Croire, Est-Ce Renoncer À La Raison

Télécharger au format docx, pdf ou txt
Télécharger au format docx, pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 7

Ana Gantch García T2

Croire, est-ce renoncer à la raison ?

Le mythe de la caverne est relaté dans un dialogue entre Socrate et Glaucon dans le
livre VII de La République écrit par Platon au Vème siècle avant J-C.
D’après lui, notre monde peut être imaginé sous la forme d’une caverne représentant le
monde sensible et dans laquelle sont enchaînés des Hommes (nos semblables) et dont
l’unique vision est celle d’ombres se déplaçant sur la paroi du fond de la caverne.
Ces prisonniers vivent dans l’illusion car ces ombres sont en réalité celles d’objets déplacés
tels des marionnettes par d’autres Hommes. Ces derniers représentent les personnes
manipulatrices telles que les Sophistes, les critiques qui viennent à Athènes. D’après Platon,
les sophistes manipulent le langage et préfèrent l’efficacité à la vérité.
Nous sommes donc souvent amenés à croire sans savoir. Par exemple, chaque fois que nous
émettons une opinion sur un sujet sans avoir d’éléments suffisants pour en juger
correctement. Il semble donc évident qu’il y a une opposition entre croire et savoir.
Croire c’est adhérer à une proposition, à une thèse, à une valeur dont on ne peut donner
aucune justification rationnelle. C’est affirmer quelque chose qu’on tient pour vrai, sur la
simple foi de l’autorité ou de la confiance. Croire c’est donc accorder son assentiment sans
réflexion, sans l’aide de la raison. La croyance peut aussi s’appliquer au domaine de la foi
religieuse : elle est adhésion complète et sans borne à l’idée de l'existence divine et aux
paroles de l’Ecriture. La raison quant à elle, est une faculté de réflexion entrainant un bon
jugement sûr et concentré. Par l’usage de la raison, on entend l’exercice, l’utilisation de
certaines facultés de penser telles que le jugement, l’abstraction, la démonstration, ainsi que
toute méthode logique et scientifique. Par conséquent, la croyance est-elle ce qui,
systématiquement, rejette la raison ? La croyance est-elle nécessairement déraisonnable ?
On montrera donc que la finalité de la croyance est d’échapper aux vérités de la
raison qui peuvent être difficiles à accepter et donc que croire c’est renoncer à la raison. Puis
dans un second temps, nous verrons que l’homme en est là où il est grâce à ses croyances, il a
cru en des choses injustifiées par la raison et de ce fait, croire est inséparable de la raison.

A première vue, oui, croire c’est renoncer à l’usage de la raison car la croyance
entraîne une absence à la recherche du savoir et donc l'utilisation de notre raison. “Le cœur a
ses raisons que la raison ne connaît pas”. Même si Pascal fut mathématicien et philosophe, il
considère que la raison est seulement capable de faire comprendre à l’homme la misère de sa
condition. Dans le dictionnaire philosophique (1694-1778), Voltaire indique cela :
“Lorsqu’une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. Que
répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, est sûr de

1
Ana Gantch García T2

mériter le ciel en vous égorgeant ?”. Il considère que les dogmes de la religion chrétienne
sont des “superstitions” qui ne résistent pas à un examen critique. Comme Voltaire, d’autres
philosophes comme Spinoza et Hume vont critiquer la religion révélée parce qu’elle est
contraire à la raison.
Au départ, il importe de bien distinguer deux notions qui sont proches et sont facilement
confondues : la croyance et la religion. Le fait de croire est aussi fréquent dans le quotidien
des hommes que cette attitude n’est pas nécessairement attribuée à la soumission à une
doctrine religieuse. Il est important de souligner que l’homme est un sujet doté d’une
conscience qui lui permet d’être rationnel et de véhiculer ces pensées, cette conscience va
donc lui permettre de croire ou de ne pas croire. “La croyance désigne quelque disposition
involontaire à accepter soit une doctrine, soit un jugement, soit un fait”. Selon ce passage
issu des Définitions, il importe de bien préciser ce qu’Alain voudrait insinuer par
“involontaire”, car il y a des informations que nous assimilons facilement, et ce, de manière
évidente et inconsciente, sans que nous y ayons mené un examen profond de la part de la
raison. L’homme est naturellement habité par une exigence de vérité : il a toujours un besoin
de vérité, de certitude, etc. C’est un être qui n’aime pas l’incertitude, l’absence de vérité. En
effet, les hommes acceptent beaucoup de préjugés qui sont entièrement incompatibles avec
leur raison. Beaucoup préfèrent avoir des croyances, même les plus incroyables, plutôt que
d’accepter l’ignorance et l’inconnu. Accepter ces préjugés sans l’examen de la raison, c’est
renoncer à sa raison.
Ce n’est surtout pas le fait de préjuger qui est en soi un renoncement à la raison, car les
préjugés circulent très fortement et donc ils s’imposent à nous ; mais il est toujours possible
de les vérifier et de les rejeter, et les occasions ne manquent pas pour savoir si nos préjugés
sont crédibles ou pas. C’est le fait de s’attacher inconditionnellement à des préjugés qu’on
sait être fort incrédules qui est contraire à la raison. On renonce dans ce cas précis à notre
raison. Le vrai problème ne réside point en la vérité ou la fausseté d’une thèse quelconque,
mais plutôt dans la disposition de l’esprit d’un croyant qui est jugée irrationnelle. Cet
aveuglement a fait dire à Voltaire dans son Dictionnaire philosophique : “Peut-il exister un
peuple libre de tous préjugés superstitieux ? C’est demander : peut-il exister un peuple de
philosophes ?”. Vu de l’extérieur, il y a donc un certain degré de croyance, dont la plus haute
est celle qui est contraire à la pensée rationnelle, épurée de toute preuve tangible mais
toujours enracinée dans ses convictions. A ce stade, on peut dire que le fait de croire provient
également de l’impossibilité à rendre compte de la réalité par l’usage de la raison, et la
connaissance qui en résulte prendra le nom de dogmatisme. Comme l’explique Pascal dans
les Pensées, “nous avons une impuissance de prouver, invincible à tout le dogmatisme ; nous
avons une idée de la vérité, invincible à tout le pyrrhonisme”.
La croyance se révèle être l’ennemie de la raison en empêchant la recherche de la vérité. En
effet, elle se fonde sur des convictions qui ne peuvent être démontrées. Descartes affirme que
la raison se doit d’écarter toute forme de croyance pour établir la vérité. En effet, la conquête
du savoir passe par l’absence totale de certitude et préjugé : il convient de se mettre à douter
de tout. Seule une certitude semble être établie raisonnablement : l’existence de mon être. En
effet, pour douter il faut penser, et pour penser il faut être, “Je pense donc je suis” Descartes.
Au XVIIIe siècle, Kant cherche à définir les lumières. Ce sont ces lumières de la raison qui
vont dissiper les ombres, l’obscurantisme, c'est-à-dire les croyances religieuses et par ailleurs
désacraliser le pouvoir des prêtres. Un homme de raison est celui qui atteint la majorité
intellectuelle. Quand on est mineur on a besoin d’un tuteur, intellectuellement d’un guide,
d’une béquille pour se développer. Pour atteindre la majorité, l’enfant doit tuer le père,
l’élève doit tuer le maître, c’est ce qu’on appelle un parricide. On retrouve ce terme chez

2
Ana Gantch García T2

Platon, qui devient Platon en réfutant son maître. Une pensée qui n’est pas libre n’est pas
une pensée, il faut se séparer de son père spirituel. Cela revient à dire que pour obéir à sa
propre loi, pour penser par soi même, il faut tuer Dieu.
Cependant, Dieu ne peut pas faire l’objet d’une expérience sensible. C’est un problème qui
résulte de la métaphysique. Il s’agit du titre d’un livre d’Aristote qui n’est pas un livre et dont
le titre n’est pas d’Aristote. Aristote était professeur, même directeur d’un lycée. Quand celui-
ci meurt, un homme se retrouve avec un cours sans titre. Il décide de le publier. La
métaphysique n’était alors que des notes de cours, il n’avait même pas de titre. Métaphysique
vient de méta qui signifie “au-delà”. Dans le livre L, il réfléchit sur ce qu' est Dieu, il est la
pensée qui se pense.
Kant tire les leçons de l'échec du rationalisme classique, c'est-à-dire du courant de pensée
qui estime qu'il est possible de connaître l'existence et la nature des choses par les seuls
moyens de la raison. Soit de la raison qui juge et qui fonde ses jugements sur la véracité de
Dieu, comme chez Descartes, soit de la raison comme faculté de raisonner, de construire des
discours cohérents indépendamment de toute observation, comme chez Leibniz et Wolf.
Ce rationalisme ne permet d'atteindre aucune certitude dans la mesure où lorsqu'on s'en
remet à la raison, on ne peut pas, selon Kant, trancher certaines questions, comme celle de
l'existence de Dieu ou celle de savoir si nous sommes libres.
Il reproche ainsi au rationalisme classique d'être dogmatique, c'est-à-dire de prétendre que
les choses existent et sont telles qu'on les pense rationnellement.
Kant distingue l’usage pratique et théorique de la raison. Dans son usage pratique, la raison
nous donne des lois qui structurent la conduite, elle est le devoir être, ce qui doit être. Dans
son usage théorique, la raison est ce qui cherche à découvrir quelles sont les lois du réel, de la
nature. De ce fait, un scientifique est quelqu'un qui cherche à découvrir les lois qui
structurent les faits. L’usage théorique de la science est l’usage pratique de la morale, la
raison est alors critique, antidogmatique. La rationalité n'est rationnelle qu'à condition d'être
critique, il n'y a pas de parole indiscutable, il faut tout examiner, il n’y a pas de limites à
l'esprit critique, on appellerait ça la censure. Une des caractéristiques des théories
scientifiques est que l’on connaît la loi d’un certain phénomène. Une expérience cruciale
consiste à vérifier de manière absolue une théorie. Une vérification est toujours
contradictoire. Hume nous dit que “tout ce qui est peut ne pas être”. On ne peut jamais
prouver définitivement une théorie. Popper est jusqu’ici sur la même ligne que Hume. La
réfutation est toujours définitive. Si je vois un corbeau rose, la théorie que tous les corbeaux
sont noirs est réfutée. L'expérimentation vérifie de manière provisoire, hypothétique ce qui
est. Hume détruit le principe de causalité, il annule les relations de causalité. La science
repose sur un certain déterminisme, sur une relation de causalité, cette cause engendre
nécessairement une nécessité.
Jack Goody, dans La raison graphique essaye de voir quels sont les effets produits par
l'invention de l'écriture sur l'esprit humain. Celle-ci permettrait le développement de l’esprit
critique et de la réflexion. Quand on écrit, on couche sur du papier ses propres pensées, on
les détache de soi, on les objectives. L'Écriture est donc la description matérielle et physique
de la réflexion. L’ignorant, le fanatique est celui qui adhère à ses pensés, celui qui fait corps
avec ses pensés. Si on veut penser, il faut mettre à distance, suppose la destruction, la
négation de la science. Celle-ci est l’ensemble des lois visant à élucider les mystères du
monde par l’exercice de la raison. La science est la rupture avec l’opinion, ce qui l’invalide,
on appelle ça l’esprit critique. Il faut alors exercer un rapport de négation de soi pour accéder
à la vérité.

3
Ana Gantch García T2

Descartes se demande quelles sont les causes de nos erreurs : il écoute ses désirs, il écoute
ses maîtres (l'autorité). Le désir c'est le corps. Pour avoir une pensée fondée, il faut renoncer
à son corps. Celui-ci remarque dans son environnement ce qui a un intérêt vital pour lui, ce
qui est susceptible de répondre à un besoin. Il ne cherche pas à connaître le réel, il exerce un
rapport désintéressé du monde. Le corps est un obstacle à la connaissance du réel.
Certes, il est indéniable que la croyance n’est pas une entière indétermination. Dans la foi, le
croyant a toujours le choix entre plusieurs croyances, entre les croyances monothéistes, des
croyances polythéistes, et au bout du compte son cœur penche pour une croyance ou pour
une autre. Choisir une croyance plutôt qu’une autre est un choix, une détermination de soi.
Car choisir une religion, croire en Dieu ou pas, en tel dieu ou tel autre, c’est déterminer sa vie
et son mode de vie. On a le choix entre croire en Dieu ou ne pas croire en lui. Le choix entre
croire en tel dieu ou en tel autre dieu. C’est un choix que nous devons impérativement faire
comme le dit Pascal. Ne pas choisir son dieu, c’est ne pas déterminer son mode de vie. Ce
choix est un choix qui conditionne toute ma vie : ce que je dois ou ne dois pas faire, ce que je
dois manger ou ne dois pas manger, ce que je peux dire ou ne peux pas dire, etc.
Il importe donc toute de même de préciser que la foi d’un homme n’est jamais aveugle et
indéterminée. C’est pour cela que Pascal nous dit que le cœur a ses propres raisons. Même
s’il précise par la suite que ces raisons ne sont pas toutes raisonnables. Il est possible de
choisir sa foi conformément au choix de sa famille, on choisit la foi choisie par sa famille,
celle de ses parents, de ses ancêtres. Alors que rien ne me prouve que mes parents ont fait le
bon choix, le choix raisonnable, le choix de la raison. Chacun a donc des raisons qui poussent
son choix dans un sens ou dans un autre : un texte révélé considéré comme la parole de Dieu,
une confiance aux choix de sa famille et ses ancêtres, de sa société, ou pour des raisons
sentimentales : sérénité dans la foi, une rencontre mystique avec Dieu… Toutes ces raisons
sont des raisons personnelles, subjectives, mais pas des raisons rationnelles, objectives,
valides. Ce sont des raisons qui échappent plus ou moins fortement à notre raison.

Croire, c’est-à-dire adhérer à une idée sans chercher si elle est vraie ou fausse, semble
impliquer de renoncer à la raison qui est la faculté qui nous permet de réfléchir, de chercher
à prouver ce que nous pensons de façon d’abord hypothétique.
Cependant, la raison ne peut tout examiner, tout expliquer. Il faut bien qu’elle accepte, voire
qu’elle s’appuie sur des croyances, autrement dit, il paraît alors que croire ne serait pas
renoncer à la raison.
C’est surtout dans le domaine de la foi, le domaine religieux que la croyance est la plus
éloignée de la raison, la plus indépendante de l’exigence rationnelle de l’homme. C’est un
domaine dans lequel la raison n’est pas efficace, car la raison humaine est, par exemple,
absolument démunie devant la connaissance de l’existence ou de l’inexistence de dieu.
Devant Dieu, la raison se heurte à sa limite, à sa faiblesse et à son ignorance. Elle arrive au
bout de sa connaissance, au bout du connaissable.
En ce sens, dans les Pensées, Pascal souligne la faiblesse de la raison humaine en matière du
domaine divin. Il écrit à ce propos : « la raison ne peut pas connaître Dieu, Dieu est sensible
au cœur et non à la raison ». Seul le cœur donc est capable de croire en l’existence de Dieu.
Le cœur croit ou non en l’existence de Dieu, il croit en tel ou tel autre dieu, en un dieu unique
ou en plusieurs divinités. Dans le domaine métaphysique, la croyance a carte blanche pour
croire en ce qu’elle veut. Dans la foi, la raison n’a pas donc sa place ou du moins une place
centrale. Car la croyance du croyant n’est pas assise sur des raisons rationnelles. Comme

4
Ana Gantch García T2

nous l’explique Pascal, le cœur, dans sa croyance, est guidé par des raisons extérieures aux
raisons de la raison ; il a ses propres raisons, des raisons complètement indépendantes de la
raison. Croire au sens de la foi est bien renoncer à la raison car la raison ne permet en aucun
cas de savoir si le témoignage de la parole de Dieu qu’est le texte religieux, voire la présence
de Dieu dans l’expérience mystique, sont vrais ou non.
Néanmoins, on peut remarquer que Pascal lui-même use de la raison entendue comme calcul
des probabilités pour énoncer son argument. Sa croyance n’est donc pas un “renoncement à
la raison” absolu. Ne faut-il pas qu’il y ait dans l’usage même de la raison une sorte de
croyance ? Croire, n’est-ce pas une condition de l’usage de la raison ?

Avec Pascal, il est possible de comprendre que la croyance ne renonce pas


complètement à la raison. On comprend par l’analyse de ce philosophe qu’en lui se joignent
raison et croyance que la foi est comme un pari intelligent. Dans ce pari, Pascal pense que le
gagnant est celui qui mise sur l’existence de dieu et non celui qui parie sur son inexistence. Il
nous explique que le croyant, celui qui croit en Dieu, est toujours gagnant. Si son dieu existe,
il gagne car il sera récompensé par son dieu pour sa foi en lui, mais, dans le cas échéant, si
dieu n’existe pas, il ne perd rien du tout parce qu’il ne sera en aucun cas puni sur sa foi en un
dieu qui n’existe pas.
En ce qui concerne l’athée qui parie sur l’inexistence de dieu, Pascal explique que ce dernier
sera perdant si dieu existe, parce qu’il sera puni pour son incroyance, mais dans le cas
contraire, si dieu n’existe pas, si son pari se confirme, il ne gagnera rien car il n’y aura rien à
gagner. Il n’a donc rien à gagner si son choix est valide et tout à perdre si son choix n’est pas
le bon. Par cet argument logique, Pascal veut soutenir que la croyance en Dieu n’est pas
totalement insensée. La croyance n’est pas donc un monde complètement insensible à la
raison de l’homme.
Néanmoins, si la croyance ne se passe pas toujours de la raison, la raison, elle, peut-elle se
passer de la croyance ? La raison est-elle capable de connaître sans recourir à la croyance ?
En évidence, la raison a besoin de la croyance pour savoir et connaître la vérité. La science
qui est la discipline par excellence des disciplines associées à la raison et qui résulte de la
connaissance rationnelle, a nécessairement besoin de croyance. Pour savoir la vérité, encore
faut-il savoir si la vérité existe ou pas, si elle est à la portée de l’homme ou pas. Avant de
chercher la vérité, bien sûr par la raison, il doit d’abord être sûr qu’il est possible de
connaître la vérité, que le vrai est possible. Or l’homme ne peut pas en même chercher la
vérité et avoir la vérité. Si on a la vérité, on n’a pas besoin de la chercher, si on cherche la
vérité ce qu’on ne l’a pas encore.
Pour cela, avec Nietzsche, on pourra dire que la recherche de la vérité est toujours précédée
par une croyance en l’existence de celle-ci. Si le scientifique chercheur poursuit la vérité, il
croit d’abord que la vérité est possible, et qu’il pourrait la connaître. Il ne peut pas avoir une
preuve qui prouve la vérité avant de connaître celle-ci. C’est la découverte de la vérité qui
prouve que la vérité existe et qu’il est possible pour l’homme de l’atteindre. Aucun homme,
aucun scientifique, aucun chercheur ne cherchera une vérité qu’il sait être inexistante. La
croyance est donc le moteur même de la science et de la vérité. Sans elle, la science ne serait
jamais motivée par la connaissance de la vérité. Elle est aussi au fondement de la science.
Pour connaître, la raison se fonde sur un ensemble de principes (prémisses) qu’elle est
incapable de prouver ou de valider scientifiquement.

5
Ana Gantch García T2

De ce fait, adhérer à des croyances ne peut pas être considéré toujours comme un
renoncement à sa raison. Il n’est pas irrationnel de croire à des propositions évidentes sans
l’appui de la raison, car la raison n’est pas une faculté capable de tout connaître ; elle ne peut
pas, par exemple, connaître les propositions évidentes ; comme la raison n’est pas capable de
prouver la vérité d’une évidence, il est donc nécessaire dans ce cas de solliciter sa croyance
pour croire à la vérité de cette proposition évidente. On aura ainsi une évidence qui est
acceptée par la croyance comme valide mais sans la preuve rationnelle pour prouver qu’elle
est vraie et valide. Dès lors, croire, c’est accepter sans preuve ce que la raison, elle aussi,
accepte sans preuve. Le sujet raisonnable ne renonce pas à sa raison, mais sa croyance
s’oriente dans le sens de sa raison : elle accepte ce que la raison accepte ; elle compose ainsi
avec la raison. La croyance et la raison, loin de s’exclure, se soutiennent : la raison se fonde
sur la croyance pour valider une proposition qu’elle n’est pas capable de prouver, car
évidente et sans aucune preuve rationnelle.
La croyance peut ne pas écouter et consulter la raison, mais elle ne doit pas se séparer
complètement de l’exigence rationnelle. Car une croyance entièrement étrangère à la raison
est une croyance dangereuse et aveugle. Comme on pourrait le voir dans les croyances
sectaires et ses dérives très dangereuses, une croyance sans intelligence risque de conduire
l’homme à une destruction de soi et de l’autre. Les sectes, les emprises des gourous sur les
fidèles illustrent très bien ce danger de la croyance aveugle et pauvre en rationalité. Ces
croyances irrationnelles constituent un danger pour le croyant lui-même et pour les autres.
Le monde dans lequel nous vivons est aujourd’hui confronté à des menaces sérieuses
associées à des croyances aveugles : c’est le cas du terrorisme et du fanatisme religieux. Qu’il
soit musulman, chrétien ou juif, lié à des organisations ou à des Etats, le terrorisme tue en
masse, massacre des civils innocents. Il tue des enfants, des écoliers, des étudiants, des
voyageurs, des touristes, des humanitaires, des familles entières… Il tue tout le monde sans
distinction. C’est un danger mondial qui ne préserve personne. Voilà concrètement ce que
pourrait enfanter une croyance dénuée de raison, de doute, d’esprit-critique, de remise en
question.
La croyance sans raison est aussi responsable de toutes les formes de superstitions, elles
aussi dangereuses. La croyance est donc aussi vulnérable à la superstition. Le superstitieux
est celui qui croit à des forces (bénéfiques ou maléfiques) et qui associe des pouvoirs aux
choses, aux êtres. Le superstitieux est celui qui, par exemple, ne se sépare jamais de son
porte-bonheur. Il associe un pouvoir à son porte-bonheur. S’il oublie son porte-bonheur, il
croit qu’il échouera dans tout ce qu’il fera. Il ne se voit pas réussir ou progresser sans l’objet
de sa superstition. Il ne renvoie pas ses succès à ses compétences et à ses qualités mais à des
idées superstitieuses. En effet, la superstition n’est pas moins dangereuse que les croyances
meurtrières. Elle pourrait handicaper la vie de la personne, mettre en péril sa vie.

Dans ce sujet, il était question du renoncement de la croyance à la raison. On se


demandait si la croyance constituait en soi un renoncement à la rationalité du sujet
raisonnable. On s’est rendu compte, dès le début de l’analyse, que croire est déjà renoncer à
sa raison en adhérant à une proposition (ou un fait) que la raison ne peut pas,
provisoirement ou définitivement, prouver faute de preuves. C’est surtout dans la foi, dans la
croyance absolue en dieu, que la raison semble être la plus écartée. Car la raison ne peut
aider l’homme à tout connaître.

6
Ana Gantch García T2

Cependant, il est sans doute que la croyance ne doit pas se séparer de la raison sous peine de
destruction de soi ou de l’autre (terrorisme, fanatisme…). Une croyance entièrement
dénudée de raison est dangereuse et catastrophique pour la vie de l’individu et pour la vie
sociale. La raison non plus ne peut cavaler toute seule dans sa quête de la vérité ; la
connaissance rationnelle (la science) commence par des croyances (hypothèses, théories..),
se fonde sur des croyances (des principes, des prémisses). Sans la croyance, la raison ne
connaîtrait rien.

Vous aimerez peut-être aussi