Deleuze - Cours Image-Mouvement - Aula - 7B

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TRANSCRIPTION 

: Binak KALLUDRA CD 7B - cours du 19 janvier


1982

Plaies de visages complètement distendus avec le fait qu’il va


mourir et qu’il meure dans une espèce de fou rire. Euh, c’est une
très belle image pour le journal, euh ! Bon, mais vous voyez que là
il faudrait voir dans quel genre. je me sens plus solide lorsque je
dis : "oui, le western, son affaire c’est vraiment d’avoir inventé,
avoir apporté le ciel au cinéma ou en avoir apporté les ciels au
cinéma, même si en suite on s’est servi des ciels dans d’autres
sites".

Mais, ce cinéma français au contraire, - ce que je résumais tout à


l’heure sous la forme de conflit du métier et de la passion - vous
voyez que c’est pas ça, c’est pas ça. C’est bien plutôt la
confrontation de deux types d’images, de deux types d’images -
perception. Encore une fois les images liquides qui effectuent le
système objectif total de l’universelle interaction est le système
subjectif terrestre. Les images solides, terrestres, qui effectuent le
système de la variation limitée par rapport à un centre d’immobilité.
Et c’est pour achever cette - juste cette indication sur le cinéma
français - je cherchais l’exemple qui résume tout ce que je viens de
dire, c’est évident : je me serve là d’une analyse qui me semble
excellente qui a été faite par Jean Pierre Bamberger, concernant
« L’Atalante » de VIGO. 
  Et « L’Atalante » de VIGO semble vraiment réunir à l’état le plus
pur, la confrontation et la compénétration -évidemment c’est pas,
c’est pas un dualisme - il faut chacun fois que le système terrestre
sort des eaux que, les eaux reconquièrent se reconquièrent sur le
système terrestre - il y avait perpétuellement intercommunication
entre les deux - mais si vous prenez « L’Atalante » qu’est-ce que
vous y apprenez ? Vous y apprenez que la terre est le lieu - mais
alors là c’est pas mal de parler vraiment à la lettre d’une espèce
d’érratisme de ce cinéma français - vous y apprenez que la terre et
le lieu depuis l’injustice parce que c’est lieu du partiel, de
l’imparfait, et que c’est fondamentalement le lieu du déséquilibre. Il
faut toujours rattraper son équilibre et c’est la descente la plus
longue de « L’Atalante ». Et vous y apprenez qu’à la frontière de la
terre et des eaux, peut encore régner le système de la terre par
certains aspects, et c’est la cabine. La cabine encombrée, la cabine
de la péniche encombrée d’objets cassés, d’objets à moitié-objets,
d’objets qui marchent plus etc. C’est les objets partiels de la
solidité, c’est les objets qui nous rattachent au passé, c’est les
objets souvenirs etc. Mais la cabine elle est aussi autre chose : elle
est déjà le lieu maritime, le lieu aquatique où se définit quoi ? où se
définit une nouvelle démarche, un nouvel équilibre de cet équilibre
instable, fondamental qui est l’équilibre de la justice, qui est
l’équilibre de la vérité, la vérité c’est celle du reflet, la vérité elle est
sur l’eau. Et la démarche sur la péniche qui s’oppose à la démarche
sur terre, et sur tout ce qui se passe sur la péniche et c’est
l’avertissement mille fois lancé : L’eau est lieu de la vérité et la
preuve c’est que dans l’eau tu verras le visage de l’aimé(e). Cette
fois-ci il s’agit plus d’un conflit de l’amour et du mépris, au
contraire. l’amour est bien passé non pas du coté de ce qui nous
subjective mais de ce qui nous amène à l’universelle interaction,
c’est à dire à la vérité. Et une fois le personnage va plongé sa tête
dans le seau pour voir le visage de l’aimé(e). Et c’est pas VIGO,
c’était déjà EPSTEIN, qui faisait surimpression de visage de femmes
sur l’eau, où là la surimpression prenait un sentiment très grand et
très fondé, et là en effet dans le sourire plonge sa tête pour
regarder le visage de la femme aimée. Une seconde fois, il
cherchera la femme aimée dans l’eau quand ils sont tombés.

Bon, tout ça je dirais que « L’Atalante » est vraiment le condensé -


le condensé très génial - de la confrontation des deux systèmes,
des deux systèmes perceptifs en tant que chacun de ces systèmes
s’incarne, s’effectue, l’un dans l’ensemble des images liquides de
l’universelle interaction, l’autre dans le système subjectif de la
variation limitée terrestre. (Il parle tout bas) Euh ? Vous comprenez
euh ? 
  Alors, finalement c’est ça si vous voulez, l’aspect documentaire :
pourquoi tant de péniches, pourquoi bah ? Pourquoi ? Pour cette
raison, pour cette raison qui appartient vraiment à ce qui est le plus
essentiel dans la distribution du problème de l’image perception au
cinéma.

Euh ! Oui, et bien il faut que j’ aille au secrétariat eu.. deux


minutes, mais je vous demande eu.. de réfléchir à ça euh ! Mais je
reviens tout de suite euh ! Vous dispersez pas parce que comme il
faut que on partage une heure hein ! Et on est très pressés
aujourd’hui alors vous restez bien sages là, vous bougez pas, oui
parce que je voulais écrire un courrier.

Euh.. vous voyez euh ? Petite remarque : on a progressé un petit


peu parce que tout à l’heure, quand j’en restais au niveau de la
définition nominale là, des deux pôles de la perception : c’est dans
"l’ensemble de l’image- mouvement", c’est dans l’ensemble de
l’image-mouvement qu’on arrivait à distinguer les deux éléments ou
les deux pôles, objectif et subjectif. Maintenant vous pouvez me
dire c’est pas un grand gain. Maintenant on a changé de point de
vue grâce à la définition réelle des deux pôles - on distingue les
deux pôles comme deux sortes d’image en perpétuelle relation, en
perpétuelle communication. Alors où ça nous entraînera ? Parce
qu’au fond on a d’autant plus gagné - il faut tout prévoir pour
l’avenir puisque qu’on a pas fini - que liquide et solide, c’est pas
seulement deux systèmes perceptifs. C’est deux états, deux états
de la matière. Et après tout, il nous faudra bien de la physique
simple : comment les physiciens distinguent les.. oh ! Oh ! Eu.. non
non, c’est c’est la fumée, c’est pour les mêmes raisons que vous,
vous fumez trop hein ? Vous savez, c’est pas bien oui. C’est pas
bien du tout (rires d’étudiants). Eh par contre, c’est votre santé ..
(Il rit suivi des étudiants).

  Ces deux états de la matière ; voyez comment les physiciens


définissent "l’état liquide" et comment ils définissent "l’état solide".
Faudrait vous rappeler ce que vous avez appris à l’école parce que
c’est pas difficile tout ça c’est.., mais enfin pour le moment on en
dit pas plus. Bon je crois qu’on a beaucoup fait euh ? Il y a une
convention ici quant vous en pouvez plus vous me faites arrêter et
puis moi j’arrête là.

Alors sur ce point, donc comme on a fait un écart dans l’analyse,


est-qu’il y a des compléments, des interventions des compléments ?
Est-ce que vous voyez des lignes de recherche qu’on pourrait
inscrire dans eu.. eu.. des lignes de recherche qu’on pourrait
inscrire dans.. à ce niveau là ! Non ? Vous devriez comme même, je
sais pas ! Enfin si ça peut vous venir d’ici la prochaine fois alors
convention aussi, quand vous pensez à lignes de recherche à coté
de laquelle je suis passé moi, c’est ça qui m’aiderait beaucoup c’est
que vous vouliez soit aller voir ceci, soit aller voir cela. Donc encore
une fois les objections ça m’est égal, mais non ça m’est douloureux
et j’en en tiens jamais le moindre compte, mais les.. les lignes de
recherche que j’ai oublié ou que vous pouvez ajouter là, ça
m’intéresse énormément même si doit changer des choses, alors là
ça peut être des lignes de recherche comportant des objections, là
c’est bien, c’est.. voilà ! Bon bah personne ne m’aide c’est eu.. non,
voilà.

  Et bien alors passons à la suite. Oui je passe à la suite ou vous


en avez assez ! Encore un tout petit peu bien je sais pas, bon alors
(en chuchotant - c’est gentil) Bien, bien ça va être à nouveau une
direction différente, puisque que je parlaisEt lors que je proposais
comme formule facile "vertovisme modéré" pour le cinéma français,
euh.. encore une fois ça ne voulait pas dite que Vertov c’est mieux !
Euh.. ça, je vous rappelle vraiment parce que - en un sens on sait
bien que « L’Atalante » c’est pas un film absolument réussi
« Boudu » aussi, il y a pas à faire des..- mais, je viens d’essayer de
montrer explicitement comment dans le cinéma français - que ce
soit un exemple de GREMILLON, un exemple de VIGO, il y avait
d’autres exemples possibles, eu..- c’est un système de variables qui
se trouvent effectuées là par, encore une fois dans la pensée très
simple, un système de variables cinématographiques qui est
effectué par la ligne de partage de la terre et des eaux courantes.
Bon alors, ce serait idiot de dire c’est mieux ou c’est moins bien que
autre chose. - on est à la recherche d’un troisième niveau.

  Donc ce que je cherche maintenant, c’est un troisième niveau


d’analyse de l’image perception. Donc modéré, "vertonisme
modéré" ça voulait pas dire du tout allant moins loin, c’était une
voie moyenne, mais dans cette voie moyenne on pouvait aller aussi
loin que le plus loin.

  Alors troisième niveau ce serait quoi, et bien ce serait la


recherche cette fois-ci d’une définition non plus ni nominale ni
réelle, qu’est ce qui reste ? D’une véritable définition qu’on pourrait
appeler "génétique", génétique de l’image-perception et des pôles
de l’image-perception.

Et je dis et bien revenons, revenons un peu puis que cette homme


sent bien avoir eu cette haute, ce cinéaste sent bien avoir eu une
influence décisive sur le cinéma. Revenons un peu à la tentative et
aux tentatives de Tziga VERTOV. Car après tout - sauf par GODARD
- ces tentatives ont été souvent maltraitées ou mal comprises. Sauf
par GODARD et sauf je dois dire un excellent article dans le volume
collectif des éditions Klinsieck Cinéma, sauf par quelqu’un je ne sais
pas qui c’est - mais ça semble être un spécialiste Annette
MICHELSON. Oh c’est pas ! (Une étudiante intervient) Ah bon, ah
bon, c’est dans le volume de Klinsieck excellent.. ah bon, (deux
fois) excellent article sur Vertov. Mais là je citerai cet article quant
j’en aurais besoin, là je commence par des choses très simples.
VERTOV immédiatement, et un peu tout le temps, invoque quoi ? Il
invoque le réel tel qu’il est ! La caméra capable de nous livrer le réel
tel qu’il est. Que ça peut vouloir dire ça :"la camera va nous livrer le
réel tel qu’il est" ! Bon, et en même temps VERTOV fait partie de
ces cinéastes soviétiques qui ne cessent de dire - bien qu’ils le
comprennent les uns et les autres, d’une manière tout à fait
différente et parfois opposée - l’essentiel ou un des essentiels du
cinéma, c’est le montage. Bien plus avec VERTOV, le montage
réellement se croit tout permis. Déjà dès ce niveau là, les premiers
doutes, si nous n’étions pas déjà très armés pour comprendre ce
que veut dire VERTOV, les premiers doutes nous saisiraient : 
  Premier doute sur : qu’est ce que bien vouloir dire au niveau des
images : "le réel tel qu’il est" !  
  Deuxième doute, comment est-ce qu’on peut dire à la fois : on
va atteindre le réel tel qu’il est et vive le montage ! Comme dit Jean
MITRY parfois - je veux pas dire du mal de MITRY mais là dans ce
cas il se.. il se surpasse, c’est à dire manifestement c’est.. eu c’est
pas ça que l’intéresserait il comprendrait vraiment pas c’est.. c’est
un point que alors il faut le prendre comme exemple. Euh.. je l’ai
pris là d’un texte de MITRY : « on ne peut défendre, on ne peut
défendre le montage créateur et soutenir dans le même temps
l’intégrité du réel ». Vous voyez : c’est difficile comme idée. Bon,
nous, on en sait juste assez pour savoir qu’il n’y a pas de
problèmes. Alors je veux dire c’est.. c’est.. c’est fascinant c’est
comme toute les choses - quant on fait un peu de philosophie c’est
empoisonnant. Ou bien faut en faire beaucoup parce que.. mais si
on en fait qu’un peu ça - ça fait naître toutes sortes .. ça ça fait
naître que de faux problèmes. Alors bon faire oui, non j’ai tort de
dire ça fait naître.. oh je ne sais plus.

  Mais nous on n’a pas ce problème parce que - dire à la fois :


"vive le montage" et dire :"voilà le réel tel qu’il est" - ça va de soi
que c’est parfaitement cohérent, il y a aucun problème. Pourquoi !
Pourquoi il n’y a aucun problème ?

Qu’est ce qui nous dit VERTOV dès la période, si vous voulez que on
appelle communément d’après le titre de film de VERTOV « La
période du ciné œil ». Bien Vertov ne cesse pas de se réclamer de
l’universelle "interaction". Bon ça nous intéresse beaucoup du film.
L’universelle interaction. Simplement, bizarrement on n’y
reconnaîtra pas les images liquides dont on vient de parler ou du
moins très rarement, il y en a.. il y en a, mais ce sera pas ça son
problème. C’était le problème des autres, bon c’est pas.. c’est pas
son problème, et justement ça va nous lancer puisque c’est un
nouvel élément. Encore, a-il en commun avec ce qu’on vient de
voir, l’appel perpétuel avec l’universelle interaction qui va jusqu’à ce
stade là : VERTOV, nous disons :" il s’agit de connecter un point de
l’univers à un autre point quelconque

- on ne peut pas mieux définir l’universelle interaction - connexion


d’un point de l’univers à un autre point quelconque". Le temps étant
aboli, la négation du temps. Négation du temps, de quel temps ?
Est-ce que c’est pas pour saisir le temps que il y a cette connexion
d’un point de l’univers à un autre ? Retenons juste un certain temps
étant aboli. Donc, ce thème là il apparaît constamment il nous est
tellement précieux alors que j’insiste beaucoup là dessus."

  En quoi ça nous sert ? C’est que voilà : "le réel tel qu‘il est" ça
veut dire quoi ? Selon une définition tout à fait rigoureuse, je peux
dire j’appelle ou bien mieux encore, VERTOV appelle "réel tel qu’il
est", non pas quelque chose derrière les images mais l’ensemble
des images en tant qu’elles sont saisies dans le système de leur
perpétuelle interaction, c’est à dire dans un système où elles varient
chacune pour elles mêmes et les unes par rapport aux autres. Si
vous me dites : ah non c’est pas ça le réel ! je vous dis d’accord
c’est pas ça le réel pour vous bien, trouvez un autre mot, aucune
importance. On voit en tout cas pourquoi VERTOV emploie
l’expression du réel. C’est que ça va s’opposer à quoi ? Ca va
s’opposer à une vision qui sera dite "subjective". La vision qui sera
dite subjective c’est précisément la vision où les variations se font
par rapport à un point de vue déterminé et immobilisé. Or.. le point
de vue déterminé-immobilisé c’est quoi ? Je disais c’est la vision
terrestre solide, d’accord c’est la vision terrestre solide tout à
l‘heure, ça veut dire quoi ça ? Ca veut dire c’est l’œil humain. L’œil
humain.

  Et BERGSON à coup sùr n’avait pas tort - je vais pas tout
mélanger là, je cite c’est pas une citation de Bergson - lors qu’il
nous rappelait que : l’œil humain paie, a payé sa capacité réceptive,
de quoi ? D’une relative immobilisation. C’est un œil immobilisé qui
bouge vaguement au fond de son orbite mais c’est pas grand chose
eu.., eh.. comme il disait très bien : "le vivant paie ses organes des
sens d’une immobilisation de certains lieux" - précisément les
surfaces de réception sensorielle. Mon oreille qui bouge pas, mon
nez qui bouge à peine, mon œil qui bascule tout juste, il y a et mes
mains au bout de mes petits bras je ne sais pas, tous mes sens
paient leur capacité réceptive d’une relative immobilisation. Et c’est
pour ça que - comprenez il n’y a plus de problème pour on tient
bien ça - Ce point de départ du ciné œil de VERTOV est le thème
lancinant de VERTOV :" La caméra ne vous apporte pas un œil
amélioré", la caméra ne vous apporte pas un œil amélioré,
évidemment ça n’améliore pas votre œil, c’est un autre œil. Je
disais c’est une perception non humaine. Bien dès le début je vais
pas oublier un aspect de VERTOV, c’est que ce sera la "perception
non humaine" ou l’œil non humain de la "conscience
révolutionnaire". C’est à dire qu’il y a un problème que j’ai laissé de
coté puisque ça ferait appel à des images qui ne sont plus les
images-mouvements et qu’on rencontrera qu’à la fin de l’année ou
une autre année ou jamais, à savoir : le problème du sujet
d’énonciation dans le cinéma, mais le sujet d’énonciation n‘a rien à
voir avec le sujet "percevant". Mais on peut pas oublier, on peut pas
dire un mot sur VERTOV sans oublier que tout son cinéma est
commnoté par l’idée d’énonciation révolutionnaire fondamentale à
laquelle correspond ce nouvel œil- qui n’est en rien un œil humain
amélioré, qui est d’une autre nature.

  Et vous voyez pourquoi il est d’une autre nature, c’est l’œil de la
perception totale. C’est l’œil de la perception totale, c’est à dire
c’est l’œil de la perception de l’universelle variation où les choses
mêmes, c’est à dire : où les images variant en elles- mêmes les
unes par rapport aux autres "sont" les vraies perceptions. Au lieu
que je saisisse une image, ce sont les images dans leur interaction
qui saisissent toutes les actions qu’elles reçoivent, toutes les
réactions qu’elles exécutent. Pour une fois c’est le système qu’on a
vu, avec le système total de l’interaction, de l’interaction
universelle.

  Bien. Alors, une telle conception du réel se concilie absolument


avec bien plus - qu’elle est besoin du tri complémentaire que.. que
le montage se permet tout, tout est permis au montage. Où est le
problème ? Mais il faut être idiot pour voir un problème et une
opposition avec.- il faut être idiot provisoirement - car MITRY est
loin d’être idiot, eh.. Il faut être aveuglé - il faut être aveuglé un
instant - puisque il va de soi que, comme voulez vous, mettre des
images en situation d’être objectives au sens que nous venons de
voir - c’est à dire d’être prises dans le système de l’universelle
interaction : où chaque image varie en elle-même et les unes par
rapport aux autres - sinon par des opérations de travail sur l’image
qui définissent le montage. Bien plus je dirais qu’est-ce que eu..
VERTOV est en train d’inventer ! Il est en train d’inventer le
montage qui sort directement non pas sur le rapport entre les
images mais qui porte déjà sur l’image en elle-même. Il fera faire
porter le montage sur l’image elle-même et non plus sur des
rapports d’images. Pour ça que EISENSTEIN il va être fasciné par
cette histoire. Tantôt il va dire tout ça c’est des clowneries et du
formalisme forcément, clowneries, formalisme, esthétisme - pire
injure pour VERTOV. Eh.. bon tantôt en douce il va dire qu’est-ce
que... qu’est-ce qu’il est en train de faire VERTOV ? Qu’est-ce que..
qu’est-ce qu’il dirait ? Il agit comme un grand créateur. Qu’est-ce
qui peut se rendre de ça ? Qu’est-ce que.. est-ce que il peut
assimiler quelque chose ? 
  Mais vous voyez que dans ce problème du montage on cesse pas
de varier et voilà que, et je n’est pas encore et je ne peux pas
encore expliquer ce que ça veut dire au juste - le montage tant à
porter sur chaque image elle-même et non pas simplement sur les
rapports entre images. Mais ça ne devra devenir clair il me semble
que petit à petit. En tout cas aucune, aucune contradiction entre les
deux thèmes : le réel en lui-même, même entre l’ensemble des
trois thèmes suivants : 
  le réel en lui-même, 
  la construction découverte d’un œil non humain 
  et l’universel montage, puisque c’est les trois aspects de
l’universelle interaction.

En quoi est-ce que - alors je continue ma parenthèse - en quoi est-


ce que c’est au service de l’énonciation de la conscience
révolutionnaire ? et pourquoi la conscience caméra va être - La
conscience révolutionnaire ? la conscience caméra sera forcément
conscience révolutionnaire parce que l’universelle interaction ne
peut être prise en charge que par le processus de la révolution, par
opposition au processus de la dramatisation, au processus de la
passion, au processus de l’histoire individuelle. Bon, tout ça
s’enchaîne merveilleusement, ça fait un ensemble très très
cohérent, bien. Voilà, voilà le premier point de notre nouvelle
analyse.

  Nous nous lassons pas de revenir à l’universelle interaction. Cela


nous a permit de définir le documentaire et VERTOV commence par
de véritables documentaires qui se présentent comme tels. Mais
vous voyez que chaque fois, chaque fois que "documentaire" est
vraiment une catégorie cinématographique - si l’on essaye d’en faire
une telle catégorie, il y a pas de problème - Le documentaire c’est
vraiment : "l’image rapportée au système de l’universelle variation
et l’universelle interaction". Or, à la même époque, c’est à dire tout
ça se passe vers - le grand film de euh.. VERTOV euh.. on verra
tout à l’heure puisque on en ai pas là, ce sera 1900 je me souviens
plus d’ailleurs je crois 1929 « L’homme à la caméra » - c’est une
année très riche pour le cinéma. Je cite : 1928 : IVENS « Le pont
d’acier », 1929 du même IVENS « La pluie », 1927 « L’allemand
Ruthman », « Berlin, symphonie d’une ville », qu’est-ce qu’il y a en
commun ? et 1929 je crois bien « L’homme à la caméra » de
VERTOV qui représente comme un stade ultime de sa recherche -
provisoirement ultime. Qu’est-ce qu’il y a en commun ? Voilà
comment un critique décrit les films de : IVENS - BALAZE : "La pluie
que nous montre Ivens, ce n’est pas une pluie déterminée qu’un
jour est tombée quelque part - aucune représentation d’espace ou
de temps ne relie ces impressions entre elles. L’auteur a
merveilleusement vu et capté dans les images la façon dont l’étang
silencieux se couvre de chair de poule sous les premières gouttes
d’une légère averse, donc une goutte de pluie ou sur une vitre en
cherchant son chemin ou encore comment la vie de la cité se reflète
sur l’asphalte mouillé. Ce sont mille impressions, pourtant toutes
ces seules impressions ont bien une signification pour nous. Ce que
de telles images veulent représenter ce n’est pas un état de fait,
mais une impression optique déterminée. L’image même est la
réalité que nous vivons. En d’autre terme avec la pluie - là on
revient alors aux images mouillées, aux images liquides, - déjà
IVENS atteignait à sa manière ce système de "l’universelle
interaction". Et même lorsqu’il s’agit d’un objet unique comme « Le
pont d’acier » que IVENS nous montre dans un montage rapide de
sept cent plans, l’objet pour ainsi dire se pulvérise dans ces images,
précisément la possibilité de montrer en sept cent plans, des
impressions visuelles aussi totalement différentes, retire à ce pont
de Rotterdam son évidence d’objet concret à finalité pratique". Tien
c’est curieux, c’est très équivoque la dernière phrase de BALAZE, il
dit : Un tel pont, avec la multiplication de points de vue sur le pont,
avec l’universelle interaction de chaque élément par rapport aux
autres, tout ça : c’est un pont qui ne peut plus servir à rien. Et je
dis : c’est très équivoque par ce qu’il a l’air de le regretter. 
  Comprenez, l’objet qui sert à quelque chose - si j’en reviens à
tout à l’heure - c’est l’objet solide, c’est l’objet solide de la terre.  En
effet l’objet intégral ne peut servir à rien. Là aussi BERGSON nous
l’a appris - et à quel point et de quelle manière très précise : la
perception quand elle se sert d’un objet : qu’est-ce que c’est ? C’est
l’objet lui-même, moins tout ce qui nous intéresse pas. Le service,
l’utilité c’est la chose - c’est complètement la chose - moins tout ce
qui n’intéresse pas l’action, tout ce qui n’intéresse pas notre action.
Une image totale ou une image intégrale par définition on ne s’en
sert pas. 
  Comme dira BALAZE avec le même regret, mais il devrait au
contraire s’en réjouir, dans le Berlin de Rothman on ne peut pas s’y
reconnaître, c’est pas comme le plan d’une ville. Là, le pont, on ne
peut plus s’en servir. En effet, si le pont est réintégré dans le
système de l’image totale, de l’universelle interaction, on ne peut
plus s’en servir, on ne peut se servir que des choses qui renvoient
un profil par rapport à un centre privilégié. C’est la définition de
l’outil, c’est la définition de l’usage. Donc on ne s’en servira pas. En
revanche est-ce que ça veut dire que c’est de la contemplation ?
Non. C’est l’universelle action, c’est l’univers.

  Bon très bien. Alors tout ça avant, ça revient toujours à dire : on


voit bien en quoi ce n’est pas une amélioration de l’œil humain - il
s’agit à la lettre de construire une autre perception. Et que ce soit
IVENS, que ce soit Rotman, et que ce soit VERTOV avec ses moyens
c’est...c’est la construction d’une autre perception, cette perception
totale, cette perception de l’universelle interaction. Bien.

  Alors, comment on va faire ? Qu’est-ce que c’est que cette


"autre" perception ?  Là, je crois que, pour une fois je fais un
rapprochement avec quelque chose de complètement différent mais
qui n’est pas du tout forcé. Surtout ça, ça me paraît très très
"cézanien". Chez CEZANNE apparaît - sans doute, il dit quelque
chose que tous les peintres ont toujours pensé - mais chez
CEZANNE apparaît un thème qui est vraiment signé par lui, à savoir
l’œil du peintre, c’est pas un oeil humain. Et pourquoi c’est pas un
oeil humain, l’œil du peintre ? L’œil du peintre c’est pas un oeil
humain parce que, c’est l’œil d’avant l’homme. Rendre au monde sa
virginité. Là je cite de mémoire : "rendre au monde sa virginité" -
tout ce thème de CEZANNE vous le trouvez dans les entretiens,
dans les conversations avec Gérôme GASQUET. "Rendre au monde
sa virginité", le monde d’avant l’homme. Nous ne sommes plus
innocents, nous ne sommes plus innocents, c’est à dire, nous
sommes des êtres faits de terre et de solides. Nous ne voyons pas
les couleurs, l’œil humain n’est pas fait pour voir les couleurs, il est
fait pour voir des moyennes, des objets - moyenne etc. des solides.
Le monde d’avant l’homme c’est pas le monde tel qu’il est sans
l’homme, c’est sans doute le monde dans lequel l’homme surgit
comme dans une sorte d’acte de naissance, de double naissance et
du monde et de l’homme et du rapport de l’homme et du monde.

  Qu’est ce que c’est que ça ? C’est ça l’autre perception. Percevoir


c’est notre tâche en tant qu’homme de percevoir le monde d’avant
l’homme ; ça se complique - bon. Un cinéaste américain très très
récent, et ça s’inscrit vraiment dans ce que je suis en train de dire -
par ce que ça, ça se retrouve dans le cinéma le plus récent, dans le
genre cinéma indépendant ou expérimental ou peu importe eh..
EuH.. BRACKHAGE , Stan BRACKHAGE, voilà comment il définit Stan
BRACKHAGE - c’est rudement bien défini - le projet d’un film , si je
vous avais dit c’est signé Cézanne, vous m’auriez dit : "oui", ceux
qui connaissent un peu - "Combien de couleurs, combien de
couleurs existent dans un champ couvert d’herbe, combien de
couleurs existent dans un champ couvert d’herbe - pour le bébé en
train de ramper, inconscient du vert ? Merveille ça, je veux dire,
c’est mal traduit mais c’est c’est rudement bien dit et pensé. C’est
ça le monde d’avant l’homme. Nous, notre œil, bon, quoi - notre
gros oeil immobile, c’est quoi ? c’est ah ça, c’est du vert, d’accord.
Avec beaucoup de raffinement, on distingue des verts, toute une
liste de verts, bon. BRACKHAGE il nous propose l’épreuve suivante
comme un rêve : Combien de couleurs existent dans un champ
d’herbe pour un bébé en train de ramper, inconscient du vert ?
Sans doute qu’alors, peut-être qu’il ne distinguera pas plus de vert
que nous ne sommes capables d’en distinguer, ce sera sûrement
pas avec le même rapport ! Et sous quelle forme ce sera, qu’est-ce
que c’est ça ? Voilà bon , que BRAKHAGE en fait un court-métrage
de ça. Tiens, ça nous introduit l’image couleur, holala, il aurait fallu,
est-ce qu’il faudra, ? non ,il faudra en parler plus tard, ça alors,
l’image couleur, bon.. vous sentez déjà que ça va.., c’est d’un autre
domaine. On ne peut même pas la ramener à l’image-perception et
puis on ne peut pas la ramener à l’image- mouvement. Dans toutes
nos - il y a quelque chose qui se passe là.. heu...il faut ouvrir la..
heu ...ça c’est pas normal.. - .. on ne peut pas tout faire mais on
met de côté à l’image couleur, tien on n’y avait même pas pensé,
enfin moi.. il faudra. Bien...- ah, mais ça s’emballe là, voilà, voilà,
voilà voilà bon..

  Bien, euh tout ça pour juste faire sentir, et si le machin de


BRACKHAGE, qu’est ce qui ? qu’est ce que c’est cette histoire de
bébé qui rentre dans le champ d’herbe, c’est passionnant ? Mais
qu’est cequec’estlevrai représentantdu bébé dansle champ
d’herbe, c’estl’œil camera. Il s’agit pas de redevenir un bébé, c’est
pas ça, c’est vraiment construire cette autre perception, c’est
construire cette perception non-humaine. Combien il y a de verts
dans le champ pour le bébé ? ça veut dire, bon, atteindre au
système de l’universelle interaction du vert. L’universelle interaction
du vert, ça. Et vous ferez des séries d’universelles interactions ,
vous pourrez faire la série de l’universelle interaction du rouge etc.
Et comprenez que, le montage vous en avez besoin là, et que ce
sera avec du montage que vous ferez ça, c’est pas en suivant un
baiser. Donc, vive BRACKHAGE pour ce..pour cette tentative
extraordinaire.

  Bon, alors on précise un peu ce que veut dire cette perception


d’avant l’homme ! La camera va nous donner la perception d’avant
l’homme ou la perception du monde sans les hommes. Comprenez
que ça se pose partout, je pense - là je mélange les choses exprès,
je mélange pour vous le donner, parce que si vous ne comprenez
pas bien tel exemple, vous comprendrez peut-être mieux avec tel
autre exemple qui vous conviendrait mieux.. l’histoire Marguerite
DURAS là, "AGATHA" eu.. c’est un tout autre problème, bon, mais
qu’est-ce que c’est ces images plan-fixe de cette plage ? de cette
plage de Trouville là - avec ces espèces de mouvements très, très
décomposés, très - qu’est-ce que c’est...ou..- complètement désert,
pendant que la voix dévide une histoire dramatique. C’est un peu,
c’est un peu, là ça appartient .. c’est sa faute, ça appartient un peu
à la formule française, à la vieille formule française .., mais cette
fois-ci au lieu de l’image aquatique de l’eau courante, il y a l’image
fixe du monde "d’avant les hommes" et les images d’AGATHA , c’est
le monde "d’avant les hommes" pendant que la voix dévide l’histoire
de l’inceste frère - sœur, qui est humaine, trop humaine, l’histoire
d’inceste. Mais il y a une espèce de tension du monde d’avant les
hommes, à moins qu’elle n’ait pensé - ce qui ne serait pas
étonnant, tout est possible - que l’inceste soit vraiment la véritable
origine de l’homme, et que c’est en même temps que le monde
"d’avant les hommes" et que l’homme naît dans le monde "d’avant
des hommes" par une sorte d’inceste.. (propos inaudibles) .

Bon voilà, alors qu’est ce qui va se passer ? Il y a un thème qui - je


reviens en arrière - il y a un thème qui à cette époque vers 1927-
1930, tourmente un certain nombre d’hommes de cinéma et qui est
vraiment la perception d’avant les hommes ou la perception en
absence des hommes. La ville quand il n’y a personne. Vous voyez
on tourne autour du même truc. Et voilà que Vertov voulait faire un
"Moscou qui dort". 
  Et voilà que Rotman dans l’admirable « Berlin symphonie d’une
ville » commençait par des images de rues absolument désertes et
puis introduisait dans la rue déserte un "chant", un chant d’avant
les hommes, et puis petit à petit il y avait la naissance des hommes
dans la ville. Bon. 
  Et puis, voilà que René CLAIR avait fait "Paris qui dort". Et
« Paris qui dort » c’était quoi ? Et puis tout ça c’est c’est un thème
qui les.. qui je crois les a obsédé. C’est formidable, je veux dire
c’est vrai tout ce qu’on dit, toutes les platitudes qu’on dit sur ce
moment du Cinéma où vraiment ils avaient l’impression que tout
était à créer - ça a été formidable. La joie, imaginez la jubilation
de...d’un type comme RENOIR ou comme GREMILLON vraiment,
devant l’eau courante, et qu’est-ce qu’ils allaient en faire au
Cinéma. Euh...la jubilation d’EISENSTEIN devant une fête foraine
bon Dieu, ça c’est du Cinéma. Ou bien lorsqu’il détient la vie la vie
"d’avant les hommes", qu’est-ce que.. bon, ça va devenir un
concept au Cinéma. Et bien sûr, alors René CLAIR il en fait un
vague scénario, bon un petit scénario : « Le rayon du savant fou »,
« Le rayon du savant fou », une espèce de petit truc science-fiction
quoi. Le rayon du savant fou qui immobilise tout, bon alors.. Vous
voyez qu’on est entrain de tourner, je veux dire, est-ce que
l’immobilisation n’appartient pas au système de l’universelle
variation et de l’universelle interaction ; sans doute si. Sous quelle
forme, il va falloir le voir. Voilà que l’image est immobilisée. Bon,
tout s’immobilise. L’image mouvement est frappée d’immobilisation.
Là on va faire un rude progrès, au point qu’il va falloir s’arrêter,
parce qu’on va trop vite.

  L’image mouvement est frappée d’immobilisation. Au profit de


quoi ? Surgit une image immobile, bon, qui fige tout et qui va faire
quoi ? ça ne va pas rester comme ça ! A partir de l’image
immobilisée, à partir de l’image figée, reprise du mouvement, mais
le mouvement ou bien s’inversa, ou bien ralentit, ou bien précipité
ou bien autre chose encore. Sentez : on se trouve devant un second
procédé beaucoup plus complexe. J’appelle premier procédé tel
qu’on vient de le voir - parce que ça va être aussi un procédé
VERTOV. VERTOV a été très très frappé par le « Paris qui dort » de
René CLAIR. Il disait : "mais bon dieu c’est ça , c’est ça que je
voulais faire", là dessus il s’en servira dans « L’homme à la
camera ». Bon, très important ça, on n’est pas sorti de l’histoire
VERTOV dans tout ça.

  Je veux dire premier procédé : introduire l’image dans le système


de l’universelle interaction. Ca veut dire quoi techniquement ? Ca
veut dire se permettre tout. Je veux dire démultiplication de
l’image, mise en oblique. Je prends une liste dans un texte de
Vertov : "ralenti, accéléré, inversion, démultiplication, oblique -
j’insiste sur "oblique", parce que, les "images obliques", on aura à
revenir là dessus, on retrouvera ce thème - micro prises de vue,
angles insolites et extraordinaires... Je dis que tout ça, c’est la
méthode du "pont d’acier" de IVENS aussi. Tout ça est combiné,
c’est-à-dire faire danser, multiplier tellement les points de vue, et
c’est forcé. 
  Si je définis l’image subjective par un point de vue comme
"immobilisé", un point de vue privilégié, je dirais en même temps
car il y a perpétuellement interaction entre les pôles d’images - je
dirais que plus le point de vue subjectif est mobilisé - devient
mobile - plus il tend à se déverser dans le système objectif. Si vous
mettez l’image subjective en complet mouvement du point de vue
de son centre de référence, elle va tendre à verser dans le système
objectif de l’universelle interaction.

Donc, à ce premier niveau vous avez déjà tout un système de


procédés qui impliquent le montage, et qui opère sur l’image-
mouvement (propos inaudible) ...l’oeil non humain on a dégagé. Le
thème de la ville qui dort ou de l’immobilisation de l’image, comme
second procédé, second procédé en effet, en apparence très
différent - on va voir comment tout ça se regroupe. Vous extrayez,
vous fixez une image, vous prolongez une image immobile, et vous
réembrayez avec mouvement inversé, mouvement ralenti,
mouvement précipité etc., mouvement surimprimé au besoin.
Qu’est ce que ça fait ? René CLAIR disait très bien : recherche d’une
espèce de décharge électrique que va produire cette immobilisation
suivie de...un nouveau type de mouvement. Bon. Qu’est-ce qu’il
faut dire ? Alors là c’est.. les conséquences sont tellement
importantes. Voyez que dans le premier procédé , on en était
encore à image-mouvement. Tout le travail se faisait sur l’image-
mouvement , même les immobilisations, même tout ça . C’est pour
ça que c’est le premier procédé - je dirais , c’est à la limite le
procédé de ce que VERTOV appelait le "ciné œil". Le procédé de
« L’homme à la camera » il va être plus complexe. Ca va être le
procédé de quoi, extraire de l’image mouvement...quoi ? Quelque
chose qui est de l’ordre du photogramme. L’image immobilisée ce
ne sera plus l’image mouvement, ce sera le photogramme. Ah bon,
c’est un le photogramme. Qu’est-ce que ça veut dire ça ? Et bien,
tout le monde sait : une image-mouvement c’est une image
moyenne, au Cinéma, c’est une image moyenne. Bon, tant de
photogrammes par seconde. Extraire le photogramme, ça c’est
quelque chose de relativement nouveau pour nous. Ca s’enchaîne. 
  Cette fois-ci il ne s’agit plus de multiplier les points de vues de
telle manière que l’image mouvement entre dans le système de
l’universelle interaction. Il s’agit d’extraire de l’image mouvement le
photogramme pour que quoi ? Pour que quelque chose se produise,
à savoir que déjà, il y a un travail sur le photogramme. Quel sera ce
travail ? Et bien la possibilité de produire la décharge électrique,
c’est-à-dire de réenchaîner avec mouvements inversés,
mouvements accélérés, mouvements ralentis, mouvements
surimprimés etc. D’où l’importance. A ce moment là ce qui compte
c’est quoi ? Ce n’est plus le mouvement, c’est l’intervalle entre les
mouvements. Pourquoi ? Tout simple, parce que l’intervalle entre
les mouvements c’est précisément le point singulier qui dépend du
photogramme, alors que le mouvement dépendait de l’image
moyenne. L’intervalle entre les mouvements, c’est le point singulier
où le mouvement est capable de s’inverser, de s’accélérer, de
ralentir, de se sur imprimer, etc. Alors, voyez les progrès qu’on a
fait ! Vous vous rappelez du vieux thème bergsonien : « vous ne
reconstruirez pas le mouvement avec des positions dans l’espace »
et pourquoi ? Parce que le mouvement se fait toujours dans
l’intervalle.

  En d’autres termes, dans notre point de départ - c’est pour


mesurer tout le chemin qu’on a accompli, il n’y a pas du tout de
contradictions - dans notre point de départ, c’est le mouvement qui
était un intervalle entre positions dans l’espace.

  Maintenant, nous ne disons plus ça, et la théorie de l’intervalle de


VERTOV, théorie vraiment fondamentale pour le Cinéma nous dit
quoi ? Nous dit : "le réel tel qu’il est, il est dans l’intervalle entre
mouvements." Est-ce que ça se contredit ? Pas du tout, même il
faut passer par la première proposition pour arriver à l’autre. De
toute manière, la théorie du mouvement et de son dépassement est
une théorie des intervalles. Simplement, 
  dans un cas le mouvement lui-même est un intervalle entre
positions - c’est l’image moyenne mouvement - 
  dans l’autre cas c’est le réel tel qu’il est, c’est un intervalle entre
mouvements - c’est l’extraction du photogramme et le point
singulier.

Peut-être que ça se complique, que je ne suis plus assez clair, mais


enfin ça ne fait rien. C’est-à-dire - ce qui commence à poindre si
vous voulez, c’est pour nous une conclusion très importante - On
était partis au tout début de.- tout à fait au début de l’année - on
était partis d’une vieille critique adressée au Cinéma, à savoir : "le
Cinéma est incapable de reconstituer le mouvement, il ne donne
qu’une illusion de mouvement, il ne donne pas le mouvement réel".
Et je disais toutes les critiques du Cinéma à ses débuts a été fondé
sur ces critiques, sur ça. L’image mouvement cinématographique
est une illusion, sous-entendu : par rapport au réel qui échappe au
Cinéma. Maintenant, qu’est-ce qui se passe ? Quel progrès on a
fait ? On n’a dit rien du tout, c’est pas ça, heu...les procédés, oui,
par lesquels le Cinéma construit l’image mouvement sont artificiels,
mais l’image mouvement qui est ainsi constituée, c’est du
mouvement parfaitement réel. Mais maintenant, qu’est-ce qu’on est
amené à dire ? Maintenant on est amené à dire, attention - oui,
retour à la première thèse, oui - l’image mouvement du Cinéma est
une illusion. Et bien-sûr c’était vrai, c’était une illusion, de tous
temps c’est une illusion. Mais attention, c’est quoi ? C’est pas du
tout une illusion par rapport à un réel qui échapperait au Cinéma,
c’est une illusion par rapport à la réalité du Cinéma même. Car le
Cinéma c’est l’image-mouvement en tant que cette image-
mouvement ne cesse de se dépasser vers quelque chose d’autre,
vers un autre type d’image. Il faut qu’il y ait l’image-mouvement, il
faut que ça passe par l’image-mouvement, mais il faut en même
temps que l’image-mouvement ne soit posée que pour être
dépassée vers quelque chose d’autre, qui est quoi ? Triple
dépassement : 
  dépassement de l’image mouvement qui est une moyenne vers le
photogramme, donc dépassement de l’image moyenne vers le
photogramme. 
  deuxième point : dépassement du mouvement vers l’intervalle
entre mouvements. 
  troisièmement : dépassement de la camera même et de la table
de montage ordinaire - j’appelle table de montage ordinaire, le
montage en tant qu’il porte sur le rapport entre images, vers un
montage qui porte sur l’image même : travail du photogramme -
avec la détermination du point singulier ou le mouvement va subir
toutes les manipulations. Qu’est-ce que ça va faire ça ? Si j’essayais
- je le dirais mieux la prochaine fois, parce qu’il est temps de finir
là, autant terminer par de l’obscur, hein ! Qu’est-ce que ce serait
ça ? Le photogramme, mais c’est vraiment, eh, alors du coup, je
dirais c’est l’image...qu’est-ce que c’est ? Par rapport à l’image
mouvement qui est une moyenne, tant de photogrammes par
seconde, et puis le photogramme, quel rapport ? Je dirais aussi
bien, est-ce que c’est une métaphore ou plus qu’une métaphore ?
Je dirais aussi bien : le photogramme c’est l’image moléculaire.
C’est l’image moléculaire du Cinéma, c’est l’image
cinématographique moléculaire. L’image moyenne c’est l’image dite
molaire, c’est une moyenne, bon.

  L’autre perception à la recherche de laquelle je suis l’autre


perception, est-ce que ce n’est pas la perception moléculaire que la
camera nous livre enfin une perception moléculaire ? Qu’est-ce que
c’est une perception moléculaire ? Qu’est-ce que ce serait ? Bon,
c’est la perception ? Non plus. Image moyenne-mouvement, mais
quoi ? Photogramme intervalle. C’est abstrait, on n’arrive pas à bien
saisir "intervalle", alors cherchons un mot plus dynamique qui veut,
qui - pourtant c’est exactement la même chose qu’intervalle. Et
bien, "photogramme clignotement". Photogramme clignotement, ah
bon, ah quel drôle de Cinéma c’est ? Et bah c’est bien connu ça.
Photogramme clignotement, par différence avec image moyenne-
mouvement, c’est quoi ? C’est ce qu’on appelle, bon, toute une
partie, toute une partie du Cinéma dit expérimental. Bon, est-ce
que ça veut dire que c’est ça le vrai Cinéma ? Non, c’est pas du tout
ça dans mon esprit. J’indique une direction. Bon, qu’est-ce que c’est
que cette méthode montage-clignotant ? Le rapport
photogramme/clignotement, se découvre derrière le rapport image-
moyenne/mouvement. Bien, qu’est-ce que c’est ? Un peu comme
des "états moléculaires" se découvrent derrière les "moyennes
molaires", derrière les grands ensembles, vers une perception
moléculaire. Ca veut dire quoi ? Les physiciens nous disent - enfin
les physiciens vraiment de vulgarisation, mais il faudrait pousser, il
faudrait voir ce qu’il disent à un niveau pas de vulgarisation,
tellement c’est beau, c’est très important - eh, elle n’est pas arrêtée
cette montre ? Quelle heure il est ? Un dernier effort, euh, vous
allez comprendre. L’état solide, qu’est-ce que c’est ? Vous allez tout
comprendre, des images ! L’état solide c’est quoi ? C’est pas
compliqué l’état solide. Il y a un état solide lorsque les molécules ne
sont pas libres de se déplacer. Hein, vous me suivez ? Supposez
que les molécules ne soient pas libres de se déplacer, pourquoi ? A
cause de l’action des autres molécules. En d’autres termes, elles
sont maintenues dans un petit domaine. Elles sont confinées dans
un petit domaine par l’action des autres molécules. Là je fais
vraiment de la physique de bas niveau, hein. Et dans cet état elles
sont animées de vibrations rapides autour d’une position moyenne
dont elles s’écartent peu. Voilà la formule de l’état solide. Voyez ?
Les molécules de la table, elles ne sont pas libres de se déplacer.
Donc, elles sont maintenues dans leurs petits domaines, chaque
molécule est maintenue dans son...par la pression des autres
molécules. Elles sont confinées dans ce petit domaine, elles sont
animées de vibrations, parce qu’elles font partie de l’univers. Elles
font partie de l’univers machinique, elles sont animées de petites
vibrations autour d’une position moyenne dont elles s’écartent peu.
L’état liquide, qu’est-ce qui se passe ? On sait bien que : quel
moyen pour défaire les solides ? Bon, défaire les solides, dans le cas
de certains solides, il faut les plonger dans l’eau. Mais il y’en a qui
résistent, hélas, alors il faut les chauffer, il faut les chauffer. Bon.
L’état liquide en effet c’est quoi ? C’est tout à fait autre chose. Dans
les liquides, les molécules se définissent par ceci : qu’elles ont
conquis un degré supplémentaire de liberté. Le solide : c’est le
degré le plus bas de liberté des molécules. Je dirais que le solide est
dès lors objet d’une perception molaire. ça veut dire on perçoit des
ensembles solides. Des molécules sont comprimées, disposent d’un
petit espace de euh... elles s’écartent peu d’une position moyenne.
Le solide c’est un objet moyen, c’est une moyenne. Tout comme
l’image mouvement. Dans le liquide les molécules elles ont un degré
de liberté supplémentaire, c’est à dire elles se déplacent. Les
molécules se déplacent, elles restent en contact en se déplaçant -
ce qui se passe pas du tout dans un solide - elles restent en contact
en se déplaçant et glissent les unes entre les autres. C’est ça la
définition toujours de vulgarisation de l’état liquide.

Troisième étape : l’état gazeux, troisième degré de liberté des


molécules. Ah alors là c’est quoi ? Chaque molécule acquiert et
conquiert à l’état gazeux. Elle acquiert et conquiert ce qu’on
appelle, ce que le physicien appelle un "libre parcours moyen", qui
varie d’après les gaz évidemment, qui varie aussi bien d’après la
pression, enfin qui varie d’après mille choses euh..., rappelez vous
vos souvenirs de physique euh...Et qu’est-ce qu’on appelle le libre
parcours moyen d’une molécule ? C’est la distance moyenne
parcourue par une molécule entre deux chocs successifs. Exemple
fameux, le mouvement brownien Bon, tout ça c’est le plus
élémentaire de ce qu’on appelle, reportez vous si vous avez des
petits frères et des petites sœurs, au chapitre de leur livre de
physique « La théorie cinétique des gazs » où vous trouverez tout
ça très bien expliqué. Nous pourquoi que nous concerne ça pourquoi
ça fait notre.. notre thème, la finale pour aujourd’hui, c’est que.. de
quoi on a parlé depuis le début ? De trois étapes de la perception : 
  la perception solide, 
  la perception liquide, 
  et nous sommes sur le point de découvrir une étrange perception
gazeuse.

Et si il est vrai qu’à une certaine direction parfaite en elle-même, le


système total objectif de l’universelle interaction se trouvait
effectuait par les images liquides telles qu’on les a vues comme
esquissées dans le cinéma français d’entre les deux guerres, tout le
travail de l’extraction du photographe, du travail sur le
photographe, du cinéma dit clignotant ou le couple "photogramme
clignotement", tant à dépasser - non pas se passer de, ça on verra
la prochaine fois - mais tant à dépasser le couple image moyenne-
mouvement, ça nous donnait une espèce de cinéma gazeux. Est-ce
que ce cinéma gazeux, c’est.. c’est là aussi, est-ce que j’emploie ça
par métaphore ? Non à la lettre, il se réclamera de l’état des gaz,
tout comme RENOIR, eUh.... EPSTEIN, GREMILLON pouvaient se
réclamait de l’état de l’eau courante. Ce sera la longue conquête,
longue longue conquête d’une perception moléculaire. Le nouvel œil
ce serait entre autre - on est loin d’avoir fini - surtout je ne veux
pas dire que l’issue du cinéma c’est les tentatives de cinéma
expérimental. Mais chose admirable, un des grands du cinéma
expérimental américain qui s’appel LANDOW, nous présente un film
dans.. - je vous parlerai mieux la prochaine fois comme ça on en
est là c’est bien. Comment suivant les techniques - on verra quelles
techniques pour ce cinéma gazeux - mais comment on commence
par nous montrer sur l’écran une jeune femme qui nage - pas par
hasard comme même qui nage, j’espère c’est pas par hasard qu’il
parle d’une image liquide. Cette jeune femme qui nage
gracieusement et qui chaque fois qu’apparaît sur l’écran euh.. nous
fait un petit bonjour euh. Il y a travail sur le photogramme,
extraction du photogramme travail sur le photogramme, avec
coexistence - là dessus division de l’écran, il y a des rangs et sur
eu.. coexistence, la même jeune femme à des moments différents
au même mouvement - c’est la technique fameuse dont on parlera
la prochaine fois, la technique de la boucle, qui réapparaît sur
l’écran - chaque fois elle nous fait un petit bonjour comme ça - pas
au même moment il y a des décalages, des intervalles, des tout ça
bon. Et puis un truc, grand truc de clignotement etc. Procédé qui
est cher au cinéma indépendant, au cinéma expérimental américain,
refilmage : pour obtenir quoi ? Procédé du refilmage qui permet
d’obtenir une texture granulaire. Le grain est une espèce de texture
vraiment moléculaire et qui a comme corrélat une suppression de la
profondeur - l’univers vraiment en espace plat et technique de
brûlage du photogramme. Brûlage de photogramme - il faut
prendre ça à la lettre - brûler une photogramme pourquoi ? On l’a
vu : "libérer les molécules". A ce moment là un jeu de couleurs
extraordinaires, des images couleurs très très curieuses vont venir
occuper l’écran. Tout ça va devenir une espèce de matière en fusion
très ... bon, et c’est très ennuyeux on un sens. Encore une fois je
ne veux surtout pas dire c’est ça le cinéma. Je veux dire ça c’est
une direction - on verra ce que ça devient ce que.. ce que on peut
en tirer mais je dis là c’est textuellement, textuellement, si je
prends l’histoire de ce film à la fois indépendant, expérimental,
abstrait tout ce que vous voulez euh.., j’ai dit l’auteur ? Oui.
Landow euh.. L a n d o w, euh... qui est un grand du cinéma
américain. Euh.. si je prend euh.. cette exemple, voyez
typiquement le passage d’une perception liquide ou d’une référence
à une perception liquide - la nageuse - à une perception gazeuse
impliquant y comprit le brûlage du photogramme. Bon tout ça c’est
vers une perception moléculaire. Est-ce qu’on peut acquérir ? Est-ce
que la caméra nous donne cette perception moléculaire ? Quel
avantage ? Qu’est-ce que c’est cette œil "non humain" ? Qu’est-ce
qu’on va faire avec cette œil non humain etc., toutes sortes de
questions euh.. toute sorte de questions brûlantes que nous
reportons à la prochaine fois. Réfléchissez à tout ça, moi j’aurais
besoin que la prochaine fois vous interveniez, sous forme de
direction de recherche.

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