’adjectif, il y a les
subordonnées compléments du comparatif :

“ Les gendarmes s’approchent, moins prudents qu’ils ne


devraient, pour les contrôler. (PHILIPPE JAENADA, Sulak, 2013)

Je sais très bien, tu es aussi argentin que moi je suis


congolaise. Bas les masques, monsieur ! (OLIVIER GUEZ, Les
révolutions de Jacques Koskas, 2014)

Il comprit que la situation, cette fois, était plus grave qu’il ne


l’avait pensé. (PIERRE LEMAITRE, Au revoir là-haut, 2013)


Remarque
Les propositions subordonnées compléments du comparatif fonctionnent
comme des propositions subordonnées circonstancielles de comparaison.
(› Prop. subord. circ. de comparaison)

3. Emploi du mode
Le verbe de la subordonnée complément du nom ou de l’adjectif se
met :
à l’indicatif quand cette subordonnée exprime un fait considéré
comme réel :

“ Ma licence de lettres achevée, je m’inscris en faculté de


médecine. L’ambiance y est sinistre. Je l’explique
sommairement par le fait qu’aucun des étudiants ne lit de
littérature. (LYDIE SALVAYRE, Hymne, 2011)

Ils continuaient néanmoins, certains qu’au bout de ce


chemin deux options les attendaient : la mort ou la
libération. (ADÉLAÏDE DE CLERMONT-TONNERRE, Le dernier
des nôtres, 2016)


au subjonctif quand elle exprime un fait envisagé simplement
dans la pensée ou avec une dimension subjective (souhait, désir,
volonté, etc.) :
“ À la face de tous, et d’abord à la nôtre, il a émis l’hypothèse
queLætitia et moi fussions frère et sœur… (VINCENT ENGEL,
Le miroir des illusions, 2016)

Elles lui caressèrent aussi les oreilles, un peu étonnées que le


poil y fût aussi doux. (MARCEL AYMÉ, Les contes du chat
perché, 1939)


au conditionnel quand elle exprime un fait éventuel ou soumis à
une condition, énoncée ou non :

“ Et, certain que mon succès durerait toujours, je ne m’étais pas


soucié des premiers avertissements de mon agent et de
mon éditeur qui me pressaient de me remettre au travail et
de commencer à écrire mon second roman. (JOËL DICKER,
La vérité sur l’affaire Harry Quebert, 2014)

Quelle que soit l’heure, j’ouvrais la porte de mon


appartement avec la peur au ventre, certaine que le jour
viendrait où je trouverais quelqu’un qui m’attendrait, assis sur
mon canapé ou tapi sous mon lit, venu pour me régler mon
compte. (DELPHINE DE VIGAN, D’après une histoire vraie,
2015)


CHAPITRE 4

Les propositions subordonnées


circonstancielles
1. Définition
2. Les propositions circonstancielles de temps
3. Les propositions circonstancielles de cause
4. Les propositions circonstancielles de but
5. Les propositions circonstancielles de conséquence
6. Les propositions circonstancielles de condition et
d’hypothèse
7. Les propositions circonstancielles de manière et de
comparaison
8. Les propositions circonstancielles d’opposition, de
concession et de restriction
1. Définition
Les propositions subordonnées circonstancielles sont dites
conjonctives car elles sont introduites par une conjonction de
subordination. Elles sont facultatives : certaines complètent le verbe
principal, tandis que d’autres sont associées à la phrase dans son
ensemble et apportent un point de vue subjectif sur l’énonciation.

1. Mots introducteurs
Les propositions subordonnées circonstancielles sont introduites
par :
une conjonction de subordination (quand, lorsque, si, comme, etc.) ;
une locution conjonctive (dès que, afin que, pour que, etc.) ;
la conjonction que en corrélation avec un autre élément (si… que,
trop… que pour, etc.).
Ces mots introducteurs ont un contenu sémantique : ils indiquent
quelle relation interprétative (cause, conséquence, temporalité, etc.)
doit être établie entre la proposition subordonnée et le verbe
principal.
Remarque
Lorsqu’elle est répétée, une conjonction de subordination est reprise par
que :
Si je travaille comme un malade, pense Michael, que je
réussis et que je deviens le plus puissant des hommes, alors
je deviendrai ce Michael-là. (YANN MOIX, Cinquante ans dans
la peau de Michael Jackson, 2009)

J’avais fait un caprice pour être à la fenêtre parce qu’il


pleuvait et que j’aimais assister aux courses de gouttes d’eau
le long de la vitre et souffler dessus pour dessiner dans la
buée. (GAËL FAYE, Petit pays, 2016)

2. Classification selon le sens


La classification traditionnelle des propositions subordonnées
circonstancielles repose sur leur sens :

temps cause but conséquen


ce

condition/h concession/opp manière/co


ypothèse osition/restricti mparaison
on

Chaque proposition est équivalente à un adverbe ou à un


complément prépositionnel. L’équivalence pour chaque type de
subordonnée circonstancielle est donnée ci-dessous :
de temps (temporelle) = alors, à ce moment-là ;

je soulevais le
Lorsque j’étais certain de ne pas être dérangé
couvercle des boîtes, le cœur battant, et me saisissais de
leur contenu. (PHILIPPE GRIMBERT, Un secret, 2004)


de cause (causale) = à cause de cela ;


Il ne travaille pas parce qu’il s’ennuie. Il a besoin d’être
stimulé. (JOËL DICKER, Le livre des Baltimore, 2015)


de but (finale) = pour cela, dans ce but ;


J’ai travaillé pour que mes filles aient une maison propre et une
nourriture saine. (FRÉDÉRIC BEIGBEDER, Une vie sans fin,
2017)


de conséquence (consécutive) = avec cette conséquence ;

Elle portait, pour travailler, des talons hauts, de sorte que [...]
son visage arrivait à peu près au niveau du sien. (MARIE NDIAYE,
Ladivine, 2014)


de condition (conditionnelle) ou d’hypothèse (hypothétique) = à
cette condition ; dans cette hypothèse ;

“ Si nous réparons cet orgue comme il le faut, si nous travaillons


bien, alors, quand je poserai ma main sur ces quatre
touches, là, tu entendras toi aussi la cinquième
voix. (JÉRÔME FERRARI, Dans le secret, 2012)


de manière ou de comparaison = comme cela, de cette manière ;

“ Tu travailles comme on se venge. (D ANIEL PENNAC, Monsieur


Malaussène, 1995)


de concession (concessive), d’opposition (oppositive) ou de
restriction (restrictive) = malgré cela ; en dépit de cela ; excepté
cela.

“ Bien que les verres soient emballés dans de la paille avec le plus
grand soin,on entend parfois le bruit cristallin d’une plaque
qui se brise. (BERNARD TIRTIAUX, Le passeur de lumière,
1993)


Remarques
1. Il n’y a pas de proposition subordonnée circonstancielle de lieu. Les
propositions subordonnées exprimant le lieu et introduites par où (d’où,
par où, là où, jusqu’où, etc.) peuvent se rattacher aux propositions
subordonnées relatives. (› Prop. relatives substantives)
De là où j’étais, c’était la sensation d’immobilité qui
dominait. (DAVID FOENKINOS, Nos séparations, 2008)
2. Certains auteurs considèrent une subordonnée d’addition introduite par
outre que. Il s’agit plutôt d’une pseudo-coordonnée.
Outre qu’elle était très jeune et très belle, elle se montrait
assez excentrique. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, Odette
Toutlemonde et autres histoires, 2006)
3. Les valeurs sémantiques exprimées par les circonstancielles
subordonnées (1) peuvent également être exprimées au moyen de deux
phrases indépendantes coordonnées (2). (› Phrases coordonnées)
Après quatre mois, nous prîmes le chemin du retour. Nous
avions fait une large boucle, de sorte qu’il ne nous fallut
qu’un mois pour rejoindre le village. (JACQUELINE HARPMAN,
Moi qui n’ai pas connu les hommes, 1995) (1)
T’avais réussi, t’avais obtenu la gloire, donc t’avais plus
besoin de lui. (JOËL DICKER, La vérité sur l’affaire Harry
Quebert, 2014) (2)

3. Classification syntaxique : attachée


au verbe ou à la phrase
La proposition subordonnée circonstancielle est facultative ; elle
dépend soit du verbe, soit de la phrase dans son ensemble.
a) Proposition subordonnée
circonstancielle complément
du verbe
La proposition subordonnée circonstancielle complément du verbe
apporte des précisions sur les circonstances principales de l’action.
Même si cette subordonnée est facultative d’un point de vue
syntaxique, elle apporte l’information primordiale de la phrase, celle
sur laquelle on focalise l’attention.
Cette proposition se place plus naturellement après le verbe, sans
détachement ni par la ponctuation, ni par une pause.

“ Nous on a rigolé parce qu’Athanase est très menteur. (R ENÉ


GOSCINNY, Les vacances du petit Nicolas, 1962)

Pendant la semaine, Marie dort encore quand Alexandru et sa


mère quittent la maison. (CATHERINE CUSSET, Un brillant
avenir, 2008)


Elle peut être formulée dans une construction emphatique, qui a
pour effet de la mettre en évidence (focalisation). (› Phrase
emphatique)
“ C’est pas parce qu’elle a un gros cul qu’elle a moins froid qu’une
autre. (VIRGINIE DESPENTES, Vernon Subutex 2, 2015) (Dans la
formulation neutre, la circonstancielle est dans la portée de la négation du
verbe : Elle a pas moins froid qu’une autre parce qu’elle a un gros cul.)


b) Proposition subordonnée
circonstancielle complément
de la phrase
La proposition subordonnée circonstancielle complément de phrase
porte sur l’ensemble de la phrase. Elle fournit une précision sur la
relation entre la phrase et l’état du monde dans lequel cette phrase
est utilisée. Cette subordonnée se situe sur un plan différent du reste
de l’énoncé, elle le surplombe. (› Énonciation, › Compléments de
phrase)
La subordonnée circonstancielle de phrase est généralement
détachée du reste de la phrase, en tête ou en fin de phrase, et
séparée par une virgule ou par une pause.

Elle ne se réveille pas, souffla Gossewicz. Elle a de la
chance, parce que moi je ne dors presque plus. (ALEXIS JENNI,
La nuit de Walenhammes, 2015) (Paraphrase : Elle a de la chance
[de dormir], et je pense cela parce que moi je ne dors presque plus.)

Il lui avait énormément coûté d’arrêter de travailler,


contrairement à ce que pensait Jean-Luc. (SERGE BRAMLY, Le
premier principe, le second principe, 2008)

On s’est parlé en prenant le petit-déjeuner le lendemain…


et, plus je t’écoutais, plus je rêvais de travailler avec toi… de
sorte qu’avant de se séparer ce jour-là, j’avais réussi à te faire
signer comme scénariste pour mon prochain film. (NANCY
HUSTON, Danse noire, 2013)


4. Un cas particulier : les propositions
subordonnées corrélatives
La proposition subordonnée classique dépend du verbe ou de la
phrase. La proposition subordonnée corrélative est interdépendante
avec la phrase : ni l’une ni l’autre ne peut être supprimée ou
déplacée. La proposition subordonnée corrélative est généralement
introduite par que et annoncée par un mot de la phrase principale.
“ Cette perspective est tellement angoissante que je la chasse
immédiatement de mon esprit. (PIERRE LEMAITRE, Cadres
noirs, 2010)

Et les parents riaient si fort qu’ils en étaient pliés en


deux. (MARCEL AYMÉ, Les contes du chat perché, 1939)

→ suppression *Et les parents riaient si fort.


impossible

→ déplacement *Qu’ils en étaient pliés en deux les parents


impossible riaient si fort.
*Si fort qu’ils en étaient pliés en deux les
parents riaient.

Les termes corrélatifs sont des adverbes ou des adjectifs :


Adverbe plus, davantage, trop, assez, mieux, ailleurs,
s
moins, aussi, suffisamment pis… que autreme
autant, d’autant … pour que (adverbe nt… que
plus, si, tellement, (adverbes de s
tant… que degré avec comparati
(adverbes de pour que) fs)
degré avec que)
Adjectifs tel, autre, meilleur,
même… que moindre,
(indéfinis) pire… que
(comparatifs)

Les propositions subordonnées corrélatives remplissent la fonction


de circonstancielle de conséquence (1), de comparaison (2) ou de
complément de l’adjectif (3) :

“ J’ai tellement peur que j’ai mal au ventre. (VIRGINIE DESPENTES,


Vernon Subutex 3, 2017) (1)

L’article passera donc tel que je l’ai écrit. (MAURICE LEBLANC,


L’aiguille creuse, 1909) (2)

Elle sera tellement belle que tout le monde la regardera passer


sans rien dire. (JEAN-LOUIS FOURNIER, Poète et paysan, 2010)
(3)


2. Les propositions circonstancielles de
temps

1. Définition
La proposition subordonnée temporelle entretient une relation
chronologique avec l’action ou l’état décrit dans la proposition
principale.
1° La proposition circonstancielle de temps subordonnée au verbe
précise et délimite la temporalité de l’action ou de la situation
décrite par le verbe. Elle est habituellement placée après le verbe,
sans détachement (ni virgule, ni pause).

“ Jacques me demanda de l’attendre pendant qu’il


raccompagnait ses amis en voiture. (SIMONE DE BEAUVOIR,
Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958)

Tu manges si peu depuis que nous sommes


ensemble. (GENEVIÈVE DAMAS, Patricia, 2017)

Il sera temps d’avoir de l’esprit quand tu seras


évêque. (STENDHAL, La chartreuse de Parme, 1839)


2° La proposition circonstancielle temporelle associée à la phrase
fournit un repère pour dater un évènement ou une situation dans
son ensemble. Elle ouvre un champ, crée un monde dans lequel
la phrase vient prendre place. Elle est généralement placée en
tête de phrase et suivie d’une virgule ou détachée entre virgules.
“ Comme je descendais des Fleuves impassibles
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs (ARTHUR
RIMBAUD, Le bateau ivre, 1871)

Quand tu te réveilles,
il fait jour. (ANAÏS BARBEAU-LAVALETTE, La
femme qui fuit, 2015) (N’a pas exactement le même sens
que : Tu te réveilles quand il fait jour.)

Quand j’étais en Irlande, me dit-il, je vivais à l’haïtienne.


Maintenant que je suis en Haïti, je me sens totalement
irlandais. (DANY LAFERRIÈRE, L’énigme du retour, 2009)

Tu craignais plus que tout, quand tu étais chrétien, de devenir


le sceptique que tu es bien content d’être
aujourd’hui. (EMMANUEL CARRÈRE, Le Royaume, 2014)

Lorsque tu dormiras, ma belle ténébreuse,


Au fond d’un monument construit en marbre noir,
Et lorsque tu n’auras pour alcôve et manoir
Qu’un caveau pluvieux et qu’une fosse creuse;
Quand la pierre, opprimant ta poitrine peureuse
Et tes flancs qu’assouplit un charmant nonchaloir,
Empêchera ton cœur de battre et de vouloir,
Et tes pieds de courir leur course aventureuse,
Le tombeau, confident de mon rêve infini,
– Car le tombeau toujours comprendra le poète, –
Durant ces longues nuits d’où le somme est banni,
Te dira: « Que vous sert, courtisane imparfaite,
De n’avoir pas connu ce que pleurent les morts? » (CHARLES
BAUDELAIRE, Remords posthume, 1857) (Ce poème est construit
par une accumulation de subordonnées débouchant sur la proposition
principale : Le tombeau te dira.)


2. Mots introducteurs
Le choix du mot introducteur varie selon que l’action ou la situation
présentée par la subordonnée est simultanée à celle du verbe
principal, la précède (antériorité) ou lui succède (postériorité). À
certaines conjonctions temporelles s’ajoutent des nuances de sens,
comme l’opposition pour alors que ou la cause pour comme.
Simultanéité alors que au moment où aussi longtemps
(mode (temporalité ou que (temporalité
indicatif) opposition) et idée de
durée)

chaque fois comme depuis que


que (temporalité ou (temporalité et
(temporalité et cause) idée de durée)
idée
de répétition)

en même lorsque maintenant que


temps que (temporalité et
idée de
commencement)

pendant que quand tandis que (+


(temporalité et idée
idée de durée) d’opposition)

tant que toutes les fois cependant que,


(temporalité et que durant que
idée de durée) (temporalité et (rare)
idée de
répétition)

Antériorité avant que en attendant jusqu’à ce que


(mode que (temporalité et
subjonctif) (temporalité et idée de durée)
idée de durée)

Postériorité après que dès que aussitôt que,


(mode sitôt que
indicatif) (temporalité et
idée de
soudaineté)

Remarques
1. Au lieu de répéter ces conjonctions dans une suite de propositions
subordonnées, on peut les remplacer par que (ou par où pour au moment
où) :
Quand il fait beau et que nous sommes à la plage, les filles
ne nous gênent pas. (RENÉ GOSCINNY, Les vacances du petit
Nicolas, 1962)
Il fallait, dans l’accablement du premier repos, au moment où
l’on s’endormait et où l’on se réchauffait à peine, se réveiller,
se lever, et s’en aller prier. (VICTOR HUGO, Les misérables,
1862)
2. Avec alors que, l’idée d’opposition peut dominer l’idée de simultanéité :
(› Subord. circ. oppositives)
Alors que la plupart des enfants de mon entourage recevaient
La Semaine de Suzette, j’étais abonnée à L’Étoile noëliste,
que maman jugeait d’un niveau moral plus élevé. (SIMONE DE
BEAUVOIR, Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958)
3. La locution à peine… que construit une subordonnée corrélative,
annoncée dans la proposition principale par à peine. Paradoxalement, la
teneur principale de la phrase se trouve dans la subordonnée introduite
par que (d’où l’appellation de subordination inverse).
Le déjeuner était à peine fini que la douce personne se leva
d’un air indolent et entra dans le parc. (CHODERLOS DE LACLOS,
Les liaisons dangereuses, 1782)

3. Emploi du mode
Le verbe de la subordonnée complément circonstanciel de temps se
met :
1° le plus souvent à l’indicatif, quand cette subordonnée marque la
simultanéité ou l’antériorité et exprime un fait considéré dans sa
réalité :

“ Tu ne prendras conscience de ton amour que lorsque tu


auras réussi cet acte hors mesure. (PHILIPPE JAENADA, La
petite femelle, 2015)

Il se trouve que je suis sortie du ventre de ma mère 1953


ans après que ce Jésus est sorti du ventre de la
sienne. (NANCY HUSTON, L’espèce fabulatrice, 2016)

Remarque
e
Depuis le début du XX siècle, il y a une tendance à faire suivre après que du
subjonctif, par analogie avec avant que. Cette tendance s’est largement
répandue, davantage dans le style parlé que littéraire. Elle contrevient à la
règle qu’un fait considéré dans sa réalité se conjugue à l’indicatif.
Ce matin, elle est restée dans le gaz longtemps après que
les enfants se soient levés et aient rempli l’appartement de
petits cris joyeux. (DOMINIQUE COSTERMANS, Nous dormirons
ensemble, 2016)

2° au subjonctif uniquement après avant que, en attendant que,


jusqu’à ce que, puisque le fait décrit dans la subordonnée n’est
pas encore avéré :

“ Il fallait saisir cette opportunité avant qu’il rejoigne


Manon. (CATHERINE CUSSET, Indigo, 2013)

Pendant ce temps, Damian s’enfermait dans sa chambre en


attendant que sa mère ait fini de préparer le repas du
soir. (LILIANA LAZAR, Enfants du diable, 2016)

Nous chantons jusqu’à ce que, soudain, un coup sourd


retentisse. (LAURENT GAUDÉ, Ouragan, 2013)

Remarque
Jusqu’à ce que se construit parfois avec l’indicatif quand on veut marquer la
réalité d’un fait :
Pendant qu’il la besognait, elle noua les jambes autour des
siennes et le tint serré jusqu’à ce que, dans un râle, il se
soulagea en elle. (VINCENT ENGEL, Le miroir des illusions,
2016)

3° au conditionnel quand la subordonnée exprime un fait


simplement possible :
“ Pendant qu’elle serait à Combray, ma mère s’occuperait de
certains travaux que ma grand-mère avait toujours
désirés. (MARCEL PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922)

Il pensa avec plaisir à l’étonnement des petites quand elles


le découvriraient. (MARCEL AYMÉ, Les contes du chat
perché, 1939)

Le patron serait furieux quand il l’apprendrait. (MICHEL BUSSI,


On la trouvait plutôt jolie, 2017)


3. Les propositions circonstancielles
de cause

1. Définition
La proposition subordonnée causale tantôt précise la cause ou la
motivation de la situation présentée par le verbe principal (1), tantôt
en justifie l’énonciation (2).

“ Une pierre tombe parce qu’elle est pesante. (S TENDHAL, Le


rouge et le noir, 1830) (1)

Il est impitoyable, puisque la destruction d’une ville entière lui


semble légitime. (FRANÇOIS GARDE, La baleine dans tous ses
états, 2015) (2) (Il est impitoyable, [et je le sais] puisque la destruction
d’une ville entière lui semble légitime.)


1° La subordonnée strictement causale dépend du verbe principal de
la phrase. Elle peut être mise dans une structure emphatique en
c’est… que. (› Phrase emphatique)
“ C’est parce qu’il était absent que ma tante était venue au
village pour venir nous aider tous. (AHMADOU KOUROUMA,
Allah n’est pas obligé, 2015)

Remarque
Dans une phrase négative, la subordonnée causale peut être incluse dans la
portée de la négation (1,2) ou non (3). Lorsque la subordonnée est sous la
portée de la négation, on utilise souvent non pas parce que… mais parce
que, pour éviter l’ambigüité présente en (3).
On ne meurt pas parce que les autres sont malades mais
parce qu’on l’est soi-même. (BOUALEM SANSAL, 2084. La fin
du monde, 2015) (1)

Elle ne cesse de crier et de gronder sa fille, non parce que


Nathalie ne fait pas ses devoirs et n’a pas de bonnes notes,
mais parce qu’elle ne répète pas son piano tous les
soirs. (CATHERINE CUSSET, Une éducation catholique, 2014)
(2)

Il n’a pas pris l’avion parce qu’il est malade du


cœur. (LAURENT BINET, HHhH, 2010) (3)

2° La subordonnée causale qui justifie l’énonciation est


généralement détachée au moyen d’une virgule, en tête ou en fin
de phrase. Il n’est pas possible de la mettre dans une forme
emphatique en c’est… que.
“ Elle me raccompagne jusqu’à chez moi, puisque chez nous
c’est devenu chez moi. (SERGE JONCOUR, Combien de fois je
t’aime, 2008)

Il y a une histoire que je raconte chaque année à mes


étudiants, parce que je sais qu’ils vont s’arrêter d’écrire et croiser
les bras, c’est celle du capitaine George Earl. (YANNICK
HAENEL, Jan Karski, 2016)

Autrefois, on avait bien raison de le blaguer, attendu qu’un


verre de vin n’a jamais tué un homme. (ÉMILE ZOLA,
L’assommoir, 1877)


2. Mots introducteurs
Les principales conjonctions ou locutions conjonctives introduisant
les subordonnées circonstancielles de cause sont les suivantes :
Cause parce que du fait que à cause que (style
régional ou
archaïque)

Justifica parce que puisque comme


tion
attendu que (style d’autant plus étant donné que
archaïque ou que
juridique)

surtout que (style vu que


informel)

La conjonction causale la plus fréquente est parce que. Elle peut


servir la fonction proprement causale et la fonction de justification.

“ Parce qu’avec toi le temps a pris de nouvelles dimensions


Que ma routine s’est égarée dans ces changements de
direction
Parce que les jours de la semaine se mélangent dans ce
bazar
Parce que c’est toi, parce que t’es là, je n’ai plus peur du
dimanche soir. (GRAND CORPS MALADE, Dimanche soir,
2018)


D’autres conjonctions, comme puisque ou comme, sont spécialisées
dans la fonction de justification. Elles ne peuvent pas servir à
répondre à une question en pourquoi :
– Pourquoi ? Parce que. *Puisque.

Remarques
1. La structure corrélative si… c’est que… permet de construire une relation
d’explication causale entre deux phrases :
Si les hommes se tirent dessus, c’est qu’il y a des vaccins
dans les balles
Et si les bâtiments explosent, c’est pour fabriquer des étoiles
Et si un jour, ils ont disparu, c’est qu’ils s’amusaient tellement
bien
Qu’ils sont partis loin faire une ronde, tous en treillis, main
dans la main. (ORELSAN, Tout va bien, 2017)
2. Avec non que, non pas que, ce n’est pas que, on introduit une cause qu’on
rejette immédiatement ; ces propositions ne sont pas réellement
subordonnées au verbe principal : (› Parataxe)
Il lui apparut que seul ce vêtement indiquait un caractère, un
genre d’existence comme privilégiés. Non que le jeune
homme fût vêtu avec recherche ; au contraire, il affectait une
certaine nonchalance. (GABRIELLE ROY, Bonheur d’occasion,
1945)

C’était Julio. Le nettoyeur. Bien entendu, je l’ai aidé. Non pas


que j’y tinsse plus que cela, mais je ne pouvais décemment
pas regarder ce brave garçon se charger de tout mon linge
sale en famille sans lui donner un coup de main. (ANNA
GAVALDA, Fendre l’armure, 2017)

3. Emploi du mode
Le verbe de la subordonnée circonstancielle de cause se met :
1° à l’indicatif quand cette subordonnée exprime un fait considéré
dans sa réalité :
“ Elle ne pouvait pas ramener un autre garçon à la maison
étant donné que tout le village l’avait déjà vue avec un
autre. (ÉDOUARD LOUIS, En finir avec Eddy Bellegueule,
2014)


2° au conditionnel quand elle exprime un fait simplement possible ou
soumis à une condition énoncée ou non :

“ Elle va être très gênée, parce que vous n’auriez pas dû la voir
sans voile. (MICHEL HOUELLEBECQ, Soumission, 2015)


4. Les propositions circonstancielles
de but

1. Définition
La proposition subordonnée de but exprime la finalité visée par le
verbe principal et ses compléments, finalité que l’énonciateur
souhaite voir atteinte. Lorsque le but exprimé est négatif, il s’agit du
but rejeté, que l’on ne souhaite pas voir atteint.

“ Afin que le moment soit parfait, j’allai chercher à la cuisine un


verre du Clos-Vougeot de la veille. (AMÉLIE NOTHOMB, Le fait
du prince, 2008) (But.)

Il s’arrête un peu avant l’entrée pour qu’on ne le voie


pas. (MARGUERITE DURAS, L’amant, 1984) (But.)

D’ailleurs elles en sont presque à souhaiter qu’il y ait un


homme, histoire que Louise ne se retrouve pas seule au cas où ici
ça tournerait mal. (SERGE JONCOUR, L’amour sans le faire,
2012) (But.)

J’arrêtais aussitôt de pleurer de crainte qu’elles ne me changent


en grenouille. (CHRISTOPHE BOLTANSKI, La cache, 2015) (But
négatif.)


2. Mots introducteurs
Les locutions conjonctives servant à introduire une proposition
subordonnée complément circonstanciel de but sont les suivantes :

But pour que afin que (style recherché) à (la) seule fin que
posit (usage (style recherché ;
if courant) indique un but
unique)

histoire de façon que, de manière


que que, de sorte que (but, ou
(informel) conséquence)

But afin pour que… ne… pas (à de crainte que


néga que… éviter : pour ne pas
tif ne… pas que…)

de peur
que
Remarques
1. Au lieu de répéter les locutions conjonctives dans une suite de
propositions subordonnées de but, on peut les remplacer par que :
On fit asseoir Étienne afin qu’il reprît ses esprits et qu’il
racontât posément l’épisode. (LYDIE SALVAYRE, Tout homme
est une nuit, 2017)
2. La locution afin que provient de la contraction de à fin que, où fin signifie
finalité, comme dans l’expression Qui veut la fin, veut les moyens. On
retrouve cette forme ancienne dans les locutions à seule fin que, à la seule
fin que.
Elle aurait cru que si je prétendais que je cesserais de l’aimer
en restant trop longtemps sans la voir, c’était à seule fin
qu’elle me dît de revenir vite auprès d’elle. (MARCEL PROUST,
À l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919)
3. Lorsqu’on formule un but négatif, on évitera la tournure pour ne pas que…
et on utilisera pour que… ne… pas. La première tournure se répand, peut-
être par analogie avec la construction suivie d’un infinitif (pour ne pas
tomber).
Ils ne nous cherchent pas, ils nous lavent pour que nous ne
soyons pas contagieux. (LAURENT GAUDÉ, Ouragan, 2013)

Une fois la nuit tombée il serait capable de rouler sans phares


pour ne pas qu’elle le repère. (SERGE JONCOUR, L’amour
sans le faire, 2012) (À éviter.)
4. Que employé seul après un impératif ou un équivalent de l’impératif
introduit parfois une subordonnée complément circonstanciel de but : Ôte-
toi de là, que je m’y mette.

Il est parfois difficile de distinguer la subordonnée exprimant le but


de celle exprimant la conséquence, la manière ou la comparaison.
(› Subord. circ. de conséquence, › Subord. circ. de manière)
“ Je m’enveloppai dans la couverture et me recroquevillai sur
le côté de manière qu’aucune partie de mon corps ne touchât
l’eau. (YANN MARTEL, L’histoire de Pi, 2001)

L’aventure est trop belle pour que je ne la pousse pas jusqu’au


bout. (RENÉ BARJAVEL, Ravage, 1943)


3. Emploi du mode
Le verbe de la subordonnée complément circonstanciel de but se
met toujours au subjonctif, car le but exprime un procès qui n’est pas
encore réalisé, qui reste dans le domaine du possible :


Elle contempla les étoiles, pria Dieu afin qu’il lui procurât
courage et soumission, ou plutôt le courage de la
soumission. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, Concerto à la
mémoire d’un ange, 2010)

Il lui fallait parfois plier de nouvelles pousses, avec une


patience infinie, pour que les roseaux ne rompissent pas et ne
fissent pas s’envoler les oiseaux. (JEAN-BAPTISTE DEL AMO,
Le sel, 2010)


5. Les propositions circonstancielles
de conséquence

1. Définition
La conséquence exprime la suite, l’effet ou le résultat du procès
présenté par le verbe principal. Tantôt il s’agit d’une conséquence
logique et factuelle (1,2), tantôt il s’agit d’une conclusion qu’on peut
tirer de l’information présentée dans la phrase principale (3).

“ Il avait plié un matelas derrière lui et deux sur les côtés, de


sorte qu’il était assis bien droit, le corps fermement
soutenu.
(JACQUELINE HARPMAN, Moi qui n’ai pas connu les
hommes, 1995) (Exprime le résultat factuel de ce qui précède.) (1)

En voyant les morceaux du plat en faïence, les parents


furent si en colère qu’ils se mirent à sauter comme des puces au
travers de la cuisine. (MARCEL AYMÉ, Les contes du chat
perché, 1939) (Exprime le résultat de ce qui précède.) (2)

La récolte de grain fut médiocre ; mais les foins avaient été


beaux, de sorte que l’année dans son ensemble ne méritait ni
transports de joie ni doléances. (LOUIS HÉMON, Maria
Chapdelaine, 1912) (Exprime une conclusion tirée de ce qui précède.) (3)


2. Mots introducteurs
Les propositions subordonnées de conséquence s’introduisent par
les locutions suivantes, dont certaines servent également à
introduire le but :

Conséq au point que si bien que de manière que


uence (conséquence ou
but)

en sorte que de sorte que de façon que


(conséquence ou (conséquence (conséquence ou
but) ou but) but)

Remarques
1. Au lieu de répéter la locution conjonctive dans une suite de subordonnées,
on peut la remplacer par que :
Elle ajoutait : « Vous trouverez M. de Guermantes à l’entrée
des jardins », de sorte qu’on partait visiter et qu’on la laissait
tranquille. (MARCEL PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922)
2. La proposition subordonnée de conséquence est parfois introduite par que
employé seul :
Les commandes pleuvaient à l’abbaye que c’était une
bénédiction. (ALPHONSE DAUDET, Lettres de mon moulin,
1869)

La conséquence se construit également à l’aide de propositions


subordonnées corrélatives : un mot dans la principale (par ex. si,
trop, tellement) appelle une proposition subordonnée introduite par
que ou par pour que :
Que corrélatif si… que tant… tel… tellement… que
d’un adverbe que que
d’intensité

Pour que assez… trop… trop suffisamment…


corrélatif pour pour que peu… pour que
que pour
que

“ Le geste me parut tellement inattendu que je ne pus


m’empêcher de l’interroger. (BERNARD QUIRINY, Contes
carnivores, 2008)

Nous naissons avec cette obsession, à telle enseigne que les


petits enfants sont naturellement attirés par les belles
personnes et révulsés par les laids. (AMÉLIE NOTHOMB,
Riquet à la houppe, 2016)

Il y avait des piles de ces canettes, trop nombreuses pour


que je pusse les compter en un coup d’œil. (YANN MARTEL,
L’histoire de Pi, 2001)


Remarque
Les locutions conjonctives de conséquence contiennent en fait un terme
anciennement corrélatif : au point que, de sorte que, etc. Comparez :
Le geste me parut tellement inattendu que je ne pus m’empêcher de
l’interroger.
Le geste me parut inattendu au point que je ne pus m’empêcher de
l’interroger.

3. Emploi du mode
Le verbe de la subordonnée complément circonstanciel de
conséquence se met :
1° à l’indicatif, car la conséquence exprime normalement un fait
réel, un résultat atteint ;

“ Jamais je ne vis bouger les rideaux ni filtrer la moindre


lumière, de sorte que je finis par me persuader qu’elle était
partie sans en rien dire. (MARIE NDIAYE, La Cheffe, roman
d’une cuisinière, 2016)

Elle était dans son premier sommeil et dans celui de son


âge, de façon que je suis arrivé jusqu’à son lit sans qu’elle se
soit réveillée. (CHODERLOS DE LACLOS, Les liaisons
dangereuses, 1782)


2° au conditionnel quand la subordonnée exprime une
conséquence simplement possible ou soumise à une condition
énoncée ou non ;

“ Sa vie n’avait été qu’une suite ininterrompue de déceptions


et d’aventures foireuses, de sorte qu’elle n’aurait pas dû
s’étonner de ce qui arrivait. (PHILIPPE DJIAN, Marlène, 2017)


3° au subjonctif,
après une proposition principale négative ou interrogative :

“ L’odeur de renfermé n’était pas si accablante qu’elle ne puisse


céder à une aération en règle. (VÉRONIQUE PINGAULT, Les
maisons aussi ont leur jardin secret, 2015)


après assez pour que, trop pour que, trop peu pour que,
suffisamment pour que :
“ Il fait trop froid pour qu’il sorte du lit, il cherche son téléphone
et remonte les deux couvertures au-dessus de sa
tête. (VIRGINIE DESPENTES, Vernon Subutex 3, 2017)

La pièce était suffisamment petite pour que j’en perçoive tout


sans bouger la tête. (ALEXIS JENNI, Élucidations. 50
anecdotes, 2013)


quand la subordonnée exprime une conséquence souhaitée mais
non encore réalisée, voire un but à atteindre :

“ Au téléphone, je ne soufflai mot à Mîna des trois SMS que


j’avais reçus la veille et que j’aurais voulu jeter hors de ma
tête, hors de ma vie, de sorte qu’ils soient emportés à tout
jamais. (LYDIE SALVAYRE, Tout homme est une nuit, 2017)


6. Les propositions circonstancielles
de condition et d’hypothèse

1. Définition
La proposition subordonnée de condition exprime un élément
essentiel préalable dont dépend la réalisation de l’action dans la
principale.

“ Si j’étais un chat,
je sais le ventre où je me
réchaufferais. (SYLVAIN TESSON, Dans les forêts de Sibérie,
2011)

Je te le dirai quand nous serons mariés, à la condition que tu


me promettras de ne jamais le répéter. (JULES RENARD, Poil de
carotte, 1894)


La subordonnée conditionnelle peut aussi exprimer une hypothèse,
une supposition qui permet d’expliquer ou de prévoir la réalisation
éventuelle d’un fait.
“ Si Ibn Dakhdoul comprit l’allusion,
il ne fit aucun
commentaire. (GILBERT SINOUÉ, Avicenne ou La route
d’Ispahan, 1989)

Remarque
Sur le plan logique, l’hypothèse est liée à la conséquence, comme le montre
la conjonction corrélative si… alors… : une hypothèse permet de déduire les
conséquences possibles d’un fait qu’on anticipe.
Si Jacques n’était pas fait pour moi, alors personne ne l’était,
et il fallait en revenir à une solitude que je trouvais bien
amère. (SIMONE DE BEAUVOIR, Mémoires d’une jeune fille
rangée, 1958)

2. Mots introducteurs
La conjonction si est la plus fréquemment utilisée pour introduire une
condition ou une hypothèse. On trouve aussi :
Conditio si à (la) condition au cas où dans les
n/ que, sous (la) cas où
Hypothè condition que
se
à moins que dans l’hypothèse en admettant que
pour peu où
que

supposé pourvu que soit que… soit que


que à soit que… ou que
supposer
que

“ En moins de 24 secondes je dois tirer mon couplet


Et si jamais le coup plaît le bonheur sera complet. (GRAND
CORPS MALADE, La syllabe au rebond, 2018)

Quand je le bousculerais, ça n’avancerait à rien. (ÉMILE ZOLA,


L’assommoir, 1877)


Remarques
1. Au lieu de répéter ces conjonctions ou locutions conjonctives (sauf au cas
où, dans le cas où, dans l’hypothèse où), on peut les remplacer par que :
Si elle ne bouge pas et que la pluie, la grêle reprend, elle sait
qu’elle va mourir. (LAURENT MAUVIGNIER, Continuer, 2016)
2. Que employé seul peut marquer l’hypothèse, de même que quand :
Que tu t’en ailles ou non pour une autre femme, je
t’attendrai. (MICHEL BUSSI, Gravé dans le sable, 2014)

Quand je n’aurais point des raisons de devoir


insurmontables, je doute si je pourrais me résoudre à
m’exposer à ce malheur. (MADAME DE LA FAYETTE, La
Princesse de Clèves, 1678)
3. Que peut introduire la principale lorsque la conditionnelle précède ː
Il ne gagnerait rien qu’il serait tout aussi éminent. (ALBERT
COHEN, Belle du Seigneur, 1968)
4. Si, la conjonction typique de la condition, introduit parfois une
subordonnée d’opposition :
Seulement, si nous étions impressionnés, nous n’étions pas
dupes. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, Les dix enfants que
madame Ming n’a jamais eus, 2012)

3. Emploi du mode
L’emploi du mode dépend de la conjonction.
1° Avec si, le verbe de la subordonnée de condition ou d’hypothèse
se met à l’indicatif (en respectant les emplois des temps).
(› Concordance des temps)
“ Si tu ne viens pas, je te mets à la porte ! (J EAN-MICHEL
GUENASSIA, Le club des incorrigibles optimistes, 2009)

Si ton père vient, je prendrai tout sur moi. (HONORÉ DE


BALZAC, Eugénie Grandet, 1833)


Si l’hypothèse est irréelle, le verbe de la principale peut se mettre au
conditionnel :

“ Si François était roi, il couvrirait son beau-frère d’honneurs et


de charges lucratives. (ANNE CUNEO, Le maître de
Garamond, 2002)

déjà eu des relations sexuelles si j’avais obéi aux


J’aurais
garçons qui me cherchent. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, Le
poison d’amour, 2014)


Remarques
1. Après si introduisant l’expression d’un fait fictif dans le passé, la langue
littéraire peut mettre le verbe subordonné et / ou le verbe principal au
subjonctif imparfait :
Si elle eût été homme, elle se fût frappée le front. (VICTOR
HUGO, Les misérables, 1862)

Même si cela n’avait pas été lui, il eût hurlé de


douleur. (AMÉLIE NOTHOMB, Riquet à la houppe, 2016)
2. Que remplaçant si dans une suite de subordonnées de condition demande
le subjonctif, mais cette règle est rarement respectée :
De quoi est-ce que j’aurai l’air si je le rencontre et qu’il ne me
dise rien ? (ALBERT COHEN, Belle du Seigneur, 1968)

Si tu es malade et que ça devient grave, je dois te


bichonner. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, La rêveuse d’Ostende,
2007) (Selon la règle on aurait et que ça devienne grave.)
3. Pour exprimer l’idée du futur dans la subordonnée de condition, on
emploie parfois l’auxiliaire devoir :
Si vous deviez faire un film sur lui, comment le verriez-
vous ? (FRANÇOIS EMMANUEL, Cheyenn, 2011)

2° Lorsque la subordonnée de condition (ou d’hypothèse) est


introduite par une locution conjonctive composée à l’aide de que
(à moins que, pour peu que, pourvu que, supposé que, etc.), le
verbe se met au subjonctif :
“ Pourvu que Pierre la regarde encore et encore et la fasse fleurir
nuit après nuit,
Marthe consent à être nue devant lui. (GUY
GOFFETTE, Elle, par bonheur, et toujours nue, 1998)

Tout a un sens, pour peu qu’on ait un but. (DIDIER VAN


CAUWELAERT, Jules, 2015)

Remarques
1. Après au cas où, dans le cas où, dans l’hypothèse où, on met le
conditionnel :
Au cas où vous ne l’auriez pas encore remarqué, la vie, d’une
manière générale, n’a pas de sens. (JOËL DICKER, La vérité
sur l’affaire Harry Quebert, 2014)
2. Après à (la) condition que, on met le subjonctif ou parfois l’indicatif :
Elle accepte, à condition que Grant lui dise ce qu’il sait sur
ses rivales. (CAROLINE DE MULDER, Bye Bye Elvis, 2014)

Elle a tout de même bien voulu qu’on laisse le caveau à sa


mère en garde, à condition qu’on partirait tous les deux
chercher ensemble du travail à Paris… (LOUIS-FERDINAND
CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1952)
7. Les propositions circonstancielles
de manière et de comparaison

1. Définition
Une proposition subordonnée circonstancielle de manière décrit la
forme particulière que revêt un processus, une action ou un état.
Une proposition subordonnée circonstancielle de comparaison
permet de rapprocher deux procès afin de mettre en évidence leurs
ressemblances ou leurs différences. La manière et la comparaison
sont parfois difficiles à distinguer, d’autant que les deux types de
subordonnées sont souvent introduits par comme.

“ Elle n’en voulait pas à son mari qui avait agi comme il estimait
devoir le faire,elle n’en voulait qu’à elle-même et se sentait
dérisoire, inutile, mauvaise. (MARIE NDIAYE, Ladivine, 2014)
(Manière.)

Il l’attrapa par les épaules, comme Calland l’avait fait à Londres,


comme son père l’avait fait à Paris. Pour lui donner du
courage. (JOËL DICKER, Les derniers jours de nos pères,
2012) (Comparaison.)


Remarque
Très souvent, les subordonnées introduites par comme sont réalisées dans
une forme réduite (ou elliptique), où le verbe principal n’est pas répété dans
la subordonnée : (› Phrase elliptique)
Il a agi comme un salaud l’autre soir mais il n’est pas un
salaud. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, Les perroquets de la place
d’Arezzo, 2013) (= Il a agi comme un salaud [agit] l’autre soir.)

Partout, des mois durant, ils burent comme des trous,


mangèrent comme des ogres et fumèrent comme des
pompiers. (OLIVIER GUEZ, Les révolutions de Jacques
Koskas, 2014)

C’était bien la seule chose que je faisais mieux qu’Isa. (NELLY


ALARD, Le crieur de nuit, 2010)

La proposition subordonnée de manière ou de comparaison dépend


soit du verbe (quand elle le précise), soit de la phrase (quand elle en
commente l’énonciation).

“ On vit comme on doit vivre : au rythme des choses. (B ERNARD


MINIER, Glacé, 2011) (= Subordonnée complément du verbe.)

Un matin, l’un reste et l’autre part, sans que l’on sache toujours
pourquoi. (GUILLAUME MUSSO, La fille de papier, 2010)
(= Subordonnée complément de la phrase.)


2. Mots introducteurs
Les propositions subordonnées de manière s’introduisent par des
conjonctions de subordination. Les subordonnées de comparaison
sont soit des subordonnées classiques, soit des subordonnées
corrélatives d’adjectifs ou d’adverbes.
Manière comme comme si sans que que… ne
(manière (comparais (manière (manière ou
ou on et ou conséquence
comparaiso hypothèse) conséquen ; littéraire)
n) ce)

de façon
que
(manière
ou
conséquen
ce)

Comparai comme ainsi que à mesure aussi bien


son (comparais que que
Conjoncti on ou
ons et manière)
locutions
conjonctiv de même selon que suivant
es que que

Corrélatifs aussi, autant, si, tant, autre, meilleur, mieux, moindre,


d’adjectifs moins, plus, tel, etc. … que
ou
d’adverbe
s

Corrélatifs autant… autant, tel… tel, comme… ainsi


de (comparaison marquant l’égalité)
phrases autre… autre, autre chose… autre chose
(comparaison marquant la différence)
plus… (et) plus, moins… (et) moins, plus… (et)
moins, moins… (et) plus (comparaison marquant une
proportion)


Les malades [...] sont habilités à travailler à mesure qu’ils s’en
montrent capables. (JACQUES CHESSEX, Le vampire de
Ropraz, 2007)

La chambre était disposée de façon que la porte en s’ouvrant


masquait l’angle du mur à droite. (VICTOR HUGO, Les
misérables, 1862)

De même que j’ai respecté la chronologie des documents


historiques existants,
j’ai respecté leur contenu. (ANNE CUNEO,
Le maître de Garamond, 2002)

Mais je le poursuivrai d’autant plus qu’il m’évite. (JEAN


RACINE, Britannicus, 1669)


Remarques
1. La proposition subordonnée de manière introduite par que… ne équivaut
par son sens à celle introduite par sans que. Elle est rare et littéraire :
Apprenez-moi à vivre où vous n’êtes pas ; en sorte que quand
vous serez, je suppose, auprès de votre maîtresse, vous ne
sauriez pas y vivre que je n’y sois en tiers. (CHODERLOS DE
LACLOS, Les liaisons dangereuses, 1782) (= Vous ne sauriez
y vivre sans que j’y sois en tiers.)
2. Après certains verbes qui construisent un COD (traiter, faire, etc.), la
proposition introduite par comme si n’est pas circonstancielle mais
essentielle ; elle ne peut pas être supprimée :
Ils ne disaient pas un mot, faisaient comme si je n’étais pas
là. (ALEXIS JENNI, La conquête des îles de la Terre Ferme,
2017)

Là, elle m’a traité comme si je n’avais aucune importance


dans son cœur. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, De l’influence de
David Bowie sur la destinée des jeunes filles, 2017)
3. Quand la subordonnée de comparaison se rattache à un comparatif
d’adjectif, on peut la considérer comme une subordonnée complément de
l’adjectif. (› Prop. subord. complément de l’adjectif)
Plus sensible que je ne croyais l’être aux préjugés de
Rome, je me rappelais que ceux-ci font sa part au plaisir mais
voient dans l’amour une manie honteuse. (MARGUERITE
YOURCENAR, Mémoires d’Hadrien, 1958)

Les joues de Marko étaient si creuses que Ladivine voyait


distinctement les contours de sa mâchoire. (MARIE NDIAYE,
Ladivine, 2014)

Dans les phrases où la comparaison marque l’égalité, on peut avoir


les expressions doubles autant… autant, tel… tel, comme… ainsi,
qui sont des systèmes corrélatifs :

“ Autant avant il aimait sortir, autant maintenant ça ne le


motivait plus. (SERGE JONCOUR, Bol d’air, 2011)


Quand la comparaison marque la différence, on peut avoir : autre…
autre, autre chose… autre chose :

“ Autre chose est l’état de notre âme ; autre chose le compte


que nous en rendons. (DENIS DIDEROT, Lettre sur les
sourds et muets, à l’usage de ceux qui entendent et qui
voient, 1749)

Une choseest de le savoir, une autre est de le voir. (AMÉLIE


NOTHOMB, La nostalgie heureuse, 2013)


Quand la comparaison marque l’augmentation ou la diminution
proportionnelles, on emploie plus… (et) plus, moins… (et) moins,
plus… (et) moins, moins… (et) plus, d’autant plus que, d’autant
moins que :
“ Pluson aime, plus il faut payer cher. (JEAN GIONO, Le
hussard sur le toit, 1951)

Plus on espère la paix, moins on donne de crédit aux


nouvelles qui l’annoncent. (PIERRE LEMAITRE, Au revoir là-
haut, 2013)


3. Emploi du mode
Le verbe de la subordonnée complément circonstanciel de manière
ou de comparaison se met :
1° à l’indicatif, en général ;

“ De même qu’il ne suffit pas d’écrire un livre pour être écrivain, il


ne suffit pas d’écrire du courrier pour être épistolier. (AMÉLIE
NOTHOMB, Une forme de vie, 2010)


2° au conditionnel, quand la subordonnée marque un fait simplement
possible ou soumis à une condition exprimée ou non ;
“ Elle s’assoit comme s’assiérait un éléphant, genoux écartés,
ventre en avant. (PHILIPPE DJIAN, Love Song, 2013)

Je le voyais tiquer quand j’usais d’une expression légale


manquant de précision ou franchement incorrecte, ainsi qu’il
l’aurait fait en séance au plus petit vice de forme. (ADÉLAÏDE DE
CLERMONT-TONNERRE, Fourrure, 2010)


3° au subjonctif, après sans que, que… ne.

“ Son visage m’apparaissait sans que j’aie besoin de me


concentrer. (SERGE JONCOUR, L’écrivain national, 2014)

Il ne s’écoulait pas plus d’un jour ou deux sans que nous


eussions ce genre de silencieux accrochage. (PHILIPPE DJIAN,
Impardonnables, 2009)


8. Les propositions circonstancielles
d’opposition, de concession
et de restriction

1. Définition
L’opposition crée un effet de contraste par le fait de placer face à
face deux propositions au contenu très différent (qui sont
contradictoires, voire qui s’excluent mutuellement).

“ Alors que depuis ma naissance je me croyais exceptionnelle, je


découvrais en face de lui combien j’étais ordinaire. (ÉRIC-
EMMANUEL SCHMITT, Le poison d’amour, 2014)

On le voit, au lieu que quelqu’un le raconte, ce n’est pas du tout


pareil. (SERGE BRAMLY, Le premier principe, le second
principe, 2008)


La concession est exprimée par une proposition subordonnée
indiquant qu’un phénomène qui en entraine normalement un autre
(conséquence) n’a pas eu cet effet ou a eu un effet contraire.
“ Bien que ces formes ne lui fussent pas familières, il finit par
espérer les comprendre un peu, distinguer leur style,
discerner leurs enjeux. (JEAN ECHENOZ, Je m’en vais, 1999)

Quoique la lumière fût forte dans le bateau comme ailleurs,


Just
ne reçut pas de ces jeunes filles des impressions très
claires. (JEAN-CHRISTOPHE RUFIN, Rouge Brésil, 2001)

Quelque insensible que l’âme de ce jeune ambitieux fût à ce genre


de beauté,il ne pouvait s’empêcher de s’arrêter de temps à
autre, pour regarder un spectacle si vaste et si
imposant. (STENDHAL, Le rouge et le noir, 1830)


La proposition subordonnée de restriction limite la portée de ce qui
est exprimé dans la proposition principale. Cela signifie que ce qui
est affirmé dans la phrase principale ne vaut pas pour l’exception
décrite dans la subordonnée restrictive.
“ Je n’avais pas eu besoin de raison particulière pour la
frapper, sinon que je la trouvais devant moi, et que j’en avais
assez. (PHILIPPE DJIAN, Dispersez-vous, ralliez-vous !, 2016)

Les autres documents ne disaient pas grand-chose sur leur


vie quotidienne, excepté qu’Andrzej Kubiela était le roi des
cumulards. (JEAN-CHRISTOPHE GRANGÉ, Le passager, 2011)


Les propositions circonstancielles d’opposition / de concession / de
restriction sont des subordonnées complément de la phrase (et pas
du verbe).

2. Mots introducteurs
La concession, l’opposition ou la restriction se construisent à l’aide
d’une proposition subordonnée introduite par une conjonction de
subordination. Elles peuvent également se construire à l’aide d’une
proposition subordonnée corrélative introduite par un mot corrélatif
associé à la conjonction que (par ex. quelque… que) :
Oppositi alors que, alors tandis que si, même si
on même que, lors (opposition (opposition ou
même que ou hypothèse)
(opposition ou temporalité)
temporalité)

au lieu que loin que sans que


(exclusion)

quand, quand même, si… que que (employé


quand bien même aussi… que seul)
(opposition ou (usage
temporalité) courant)

Conces bien que encore que quoique


sion
malgré que (usage pour… que où que, quel que,
courant ; critiqué par qui que, quoi que,
les puristes)

si… que quelque… tout… que


(variante dans que,
l’usage courant : quelque …
aussi… que) qui,

Restricti excepté que sauf que hors que, hormis


on que

si ce n’est que sinon que


Remarques
1. La locution malgré que n’est pas recommandée par les puristes pour des
raisons de fidélité à l’usage du passé. Cette locution provient d’une
phrase, mal [= mauvais] gré [= volonté] qu’on en ait, qui s’est
progressivement figée avec le sens de « contre sa volonté, à
contrecœur ».
Vous le verrez malgré que vous en ayez, lui dit la dame du
château, car c’est lui. (DENIS DIDEROT, Jacques le fataliste et
son maître, 1796)
On a progressivement utilisé malgré que avec d’autres verbes qu’avoir et
la locution a pris le sens concessif de bien que. On trouve rarement cette
locution dans l’usage littéraire, alors qu’elle s’est répandue dans l’usage
courant, oral et écrit :
C’est jeuli, n’est-ce pas ? Elle a une belle âme, cette petite,
malgré qu’elle soit d’un miyeu simple ! Oh, elle
promet ! (ALBERT COHEN, Belle du Seigneur, 1968) (Dans cet
extrait, l’auteur imite un style parlé populaire.)

De mes quatre chevaux, il en était un qu’on nommait encore


« le poulain », malgré qu’il eût trois ans passés. (ANDRÉ GIDE,
L’immoraliste, 1902)

Ce sont des sauvages qui l’ont trouvé le lendemain par


aventure, assommé et à demi gelé déjà, malgré que le temps
était doux. (LOUIS HÉMON, Maria Chapdelaine, 1912)
2. Que employé seul marque parfois l’opposition :
Qu’on le voulût ou non et malgré la modération de son
enseignement, Calvin était regardé comme un
huguenot. (JEAN-CHRISTOPHE RUFIN, Rouge Brésil, 2011)

3. Emploi du mode
Le verbe de la subordonnée d’opposition se met généralement au
subjonctif :

“ Loin que l’homosexualité de Nathan se limitât à sa sexualité, elle


avait envahi tous les champs de son existence. (ÉRIC-
EMMANUEL SCHMITT, Les perroquets de la place d’Arezzo,
2013)

Après chaque bataille il faut se relever, quel qu’ait été le


résultat de l’affrontement. (LAURENT GAUDÉ, Écoutez nos
défaites, 2016)

J’ai senti l’odeur du lilas, de la glycine, du chèvrefeuille, bien


que nous fussions en octobre. (NICOLAS D’ESTIENNE D’ORVES, La
Gloire des maudits, 2017)


Remarques
1. Tandis que, alors que, si, marquant l’opposition sont suivis de l’indicatif ou
du conditionnel, selon le sens :
Cela ne sembla pas l’incommoder alors que cette vision me
donna le vertige. (ADÉLAÏDE DE CLERMONT-TONNERRE, Le
dernier des nôtres, 2016)

Alors que nous devrions grandir en humanité pour


apprendre à vivre ensemble, nous allons rapetisser. (ÉRIC-
EMMANUEL SCHMITT, L’homme qui voyait à travers les
visages, 2016)
2. Quand, quand même, quand bien même, alors même que, lors même que,
marquant l’opposition, construisent le conditionnel :
Quand bien même elle serait seule, la table sera dressée et
le repas servi. (JEAN-BAPTISTE DEL AMO, Le sel, 2010)

Le verbe de la subordonnée de restriction se met à l’indicatif ou au


conditionnel :

“ Hormis que le printemps arrive bientôt, je ne sais pas ce que


nous allons faire. (LOUIS HÉMON, Maria Chapdelaine, 1912)


Remarque
Tout … que, selon la règle traditionnelle, demande l’indicatif, mais dans
l’usage moderne, il se construit souvent avec le subjonctif :
Cependant, tout maître qu’il était de lui, il ne put se soustraire
à une commotion. (VICTOR HUGO, Les misérables, 1862)
Tout novice qu’il était, le plus jeune des deux flics avait
presque tout vu en matière de meurtre. (DANIEL PENNAC, La
petite marchande de prose, 1989)
Tout immobile qu’il fût (je t’apprendrai le subjonctif, aussi, un
petit plaisir de bouche, tu verras…) tout immobile qu’il fût,
donc, Jérémy se tortillait intérieurement. (DANIEL PENNAC,
Monsieur Malaussène, 1995)
Il devait être débordé, Dieu, tout omnipotent qu’il
fût. (CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT, Plonger, 2013)
CHAPITRE 5

La concordance des temps


dans les propositions
subordonnées
1. Verbe de la subordonnée à l’indicatif
2. Verbe de la subordonnée au subjonctif

La concordance des temps est le rapport qui s’établit entre le temps


du verbe de la proposition subordonnée et le temps du verbe
principal dont elle dépend. Le verbe de la proposition subordonnée
doit s’accorder en fonction du temps et du mode du verbe principal.
Par exemple :

“ Elle voulait que nous partions. (P HILIPPE DJIAN, Dispersez-


vous, ralliez-vous !, 2017)

Il aurait voulu que nous partîmes tous le plus tôt


possible. (MARCEL PROUST, À l’ombre des jeunes filles en
fleurs, 1919)


La concordance des temps peut aussi s’envisager dans le cadre
plus large du texte : elle exige une certaine cohérence dans l’emploi
des temps dans un paragraphe et dans un texte. (› L’emploi des
modes et des temps)

“ Angelo soufflait sans arrêt sur sa mèche de briquet et ne


pensait absolument à rien. Il marcha ensuite à l’aventure
dans l’ombre et il trébucha encore sur deux ou trois corps ;
peut-être étaient-ce les mêmes car, sans savoir comment
cela s’était fait, il se retrouva dehors avec les chouettes. Il
appela. Il chercha le bosquet dans lequel il avait laissé
l’attelage. Il tomba dans une rigole d’arrosage pleine d’eau. Il
appela encore. Il sentit les ornières dures du chemin sous
ses pieds. Il trouva le bosquet et il appela à voix très haute en
marchant, les bras étendus devant lui. (JEAN GIONO, Le
hussard sur le toit, 1951)


Nous nous limitons ici à l’accord des verbes dans les propositions
subordonnées, en considérant deux cas : le verbe de la
subordonnée est à l’indicatif ; le verbe de la subordonnée est au
subjonctif.
1. Verbe de la subordonnée à l’indicatif

1. Le verbe principal est au présent


ou au futur
Lorsque le verbe principal est au présent ou au futur, le verbe de la
subordonnée se met au temps demandé par le sens, comme s’il
s’agissait d’une proposition indépendante. Le verbe de la
subordonnée se met : au passé composé, à l’imparfait ou au passé
simple si l’action ou l’état décrit par le verbe de la subordonnée se
passe avant celui de la principale (antériorité) ; au présent si l’action
ou l’état décrit par le verbe de la subordonnée se passe en même
temps que celui de la principale (simultanéité) ou qu’il décrit une
vérité générale ; au futur ou au conditionnel si l’action ou l’état décrit
par le verbe de la subordonnée se passe après celui de la principale
(postériorité) ; au conditionnel présent ou passé si l’action ou l’état
décrit par le verbe de la subordonnée concerne un fait éventuel ou
soumis à une condition.
Verbe principal au présent ou au futur

Simultanéité de la subordonnée (ou expression d’une vérité


générale)

Présent On raconte que la tour Eiffel figure une jambe


de femme gainée d’un bas résille. (GUY
GOFFETTE, Elle, par bonheur, et toujours nue,
1998)
Peut-être qu’un jour ils diront que je peux rentrer
chez moi. (GENEVIÈVE DAMAS, Patricia, 2017)

Antériorité de la subordonnée

Passé composé Il raconte que son guide et lui ont marché une
heure environ, sans parler à personne. (YANNICK
HAENEL, Jan Karski, 2016)
Ils se diront que je l’ai un peu cherché…
(CATHERINE POULAIN, Le grand marin, 2016)

Imparfait Devant des vestiges de portes, des alignements


de chaussures racontent que ces gens étaient
chez eux quand le tsunami s’est produit. (AMÉLIE
NOTHOMB, La nostalgie heureuse, 2013)
On pensera que j’avais beaucoup
d’outrecuidance ; non : j’étais orphelin de
père. (JEAN-PAUL SARTRE, Les mots, 1964)

Plus-que-parfait On raconte que des femmes qui avaient vu ce


visage étaient devenues des errantes. (CLAUDIE
GALLAY, Les déferlantes, 2011)

Postériorité de la subordonnée
Futur simple On raconte que le peuple des faubourgs
refusera de croire à sa mort treize ans plus
tard. (ÉRIC VUILLARD, 14 Juillet, 2016)
Le temps le rendra plus sage, et vous verrez qu’il
changera de sentiments. (MOLIÈRE, L’avare,
1668)

Futur proche Ici les paysans racontent que des légions de


martyrs vont descendre du ciel et attaquer la
France par le Sahara. (HÉDI KADDOUR, Les
prépondérants, 2015)

Futur antérieur Autrement, les camarades qui me survivront vous


diront que, jusqu’au bout, j’aurai tenté de vivre à
hauteur d’homme. (YANICK LAHENS, Bain de lune,
2014)
Savez-vous ce que cela fera si nous déjeunons
aujourd’hui ? Cela fera que nous aurons eu
notre déjeuner d’avant-hier, notre dîner d’avant-
hier, notre déjeuner d’hier, notre dîner d’hier, tout
ça en une fois, ce matin. (VICTOR HUGO, Les
misérables, 1862)

Fait hypothétique dans la subordonnée

Conditionnel Seulement, j’avoue que ce serait bien agaçant


présent de mourir avant la fin de l’affaire
Dreyfus. (MARCEL PROUST, Sodome et
Gomorrhe, 1922)
Et vous m’avouerez que ce serait un comble,
non ? (DANIEL PENNAC, Au bonheur des ogres,
1985)

Conditionnel On raconte que c’est lui qui aurait mis le feu à la


passé bibliothèque royale. (GILBERT SINOUÉ, Avicenne
ou La route d’Ispahan, 1989)
Quand les garde-fous les liront, ils se diront
qu’ils auraient dû se méfier. (DANIEL RONDEAU,
J’écris parce que je chante mal, 2010)

2. Le verbe principal est au passé


Lorsque le verbe principal est au passé, le verbe subordonné se met
au temps demandé par le sens. Le verbe de la subordonnée se
met : à l’imparfait ou au passé simple, si les procès se passent en
même temps (simultanéité) ; au conditionnel présent ou au
conditionnel passé si le procès de la subordonnée se passe après
(postériorité) celui de la principale ; au plus-que-parfait ou au passé
antérieur, si le procès de la subordonnée se passe avant
(antériorité) celui de la principale.
Verbe principal au passé (passé composé, imparfait, passé simple,
etc.)

Simultanéité de la subordonnée

Imparfait Elle jeta la cigarette, se raconta qu’elle était


une vache, mugit pour s’en
persuader. (ALBERT COHEN, Belle du
Seigneur, 1968)

Passé simple Alexandra me raconta qu’ils décidèrent


d’expérimenter ce principe de
préférence. (JOËL DICKER, Le livre des
Baltimore, 2015)
Cette blessure fit qu’il fut plus d’un mois avec
la fièvre sans sortir. (VICTOR HUGO, Les
misérables, 1862)

Antériorité de la subordonnée

Plus-que-parfait Il me raconta qu’il avait dit aux ouvriers que


c’était peut-être de l’or. (BLAISE CENDRARS,
L’or, 1960)
Elle racontait qu’une enquête avait été
ouverte. (HEDWIGE JEANMART, Blanès, 2015)

Passé antérieur La Cigale ayant chanté. Tout l’été, Se trouva


fort dépourvue. Quand la bise fut
venue. (JEAN DE LA FONTAINE, La cigale et la
fourmi, 1668)

Postériorité de la subordonnée

Conditionnel présent Ils se dirent qu’ils seraient frères


toujours. (ÉRIC VUILLARD, Conquistadors,
2014)
Elle espérait qu’Anton ferait honneur à ce
repas. (LÉONORA MIANO, Ces âmes
chagrines, 2011)

Conditionnel passé Il réalisa tout de suite qu’il aurait dû s’habiller


plus chaudement. (BERNARD MINIER, Glacé,
2011)
Il faisait exactement ce que j’aurais fait à sa
place : il restait à l’ombre au frais. (YANN
MARTEL, L’histoire de Pi, 2001)
Remarques
1. Après un verbe principal au passé, on peut avoir le présent de l’indicatif
dans la subordonnée lorsque celle-ci exprime un fait vrai dans tous les
temps (une vérité générale) :
Un philosophe qui n’était pas assez moderne pour elle,
Leibnitz, a dit que le trajet est long de l’intelligence au
cœur. (MARCEL PROUST, Sodome et Gomorrhe, 1922)

Quelqu’un a dit que la révolution est le contraire de la


tristesse. (YANNICK HAENEL, Je cherche l’Italie, 2015)
2. Après un verbe principal au passé, on peut avoir dans la subordonnée un
temps dont il faut expliquer l’emploi en observant que le fait subordonné
est envisagé par rapport au moment où la phrase a été énoncée. Ainsi on
peut employer un futur simple au lieu d’un conditionnel lorsque l’action est
située après le moment de la prise de parole :
Je le sentais presque déçu de ne pas me revoir. Si bien que je
lui promis que je passerai plus tard prendre un café. (SERGE
JONCOUR, L’écrivain national, 2014)

Personne ne savait que Thérésa est une louve. (JEAN GIONO,


Le hussard sur le toit, 1951)
2. Verbe de la subordonnée au subjonctif

1. Dans la langue littéraire classique,


concordance à quatre temps
Dans la langue littéraire et recherchée, la concordance des temps
met en jeu les quatre temps du subjonctif.
1° Lorsque le verbe principal est au présent ou au futur, le verbe
subordonné se met : au subjonctif présent pour marquer la
simultanéité ou la postériorité ; au subjonctif passé pour marquer
l’antériorité.

LANGUE LITTÉRAIRE CLASSIQUE. Verbe principal au présent ou au futur

Simultanéité ou postériorité de la subordonnée = Subjonctif présent

Je ne suis pas certain qu’il m’ait immédiatement reconnu. (ANNE


CUNEO, Le maître de Garamond, 2002)
Vous aurez de mes nouvelles avant qu’il soit demain au
soir. (MOLIÈRE, Don Juan, 1665)

Antériorité de la subordonnée = Subjonctif passé composé

Il est possible aussi qu’il ait eu la fine blessure et qu’on l’ait


renvoyé dans ses foyers. (SÉBASTIEN JAPRISOT, Un long
dimanche de fiançailles, 1991)

2° Lorsque le verbe principal est à un temps du passé, le verbe


subordonné se met : au subjonctif imparfait pour marquer la
simultanéité ou la postériorité ; au subjonctif plus-que-parfait pour
marquer l’antériorité.
LANGUE LITTÉRAIRE CLASSIQUE. Verbe principal au passé

Simultanéité ou postériorité de la subordonnée = Subjonctif imparfait

Marianne embrassa Charles avant qu’il commençât son


repas (COMTESSE DE SÉGUR , Un bon petit diable, 1865)

Il jouait devant la maison en attendant que le grain


s’éloignât. (MOHAMMED DIB, La grande maison, 1952)

Antériorité de la subordonnée = Subjonctif plus-que-parfait

Bien que cette soirée eût été un minable fiasco, Zaza quelques
jours plus tard m’en remercia d’un ton ému. (SIMONE DE BEAUVOIR,
Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958)

Il se sentait soulagé que José eût tenu parole. (JÉRÔME FERRARI,


Dans le secret, 2012)

Derrière les contrevents clos, j’attendais que la pénombre


m’entraînât dans une sieste encombrée de songes. (GAËL FAYE, Il
faut tenter de vivre, 2015)
Remarques
1. Comme le mode subjonctif ne possède pas de futur, la postériorité est
exprimée au présent, comme la simultanéité.
2. Après un conditionnel présent dans la principale, quand le verbe de la
subordonnée doit être au subjonctif, il se met au présent ou à l’imparfait :
Il voudrait que cessent les gestes intrusifs de leur
bonté. (LYDIE SALVAYRE, BW, 2015)

Et je voudrais que cessât ce vacarme provenant à toute


heure de votre étage ! (KATHERINE PANCOL, La valse lente des
tortues, 2008)
3. Après un passé dans la principale, quand le verbe de la subordonnée est
au subjonctif, il se met au présent si la subordonnée exprime un fait
présent ou futur par rapport au moment où l’on est, ou encore si elle
exprime un fait vrai dans tous les temps :
Ma mère faisait très bien cela, il n’y avait aucune raison pour
que je ne sache pas le faire. (DANIEL PENNAC, La petite
marchande de prose, 1989)

2. Dans la langue courante,


concordance à deux temps
Le subjonctif imparfait ne s’emploie plus guère dans la langue
parlée, ni dans la langue écrite courante, sauf peut-être les deux
formes eût et fût.
D’une manière générale, on remplace le subjonctif imparfait par le
subjonctif présent ; quant au subjonctif plus-que-parfait, il est
souvent remplacé par le subjonctif passé composé.
LANGUE COURANTE. Verbe principal au présent ou au passé

Simultanéité ou postériorité de la subordonnée = Subjonctif présent

Elle ne pouvait plus se pointer nulle part sans qu’on sache


immédiatement qui elle était. (VIRGINIE DESPENTES, Apocalypse
bébé, 2010) (Dans la concordance classique, on aurait sans qu’on sût
immédiatement…)

Un jour, il a exigé que je lui fasse faire une dictée, pour me


prouver qu’il avait une bonne orthographe. (ANNIE ERNAUX, La
place, 1983) (Dans la concordance classique, on aurait que je lui fisse une
dictée…)

Il aurait voulu qu’Eurydice le rejoigne. (ALEXIS JENNI, L’art


français de la guerre, 2011) (Dans la concordance classique, on aurait
qu’Eurydice le rejoignît.)

Antériorité de la subordonnée = Subjonctif passé composé

Sophie a été surprise qu’il ait conservé cette relique. (PIERRE


LEMAITRE, Robe de marié, 2009) (Dans la concordance classique, on
aurait qu’il eût conservé cette relique.)

L’opération s’était bien passée, bien qu’il ait fallu lui enlever deux
côtes. (DELPHINE DE VIGAN, Rien ne s’oppose à la nuit, 2011) (Dans
la concordance classique, on aurait bien qu’il eût fallu…)

Je n’attendis même point qu’on ait rallumé dans la salle. (LOUIS-


FERDINAND CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1952) (Dans la
concordance classique, on aurait qu’on eût rallumé…)
CHAPITRE 6

Les subordonnées sans mot


introducteur : propositions
infinitives et participiales
1. Définition
2. Les propositions subordonnées infinitives
3. Les propositions subordonnées participiales
1. Définition
Certaines propositions subordonnées sont insérées dans la phrase
sans mot introducteur. Il s’agit de subordonnées construites avec un
verbe à l’infinitif ou avec un participe, passé ou présent.

“ Je voyais Odile danser le madison avec des veuves. (Y ASMINA


REZA, Heureux les heureux, 2013)

Le vieux scooter de Pablo ayant rendu l’âme à une dizaine de


kilomètres de leur destination, ils avaient dû terminer leur
périple à pied, en se lançant des noms d’oiseaux à la
figure. (GUILLAUME MUSSO, La fille de papier, 2010)


Le verbe de la subordonnée peut avoir un sujet différent de celui du
verbe principal.
“ Il entendit Blanche émettre un petit rire aussi léger qu’un
duvet. (THOMAS GUNZIG, Manuel de survie à l’usage des
incapables, 2013) (Le sujet du verbe émettre est Blanche.)

L’âge tendre aidant, je me rendormais presque


aussitôt. (DRISS CHRAÏBI, La Civilisation, ma Mère !..., 1972)
(Le sujet du participe présent aidant est l’âge tendre, et le sujet du verbe
principal est le pronom je.)


Le verbe de la proposition subordonnée peut avoir le même sujet
que le verbe principal. (› Gérondif)


En reprenantla direction abandonnée par la rivière
interrompue, François espérait couper le lit d’un de ses
affluents. (RENÉ BARJAVEL, Ravage, 1943) (Le sujet du verbe
principal espérait est identique au sujet non exprimé du verbe à l’infinitif couper ;
le sujet non exprimé du gérondif en reprenant est identique à celui du verbe
principal.)


2. Les propositions subordonnées
infinitives
L’infinitif est au centre de la proposition subordonnée : il a un sujet,
qui n’est pas toujours exprimé, et il peut être accompagné de
1
compléments. Sous l’influence de la grammaire latine , on a
longtemps considéré que le verbe à l’infinitif devait avoir un sujet
propre, différent de celui du verbe principal. En réalité, il n’y a pas de
raison d’exclure les propositions infinitives dont le sujet est identique
à celui du verbe principal.
La proposition infinitive remplit les mêmes fonctions que le groupe
nominal. (› Emplois de l’infinitif)

1. À fonction de sujet ou d’attribut


du sujet
La proposition infinitive employée comme sujet est en tête de
phrase ; elle est parfois reprise par ce, cela, ou par un nom de sens
général comme la chose, le fait, etc.


En reconstituer la trame imaginaire fait partie de mon
travail. (SIMON LIBERATI, Les rameaux noirs, 2017)

Toucher la bosse d’un bossu, celaporte bonheur. (AMÉLIE


NOTHOMB, Riquet à la houppe, 2016)


Comme attribut du sujet, elle suit le verbe :


Liquider n’est pas faire faillite, comprenez-vous? (HONORÉ DE
BALZAC, Eugénie Grandet, 1833)

Boire ce café semblait être absolument au-dessus de ses


forces. (MARCUS MALTE, Les harmoniques, 2011)


2. À fonction de complément
du présentatif ou d’un verbe
impersonnel
La proposition infinitive complément du présentatif suit simplement le
présentatif :

“ Voici mourir le Mai dans les dunes du Nord. (L


OUIS ARAGON, La
nuit de Dunkerque, 1942)


Elle peut être complément d’une construction ou d’un verbe
impersonnel, comme il faut, il (lui) arrive, il est honteux, il est
indispensable, etc.

Il faut faire ici un aveu que je n’ai fait à personne : je n’ai
jamais eu le sentiment d’appartenir complètement à aucun
lieu. (MARGUERITE YOURCENAR, Mémoires d’Hadrien, 1958)

Il m’arrive de toucher des visages pour déceler en eux les


traces de l’âme. (TAHAR BEN JELLOUN, L’enfant de sable,
1985)


3. À fonction de complément d’objet
direct ou indirect du verbe
Lorsque la proposition infinitive est complément d’objet direct ou
indirect du verbe, le sujet de l’infinitif est identique ou différent de
celui du verbe principal.

a) Avec un sujet propre


La proposition subordonnée à l’infinitif a un sujet propre lorsque le
verbe principal est un verbe de perception comme regarder, voir,
écouter, ouïr, entendre, sentir, emmener ou envoyer. Ce verbe
construit un complément d’objet direct qui est le sujet du verbe à
l’infinitif. Tantôt le sujet précède le verbe à l’infinitif (1), tantôt il le
suit (2) :
“ Madame Berthier avait emmené sa classe voir Le
Cid. (KATHERINE PANCOL, La valse lente des tortues, 2008)
(1)

Le baromètre chute brutalement, j’entends siffler la cime des


cèdres. (SYLVAIN TESSON, Dans les forêts de Sibérie, 2011)
(2)

Remarques
1. Quand la proposition infinitive dépend de faire, si le sujet de l’infinitif est
autre chose qu’un pronom personnel ou relatif, ce sujet se met après
l’infinitif. On nomme cette construction causative (ou factitive) car le sujet
du verbe faire représente la cause du procès décrit dans la subordonnée
infinitive :
La mère Louis faisait venir son vin de l’Auvergne. (ÉMILE
ZOLA, L’assommoir, 1876)
La pluie, ici, fait taire la campagne. (LAURENT GAUDÉ, Les
oliviers du Négus, 2013)
2. Quand la proposition infinitive dépend de faire, le sujet de l’infinitif peut
aussi être exprimé sous la forme d’un complément prépositionnel introduit
par à ou par.
Seulement voilà, comment faire avaler le verre par les
collègues ? (ALBERT COHEN, Belle du Seigneur, 1968)
Alors, Clotaire s’est levé et il a dit qu’il allait faire manger son
livre d’arithmétique à Agnan, ce qui était vraiment une drôle
d’idée. (RENÉ GOSCINNY, Le petit Nicolas, 1960)
Lorsque le sujet du verbe à l’infinitif est indéterminé (par ex.
quelqu’un, on), il n’est pas nécessairement exprimé.

“ Il a entendu parler d’Alexandre, de ses conquêtes, de sa


mort. (LAURENT GAUDÉ, Pour seul cortège, 2013)


Lorsque le verbe principal construit un complément d’objet direct
suivi d’un complément d’objet indirect (par ex. inviter quelqu’un à faire
quelque chose, décourager quelqu’un de faire quelque chose), la
proposition subordonnée infinitive complément d’objet indirect est
introduite par une préposition.

“ Des interlocuteurs plus curieux que les autres invitent Paul à


exposer sa doctrine devant l’Aréopage. (EMMANUEL CARRÈRE, Le
Royaume, 2014)


Remarques
1. La proposition infinitive complément d’objet direct peut être introduite par
la préposition à ou de. La préposition joue alors un simple rôle
d’introducteur du verbe.
Bruno apprend à Thalie à piloter la moto. (PHILIPPE JAENADA,
Sulak, 2013)
2. Une proposition subordonnée infinitive peut inclure une autre proposition
infinitive subordonnée. (› Prop. sub. complément d’objet direct)
Édith espère entendre Marcel lui pardonner. (ADRIEN BOSC,
Constellation, 2014)

b) Avec le même sujet que celui


du verbe principal
Pour les autres verbes, le sujet de l’infinitif est identique au sujet du
verbe principal.

“ Alors, toutes les étoiles, tu aimeras les regarder… (A NTOINE


DE SAINT-EXUPÉRY, Le petit prince, 1943)

Je n’ai jamais eu besoin d’apprendre à vivre. (ALBERT CAMUS,


La chute, 1953)


Certains verbes introduisant une subordonnée infinitive peuvent
également construire une subordonnée conjonctive introduite par
que : c’est le cas de aimer, désirer, espérer, penser, préférer, savoir,
souhaiter, vouloir,
etc. La proposition infinitive présente l’avantage de
dire la même chose en moins de mots.

“ J’espère des récits plus heureux. (TAHAR BEN


écrire
JELLOUN, L’enfant de sable, 1985) (À comparer à : J’espère que
j’écrirai des récits plus heureux.)


Dans le cas où la proposition subordonnée conjonctive introduite par
que serait ambigüe, la proposition infinitive présente l’avantage de
lever cette ambiguïté :


Il pensait qu’il allait le retrouver. (MICHEL BUSSI, Maman a
tort, 2015) (= Cette construction est ambigüe, car le pronom il peut renvoyer
au pronom il sujet du verbe principal, ou à un autre référent.)

Il pensait le retrouver. (= Cette construction n’est pas ambigüe : le sujet


du verbe à l’infinitif est nécessairement le même que le sujet du verbe principal.)


Remarque
Le cas des propositions subordonnées infinitives introduites par un verbe de
mouvement (courir, filer, etc.) est particulier : le sujet du verbe principal doit
être un agent animé (humain ou non) et le verbe à l’infinitif ne peut pas être
un autre verbe de mouvement, ni un verbe d’état (souffrir, être, etc.).
Je file enfiler mon maillot. (MICHEL BUSSI, Le temps est
assassin, 2016)

4. À fonction de complément
circonstanciel
Les constructions infinitives circonstancielles ont un sujet identique à
celui de la principale.
Subordonnée temporelle : avant de + infinitif ; après + infinitif
composé :

“ Tout s’enchaîne ensuite très vite : après avoir marché


lentement sur le front on se retrouve à marcher
silencieusement en ville. (MATHIAS ÉNARD, Zone, 2011)


Subordonnée causale pour + infinitif composé (qui correspond à
parce que + proposition subordonnée) :

Mon père est mort pour avoir essayé de décrocher la
lune. (TONINO BENACQUISTA, Malavita, 2004)


Subordonnée de but pour + infinitif :

“ Courons vite, pour rentrer avant qu’elle ne nous


voie. (COMTESSE DE SÉGUR, Les malheurs de Sophie, 1858)


Subordonnée de manière avec sans + infinitif :


Charles se remit donc au travail et prépara sans discontinuer
les matières de son examen, dont il apprit d’avance toutes
les questions par cœur. (GUSTAVE FLAUBERT, Madame
Bovary, 1857)


5. À fonction de complément
du nom ou de l’adjectif
Une proposition infinitive peut être complément d’un nom ou d’un
adjectif :

“ L’envie d’écrire était passée, l’envie de lire était intacte. (S


ORJ
CHALANDON, La légende de nos pères, 2009)

Gilles propose une nouvelle tournée, soucieux de faire


perdurer ce moment de gloire et la présence des
filles. (ALICE ZENITER, L’art de perdre, 2017)


3. Les propositions subordonnées
participiales
La proposition subordonnée participiale est formée d’un participe
présent ou passé, qui fonctionne comme un verbe et peut avoir des
compléments.

1. Avec un sujet propre


Le participe (présent ou passé) peut s’employer en construction
absolue avec un sujet qui lui est propre et qui n’a aucune fonction
dans la proposition principale ; il sert alors à former une proposition
à fonction de complément circonstanciel. Ce tour est considéré
comme littéraire :

“ Une fois Françoise partie et le mantelet réparé, il fallut que ma


grand-mère s’habillât (MARCEL PROUST, Le côté de
Guermantes, 1920)

La barque arrivant à portée de la voix,


Ludovic appela les
bateliers par des noms qui n’étaient pas les
leurs. (STENDHAL, La chartreuse de Parme, 1839)


2. Sans sujet exprimé
Si le sujet du participe n’est pas exprimé, il est supposé être
identique à celui du verbe principal de la phrase.

Une fois regardées, les photos sont rangées avec le linge
dans les armoires. (MARGUERITE DURAS, L’amant, 1984)

À la claire fontaine m’en allant promener, j’ai trouvé l’eau si belle


que je m’y suis baigné. (Chanson populaire)

Remarques
1. Lorsque le sujet de la proposition participiale n’est pas exprimé et qu’il est
différent du sujet du verbe principal de la phrase, on considère qu’il y a
une rupture dans la construction syntaxique (anacoluthe). Cet usage n’est
pas recommandé.
Connaissant votre générosité, ma demande ne saurait être mal
reçue.
Ayant bien récité ma leçon, le professeur m’a attribué la meilleure
note.
En attendant votre réponse, veuillez croire à mes sentiments les
meilleurs.
2. Dans quelques phrases figées, on trouve le gérondif se rapportant à un
élément autre que le sujet du verbe principal, selon un usage fréquent
autrefois : (› Phrase figée)
La fortune vient en dormant. (Proverbe)

L’appétit vient en mangeant. (Proverbe)

3. En apposition
La construction participiale est apposée lorsqu’elle dépend d’un
groupe nominal (ou d’un pronom) et qu’elle le spécifie. Le sujet du
participe, non exprimé, a le même référent que ce nom.
(› Apposition)

“ Débordant d’un lit onirique dont les rives n’étaient plus que
nébuleuses, le sommeil, torrent brumeux, se déversa en
lui. (JEAN-BAPTISTE DEL AMO, Une éducation libertine, 2008)

Dépassé par la situation et désarçonné par chacune de ses


bonnes réponses, je me laissais emporter sans prendre
conscience que mon interrogatoire tournait au
harcèlement. (GUILLAUME MUSSO, La fille de papier, 2010)


Les propositions participiales sont proches des subordonnées
circonstancielles : elles sont effaçables et peuvent exprimer les
valeurs temporelles, causales ou conditionnelles. La valeur
temporelle peut être soulignée par une fois, dès, aussitôt, à peine,
etc. (› Prop. subord. circonstancielles)

“ Le père mort, les fils vous retournent le champ. (J


EAN DE LA
FONTAINE, Le laboureur et ses enfants, 1668)

elle se ragaillardit
Une fois cette idée ancrée dans son esprit,
considérablement. (ROMAIN GARY, La promesse de l’aube,
1960)


Remarque
La proposition participiale dont le verbe est un participe composé (ayant bu,
ayant été bu) peut subir l’effacement du verbe être. Il s’agit alors d’une
proposition elliptique.
L’onde [étant] tiède, on lava les pieds des voyageurs. (JEAN
DE LA FONTAINE, Philémon et Baucis, 1678)

Le café [étant, ayant été] bu, j’ai sorti mon carnet. (EMMANUEL
CARRÈRE, D’autres vies que la mienne, 2010)
PARTIE 6

Au-delà de la phrase

CHAPITRE 1
Les phrases juxtaposées et coordonnées

CHAPITRE 2
Le discours rapporté
CHAPITRE 1

Les phrases juxtaposées


et coordonnées
1. Les phrases juxtaposées
2. Les phrases coordonnées
3. Les phrases en incise et les incidentes

Les phrases se combinent pour former des textes. Dans ce chapitre,


nous envisageons les modes de combinaison suivants : la
juxtaposition de phrases, la coordination de phrases et les phrases
insérées dans d’autres phrases (incises et incidentes).

“ Un jour, j’étais âgée déjà [= phrase insérée], dans le hall d’un


lieu public, un homme est venu vers moi. Il s’est fait
connaître et [= coordination] il m’a dit : « Je vous connais
depuis toujours. Tout le monde dit que vous étiez belle
lorsque vous étiez jeune, je suis venu pour vous dire que
pour moi je vous trouve plus belle maintenant que lorsque
vous étiez jeune, j’aimais moins votre visage de jeune
femme que celui que vous avez maintenant, dévasté
[= plusieurs phrases juxtaposées séparées par des
virgules]. » (MARGUERITE DURAS, L’amant, 1984)


Remarque
La grammaire traditionnelle limite l’étude de la coordination aux propositions
rassemblées dans une seule phrase délimitée par un point. Cependant,
certaines conjonctions de coordination, comme en outre ou par conséquent,
s’emploient presque exclusivement entre deux phrases successives.
1. Les phrases juxtaposées
Sont dites juxtaposées les propositions de même nature (principales
ou subordonnées) qui ne sont reliées entre elles par aucune
conjonction. Elles sont le plus souvent séparées par une virgule ou
par un point-virgule :


Son sourire avait disparu, il regardait à travers moi comme
si j’étais transparente. Il tira sur sa pipe, elle s’était
éteinte. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, La valse des arbres et
du ciel, 2016)

Fin avril, je veux que nous allions à Rome, que tu réserves


une chambre au Farnese pour fêter nos treize ans de
rencontre. (NELLY ALARD, Moment d’un couple, 2013)


En l’absence de conjonction de coordination entre les deux
propositions, aucune indication n’est donnée sur leur relation.
Lorsqu’une phrase ajoute de l’information en lien avec l’information
fournie dans la phrase précédente, il s’agit d’une simple addition
(juxtaposition coordonnante) :

Quelque part encore à cette heure, les vieux trucks
immobiles attendent, le bateau bleu pourrit sur ses
cales. (CATHERINE POULAIN, Le grand marin, 2016)


Cependant, il est fréquent qu’on interprète les phrases juxtaposées
selon une relation plus spécifique, telle que la cause, la temporalité
ou la conséquence. La parataxe (ou juxtaposition
subordonnante) consiste à disposer côte à côte deux propositions
en marquant par l’intonation ou par la ponctuation le rapport qui les
unit. Ce rapport peut être explicité en insérant une conjonction entre
les propositions :

Albe vous a nommé, je ne vous connais plus. (PIERRE
CORNEILLE, Horace, 1640) (= [Depuis que / puisque] Albe vous a
nommé, je ne vous connais plus : relation temporelle ou causale.)

Il pouvait tout garder, il avait tout rendu. (VICTOR HUGO, Les


misérables, 1862) (= Il pouvait tout garder, [mais] il avait tout rendu :
relation d’opposition.)

Impossible de prévoir quoi que ce soit aujourd’hui, Thomas


Rémige est d’astreinte, la réa peut l’appeler à n’importe quel
moment durant ces vingt-quatre heures, c’est le
principe. (MAYLIS DE KERANGAL, Réparer les vivants, 2014)
(= Impossible de prévoir quoi que ce soit aujourd’hui, [en effet / parce que]
Thomas Rémige est d’astreinte, [donc] la réa peut l’appeler à n’importe quel
moment durant ces vingt-quatre heures, [en effet] c’est le principe : relations de
cause et de conséquence.)

Je hais les portes, elles m’épuisent. (PHILIPPE DJIAN, Chéri-


Chéri, 2014) (= Je hais les portes, [en effet / parce que] elles m’épuisent :
relation causale.)


2. Les phrases coordonnées
Sont dites coordonnées les phrases de même nature qui sont liées
entre elles par une conjonction de coordination. La conjonction
permet de rendre clairement la relation entre les phrases
coordonnées. (› Conjonctions de coordination)
Les conjonctions et les locutions conjonctives indiquant la
coordination sont extrêmement nombreuses. Certains adverbes,
comme cependant, enfin ou pourtant, sont employés comme
conjonctions : lorsqu’ils sont placés en tête d’une phrase, ils relient
cette phrase à celle qui précède et indiquent quelle relation les
unit. On nomme connecteurs de discours ces petits mots
(conjonctions, adverbes, locutions prépositionnelles, expressions
verbales, etc.) qui indiquent une relation entre deux segments et
contribuent à l’interprétation cohérente du discours.
Les principales relations encodées par les conjonctions (ou les
connecteurs de discours) sont les suivantes.

1. Addition
Dans la relation d’addition, la seconde proposition ajoute une
information, en lien avec l’information dans la première proposition.

Addition et, ni, aussi, en outre, de plus, etc.


“ Magali boit du champagne, elle accueille les félicitations
avec bonheur et elle savoure le plaisir de se sentir à sa
place dans un monde qu’elle comprend et qu’elle n’a plus
besoin d’aimer. (JÉRÔME FERRARI, Un dieu un animal, 2011)

Vous savez comme elle est aimable, de plus elle vous aime
énormément. (MARCEL PROUST, Le côté de Guermantes,
1920)


Remarques
1. La conjonction et est flexible : elle peut unir deux propositions entre
lesquelles il existe une relation de temps, de contraste, de
conséquence, etc.
On est soi-même l’artisan de son bonheur et on est parfois
aussi le principal obstacle à son bonheur. (KATHERINE PANCOL,
Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi, 2010)
(Relation de contraste : et = mais.)

Il la poussa hors du lit, et elle tomba à terre, resta ridiculement


assise, les pans de sa robe écartés découvrant ses cuisses
entrouvertes. (ALBERT COHEN, Belle du Seigneur, 1968)
(Relation de succession temporelle : et = et puis.)

Juste avant d’arriver dans l’immeuble il avait commencé à


pleuvoir et le chemisier blanc de Pastora lui collait sur les
seins. (HUBERT ANTOINE, Danse de la vie brève, 2015) (Relation
de conséquence : et = alors.)
2. La locution en outre s’utilise plutôt entre deux phrases séparées par un
point.
Je tenais à mes parents, et dans ces lieux où nous avions été
si unis, nos malentendus m’étaient encore plus douloureux
qu’à Paris. En outre j’étais désœuvrée ; je n’avais pu me
procurer qu’un petit nombre de livres. (SIMONE DE BEAUVOIR,
Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958)

2. Disjonction
La relation de disjonction indique que deux propositions s’excluent
l’une l’autre, ou forment une alternative.

Disjonction ou, ou bien


“ Elle ferme les yeux, et elle dort, ou elle fait semblant de
dormir. (JEAN-MICHEL GUENASSIA, De l’influence de David
Bowie sur la destinée des jeunes filles, 2017)

Étais-je encore au Japon, ou bien étais-je déjà rentré en


Europe, ayant moi aussi avancé mon retour ? (JEAN-PHILIPPE
TOUSSAINT, La vérité du Marie, 2009)


3. Contraste
On a une relation de contraste (ou adversative) lorsque deux
propositions sont mises en opposition l’une avec l’autre.

Contraste mais, au contraire, cependant,


(relation adversative) toutefois, néanmoins, nonobstant, etc.


Il faisait bon mais j’étais glacée. (PHILIPPE DJIAN, Dispersez-
vous, ralliez-vous !, 2017)

Il participe, toutefois sa concentration laisse à


désirer. (MARCUS MALTE, Le garçon, 2016)


Remarque
Les connecteurs cependant, toutefois, néanmoins et nonobstant s’emploient
plutôt entre deux phrases :
Je vivais comme chez nous, à Paris, mais sans Félix.
Cependant, le soulagement tant espéré ne venait pas. Aucun
poids en moins sur la poitrine, aucun sentiment de
libération. (AGNÈS MARTIN-LUGAND, Les gens heureux lisent
et boivent du café, 2013)

Ils trouvent un boui-boui sympathique où échouer – mais,


hélas ! la dernière table disponible est tout près des toilettes ;
il y a beaucoup de va-et-vient à cet endroit, et la plupart des
usagers laissent la porte ouverte. Nonobstant, Rena choisit
ce moment pour reprendre la conversation de tout à l’heure
sur l’immortalité de l’âme. (NANCY HUSTON, Infrarouge, 2012)

4. Cause
On a une relation causale quand le fait exprimé par la seconde
proposition est la cause du fait exprimé par la première, ou quand la
seconde proposition est utilisée pour justifier la première.

Cause (ou car, en effet, etc.


justification)
“ On avait envie de se blottir les uns contre les autres, car il
faisait maintenant presque froid. (SERGE BRAMLY, Orchidée
fixe, 2012)

Je suis allergique à l’automne, car ensuite vient l’hiver et


que je n’ai pas besoin de l’hiver. (FRÉDÉRIC BEIGBEDER, Une
vie sans fin, 2017)

Emma poussa un cri et tomba roide par terre, à la renverse.


En effet, Rodolphe, après bien des réflexions, s’était décidé à
partir pour Rouen. (GUSTAVE FLAUBERT, Madame Bovary,
1857)


5. Conséquence
On a une relation de conséquence quand le fait exprimé par la
seconde proposition est la conséquence du fait exprimé par la
première.

Conséquence donc, par conséquent, etc.


(ou conclusion)

Je tweete donc j’existe. (LAURENT BINET, Rien ne se passe
comme prévu, 2012)

Joséphine Baker n’était pas à Paris pendant la guerre… Par


conséquent, vous ne pouvez pas l’avoir rencontrée
naguère ! (OLIVIER BOURDEAUT, En attendant Bojangles,
2015)


La conjonction donc peut aussi introduire une proposition dans
laquelle le locuteur énonce une conclusion qu’il tire de la
proposition précédente.


Or, le coffre était trop petit pour contenir un cadavre, donc il
contenait de l’argent. (VICTOR HUGO, Les misérables, 1862)
(Donc = j’en conclus que.)

Un homme au courant de ce détail a pu entrer et verser le


poison dans les bouteilles. Dans deux bouteilles. Donc on
visait spécialement les consommateurs de pernod et de
calvados. (GEORGES SIMENON, Le chien jaune, 1931) (Donc
= j’en conclus que.)


6. Temporalité
On a une relation temporelle lorsque les faits de la deuxième
proposition précèdent, succèdent ou se déroulent simultanément
aux faits de la première proposition.

Temporalité puis, ensuite, enfin, après, en même temps, etc.

Les connecteurs temporels se combinent souvent avec la


conjonction et : et puis, et ensuite, et après, et en même temps, etc.

“ L’individu porta un nombre remarquable de bouteilles d’eau.


il s’en alla aussitôt. (AMÉLIE NOTHOMB, Riquet à la
Et puis
houppe, 2016)

Tu crois vraiment que c’est comme ça qu’on pêche ? il


aboie. On fait nos huit heures et ensuite on rentre, les pieds
sous la table et la télévision ? (CATHERINE POULAIN, Le grand
marin, 2016)

Tu me manquais – et en même temps j’étais content. N’est-ce


pas curieux ? (SAMUEL BECKETT, En attendant Godot, 1952)


Remarque
Les locutions ou les connecteurs à valeur temporelle prennent fréquemment
une valeur argumentative :
Elle y consacre la plus grande partie de ses journées. Sinon,
elle lit. Et puis elle écrit. Enfin, plus maintenant. (LAURENT
MAUVIGNIER, Continuer, 2016) (= Et d’autre part elle écrit.)

D’abord vous n’êtes pas mort, et ensuite vous n’êtes pas


Windsor. (DANY LAFERRIÈRE, L’énigme du retour, 2009) (= D’une
part… d’autre part.)

Je lui ai relaté les événements. Enfin je veux dire la version


officielle minimale. (YASMINA REZA, Babylone, 2016)
(= Reformulation.)
3. Les phrases en incise et les incidentes
Une phrase vient s’insérer dans une autre phrase, par rapport à
laquelle elle fonctionne de manière relativement autonome. Il s’agit
d’une incise (par ex. dit-il) ou d’une incidence (par ex. on s’en doute).

1. Les phrases en incise


On appelle incise une proposition généralement courte, intercalée
dans la phrase ou ajoutée à la fin de celle-ci – mais sans avoir avec
elle aucun lien grammatical –, et indiquant qu’on rapporte les
paroles de quelqu’un :

“ Quel est donc, disaient les cinq rois, cet homme qui est en
état de donner cent fois autant que chacun de nous, et qui
le donne ? (VOLTAIRE, Candide ou L’optimisme, 1759)

Comment s’appelle votre grand-père ? reprit-il d’une voix


moins hostile. (CATHERINE CUSSET, Indigo, 2013)


À l’écrit, l’incise est rendue visible par la ponctuation : elle se place
entre deux virgules, entre deux tirets ou entre parenthèses. À l’oral,
l’incise est détachée par des pauses et une intonation parfois basse
ou monotone.
L’ordre des mots dans l’incise présente une inversion du verbe et du
sujet ; dans un style familier, si on souhaite éviter l’inversion, le sujet
précède le verbe et le lien avec le discours rapporté est marqué par
que. (› Discours rapporté)

“ Le maréchal des logis Barousse vient d’être tué, mon


colonel, qu’il dit tout d’un trait. (LOUIS-FERDINAND CÉLINE,
Voyage au bout de la nuit, 1952)


L’incise typique est courte (répondit-il), mais peut s’agrémenter de
compléments qui précisent la manière dont sont prononcées les
paroles :

“ – Non, bien sûr que non ! répondirent-ils comme un seul


homme. (JOËL DICKER, La vérité sur l’affaire Harry
Quebert, 2014)

– Il va bien ? demanda timidement Joséphine. (KATHERINE


PANCOL, Les écureuils de Central Park sont tristes le
lundi, 2010)


D’un point de vue syntaxique, on peut considérer le verbe de l’incise
comme principal et ayant pour complément les paroles rapportées :
“ Il dit : « Ne pleurez point : Trois jours au plus rendront mon
âme satisfaite. » (JEAN DE LA FONTAINE, Les deux pigeons,
1678)


Cependant, du point de vue de l’apport informationnel de la phrase,
c’est l’inverse : les paroles rapportées constituent l’élément de
premier plan, l’incise visant à identifier la source du discours
rapporté.

Remarque
Dans certains cas, l’incise prend une ampleur inhabituelle, visant à mettre au
premier plan le commentaire énonciatif. (› Phrases incidentes)
Précisément, me dit-il tout à coup comme si la cause était
jugée et après m’avoir laissé bafouiller en face des yeux
immobiles qui ne me quittaient pas un instant, j’ai le fils
d’un de mes amis qui, mutatis mutandis, est comme vous (et il
prit pour parler de nos dispositions communes le même ton
rassurant que si elles avaient été des dispositions non pas à
la littérature, mais au rhumatisme et s’il avait voulu me
montrer qu’on n’en mourait pas). (MARCEL PROUST, À l’ombre
des jeunes filles en fleurs, 1919) (La parenthèse constitue une
proposition incidente.)

Les verbes en incise sont principalement les verbes du dire (dire,


répondre, s’écrier, expliquer, admettre, faire) parfois avec un sens
additionnel (continuer, répéter, s’étonner, etc.) ; et des verbes de
connaissance (apprendre, estimer, croire, etc.).

“ – À ce stade, c’est difficile à dire, admit Ziegler avec un œil noir


en direction du juge. (BERNARD MINIER, Glacé, 2011)

Tu ne sais même pas ce que tu veux, aboya-t-il. (PHILIPPE


DJIAN, Marlène, 2017)


2. Les phrases incidentes
Une phrase incidente est insérée comme une incise (avec les
mêmes propriétés de ponctuation ou d’intonation), mais il s’agit
d’une phrase complète. La phrase incidente comporte souvent un
pronom (le, ceci) ou un adverbe (ainsi) renvoyant au reste de
l’énoncé.
“ À l’intérieur de la pièce attenante – on le devine – un corps gît
dans un cercueil. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, La tectonique
des sentiments, 2008)

« Il », on s’en doute, c’est Dieu, et Paul prie nuit et jour pour


qu’Il veuille bien faire voir à ses correspondants quelle
espérance leur ouvre Son appel. (EMMANUEL CARRÈRE, Le
Royaume, 2014)


La phrase incidente marque une intervention personnelle de celui
qui parle ou qui écrit, destinée à apprécier, à appuyer, à atténuer, à
rectifier, à exprimer une émotion, etc. En d’autres mots, elle est un
commentaire sur l’énonciation.
“ Il soulevait et soutenait parfois d’énormes poids sur son
dos, et remplaçait dans l’occasion cet instrument qu’on
appelle cric et qu’on appelait jadis orgueil, d’où a pris nom,
soit dit en passant, la rue Montorgueil près des halles de
Paris. (VICTOR HUGO, Les misérables, 1862)

Et même, tenez-vous bien, elle le condamna à la peine de


mort ! (MARC BRESSANT, La citerne, 2009)

Avec l’âge, je le répète, mon pouvoir de rêverie s’était


amélioré. (SIMON LIBERATI, Eva, 2015)


Remarque
La phrase incidente peut être non verbale, formée par exemple d’un adverbe,
d’une interjection ou d’une locution sans verbe.
Un autre témoin, heureusement, a aperçu l’enfant. (ARMEL
JOB, Tu ne jugeras point, 2009)

Je n’ai pas, Dieu merci, les inclinations fort patibulaires ; et,


parmi mes confrères que je vois se mêler de beaucoup de
petits commerces, je sais tirer adroitement mon épingle du
jeu. (MOLIÈRE, L’avare, 1668)

Mais M. Lanternau ne regardait pas l’île, il regardait papa, et,


quelle drôle d’idée, il a tenu absolument à lui raconter ce
qu’il avait mangé dans un restaurant avant de partir en
vacances. (RENÉ GOSCINNY, Les vacances du petit Nicolas,
1962)

Elle s’en voulut toute sa vie de s’être dérobée à l’amour


maternel pendant quelques semaines ou quelques mois, je
ne sais au juste, et son erreur, à mon avis, fut de ne rien
laisser ignorer à sa fille du sentiment pénible qui la rongeait
de lui avoir manqué gravement. (MARIE NDIAYE, La Cheffe,
roman d’une cuisinière, 2016)
CHAPITRE 2

Le discours rapporté
1. Définition
2. Le discours direct
3. Le discours indirect
4. Le discours indirect libre
1. Définition
Lorsqu’on rapporte les paroles d’autrui et qu’on les intègre à son
propre discours, il s’agit d’un discours rapporté. Ces paroles peuvent
avoir été réellement tenues par autrui ou elles peuvent lui être
attribuées ; un locuteur peut également rapporter ses propres
paroles telles qu’il les a tenues antérieurement.

“ Le commissaire me rassura et déclara que je pourrais repartir


avec Jérémie, mais je devais avertir le garçon qu’ici, entre ces
murs, on ne voulait plus entendre parler de lui. (PHILIPPE DJIAN,
Impardonnables, 2009)

Alors je me suis mis à pleurer, j’ai dit que ce n’était pas juste
et que je quitterais l’école et qu’on me regretterait bien. (RENÉ
GOSCINNY, Le petit Nicolas, 1960)


Le discours rapporté est narrativisé quand il est résumé par un verbe
de parole, et qu’il prend place dans le récit sans aucune
démarcation.
“ D’abord la mère et le fils se disputèrent la parole pour raconter
les détails à la duchesse, qui dans ses réponses eut grand soin de
ne mettre en avant aucune idée. (STENDHAL, La chartreuse de
Parme, 1839)

Sur le seuil de la maison de Dieu, les deux hommes


conversèrent encore un peu. (GILBERT SINOUÉ, Avicenne ou
La route d’Ispahan, 1989)


2. Le discours direct
Le discours (ou style) direct consiste à rapporter, en les citant
textuellement, les paroles ou les pensées prononcées par quelqu’un
ou attribuées à quelqu’un. C’est la forme de discours rapporté qui se
présente comme la plus fidèle ; cependant, le discours rapporté au
style direct est toujours une construction (dans la fiction) ou une
reconstruction (dans le discours journalistique, par exemple), dans la
mesure où l’on ne rapporte pas littéralement tous les aspects du
discours réellement tenu, tels que les hésitations, les répétitions, les
interruptions, etc.
Le discours direct est visuellement démarqué par des signes de
ponctuation : il est encadré par des guillemets ou, en cas de
dialogue suivi, chaque réplique est introduite par un tiret long (ou
tiret cadratin). Le discours direct est généralement introduit par une
phrase en incise, composée d’un verbe de parole (déclarer, dire,
répondre, etc.), d’un sujet renvoyant au locuteur (il, je, etc.), et parfois
d’un commentaire de l’énonciateur (sans états d’âme, lentement, etc.).
(› Guillemets, › Tiret, › Incises)

Le professeur Bestombes, mis au courant de ce projet, s’y
déclara particulièrement favorable. Il donna même une
interview à cette occasion et le même jour aux envoyés d’un
grand « Illustré national » qui nous photographia tous
ensemble sur le perron de l’hôpital aux côtés de la belle
sociétaire. « C’est le plus haut devoir des poètes, pendant
les heures tragiques que nous traversons, déclara le
professeur Bestombes, qui n’en ratait pas une, de nous
redonner le goût de l’Épopée ! » (LOUIS-FERDINAND CÉLINE,
Voyage au bout de la nuit, 1952)

C’est alors qu’elle dit : « C’est drôle qu’on se soit retrouvés.


Samedi soir je fais une grande soirée pour mon
anniversaire. Ça serait bien que tu viennes.
—…
— Tu es là ?
— Euh… non… non, malheureusement samedi, je ne suis
pas là… je pars aux États-Unis avec ma fille… » (DAVID
FOENKINOS, Je vais mieux, 2013)


Le discours direct fait usage de marques qui renvoient directement
aux participants et à la situation qui est rapportée (je, tu, ma fille,
samedi soir, etc.). Les temps sont choisis en fonction du moment de
la parole : le présent correspond au présent de l’énonciation.
3. Le discours indirect
Le discours (ou style) indirect consiste à rapporter les paroles ou les
pensées de quelqu’un, non plus en les citant textuellement comme
dans le style direct, mais en les subordonnant à un verbe principal
du type dire (il répondit que, elle affirma que, ils demandèrent si, etc.) :


Dans le cimetière, des maçons construisaient à la hâte un
petit caveau à deux places. Je demandai à mon oncle
pourquoi on ne mettait pas papa et maman dans son immense
caveau à lui. Il me répondit que lui seul aurait à subir cette
honte. (JÉRÔME FERRARI, Dans le secret, 2012)


1. Les verbes introducteurs
Les verbes introducteurs du discours direct peuvent être neutres
(dire que, rapporter que) ou indiquer un jugement du locuteur qui
rapporte les paroles d’autrui (se plaindre que, douter si, prétendre
que, etc.)
“ Pas plus tard qu’hier, j’ai eu une prise de bec avec un père,
un banquier bardé de diplômes et de décorations, qui se
plaignait que son fils n’ait que quatorze de moyenne. (KATHERINE
PANCOL, La valse lente des tortues, 2008)

Quand je circulais, des dames me harponnaient aussitôt en


gloussant qu’elles m’avaient vue à la télévision. (AMÉLIE
NOTHOMB, Pétronille, 2014)

Bon, je continue : Ahmed est né un jour ensoleillé. Son père


prétend que le ciel était couvert ce matin-là, et que ce fut Ahmed
qui apporta la lumière dans le ciel. Admettons ! (TAHAR BEN
JELLOUN, L’enfant de sable, 1986)


2. Les modifications syntaxiques
La subordination du discours rapporté à un verbe provoque des
modifications qui dépendent du type de phrase. Au style indirect,
la phrase déclarative est introduite par un verbe de dire suivi de
que (1) ; elle forme une subordonnée conjonctive complément du
verbe ;
la phrase interrogative totale est introduite par un verbe
exprimant l’interrogation suivi de si (2) ; la phrase interrogative
partielle est introduite par le mot interrogatif utilisé au style direct
(pourquoi, comment, qui, etc.) (3) ;
la phrase injonctive est introduite par un verbe d’ordre suivi d’une
subordonnée introduite par que (4) ou d’une subordonnée
infinitive (5) ;
la phrase exclamative est rare au style indirect ; elle peut être
introduite par comme (6).

“ Comme je disais que j’étais heureux de la revoir, elle parut


surprise ; et quand j’expliquai que j’étais le Dr Hampstadt et
que nous nous étions rencontrés la veille, elle répliqua que je
ne devrais pas parler ainsi. (BERNARD QUIRINY, Histoires
assassines, 2017) (1)

J’ignore si l’on déguste des merguez au paradis. (YANN MOIX,


Naissance, 2013) (2)

Tu me demandes pourquoi je me suis mis à écrire avec tant


de rage à bord de cette maison sur pilotis. (ÉRIC FAYE,
L’homme sans empreintes, 2008) (3)

Tandis que la voiture longeait la Seine, il ordonnait que l’on


s’arrêtât. (JEAN-BAPTISTE DEL AMO, Une éducation
libertine, 2008) (4)

Sans explication, père t’a ordonné de ranger le bijou de ta


mère. (CAROLE MARTINEZ, La terre qui penche, 2015) (5)

Étonnant comme parfois on prend des résolutions, on se dit que


tout sera ainsi dorénavant, et il suffit d’un mouvement infime
des lèvres pour casser l’assurance d’une certitude qui
paraissait éternelle. (DAVID FOENKINOS, La délicatesse, 2012)
(6)


3. Les changements de temps,
de mode et de personne
La transposition du discours direct en discours indirect impose
certains changements de mode, de temps et de personne.

a) Le mode
L’impératif est remplacé par le subjonctif, ou plus souvent par
l’infinitif ; les autres modes ne subissent pas de changement. Ainsi,
l’impératif Pars ! devient au style indirect :


Il souhaite que je parte samedi par le vol Air China de
13 h 40. (SERGE BRAMLY, Le premier principe, le second
principe, 2008)

Il m’a donné une petite auto et puis il m’a dit de partir. (RENÉ
GOSCINNY, Le petit Nicolas, 1960)


b) Le temps
Si la phrase introductive est au présent ou au futur, aucun
changement n’a lieu quant à l’emploi des temps. Si la phrase
introductive est au passé, le discours indirect emploie l’imparfait ou
le passé simple, le plus-que-parfait ou le conditionnel, conformément
à la concordance des temps.
Rapport entre le Verbe principal Verbe principal au passé
temps au présent (passé composé,
de la principale imparfait, passé
et de la subordonn simple, etc.)
ée

Simultanéité Présent Imparfait ou passé simple


Philippe dit qu’il Elle disait qu’elle
m’aime et il dort avec voulait son
une autre ? (KATHERINE duvet. (VIRGINIE
PANCOL, Les écureuils DESPENTES, Vernon
de Central Park sont Subutex 2, 2015)
tristes le lundi, 2010)

Antériorité Passé composé, passé Plus-que-parfait


simple, imparfait Je lui ai dit que j’avais
Elle dit qu’elle a vu vu Lambert sur
le diable. (VÉRONIQUE la tombe. (CLAUDIE
OLMI, Bakhita, 2017) GALLAY, Les
déferlantes, 2011)
On dit qu’elle alla voir
sa cousine, après la
rencontre avec
l’ange. (LÉONORA MIANO,
Crépuscule
du tourment, 2016)

Postériorité Futur simple Conditionnel présent


ou antérieur ou passé
Lili dit qu’il vous Il disait que, sans toi,
faudra la faire il aurait fini dans la
réchauffer sur rue. (JOËL DICKER, Le
le gaz. (CLAUDIE GALLAY, livre des Baltimore,
Les déferlantes, 2015)
2011)

Remarques
1. Un présent peut être conservé dans le discours indirect pour exprimer une
vérité générale ou si le locuteur prend à son compte le discours rapporté :
Qui donc disait que la poésie s’arrête où dans les vers
apparaît l’inversion ? (LOUIS ARAGON, Le crève-cœur, 1941)

C’est pour ça que je disais que tu es un peu


injuste. (MOHAMMED DIB, La grande maison, 1952)
2. On peut garder un futur dans le discours indirect s’il marque une
postériorité par rapport au moment où le discours est rapporté :
Il a dit que Godot viendra sûrement demain. (SAMUEL
BECKETT, En attendant Godot, 1952)

c) La personne
re e e
La 1 et la 2 personne sont remplacées par la 3 personne si on
rapporte les propos d’une tierce personne en son absence et en
l’absence de son allocutaire : Je te comprends. → [Elle a dit] qu’elle le
comprenait.
re
On a cependant la 1 personne quand le narrateur rapporte des
paroles qui le concernent lui-même ou qui concernent le groupe dont
il fait partie : [J'ai dit] que je le comprenais.
On a la 2e personne quand le narrateur rapporte des paroles qui
concernent celui ou ceux à qui il les rapporte : [Tu as dis] que tu le
comprenais.
4. Le discours indirect libre
Parfois les propositions du discours indirect, au lieu d’être
subordonnées à un verbe déclaratif, se présentent sans verbe
introductif et sans que subordonnant, le verbe de dire étant
implicitement contenu dans ce qui précède : c’est le style indirect
libre.


Lorsqu’elle tournait ses clés dans la serrure, la voisine ouvrit
son volet et lui cria :
— L’abbé vous a cherchée. Il est venu deux fois.
— Ah bon ? Merci de me le dire. Je vais à la cure.
— Je pense que vous ne le trouverez pas. Une voiture l’a
emmené tout à l’heure.
Une voiture ? Non seulement l’abbé ne conduisait pas mais il ne
(ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT,
possédait évidemment pas de voiture.
Concerto à la mémoire d’un ange, 2010)


Remarque
Le plus souvent, le style direct, le style indirect, le style indirect libre et le
discours rapporté narrativisé alternent dans les textes.
Elle s’est alors mise à parler de son fils [= discours rapporté
narrativisé]. Un fils unique, et ça l’attristait. Elle aurait voulu
avoir un deuxième enfant. Mais bon, elle avait divorcé et
n’était pas en couple pour le moment [= style indirect libre].
C’était exactement ce que j’avais imaginé de sa vie, pensai-je
en passant. Elle a continué à évoquer son fils, mais je ne
l’écoutais pas vraiment [= discours rapporté
narrativisé]. (DAVID FOENKINOS, Je vais mieux, 2013)
PARTIE 7

Annexes

CHAPITRE 1
Nouvelle orthographe

CHAPITRE 2
Féminisation

CHAPITRE 3
Tableaux de conjugaison
CHAPITRE 1

Nouvelle orthographe
1. Les rectifications de l’orthographe de 1990
2. Règles modifiées
3. Recommandations pour la création de mots nouveaux
4. Graphies particulières fixées ou modifiées
1. Les rectifications de l’orthographe
de 1990
Le 6 décembre 1990, le Journal officiel de la République française
publiait, sous le titre Les rectifications de l’orthographe, les
propositions du Conseil supérieur de la langue française, mis en
place par le Premier ministre, relatives à une harmonisation de
quelques règles de l’orthographe française.
1
Ces recommandations peuvent être appliquées par tous les
usagers de la langue et l’Académie précise qu’« aucune des deux
graphies [ni l’ancienne ni la nouvelle] ne peut être tenue pour
fautive ».
Ces propositions sont présentées sous forme :
de sept règles d’application générale ;
de recommandations à suivre lors de la création de mots
nouveaux ;
de modifications de graphies particulières (mots composés, mots
étrangers, anomalies).
2. Règles modifiées

1. Trait d’union pour les numéraux


On lie par des traits d’union les numéraux formant un nombre
complexe à l’exception de million et milliard qui sont des noms
(› Trait d’union) :

Ancienne orthographe Nouvelle orthographe

vingt-quatre vingt-quatre (inchangé)


quarante et un quarante-et-un
sept-cent mille trois-cent-vingt et sept-cent-mille-trois-cent-vingt-
un et-un
deux millions trois cent mille deux millions trois-cent-mille

2. Singulier et pluriel des noms


composés comportant un trait
d’union
Les noms composés d’un verbe et d’un nom ou d’une préposition et
d’un nom suivent la règle des mots simples : ils prennent la marque
du pluriel seulement quand ils sont au pluriel et cette marque est
portée sur le second élément. (› Pluriel des noms composés)
Ancienne orthographe Nouvelle orthographe

un cure-dent(s), des cure-dents un cure-dent, des cure-dents


un sèche-cheveux, des sèche- un sèche-cheveu, des sèche-
cheveux cheveux
un lave-vaisselle, des lave- un lave-vaisselle, des lave-
vaisselle vaisselles
un sans-papier(s), des sans- un sans-papier, des sans-
papier(s) papiers

Cependant, quand l’élément nominal prend une majuscule ou quand


il est précédé d’un article singulier, il ne prend pas de marque de
pluriel : des prie-Dieu, des trompe-l’œil, des trompe-la-mort.

3. Accent grave
Conformément à la prononciation courante, on écrit avec un accent
grave le e situé en fin de syllabe suivi d’une syllabe avec un e muet
au présent (de l’indicatif, du subjonctif et de l’impératif), au futur
et au conditionnel des verbes tels que céder, interpréter, régler
(où l’infinitif présente la séquence é + consonne(s) + er) ;

Orthographe antérieure à Nouvelle orthographe


1990

je cède, je céderai je cède, je cèderai


nous interpréterons nous interprèterons
vous réglerez vous règlerez
au présent (de l’indicatif, du subjonctif et de l’impératif), au futur
et au conditionnel de tous les verbes en -eler ou -eter (et de leurs
dérivés en -ment) ;

Orthographe antérieure à Nouvelle orthographe


1990

je pèle, il pèle je pèle, il pèle (inchangé)


il ruisselle, un ruissellement il ruissèle, un ruissèlement
tu étiquetteras tu étiquèteras

Remarque
Ne sont pas concernés appeler, jeter et leurs composés : il jette, elle
appellera.

dans les formes verbales puissè-je, dussè-je, trouvè-je…


dans les mots pour lesquels l’usage hésitait entre deux graphies :
é ou è.

Orthographe antérieure à Nouvelle orthographe


1990

avènement mais événement avènement, évènement


assèchement mais sécheresse assèchement, sècheresse
crème mais crémerie crème, crèmerie
règlement mais réglementer règlement, règlementer
Remarque
Ne sont pas concernés les préfixes dé- et pré- (dégeler, prélever) et les é à
l’initiale de mot (élevage, émeraude, etc.) ; médecin, médecine.

4. Accent circonflexe sur i et u


On ne met pas d’accent circonflexe sur i et sur u.

Orthographe antérieure à Nouvelle orthographe


1990

il paraît il parait
île ile
août aout
goûter gouter

On maintient cependant un accent circonflexe dans les deux cas


suivants :
dans les mots où il apporte une distinction de sens utile
(l’exception ne concerne pas les dérivés et les composés de ces
mots) :
Nouvelle orthographe : maintien Pour éviter la
du circonflexe confusion avec

payer son dû (la somme due, dument) voir du pays


être sûr de soi (surs, sure, sures) être sur un toit
elle croît, elle crût (verbe croître ; mais elle croit, elle crut (verbe
accroitre) croire)
faire un jeûne paraitre jeune pour son
un fruit mûr (des framboises mures) âge
un mur aveugle

dans la conjugaison où il marque une terminaison, on maintient


l’accent circonflexe pour uniformiser les terminaisons : nous
suivîmes, nous voulûmes, comme nous aimâmes ; vous suivîtes,
vous voulûtes,comme vous aimâtes ; qu’il suivît, qu’il voulût,
comme qu’il aimât ; qu’il eût suivi, il eût voulu, comme qu’il eût
aimé ; nous voulûmes qu’il prît la parole.

Remarques
1. Cette mesure entraine la rectification de certaines anomalies
étymologiques, en établissant des régularités. On écrit mu (comme déjà
su, tu, vu, lu), plait (comme déjà tait, fait), piqure, surpiqure (comme déjà
morsure), traine, traitre, et leurs dérivés (comme déjà gaine, haine, faine),
et ambigument, assidument, congrument, continument, crument,
dument, goulument, incongrument, indument, nument (comme déjà
absolument, éperdument, ingénument, résolument).
2. Aucune modification n’est apportée aux noms propres ni aux adjectifs
issus de ces noms (Nîmes, nîmois).

5. Tréma
On place le tréma sur la voyelle qui doit être prononcée : aigüe (et
les dérivés, comme suraigüe, etc.), ambigüe, exigüe, contigüe,
ambigüité, exigüité, contigüité, cigüe. Ces mots appliquent ainsi la
règle générale : le tréma indique qu’une lettre (u) doit être prononcée
(comme voyelle ou comme semi-voyelle) séparément de la lettre
précédente (g). Le même usage du tréma s’applique aux mots où
une suite -gu- ou -geu- conduit à des prononciations défectueuses (il
argüe [ilaʀgy] prononcé comme il nargue [ilnaʀg]). On écrit donc : il
argüe (et toute la conjugaison du verbe argüer) ; gageüre,
mangeüre, rongeüre, vergeüre.

Orthographe antérieure à Nouvelle orthographe


1990

ambiguë ambigüe
gageure gageüre

6. Participe passé laissé + infinitif


Le participe passé de laisser suivi d’un infinitif est rendu invariable : il
joue en effet devant l’infinitif un rôle d’auxiliaire analogue à celui de
faire, qui est toujours invariable dans ce cas. Le participe passé de
laisser suivi d’un infinitif est donc invariable dans tous les cas.
(› Accord du participe passé de faire + infinitif)
Orthographe Nouvelle orthographe
antérieure à 1990

Elle s’est laissée mourir. Elle s’est laissé mourir (comme dejà :
elle s’est fait maigrir)

Elle s’est laissé séduire. Elle s’est laissé séduire. (inchangé)


Je les ai laissés partir. Je les ai laissé partir (comme déjà :
je les ai fait partir)

7. Singulier et pluriel des mots


empruntés
Les noms ou adjectifs d’origine étrangère ont un singulier et un
pluriel réguliers : un zakouski, des zakouskis ; un ravioli, des raviolis ; un
graffiti, des graffitis ; un lazzi, des lazzis ; un confetti, des confettis ; un
scénario, des scénarios ; un jazzman, des jazzmans, etc. On choisit
comme forme du singulier la forme la plus fréquente, même s’il s’agit
d’un pluriel dans la langue d’emprunt du mot.
Ces mots forment leur pluriel avec un -s non prononcé (des matchs,
des lands, des lieds, des solos, des apparatchiks). Il en est de même
pour les noms d’origine latine (des maximums, des médias). Cette
proposition ne s’applique pas aux mots ayant conservé une valeur
de citation (des mea culpa).
Cependant, comme il est normal en français, les mots terminés par -
s, -x et -z ne prennent pas de marque supplémentaire pour former
leur pluriel : un boss, des boss ; un kibboutz, des kibboutz ; un box, des
box.
En outre, le pluriel de mots composés étrangers se trouve simplifié
par la soudure : des covergirls, des bluejeans, des ossobucos, des
weekends, des hotdogs.
3. Recommandations pour la création
de mots nouveaux
Lorsqu’un mot nouveau est créé, et en cas de concurrence entre
plusieurs formes, le principe général est de privilégier la forme la
plus simple. En particulier, on privilégiera :
la soudure des mots composés (à la place du trait d’union) dans
le cas où le mot est bien ancré dans l’usage et ressenti comme
un seul mot : antimoustique, intrascolaire, biodéchet,
supercellule, etc. ;
l’accentuation régulière des mots empruntés et des néologismes
(artéfact, braséro, en loucedé), en omettant l’accent circonflexe sur i
et u dans les nouveaux mots (repose-flute) ;
la formation selon les règles régulières du français du singulier et
du pluriel des mots empruntés : des ciabattas, des hula-hoops, des
stilettos, etc. ;
pour les emprunts, l’adoption des formes correspondant à la
graphie du français : padel (plutôt que paddle), kawaï (plutôt que
kawaii), musli (plutôt que muesli), taliatelle (plutôt que tagliatelle),
paélia (plutôt que paella), kidnapeur (plutôt que kidnapper), etc.
4. Graphies particulières fixées
ou modifiées
Il existe de nombreux mots dont la graphie était irrégulière ou
variable : avant les rectifications orthographiques de 1990, on en a
dénombré plus de 5 000 qui étaient répertoriés avec des graphies
différentes selon les dictionnaires. Soit ces graphies ont été
rectifiées, soit on a retenu la variante qui permettait de créer les plus
larges régularités. La liste complète des formes rectifiées se trouve
2
sur le site du Réseau pour la nouvelle orthographe du français .
Nous présentons ici quelques listes organisées selon la fréquence
des mots ou selon les types de rectifications (soudure,
accents, etc.).

1. Mots fréquents
abime assoir disparaitre – mure (nom
accroitre – il il disparait, fém.)
accroit, il il disparaitra,
accroitra, il disparaitrait
il accroitrait

aigu, aigüe boite entrainer murir

alléger – il brulant, ante évènement naitre – il nait,


allègera, il il naitra, il
allègerait naitrait

allègrement bruler flute paraitre – il


parait,
il paraitra, il
paraitrait

allégretto, brulure fraicheur rafraichir


des allégrettos

allégro bucheron, gite reconnaitre –


onne il reconnait,
il reconnaitra,
il reconnaitrait

alléguer – il céder – il gout révolver


allèguera, cèdera,
il allèguerait il cèderait

allo chaine gouter (nom et sècheresse


verbe)

allume-cigare, cloitre ile sûr, sure


des allume-
cigares

allume-feu, connaitre – maitre, surcroit


des allume- il connait, il maitresse
feux connaitra, il
connaitrait

aout couter maitrise surement

apparaitre – couteux, euse maximum, trainer


il apparait, des maximums
il apparaitra,
il apparaitrait

après-midi croute méconnaitre traitre


(fém. ou
masc.)

à priori (adv.) dégout minimum, voute


des minimums

apriori (nom), diner (nom et mûr, mure


des aprioris verbe) (adj.)

2. Soudure de mots
Lorsqu’un mot est composé à partir de plusieurs mots, on préfère la
graphie soudée (sans espace ni trait d’union), qu’il s’agisse de noms
composés sur la base d’un élément verbal généralement suivi d’une
forme nominale ou de tout ; d’onomatopées ou de formations
expressives ; ou de mots empruntés à d’autres langues.
a) Noms composés (verbe + nom,
verbe + tout)

arrachepied croquemitaine passepasse risquetout


(d’)

boutentrain croquemonsieu piquenique tapecul


r

brisetout croquemort porteclé tirebouchon

chaussetrappe croquenote portecrayon tirebouchonner

clochepied (à) faitout portemine tirefond

coupecoupe fourretout portemonnaie tournedos

couvrepied mangetout portevoix vanupied

crochepied mêletout poucepied

croquemadam passepartout poussepousse


e

b) Noms et adjectifs composés


arcboutant bassecourier chèvrepied lieudit

autostop basselisse cinéroman millefeuille

autostoppeur, basselissier hautecontre millepatte


euse

bassecontre bassetaille hautelisse millepertuis

bassecontriste branlebas hautparleur platebande

bassecour chauvesouris jeanfoutre potpourri

prudhomme saufconduit vélopousse

quotepart téléfilm véloski

sagefemme terreplein vélotaxi

c) Onomatopées et formations
expressives

blabla grigri pingpong traintrain

bouiboui kifkif prêchiprêcha troutrou

coincoin mélimélo tamtam tsétsé

froufrou pêlemêle tohubohu

d) Noms composés empruntés

• D’origine latine (employés comme noms)


apriori exlibris exvoto statuquo vadémécum

• D’origine étrangère

baseball covergirl hotdog sidecar

basketball cowboy lockout striptease

blackout fairplay majong volleyball

bluejean globetrotteur motocross weekend

chichekébab handball ossobuco

chowchow harakiri pipeline

3. Accents

a) Mots dont la prononciation


a changé
On munit d’un accent les mots de la liste suivante où il avait été
omis, ou dont la prononciation a changé.

asséner gélinotte recépée sèneçon

bélitre québécois recéper sénescence

bésicles recéler réclusionnaire sénestre

démiurge recépage réfréner

b) Anomalies
L’accent est modifié sur les mots suivants qui avaient échappé à la
e
régularisation entreprise par l’Académie française aux XVIII et
e
XIX siècles, et qui se conforment ainsi à la règle générale
d’accentuation.

abrègement complètement empiètement règlementation


(nom)

affèterie crèmerie évènement règlementer

allègement crèteler fèverole sècheresse

allègrement crènelage hébètement sècherie

assèchement crèneler règlementaire sènevé

cèleri crènelure règlementairem vènerie


ent

c) Accentuation des mots empruntés

• Mots d’origine latine


artéfact exéquatur placébo tépidarium

critérium facsimilé proscénium vadémécum

déléatur jéjunum référendum vélarium

délirium linoléum satisfécit vélum


trémens

désidérata média sénior véto

duodénum mémento sérapéum

exéat mémorandum spéculum

• Mots empruntés à d’autres langues

allégretto condottière pédigrée sombréro

allégro décrescendo pérestroïka téocalli

braséro diésel péséta trémolo

candéla édelweiss péso zarzuéla

chébec imprésario piéta

chéchia kakémono révolver

cicérone méhalla séquoia

4. Diverses anomalies
Les rectifications proposées par l’Académie (en 1975) sont reprises
et complétées par quelques rectifications de même type.
absout, appâts (au assoir, rassoir, bizut (au lieu
absoute lieu de sursoir (au lieu 4
de bizuth)
(participe, au appas) de
lieu de 3
asseoir, etc.)
absous,
absoute)

bonhommie boursoufflem boursouffler (au boursoufflure (au


(au lieu de ent (au lieu lieu de lieu de
bonhomie) de boursoufler) boursouflure)
boursouflem
ent)

cahutte (au charriot (au chaussetrappe combattif (au


lieu de lieu de (au lieu de lieu de combatif)
cahute) chariot) chausse-trape)

combattivité cuisseau (au déciller (au lieu dissout, dissoute


(au lieu de lieu de 5 (au lieu de
de dessiller)
combativité) cuissot) dissous,
dissoute)

douçâtre (au embattre (au exéma (au lieu guilde (au lieu
lieu de lieu de de eczéma) et de ghilde,
6 embatre) 7 graphie d’origine
douceâtre) ses dérivés
étrangère)

homéo- (au imbécilité (au innommé (au levreau (au lieu


lieu de lieu de lieu de innomé) de levraut)
homoeo-) imbécillité)

nénufar (au ognon (au pagaille (au lieu persifflage (au


lieu de lieu de pagaïe, lieu de
8 de oignon) 9 persiflage)
nénuphar) pagaye)

persiffler (au persiffleur ponch (boisson, prudhommal


lieu de (au lieu de au lieu de (avec soudure)
persifler) persifleur) 10 (au lieu de
punch)
prud’homal)

prudhommie relai (au lieu saccarine (au sconse (au lieu


(avec 11 lieu de 12
de relais) de skunks)
soudure) (au saccharine) et
lieu de ses nombreux
prud’homie) dérivés

sorgo (au lieu sottie (au tocade (au lieu ventail (au lieu
de sorgho, lieu de sotie) de toquade) 13
de vantail)
graphie
d’origine
étrangère)

On écrit en -iller les noms suivants anciennement en -illier, où le i


qui suit la consonne ne s’entend pas (comme poulailler,
volailler) : joailler, marguiller, ouillère, quincailler, serpillère.
On écrit avec un seul l (comme bestiole, camisole,
profiterole, etc.) les noms suivants : barcarole, corole, fumerole,
girole, grole, guibole, mariole, et les mots moins fréquents :
bouterole, lignerole, muserole, rousserole, tavaïole, trole. Cette
terminaison se trouve ainsi régularisée, à l’exception de folle,
molle, colle et ses composés.
Le e muet n’est pas suivi d’une consonne double dans les mots
suivants qui rentrent ainsi dans les alternances régulières
(lunette, lunetier, comme noisette, noisetier ; prunelle, prunelier,
comme chamelle, chamelier, etc.) ; interpeler (au lieu de
interpeller) ; dentelière (au lieu de dentellière) ; lunetier (au lieu de
lunettier) ; prunelier (au lieu de prunellier).
CHAPITRE 2

Féminisation
1. Introduction
2. Règles morphologiques
3. Règles syntaxiques
4. Écriture inclusive
1. Introduction
Depuis quelques dizaines d’années, différents pays de la
francophonie ont publié des règles destinées à féminiser les noms
de métier, de fonction, de grade ou de titre. Ce fut le cas dès 1979
au Québec, puis la France, la Suisse et la Belgique adoptèrent
progressivement des mesures similaires.
Ce mouvement vise à adapter la langue à l’évolution de notre
société, en reconnaissant la place que les femmes occupent
désormais dans la vie publique. En 1998, le gouvernement français
a demandé un nouveau rapport à la commission générale de
terminologie et néologie qui a abouti à la publication, en 1999, d’un
Guide d’aide à la féminisation et, en 2000, d’une Note du ministère
1
de l’Éducation nationale relative à la féminisation des noms .
Ces règles respectent les principes généraux en usage dans la
langue. Elles ont force de loi dans les textes officiels et les
documents administratifs, mais elles ne peuvent bien sûr être
contraignantes pour les particuliers.
Pour plus d’informations, on pourra consulter la « Circulaire du
11 mars 1986 relative à la féminisation des noms de métier, fonction,
grade ou titre » parue au Journal officiel de la République française
du 16 mars 1986. Ou les brochures Au féminin. Guide de
féminisation des titres de fonction et des textes (Office de la langue
française, Les Publications du Québec, 1991) ; Mettre au féminin,
Guide de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre
(Communauté française de Belgique, Service de la langue française,
1994) ; Femme, j’écris ton nom (INALF – La Documentation
française, 1999). Ou encore l’ouvrage d’Anne Dister et de Marie-
Louise Moreau Féminiser ? Vraiment pas sorcier ! La féminisation
des noms de métiers, fonctions, grades et titres publié en 2009 chez
De Boeck Duculot.
2. Règles morphologiques

1. Noms terminés au masculin


par une voyelle dans l’écriture

a) Cas général
D’une manière générale, le féminin est formé par l’adjonction d’un -e
final à la forme masculine : une chargée de cours, une députée, une
préposée, une apprentie. (› Féminin des noms animés)

b) Cas particuliers
Si la voyelle terminant le masculin est déjà -e, la forme féminine est
identique à la forme masculine (ces formes sont dites épicènes) et
seul le déterminant varie : une aide, une architecte, une comptable, une
dactylographe, une diplomate, une ministre, une secrétaire.
On ne crée plus de nouveaux mots en -esse, le procédé paraissant
vieilli. Toutefois, les emplois consacrés par l’usage sont toujours
admis : une poétesse.
Si la voyelle est -a ou -o, la forme féminine est identique à la forme
masculine : une para (commando), une dactylo, une imprésario.

2. Noms terminés au masculin


par une consonne dans l’écriture

a) Cas général
D’une manière générale, le féminin se construit par l’adjonction d’un
-e final à la forme masculine : une agente, une artisane, une avocate, une
échevine, une experte, une lieutenante, une magistrate, une marchande, une
présidente, une principale.
Cette règle générale s’assortit dans certains cas de conséquences
orthographiques :

• le redoublement de la consonne finale :


-el/-elle : une contractuelle.
-ien/-ienne : une chirurgienne, une doyenne, une mécanicienne, une
pharmacienne.
-on/-onne : une maçonne.

• l’apparition d’un accent grave :


-er/-ère : une conseillère, une huissière, une officière, une ouvrière.
-et/-ète : une préfète.
2
Cas particuliers : une chef, une conseil (juridique), une écrivain , une
mannequin, une marin, une médecin.

b) Lorsque le nom masculin


se termine par -eur
La forme féminine se termine par -euse lorsqu’au nom correspond
un verbe en rapport sémantique direct (par ex. chercher –
chercheuse) : une carreleuse, une chercheuse, une contrôleuse, une
vendeuse.
La forme féminine est identique à la forme masculine lorsqu’au nom
ne correspond pas de verbe ayant un sens identique (par ex.
3
procurer – procureur) : une docteur, une ingénieur, une procureur, une
professeur.
Cas particuliers : une ambassadrice, une chroniqueuse.

c) Lorsque le nom masculin


se termine par -teur
La forme féminine se termine par -teuse lorsqu’il existe un verbe
correspondant qui comporte un t dans sa terminaison (par ex.
acheteuse – acheter) : une acheteuse, une rapporteuse, une toiletteuse.
Cas particuliers : une éditrice, une exécutrice, une inspectrice.
La forme féminine se termine par -trice lorsqu’il n’existe aucun verbe
correspondant ou lorsque le verbe correspondant ne comporte pas
de t dans sa terminaison (par ex. directrice – diriger) : une
administratrice, une apparitrice, une aviatrice, une directrice, une éducatrice,
une rédactrice, une rectrice.
3. Règles syntaxiques
On recourt systématiquement aux déterminants féminins : une
architecte, la comptable, cette présidente.
Il en est de même avec les
appellations complexes : une agent de change.
Les adjectifs et les participes en relation avec les noms concernés
s’accordent systématiquement au féminin, y compris dans les
appellations professionnelles complexes : une conseillère principale,
une contrôleuse adjointe, une ingénieur technicienne, une première
assistante, la doyenne, la présidente directrice générale.
4. Écriture inclusive
À la base de l’écriture inclusive se trouve le constat que nos
représentations sociales (comme le rôle et la place de l’homme et de
la femme dans la société) sont influencées par le langage que nous
utilisons. En d’autres termes, la défense de l’égalité entre les
femmes et les hommes demande que l’on s’interroge sur la place
que l’on accorde aux différents genres quand on s’exprime et que
l’on évite, notamment, d’abuser du masculin générique.
Le point qui est peut-être le plus important de toutes les dispositions
concerne les dénominations qui permettent d’identifier des
personnes individuelles. L’accord en genre des noms de fonctions,
grades, métiers et titres est un mouvement tout à fait naturel dans la
langue (qui dispose de toutes les règles nécessaires pour féminiser
les noms qui n’existaient anciennement qu’au masculin) et qui
progresse dans l’usage. On recommande d’utiliser ces noms
féminisés ainsi que des déterminants au féminin : madame la
etc . Dans le même esprit, on évitera
présidente, une ingénieur en chef,
de féminiser les noms de métiers ou de fonctions en leur apposant le
mot femme (une femme écrivain, une femme peintre, une femme
peintre, etc.). (› Féminin des noms animés)
Ensuite, quand on fait référence à un groupe mixte de personnes, on
peut assurer la visibilité des deux sexes de différentes manières : en
recourant aux deux genres (les étudiantes et les étudiants), en utilisant
des mots épicènes, c’est-à-dire, qui ont la même forme aux deux
genres (les artistes, les cadres du parti, le personnel soignant, etc.) ou en
adoptant un procédé graphique pour expliciter la morphologie des
deux genres. Cela revient concrètement à utiliser le point médian
(les étudiant·e·s) ou des parenthèses : chef(fe) de service. (› Point
médian)
Comme dans tous les domaines, l’abus nuit en tout. On évitera donc
à tout prix un usage irraisonné comme : Cher.e.s Doyen.ne.s et Cher.e.s
Président.e.s d’Instituts.
On constate en effet que ce type d’écriture
rend le décodage complexe et peut représenter un obstacle de taille
pour les lecteurs faibles ou les apprenants du français. N’oublions
pas que le but est d’être inclusif… de tous !
CHAPITRE 3

Tableaux de conjugaison
1. Les verbes auxiliaires
2. Les verbes du premier groupe (-er)
3. Les verbes du deuxième groupe (-ir)
4. Les verbes du troisième groupe (-oir, -re, et certains -ir)
5. Conjugaison des verbes irréguliers et des verbes défectifs
1. Les verbes auxiliaires
AVOIR
Mais d’esprit, ô le plus lamentable des êtres, Vous n’en eûtes
jamais un atome, et de lettres Vous n’avez que les trois qui forment
le mot : sot ! (EDMOND ROSTAND, Cyrano de Bergerac, 1897)
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur simple Conditionnel
simple présent
j’ai j’avais j’eus j’aurai j’aurais
tu as tu avais tu eus tu auras tu aurais
il/elle a il/elle avait il/elle eut il/elle aura il/elle aurait
nous avons nous avions nous eûmes nous aurons nous aurions
vous avez vous aviez vous eûtes vous aurez vous auriez
ils/elles ont ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
avaient eurent auront auraient
Passé Plus-que- Passé Futur Conditionnel
composé parfait antérieur antérieur passé
j’ai eu j’avais eu j’eus eu j’aurai eu j’aurais eu
tu as eu tu avais eu tu eus eu tu auras eu tu aurais eu
il/elle a eu il/elle avait il/elle eut eu il/elle aura eu il/elle aurait
eu eu
nous avons nous avions nous eûmes nous aurons nous aurions
eu eu eu eu eu
vous avez vous aviez vous eûtes vous aurez vous auriez
eu eu eu eu eu
AVOIR
ils/elles ont ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
eu avaient eu eurent eu auront eu auraient eu
Subjonctif Impératif
Présent Imparfait Passé Plus-que- Pré Passé
parfait sent
que j’aie que j’eusse que j’aie eu que j’eusse aie aie eu
eu
que tu aies que tu que tu aies que tu
eusses eu eusses eu
qu’il/elle ait qu’il/elle eût qu’il/elle ait qu’il/elle eût
eu eu
que nous que nous que nous que nous ayo ayons
ayons eussions ayons eu eussions eu ns eu
que vous que vous que vous que vous ayez ayez eu
ayez eussiez ayez eu eussiez eu
qu’ils/elles qu’ils/elles qu’ils/elles qu’ils/elles
aient eussent aient eu eussent eu
Infinitif Participe
Présent Passé Présent Passé
avoir avoir eu ayant eu, eue,
ayant eu
Pour les conjugaisons avec l’auxiliaire avoir, cf. ici.
ÊTRE
On ne peut être et avoir été, il y a ceux qui arrivent, ceux qui
partent, et entre les deux un infranchissable fossé. (B
S , Rue Darwin, 2011)
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionne
simple simple l présent
je suis j’étais je fus je serai je serais
tu es tu étais tu fus tu seras tu serais
il/elle est il/elle était il/elle fut il/elle sera il/elle serait
nous nous étions nous fûmes nous serons nous serions
sommes
vous êtes vous étiez vous fûtes vous serez vous seriez
ils/elles sont ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
étaient furent seront seraient
Passé Plus-que- Passé Futur Conditionne
composé parfait antérieur antérieur l passé
j’ai été j’avais été j’eus été j’aurai été j’aurais été
tu as été tu avais été tu eus été tu auras été tu aurais été
il/elle a été il/elle avait il/elle eut été il/elle aura il/elle aurait
été été été
nous avons nous avions nous eûmes nous aurons nous aurions
été été été été été
vous avez vous aviez vous eûtes vous aurez vous auriez
été été été été été
ÊTRE
ils/elles ont ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
été avaient été eurent été auront été auraient été
Subjonctif Impératif
Présent Imparfait Passé Plus-que- Pré Passé
parfait sen
t
que je sois que je fusse que j’aie été que j’eusse sois aie été
été
que tu sois que tu fusses que tu aies que tu
été eusses été
qu’il/elle soit qu’il/elle qu’il/elle ait qu’il/elle eût
fusse été été
que nous que nous que nous que nous soy ayons
soyons fussions ayons été eussions été ons été
que vous que vous que vous que vous soy ayez été
soyez fussiez ayez été eussiez été ez
qu’ils/elles qu’ils/elles qu’ils/elles qu’ils/elles
soient fussent aient été eussent été
Infinitif Participe
Présent Passé Présent Passé
être avoir été étant, ayant été
été
Pour les conjugaisons avec l’auxiliaire être, cf. ici.
2. Les verbes du premier groupe (-er)
VERBES EN -ER : PENSER
« Je pense donc je suis » devient « Je pose donc je
suis ». (F B , Une vie sans fin, 2018)
Indicatif Subjonctif
Présent Passé Présent Passé
composé
je pense j’ai pensé que je pense que j’aie pensé
tu penses tu as pensé que tu penses que tu aies pensé
il/elle pense il/elle a pensé qu’il/elle pense qu’il/elle ait pensé
nous nous avons que nous que nous ayons
pensons pensé pensions pensé
vous pensez vous avez que vous que vous ayez
pensé pensiez pensé
ils/elles ils/elles ont qu’ils/elles qu’ils/elles aient
pensent pensé pensent pensé
Imparfait Plus-que- Imparfait Plus-que-parfait
parfait
je pensais j’avais pensé que je que j’eusse pensé
pensasse
tu pensais tu avais pensé que tu que tu eusses
pensasses pensé
il/elle pensait il/elle avait qu’il/elle pensât qu’il/elle eût pensé
pensé
nous nous avions que nous que nous eussions
pensions pensé pensassions pensé
vous pensiez vous aviez que vous que vous eussiez
pensé pensassiez pensé
ils/elles ils/elles avaient qu’ils/elles qu’ils/elles eussent
pensaient pensé pensassent pensé
Passé Passé Impératif
simple antérieur
je pensai j’eus pensé Présent Passé
tu pensas tu eus pensé pense aie pensé
il/elle pensa il/elle eut pensé
nous nous eûmes pensons ayons pensé
pensâmes pensé
vous vous eûtes pensez ayez pensé
pensâtes pensé
ils/elles ils/elles eurent Infinitif
pensèrent pensé
Futur simple Futur Présent Passé
antérieur
je penserai j’aurai pensé penser avoir pensé
tu penseras tu auras pensé
il/elle il/elle aura
pensera pensé
nous nous aurons
penserons pensé
vous vous aurez
penserez pensé
ils/elles ils/elles auront Participe
penseront pensé
Conditionne Conditionnel Présent Passé
l présent passé
je penserais j’aurais pensé pensant pensé, pensée,
tu penserais tu aurais pensé pensés, pensées

il/elle il/elle aurait


penserait pensé
nous nous aurions
penserions pensé
vous vous auriez
penseriez pensé
ils/elles ils/elles
penseraient auraient pensé
Les verbes en -er sont les plus nombreux et constituent la vraie
conjugaison régulière du français (cf. ici). La plupart des verbes de
création récente appartiennent à cette classe.
Se conjuguent sur ce modèle : manger, chanter, aimer, rêver, voler,
voyager, etc.
3. Les verbes du deuxième groupe (-ir)
VERBES EN -ir (avec participe présent en -issant) : FINIR
– Je suis ici, messieurs, leur dit-il en finissant son allocution, pour
vous apprendre le latin. (S , Le Rouge et le Noir, 1830)
Indicatif Subjonctif
Présent Passé Présent Passé
composé
je finis j’ai fini que je finisse que j’aie fini
tu finis tu as fini que tu finisses que tu aies fini
il/elle finit il/elle a fini qu’il/elle finisse qu’il/elle ait fini
nous finissons nous avons fini que nous que nous ayons
finissions fini
vous finissez vous avez fini que vous que vous ayez
finissiez fini
ils/elles ils/elles ont fini qu’ils/elles qu’ils/elles aient
finissent finissent fini
Imparfait Plus-que- Imparfait Plus-que-parfait
parfait
j’finissais j’avais fini que j’finisse que j’eusse fini
tu finissais tu avais fini que tu finisses que tu eusses fini
il/elle finissait il/elle avait fini qu’il/elle finît qu’il/elle eût fini
nous finissions nous avions fini que nous que nous
finissions eussions fini
vous finissiez vous aviez fini que vous que vous eussiez
finissiez fini
ils/elles ils/elles avaient qu’ils/elles qu’ils/elles
finissaient fini finissent eussent fini
Passé simple Passé Impératif
antérieur
je finis j’eus fini Présent Passé
tu finis tu eus fini finis aie fini
il/elle finit il/elle eut fini
nous finîmes nous eûmes finissons ayons fini
fini
vous finîtes vous eûtes fini finissez ayez fini
ils/elles finirent ils/elles eurent Infinitif
fini
Futur simple Futur Présent Passé
antérieur
je finirai j’aurai fini finir avoir fini
tu finiras tu auras fini
il/elle finira il/elle aura fini
nous finirons nous aurons
fini
vous finirez vous aurez fini
ils/elles finirent ils/elles auront Participe
fini
Conditionnel Conditionnel Présent Passé
présent passé
je finirais j’aurais fini finissant fini, finie, finis,
finies
tu finirais tu aurais fini
il/elle finirait il/elle aurait fini
nous finirions nous aurions
fini
vous finiriez vous auriez fini
ils/elles ils/elles
finiraient auraient fini
e
Les verbes du 2 groupe donnent occasionnellement des
néologismes : alunir, amerrir, etc. Cette classe se distingue des
autres verbes en -ir par un participe présent en -issant : finissant (à
comparer à sentir, sentant).
4. Les verbes du troisième groupe
(-oir, -re, et certains -ir)
À côté des deux classes vivantes (-er, -ir), il existe une troisième
classe rassemblant des verbes en -ir (sans -iss-), en -oir ou en -re.
Cette troisième classe n’accueille plus de verbe nouveau et
s’appauvrit peu à peu (cf. ici). Elle comporte un grand nombre de
verbes irréguliers ou défectifs (c’est-à-dire dont certaines formes de
conjugaison sont inutilisées).
VERBES EN -IR (DONT LE PART. PRÉS. N’EST PAS EN -
ISSANT) : SENTIR
Un homme – ou une femme – jeune et en bonne santé aurait plutôt
tendance à se sentir immortel. (J ’O , C’est une
chose étrange à la fin que le monde, 2010)
Indicatif Subjonctif
Présent Passé Présent Passé
composé
je sens j’ai senti que je sente que j’aie senti
tu sens tu as senti que tu sentes que tu aies senti
il/elle sent il/elle a senti qu’il/elle sente qu’il/elle ait senti
nous sentons nous avons que nous que nous ayons
senti sentions senti
vous sentez vous avez que vous que vous ayez senti
senti sentiez
ils/elles ils/elles ont qu’ils/elles qu’ils/elles aient
sentent senti sentent senti
Imparfait Plus-que- Imparfait Plus-que-parfait
parfait
je sentais j’avais senti que je sentisse que j’eusse senti
tu sentais tu avais senti que tu sentisses que tu eusses senti
il/elle sentait il/elle avait qu’il/elle sentît qu’il/elle eût senti
senti
nous sentions nous avions que nous que nous eussions
senti sentissions senti
vous sentiez vous aviez que vous que vous eussiez
senti sentissiez senti
ils/elles ils/elles qu’ils/elles qu’ils/elles eussent
sentaient avaient senti sentissent senti
Passé Passé Impératif
simple antérieur
je sentis j’eus senti Présent Passé
tu sentis tu eus senti sens aie senti
il/elle sentit il/elle eut senti
nous nous eûmes sentons ayons senti
sentîmes senti
vous sentîtes vous eûtes sentez ayez senti
senti
ils/elles ils/elles eurent Infinitif
sentirent senti
Futur simple Futur Présent Passé
antérieur
je sentirai j’aurai senti sentir avoir senti
tu sentiras tu auras senti
il/elle sentira il/elle aura
senti
nous nous aurons
sentirons senti
vous sentirez vous aurez
senti
ils/elles ils/elles auront Participe
sentiront senti
Conditionnel Conditionnel Présent Passé
présent passé
je sentirais j’aurais senti sentant senti, sentie, sentis,
senties
tu sentirais tu aurais senti
il/elle sentirait il/elle aurait
senti
nous nous aurions
sentirions senti
vous sentiriez vous auriez
senti
ils/elles ils/elles
sentiraient auraient senti
Se conjuguent sur ce modèle : ressentir, pressentir, etc.
VERBES EN -OIR
Il reçut ce don merveilleux comme un moujik des Trois Visages de
la peur, le regard farouche, sans esquisser le moindre
geste. (F L , Une année chez les Français, 2010)
Indicatif Subjonctif
Présent Passé Présent Passé
composé
je reçois j’ai reçu que je reçoive que j’aie reçu
tu reçois tu as reçu que tu reçoives que tu aies reçu
il/elle reçoit il/elle a reçu qu’il/elle reçoive qu’il/elle ait reçu
nous recevons nous avons que nous que nous ayons
reçu recevions reçu
vous recevez vous avez reçu que vous que vous ayez
receviez reçu
ils/elles ils/elles ont qu’ils/elles qu’ils/elles aient
reçoivent reçu reçoivent reçu
Imparfait Plus-que- Imparfait Plus-que-parfait
parfait
je recevais j’avais reçu que je reçusse que j’eusse reçu
tu recevais tu avais reçu que tu reçusses que tu eusses
reçu
il/elle recevait il/elle avait reçu qu’il/elle reçût qu’il/elle eût reçu
nous nous avions que nous que nous
recevions reçu reçussions eussions reçu
vous receviez vous aviez reçu que vous que vous eussiez
reçussiez reçu
ils/elles ils/elles avaient qu’ils/elles qu’ils/elles
recevaient reçu reçussent eussent reçu
Passé simple Passé Impératif
antérieur
je reçus j’eus reçu Présent Passé
tu reçus tu eus reçu reçois aie reçu
il/elle reçut il/elle eut reçu
nous reçûmes nous eûmes recevons ayons reçu
reçu
vous reçûtes vous eûtes recevez ayez reçu
reçu
ils/elles ils/elles eurent Infinitif
reçurent reçu
Futur simple Futur Présent Passé
antérieur
je recevrai j’aurai reçu recevoir avoir reçu
tu recevras tu auras reçu
il/elle recevra il/elle aura reçu
nous nous aurons
recevrons reçu
vous recevrez vous aurez
reçu
ils/elles ils/elles auront Participe
recevront reçu
Conditionnel Conditionnel Présent Passé
présent passé
je recevrais j’aurais reçu recevant, ayant reçu, reçue,
reçu reçus, reçues
tu recevrais tu aurais reçu
il/elle recevrait il/elle aurait
reçu
nous nous aurions
recevrions reçu
vous recevriez vous auriez
reçu
ils/elles ils/elles
recevraient auraient reçu
VERBES EN -RE
Les parents de mon camarade habitaient Fez et nous nous
rendîmes chez eux en autocar. (R G , La promesse de
l’aube, 1960)
Indicatif Subjonctif
Présent Passé Présent Passé
composé
je rends j’ai rendu que je rende que j’aie rendu
tu rends tu as rendu que tu rendes que tu aies
rendu
il/elle rend il/elle a rendu qu’il/elle rende qu’il/elle ait
rendu
nous rendons nous avons que nous que nous ayons
rendu rendions rendu
vous rendez vous avez que vous que vous ayez
rendu rendiez rendu
ils/elles rendent ils/elles ont qu’ils/elles qu’ils/elles aient
rendu rendent rendu
Imparfait Plus-que- Imparfait Plus-que-
parfait parfait
je rendais j’avais rendu que je rendisse que j’eusse
rendu
tu rendais tu avais rendu que tu que tu eusses
rendisses rendu
il/elle rendait il/elle avait qu’il/elle rendît qu’il/elle eût
rendu rendu
nous rendions nous avions que nous que nous
rendu rendîmes eussions rendu
vous rendiez vous aviez que vous que vous
rendu rendîtes eussiez rendu
ils/elles rendent ils/elles avaient qu’ils/elles qu’ils/elles
rendu rendissent eussent rendu
Passé simple Passé Impératif
antérieur
je rendis j’eus rendu Présent Passé
tu rendis tu eus rendu rends aie rendu
il/elle rendit il/elle eut rendu
nous rendîmes nous eûmes rendons ayons rendu
rendu
vous rendîtes vous eûtes rendez ayez rendu
rendu
ils/elles ils/elles eurent Infinitif
rendirent rendu
Futur simple Futur antérieur Présent Passé
je rendrai j’aurai rendu rendre avoir rendu
tu rendras tu auras rendu
il/elle rendra il/elle aura
rendu
nous rendrons nous aurons
rendu
vous rendrez vous aurez
rendu
ils/elles ils/elles auront Participe
rendront rendu
Conditionnel Conditionnel Présent Passé
présent passé
je rendrais j’aurais rendu rendant rendu, rendue,
tu rendrais tu aurais rendu ayant rendu rendus, rendues

il/elle rendrait il/elle aurait


rendu
nous rendrions nous aurions
rendu
vous rendriez vous auriez
rendu
ils/elles ils/elles auraient
rendraient rendu
5. Conjugaison des verbes irréguliers
et des verbes défectifs
ABSOUDRE v. tr.
Heureux et jugé, ou absous et misérable. (A C , La
chute, 1956)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Futur simple Conditionnel
présent
j’absous j’absolvais j’absoudrai j’absoudrais
tu absous tu absolvais tu absoudras tu absoudrais
il/elle absout il/elle absolvait il/elle absoudra il/elle
absoudrait
nous absolvons nous absolvions nous nous
absoudrons absoudrions
vous absolvez vous absolviez vous absoudrez vous
absoudriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
absolvent absolvaient absoudront absoudraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Présent Présent Présent
que j’absolve absous absoudre absolvant
que tu absolves
qu’il/elle Passé Passé
absolve
que nous absolvons avoir absout absout
absolvions (absous),
que vous absolvez absoute,
absolviez absoutes
qu’ils/elles
absolvent
La formation des participes passés de ce verbe présentait une
irrégularité avec la forme absous au masc. (cf. exemple de Camus,
ci-dessus) et la forme absoute au fém. La nouvelle orthographe a
rétabli la régularité en autorisant la forme absout au masc. en
parallèle avec la forme absoute du fém.
Se conjugue sur ce modèle : dissoudre.
ACCROITRE v. tr.
J’assistais aux séances de dictée qui m’apprirent à admirer
l’écrivain et qui accrurent mon estime pour son acolyte dévouée.
(A N , Le voyage d’hiver, 2009)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
j’accrois j’accroissais j’accrus j’accroitrai j’accroitrais
tu accrois tu accroissais tu accrus tu tu accroitrais
accroitras
il/elle accroit il/elle il/elle il/elle il/elle
accroissait accrut accroitra accroitrait
nous nous nous nous nous
accroissons accroissions accrûmes accroitrons accroitrions
vous vous vous vous vous
accroissez accroissiez accrûtes accroitrez accroitriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
accroissent accroissaient accrurent accroitront accroitront
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que que accrois accroitre accroissant
j’accroisse j’accrusse
que tu que tu
accroisses accrusses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
accroisse accrût
que nous que nous accroisson Avoir/ accru, accrue,
accroissions accrussions s accrus,
que vous que vous accroissez être accru accrues
accroissiez accrussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
accroissent accrussent
Aux temps composés, le verbe prend avoir (1) ou être (2) selon la
nuance de la pensée : La soirée avait accru sa fascination, avait
aiguisé sa curiosité, son désir de découverte. (J -B D
A , Une éducation libertine, 2008) (1) ; Avec l’âge, mon champ de
rêverie s’est accru, S L , Eva, 2015) (2).
Se conjuguent sur ce modèle : décroitre, recroitre.
ACQUÉRIR v. tr.
Tant de peuples relèvent la tête, acquièrent leur liberté, alors
pourquoi pas moi ? (D C , La civilisation, ma mère !…,
1972)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
j’acquiers j’acquérais j’acquis j’acquerrai j’acquerrais
tu acquiers tu acquérais tu acquis tu tu acquerrais
acquerras
il/elle il/elle il/elle il/elle il/elle
acquiert acquérait acquit acquerra acquerrait
nous nous nous nous nous
acquérons acquérions acquîmes acquerrons acquerrions
vous vous vous vous vous
acquérez acquériez acquîtes acquerrez acquerriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
acquièrent acquéraient acquirent acquerront acquerraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que que acquiers acquérir acquérant
j’acquière j’acquisse
que tu que tu
acquières acquisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
acquière acquît
que nous que nous acquérons avoir acquis acquis,
acquérions acquissions acquise,
que vous que vous acquérez acquises
acquériez acquissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
acquièrent acquissent
Se conjuguent sur ce modèle : enquérir (s’), reconquérir, requérir.
Aux temps composés, s’enquérir fonctionne avec être : Il l’a
examiné sans émettre de doutes sur son authenticité et s’est enquis
de ma santé. (J -M G , Le club des incorrigibles
optimistes, 2009)
ADVENIR v. tr.
Ensuite, advienne que pourra. (D C ,
Jules, etc., 2015)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
il/elle advient il/elle il/elle il/elle il/elle
advenait advint adviendra adviendrait
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
adviennent advenaient advinrent adviendron adviendraient
t
Subjonctif Infinitif Participe
Présent Imparfait Pré Passé Prése Pas
sent nt sé
qu’il/elle qu’il/elle adv être adven advenu,
advienne advînt enir advenu ant advenue,
qu’ils/elles qu’ils/elles advenus,
adviennent advinssent advenues

Aux temps composés, le verbe prend être : Sais-tu ce qui serait


advenu d’Agamemnon, si tu ne l’avais pas occis ? (J -P
S , Huis clos, 1947)
Le participe présent advenant s’utilise dans les contrats, dans le
sens de « s’il arrive » : Le décès advenant de l’un des
deux. (C -M G , Nouveau dictionnaire portatif de la
langue française, 1797)
ALLER v. intr.
Qu’ils aillent se rendre à l’ennemi, s’ils préfèrent… (A D ,
L’Amour, la fantasia, 1985)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je vais j’allais j’allai j’irai j’irais
tu vas tu allais tu allas tu iras tu irais
il/elle va il/elle allait il/elle alla il/elle ira il/elle irait
nous allons nous allions nous nous irons nous irions
allâmes
vous allez vous alliez vous vous irez vous iriez
allâtes
ils/elles vont ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
allaient allèrent iront iraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que j’aille que j’allasse va aller allant
que tu ailles que tu
allasses
qu’il/elle aille qu’il/elle allât Passé Passé
que nous que nous allons être allé allé, allée,
allions allassions allés, allées
que vous que vous allez
alliez allassiez
ALLER v. intr.
qu’ils/elles qu’ils/elles
aillent allassent
À l’impératif présent, va devient vas dans la tournure vas-y : Vas-y,
on t’écoute, (D P , Au bonheur des ogres, 1985). Aux
temps composés, il prend être : Moi, j’y suis allée une fois et je n’y
suis jamais retournée. (K P , La valse lente des
tortues, 2008)
La forme complexe s’en aller se forme comme aller. Notons que, à
l’impératif présent, le pronom se place entre le verbe et en (va-t’en,
allons-nous-en, allez-vous-en) et que, aux temps composés, être se
place entre en et le participe : Je m’en suis allé dans les champs
pour coucher à la belle étoile, (V H , Les misérables,
1862)
ASSAILLIR v. tr.
Le froid m’assaille. (É -E S , L’homme qui
voyait à travers les visages, 2016)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
j’assaille j’assaillais j’assaillis j’assaillirai j’assaillirais
tu assailles tu assaillais tu assaillis tu tu assaillirais
assailliras
il/elle il/elle il/elle il/elle il/elle
assaille assaillait assaillit assaillira assaillirait
nous nous nous nous nous
assaillons assaillions assaillîmes assaillirons assaillirions
vous vous vous vous vous
assaillez assailliez assaillîtes assaillirez assailliriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
assaillent assaillaient assaillirent assailliront assailliraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que que assaille assaillir assaillant
j’assaille j’assaillisse
que tu que tu
assailles assaillisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
assaille assaillîtes
que nous que nous assaillons avoir assailli,
assaillions assaillissions assailli assaillie,
que vous que vous assaillez assaillis,
assailliez assaillissiez assaillies

qu’ils/elles qu’ils/elles
assaillent assaillirent
Se conjuguent sur ce modèle : défaillir, tressaillir.
Selon l’Académie, défaillir n’est plus usité qu’au pluriel du présent
de l’indicatif, à l’imparfait, au passé simple, au passé composé, à
l’infinitif et au participe présent.
ASSOIR (ASSEOIR) v. tr.
Si c’est un truc pour faire connaissance, assieds-toi sur les
freins ! (K P , Les écureuils de Central Park sont
tristes le lundi, 2010)
Alors, je m’assois… (K P , Les écureuils de
Central Park sont tristes le lundi, 2010)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
j’assois ou j’assoyais ou j’assis j’assoirai ou j’assoirais ou
assieds asseyais assiérai assiérais
tu assois ou tu assoyais tu assis tu assoiras tu assoirais
assieds ou asseyais ou assiéras ou assiérais
il/elle assoit il/elle assoyait il/elle assit il/elle il/elle
ou assied ou asseyait assoira ou assoirait ou
assiéra assiérait
nous nous nous nous nous
assoyons ou assoyions ou assîmes assoirons assoirions ou
asseyons asseyions ou assiérions
assiérons
vous vous assoyiez vous vous vous
assoyez ou ou asseyiez assîtes assoirez ou assoiriez ou
asseyez assiérez assiériez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
assoient ou assoyaient ou assirent assoiront assoiraient
asseyent asseyaient ou ou
assiéront assiéraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que j’assoie que j’assisse assois ou assoir assoyant ou
ou asseye assieds (asseoir) asseyant
que tu que tu
assoies ou assisses
asseyes
qu’il/elle qu’il/elle assît Passé Passé
assoie ou
asseye
que nous que nous assoyons avoir assis assis, assise,
assoyions ou assissions ou assises
asseyions asseyons
que vous que vous assoyez
assoyiez ou assissiez ou
asseyiez asseyez
qu’ils/elles qu’ils/elles
assoient ou assissent
asseyent
La nouvelle orthographe du verbe, assoir, vise à renforcer la
cohérence du système : le e ne se prononce plus et on écrit déjà
j’assois, j’assoirai (à côté de j’assieds, j’assiérai, etc.). Il est
supprimé comme cela a été le cas auparavant pour voir (anc. fr.
veoir) et choir (anc. fr. cheoir).
Se conjugue sur ce modèle : rassoir (rasseoir).
BATTRE v. tr.
Elle eut un mouvement de recul et battit en retraite. (Y
M , L’histoire de Pi, 2001)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je bats je battais je battis je battrai je battrais
tu bats tu battais tu battis tu battras tu battrais
il/elle bat il/elle battait il/elle battit il/elle battra il/elle battrait
nous nous battions nous nous nous battrions
battons battîmes battrons
vous battez vous battiez vous vous vous battriez
battîtes battrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
battent battaient battirent battront battraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je batte que je bats battre battant
battisse
que tu que tu
battes battisses
qu’il/elle qu’il/elle battît Passé Passé
batte
que nous que nous battons avoir battu battu, battue,
battions battissions battus,
BATTRE v. tr.
que vous que vous battez battues
battiez battissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
battent battissent
Se conjuguent sur ce modèle : abattre, combattre, débattre, ébattre
(s’), rabattre, rebattre.
Aux temps composés, le verbe s’ébattre se conjugue avec être : Ils
se sont ébattus pendant deux grosses heures, (J J ,
Pensées, maximes, essais et correspondance, 1861)
BOIRE v. tr.
J’ai bu la tasse, tchin tchin ! (M B , Le temps est
assassin, 2016)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je bois je buvais je bus je boirai je boirais
tu bois tu buvais tu bus tu boiras tu boirais
il/elle boit il/elle buvait il/elle but il/elle boira il/elle boirait
nous buvons nous buvions nous nous nous boirions
bûmes boirons
vous buvez vous buviez vous vous boirez vous boiriez
bûtes
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
boivent buvaient burent boiront boiraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je boive que je busse bois boire buvant
que tu que tu
boives busses
qu’il/elle qu’il/elle bût Passé Passé
boive
que nous que nous buvons avoir bu bu, bue, bus,
buvions bussions bues
que vous que vous buvez
buviez bussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
boivent bussent
BOUILLIR v. intr.
Tu bous à l’intérieur et te demandes quel est ce créateur qui
distribue son huile à la va-comme-je-te-pousse, si généreux avec
les uns, parcimonieux avec d’autres. (V K -G , Sept
pierres pour la femme adultère, 2007)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je bous je bouillais je bouillis je bouillirai je bouillirais
tu bous tu bouillais tu bouillis tu bouilliras tu bouillirais
il/elle bout il/elle bouillait il/elle il/elle il/elle bouillirait
bouillit bouillira
nous nous nous nous nous
bouillons bouillions bouillîmes bouillirons bouillirions
vous vous bouilliez vous vous vous
bouillez bouillîtes bouillirez bouilliriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
bouillent bouillaient bouillirent bouilliront bouilliraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je bous bouillir bouillant
bouille bouillisse
que tu que tu
bouilles bouillisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
bouille bouillît
BOUILLIR v. intr.
que nous que nous bouillons avoir bouilli bouilli, bouillie,
bouillions bouillissions bouillis,
que vous que vous bouillez bouillies
bouilliez bouillissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
bouillent bouillissent
BRAIRE v. tr.
Certes d’autres mammifères chantent : l’homme, mais aussi le
chien qui aboie, l’âne qui brait, le renard qui glapit, le chat qui
miaule. (F G , La baleine dans tous ses états, 2016)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Futur simple Conditionnel
présent
il/elle brait il/elle brayait il/elle braira il/elle brairait
ils/elles braient ils/elles ils/elles ils/elles brairaient
brayaient brairont
Subjonctif Infinitif Participe
Présent Prés Passé Prés Passé
ent ent
qu’il/elle braie brair avoir brait braya brait
e nt
qu’ils/elles
braient
Le participe passé brait ne connait ni féminin ni pluriel. Les formes
de l’indicatif imparfait sont rares : Je crois même que je brayais des
blasphèmes contre la géométrie et l’algèbre… (A F ,
La vie en fleur, 1922)
BRUIRE v. intr.
Une fermeture à glissière qu’on défait. Des vêtements qui
bruissent. (N H , Danse noire, 2013)
Temps simples
Indicatif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent
il/elle bruit il/elle bruissait bruire bruissant
ils/elles bruissent ils/elles bruissaient
À l’imparfait, nous pouvons trouver les formes archaïques bruyait et
bruyaient. Le participe présent bruissant n’est plus utilisé que
comme adjectif : Le silence s’avérait bruissant de pensées, de
pulsions, d’élans, de frustrations. (É -E S , Les
perroquets de la place d’Arezzo, 2013)
CHOIR v. intr.
Un homme qui a chu n’est pas déchu… à condition qu’il choie
bien ! (R D , Le savoir choir)
Temps simples
Indicatif
Présent Passé Futur Conditionnel présent
simple simple
je chois je chus je choirai ou je choirais ou cherrais
cherrai
tu chois tu chus tu choiras tu choirais ou cherrais
ou cherras
il/elle choit il/elle chut il/elle choira il/elle choirait ou cherrait
ou cherra
nous nous nous nous choirions ou cherrions
choyons chûmes choirons ou
cherrons
vous vous chûtes vous choirez vous choiriez ou cherriez
choyez ou cherrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles choiraient ou
choient churent choiront ou cherraient
cherront
Subjoncti Infinitif Participe
f
Imparfait Présent Passé Passé
qu’il/elle choir avoir chu chu, chue, chus, chues
chût
CHOIR v. intr.
Ce verbe signifie « tomber, être entrainé vers le bas ». Il s’utilise
uniquement en contexte littéraire ou par plaisanterie. Les variantes
cherrai, cherras, etc. sont rares : Tire la chevillette et la bobinette
cherra. (C P , Le petit chaperon rouge, 1697)
Contrairement à ce que disent certains dictionnaires, ce verbe
n’apparaît pas qu’à l’infinitif, mais se retrouve encore conjugué chez
plusieurs auteurs. J’ignore où je chois ! (E R , Cyrano
de Bergerac, 1897), Une île chue. (G A ,
Perséphone 2014, 2016) ; Un papier chu. (Y M , Naissance,
2013) ; Yersin ne choit pas. (P D , Peste & choléra,
2012)
CLORE v. tr.
Il a clos le chapitre en disant que, de toute manière, c’était de
l’histoire ancienne. (D C , Le principe de
Pauline, 2014)
Temps simples
Indicatif Subjonctif Impéra Particip
tif e
Présent Futur Conditionn Présent Présent Passé
simple el présent
je clos je clorai je clorais que je close clos clos,
tu clos tu cloras tu clorais que tu close,
closes closes
il/elle clôt il/elle clora il/elle clorait qu’il/elle Infinitif
close
nous nous que nous Présen Passé
clorons clorions closions t
vous vous cloriez que vous clore avoir
clorez closiez clos
ils/elles ils/elles ils/elles qu’ils/elles
closent cloront cloraient closent
Les formes du futur simple et du subjonctif présent sont rares.
Se conjugue sur ce modèle : déclore. Ce verbe n’est plus utilisé que
dans la langue littéraire, à l’infinitif et au participe passé : Les
bouches se sont décloses. (J -C G , La vie en
crue, 2011)
CONCLURE v. tr.
Je conclus qu’il faut qu’on s’entraide. (J L F ,
L’âne et le chien, Fables, 1694)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je conclus je concluais je conclus je conclurai je conclurais
tu conclus tu concluais tu conclus tu tu conclurais
concluras
il/elle il/elle il/elle il/elle il/elle
conclut concluait conclut conclura conclurait
nous nous nous nous nous
concluons concluions conclûmes conclurons conclurions
vous vous vous vous vous
concluez concluiez conclûtes conclurez concluriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
concluent concluaient conclurent concluront concluraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je conclus conclure concluant
conclue conclusse
que tu que tu
conclues conclusses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
conclue conclût
que nous que nous concluons avoir conclu,
concluions conclussions conclu conclue,
que vous que vous concluez conclus,
concluiez conclussiez conclues
qu’ils/elles qu’ils/elles
concluent conclussent
Se conjuguent sur ce modèle : exclure, inclure.
Le participe passé d’inclure prend la forme inclus, incluse, incluses :
Nous ne sommes pas inclus dans cette majorité. (H Y ,
Tout est halluciné, 2016), souvent précédé de ci- (Veuillez trouver
ci-inclus).
CONDUIRE v. tr.
Là il monta dans un cabriolet qui le conduisit à l’esplanade de
l’Observatoire. (V H , Les misérables, 1862)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je conduis je conduisais je conduisis je je conduirais
conduirai
tu conduis tu conduisais tu conduisis tu tu conduirais
conduiras
il/elle conduit il/elle il/elle il/elle il/elle
conduisait conduisit conduira conduirait
nous nous nous nous nous
conduisons conduisions conduisîme conduiron conduirions
s s
vous vous vous vous vous
conduisez conduisiez conduisîtes conduirez conduiriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
conduisent conduisaient conduisirent conduiront conduiraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je conduis conduire conduisant
conduise conduisisse
que tu que tu
conduises conduisisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
conduise conduisît
que nous que nous conduisons avoir conduit,
conduisions conduisission conduit conduite,
s conduits,
que vous que vous conduisez conduites
conduisiez conduisissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
conduisent conduisissent
Se conjuguent sur ce modèle : construire, cuire, déduire, détruire,
éconduire, enduire, induire, instruire, introduire, nuire, produire,
reconduire, reconstruire, recuire, réduire, reproduire, séduire,
traduire.
Le participe passé de nuire ne prend pas de -t : Dès le départ, ça a
nui à nos relations. (B L C , La ballade de Lila K,
2010)
CONNAITRE (CONNAÎTRE) v. tr.
Tu connaîtras plus tard le bonheur que tu avais. (A C ,
L’étranger, 1942)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je connais je connaissais je connus je je connaitrais
connaitrai
tu connais tu connaissais tu connus tu tu connaitrais
connaitras
il/elle connait il/elle il/elle il/elle il/elle
connaissait connut connaitra connaitrait
nous nous nous nous nous
connaissons connaissions connûmes connaitrons connaitrions
vous vous vous vous vous
connaissez connaissiez connûtes connaitrez connaitriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
connaissent connaissaient connurent connaitront connaitraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je connais connaitre connaissant
connaisse connusse (connaître)
que tu que tu
connaisses connusses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
connaisse connût
que nous que nous connaisson avoir connu connu,
connaissions connussions s connue,
que vous que vous connaissez connus,
connaissiez connussiez connues

qu’ils/elles qu’ils/elles
connaissent connussent
Se conjuguent sur ce modèle les verbes en -aitre : apparaitre,
comparaitre, disparaitre, méconnaitre, paraitre, réapparaitre,
reconnaitre, reparaitre, transparaitre.
COUDRE v. tr.
Et maintenant, cousez ! (A J , L’art français de la
guerre, 2011)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je couds je cousais je cousis je coudrai je coudrais
tu couds tu cousais tu cousis tu coudras tu coudrais
il/elle coud il/elle cousait il/elle cousit il/elle il/elle coudrait
coudra
nous nous nous nous nous
cousons cousions cousîmes coudrons coudrions
vous cousez vous cousiez vous vous vous coudriez
cousîtes coudrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
cousent cousaient cousirent coudront coudraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je couse que je couds coudre cousant
cousisse
que tu que tu
couses cousisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
couse cousît
que nous que nous cousons avoir cousu cousu,
cousions cousissions cousue,
que vous que vous cousez cousus,
cousiez cousissiez cousues

qu’ils/elles qu’ils/elles
cousent cousissent
Se conjuguent sur ce modèle : découdre, recoudre.
COURIR v. tr.
Elle courut à toutes jambes jusqu’à la souche. (J D , La
vérité sur l’affaire Harry Quebert, 2012)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je cours je courais je courus je courrai je courrais
tu cours tu courais tu courus tu courras tu courrais
il/elle court il/elle courait il/elle courut il/elle il/elle courrait
courra
nous nous courions nous nous nous
courons courûmes courrons courrions
vous courez vous couriez vous vous vous courriez
courûtes courrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
courent couraient coururent courront courraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je coure que je cours courir courant
courusse
que tu que tu
coures courusses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
coure courût
que nous que nous courons avoir couru couru,
courions courussions courue,
que vous que vous courez courus,
couriez courussiez courues

qu’ils/elles qu’ils/elles
courent courussent
Se conjuguent sur ce modèle : accourir, concourir, discourir,
encourir, parcourir, recourir, secourir.
COUVRIR v. tr.
Un jour, je lui saisis la main et, presque sans m’en rendre compte,
je la couvris de baisers. (É -E S , Le sumo qui
ne pouvait pas grossir, 2009)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je couvre je couvrais je couvris je couvrirai je couvrirais
tu couvres tu couvrais tu couvris tu tu couvrirais
couvriras
il/elle couvre il/elle couvrait il/elle il/elle il/elle
couvrit couvrira couvrirait
nous nous nous nous nous
couvrons couvrions couvrîmes couvrirons couvririons
vous vous couvriez vous vous vous
couvrez couvrîtes couvrirez couvririez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
couvrent couvraient couvrirent couvriront couvriraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je couvre couvrir couvrant
couvre couvrisse
que tu que tu
couvres couvrisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
couvre couvrît
que nous que nous couvrons avoir couvert,
couvrions couvrissions couvert couverte,
que vous que vous couvrez couverts,
couvriez couvrissiez couvertes
qu’ils/elles qu’ils/elles
couvrent couvrissent
Se conjuguent sur ce modèle : découvrir, entrouvrir, offrir, ouvrir,
recouvrir, rouvrir, souffrir.
CRAINDRE v. tr.
Elle ne craint pas de regarder les hommes dans les yeux. (F
Z , Le corps de ma mère, 2016)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je crains je craignais je craignis je craindrai je craindrais
tu crains tu craignais tu craignis tu tu craindrais
craindras
il/elle craint il/elle il/elle il/elle il/elle
craignait craignit craindra craindrait
nous nous nous nous nous
craignons craignions craignîmes craindrons craindrions
vous vous vous vous vous
craignez craigniez craignîtes craindrez craindriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
craignent craignaient craignirent craindront craindraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je crains craindre craignant
craigne craignisse
que tu que tu
craignes craignisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
craigne craignît
que nous que nous craignons avoir craint craint,
craignions craignissions crainte,
que vous que vous craignez craints,
craigniez craignissiez craintes
qu’ils/elles qu’ils/elles
craignent craignissent
Se conjuguent sur ce modèle : adjoindre, astreindre, atteindre,
ceindre, conjoindre, contraindre, dépeindre, déteindre, disjoindre,
empreindre, enceindre, enfreindre, enjoindre, éteindre, feindre,
geindre, joindre, oindre, peindre, plaindre, poindre, rejoindre,
repeindre, restreindre, teindre.
Le verbe oindre ne s’emploie plus qu’à l’infinitif (1) et au participe
passé (2) : Il fallait l’amadouer, la tartiner de douceur, l’oindre de
compliments. (K P , Les écureuils de Central Park
sont tristes le lundi, 2010) (1) ; Seulement le corps oint de crème
solaire protection 50. (F B , Une vie sans fin,
2018) (2)
Poindre n’est plus utilisé qu’à l’infinitif : L’aube allait poindre, et je
n’avais toujours pas sommeil. (J H , Moi qui n’ai
pas connu les hommes, 1995), à la troisième personne de l’indicatif
ou du subjonctif présent et du futur simple : Avant que l’aube ne
pointe. (N , L’amande, 2004)
CROIRE v. tr.
Je n’en croyais pas mes yeux tellement il était proche. (Y
M , L’histoire de Pi, 2001)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je crois je croyais je crus je croirai je croirais
tu crois tu croyais tu crus tu croiras tu croirais
il/elle croit il/elle croyait il/elle crut il/elle croira il/elle croirait
nous nous croyons nous nous nous
croyons crûmes croirons croirions
vous croyez vous croyez vous crûtes vous vous croiriez
croirez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
croient croyaient crurent croiront croiraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je croie que je crusse crois croire croyant
que tu que tu
croies crusses
qu’il/elle qu’il/elle crût Passé Passé
croie
que nous que nous croyons avoir cru cru, crue,
croyions crussions crus, crues
que vous que vous croyez
croyiez crussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
croient crussent
Se conjugue sur ce modèle : accroire.
CROITRE (CROÎTRE) v. intr.
Mon importance à bord croissait prodigieusement de jour à
jour. (L -F C , Voyage au bout de la nuit, 1932)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je croîs je croissais je crûs je croitrai je croitrais
tu croîs tu croissais tu crûs tu croitras tu croitrais
il/elle croît il/elle croissait il/elle crût il/elle il/elle croitrait
croitra
nous nous nous nous nous
croissons croissions crûmes croitrons croitrions
vous vous croissiez vous crûtes vous vous croitriez
croissez croitrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
croissent croissaient crûrent croitront croitraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je crusse croîs croitre croissant
croisse (croître)
que tu que tu
croisses crusses
qu’il/elle qu’il/elle crût Passé Passé
croisse
que nous que nous croissons avoir crû crû, crue,
croissions crussions crus, crues
que vous que vous croissez
croissiez crussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
croissent crussent
En nouvelle orthographe, l’accent circonflexe n’est conservé sur les
re e
lettres i et u qu’aux 1 et 2 personnes du pluriel du passé simple et
sur les mots qui seraient homographes sans cet accent. On
distingue de cette manière, je croîs et je crois (croire) ainsi que je
crûs et je crus (croire).
CUEILLIR v. tr.
Dire qu’on vient de se donner tant de chaleur et qu’elle me cueille à
froid. (D P , La petite marchande de prose, 1989)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je cueille je cueillais je cueillis je cueillerai je cueillerais
tu cueilles tu cueillais tu cueillis tu tu cueillerais
cueilleras
il/elle cueille il/elle cueillait il/elle cueillit il/elle il/elle
cueillera cueillerait
nous nous nous nous nous
cueillons cueillions cueillîmes cueillerons cueillerions
vous vous cueilliez vous vous vous
cueillez cueillîtes cueillerez cueilleriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
cueillent cueillaient cueillirent cueilleront cueilleraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je cueille cueillir cueillant
cueille cueillisse
que tu que tu
cueilles cueillisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
cueille cueillît
que nous que nous cueillons avoir cueilli cueilli,
cueillions cueillissions cueillie,
que vous que vous cueillez cueillis,
cueilliez cueillissiez cueillies

qu’ils/elles qu’ils/elles
cueillent cueillissent
Se conjuguent sur ce modèle : accueillir, recueillir.
DÉCHOIR v. intr.
C’est aujourd’hui qu’il chute, qu’il déchoit, que tout
s’arrête. (G P , Avant de quitter la rame, 2017)
Temps simples
Indicatif
Présent Passé simple Futur simple Conditionnel
présent
je déchois je déchus je déchoirai je déchoirais
tu déchois tu déchus tu déchoiras tu déchoirais
il/elle déchoit il/elle déchut il/elle déchoira il/elle déchoirait
nous nous déchûmes nous nous
déchoyons déchoirons déchoirions
vous déchoyez vous déchûtes vous déchoirez vous déchoiriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
déchoient déchurent déchoiront déchoiraient
Subjonctif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Passé
que je déchoie que je déchusse déchoir déchu, déchue,
que tu déchoies que tu déchus,
déchusses déchues

qu’il/elle qu’il/elle déchût Passé


déchoie
que nous que nous avoir ou être
déchoyions déchussions déchu
que vous que vous
déchoyiez déchussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
déchoient déchussent
Aux temps composés, le verbe fonctionne, selon la nuance de la
pensée, avec avoir ou être :
Ils ont déchu, ils ne méritent pas de vivre, ils ont trahi la patrie et
son Führer hargneux. (M E , Zone, 2008) ; Elle
mentionne qu’il a été déchu de ses droits civiques et de sa
nationalité. (D C , Outre-mère, 2017)
DEVOIR v. tr.
Je vous dois la vie et je ne saurais trop vous en remercier. (D
D , Jacques le fataliste et son maître, 1796)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je dois je devais je dus je devrai je devrais
tu dois tu devais tu dus tu devras tu devrais
il/elle doit il/elle devait il/elle dut il/elle devra il/elle devrait
nous devons nous devions nous nous nous
dûmes devrons devrions
vous devez vous deviez vous dûtes vous vous devriez
devrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
doivent devaient durent devront devraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je doive que je dusse dois devoir devant
que tu que tu dusses
doives
qu’il/elle qu’il/elle dût Passé Passé
doive
que nous que nous devons avoir dû dû, due, dus,
devions dussions dues
que vous que vous devez
deviez dussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
doivent dussent
Les formes de l’impératif présent sont très peu usitées.
Se conjugue sur ce modèle : recevoir.
DIRE v. tr.
Dis ce que tu as à dire. (M D , La grande maison,
1952)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je dis je disais je dis je dirai je dirais
tu dis tu disais tu dis tu diras tu dirais
il/elle dit il/elle disait il/elle dit il/elle dira il/elle dirait
nous disons nous disions nous dîmes nous nous dirions
dirons
vous dites vous disiez vous dîtes vous direz vous diriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
disent disaient dirent diront diraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je dise que je disse dis dire disant
que tu dises que tu disses
qu’il/elle qu’il/elle dît Passé Passé
dise
que nous que nous disons avoir dit dit, dite, dits,
disions dissions dites
que vous que vous dites
disiez dissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
disent dissent
Se conjuguent sur ce modèle : contredire, dédire (se), interdire,
médire, prédire, redire.
Mais la seconde personne du pluriel de l’indicatif présent et la
seconde personne du pluriel de l’impératif présent des verbes
dédire, contredire, interdire, médire, prédire se distinguent du verbe
dire : vous contredisez, vous dédisez, vous interdisez, vous
médisez, vous prédisez :
Vous vous contredisez déjà, Miss Queen. Vous auriez dû mieux
préparer vos mensonges ! (M B , Gravé dans le sable,
2014) ; Vous m’interdisez de revoir Élina ? (É -E
S , La tectonique des sentiments, 2008) ; Ne médisez pas,
ne jugez pas, tenez votre langue. (E C , Le
royaume, 2014)
DORMIR v. intr.
Je m’étirai dans mon lit, j’avais dormi comme un bébé. (A
M -L , Les gens heureux lisent et boivent du café,
2013)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je dors je dormais je dormis je dormirai je dormirais
tu dors tu dormais tu dormis tu dormiras tu dormirais
il/elle dort il/elle dormait il/elle dormit il/elle il/elle
dormira dormirait
nous nous nous nous nous
dormons dormions dormîmes dormirons dormirions
vous vous dormiez vous vous vous
dormez dormîtes dormirez dormiriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
dorment dormaient dormirent dormiront dormiraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je dors dormir dormant
dorme dormisse
que tu que tu
dormes dormisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
dorme dormît
que nous que nous dormons avoir dormi dormi
dormions dormissions
que vous que vous dormez
dormiez dormissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
dorment dormissent
Se conjuguent sur ce modèle : endormir, rendormir.
Le féminin du participe passé dormie est très rare : Trois nuits mal
dormies. (A M , Les marrons du feu, Premières
poésies, 1829)
Pour rendormir, contrairement à dormir, le féminin du participe
passé (rendormie) est courant : Ça y est, Verdun s’est
rendormie. (D P , La fée carabine, 1987). Aux temps
composés, il fonctionne avec être : Je ne crois pas m’être
rendormie. (D V , D’après une histoire vraie, 2015)
ÉCHOIR v. intr.
Voici pourtant un cas où tout l’honneur échut. (J L
F , Le loup et le renard, Fables, 1694)
Temps simples
Indicatif Infiniti Participe
f
Présent Passé Futur Condition Pré Pa Pré Passé
simple simple nel sen ss sent
présent t é
il/elle il/elle il/elle il/elle éch êtr éch échu,
échoit échut échoira échoirait oir e éant échue,
ils/elles ils/elles ils/elles éc échus,
échoient échoiront échoiraient hu échues
La forme échet à l’indicatif présent est une forme juridique : C’est ce
que l’on dit en Bourgogne, que ce qui échet au père échet au
fils. (P -A M , Répertoire universel et raisonné
de jurisprudence, 1813). On trouve des formes archaïques pour le
futur simple (écherra, écherront) et pour le conditionnel présent
(écherrait, écherraient).
Aux temps composés, le verbe se forme avec être : Un vignoble
entier lui était échu par héritage, nous expliqua-t-il. (L -
F C , Voyage au bout de la nuit, 1932)
ÉCLORE v. intr.
Fantine était un de ces êtres comme il en éclôt, pour ainsi dire, au
fond du peuple. (V H , Les misérables, 1862)
Temps simples
Indicatif Subjonctif
Présent Futur simple Conditionnel Présent
présent
il/elle éclôt il/elle éclora il/elle éclorait qu’il/elle éclose
ils/elles ils/elles ils/elles qu’ils/elles
éclosent écloront écloraient éclosent
Impératif Infinitif Participe
Présent Présent Passé Passé
éclos éclore avoir ou être éclos, éclose,
éclos écloses
Selon le Littré, on trouve une conjugaison complète à l’indicatif
présent (j’éclos, tu éclos, il éclôt, nous éclosons, vous éclosez, ils
éclosent), ainsi qu’à l’imparfait (j’éclosais), au futur (j’éclorai), au
conditionnel (j’éclorais) et au subjonctif présent (que j’éclose). Aux
temps composés, le verbe se construit avec avoir (1) ou être (2) : À
présent, le jour avait éclos, lumineux et chatoyant. (V
E , Nous sommes tous des faits divers, 2013) (1) ; Plusieurs
générations y sont écloses, les yeux plus grands que
l’horizon. (Y K , L’attentat, 2005) (2)
ÉCRIRE v. tr.
Bref, j’écrivis pour mon plaisir. (J -P S , Les mots,
1964)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
j’ écris j’ écrivais j’ écrivis j’ écrirai j’ écrirais
tu écris tu écrivais tu écrivis tu écriras tu écrirais
il/elle écrit il/elle écrivait il/elle écrivit il/elle écrira il/elle écrirait
nous nous nous nous nous
écrivons écrivions écrivîmes écrirons écririons
vous écrivez vous écriviez vous vous vous écririez
écrivîtes écrirez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
écrivent écrivaient écrivirent écriront écriraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que j’écrive que j’écrivisse écris écrire écrivant
que tu que tu
écrives écrivisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
écrive écrivît
que nous que nous écrivons avoir écrit écrit, écrite,
écrivions écrivissions écrits, écrites
que vous que vous écrivez
écriviez écrivissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
écrivent écrivissent
Se conjuguent sur ce modèle : circonscrire, décrire, inscrire,
prescrire, proscrire, récrire, souscrire, transcrire.
ENCLORE v. tr.
Un monde qui se limitait pour moi à la propriété, à ses jardins et à
nos vergers, eux-mêmes enclos dans les orangeraies de Ayn Chir,
que les spéculateurs commençaient à dévaster. (C
M , Villa des femmes, 2015)
Temps simples
Indicatif Subjonctif Impérati
f
Présent Futur Conditionn Présent Présent
simple el présent
j’enclos j’enclorai j’enclorais que j’enclose enclos
tu enclos tu encloras tu enclorais que tu
encloses
il/elle enclôt il/elle il/elle qu’il/elle
enclora enclorait enclose
nous nous nous que nous encloson
enclosons enclorons enclorions enclosions s
vous vous vous que vous enclosez
enclosez enclorez encloriez enclosiez
ils/elles ils/elles ils/elles qu’ils/elles
enclosent encloront encloraient enclosent
Infinitif Participe
Présent Passé Présent Passé
enclore avoir enclos enclosant enclos,
enclose,
encloses
ENCLORE v. tr.
Par analogie avec il clôt, on écrit il enclôt : On enclôt plus de trois
mille hectares. (É V , 14 juillet, 2016). Il y a cependant
une hésitation sur l’orthographe de cette forme : alors que le
e
Dictionnaire de l’Académie (9 édition) et le Larousse mettent un
accent circonflexe, le Petit Robert et le Bescherelle n’en mettent
pas.
ENVOYER v. tr.
Tu m’as envoyé promener. (S B , Fin de partie,
1957)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
j’envoie j’envoyais j’envoyai j’enverrai j’enverrais
tu envoies tu envoyais tu envoyas tu enverras tu enverrais
il/elle envoie il/elle envoyait il/elle il/elle il/elle
envoya enverra enverrait
nous nous nous nous nous
envoyons envoyions envoyâmes enverrons enverrions
vous vous vous vous vous
envoyez envoyiez envoyâtes enverrez enverriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
envoient envoyaient envoyèrent enverront enverraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que j’ envoie que j’ envoie envoyer envoyant
envoyasse
que tu que tu
envoies envoyasses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
envoie envoyât
que nous que nous envoyons avoir envoyé,
envoyions envoyassions envoyé envoyée,
que vous que vous envoyez envoyés,
envoyiez envoyassiez envoyées
qu’ils/elles qu’ils/elles
envoient envoyassent
Se conjugue sur ce modèle : renvoyer.

FAILLIR v. intr.
J’ai failli cent fois y laisser ma peau. (G S , Avicenne
ou la route d’Ispahan, 1989)
Temps simples
Indicatif Infinitif Participe
Passé Futur simple Conditionn Présent Passé
simple el présent
je faillis je faillirai je faillirais faillir failli, faillie,
tu faillis tu failliras tu faillirais faillis, faillies
il/elle faillit il/elle faillira il/elle faillirait Passé
nous nous faillirons nous avoir failli
faillîmes faillirions
vous faillîtes vous faillirez vous
failliriez
ils/elles ils/elles ils/elles
faillirent failliront failliraient
Quand on utilise faillir dans le sens de faire faillite, le verbe se
calque sur finir.
FAIRE v. tr.
Comme quoi l’habit ne fait pas le moine et le tablier blanc, le
charcutier honnête. (K P , Les écureuils de
Central Park sont tristes le lundi, 2010)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionne
simple simple l présent
je fais je faisais je fis je ferai je ferais
tu fais tu faisais tu fis tu feras tu ferais
il/elle fait il/elle faisait il/elle fit il/elle fera il/elle ferait
nous faisons nous nous fîmes nous ferons nous ferions
faisions
vous faites vous faisiez vous fîtes vous ferez vous feriez
ils/elles font ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
faisaient firent feront feraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je fasse que je fisse fais faire faisant
que tu fasses que tu fisses
qu’il/elle qu’il/elle fît Passé Passé
fasse
que nous que nous faisons avoir fait fait, faite,
fassions fissions faits, faites
que vous que vous faites
fassiez fissiez
FAIRE v. tr.
qu’ils/elles qu’ils/elles
fassent fissent
Se conjuguent sur ce modèle : contrefaire, défaire, parfaire, refaire,
satisfaire, surfaire.

FALLOIR v. intr.
Il s’en fallut de peu que je ne renonçasse à la littérature. (J -
P S , Les mots, 1964)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
il/elle faut il/elle fallait il/elle fallut il/elle il/elle faudrait
faudra
Subjonctif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Passé Passé
qu’il/elle qu’il/elle fallût falloir avoir fallu fallu
faille
FRIRE v. tr.
Rouget est frit ! (G F , L’éducation sentimentale,
1869)
Temps simples
Indicatif Impérati Infinitif Particip
f e
Présent Futur Conditionn Présent Présent Passé
simple el présent
je fris je frirai je frirais Fris frire frit, frite,
tu fris tu friras tu frirais frits, frites
il/elle frit il/elle frira il/elle frirait Passé
nous frirons nous avoir frit
fririons
vous frirez vous
fririez
ils/elles ils/elles
friront friraient
Les formes du futur simple, du conditionnel présent et de l’impératif
sont rares. Les autres formes sont suppléées au moyen des temps
du verbe faire : Ça, ou bien le soleil qui lui faisait frire les
méninges. (Y M , L’histoire de Pi, 2001)
FUIR v. tr.
Courage fuyons. (Y R , Courage fuyons, 1979)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je fuis je fuyais je fuis je fuirai je fuirais
tu fuis tu fuyais tu fuis tu fuiras tu fuirais
il/elle fuit il/elle fuyait il/elle fuit il/elle fuira il/elle fuirait
nous fuyons nous fuyions nous nous nous fuirions
fuîmes fuirons
vous fuyez vous fuyiez vous fuîtes vous fuirez vous fuiriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
fuient fuyaient fuirent fuiront fuiraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je fuie que je fuisse fuis fuir fuyant
que tu fuies que tu fuisses
qu’il/elle fuie qu’il/elle fuît Passé Passé
que nous que nous fuyons avoir fui fui, fuie, fuis,
fuyions fuissions fuies
que vous que vous fuyez
fuyiez fuissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
fuient fuissent
FUIR v. tr.
Se conjugue sur ce modèle : enfuir (s’).
Les formes du subjonctif imparfait sont rares. Aux temps composés,
s’enfuir fonctionne avec être : Tintin se serait enfui. (A
B , Hong Kong Blues, 2017)

GÉSIR v. intr.
Il gisait là, assommé par son illusion. (D R , J’écris
parce que je chante mal, 2010)
Temps simples
Indicatif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent
je gis je gisais gésir gisant
tu gis tu gisais
il/elle git il/elle gisait
nous gisons nous gisions
vous gisez vous gisiez
ils/elles gisent ils/elles gisaient
HAÏR v. tr.
J’ai beau souffrir mais mon cœur revient vers toi
Et je me hais de t’aimer comme ça. (R , Hysteric love, 2008)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je hais je haïssais je haïs je haïrai je haïrais
tu hais tu haïssais tu haïs tu haïras tu haïrais
il/elle hait il/elle haïssait il/elle haït il/elle haïra il/elle haïrait
nous nous nous nous nous haïrions
haïssons haïssions haïmes haïrons
vous vous haïssiez vous haïtes vous vous haïriez
haïssez haïrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
haïssent haïssaient haïrent haïront haïraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je haïsse haïs haïr haïssant
haïsse
que tu que tu
haïsses haïsses
qu’il/elle qu’il/elle haït Passé Passé
haïsse
que nous que nous haïssons avoir haï haï, haïe,
haïssions haïssions haïs, haïes
que vous que vous haïssez
haïssiez haïssiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
haïssent haïssent
Les formes du passé simple et du subjonctif imparfait sont rares.
LIRE v. tr.
Apprends à dissimuler, on lit en toi comme dans un livre
ouvert. (K P , La valse lente des tortues, 2008)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je lis je lisais je lus je lirai je lirais
tu lis tu lisais tu lus tu liras tu lirais
il/elle lit il/elle lisait il/elle lut il/elle lira il/elle lirait
nous lisons nous lisions nous nous lirons nous lirions
lûmes
vous lisez vous lisiez vous lûtes vous lirez vous liriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles liraient
lisent lisaient lurent liront
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je lise que je lusse lis lire lisant
que tu lises que tu lusses
qu’il/elle lise qu’il/elle lût Passé Passé
que nous que nous lisons avoir lu lu, lue, lus,
lisions lussions lues
que vous que vous lisez
lisiez lussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
lisent lussent
Se conjuguent sur ce modèle : élire, réélire, relire.
LUIRE v. intr.
Son front luisait de transpiration. (D F , Les
souvenirs, 2011)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je luis je luisais je luisis je luirai je luirais
tu luis tu luisais tu luisis tu luiras tu luirais
il/elle luit il/elle luisait il/elle luisit il/elle luira il/elle luirait
nous luisons nous luisions nous nous nous luirions
luisîmes luirons
vous luisez vous luisiez vous vous luirez vous luiriez
luisîtes
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
luisent luisaient luisirent luiront luiraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je luise que je luisisse luis luire luisant
que tu luises que tu
luisisses
qu’il/elle qu’il/elle luisît Passé Passé
luise
que nous que nous luisons avoir lui lui
luisions luisissions
que vous que vous luisez
luisiez luisissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
luisent luisissent
Les formes du passé simple et du subjonctif imparfait sont peu
usitées.
Se conjugue sur ce modèle : reluire.
MAUDIRE v. tr.
On maudit le sort lorsqu’il nous est contraire ; pourquoi ne pas le
remercier lorsqu’il nous favorise ? (A M , Bonheurs : 52
semaines, 1992)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je maudis je maudissais je maudis je je maudirais
maudirai
tu maudis tu maudissais tu maudis tu tu maudirais
maudiras
il/elle maudit il/elle il/elle il/elle il/elle
maudissait maudit maudira maudirait
nous nous nous nous nous
maudissons maudissions maudîmes maudirons maudirions
vous vous vous vous vous
maudissez maudissiez maudîtes maudirez maudiriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
maudissent maudissaient maudirent maudiront maudiraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je maudis maudire maudissant
maudisse maudisse
que tu que tu
maudisses maudisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
maudisse maudît
que nous que nous maudisson avoir maudit,
maudissions maudissions s maudit maudite,
que vous que vous maudissez maudits,
maudissiez maudissiez maudites
qu’ils/elles qu’ils/elles
maudissent maudissent
MENTIR v. tr.
Inutile de se donner du mal : elle sait quand je mens ou fais le
malin. (S M , Villa Jasmin, 2003)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionne
simple simple l présent
je mens je mentais je mentis je mentirai je mentirais
tu mens tu mentais tu mentis tu mentiras tu mentirais
il/elle ment il/elle il/elle mentit il/elle il/elle
mentait mentira mentirait
nous nous nous nous nous
mentons mentions mentîmes mentirons mentirions
vous mentez vous vous vous vous
mentiez mentîtes mentirez mentiriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
mentent mentaient mentirent mentiront mentiraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je mens mentir mentant
mente mentisse
que tu que tu
mentes mentisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
mente mentît
que nous que nous mentons avoir menti menti
mentions mentissions
que vous que vous mentez
mentiez mentissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
mentent mentissent
Se conjuguent sur ce modèle : consentir, démentir, départir, partir,
pressentir, repartir, repentir (se), ressentir, ressortir, sentir, sortir.
Mais contrairement à mentir ces verbes possèdent une forme de
participe passé au féminin et au pluriel (parti, partie, partis,
parties, etc.) : Elle s’était sentie terriblement seule, (K
P , Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi, 2010) ;
Cette version m’a été plusieurs fois démentie. (D
V , Rien ne s’oppose à la nuit, 2011). Dans son sens de
« partager », le verbe partir ne s’emploie plus que dans l’expression
avoir maille à partir avec quelqu’un : Qui n’avait jamais eu maille à
partir avec la police. (B M , Glacé, 2011)
Aux temps composés :
– partir, repartir, repentir, ressortir fonctionnent avec être : De Soto
s’était repenti d’avoir été brutal lors de leur première
rencontre. (É V , Conquistadors, 2009)
– repartir se conjugue avec être quand il signifie « partir de
nouveau » : Il est reparti, fier. (D R , J’écris parce que
je chante mal, 2010) et avec avoir quand il signifie « répondre » (j’ai
reparti).
– sortir, au sens transitif, fonctionne avec avoir, tandis qu’au sens
intransitif, il fonctionne avec être : Iris était sortie de
clinique. (K P , La valse lente des tortues, 2008)
METTRE v. tr.
Nous nous mîmes à plusieurs pour préparer le repas car nous
avions très faim. (M B , Les étoiles de Sidi Moumen,
2010)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je mets je mettais je mis je mettrai je mettrais
tu mets tu mettais tu mis tu mettras tu mettrais
il/elle met il/elle mettait il/elle mit il/elle il/elle mettrait
mettra
nous nous mettions nous nous nous
mettons mîmes mettrons mettrions
vous mettez vous mettiez vous mîtes vous vous mettriez
mettrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
mettent mettaient mirent mettront mettraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je mette que je misse mets mettre mettant
que tu que tu misses
mettes
qu’il/elle qu’il/elle mît Passé Passé
mette
METTRE v. tr.
que nous que nous mettons avoir mis mis, mise,
mettions missions mises
que vous que vous mettez
mettiez missiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
mettent missent
Se conjuguent sur ce modèle : admettre, commettre, compromettre,
démettre, émettre, entremettre (s’), omettre, permettre, promettre,
remettre, soumettre, transmettre.
Aux temps composés, s’entremettre fonctionne avec être : Il s’est
entremis entre les deux frères pour les réconcilier. (Dictionnaire de
l’Académie)
MOUDRE v. tr.
Je mouds le café. (J R , Poil de carotte, 1894)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionne
simple simple l présent
je mouds je moulais je moulus je moudrai je moudrais
tu mouds tu moulais tu moulus tu moudras tu moudrais
il/elle moud il/elle il/elle moulut il/elle il/elle
moulait moudra moudrait
nous nous nous nous nous
moulons moulions moulûmes moudrons moudrions
vous moulez vous vous vous vous
mouliez moulûtes moudrez moudriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
moulent moulaient moulurent moudront moudraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je mouds moudre moulant
moule moulusse
que tu que tu
moules moulusses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
moule moulût
que nous que nous moulons avoir moulu moulu,
moulions moulussions moulue,
que vous que vous moulez moulus,
mouliez moulussiez moulues
qu’ils/elles qu’ils/elles
moulent moulussent
MOURIR v. intr.
Je me meurs, mon Dieu ! (A D , Le Comte de
Monte-Cristo, 1844)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je meurs je mourais je mourus je mourrai je mourrais
tu meurs tu mourais tu mourus tu mourras tu mourrais
il/elle meurt il/elle mourait il/elle il/elle il/elle
mourut mourra mourrait
nous nous nous nous nous
mourons mourions mourûmes mourrons mourrions
vous vous mouriez vous vous vous
mourez mourûtes mourrez mourriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
meurent mouraient moururent mourront mourraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je meurs mourir mourant
meure mourusse
que tu que tu
meures mourusses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
meure mourût
que nous que nous mourons être mort mort, morte,
mourions mourussions morts, mortes
que vous que vous mourez
mouriez mourussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
meurent mourussent
Aux temps composés, le verbe fonctionne avec être : Il est mort en
silence. (A M , Tazmamart – Cellule 10, 2000)
MOUVOIR v. intr.
L’origine obscure ne bouge plus, le passé s’immobilise, plus rien ne
se meut. (A J , L’art français de la guerre, 2011)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je meus je mouvais je mus je mouvrai je mouvrais
tu meus tu mouvais tu mus tu mouvras tu mouvrais
il/elle meut il/elle il/elle mut il/elle il/elle mouvrait
mouvait mouvra
nous nous nous nous nous
mouvons mouvions mûmes mouvrons mouvrions
vous mouvez vous vous vous vous mouvriez
mouviez mûtes mouvrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
meuvent mouvaient murent mouvront mouvraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Passé
que je meuve que je musse meus mouvoir mu, mue, mus,
mues
que tu que tu
meuves musses
qu’il/elle qu’il/elle mût Passé
meuve
que nous que nous mouvons avoir mu
mouvions mussions
que vous que vous mouvez
mouviez mussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
meuvent mussent
Le participe passé, mu, s’écrit sans accent circonflexe. Il n’y a plus
d’accent circonflexe sur les lettres i et u dans la nouvelle
re e
orthographe (sauf aux 1 et 2 personnes du pluriel du passé
simple et pour distinguer des mots qui seraient homographes sans
cela).
Se conjuguent sur ce modèle : émouvoir, promouvoir, mais les
participes passés de ces verbes ne prennent jamais d’accent
circonflexe : Son attitude m’a ému. (D F , Les
souvenirs, 2011)
NAITRE (NAÎTRE) v. intr.
Je naissais pour mourir. (J -P S , Les mots, 1964)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je nais je naissais je naquis je naitrai je naitrais
tu nais tu naissais tu naquis tu naitras tu naitrais
il/elle nait il/elle naissait il/elle naquit il/elle naitra il/elle naitrait
nous nous nous nous nous
naissons naissions naquîmes naitrons naitrions
vous vous naissiez vous vous vous naitriez
naissez naquîtes naitrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
naissent naissaient naquirent naitront naitraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je nais naitre naissant
naisse naquisse (naître)
que tu que tu
naisses naquisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
naisse naquît
que nous que nous naissons être né né, née, nés,
naissions naquissions nées
que vous que vous naissez
naissiez naquissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
naissent naquissent
Aux temps composés, le verbe se conjugue avec être : Il traînait
cette mine sombre propre à ceux qui sont nés pour être
malheureux. (M B , Les étoiles de Sidi Moumen, 2010)
Se conjugue sur ce modèle : renaitre, mais ce verbe n’a pas de
participe passé et ne peut donc pas être conjugué aux temps
composés.
PAITRE (PAÎTRE) v. tr.
Paissons l’herbe, broutons ; mourons de faim plutôt. (J L
F , Le loup et les bergers, Fables, 1694)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Futur simple Conditionnel
présent
je pais je paissais je paitrai je paitrais
tu pais tu paissais tu paitras tu paitrais
il/elle pait il/elle paissait il/elle paitra il/elle paitrait
nous paissons nous paissions nous paitrons nous paitrions
vous paissez vous paissiez vous paitrez vous paitriez
ils/elles ils/elles ils/elles paitront ils/elles paitraient
paissent paissaient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Présent Présent Présent
que je paisse pais paitre (paître) paissant
que tu paisses
qu’il/elle paisse
que nous paissons
paissions
que vous paissez
paissiez
qu’ils/elles
paissent
re
Il n’y a plus d’accent circonflexe sur les lettres i et u (sauf aux 1 et
e
2 personnes du pluriel du passé simple et pour distinguer des mots
qui seraient homographes sans cela). On écrit donc dans la
nouvelle orthographe : il pait (il paît), je paitrai (je paîtrai), je paitrais
(je paîtrais), etc.
Se conjugue sur ce modèle : repaitre, qui est surtout utilisé au
participe passé (1) et à l’infinitif (2), mais d’autres formes
conjuguées sont également possibles (3) : Elle sort seule, repue et
réjouie. (B W , La révolution des fourmis, 1996) (1) ;
Gaspard se montrait aussi soucieux de satisfaire la comtesse que
de repaître son mari. (J -B D A , Une éducation
libertine, 2009) (2) ; Si l’homme est mauvais et qu’il ne peut rien
faire pour se sauver, autant en effet qu’il pèche tout son soûl et se
repaisse de sa propre horreur. (J -C R , Rouge
Brésil, 2001) (3)
Le verbe est plus fréquemment utilisé sous sa forme pronominale
(se repaitre).
PLAIRE v. intr.
Vous ferez comme il vous plaira, voyez-vous. (M
M , Pelléas et Mélisande, 1892)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je plais je plaisais je plus je plairai je plairais
tu plais tu plaisais tu plus tu plairas tu plairais
il/elle plait il/elle plaisait il/elle plut il/elle il/elle plairait
plaira
nous nous nous nous nous plairions
plaisons plaisions plûmes plairons
vous plaisez vous plaisiez vous plûtes vous vous plairiez
plairez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
plaisent plaisaient plurent plairont plairaient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je plaise que je plusse plais plaire plaisant
que tu que tu
plaises plusses
qu’il/elle qu’il/elle plût Passé Passé
plaise
que nous que nous plaisons avoir plu plu
plaisions plussions
que vous que vous plaisez
plaisiez plussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
plaisent plussent
Se conjuguent sur ce modèle : complaire, déplaire.

PLEUVOIR v. intr.
Il pleuvait à torrent, ce 23 mars. (G M , Parce que je
t’aime, 2007)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionne
simple simple l présent
il/elle pleut il/elle il/elle plut il/elle il/elle
pleuvait pleuvra pleuvrait
Subjonctif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent
qu’il/elle qu’il/elle plût pleuvoir pleuvant
pleuve
Passé Passé
avoir plu plu
POUVOIR v. tr.
Crois-tu qu’on puisse mourir d’amour ? (G S ,
Avicenne ou la route d’Ispahan, 1989)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je peux je pouvais je pus je pourrai je pourrais
tu peux tu pouvais tu pus tu pourras tu pourrais
il/elle peut il/elle pouvait il/elle put il/elle il/elle pourrait
pourra
nous nous nous nous nous pourrions
pouvons pouvions pûmes pourrons
vous pouvez vous pouviez vous vous vous pourriez
pûtes pourrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
peuvent pouvaient purent pourront pourraient
Subjonctif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent
que je puisse que je pusse pouvoir pouvant
que tu que tu pusses
puisses
qu’il/elle qu’il/elle pût Passé Passé
puisse
que nous que nous avoir pu pu
puissions pussions
POUVOIR v. tr.
que vous que vous
puissiez pussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
puissent pussent
PRENDRE
J’ai été pris la main dans le sac, pour ainsi dire. (J A ,
De nos frères blessés, 2016)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je prends je prenais je pris je prendrai je prendrais
tu prends tu prenais tu pris tu prendras tu prendrais
il/elle prend il/elle prenait il/elle prit il/elle il/elle
prendra prendrait
nous nous prenions nous nous nous
prenons prîmes prendrons prendrions
vous prenez vous preniez vous prîtes vous vous
prendrez prendriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
prennent prenaient prirent prendront prendraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je prisse prends prendre prenant
prenne
que tu que tu prisses
prennes
qu’il/elle qu’il/elle prît Passé Passé
prenne
PRENDRE
que nous que nous prenons avoir pris pris, prise,
prenions prissions prises
que vous que vous prenez
preniez prissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
prennent prissent
Se conjuguent sur ce modèle : apprendre, comprendre,
désapprendre, entreprendre, éprendre (s’), méprendre (se),
rapprendre, reprendre, surprendre.
Aux temps composés, s’éprendre et se méprendre, fonctionnent
avec être : Les Moati de ce temps-là s’étaient épris de la France
des Lumières. (S M , Villa Jasmin, 2003) ; Disons-le,
Marius s’était mépris sur le cœur de son grand-père. (V
H , Les misérables, 1862)
RECEVOIR v. tr.
Chacun reçoit, un jour ou l’autre, un signe qui le renseigne sur son
destin. (N , L’amande, 2004)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je reçois je recevais je reçus je recevrai je recevrais
tu reçois tu recevais tu reçus tu recevras tu recevrais
il/elle reçoit il/elle recevait il/elle reçut il/elle il/elle
recevra recevrait
nous nous nous nous nous
recevons recevions reçûmes recevrons recevrions
vous vous receviez vous vous vous
recevez reçûtes recevrez recevriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
reçoivent recevaient reçurent recevront recevraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je reçois recevoir recevant
reçoive reçusse
que tu que tu
reçoives reçusses
qu’il/elle qu’il/elle reçût Passé Passé
reçoive
RECEVOIR v. tr.
que nous que nous recevons avoir reçu reçu, reçue,
recevions reçussions reçus, reçues
que vous que vous recevez
receviez reçussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
reçoivent reçussent
RENDRE v. tr.
Elle l’avait achevé la veille du jour où elle donna la vie et qui était
aussi celui où elle rendit l’âme. (M M , Le garçon, 2016)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je rends je rendais je rendis je rendrai je rendrais
tu rends tu rendais tu rendis tu rendras tu rendrais
il/elle rend il/elle rendait il/elle rendit il/elle il/elle rendrait
rendra
nous nous rendions nous nous nous
rendons rendîmes rendrons rendrions
vous rendez vous rendiez vous vous vous rendriez
rendîtes rendrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
rendent rendaient rendirent rendront rendraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je rende que je rends rendre rendant
rendisse
que tu que tu
rendes rendisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
rende rendît
que nous que nous rendons avoir rendu rendu, rendue,
rendions rendissions rendus,
RENDRE v. tr.
que vous que vous rendez rendues
rendiez rendissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
rendent rendissent
Se conjuguent sur ce modèle : les verbes en -dre (sauf prendre et
ses composés) : attendre, condescendre, confondre, défendre,
descendre, entendre, fondre, mordre, morfondre (se), perdre,
redescendre, remordre, suspendre, tendre, tondre, tordre,
correspondre, démordre, dépendre, détendre, détordre, distendre,
épandre, fendre, pendre, pondre, pourfendre, prétendre,
redescendre, refondre, répandre, rependre, répondre, vendre,
étendre, refendre.
Aux temps composés :
– descendre et redescendre fonctionnent, selon la nuance de la
pensée, avec avoir (1) ou être (2) : J’ai redescendu l’escalier
jusqu’au rez-de-chaussée. (D C , Attirances,
2009) (1) ; On est redescendu place de Clichy. (D
C , Les témoins de la mariée, 2010) (2) ;
– se morfondre fonctionne avec être : Elles se sont morfondues
quarante ans. (É -E S , Le sumo qui ne pouvait
pas grossir, 2009)
RÉSOUDRE v. tr.
J’envie ces gens qui résolvent un à un les problèmes – ou le
croient. (É -E S , L’homme qui voyait à travers
les visages, 2016)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je résous je résolvais je résolus je résoudrai je résoudrais
tu résous tu résolvais tu résolus tu tu résoudrais
résoudras
il/elle résout il/elle il/elle il/elle il/elle
résolvait résolut résoudra résoudrait
nous nous nous nous nous
résolvons résolvions résolûmes résoudrons résoudrions
vous vous vous vous vous
résolvez résolviez résolûtes résoudrez résoudriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
résolvent résolvaient résolurent résoudront résoudraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je résous résoudre résolvant
résolve résolusse
que tu que tu
résolves résolusses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
résolve résolût
que nous que nous résolvons avoir résolu résolu,
résolvions résolussions résolue,
que vous que vous résolvez résolus,
résolviez résolussiez résolues
qu’ils/elles qu’ils/elles
résolvent résolussent
On peut trouver d’autres formes pour le participe passé : résous,
résoute, résoutes. Au féminin cette forme est très rare.
RÉSULTER v. tr.
Il en résulte un effet saisissant et tragique. (V H , Les
misérables, 1862)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionne
simple simple l présent
il/elle résulte il/elle il/elle résulta il/elle il/elle
résultait résultera résulterait
Subjonctif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent
résulter résultant
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
résulte résultât
avoir ou être résulté,
résulté résultée,
résultés,
résultées
Aux temps composés, le verbe fonctionne avec avoir pour marquer
une action (1) ou avec être pour marquer l’état (2) : Cependant
aucune arrestation n’en a résulté. (M S , Ils ont tué
Pierre Overney, 2008) (1) ; Il a […] revendiqué la responsabilité des
actes qu’il avait commis en ce sens, y compris des morts qui en
étaient résultés. (M B , La citerne, 2009) (2)
RIRE v. intr.
Et puis elle a ri un petit coup, elle m’a serré la main très fort et elle
m’a dit de ne pas avoir peur mon chéri. (R G , Les
vacances du petit Nicolas, 1962)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je ris je riais je ris je rirai je rirais
tu ris tu riais tu ris tu riras tu rirais
il/elle rit il/elle riait il/elle rit il/elle rira il/elle rirait
nous rions nous riions nous rîmes nous rirons nous ririons
vous riez vous riiez vous rîtes vous rirez vous ririez
ils/elles rient ils/elles riaient ils/elles ils/elles ils/elles
rirent riront riraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je rie que je risse ris rire riant
que tu ries que tu risses
qu’il/elle rie qu’il/elle rît Passé Passé
que nous que nous rions avoir ri ri
riions rissions
que vous que vous riez
riiez rissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
rient rissent
RIRE v. intr.
Se conjugue sur ce modèle : sourire.
ROMPRE v. tr.
Il rompit le silence en le quittant. (K P , Les
écureuils de Central Park sont tristes le lundi, 2010)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je romps je rompais je rompis je romprai je romprais
tu romps tu rompais tu rompis tu rompras tu romprais
il/elle rompt il/elle rompait il/elle il/elle il/elle romprait
rompit rompra
nous nous nous nous nous
rompons rompions rompîmes romprons romprions
vous vous rompiez vous vous vous rompriez
rompez rompîtes romprez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
rompent rompaient rompirent rompront rompraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je romps rompre rompant
rompe rompisse
que tu que tu
rompes rompisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
rompe rompît
ROMPRE v. tr.
que nous que nous rompons avoir rompu,
rompions rompissions rompu rompue,
que vous que vous rompez rompus,
rompiez rompissiez rompues

qu’ils/elles qu’ils/elles
rompent rompissent
Se conjugue sur ce modèle : corrompre.
SAILLIR v. intr. (« s’accoupler »)
Les fruits mûrissent, saillis par les guêpes. (E S ,
Fraudeur, 2015)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel présent
simple simple
il/elle il/elle il/elle il/elle il/elle saillirait
saillit saillissait saillit saillira
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles sailliraient
saillissent saillissaie saillissent sailliront
nt
Subjonctif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Passé Présent Passé
qu’il/elle qu’il/elle saillir avoir sailli saillant sailli, saillie,
saillisse saillît saillis,
qu’ils/elle qu’ils/elle saillies
s s
saillissent saillissent
Se conjuguent sur ce modèle : défaillir, tressaillir.
À ne pas confondre avec le verbe saillir au sens de « sortir,
s’élancer ».
SAILLIR v. intr. (« sortir, s’élancer, être en saillie, former
un relief »)
La première vertèbre, pareille à un kyste osseux, saille entre les
épaules. (J -B D A , Règne animal, 2016)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionne
simple simple l présent
il/elle saille il/elle saillait il/elle saillit il/elle il/elle
saillera saillerait
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
saillent saillaient saillirent sailleront sailleraient
Subjonctif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent
qu’il/elle qu’il/elle saillir saillissant
saille saillît
qu’ils/elles qu’ils/elles Passé Passé
saillent saillissent
avoir sailli sailli, saillie,
saillis,
saillies
À ne pas confondre avec le verbe transitif saillir au sens de
« s’accoupler ».
SAVOIR v. tr.
Je sus alors avec une certitude définitive que j’en serais
capable. (A N , Le fait du prince, 2008)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je sais je savais je sus je saurai je saurais
tu sais tu savais tu sus tu sauras tu saurais
il/elle sait il/elle savait il/elle sut il/elle saura il/elle saurait
nous savons nous savions nous nous nous saurions
sûmes saurons
vous savez vous saviez vous sûtes vous vous sauriez
saurez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
savent savaient surent sauront sauraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je sache que je susse sache savoir sachant
que tu que tu
saches susses
qu’il/elle qu’il/elle sût Passé Passé
sache
que nous que nous sachons avoir su su, sue, sus,
sachions sussions sues
que vous que vous sachez
sachiez sussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
sachent sussent

SEOIR v. intr.
Cela vous sied de vous moquer de moi. (A C , Le maître
de Garamond, 2002)
Temps simples
Indicatif Subjonc Infin Partici
tif itif pe
Présent Imparfait Futur Condition Présent Prés Présen
simple nel ent t
présent
il/elle il/elle il/elle il/elle qu’il/elle seoir seyant
sied seyait siéra siérait siée
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles qu’ils/elle
siéent seyaient siéront siéraient s siéent
Ce verbe ne connait pas de temps composés. On note également le
participe présent séant, qui n’est plus usité que comme adjectif (1)
et le participe passé sis, sise, sises (2) : Il n’est pas séant de
conserver une arme en pénétrant chez quelqu’un. (N
B , L’usage du monde, 1963) (1) ; La région sise à mi-chemin
de Byrsa et de la mer. (F M , Elissa, la reine vagabonde,
1988) (2)
Se conjugue sur ce modèle : messeoir, qui n’est plus utilisé qu’à
l’infinitif.
SERVIR v. tr.
Messieurs, je sers Dieu et le roi ! (A J , La conquête des
îles de la terre ferme, 2017)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je sers je servais je servis je servirai je servirais
tu sers tu servais tu servis tu serviras tu servirais
il/elle sert il/elle servait il/elle servit il/elle il/elle servirait
servira
nous nous servions nous nous nous
servons servîmes servirons servirions
vous servez vous serviez vous vous vous serviriez
servîtes servirez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
servent servaient servirent serviront serviraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je serve que je sers servir servant
servisse
que tu que tu
serves servisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
serve servît
que nous que nous servons avoir servi servi, servie,
servions servissions servis,
que vous que vous servez servies
serviez servissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
servent servissent
Se conjuguent sur ce modèle : desservir, resservir.
SUFFIRE v. intr.
Cela me suffit amplement. (D C , La civilisation, ma
mère !…, 1972)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je suffis je suffisais je suffis je suffirai je suffirais
tu suffis tu suffisais tu suffis tu suffiras tu suffirais
il/elle suffit il/elle suffisait il/elle suffit il/elle il/elle suffirait
suffira
nous nous nous nous nous
suffisons suffisions suffîmes suffirons suffirions
vous vous suffisiez vous vous vous suffiriez
suffisez suffîtes suffirez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
suffisent suffisaient suffirent suffiront suffiraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je suffise suffis suffire suffisant
suffise
que tu que tu
suffises suffises
qu’il/elle qu’il/elle suffît Passé Passé
suffise
que nous que nous suffisons avoir suffi suffi
suffisions suffisions
que vous que vous suffisez
suffisiez suffisiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
suffisent suffisent
Se conjuguent sur ce modèle : circoncire, confire.
Le participe passé de circoncire est en -s (circoncis, circoncises,
circoncises) et le participe passé de confire est en -t (confit, confite,
confits, confites) : Ça craint rien, y a tout qu’est confit dans la
Javel. (A G , Fendre l’armure, 2017)
SUIVRE v. tr.
Richard et lui la suivirent des yeux. (P D , Incidences,
L’amour est un crime parfait, 2010)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je suis je suivais je suivis je suivrai je suivrais
tu suis tu suivais tu suivis tu suivras tu suivrais
il/elle suit il/elle suivait il/elle suivit il/elle il/elle suivrait
suivra
nous nous suivions nous nous nous
suivons suivîmes suivrons suivrions
vous suivez vous suiviez vous vous vous suivriez
suivîtes suivrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
suivent suivaient suivirent suivront suivraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je suive que je suis suivre suivant
suivisse
que tu que tu
suives suivisses
qu’il/elle qu’il/elle suivît Passé Passé
suive
que nous que nous suivons avoir suivi suivi, suivie,
suivions suivissions suivis, suivies
que vous que vous suivez
suiviez suivissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
suivent suivissent
Se conjuguent sur ce modèle : ensuivre (s’), poursuivre.
Le verbe s’ensuivre n’est usité qu’à l’infinitif et aux troisièmes
personnes de chaque temps : Une longue scène
s’ensuivit. (S B , Mémoires d’une jeune fille
rangée, 1958).
Aux temps composés, le verbe fonctionne avec être : La période qui
s’est ensuivie a été chaotique. (A C , Le maître de
Garamond, 2002)
SURSOIR (SURSEOIR) v. intr.
Just eut l’espoir que Villegagnon surseoirait à l’explosion. (J -
C R , Rouge Brésil, 2001)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je sursois je sursoyais je sursis je sursoirai je sursoirais
tu sursois tu sursoyais tu sursis tu tu sursoirais
sursoiras
il/elle sursoit il/elle il/elle sursit il/elle il/elle
sursoyait sursoira sursoirait
nous nous nous nous nous
sursoyons sursoyions sursîmes sursoirons sursoirions
vous vous vous vous vous
sursoyez sursoyiez sursîtes sursoirez sursoiriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
sursoient sursoyaient sursirent sursoiront sursoiraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je sursois sursoir sursoyant
sursoie sursisse (surseoir)
que tu que tu
sursoies sursisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
sursoie sursît
que nous que nous sursoyons avoir sursis sursis
sursoyions sursissions
que vous que vous sursoyez
sursoyiez sursissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
sursoient sursissent
La nouvelle orthographe du verbe, sursoir, vise à renforcer la
cohérence du système : le e, qui ne se prononce pas, n’était plus
présent qu’au futur et au conditionnel : on écrivait déjà je sursois, je
sursoyais, etc.
TAIRE v. tr.
Tais-toi, Jérémy. (D P , Au bonheur des ogres, 1985)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je tais je taisais je tus je tairai je tairais
tu tais tu taisais tu tus tu tairas tu tairais
il/elle tait il/elle taisait il/elle tut il/elle taira il/elle tairait
nous taisons nous taisions nous tûmes nous nous tairions
tairons
vous taisez vous taisiez vous tûtes vous tairez vous tairiez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
taisent taisaient turent tairont tairaient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je taise que je tusse tais taire taisant
que tu taises que tu tusses
qu’il/elle qu’il/elle tût Passé Passé
taise
que nous que nous taisons avoir tu tu, tue, tus,
taisions tussions tues
que vous que vous taisez
taisiez tussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
taisent tussent
TENIR v. tr.
Je tiens à toi, tu tiens à moi, donc je m’en vais. (É -E
S , Les perroquets de la place d’Arezzo, 2013)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je tiens je tenais je tins je tiendrai je tiendrais
tu tiens tu tenais tu tins tu tiendras tu tiendrais
il/elle tient il/elle tenait il/elle tint il/elle il/elle tiendrait
tiendra
nous tenons nous tenions nous nous nous
tînmes tiendrons tiendrions
vous tenez vous teniez vous tîntes vous vous tiendriez
tiendrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
tiennent tenaient tinrent tiendront tiendraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je tinsse tiens tenir tenant
tienne
que tu que tu tinsses
tiennes
qu’il/elle qu’il/elle tînt Passé Passé
tienne
que nous que nous tenons avoir tenu tenu, tenue,
tenions tinssions tenus, tenues
que vous que vous tenez
teniez tinssiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
tiennent tinssent
Se conjuguent sur ce modèle : abstenir (s’), appartenir, circonvenir,
contenir, contrevenir, convenir, détenir, devenir, disconvenir,
entretenir, intervenir, maintenir, obtenir, parvenir, prévenir, provenir,
ressouvenir (se), redevenir, revenir, soutenir, souvenir (se),
subvenir, survenir, venir.
Aux temps composés :
– les verbes s’abstenir, devenir, intervenir, parvenir, provenir, se
ressouvenir, redevenir, se souvenir, survenir et venir prennent
l’auxiliaire être et non pas avoir : Il est devenu fou, complètement
fou ! (D C , Attirances, 2005)
– convenir se construit avec avoir dans le sens de « plaire, être à
propos » (1) ou avec être dans le sens « faire un accord » (2) :
L’éclairage aurait convenu à un enterrement clandestin. (A
N , Pétronille, 2014) (1) ; Nous étions convenus de plaider
non coupable. (M B , Gravé dans le sable, 2014) (2)
– disconvenir fonctionne avec être dans le sens de « ne pas
convenir d’une chose » (1) et avec avoir dans le sens « ne pas
convenir à » (2) : Il n’est pas disconvenu de cette vérité (1) ;
Cette mesure a disconvenu à beaucoup de gens (2).
TRAIRE v. tr.
Tout ce qui est trait indique l’attachement. (B W , La
révolution des fourmis, 1996)
Temps simples
Indicatif Subjonctif
Présent Imparfait Futur Conditionn Présent
simple el présent
je trais je trayais je trairai je trairais que je traie
tu trais tu trayais tu trairas tu trairais que tu traies
il/elle trait il/elle trayait il/elle traira il/elle trairait qu’il/elle traie
nous nous nous nous que nous
trayons trayions trairons trairions trayions
vous trayez vous trayiez vous trairez vous trairiez que vous
trayiez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles qu’ils/elles
traient trayaient trairont trairaient traient
Impératif Infinitif Participe
Présent Présent Passé Présent Passé
trais traire avoir trait trayant trait, traite,
traits, traites
trayons
trayez
Se conjuguent sur ce modèle : abstraire, distraire, extraire,
soustraire.
VAINCRE v. tr.
Le jour n’est pas lointain où l’homme vaincra la maladie, l’angoisse
et la mort. (B Q , Histoires assassines, 2015)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionne
simple simple l présent
je vaincs je vainquais je vainquis je vaincrai je vaincrais
tu vaincs tu vainquais tu vainquis tu vaincras tu vaincrais
il/elle vainc il/elle il/elle il/elle il/elle
vainquait vainquit vaincra vaincrait
nous nous nous nous nous
vainquons vainquons vainquîmes vaincrons vaincrions
vous vous vous vous vous
vainquez vainquez vainquîtes vaincrez vaincriez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
vainquent vainquaient vainquirent vaincront vaincraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je vaincs vaincre vainquant
vainque vainquisse
que tu que tu
vainques vainquisses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
vainque vainquît
que nous que nous vainquons avoir vaincu vaincu,
vainquions vainquission vaincue,
s vaincus,
que vous que vous vainquez vaincues
vainquiez vainquissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
vainquent vainquissent
Se conjugue sur ce modèle : convaincre.
VALOIR v. tr.
Valait mieux que je sache à quoi m’en tenir sur les habitudes de la
maison. (L -F C , Voyage au bout de la nuit,
1932)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je vaux je valais je valus je vaudrai je vaudrais
tu vaux tu valais tu valus tu vaudras tu vaudrais
il/elle vaut il/elle valait il/elle valut il/elle il/elle vaudrait
vaudra
nous valons nous valions nous nous nous
valûmes vaudrons vaudrions
vous valez vous valiez vous vous vous vaudriez
valûtes vaudrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
valent valaient valurent vaudront vaudraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je vaille que je vaux valoir valant
valusse
que tu que tu
vailles valusses
qu’il/elle qu’il/elle valût Passé Passé
vaille
VALOIR v. tr.
que nous que nous valons avoir valu valu, value,
valions valussions valus, values
que vous que vous valez
valiez valussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
valent valussent
Se conjuguent sur ce modèle : équivaloir, prévaloir.
Les participes passés équivalu et prévalu ne connaissent ni féminin
ni pluriel.
Pour le verbe prévaloir, les formes du subjonctif présent diffèrent :
que je prévale, que tu prévales, qu’il prévale, que nous prévalions,
que vous prévaliez, qu’ils prévalent.
VÊTIR v. tr.
Je me vêtais comme il fallait que je me vête. (L S ,
Tout homme est une nuit, 2017)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je vêts je vêtais je vêtis je vêtirai je vêtirais
tu vêts tu vêtais tu vêtis tu vêtiras tu vêtirais
il/elle vêt il/elle vêtait il/elle vêtit il/elle vêtira il/elle vêtirait
nous vêtons nous vêtions nous nous nous vêtirions
vêtîmes vêtirons
vous vêtez vous vêtiez vous vêtîtes vous vous vêtiriez
vêtirez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
vêtent vêtaient vêtirent vêtiront vêtiraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je vête que je vêtisse vêts vêtir vêtant
que tu vêtes que tu
vêtisses
qu’il/elle qu’il/elle vêtît Passé Passé
vête
que nous que nous vêtons avoir vêtu vêtu, vêtue,
vêtions vêtissions vêtus, vêtues
que vous que vous vêtez
vêtiez vêtissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
vêtent vêtissent
Se conjuguent sur ce modèle : dévêtir, revêtir.
VIVRE v. tr.
Il me dit que, lui, à dix-sept ans, il avait déjà vécu mille vies…
(K P , Les écureuils de Central Park sont tristes
le lundi, 2010)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je vis je vivais je vécus je vivrai je vivrais
tu vis tu vivais tu vécus tu vivras tu vivrais
il/elle vit il/elle vivait il/elle vécut il/elle vivra il/elle vivrait
nous vivons nous vivions nous nous nous vivrions
vécûmes vivrons
vous vivez vous viviez vous vous vivrez vous vivriez
vécûtes
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
vivent vivaient vécurent vivront vivraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je vive que je vis vivre vivant
vécusse
que tu vives que tu
vécusses
qu’il/elle vive qu’il/elle vécût Passé Passé
que nous que nous vivons avoir vécu vécu, vécue,
vivions vécussions vécus,
vécues
VIVRE v. tr.
que vous que vous vivez
viviez vécussiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
vivent vécussent
Se conjuguent sur ce modèle : revivre, survivre.
VOIR v. tr.
Quand l’œil voit noir, l’esprit voit trouble. (V H , Les
misérables, 1862)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je vois je voyais je vis je verrai je verrais
tu vois tu voyais tu vis tu verras tu verrais
il/elle voit il/elle voyait il/elle vit il/elle verra il/elle verrait
nous voyons nous voyions nous vîmes nous nous verrions
verrons
vous voyez vous voyiez vous vîtes vous vous verriez
verrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
voient voyaient virent verront verraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je voie que je visse vois voir voyant
que tu voies que tu visses
qu’il/elle qu’il/elle vît Passé Passé
voie
que nous que nous voyons avoir vu vu, vue, vus,
voyions vissions vues
que vous que vous voyez
voyiez vissiez
qu’ils/elles qu’ils/elles
voient vissent
Se conjuguent sur ce modèle : entrevoir, pourvoir, prévoir, revoir.
Même si pourvoir est formé sur le même modèle que voir, plusieurs
formes sont différentes : le passé simple (1), le futur simple (2), le
conditionnel présent (3) et le subjonctif imparfait (4) : M. Morrel
pourvut à tous les frais de son enterrement. (A D ,
Le Comte de Monte-Cristo, 1844) (1) ; Dieu y pourvoira. (C
M , Du domaine des murmures, 2011) (2) ; Le nom qu’elle
s’était donné signifiait abondance, et le destin pourvoirait à ses
besoins. (L M , Crépuscule du tourment, 2016) (3) ;
Les dieux seuls ont voulu que sous les plis du ciel la terre se
pourvût de biologies nouvelles. (Y M , Naissance, 2013) (4)
Pour le verbe prévoir, les formes du futur simple (je prévoirai) et du
conditionnel présent (je prévoirais) diffèrent : Bien entendu, on
prévoirait que ce partage était fait à titre provisoire. (M
B , Un si petit territoire, 2017)
VOULOIR v. tr.
Maintenant veuillez écrire. (V H , Les misérables, 1862)
Temps simples
Indicatif
Présent Imparfait Passé Futur Conditionnel
simple simple présent
je veux je voulais je voulus je voudrai je voudrais
tu veux tu voulais tu voulus tu voudras tu voudrais
il/elle veut il/elle voulait il/elle voulut il/elle il/elle voudrait
voudra
nous nous voulions nous nous nous
voulons voulûmes voudrons voudrions
vous voulez vous vouliez vous vous vous voudriez
voulûtes voudrez
ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles ils/elles
veulent voulaient voulurent voudront voudraient
Subjonctif Impératif Infinitif Participe
Présent Imparfait Présent Présent Présent
que je que je veuille ou vouloir voulant
veuille voulusse veux
que tu que tu
veuilles voulusses
qu’il/elle qu’il/elle Passé Passé
veuille voulût
que nous que nous veuillons ou avoir voulu voulu, voulue,
voulions voulussions voulons voulus,
que vous que vous veuillez ou voulues
vouliez voulussiez voulez
qu’ils/elles qu’ils/elles
veuillent voulussent

Les verbes très défectifs ou rares

Accroire (v. croire)


Il n’est utilisé qu’à l’infinitif précédé du verbe faire.


On lui ferait accroire tout ce qu’on voudrait. (GEORGES
SAND, La mare au diable, 1846)


Apparoir
Il n’est utilisé que dans le domaine de la justice, à l’infinitif et à la
3e personne du singulier de manière impersonnelle.

“ Monsieur a tort de penser à ma nièce, dit Nicolas, puisqu’il


appert des événements récents que Monsieur Chick a fait
son choix le premier… (BORIS VIAN, L’écume des jours,
1947)


Chaloir
Il n’est utilisé que de manière impersonnelle, dans des expressions
figées : il ne m’en chaut, il ne m’en chaut guère, peu me chaut.

“ Ainsi passait-il de « Peu me chaut » à « Rien à cirer », de


« Cesse de m’emberlificoter, facétieux lutin » à « Te fiche
pas de moi, crétin ! ». (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, Ulysse
from Bagdad, 2008)


Comparoir
Ce terme de procédure, verbe archaïque pour « comparaitre », est
utilisé seulement à l’infinitif. Le participe présent issu de ce verbe,
comparant, est utilisé comme adjectif ou comme nom.

Férir
Ce verbe n’est plus usité qu’à l’infinitif dans l’expression « sans coup
férir » (1) ; et qu’au participe passé « féru, férue » (2).
“ Comme ça, ils se débarrassent des deux sans coup
férir. (BERNARD WERBER, Les fourmis, 1991) (1)

Je ne suis pas férue de littérature, mais je pensais à


Homère, Ossian, Shakespeare. (ÉRIC FAYE, L’homme sans
empreintes, 2008) (2)


Forfaire
Ce verbe n’est plus usité qu’à l’infinitif (1) et aux temps composés
(2).

“ Il a rompu avec elle plutôt que de forfaire à une certaine


idée qu’il s’en faisait (LYDIE SALVAYRE, BW, 2009) (1)

J’ai forfait à l’honneur d’être ton chevalier. (ALEXANDRE


SOUMET, Jeanne d’Arc, 1825) (2)


Issir
Il n’existe plus qu’au participe passé (issu, issue, issus, issues), soit
employé seul (1), soit employé avec être (2).
“ Leur casque leur donne des allures de princes preux, issus
d’un Moyen Âge de légende. (BERNARD WERBER, Le jour
des fourmis, 1992) (1)

Il ne sait pas qu’il est issu du ventre de sa mère (MARCUS


MALTE, Le garçon, 2016) (2)


Occire
Ce verbe ne s’emploie plus que par plaisanterie à l’infinitif (1), au
participe passé (2) et aux temps composés (3).

“ Faut occire à froid ! (K ATHERINE PANCOL, Les yeux jaunes


des crocodiles, 2006) (1)

Son visage qui tenait à la fois du giton et du lièvre


occis. (FRÉDÉRIC VERGER, Arden, 2013) (2)

Sais-tu ce qui serait advenu d’Agamemnon, si tu ne l’avais


pas occis ? (JEAN-PAUL SARTRE, Huis clos, 1944) (3)


Ouïr
Ce verbe ne s’emploie plus qu’à l’infinitif (1) et au participe passé
(2).
“ Je suis malade d’ouïr les paroles
bienheureuses. (GUILLAUME APOLLINAIRE, Zone, Alcools,
1913) (1)

Est-ce que vous auriez ouï dire quelque chose de mon


fils ? (MOLIÈRE, Les fourberies de Scapin, 1671) (2)


Quérir
Ce verbe ne s’emploie plus qu’à l’infinitif après aller (1), venir (2) et
envoyer (3).

“ Amandine alla quérir un gobelet. (B ERNARD WERBER, Les


Thanatonautes, 1994) (1)

En y allant, elle trouva un gentilhomme qui la venait quérir


de la part de madame la dauphine. (MADAME DE LA FAYETTE,
La princesse de Clèves, 1678) (2)

Deux jours plus tard, elle envoya quérir Béchir et convoqua


également son mari. (FAWZIA ZOUARI, Le corps de ma
mère, 2016) (3)


Ravoir (v. avoir)
Ce verbe ne s’emploie plus qu’à l’infinitif :
“ Je peux ravoir une coupe ? (DIDIER VAN CAUWELAERT,
Double identité, 2012)


Les formes du futur simple (je raurai) et du conditionnel présent (je
raurais) appartiennent à la langue familière.

Reclure
Ce verbe ne s’emploie plus qu’à l’infinitif (1) et au participe passé
(2).

“ Se taire comme il sut se aire, s’effacer comme il sut


s’effacer, se reclure comme il sut se reclure relève de la
mystique dans le divertissemonde. (YANN MOIX, Naissance,
2013) (1)

À Tous en France où nous sommes reclus. (LOUIS ARAGON,


Les yeux d’Elsa, 1942) (2)


Sourdre
Il n’est plus usité qu’à l’infinitif (1), aux troisièmes personnes de
l’indicatif présent (2) et au participe présent (3).
“ La colère commença de sourdre à nouveau dans son
ventre. (JEAN-BAPTISTE DEL AMO, Une éducation libertine,
2008) (1)

De derrière la porte sourdent des reniflements, des


pleurs. (ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT, L’homme qui voyait à
travers les visages, 2016) (2)

Nuit tombée, le bureau du divisionnaire Cercaire était


éclairé a giorno, comme à n’importe quelle heure de la
journée, par la même lumière homogène, de celles qui,
sourdant à la fois des murs et du plafond, annulent les
ombres, découpent froidement dans l’espace les contours
de la vérité vraie. (DANIEL PENNAC, La fée carabine, 1987) (3)


Tistre ou tître (= tisser)
Il n’est plus employé qu’au participe passé (tissu, tissue, tissus,
tissues) et aux temps composés.

“ Leur voile est de la nuit tissue. (VICTOR HUGO, Les


misérables, 1862)


Index des auteurs
A
Alard Nelly 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Albert II de Belgique 1
Alikavazovic Jakuta 1, 2, 3, 4
Alvarez Herrera Elizabeth 1
Andras Joseph 1, 2, 3
Anonyme (proverbes et dictons) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12,
13
Anouilh Jean 1, 2
Antoine Hubert 1, 2
Apollinaire Guillaume 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Aragon Louis 1, 2, 3, 4, 5, 6
Arno 1
Auber Daniel-François-Esprit 1
Aubry Gwenaëlle 1, 2, 3, 4, 5, 6
Aubry Octave 1
Aymé Marcel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24
B
Baldacchino Isabelle 1
Balzac (de) Honoré 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29
Barbara 1, 2
Barbeau-Lavalette Anaïs 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Barbery Muriel 1, 2, 3, 4, 5
Barjavel René 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
Barrès Maurice 1
Barthes Roland 1
Baudelaire Charles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Bazin Hervé 1, 2, 3
Beaumarchais (de) Pierre-Augustin Caron 1, 2, 3, 4, 5
Beauvoir (de) Simone 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Beckett Samuel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Beigbeder Frédéric 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18
Benacquista Tonino 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Ben Jelloun Tahar 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Benoziglio Jean-Luc 1
Berenboom Alain 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Berger Michel 1
Binebine Mahi 1, 2
Binet Laurent 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30
Biolay Benjamin 1
Blais Marie-Claire 1
Bobin Christian 1
Boileau Nicolas 1
Boltanski Christophe 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Bosc Adrien 1, 2, 3
Bosco Henry 1
Bossuet Jacques-Bénigne 1, 2
Bostnavaron François 1
Bouissou Sylvie 1
Boulle Pierre 1
Bourdeaut Olivier 1
Bouvier Nicolas 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
Bramly Serge 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Brassens Georges 1, 2
Brel Jacques 1, 2, 3, 4
Bressant Marc 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19
Bruel Patrick 1, 2
Bruyère (de la) Jean 1, 2, 3, 4
Bussi Michel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32,
33, 34, 35
C
Camus Albert 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23
Carrère Emmanuel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31,
32, 33, 34
Carret Martine 1
Ceci Jean-Marc 1, 2, 3
Céline Louis-Ferdinand 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24
Cendrars Blaise 1, 2, 3, 4, 5
Chalandon Sorj 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19
Chateaubriand (de) François-René 1, 2, 3, 4
Chedid Andrée 1, 2, 3
Cherhal Jeanne 1
Chessex Jacques 1, 2, 3
Chokron David 1
Chraïbi Driss 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Claudel Philippe 1
Clermont-Tonnerre (de) Adelaïde 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12,
13, 14, 15, 16, 17, 18, 19
Cocteau Jean 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Coffin Pierre 1
Cohen Albert 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31
Colette 1
Constant Benjamin 1
Corneille Pierre 1, 2, 3, 4, 5, 6
Costermans Dominique 1, 2, 3, 4, 5, 6
Cros Charles 1
Cuneo Anne 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
Cusset Catherine 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30
D
Damas Geneviève 1, 2, 3, 4, 5, 6
Daoud Kamel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Darrieussecq Marie 1
Dassin Joe 1
Daudet Alphonse 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Debrocq Aliénor 1
Declerck Patrick 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Delacourt Grégoire 1, 2, 3, 4
Del Amo Jean-Baptiste 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20, 21
Deloffre Virginie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Demoulin Laurent 1, 2, 3, 4, 5
Descartes René 1
Desnos Robert 1
Despentes Virginie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31,
32, 33, 34
Deville Patrick 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17
Devos Raymond 1
Dib Mohammed 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Dicker Joël 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32,
33, 34, 35
Dickner Nicolas 1
Diderot Denis 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Djavadi Négar 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Djebar Assia 1
Djian Philippe 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32,
33, 34, 35, 36
Ducharme Réjean 1, 2
Dumas Alexandre 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24
Dumas fils Alexandre 1, 2, 3, 4, 5
Dumont Agnès 1
Duras Marguerite 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17
Duteurtre Benoît 1
E
Echenoz Jean 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Éluard Paul 1, 2
Emmanuel François 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Énard Mathias 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21
Encaoua Myriam 1
Engel Vincent 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24
Enzo Enzo 1
Ernaux Annie 1, 2, 3, 4
Estienne d’Orves (d’) Nicolas 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
F
Faye Éric 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Faye Gaël 1, 2, 3, 4, 5, 6
Fénelon (de) François 1
Fénéon Félix 1
Ferrari Jérôme 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16
Filippis (De) Vittorio 1
Flaubert Gustave 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22
Foenkinos David 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30
Fontaine (de la) Jean 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25
Fouassier Luc-Michel 1
Fournier Alain 1, 2, 3, 4, 5, 6
Fournier Jean-Louis 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
France Anatole 1, 2, 3
Franquin 1
G
Gainsbourg Serge 1
Gallay Claudie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Garat Anne-Marie 1, 2
Garcin Jérôme 1
Garde François 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20
Garrigues Jean-Claude 1, 2, 3
Gary Romain 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Gattel Claude-Marie 1
Gaudé Laurent 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28
Gaulle (de) Charles 1
Gavalda Anna 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Gide André 1, 2, 3, 4
Giono Jean 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Giraudoux Jean 1, 2, 3, 4
Goffette Guy 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Gorgün Kenan 1
Goscinny René 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22
Grand Corps Malade 1, 2, 3
Grangé Jean-Christophe 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13,
14
Grangereau Philippe 1
Grémillon Hélène 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Grimbert Philippe 1, 2
Guenassia Jean-Michel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30,
31, 32, 33, 34
Guez Olivier 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Gunzig Thomas 1, 2, 3, 4, 5
H
Haenel Yannick 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Hallyday Johnny 1, 2, 3
Harpman Jacqueline 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Hémon Louis 1, 2, 3, 4, 5
Hergé 1, 2
Higelin Jacques 1
Hollande François 1
Houellebecq Michel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Hugo Victor 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32,
33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48,
49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64,
65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72
Huston Nancy 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28
I
Incardona Joseph 1
Ionesco Eugène 1, 2
J
Jaenada Philippe 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24
Japrisot Sébastien 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Jeanmart Hedwige 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Jenni Alexis 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32,
33, 34, 35
Job Armel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Joncour Serge 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26
Joubert Joseph 1
Jousse Hélène 1, 2, 3
K
Kaddour Hédi 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Kateb Yacine 1, 2, 3
Kerangal (de) Maylis 1, 2, 3, 4
Khadra Yasmina 1
Khoury-Ghata Vénus 1, 2
Kourouma Ahmadou 1, 2, 3, 4
Kundera Milan 1
L
La Fayette (Madame de) 1, 2, 3, 4, 5
Laberge Marie 1
Laclos (de) Choderlos 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16
Laferrière Dany 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Lahens Yanick 1, 2, 3, 4
Lamartine (de) Alphonse 1, 2, 3
Lapeyre Patrick 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Lapointe Pierre 1, 2
Lardeyret Guy 1
Laroui Fouad 1, 2
Larousserie David 1
Lavoisier (de) Antoine Laurent 1
Lazar Liliana 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Leblanc Maurice 1, 2, 3, 4
Le Callet Blandine 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Le Clézio Jean-Marie-Gustave 1
Legardinier Gilles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Lemaitre Pierre 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31,
32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45
Leroux Gaston 1, 2, 3, 4, 5, 6
Lethève Jacques 1
Lévy Marc 1, 2, 3, 4, 5
Liberati Simon 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17
Lindon Mathieu 1
Loti Pierre 1
Louis Édouard 1, 2, 3
Lunatik 1
M
Maalouf Amin 1, 2
Madelaine Océane 1, 2, 3, 4, 5
Maeterlinck Maurice 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Magnan Pierre 1
Majdalani Charif 1, 2, 3
Malègue Joseph 1
Mallarmé Stéphane 1, 2
Malraux André 1
Malte Marcus 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23
Manoukian Pascal 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Martel Yann 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18
Martinez Carole 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20
Martin-Lugand Agnès 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Marzouki Ahmed 1, 2
Maupassant (de) Guy 1, 2, 3
Mauriac François 1
Maurois André 1
Mauvignier Laurent 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16
Mellah Fawzi 1, 2
Memmi Albert 1
Menegoz Mathias 1, 2, 3, 4, 5, 6
Mérimée Prosper 1, 2
Merlin Philippe-Antoine 1
Miano Léonora 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25
Michon Pierre 1
Millet Richard 1
Minier Bernard 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Moati Serge 1, 2
Modiano Patrick 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Moix Yann 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30
Molière 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Montaigne (de) Michel 1
Montesquieu 1, 2, 3
Montherlant (de) Henry 1, 2
Mouawad Wadji 1
Mukasonga Scholastique 1, 2, 3, 4
Mulder (de) Caroline 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Murail Marie-Aude 1, 2, 3, 4, 5
Musset (de) Alfred 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Musso Guillaume 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
N
NDiaye Marie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20
Nedjma 1, 2
Nguyen Hoai Huong 1, 2, 3, 4
Nimier Roger 1
Nothomb Amélie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31,
32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47,
48
O
Olmi Véronique 1, 2, 3, 4, 5, 6
Ono-Dit-Biot Christophe 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13,
14, 15, 16, 17, 18
Orelsan 1
Ormesson (d’) Jean 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
P
Pagnol Marcel 1, 2, 3, 4, 5
Pancol Katherine 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31,
32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47,
48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56
Pascal Blaise 1
Pennac Daniel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32,
33, 34, 35, 36, 37, 38, 39
Peretti (de) Nicolas 1
Piaf Édith 1, 2
Pingault Gaëlle 1, 2
Pingault Véronique 1
Poincaré Henri 1
Polnareff Michel 1, 2
Postel Alexandre 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Poulain Catherine 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Prévert Jacques 1, 2, 3, 4
Proust Marcel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32,
33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48,
49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58
Q
Queneau Raymond 1, 2
Quiriny Bernard 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18
R
Racine Jean 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Rahimi Atiq 1
Ramuz Charles-Ferdinand 1, 2, 3, 4, 5, 6
Raulin Nathalie 1
Raynaud Fernand 1
Recondo (de) Léonor 1
Renard Jules 1, 2, 3, 4, 5
Renaud Chris 1
Reza Yasmina 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Rimbaud Arthur 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Robert Yves 1
Rochefoucauld (de La) François 1
Roegiers Patrick 1
Rohff 1
Roland Nicole 1, 2
Rondeau Daniel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22
Rostain Michel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Rostand Edmond 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Rousseau Jean-Jacques 1, 2
Roy Gabrielle 1
Rufin Jean-Christophe 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20
S
Sagan Françoise 1
Saint-Exupéry (de) Antoine 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Salvayre Lydie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24
Sam Anna 1, 2
Sand Georges 1
Sansal Boualem 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
Sartre Jean-Paul 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25
Savitzkaya Eugène 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Schmitt Éric-Emmanuel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30,
31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46,
47
Sefrioui Ahmed 1, 2
Ségur (Comtesse de) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Seignolle Claude 1
Serafini Tonino 1
Sfar Joann 1
Simenon Georges 1, 2, 3, 4
Sinoué Gilbert 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21
Slimani Leïla 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Soumet Alexandre 1
Sportès Morgan 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16
Steeman Stanislas-André 1
Stendhal 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32
Stromae 1
T
Taïa Abdellah 1
Taine Hippolyte-Adolphe 1
Tesson Sylvain 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Teulé Jean 1, 2, 3
Théveniaud Pauline 1
Thibaudeau Victor 1
Thibaut Gilles 1
Tirtiaux Bernard 1, 2
Tournier Michel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Toussaint Jean-Philippe 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Tremblay Michel 1, 2
Tremblay Larry 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Troyat Henry 1
Truc Olivier 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
U
Uderzo Albert 1
V
Valéry Paul 1
Valognes Aurélie 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Van Cauwelaert Didier 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28
Van Ommeslaghe Pierre 1
Vargas Fred 1, 2, 3, 4, 5
Vautier Dominique 1
Verger Frédéric 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Verlaine Paul 1
Vernes Jules 1, 2
Vian Boris 1, 2, 3, 4
Vigan (de) Delphine 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22
Vigny (de) Alfred 1
Volkoff Vladimir 1
Voltaire 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Vuillard Éric 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20
W
Werber Bernard 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31,
32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45
Weyergans François 1, 2, 3, 4
Wolf Francis 1
Y
Yared Hyam 1, 2, 3, 4, 5
Yourcenar Marguerite 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Z
Zeniter Alice 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Zola Émile 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25
Zouari Fawzia 1, 2, 3
Index des notions
A
Acception 1
À travers/au travers de 1
Abattre (v. battre) 1
Abrègement 1, 2
Abréviation 1

- points de suspension 1
Absoudre 1
Abstenir (s’) (v. tenir) 1
Abstraire (v. traire) 1
Accent

- aigu 1
- circonflexe 1, 2
- grave 1, 2
- tréma 1, 2
Accent (tonique)

- accent d’insistance ou emphatique 1


- accent final 1
- accent initial 1
- groupe accentuel 1
Accord
- chaine d’~ 1
- définition 1
- du participe passé 1
- du verbe avec le sujet 1
Accourir (v. courir) 1
Accroire 1
Accroire (v. croire) 1
Accroitre 1
Accueillir (v. cueillir) 1
Acquérir 1
Acronyme 1
Acte de langage 1
- au présent 1
Adjectif verbal

- emploi 1
- converti en nom 1
- et participe présent 1
Adjectif

- numéral ordinal 1
- accord 1
- comparatif 1
- composé 1
- de couleur (accord) 1
- degré 1
- épithète (place) 1
- épithète (vs attribut) 1
- groupe adjectival 1
- pris adverbialement 1, 2, 3
- qualificatif 1
- superlatif 1
Adjoindre (v. craindre) 1
Admettre (v. mettre) 1
Advenir 1
Adverbe
- adjectif employé comme ~ 1
- définition 1
- de manière 1
- de temps 1
- locution 1
- complément de l’~ 1
- d’affirmation 1
- de lieu 1
- de négation 1
- de phrase 1
- de quantité/intensité 1
- en -ment 1
- explétif 1
- forme simple et composée 1
- par conversion 1
- pronominal 1
- sens de l’~ 1
Aimer (v. penser) 1
Alinéa 1
Aller 1
- ~ + participe présent 1
Allez 1
Alphabet phonétique 1

- usage des crochets 1


Alunir (v. finir) 1
Ambigüité

- lexicale 1
- syntaxique 1
Amerrir (v. finir) 1
Anacoluthe 1, 2
Analogie (dans la formation des mots) 1
Anaphore 1, 2
Anti- 1
Antonomase 1
Antonyme 1
Apostrophe

- et élision 1
Apostrophe (mot mis en) 1
Apparaitre (v. connaitre) 1
Apparoir 1
Appartenir (v. tenir) 1
Apposition 1
Apprendre (v. prendre) 1
Après que (+ indicatif) 1
Archaïsme 1
Article (déterminant) 1
Aspect (du verbe) 1
- grammatical 1
- lexical 1
- sémantique 1
Assaillir 1
Assimilation 1
Voir Consonne
Assoir (asseoir) 1
Astérisque 1
Astreindre (v. craindre) 1
Atone

- pronom ~ ou conjoint 1, 2
- syllabe ~ 1
Atteindre (v. craindre) 1
Attendre (v. rendre) 1
Attendu (accord) 1
Atténuation

- avec le conditionnel passé 1


- avec le conditionnel présent 1
- avec le plus-que-parfait 1
- avec l’imparfait 1
Attribut
- définition 1
- du complément d’objet direct (verbes introducteurs) 1
- comparé à l’épithète 1
- du complément d’objet direct 1
- du sujet 1
- nature 1
- verbes attributifs 1
Autant 1
Auxiliaire 1

- cas particuliers pour le choix de l’~ 1


- avoir 1
- être 1
Avoir 1, 2
Avoir l’air + adj. (accord) 1, 2
B
Barbarisme 1
Barre oblique 1
Battre 1
Béni/Bénit 1
Blanc typographique 1
Boire 1
Bouillir 1
Braire 1
Bruire 1
But (prop. subord.) 1
C
Ça (sujet impersonnel) 1
Capitales (lettres) 1
Cataphore 1
Causative (construction) 1
Cause (prop. subord.) 1
Cédille 1
Ceindre (v. craindre) 1
Cent 1
Certain (déterminant) 1
Césure (du mot) 1
Chaines d’accords 1
Chaloir 1
Chanter (v. penser) 1
Choir 1
Ci-joint (accord) 1
Circoncire (v. suffire) 1
Circonscrire (v. écrire) 1
Circonstancielle (proposition subordonnée) 1- 2
Circonvenir (v. tenir) 1
Classe d’objets 1
Classes grammaticales 1
Clore 1
Combattre (v. battre) 1
Commettre (v. mettre) 1
Comparaison (prop. subord.) 1
Comparaitre (v. connaitre) 1
Comparatif

- adjectif 1
- complément 1
- formation 1
Comparoir 1
Complaire (v. plaire) 1
Complément (du verbe)
- d’objet direct 1
- d’objet interne 1
- essentiel 1
- accessoire 1
- circonstanciel 1
- commun à plusieurs verbes 1
- d’agent 1
- d’objet indirect 1, 2
- de phrase 1
- du nom, de l’adjectif, de l’adverbe 1
Composition 1
- hybride 1
- noms composés 1
- savante 1
Comprendre (v. prendre) 1
Compromettre (v. mettre) 1
Concession (prop. subord.) 1
Conclure 1
Concordance des temps 1
Concourir (v. courir) 1
Condescendre (v. rendre) 1
Conditionnel
- passé 1
- passé en concurrence avec le subj. plus-que-parfait 1
- présent 1, 2, 3
- temps vs mode 1
Condition (prop. subord.) 1
Conduire 1
Confire (v. suffire) 1
Confondre (v. rendre) 1
Conjoindre (v. craindre) 1
Conjonction

- locution 1
- de coordination 1
- définition 1
- de subordination 1
Conjugaison 1
- impersonnelle 1
- tableaux de ~ 1- 2
- verbes intransitifs avec l’auxiliaire être 1
- verbes irréguliers et défectifs 1
- vivante/morte 1
Connaitre (connaître) 1
Connecteur (de discours) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Consentir (v. mentir) 1
Conséquence (prop. subord.) 1
Consonne

- tableau des ~ 1
- assimilation 1
- géminée 1
- lieu d’articulation 1
- mode d’articulation 1
- redoublement 1
- sourde ou sonore 1
Construire (v. conduire) 1
Contenir (v. tenir) 1
Contraindre (v. craindre) 1
Contredire (v. dire) 1
Contrefaire (v. faire) 1
Contrevenir (v. tenir) 1
Convaincre (v. vaincre) 1
Convenir (v. tenir) 1
Conversion 1

- adverbes 1
Coordination

- conjonction de ~ 1
- de phrases 1, 2
Corrélation
- de phrases 1
- et comparaison 1
- et conséquence 1
- et subordination 1, 2
- si... c’est que (explication) 1
Correspondre (v. rendre) 1
Corrompre (v. rompre) 1
Coudre 1
Courir 1
Couvrir 1
Craindre 1
Crochets 1
Croire 1
Croitre (croître) 1
Cueillir 1
Cuire (v. conduire) 1
D
Davantage 1
De

- préposition 1
- et article partitif 1
- introducteur de l’infinitif 1
Débattre (v. battre) 1
Débit (de parole) 1
Déchoir 1
Déclarative (phrase) 1
Déclore (v. clore) 1
Découdre (v. coudre) 1
Découvrir (v. couvrir) 1
Décrire (v. écrire) 1
Décroitre (v. accroitre) 1
Dédire (se) (v. dire) 1
Déduire (v. conduire) 1
Défaillir (v. assaillir) 1, 2
Défaire (v. faire) 1
Défectif
- définition 1
- impératif mode ~ 1
Défendre (v. rendre) 1
Défigement 1
Déictique
- pronom 1
- sens ~ 1
Démentir (v. mentir) 1
Démettre (v. mettre) 1
Demi (accord) 1
Démonstratif

- déterminant 1
- pronom 1
Démordre (v. rendre) 1
Départir (v. mentir) 1
Dépeindre (v. craindre) 1
Dépendre (v. rendre) 1
Déplacement (d’un constituant) 1
Déplaire (v. plaire) 1
Dérivation 1
Désapprendre (v. prendre) 1
Descendre (v. rendre) 1
Desservir (v. servir) 1
Détachement 1
- de l’adverbe 1
- et virgule 1
- phrase avec ~ 1
Déteindre (v. craindre) 1
Détendre (v. rendre) 1
Détenir (v. tenir) 1
Déterminant

- indéfini 1
- article défini 1, 2
- article défini élidé 1
- article indéfini 1
- article partitif 1
- définition et types 1
- démonstratif 1
- exclamatif 1
- interrogatif 1
- nominal 1
- numéral 1
- omission du ~ 1
- possessif 1
- relatif 1
Détordre (v. rendre) 1
Détruire (v. conduire) 1
Deux points 1
Devenir (v. tenir) 1
Dévêtir (v. vêtir) 1
Devoir 1
Dicton 1
Voir Proverbe
Didascalies 1
Diérèse 1
Diphtongue 1, 2
Dire 1
Disconvenir (v. tenir) 1
Discourir (v. courir) 1
Discours rapporté

- narrativisé 1
- définition 1
- style direct 1
- style indirect 1
- style indirect libre 1
Discours direct

- guillemets 1
Disjoindre (v. craindre) 1
Dislocation (de la phrase) 1

Voir Détachement
Disparaitre (v. connaitre) 1
Dissoudre (v. absoudre) 1
Distendre (v. rendre) 1
Distraire (v. traire) 1
Dont (emplois) 1
Dormir 1
Dû 1
Durant/Pendant 1
E
E muet 1
Ébattre (s’) (v. battre) 1
Échoir 1
Éclore 1
Éconduire (v. conduire) 1
Écrire 1
Écriture inclusive 1

- féminisation des noms animés 1


Écriture (système d’) 1
Élire (v. lire) 1
Élision 1
Ellipse 1

- dans la comparaison 1
- dans la subordonnée participiale 1
- et coordination 1
Émettre (v. mettre) 1
Émouvoir (v. mouvoir) 1
Empreindre (v. craindre) 1
Emprunts 1, 2
En

- partitif 1
- pronom adverbial 1
- pronom personnel 1
Enceindre (v. craindre) 1
Enclore 1
Encourir (v. courir) 1
Endormir (v. dormir) 1
Enduire (v. conduire) 1
Enfreindre (v. craindre) 1
Enfuir (s’) (v. fuir) 1
Enjoindre (v. craindre) 1
En même temps 1
Énoncé 1
Énonciation
- adverbe d’~ 1, 2
- complément de phrase 1, 2
- définition 1
- interjection 1
Enquérir (s’) (v. acquérir) 1
Ensuivre (s’) (v. suivre) 1
Entendre (v. rendre) 1
Entremettre (s’) (v. mettre) 1
Entre (mots composés avec) 1
Entreprendre (v. prendre) 1
Entretenir (v. tenir) 1
Entrevoir (v. voir) 1
Entrouvrir (v. couvrir) 1
Envoyer 1
Épandre (v. rendre) 1
Épicène 1
Épithète 1
- et attribut 1
Éprendre (s’) (v. prendre) 1
Équivaloir (v. valoir) 1
Est-ce que 1, 2
Et
- emplois de et 1
- répétition de et 1
Étant donné

- accord 1
Éteindre (v. craindre) 1
Étendre (v. rendre) 1
Être 1

- auxiliaire 1
Étymologie populaire 1, 2
Excepté (accord) 1
Exclamatif
- déterminant 1
- phrase 1
Exclure (v. conclure) 1
Explétif

- adverbe 1
- mot 1
Extraire (v. traire) 1
F
Fabricant/Fabriquant 1
Factitive (construction) 1
Faillir 1
Faire 1
Falloir 1
Fatigant/Fatiguant 1
Feindre (v. craindre) 1
Féminin

- de l’adjectif 1
- des noms animés 1
Féminisation 1
Fendre (v. rendre) 1
Férir 1
Feu 1
Figement 1

- défigement 1
- de la phrase 1
- du mot 1
- verbe support 1
Finir 1
Fonction grammaticale 1
Fondre (v. rendre) 1
Forfaire 1
Fort 1
Fractomorphème 1, 2
Frire 1
Fuir 1
Futur
- emplois 1
- antérieur 1
- auxiliaire modal de ~ 1
- devoir + infinitif 1
- aller + infinitif 1
- présent à valeur de ~ 1
G
Gaiment 1
Gallicisme 1
Geindre (v. craindre) 1
Genre

- du nom 1
- noms à double ~ 1
- noms épicènes 1
Gérondif 1
Gésir 1
Graphème 1
Groupe

- adjectival 1
- nominal 1
- prépositionnel 1
- verbal 1
Guillemets
- emploi 1
- français et anglais 1
H
H muet 1, 2
Haïr 1
Héros 1, 2
Hiatus 1
Homonyme 1
Huit (élision devant ~) 1
Hypothèse (prop. subord.) 1
I
Il était une fois 1
Il y a 1
Imparfait

- atténuation 1
- caractère inaccompli 1
- emploi 1
Impératif

- passé 1
- emploi 1
Imperfectif (aspect) 1
Impersonnel
- phrase 1
- verbe 1
Inchoatif (aspect) 1
Incidente (phrase) 1
Incise (phrase en) 1
Inclure (v. conclure) 1
Indéfini

- déterminant 1
- pronom 1
Indicatif

- définition 1
- tableau des temps 1
Induire (v. conduire) 1
Infinitif 1

- de narration 1
- d’exclamation 1
- d’interrogation 1
- d’ordre 1
- emploi comme nom 1
- précédé d’un auxiliaire modal 1
Injonctive (phrase) 1
Inscrire (v. écrire) 1
Instruire (v. conduire) 1
Interdire (v. dire) 1
Interjection 1
Interrogatif
- adverbe 1
- déterminant 1
- phrase 1
- pronom 1
Interrogation

- avec inversion 1
- indirecte 1, 2
- partielle 1
- totale 1
Intervenir (v. tenir) 1
Intonation 1
Introducteur (il y a) 1
Issir 1
Italiques (caractères) 1
Itératif (aspect) 1
J
Joindre (v. craindre) 1
Juxtaposition

- de phrases 1, 2
- éléments séparés par une virgule 1
- et parataxe 1
L
La plupart des + N (accord du verbe) 1
Le peu de + N (accord du verbe) 1
Lettres

- de l’alphabet 1
- grecques 1
Lexique 1
Liaison 1, 2, 3, 4, 5
Linéarité (de la phrase) 1
Lire 1
Luire 1
M
Maintenir (v. tenir) 1
Mais

- virgule avant ~ 1
Majuscules 1
- noms propres 1
- noms de fêtes 1
- points cardinaux 1
- titres d’œuvres 1
- titres et fonctions 1
Manger (v. penser) 1
Manière (prop. subord.) 1
Marqueur (de discours) 1

Voir Connecteur
Maudire 1
Méconnaitre (v. connaitre) 1
Médian (point) 1
Médire (v. dire) 1
Mentir 1
Méprendre (se) (v. prendre) 1
Messeoir (v. seoir) 1
Mettre 1
Mille 1
Mode (du verbe) 1
Mordre (v. rendre) 1
Morfondre (se) (v. rendre) 1
Mot(s)

- calques 1
- classes de ~ 1- 2
- définition 1
- emprunts 1
- explétif 1
- famille de ~ 1
- formation 1
- formation par contamination 1
- formation parasynthétique 1
- grammatical 1
- lexical 1
- mis en apostrophe 1
- multiplicatif 1
- ~ phrase 1
Moudre 1
Mourir 1
Mouvoir 1
N
Naitre (naître) 1
Ne

- explétif 1
- adverbe de négation 1
Négation

- partielle 1
- restrictive 1
- totale 1
Négative (phrase) 1
Néologisme 1
Nom
- expansion du ~ 1
- commun 1
- composé 1
- comptable et massif 1
- définition 1
- groupe nominal 1
- locution nominale 1
- nombre 1
- ~ propre 1
Nombre (du nom) 1
Nombres
- et trait d’union 1
Nous (inclusif, exclusif, majestatif, de modestie) 1
Nouvelle orthographe 1

- accent aigu 1, 2
- accent circonflexe 1
- mots fréquents 1
- recommandation pour mots nouveaux 1
- rectification des anomalies 1
- règles 1
Nuire (v. conduire) 1
Numéral (déterminant) 1
O
Objet 1
Voir Complément d’objet
Obtenir (v. tenir) 1
Occire 1
Offrir (v. couvrir) 1
Oindre (v. craindre) 1
Omettre (v. mettre) 1
On (pronom indéfini) 1
- accord du verbe avec ~ 1, 2
Onomatopées 1
Onze (élision devant ~) 1
Opposition (prop. subord.) 1
Ordre des mots

- et fonction syntaxique 1
- et linéarité 1
Orthographe

- nouvelle ~ 1
- définition 1
Oui (élision devant ~) 1
Ouïr 1
Ouvrir (v. couvrir) 1
P
Paitre (paître) 1
Paraitre (v. connaitre) 1
Parataxe (juxtaposition par ~) 1
Parcourir (v. courir) 1
Parenthèses 1
- crochets 1
Parfaire (v. faire) 1
Paronymie 1
Participe passé
- accord (dit, dû, pu, cru, su, voulu) 1
- accord (fait/laissé + infinitif) 1
- accord (couter, peser, mesurer) 1
- accord (dans la langue parlée) 1
- accord (employé avec avoir) 1
- accord (employé avec être) 1
- accord (suivi d’un infinitif) 1
- accord (précédé de en) 1
- accord (règles générales) 1
- accord (temps surcomposés) 1
- accord (verbes impersonnels) 1
- accord (verbes pronominaux) 1
- employé comme adjectif 1
- employé dans les temps composés 1
- forme passive 1
Participe présent

- comparé à l’adjectif verbal 1


- emploi 1
- et gérondif 1
Partir (v. mentir) 1
Parvenir (v. tenir) 1
Passé antérieur 1
Passé composé
- caractère accompli 1
- temps du récit 1
Passé simple 1
Passif impersonnel 1
Passive
- phrase 1
- voix 1
Peindre (v. craindre) 1
Pendre (v. rendre) 1
Penser 1
Perdre (v. rendre) 1
Perfectif (aspect) 1
Permettre (v. mettre) 1
Phonèmes 1
Phonétique 1
Phrase
- de base (minimale) 1
- déclarative 1
- définition 1
- étendue 1
- non verbale en incise 1
- assertive 1
- avec détachement 1
- complexe 1
- constituants de la ~ 1
- elliptique 1
- emphatique 1
- en il y a 1
- exclamative 1
- figée 1
- formes de 1
- impersonnelle 1
- incidente 1
- injonctive 1
- interrogative 1
- négative 1
- non verbale 1
- optative 1
- ordre des mots 1
- passive 1
- situationnelle 1
- types de 1
Plaindre (v. craindre) 1
Plaire 1
Pleuvoir 1
Pluriel
- adjectifs 1
- noms à double forme 1
- noms communs 1
- noms composés 1
- noms étrangers 1
- noms par conversion 1
- noms propres 1, 2
Plus-que-parfait 1
Poindre (v. craindre) 1
Point

- final de phrase 1
- abréviation par le ~ 1
- de suspension 1
- d’exclamation 1
- d’interrogation 1
- médian 1
Point-virgule 1
Ponctuation 1, 2
Pondre (v. rendre) 1
Possessif
- déterminant 1
- pronom 1
Pourfendre (v. rendre) 1
Poursuivre (v. suivre) 1
Pourvoir (v. voir) 1
Pouvoir 1
Pragmatique 1
Prédicat 1
Prédire (v. dire) 1
Préfixes 1

- d’origine latine ou grecque 1- 2


Prendre 1
Préposition

- définition 1
- répétition de la ~ 1
- locution 1
Prescrire (v. écrire) 1
Présent
- emploi 1
- historique 1
Presqu’ile 1
Pressentir (v. mentir) 1
Pressentir (v. sentir) 1
Présupposition 1
Prêt de/Prêt à 1
Prétendre (v. rendre) 1
Prévaloir (v. valoir) 1
Prévenir (v. tenir) 1
Prévoir (v. voir) 1
Procès (exprimé par le verbe) 1
Produire (v. conduire) 1
Promettre (v. mettre) 1
Promouvoir (v. mouvoir) 1
Pronom
- réfléchi 1
- adverbial 1
- conjoint (ou atone) 1
- définition 1
- démonstratif 1
- disjoint (ou tonique) 1
- indéfini 1
- interrogatif 1
- les compléments du ~ 1
- nominal 1
- personnel 1
- personnel sujet 1
- possessif 1
- réciproque 1
- relatif 1
- relatif indéfini 1
- représentant 1
Pronominal (verbe) 1

Voir Verbe
Proposition subordonnée

- complément du nom 1
- complément du présentatif 1
- circonstancielle 1
- circonstancielle du verbe/de la phrase 1
- complément de l’adjectif 1
- complétive 1
- conjonctive 1
- corrélative 1, 2
- en apposition 1
- exclamative 1
- exclamative indirecte 1
- infinitive 1
- pseudo-coordonnée 1
- relative 1
- relative adjective 1
- relative sans antécédent (substantive) 1
- tableau des fonctions 1
Proposition circonstancielle

- de but 1
- de cause 1
- de condition/hypothèse 1
- de conséquence 1
- de manière/comparaison 1
- de restriction 1
- de temps 1
- d’opposition 1
Proposition corrélative

- de comparaison 1
- d’opposition/concession 1
Proposition relative

- antécédent 1
- attributive 1
- déterminative (restrictive) 1
- explicative (appositive) 1
Proscrire (v. écrire) 1
Prosodie 1
Provenir (v. tenir) 1
Proverbe
- définition 1
- dictons 1
- exemples 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Q
Qualificatif (adjectif) 1
Que je sache 1
Quelque

- déterminant 1
- Quelque/Quel que 1
Quérir 1
Question rhétorique 1
Quoi que/Quoique 1
R
Rabattre (v. battre) 1
Racine 1
Radical

- d’un mot 1
- du verbe 1
- radicaux grecs et latins 1, 2
Rapprendre (v. prendre) 1
Rassoir (rasseoir) (v. assoir) 1
Ravoir 1
Réapparaitre (v. connaitre) 1
Rebattre (v. battre) 1
Recevoir 1, 2
Recevoir (v. devoir) 1
Reclure 1
Reconduire (v. conduire) 1
Reconnaitre (v. connaitre) 1
Reconquérir (v. acquérir) 1
Reconstruire (v. conduire) 1
Recoudre (v. coudre) 1
Recourir (v. courir) 1
Recouvrir (v. couvrir) 1
Récrire (v. écrire) 1
Recroitre (v. accroitre) 1
Recueillir (v. cueillir) 1
Recuire (v. conduire) 1
Récursivité 1
Redescendre (v. rendre) 1, 2
Redevenir (v. tenir) 1
Redire (v. dire) 1
Réduire (v. conduire) 1
Réélire (v. lire) 1
Refaire (v. faire) 1
Refendre (v. rendre) 1
Référent (fonction référentielle) 1
Réfléchi (verbe pronominal) 1
Refondre (v. rendre) 1
Rejoindre (v. craindre) 1
Relatif/Relative

- déterminant 1
- pronom ~ 1
- proposition subordonnée ~ 1- 2
Relire (v. lire) 1
Reluire (v. luire) 1
Remettre (v. mettre) 1
Remordre (v. rendre) 1
Renaitre (v. naitre) 1
Rendormir (v. dormir) 1
Rendre 1, 2
Renvoyer (v. envoyer) 1
Repaitre (v. paitre) 1
Répandre (v. rendre) 1
Reparaitre (v. connaitre) 1
Repartir (v. mentir) 1
Repeindre (v. craindre) 1
Rependre (v. rendre) 1
Repentir (se) (v. mentir) 1
Répétition
- effet d’insistance 1
Répondre (v. rendre) 1
Reprendre (v. prendre) 1
Reproduire (v. conduire) 1
Requérir (v. acquérir) 1
Résoudre 1
Ressentir (v. mentir) 1
Ressentir (v. sentir) 1
Resservir (v. servir) 1
Ressortir (v. mentir) 1
Ressouvenir (se) (v. tenir) 1
Restreindre (v. craindre) 1
Restriction (prop. subord.) 1
Résulter 1
Revenir (v. tenir) 1
Rêver (v. penser) 1
Revêtir (v. vêtir) 1
Revivre (v. vivre) 1
Revoir (v. voir) 1
Rhème 1
Rire 1
Rompre 1
Rouvrir (v. couvrir) 1
Rythme 1
S
Saillir 1, 2
Satisfaire (v. faire) 1
Savoir 1
Se (dé)plaire

- accord du participe passé 1


Se rire

- accord du participe passé 1


Secourir (v. courir) 1
Séduire (v. conduire) 1
Sémantique 1
Semi-auxiliaire 1
Semi-voyelle (ou semi-consonne) 1, 2
Sentir 1
Sentir (v. mentir) 1
Seoir 1
Servir 1
Sigle 1
Signes de ponctuation 1

Voir Ponctuation
Soi-disant 1
Soit/Soient 1
Solécisme 1, 2
Sortir (v. mentir) 1
Soudure
- dans les mots nouveaux 1, 2
Souffrir (v. couvrir) 1
Soumettre (v. mettre) 1
Sourdre 1
Sourire (v. rire) 1
Souscrire (v. écrire) 1
Soustraire (v. traire) 1
Soutenir (v. tenir) 1
Souvenir (se) (v. tenir) 1
Style
- informel (ou parlé) 1
- direct 1
- indirect 1
- indirect libre 1
Subjonctif

- en proposition subordonnée 1, 2
- emplois figés 1
- tableau des temps 1
Subordination

- définition 1
- et coordination 1
- et corrélation 1
- inverse 1
Substantif 1
Voir Nom
Substitution 1
Subvenir (v. tenir) 1
Succéder (se) 1
Suffire 1
Suffixes 1

- principaux ~ 1- 2
Suivre 1
Sujet

- absence de ~ dans la phrase 1


- apparent 1
- définition 1
- grammatical (il) 1
- identification du ~ 1
- impersonnel (il) 1
- nature syntaxique 1
- nom collectif 1
- position du ~ 1
- pronom personnel ~ 1
Superlatif (adjectif) 1
Suppression (d’un constituant) 1
Sur 1
Surcomposé (temps) 1, 2
Surfaire (v. faire) 1
Sur-le-champ 1
Surprendre (v. prendre) 1
Sursoir (surseoir) 1
Survenir (v. tenir) 1
Survivre (v. vivre) 1
Suspendre (v. rendre) 1
Syllabe 1
Syllepse (accord par) 1
Synérèse 1
Synonyme 1
T
Taire 1
Tautologie (dans la formation des mots) 1
Teindre (v. craindre) 1
Tel 1
Temps (prop. subord.) 1
Temps (simple, composé, surcomposé) 1
Tendre (v. rendre) 1
Tenir 1
Terminaison (du verbe) 1
Tests syntaxiques 1
Thème/Rhème 1, 2, 3, 4
Timbre 1

Voir Voyelle
Tiret
- et dialogue 1
- et trait d’union 1
Tistre ou Tître 1, 2
Ton 1
Tondre (v. rendre) 1
Tordre (v. rendre) 1
Tout

- déterminant 1
- déterminant/adverbe/adjectif/pronom/nom 1
Traduire (v. conduire) 1
Traire 1
Trait d’union 1

- césure du mot 1
- soudure du mot 1
Transcrire (v. écrire) 1
Transmettre (v. mettre) 1
Transparaitre (v. connaitre) 1
Tréma 1
Tressaillir (v. assaillir) 1, 2
Tu (élision de ~) 1
Type de phrase
- affirmative 1
- clivée/emphatique 1
- déclarative 1
- définition 1
- exclamative 1
- injonctive 1
- interrogative 1
- simple 1
V
Vaincre 1
Valoir 1
Vendre (v. rendre) 1
Venir (v. tenir) 1
Verbe
- accord du ~ avec le sujet 1
- accord du ~ avec plusieurs sujets 1
- aspect 1
- attributif (ou copule) 1
- auxiliaire 1
- définition 1
- impersonnel 1, 2, 3
- intransitif 1
- locution verbale 1
- météorologique 1
- mode 1, 2
- nombre et personnes 1
- pronominal (ou réfléchi) 1
- pronominal passif 1
- pronominal réciproque 1
- pronominal subjectif 1, 2
- support 1, 2
- temps 1
- transitif 1
- voix active ou passive 1
Vêtir 1
Veuillez 1
Vingt 1
Virgule 1

- devant mais, or, donc, car 1


- entre éléments de même statut 1
- entre éléments de statut différent 1
- et détachement 1, 2
- mot en apostrophe 1
- phrase incidente 1
- virgule interdite 1
Vive/Vivent 1
Vivre 1
Voici, voilà 1
Voir 1
Voix
- active 1
- passive 1
Voler (v. penser) 1
Vouloir 1
Vous (de politesse) 1
Vouvoiement 1
Voyager (v. penser) 1
Voyelle 1, 2
- e muet 1
- longue ou brève 1
- tableau des voyelles 1
- timbre 1
Y
Y
- pronom adverbial 1
- pronom personnel 1
Yod 1

Voir Semi-voyelle
Z
Zeugme 1
Couverture : Marie-Astrid Bailly-Maître
Création de la typographie Grevisse : Typofacto, Olivier Nineuil
Maquette intérieure et mise en page : Nord Compo

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© De Boeck Supérieur s.a., 2018


Rue du Bosquet, 7 – B-1348 Louvain-la-Neuve

Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : novembre 2018
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2018/13647/136
EAN 978-2-8073-2361-2

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour De Boeck
Supérieur. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Cette
œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client.
Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou
partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par
les articles L.335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se
réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant
les juridictions civiles ou pénales.
Notes
1. L’orthographe antérieure à 1990 est toujours acceptée : je céderai, elle
considérera, nous interpréterons.
2. L’orthographe antérieure à 1990 est toujours acceptée : puissé-je, dussé-je.
3. Liste complète des mots concernés : amoncèlement, bossèlement,
chancèlement, cisèlement, cliquètement, craquèlement, craquètement,
cuvèlement, dénivèlement, ensorcèlement, étincèlement, grommèlement,
martèlement, morcèlement, musèlement, nivèlement, ruissèlement,
volètement.
4. Ce retrait en début de ligne n’est plus utilisé dans les mises en page
modernes.
Notes
1. La nouvelle orthographe suggère de souder les composants sans laisser de
blanc typographique (agglutination).
Notes
1. Pour plus d’informations, on pourra consulter la « Circulaire du 11 mars
1986 relative à la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre »
parue au Journal officiel de la République française du 16 mars 1986. Ou les
brochures Au féminin. Guide de féminisation des titres de fonction et des
textes (Office de la langue française, Les Publications du Québec, 1991) ;
Mettre au féminin, Guide de féminisation des noms de métier, fonction, grade
e
ou titre (Fédération Wallonie-Bruxelles, Service de la langue française, 3 éd.,
2014) ; ou encore Anne Dister et Marie-Louise Moreau (2009). Féminiser ?
Vraiment pas sorcier ! La féminisation des noms de métiers, fonctions, grades
et titres. De Boeck Duculot. Bruxelles.
2. Ces noms sont de formation populaire ; leur finale se prononçait
anciennement comme celle des noms en -eux (on prononçait, par exemple, un
menteux), ainsi on comprend pourquoi leur féminin est en -euse.
3. Ces noms sont de formation savante. Leur féminin est emprunté ou imité du
féminin latin en -trix ; par exemple, directrice reproduit le féminin latin directrix.
4. Les chasseurs disent aussi dine.
5. Perruche se dit de la femelle du perroquet ; il désigne aussi, sans distinction
de sexe, un oiseau de la même famille que le perroquet, mais de taille plus
petite.
6. Origine du s du pluriel. Des six cas du latin (formes diverses par lesquelles
se marquaient, au moyen de désinences particulières, les fonctions du nom
dans la proposition), l’ancien français n’avait gardé que le nominatif (cas sujet)
et l’accusatif (cas régime ou cas du complément), par exemple :
Singulier : suj. : murs (du lat., murus) ; compl. : mur (du lat., murum).
Pluriel : suj. : murs (du lat. muri) ; compl. : murs (du lat. muros).
e
Au XIII siècle, le cas sujet disparut, et l’on n’eut plus que les formes-types mur
pour le singulier et murs pour le pluriel. Ainsi s’explique que la lettre s est
devenue le signe caractéristique du pluriel.
7. Les rectifications de l’orthographe française autorisées depuis 1990
modifient sensiblement les règles d’écriture et les marques du pluriel pour les
noms composés. (› Pluriel des noms composés)
8. On écrit bluejean mais best-seller, ce qui montre qu’il y existe encore
certaines incohérences à régulariser.
Notes
1. Septante (70) et nonante (90) sont courants, et officiels en Belgique et en
Suisse romande. Huitante (80) est également employé en Suisse romande,
ainsi que octante (80).
2. Auparavant, dans les adjectifs numéraux composés, on mettait le trait
d’union entre les éléments qui sont l’un et l’autre moindres que cent, sauf s’ils
sont joints par et : Trente-huit mille six cent vingt-cinq. Trente et un.
3. De même : On ne sait quel, Dieu sait quel, nous ne savons quel, etc. : Les
frais monteront à Dieu sait quelle somme !
4. Tout est suivi, dans ce cas, d’un attribut, qui est, soit un adjectif, soit un
participe, soit un nom faisant fonction d’adjectif.
Notes
1. La civilisation lapone (OLIVIER TRUC, Le dernier Lapon, 2012) ou la
servante laponne (VLADIMIR VOLKOFF, Les orphelins du Tsar, 2005).
Une jeune Lettonne (SERGE BRAMLY, Le premier principe, le second
principe, 2008) ou l’action lettone (EMMANUEL CARRÈRE, Limonov, 2011).
La race nipponne (MARC BRESSANT, La dernière conférence, 2008) ou une
société nippone (CHRISTOPHE BOLTANSKI, Minerais de sang, 2012).
2. Ces noms sont de formation populaire ; leur finale se prononçait
anciennement comme celle des noms en -eux (on prononçait, par exemple, un
menteux), ainsi on comprend pourquoi leur féminin est en -euse.
3. Ces noms sont de formation savante. Leur féminin est emprunté ou imité du
féminin latin en -trix ; par exemple, directrice reproduit le féminin latin directrix.
4. « À pression atmosphérique ».
Notes
1. Autrefois le pronom pouvait représenter un nom indéterminé : Si vous êtes
si touchés de curiosité, exercez-la du moins en un sujet noble. (Jean de La
Bruyère)
2. http://www.academie-francaise.fr/soi-disant-pour-pretendu
Notes
1. Le prédicat de la phrase est la partie de celle-ci qui donne une information à
propos du sujet. Il peut s’agir d’un verbe et de ses éventuels compléments.
2. Strictement parlant : l’action, l’existence ou l’état. Nous allégeons
l’expression.
3. On parle également de mode impersonnel, mais cette appellation ne doit
pas être confondue avec les constructions impersonnelles des verbes.
4. Autrefois appelé futur du passé.
5. Autrefois appelé futur antérieur du passé.
6. Les affixes sont des morphèmes (de petit éléments porteurs de sens qui ne
constituent pas un mot à eux seuls, mais qui se joignent à une base pour
créer un nouveau mot dérivé. Dans les exemples cités, le préfixe re- ajoute le
sens de répétition et le suffixe -ir permet de créer le verbe qui exprime le sens
de devenir pâle). (› Dérivation)
7. On préfère parfois garder le nom de radical pour faire référence à la partie
lexicale du verbe qui porte le sens et de base pour les différentes variantes de
ce radical à partir desquelles s’opère la formation des formes conjuguées.
8. L’orthographe antérieure à 1990 est encore acceptée : dussé-je.
9. Strictement parlant, dans les formes passives, être n’est pas un auxiliaire,
car il n’abandonne pas sa valeur ordinaire de verbe servant à joindre l’attribut
au sujet ; d’autre part, il ne perd pas sa valeur temporelle. Comparez : je suis
félicité, je suis parti. Dans la première phrase, suis joint félicité au sujet et
marque un présent : ce n’est pas un auxiliaire. Dans la seconde, suis ne joint
plus l’attribut au sujet et n’a plus sa valeur de présent : c’est un auxiliaire qui
sert à marquer un passé.
10. « Présentation du Rapport, devant le Conseil supérieur de la langue
française, le 19 juin 1990 » dans Les rectifications de l’orthographe. Journal
o
officiel de la République française, 1990, n 100.
11. L’orthographe antérieure à 1990 est encore acceptée : j’époussette, il
caquette, ruissellement, etc.
12. L’orthographe antérieure à 1990 est toujours acceptée : je considérerai.
13. Dans des cas où il s’agit d’une bénédiction rituelle, on trouve parfois, il est
vrai, bénit employé comme verbe, mais seulement au sens passif : Les
drapeaux ont été bénits. (Dictionnaire de l’Académie)
14. Les emplois que nous allons signaler se retrouvent de manière détaillée
dans la Partie 5 sur la phrase complexe. Pour ce qui est de la concordance
des temps, et du choix à opérer entre subjonctif présent, subjonctif passé,
subjonctif imparfait et subjonctif plus-que-parfait en fonction du temps du
verbe principal, on se reportera au chapitre 5 de la partie 5.
15. Conformément aux recommandations des Tolérances grammaticales ou
orthographiques (article 8).
Notes
1. Les Tolérances orthographiques ou grammaticales recommandent
d’accepter les deux accords dans tous les cas.
2. L’adverbe est ici utilisé comme pronom indéfini ou comme déterminant
indéfini.
3. Les Tolérances grammaticales ou orthographiques (1973) préconisent
d’admettre également comme correct l’accord au pluriel.
4. Arrêté du 28 décembre 1976 (publié dans le Journal officiel daté du 9 février
1977), s’appuyant lui-même sur l’arrêté du 26 février 1901 relatif à la
simplification de l’enseignement de la syntaxe française.
5. Les Tolérances grammaticales ou orthographiques (article 13a) préconisent
d’accepter l’un et l’autre emploi dans tous les cas (passés quarante ans,
Rome excepté).
6. Conformément à l’article 13c des Tolérances grammaticales ou
orthographiques, on acceptera l’un et l’autre emploi dans tous les cas.
7. Article 12 des Tolérances grammaticales ou orthographiques.
Notes
1. Le référent est l’être, ou la chose, désigné par le nom antécédent.
Notes
1. Certains auteurs considèrent le si interrogatif indirect comme un adverbe
interrogatif.
Notes
1. En latin, la proposition infinitive, introduite par un verbe d’affirmation (dire,
raconter, rapporter), d’opinion (croire, penser) ou de connaissance, a
nécessairement un sujet distinct qui se met à l’accusatif.
Notes
1. Texte officiel : http://www.academie-francaise.fr/sites/academie-
francaise.fr/files/rectifications_1990.pdf [page consultée en juillet 2018]. Liste
complète des mots touchés par les rectifications :
http://www.renouvo.org/liste.php?t=3 [page consultée en juillet 2018].
2. Liste complète des mots touchés par les rectifications :
http://www.renouvo.org/liste.php?t=3 [page consultée en juillet 2018].
3. Le e ne se prononce plus. L’Académie française écrit déjà j’assois (à côté
de j’assieds), j’assoirai, etc. (mais je surseoirai). Assoir s’écrit désormais
comme voir (ancien français veoir), choir (ancien français cheoir), etc.
4. À cause de bizuter, bizutage.
5. À rapprocher de cil. Rectification d’une ancienne erreur d’étymologie.
6. La graphie cea est une ancienne graphie rendue inutile par l’emploi de la
cédille.
7. La suite cz est exceptionnelle en français. Exéma comme examen
8. Mot d’origine arabo-persane. L’Académie a toujours écrit nénufar, sauf dans
la huitième édition (1932-1935).
9. Des trois graphies de ce mot, celle-ci est la plus conforme aux règles et la
moins ambigüe.
10. Cette graphie évite l’homographie avec punch (coup de poing) et
l’hésitation sur la prononciation
11. Comparer relai-relayer avec balai-balayer, essai-essayer, etc.
12. Des sept graphies qu’on trouve actuellement, celle-ci est la plus conforme
aux règles et la moins ambigüe.
13. À rapprocher de vent ; rectification d’une ancienne erreur d’étymologie
Notes
1. Ces documents sont disponibles en ligne :
http://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Documentation-
administrative/Le-guide-d-aide-a-la-feminisation-des-noms-de-metiers-titres-
grades-et-fonctions-1999 ;
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-
publics/994001174.pdf ; http://www.ciep.fr/chroniq/femi/femi.htm ;
http://www.cfwb.be/franca/femini/feminin.htm.
2. On acceptera aussi une écrivaine, l’usage devant trancher.
3. Les dispositions québécoises et suisses prévoient dans ces cas des formes
en -eure (ex. : professeure). Les usagers auront la possibilité de choisir entre
ces formes et celles adoptées ici, l’usage devant trancher dans les décennies
qui viennent. Pour docteur, on laissera le choix entre une docteur et une
doctoresse.

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