Histoire Cours de Philosophie

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L'histoire - Cours de philosophie

L’histoire
 

Les enjeux de la notion – une première définition


 

            Si l’on désire explorer adéquatement le concept d’histoire, il est nécessaire de


distinguer en premier lieu les différentes significations que recèle le terme même
d’ « histoire ». L’histoire, c’est tout d’abord le récit de ce qui a eu lieu dans le passé, la
connaissance des époques, des évènements, des faits appartenants au passé. C’est l’histoire
entendue comme discipline faisant l’objet d’un enseignement. En un second sens, l’histoire se
réfère à la réalité historique elle-même dont rend compte l’histoire au sens précédent. Elle
désigne alors les évènements ou les actes eux-mêmes, leurs dépendances, leur enchaînement,
etc. C’est en ce sens qu’on peut parler du cours de l’histoire. Cette double signification du
terme « histoire » (ou même triple si l’on pense encore aux « histoires » que l’on « raconte »,
telles les fables, les contes, etc.) dévoile un problème fondamental, celui de l’écriture de
l’histoire. Comment la discipline historique se réfère-t-elle à son objet, l’histoire réelle ? Peut-
elle se constituer en tant que science objective ou est-elle soumise à la subjectivité de
l’historien ou encore aux contextes religieux, idéologiques, etc. ? C’est avec ces questions
épistémologiques (ayant trait à la connaissance) qu’il nous faudra débuter. Ce n’est qu’alors
qu’on pourra s’intéresser à l’histoire de l’histoire (en tant que discipline) puis se poser la
question fondamentale du sens (ou non-sens) de l’histoire, du progrès historique (et peut-être
de son déclin). Ceci nous amènera inévitablement à traiter des liens qui unissent l’homme et
l’histoire. L’homme est-il un être qui se réalise (qui exprime son humanité) historiquement ?
La connaissance historique a-t-elle un rôle positif à jouer dans la vie humaine, est-elle source
d’enseignement ?

Objectivité et subjectivité
 

« Nous attendons de l’histoire une certaine objectivité, l’objectivité qui lui convient. (…)
L’objectivité ici doit être prise en son sens épistémologique strict : est objectif ce que la
pensée méthodique a élaboré, mis en ordre, compris et ce qu’elle peut ainsi faire comprendre.
Cela est vrai des sciences physiques, des sciences biologiques ; cela est vrai aussi de
l’histoire. Nous attendons par conséquent de l’histoire qu’elle fasse accéder le passé des
sociétés humaines à cette dignité de l’objectivité. » Ricoeur, Histoire et Vérité.

            La première question que nous nous posons est d’ordre épistémologique. Dans quelle
mesure l’histoire peut-elle prétendre à la scientificité ? Est-il possible de dire le « vrai » sur le
passé ? Pour répondre à ces questions, il faut d’abord noter que se présenter comme une
connaissance rigoureuse et objective ne signifie pas nécessairement s’aligner sur les méthodes
et procédures des sciences naturelles. Certes l’historien ne doit pas manquer de rechercher la
plus grande impartialité et d’adopter une distance critique à l’égard de ses sources (les
archives par exemple). Mais il serait trompeur de penser que l’objet historique idéal serait
celui qui s’identifierait à l’objet que considère le physicien ou le biologiste. L’historien ne
peut oublier qu’il a affaire à des évènements porteurs de sens (et non simplement à des faits
répondant aux lois de la nature), reflets d’intentions parfois obscures, sans que cela n’invalide
sa prétention à la scientificité. Dilthey a parfaitement distingué les sciences qui font appel à
l’explication et celles qui font appel à la compréhension. Les premières, les sciences de la
nature, expliquent les phénomènes en les rapportant à des lois générales tandis que les
secondes, les sciences de l’esprit (dont fait partie la science historique), comprennent leur
objet en manifestant de l’empathie (ou sympathie) à son égard. L’objectivité historique
présuppose donc la subjectivité de l’historien. Ricoeur souligne bien que cette subjectivité est
une subjectivité appropriée à l’objectivité que requière le savoir historique. Plus encore, écrit-
il, cette « bonne subjectivité » ne doit pas être seulement celle de l’historien, en tant que
personne singulière, mais la « subjectivité de l’homme ».

            On comprend donc que le réel objet de l’histoire est l’agir humain ; l’historien est
celui qui nous amène à comprendre cet agir. Mais que signifie ici « comprendre » ? Est-ce
dévoiler les causes de cet agir comme on démontre les causes d’une réaction chimique ? Si
cette dernière hypothèse nous paraît choquante c’est probablement parce que l’action se prête
mal à une réflexion en termes de causes et de conséquences. Il est peu satisfaisant d’expliquer
un événement en fonction d’une série exclusive et nécessaire de faits l’ayant précédés.
L’action humaine, comme l’a souligné Wittgenstein, semble bien plutôt répondre à des
raisons (ou des motifs). Celles-ci, pouvant être multiples et susciter diverses interprétations de
la part des historiens, n’hypothèquent pas, au contraire des causes, la possibilité d’une liberté
dans l’agir.  

De la naissance de l’histoire chez les Grecs à l’histoire-


providence chrétienne
 

« La providence divine qui conduit admirablement toutes choses, gouverne la suite des
générations humaines depuis Adam jusqu’à la fin des siècles, comme un seul homme, qui, de
l’enfance à la vieillesse, poursuit sa carrière dans le temps en passant par tous les âges »
Saint Augustin, Quatre-vingt trois questions diverses.

            On s’accorde généralement pour dire que l’histoire, en tant que connaissance des
évènements passés, naît avec Hérodote, au 5ème siècle avant J-C. L’histoire rompt ainsi avec
le mythe ou la légende. L’histôr, chez les Grecs, c’est celui qui a vu, le témoin. Quant au mot
historia, il signifie enquête. Dans ses Histoires, Hérodote affirme œuvrer à la conservation
des faits et des gestes principaux des hommes, à travailler à ce que ces actions ne s’effacent
pas de la mémoire collective. Les écrits d’Hérodote concernent principalement les guerres
Médiques (entre les Grecs et les Perses). Au souci de conservation s’ajoute chez lui le désir
d’établir les causes des évènements en décrivant les mœurs, les institutions, etc. Thucydide
est le deuxième grand historien. Dans La Guerre du Péloponnèse, il précise la méthode
historique, en sélectionnant précautionneusement ses sources d’informations, en adoptant un
point de vue critique sur elles, en recherchant l’exactitude de la description, en dégageant
l’intelligibilité des faits. Aristote critiquera cette prétention à l’objectivité historique. En effet,
selon lui, l’histoire ne peut avoir qu’affaire à des évènements singuliers. Or la connaissance,
la science, est science de l’universel. Aristote oppose ainsi histoire et poésie, indiquant que
seule la seconde peut avoir une portée philosophique en ce qu’elle s’en tient au général.
Notons enfin que l’histoire pour les Grecs est indissociable du destin qui laisse l’homme
impuissant face au cours des choses. La conception de l’éternel retour du même (notamment
chez les stoïciens), la conception cyclique du temps et du monde (cosmos), est un signe de
cette impuissance.

            L’Ancien Testament se démarque de cette conception cyclique, introduisant une image
de l’histoire comme processus linéaire (image qui sera essentielle pour la philosophie de
l’histoire). En effet, l’histoire du peuple juif se situe entre un commencement, la Création, et
une fin, le Jugement dernier. Venons-en à présent à la conception chrétienne. Pour Saint
Augustin, ce qui seul peut conférer un sens à l’histoire humaine, terrestre, c’est l’Histoire
sainte. Celle-ci, qui doit être l’unique objet d’attention, éclaire la première, en dévoile la
vérité. C’est la providence divine, auteur de l’histoire, qui conduit le monde. L’histoire de
celui-ci s’explique donc en référence aux grands moments de l’histoire sainte, par exemple
l’incarnation de Dieu en Jésus-Christ. Si cette conception n’accorde que peu de prix à la vie
terrestre, elle est cependant moins « pessimiste » que l’histoire des Grecs, car elle offre la
perspective réconfortante du salut. La providence divine est une force bienveillante.

La philosophie de l’histoire
 

« Cette conception de l’histoire (le matérialisme historique) a donc pour base le


développement du procès réel de la production, et cela en partant de la production matérielle
de la vie immédiate ; elle conçoit la forme des relations humaines liée à ce mode production
et engendrée par elle, je veux dire la société civile à ses différents stades, comme étant le
fondement de toute l’histoire (…). Elle n’est pas obligée, comme la conception idéaliste de
l’histoire, de chercher une catégorie dans chaque période, mais elle demeure constamment
sur le sol réel de l’histoire ; elle n’explique pas la pratique d’après l’idée, elle explique la
formation des idées d’après la pratique matérielle » Marx et Engels, l’Idéologie allemande.

            S’il est vrai qu’avec l’avènement des religions monothéistes on est passé d’une
conception cyclique de l’histoire ne promettant aucun soulagement à une conception linéaire
adossée à l’espoir du salut, on est cependant encore bien loin d’une pensée dans laquelle
l’histoire est l’œuvre de l’homme. C’est au 18ème siècle, le siècle des Lumières, que naît cette
idée selon laquelle c’est l’homme lui-même qui fait l’histoire. Plus précisément, naît l’idée
que l’histoire est le devenir de l’humanité, de ce qu’il y a de proprement humain en l’homme,
à savoir la raison. Or, celle-ci étant susceptible d’un progrès indéfini, l’histoire de l’homme
est l’histoire ininterrompue des progrès de la civilisation. L’histoire devient « histoire
mondiale ». Il faut cependant noter que cette idée, que l’on dirait peut-être aujourd’hui
« utopiste », était déjà nuancée par plusieurs philosophes au 18ème siècle. Kant, bien que
profondément attaché à la pensée des Lumières, désire ne pas ignorer la folie qui habite
parfois l’homme, le désordre de l’histoire. Il n’oublie pas ce qu’il appelle « l’insociable
sociabilité de l’homme » ; il n’oublie pas que l’histoire est faite de guerres sanglantes,
d’oppositions et de conflits, etc. Comment expliquer la présence de celles-ci si l’histoire est
bien synonyme de progrès de la raison ? Pour Kant, il y a un plan de la nature selon lequel les
dispositions naturelles de l’homme tendent à leur réalisation intégrale. Or celle-ci ne peut
avoir lieu instantanément, elle est l’objet de tentatives répétées, elle suppose un
développement progressif, une histoire. Quant au conflit, il est nécessaire à la civilisation.
Sans lui, les talents individuels ne se manifesteraient jamais, l’homme demeurant à un stade
animal caractérisé par la paresse. C’est l’insociabilité qui pousse l’homme à la sociabilité.
Cette dernière donne ensuite lieu à une association morale des hommes qui devient elle-même
organisation civile, cette dernière formant le cadre où se réalisent les dispositions naturelles. 

            Avec Hegel, le concept d’histoire devient plus essentiel encore dans la mesure où c’est
l’essence même de l’homme qui est pour lui historique. À l’instar de Kant, Hegel relève ceci
qu’il paraît difficile d’attribuer un sens (au sens de signification et d’orientation) à l’histoire,
étant donné son cours tumultueux. Les déchirements causés par les passions des hommes ne
sont-elles pas le signe du caractère absurde de l’histoire ? La réponse de Hegel sera négative.
Pour Hegel, l’histoire est la révélation progressive, dialectique (procédant par contradiction et
dépassement des contradictions) de l’Esprit. C’est la Raison qui est le véritable sujet de
l’histoire (« le réel est rationnel ») et l’on peut ainsi dire des différentes figures historiques
(les grands hommes), des différents peuples, qu’ils ne sont que des moments de ce procès
dialectique. En ce sens, il est nécessaire que les actes et événements apparemment les plus
dénués de sens trouvent leur place, leur rôle dans cette histoire. Hegel quitte le point de vue
moral qui était encore celui de Kant ; ce n’est pas malgré le désordre des passions humaines
que l’histoire est progrès ; le désordre est bien plutôt l’œuvre d’une ruse de la raison : celle-ci
se sert des passions ; les détours (les luttes, les guerres) qu’elle fait sont nécessaires à son
triomphe final. Marx va rester fidèle à la conception dialectique de l’histoire qui est celle de
Hegel. Il va néanmoins en critiquer profondément l’aspect idéaliste. Ce qui intéresse Marx,
c’est l’histoire des conditions matérielles de vie, des forces productives, des rapports sociaux.
Expliquer scientifiquement un événement historique, c’est en dévoiler la détermination par les
infrastructures économiques et sociales. Marx reproche à Hegel de voir en l’homme un
instrument ou un moyen de réalisation pour cette entité idéale qu’est la raison. Selon lui,
l’histoire n’est rien d’autre que l’activité de l’homme. On peut ainsi penser que Marx restitue
à l’homme sa liberté et fait de l’histoire tout autre chose qu’une fatalité. Il n’en faut pas moins
reconnaître que pour lui, le cours de l’histoire, comme résolutions successives de
contradictions (par exemple celle entre la bourgeoisie et le prolétariat), est déterminé (en quoi
l’histoire comme discipline peut proprement être une science), la révolution n’étant rien
d’autre qu’un accélérateur de l’histoire. 

Des critiques de la philosophie de l’histoire à la pensée


« historique » au 20ème siècle
 

« Cela signifie que nous avons besoin de l’Histoire pour vivre et pour agir, et non point pour
nous détourner nonchalamment de la vie et de l’action, ou encore pour enjoliver la vie égoïste
et l’action lâche et mauvaise. Nous voulons servir l’Histoire seulement en tant qu’elle sert la
vie. Mais il y a une façon d’envisager l’Histoire et de faire de l’Histoire grâce à laquelle la
vie s’étiole et dégénère. C’est là un phénomène qu’il est maintenant nécessaire autant que
douloureux de faire connaître, d’après les singuliers symptômes de notre temps » Nietzsche,
Seconde Considération inactuelle.

            Des critiques ou des désaccords avec la philosophe de l’histoire, se sont élevés dès le
18ème siècle. Herder est opposé à la conception de la rationalité comme critère absolu du
progrès ; il refuse de considérer chaque culture comme un moyen de développement de
l’universel. Quant à Rousseau, il décrit la culture comme une sortie de la bonté primitive,
comme le développement d’un luxe qui ne va pas sans barbarie. L’histoire est ainsi
accroissement de l’inégalité entre les hommes. Enfin, on retrouve au siècle des Lumières des
conceptions circulaires de l’histoire, telles que celle de Vico, qui définit l’histoire universelle
comme une combinaison de temps circulaire et de temps linéaire. Mais c’est à partir de la
deuxième moitié du 19ème siècle qu’apparaissent les critiques les plus virulentes de la
philosophie de l’histoire. Ces critiques s’appuient dans un premier temps sur le concept de
vie. Pour Nietzsche, l’essentiel est de savoir dans quelle mesure l’histoire est susceptible de
servir la vie, autrement dit l’expansion des forces propres des individus. Or, s’il est vrai que
l’histoire est un besoin vital pour l’homme, un excès d’histoire n’en est pas moins
extrêmement dangereux. L’histoire monumentale, celle des faits et gestes des hommes
illustres, menace d’écraser l’homme, de le faire douter ; elle menace encore de susciter les
fanatismes. L’histoire antiquaire, celle qui conserve et vénère la tradition conduit quant à elle
à la momification du passé, à la mortification des puissances vitales. L’histoire critique enfin,
celle qui juge et condamne le passé risque quant à elle de se révéler injuste et de ne mettre à
jour les illusions du passé que pour masquer les siennes propres. Pour Nietzsche donc, le sens
historique n’a de valeur qu’en tant qu’il s’allie à la vie, entendue comme force de création
anhistorique. Quant à ses valeurs que sont le progrès et la raison, elles ne sont pour lui que
des symptômes d’une vie malade. On peut également citer Spengler qui développe une
morphologie des cultures, chaque culture suivant pour lui un même cycle de vie : débutant
avec le barbarisme, une culture développe peu à peu l’art et la science avant de retomber dans
un nouveau barbarisme. Ce cycle est pour lui une nécessité biologique. Il invalide toute notion
de progrès continu et indéfini de la raison dans l’histoire. Toutes les critiques de la
philosophie de l’histoire ne reposent pas sur l’idée de vie. Valéry affirme que l’histoire est
extrêmement dangereuse dans la mesure où elle permet de justifier tout ce que l’on veut. On
peut également se référer à la critique structuraliste de la philosophie de l’histoire. Lévi-
Strauss s’oppose à l’idée selon laquelle chaque événement aurait un sens singulier. Pour lui,
l’histoire est constituée de variations contingentes au sein de structures culturelles qui
échappent aux vicissitudes de l’histoire. À ce titre, les notions d’évolution, de progrès, de
développement sont des illusions propres à l’Occident, des illusions ethnocentriques.

            Avant de traiter des conceptions de l’histoire apparues au 20ème siècle, il nous faut
évoquer la pensée de Benjamin car celle-ci se situe à la frontière de la critique de la
philosophie de l’histoire et de la formulation d’un nouveau concept d’histoire. Benjamin
critique le présupposé d’une téléologie de l’histoire, d’une histoire orientée vers une fin. Car
c’est en vertu de cette téléologie que l’on a pu considérer les guerres et conflits comme des
« ruses de la raison », comme des évènements qui n’avaient d’autre signification que celle que
leur conférait l’histoire universelle. Mais si le progrès ne va pas sans accumulation de
violences, ce n’est pas, écrit Benjamin, une simple « ruse », un moment qui va peu à peu
s’effacer. L’état d’exception est devenu la règle. D’un point de vue éthico-politique, Benjamin
refuse la philosophie de l’histoire car celle-ci ne fournit que des justifications a posteriori de
ce qui a eu lieu, ne rend compte que de ce qui a réussi, triomphé. Or, ce qui a échoué est tout
autant porteur de sens, en quoi il est nécessaire de faire une histoire des vaincus. Dans une
toute autre perspective, Heidegger s’est efforcé de repenser le sens de l’histoire, plus
exactement de ce qu’il appelle l’historialité. Celle-ci désigne le rapport essentiel qu’entretient
l’homme (le Dasein) avec l’histoire lorsque celle-ci n’est plus considérée comme un ensemble
d’événements simplement passés, définitivement révolus mais comme un élément
fondamental de la projection vers l’avenir. L’historialité, l’être-historique de l’homme est ce
qui dévoile à l’homme ses possibilités, ce qu’il peut être, devenir. Citons enfin, dans le champ
de la discipline historique elle-même, la contribution cruciale de l’École des annales. Pour les
membres de ce courant (Febvre, Bloch, etc.), l’essentiel n’est plus l’événement, d’ordre le
plus souvent politique. L’histoire doit s’occuper de décrire la vie économique, les
représentations que se font les hommes, l’organisation sociale. Elle doit se préoccuper non du
temps court mais du temps long.

Ce qu’il faut retenir


 

-         Objectivité et subjectivité : L’histoire, si elle peut prétendre être une science, ne doit
pas pour autant se confondre avec les sciences naturelles. Son objet, ce sont des
évènements porteurs de sens qui requièrent la subjectivité de l’historien, son empathie,
sa compréhension, et non une explication subsumant les faits sous des lois générales.

-         La naissance de l’histoire : L’histoire comme discipline naît en Grèce avec Hérodote
et Thucydide. Le premier, déroule une « enquête » sur les guerres Médiques, insiste à
la fois sur le souci de conservation des évènements passés et sur la recherche de leurs
causes. Le second parfait les méthodes de la discipline historique, se souciant
d’intelligibilité, d’exactitude et fait preuve d’une distance critique à l’égard de ses
sources.

-         L’histoire comme salut : À la différence de l’histoire grecque qui est cyclique,
l’histoire du peuple juif dans l’Ancien Testament est une histoire linéaire, située entre
un commencement (la Création) et une fin (le Jugement dernier). Dans le
christianisme, l’histoire « terrestre » trouve son intelligibilité dans l’Histoire sainte. La
providence qui guide le monde offre à l’homme des perspectives de salut.
 

-         Les Lumières et le progrès : Les philosophes des Lumières appuient l’idée que c’est
l’homme qui fait l’histoire. Celle-ci devient histoire universelle, développement
progressif et indéfini de ce qui constitue l’humanité de l’homme, la Raison. Kant
nuance ce « dogmatisme » en prenant en compte les antagonismes entre les hommes,
les guerres, etc. Mais, dit-il, l’ « insociable sociabilité » de l’homme est ce qui le
pousse à manifester ses talents individuels, à développer ses dispositions naturelles, à
réaliser l’humanité (ce qui ne sera réellement le cas que dans le gouvernement civil).

-         Hegel et Marx : Pour Hegel, l’Histoire est le procès dialectique (opérant par
dépassement progressif des contradictions) par lequel advient l’Esprit. La Raison est
le sujet de l’histoire, les hommes et les peuples n’en sont que des instruments ou
moyens. En ce sens, les passions humaines et leurs conséquences parfois funèbres
(conflits, sacrifices) servent le dessein de l’histoire universelle ; elles sont des ruses de
la raison. Marx critique cet idéalisme. L’histoire est histoire des forces productives,
des conditions matérielles de vie, des rapports sociaux. Elle n’est rien d’autre que
l’activité de l’homme quand bien même son cours serait déterminé, la révolution ne
pouvant que provoquer une accélération des processus historiques.

-         La vie contre l’histoire : Pour Nietzsche, l’histoire n’a de valeur qu’en tant qu’elle
sert la vie, celle-ci étant la force anhistorique de création. L’excès d’histoire est
dangereux. Il menace de rendre la vie impuissante, soit que celle-ci se sente écrasée
(histoire monumentale), soit qu’elle soit mortifiée (histoire antiquaire), soit encore
qu’elle masque ses illusions en jugeant de celles du passé (histoire critique). Pour
Spengler, l’histoire n’est rien d’autre que la répétition nécessaire d’un cycle de vie, un
cycle biologique, qui va d’un barbarisme à un autre barbarisme en passant par l’art et
la science ; l’idée de progrès est congédiée.

-         Un autre regard sur l’histoire : Pour Benjamin, on ne saurait considérer les
violences que connaît l’époque moderne comme des ruses de la raison. L’état
d’exception est devenu la règle. De plus, l’histoire ne doit pas s’intéresser qu’à ce qui
a triomphé car les échecs sont eux aussi porteurs de sens, en quoi il faut faire une
histoire des vaincus. Heidegger, quant à lui, considère l’être historique de l’homme,
son historialité. L’histoire n’est pas une collection d’évènements révolus ; elle habite
le présent en dévoilant à l’homme ses possibilités, en lui permettant de se projeter vers
l’avenir. L’École des annales enfin, prône une conception de l’histoire comme étude
non du temps court, des évènements politiques, mais du temps long, des organisations
sociales et économiques, des mentalités, etc.

Indications bibliographiques
 
Benjamin, Sur le concept d’histoire ; Dilthey, Essai sur les fondements de la connaissance et
sur les caractères de la connaissance historique ; Hegel, La Raison dans l’histoire ;
Heidegger, Être et temps ; Kant, Idée d’une histoire universelle au point de vue
cosmopolitique ; Marx et Engels, l’Idéologie allemande ; Nietzsche, Seconde considération
inactuelle ; Ricoeur, Histoire et vérité ; Saint Augustin, Quatre-vingt trois questions diverses.

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