Tecton I Que

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Jacques Mercier

Pierre Vergély
Yves Missenard

Tectonique

4e édition
Illustration de couverture : © Matauw – Fotolia.com

© Dunod, 1992, 1999, 2011, 2016


11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-075663-6
TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos V

Chapitre 1 • Présentation 1
1.1 Qu’est-ce que la tectonique ? 1
1.2 Les déformations tectoniques et les mouvements des plaques lithosphériques 1
1.3 L’analyse et l’interprétation des déformations tectoniques 2

Chapitre 2 • Notions élémentaires de contrainte et de déformation 5


2.1 Notion de force et de contrainte 5
2.2 Notion de déformation 13

Chapitre 3 • Étude phénoménologique de la réponse des roches


à la contrainte 19
3.1 Le comportement des roches soumis à contrainte 19
3.2 L’influence des conditions physiques sur la déformation des roches 24
3.3 Le rôle de la nature des roches 29
3.4 Les domaines de la déformation géologique en fonction de la profondeur 31

Chapitre 4 • La déformation cassante des milieux rocheux continus 33


4.1 Failles et joints de cisaillement, fentes de tension et diaclases 33
4.2 Les plans de fracture dans les essais mécaniques 36
4.3 Les critères de rupture 38
4.4 Simulation analogique de l’initiation et de la propagation des failles
dans un milieu rocheux 44
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

4.5 Interprétation des déformations cassantes naturelles 48

Chapitre 5 • La déformation cassante des milieux rocheux discontinus 59


5.1 L’activation des failles existantes 59
5.2 Les plans de glissement dans les essais mécaniques 60
5.3 Les critères de glissement et l’orientation du glissement sur des plans
préexistants 63
5.4 Cinématique des failles dans un milieu rocheux fracturé 65
5.5 Initiation, croissance et segmentation des failles 75
5.6 Zone de faille et roches de failles 79
5.7 Le cœur de la faille et les roches de failles 82

III
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale 85
6.1 La tectonique en extension : grabens, rifts et bassins en extension 85
6.2 La tectonique en décrochement :
failles coulissantes et failles transformantes 103
6.3 La tectonique en compression : «uplifts» et écailles de socle 110
6.4 L’inversion tectonique 112

Chapitre 7 • La déformation ductile des roches 117


7.1 La déformation ductile dans les essais mécaniques 117
7.2 Les mécanismes de la déformation plastique 118
7.3 Les principales structures ductiles homogènes naturelles des roches 127
7.4 Exemples de déformation ductile hétérogène 137

Chapitre 8 • La tectonique ductile à l’échelle régionale :


les décrochements ductiles 145
8.1 Les décrochements tardi-hercyniens d’Europe 145
8.2 Autres exemples de décrochements ductiles 147

Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement 149


9.1 La géométrie des plis 149
9.2 Les plis isopaques et le plissement par flexion 153
9.3 Les plis semblables et le plissement par cisaillement simple 162
9.4 Les plis anisopaques et le plissement par aplatissement 166
9.5 La notion de stratigraphie mécanique 168
9.6 Les modèles de plis 173
9.7 L’équilibrage des coupes et la restauration 177

Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale 181


10.1 Les décollements de couverture : un exemple, le Jura 181
10.2 La géométrie des plis et des chevauchements de couverture
et la mesure du raccourcissement : l’Overthrust Belt du Wyoming (U.S.A.) 182
10.3 Le prisme orogénique 186
10.4 L’exhumation des roches métamorphiques dans les chaînes de montagne 197
10.5 La tectonique salifère 204

Chapitre 11 • Les mouvements verticaux 209


11.1 Introduction 209
11.2 Les processus à l’origine des mouvements verticaux 210
11.3 Décrire l’évolution de la surface topographique 213
11.4 Décrire l’histoire thermique des roches 217
Glossaire 221
Légendes du cahier photographique 224
Bibliographie 229
Index 237

IV
AVANT-PROPOS

Dans la réalisation de cette nouvelle édition, nous avons conservé l’esprit qui
avait guidé la rédaction initiale, à savoir une approche « naturaliste » de la tectonique
qui privilégie la qualité de l’acquisition des données tant sur le terrain qu’au labora-
toire, puis une interprétation de ces données qui fait appel aux concepts de base de la
mécanique et de la physique des matériaux.
Divers aspects de la déformation sont illustrés par des images abondamment
légendées et rassemblées dans un cahier couleur.
Dans cette 4e édition, le chapitre 11, qui est nouveau, présente les différents outils
permettant de caractériser les mouvements verticaux dont l’étude a connu un regain
d’attention ces vingt dernières années, probablement en partie grâce à l’apparition
ou au développement de nouveaux outils méthodologiques comme la géodésie ou la
thermochronologie. Pour chacune des techniques, une référence à un travail scienti-
fique est proposée, permettant à ceux qui le souhaitent d’approfondir la thématique.
Cette nouvelle édition s’enrichit également d’un glossaire destiné au lecteur
moins initié qui y trouvera les définitions volontairement brèves de quelques termes
courants du champ lexical de la tectonique.
Enfin, autre nouveauté, de nombreux documents supplémentaires, essentielle-
ment photographiques, sont mis à votre disposition en ligne (voir le lien au verso).
Ce manuel n’a pas la prétention d’être exhaustif. Les auteurs ont limité le contenu
aux connaissances générales en tectonique qui doivent être acquises par tous ceux et
toutes celles qui suivent une formation en géosciences du niveau L3 et M1. Le
lecteur qui souhaite compléter ses connaissances trouvera, en fin d’ouvrage, une
liste indicative de livres en français ou en anglais. Nous avons également indiqué les
références des articles scientifiques dans lesquels nous avons puisé nos données et
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

informations scientifiques utilisées lors de la rédaction du manuel.


Nous conseillons enfin aux lecteurs d’utiliser (sans modération) l’accès à certains
sites du Net comme :
– Google Earth (www.google.fr/intl/fr/earth/index.html) ;
– MGDS (www.marine-geo.org/) ;
– GeoMapApp (www.geomapapp.org) ;
– NASA World Wind (http://worldwind.arc.nasa.gov/) ;
– Géoportail (www.geoportail.fr/).

V
De nombreux documents supplémentaires, essentiellement
photographiques, sont mis à disposition sur un site des auteurs :

http://www.structurotheque.u-psud.fr
PRÉSENTATION 1
1.1 QU’EST-CE QUE LA TECTONIQUE ?
La Tectonique est la discipline des Sciences de la Terre qui traite des déformations
de l’écorce terrestre. Ce terme, créé à la fin du siècle dernier, vient du grec
«Tektonikos», adjectif qui signifie propre au charpentier, à l’architecte ; il implique
donc une notion de structure. D’ailleurs, le terme de Géologie Structurale est
souvent employé comme synonyme de Tectonique. Toutefois, chez les auteurs de
langue anglaise, une distinction tend à s’imposer entre ces deux termes. La Géologie
Structurale («Structural Geology») est essentiellement l’étude de la géométrie des
structures. Par contre, la Tectonique («Tectonics») concerne plutôt l’étude de ces
structures en relation avec les mouvements (Cinématique) et les forces (Dynamique)
qui les ont créées.

1.2 LES DÉFORMATIONS TECTONIQUES


ET LES MOUVEMENTS DES PLAQUES LITHOSPHÉRIQUES
Les déformations de l’écorce terrestre et de la partie supérieure du manteau résultent
du mouvement des grandes plaques lithosphériques à la surface du globe (Fig. 1.1).
Les limites de ces plaques sont des zones de déformations sismiquement actives. Là
où les plaques s’écartent, divergent, leurs bordures sont soumises à une traction (ou
tension), donc à des déformations en allongement, dites aussi en extension
(Fig. 1.2a) ; c’est ce qui se produit au niveau des rides médio-océaniques ou dans
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

certaines régions continentales (les rifts). Là où les plaques convergent, leurs


bordures peuvent être soumises à une compression, donc à des déformations en
raccourcissement ; c’est ce qui se produit le long des zones de collision (Fig. 1.2b)
et de certaines zones de subduction. Là où les plaques glissent les unes par rapport
aux autres, sans converger ni diverger, les déformations résultent de déplacements
horizontaux (sans épaississement ni amincissement vertical) appelés coulissements ;
c’est ce qui se produit le long des failles transformantes (Fig. 1.2c). En Tectonique
globale, c’est-à-dire à une échelle de plusieurs milliers de km, ces plaques sont
considérées en première approximation comme indéformables car l’essentiel de la
déformation se produit aux limites de plaques. Mais en réalité, il existe aussi des
déformations intraplaques qui peuvent être importantes à l’échelle de l’analyse

1
Chapitre 1 • Présentation

structurale. Ces déformations intraplaques résultent elles aussi de raccourcisse-


ments, d’allongements ou de coulissements.

Figure 1.1 – Carte simplifiée des grandes plaques lithosphériques.


Doubles lignes : zones d’expansion océanique ; lignes avec triangles :
zones de subduction et de collision ; ligne simple : failles transformantes ;
hachurés : déformations intracontinentales actives.

1.3 L’ANALYSE ET L’INTERPRÉTATION


DES DÉFORMATIONS TECTONIQUES
La simple observation des roches dans des régions très déformées, comme les chaînes
de montagnes, montre de façon évidente deux grands types de déformations : d’une
part, des plis et d’autre part, des cassures qu’on appelle des failles. Plis et failles corres-
pondent respectivement à des déformations continues ou ductiles et à des déformations
discontinues ou cassantes. L’analyse de ces déformations peut se faire à différentes
échelles. La cartographie géologique, l’analyse des photographies aériennes et des
images par satellites permettent de décrire la géométrie en deux dimensions (2D) des
structures de tailles supérieures au km ; les forages et l’imagerie sismique permettent
parfois d’en connaître la géométrie en 3D. Mais l’étude des déformations peut aussi
se faire de l’échelle de l’affleurement à celle de l’échantillon (1 cm < d < 100 m) et
de celle du microscope optique à celle du microscope électronique (d < 1 cm).
L’interprétation de ces déformations naturelles est basée sur le principe de
l’uniformitarisme de Lyell (1833) qui admet que les «phénomènes qui ont eu lieu au
cours des temps géologiques sont les mêmes que ceux qui produisent les mêmes
effets à l’époque actuelle». Leur interprétation se fait donc en tenant compte des
données fournies par l’observation des déformations actuelles (sismotectoniques) ou

2
1.3 • L’analyse et l’interprétation des déformations tectoniques

Figure 1.2 – Les grands


types de déformations
tectoniques (d’après
M. Mattauer et J. Mercier,
1984). (a) allongement ;
(b) raccourcissement ;
(c) coulissement ; FN : faille
normale ; FI : faille inverse ;
FD : faille décrochante.

récentes (néotectoniques), de celles fournies par les expériences de mécanique ou de


physique des matériaux géologiques, enfin de celles fournies par la simulation soit
analogique (modèles réduits) soit numérique (sur ordinateur). L’interprétation des
déformations géologiques par les déformations actuelles n’est en fait valable que
pour autant qu’on considère un état physique et chimique de la planète proche de
l’état actuel. Les déformations actuelles ne peuvent guère nous renseigner sur celles
qui se sont produites au cours de l’Archéen (> 2,5.10 9 ans) quand les conditions de
température sur la Terre étaient plus élevées qu’actuellement. Toutefois, ce qui est
important c’est que les interprétations respectent les lois fondamentales de la
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.

physique d’où l’intérêt de l’expérimentation qui permet de comprendre les méca-


nismes de déformation des roches dans des conditions physico-chimiques fort
diverses. Dans la suite de ce volume, nous montrerons quelques exemples de
chacune de ces démarches.
Ce volume s’adresse aux étudiants de Licence 3 et Master. Son ambition n’est
donc pas de faire un exposé exhaustif sur la Tectonique mais d’en présenter sous une
forme succinte les notions essentielles.

3
NOTIONS ÉLÉMENTAIRES
DE CONTRAINTE ET DE
2
DÉFORMATION

En Dynamique, si deux forces F et F c de même direction, de sens opposés et d’inten-


sités égales sont appliquées en un point P, leur somme F + F 9 = 0 et leur travail
WF,F c = 0. Ceci est vrai dans le cas où P est un point virtuel mais s’il s’agit d’un bloc
rocheux, non parfaitement rigide, celui-ci se déforme. Les forces agissant à la
surface de ce bloc produisent dans celui-ci des forces internes. On dit que ce bloc
rocheux est en état de contrainte.

2.1 NOTION DE FORCE ET DE CONTRAINTE

2.1.1 Notion de force


Les forces agissant sur un bloc rocheux peuvent être séparées en forces de volume et
forces de surface.
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Figure 2.3 – Force de pesanteur Fp agissant sur une colode roche


et force de surface Fs agissant sur sa base horizontale (S).

Les forces de volume agissent sur tout le volume rocheux. L’exemple le plus
évident est la force de pesanteur Fp = Mg. Une colonne de roche de section S, de
hauteur h et de densité Uc (Fig. 2.1a), est soumise à une force de pesanteur Fp =
ShUcg, g étant l’accélération de la pesanteur. Cette force Fp est verticale et dirigée
vers le bas. La force d’Archimède est aussi une force de volume qui agit sur les

5
Chapitre 2 • Notions élémentaires de contrainte et de déformation

volumes rocheux. Supposons un bloc continental de densité Uc = 2,7 reposant en


équilibre hydrostatique sur le manteau de densité Um = 3,3 ; ce bloc reçoit une
poussée verticale Fa dirigée vers le haut (Fig. 2.2) égale au poids du volume de
manteau déplacé : Fa = SrUmg. Le bloc étant en équilibre, on peut écrire Fp = Fa
ShUc g = SrUmg d’où r = h(Uc /Um )

Figure 2.2 – Force d’Archimède Fa et force de pesanteur Fp agissant sur un


bloc continental en équilibre hydrostatique sur le manteau.

Ainsi, un bloc continental d’épaisseur totale h = 70 km, présente une partie basale
r de 57 km d’épaisseur immergée dans le manteau de telle sorte que la force de
pesanteur Fp soit équilibrée par la poussée d’Archimède Fa. Le problème est ici très
simplifié puisqu’on néglige la croûte et la couche d’eau océaniques.
Les forces de surface agissent, elles, sur les surfaces limitant le volume rocheux.
Sur la figure 2.1a, la force de surface agissant sur la base horizontale de la colonne
de roche à une profondeur h est Fs = ShUc g. Elle est normale à cette surface et résulte
de la force de volume agissant sur la colonne de roche sus-jacente. La pression p =
FS /S, à la base de cette colonne est la pression ou contrainte lithostatique (V ZZ) agis-
sant sur la surface S au point P. Le système étant en équilibre, FS est équilibrée par
une force FZZ de même direction, de sens opposé et d’intensité égale. Si cette force
FS est appliquée sur une surface Sc faisant avec l’horizontale H un angle D (Fig. 2.1b),
FS se décompose vectoriellement en une force FN normale à la surface et une force
FT qui lui est tangentielle. Dans le cas de la subduction d’une lithosphère océanique
sous une lithosphère continentale par exemple (Fig. 2.3), l’interface des deux lithos-
phères est soumis à des forces de surface horizontales FXX résultant de la convergence
des deux lithosphères et verticales FZZ induites par les forces de volume. Ces forces
de surface se décomposent en forces tangentielles (ou cisaillantes) et forces normales
à l’interface.

Figure 2.3 – Forces à l’interface entre une lithosphère océanique (O)


et une lithosphère continentale (C) dans une zone de subduction.

6
2.1 • Notion de force et de contrainte

Une force s’exprime par le produit de la masse par une accélération J, c’est-à-dire
par une équation aux dimensions de la forme F = M L T –2, M, L et T étant les
dimensions de la masse, de la longueur et du temps. Dans le système C.G.S, la force
s’exprime en dyne (g.cm.s – 2) et dans le système international (S.I.) en newton
(kg.m.s – 2 ) ; 1 newton (N) = 10 5 dynes.

2.1.2 Notion de contrainte


2.1. Contrainte sur un plan. Maintenant, supposons idéalement un corps macros-
copiquement continu (Fig. 2.4), soumis à aucune force, à aucune torsion dont les
atomes se trouvent dans une position d’équilibre et soumettons ce corps à des forces
externes. Supposons qu’une surface 'S de normale Q, passant par un point P, sépare
ce corps en deux parties. L’ensemble des forces exercées par la partie C1 sur la partie
C2 a pour résultante 'F puisqu’il n’y a pas de torsion.

Figure 2.4 – Force résultante 'F exercée par la partie C1 du solide sur la
partie C2, au point P sur la surface 'S.

'F
Quand 'S tend vers zéro : § -------·
dF
------- = V (1)
© 'S¹ dS
Le vecteur V est la contrainte (en anglais : stress) appliquée à la surface dS au
point P, due aux forces externes. La contrainte a les dimensions d’une pression et
s’exprime par une équation aux dimensions 6 = FS – 1 = ML – 1 T – 2. On ne peut donc
additionner des vecteurs-contraintes que s’ils s’appliquent à une même surface, ce
qui est différent des vecteurs-forces. La contrainte s’exprime en pascal (kg. m– 1.s– 2)
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

dans le système S.I. et en bar dans le système C.G.S. (1 bar = 106 dynes.cm– 2 =
106 g.cm– 1.s– 2) ; 1 bar = 10 5 Pa.
Dans le cas général, le vecteur-contrainte V est oblique à la surface dS. L’intensité
de la contrainte varie avec l’orientation de la surface dS passant par le point P (c’est
une pression anisotrope). Ceci est très différent de ce qui se passe dans les liquides
dans lesquels la pression p est normale à toute surface passant par le point P et de
même intensité (pression isotrope). Le vecteur-contrainte V étant oblique à la
surface dS il peut se décomposer (Fig. 2.5) comme le vecteur-force en une
contrainte normale VN et une contrainte tangentielle VT (notée souvent W) au plan S.
2.2. États de contrainte uniaxial et biaxial. Supposons un solide isotrope soumis
à deux forces F et F c opposées et égales, appliquées orthogonalement aux faces

7
Chapitre 2 • Notions élémentaires de contrainte et de déformation

Figure 2.5 – Décomposition vectorielle d’une contrainte s appliquée


à un plan S en une contrainte normale VN et une contrainte tangentielle W.

opposées et parallèles A de ce solide (Fig. 2.6a). Calculons la contrainte appliquée


au point P sur une surface SSc faisant avec A un angle 4c (4c est aussi l’angle entre
la direction de la contrainte et la normale au plan SS c) :

Figure 2.6 – Contrainte uniaxiale (a) et contrainte biaxiale (b) appliquée à un


plan SS c.

c c
FN F cos 4 F 2 c F 1 + cos24
-c = ---------------------c = ---- ˜ cos 4 = ---- ˜ --------------------------
– contrainte normale V N = -------
SS A/ cos 4 A A 2
c c
FT F sin 4 F c c F sin24
-c = ---------------------c = ---- ˜ sin4 ˜ cos 4 = ---- ˜ ----------------
– contrainte tangentielle W = -------
SS A/ cos 4 A A 2
Il existe un plan remarquable pour lequel V N est maximum et égal à F/A et sur
lequel W = 0. C’est le plan pour lequel cos 24c = 1 et sin 24c = 0, c’est-à-dire pour
4c = 0. Ce plan est dit un plan principal (p.p., Fig. 2.6a) et la contrainte normale à ce
plan est la contrainte principale V 1 = F/A. On peut alors écrire
V N = 1/2 V1 (1 + cos24c) et W = 1/2V 1 . sin24c (2)

8
2.1 • Notion de force et de contrainte

Il existe par ailleurs deux plans sur lesquels la contrainte tangentielle (ou
cisaillante) W est maximum : ce sont les plans pour lesquels sin 24c = 1 donc 4c = 45°.
En contrainte biaxiale (ou contrainte plane), pour un échantillon soumis sur ses
faces orthogonales A et B à des forces F1 et F3 orthogonales (avec F1 > F3, Fig. 2.6b),
il existe deux contraintes principales V1 = F1 /A et V3 = F3 /B puisque les faces A et
B sont par définition des plans principaux. La contrainte appliquée au point P sur une
surface SSc faisant avec la face A un angle 4c, s’exprime aussi en fonction des
contraintes principales V1 et V 3. En faisant la somme des contraintes normales et
tangentielles sur le même plan SSc du fait des contraintes V 1 et V3, on obtient :
V N = V1 . cos 2 4c + V3 . cos2 (S/2 – 4c) = V1 . cos2 4c + V3 . sin2 4c
W= V1 . cos 4c . sin 4c – V3 . cos(S/2 – 4c) . sin (S/2 – 4c)
= (V1 – V3) sin 4c . cos 4c
En écrivant ces valeurs en fonction de l’angle 2 4c, on obtient :
V N = 1/2 (V1 + V3) + 1/2 (V1 – V3) cos 24c
et t = 1/2 (V1 – V3) sin 24c (3)
Si on appelle 4 l’angle que fait la contrainte principale compressive V1 et le plan
de glissement SS c (ce que nous ferons toujours par la suite) alors le signe entre les deux
termes de V N devient moins (–) ; l’expression de W ne change pas. La différence (V1 –
V3) est appelée la contrainte différentielle. Ce cas de la contrainte plane est une simpli-
fication, applicable aux problèmes à deux dimensions, du cas de la contrainte triaxiale.
2.3. État de contrainte triaxial. Analysons le cas d’un corps isotrope soumis à un
système quelconque de forces. Soit un corps déformable C en état de contrainte, sans
torsion du matériau (Fig. 2.7a). L’état de contrainte dans ce corps est déterminé
quand en chaque point on connaît les contraintes sur trois plans arbitrairement choi-
sis. Menons par le point O quelconque trois plans parallèles aux plans de coordon-
nées dans le système d’axes Ox, Oy, Oz et un plan S suffisamment proche de O ; ces
4 plans définissent un tétraèdre élémentaire (Fig. 2.7a). L’interaction de ce tétraèdre
élémentaire sur le corps C se fait par des contraintes qui dans le cas général sont
obliques sur les plans qui le limitent (Fig. 2.4).
Chacune de ces contraintes Sx, Sy, Sz peut se décomposer suivant les trois axes du
repère, par exemple (Fig. 2.7b) pour Sz, le vecteur-contrainte sur la face du tétraèdre
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ayant pour normale Oz, on obtiendra : Vzz suivant Oz et Vzx, Vzy dans le plan de normale
Oz (le premier indice est alors z) suivant les axes Ox et Oy (le deuxième indice est
alors respectivement x et y). Si nous notons les contraintes tangentielles par W et la
contrainte normale par V, ces trois composantes s’écrivent : Vzz, Wzx et Wzy. On obtient
neuf paramètres pour les contraintes Sx, Sy et Sz sur les 3 faces du tétraèdre élémentaire
(Fig. 2.7a) soit neuf quantités scalaires qui peuvent s’écrire sous la forme suivante :

§ V xx W xy W xz ·
¨ ¸
T V = ¨ W yz V yy W yz ¸
¨ ¸
© W zx W zy V zz ¹

9
Chapitre 2 • Notions élémentaires de contrainte et de déformation

Figure 2.7 – État de contrainte triaxial en un point P d’un corps (C). Les
indices simples x, y, z indiquent que les vecteurs-contraintes sont appliqués
aux trois faces du tétraèdre, orthogonales respectivement aux directions Ox,
Oy, Oz sans être orientées eux-mêmes suivant ces directions.

Ces 9 paramètres représentent un opérateur mathématique appelé tenseur qui est


une matrice carrée 3 u 3 définissant complètement l’état de contrainte au point P. En
fait s’il n’y a pas de torsion dans le solide, nécessairement Wxy = Wyx, Wxz = Wzx et Wyz =
Wzy (Fig. 2.7a). Ceci nous ramène à 6 paramètres indépendants et le tenseur des
contraintes est symétrique par rapport à sa diagonale (Vxx, Vyy, Vzz).
De même que pour la contrainte uniaxiale, il existe un plan principal et que pour
la contrainte biaxiale il existe deux plans principaux orthogonaux, on montre que
dans le cas général il existe trois plans principaux orthogonaux sur lesquels la
contrainte tangentielle est nulle. Les normales à ces plans principaux sont les direc-
tions principales de la contrainte. Suivant deux de ces directions, les valeurs princi-
pales des contraintes passant par le point P sont respectivement maximum V1 et
minimum V3 ; suivant la troisième direction la valeur V2 est intermédiaire entre V1 et
V3. Dans le repère particulier (O, X, Y, Z) des contraintes principales V1, V2, V3, on
peut donc écrire le tenseur des contraintes sous une forme simplifiée puisque les
contraintes tangentielles y sont nulles :
§ V1 0 0 ·
¨ ¸
TV = ¨ 0 V2 0 ¸
¨ ¸
© 0 0 V3 ¹

10
2.1 • Notion de force et de contrainte

Trois paramètres sont représentés par les valeurs principales V1, V2, V3, les trois
autres sont ceux qui définissent l’orientation du repère principal (O, X, Y, Z) par
rapport à un système quelconque, par exemple le repère géographique dans lequel
sont faites les mesures structurales. Ce tenseur des contraintes permet de calculer
tout vecteur appliqué au point P sur un plan donné de normale v (ayant pour cosinus
directeurs 1, m, n) par le produit de deux matrices :
§ V1 0 0 · § 1 ·
¨ ¸ ¨ ¸
TV ^ Q ` = ¨ 0 V2 0 ¸ ¨ m ¸ (4)
¨ ¸ ¨ ¸
© 0 0 V3 ¹ © n ¹
On montre en particulier qu’il existe deux plans de cisaillement maximum qui,
comme dans le cas des contraintes uniaxiale et biaxiale, forment un angle de 45°
avec les contraintes principales V1 et V3. Ces plans ont pour intersection l’axe V2. La
contrainte appliquée à un plan est donc une quantité vectorielle alors que l’état de
contrainte en un point P de ce plan est défini par un tenseur du second ordre.

2.1.3 L’ellipsoïde des contraintes et le champ de contrainte


Le lieu géométrique des extrémités des vecteurs-contraintes pour toutes les
surfaces S passant par P est un ellipsoïde qui a pour axes les trois axes principaux de
la contrainte. En effet, soit une surface A de normale Q (Fig. 2.8), faisant avec la
direction principale OX un angle 4 ; V1 et V2 sont les contraintes principales. La
contrainte s appliquée en P sur la surface A a pour composantes Vx et Vy suivant les
directions principales OX et OY. On peut alors écrire :
Vx . A = V1 . Asin4 et Vy . A = V2 . Acos4
2 2
Vx 2 Vy 2
-----2 = sin 4 -----2 = cos 4
V1 V2
et
comme sin24 + cos24 = 1, il s’ensuit que :
2 2
Vx Vy
-----2 + -----2 = 1 (5)
V1 V2
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Figure 2.8 – État de contrainte biaxial et vecteur-contrainte en un point P


sur une surface A faisant avec la direction de V1 un angle 4.

11
Chapitre 2 • Notions élémentaires de contrainte et de déformation

Ceci est l’équation d’une ellipse centrée sur P et ayant pour grand et petit axes V1
et V2. Les extrémités des vecteurs-contraintes V appliqués au point P sont situées sur
cette ellipse. On montrerait de la même façon en trois dimensions que :
2 2 2
Vx Vy Vz
-----2 + -----2 + -----2 = 1
V1 V2 V3
ce qui est l’équation d’un ellipsoïde ayant pour axes V1, V2, V3. L’ellipsoïde des
contraintes triaxial est dit polyaxial (Fig. 2.9a) dans le cas général où V1 > V2 > V3.
Si V1 = V2 > V3 ou V1 > V2 = V1 (Fig. 2.9b) il est dit de révolution, ou axial, respec-
tivement autour des axes V3 et V1. Si V1 = V2 = V3, l’ellipsoïde devient une sphère
(Fig. 2.9c) et l’état de contrainte est de type hydrostatique.

Figure 2.9 – Ellipsoïde de contrainte triaxial ; (a) : polyaxial,


(b) : de révolution, (c) : hydrostatique.

Si les ellipsoïdes sont identiques en forme et en orientation en tout point d’un


volume considéré on dit que le champ de contrainte (stress field) dans ce volume est
homogène ou uniforme. C’est ce qui a été supposé dans toutes les démonstrations
précédentes. Sinon on dit que le champ de contrainte est hétérogène.

2.1.4 Contrainte moyenne et contrainte déviatorique


Dans tout état de contrainte on peut définir une contrainte moyenne correspondant à
la partie hydrostatique du tenseur qui ne produit qu’un changement de volume du
matériau : V = 1 e 3 V 1 + V 2 + V 3 (6)
La partie restante V – V qui dévie de cette partie hydrostatique est appelée
contrainte déviatorique ou déviateur des contraintes. C’est elle qui produit le changement
de forme du matériau. Les trois valeurs principales de la contrainte déviatorique sont :
Vc 1 = V 1 – V = 1 e 3 2V 1 – V 2 – V 3
Vc 2 = V 2 – V = 1 e 3 2V 2 – V 3 – V 1 (7)
Vc 3 = V 3 – V = 1 e 3 2V 3 – V 1 – V 2
Le tenseur des contraintes déviatoriques a donc une diagonale (ou trace) nulle
puisque Vc1 + Vc2 + Vc3 = 0. En géologie structurale, la valeur principale la plus

12
2.2 • Notion de déformation

grande Vc1, compressive, est notée positivement, la valeur principale la plus petite Vc3
est nécessairement négative, Vc2 est soit positive soit négative. On dit que Vc1 est en
compression et Vc3 en traction (ou tension) alors que souvent dans les roches, à une
profondeur donnée, les contraintes totales V1 et V3 sont respectivement la plus
grande et plus petite compression.

2.2 NOTION DE DÉFORMATION


Quand un solide est soumis à une contrainte, il se déforme : chacune de ses parti-
cules est déplacée et occupe une position nouvelle.

2.2.1 Les composantes élémentaires de la déformation : 


translation, rotation, distorsion
1.1. Définition de la déformation. On appellera donc déformation d’un corps de
forme, de dimensions et de localisation connues dans l’espace, toute opération qui
fait varier la forme, les dimensions et la localisation de ce corps d’un état initial à un
état final. Soit dans un système de coordonnées (Ox, Oy), un corps dans son état
initial O et dans son état final F (Fig. 2.10). Le changement de position des particules
A, B, C, D… est représenté par les vecteurs-déplacements a, b, c, d… Ce faisceau de
vecteurs détermine un champ de déplacement. Si ce champ est homogène (les
vecteurs-déplacements sont alors parallèles et de même module), le corps ne subit
qu’une translation (Fig. 2.10a). Si le champ de déplacement est hétérogène
(Fig. 2.10b), alors les couples de particules (A,B), (A,C)… sont séparées à l’état final
par des distances différentes de celles de l’état initial. Le corps a subi non seulement
une translation mais aussi un changement de forme appelé distorsion. Par ailleurs, si
nous repérons une droite ' dans ce corps, celle-ci peut avoir subi aussi une rotation.
Prenons l’exemple d’une nappe charriée sur plusieurs kilomètres sans changement de
forme ; elle a subi une simple translation. Par contre, si elle contient des couches qui
ont été plissées par flexion pendant la translation, celles-ci ont subi une translation
plus une rotation et, en outre, si ces couches contiennent des fossiles ayant changé de
forme, ceux-ci ont subi une translation, plus une rotation, plus une distorsion.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 2.10 – Les composantes élémentaires de la déformation : translation,


rotation, distorsion.

13
Chapitre 2 • Notions élémentaires de contrainte et de déformation

Une déformation est donc définie par un champ de déplacement liant l’état initial à
l’état final. C’est la comparaison de conditions à deux instants différents alors que la
contrainte, elle, spécifie une condition à un instant donné.
1.2. Déformation homogène et hétérogène. Si des lignes parallèles dans un corps
à l’état initial restent parallèles à l’état final, ce corps a subi une déformation dite
homogène. En effet, on voit sur la figure 2.11 a que les petits carrés dans le corps
(ABCD) à l’état initial O ont été transformés à l’état final F c en de petits parallélo-
grammes tous identiques de forme, de dimensions et d’orientation.

Figure 2.11 – Déformation homogène (a) et déformation hétérogène (b) ;


gradient de déplacement en déformation homogène (c).

Dans ce cas (Fig. 2.11c), si 'b et 'u sont les accroissements de déplacements par
rapport aux distances finales b et u, BsBc/UsUc = BBc/UUc ou 'b/b = 'u/u = k, k étant
le rapport d’homothétie des triangles (OBB c) et (CcBsBc). De façon générale, pour
une déformation homogène, l’accroissement du déplacement 'u/u, ce qu’on appellera
le gradient de déplacement 'u/u, est constant pour chaque particule du corps déformé.
Si ce gradient n’est pas constant, la déformation est dite hétérogène (Fig. 2.11b) ; les
lignes parallèles dans l’état initial ne sont alors plus parallèles dans l’état final.
1.3. Distorsion et déformation interne. La distorsion est définie par des rapports
dimensionnels entre l’état initial et l’état final, rapports appelés déformation interne
(en anglais, strain). Ceux-ci expriment des changements de longueur et de forme.
• la déformation linéaire. Plusieurs rapports sont utilisés pour caractériser le chan-
gement de longueur d’un état initial 1 0 à un état final 1 1 (Fig. 2.12a) :
– l’allongement relatif ou extension : H = '1/1 = (1 1 – 1 0)/1 0 ; H est négatif quand il
y a raccourcissement et positif quand il y a allongement

14
2.2 • Notion de déformation

– l’étirement : S = 1 1/1 0 = 1 + H
– l’élongation quadratique : O = (1 + H)2

Figure 2.12 – Déformation linéaire (a) et déformation angulaire (b).

Suivant les problèmes abordés on utilise l’une ou l’autre de ces valeurs.


• La déformation angulaire ou déformation cisaillante. Un corps de forme rectan-
gulaire par exemple devient un parallélogramme (Fig. 2.12b). Ce changement de
forme est mesuré par la déviation angulaire de deux droites orthogonales dans
l’état initial par ce qu’on appelle le cisaillement angulaire ) et la déformation
cisaillante O = tan ).
Dans une déformation homogène (Fig. 2.11a) toutes les droites de même direction
dans le corps déformé ont la même déformation linéaire H et la même déformation
cisaillante O.

2.2.2 Ellipse et ellipsoïde de déformation


2.1. Déformation plane, ellipse de déformation. Prenons deux exemples particu-
liers, simples, de déformation plane (dans le plan de la feuille de papier). Sur la
figure 2.13a, un carré de côté égal à 1 est transformé en un rectangle tel que tout point
A(x 0,y0) du carré est transformé en un point Ac de coordonnées x1 = x0 (1 + Hx) et y 1 =
y 0 (1 + H y). Dans le cas où la transformation se fait sans changement de surface : S =
(1 + Hx) (1 + Hy) – 1 = 0 d’où (1 + Hx ) = 1/(1 + H y). Cette déformation est appelée
cisaillement pur. Sur la figure 2.13b, la déformation est d’un type différent : les deux
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côtés du carré, parallèles à l’axe Oy, subissent un cisaillement angulaire sans chan-
gement de longueur. Tout point A (x 0, y 0) du carré sera donc transformé en un point
Ac de coordonnées x 1 = x 0 + y0 tan ) et y1 = y0. Cette déformation est appelée
cisaillement simple.
En déformation homogène, tout cercle inscrit dans ces carrés sera transformé en
une ellipse (Fig. 2.13). On peut le démontrer simplement dans le cas du cisaillement
pur (Fig. 2.14). Un raccourcissement suivant Oy transforme tout point M d’ordon-
née y 0 sur le cercle en un point B y d’ordonnée y1 tel que (Fig. 2.14a)

SO MOc 1
--------- = ------------ = --------------
AO B y Oc 1 + Hy

15
Chapitre 2 • Notions élémentaires de contrainte et de déformation

Figure 2.13 – Déformation plane en cisaillement pur (a) et en cisaillement


simple (b).

Cette transformation est une affinité qui transforme le cercle en une ellipse mais,
dans ce cas, avec diminution de la surface. Une affinité de rapport 1/(1 + Hx) sur l’axe
des abscisses (Fig. 2.14b) transforme également le cercle en une ellipse mais, dans ce
cas, avec augmentation de la surface. Par contre deux affinités (Fig. 2.14c) telles que
1 + Hx= 1/(1 + H y) transforment le cercle en une ellipse en conservant la surface
initiale du cercle et ce cas est celui du cisaillement pur. De façon générale quelle que
soit la déformation homogène, on montre qu’en coordonnées cartésiennes tout point
du cercle dont l’équation est x 2 + y 2 = 1 se trouve sur une ellipse dite ellipse de
déformation dont l’équation peut s’écrire sous la forme :
2 2
x y
----- + ----- = 1 avec O 1 = (1 + H1)2 et O 2 = (1 + H 2)2 (8)
O1 O2

qui sont respectivement les grand et petit axes de l’ellipse.


Les axes principaux de cette ellipse de déformation étaient aussi orthogonaux sur
le cercle avant la déformation (Fig. 2.13 et 2.14). L’ellipse de déformation permet
d’aborder de façon simple, en deux dimensions, le cas le plus général de la déforma-
tion en trois dimensions.
2.2. Déformation triaxiale, ellipsoïde de déformation. En trois dimensions on
montrerait de la même façon que pour une déformation homogène tout point situé
sur une sphère unitaire à l’état initial se trouve situé à l’état final sur la surface d’un
ellipsoïde dont l’équation est :
2 2 2
x y z
----- + ----- + ----- = 1 avec O1 . O 2 . O3 (9)
O1 O2 O3
qui sont les 3 axes de l’ellipsoïde. Les axes de cet ellipsoïde correspondent aux
directions principales de la déformation : O 1 (ou X) l’axe d’allongement, O 2 (ou Y)
l’axe intermédiaire, O 3 (ou Z) l’axe de raccourcissement. Les longueurs de ces axes

16
2.2 • Notion de déformation

Figure 2.14 – Affinités transformant le cercle en une ellipse de déformation,


(a) : avec diminution de surface. (b) : avec augmentation de surface,
(c) : avec conservation de surface.

sont les déformations principales longitudinales et peuvent être exprimées soit par H,
soit par (1 + H), soit par O = (1 + H)2. Les 3 plans qui contiennent deux axes princi-
paux de l’ellipsoïde sont les plans principaux de la déformation. Comme pour
l’ellipsoïde de contrainte, il existe plusieurs types d’ellipsoïdes de déformation que
nous examinerons plus en détail en étudiant les marqueurs de la déformation ductile
(Chap. 7).
L’état de distorsion en un point est donc complètement déterminé si l’on donne
l’orientation et la valeur des déformations principales longitudinales. Mais la défor-
mation n’est pleinement définie que si l’on connaît en outre la translation et la rota-
tion qu’a subi l’ellipsoïde de déformation. La déformation d’un corps est homogène
si en tout point de ce corps les axes principaux de l’ellipsoïde de déformation ont
même orientation et même valeur.
2.3. Déformation rotationnelle et déformation non rotationnelle. Si une déforma-
tion se produit sans rotation des axes principaux de la déformation par rapport à un
référentiel externe (Ox, Oy, Oz), on dira que c’est une déformation non rotation-
nelle. S’il y a rotation, la déformation est rotationnelle. Dans les cas particuliers de
déformation plane examinés précédemment, le cisaillement pur (Fig. 2.13a) est une
déformation non rotationnelle : les axes principaux de l’ellipse ont à l’état final la
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

même orientation qu’ils avaient sur le cercle à l’état initial ; le cisaillement simple
est une déformation rotationnelle : les axes principaux de la déformation ont subi
une rotation de l’état final à l’état initial (Fig. 2.13b). Déformation rotationnelle et
non rotationnelle ne doivent pas être confondues avec déformation non coaxiale et
coaxiale qui concernent les relations angulaires des axes principaux au cours d’une
déformation progressive. Ce cas sera analysé dans le Chapitre 7.
2.4. Déformation infinitésimale, déformation finie et chemin de déformation.
L’ellipsoïde de déformation peut décrire une déformation très petite, ou déformation
infinitésimale correspondant à l’état instantané de la contrainte qui a produit cette
déformation. Il peut aussi décrire une grande déformation entre un état initial et un
état final, ou déformation finie, résultant de l’accumulation de petites déformations

17
Chapitre 2 • Notions élémentaires de contrainte et de déformation

successives (ou incréments de déformation). Celles-ci peuvent résulter soit d’un


même état de contrainte soit d’états de contraintes différents. Dans ce cas, les
vecteurs-déplacements qui lient l’état final à l’état initial et qui décrivent la déforma-
tion finie, peuvent être très différents du chemin de déformation réel (Fig. 2.11) celui
qui retrace les accumulations successives des déformations infinitésimales. Il est
donc en général impossible de lier une déformation finie à un chemin de déformation
et donc à un état de contrainte ou à des états de contrainte successifs. De plus, en
général, seul l’état final est observé et l’état initial n’est pas connu.

2.2.3 Tenseur des déformations


Il est hors du propos de cet ouvrage de traiter en détail du tenseur des déformations.
Par une certaine analogie avec le tenseur des contraintes, on acceptera que la déformation
en un point donné est définie par 9 paramètres, quantités scalaires, qui décrivent
complètement la déformation en un point et qui peuvent s’écrire sous la forme suivante :
§ H 11 H 12 H 13 ·
¨ ¸
T H = ¨ H 21 H 22 H 23 ¸
¨ ¸
© H 31 H 32 H 33 ¹
Les trois composantes de la diagonale du tenseur H11, H22, H33 sont les déformations
linéaires de 3 lignes initialement parallèles aux axes de coordonnées Ox 1, Ox 2, Ox 3
(ou si l’on préfère Ox, Oy, Oz). Les 6 autres composantes décrivent les déformations
cisaillantes de lignes initialement parallèles aux axes de coordonnées. L’ordre des
indices (1, 2 et 3) des déformations e est le même que celui utilisé pour les indices (x,
y, z) du tenseur des contraintes (Fig. 2.7). Si les axes Ox 1, Ox 2 et Ox 3 étaient initia-
lement orthogonaux, c’est-à-dire s’ils correspondent aux axes principaux de l’ellip-
soïde de déformation, le tenseur peut s’écrire sous une forme symétrique par rapport
à sa diagonale qui correspond aux axes principaux de la déformation car alors H 12 =
H 21, H13 = H31, H23 = H32. Dans le cas de grandes déformations, finies, le traitement
mathématique devient rapidement très compliqué (voir par ex. Jaeger, 1969) et ne peut
être envisagé ici. Dans le cas de la déformation infinitésimale et, de façon générale,
des petites déformations, le tenseur des déformations ne comporte que 6 paramètres
indépendants car il est symétrique et peut s’écrire sous la forme :
§ H 11 1 e 2J 12 1 e 2J 13·
¨ ¸
T H = ¨ 1 e 2J 21 H 22 1 e 2J 23¸ (10)
¨ ¸
© 1 e 2J 31 1 e 2J 32 H 33 ¹
J étant la déformation cisaillante. En déformation plane infinitésimale d’un solide
homogène et isotrope, les déformations linéaires et demi-déformations cisaillantes
d’une ligne faisant avec l’axe H 1 un angle de 4° sont :
H N = 1/2(H 1 + H2) – 1/2 (H 1 – H 2) cos 24 et J/2 = 1/2 (H1 – H 2) sin 24 (11)
On notera la similitude de forme des équations de H N et J/2 avec respectivement
celles de V N et W en contrainte plane [(3), § 2.1.2].

18
PHÉNOMÉNOLOGIQUE DE
ÉTUDE 3
LA RÉPONSE DES ROCHES
À LA CONTRAINTE
Déformations discontinues
et déformations continues

Le comportement d’un matériau soumis à une contrainte, ce qu’on appelle sa rhéo-


logie (du grec rhéo : couler, fluer), dépend de ses caractéristiques intrinsèques et des
conditions physiques dans lesquelles il se déforme. Pour un matériau géologique
donné, ces conditions physiques sont la pression hydrostatique et la température, qui
dépendent de la profondeur à laquelle se produit la déformation, les conditions ther-
modynamiques et la contrainte déviatorique appliquée à la roche. Nous envisagerons
ici ce que les essais mécaniques sur des échantillons de roches apportent à la
compréhension de la rhéologie des matériaux géologiques.

3.1 LE COMPORTEMENT DES ROCHES SOUMIS 


À CONTRAINTE

3.1.1 Les essais mécaniques en contrainte uniaxiale ;


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les relations contrainte-déformation


Les essais mécaniques se font sur des échantillons de quelques cm de long sur lesquels
on s’efforce d’obtenir la déformation la plus homogène possible. L’échantillon est
soumis à une charge qu’on assimile par simplification à une contrainte uniaxiale
homogène V = F / S. Le raccourcissement relatif H = 'l / l de l’échantillon supposé aussi
homogène est représenté par un graphe H = f (V) (Fig. 3.1). Celui-ci montre un tracé
d’abord linéaire à pente forte ; la déformation est proportionnelle à la contrainte H=
V/ E. Lorsqu’on cesse d’appliquer la contrainte, la déformation est instantanément
réversible : elle est appelée déformation élastique. À partir d’une limite VE , dite limite
d’élasticité ou seuil de plasticité, la pente du graphe décroît. Pour cette partie du graphe,
en A par exemple (Fig. 3.1), si l’on cesse d’appliquer la contrainte, la déformation

19
Chapitre 3 • Étude phénoménologique de la réponse des roches à la contrainte

est partiellement restituée élastiquement (tracé AAc, Fig. 3.1) mais il reste une défor-
mation permanente (Hp) appelée déformation plastique. Si l’on recharge l’échantillon,
le graphe de charge suit approximativement le tracé AcA puis le tracé qu’il aurait eu
s’il n’y avait pas eu interruption de la charge. La nouvelle limite d’élasticité est devenue
VA qui est plus élevée que VE . On dit alors qu’il y a eu durcissement du matériau ; la
déformation plastique a donc changé l’état du matériau. Puis la pente du graphe
diminue mais un durcissement linéaire se maintient. La déformation peut ensuite
mener à la rupture (Fig. 3.1). Lorsque les roches sont déformées à pression et tempé-
rature ambiantes, souvent la rupture se produit sans déformation plastique appréciable
(voir Fig. 3.6). Dans certains cas, le tracé peut devenir parallèle à l’axe des H (voir
Fig. 3.6) ; à contrainte constante Vp , la déformation augmente alors avec le temps ;
ce phénomène est appelé le fluage (en anglais, creep). C’est une forme particulière,
à contrainte constante, de l’écoulement plastique ; la limite Vp est appelée seuil d’écou-
lement plastique.

Figure 3.1 – Graphe contrainte – déformation d’un cylindre de roche


en compression uniaxiale.

3.1.2 Le comportement des matériaux


Le comportement des matériaux réels est complexe. Il est donc commode de consi-
dérer des comportements idéaux, quitte ensuite à préciser le comportement réel par
rapport aux comportements idéaux. On distingue le domaine de l’élasticité et le
domaine de la plasticité.
2.1. Les corps élastiques sont caractérisés par une réponse instantanée et réver-
sible du solide à la contrainte donc indépendante du temps. Si la déformation est
proportionnelle à la contrainte, l’élasticité est dite hookéenne. La déformation
linéaire H est telle que H = V/ E ; pour un solide élastique hookéen isotrope,
E (= module d’Young) est le même pour toute direction de l’espace. En cisaillement
simple (Fig. 3.2a), sa déformation cisaillante est proportionnelle à la contrainte

20
3.1 • Le comportement des roches soumis à contrainte

tangentielle : J = W/ G (G = module de rigidité). Soumis à une pression hydrostatique,


le solide subit une variation relative de volume 'V/ V proportionnelle à la variation de
pression hydrostatique 'P : 'V/ V = 'P/ K (K = module d’incompressibilité). Si la
déformation n’est pas proportionnelle à la contrainte, l’élasticité est dite non-
linéaire.

Figure 3.2 – (a) Déformation cisaillante d’un corps élastique ;


(b) Déformation linéaire d’un corps élastique en compression uniaxiale.

Sous l’effet d’une compression uniaxiale Vz , un corps élastique hookéen isotrope


se raccourcit donc de Hz mais il s’allonge aussi de Hx dans la direction perpendicu-
laire à Vz (Fig. 3.2b). Le rapport Q = – Hx /Hz est appelé le coefficient de Poisson ; sa
valeur absolue est inférieure à 0,5. Ainsi Hx = – QHz et Vz = EHz = – EHx / Q. Il s’ensuit
qu’un cube soumis à des compressions triaxiales Vx , Vy, Vz orthogonales à ses faces,
se raccourcit de Hz z dû à la contrainte Vz mais qu’il s’allonge aussi suivant la même
direction de quantités Hx z et Hy z dûes respectivement aux contraintes Vx et Vy (ici les
premiers indices x , y, z de H indiquent que les déformations linéaires suivant la direc-
tion z résultent respectivement des contraintes Vx , Vy, Vz , insistons sur le fait qu’il
ne s’agit pas là de déformations cisaillantes) (Fig. 3.3), d’où :
Hz = Hz z – Hx z – Hy z = Vz /E – Q Vx /E – Q Vy /E
Hz = l / E [Vz – Q (Vx + Vy)]
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Les valeurs de Hx et Hy se déduisent de cette équation par permutation circulaire
des indices.
Donc dans le domaine des déformations élastiques (en général des faibles défor-
mations), pour un corps isotrope, il existe une relation linéaire entre tenseur des
contraintes TV et tenseur des déformations TH car chaque déformation Hi , j (avec i, j
égal au choix à x, y, z) est reliée linéairement à l’ensemble des Vi , j . Ce qui est vrai
pour les contraintes normales quand i = j est également vrai pour les contraintes
cisaillantes quand i z j. La rhéologie des corps élastiques hookéens est représentée
par un modèle de ressort (Fig. 3.4a). De façon générale les roches ne sont ni parfai-
tement élastiques sauf pour de faibles contraintes, ni isotropes.

21
Chapitre 3 • Étude phénoménologique de la réponse des roches à la contrainte

Figure 3.3 – Déformations linéaires élastiques d’un cube


soumis à des compressions orthogonales à ses faces.

Figure 3.4 – Modèles rhéologiques simples (a) d’un corps hookéen, (b) d’un
liquide newtonien, (c) d’un corps de Saint-Venant ; e est la déformation et e la
vitesse de déformation.

2.2. Les corps plastiques sont caractérisés par une réponse non réversible à la
contrainte ; il se produit un écoulement de la matière qui dépend du temps tel par
exemple le fluage plastique à contrainte constante (Fig. 3.6 et 3.7). Ce fluage peut
dans certains cas se produire à vitesse constante, c’est le fluage stationnaire. Mesurée
dans ce cas, la vitesse de déformation H est proportionnelle à la contrainte telle que
·
H = DV (T et P étant constants) ; D est appelé la fluidité et l /D = K, la viscosité.
La viscosité est une constante qui dépend du matériau, de la température, de la
pression et de la vitesse de déformation. Deux cas peuvent être considérés :
a. La viscosité est indépendante de la contrainte. La vitesse de fluage H est propor-
tionnelle à la contrainte : H = V/ K (2)
C’est le comportement visqueux newtonien des liquides et de certains solides.
Pour des roches à petite taille de grains (inférieur à 20 Pm, par exemple les mylo-
nites, voir Chap. 5, § 5.7), ce comportement peut être une bonne approximation de la

22
3.1 • Le comportement des roches soumis à contrainte

déformation à haute température (1 000-1 500 °C) et faible vitesse de déformation


(10 – 12 à 10 – 14 s – 1 ).
b. La viscosité dépend de la contrainte. La vitesse de fluage H est aussi propor-
tionnelle à la contrainte mais elle est exprimée alors empiriquement par une loi rhéo-
logique qui dépend d’un exposant de la contrainte :
· n
H = V eK (3)
avec n | 3 – 5 ou plus, souvent égal à 3. C’est un comportement dit non newtonien.
Nous avons utilisé ici la terminologie des physiciens du solide (voir Nicolas et
·
Poirier, 1976) qui étudient les lois de l’écoulement plastique > H = f V @ des minéraux
et des roches (voir Chap. 7). Mais il existe une autre terminologie fréquemment utilisée
par les mécaniciens et les structuralistes (voir Turcotte et Schubert, 1982 ; Hobbs, 1976 ;
Mattauer, 1973) qui admettent implicitement que la réponse du matériau n’est pas
sensible à la vitesse de déformation. Pour ceux-ci un corps idéalement visqueux est
un corps incapable de supporter une contrainte, sa déformation permanente se produit
sans seuil et la vitesse de déformation est linéairement liée à la contrainte ; c’est donc
un corps (par exemple, un liquide) visqueux newtonien sans seuil de déformation. Il
est représenté par un modèle d’amortisseur (en anglais : dashpot) (Fig. 3.4b). Un corps
idéalement plastique est un corps incapable de supporter une contrainte au-delà d’un
seuil – le seuil d’écoulement plastique Vp (Fig. 3.6 et 3.7) – à partir duquel il se déforme
de façon permanente ; c’est le comportement d’un corps dit de Saint-Venant qui est
représenté par un modèle de patin (Fig. 3.4c) c’est-à-dire par un poids reposant sur
un plan, poids qui est mis en mouvement pour une contrainte V atteignant le seuil de
friction. L’association de ces modèles rhéologiques simples permet de décrire des
comportements plus complexes, élastico-plastique, visco-élastique, plastico-visqueux
(voir § 3.2.3). Il n’y a pas de contradiction fondamentale entre les terminologies des
mécaniciens et des physiciens du solide ; le point de vue est simplement différent : le
premier concerne le comportement global du matériau, le second les lois de fluage
du matériau.
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Figure 3.5 – Schéma d’une presse utilisée pour la déformation d’échantillons


de roches en contrainte triaxiale (de révolution).

23
Chapitre 3 • Étude phénoménologique de la réponse des roches à la contrainte

Figure 3.6 – Graphe contrainte différentielle – déformation pour des cylindres


(l | 12 cm, diamètre | 5 cm) de marbre de Wombeyan déformés à vitesse
(3 mm / mn) et température constante pour des pressions de confinement
variables (d’après M.S. Paterson, 1958, Bull. Geol. Soc. Am, 69, 463).

3.2 L’INFLUENCE DES CONDITIONS PHYSIQUES 


SUR LA DÉFORMATION DES ROCHES
Nous examinerons successivement l’influence de la pression hydrostatique, de la
température, de la vitesse de déformation.

3.2.1 L’influence de la pression hydrostatique


1.1. Les effets d’une augmentation de la pression hydrostatique sur la déformation
des roches. Dans un milieu rocheux naturel, la pression lithostatique Vz z (= Ugh)
augmente avec la profondeur. Ceci a pour conséquence une augmentation de la
partie hydrostatique du tenseur des contraintes V [(6), Chap. 2] dont les effets ont
été analysés par de nombreux essais en compression.
Des échantillons sont placés dans l’enceinte d’une presse (Fig. 3.5). Ils sont soumis
à une pression hydrostatique extérieure à l’échantillon dite pression de confinement
(V3 = V2), fournie par une pompe hydraulique et transmise à l’échantillon par un fluide.
L’échantillon est recouvert d’un manchon de caoutchouc mou pour empêcher le fluide
de pénétrer dans la roche. La contrainte uniaxiale V1 = F / S est fournie par un piston.
L’échantillon est déformé à une vitesse constante et la déformation, mesurée par son
changement de longueur H, est étudiée en fonction de la contrainte différentielle
(V1 –V3 ). Chaque expérience est menée sur un échantillon pour une pression de
confinement V3 fixée. La pression hydrostatique à l’intérieur de l’échantillon vaut :
V = 1 e 3 2V 3 + V 1 . Tous les échantillons sont taillés dans un même bloc rocheux
pour être aussi identiques que possible dans chacune des expériences. La figure 3.6

24
3.2 • L’influence des conditions physiques sur la déformation des roches

montre des résultats d’expériences menées sur un marbre à des pressions de


confinement V3 allant de 0,1 à 100 MPa. Il apparaît clairement :
– que la fracturation est retardée par une augmentation de la pression de confine-
ment,
– que lorsque la pression de confinement atteint une valeur suffisamment élevée
(dans cette expérience 30 MPa), la rupture est supprimée pour des déformations
qui atteignent 3 % et éventuellement jusqu’à 20 % de raccourcissement.

Figure 3.7 – Graphe contrainte différentielle – déformation pour le calcaire


de Solenhofen, déformé en compression, à pression de confinement V3
constante et température variable (d’après H.C. Heard, 1960, Geol. Soc. Am.
Memoir, 79, 193).

En fait une augmentation de la pression hydrostatique a pour effet une suppres-


sion de la microfracturation dans la roche et permet ainsi de la maintenir dans le
domaine de la ductilité.
1.2. La transition ductile-cassante. Les roches polycristallines contiennent natu-
rellement de nombreuses microfissures. Lorsqu’elles sont soumises à une contrainte
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

et qu’elles se déforment élastiquement, les microfissures tendent à se propager (voir


Chap. 4, § 4.3.2 et 4.3.4). Par ailleurs, de nouvelles microfissures se forment quand
certains grains de la roche commencent à se déformer plastiquement. Ceci sera traité
de façon plus détaillée au chapitre 7 ; disons simplement que les grains favorablement
orientés par rapport à la contrainte se déforment plastiquement les premiers. Les dépla-
cements qui en résultent sont limités par les grains voisins. Il se développe ainsi des
contraintes internes dans les grains. Si les roches ne sont pas naturellement très ductiles
(c’est-à-dire si elles ne satisfont pas au critère de Von Mises, voir Chap. 7, § 7.2.2-
2.1) et si les contraintes sont suffisamment élevées, ces dernières produisent de
nouvelles microfractures. La formation et la croissance des microfractures entraînent
une augmentation du volume global du matériau qu’on appelle la dilatance et leur
propagation conduit par leur coalescence à la rupture macroscopique de la roche.

25
Chapitre 3 • Étude phénoménologique de la réponse des roches à la contrainte

Comme une augmentation de la pression hydrostatique s’oppose à l’augmentation de


volume par dilatance, elle gêne le développement et la coalescence des microfissures
et donc retarde la rupture macroscopique ce que montrent les expériences (Fig. 3.6).
Ainsi une augmentation de la pression hydrostatique tend à faire reculer vers les hautes
contraintes la transition ductile-cassante.

3.2.2 L’influence de la température


Mais la température croît aussi avec la profondeur : le gradient géothermique normal
est voisin de 30 °C/km mais peut atteindre dans certaines régions 100 °C/km.
2.1. Les effets d’une augmentation de la température sur la déformation des
roches ont été analysés avec des appareillages semblables à celui représenté sur la
figure 3.5 auquel a été ajouté un dispositif permettant de faire varier la température.
La figure 3.7 résume les résultats d’expériences menées, à pression de confinement
constante et température variable, sur un calcaire à grain fin. On y observe claire-
ment qu’une augmentation de température abaisse le seuil de fluage plastique, donc
produit un amollissement de la roche et augmente la quantité de déformation plas-
tique avant la rupture.
Ainsi, en profondeur, la pression hydrostatique retarde la rupture et la température
abaisse le seuil de plasticité. Par leurs effets conjugués, elles contribuent à étendre le
domaine de la ductilité des roches.
2.2. La transition solide-liquide (plastique-visqueuse). Une forte augmentation de
température peut conduire à la fusion partielle de la roche. Celle-ci contient alors des
poches de fluide qui, si la fusion est suffisante, affaiblissent le solide. Celui-ci
devient un milieu poreux, hétérogène. La déformation de telles roches comporte un
premier seuil qui correspond au moment où la trame solide poreuse devient
perméable : les poches liquides communiquent alors entre elles pour former un
réseau continu. La vitesse de déformation s’accroît alors brutalement (Fig. 3.8). Un
deuxième seuil correspond à une perte de continuité de la trame solide ; ceci se
produit pour environ 35 % de liquide de fusion. Des fragments de la trame solide
baignent alors dans un milieu liquide et la déformation suit une loi de déformation
visqueuse.
Il existe donc deux seuils qui séparent le comportement de trois ensembles de trames
solides imparfaitement connectées puisque séparées par un fluide et qu’on appelle
seuils de percolation. Les progrès de la physique des solides désordonnés permettent
de mieux décrire les instabilités de comportement de tels milieux hétérogènes au voisi-
nage des seuils de percolation (voir Guyon et Roux, 1987). Un tel type de déformation
intéresse non seulement les roches métamorphiques subissant une fusion anatectique
et les roches magmatiques en cours de cristallisation mais aussi la déformation de sédi-
ments imprégnés d’eau.

3.2.3 L’influence de la vitesse de déformation


·
Les essais en laboratoire se font à des taux H de l’ordre de 10 – 5 à 10 – 8 s – 1 allant
jusqu’à 10 – 9 s – 1 pour le fluage expérimental. Ceci est loin de représenter les

26
3.2 • L’influence des conditions physiques sur la déformation des roches

Figure 3.8 – Vitesse de déformation ( H· ) d’une roche à la transition plastique-


visqueuse en fonction du pourcentage de liquide de fusion (d’après A. Nicolas,
1989, Masson, Paris).

vitesses des phénomènes géologiques qui sont de l’ordre de 10 – 14 s – 1 à 10 – 15 s – 1


pour les déplacements horizontaux. Comment donc se comportent les roches aux
vitesses de déformation géologiques ?
3.1. Les expériences à vitesses de charge imposées. Pour des expériences
semblables à celles représentées sur la figure 3.1 on peut imposer des vitesses diffé-
rentes de mise en charge des échantillons. On constate alors (Fig. 3.9) que, quand la
vitesse de charge augmente, il y a diminution du domaine d’écoulement plastique et
qu’en même temps il y a augmentation de la limite d’élasticité VE . Donc, pour des
vitesses de déformation croissantes, le domaine de plasticité diminue ; la roche
devient plus cassante.
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Figure 3.9 – Influence d’une vitesse de charge croissante sur la déformation


d’une roche en compression uniaxiale (d’après Poulet, 1976, Rev. Inst. Franc.
Pétrole, 31, 781). E : module d’Young.

27
Chapitre 3 • Étude phénoménologique de la réponse des roches à la contrainte

3.2. Les expériences à charges constantes, le fluage. Des expériences menées à


hautes pressions de confinement (Fig. 3.10) montrent qu’après avoir obtenu une
déformation due à la mise en charge, si l’on maintient la contrainte constante, la
déformation se poursuit : c’est le fluage plastique à contrainte constante (voir
·
§ 3.1.1). On observe que la vitesse de fluage H est d’autant plus grande que la
contrainte différentielle est plus élevée.

Figure 3.10 – Fluage plastique à contrainte constante du calcaire de


Solenhofen à pression de confinement de 100 MPa
(d’après Griggs, 1936, J. Geol, 44, 541).

D’autres expériences ont été réalisées en soumettant des barreaux de roches à des
charges constantes, à pression et température ambiantes, pour des durées de l’ordre
de l’année. Le comportement des roches représenté par un graphe déformation-
temps (Fig. 3.11) montre que :
– pour des charges très inférieures à la contrainte critique de rupture, le fluage décé-
lère et tend vers une limite ; c’est le fluage primaire ou fluage transitoire
(Fluage I, Fig. 3.11a),
– pour des charges élevées (Fig. 3.11b) après un fluage primaire (Fluage I), on
observe un fluage stationnaire c’est-à-dire à vitesse constante, c’est le fluage
secondaire (Fluage II) ou « pseudo-visqueux ». Il est suivi d’un fluage accéléré ou
fluage tertiaire (Fluage III) qui peut mener à la rupture.
La décharge de l’échantillon renseigne sur le fluage. Lorsque la décharge inter-
vient au cours du fluage primaire (A, Fig. 3.11b), une partie de la déformation est
restituée instantanément donc élastiquement ; le reste est totalement restitué mais
progressivement, cette élasticité retardée est appelée anélasticité (ou viscoélasticité).
Au cours du fluage secondaire (Ac, Fig. 3.11b), la déformation est restituée d’abord
élastiquement puis anélastiquement mais il reste une déformation permanente. Le
comportement élastique est représenté (Fig. 3.12) par un modèle de ressort, le
comportement anélastique par un modèle de ressort associé en parallèle à un amor-
tisseur (unité dite de Voigt), ce dernier ralentit la restitution de l’énergie du ressort.
La déformation permanente est représentée par un amortisseur associé en série à un
patin qui fixe le seuil d’écoulement visqueux newtonien d’où le terme de fluage

28
3.3 • Le rôle de la nature des roches

Figure 3.11 – Courbes théoriques déformation – temps du fluage


à contrainte constante pour des charges faibles (a) et élevées (b)
(d’après Nadaï, 1950, McGraw-Hill, 572 p.).

pseudo-visqueux (ou plastico-visqueux). Pour des roches compactes à comporte-


ment élastique, soumises à une contrainte faible, le fluage primaire demeure peu
important, inférieur à 10 % de la déformation permanente. Par contre, pour les
roches plastiques telles les évaporites ou pour les roches devenues plastiques à
température élevée, le fluage peut devenir un facteur important de la déformation.
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Figure 3.12 – Modèle rhéologique simple du fluage primaire (I)


et secondaire (II).

3.3 LE RÔLE DE LA NATURE DES ROCHES


Il est certain que l’influence des conditions physiques sur la déformation des roches
dépend beaucoup de leur rhéologie intrinsèque, de leur homogénéité ou de leur hété-
rogénéité.

29
Chapitre 3 • Étude phénoménologique de la réponse des roches à la contrainte

3.3.1 Les roches homogènes


Les roches peuvent présenter des comportements élastiques, élasto-plastiques ou
plastiques dans les conditions ambiantes. Toutefois, en géologie structurale, on
décrit leur comportement de façon plus courante en distinguant des roches cassantes
dites aussi fragiles et des roches ductiles. Les roches cassantes se déforment élasti-
quement et peu plastiquement avant rupture, leurs déformations sont discontinues.
Les roches ductiles subissent de grandes déformations sans rupture, leurs déforma-
tions sont continues. En fait le terme ductile s’applique à un volume de matériau que
l’on considère comme un continuum homogène à une échelle donnée. Il ne préjuge
pas du mécanisme de l’écoulement (voir Chap. 7, § 7.1). Certaines roches peuvent
subir une déformation ductile notable avant d’atteindre la rupture ; leur comporte-
ment est dit ductile-cassant ou aussi ductile-fragile (voir § 3.2.1-1.2).

3.3.2 Les roches hétérogènes


La déformation des roches hétérogènes est extrêmement complexe ; aussi n’est-il
généralement envisagé que la déformation de volumes rocheux que l’on peut consi-
dérer en première approximation comme homogènes. Encore faut-il dire que cette
notion d’homogénéité dépend beaucoup de l’échelle spatiale à laquelle on observe la
déformation. À l’échelle microscopique pratiquement toutes les roches sont hétéro-
gènes. Un calcaire gréseux par exemple est un matériau tout à fait hétérogène à
l’échelle de la lame mince mais un banc de calcaire gréseux à l’échelle d’un pli de plu-
sieurs centaines de mètres de longueur d’onde peut être considéré comme un matériau
homogène avec une bonne approximation bien que sa déformation soit, elle, hétéro-
gène (voir Chap. 8). L’existence de niveaux de décollement, qui constituent un type
d’hétérogénéités majeures, sera discutée plus en détail au paragraphe 9.5.
Un cas particulier mérite d’être envisagé, c’est celui des roches contenant un
fluide. Des dispositifs expérimentaux permettent de faire varier la pression de fluide
à l’intérieur des échantillons dans les enceintes représentées sur la figure 3.5. Les
résultats obtenus montrent que pour des pressions de confinement et des tempéra-
tures élevées (Fig. 3.13a), une augmentation de la teneur en fluide «̯adoucit̯»,
amollit, les roches et favorise la déformation ductile.
Sans entrer dans les détails (voir Chap. 7, § 7.2), disons que la présence d’un
fluide qui mouille les joints des grains minéraux, augmente la diffusion des éléments
à la surface des grains et favorise leur déformation. Par contre, à faible pression de
confinement et faible température (Fig. 3.13b), une augmentation de pression du
fluide dans les pores de la roche favorise la rupture. Les fluides peuvent aussi agir en
corrodant sélectivement les fonds de fissures dans la roche. Cette corrosion sous
contrainte permet la propagation lente de fissures à une contrainte inférieure à celle
de la contrainte critique de rupture ; elle peut intervenir par exemple dans la propa-
gation des fissures dans les volcans. Les fluides agissent aussi par leur pression
propre à l’intérieur des pores. Cette pression interstitielle des fluides tend à ouvrir
les pores et s’oppose à la pression lithostatique qui, elle, tend à les fermer, ainsi la
pression hydrostatique effective diminue ce qui favorise la fracturation qui est dite
assistée par pression de fluide (voir pour plus de détails : Chap. 4, Fig. 4.9).

30
3.4 • Les domaines de la déformation géologique en fonction de la profondeur

Figure 3.13 – Effets de la teneur en fluide sur la déformation des roches


(a) Déformation ductile d’un marbre de Yule à température élevée, à sec et en
présence d’eau (d’après Griggs et al., 1953, Bull. Geol. Soc. Am., 64, 1327) ;
(b) Déformation cassante d’un calcaire de Solenhofen à température faible
pour des pressions interstitielles de fluides variables données à côté de
chaque courbe (d’après H.C. Heard, 1960).

3.4 LES DOMAINES DE LA DÉFORMATION 


GÉOLOGIQUE EN FONCTION DE LA PROFONDEUR
On peut distinguer en fonction de la profondeur, donc de la pression hydrostatique et
de la température, un domaine superficiel qui est essentiellement celui de la défor-
mation cassante (ou fragile) et un domaine plus profond de la déformation ductile,
soit des roches solides (plastique), soit ayant subi une fusion partielle (visqueuse) si
la température est suffisamment élevée (Fig. 3.14). Cette figure 3.14 doit se lire non
pas uniquement en fonction de la profondeur mais suivant les lignes correspondant
au géotherme d T/ d P. On pourra ainsi avoir une évolution de la déformation en fonc-
tion de la profondeur qui sera différente pour des faibles ou forts gradients géother-
miques. Mais il faut se garder de n’envisager la déformation géologique qu’en
fonction des seuls paramètres P-T. La déformation, nous l’avons vu, dépend aussi de
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la nature des roches. Beaucoup de roches sédimentaires élastiques et élasto-plas-


tiques ont un comportement cassant jusqu’à 4 000 m de profondeur (| 150 °C,
100 MPa) ; pour un gradient géothermique normal, il faut atteindre une profondeur
de 9 000 m et une température de 300 °C pour qu’elles montrent un comportement
ductile. Par contre, pour des conditions P-T semblables (300 °C, 200 MPa), les
roches ductiles comme le sel gemme subissent déjà un fluage plastique à contrainte
différentielle constante de | 10 MPa. La déformation dépend aussi des fluides
présents dans la roche : si la pression des fluides y est très élevée une déformation
cassante peut se produire quelle que soit la profondeur (voir Fig. 3.13b et Chap. 4,
§ 4.3.4-4.2). Enfin, la déformation dépend de la vitesse de déformation : des roches
sédimentaires désolidarisées d’un socle par un niveau très ductile et déformées à de

31
Chapitre 3 • Étude phénoménologique de la réponse des roches à la contrainte

très faibles vitesses peuvent se plisser dans un domaine superficiel. Par contre, dans
des conditions de P-T identiques, si ces roches sont solidaires d’un socle métamor-
phique ou granitique cassant qui se déforme par glissements intermittents mais
rapides sur des failles, les roches sédimentaires situées au-dessus de ces failles
auront aussi un comportement cassant.

Figure 3.14 – Représentation schématique des domaines de déformation


naturelle en fonction de la pression hydrostatique et de la température.

Il n’est certes pas toujours facile d’estimer l’influence des paramètres physiques
dans la déformation géologique d’autant plus que les valeurs obtenues par expéri-
mentation dépendent beaucoup des conditions expérimentales et ne sont donc pas
immédiatement transposables aux déformations géologiques. Toutefois, les
tendances montrées par ces expériences doivent être gardées présentes à l’esprit
dans les interprétations tectoniques car ces paramètres contrôlent nécessairement la
genèse des structures géologiques.

32
LA
DÉFORMATION
CASSANTE DES MILIEUX
4
ROCHEUX CONTINUS

Initiation des fractures

Tout comme les échantillons soumis aux essais mécaniques, les milieux rocheux
continus peuvent se déformer par rupture, se fracturer, quand ils sont soumis à des
contraintes tectoniques. Les déformations cassantes naturelles ainsi formées peuvent
être regroupées en deux grands types : d’une part les failles et les joints de cisaille-
ment, d’autre part les fentes et les diaclases.

4.1 FAILLES ET JOINTS DE CISAILLEMENT,


FENTES DE TENSION ET DIACLASES

4.1.1 Failles et joints de cisaillement


La plupart des grandes fractures observées sur le terrain, sur photographies
aériennes ou sur images satellites sont ce qu’on appelle des failles.
1.1. Définition et nomenclature. Une faille est une fracture macroscopique des
matériaux de l’écorce terrestre, fracture accompagnée d’un glissement l’un par
rapport à l’autre des blocs que celle-ci sépare. Il existe des failles de l’échelle de la
centaine de kilomètres (ce sont dans ce cas plutôt des zones de failles) à celle de
l’affleurement ou de l’échantillon ; dans ces derniers cas, on parle souvent de micro-
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failles. Puisqu’il y a glissement relatif des blocs, c’est qu’il existe une contrainte
cisaillante W sur le plan de fracture ; on emploie donc souvent le terme de joint de
cisaillement pour désigner des microfailles sur lesquelles le déplacement est en
général très faible.
Le plan de faille est donc un plan de cisaillement (Fig. 4.1). En fait, c’est souvent
une surface irrégulière, ondulée ou courbe, parfois remplacée par une zone plus ou
moins épaisse contenant de nombreux plans de cisaillement (voir Fig. 5.5). Au
contact du plan de faille les blocs peuvent être polis au cours du mouvement et
former ce qu’on appelle des miroirs de failles. Ceux-ci portent souvent des stries de
friction qui indiquent la direction et le sens du vecteur-glissement S (voir chap. 5
§ 5.4). Le bloc situé au dessus du plan de faille est appelé le toit, celui situé sous le

33
Chapitre 4 • La déformation cassante des milieux rocheux continus

plan de faille est appelé le mur. Le vecteur-glissement S joint sur le plan de faille
deux points A et Ac du mur et du toit qui étaient initialement contigus (Fig. 4.1). Le
rejet RV est sa composante suivant la verticale, RT est sa composante horizontale
dans le plan perpendiculaire au plan de faille et correspond ici à l’allongement du
matériau. Dans le cas d’une faille décrochante (Fig. 4.2c, d) le vecteur-glissement
est horizontal et il n’existe donc qu’un rejet horizontal suivant la direction de la faille
(= rejet-direction RD), RV = 0. La direction de la faille est donnée par l’horizontale
(d) tracée sur le plan de faille et son azimut est l’angle E que fait la direction de la
faille avec le nord géographique. Le pendage de la faille est l’angle D que fait le plan
de faille avec l’horizontale du lieu.

Figure 4.1 – Nomenclature liée à une faille.

1.2. Les types de failles. Il existe de nombreuses classifications de failles, nous ne


donnerons ici que celle, fondamentale, qui est basée sur le glissement réel des blocs
séparés par la faille. Nous ne nous intéressons ici volontairement qu’aux failles dont
le glissement se fait suivant la ligne de plus grande pente ou suivant la direction de la
faille (Fig. 4.2).
Une faille normale présente un glissement du toit vers le bas par rapport au mur et
produit un allongement horizontal (+ 'l) du matériau (Fig. 4.2a). Une faille inverse
présente un glissement du toit vers le haut par rapport au mur et produit un raccour-
cissement horizontal (– 'l) du matériau (Fig. 4.2b).
Les failles à glissement horizontal sont des failles décrochantes. Une faille est
décrochante dextre si l’observateur debout, regardant dans la direction de la faille, a
le bloc à sa main droite qui a glissé vers lui (Fig. 4.2c) ; si c’est le bloc à sa main
gauche (Fig. 4.2d), la faille est décrochante senestre. Associées en système de failles
dextres et senestres (Fig. 4.2e), les failles décrochantes produisent à la fois un allon-
gement et un raccourcissement horizontal sans épaississement ni amincissement
vertical du matériau.

34
4.1 • Failles et joints de cisaillement, fentes de tension et diaclases

Figure 4.2 – Les différents types de failles distingués d’après le glissement


réel : (a) normale, (b) inverse, (c) décrochante dextre, (d) décrochante senestre.

4.1.2 Les fentes de tension et les diaclases


Les fentes de tension sont des fractures qui, en section, présentent des bords (des
épontes) écartés dans la partie centrale et jointifs aux extrémités (Fig. 4.3a). Les
épontes ont subi un déplacement (+ 'l) perpendiculaire au plan de fracture, donc
sans cisaillement. Des fibres minérales cristallisent souvent perpendiculairement
aux épontes : cristallisations de calcite dans les calcaires, de gypse ou de sel dans les
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évaporites, de quartz dans les roches siliceuses et les granites. L’ouverture des fentes
est en général millimétrique à décimétrique. Leur longueur axiale va du centimètre à
quelques dizaines de mètres, exceptionnellement elle atteint quelques centaines de
mètres (= les gjas, voir Fig. 6.11).
Les diaclases sont des fractures qui, comme les fentes, ne montrent pas de trace
de cisaillement mais dont cependant les épontes restent jointives. Elles forment des
réseaux de fractures, en gros, perpendiculaires à la stratification. On emploie aussi le
terme de «joint» dans un sens très général pour désigner des fractures aux épontes
jointives sans traces de cisaillement mais ayant, elles, une disposition quelconque
par rapport à la stratification. Des réseaux de joints sont souvent associés aux failles.

35
Chapitre 4 • La déformation cassante des milieux rocheux continus

Lorsque la maille de ces joints est serrée, ceux-ci contribuent à augmenter les capa-
cités de réservoir en fluides (eau, pétrole) des roches.

4.1.3 Les joints stylolithiques


Les joints stylolithiques sont des surfaces portant des pics et des creux en forme de
colonnes ou de cônes qu’on appelle des pics stylolithiques ou stylolithes (Fig. 4.3b)
dont la taille varie de quelques millimètres à quelques centimètres. Ces joints stylo-
lithiques se présentent comme des surfaces suivant lesquelles deux blocs adjacents
sont étroitement engrenés. Il ne s’agit donc pas de fractures ; ils ne sont cités ici que
parce qu’ils sont souvent associés aux fentes de tension. Nous verrons (Chap. 7)
qu’il s’agit de surfaces de dissolution par pression, abondantes dans les roches
calcaires mais aussi présentes dans les roches siliceuses.

Figure 4.3 – Fente de tension et joint stylolithique.

4.2 LES PLANS DE FRACTURE


DANS LES ESSAIS MÉCANIQUES
Au chapitre 3, nous avons précisé les conditions physiques dans lesquelles se produit
la rupture au cours des essais mécaniques. Nous allons maintenant examiner la
géométrie des plans de fracture formés.

4.2.1 La rupture en compression


À pression de confinement de 0,1 MPa (Fig. 3.6), la rupture est cassante : elle se
produit après une faible déformation élastique. Les surfaces de fracture sont orien-
tées parallèlement à la contrainte uniaxiale V 1 (Fig. 4.4a). Il y a perte de cohésion du
matériau qui se fend le long de ces surfaces sans glissement relatif des blocs. Ces
fractures sont des fentes.
À pression de confinement (V 3 = V 2) plus élevée (Fig. 3.6) et/ou température plus
élevée (Fig. 3.7), la rupture est ductile-cassante ; elle se produit après une certaine
déformation ductile : l’échantillon cylindrique prend par raccourcissement une

36
4.2 • Les plans de fracture dans les essais mécaniques

forme de barillet (Fig. 4.4b). La rupture se produit le long de deux familles de plans
conjugués qui forment un dièdre 24 souvent voisin de 60° dont le plan bissecteur
contient la direction de compression maximum V 1 . Un glissement relatif des blocs
se produit le long de ces plans ; ceux-ci sont donc des plans de cisaillement.

4.2.2 La rupture en traction


À pression de confinement de 0,1 MPa, l’échantillon se casse suivant des surfaces
non planes approximativement perpendiculaires à la direction de la contrainte
uniaxiale V 3 (Fig. 4.4c). Mais l’existence de défauts préexistants dans la roche fait
que, souvent, la rupture en traction se produit préférentiellement sur ceux-ci. Des
expériences ont été aussi réalisées à pressions de confinement et/ou températures
élevées. La pression de confinement (V 1 = V 2) est alors supérieure à la charge (V 3) ;
l’échantillon s’allonge dans la direction de la charge par déformation ductile, préfé-
rentiellement dans la partie centrale de l’échantillon formant un étranglement, un
«cou». La rupture se produit suivant deux familles de plans de cisaillement conju-
gués formant un dièdre souvent voisin de 120° dont le plan bissecteur contient la
direction de la contrainte compressive minimum V 3 (Fig. 4.4d). Toutefois, dans la
partie centrale du cou, la rupture se fait souvent perpendiculairement à V 3 .

4.2.3 Interprétation de la géométrie des plans de rupture


Comme dans ces expériences la déformation ductile demeure faible, on admettra
pour simplifier que le matériau reste isotrope. Une sphère unitaire de matériau se
transforme en un ellipsoïde de déformation dont on a représenté une section conte-
nant les axes X et Z (Fig. 4.4 e, f). Remarquons que dans les conditions expérimen-
tales, la déformation est de révolution soit autour de l’axe Z (essais en compression)
soit autour de l’axe X (essais en traction). Les fractures formées en traction et en
compression sont volontairement représentées sur les mêmes ellipses de déforma-
tion bien que dans les deux cas, à la rupture, les axes des ellipses n’aient pas les
mêmes élongations pour les mêmes conditions de pression de confinement et de
température. Cela permet une interprétation qualitative commode de l’orientation
des plans de fracture par rapport aux axes Z et X de déformation. Les fentes formées
en compression sont parallèles à l’axe Z, celles formées en traction sont perpendicu-
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laires à l’axe X, donc aussi parallèles à l’axe Z (Fig. 4.4 e). En compression, les
plans de cisaillement conjugués forment un dièdre aigu 24 souvent voisin de 60°
dont la bissectrice est l’axe Z. En traction, les plans de cisaillement conjugués
forment un dièdre obtus souvent voisin de 120° dont le plan bissecteur contient l’axe
X ; l’axe Z est donc aussi dans le plan bissecteur du dièdre supplémentaire aigu 24.
Si l’on suppose que les déformations sont faibles et que le milieu reste isotrope,
comme la déformation est non rotationnelle, les axes principaux de la déformation
et de la contrainte sont coaxiaux (Fig. 4.4g). Il apparaît alors que, aussi bien en trac-
tion qu’en compression, les fentes sont parallèles à V 1 et perpendiculaires à V 3 et
que les plans de cisaillement conjugués forment un dièdre aigu 24 dont le plan
bissecteur contient V 1 et un dièdre obtus (S – 24) dont le plan bissecteur contient V 3 .

37
Chapitre 4 • La déformation cassante des milieux rocheux continus

En contrainte polyaxiale (V 1 > V 2 > V 3), les plans de cisaillement ont pour intersec-
tion l’axe V 2 . Dans les conditions expérimentales (V 1 > V 2 = V 3 et V 3 < V 2 = V 1) les
surfaces de cisaillement sont des cônes d’axes V 1 ou V 3 .

4.2.4 Limite de rupture et angle de rupture


On peut interpréter de façon commode et simplificatrice (Fig. 4.4) l’orientation des
plans de fracture par rapport aux axes principaux de la déformation ou, compte tenu
des hypothèses faites, des axes principaux de la contrainte. Toutefois, pour un maté-
riau donné, dans les mêmes conditions de pression de confinement et de tempéra-
ture, la résistance à la rupture des roches est en général beaucoup plus faible en
traction qu’en compression (Fig. 4.5a). Par ailleurs, pour un matériau donné, l’angle
de rupture 24 varie avec la température et la pression de confinement. Les essais
mécaniques sur le marbre de Wombeyan (Fig. 3.6) montrent par exemple que l’angle
de rupture 24 varie entre ; 50 et 65° pour des pressions de confinement allant de 2 à
30 MPa (Fig. 4.5b). D’autre part, l’angle de rupture 24 est en général plus faible en
traction qu’en compression.

Figure 4.4 – Plans de fracture formés au cours d’essais mécaniques


en compression et en traction.

4.3 LES CRITÈRES DE RUPTURE


Pour un système de contraintes donné et pour un matériau donné, il est important de
pouvoir disposer d’un critère qui permette de prédire pour quelle contrainte aura lieu
la rupture et surtout qui permette de prévoir quelle sera l’orientation du plan de frac-
ture.

38
4.3 • Les critères de rupture

Figure 4.5 – (a) Résistance d’un béton en traction et en compression,


(b) angle de cisaillement 24 du marbre de Wombeyan en fonction de la pression
de confinement (d’après M.S. Paterson, 1958, Geol. Soc. Amer. Bull., 69, 465).

4.3.1 Le critère de Coulomb-Navier


Le critère le plus simple est celui de Coulomb (1773) : il admet que la rupture
commence quand la contrainte cisaillante W atteint une valeur C, appelée la résis-
tance au cisaillement. Dans les cas simples d’une contrainte uniaxiale ou biaxiale,
les relations [(2), (3), Chap. 2], montrent que W est maximum pour sin24 = 1, c’est-
à-dire pour tout plan faisant avec la direction de compression maximum un angle
4 = 45°.
Mais les résultats expérimentaux montrent que 4 est inférieur à 45° et dans de
nombreux cas voisin de 30°. Pour mieux rendre compte de ces résultats, Navier a
introduit l’hypothèse que la contrainte V N normale au plan de cisaillement s’oppose
au glissement et donc augmente la résistance au cisaillement. Il y a là une analogie
avec la friction (f) d’un corps placé sur un plan incliné d’un angle M qui glisse sous
son propre poids P pour une force tangentielle T = f (Fig. 4.6a). Alors,
T = N tanM, T étant la force tangentielle et N la force normale au plan, ce qui
s’écrit aussi T = P N (Loi d’Amonton) avec le coefficient de friction P = tanM. Dans
le cas où le corps jusqu’alors immobile commence à glisser, P est le coefficient dit
de friction statique P s et dans le cas où le corps glisse à vitesse constante, P est le
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coefficient de friction dynamique P d ; en général P s . P d . Le critère de


Coulomb-Navier admet donc que la fracture se produit le long d’un plan sur lequel
la contrainte cisaillante est suffisamment grande pour vaincre la cohésion du maté-
riau C o (due aux forces de liaisons interatomiques) et la résistance à la friction
statique :
Wc = Co + PiVN (1)
P i est appelé le coefficient de friction interne et M tel que P i = tanM est l’angle de
friction interne. La figure 4.6b montre que les conditions optimales pour que W soit
le plus grand quand V N est le plus petit sont réalisées quand 4est inférieur à 45° car
alors, quand 4décroît, V N décroît plus rapidement que W.

39
Chapitre 4 • La déformation cassante des milieux rocheux continus

Figure 4.6 – (a) Corps glissant avec friction sur un plan incliné d’un angle M°,
(b) variation des valeurs de W et V N en fonction de l’angle 4°, en contrainte
uniaxiale [voir (2), Chap. 2].

4.3.2 Le critère de Griffith


Toutefois le calcul de la magnitude des forces interatomiques, qui doivent être vain-
cues pour produire la rupture d’un cristal, montre que ces forces excèdent de 3
ordres de grandeur la résistance à la traction de celui-ci. Griffith (1924) a proposé
que ceci est dû à la présence de défauts dans la structure du cristal, défauts dus à des
craquelures microscopiques. Ces craquelures ont pour effet de produire une impor-
tante concentration de contraintes à leurs extrémités.
Examinons le cas simple d’une contrainte uniaxiale macroscopique T, en traction,
appliquée à un échantillon et dont la direction est orthogonale à une craquelure de
forme elliptique ayant un grand axe 2c, grand par rapport au petit axe (Fig. 4.7a). Le
calcul de la contrainte V en fond de craquelure en utilisant les lois de l’élasticité
linéaire donne :
V = 2T c e r m (2)

Figure 4.7 – (a) Contrainte V au fond d’une fissure ayant la forme d’une ellipse
et soumise à une traction T orthogonale au grand axe (d’après Price, 1966,
Pergamon, Oxford, 338 p.) (b) Pressions appliquées sur les parois d’un pore rempli
de fluide. La pression hydrostatique est égale à la pression lithostatique.

40
4.3 • Les critères de rupture

r m étant le rayon de courbure en fond de craquelure. Il apparaît alors que, pour un


fond de fissure très effilée, quand r m o 0, la contrainte V o f. Dans un matériau où
les craquelures sont orientées de façon aléatoire, ce sont les craquelures orientées
perpendiculairement, ou presque, à la traction macroscopique (T) qui commenceront
à se propager les premières quand la contrainte V en fond de fissure atteindra une
valeur critique dépassant la cohésion interatomique du matériau. Ceci explique en
particulier que la résistance des roches en traction soit plus faible qu’en compres-
sion, cette dernière tendant à fermer les craquelures (Fig. 4.5a).

4.3.3 La représentation graphique du critère de rupture :


le cercle de Mohr et l’enveloppe de Mohr
3.1. Le cercle de Mohr. Par souci de simplicité nous nous placerons dans un cas idéal,
celui de la contrainte plane. Nous avons montré que si 4 est l’angle que fait un plan
donné SS c avec la contrainte principale compressive V 1 (Fig. 4.4b), alors la contrainte
normale V N et la contrainte tangentielle W à ce plan ont pour valeur [(3), Chap. 2] :
V N = 1/2 (V 1 + V 3) – 1/2 (V 1 – V 3) cos24 et W = 1/2 (V 1 – V 3) sin24 (3)
Cette analyse serait la même dans le cas d’une contrainte triaxiale pour l’initiation
de plans de rupture ; ceux-ci ayant pour intersection l’axe V 2 , la valeur de V 2 n’inter-
vient pas dans le calcul de V N et de W pour ces plans. Le cercle de Mohr offre une
représentation graphique simple de ces relations (Fig. 4.8a). Si V 3 et V 1 sont les
abscisses du diamètre d’un cercle dans un système orthonormé (OW, OV) et si 24 est
l’angle que fait la droite des abscisses avec la droite qui joint le centre du cercle à un
point A situé sur la circonférence du cercle, alors tout point A sur le cercle a pour
abscisse et pour ordonnée respectivement V N et W (Fig. 4.8a). Ce point A représente
donc la contrainte appliquée au plan SSc.
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Figure 4.8 – (a) Représentation par le cercle de Mohr des contraintes


normale (V N) et tangentielle (W) sur un plan
(b) Représentation du critère de rupture par une enveloppe de Mohr.

3.2. L’enveloppe de Mohr. La théorie de Mohr suppose qu’à la rupture, les


contraintes normale et cisaillante sont liées par une relation W = f(V) que nous suppo-
serons d’abord linéaire et représentée par la droite ' faisant avec l’axe des V un

41
Chapitre 4 • La déformation cassante des milieux rocheux continus

angle M (Fig. 4.8b). Pour tout cercle (C1) situé en dessous de la droite ', les
contraintes (W,V) représentées par les points sur ce cercle (C1) n’atteignent pas la
valeur critique de rupture, le matériau ne se fracture pas. Pour tout cercle (C3) qui
coupe cette droite ', la partie du cercle située au-dessus de la droite, représente des
contraintes entraînant la rupture. Pour le cercle C2 tangent à la droite ' au point R, ce
point représente la contrainte critique à laquelle s’initie la fracture et 4 est l’angle de
rupture. On remarque alors que pour tout cercle tangent à cette droite ', WC = OA +
AB ; AO est constant et AB = VN·tan M, d’où WC = OA + VN tan M. On retrouve là le
critère de rupture de Coulomb-Navier avec OA = Co la cohésion du matériau, M
l’angle de friction interne et le coefficient de friction interne Pi = tanM. Pour un maté-
riau donné, on peut déterminer expérimentalement W et VN à la rupture pour diffé-
rentes valeurs de V1 et V3 (Fig. 3.6) et tracer les cercles correspondant à ces
conditions de rupture. L’enveloppe de tous ces cercles qui représente le critère empi-
rique de rupture du matériau est appelée l’enveloppe de Mohr. En général, ce n’est
pas une droite (Fig. 4.9) comme nous l’avons supposé ci-dessus. En compression et
pour de fortes pressions hydrostatiques, les conditions de rupture se situent à droite
sur la partie rectiligne de l’enveloppe de Mohr ; dans ce cas, le critère de Coulomb-
Navier rend bien compte des données expérimentales. Envisageons le cas où la pres-
sion hydrostatique Ps augmente, P s = V = 1 e 3 V 1 + V 2 + V 3 [(6), Chap. 2]. Le
centre du cercle de Mohr a pour abscisse OC = ½ (V1 + V3) = 3/2 Ps – 1/2 V2. Dans le
cas de la contrainte plane, V2 = 0, le centre du cercle se déplace vers la droite sur
l’axe des abscisses d’une quantité 3/2 Ps. Le point de tangence R sur ' se déplace
aussi vers la droite et l’angle 24 augmente ; ceci est conforme aux résultats expéri-
mentaux (Fig. 4.5b). Par contre, dans le domaine de la tension, le cercle tangente
l’enveloppe de Mohr, à gauche dans sa partie à pente forte ; l’angle 24 est petit,
voisin de zéro : c’est le domaine de la rupture cassante. Là, la pente forte de l’enve-
loppe de Mohr traduit le fait que la résistance du matériau à la traction est beaucoup
plus faible qu’en compression, ce qui est en accord avec la théorie de Griffith.

4.3.4 L’influence des fluides interstitiels sur la rupture


Les données expérimentales (Fig. 3.13b) montrent qu’une augmentation de la pression
de fluides dans les pores de la roche favorise la rupture. Cette observation s’interprète
bien par l’enveloppe de Mohr. La pression hydrostatique Ps sur la trame solide exerce
une force normale aux parois du pore et tend à les fermer. La pression interstitielle
de fluides Pi exerce aussi une force normale aux parois du pore mais elle tend à les
ouvrir. La pression effective, P eff. sur les parois du pore est donc P eff. = Ps – Pi
(Fig. 4.7b).
4.1. Fracturation assistée par pression de fluide. Dans un milieu rocheux
perméable c’est-à-dire dont les fissures sont connectées, la pression interstitielle Pi
est égale au poids de la colonne de fluide sus-jacente de densité Ui. La pression
hydrostatique Ps sur la trame solide due à la seule pression lithostatique de la
colonne de roche sus-jacente de densité Us est égale à 1/3 Usgh [1 + 2 n/(l-v)],
[voir (13), § 4.5.1-1.3]. D’où la pression effective :
P eff. = 1/3 Usgh [1 + 2 Q/(1 – Q)] – Uigh (4)

42
4.3 • Les critères de rupture

En profondeur, les communications du réseau de perméabilité devenant de plus en


plus difficiles, la pression de fluide Pi augmente et tend vers Ps. Dans la représenta-
tion de Mohr, en admettant pour simplifier comme aux § 3.1 et 3.2 une contrainte
plane (V2 = 0), le centre du cercle d’abscisse 3/2 Ps se déplace vers la gauche d’une
quantité 3/2 Pi (Fig. 4.9) et tangente l’enveloppe de Mohr au point de rupture R. Si la
contrainte différentielle (V1 – V3) est élevée, le rayon du cercle est grand et le point
de rupture R sera tel que 24 est grand (Fig. 4.9a) ; la fracturation se fait par joints de
cisaillement. Si la contrainte différentielle est faible, le rayon du cercle est petit et
tangente l’enveloppe de Mohr sur sa partie à pente forte ; la fracturation se fait avec
un angle voisin de 0° (Fig. 4.9b), par fentes de traction. La fracturation assistée par
pression de fluides peut donc favoriser la formation de failles ou de fentes. Toute
cause qui libère des fluides, compaction des sédiments, métamorphisme, fusion
partielle des roches, fait aussi augmenter Pi et favorise la fracturation assistée par
pression de fluide.

Figure 4.9 – Représentation par l’enveloppe de Mohr de la fracturation


assistée par pression de fluide pour une contrainte différentielle élevée (a)
et faible (b).

4.2. Fracturation hydraulique. Quand un milieu imperméable entoure un autre


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

milieu, la libération des fluides dans ce dernier par des réactions métamorphiques de
déshydratation ou des fusions partielles de roches, peut conduire à une pression
interstitielle Pi plus grande que la pression hydrostatique Ps sur la trame solide. Il y a
fracturation dite hydraulique de la roche. Un réseau de perméabilité s’établit qui
correspond à un premier seuil de percolation (Fig. 3.8). Si la teneur en fluide
augmente, un 2e seuil de percolation peut être franchi, la trame solide perd sa conti-
nuité et le comportement du milieu devient celui du fluide. Nous verrons (Chap. 9)
qu’une telle fracturation hydraulique intervient dans les niveaux contenant
des évaporites à la base de certaines nappes et favorise leur transport (Chap. 9,
§ 9.1.4).

43
Chapitre 4 • La déformation cassante des milieux rocheux continus

4.4 SIMULATION ANALOGIQUE DE L’INITIATION


ET DE LA PROPAGATION DES FAILLES
DANS UN MILIEU ROCHEUX
Dans les essais mécaniques, la fracturation ne concerne que de petits échantillons et
elle est généralement brutale. On a donc depuis longtemps cherché à simuler la
propagation de failles dans un milieu rocheux de dimensions plurikilométriques en
utilisant des modèles réduits. Ces simulations sont dites analogiques ; des simula-
tions numériques sont aussi possibles sur ordinateur.

4.4.1 La théorie des modèles réduits


Pour qu’un modèle réduit représente valablement le comportement de l’original, il
doit satisfaire aux conditions de similitude : les caractéristiques géométriques et
mécaniques du modèle doivent être semblables à celles de l’original ; on dit que
l’expérience est « dimensionnée ».
L’étude théorique (K. Hubbert, 1937) montre que le facteur de réduction d’une
caractéristique du matériau est donné par le rapport des équations aux dimensions de
cette caractéristique dans le modèle et dans l’original. Les équations aux dimensions
sont établies à partir des paramètres de masse (M), longueur (L) et temps (T). Les
rapports de similitude seront donc définis par les rapports des paramètres du modèle
(Mm, Lm, Tm) et de l’original (Mo, Lo, To) soit : M* = Mm/Mo, L* = Lm/Lo et
T* = Tm/To. Pour une contrainte, par exemple, qui a les dimensions d’une force
(F = MJ) divisée par une surface (L– 2), le facteur de réduction des contraintes (noté
6*) est égal à :
6* = M* L* T*– 2. L*– 2 = M* L*– 1 T*– 2 (5)
À titre d’exemple très simple, on peut calculer quelle doit être la résistance à la
rupture en compression (6m) du matériau homogène d’un modèle carré de côté
Lm = 50 cm et de 12,5 cm d’épaisseur représentant l’initiation de failles dans une
croûte de granite sans défaut de côté Lo = 50 km et de 12,5 km d’épaisseur dont la
résistance à la rupture en compression est 6o = 2.10̯2 MPa. L’expérience représen-
tant des mouvements lents sur une période de temps géologique (donc à l’exclusion
de séismes), les accélérations sont petites et les forces d’inertie sont négligeables par
rapport aux forces gravitaires et tectoniques. On peut donc admettre que les forces
d’inertie sont nulles d’où F* = M*L*T*– 2 | 0 (F* = rapport de similitude des
forces), ce qui implique que M*, L* et T* sont indépendants. La seule accélération à
considérer est celle de la pesanteur qui est la même pour le modèle et l’original d’où
le rapport d’accélération G*g = L*T*– 2 = 1. Ceci permet de sortir L*T*– 2 des
facteurs de réduction. L’expression de 6* peut alors se simplifier :
6* = M* L*– 1 T*– 2 = M* L*– 2 (6)
Remplacer le rapport de masse par le rapport de densité (D̯*) donne :
6* = M* L*– 2 = D* L*3 L*– 2 = D* L* (7)

44
4.4 • Simulation analogique de l’initiation et de la propagation des failles

Si le matériau utilisé est de l’argile dont on supposera pour simplifier une densité
voisine de celle du granite, D* | 1 d’où 6* | L*.
Le rapport de similitude de la résistance à la rupture en compression est celle des
dimensions du modèle soit 10– 5, ce qui donne une résistance du matériau du modèle
6m = 2.103 Pa. C’est l’ordre de grandeur de la résistance d’une argile très molle qui
s’étale sous son propre poids. Pour les expériences simulant une déformation ductile
de la croûte, les matériaux utilisés (la silicone par exemple) ont une vitesse de défor-
mation (H) proportionnelle à la contrainte (H = VK, Fig. 3.4b), les expériences
doivent alors tenir compte du rapport des vitesses de déformation du modèle aux
vitesses géologiques. Ceci se traduit par un facteur de réduction K* de la viscosité
des matériaux :
K* = M*L*– 1 T*– 2/L* L*– 1 T*– 1 = M*L*– 1 T*– 1 (8)
Pour autant que les forces d’inertie soient encore négligeables et que la seule
accélération à considérer soit la pesanteur, G*g = L* T*– 2 = 1, alors
K* = M * L*– 2 T* = D* L* T̯* (9)
Si D* et L* sont fixés par le matériau du modèle et sa taille, T* détermine le
rapport des viscosités ou inversement le rapport des viscosités fixe le facteur de
réduction du temps.

4.4.2 La formation des fractures en déformation


non rotationnelle
Les simulations de fractures décrites ci-dessous utilisent des gâteaux d’argile molle
de 50 cm de long, 25 cm de large et 12,5 cm d’épaisseur. Elles respectent les règles
de similitude décrites au paragraphe précédent. Le gâteau d’argile est placé horizon-
talement sur une maille carrée, déformable en losanges par traction ou compression
horizontale de telle sorte que la déformation soit non rotationnelle. Des cercles
imprimés à la surface de l’argile sont, à l’état final, déformés en ellipses qui visuali-
sent la déformation continue. Celle-ci est un cisaillement pur (voir Fig. 2.13a), en
déformation plane dans le plan horizontal (Fig. 4.10). Si l’argile est fortement
mouillée en surface, ce qui a pour effet de diminuer sa tension superficielle et sa
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

résistance à la traction, la déformation est cassante, il se forme des fentes perpendi-


culaires à l’axe X de l’ellipse (Fig. 4.10a). Si l’expérience est menée sans mouiller
l’argile en surface, la déformation est ductile-cassante, et il se forme des joints de
cisaillement conjugués dont l’angle 24 voisin de 60° admet pour bissectrice l’axe Z
de l’ellipse (Fig. 4.10b). Les plans de fracture s’initient donc avec une orientation
semblable à celle observée dans les essais mécaniques (Fig. 4.4). La déformation
étant non rotationnelle, le milieu macroscopiquement isotrope et les déformations
petites, on peut considérer que les axes principaux de la contrainte et de la déforma-
tion sont coaxiaux. Les fentes sont parallèles à V1 et perpendiculaires à V3 ; les
joints de cisaillement conjugués forment un angle aigu 24 qui admet V1 pour bissec-
trice et un angle obtus (S – 24) qui admet V3 pour bissectrice (Fig. 4.10c). Si la
déformation augmente, l’ellipse est cassée par les joints de cisaillement dont une

45
Chapitre 4 • La déformation cassante des milieux rocheux continus

famille (D) montre un mouvement dextre et l’autre famille (E) un mouvement


senestre. La valeur de l’angle 24 augmente et peut même dépasser 90°, les angles
41 et 42 restant égaux (Fig. 4.10d). On dit qu’il y a rotation interne des plans de
cisaillement, cette rotation est symétrique par rapport aux axes principaux de la
déformation.

Figure 4.10 – Fentes de tension et joints de cisaillement obtenus par


déformation non rotationnelle sur modèles réduits (d’après E. Cloos, 1955,
Geol. Soc. Amer. Bull., 66, 241).

4.4.3 Formation des fractures en déformation rotationnelle


3.1. Des expériences analogues à la précédente ont été réalisées en déformation
rotationnelle (Riedel, 1929). Le gâteau d’argile est placé sur deux plaques de métal
jointives reposant sur un plan horizontal. Ces plaques sont déplacées parallèlement à
leurs bords zzc de telle sorte que le gâteau d’argile soit soumis à un couple cisaillant
moteur, dextre sur la figure 4.11. Les cercles imprimés sur l’argile sont déformés en
ellipses qui visualisent la déformation continue; celle-ci est un cisaillement simple
(Fig. 2.13b) dans le plan horizontal. Au début de l’expérience, les grands axes des
ellipses, orientés conformément au sens du cisaillement, font avec la direction zzc un
angle de 45°. Si l’argile est mouillée en surface, il se forme des fentes (Fe), orientées
à 45° de zzc et parallèles à l’axe Z de l’ellipse. Si l’expérience est menée sans
mouiller l’argile en surface, il se forme des joints de cisaillement conjugués (R et
Rc), symétriques par rapport à l’axe Z, faisant un angle 24 voisin de 60° (Fig. 4.11a).
Les joints de cisaillement dextres, sont dits synthétiques du couple cisaillant moteur.

46
4.4 • Simulation analogique de l’initiation et de la propagation des failles

On les appelle aussi joints de cisaillement R (du nom de Riedel) ; ils forment avec la
direction de zzc un angle voisin de 15°. Les joints de cisaillement senestres sont dits
antithétiques du couple cisaillant moteur, on les appelle aussi joints de cisaillement
Rc. Ce qui est remarquable, et qui ne s’observe pas en déformation non rotationnelle,
c’est que les fentes et les joints de cisaillement sont disposés parallèlement dans la
zone de cisaillement suivant un dispositif que l’on dit « en échelon ». Si la déforma-
tion se poursuit (Fig. 4.11b), l’ellipse est cassée par les joints de cisaillement R et Rc,
la valeur de l’angle 24 augmente et peut dépasser 90° ; il y a rotation interne des
plans de cisaillement (Fig. 4.11b), mais celle-ci n’est pas symétrique. Les joints R
synthétiques qui prennent en charge l’essentiel du déplacement tournent moins vite
que les joints antithétiques Rc : la valeur de l’angle 42 (angle entre Rc et Z) croît plus
vite que 41 (angle entre R et Z). Par ailleurs, les axes de l’ellipse tournent, le grand
axe X tendant à se paralléliser avec zzc. L’ellipse subit une rotation par rapport à zzc
que l’on appelle rotation externe (Fig. 4.16b) ; celle-ci est caractéristique de la
déformation rotationnelle.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 4.11 – Fentes de tension et joints de cisaillement obtenus par


déformation rotationnelle sur modèles réduits (d’après E. Cloos, 1932, Proc.
Nat. Acad. Sci., USA, 18, 387).
Les axes X et Z de l’ellipse tournent de la position 1 à la position 2,
dans le sens dextre (horaire) du couple cisaillant.

47
Chapitre 4 • La déformation cassante des milieux rocheux continus

3.2. Des expériences faites avec des boîtes de cisaillement (voir Fig. 5.2a)
permettent de suivre l’évolution de ces plans de cisaillement. Le déplacement se
poursuivant, les joints R se propagent dans le matériau, de chaque côté de la zone de
cisaillement. Les joints Rc presque perpendiculaires au sens du cisaillement général
subissent une distorsion et une rotation et ils régressent (Fig. 4.12a). Ces derniers ne
peuvent pas, en effet, prendre en compte le déplacement ; il se forme de nouveaux
joints de cisaillement appelés P, symétriques des joints R par rapport à la direction
générale zzc du mouvement et dont le mouvement est synthétique de celui-ci
(Fig. 4.12b). La combinaison des cisaillements P et R conduit à la formation d’une
zone de joints de cisaillement en tresse dans la direction générale du cisaillement et
la largeur de la partie active de la zone de joints de cisaillement diminue. La résis-
tance au cisaillement du matériau atteint alors une valeur minimum (Voir Fig. 5.2a)
qui n’évolue ensuite plus beaucoup.

Figure 4.12 – Évolution des joints de cisaillement R et Rc (a) et P (b) par


déformation d’un gâteau d’argile dans une boîte de cisaillement
(d’après J. Tchalenko, 1970, Geol. Soc. Amer. Bull., 81, 1625).

4.5 INTERPRÉTATION DES DÉFORMATIONS CASSANTES


NATURELLES
Les interprétations dynamiques les plus simples des déformations cassantes natu-
relles reposent sur l’hypothèse que celles-ci s’initient dans un milieu homogène,
isotrope, non affecté de fractures préexistantes, et que les critères de rupture rendent
compte de la géométrie des failles, des joints de cisaillement et des fentes de tension.

48
4.5 • Interprétation des déformations cassantes naturelles

4.5.1 Les fractures naturelles en déformation


non rotationnelle
1.1. L’interprétation dynamique des failles, le modèle d’Anderson (1951)
Anderson (1905 et 1951) a suggéré que les failles (Fig. 4.2) pouvaient être inter-
prétées par un modèle mécanique simple de rupture par cisaillement. La surface
horizontale de la terre étant une surface libre, qui ne transmet pas la contrainte
tangentielle W, est par définition un plan principal et la contrainte verticale est donc
une contrainte principale. Dans les régions de relief accidenté, cette contrainte prin-
cipale n’est pas vraiment verticale, mais en profondeur elle le devient presque. En
première approximation, on peut donc considérer que les deux autres contraintes
principales sont dans le plan horizontal.
Partant d’un milieu à l’équilibre où règne un état de contrainte qu’Anderson consi-
dère hydrostatique c’est-à-dire un milieu qui est plastique par ajout de contraintes
«supplémentaires» (S xx et S yy) d’origine tectonique que nous supposerons horizon-
tales par souci de simplification (Fig. 4.13), on peut avoir 6 systèmes de failles
possibles, conjuguées deux par deux. Si dans le plan horizontal il y a ajout de
contraintes tectoniques compressives (S xx, S yy), plus fortes suivant une direction
(S xx), V1 et V 2 sont dans le plan horizontal et V 3 est vertical (Fig. 4.13a). À la rupture,
il se formera deux plans de cisaillement conjugués qui correspondent à des failles
inverses ayant pour intersection l’axe V 2 et inclinées d’environ 30° sur le plan hori-
zontal. Si dans le plan horizontal, il y a ajout de contraintes extensives (S xx , S yy) plus
fortes suivant une direction (Sxx), V 3 et V 2 sont dans le plan horizontal et V1 est verti-
cal (Fig. 4.13b). À la rupture il se formera deux plans de cisaillement conjugués qui
correspondent à des failles normales inclinées de 60° sur le plan horizontal. Enfin, si
dans le plan horizontal il y a ajout d’une contrainte compressive suivant une direction
(S yy) et extensive suivant la direction (S xx) orthogonale à la précédente, V1 et V 3 sont
dans le plan horizontal et V 2 est vertical (Fig. 4.13c). À la rupture il se formera des
failles verticales décrochantes conjuguées, dextres et senestres.
Ainsi si l’on mesure sur le terrain la direction et le pendage de failles conjuguées,
on peut par construction stéréographique déterminer les directions de contraintes prin-
cipales en utilisant le modèle d’Anderson (Fig. 4.13). L’intersection des plans de
failles F1 et F2 donne la direction V 2 ; le plan orthogonal à V 2 est le plan (V1 , V 3),
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V1 est la bissectrice de l’angle aigu formé par les plans de failles, V 3 est la bissectrice
de l’angle obtus. Toutefois, il faut toujours garder en mémoire que l’utilisation de ce
modèle admet implicitement (1) que les failles sont conjuguées (elles se sont formées
en même temps), (2) qu’elles n’ont pas subi de rotation interne telle que le dièdre 24
initialement aigu soit devenu obtus. En vérité, comme la croûte continentale garde en
héritage les failles formées au cours du temps, on est rarement assuré que des failles
soient conjuguées ce qui en pratique limite considérablement l’intérêt de la méthode
d’Anderson. En tout cas, la condition nécessaire mais non suffisante à l’utilisation de
cette méthode est de s’assurer que les vecteurs-glissements S1 et S 2 sont contenus dans
le plan orthogonal à l’intersection des plans de failles (Fig. 4.13, voir projections
stéréographiques).

49
Chapitre 4 • La déformation cassante des milieux rocheux continus

Figure 4.13 – Interprétation dynamique des failles par le modèle d’Anderson


avec leur représentation stéréographique (projection sur l’hémisphère
inférieur).

1.2. L’interprétation dynamique des fentes de traction et des stylolithes. La normale


au plan des fentes (QFe , Fig. 14 a) correspond à la direction de l’allongement X ;
compte tenu que les déformations sont faibles, on peut considérer qu’elle correspond
aussi à la direction de V 3 . Les fentes (Fe) horizontales ou presque, résultent donc d’un
régime tectonique compressif (V 3 vertical, Fig. 4.14c). Les fentes verticales ou
presque résultent d’un régime tectonique soit purement extensif (V 3 horizontal, V 1
vertical, Fig. 4.14 d), soit décrochant (V 3 horizontal, V 2 vertical, Fig. 4.14 e). Pour
obtenir une information plus précise, il faut pouvoir déterminer la direction axiale (b)
des fentes (Fig. 4.3 et 4.14d et e) qui correspond à l’axe de déformation Y ou de
contrainte V 2 ; ceci permet de construire graphiquement l’axe V 1 qui est orthogonal
aux axes V 3 et V 2 et de définir ainsi parfaitement le régime tectonique.
En fait, sur le terrain, il est souvent difficile de déterminer la direction axiale (b)
des fentes ; c’est pourquoi on associe souvent à l’étude des fentes (Fe), celle des
joints stylolithiques (JS). La direction des pics stylolithiques correspond à celle de la
contrainte compressive V appliquée au plan considéré, la dissolution se faisant
suivant la direction de compression la plus forte (Fig. 4.14 b). Si les pics stylolithiques

50
4.5 • Interprétation des déformations cassantes naturelles

Figure 4.14 – Interprétation dynamique des fentes et des joints


stylolithiques.

sont perpendiculaires au joint stylolithique, celui-ci est un plan principal et la


normale au joint stylolithique (QJS, Fig. 4.14 a) est celle de la contrainte principale
maximum V 1 . Ainsi le pôle moyen des fentes (QFe) donne la direction de V 3 et le pôle
moyen des joints stylolithiques (QJS) donne la direction de V 1 . Les directions princi-
pales de la contrainte (ou de la déformation) sont ainsi bien définies par une mesure
statistique des pôles des fentes et des joints stylolithiques. Dans une déformation non
rotationnelle, les fentes peuvent être disposées parallèlement (Fig. 4.14 f, déforma-
tion homogène) ou en échelon (Fig. 4.14 g, déformation hétérogène).
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On peut bien entendu combiner l’analyse des failles, des fentes et des joints stylo-
lithiques dans des sites fracturés.
1.3. État de contrainte dû à la pression lithostatique et contrainte tectonique.
Nous avons dit précédemment que le modèle d’Anderson suppose un milieu à
l’équilibre dans lequel la pression lithostatique p (ou contrainte lithostatique V z )
crée en profondeur un état de contrainte de type hydrostatique (V x = V y = V z = Ugh)
auquel peuvent s’ajouter des contraintes tectoniques «supplémentaires» d’origine
tectonique (S xx , S yy) (Fig. 4.13). C’est un sujet controversé qui mérite qu’on s’y
arrête.
a) La pression lithostatique p = V z = Ugh s’appliquant sur les faces horizontales
d’un cube élémentaire à une profondeur h, tend à aplatir celui-ci produisant des

51
Chapitre 4 • La déformation cassante des milieux rocheux continus

allongements Hzx et Hzy dans le plan horizontal (voir Fig. 3.3). Si l’on considère que
le milieu est élastique et isotrope dans les premiers kilomètres sous la surface du sol,
ces allongements sont donnés par la relation [(1), Chap. 3] :
H x = 1/E [V x – Q(V y + V z)], H y = 1/E [V y – Q (V x + V z)] (10)
Si le milieu est à l’équilibre, c’est que les roches environnantes appliquent sur les
faces verticales du cube des contraintes V x et V y telles que H x = 0 et H y = 0. Dans ce
cas, à partir des relations (10), on obtient :
V x = V y = Q/(1 – Q) V z (11)
L’état de contrainte Ts résultant de la seule pression lithostatique dans un milieu
rocheux élastique isotrope est donc de révolution autour de V z :
§ Q e 1 – Q Ugh 0 0 ·
¨ ¸
Ts = ¨ 0 Q e 1 – Q Ugh 0 ¸ (12)
¨ 0 0 Ugh ¸¹
©
Pour les roches compactes élastiques, Q est inférieur à 0,5 donc Q/(1 – Q) est infé-
rieur à 1 et V x = V y , V z . La contrainte verticale est V 1 ; il existe une contrainte diffé-
rentielle (V 1 – V 3) donc un déviateur qui croît avec la profondeur (Fig. 4.15a) et la
pression hydrostatique P s = V [(6), Chap. 2] induite par la pression lithostatique
dans un tel milieu est :
Ps = 1/3 Ugh [1 + 2 Q/(1 – Q)] (13)
Supposons qu’à l’état de contrainte Ts , résultant du seul effet de la pression lithos-
tatique sur une roche élastique (sans qu’il y ait relaxation du déviateur), s’ajoute une
contrainte tectonique S xx (Fig. 4.13 et Fig. 4.15 b). En négligeant la petite augmenta-
tion de contrainte verticale (S zz = 0) due à l’allongement vertical de la colonne de
roche résultant de cette contrainte tectonique S xx (voir Chap. 3, § 3.1.2-2.1). Cette
dernière doit produire un allongement Hxy suivant la direction y tel que Sxx = EHx =
– E Hxy/Q (voir Chap. 3, § 3.1.2-2.1). S’il n’y a pas d’allongement suivant la direction
y (état statique), c’est que les roches environnantes appliquent sur la face verticale
du cube, orthogonale à la direction y une contrainte S yy = E Hy telle que Hy = Hxy
d’où il s’ensuit que S yy = QS xx. Si on considère pour simplifier que les contraintes
dues à la pression lithostatique et à la contrainte tectonique ont les mêmes directions
principales, on peut écrire la contrainte totale sous la forme :
§ Q e 1 – Q Ugh + S xx 0 0 ·
¨ ¸
Tt = ¨ 0 Q e 1 – Q Ugh + QS xx 0 ¸ (14)
¨ ¸
© 0 0 Ugh ¹

Ceci signifie que si S xx est une contrainte compressive et qu’en surface le régime
tectonique est compressif, on aura V x = V 1 et V y = V 2 . Mais à partir d’une certaine
profondeur, V z deviendra nécessairement la valeur la plus grande et le régime tectonique

52
4.5 • Interprétation des déformations cassantes naturelles

deviendra extensif. Pour une contrainte compressive de 10 MPa, par exemple


(Fig. 4.15b), le régime tectonique deviendra extensif un peu au-delà de 500 m de
profondeur. Or, dans les régions en compression il n’y a pas de preuves structurales
ou sismiques en faveur du passage à un régime tectonique extensif en profondeur dans
la partie cassante de la croûte. Que nous apprennent les mesures de contraintes in-situ ?

Figure 4.15 – État de contrainte dû à la pression lithostatique sur des roches


élastiques. (a) sous le seul effet de la pression lithostatique, (b) avec une
contrainte horizontale tectonique S xx de 10 MPa ajoutée à la contrainte
lithostatique. La densité des roches est égale à 2,72, g = 9,8 m.s –2 et Q = 0,25
(d’après Means, 1976, Springer-Verlag, Berlin, 338 p., modifié).

Figure 4.16 – Esquisse de la


répartition des contraintes en
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

profondeur dans un bassin pour des


roches sédimentaires compactes
(d’après Poulet, 1976,
Rev. Inst. Franc. Pétrole, 31 (5), 781).

À partir de mesures effectuées dans les bassins pétroliers, on estime généralement


que dans les roches sédimentaires la contrainte différentielle atteint un maximum
vers 4 000 m de profondeur (Fig. 4.16). Au-delà, celles-ci commencent à se défor-
mer ductilement et à relaxer leur déviateur si bien que, vers 5 000 m, l’état de
contrainte peut éventuellement devenir de type hydrostatique. Pour les roches méta-
morphiques et plutoniques, plus élastiques, cette déformation ductile commence à
plus grande profondeur (voir Fig. 5.5).

53
Chapitre 4 • La déformation cassante des milieux rocheux continus

b) Aussi l’hypothèse de l’absence de déplacements horizontaux (H x = H y = 0),


c’est-à-dire l’absence de déformation plastique du fait de la pression lithostatique
dans la croûte cassante, demeure une question ouverte. Une hypothèse alternative,
connue sous le nom de règle de Heim, est que l’état de contrainte à toute profondeur
tend à devenir hydrostatique à cause du fluage des roches pour des temps assez longs
(Jaeger, 1969). Ce fluage peut être dû dans la partie superficielle de la croûte
cassante soit au phénomène de pression-dissolution, soit à la partie «visqueuse» de
la déformation des roches élasto-vis- queuses qui relaxe les contraintes dans la roche
sur de longues périodes. La rhéologie d’une telle roche élasto-visqueuse peut être
schématisée par l’association en série (Fig. 4.17a) d’un ressort (de module d’Young
E) et d’un amortisseur (de viscosité K). La réponse en déformation d’un tel corps (dit
unité de Maxwell) nécessite un certain temps, dit temps caractéristique de relaxa-
tion, qui est celui nécessaire pour transférer à l’amortisseur l’énergie emmagasinée
instantanément dans le ressort (voir d’autres rhéologies plus complexes, Fig. 3.12).
Ce temps de relaxation t R dépend du rapport de la viscosité (pascals-secondes) au
module d’Young (pascals). Si on appelle t 1 le temps d’application d’une
contrainte tectonique S xx sur une roche et t 2 le temps de séjour de celle-ci à un état
de contrainte lithostatique Ts , en supposant t 2 . t 1 plusieurs cas peuvent se présenter
(Fig. 4.17b). Si t R . t 2 . t 1 , aucune contrainte n’a eu le temps d’être relaxée, il existe
un déviateur qui résulte de la contrainte tectonique S xx et de la contrainte lithosta-
tique Ts ; c’est le cas de la figure 4.15 b. Si t 1 , t R , t 2 , le déviateur dû à la contrainte
lithostatique est relaxé, l’état de contrainte lithostatique devient hydrostatique ; le
seul déviateur existant résulte de la contrainte tectonique S xx ; c’est le cas du
modèle d’Anderson (Fig. 4.13). Si t R , t 1 , t 2 , les déviateurs dûs à la contrainte lithos-
tatique et à la contrainte tectonique sont relaxés, l’état de contrainte est totalement
hydrostatique. Bref, l’hypothèse d’un état de contrainte lithostatique devenue
hydrostatique, commode en analyse structurale, peut être dans certains cas une
approximation justifiée.

Figure 4.17 – Relaxation de la contrainte déviatorique dans une roche


représentée par une unité de Maxwell (a), pour des temps de relaxation
différents (b).

54
4.5 • Interprétation des déformations cassantes naturelles

4.5.2 Les fractures naturelles en déformation rotationnelle


2.1. Les fentes en échelon. On observe souvent sur le terrain des fentes disposées
en échelon. Par référence aux résultats obtenus sur modèles réduits, on en déduit que
ces fentes en échelon sont situées dans des zones de cisaillement et que la direction
des fentes fait un angle de 45° avec la direction générale zzc du cisaillement, qui est
celle d’une zone de cisaillement potentielle. L’orientation des fentes permet de
déterminer le sens du cisaillement (Fig. 4.18a, b). Ces fentes ont souvent une forme
sigmoïdale qui peut être due à une rotation externe des parties de fentes déjà formées
alors que leurs extrémités continuent à se propager vers la périphérie à 45° de la
direction de cisaillement (Fig. 4.18a). Cette forme sigmoïdale peut être due aussi à
une déformation cisaillante ductile hétérogène du matériau, plus importante au
centre de la zone de cisaillement qu’à la périphérie (Fig. 4.18 b). Le mouvement se
poursuivant conduit à la formation de plans de cisaillement qui cisaillent les fentes
sigmoïdales (Fig. 4.18 c).
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Figure 4.18 – Fentes en échelon sur une zone de cisaillement zzc.

Les fentes peuvent être associées à des failles inverses (Fig. 4.18 d), normales
(Fig. 4.18 e) ou décrochantes (Fig. 4.18 f).

55
Chapitre 4 • La déformation cassante des milieux rocheux continus

2.2. Les joints de cisaillement en échelon. Il est également fréquent d’observer sur
le terrain des joints de cisaillement en échelon. Leur interprétation est toujours déli-
cate car leur seule géométrie est insuffisante pour déterminer le sens du mouvement
sur la zone de cisaillement majeure. En effet, pour une géométrie donnée (Fig. 4.19)
on peut toujours proposer deux sens de mouvement suivant qu’il s’agit de joints R
ou P. Il est donc nécessaire de déterminer le mouvement sur les joints de cisaillement
eux-même par l’observation des stries (voir Chap. 5), ce qui permet avec leur
géométrie de définir s’il s’agit de joints R ou P.

Figure 4.19 – Joints de cisaillement en échelon dans une zone de


cisaillement majeure (zzc).

La superposition de joints P et R dans une zone de cisaillement (Fig. 4.12), ou


d’autres mécanismes comme la pression-dissolution, peuvent produire un débit
particulier de la roche qui, associé à une déformation ductile, conduit à la formation
de lenticulations. La forme sigmoïdale de ces lenticulations permet une détermina-
tion du sens général du cisaillement (Fig. 4.20) ; elle permet de déterminer si celles-
ci sont associées à des failles inverses (a), normales (b), décrochantes senestres (c)
ou dextres (d) (Fig. 4.20). Ces lenticulations ne doivent pas être confondues avec les
fentes sigmoïdales qui résultent d’un mécanisme différent.
2.3. Rotations externes liées aux mouvements sur les failles. Au voisinage d’un
plan de faille le mouvement produit localement un cisaillement simple hétérogène,
avec une déformation cisaillante importante sur le plan lui-même qui décroît quand
on s’en éloigne. Dans les sédiments peu indurés, la déformation par cisaillement
simple hétérogène crée ce qu’on appelle des crochons de failles (Fig. 4.21b). Par la
rotation externe qui en résulte, les failles synthétiques (Fig. 4.21a) de la faille
majeure peuvent acquérir une géométrie de faille inverse (Fig. 4.21b). Par contre, les
failles antithétiques (Fig. 4.21a) restent des failles normales mais à pendage faible
(Fig. 4.21b).
De façon générale, les basculements de failles par rotation autour d’un axe hori-
zontal doivent être recherchés par la rotation de repères planaires, par exemple des
surfaces de stratification, initialement horizontales. Ceci est particulièrement important

56
4.5 • Interprétation des déformations cassantes naturelles

Figure 4.20 – Lenticulations associées à des failles inverses (a), normales (b),
décrochantes senestres (c) et décrochantes dextres (d).

Figure 4.21 – Rotation externe de failles synthétiques et antithétiques


associées à une faille normale majeure.

pour les failles normales ou inverses à fort pendage pour lesquelles une faible rota-
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tion leur fait acquérir une géométrie respectivement inverse et normale. Ceci peut
conduire à des erreurs d’interprétation sur le régime tectonique dans lequel elles se
sont formées. Les rotations externes liées aux failles décrochantes se font autour
d’un axe vertical. On peut les mettre en évidence par la rotation de repères linéaires
horizontaux comme, par exemple, des axes de plis ou par la rotation des déclinaisons
paléomagnétiques mesurées dans des formations sédimentaires ou magmatiques
situées au voisinage des zones de failles.

57
LA
DÉFORMATION
CASSANTE DES MILIEUX
5
ROCHEUX DISCONTINUS

L’activation des fractures préexistantes

La couche supérieure, cassante, de la croûte continentale garde en héritage les


anciennes fractures qui l’affectent. Soumis à un champ de contrainte, le milieu
rocheux fracturé se déforme préférentiellement par glissement sur les fractures
préexistantes. Il en résulte une déformation cassante différente de celle des milieux
rocheux non fracturés analysée au chapitre précédent.

5.1 L’ACTIVATION DES FAILLES EXISTANTES

5.1.1 Les failles actives


Le séisme de Spitak (Arménie) de décembre 1988 par exemple (voir Fig. 6.19) a
résulté de l’activation d’une faille d’une vingtaine de kilomètres de long. L’analyse
sur le terrain du déplacement co-sismique a montré que son mouvement était celui
d’une faille à la fois inverse et décrochante dextre (voir strie n° 12, Fig. 5.1) avec un
rejet vertical maximum de 1,60 m et un rejet horizontal de 0,40 m. Parmi les failles
sismiques très connues, on peut citer la faille de San Andreas en Californie (voir
Fig. 6.18) qui a été responsable de très nombreux séismes dont celui de San Francisco
(18 avril 1906) au cours duquel s’est produit un décrochement dextre avec un rejet
horizontal de presque 7 mètres. En octobre 1989, un nouveau séisme a eu lieu sur
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cette même faille, à Loma Prieta situé à une centaine de kilomètres au SE de San
Francisco. Bien que la rupture n’ait pas atteint la surface, les données sismologiques
et géodésiques ont montré qu’en profondeur le mouvement sur la faille était à la fois
décrochant dextre et inverse avec un rejet horizontal de 2 m et un rejet vertical de
1,40 m. On pourrait multiplier les exemples : la majorité des grands séismes résulte
de l’activation de failles existantes et leurs mouvements montrent souvent, à la fois,
des composantes horizontale et verticale. Ce sont des failles à glissement oblique.

5.1.2 Les failles obliques


Des failles à glissement oblique (Fig. 5.1) sont fréquemment observées sur le
terrain. La dénomination de la faille est déterminée par l’inclinaison (G°) du

59
Chapitre 5 • La déformation cassante des milieux rocheux discontinus

vecteur-glissement S, par rapport à l’horizontale, mesuré sur le plan de faille, incli-


naison qu’on appelle le pitch. Si le pitch est supérieur à 45°, la composante majeure
du mouvement est normale ou inverse et on qualifie ensuite ce mouvement par sa
composante mineure décrochante ; la faille sera dite par exemple normale décrochante
dextre (strie n° 8 sur Fig. 5.1). Si le pitch est inférieur à 45°, la faille sera dite décro-
chante dextre ou senestre et qualifiée par sa composante mineure normale ou inverse ;
la faille sera dite par exemple décrochante dextre normale (strie n° 9 sur Fig. 5.1).

Figure 5.1 – Glissements sur un plan de faille : les flèches indiquent le


déplacement du toit, par rapport au mur. Les failles sont dites : inverse (1),
inverse-décrochante senestre (2), décrochante senestre-inverse (3),
décrochante senestre (4), décrochante senestre-normale (5), normale
décrochante senestre (6), normale (7), normale-décrochante dextre (8),
décrochante dextre-normale (9), décrochante dextre (10), décrochante dextre-
inverse (11), inverse-décrochante dextre (12).

Dans quelles conditions les failles obliques se forment-elles ? Nous allons


d’abord examiner ce que les essais mécaniques sur des échantillons contenant des
plans de faiblesse nous apprennent à ce sujet.

5.2 LES PLANS DE GLISSEMENT


DANS LES ESSAIS MÉCANIQUES

5.2.1 Le glissement sur le plan de fracture après rupture


Nous avons examiné au chapitre 4 la géométrie des plans de cisaillement formés
dans des gâteaux de kaolin au moyen de boîtes de cisaillement (Fig. 4.12). Ces expé-
riences sont réalisées (Fig. 5.2) en maintenant immobile la partie supérieure de la
boîte à laquelle est appliquée une force normale N ; la partie inférieure de la boîte est
déplacée à une vitesse constante de 5.10 – 6 cm/s. On mesure la force cisaillante T
qui lui est appliquée ; connaissant N et T, on peut calculer les contraintes cisaillante
W et normale V N effectives sur les plans de cisaillement en tenant compte, à chaque

60
5.2 • Les plans de glissement dans les essais mécaniques

étape de l’essai, de l’angle entre les plans de cisaillement et la direction des forces
appliquées. La courbe contrainte (W)/déplacement total (D) montre (Fig. 5.2 a) que W
croît rapidement pour atteindre la résistance maximum (W max) du matériau à
laquelle se produit la rupture par joints de cisaillement (voir Fig. 4.12 a). Puis W
décroît pour atteindre une valeur palier appelée résistance ultime ou résiduelle (Wu) ;
c’est la contrainte nécessaire à la poursuite du glissement sur le plan de fracture
formé (voir Fig. 4.12 b) ; elle est plus faible que celle nécessaire à la rupture.

Figure 5.2 – Cisaillement de gâteaux de kaolin au moyen de boîtes de


cisaillement ; (a) courbe contrainte (W) – déplacement total (D) ; (b) enveloppes
de Mohr pour la rupture ('R ) et pour le glissement sur un plan existant ('G )
(d’après J. Tchalenko, 1970, Geol. Soc. Am. Bull., 81, 1625).

Ces expériences menées pour diverses contraintes normales VN permettent de


tracer les cercles de Mohr et les enveloppes de Mohr pour la rupture ('R) et pour le
glissement ('G , Fig. 5.2 b). Pour un matériau comme le kaolin, ces enveloppes sont
des droites donc le critère de rupture et le critère de glissement s’interprètent bien
par une loi de type Coulomb-Navier : W = C + VN tan M). La cohésion de la roche
fracturée C 2 (ici voisine de 0) est inférieure à celle C 1 de la roche intacte. L’angle de
friction M2 pour le glissement sur le plan existant est inférieur à l’angle de friction
interne M1 pour la rupture de la roche intacte.
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Des expériences semblables menées sur divers types de roches montrent que le
comportement après rupture dépend de la composition minéralogique de la roche, de
sa texture, de sa granulométrie qui déterminent la rugosité du plan de fracture. Plus
le grain est fin, plus le plan est lisse et plus le glissement après rupture est facile.

5.2.2 L’orientation des plans de glissement 


dans un matériau présentant des plans de faiblesse
De nombreuses expériences ont été réalisées sur des roches hétérogènes et anisotropes
comme, par exemple, des ardoises ou sur des roches homogènes et isotropes coupées
d’un trait de scie. Des échantillons sont taillés dans ces roches de telle sorte que le

61
Chapitre 5 • La déformation cassante des milieux rocheux discontinus

plan de clivage pour les ardoises ou le plan de coupe pour les roches isotropes fasse
avec la direction de V1 un angle E compris entre 0 et 90° (Fig. 5.3). L’échantillon est
comprimé dans une machine à tester à des pressions de confinement variables.

Figure 5.3 – Angle 4 entre le plan de fracture et la direction de V1 en fonction


de l’angle E entre le plan de clivage de l’ardoise et la direction de V1
(d’après Donath, 1961, Geol. Soc. Am. Bull., 72, 985).

Dans les expériences menées sur des échantillons de roches homogènes et


isotropes coupées par un trait de scie, le glissement se produit sur les plans de coupe
qui font un angle E dont la valeur est voisine de 30°. Par contre, si les plans de coupe
font un angle E inférieur à 20° ou supérieur à 45°, il se produit une fracture nouvelle
avec un angle de cisaillement 4 de 30° analogue à celui des roches intactes. Ce
comportement est bien décrit par la méthode du cercle de Mohr (voir Fig. 5.4) car
celle-ci est bien adaptée aux matériaux de propriétés physiques isotropes mais
rendus mécaniquement anisotropes par la présence de fractures. Les roches de
propriétés physiques anisotropes, comme les ardoises (Fig. 5.3), s’écartent du
comportement prévu par la méthode du cercle de Mohr. Le plan de glissement se
produit bien sur le plan de clivage pour un angle E compris entre 15° et 45°. Mais
pour un angle E inférieur à 15°, la rupture se fait en extension (fente) sur le plan de
clivage, ou sur un plan voisin ; la formation d’une nouvelle fracture avec un angle de
cisaillement 4 c 30° ne se produit en fait que pour un angle E voisin de 90°. Ceci est
dû aux propriétés physiques et mécaniques anisotropes de l’ardoise hétérogène faite
d’un empilement de couches à faible et forte cohésions. La cohésion globale du
matériau dépend de la couche à plus forte cohésion pour une contrainte orthogonale
au clivage et de la couche à plus faible cohésion pour une contrainte parallèle au
clivage (voir les matériaux hétérogènes, Guyon et Roux, 1987). En tout état de cause
la fracturation des roches possédant des plans de faiblesse est très différente de celle
des roches intactes.

62
5.3 • Les critères de glissement

5.3 LES CRITÈRES DE GLISSEMENT ET L’ORIENTATION


DU GLISSEMENT SUR DES PLANS PRÉEXISTANTS

5.3.1 Représentation graphique du glissement par le cercle


de Mohr
Nous nous placerons ici dans le cas le plus simple de la théorie des plans de
faiblesse, cas qui peut être analysé comme un modèle de roche homogène aux
propriétés physiques isotropes (Chap. 4, § 4.3.3) mais coupée par un trait de scie.
Ceci représente le cas d’une roche isotrope coupée par un plan de faille. Par ailleurs,
pour des raisons de simplicité du diagramme de Mohr, on supposera d’une part que
si un plan de faiblesse existe dans la roche, il contient l’axe V2 ce qui permet de
traiter le problème en contrainte plane comme nous l’avons fait au chapitre précé-
dent (Fig. 4.8), et d’autre part que les enveloppes de Mohr sont des droites
(Fig. 5.2b).
Traçons l’enveloppe de Mohr 'R à la rupture pour cette roche (Fig. 5.4). L’espace
situé au-dessus de 'R correspond au domaine des contraintes entraînant la rupture ;
l’espace situé sous 'R correspond au domaine de stabilité de la roche intacte.
Traçons l’enveloppe de Mohr 'G pour l’initiation du glissement sur un plan de
faiblesse dans la même roche ; 'G est situé sous 'R puisque la cohésion C2 et l’angle
de friction M2 sont inférieurs respectivement à la cohésion C1 et à l’angle de friction
interne M1 de la roche intacte (Fig. 5.2b). L’espace situé au-dessus de 'G correspond
au domaine des contraintes entraînant le glissement, l’espace situé au-dessous de 'G
correspond au domaine de stabilité de la roche fracturée.
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Figure 5.4 – Représentation par le cercle et l’enveloppe de Mohr des


conditions de glissement sur un plan préexistant.

Pour une valeur fixe de V3, traçons les cercles tangents l’un (CG) à l’enveloppe de
Mohr au glissement 'G, l’autre (CR) à l’enveloppe de Mohr à la rupture 'R. La droite

63
Chapitre 5 • La déformation cassante des milieux rocheux discontinus

'G coupe le cercle de Mohr de rupture (CR) en L et M. Les points de tangence G et


R représentent respectivement les conditions d’initiation du glissement sur un plan
de faiblesse préexistant et d’initiation d’un plan de cisaillement dans la roche
intacte. Si V1 croît, V3 étant fixé, il y aura glissement sur le plan représenté par le
point de tangence G, s’il existe, faisant avec la direction de V1 un angle Eo = 1/2 (S/
2 – M2). Si ce plan n’existe pas, ou si ayant été activé il cesse de glisser parce que
pour que le mouvement se poursuive il faut que le matériau casse aux terminaisons
de la faille, V1 peut continuer de croître. Le rayon des cercles (C) va alors augmenter
et la partie du tracé de ces cercles se trouvant au-dessus de 'G balayera toute la
surface comprise entre la corde LM et l’arc LRM, surface qui correspond à des
conditions de contrainte entraînant le glissement sur des plans préexistants, faisant
avec la direction de V1 un angle E tel que E1 < E < E2, plans qui seront donc suscep-
tibles d’être activés s’ils sont présents dans la roche fracturée. Par contre, tous les
points situés sous la droite 'G sont dans le domaine de stabilité de la roche fracturée
et correspondent à des plans qui ne peuvent pas être réactivés. Il ne peut donc pas y
avoir de glissement pour les points situés sur les arcs V3L et MV1R correspondant à
des plans faisant avec la direction de V1 un angle E tel que E < E1 et E > E2. S’il
n’existe que ces plans dans la roche préfracturée, quand V1 atteindra la valeur de V1R,
c’est-à-dire quand le cercle (CR) sera tangent en R à la droite 'R̯, il y aura forma-
tion d’un nouveau plan de cisaillement avec l’angle 4 = 1/2̯(S/2 – M1) caractéris-
tique du matériau intact. C’est ce que montrent les expériences du paragraphe
précédent (§ 5.2.2).
Pour un état de contrainte triaxial et avec des plans de faiblesse préexistants
d’orientation quelconque, la détermination des domaines de stabilité de la roche
fracturée est plus complexe. Toutefois la conclusion reste la même : de façon géné-
rale, dans un milieu rocheux fracturé soumis à une contrainte, la déformation
cassante se produira soit par glissement s’il existe un plan de faiblesse préexistant
favorablement orienté par rapport aux directions de contrainte, soit par la formation
d’un nouveau plan de cisaillement, comme dans la roche intacte, s’il n’existe pas de
plans de faiblesse favorablement orientés. Dans la nature, les valeurs de la cohésion
C2 et de l’angle de friction M2 pour le glissement sur un plan existant dépendent de la
rugosité du plan de faille et éventuellement de sa cimentation par des cristallisations
minérales dues aux circulations de fluides. Pour rendre compte de ce glissement, on
utilise généralement les valeurs déterminées par Beyerlee (1978) à partir d’un
ensemble de résultats expérimentaux :
– W = 0,85 VN pour un domaine de contraintes normales inférieures à 100 MPa ;
– et W = 0,5 + 0,6 VN pour un domaine plus étendu de contraintes allant de 0 à
1,5.103 MPa.

5.3.2 La direction du glissement sur un plan de faiblesse


préexistant
Dans un milieu rocheux préfracturé, on conçoit intuitivement que le glissement
dépend de l’orientation du plan de faille préexistant par rapport aux directions de

64
5.4 • Cinématique des failles dans un milieu rocheux fracturé

traction ou de compression. Plus précisément l’orientation de la normale Q de ce


plan de faille par rapport au référentiel des directions principales de la contrainte est
définie par 3 paramètres 1, m et n qui sont les cosinus directeurs de la normale Q. Par
ailleurs, nous avons vu que c’est la contrainte déviatorique Vc [(7), chap. 2] qui est
responsable du changement de forme global du volume rocheux donc du glissement
sur chaque plan de faille, la partie hydrostatique du tenseur [(6), chap. 2] n’interve-
nant que dans le changement de volume. Plus précisément, on montre (Wallace,
1957 ; M. Bott, 1959) que ce glissement dépend d’un rapport, dit le rapport de
forme, qui exprime la forme de l’ellipsoïde des contraintes et qui est construit sur les
différences des valeurs principales du tenseur des contraintes déviatoriques tel que
R = (Vcz – Vcx)/(Vcy – Vcx). Le pitch G° du vecteur-glissement S dépend donc des
4 paramètres 1, m, n et R et s’exprime par la relation :
tan G° = n/1m [m2 – (1 – n2) (Vcz – Vcx)/(Vcy – Vcx)] (1)
On remarquera que pour une orientation fixée des directions principales des
contraintes (1, m et n constants), le pitch du vecteur-glissement peut prendre toutes
les valeurs comprises entre 0 et 180° suivant la valeur du paramètre R.
De façon générale, l’application d’un déviateur des contraintes To à un plan de
faille de normale Q ayant pour cosinus directeur 1, m, n dans un repère donné
(chap. 2, § 2.1.2-2.3) permet de calculer l’orientation de la contrainte V appliquée au
plan de faille
§ Vc x Wc xy Wc xz · § 1 ·
¨ ¸ ¨ ¸
V = T o ^ Q ` = ¨ Wc yx Vc y Wc yz ¸ ¨ m¸ (2)
¨ ¸ ¨ ¸
© Wc zx Wc zy Vc z ¹ © n ¹
et donc la valeur du pitch G° de la contrainte cisaillante W résolue sur le plan de faille
et suivant laquelle se produit le glissement S [voir (1), ci-dessus].

5.4 CINÉMATIQUE DES FAILLES 


DANS UN MILIEU ROCHEUX FRACTURÉ
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Le glissement S sur une faille est souvent enregistré par divers marqueurs (appelés
tectoglyphes) résultant de la déformation de la roche dans la zone de cisaillement.

5.4.1 Les marqueurs du glissement sur les failles ; 


direction et sens du glissement
1.1. Les déformations liées au mouvement sur le plan de faille. La nature des
marqueurs du glissement dépend de la lithologie des blocs rocheux déformés, de la
géométrie de la surface de glissement, de la vitesse du déplacement et des conditions
physiques du milieu (T, P) dans laquelle se produit la déformation (Fig. 5.5). Dans la
partie supérieure de l’écorce (1 à 5 km de profondeur), les zones de failles, c’est-à-
dire là où se produit l’essentiel de la déformation, sont peu épaisses ; la déformation

65
Chapitre 5 • La déformation cassante des milieux rocheux discontinus

y est cassante, limitée à la surface de friction et le matériau fortement fracturé est


transformé en brèches et gouges qui sont des cataclastites non cohésives (du grec
cataclasis : action de briser). Les gouges sont des brèches finement broyées dont la
matrice est abondante (plus de 70 % de la roche). À plus grande profondeur les
zones de faille sont plus épaisses et les roches sont transformées en cataclasites
cohésives du fait de la pression lithostatique importante. Vers 10 à 20 kilomètres de
profondeur (T = 300 à 450 °C), la déformation devient ductile (voir Chap. 7), les
roches déformées au voisinage des failles sont appelées des mylonites (Fig. 5.5).

Figure 5.5 – Les différents types de roches déformées associées à une faille
majeure (d’après Sibson, 1977, J. Geol. Soc. London, 133, 191, et Scholtz, 1988,
Geol. Rund. Stuttgart, 77, 319, modifié). La contrainte différentielle (V1 – V3)
décroît quand la déformation ductile augmente ; le trait en pointillés
correspond aux conditions des bassins sédimentaires (voir Fig. 4.16).

Si le déplacement sur la faille est relativement lent (0,1 – 10 cm / an) la déformation


est associée à des processus de pression – dissolution – cristallisation ou de diffusion
(voir Chap. 7). En revanche, si le déplacement est rapide (10 – 100 cm /s) l’échauffe-
ment dû à la friction sur le plan de faille peut conduire localement, en l’absence d’eau,
à la fusion de la roche formant ce qu’on appelle des pseudotachylites.
1.2. Les marqueurs du glissement (les tectoglyphes). Quelle que soit la dimension
de la faille, le mouvement des blocs qu’elle sépare peut se faire schématiquement
(Fig. 5.6), soit par simple glissement, soit avec écartement, soit avec rapprochement
des blocs. Selon les cas, les marqueurs qui enregistrent le mouvement des blocs sont
différents.
– Le simple glissement (Fig. 5.6 a) est une translation u parallèle au plan de faille. Il
entraîne une friction des blocs qui provoque une abrasion des surfaces en contact.
– Le glissement avec écartement entraîne l’ouverture de vides, généralement colma-
tés en même temps qu’ils se créent, par des cristallisations de minéraux fibreux ou
non (quartz, calcite, serpentine). Les fibres minérales (fm, Fig. 5.6 b) indiquent
par leur allongement la direction du déplacement u des blocs. On en déduit

66
5.4 • Cinématique des failles dans un milieu rocheux fracturé

directement les composantes cisaillantes (C) et normales, en allongement (E), du


mouvement sur la faille.
– Le glissement avec rapprochement se produit par une interpénétration des blocs
accommodée par pression-dissolution localisée aux surfaces en contact. Les
marqueurs qui se forment alors s’apparentent aux stylolithes, ce sont des stries
stylolithiques ou strilolithes (styl., Fig. 5.6 c). L’obliquité des creux stylolithiques
indique la direction de déplacement u des blocs, à partir de laquelle on déduit les
composantes en cisaillement (C) et normale en raccourcissement (R) sur la faille.
Les stries stylolithiques et les cristallisations minérales fibreuses résultent de
déplacements lents, probablement asismiques, contrôlés par le phénomène de
dissolution-cristallisation (voir Chap. 7).

Figure 5.6 – Schéma des déplacements de deux blocs séparés par un plan de
faille : (a) simple glissement, (b) glissement avec écartement (E), (c) glissement
avec rapprochement (R). Lo : largeur initiale, Lf : largeur finale.

Les marqueurs du glissement (voir par ex. Petit, 1987) sont disposés sur le miroir
de faille soit parallèlement (striations au sens général) soit perpendiculairement au
vecteur-glissement des blocs rocheux.
Parmi les structures parallèles au déplacement on distingue d’une part les rayures
(r) et les stries (s) (Fig. 5.7 a), fines et courtes et d’autre part les rainures (ra) et les
cannelures (ca), plus marquées et plus longues (Fig. 5.7 b). Leur différence de taille
traduit, dans une certaine mesure, la différence d’ampleur du déplacement bien que
leur longueur ne représente qu’une valeur minimum de celui-ci. Le miroir de faille
se façonne par destruction localisée des reliefs faisant obstacle au déplacement, par
ailleurs dans la zone de glissement s’accumulent les produits de désagrégation de la
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roche dont les fragments mécaniquement les plus résistants, entraînés par le mouve-
ment des blocs produisent sur la surface de la faille les diverses striations. Le sens du
déplacement est déterminé avec certitude dans le cas de stries accompagnées de
traces de blocage de fragments résistants (bl., Fig. 5.7 a) ou associées à une traînée
résultant de l’abrasion asymétrique d’un relief (t., Fig. 5.7 a).
Parmi les structures les plus fréquentes perpendiculaires au déplacement, on
trouve les escaliers à cristallisations minérales sous abri (c, Fig. 5.7 c) et les esca-
liers de dissolution par pression (st., Fig. 5.7 d). Les cristallisations minérales sont
souvent fibreuses (fib.) en amont et automorphes (aut., Fig. 5.7 c) en aval du mouve-
ment. Les stries stylolithiques (st., Fig. 5.7 d) font face au mouvement qui entraîne la
pression-dissolution. Les demi-fentes de traction soit planes (fp., Fig. 5.7 e), soit

67
Chapitre 5 • La déformation cassante des milieux rocheux discontinus

courbes (fc., Fig. 5.7 f) associées au miroir de faille sont de bons marqueurs cinéma-
tiques, faciles à interpréter. C’est aussi le cas des microcisaillements de type Riedel
(R., Fig. 5.7 g). qui s’observent généralement sur des failles sur lesquelles s’est
produit un déplacement D > 10 cm. Pour de faibles déplacements D < 1 cm, les
marqueurs les plus caractéristiques sont des surfaces lissées faisant face au mouve-
ment (1., Fig. 5.7 h).

5.4.2 Les glissements superposés


Les déplacements « instantanés » sur les plans de failles qui se produisent lors d’un
séisme sont d’ordre centimétrique à métrique et les striations observées sur les
miroirs sont de longueur centimétrique, au maximum plurimétrique. Or le rejet total
sur une faille majeure peut parfois atteindre plusieurs kilomètres. En fait il n’y a pas
là de contradiction fondamentale. En effet lorsqu’une faille présente un rejet impor-
tant, chaque strie observée sur le plan de faille ne représente que la trace d’un petit
déplacement incrémental sismique ou asismique ou d’une partie de celui-ci ; c’est la
somme de ces déplacements incrémentaux qui a produit le déplacement total. En
première approximation, le vecteur-glissement S et donc les marqueurs du glisse-
ment sur un miroir de faille gardent pratiquement la même orientation tant que l’état
de contrainte régional garde à peu près la même orientation et le même rapport de
forme R. Si l’état de contrainte régional vient à changer, la cinématique de la faille
change aussi ; de nouvelles stries enregistrent le nouveau déplacement et se superpo-
sent alors obliquement aux stries antérieurement formées.
Les figures géométriques de superposition de stries que l’on observe couramment sur
les plans de failles traduisent donc souvent (mais pas toujours) des changements successifs
d’états de contraintes régionaux et permettent d’en établir la chronologie relative.

5.4.3 Recherche de l’état de contrainte responsable 


du glissement sur une population de failles en milieu
rocheux fracturé
Le modèle d’Anderson (Fig. 4.13) n’est généralement pas applicable aux popula-
tions de fractures préexistantes, d’autres méthodes doivent être utilisées.
3.1. La méthode numérique. Le principe de la méthode d’inversion numérique de
Carey-Brunier (1974) repose sur les propriétés du glissement sur un plan de faille
préexistant exposées au § 5.3.2. Il faut trouver un tenseur des contraintes déviato-
riques T0 tel que la contrainte tangentielle théorique W k qu’il permet de calculer sur
une faille de normale Q k en utilisant les relations [(1) et (2), § 5.3.2], soit la plus
proche possible de la strie S k mesurée sur la faille. Ceci doit être vrai sur l’ensemble
des failles analysées et donc la somme des écarts (W k , S k) entre les stries théoriques
W k prévues par le calcul et les stries réelles S k mesurées doit être la plus petite
possible (Fig. 5.8 a). Le calcul conduit donc à rechercher le déviateur T0 qui mini-
mise une fonction telle que, par exemple
N
¦ k = 1 cos W k , S k
2
F = –

68
5.4 • Cinématique des failles dans un milieu rocheux fracturé
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Figure 5.7 – Principaux marqueurs du mouvement (tectoglyphes) sur les


miroirs de failles.

k étant le numéro de chacune des failles et N le nombre de failles. Pour chaque faille,
l’écart (W k , S k) devant tendre vers 0, cos 2 (W k , S k) doit tendre vers 1 et donc la
fonction F, somme des cos 2 (W k , S k) doit tendre vers – N. Comme il y a 4 paramètres
à déterminer (voir § 5.3.2) pour résoudre ce problème, il faut avoir au minimum

69
Chapitre 5 • La déformation cassante des milieux rocheux discontinus

4 failles striées indépendantes (voir E. Carey, 1979). En fait on optimise la solution


sur 10 à 20 données pour s’affranchir de celles éventuellement de mauvaise qualité.
De nombreux logiciels comme par exemple Wintensor, développé par Damien
Delvaux, permettent actuellement de calculer sur ordinateur le déviateur T0 recherché,
c’est-à-dire les directions principales de contraintes et le rapport de forme R du
déviateur.
Ce calcul suppose un modèle mécanique simple ; on admet (1) que dans le corps
rocheux analysé, l’événement tectonique responsable du mouvement des failles est
caractérisé par un tenseur moyen de contrainte homogène ; (2) que le matériau a des
propriétés physiques homogènes et isotropes et que le glissement S sur le plan de
faille se produit dans la direction et le sens de la contrainte tangentielle W k résolue
sur le plan de faille ; (3) qu’il n’y a pas de déformation continue des blocs séparés
par les failles, pas de rotation des plans de failles pendant la déformation et que les
glissements sur les plans de failles sont indépendants et petits par rapport aux dimen-
sions de la faille. Si ces conditions ne sont pas satisfaites avec une approximation
satisfaisante, le calcul ne conduit pas à une solution de bonne qualité. Des modèles
plus complexes peuvent aussi rendre compte de l’interaction des blocs résultant de
glissements non indépendants et conduisant à une déformation localement inhomo-
gène (voir Mercier et Carey – Gailhardis, 1989).
Il faut insister sur le fait que ces méthodes numériques ne sont applicables que si
les conditions du modèle mécanique sont respectées. En particulier, elles s’appli-
quent à des populations de failles striées résultant d’un même état de contrainte ce
qui impose, dans le cas de plusieurs phases tectoniques (plusieurs états de
contraintes), d’avoir séparé sur le terrain les différentes familles de stries superpo-
sées. De façon générale, une analyse géologique détaillée des sites doit préciser la
représentativité des mesures.
En outre, des tests numériques permettent d’estimer la fiabilité de la solution
numérique obtenue par exemple en calculant l’écart (S, W) entre la strie S mesurée
sur la faille et la strie théorique (W) prédite par le modèle calculé (voir l’histogramme
de la Fig. 5.8 b).
3.2. Les méthodes graphiques
a) La méthode du dièdre aigu. Cette méthode (Arthaud et Choukroune, 1972)
résulte d’une adaptation du modèle d’Anderson (Fig. 4.13) aux cas de failles
préexistantes à condition que celles-ci soient limitées à 2 familles de même nature
(toutes normales ou inverses ou décrochantes), dont les glissements résultent d’un
même état de contrainte. En utilisant la projection stéréographique (Fig. 5.9 b), on
limite le domaine de l’espace où se situent les axes principaux V1 et V3 . Par
exemple, pour un système de failles décrochantes (Fig. 5.9 a), l’axe de contrainte
principale maximum V1 est situé dans le dièdre aigu limité par les plans de failles
dextre et senestre d’orientation la plus voisine (domaine en pointillé sur la Fig. 5.9 ),
l’axe V2 se trouve dans le domaine d’intersection des plans de failles et l’axe V3 est
dans la partie du dièdre obtus réduite par construction sur le principe d’orthogonalité
des 3 axes principaux de contrainte (domaine limité par des doubles traits sur la
Fig. 5.9 b).

70
5.4 • Cinématique des failles dans un milieu rocheux fracturé

Figure 5.8 – Méthode numérique de détermination de l’état de contrainte à


partir d’une famille de plans de failles striées (Carey et Brunier, 1974, C.R. Ac.
Sci. Paris, D279, 891). (a) Écart entre la strie observée S et la strie W prévue par
le calcul. b) Directions de contraintes (V1 , V2 , V3 ) calculées pour les failles
actives du séisme de Thessalonique (1978). L’histogramme donne pour
chaque faille la valeur absolue de l’écart (W, s). Représentation des failles sur
stéréodiagramme de Wülff (hémisphère inférieur) ; les flèches sur les failles
indiquent la position des stries (Mercier et al, 1983, Tectonics, 2, 577).

b) La méthode du dièdre droit. Cette méthode (O. Pegoraro, 1972) est applicable
à des populations de failles congénères de nature différente (par exemple des failles
normales, normales – décrochantes et décrochantes) qui sont généralement celles des
milieux faillés naturels. Il faut tout d’abord construire, pour chaque plan de faille (F),
le plan auxiliaire (PA) orthogonal à la faille et à la strie (S F ) (Fig. 5.10 a). Ces deux plans
séparent 4 dièdres droits : deux opposés par le sommet sont en compression, les deux
autres en tension. La distinction des dièdres droits en compression et en tension est
faite à partir de la cinématique de la faille définie par la strie. On démontre (Mc Kenzie,
1967) que pour un glissement sur un plan de fracture préexistant, les axes V1 et V3
sont situés n’importe où dans les dièdres droits respectivement en compression et en
tension (Fig. 5.10 b). Ceci est donc très différent de la rupture d’un milieu homogène
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et isotrope non fracturé pour lequel les axes V1 et V3 sont sur les plans bissecteurs des
dièdres respectivement aigus et obtus limités par les plans de failles conjugués.
La superposition des dièdres en compression, ou en tension, pour plusieurs failles
limite une zone commune de l’espace en compression, ou en tension (voir
Fig. 5.10 c, pour deux failles F1 et F 2 ). S’il existe un tenseur unique qui rend compte
du mouvement sur la population de failles, l’axe V1 est dans la zone commune en
compression et l’axe V3 dans la zone commune en tension. Cette méthode peut être
aussi utilisée pour la recherche des axes V1 et V3 qui rendent compte de la cinéma-
tique des failles sismiques montrée par une population de mécanismes aux foyers de
séismes. Les dièdres droits sont ceux limités par les plans nodaux et qui contiennent
les axes de pression (P) et de traction (T).

71
Chapitre 5 • La déformation cassante des milieux rocheux discontinus

Figure 5.9 – Méthode graphique du dièdre aigu (Arthaud et Choukroune,


1972, Rev. Inst. Franc. Pétrole, 27 (5)). SA et SB : stries sur les plans de failles
A et B ; SA et SB : pôles des plans de failles A et B
(même projection stéréographique que pour la Fig. 5.8).

La condition nécessaire à l’utilisation de cette méthode est que les zones en


compression et en tension soient communes à tous les dièdres respectivement en
compression et en tension (Fig. 5.10 d). Si cette condition n’est pas réalisée, c’est
que les mouvements des failles ne résultent pas tous d’un même état de contrainte ;
la méthode des dièdres droits peut alors donner un résultat sans aucune signification
géologique. De façon générale, une solution obtenue graphiquement reste toujours
douteuse dans la mesure où on ne sait pas tester sa fiabilité graphiquement. Enfin, les
méthodes graphiques permettent dans le meilleur des cas de définir des portions
d’espace, plus ou moins étendues, dans lesquelles sont localisés les axes principaux
des contraintes ; elles ne permettent pas de définir le rapport R des contraintes.

5.4.4 Remarques sur la cinématique des failles 


décrochantes et le régime tectonique associé
Les failles décrochantes n’indiquent sûrement un régime tectonique en décroche-
ment (V2 vertical) que si elles résultent de la rupture d’un milieu rocheux continu

72
5.4 • Cinématique des failles dans un milieu rocheux fracturé

Figure 5.10 – Méthode des dièdres droits (Pegoraro, 1972, Thèse,


Montpellier). Mêmes symboles et même projection stéréographique que sur la
Fig. 5.9. La Fig. d montre une intersection des dièdres en tension réalisée par
ordinateur. La zone à 100 % des données contient V3 , la zone à 0 % (c’est-à-dire
100 % des dièdres en compression) contient V1.

(voir Fig. 4.13 c). Si le milieu rocheux est préfracturé, des failles décrochantes
peuvent apparaître aussi bien dans un régime tectonique décrochant (V2 vertical) que
compressif (V3 vertical) ou extensif (V1 vertical). Par exemple, la figure 5.8 b montre
très bien des failles à mouvement décrochant dextre normal (faille n° 49) et décro-
chant senestre normal (failles n° 28 et 30) dans un régime extensif. Ceci montre bien
que la cinématique d’une seule faille ne permet pas de définir un régime tectonique ;
celui-ci ne peut être déterminé que par l’analyse d’une population de failles. En
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particulier, il est abusif de confondre faille décrochante et régime tectonique en


décrochement (ou coulissement).

5.4.5 Estimation du déplacement sur des failles ; 


rejet réel et rejets apparents
Le rejet d’une faille exprime le déplacement relatif des deux compartiments qu’elle
sépare. Celui-ci est mesuré à partir du décalage de repères planaires (joints de strati-
fication, repères lithologiques ou chronostratigraphiques, filons magmatiques…) ou
linéaires. Selon l’orientation du déplacement par rapport aux conditions d’observa-
tion (vue en coupe verticale, horizontale ou oblique), l’observateur pourra mesurer
soit le rejet réel soit un rejet apparent. Pour une faille à glissement oblique, le

73
Chapitre 5 • La déformation cassante des milieux rocheux discontinus

vecteur-glissement S qui joint deux points A et Ac initialement contigus donne le


rejet réel (RVR) de la faille qui se décompose vectoriellement (Fig. 5.11) :
– dans le plan de faille en un rejet-direction (RD), horizontal, parallèle à la direction
de la faille et un rejet-pente (RP) orienté suivant la ligne de pente,
– dans le plan vertical orthogonal au plan de faille, le rejet-pente peut lui-même être
décomposé en un rejet vertical (RV) et un rejet transversal (RT).
Dans le plan vertical contenant le vecteur-glissement, celui-ci peut aussi être
décomposé en un rejet horizontal (RH) et un rejet vertical (RV).

Figure 5.11 – Rejet réel et rejets apparents sur une faille oblique.

Le rejet-direction (RD) exprime le déplacement en décrochement de la faille, le


rejet transversal (RT) exprime l’écartement ou le raccourcissement horizontal
perpendiculairement à la direction de la faille, le rejet vertical (RV) exprime son
dénivelé (en anglais : downthrow). Le rejet horizontal (RH) exprime l’écartement ou
le raccourcissement horizontal réel.
Pour connaître le rejet réel (RVR, Fig. 5.11) il est donc nécessaire ou d’observer
le glissement réel ou de le reconstituer à partir de la mesure de ses composantes.
L’estimation du déplacement sur une faille suppose que l’on connaisse le mieux
possible sa géométrie en surface comme en profondeur et la géométrie des repères
décalés. Les techniques d’imagerie sismique donnent de nos jours une géométrie
suffisamment précise des failles et des marqueurs repères pour mesurer le rejet verti-
cal. Les données de forage peuvent apporter des précisions supplémentaires. Toute-
fois l’effet de l’érosion sur les compartiments surélevés risque d’introduire une
erreur sur l’estimation du rejet vertical (RV) ; cet effet doit être pris en considération
par une analyse morphologique détaillée qui a pour but de reconstituer au mieux la
hauteur initiale de l’escarpement de faille. L’apport des techniques de la photo-inter-
prétation et de la télédétection sont d’un grand intérêt pour l’estimation du déplace-
ment horizontal ou rejet-direction (RD), en particulier pour les failles décrochantes
actives.

74
5.5 • Initiation, croissance et segmentation des failles

Ces techniques permettent d’estimer un déplacement fini (entre l’état initial et


l’état final). Elles ne permettent pas, seules, de reconstituer l’histoire du déplace-
ment. Il existe en effet des cas nombreux où des failles de grande dimension, de rejet
important et de longue activité ont eu, au cours de leur histoire des changements
importants de leur cinématique. On connaît ainsi des failles normales ayant rejouées
en failles inverses ou inversement (voir Chap. 6, § 6.4). Il est alors nécessaire de
préciser les cinématiques successives de la faille, chacune des périodes pendant
lesquelles elle a été active, de façon à pouvoir calculer en tenant compte de la
géométrie et des décalages des repères, les déplacements successifs dont la somme
est le déplacement total, fini, sur la faille.

5.5 INITIATION, CROISSANCE ET SEGMENTATION 


DES FAILLES
Une faille prend naissance à partir de fractures initiées sur des points particuliers
(défauts) de la roche où les contraintes se concentrent et se libèrent en premier. Elles
se propagent en créant une surface approximativement plane, irrégulière dans le
détail en raison des hétérogénéités du matériel affecté (variation de lithologie, de
faciès, joint de stratification). Observées en 2D sur des coupes verticales ou à la sur-
face du sol, il est très difficile de connaître la géométrie 3D des fractures et des
failles et de là, leur mode de formation. Dans tous les cas elles apparaissent selon
des traces plus ou moins discontinues, irrégulières que l’on qualifie de segmentées.
C’est grâce aux investigations géophysiques détaillées en trois dimensions réali-
sées par l’exploration sismique pétrolière, complété par des modélisations analo-
giques observées par tomographie au moyen de rayons X (Coletta et al., 1991), qu’il
est aujourd’hui possible d’avoir une image réaliste des fractures et des failles. Le
suivi dans le temps de l’évolution de la fracturation (analyse 4D) permet d’imaginer
avec une plus grande fiabilité les processus qui conduisent de l’apparition des frac-
tures aux failles matures. On peut dès lors mieux comprendre la segmentation des
failles dont les conséquences économiques sont grandes notamment dans l’exploita-
tion pétrolière.

5.5.1 La segmentation des failles


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

De très nombreux auteurs ont étudié la segmentation des failles. Pour donner une
vue actualisée de la question, nous avons repris les résultats des travaux de Marchal
et al. (1998 et 2003) réalisés dans le cas de l’étude de faille normale. D’après ces
auteurs, la segmentation d’une faille implique que la propagation se fasse à partir
d’une faille parent de forme approximativement elliptique, qui s’étend de façon
radiale et qui développe des failles secondaires (tip fault) à ses extrémités
(Fig. 5.12). Rapidement la faille parent se connecte aux failles secondaires. Ce
processus propre à une faille isolée peut interférer avec une faille isolée voisine, à
laquelle elle pourra se connecter par l’intermédiaire d’une faille de relai. Ce modèle
de propagation explique bien l’aspect sinueux complexe de la surface des failles
(figures c et e, planche 2 du cahier couleur).

75
Chapitre 5 • La déformation cassante des milieux rocheux discontinus

FAILLE ISOLÉE 1

CONNECTION FAILLE PARENT ET FAILLE DE BORDURE


Faille parent zone de dilatance

faille de bordure

T
Propagation FAILLE
E radiale
M ISOLÉE 2
P Connection
S faille parent /

CONNECTION FAILLE ISOLÉE A


faille de bordure

faille
de relai

FAILLE ISOLÉE
Propagation Propagation
radiale radiale

Connection connection
faille parent / des segments
faille de bordure

terminaison ondulée

Figure 5.12 – Modèle de propagation de faille normale


(d’après Marchal et al., 1998). Explications dans le texte.

5.5.2 De la segmentation aux relais de failles


Le mode de fracturation qui agit aux limites d’une fracture qui se propage est différent
selon l’orientation de la limite par rapport au déplacement sur la fracture (faille) : il
est de mode I sur les limites perpendiculaires au déplacement, de mode II pour les
limites parallèles et de mode III, entre les deux (Fig. 5.13). La propagation radiale de
la fracture n’est pas identique dans les différentes directions du matériel rocheux ; il
en résulte au final une fracture à l’aspect lobé (Fig. 5.14b), parfois connectée, qui
s’observe sur le terrain sous la forme d’ondulations ou de relais plus ou moins marqués.
On distingue ainsi des relais et des ondulations parallèles et perpendiculaires au
glissement sur la faille (Fig. 5.15). Dans le cas d’une faille normale, certains relais
sont allongés parallèlement et d’autres perpendiculairement au mouvement de la
faille (Fig. 5.15). Les premiers sont des relais actifs compressifs et extensifs, selon
leur position relative par rapport au jeu du toit et du mur de la faille ; les seconds,
dits passifs (ou neutres), sont à l’origine de cannelures ou permettent, en connexion
avec les premiers, la formation de lentilles tectoniques (Fig. 5.15). La déformation
est de mode II dans les premiers relais et de mode III dans les seconds.

5.5.3 Les terminaisons de failles


Selon le lieu d’observation qui est généralement une section d’affleurement (front
ou plancher de carrière, talus de route…), on ne voit que les traces d’intersection de
la surface complexe de la faille.

76
5.5 • Initiation, croissance et segmentation des failles

Figure 5.13 – Modèle schématique des modes de déformation aux


extrémités d’une faille (d’après Atkinson BK., 1987). Mode II = cisaillement
dans le plan, Mode III = cisaillement avec déchirement, Mode II & III = mode
mixte. L’étoile indique le lieu où s’applique le mode de déformation indiqué.

Relais perpendiculaires
au déplacement Ondulations verticales
relai
pas à gauche
(II au déplacement)
relai ondulation
pas à droite ondulation pas à gauche
pas à droite

relai
en
ondulation
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compression
en
compression
Ondulations
relai
horizontales
en
extension
(I au déplacement)
ondulation
en
extension
Relais parallèles
au déplacement

a b

Figure 5.14 – Modèle conceptuel en 3D d’une faille normale isolée (d’après


Marchal et al. 2003, modifié). Explications dans le texte.

77
Chapitre 5 • La déformation cassante des milieux rocheux discontinus

Dans le cas d’une faille normale on observe sur les sections verticales des terminai-
sons parfois en queues-de-cheval formées de fractures à faible déplacement tangen-
tiel ou des fractures ouvertes (mode I) (2, Fig. 5.16). Dans la vue en plan
(horizontale) on observe des fractures ouvertes (mode I) passant latéralement à des
fractures en échelons (mode I) (Fig. 5.16). Ces structures constituent une partie de la
zone de dommage de la faille (cf. § 5.6.3).

Mode II

Plan de faille

Mode
II & III

limite de faille Mode III Figure 5.15 – Nomenclature en 3D de la


morphologie structurale d’une faille
normale (d’après Marchal et al. 2003,
modifié). Explications dans le texte.

terminaison verticale 3
en coupe verticale
2

1
2

terminaison latérale
vue en plan

3
2 1

Figure 5.16 – Géométrie 3D simplifiée d’une faille normale


(d’après, McGraph et Davison, 1995, simplifié).

78
5.6 • Zone de faille et roches de failles

Dans le cas de failles décrochantes sont décrits divers types de terminaisons dont
sont ici présentés quelques exemples (Fig. 5.17) (extrait de Kim Y.-S., et al., 2004).
Leur interprétation permet de connaître aisément la cinématique de la faille à
laquelle cette terminaison est associée.

terminaison par une


1/2 fente de traction

1/2 fente

σ1
terminaison ramifiée
asymétrique

σ1

terminaison ramifiée
symétrique

failles synthétiques

terminaison par
failles antithétiques

failles
antithétiques
terminaison par
stylolithe et 1/2 fente stylolithe
Figure 5.17 – Quelques exemples les plus
courants de terminaison de faille
1/2 fente (cas de faille décrochante)
σ1 (modifié de Kim Y.-S., et al., 2004).

5.6 ZONE DE FAILLE ET ROCHES DE FAILLES

5.6.1 Zone de faille : généralités


Contrairement à ce que le laisse penser sa représentation sur une carte géologique,
une faille n’est pas une structure plane mais occupe un volume rocheux appelé zone
de faille. Large de quelques centimètres à plusieurs centaines de mètres la zone de
faille se développe approximativement parallèle à la faille, mais s’épaissit souvent
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dans les zones de relais et à ses extrémités. Son épaisseur est approximativement
proportionnelle à l’importance (dimension, rejet) de la faille.
La zone de faille représente la portion de roche mécaniquement et structuralement
modifiée par la formation de la faille depuis son initiation à son état actuel, incluant
les déformations liées à d’éventuelles réactivations.
La limite externe de la zone de faille est souvent difficile à définir. Elle peut être
progressive si elle se développe dans des matériaux homogènes dont l’histoire tecto-
nique et simple (monophasée), tandis qu’elle est brusque si elle s’est formée dans
des roches déjà structurées (importance de l’héritage structural). Lors de son étude il
convient de distinguer la part des déformations héritées, sans lien avec la formation
initiale de la faille, de celles contemporaines de son histoire ultérieure. Selon cette

79
Chapitre 5 • La déformation cassante des milieux rocheux discontinus

notion large, une zone de faille est le reflet de toutes les déformations enregistrées
lors de toute l’activité de la faille y compris celles formées dans des états de
contraintes différents de ceux de son initiation (ex. zone de faille normale réactivée
en faille décrochante).
Très souvent une zone de faille souligne géomorphologiquement le tracé de la
faille, soit en creux à cause d’une érosion localisée plus facile, soit en relief en rela-
tion avec une induration de la zone concernée. Ces aspects morphologiques sont liés
au comportement mécanique des roches (plus ou moins fragiles), dans le premier cas
et à la circulation de fluides avec précipitation, dans le second cas.

5.6.2 Zonation de la zone de faille


Sur une image satellite (d’échelle cartographique) on repère la trace des failles
majeures (FC) (Fig. 5.18a) soulignée souvent par un escarpement morphologique
(escarpement de faille) (EF) (Fig. 5.18a).
À l’échelle du terrain on peut distinguer une zone de faille, laquelle renferme
généralement une faille majeure (FM), sur laquelle a eu lieu l’essentiel du déplace-
ment de la zone de faille et des failles mineures (Fm) à déplacement réduit (d’un ou
de deux ordres de grandeur) (Fig. 5.18b).
EF
FC

ZF=ZEd
ZFe
ZFi ZFe

FM
F
1000 m
A
Fm
mF

100 m B
FM fe
mF
t
fe
fe
ZEe
10 m C
SG
s ZEe
FC
1m
D
do
sty

rF
0.1 m E
Figure 5.18 – Blocs structuraux schématiques montrant la hiérarchisation
des structures cassantes dans une zone de faille. Selon l’échelle
d’observation (du kilomètre (a) au centimètre (b)), les structures apportent
des informations différentes et complémentaires. (Voir détails dans le texte).

80
5.6 • Zone de faille et roches de failles

Au voisinage de la faille majeure, et de manière réduite le long des failles secon-


daires, se développe une zone endommagée diffuse (ZEd) (Fig. 5.18b), dans laquelle
une zone de faille externe (ZFe) enveloppe la ZEd et la sépare de la partie non défor-
mée de l’encaissant. Des « noyaux » peu déformés peuvent s’intercaler entre les
diverticules de la zone endommagée diffuse.
Le long de la faille majeure (et éventuellement sur des failles secondaires impor-
tantes) apparaît la zone de faille interne (ZFi) (Fig. 5.18c), qui ne comprend qu’une
faille autour de laquelle se développent des structures secondaires (joints, fentes,
veines, stylolithes…). Elle correspond à une zone moyennement endommagée
(ZEm), où la proportion volumétrique de matériel non déformé domine.
En bordure de la faille (Fig. 5.18d), on distingue la zone fortement endommagée
(ZEf), où la proportion volumétrique de matériel déformé domine et le cœur de la faille
(FC) où la roche est complètement transformée en roches de faille (rF) (Fig. 5.18e).
Des surfaces de glissement (SG) sont soulignées par des tectolgyphes (s : stries).

5.6.3 La zone endommagée


La définition de la zone endommagée, dans une zone de faille, est difficile à donner ;
elle diffère selon les auteurs. La zone endommagée est le volume de roche déformé
autour de la surface de faille, formé lors de l’initiation et de la propagation de la faille,
ou des interactions et des réactivations du glissement, le long de la faille (Cowie et
Scholz, 1992 ; McGrath et Davison, 1995). Young-Seog Kim et Sanderson (2010)
distinguent une zone de dommage diffuse qui englobe toutes les structures tectoniques
contemporaines de la formation de la zone de faille et des zones de dommages loca-
lisées. Young-Seog Kim et al. (2004) divisent ces zones de dommage localisées selon
leur situation dans la faille : 1) aux extrémités (tip damage zone), 2) dans les zones de
relais de faille (linking damage zone) et le long des lèvres (wall damage zone) (Fig. 5.19).
Selon les cas le mode de déformation est de type II, III ou II + III (Fig. 5.20).

Zone de dommage zones de dommage


de mur (Wall damage z.) localisées

zone de dommage
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de relai (Linking damage z.)

zone de dommage
de terminaison
(Tip damage z.)

zone de dommage diffuse

Figure 5.19 – Zone de dommage diffuse et localisée dans une zone de faille
(d’après, Kim Y.-S. and Sanderson D.J., 2010, modifié).

81
Chapitre 5 • La déformation cassante des milieux rocheux discontinus

Zone de dommage
de mur déformation Mode III
(Wall damage z.)

E C E C
C E

Zone de dommage Zone de domage


de terminaison déformation Mode II
de relai
(Tip damage z.) (Link damage z.)

Figure 5.20 – Zone de dommage en 3D et mode de déformation associés


(d’après, Kim Y.-S. et al., 2004., modifié).

Ces différentes structures qui s’associent et interfèrent le long des failles sont les
marqueurs privilégiés de la déformation cassante qu’il convient d’analyser avec
beaucoup d’attention car elles permettent de définir, dans le détail, les conditions de
la déformation (vitesse, ampleur, chronologie, présence de fluides…).

5.7 LE CŒUR DE LA FAILLE ET LES ROCHES DE FAILLES


Au cœur de la faille, là où le glissement est le plus important et localisé, les roches
sont profondément déformées, transformées au point de ne plus reconnaître leur
structure originelle. Ce sont les roches de faille.
Plusieurs auteurs ont tenté de classer ces roches selon divers critères structuraux.
(Higgins M.W., 1971 ; Sibson R.H., 1977 ; Tanaka H., 1992 ; Zeck H.P., 1974). En
s’inspirant fortement de leurs classifications nous proposons une classification synthé-
tique en utilisant les critères suivants : 1 : le caractère cohésif ou incohésif de la
roche de faille ; 2 : l’aspect de sa fabrique : aléatoire (non orientée) ou orientée
(foliée) ; 3 : la nature de la déformation (cassante ou ductile) ; 4 : la proportion de
matrice par rapport aux éléments ; 5 : la taille des éléments présents dans la roche de
faille (tableau 5.1).
Le critère 1 (C1), permet de distinguer les roches de faille à comportement
cassant (série des roches cataclasitiques) de celles à comportement ductile (série des
roches mylonitiques).
Le critère 2 (C2), distingue les roches de faille à structure non orientée de celles à
structure planaire (foliée).
Le critère 3 (C3), distingue les roches de faille cohésives (roches à éléments soudés)
et incohésives (roches à éléments non soudés, pulvérulentes) ; ce critère est délicat à
utiliser en raison des modifications possibles de ce caractère au cours du temps (cimen-
tation, altération), indépendamment du processus agissant lors de leur formation.
Parmi les principales roches de faille incohésives sont décrites les roches où plus
de 30 % d’éléments flottent dans une « poudre », ce sont les brèches de faille (fault
breccia), et les gouges, où le pourcentage d’éléments représente moins de 30 % de la roche.

82
5.7 • Le cœur de la faille et les roches de failles

C1 Roches de faille cassante Roche de faille


ductile

C3 C2 fabrique
fabrique sans orientation orientée
(foliée)
INCOHÉSIVE

% élem brèche de faille


brèche de faille
> 30 % foliée ?
% élem
gouge gouge foliée
< 30 %
verre +/- pseudotachylites
pseudotachylite foliée
dévitrifié
fr.>0. Brèche
5 cm Brèche fine
mat. 0.1<f mat.
microbrèche ?
r.<0.
0-10 % 5 cm 0-10 %
COHÉSIVE

CATACLASITES

fr.<0.
1 cm
mat. protocataclasite protomylonites mat.
protocataclasite foliée
10-50 % 10-50 %

MYLONITES
Série des
mat. cataclasite mat.
cataclasite foliée mylonites
50-90 % 50-90 %
mat.
ultracataclasite mat.
90- ultracataclasite ultramylonite
foliée 90-100 %
100 %

Tableau 5.1

Les roches de failles cohésives sont classées en fonction de la proportion du


volume de matrice (issue de la micofracturation) par rapport à celui occupé par les
éléments (débris, claste de roche originelle) quelle renferme : de 0 à 10 % de matrice
ce sont, selon la dimension des fragments (fr), des brèches (fr > 0,5 cm), des brèches
fines (0,1 cm < fr < 0,5 cm), des microbrèches (fr < 0,1 cm).
Les roches de faille ayant plus de 10 % de matrice forment le groupe des catacla-
sites. Selon le pourcentage de matrice on distingue les protocataclasites (mat. < 10-
50 %), les cataclasites (s.s.) (mat. 50-90 %) et les ultracataclasites (mat. > 90 %).
Certaines roches de failles renferment une fraction de verre issue de la fusion de
minéraux silicatés (quartz généralement) produite lors de l’échauffement par friction
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au cours du mouvement (sismique) de la faille. Ces roches sont appelées des pseudo-
tachylites.
Toutes les roches de failles cohésives sont connues sous leurs aspect non orienté
et orienté ; dans ce dernier cas elles sont dites foliées (cataclasites foliées, pseudo-
tachylites foliées…).
Cette classification a été établie sur des exemples de roches silicatées sédimen-
taires, plutoniques ou métamorphiques, il est vrai, très répandues. Elle doit être
étendue aux roches telles que les calcaires.

83
TECTONIQUE LA
CASSANTE À L’ÉCHELLE
6
RÉGIONALE
Les systèmes faillés

Les niveaux superficiels de l’écorce terrestre (Fig. 3.14) se déforment le plus


souvent par fracturation : c’est le domaine de la tectonique cassante. Pour l’essentiel,
les structures formées à l’échelle régionale sont des groupements de failles dont la
cinématique dépend de leur géométrie et du régime tectonique, en extension, en
coulissement ou en raccourcissement (Fig. 1.2), dans lequel elles se forment ou sont
réactivées.

6.1 LA TECTONIQUE EN EXTENSION :


GRABENS, RIFTS ET BASSINS EN EXTENSION
Nous commencerons cette étude par la description d’un fossé tectonique simple.

6.1.1 Les grabens : un exemple, le fossé d’Alès


Le fossé d’Alès est une dépression topographique longue de 50 km, large de 5 à
6 km, située sur la faille des Cévennes au nord du Languedoc (Fig. 6.1a et 6.2a). Il
est limité à l’ouest par une faille de direction NE-SW à pendage de 45° vers l’est et,
à l’est, par une faille de même direction mais à pendage vers l’ouest. Il est rempli de
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1 000 à 1 500 m de dépôts continentaux d’âge éocène supérieur-oligocène qui n’ont


pu s’y accumuler que grâce à l’effondrement du toit des deux failles (Fig. 6.1b) ;
celles-ci sont donc des failles normales. Le fossé qu’elles limitent est appelé un
graben (en allemand graben = fossé) et le bloc topographiquement élevé situé entre
deux failles normales à pendages divergents (Fig. 6.1c) est appelé horst (en allemand
horst = nid d’aigle).
Un graben peut être symétrique (Fig. 6.1c) ou dissymétrique (Fig. 6.1b). Le fossé
d’Alès est un graben dissymétrique : la faille bordière occidentale montre un rejet
vertical (1 200 m) beaucoup plus important que celui (500 m) de la faille orientale ;
cette dernière apparaît donc comme une faille antithétique (voir Fig. 4.21a) de la
faille majeure. Les couches du remplissage sédimentaire du graben sont inclinées en

85
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

Figure 6.1 – (a) Esquisse structurale du graben d’Alès (voir localisation,


Fig. 6.17). Les flèches blanches indiquent le transport des olistolithes ;
(b) Coupe schématique du graben d’Alès ; (c) Schéma de grabens et de horsts
symétriques.

éventail vers la faille bordière majeure : leur pendage augmente avec la profondeur
ce qui indique un basculement progressif du toit de la faille pendant la sédimenta-
tion. Enfin, le long de la faille majeure se sont accumulés des dépôts détritiques
grossiers (brèches sédimentaires et olistolithes), provenant du démantèlement de
l’escarpement de faille, qui attestent de l’activité de celle-ci pendant la sédimenta-
tion (Fig. 6.1a, b).
Grabens et horsts se forment par allongement (extension) horizontal de la croûte
terrestre (Fig. 1.2a). Ils sont souvent associés pour former des rifts où l’extension est
localisée et de grands bassins du type «Basin and Range» où l’extension est diffuse.

86
6.1 • La tectonique en extension : grabens, rifts et bassins en extension

6.1.2 Les rifts


2.1. Les rifts intracontinentaux : un exemple, le rift d’Europe occidentale

a) Situation régionale
Ce rift (en anglais rift = déchirure) comporte de nombreux grabens (Fig. 6.2a)
dont le graben d’Alès et s’étend sur plus de 1 500 km de la Méditerranée à la mer du
Nord. C’est un des plus grands rifts continentaux avec le grand rift est-africain
(§ I.2.2). Un volcanisme actuellement non actif, celui d’Auvergne et de la région
rhénane, lui est associé. Nous examinerons plus en détail le graben du Rhin situé
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Figure 6.2 – Esquisse structurale du graben du Rhin ; cercles noirs :


épicentres des séismes de 1976 - 1982. (d’après Ahorner et al., 1983, in Fuchs
et al. Eds., Plateau uplift, Springer-Verlag, 198-221). (a) Encart en bas –
pointillés : dépôts oligocènes ; cercles : volcans ; traits horizontaux : reliefs
liés au rift d’Europe occidentale (d’après Mattauer, 1973, Hermann, Paris,
493 p.). (b) Encart en haut – directions de tension (V 3 ) et de compression (V 1 )
de l’Éocène supérieur à l’Actuel (d’après Villemin et Bergerat, 1987, Bull. Soc.
Géol. France, (8), 3, 245-255 ; Larroque et Ansart, 1985, Bull. Soc. Géol. France,
(8), 1, 837-847, modifié).

87
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

dans la partie centrale du rift (Fig. 6.2b). Il se présente comme une dépression de 300 km
de long, 30 à 40 km de large et de 100 à 200 m d’altitude moyenne, dominé dans sa
partie méridionale par les hauteurs (1 000 à 1 500 m) des Vosges et de la Forêt Noire
qui forment ce qu’on appelle les épaulements du rift. Au nord, ces épaulements sont
peu importants (altitude | 500 m). Deux volcans, le Vogelsberg et le Kaiser Stuhl,
d’âge essentiellement miocène sont situés dans le graben (Fig. 6.2b)

b) La structure du graben du Rhin


– La structure superficielle du graben. Le graben est limité à l’est et à l’ouest par
deux zones de failles (Fig. 6.2b) de direction moyenne N 20° et de pendage 75°
environ (Fig. 6.3) sur lesquelles les rejets verticaux peuvent atteindre jusqu’à
1 800 m. Le remplissage sédimentaire tertiaire est lui-même affecté par des failles
de même direction dont les rejets verticaux sont plus faibles (< 500 m). Ce
remplissage sédimentaire peut atteindre 3 500 m d’épaisseur mais avec de fortes
variations longitudinales (3 500 à 1 000 m) ; sur une section transversale, le
maximum d’épaisseur des dépôts (le dépôt-centre) est décalé vers une des failles
bordières (vers la faille orientale sur la Fig. 6.3). Cette série tertiaire repose sur
une surface pénéplanée qui arase les formations jurassiques. Elle a commencé à se
déposer à l’Éocène terminal (| 40 Ma) et la subsidence s’est installée à l’Oligo-
cène (vers 34-37 Ma) avec le dépôt de couches marines salifères (1 700 m d’épais-
seur). La mer s’est retirée vers 27 Ma et a été remplacée par de grands lacs
subsidents jusqu’à la fin de l’Oligocène. Au sud du graben, un soulèvement et une
érosion ont eu lieu au cours du Miocène et les alluvions pliocènes-quaternaires
(250 m max. d’épaisseur) ont recouvert en discordance les dépôts oligocènes. Par
contre dans la partie septentrionale du graben, la subsidence et la sédimentation se
sont poursuivies sans interruption de l’Oligocène à l’Actuel.

Figure 6.3 – Coupe géologique schématique du graben du Rhin au niveau de


Strasbourg. 1 : socle, 2 : Mésozoïque, 3 : Oligocène inférieur, 4 : Oligocène
moyen, 5 : Oligocène supérieur, 6 : Pliocène-Quaternaire, a : épaulements du
graben, b : zone des champs de fractures (d’après Sittler, 1974, in J. Debelmas,
Géologie de la France, Doin, Paris).

– La structure profonde du graben. Un profil de sismique réflexion profonde obtenu


dans la partie sud du graben au cours du programme franco-allemand ECORS-
DEKORP montre (Fig. 6.4) que la faille bordière occidentale est une zone de failles
listriques (= en forme de cuillère) qui traverse toute la croûte. C’est une faille
normale à fort pendage (55 à 45°) dans la croûte supérieure cassante qui se connecte

88
6.1 • La tectonique en extension : grabens, rifts et bassins en extension

à une zone de cisaillement simple ductile, diffuse, à faible pendage (25°) dans la
croûte inférieure. Le Moho est décalé verticalement d’environ 2 km dans le prolon-
gement en profondeur de cette faille majeure listrique. Ce profil montre qu’à
l’échelle crustale le graben est fortement dissymétrique. Dans la partie septentrio-
nale du graben, c’est la zone de failles orientale qui correspond à la faille bordière
majeure ce qui est en accord avec la position du dépôt-centre décalée vers cette faille
bordière (Fig. 6.3).

Figure 6.4 – Coupe schématique à l’échelle crustale du sud du graben du


Rhin (au parallèle de Selestat) d’après le profil sismique-réflexion du
programme ECORS-DEKORP (d’après Brun et al., 1991, Geology).
L’échelle verticale est en secondes de trajet aller-retour des ondes (T.d.s., 10 s
correspondant à environ 30 km d’épaisseur)1 : Plio-Quaternaire,
2 : Éocène supérieur-Oligocène.

Un profil de sismique-réfraction (Fig. 6.5) a montré depuis longtemps un amincis-


sement crustal : sous le graben, le Moho se trouve à une profondeur minimale de
24 km sous sa partie méridionale. Ce profil a montré en outre la présence d’un
manteau anormal, où la vitesse des ondes P est atténuée ce qui a été interprété
comme une remontée de l’asthénosphère sous le graben et donc comme la preuve
d’un amincissement de la lithosphère.
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Figure 6.5 – Coupe schématique du sud du graben du Rhin d’après un profil


de sismique-réfraction (simplifié d’après Mueller et al., 1974, Tectonophysics,
20, 381-391). Les vitesses indiquées en km/s sont celles des ondes P.
1 : couche crustale supérieure ; 2 : couche crustale inférieure ;
3 : manteau anormal ; 4 : manteau normal.

89
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

Les enregistrements des ondes P par un réseau dense de stations sismiques


(programme Lithoscope 89) ont donné des images de la fluctuation de la vitesse des
ondes P dans la lithosphère rhénane (Fig. 6.6). Ces images montrent effectivement
des vitesses V p anormalement lentes sous le graben jusqu’à 60 km de profondeur,
correspondant probablement à une zone anormalement chaude dans la croûte et dans
la lithosphère supérieure sous crustale. Mais ces images ne montrent pas clairement
de remontée de l’asthénosphère sous le graben.

Figure 6.6 – Image des fluctuations de la vitesse des ondes P dans la


lithosphère du sud du graben du Rhin (au parallèle de Selestat), exprimées en
+ ou – % par rapport à un modèle moyen latéralement homogène, d’après un
profil du programme Lithoscope 89 (d’après Granet et al., 1990, renseign.
personnel). Les lignes obliques correspondent à une absence de données.

c) L’évolution tectonique du graben


– Les failles normales affectant les formations salifères. Dans les zones tabulaires
délimitées par les failles normales (Fig. 6.3), des réseaux de fentes verticales croi-
sées (Fig. 6.7a) ou parallèles (Fig. 6.7b) affectent les niveaux marneux cassants.
Elles sont remplies de sel fibreux dont la cristallisation est contemporaine de leur
ouverture. La direction des fibres indique statistiquement une direction d’allonge-
ment X voisine d’E-W qu’on peut assimiler en première approximation à la direc-
tion de V 3. Les couches de sel ductiles subissent, elles, un étirement plastique de
type cisaillement pur. La quantité d’allongement fini H x , estimée par la mesure de
l’ouverture des fentes et de l’amincissement des couches de sel, est voisine de 8 %.
La déformation des zones tabulaires est contemporaine du dépôt des couches salifères
oligocènes. Au voisinage des failles qui séparent les zones tabulaires, la déformation

90
6.1 • La tectonique en extension : grabens, rifts et bassins en extension

atteint des quantités d’allongement plus importantes de l’ordre de 20 à 100 %. On


y observe un comportement cassant des marnes et ductile du sel : les failles devien-
nent des flexures-failles à pendage de 35 à 45° (Fig. 6.8). À leur voisinage, les
niveaux marneux sont fracturés par une traction parallèle au litage formant ce qu’on
appelle des boudins (a, b, Fig. 6.8) ; ceux-ci subissent des rotations dans les zones
de cisaillement (c). Dans les zones à fort pendage, des plis d’écoulement (e) peuvent
même se former par fluage plastique du sel. Les flexures-failles se raccordent géné-
ralement à un décollement (f, g, Fig. 6.8) sur une couche horizontale de sel. Ces
failles témoignent de la poursuite du régime extensif pendant tout l’Oligocène. Des
dômes de sel, appelés diapirs (du grec = percer) sont montés par différence de
densité et ont traversé le remplissage sédimentaire du graben.

Figure 6.7 – Réseau de fentes croisées (a) et parallèles (b) à remplissage de


sel fibreux (hachures) dans les zones tabulaires du bassin potassique de
Mulhouse (d’après Larroque, 1987, Thèse, Montpellier).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 6.8 – Structures cassantes et ductiles liées aux flexures-failles


normales dans le bassin potassique de Mulhouse (d’après Larroque, 1987,
Thèse, Montpellier).

– Les failles bordières du graben affectent les formations mésozoïques et résultent


de la réactivation de failles anciennes, d’âge probablement hercynien (fin du Paléo-
zoïque). Elles montrent plusieurs familles de stries dont la chronologie a été établie
et pour chacune desquelles on a pu calculer un état de contrainte (Fig. 6.2 ; encart
en haut) qui rend compte des glissements sur les failles (voir Chap. 5, § 5.4.3). Des
mouvements décrochants senestres sont observés sur ces failles ; ils résultent d’un

91
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

régime tectonique en coulissement (V 2 vertical) avec une direction de V 1 voisine


de N-S et sont attribués à la compression N-S pyrénéenne d’âge éocène supérieur.
Ils sont en effet antérieurs à des mouvements essentiellement normaux résultant
d’un régime extensif avec une direction de V 3 voisine de E-W qui est corrélée avec
l’extension E-W affectant les dépôts salifères, bien datée de l’Oligocène. L’évolu-
tion structurale miocène est complexe, dominée par une compression NW-SE.
Actuellement, dans le graben, le régime tectonique est extensif (V 1 vertical) avec
une direction de V 3 NE-SW et les failles bordières ont des mouvements obliques,
décrochants à composante normale. Les failles du graben sont encore actives ; la
sismicité est actuellement faible (Fig. 6.2b), mais un séisme majeur (peut-être de
magnitude > 7) a complètement détruit la ville de Bâle en 1356. L’allongement
transversal total, fini, du graben est de l’ordre de 6 km.
d) La formation du rift d’Europe occidentale
Deux grandes familles d’hypothèses sont évoquées pour rendre compte de la forma-
tion des rifts où l’extension est localisée dans une zone étroite (< 100 km). Dans la
première (Fig. 6.9a), on considère que la montée d’un dôme, de ce qu’on appelle un
diapir, d’asthénosphère chaude, est le phénomène primaire. Le rift est dit actif. Par
expansion thermique, il s’ensuit la formation d’un dôme lithosphérique avec un glis-
sement gravitaire de la croûte sur ses flancs et une fracturation par extension de sa
crête. Dans le rift commence une subsidence dite tectonique. Le refroidissement du
système entraîne ensuite sa contraction et donc une subsidence dite thermique. Mais
dans la partie méridionale du graben, l’absence de diapir d’asthénosphère (Fig. 6.6)
n’est pas en faveur d’un tel modèle.
L’autre hypothèse (Fig. 6.9b) considère que la lithosphère est d’abord étirée et
fracturée, éventuellement de façon dissymétrique, en réponse à des forces horizon-
tales en traction appliquées aux limites de celle-ci. Le rift est dit passif. Il s’ensuit la
formation du graben et sa subsidence tectonique. Cet étirement lithosphérique peut
être aussi accompagné et suivi d’une remontée diapirique de l’asthénosphère (non
observable sur la Fig. 6.6) qui par expansion thermique entraîne la formation d’un
dôme. Le refroidissement du système entraîne ensuite sa contraction et sa subsi-
dence thermique. Il a été suggéré qu’à l’Oligocène, les plaques africaine et euro-
péenne se déplaçaient vers l’ouest à des vitesses différentes. L’une freinant l’autre,
il en aurait résulté une vitesse de déplacement relative vers l’est de l’Europe
centrale-orientale plus grande que celle de l’Europe occidentale, entraînant une traction

Figure 6.9 – Esquisses schématiques de deux modèles de rifts résultant


(a) d’un diapir d’asthénosphère, (b) d’une fracturation par traction horizontale
de la lithosphère.

92
6.1 • La tectonique en extension : grabens, rifts et bassins en extension

E-W et donc une déchirure de direction N-S dans la plaque européenne. Ce


problème n’est pas simple car il semble bien qu’à la même époque (Éocène supé-
rieur – Oligocène inférieur) les zones internes des Alpes étaient déjà en compression
et que s’y formaient de grandes nappes (voir Chap. 9).
2.2. La cassure continentale : un exemple, le rift des Afars
Le rift des Afars (Fig. 6.10) relaie vers l’ouest le rift océanique de la mer Rouge et
se raccorde vers le SE au rift du golfe d’Aden qui est le prolongement de la ride
médio-océanique de Carlsberg (Fig. 1.1). Le grand rift continental est-africain
aboutit à son angle sud-ouest.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 6.10 – Carte structurale simplifiée du rift des Afars. (1) socles
continentaux et leur couverture, (2) volcanisme stratoïde postérieur à 5 Ma,
(3) rifts axiaux quaternaires, (4) failles normales, (5) rifts océaniques avec les
isochrones (en 10 6 ans) d’après les anomalies magnétiques (modifié d’après
Le Dain et al., 1980, Bull. Soc. Géol. France, (7), 22, 817-830).

a) La structure du rift des Afars


– La structure superficielle. Il est bordé à l’est et au sud par des failles majeures
respectivement NNW-SSE et ENE-WSW qui affectent les boucliers précambriens
éthiopien et somalien (Fig. 6.10) et leurs couvertures sédimentaires couronnées
par des trapps basaltiques d’âge éocène à miocène (| 40 à 5 Ma). La dépression

93
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

est remplie de dépôts sédimentaires marins et continentaux, de coulées de basaltes


stratoïdes alcalins et localement de rhyolites, d’âge miocène (| 25 Ma) à pléisto-
cène (0,7 Ma). L’ensemble atteint une épaisseur de 4 000 à 6 000 m ce qui, ajouté
à la différence d’altitude de 3 000 m entre le plateau éthiopien et la dépression,
implique un effondrement de l’ordre de 7 000 à 9 000 m du fond du rift. Des
failles normales de direction NNW-SSE à ENE-WSW, à pendage de 70 à 80°,
découpent la dépression en un ensemble de horsts et de grabens. Certains de ces
grabens symétriques qu’on appelle les rifts axiaux (Fig. 6.10), découpés dans les
basaltes stratoïdes alcalins (4 à 1 Ma), sont remplis de basaltes transitionnels
récents (< 1 Ma), de tendance océanique. Ils sont, de ce fait, considérés comme
les lieux de déchirure de la croûte continentale et donc d’un début d’océanisation.
– La structure profonde déduite des données gravimétriques et de quelques profils
de sismique-réfraction suggère un fort amincissement crustal sous la dépression et
l’existence, sous tout le rift, d’un manteau anormal qui a été comparé à celui des
rides médio-océaniques. Les anomalies magnétiques sont en faveur d’une struc-
ture de type croûte océanique sous les rifts axiaux (Fig. 6.10), renforçant l’hypo-
thèse d’un début d’océanisation sous ceux-ci.

b) Les structures tectoniques des rifts axiaux


Nous examinerons plus particulièrement ici la tectonique des rifts axiaux en
prenant l’exemple du rift d’Asal (Fig. 6.10). Long d’environ 10 km, il comporte une
vallée axiale large de 2 à 5 km. Celle-ci contient des fentes ouvertes (Fig. 6.11a),
appelées gjas, de quelques dizaines à plusieurs centaines de mètres de long, de 1 à 10
m de large ; ces fentes se ferment en profondeur (Fig. 6.11c). La vallée axiale est
bordée de failles purement normales souvent associées à des failles antithétiques
(Fig. 6.11b). Ces structures sont actives : en novembre 1978 un nouveau volcan est
apparu dans la vallée axiale, de nouvelles fissures s’y sont formées et les failles
normales ont été réactivées ; la somme de ces déplacements correspondait à une
ouverture «instantanée» de 2 m du rift. Sa vitesse d’ouverture moyenne est de
l’ordre de 1,5 cm/an, la vitesse de subsidence durant les derniers 35.000 ans de
l’ordre de 0,8 cm/an tandis que la vitesse de remplissage par les épanchements
volcaniques est inférieure à 0,1 cm/an, ce qui explique la formation d’une vallée
axiale (Stein et al., 1991).
Comment se forment ces structures ? Dans les roches volcaniques jeunes
(< 5 000 ans) et élastiques de la vallée axiale, l’état de contrainte qui résulte de la seule
pression lithostatique est de révolution autour de l’axe V 1 vertical (voir Fig. 4.15a et
Chap. 4, § 4.5.1-1.3) et la valeur de V 3 = Ugh [Q/(1 – Q)] + V T, V T étant la contrainte
tectonique en traction qui peut varier avec la profondeur. La direction de V 3 , perpen-
diculaire aux fentes ouvertes, est voisine de N 40°. En supposant un gradient de
contrainte vertical dû au poids des roches (densité | 3) égal à 3.10 4 Pa/m et une roche
faiblement viscoélastique [Q/(1 – Q) = 0,6], on peut à partir de la théorie de Griffith
(chap. 4), calculer la valeur de la contrainte V T nécessaire pour que les fentes se propa-
gent à une profondeur donnée (Cornet, 1980) ; la valeur de V T est de 2,8 MPa
pour une profondeur de 150 m. Mais on sait qu’à partir d’une certaine pression

94
6.1 • La tectonique en extension : grabens, rifts et bassins en extension

hydrostatique, la déformation cassante ne se fait plus par fentes mais par glissement
sur des plans de failles (voir Fig. 4.4). En utilisant un critère de Coulomb-Navier
[(1), Chap. 4], avec une cohésion en surface Co = 1 MPa et en supposant que la pres-
sion normale V N sur les fractures est la pression effective d’un milieu saturé en eau
[(4), Chap. 4], on peut calculer la valeur de V T à partir de laquelle va se produire un
glissement sur des plans de défaut préexistants faisant avec l’axe V 1 un angle E compris
entre 45° et 15° (voir Fig. 5.4). Cette valeur limite de V T est voisine de 1,8 MPa, plus
faible que la valeur nécessaire pour propager une fente jusqu’à 150 m de profondeur.
Donc les fentes ouvertes (Fig. 6.11a) ne se forment probablement que dans les 50 à
100 premiers mètres sous la surface et, plus profondément, des glissements doivent
se produire sur des failles préexistantes (Fig. 6.11d).

Figure 6.11 – Structures tectoniques des rifts axiaux (modifié d’après


Mattauer, 1980, Bull. Soc. Géol. France, (7), 22, 975-984).

Le gradient géothermique étant élevé, de l’ordre de 90 à 100 °C/km quand la


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

profondeur augmente, la déformation doit devenir de plus en plus ductile et l’état de


contrainte induit par la pression lithostatique doit tendre vers un état de type hydros-
tatique (Fig. 4.17). Il est probable que, quand la profondeur augmente, la déforma-
tion se fait d’abord par «failles cassantes-ductiles», puis par failles ductiles
(Fig. 6.11e) et enfin, vers 4 km de profondeur par un étirement ductile (Fig. 6.11f)
sans rupture dans la direction de V 3 avec un aplatissement perpendiculaire à V 1 .
Mais dans la chambre magmatique, située probablement à 7 – 8 km sous le rift
d’Asal, la pression du magma (Pm) sur les parois peut parfois devenir supérieure à
V 3 et entraîner la rupture de la paroi de la chambre par fracturation hydraulique [voir
§ 4.3.4-4.2, Chap. 4]. Une fissure remplie de magma (Fig. 6.11g) se propage vers le
haut, perpendiculairement à la trajectoire de V 3 si le milieu rocheux est homogène et
isotrope ; elle traverse la zone plastique qui entoure la chambre magmatique et

95
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

atteint le milieu rocheux élastique fracturé. La pression du magma peut suffire à


ouvrir les fractures existantes et à faire jaillir le magma en surface, comme cela s’est
produit en novembre 1978.
Dans les rifts axiaux de type océanique, la déformation est donc fortement contrô-
lée par le fort gradient géothermique et par la présence d’une chambre magmatique.
L’augmentation de température amollit le matériau et localise la déformation, la
production de magma favorise la rupture par fracturation hydraulique. Par ailleurs,
l’extension se fait avec augmentation de volume due aux apports magmatiques.
c) La formation du rift des Afars
Il semble qu’avant 13-15 Ma, les rifts est-africain, des Afars et de la mer Rouge
formaient un rift continental unique. C’est à cette époque, au moins dès le Miocène
inférieur (| 25 Ma) dans les Afars, que s’est produit un étirement de la croûte conti-
nentale. Ensuite deux centres d’expansion océaniques se sont mis en place, l’un
vers – 10 à – 13 Ma dans le golfe d’Aden, l’autre vers – 6 à – 10 Ma en mer Rouge.
Des rifts océaniques se sont propagés à partir de ces centres ; le premier s’est étendu
vers l’est et a atteint le voisinage du rift d’Asal vers – 1 Ma, le second s’est propagé
vers le sud et vers le nord de la mer Rouge (Fig. 6.10). Le rift des Afars constitue donc
actuellement un « verrou » continental entre deux rifts océaniques qui tendent à se
rejoindre (Courtillot, 1982). Il est probable que la fissure océanique se propagera dans
le rift d’Asal et, par certains des rifts axiaux, rejoindra la mer Rouge pour former un
rift océanique unique de l’océan Indien à la mer Rouge tandis que les autres, aban-
donnés, avorteront.
2.3. L’extension dans les océans
Les zones d’extension océaniques actives sont essentiellement localisées dans les rifts
axiaux des rides médio-océaniques. En Islande, où la ride médio-Atlantique est visible
à terre, les structures tectoniques des rifts axiaux, fissures ouvertes (gjas, qui est un
terme islandais), fissures émissives et failles normales, sont semblables à celles des
rifts axiaux des Afars. Toutefois, la production volcanique étant beaucoup plus grande
en Islande, la vallée axiale n’est pas déprimée comme dans le rift axial d’Asal.
Par ailleurs, sur les marges continentales dites passives, comme la marge atlantique
de la Bretagne, les profils de sismique-réflexion montrent des failles normales à fort
pendage qui affectent le socle. Les blocs basculés vers le continent témoignent d’un
allongement de 30 – 40 % de la croûte du rift continental (voir § 6.1.4) qui a précédé
la cassure crustale Europe - Amérique du Nord et la formation de l’océan Atlantique
tout comme l’extension de la croûte continentale a précédé sa rupture dans les Afars
puis l’océanisation en mer Rouge et dans le golfe d’Aden. Des marges continentales
passives ont été aussi reconnues dans les chaînes de montagnes comme les Alpes (voir
§ 6.4.3) où elles sont antérieures à la compression qui a formé ces chaînes.

6.1.3 Les bassins continentaux en extension


La largeur des rifts est en général inférieure à une centaine de kilomètres mais
certains bassins continentaux où l’extension est diffuse, comme la province du Basin

96
6.1 • La tectonique en extension : grabens, rifts et bassins en extension

and Range dans l’ouest des États-Unis, qui s’étend au sud jusqu’au Mexique dans les
provinces du Sonora et du Chihuahua, peuvent atteindre le millier de km de large. La
partie septentrionale de cette dernière région qu’on appelle le Grand Bassin (voir
carte en figures e et f de la planche 4 du cahier couleur), est très caractéristique de ce
type de structure. Elle est formée d’un ensemble de grabens et de horsts de direction
N-S, larges chacun de 30 à 40 km (Fig. 6.12a), qui se répètent périodiquement.

Figure 6.12 – a) Bloc diagramme schématique montrant divers types de


failles dans le Basin and Range (d’après Brun et Choukroune, 1983, Tectonics,
2 (4), 345-356). b) Coupe schématique dans le Basin and Range (désert de
Sévier, Utah) d’après un profil de sismique-réflexion
(simplifié d’après R. Anderson et al., 1983, Geol. Soc. Am. Bull., 94, 1055-1072).

– La structure superficielle. Le Grand Bassin est superposé aux plissements d’âge


laramien (Crétacé supérieur – Éocène) des Cordillères nord-américaines et dans
les Sierra Madre orientale et occidentale du Mexique. Les horsts (Fig. 6.12a) sont
formés par un socle précambrien recouvert par une couverture sédimentaire
mésozoïque-paléozoïque. Une épaisse (| 5 000 m) série volcanique d’âge éocène
à pléistocène peut recouvrir la couverture sédimentaire ou directement le socle.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les grabens sont remplis de sédiments détritiques miocènes à quaternaires. Ils


sont limités par des failles bordières (1, Fig. 6.12a) à fort pendage (60°) sur
lesquelles le rejet vertical cumulé peut atteindre 4 000 m. Des failles décrochantes
transversales (2, Fig. 12a) assurent longitudinalement le relais des systèmes de
horsts et grabens. Des failles normales à très faible pendage (< 20°) affectent aussi
les formations volcaniques et leur substratum. Certaines, de forme courbe, dites
listriques suivent les principales discontinuités lithologiques et constituent
d’importants niveaux de décollement (voir § extension ductile, Chap. 9). Les plus
superficielles (3, Fig. 6.12a), localisées dans les formations volcaniques ou au
contact entre celles-ci et leur substratum, ont permis la formation de grands glis-
sements de terrain dont les parties distales ont alimenté des dépôts chaotiques
dans les bassins lacustres des grabens.

97
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

– La structure profonde. Les profils de sismique-réflexion du programme américain


COCORP (Fig. 6.12b) montrent que certaines failles à très faible pendage traversent
la croûte supérieure cassante (4, Fig. 6.12a). Elles forment de grands plans de décol-
lement auxquels se raccordent les failles à fort pendage (1, Fig. 6.12a). Beaucoup
de ces failles résultent de la réactivation d’anciens chevauchements d’âge laramien.
Les données sismiques et gravimétriques montrent en outre un net amincissement
crustal : le Moho est situé à 20-35 km de profondeur au lieu de 50 km sous le plateau
du Colorado. La lithosphère y est aussi plus mince (80 km) que sous ce dernier
(120 km).
– La tectonique en extension du Basin and Range. L’analyse de la cinématique des
failles montre (Zoback et al., 1981) que cette région a été soumise à une extension
de direction N 70° entre | 20 et 10 Ma, puis de direction N 120° après 10 Ma.
C’est au cours de cette dernière période qu’elle a acquis sa structure particulière
en vallée (basin) et chaînon (range).
Ce qui est caractéristique de l’extension dans le Basin and Range, c’est d’abord
l’existence des failles intracrustales à très faible pendage qui imposent une extension
très asymétrique (voir § 6.1.4 suivant). En outre, le Basin and Range, dont l’altitude
est encore de 1 500 à 2 000 m dans le Grand Bassin, s’est formé sur une chaîne cordillé-
raine d’altitude probablement élevée à l’origine. La croûte, actuellement amincie, a
dû être au moins aussi épaisse (50 km) que sous le plateau du Colorado. Or, une topo-
graphie élevée (force de pesanteur) compensée en profondeur par une racine crustale
(force d’Archimède) augmente la contrainte verticale Vzz dans la croûte (voir Fig. 2.2).
Si la contrainte verticale Vzz devient V1, l’état de contrainte devient extensif et il peut
se former des failles normales (voir le modèle d’Anderson, Fig. 4.13b). Ainsi l’exten-
sion continentale diffuse, dans le cas du Basin and Range, est probablement la consé-
quence d’un effondrement gravitaire d’une croûte fortement épaissie, résultant d’une
augmentation de la contrainte verticale. C’est un mode d’extension que l’on trouve
aussi dans les hauts plateaux comme l’Altiplano des Andes et le Tibet.

6.1.4 La géométrie des failles normales en profondeur


et les mécanismes du glissement
La géométrie des failles en profondeur commence à être connue de façon satisfai-
sante, grâce aux données de la sismique-réflexion profonde (voir Fig. 6.4 et 6.12b) et
de la sismologie (profondeur des hypocentres et mécanismes au foyer des séismes).
Ces données montrent que dans la croûte supérieure cassante, les failles normales
majeures sont souvent planes, avec un pendage moyen de 40-50°, bien que, dans le
détail, elles puissent présenter de légers changements de pendage (< 15°) et des irré-
gularités (voir Fig. 5.13c). Mais on connaît aussi des failles de géométrie courbe
(failles listriques). Elles sont fréquentes surtout dans les dépôts sédimentaires épais
et se raccordent alors souvent en profondeur à une faille plate ou décollement (appe-
lée aussi faille de détachement) localisée dans un niveau d’évaporites (voir Fig. 6.8)
ou d’argile à très forte pression de fluides (voir Chap. 9, § 9.5). Ce décollement
permet un découplage de la couverture sédimentaire par rapport à son substratum
(voir Fig. 6.16). On connaît aussi de grandes failles à faible pendage traversant toute

98
6.1 • La tectonique en extension : grabens, rifts et bassins en extension

la croûte et il a été suggéré, par exemple pour le Basin and Range (Wernicke et
Burchfield, 1982), qu’elles pourraient traverser même la lithosphère.
Les failles normales sismiquement actives ont presque toujours un pendage
compris entre 30 et 60° ce qui semble indiquer que les glissements sur les failles
normales à très faible pendage (< 20°) ne produisent pas de séismes.
En déformation cassante, pour qu’un glissement avec friction se produise sur une
faille, il faut que la contrainte tangentielle W résolue sur le plan de faille atteigne une
valeur critique Wc = Co + PVN [(1), Chap. 4]. Le scénario du glissement peut schéma-
tiquement se résumer ainsi : la faille étant « collée », la contrainte tangentielle croît
et la déformation élastique du matériau augmente. La valeur critique Wc étant atteinte,
la faille glisse, le matériau reprend sa forme initiale et une partie de l’énergie élastique
accumulée est libérée sous forme de trains d’ondes qui produisent un tremblement de
terre. Ces failles par « collage-glissement » (stick-slip faults) glissent donc par à-
coups. Une faille normale à très faible pendage, proche de l’horizontale, est proche
de l’orientation du plan principal (V2, V3) de contrainte (voir Fig. 4.13b). Sur une telle
faille, la valeur de la contrainte cisaillante W est faible et la valeur de la contrainte
normale VN̯, donc de la friction (PVN), est grande (voir les valeurs de W et VN pour 4
voisin de 90°, Fig. 4.6b). Un mécanisme de « collage-glissement » ne peut donc se
produire que très difficilement sinon pas du tout. Il est donc probable que si un glis-
sement se produit sur de telles failles, en particulier sur les failles listriques, il ne peut
se faire que par fluage asismique (= creep-slip faults). Dans la croûte supérieure, un
tel glissement n’est possible que si la friction est très faible par exemple du fait d’une
forte pression de fluide qui diminue la pression normale effective (voir Fig. 4.7b) ou
de la présence d’un matériau (gouge) très ductile dans le plan de faille. Par contre,
dans la croûte inférieure, à cause de l’augmentation de température, un glissement par
un mécanisme de déformation ductile (voir Chap. 7) peut se produire à faible vitesse
(10– 11 à 10– 14 s– 1) sur des zones de cisaillement ductiles (failles ductiles), normales,
à très faible pendage (voir Fig. 6.4) ; ces failles n’ont un comportement cassant que
pour des vitesses de déformation élevées, par exemple lors de très grands séismes.

6.1.5 La quantification de l’extension


On peut utiliser la géométrie des failles pour estimer la quantité d’extension de la
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

croûte. Les différentes méthodes utilisées dépendent du modèle de failles retenu qui
peut supposer une géométrie plane ou courbe du plan de faille et une rotation ou une
absence de rotation autour d’un axe horizontal des blocs séparés par les failles.
5.1. L’extension sur les failles planes
– L’extension peut se produire sans rotation des blocs, si la largeur des blocs est
trop grande pour que ceux-ci puissent facilement basculer et/ou si l’extension est
faible. Dans ce cas, l’extension d’une couche faillée, de longueur initiale L o et de
longueur finale L f , est donnée par H = (L f – L o )/L o (Fig. 6.13a). La longueur L o
ne peut être déduite que par reconstitution (restauration) de la forme initiale de la
couche faillée. La différence 'L = L f – L o représente la quantité d’allongement
horizontal réel RH si la mesure est effectuée dans le plan du mouvement réel

99
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

RVR (voir Fig. 5.11) et d’allongement horizontal apparent dans les autres cas. On
peut toujours calculer l’allongement horizontal réel RH sur une faille dont on
connaît la direction (d), le pendage (D), le rejet vertical (RV) et l’azimut (Az) du
vecteur-glissement (Fig. 5.11 et 6.13a) :
'L = RH = RV e tan D ˜ sin Az – d
Si plusieurs failles décalent la couche repère, l’allongement horizontal total 'L
correspond à la somme des allongements sur chaque faille.
– L’extension se produit généralement avec rotation des blocs quand l’extension
devient importante. Dans ce cas, la rotation est en effet une nécessité mécanique :
le mouvement sur chaque faille produit en effet une déformation par un méca-
nisme de cisaillement simple (Fig. 6.14) mais qui doit conduire à un étirement de
la croûte par un mécanisme de cisaillement pur. Le passage de la déformation
élémentaire sur les failles à la déformation globale du matériau nécessite une rota-
tion autour d’un axe horizontal pendant la déformation. Le pendage initial D o de
la faille diminue et devient D f , les couches du bloc subissent un basculement b =
p o – p f , égal à la différence entre leur pendage initial p o et le pendage final p f .
L’allongement défini à l’aide du facteur d’étirement E = 1 + H est (Fig. 6.13b) :
E = sinD o /sinD f

Figure 6.13 – a) étirement de la croûte par mouvement sur failles planes


sans rotation de blocs ; b) étirement de la croûte sur failles planes avec
rotation de blocs (modèle de domino).
Par simplification il est admis sur le schéma que le pendage initial des
couches po = 0 d’où le pendage final pf = b.

100
6.1 • La tectonique en extension : grabens, rifts et bassins en extension

Les valeurs de D f et de p f étant mesurées sur le terrain, puisque D o = D f + b


(Fig. 6.13b), il faut pour calculer E connaître soit le pendage initial D o de la faille,
soit le pendage initial p o des couches. L’allongement dû aux mouvements verticaux
différentiels des blocs (voir paragraphe précédent) peut éventuellement s’ajouter à
celui dû à la rotation des blocs.
On remarquera que dans ce modèle dit de «dominos», la rotation est la même pour
tous les blocs, donc la même aussi pour tous les plans de failles et pour toutes les
couches. Dans la réalité les plans de failles en «dominos» peuvent bien sûr présenter
un léger changement de pendage, donc avoir une légère courbure (voir § 6.1.4).

Figure 6.14 – Schéma montrant un cisaillement pur de la croûte supérieure


résultant d’un cisaillement simple sur des failles plus une rotation externe
(d’après Jackson, 1987, Spec. Publ. Geol. Soc. London, 28, 3-17).

5.2. L’extension sur les failles listriques


Le glissement sur les failles listriques entraîne une déformation importante du toit
à cause de leur géométrie courbe. Prenons pour simplifier l’exemple d’une faille
listrique qui devient horizontale et plane en profondeur (Fig. 6.15a). Un déplace-
ment D sur cette faille produit un vide (potentiel) B entre le toit et le mur qui est
comblé par la déformation du toit ; celui-ci acquiert une géométrie particulière dite
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en «roll-over» (to roll over = se retourner en roulant). Si la déformation se fait sans


changement de volume, les surfaces C, B et A sont égales, la connaissance de C
permet alors de déterminer le déplacement D si on connaît la profondeur h du plan
de faille horizontal car alors le déplacement D = A/h = C/h. Si on ne connaît pas h,
on ne peut mesurer que le déplacement apparent d ; celui-ci est égal au déplacement
réel D que si la déformation du toit se fait par cisaillement simple vertical
(Fig. 6.15a), c’est-à-dire si le point b vient en b 1 après déformation. Mais la
présence de failles antithétiques qui se forment dans le toit de ces failles listriques
(Fig. 6.16) suggère que ce cisaillement simple est plutôt incliné vers la faille majeure
(bb 2 , Fig. 6.15a). La quantité d’extension sur ce type de failles à partir des seules
données de surface (d) est généralement sous-estimée.

101
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

Un ensemble de failles listriques imbriquées (Fig. 6.15b) peut produire des rota-
tions de blocs. Ces rotations sont la conséquence de la forme courbe des failles, les
failles ne subissent pas de rotation, seules les couches sont basculées et, par ailleurs,
la valeur de la rotation est différente d’un bloc à l’autre. Ces deux caractères – absence
de rotation des failles et rotation différentielle des blocs – distinguent la rotation due
aux failles vraiment listriques de celle liée aux failles planes ou presque planes (modèle
de dominos). Pour une même quantité d’extension, les valeurs du basculement des
blocs dans le cas de failles listriques sont beaucoup plus grandes que dans le cas des
failles planes. Ainsi dans le cas de décollement sur des failles listriques, on peut sures-
timer fortement la quantité d’extension si on utilise un modèle de dominos.
5.3. La mesure de la quantité d’extension crustale à partir des failles de surface.
La transition croûte supérieure cassante/croûte inférieure ductile est une transition
graduelle de température qui se produit très vraisemblablement dans un intervalle
(300-450 °C) correspondant aux transitions ductile/cassant des minéraux constitutifs
des roches qui s’y trouvent (voir Fig. 5.5). S’il n’existe pas de découplage méca-
nique entre la croûte cassante et la croûte ductile (Fig. 6.13b), la quantité d’allonge-
ment de la croûte inférieure par déformation ductile est égale à celle, par
déformation cassante, de la croûte supérieure ; la déformation de la croûte est homo-
gène. Mais l’existence de grands plans de cisaillement simple, ductile, à faible
pendage traversant la croûte inférieure, et même la lithosphère, peut imposer une
déformation hétérogène de la croûte avec éventuellement un découplage entre la
croûte inférieure et la croûte supérieure. Dans ce cas, on peut être amené à sous-
estimer la quantité d’extension à partir des seules données de surface (voir Chap. 9 ;
extension ductile).

Figure 6.15 – a) déformation du toit d’une faille listrique, plane et


horizontale en profondeur (d’après White et al., 1986, J. Struct. Geol., 8,
897-909) ; b) rotation de blocs sur un système de failles listriques imbriquées
(d’après Wernicke et Burchfield 1982, J. Struct. Geol., 4 (2), 105-115).

102
6.2 • La tectonique en décrochement : failles coulissantes et failles transformantes

S’il existe un découplage sur une faille de détachement, par exemple à la base de
la couverture sédimentaire, la déformation de celle-ci devient indépendante de celle
du substratum. Dans certains cas (Fig. 6.16), le niveau de décollement permet seulement

Figure 6.16 – Failles listriques dans une couverture sédimentaire décollée


de son substratum, lui-même affecté de failles planes en dominos.

d’accommoder, de façon différente dans la couverture, l’extension du substratum ;


couverture et substratum étant étirés de la même quantité. Dans d’autres cas, le
décollement permet un glissement par gravité de la couverture vers une dépression,
marine sur les marges passives ou lacustre dans les grabens continentaux
(Fig. 6.12a), l’extension de la couverture n’est alors pas significative de celle du
substratum qui à la limite peut être non déformé. Enfin, si l’extension se fait avec
augmentation de volume (Fig. 6.11), la quantité d’extension estimée à partir des
failles de surface est toujours inférieure à la quantité d’extension réelle.

6.2 LA TECTONIQUE EN DÉCROCHEMENT : FAILLES


COULISSANTES ET FAILLES TRANSFORMANTES

6.2.1 Les failles décrochantes :


un exemple, la zone de failles des Cévennes
La zone de failles des Cévennes (Fig. 6.17a) représente une des failles décrochantes
les plus importantes du système des décrochements tardi-hercyniens d’Europe (voir
Fig. 9.21). Elle se suit, en France, sur au moins 150 km, depuis la Montagne Noire au
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SW jusqu’à la vallée du Rhône au NE. Elle a été réactivée en décrochement senestre


à l’Éocène, au cours de la compression pyrénéenne.
1.1. Les caractères structuraux de la zone de failles des Cévennes
Cette zone de failles forme une dépression allongée, large de 1 à 2 km. Elle est géné-
ralement formée de plusieurs accidents de direction proche qui forment un réseau
anastomosé délimitant des blocs fusiformes de dimensions décamétriques à kilomé-
triques appelés lentilles tectoniques (Fig. 6.17b). Les traces de glissement (stries,
cannelures…) visibles sur les miroirs de failles sont le plus souvent horizontales, quel-
quefois obliques. Un feuilletage (Fig. 6.17c1) des roches, vertical ou presque, orienté
obliquement (EW à ENE-WSW) à la direction (NE-SW) des failles, se développe
au voisinage immédiat des accidents majeurs. Il correspond à un plan d’aplatissement

103
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

formé par pression-dissolution et a donc valeur d’une famille de joints stylolithiques


(voir Fig. 4.14e et 6.17c3). Ce feuilletage est très souvent déformé en lentilles sigmoï-
dales par des cisaillements secondaires (voir Fig. 4.20c et 6.17c2). Au voisinage de
la zone de failles, mais hors des zones très déformées, existent des plis dont les axes
ont une direction (N 50 à N 110°) parallèle à oblique par rapport à la direction (N 45°)
de la zone de faille et un plongement variable (10° à 50°) souvent fort.
La direction du feuilletage, les lentilles sigmoïdales, les stries sur les failles et les
axes de plis sont en accord avec une direction de raccourcissement voisine de N-S à
NNW-SSE compatible avec un décrochement senestre sur la zone de failles des Cévennes.
L’amplitude du déplacement déterminée à partir du décalage d’un récif barrière d’âge
jurassique supérieur, coupé par la zone de failles, est d’une dizaine de kilomètres.
1.2. L’histoire complexe de la zone de failles des Cévennes. Le mouvement décro-
chant senestre de cette zone de failles ne correspond qu’à l’épisode d’âge éocène supé-
rieur de son histoire tectonique. En effet, cette zone de failles s’est formée à la fin de
l’orogenèse hercynienne (entre 310 et 270 Ma) lors de la fracturation du domaine SW
européen par de grands accidents crustaux décrochants (voir Fig. 9.21). C’est, à cette
époque, un décrochement probablement dextre associé à des décrochements dextres
de direction E-W (Montagne Noire) et senestres de direction NNW-SSE (faille de
Villefort) qui contrôlent la formation des bassins houillers stéphaniens du Massif
central. Ensuite, au Mésozoïque, la zone de failles des Cévennes joue en faille normale.
Elle sépare alors la marge européenne en surrection (seuil cévenol) du bassin subsi-
dent, du SE de la France (bordure languedocienne) qui borde l’océan alpin. C’est au
cours de l’orogenèse pyrénéenne, que la compression alors de direction N-S réactive
cette zone de failles en décrochement senestre. Enfin à l’Oligo-Miocène l’extension
générale qui prévaut dans l’Europe occidentale la réactive de nouveau, cette fois en
failles normales, comme nous l’avons vu en étudiant le rift d’Europe occidentale (voir
§ 6.1.1 et Fig. 6.1 et 6.2).

6.2.2 Failles transformantes et failles coulissantes


Les failles décrochantes de grandes dimensions (L > 100 km) peuvent affecter toute
l’épaisseur de la croûte continentale et certaines même toute l’épaisseur de la lithos-
phère. Ces dernières constituent alors des limites de plaques (Fig. 1.1) et sont appe-
lées failles transformantes ; on considère que la faille de San Andreas appartient à ce
type de faille.
2.1. La faille de San Andreas. Cette faille s’étend sur plus de 1.500 km du golfe de
Basse Californie jusqu’au nord de San Francisco (Fig. 6.18a). C’est une faille
sismique (voir Chap. 5, § 5.1.1) dont l’étude a beaucoup contribué au développement
du concept de faille décrochante. C’est en effet à la suite du tremblement de terre de
San Francisco, en 1906, au cours duquel un tronçon de faille de 300 km a été réactivé
avec des déplacements horizontaux dextres compris entre 2,5 et 7 m, que ce concept
s’est imposé à la communauté géologique. Cette faille est la plus importante d’un
système transformant de failles (Fig. 6.18b) qui, dans l’Ouest américain, sépare les
Cordillères côtières (Coastal Ranges) du Basin and Range.

104
6.2 • La tectonique en décrochement : failles coulissantes et failles transformantes

Figure 6.17 – La zone de failles décrochantes des Cévennes : a) situation de


la faille des Cévennes ; b) réseau anastomosé de failles décrochantes ;
c) feuilletage (C 1) des roches par pression-dissolution (C 3) parfois déformé
par des cisaillements secondaires (C 2). Les grabens oligocènes sont marqués
par des pointillés.

La zone de failles active de San Andreas forme une dépression, large d’une dizaine
de km, qui ne correspond pas à un «rift» bien qu’on lui attribue parfois à tort ce terme,
mais qui reflète simplement l’érosion facile des roches broyées dans la zone de failles.
Une caractéristique fondamentale des failles décrochantes est leur linéarité sur de
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

longues distances. La faille de San Andreas coupe de façon rectiligne une topographie
différenciée, décalant de façon dextre les interfluves des cours d’eau. Dans la dépres-
sion, suivant les irrégularités du tracé de la faille, certaines zones sont comprimées
ou étirées formant dans les sédiments meubles respectivement des rides de compres-
sion (pressure ridges) ou des bassins affaissés (sag ponds). La composante verticale
du déplacement reste faible ; le long du tracé de la faille le rejet vertical peut diminuer
et même s’annuler pour ensuite s’inverser formant ce qu’on appelle des «failles en
ciseaux». Ces caractéristiques physiographiques sont l’expression de l’activité
récente et actuelle de cette faille dont l’histoire a commencé il y a probablement 30 Ma.
L’activité géologique plus ancienne de la zone de failles de San Andreas se traduit
par les déformations caractéristiques des failles décrochantes, déjà signalées sur

105
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

Figure 6.18 – La zone de failles décrochantes de San Andreas. a : situation de


la faille de San Andreas dans l’Ouest américain (d’après Lyon-Caen et al., 1990,
La Recherche, 21, n° 217), SF = San Francisco ; b : principales failles de la
Californie du Sud dans la région de la grande courbure de la faille de San
Andreas (d’après Sylvester, 1988, Geol. Soc. Am. Bull., 100, 1666-1703).

l’exemple de la faille des Cévennes : un dispositif anastomosé du réseau de failles limi-


tant des blocs rocheux allongés en lentilles tectoniques, des stries horizontales sur les
plans de failles et des plis en échelon associés.
2.2. Les failles décrochantes péri-arabes. L’Arabie est limitée à l’ouest par la faille
du Levant (ou faille de la mer Morte) qui s’étend sur plus de 1 200 km, du golfe
d’Akaba à la Turquie orientale. C’est une faille décrochante senestre qui permet à la
plaque arabique de se déplacer vers le nord par rapport au Sinaï et à la Méditerranée
orientale (plaque africaine) supposés fixes (Fig. 6.19) ; c’est donc une faille transfor-
mante formant une limite de plaque (voir § suivant, 2.3). Cette faille a dû commencer
à être active dès le Miocène quand s’est ouvert le rift continental de la mer Rouge et
la vitesse de décrochement a dû augmenter quand, vers – 6 Ma, un centre d’expansion
océanique s’est mis en place en mer Rouge (voir, dans ce chapitre, § 6.1.2-2.2c).
La plaque arabique se déplaçant vers le nord, est entrée en collision avec la plaque
eurasiatique dans laquelle elle s’enfonce tel un poinçon. Au front de ce poinçon,
dans le Caucase et de l’Est turc au Zagros iranien, se forment des plis et des chevau-
chements (Fig. 6.19). Cette déformation est active : le séisme de Spitak (Arménie)
de 1988 (voir Chap. 5, § 5.1) traduisait la réactivation d’un des chevauchements du
Petit Caucase. Le poinçon arabe chasse aussi la Turquie vers l’ouest et l’Iran central
vers l’est. Il se forme ainsi à son front des failles décrochantes intracontinentales que
nous appellerons failles coulissantes (voir § suivant, 2.4). Le bloc turc est limité au
nord par la grande faille décrochante dextre nord-anatolienne et au sud-est par la
faille décrochante est-anatolienne. L’Iran central est bordé au sud par la faille décro-
chante dextre du Zagros. Ces failles coulissantes sont postérieures à la collision
arabo/eurasiatique ; elle sont d’âge postérieur à 12 Ma.

106
6.2 • La tectonique en décrochement : failles coulissantes et failles transformantes

2.3. Question de terminologie


Le terme de faille décrochante est utilisé pour toute faille dont le mouvement est
essentiellement horizontal (voir Chap. 4, § 4.1.1-1.2 et Chap. 5, § 5.1.2) ; il est l’équi-
valent du terme anglais «strike-slip fault». Les failles transformantes (= transform
fault, T. Wilson, 1965) sont des failles décrochantes qui transfèrent (transforment) le
mouvement d’une limite de plaque à une autre limite de plaque. Par exemple la faille
transformante senestre du Levant transforme l’ouverture de la mer Rouge en un
raccourcissement au nord de la plaque Arabique (Fig. 6.19 et 6.20a) et la faille trans-
formante dextre de San Andreas transfère l’ouverture de la dorsale est-pacifique à la
dorsale de Gorda et à la subduction nord-américaine (Fig. 6.18a et 6.20b). Le terme
de faille coulissante peut être utilisé pour définir des failles décrochantes qui affectent
la croûte continentale et qui ne sont donc pas des limites de plaques : pris dans ce
sens, il est l’équivalent du terme anglais «transcurrent fault» (Sylvester, 1988). Ces
deux termes ont d’ailleurs à peu près la même signification originelle : en français
«coulis» vient de couler et en anglais «current» signifie courant, qui coule. Par
ailleurs, l’expression «régime tectonique en coulissement ou coulissant» est souvent
utilisé (Mattauer, 1973 ; Gidon, 1987) pour désigner un régime de déformation crustale
par failles décrochantes «coulissantes» (Fig. 4.13c).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 6.19 – Les failles décrochantes péri-arabes (d’après J. Mercier, 1979,


Rev. Géogr. Phys. et Géol. Dyn., Paris, 21, 67-92 ; et pour le séisme de Spitak,
Cisternas et Philip, 1989, La Recherche, 20, 670-675). Voir explication dans le
texte.

6.2.3 La mesure du déplacement horizontal


La mesure du déplacement horizontal réel (Fig. 5.11) sur une faille décrochante
nécessite l’existence d’un repère horizontal faisant un angle fort avec la faille et

107
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

Figure 6.20 – Schéma de failles transformantes (FT) ; a : senestre reliant une limite
divergente (LD) à une limite convergente (LC) ; b : dextre reliant deux limites
divergentes ; c : senestre reliant deux limites convergentes. On remarquera que sur
le schéma b, le décalage apparent des deux rides médio-océaniques (LD) est
senestre alors que le mouvement réel, dû à l’ouverture sur les rides, est dextre.

décalé par celle-ci. Lorsqu’une faille sismique est réactivée, il est en général facile
de mesurer en surface le déplacement horizontal (voir Chap. 5, § 5.1.1). La somme
des déplacements durant une période donnée permet d’estimer une vitesse moyenne
de déplacement horizontal actuel ; pour la partie centrale de la faille de San Andreas
par exemple, celle-ci est estimée à 34 mm/an. Les mesures géodésiques à terre, ou
par le moyen des satellites artificiels, permettent aussi de telles mesures de déplace-
ments horizontaux actuels. Pour les déplacements d’âge quaternaire, on utilise
souvent le décalage de structures morphologiques (terrasses alluviales, cônes de
déjection, moraines glaciaires, réseau hydrographique) dont il faut estimer l’âge. La
déflexion de cours d’eau de part et d’autre du tracé de la faille (Fig. 6.21b) doit être
utilisée avec précaution car les cours d’eau ne sont pas des repères passifs ; érosion
et captures peuvent en modifier le cours.
Pour les failles anciennes ces repères peuvent être sédimentaires (lignes de paléo-
rivages, d’isofaciès), structuraux (axes de plis, traces de chevauchements) ou
magmatiques (batholithes, axes volcaniques). Ainsi le décalage de lignes d’isofaciès
d’âge crétacé supérieur dans la partie sud de la faille du Levant suggère un décroche-
ment senestre de l’ordre de 100 km. Dans sa partie septentrionale, cette faille semble
décaler de 80 km, de façon senestre, le front de chevauchement des nappes d’âge
crétacé supérieur sur la bordure septentrionale arabe. La différence de déplacement
pourrait être absorbée au moins en partie par le plissement des Palmyrides et sur le
tronçon libanais de direction NE-SW de cette faille (Fig. 6.19). Mais l’incertitude
sur la magnitude des déplacements horizontaux anciens est souvent grande, faute de
repères décalés sûrs ; par exemple les estimations du déplacement sur la faille nord-
anatolienne varient de 25 à 120 km !

6.2.4 Les déformations locales liées à la géométrie


des failles décrochantes
La déformation des roches dans une zone de failles décrochantes dépend de la nature
des roches, des conditions P-T, de la vitesse et de la quantité de déplacement mais

108
6.2 • La tectonique en décrochement : failles coulissantes et failles transformantes

aussi de la géométrie de la surface de faille par rapport au vecteur-déplacement. La


trace d’une faille est en effet rarement rectiligne et continue. La faille de San Andreas
par exemple peut être divisée en segments de 12-13 km avec des changements abrupts
de direction de 5 à 10°. Ces brusques changements de direction du plan de faille et
aussi l’existence de relais entre les segments de celle-ci produisent localement des
zones où le mouvement des blocs adjacents est convergent (dit aussi transpressif),
produisant des déformations par raccourcissement et soulèvement (pressure ridges,
push-up) ou divergent (dit aussi transtensif), produisant des déformations par exten-
sion et subsidence (pull-apart basins, sag ponds) (voir Fig. 5.12 et 5.13).
Sur la courbure en compression de la faille de San Andreas, au voisinage des failles
de Big Pine et Garlock, par exemple (Fig. 6.18), se sont formés les plissements E-W,
avec soulèvement, des Transverse Ranges. À plus petite échelle, sur de telles courbures
en compression, des failles décrochantes à composante inverse peuvent se raccorder
vers le bas, formant des structures en coin connues sous le nom de structures en fleur
(«flower-structures», Fig. 6.21a). Sur un relais en distension de la faille du Levant,
s’est formé le bassin de la mer Morte. Dans un modèle où les failles normales bordant
le bassin et situées transversalement aux failles décrochantes étaient une faille unique
au départ, on admet que l’ouverture du bassin correspond au déplacement sur les failles
décrochantes (Fig. 6.21b). En fait, il s’agit là d’un modèle souvent simpliste : la quan-
tification de l’ouverture du bassin déduite des failles superficielles dépend de la
géométrie de ces failles en profondeur (voir, dans ce chapitre, § 6.1.5).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 6.21 – Déformations locales liées à la géométrie de la faille


décrochante, a : structure compressive en fleur ; b : structure distensive de
bassin en «pull-apart».

6.2.5 Le mécanisme de formation des failles décrochantes


Les failles décrochantes peuvent se former par un mécanisme de déformation par
cisaillement pur ou par cisaillement simple.
Le mécanisme de cisaillement pur, non rotationnel (Fig. 4.10), a été le premier
mécanisme proposé pour expliquer l’orientation des failles décrochantes par rapport
à un état de contrainte triaxial dans un milieu homogène et isotrope. Les failles décro-
chantes dextres et senestres forment des dièdres aigus et obtus contenant respectivement

109
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

les axes horizontaux V 1 et V 3 ; l’axe intermédiaire V 2 est vertical (Fig. 4.13c). Des
failles normales et inverses dont les directions sont orthogonales respectivement à V 3
et V 1 peuvent être associées aux failles décrochantes. Une telle déformation non rota-
tionnelle pose des problèmes d’espace quand la déformation devient grande. Elle ne
peut être résolue que par une rotation interne des plans de cisaillement et/ou un glis-
sement différentiel alterné sur chacune des familles de failles conjuguées (Fig. 4.10d).
Une telle déformation par cisaillement pur peut s’observer dans les avant-pays plissés
des chaînes de montagnes dans lesquels des systèmes de failles décrochantes conjuguées
coupent avec un angle fort les systèmes de plis. Dans ce cas, la longueur de ces failles
(L < 100 km) et le déplacement (D d quelques 10 km) restent modestes.
Les grandes failles décrochantes (L | 100-1 000 km), souvent parallèles aux chaînes
de montagnes, ne constituent pas des systèmes conjugués ; elles se forment par un
mécanisme de cisaillement simple (Fig. 4.11). La zone de faille majeure résulte géné-
ralement de la réactivation d’une faille ou d’une discontinuité crustale, voire lithos-
phérique, préexistante. Dans une telle zone de faille, la déformation est rotationnelle.
Les structures incrémentales, formées par exemple lors de la réactivation d’une faille
sismique, peuvent parfois montrer une géométrie analogue à celles en échelon (R, Rc,
T, P, Fig. 4.11) formées au cours d’expériences. Mais dans les zones de faille ayant
une longue histoire, l’utilisation d’un tel modèle théorique est en général une approxi-
mation simpliste, souvent fausse ; ce modèle ne permet pas d’interpréter les structures
de déformation finie rotationnelle résultant d’une évolution complexe en réseau anasto-
mosé des failles (Fig. 4.12). En outre, une telle interprétation ne tient compte ni de la
nature hétérogène des roches et ni, surtout, de leur état de préfracturation. Une zone
de failles décrochantes n’indique pas nécessairement un régime tectonique régional
décrochant (V 2 vertical). En effet, si le milieu rocheux est préfracturé, des grandes
failles décrochantes peuvent se former aussi bien dans un régime tectonique régional
décrochant (V 2 vertical), qu’extensif (V 1 vertical) ou compressif (V 3 vertical) (voir
Chap. 5, § 5.4.4).

6.3 LA TECTONIQUE EN COMPRESSION :


« UPLIFTS » ET ÉCAILLES DE SOCLE
Des structures tectoniques de dimensions régionales se forment souvent par failles
inverses dans les avant-pays des chaînes de montagnes.
6.3.1 Les «uplifts» : l’exemple des Montagnes Rocheuses
(États-Unis)
Un exemple représentatif de ces structures compressives régionales est celui des
«uplifts» des Montagnes Rocheuses ouest-américaines, dans leur partie septentrionale
(État du Wyoming, Fig. 6.22a). Ces «uplifts» sont des structures où la composante
verticale du déplacement est souvent importante (d’où leur nom : uplift = soulèvement).
Ils résultent de déplacements sur de gigantesques failles inverses affectant, le socle
précambrien, lequel forme de grands monoclinaux (= couches inclinées dans le
même sens) portés à une altitude de 3 à 4 km. Sur les marges de ces monoclinaux la
couverture sédimentaire se déforme par flexures faillées (Fig. 6.22b). La morpholo-
gie générale d’un «uplift» est donc celle d’un horst, ou d’un demi-horst, mais formé

110
6.3 • La tectonique en compression : « uplifts » et écailles de socle

en compression. Ils constituent de véritables chaînons montagneux (Fig. 6.22a) de


15 à 30 km de large et de 100 à 200 km de long qui dominent de 1 000 à 2 000 m les
bassins voisins qui sont des synclinaux.
Les profils de sismique-réflexion du programme américain COCORP ont permis
de préciser leur géométrie en profondeur (Fig. 6.22c). Certains, probablement les
plus nombreux, résultent de la réactivation de failles à faible pendage (30 à 40°), qui
traversent la croûte jusqu’à 20-25 km de profondeur. Leur rejet vertical est d’une
dizaine de km et leur raccourcissement horizontal, de 15 à 20 km (Fig. 6.22b 2-b 3).
D’autres «uplifts» sont associés à des failles inverses à fort pendage (> 50°) parfois
même presque verticales (Fig. 6.22b 1). Dans ce dernier cas, il est alors probable
qu’ils résultent de la composante verticale du mouvement d’importantes failles
décrochantes et sont en fait des structures en fleur (Fig. 6.21a).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 6.22 – Les «uplifts» des Montagnes rocheuses du Wyoming (États-Unis)


voir localisation sur la Fig. 9.3a, d’après Berg, 1962, Bull. Am. Ass. Petr. Geologists,
46, n° 11, 2019-2032.

111
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

6.3.2 Les écailles de socle des massifs cristallins externes


des Alpes occidentales
Dans les Alpes occidentales, l’alignement des massifs cristallins dits externes sépare
la zone subalpine des zones internes alpines (Fig. 9.6a). Ils sont formés d’un socle
métamorphique d’âge probablement précambrien et paléozoïque, intrudé de
granites, sur lequel repose en discordance les dépôts du Paléozoïque supérieur et
ceux transgressifs du Mésozoïque.
Ces massifs ont été longtemps considérés comme le socle hercynien autochtone.
Mais des travaux de géophysique y ont montré l’existence de grandes failles inverses
qui cisaillent la croûte. La coupe interprétative de la figure 6.23a qui traverse le Vercors
et les massifs cristallins externes de Belledonne et du Pelvoux montrent deux failles
inverses majeures à faible pendage. À la plus superficielle se raccordent les failles
inverses à faible pendage qui découpent le massif du Pelvoux. À la plus profonde se
raccordent les failles inverses à fort pendage qui découpent le massif de Belledonne.
Ces failles inverses à faible ou fort pendage débitent des lames, ce qu’on appelle des
écailles de socle qui sont équivalentes, bien que de plus faibles dimensions, aux «uplifts»
des Montagnes Rocheuses. Les failles inverses cassantes dans la croûte supérieure,
deviennent probablement des zones de cisaillement ductile dans la croûte inférieure.
Le profil de sismique réflexion profonde du programme franco-italien ECORS-CROP
réalisé dans les Alpes au nord du massif de Belledonne (Fig. 9.1 et Fig. 6.23b) a montré
que la zone de failles inverses la plus profonde atteint le Moho à 60 km de profondeur.
Elle fait chevaucher l’ensemble des écailles du massif cristallin externe de Belledonne
sur la croûte européenne sur 25 km environ, refoulant à son front la couverture décollée
et déformée de la zone subalpine et du Jura (voir Chap. 9, § 9.1.3).
L’analyse structurale de ces failles inverses montre que le transport se fait dans
une direction comprise entre le NW et le SW. Elle montre aussi que ces failles résul-
tent de la réactivation en compression (mouvement 2, Fig. 6.23a) d’anciennes failles
normales (mouvement 1, Fig. 6.23a) d’âge mésozoïque (voir § 6.4.3). Ces failles
inverses ont parfois été réactivées en failles normales (mouvement 3, Fig. 6.23a)
postérieurement à la compression alpine.

6.4 L’INVERSION TECTONIQUE


On appelle inversion tectonique le phénomène qui produit une inversion du sens du
déplacement sur une faille préexistante. Ce phénomène est surtout décrit à propos de
structures de grandes dimensions (hectométriques à kilométriques) nées en disten-
sion (grabens) puis réactivées en compression.
Mais il peut se produire dans d’autres conditions tectoniques, par exemple : une
faille inverse peut être réactivée en faille normale (cas du Basin and Range, § 6.1.3),
une faille décrochante de sens (a) en une faille décrochante de sens (– a) (cas de la
faille paléozoïque dextre des Cévennes réactivée en décrochement senestre à

112
6.4 • L’inversion tectonique

Figure 6.23 – Les écailles de socle des massifs cristallins externes ;


a : coupe passant par les massifs du Vercors et de Belledonne-Pelvoux (d’après
Ménard, 1979, Thèse, Grenoble ; Gillcrist et al., 1987, Geodynamica Acta
(Paris), 1 (1), 5-34) ; b : coupe interprétative d’un profil de sismique – réflexion
ECORS-CROP passant par les massifs des Bornes et de Belledonne (d’après
Mugnier et al., 1990, in Roure et al. Éds, Mém. Soc. Géol. France, Paris, 156,
203-216). Voir localisation sur Fig. 9.1.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’Éocène supérieur, § 6.2.1). L’inversion tectonique n’est en fait qu’un cas particu-
lier de la réactivation dans un nouveau régime tectonique de fractures préexistantes
(voir Chap. 5).

6.4.1 Les facteurs contrôlant l’inversion tectonique


a) Lorsqu’une faille est réactivée, la direction du glissement S dépend du nouveau
régime tectonique et de l’orientation (direction et pendage) de la faille par rapport
aux nouvelles directions principales de contrainte (voir Chap. 5, § 5.3.2). Lorsque
l’inversion en compression se produit sur une faille normale à pendage de 45 à 60°,
la valeur de la contrainte cisaillante W est suffisamment élevée pour que celle-ci soit
aisément réactivée en faille inverse ; éventuellement une déformation plicative peut

113
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

lui être associée (Fig. 6.24a). La présence d’une couverture sédimentaire cachetant
initialement la faille favorise la formation de flexures, parfois accompagnées du
décollement de cette couverture (Fig. 6.24 b). Si la faille préexistante a un faible
pendage (environ 30°), proche de celle du plan de cisaillement maximum (Fig.
4.13a), l’inversion en compression est encore plus facile et la géométrie finale de
l’accident peut prendre l’allure d’un chevauchement (Fig. 6.24 c). Par contre, dans le
cas d’une faille à pendage vertical ou presque vertical sur laquelle la valeur de la
contrainte normale V N est élevée par rapport à celle de la contrainte cisaillante W,
l’inversion se réalise difficilement ; il se crée souvent une «zone morte» au-dessus
de laquelle le contenu sédimentaire du graben est charrié (Fig. 6.24d) suivant un
plan de faille inverse à pendage de 30 à 45°.
b) L’inversion en compression d’une faille normale plane conduit souvent à une
faille inverse de géométrie simple, éventuellement compliquée de flexures ou
d’écaillages formant ce qu’on appelle une faille-pli (Fig. 6.25a). Mais si la faille
normale préexistante est listrique, la forme courbe de la faille impose un bascule-
ment du toit vers l’intérieur de l’ancien fossé (Fig. 6.25b) éventuellement accompa-
gné, là encore, d’un écaillage des lèvres du mur. L’expression de l’inversion est
évidemment d’autant plus spectaculaire que l’ampleur du nouveau déplacement est
grande par rapport au déplacement initial. L’inversion pourra être sous-estimée et
même ignorée si le deuxième déplacement est inférieur au premier.

Figure 6.24 – Inversion tectonique d’une faille initialement normale,


influence du pendage de la faille.

114
6.4 • L’inversion tectonique

Figure 6.25 – Inversion tectonique de failles initialement normales,


planes et listriques.

6.4.2 L’inversion d’un graben :


l’exemple des Uinta Mountains (USA)
L’inversion d’un graben symétrique conduit à un «uplift» également symétrique
(Fig. 6.26a) ; en revanche la dissymétrie d’un fossé (demi-graben par exemple)
conduit à la formation d’une structure inversée dissymétrique dont les complications
structurales peuvent être importantes (Fig. 6.26b). Un exemple clair d’inversion de
graben est donné par les Uinta Mountains dans les Montagnes Rocheuses (Fig. 6.22)
qui forment un uplift de 150 km de long sur 20 à 30 km de large. Les Uinta Moun-
tains résultent de l’inversion en compression au Crétacé supérieur – Paléocène d’un
grand fossé formé dans le craton américain au cours d’une distension d’âge Précam-
brien supérieur et dans lequel s’étaient accumulés plus de 7 500 m de sédiments
clastiques d’âge compris entre 1 600 et 800 Ma.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 6.26 – Inversion tectonique de grabens symétrique (a)


et dissymétrique (b).

6.4.3 L’inversion d’une marge continentale :


l’exemple de la chaîne alpine
Les marges continentales passives montrent des dispositifs structuraux analogues à
ceux qui existent sur les bordures des rifts continentaux (voir § 6.1.2-2.3). Il n’est

115
Chapitre 6 • La tectonique cassante à l’échelle régionale

donc pas étonnant que l’analyse structurale détaillée des chaînes de montagnes
montre que souvent la localisation des grandes failles inverses qui affectent le socle
de ces chaînes soit contrôlée par la localisation et l’orientation des failles majeures
en distension nées lors de la formation du bassin océanique. C’est le cas des Alpes
occidentales par exemple. La fracturation de la plate-forme continentale européenne
a débuté au Trias inférieur et a abouti au Trias supérieur – Jurassique inférieur à une
architecture en horsts et grabens. L’actuelle marge occidentale des massifs cristallins
externes (Fig. 6.23) était alors bordée de grandes failles normales de direction NNE-
SSW à pendage généralement vers l’ESE (mouvement 1, Fig. 6.23a) comme en
témoignent les brèches d’écroulement synsédimentaires d’âge jurassique inférieur
qu’on observe à leur pied et les basculements de blocs qui leur sont associés. Au
Jurassique supérieur – Crétacé inférieur l’extension de la région s’est généralisée,
accompagnée d’une importante subsidence de la marge et d’une importante activité
magmatique (formation d’une croûte océanique) dans le bassin proprement dit.
L’expansion océanique s’est interrompue au Crétacé supérieur ; la région est entrée
en compression ; c’est alors que s’est produite l’inversion tectonique (mouvement 2,
Fig. 6.23a). L’héritage structural du bassin et de ses marges qui s’est exprimé lors de
l’inversion est non seulement d’échelle locale (failles, blocs basculés…) mais peut
être considéré d’un point de vue plus général encore, à l’échelle de la croûte
(Fig. 6.23b).

116
LA
DÉFORMATION
DUCTILE DES ROCHES
7
Dans les conditions naturelles, les roches peuvent se déformer de façon ductile. Le
plissement en est l’exemple le plus frappant ; comme il a fait l’objet de nombreuses
études il sera analysé dans un chapitre particulier (Chap. 8). Ce chapitre est plus
général ; il concerne les mécanismes de la déformation ductile, homogène et hétéro-
gène, des roches.

7.1 LA DÉFORMATION DUCTILE


DANS LES ESSAIS MÉCANIQUES
Revenons brièvement sur le chapitre 3, dans lequel nous avons précisé les conditions
physiques dans lesquelles se produit la déformation ductile des roches.
a) À basse température et pression de confinement élevée (25 °C et 35 MPa, dans
l’expérience de la Fig. 3.6), un échantillon cylindrique de marbre subit une déforma-
tion ductile de 3 à 20 % sans rupture et acquiert une forme de barillet (Fig. 4.4b). En
traction, un échantillon de roche peut être aussi étiré ductilement à basse tempéra-
ture (Fig. 4.4d) mais ceci nécessite des pressions de confinement souvent plus
élevées (750 MPa en traction contre 125 MPa en compression à 25 °C pour le
calcaire à grain fin de Solenhofen). Dans ces deux cas, la partie déformée de ces
échantillons est envahie par deux systèmes de bandes conjuguées, appelées bandes
de Lüder dans les métaux, dont l’orientation est voisine de celles des plans de
cisaillement conjugués en déformation ductile-cassante (Fig. 4.4b et d). Ces bandes
de Lüder sont des bandes, où le cisaillement se trouve concentré (sans rupture), qui
permettent le mouvement relatif de domaines moins déformés.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

b) À pression de confinement constante, une augmentation de la température


(300 à 600 °C dans l’expérience de la Fig. 3.7) abaisse le seuil d’apparition de la
déformation plastique et peut augmenter la quantité de déformation plastique avant
rupture. Le même effet est obtenu par une augmentation de la teneur en fluide dans
la roche à température élevée (Fig. 3.13a). Dans ces expériences de haute tempéra-
ture, la déformation ductile des échantillons résulte d’un transfert de matière par
diffusion qui sera examiné plus en détail au paragraphe 7.2.2-2.2.
L’analyse de la déformation ductile peut donc être abordée sous deux aspects. On
peut s’intéresser au changement de forme macroscopique (distorsion) du matériau ;
c’est l’analyse de l’état de déformation quantifié par l’ellipsoïde de déformation
finie (voir Fig. 4.4e et f). On peut aussi s’intéresser aux différents mécanismes

117
Chapitre 7 • La déformation ductile des roches

microscopiques de l’écoulement ductile. Cet écoulement ductile peut être accom-


modé par des mouvements relatifs de domaines, ceux-ci résultant de la fracturation
de grains cristallins, ou même de blocs rocheux, suivie d’un glissement sur les plans
de fracture ; c’est la déformation cataclastique. Il peut aussi résulter de glissements
intra-grains qui conduisent au changement de forme de ceux-ci ; c’est la déforma-
tion plastique par glissement de dislocations (voir § 7.2.2-2.1). L’écoulement ductile
peut aussi résulter d’un transfert de matière aux limites de ces domaines par diffu-
sion de particules (voir § 7.2.2-2.2). Le terme de déformation ductile s’applique
donc à la déformation globale d’un volume de matériau (dont il faut préciser les
dimensions) que l’on considère comme un continuum homogène. Il n’implique rien
quant aux mécanismes microscopiques possibles de l’écoulement.

7.2 LES MÉCANISMES DE LA DÉFORMATION PLASTIQUE


Les mécanismes cataclastiques ayant déjà été décrits dans les chapitres 3, 4 et 5, nous
n’envisagerons ici que les mécanismes de la déformation plastique. La connaissance
de ces mécanismes à l’échelle de la maille cristalline résulte d’études expérimentales
en Physique des minéraux, ce qui est une autre approche de la Tectonique (pour en
savoir plus, voir Nicolas et Poirier, 1976 ; Poirier, 1985 ; Quéré, 1988).

7.2.1 Les mécanismes de la déformation plastique


à l’échelle de la maille cristalline
1.1. Le réseau cristallin et ses défauts. Le réseau cristallin est constitué par un arran-
gement périodique en 3 dimensions d’atomes. L’existence même d’un cristal exige
qu’il soit imparfait et contienne des défauts (Fig. 7.1).

Figure 7.1 – Défauts du réseau cristallin.

Certains défauts sont ponctuels : un site du réseau peut être inoccupé, il y a alors
une lacune atomique, ou un des atomes peut être inséré entre les sites du réseau, il y
a alors un atome interstitiel, ou même un atome peut-être différent de ceux du site
normalement occupé, comme le demanderait la stoechiométrie, c’est une impureté.
Les défauts peuvent être linéaires ; c’est le cas par exemple de la ligne de terminai-
son d’un demi-plan réticulaire supplémentaire qui s’insère entre les plans du réseau.

118
7.2 • Les mécanismes de la déformation plastique

Enfin un défaut peut être planaire ; c’est le cas par exemple de la limite extérieure
d’un cristal et aussi d’autres défauts fondamentaux pour la plasticité comme les
macles, les parois de dislocations… (voir § 7.2.2-2.1).
1.2. La diffusion dans le réseau cristallin et le transfert de matière. À l’intérieur
d’un cristal, un atome ne reste pas dans un site du réseau mais se déplace à travers
celui-ci en sautant dans les lacunes ou dans des sites interstitiels. Les atomes du
réseau peuvent ainsi voyager par un processus qui fait intervenir la diffusion à l’état
solide. Empiriquement on constate que le flux (J x) d’atomes qui diffusent est propor-
tionnel à leur gradient de concentration (dC/dx) ; c’est la loi de Fick :
J x = – Dx . dC/dx (1)
Dx est le coefficient de diffusion qui exprime la mobilité des atomes. En fait, cette
loi ne s’applique qu’aux systèmes idéaux, dont les systèmes dilués, et non aux miné-
raux complexes, A D B E C J , non idéaux qu’on considère en géologie (voir Jaoul,
1990). Dans ces minéraux, le flux J i des atomes de l’espèce (i) qui diffusent est :
D i D i dP i
- ˜ ---------
J i = – ---------------- (1)
V M RT dx
avec D i = D, E, J le coefficient de stoechiométrie dans la formule du minéral, VM le
volume molaire du minéral, P i le potentiel chimique de la particule (i) et D i le coef-
ficient d’auto-diffusion de l’atome (i) qui est thermiquement activé comme une
exponentielle : D i = K . e – E/RT (E = énergie d’activation de la diffusion). Cette loi
est équivalente à la loi de Fick dans le cas de l’idéalité. La mobilité des atomes croît
quand la température croît et décroît quand la pression hydrostatique croît. On
montre aussi que la concentration de lacunes est plus grande sur les surfaces en
tension et plus faible sur les surfaces en compression. Un atome (A, Fig. 7.2a) peut
donc migrer vers la surface du cristal soumis à la contrainte déviatorique la plus
faible (extensive) Vc3 et les lacunes (L, Fig. 7.2a) migrer vers la surface soumise à la
contrainte déviatorique la plus forte (compressive) Vc1. De ces migrations résulte un
transfert de matière à partir de surfaces discrètes qui conduit à un raccourcissement
et à un allongement du grain. La déformation du grain est coaxiale, les axes princi-
paux de la déformation gardant la même orientation pendant la déformation.
1.3. Les dislocations dans le réseau cristallin et le glissement des dislocations. La
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

déformation plastique peut aussi se faire par glissement d’une partie du cristal sur un
plan cristallographique (Fig. 7.2b), qui est habituellement un plan atomique dense,
et suivant une direction cristallographique (b) dont les distances inter-atomiques sont
petites. L’ensemble plan-direction s’appelle le système de glissement. Mais sur le
plan de glissement toutes les liaisons atomiques ne sont pas rompues en même temps ;
le glissement se propage progressivement dans la zone intacte. La ligne qui borde la
région où le glissement a déjà eu lieu est un défaut linéaire appelé dislocation.
Une dislocation est la bordure d’un demi-plan réticulaire supplémentaire
(Fig. 7.3a) qui peut se déplacer (glisser) successivement d’une quantité élémentaire,
égale à une distance interatomique (Fig. 7.4). Cette dislocation est dans le plan de
glissement. Quand on applique une contrainte cisaillante parallèlement au plan de

119
Chapitre 7 • La déformation ductile des roches

Figure 7.2 – (a) Déformation coaxiale d’un cristal par diffusion des atomes
(A) et des lacunes (L) ; (b) Déformation non coaxiale d’un cristal par
glissement sur une seule famille de plans cristallographiques.

glissement, la dislocation qui se déplace parallèlement à la contrainte cisaillante est


appelée une dislocation-coin (edge dislocation). Celle qui se déplace perpendiculai-
rement à la direction du cisaillement est appelée une dislocation-vis (screw disloca-
tion), elle est bien visualisée par la propagation de l’extrémité d’une déchirure dans
une rame de papier (Fig. 7.3a 1). Plus généralement, la surface qui a glissé s’étend
autour d’elle dans toutes les directions ; elle est donc limitée par une boucle de dislo-
cation (Fig. 7.3b) qui comporte à la fois des sections coin, vis et mixte. Une disloca-
tion est caractérisée par un vecteur-déplacement élémentaire, le vecteur de Burgers
b (Fig. 7.3a), qui exprime la direction du déplacement et la quantité de déplacement
élémentaire. La déformation plastique par glissement sur une seule famille de plans
cristallographiques d’un cristal produit une déformation rotationnelle (voir
Fig. 2.13b), progressive, dite déformation noncoaxiale. Le plan d’aplatissement-
allongement de la matière (S) est oblique sur les plans de glissement (C) (Fig. 7.2b).

Figure 7.3 – (a) Dislocation-coin et dislocation-vis dans un cristal ; b est le


vecteur de Burgers et D c , D v les directions de déplacement des dislocations
coins et vis ; (b) Portion de boucle de dislocation.

120
7.2 • Les mécanismes de la déformation plastique

Figure 7.4 – Déplacement successifs (de 1 à 4) d’une dislocation-coin


sur un système de glissement.

7.2.2 Les mécanismes de la déformation plastique


à l’échelle de l’agrégat polycristallin
2.1. La déformation par glissement de dislocations. Un glissement se produit sur une
famille de plans cristallographiques si la contrainte cisaillante résolue (resolved
shear stress) sur celle-ci atteint une valeur critique W c . Dans de nombreux cristaux il
existe plusieurs systèmes de glissement possibles ayant chacun leur valeur critique
qui dépend de la température. Cette déformation plastique est dite déformation par
glissement de dislocations (dislocation glide).
Pour la déformation par glissement de dislocations d’un agrégat polycristallin de
même espèce minérale, sans orientation préférentielle, deux situations peuvent se
présenter :
– la déformation de tous les grains est homogène à celle de l’agrégat. Dans ce cas,
la déformation doit être partout définie par les 6 composantes H i ,j d’un tenseur
homogène de déformation incrémentale [(10), Chap. 2], composantes qui se
réduisent à 5 puisque la déformation par glissement de dislocations est isovolu-
mique ('V/V = H 11 + H 22 + H 33= 0). Ceci est donc réalisé s’il existe dans les grains
5 systèmes de glissement indépendants : c’est le critère de ductilité de Von Mises.
Les métaux très ductiles y satisfont.
– Il n’existe pas 5 systèmes de glissement indépendants : ce sont alors les grains
dont les systèmes de glissement sont les mieux orientés par rapport à la contrainte
qui se déforment les premiers. Leurs déplacements doivent être accommodés par
des déformations élastiques des grains voisins, dans lesquels se développent des
contraintes internes élastiques. C’est le cas pour la plupart des minéraux des
roches qui possèdent un nombre faible de systèmes de glissement.
a) À basse température (T < 1/2 Tf , Tf température de fusion en degrés K), pour
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de faibles contraintes, les contraintes élastiques internes sont partiellement relaxées


par des courbures du réseau cristallin (qui s’expriment au microscope polarisant par
des extinctions onduleuses des minéraux) et par des enchevêtrements de dislocations
(dislocation tangles). Pour des contraintes plus élevées, l’orientation du réseau est
plus perturbée : il peut se former des mâcles mécaniques ou des pliages de cristaux.
Enfin à très haute contrainte, les plans réticulaires s’ouvrent, formant des craque-
lures de clivage.
b) À haute température (T > 1/2 Tf ), le glissement des dislocations est assisté par
la diffusion. On sait que quand la déformation s’accroît, il y a durcissement du maté-
riau (Fig. 3.1). Ceci est dû à une forte augmentation de la densité des dislocations ;
celles-ci se bloquent sur les divers défauts du réseau, en particulier sur les dislocations

121
Chapitre 7 • La déformation ductile des roches

voisines et il faut des valeurs de contraintes de plus en plus élevées pour les mouvoir.
Mais à haute température, les lacunes et les atomes peuvent diffuser facilement et les
dislocations-coins peuvent contourner les obstacles si des lacunes ou des atomes (L
et A, Fig. 7.5a) s’ajoutent à l’extrémité du demi-plan réticulaire supplémentaire ; c’est
le phénomène de montée des dislocations. Celui-ci permet une diminution de la
densité des dislocations isolées par exemple par leur annihilation quand deux dislo-
cations, se déplaçant en sens opposés, entrent en contact (Fig. 7.5b) ou par leurs
regroupements planaires qui forment ce qu’on appelle des parois de dislocations.
Celles-ci séparent, à l’intérieur des grains, des sous-grains d’orientations cristallines
un peu différentes qu’on observe souvent dans des grains de quartz déformés ; c’est
le processus de polygonisation. L’ensemble de ces processus constituent le phéno-
mène de restauration (recovery). Il peut ainsi s’établir un équilibre dynamique entre
le durcissement et la restauration conduisant à un fluage stationnaire (voir Chap. 3,
§ 3.1.2-2.2) dit fluage-dislocation (climb controlled creep ou dislocation creep). La
·
vitesse de déformation H est alors contrôlée par la montée des dislocations donc par
la diffusion dans le cristal
· n
H v D S Vc (2)
en général avec n | 3-5 : le fluage-dislocation est non newtonien (voir Chap. 3,
§ 3.1.2). D s est un coefficient de diffusion effectif de l’ensemble des atomes migrant
vers ou hors de la dislocation pour la faire monter. Pour un minéral de formule A D
B E C J [voir (1)] :

1 Di D E J
------ =
Ds ¦ i ------ = ------- + ------- + -------
Di DA DB DC
où DA , DB , D C sont les coefficients d’auto-diffusion des espèces i = A, B, C. S’il
se trouve qu’une des espèces a un coefficient d’auto-diffusion beaucoup plus faible
· ·
que les autres, c’est elle qui contrôle la vitesse de déformation H . Il faut noter que H
est thermiquement activé comme l’est D s (voir Jaoul, 1990).

Figure 7.5 – (a) Montée d’une dislocation de 1 en 2 par ajout d’une lacune (L) ;
la dislocation peut contourner l’obstacle et se déplacer de I en Il.
(b) deux dislocations montent de 1 en 2 par ajouts d’atomes (A) et s’annihilent.

122
7.2 • Les mécanismes de la déformation plastique

2.2. La déformation plastique par transfert de matière


a) La diffusion aux hautes températures (T > 1/2 Tf ). À haute température, un
transfert de matière peut avoir lieu directement par diffusion (Fig. 7.2a) des atomes
vers les surfaces soumises à la contrainte déviatorique la plus faible (Vc3) et des
lacunes vers les surfaces soumises à la contrainte déviatorique la plus forte (Vc1). La
diffusion peut se produire à travers le cristal ; c’est le fluage de Nabarro-Herring
·
(Fig. 7.6a) pour lequel la vitesse de déformation H dépend du coefficient de diffu-
sion effectif dans le cristal (Ds ), de la contrainte différentielle (Vc) et de la taille (d)
des grains :
· 2
H v Ds ˜ V c e d (3)
La diffusion peut aussi se produire le long des joints de grains en les contournant
(Fig. 7.6b), c’est le fluage de Coble. La vitesse de déformation dépend dans ce cas
d’un coefficient de diffusion aux joints de grain (D j) et de l’épaisseur G du joint.
· 3
H v D j ˜ GV c e d (4)

Le fluage par diffusion n’est prépondérant que pour de faibles contraintes, des
températures élevées (Fig. 7.7) et une taille de grains petite, inférieure à 20 P. Le
fluage-diffusion dépend d’un exposant n = 1 de la contrainte Vc ; c’est un fluage
visqueux newtonien (voir Chap. 3, § 3.1.2).
b) La pression-dissolution aux basses températures. Le processus de dissolution-
cristallisation ou pression-dissolution (pressure-solution) ne diffère pas fondamen-
talement du fluage de Coble, à ceci près qu’il existe un fluide mouillant les joints de
grains (Fig. 7.6c). Il s’établit un flux des ions dissous (I, Fig. 7.6c) des faces du
solide soumises à plus forte contrainte déviatorique (Vc1) vers les faces soumises à
la plus faible contrainte déviatorique (Vc3). Le transfert des ions se fait dans le fluide
intergranulaire, soit par diffusion soit par infiltration. La loi de vitesse de fluage est
de la même forme que celle du fluage de Coble, avec D m le coefficient de diffusion
dans le fluide intergranulaire :
· 3
H v D m ˜ GV c e d (5)
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Dans ce cas, le système n’est pas nécessairement clos à l’échelle du grain car les
éléments dissous peuvent être transportés par le fluide et cristalliser loin du lieu de
dissolution. Le phénomène de pression-dissolution peut être important aux basses
températures et de ce fait il est souvent associé à la tectonique cassante, en particu-
lier dans les calcaires dans lesquels il se manifeste par la formation de joints styloli-
thiques (Fig. 4.3b) et de fentes à cristallisations minérales (Fig. 4.3a).
La figure 7.7 donne pour la calcite, à titre d’exemple, une carte des domaines
température-contrainte pour les différents mécanismes de fluage. Il faut toutefois se
souvenir que, du fait de l’hétérogénéité minéralogique des roches, différents
mécanismes de fluage peuvent être actifs en même temps dans un même volume
rocheux.

123
Chapitre 7 • La déformation ductile des roches

Figure 7.6 – Mécanismes de transfert de matière par diffusion (a) fluage de


Nabarro-Herring, (b) fluage de Coble et (c) par pression-dissolution.
La forme initiale des grains est en tiretets. A : atomes, I : ions.

Figure 7.7 – Carte des domaines (T – V) de déformation de la calcite ; la taille


des grains est de 100 Pm et la pression de fluide de 100 MPa pour la pression-
dissolution (d’après Rutter, 1976, Phil. Trans. Roy. Soc. London, A283, 43-54).
Les courbes représentent les taux de déformation par seconde.
· – 4 –1
On a considéré que pour H ! 10 s la déformation est cataclastique à basse
température.

7.2.3 La recristallisation et la cristallisation des minéraux


des roches
Une roche est composée d’un assemblage de minéraux (les phases) qui dépend de la
composition chimique globale de la roche et des conditions physiques du milieu dans
lequel elle se trouve en cours de déformation à haute température. Si les conditions

124
7.2 • Les mécanismes de la déformation plastique

demeurent stables, il y a recristallisation des minéraux existants ; si ces conditions


changent, il y a cristallisation de nouvelles espèces minérales.
3.1. La recristallisation sans changement de phase
a) La recristallisation induite par la déformation
– La recristallisation dynamique. Nous avons vu (§ 7.2.2-2.1.b) qu’à haute tempéra-
ture la restauration diminue la densité des dislocations isolées et conduit, par le
processus de polygonisation, à la formation de sous-grains à l’intérieur des
grains. C’est probablement à partir de ces sous-grains que se nucléent de
nouveaux grains. Ceux-ci croissent par migration des joints de grains et sont eux-
même polygonisés pendant leur croissance. Il peut ainsi s’établir un équilibre
dynamique où la taille moyenne (d) des grains est stationnaire, dépend de la
contrainte différentielle Vc de fluage et peu de la température :
d v k/Vc (6)
La détermination expérimentale de la valeur de k pour différents minéraux permet
en principe d’estimer la contrainte différentielle Vc pour la déformation naturelle
d’un agrégat polycristallin si la déformation s’est faite en régime stationnaire, ce qui
n’est malheureusement jamais démontrable.
Les grains recristallisés dynamiquement ont des formes allongées ou aplaties
avec une sous-structure en sous-grains : la texture de l’agrégat montre une orienta-
tion préférentielle. Il est hors de notre propos de détailler l’acquisition de cette
texture préférentielle. Une simulation numérique en 2D (Etchécopar, 1974) en
suggère les caractères fondamentaux par une approche purement géométrique, sans
recristallisation. On admet dans ce modèle que les grains constituant l’agrégat poly-
cristallin ont un système unique de glissement orienté de façon aléatoire (Fig. 7.8a).
Ils se déforment par glissement sur ce système, par translation et rotation. On
observe qu’en cisaillement simple (Fig. 7.8b), les systèmes de glissement tendent à
s’orienter statistiquement, par rotation des grains, suivant un plan (C) parallèle à
celui du cisaillement moteur et suivant une direction conjuguée (Cc). Quand le
cisaillement augmente, le système de glissement (C) faiblement oblique sur le plan
d’aplatissement (S) devient prépondérant. En cisaillement pur (Fig. 7.8c), les
systèmes de glissement tendent à s’orienter statistiquement par rotation des grains
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

suivant deux plans (C) et (Cc) symétriques par rapport au plan d’aplatissement (S).
Dans les deux cas, il en résulte des orientations préférentielles caractéristiques des
systèmes de glissement donc du réseau cristallin et de forme (rapports géométriques
aplatissement S/cisaillement C). En fait, la déformation en 3 dimensions des agré-
gats polycristallins, même formés d’une seule espèce minérale, est beaucoup plus
complexe car elle active souvent plusieurs systèmes de glissement. Par ailleurs, il ne
se produit ni vides entre les grains, ni superpositions de grains tels qu’on peut les
observer sur la figure 7.8 car il y a recristallisation dynamique des grains au cours de
la déformation. On trouvera dans Ribbe et Yang (1991), une approche plus
complexe, mais plus réaliste, de l’acquisition d’une texture préférentielle en 3D,
avec recristallisation.

125
Chapitre 7 • La déformation ductile des roches

Figure 7.8 – Simulation numérique en 2D de la déformation par glissement


de dislocations sur un seul système de glissement. (a) : représenté par un trait
dans les grains hexagonaux dans un agrégat formé d’une seule espèce
minérale. (b) par cisaillement simple,
(c) par cisaillement pur. Les vides et les superpositions de grains
sont représentés respectivement en hachurés et en pointillés
(d’après Etchecopar, 1974, Thèse, Montpellier et Nicolas et Poirier, 1976,
Masson, Paris, 223 p.).

– Une recristallisation statique se produit quand la contrainte tectonique cesse


d’agir et que l’état de contrainte devient hydrostatique (c’est le phénomène de
recuit des métallurgistes). À haute température, il se produit d’abord une recris-
tallisation statique primaire qui tend par restauration, comme dans la recristalli-
sation dynamique, à diminuer l’énergie de déformation stockée dans les grains par
les dislocations. Il y a nucléation de nouveaux grains (néoblastes), libres de dislo-
cations, probablement à partir de sous-grains. Ces nouveaux grains croissent par
migration de joints de grains aux dépens des grains déformés contenant beaucoup
de dislocations qui finissent ainsi par être résorbées. Les grains étant libres de
dislocations, la diminution de l’énergie de déformation ne peut se poursuivre que
par une diminution de l’énergie de surface : c’est la recristallisation statique
secondaire. La surface totale des grains doit diminuer : les gros grains croissent
aux dépens des petits par migration des joints de grains et ceux-ci tendent à recti-
fier leur tracé qui convergent vers des points triples avec des angles de 120°. La
recristallisation statique tend à effacer l’orientation préférentielle de l’agrégat et
à lui donner une texture équante.

126
7.3 • Les principales structures ductiles homogènes naturelles des roches

b) La recristallisation induite par la contrainte


Une orientation préférentielle d’un agrégat polycristallin peut aussi résulter d’un
transport de matière par diffusion ou par pression-dissolution (Fig. 7.6). Les grains
tendent à croître dans la direction de Vc3 et à s’aplatir dans la direction de Vc1 et la
déformation globale de l’agrégat est dans ce cas coaxiale. On peut ainsi observer des
cristaux comme le quartz comportant une frange néoformée, sans impuretés, bordant
un grain ancien comportant des impuretés.
3.2. La cristallisation avec changement de phases. Lorsque les conditions
physiques du milieu changent, il y a cristallisation de minéraux néoformés aux
dépens des minéraux anciens devenus instables, il y a donc changement de phases.
Ces changements de phases impliquent des processus de diffusion des éléments soit
à sec, soit en présence de fluides, processus qui dépendent des conditions de pres-
sion et de température.
L’ensemble des processus de recristallisation et de cristallisation, associés à des
changements de chimisme ou non, constitue le métamorphisme.

7.3 LES PRINCIPALES STRUCTURES DUCTILES


HOMOGÈNES NATURELLES DES ROCHES
Lorsqu’une déformation ductile se produit dans une roche, le matériau s’aplatit et/ou
s’allonge. Les roches qui présentent de telles déformations sont appelées des tecto-
nites. On en distingue 3 types principaux (Fig. 7.9) : les tectonites S qui possèdent
une structure uniquement planaire (schistosité ou foliation), les tectonites L qui ont
une structure uniquement linéaire (linéation) et les tectonites S-L, les plus courantes,
qui présentent à la fois schistosité et linéation. Les objets inclus dans les roches
peuvent aussi subir des déformations et ainsi servir de marqueurs de la déformation.
Ce sont eux que nous examinerons d’abord.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 7.9 – Principaux types de tectonites de la déformation ductile.

127
Chapitre 7 • La déformation ductile des roches

7.3.1 Les objets déformés et l’ellipsoïde de déformation finie


1.1. Les objets inclus dans les roches. Il peut exister soit aucun contraste mécanique
soit, au contraire, un fort contraste mécanique entre l’objet et la matrice de la roche.
Ceci conduit à deux modes de déformation différents :
– dans le premier cas les objets sont passivement déformés dans la matrice et
permettent de définir la forme de l’ellipsoïde de la déformation finie de
l’ensemble objet-matrice ;
– dans le deuxième cas les objets créent des perturbations locales de la déformation
et nous renseignent sur le régime tectonique, rotationnel ou non, qui a produit
cette déformation (voir § 7.4).
Les objets inclus dans la roche sont d’origines diverses et de formes variables.
Bien sûr, les objets de forme simple (par exemple les oolites sphériques) ou de forme
parfaitement connues (par exemple les fossiles) sont utilisés de préférence pour
déterminer l’ellipsoïde de déformation finie.
1.2. De nombreuses méthodes ont été mises au point (voir Ramsay et Huber,
1983) pour reconstituer l’ellipsoïde de déformation finie (forme et orientation) à
partir de la mesure de ces objets déformés.
a) Cas d’objets initialement sphériques. Dans ce cas très simple les sphères, par
exemple des oolites, sont transformées en ellipsoïdes d’axes X, Y, Z (voir Chap. 2,
§ 2.2). Sur trois sections orthogonales taillées dans l’échantillon et orientées perpen-
diculairement au plan de schistosité et parallèlement à la linéation (Fig. 7.9), plans
qui correspondent aux trois plans principaux de la déformation ZY, ZX et XY
(voir § 2.4), on mesure les demi-longueurs des axes des ellipses. De ces mesures
faites statistiquement (Fig. 7.10a), on déduit les rapports principaux de la déforma-
tion (Fig. 7.10 b) :
R XY = (1 + e 1)/(1 + e 2), R XZ = (1 + e 1)/(1 + e 3), R YZ = (1 + e 2)/(1 + e 3).
Le report de ces valeurs sur un diagramme d’ordonnée R XY et d’abscisse R YZ,
appelé le diagramme de Flinn (1962), permet de caractériser la forme de l’ellipsoïde
de la déformation (Fig. 7.11). Le paramètre k = (R XY – 1)/(R YZ – 1) localise l’objet
déformé sur le diagramme où 3 domaines sont distingués :
– le domaine A où 1 > k > 0, caractérisé par un ellipsoïde triaxial de forme aplatie
(oblate) résultant d’une déformation par aplatissement dominant ;
– le domaine B où f > k > 1, caractérisé par un ellipsoïde triaxial de forme allongée
(prolate) résultant d’une déformation par constriction dominante ;
– un domaine intermédiaire où k = 1, Y étant invariant, la déformation est dite plane
ou biaxiale ;
– des domaines-limites avec k = 0, caractéristique d’un ellipsoïde aplati, de révolu-
tion autour de l’axe Z (X = Y) et k = f, caractéristique d’un ellipsoïde allongé, de
révolution autour de l’axe X (Y = Z, déformation en striction).
b) Cas d’objets de formes complexes. Dans le cas d’objets initialement ellipsoïdaux,
des galets par exemple, l’orientation et la forme des objets déformés est le résultat de
la superposition de l’ellipsoïde de déformation sur ces objets approximativement

128
7.3 • Les principales structures ductiles homogènes naturelles des roches

Figure 7.10 – Ellipsoïde de la déformation finie : (a) détermination des


longueurs moyennes des axes de l’ellipsoïde (cas de vésicules de pillow
lavas), 1, m et n sont les longueurs des axes des ellipses mesurées sur deux
sections orthogonales de roche (d’après Vergely, 1984, Thèse, Orsay) :
(b) paramètres de forme de l’ellipsoïde (d’après Ramsay et Huber, 1983, Acad.
Press, London, 450 p.).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 7.11 – Diagramme de Flinn (1962, J. Geol. Soc. London, 68, 385-433)
représentant les diverses formes d’ellipsoïdes de la déformation.

ellipsoïdaux et d’orientation aléatoire. Des techniques spécifiques (voir Ramsay et


Huber, 1983) permettent d’estimer la forme et l’orientation de l’ellipsoïde de la
déformation enregistré par de tels objets. Pour des objets de forme allongée
(belemnites, crinoïdes, minéraux aciculaires…) dont la déformation se fait par
tronçonnement et déplacement accompagné le plus souvent de rotation (Fig. 7.12),
la forme de l’ellipse de déformation (dans le plan d’observation) peut être obtenue à
partir de mesures d’élongation de ces objets suivant différentes directions. Avec des

129
Chapitre 7 • La déformation ductile des roches

fossiles de formes plus compliquées (trilobites, brachiopodes, ammonites…) on


utilise la modification de valeurs angulaires caractéristiques, connues sur les fossiles
non déformés pour déterminer l’ellipsoïde de déformation.

Figure 7.12 – Exemple de fossiles déformés par tronçonnement,


translation et rotation.

7.3.2 Les schistosités et les linéations


2.1. Les schistosités (cleavages en anglais, qu’on appelle aussi en français clivage
schisteux et parfois abusivement clivage) sont des structures planaires, d’origine
tectonique, suivant lesquelles les roches se débitent préférentiellement. La distinc-
tion des principaux types de schistosité est établi sur le caractère continu/discontinu
que présente, à l’échelle de l’observation microscopique optique, ce débit parallèle
qui intéresse la totalité de la roche et qu’on dit pénétratif.
– La schistosité est de type continu (continuous cleavage) lorsqu’aucun plan de
fissilité, c’est-à-dire de débit en feuillets minces, n’est observable au microscope ;
c’est la schistosité de flux (Fig. 7.13). La schistosité ardoisière en est l’exemple le
plus connu (elle présente macroscopiquement un débit en feuillets mais pas au
microscope).
– La schistosité est de type espacé (spaced cleavage) lorsque la roche montre des
zones de schistosité (cleavage domains) (s, Fig. 7.13) qui sont des plans de fissi-
lité, séparant des zones appelées microlithons (m, Fig. 7.13). Selon l’importance
de la déformation des microlithons et la morphologie des surfaces qui les sépa-
rent, on distingue la schistosité disjointe (dite improprement schistosité de frac-
ture) et la schistosité de crénulation (Fig. 7.13) dite aussi schistosité par microplis
(strain-slip cleavage ; 2, Fig. 7.14). Cette dernière affecte des roches qui présen-
tent un feuilletage originel riche (pélites, séricitoschistes, micaschistes…).
La foliation (schistosity en anglais) exprime un débit de la roche en feuillets de
nature minéralogique différente, résultant de transformations métamorphiques.
2.2. Les linéations sont des structures linéaires parallèles entre elles, pénétratives
à l’échelle de l’échantillon. Sous ce terme se trouvent rassemblées diverses

130
7.3 • Les principales structures ductiles homogènes naturelles des roches

Figure 7.13 – Principaux types de schistosités.


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Figure 7.14 – Principaux types


de linéations : 1) d’intersection
(L i ) ; de microplissement (L B) ;
3) minéralogique (L m),
allongement de minéraux
prismatiques ou de zones de
pression (OP) ; 4) d’allongement
(L a) ductile (objet en grisé) ou
cassant (objet noir) ; 5) de
boutinage (L b ).

131
Chapitre 7 • La déformation ductile des roches

structures d’origine tectonique mais également sédimentaire ou magmatique. En ce


qui concerne les linéations tectoniques, 4 types principaux de linéations peuvent être
distingués.
– la linéation d’intersection (L i) résulte de l’intersection de deux surfaces, par
exemple la stratification (S 0) et une schistosité (S) ou bien deux schistosités (1,
Fig. 7.14). La linéation d’intersection est observable sur une des surfaces concer-
nées et son aspect (style, espacement…) est généralement différent selon la
surface considérée. Parfois ces linéations sont courbes.
Ceci est dû soit à la torsion d’une linéation initialement rectiligne (superposition
de deux phases de déformation), soit à l’intersection d’une surface plane avec une
surface courbe.
– la linéation de crénulation (ou de microplis) (L B) correspond au plissotement
d’une surface de stratification (S 0) ou de schistosité (S). Elle représente les axes
des microplis qui affectent cette surface (2, Fig. 7.14). Ce type de linéation est
étroitement lié à la schistosité de crénulation (Fig. 7.13) qui se développe préfé-
rentiellement dans les roches riches en minéraux phylliteux.
– la linéation minérale (L m) s’exprime dans les roches déformées, par l’allonge-
ment de minéraux néoformés ou non. Cette linéation peut résulter de minéraux de
forme aciculaire qui cristallisent au cours d’une déformation en striction (3,
Fig. 7.14). Elle peut aussi résulter de la réorientation, lors de la déformation,
d’anciens minéraux. La cristallisation de minéraux (aciculaires ou non) dans les
zones d’ombre de pression (pressure shadow) peut aussi donner naissance à ce
type de linéation (OP, 3, Fig. 7.14).
– la linéation d’allongement (L a ) résulte de l’étirement d’objets (galets, fossiles,
grains, minéraux…) dans une direction préférentielle. Ces objets se déforment
ductilement ou se fragmentent. Dans ce dernier cas les débris sont déplacés et
réorientés dans la direction d’étirement de la matière (4, Fig. 7.14).
– la linéation de boudinage (L b) résulte d’une striction régulière et répétée de
niveaux compétents inclus dans une matrice ductile (5, Fig. 7.14). Les niveaux
compétents sont découpés en baguettes parallèles selon des zones de rupture qui
sont souvent cicatrisées par des cristallisations minérales (quartz, calcite…).

7.3.3 Les mécanismes de formation des schistosités


Les principaux mécanismes de déformation ductile analysés au paragraphe 7.2 inter-
viennent dans la formation de la schistosité. Ils agissent seuls ou combinés à une
rotation rigide du matériau.
3.1. La schistosité disjointe (de fracture) est une schistosité espacée qui résulte
essentiellement d’une déformation par pression-dissolution localisée le long de
surfaces discrètes séparant les microlithons. Dans ces microlithons cristallisent des
minéraux, soit à l’intérieur de microfractures orthogonales au plan de schistosité (1,
Fig. 7.15), soit le long des faces non comprimées des clastes résistants (C1.,
Fig. 7.16). Ces minéraux, dits de colmatage, croissent souvent perpendiculairement
aux épontes des microfractures et parallèlement à la schistosité témoignant ainsi de

132
7.3 • Les principales structures ductiles homogènes naturelles des roches

l’allongement du matériau pendant l’acquisition de cette schistosité. La surface de


schistosité peut être plane, ondulée ou accidentée de miro-pics rappelant les joints
stylolithiques (voir Fig. 4.3b). La disparition de parties d’objets (oolite, fossile…)
contre ces surfaces (1, Fig. 7.16) et la concentration résiduelle de minéraux argileux
dans celles-ci témoignent du mécanisme de dissolution qui a crée ces micropics. La
dissolution s’initie sur des micro-fractures qui servent de drains aux fluides ou à
partir d’hétérogénéités (clastes, fossiles, microveines) de la roche, qui constituent
des lieux d’accumulation de contraintes.

Figure 7.15 – Principaux mécanismes intervenant dans la formation


de la schistosité.

Les décalages de niveaux repères (stratification ou schistosité antérieure) que l’on


observe souvent dans les roches présentant un tel type de schistosité, ont pu laisser
croire à l’existence d’un cisaillement le long du plan de schistosité (d’où le terme
impropre de schistosité de fracture). En fait, ils proviennent de la disparition par
dissolution d’un volume de matière au voisinage immédiat d’un plan de schistosité
oblique sur les niveaux repères (S x , 1, Fig. 7.16). La schistosité disjointe se déve-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

loppe dans toutes les roches formées de minéraux sensibles à la dissolution (calcite,
quartz), notamment dans les roches carbonatées impures (calcaires argileux, mamo-
calcaires, mames, calcschistes).
3.2. La schistosité de crénulation est une schistosité espacée qui se forme par une
action simultanée d’un processus de pression-dissolution localisée sur des surfaces
discrètes et d’une rotation rigide du matériau (2, Fig. 7.15) liée au plissement des
microlithons. Les phyllites sont réorientées par rotation rigide dans les flancs des
microplis lors de flexion du matériel, de telle sorte que leur plan de clivage
(plan 001) devienne parallèle ou presque au plan axial des microplis (Fig. 7.13). En
outre, dans les flancs des plis où la contrainte moyenne V m est la plus forte, se
produit une dissolution importante et un transfert de matière vers les charnières

133
Chapitre 7 • La déformation ductile des roches

(2, Fig. 7.16). Ceci provoque une transposition du litage initial (S 0 ou S 1) en bandes,
phylliteuses dans les flancs des plis et quartzeuses ou calcitiques dans les charnières.
La fissilité de la roche est due précisément à l’orientation préférentielle des phyllites
dans les flancs des microplis. La forme des microplis donnant cette schistosité de
crénulation est fonction de la position que ceux-ci occupent dans les plis de plus
grande dimension dans lesquels ils se forment : symétrique dans la charnière du pli
majeur, asymétrique dans ses flancs, l’asymétrie s’inversant d’un flanc à l’autre.

Figure 7.16 – Exemples de schistosités : 1) schistosité de fracture (Sfr),


[calcaire fin à clastes de calcite (C1) et marqueur planaire (Sx) antérieur à la
schistosité] ; 2) schistosité de crénulation (Sc) ; 3) schistosité de flux (Sfl) ;
4) foliation (F).

3.3. La schistosité de flux est une schistosité de type continu ; toutefois, en lame
mince (3, Fig. 7.16), on peut distinguer des domaines lenticulaires, formés d’agré-
gats ou de minéraux isolés (le plus souvent quartz et feldspath), dans un fond formé
de minéraux phylliteux disposés parallèlement, en films très serrés, anastomosés
autour des clastes et agrégats.
Cette schistosité peut résulter d’une réorientation passive par rotation rigide
(2, Fig. 7.15) de minéraux à habitus en plaquette (micas), associée à un processus de
pression-dissolution. Il y a dissolution des minéraux sensibles (calcite, quartz), loca-
lisée sur les surfaces soumises à plus forte contrainte déviatorique et recristallisation
le long des surfaces soumises à la contrainte déviatorique la plus faible (zones
d’ombre de pression, 1, Fig. 7.19). Des cristallisations orientées de minéraux
peuvent se produire dans certaines zones favorables (franges de pression – 2,
Fig. 7.19).

134
7.3 • Les principales structures ductiles homogènes naturelles des roches

Dans les roches riches en minéraux silicatés non phylliteux (quartz, feldspath), la
schistosité de flux peut être acquise par un processus de glissement de dislocations
(3, Fig. 7.15), accompagné d’une recristallisation dynamique des minéraux existants
(voir § 7.2.3-3.1) ou d’une cristallisation orientée de néoblastes (4, Fig. 7.15 et 4,
Fig. 7.16). La roche ainsi déformée possède une schistosité de flux qui s’exprime par
une orientation préférentielle de forme des minéraux (allongement des grains paral-
lèlement à une même direction) et par une orientation préférentielle du réseau cristal-
lin dont l’étude se fait à partir de l’analyse statistique de l’orientation des axes
optiques des minéraux déformés. Il est ainsi possible de caractériser le régime de la
déformation (coaxiale ou non), le sens du cisaillement si la déformation est non-
coaxiale et de définir l’orientation des axes cinématiques associés à cette déforma-
tion (pour en savoir plus, voir Bouchez, 1977).
En définitive, la schistosité de flux se forme dans un large éventail de conditions
·
physiques ( H , P, T) dans lesquelles apparaissent et se combinent les divers méca-
nismes de la déformation ductile (voir Fig. 7.7) et cela depuis les zones sans méta-
morphisme jusqu’aux domaines fortement transformés par métamorphisme.

7.3.4 Relations entre schistosités, linéations


et axes de la déformation
Ces relations dépendent des mécanismes impliqués dans la formation des schistosi-
tés et des linéations.
4.1. Les schistosités et les axes de la déformation. L’observation des relations
structurales entre les objets déformés (oolites, fossiles, …) et le plan de schistosité
montrent que, dans de nombreux cas, la schistosité correspond au plan XY de la
déformation. Ceci est particulièrement vrai pour les plans de schistosité disjointe et
de crénulation qui sont des plans de pression-dissolution (Fig. 7.17a) ; dans ce cas,
la déformation est globalement coaxiale (Fig. 7.6c). Mais dans d’autres cas, on peut
observer des traces de mouvements tangentiels le long des plans de schistosité, indi-
quant que ceux-ci ne correspondent pas, ou plus, au plan XY de la déformation.
Diverses situations tectoniques peuvent expliquer ce phénomène ; le plus souvent
elles impliquent une rotation du matériel au cours de la déformation et donc une
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

rotation des plans de schistosité précocement formés (plans XiYi). Ces plans de
schistosité peuvent alors se trouver en position oblique sur les directions des axes Xe
et Ze de la déformation instantanée et devenir ainsi des plans de glissement
(Fig. 7.17b).
C’est ce que l’on observe par exemple dans les plis synschisteux (voir Chap. 8)
lorsque la flexion des niveaux les plus compétents provoque une rotation des plans
de schistosités précocement formés ; des glissements peuvent alors se produire sur
ceux-ci (Fig. 7.17c et d). De telles rotations peuvent aussi se produire au cours d’une
déformation par cisaillement simple, non coaxiale. La schistosité acquise par recris-
tallisation dynamique et correspondant au plan XY de la déformation (Fig. 7.18 a)
peut subir une rotation externe d’autant plus grande que la déformation cisaillante

135
Chapitre 7 • La déformation ductile des roches

Figure 7.17 – Relation schistosité-déformation, cas d’une déformation


globalement coaxiale avec plissement par flexion. (a) stade précoce ;
(b) rotation du stade (a), (apparition de glissement sur Sc ) ;
(c) et (d) illustration du modèle (a), (b) dans un plissement synschisteux
(détails dans le texte).

Figure 7.18 – Relations schistosité-déformation, cas d’une déformation


globalement non coaxiale. (a) initiation de la schistosité (S) ; (b) rotation et
initiation de cisaillements sur la schistosité (S o Sc ) ; (c) naissance des plans
de cisaillement C et formation de structures lenticulaires sigmoïdes (grisé et d).

136
7.4 • Exemples de déformation ductile hétérogène

est plus importante (Fig. 7.18b). Le plan de schistosité (S) peut alors devenir un plan
de glissement «actif» (Sc). Des plans de cisaillements «C» (Fig. 7.18c), parallèles
au plan du cisaillement majeur, se forment souvent dans ces conditions. S’ils sont
nombreux et serrés ils peuvent être confondus avec des plans de schistosité. Cette
déformation conduit à l’acquisition d’une orientation préférentielle de forme dite
«fabrique de forme». Les microlithons acquièrent une forme sigmoïdale analogue à
celle des lenticulations en déformation ductile-cassante (Fig. 4.20), qui permet de
déterminer le sens du cisaillement (Fig. 7.18d).
De façon générale, la schistosité représente, du moins à son initiation, le plan XY
de la déformation, ensuite et selon le type de déformation, le plan de schistosité
s’écarte, par rotation, de la position de plan XY et de ce fait peut être activé en plan
de glissement.
4.2. Les linéations et les axes de la déformation. Les linéations résultent de méca-
nismes variés et ont, de ce fait, des significations très différentes vis-à-vis des axes
de la déformation.
– La linéation d’intersection (L i) et la linéation de crénulation (L B) contenues dans
le plan de schistosité S sont souvent, mais pas nécessairement, parallèles à l’axe Y
de la déformation. Ceci n’est vrai qu’à condition que la surface déformée (S 0)
soit, à l’origine, parallèle au plan YZ de la déformation (1 et 2, Fig. 7.14), c’est-à-
dire à condition qu’au début du plissement, la surface déformée (S 0) contienne la
direction de raccourcissement Z. C’est pourquoi ce type de linéation ne peut être
considéré, seul, comme un indicateur fiable d’axe de déformation ; il doit toujours
être associé à un autre marqueur.
– La linéation minérale (L m) est disposée selon l’axe X de la déformation, qu’il
s’agisse d’une orientation préférentielle de minéraux prismatique ou de minéraux
ayant cristallisés dans les zones d’ombre de pression (3, Fig. 7.14).
– La linéation d’allongement ou d’étirement d’objet (L a) définit comme la linéation
précédente l’axe X (4, Fig. 7.14). Toutefois les fragments d’objets résultant d’un
boudinage sont disposés parallèlement à l’axe Y.
– La linéation de boudinage (L b) indique sans ambiguïté la direction de l’axe Y
(5, Fig. 7.14) lorsqu’il n’existe qu’une direction de boudins. Mais le boudinage
peut parfois se faire sur deux directions de fractures conjuguées donnant un débit
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en «plaquettes de chocolat» qui ne définit donc pas une linéation.

7.4 EXEMPLES DE DÉFORMATION DUCTILE HÉTÉROGÈNE


Dans ce paragraphe, nous nous intéressons surtout à la déformation hétérogène asso-
ciée aux zones de cisaillement, celle associée au plissement étant traitée au
chapitre 8. Les diverses structures de déformation hétérogène qui s’y forment,
observées dans le plan XZ de la déformation, peuvent servir à préciser le sens du
cisaillement principal et ont de ce fait un grand intérêt en analyse structurale. La
nature et la géométrie de ces structures dépendent de l’hétérogénéité du matériel et
de l’hétérogénéité du champs de déformation. L’hétérogénéité du matériel est liée

137
Chapitre 7 • La déformation ductile des roches

surtout au contraste mécanique entre les objets inclus et la matrice (clastes et matrice
des roches sédimentaires, minéraux ou agrégats de minéraux des roches métamor-
·
phiques et magmatiques). Mais les conditions physiques du milieu ( H , T, P) contrô-
lent également la forme de ces structures.

7.4.1 Les structures et microstructures de déformation


hétérogène
Nous ne décrirons ici que quelques fabriques de forme typiques de la déformation
hétérogène.
– Les ombres de pression (1, Fig. 7.19) sont des zones triangulaires, situées de part
et d’autre d’un objet résistant où la déformation de la matrice est perturbée ;
l’orientation des minéraux recristallisés y est différente de celle qui définit le plan
de schistosité de la matrice.
– Les franges de pression (2, Fig. 7.19) résultent de cristallisations fibreuses
(quartz, calcite) ou lamellaires (phyllites) dans des zones qui s’ouvrent à l’inter-
face objet-matrice ; les premières cristallisent perpendiculairement, les secondes
parallèlement à cet interface. La forme de ces fibres peut témoigner de l’histoire
de la déformation de la roche.
– Les «queues» des porphyroclastes (tails) (3, Fig. 7.19) sont beaucoup plus allon-
gées que les ombres de pression. Elles sont d’origine variée, souvent mal définie,
et se forment dans des zones protégées au sein des plans de schistosité, de folia-
tion ou même de stratification. Entraînées et déformées au voisinage d’objets
inclus dans la matrice, elles peuvent être de bons indicateurs du sens de cisaille-
ment (2 et 3, Fig. 7.21).
– Les inclusions dans les porphyroblastes (grenats, chloritoïdes, albites…)
(4, Fig. 7.19) correspondent à des minéraux ou agrégats de minéraux soulignant
la trace d’anciens plans de stratification, de schistosité ou de foliation, inclus dans
ces porphyroblastes lors de leur croissance. Si le porphyroblaste subit une rotation
pendant sa croissance, les inclusions prennent une forme sigmoïdale ou spirale
qui indique le sens du cisaillement ; les grenats dits hélicitiques en sont les
exemples les plus remarquables.
– Des débris de minéraux (5, Fig. 7.19), peuvent être aussi arrachés à des porphyro-
clastes. Ils sont ensuite entraînés et piégés à leur voisinage lors de l’écoulement de
la matrice.
Ces structures sont disposées symétriquement (1, Fig. 7.20) ou non (2, Fig. 7.20)
par rapport au plan général de schistosité (S). Souvent, une disposition symétrique
indique une déformation coaxiale et une disposition asymétrique, une déformation
non coaxiale.

7.4.2 Structures et indicateurs du sens de cisaillement


Les deux principaux types de structures, liés à la présence d’un objet et servant
d’indicateurs tectoniques, sont les structures dites de type V (1, Fig. 7.21) et de

138
7.4 • Exemples de déformation ductile hétérogène

Figure 7.19 – Principales microstructures de la déformation hétérogène


(C1 : clastes et B1 : blastes).
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Figure 7.20 – Relations entre la symétrie des structures et le type


de déformation.

type G (2, Fig. 7.21) ; la forme des lettres grecques V et G schématisent la forme de
ces deux types de structures. Un type mixte V – G (3, Fig. 7.21), moins courant, est
également connu.
Il est probable que la forme de ces structures est surtout contrôlée par, d’une part,
le degré de couplage entre l’objet et sa matrice et, d’autre part, par le gradient de
déformation cisaillante à travers les plans de cisaillement de la matrice. On peut
ainsi distinguer des indicateurs structuraux essentiellement liés à la rotation d’objets

139
Chapitre 7 • La déformation ductile des roches

(fabriques de type G ; a 1 , Fig. 7.22) et des indicateurs essentiellement liés aux


surfaces de cisaillement (fabriques de type S-C, b 3 , Fig. 7.22). Le tableau de la
figure 7.22 regroupe de façon schématique, en fonction de ces deux paramètres,
quelques figures typiques de ces indicateurs parmi un grand nombre de structures
décrites.
a) Le gradient de déformation cisaillante à travers les plans de cisaillement est nul
ou faible, le cisaillement simple de la matrice est donc homogène.
– a 1 : l’objet est fortement couplé à la matrice ; il influence le champ d’écoulement
local de la matrice en tirant celle-ci vers la limite objet-matrice. Des microplis
asymétriques (structures G) se développent dans la matrice au voisinage de l’objet
si celle-ci est litée. Ces structures roulantes (rolling structures) indiquent claire-
ment le sens du cisaillement.
– a 2 : l’objet est modérément couplé à la matrice ; l’influence de l’objet sur l’écou-
lement local de la matrice est diminuée. Si la matrice est litée, il se forme encore
des microplis G mais de plus faible amplitude qu’en a 1 . Des figures asymétriques,
ombres de pression et porphyroclastes de type G, se forment et sont de bons indi-
cateurs du sens de cisaillement.
– a 3 : l’objet est très faiblement couplé à la matrice ; les structures liées à la rotation
de l’objet sont absentes. Il se forme des figures asymétriques de type mixte V – G
résultant de la superposition de microplis (2, Fig. 7.21) autour des porphyro-
clastes et d’ombres de pression asymétriques (1, Fig. 7.21).

Figure 7.21 – Principaux indicateurs du sens de cisaillement


(d’après Passchier et Simpson, 1986, J. Struct. Geol., 8 (8), 831-843).

b) Le gradient de déformation cisaillante à travers les plans de cisaillement est


fort, le cisaillement simple de la matrice est hétérogène.
– b 3 : L’objet est très faiblement couplé à la matrice ; il n’a alors aucune influence
sur l’hétérogénéité de la déformation (objet passif). Le glissement est concentré
sur les plans de cisaillement C qui sont obliques sur les plans d’aplatissement S. Il
se développe alors une fabrique de type S-C avec des lenticulations sigmoïdales

140
7.4 • Exemples de déformation ductile hétérogène

(D, Fig. 7.18) dites en poisson qui sont de bons indicateurs du sens du cisail-
lement.
– b 2 : Le matériel situé entre les plans de cisaillement n’est pas passif ; il subit une
rotation (par rapport à un référentiel externe) enregistrée soit autour des clastes,
soit par les lentilles sigmoïdales de la matrice. Il se produit alors des cisaillements
secondaires Cc (b 2 , Fig. 7.22) et aussi P, analogues aux joints de cisaillements R
et P en déformation ductile-cassante (Fig. 4.12).
– b 1 : l’objet est fortement couplé à la matrice. Sa rotation dépend beaucoup de sa
forme et de son orientation initiale par rapport aux plans de glissement rapide
dans la matrice. S’il est rigide, il peut se cisailler ; dans ce cas, le sens de glisse-
ment des fragments, comparable au basculement à droite ou à gauche d’une pile
de livres, n’est pas un critère fiable du sens du cisaillement général.
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Figure 7.22 – Forme et orientation des indicateurs cinématiques dans les


zones à déformation cisaillante (rotationnelle) (d’après Bjornerud, 1989,
J. Struct. Geol., 11 (8), 1045-1049, modifié).

141
Chapitre 7 • La déformation ductile des roches

c) Le gradient de déformation cisaillante à travers les plans de cisaillement est


modéré
– c 1 : l’objet est fortement couplé à la matrice. Il se forme des figures faiblement
asymétriques (ombres de pression, microplis d’entraînement), au voisinage
immédiat des objets. Ceux-ci ne perturbent pas profondément le champ de l’écou-
lement de la matrice et ces structures s’amortissent rapidement quand on
s’éloigne de l’objet.
– c 2 : le couplage objet-matrice est modéré, les effets de rotation de l’objet sont
contre-balancés par le glissement relativement rapide sur les plans de cisaille-
ment. Il se forme des structures symétriques qui ne donnent pas de sens clair de
cisaillement et qui ne sont pas significatives du mode de déformation général rota-
tionnel.
– c 3 : l’objet est très faiblement couplé à la matrice ; le champ d’écoulement de la
matrice est seulement perturbé autour de l’objet. Il forme des ombres de pression
(de type V) qui sont de bons indicateurs du sens de cisaillement.
L’utilisation des structures de déformation hétérogène pour définir le sens du
cisaillement général dans une zone de cisaillement n’est donc pas évidente ; elle
nécessite un grand soin dans l’analyse. Des fabriques de forme symétriques
(Fig. 7.19) peuvent aussi se former en déformation coaxiale et permettent de carac-
tériser ce régime tectonique.

7.4.3 Les mylonites


Les mylonites sont des roches transformées par déformation hétérogène localisée le
long de zones de cisaillement (shear zones). Contrairement aux roches cataclas-
tiques (cf. § 5.7) où la déformation est essentiellement cassante, dans les mylonites
la déformation est majoritairement ductile. Les mylonites ont surtout été décrites
dans des roches isotropes à gros grains à quartz, telles que les granites ou les grano-
diorites, mais on en connaît dans des roches basiques (gabbros) ou ultrabasiques
(péridotites).
Les mylonites sont l’expression de zones de cisaillement ductile (failles ductiles)
à fort gradient de déformation qui se traduit par une variation rapide de l’intensité de
la déformation orthogonalement à la zone (Fig. 7.23). La déformation est fortement
rotationnelle.
3.1. Aspect structural des mylonites. Les mylonites sont des roches foliées (c'est-
à-dire à texture feuilletée) et linées (marquées par une linéation). Ce sont des tecto-
nites S-L.
Plusieurs surfaces planes structurent le matériau déformé. On distingue :
– la foliation (S) disposée obliquement (environ à 45°) au plan de cisaillement
général : elle représente une surface d’aplatissement (plan XY, cf. § 7.3.1.)
(Fig. 7.18a, Fig 7.22, Fig 7.23) ;
– les surfaces C, surface de cisaillement synthétique parallèle au plan de cisaille-
ment général (Fig 7.18c, Fig. 7.22 ; Fig 7.23c) ;

142
7.4 • Exemples de déformation ductile hétérogène

– les surfaces C’, surface de cisaillement synthétique oblique (15-35°) au plan de


cisaillement général, à pente dans le sens du mouvement (Fig 7.22 ; Fig 7.23c).
Ces surfaces sont génétiquement associées et donnent naissance à des tectonites
de type S/C, S/C’. Au cours de la déformation elles interagissent de sorte que les
surfaces C et C’ (C- type et C’- type shear bands) déforment la foliation. Ces formes
d’interactions servent de critères cinématiques lors de l’étude des mylonites.

Figure 7.23 – Disposition des structures tectoniques dans une zone


mylonitique (cas d’une zone dextre). a) : position de la foliation S, des surfaces
de cisaillement C et C’ ; b) : déflexion de la foliation dans la zone mylonitique ;
c) : interaction des surfaces C et C’ avec la foliation S.

Plusieurs linéations marquent les mylonites :


– Sur la surface S, s’exprime une linéation d’allongement minérale (l all.) souli-
gnant l’axe X de la déformation ; la nature de cette linéation varie selon les condi-
tions (cassante ou ductile) de la déformation (voir § 7.3.2 et Fig 7.24a).
– Sur la surface C, se forme une linéation lc, parallèle à la direction du cisaillement
général. Sa nature est également variée pour les mêmes raisons que pour la linéa-
tion l all. (Fig 7.23).
– Sur la surface C’ peut se former, dans les mêmes conditions, une linéation lc’,
mais son occurrence est occasionnelle.

pli oblique
linéation l"X" (allongement)
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plan S
plan C pli en foureau

linéation l"C"

plan C

plan C
pli oblique

a plan S b
Figure 7.24 – Structures tectoniques dans une zone mylonitique : a : relation
foliation (S), cisaillements C et C’ et linéations ; b : plis en fourreau
et plis obliques.

143
Chapitre 7 • La déformation ductile des roches

– Des plis se forment également dans les mylonites. Généralement anisopaques, ils
ne sont pas cylindriques mais en forme de fourreau (sheath fold) avec l’axe du
fourreau parallèle à la direction de cisaillement général (Fig 7.24 b), ou bien
obliques et leur axe tend à être parallèle au cisaillement. Leur asymétrie flanc
long/flanc court très marquée sert à définir la cinématique de la déformation
cisaillante qui accompagne la formation de la zone mylonitique.
3.2. Aspect microstructural des mylonites. Les mylonites se forment au détriment
de roches qui sont mono ou polyminérales. Dans le premier cas la déformation est
relativement simple car les minéraux se déforment de manière identique ; c’est les
cas de mylonites de quartzites. En revanche les mylonites de roches polyminérales
montrent des singularités microstructurales dues à la diversité de réponse rhéolo-
gique des différents minéraux. Par exemple dans une granodiorite, roche formée de
quartz, feldspaths (orthoclase et plagioclase), biotite, le quartz se déforme de façon
ductile (glissement intracristallin) (cf. § 7.2.), alors que les feldspaths le font de
manière cassante (fracturation, granulation…) et les micas, par flexuration ou granu-
lation (voir cahier couleur, planche 8). Il en résulte une riche diversité de structures
et de microstructures et, par voie de conséquence, une nomenclature complexe (voir
tableau 5.1).
3.3. Mécanismes de formation des mylonites. Sans entrer dans le détail (nous
renvoyons le lecteur aux références bibliographiques), nous retiendrons que la défor-
mation dans les mylonites procède :
– par amplification de la déformation ductile : depuis des grains de quartz à texture
onduleuse jusqu’au quartz en ruban ;
– par réduction de la taille des minéraux cassants et « arrondissement » de leur
forme initiale (formation de porphyroclastes).
La déformation dans les mylonites se faisant dans un régime cisaillant général, la
déformation est nécessairement rotationnelle hétérogène. Les interactions méca-
niques entre les grains initiaux ductiles qui donnent naissance à la matrice myloni-
tique et les grains cassants, à l’origine des porphyroclastes, s’expriment par des
déformations localisées autour des clastes (mantled porphyroclasts) (voir § 7.4.2) ;
celles-ci sont utilisées pour caractériser l’histoire structurale de ces roches, notam-
ment pour déterminer le sens du cisaillement contemporain de leur formation.
La planche 8 du cahier couleur illustre divers aspects microstructuraux de la
déformation ductile le long de la faille décrochante finihercynienne de La Marche,
sur le bord septentrional du Massif central français.

144
LA TECTONIQUE DUCTILE
À L’ÉCHELLE RÉGIONALE :
8
LES DÉCROCHEMENTS
DUCTILES
Les systèmes plissés
et les zones de cisaillement ductiles
Nous prendrons pour exemple, le système de failles décrochantes d’âge paléozoïque
supérieur auquel appartient la faille des Cévennes (voir Chap. 6, § 6.2.1).

8.1 LES DÉCROCHEMENTS TARDI-HERCYNIENS D’EUROPE


8.1.1 Le système de failles
Après la formation de la chaîne hercynienne (360-300 Ma), un important système de
failles décrochantes, dit tardi-hercynien, se forme en Europe du Carbonifère supé-
rieur au Permien inférieur (290-250 Ma). Les failles majeures dextres de direction
E-W à ESE (Fig. 8.21a), comme par exemple les failles ibériques, la faille nord-
pyrénéenne, les failles sud-armoricaines, atteignent 400 à 600 km de long et le
déplacement sur ces failles est supérieur à 20-30 km ; on l’estime à 150 km pour la
faille nord-pyrénéenne. Les failles majeures senestres comme par exemple la faille
du Sillon Houiller du Massif central français, la faille de Villefort (Fig. 6.1a), les
failles du graben du Rhin (Chap. 6, § 6.1.2), la Great Glen Fault en Écosse ont une
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

orientation voisine de N-S à NNE-SSW (Fig. 8.21a). La faille du Sillon Houiller a


une longueur probable de 600 km avec un décrochement senestre de 70-100 km. Ces
failles jouent un rôle considérable dans l’histoire de la plate-forme européenne, car
beaucoup d’entre elles ont été réactivées au cours du Mésozoïque et du Cénozoïque
(voir Chap. 6, § 6.1.2 et § 6.2.1).

8.1.2 La déformation décrochante ductile


Elle s’observe dans des conditions favorables sur les failles sud-armoricaines
(Fig. 8.22a). La faille la plus méridionale recoupe des massifs granitiques qui sont
décalés de 20 à 30 km de façon dextre. Dans la zone déformée, de 1,5 à 2 km de large,
la déformation croît en intensité vers une zone centrale (Fig. 8.22b). La roche non

145
Chapitre 8 • La tectonique ductile à l’échelle régionale : les décrochements ductiles

Figure 8.1 – Les grands décrochements tardi-hercyniens d’Europe


occidentale (a) et leur interprétation géodynamique (b) (voir texte),
d’après Arthaud et Matte, 1977, Geol. Soc. Amer. Bull., 88, 1305-1320.

déformée est un granite à biotite et muscovite (320 Ma), de texture équante. Les roches
les moins déformées (protomylonites) montrent des plans subverticaux, parallèles à
la trace du cisaillement majeur, portant des linéations d’étirement et des stries ; ce
sont donc des plans de cisaillement (C). Une deuxième famille de plans verticaux
correspond à une orientation minérale qui définit un plan de schistosité (S) (voir
Fig. 7.18). Les plans (S) et (C) forment un dièdre voisin de 45°. L’intensification de
la déformation se manifeste par une augmentation de la densité des surfaces C
(c, Fig. 7.18), par une rotation des surfaces S, leur activation en plans de cisaillement
(b, Fig. 7.18) et par une diminution de la valeur de l’angle (S, C). Dans les roches les
plus déformées (ultramylonites), situées dans la zone de cisaillement majeur, les
plans S et C sont confondus. La taille des grains diminue (10 Pm) et il y a recristal-
lisation dynamique des grains dans des conditions de P-T estimées par la stabilité de
la biotite et de l’assemblage albite-microcline à T | 400-500 °C et P > 500 MPa.
L’existence de structures cassantes (stries) et ductiles (linéations d’étirement) sur les
plans (C) doit correspondre à des vitesses de déplacement sur ces plans respective-
ment rapides et lentes (voir Fig. 3.9) dans un processus de glissement instable.
À l’échelle de l’affleurement, certains massifs granitiques ont acquis une forme
de cornue caractéristique d’une déformation cisaillante. Sur ce décrochement
majeur, une déformation par cisaillement simple dextre se manifeste donc claire-
ment de l’échelle de l’échantillon à celle du massif.

146
8.2 • Autres exemples de décrochements ductiles

Figure 8.2 – a) Les décrochements ductiles dextres sud-armoricains (France),


b) les déformations liées au décrochement ductile (voir texte),
d’après Berthe et al., 1979, J. Struct. Geol., 1 (1), 31-42.

8.1.3 La signification géodynamique des décrochements


tardi-hercyniens d’Europe
Replacés sur une carte de la position des continents à la fin du Paléozoïque
(Fig. 8.1b), ces décrochements apparaissent situés dans une zone de cisaillement
dextre séparant, au sud, une plaque africaine et, au nord, une plaque formée par
l’Europe du Nord, le Groënland et le Canada. Cette zone de décrochements aurait
ainsi valeur de zone transformante intracontinentale assurant le transfert du raccour-
cissement qui se produisait, à cette époque, d’une part dans les Appalaches et d’autre
part dans l’Oural. Une hypothèse alternative a été proposée, au moins pour certains
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

décrochements qui pourraient être liés à l’extension gravitaire qui a suivi l’épaissis-
sement crustal et la surrection de la chaîne hercynienne.

8.2 AUTRES EXEMPLES DE DÉCROCHEMENTS DUCTILES


Dans les parties profondément érodées des chaînes récentes, on peut aussi observer
des décrochements ductiles ; c’est le cas par exemple des Alpes et de l’Himalaya.
Nous avons vu que les Alpes orientales et centrales sont limitées, au sud, par la
ligne insubrienne qui est un décrochement majeur de direction N 110° E
(Fig. 8.3a). Elle correspond à une large zone de déformation ductile mylonitique,

147
Chapitre 8 • La tectonique ductile à l’échelle régionale : les décrochements ductiles

d’âge Oligocène supérieur – Miocène inférieur, résultant d’un rétrochevauchement


suivi d’un décrochement. Le décrochement ductile est suivi d’un décrochement
cassant. Ces déformations décrochantes sont marquées par des mylonites de basse
température, des cataclasites et des gouges indiquant un décrochement dextre. À
l’échelle régionale, la forme en cornue du massif granitique de Bergell d’âge oligo-
cène (30 Ma) indique un déplacement horizontal dextre d’au moins 50 kilomètres
(Fig. 8.3a). La faille judicarienne (Fig. 8.6a), de direction N 30° E, qui lui est asso-
ciée, a eu un mouvement senestre. Ces deux failles ont joué un rôle important dans
la partition des déplacements liés à la collision adriatique – européenne, déplace-
ment vers l’ouest dans les Alpes occidentales, vers le nord dans les Alpes centrales
(Fig. 8.3).

Figure 8.3 – Le décrochement dextre de la ligne insubrienne (a)


et son rôle dans la partition du déplacement entre les plaques adriatique et
européenne (b), d’après Lacassin R., Geol. Soc. Spec. Publ., London, 1045,
339-352).

À l’ouest de l’Himalaya, la faille de Chaman est une faille décrochante senestre


intracontinentale liée au déplacement de l’Inde vers le nord et à sa collision avec
l’Eurasie (Andrieux et Brunel, 1977). Le décalage des bassins tertiaires, de part et
d’autre de cette faille, indique un déplacement minimum de 300 km. Le long de la
faille, les déformations sont ductiles dans les formations crétacées et tertiaires et
cassantes dans les formations quaternaires. Cette faille coulissante sismiquement
active réactive une ancienne zone de failles transformantes qui séparait l’Inde de
l’Eurasie au cours du Mésozoïque – Paléogène.
Les décrochements ductiles correspondent donc aux zones profondes de failles
coulissantes intracontinentales, éventuellement de failles transformantes, exhumées
par l’érosion. Que ces failles puissent recouper toute la croûte continentale est
montré par le fait que leur trajet est parfois jalonné de roches de la croûte continen-
tale profonde (faciès granulite) et, éventuellement, du manteau (lherzolites) comme
c’est le cas le long de la faille nord-pyrénéenne.

148
LA
DÉFORMATION
CASSANTE/DUCTILE
9
ET LE PLISSEMENT

Dans les conditions naturelles, les couches sédimentaires se déforment souvent en se


plissant. Ce mode de déformation ductile hétérogène, qui peut aussi affecter des
roches non stratifiées (mais contenant des repères planaires), a donné lieu à de très
nombreuses études. Dans ce chapitre, nous ne nous en tiendrons qu’aux notions de
base sur le plissement.

9.1 LA GÉOMÉTRIE DES PLIS

9.1.1 Définitions et nomenclature des éléments descriptifs


des plis
Un pli s’exprime par une surface de référence (stratification, schistosité, plan stylo-
lithique, miroir de faille…) déformée de manière continue et hétérogène. Dans les cas
les plus simples les plis sont formés d’une succession de courbures vers le haut, appe-
lées antiformes et vers le bas, appelées synformes (Fig. 9.1a). Lorsque la polarité des
roches plissées est restée dans sa position d’origine, par exemple est stratigraphique-
ment normale, on parle d’anticlinaux et de synclinaux à la place d’antiformes et de
synformes. L’axe du pli est le lieu de courbure maximum de la surface déformée et
la charnière sa section orthogonale. Les flancs du pli compris entre les axes, contien-
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nent les lignes d’inflexions (i1 , i 2 ) de la surface plissée. La ligne de crête et la ligne
de creux représentent respectivement les lieux topographiquement les plus élevés et
les plus bas de la surface déformée ; axes et lignes de crête ou de creux peuvent être
distincts ou confondus. L’axe d’un pli peut être rectiligne ou courbe ; dans ce dernier
cas, la surface plissée est accidentée de dômes et de bassins. On appelle surface axiale
la surface qui contient les axes des surfaces plissées empilées ; elle est souvent plane,
on l’appelle alors le plan axial du pli (Fig. 9.1b). Les surfaces d’inflexions sont celles
qui contiennent les lignes d’inflexions.
La forme des surfaces plissées simples peut être caractérisée par la demi-longueur
d’onde W/2 et l’amplitude A de chaque courbure, mesurées à partir de la ligne joignant
les points d’inflexion (Fig. 9.2a). La surface plissée peut présenter des ondulations

149
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

Figure 9.1 – Principaux termes utilisés pour la description des plis.

d’ordres différents (plis polyharmoniques) ; les plis de petite longueur d’onde sont
dits plis parasites (Fig. 9.2b). L’angle d’un pli (i 1, i 2) ou angle d’ouverture est défini
par l’angle des tangentes à la surface plissée aux points d’inflexion (i 1 et i 2 ) (Fig. 9.3a).
Selon la valeur de cet angle on parle de pli modéré (gentle), ouvert (open), fermé
(close), serré (tight) et isoclinal (Fig. 9.3b). Des méthodes précises permettent de
décrire et de classer les plis (voir Ramsay 1967, Hudleston 1973, Twiss 1988).

Figure 9.2 – a) Amplitude (A) et demi-longueur d’onde (W/2) d’un pli ;


b) surface moyenne et plis parasites d’un pli polyharmonique.

Figure 9.3 – a) Angle d’un pli (angle des tangentes aux points d’inflexion) ;
b) termes utilisés pour décrire les plis définis par leur angle.

150
9.1 • La géométrie des plis

L’orientation des plis est définie par l’orientation de l’axe du pli (azimut et plon-
gement) et du plan axial (direction et pendage) (Fig. 9.4). Fleuty (1964) a proposé un
mode de classification des plis qui tient compte des valeurs du pendage du plan axial
(PA) et du plongement de l’axe (Fig. 9.4). Reportés sur un diagramme, ces deux
paramètres permettent de décrire le degré d’homogénéité ou bien d’évolution des
plis dans une chaîne plissée ou un segment de chaîne.

Figure 9.4 – Diagramme de Fleuty (1964, Proc. Geol. Ass. Lond., 75, 461-492)
représentant les plis en fonction du plongement (G) de l’axe et du pendage (D)
du plan axial.

9.1.2 La symétrie des plis


Une surface plissée peut posséder zéro, un ou deux plans (M et Mc) de symétrie
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(Fig. 9.5a) qui sont disposés parallèlement et/ou perpendiculairement à l’axe du pli.
De cette disposition on déduit le système d’axes géométriques A, B et C du pli, tel
que l’axe C soit la normale au plan axial, B l’axe du pli et A, perpendiculaire aux
deux autres axes, correspond à l’intersection des plans M et Mc. Un pli qui possède
2 plans de symétrie (M et Mc ), a une symétrie orthorhombique ; un pli qui n’a qu’un
plan de symétrie (M ou Mc), a une symétrie monoclinique, et un pli qui n’en possède
aucun, a une symétrie triclinique.
La surface plissée peut être aussi décrite par l’orientation de ses génératrices
(Fig. 9.5b) : lorsque celles-ci sont parallèles entre elles le pli est dit cylindrique ; si
elles convergent en un point (le vortex) le pli est dit conique et autrement il est défini
comme quelconque.

151
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

Figure 9.5 – a) Plans de symétrie (M et Mc) et axes géométriques (A, B, C) d’un


pli ; b) surface plissée définie par ses génératrices (pli cylindrique, conique et
quelconque).

9.1.3 Classification morphologique des plis


L’aspect des plis en section perpendiculaire à leur axe permet de distinguer les plis
isopaques dont l’épaisseur (e) des couches déformées, mesurée perpendiculairement
à leurs limites est constante et des plis anisopaques, dont l’épaisseur est variable le
long des flancs du pli. Pour décrire et classer les diverses formes de plis on utilise
souvent la classification de Ramsay (1967) basée sur l’orientation des isogones sur
une section orthogonale à l’axe du pli.
Les isogones sont des lignes d’isopendage des surfaces plissées. Par construction
l’isogone i D est la ligne qui joint les points a et b de contact des tangentes tg Da et
tg Db de pendage D, de deux surfaces successives plissées (Fig. 9.6a). Elles sont
construites pour diverses valeurs de D, le long de la section du pli et elles décrivent
la morphologie du pli par leur caractère convergent (vers l’intérieur du pli), parallèle
ou divergent (Fig. 9.6c). Cette classification rend compte en fait, de l’évolution de
l’épaisseur des flancs du pli par rapport à l’épaisseur de la charnière quand on
s’éloigne de celle-ci. Elle se traduit numériquement par le rapport tcD = t D / t 0 , t D
étant la distance séparant deux tangentes successives de pendage D et t 0 l’épaisseur
de la couche au niveau du plan axial du pli (Fig. 9.6a). Ces valeurs du rapport tcD
reportées sur le diagramme tcD = f (D), permettent de distinguer 5 domaines ou
classes de plis (Fig. 9.6b) : les plis de classes 1A, 1B et 1C à isogones convergents,
ceux de classe 2 à isogones parallèles et ceux de classe 3 à isogones divergents. Les
plis de classe 1B sont isopaques, les autres sont anisopaques et parmi ceux-ci les
plis de classe 2 sont semblables, c’est-à-dire que leurs surfaces courbées se dédui-
sent l’une de l’autre par une translation parallèle au plan axial du pli.
Cette classification morphologique des plis est significative de leur mode de défor-
mation. Elle est en effet basée sur le changement d’épaisseur des couches plissées,
leur épaisseur initiale étant supposée à peu près uniforme. Les plis isopaques
(classe 1B) et les plis semblables (classe 2) ne sont pas vraiment courants dans la
nature mais représentent deux modèles simples de plissement : le premier est un plis-
sement par flexion, le second un plissement par cisaillement simple. Les autres
plis anisopaques (classe 1A, 1C et 3), plus réels, font intervenir des déformations

152
9.2 • Les plis isopaques et le plissement par flexion

supplémentaires dues à de l’aplatissement homogène ou non à cause du comportement


mécanique des couches voisines. Nous examinerons d’abord les modèles simples de
plissement en insistant sur les déformations par flexion, les déformations par cisaille-
ment simple et par aplatissement ayant déjà été analysés dans le chapitre 7.

Figure 9.6 – Classification morphologique des plis d’après Ramsay (1967,


McGraw Hill, 568 p.) : a) détermination des valeurs de t 0 et t D et construction
de l’isogone D sur une section de pli ; b) diagramme de tcD en fonction de i D
définissant la classe des plis ; c) géométrie des isogones des plis des
différentes classes.

9.2 LES PLIS ISOPAQUES ET LE PLISSEMENT


PAR FLEXION
Un pli isopaque se forme par gauchissement (buckling) d’une strate, en mécanique
on dit qu’il y a flambage de cette strate.

9.2.1 Le développement des plis isopaques par flambage


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Les études théoriques concernant la croissance des plis (Biot, 1961 ; Ramberg,
1963) ont considérablement simplifié le problème pour qu’il puisse être traité analy-
tiquement. On admet que le matériau est élastique ou visqueux newtonien, que la
déformation est plane, les effets de gravité négligeables et que la compression agit
au départ parallèlement aux couches (Fig. 9.7a). On montre ainsi que pour qu’un pli
s’initie et croisse, le milieu doit être formé de couches de propriétés mécaniques
contrastées qui contiennent de faibles irrégularités que l’on suppose sinusoïdales par
hypothèse. Ces dernières sont à l’origine d’instabilités qui commencent toutes à
croître mais, parmi celles-ci, l’une d’elle dont la longueur d’onde croît préférentiel-
lement, devient une série de plis de longueur d’onde dominante Wd (Fig. 9.7a). Pour
un comportement visqueux newtonien, cette longueur d’onde dépend de l’épaisseur

153
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

(e) de la couche considérée, de sa viscosité (K 1 ) et de celle (K 2) du milieu dans


lequel elle est insérée :
Wd = 2 S e 3 K 1 e 6K 2 (1)
Cette analyse montre qu’avant que le plissement ne se développe, il se produit
d’abord un raccourcissement (et un épaississement) des couches qui peut atteindre
20 %. La relation (1) n’est établie que pour des pendages des flancs du pli inférieur
à 15°. Si on appelle Ad le facteur d’amplification par lequel l’amplitude A d’un tel
pli est ensuite multipliée au bout d’un temps donné t 1 par rapport à son amplitude au
temps initial t 0 pour un comportement visqueux newtonien, celui-ci est défini par :
2
Ln Ad = t 1 e t 0 3 K 1 e 6K 2 (2)

Figure 9.7 – Plissement par flexion (a) d’une couche de viscosité K 1 dans un
milieu de viscosité K 2 ; b) plissement disharmonique de couches à viscosités
différentes (d’après Ramberg, 1964, Tectonophysics, 1, 307-341).

L’expression graphique de cette fonction (Fig. 9.8) montre clairement que


l’amplification du plissement dépend du rapport de viscosité des couches. Pour un
rapport faible (K 1/ K 2 < 10) il n’y a pas plissement, il se produit seulement un
raccourcissement et un épaississement des couches. Pour un rapport plus élevé
l’amplification des plis devient explosive dès que le raccourcissement atteint une
valeur critique. Enfin, pour un milieu rocheux stratifié formé de couches d’épais-
seurs et de viscosités différentes, la même quantité de raccourcissement du milieu
rocheux est prise en compte par des plis de longueurs d’onde et d’amplitudes diffé-
rentes : le plissement est disharmonique (Fig. 9.7b).

9.2.2 La flexion d’une poutre élastique


La flexion des poutres élastiques permet d’aborder de façon simple le mécanisme de
la flexion qui est essentiel dans la formation des plis isopaques.
2.1. Les modes de flexion. Supposons une poutre en appui libre, c’est-à-dire
mobile horizontalement à ses extrémités, et soumise à des forces de surface P agis-
sant perpendiculairement à son axe longitudinal, on considère par hypothèse que le

154
9.2 • Les plis isopaques et le plissement par flexion

Figure 9.8 – Amplification (Ad) du plissement d’une couche en fonction du


raccourcissement H % et du rapport de viscosité K 1 /K 2 (d’après Ramsay, 1967,
McGraw Hill, 568 p.).

plan contenant ces forces est un plan de symétrie de la poutre. Les forces de réaction
sur les appuis sont R l et R 2. Ces forces extérieures imposent des moments de flexion
et des forces de cisaillement dans les sections droites, perpendiculaires à l’axe de la
poutre. Toute section droite D (Fig. 9.9a) est soumise sur un de ses côtés (le gauche
par exemple) à :
– un moment de flexion M (ou moment fléchissant) égal à la somme algébrique
des moments des forces extérieures (à gauche) autour d’un axe O passant par D :
M = R 1x – P1 (x – a) – P2 (x – b)
– et à une force de cisaillement FT (ou effort tranchant) égale à la somme algébrique
de toutes les forces extérieures (à gauche) parallèles à D :
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FT = R 1 – P1 – P2 (les conventions de signe sont celles de la Fig. 9.9).


Si dans toutes les sections droites de la poutre, il n’existe que des moments de
flexion celle-ci est dite en flexion pure ; s’il existe en plus des forces de cisaillement,
la poutre est dite en flexion simple. Sur les faces droite et gauche d’un morceau de
poutre de longueur dx et de largeur b égale à l’unité (Fig. 9.10) sur lequel on peut
considérer que la pression p est uniforme, les moments de flexion et les forces de
cisaillement dues aux forces extérieures sont respectivement M et M + dM, FT et
FT + dFT (on admet que les valeurs sont croissantes de la gauche vers la droite) et p
(dx . b). Écrivons l’équilibre des moments autour de 0 (Fig. 9.10) pour que la poutre
soit en équilibre statique :

¦ M0 = M – M + dM + F T dx – p dx ˜ b dx e 2 = 0

155
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

Figure 9.9 – Flexion d’une poutre en appui libre. Les conventions de signe du
moment M et des forces cisaillantes FT sont définies en bas de la figure.

avec b = 1, d’où dM = FT dx – p dx 2/ 2
Le dernier terme en dx2 étant négligeable, la force de cisaillement est égale à :
FT = dM/dx (3)
Les forces de cisaillement FT dans les sections droites sont donc liées aux varia-
tions du moment de flexion le long de l’axe de la poutre.

Figure 9.10 – Forces de cisaillement FT dans les sections droites d’une


poutre (d’après Nash, 1974, McGraw Hill, 1977). Mêmes conventions de signes
que pour la Fig. 9.9.

2.2. Les contraintes dans une poutre en flexion pure. En flexion pure, puisqu’il
n’existe pas de forces cisaillantes dans les sections droites, FT = dM/dx = 0 et donc
le moment de flexion M est constant tout le long de la poutre. Ceci se produit quand
seuls des couples sont appliqués aux extrémités de la poutre et qu’aucune force
n’agit sur elle. Si la poutre est homogène, sa courbure est constante et elle se courbe
en arc de cercle. Après déformation, les sections droites de la poutre correspondent
aux rayons d’un cercle de centre C (= centre de courbure, Fig. 9.11). Il est alors
évident que les fibres convexes (extrados) de la barre s’allongent et que les fibres
concaves (intrados) se raccourcissent. Entre les deux se trouve la surface neutre sur
laquelle il n’y a ni allongement ni raccourcissement. Son intersection avec une
section longitudinale de la poutre est appelée la ligne neutre et avec une section
droite, l’axe neutre (Fig. 9.11).

156
9.2 • Les plis isopaques et le plissement par flexion

Figure 9.11 – Contraintes dans une poutre en flexion pure (poutre en appui libre).

L’allongement (ou le raccourcissement) H = BBc/AB se déduit de l’homothétie des


triangles (BBcN 2 ) et (N 1N 2 C) : '1/1 = H = y/r.
Si la déformation est élastique et que le module d’Young identique en traction et en
compression, V = E H d’où : V = E y/r (4)
En flexion pure, les contraintes normales dans une section droite d’une poutre
élastique sont donc proportionnelles à la distance (y) à la surface neutre de l’élément
de surface auquel elles s’appliquent et inversement proportionnelle à la distance (r)
de cette dernière au centre de courbure.
On démontre (voir V. Fesdossiev, 1976, p. 132) que pour toute poutre possédant
un plan de symétrie longitudinal et sollicitée par un moment de flexion M agissant
sur une section droite, la contrainte normale V agissant sur cette section droite à une
distance y de l’axe neutre a aussi pour expression :
V = My/I (5)
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I étant le moment d’inertie de la surface de la section droite autour de l’axe neutre.


Lorsque la poutre a un comportement purement élastique, l’axe neutre passe par le
centre d’inertie G de la section droite (Fig. 9.11b).
2.3. Contraintes dans une poutre en flexion simple. Soit un élément de longueur
dx et de largeur b (grisé sombre sur la Fig. 9.12a) d’un morceau de poutre. Les côtés
droit et gauche de ce morceau de poutre ont une surface A. Les forces normales N1 =
V . A et N 2 = (V + dV) A, sur ces côtés, résultent respectivement des moments de
flexion M et M + dM. En supposant que les sections droites sont peu déformées, la
relation (5) permet d’obtenir la différence dN entre N 1 et N 2 :
c
M + dM y c
My dM c
dN = ³
y I ³ y I
³
----------------------------- ˜ da – -------- ˜ da = -------- y ˜ da
I y
157
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

da étant un élément de la surface A, y la distance de cet élément de surface à l’axe


neutre et c la distance du bord de la section à l’axe neutre (Fig. 9.12a). Pour que
l’équilibre statique de l’élément de poutre soit réalisé, il faut qu’une force tangen-
tielle T égale à dN et de sens opposé agisse à la base de cet élément. En supposant
que les contraintes W h agissant à la base (dx . b) de cet élément soient uniformes, la
force tangentielle qui lui est appliquée est T = W hdx . b, on peut alors écrire l’égalité
T = dN sous la forme :
dM c dM 1 c
I ³ y
³
W h dx ˜ b = -------- ˜ y ˜ da d’où il vient W h = -------- ˜ --------- y ˜ da
dx I ˜ b y
En utilisant la relation (3), on peut donc écrire :
FT c
I˜b y³- y ˜ da
W h = -------- (6)

Figure 9.12 – Contraintes dans une poutre en flexion simple (poutre encastrée).

Pour que l’équilibre statique du morceau de poutre soit réalisé, il faut qu’en tout
point les contraintes tangentielles horizontales W h soient égales aux contraintes
tangentielles W v dans les sections droites (Fig. 8.12b). De la relation (6), il résulte
que les contraintes cisaillantes sont maximum sur la ligne neutre (quand yo = o) et
nulles sur les bords de la poutre (yo = c). En flexion simple, les sections droites
subissent donc des déformations angulaires non uniformes ; c’est le cas quand une
poutre est encastrée à une de ses extrémités (Fig. 8.12b).

9.2.3 La distribution de la déformation dans les plis


isopaques
Les données mécaniques sur la flexion des poutres élastiques suggèrent quels types
de déformation incrémentales peuvent se produire au cours du plissement isopaque.
Mais les grandes déformations permanentes qui résultent de l’ajout des déforma-
tions incrémentales sont en fait très complexes, car, en général, l’état de contrainte
en tout point donné d’une strate, change au cours de l’histoire du plissement. Seule

158
9.2 • Les plis isopaques et le plissement par flexion

l’analyse de la fabrique (voir Chap. 7) pourrait permettre de suivre l’histoire de cette


déformation. Néanmoins, une approche simplifiée de la déformation macroscopique
des plis peut aider à comprendre ce que peuvent être les comportements réels liés à
la déformation progressive.
3.1. Plis à déformation de charnière et plis à déformation de flancs. L’observation
détaillée de plis naturels isopaques affectant des empilements de couches stratifiées
indique que plusieurs mécanismes tectoniques peuvent leur donner naissance. En
effet, dans ces plis, les déformations peuvent être localisées soit dans les charnières,
soit dans les flancs. On distingue ainsi des plis isopaques à déformation de char-
nière et des plis isopaques à déformation de flancs. De nombreuses études, souvent
basées sur des modèles analogiques ont permis de comprendre la signification méca-
nique d’une telle distinction.
a) Les plis à déformation de charnière. Un modèle analogique représentant ce
type de pli est celui d’une plaque de caoutchouc que l’on fléchit, la charnière étant
libre de se déplacer (voir les poutres en appui libre, Fig. 9.9). La déformation de
marqueurs circulaires dessinés sur la tranche de la plaque, permet de visualiser la
déformation élastique. Dans la zone de charnière du pli les cercles sont transformés
en ellipses (Fig. 9.13a) ; dans l’extrados la déformation est en allongement, dans
l’intrados elle est en raccourcissement et entre les deux existe une zone sans défor-
mation (zone neutre). Des marqueurs linéaires tracés perpendiculairement aux
surfaces de la plaque (sections droites) restent des droites après la déformation ; elles
sont seulement réorientées et disposées en éventail divergent (par rapport au centre
de courbure du pli) dans la zone de charnière (Fig. 9.13a).
La transformation des cercles en ellipses montre que la déformation continue dans
le pli est hétérogène, généralement plane et les axes principaux O 1, O 3 des ellipses
sont perpendiculaires ou parallèles aux surfaces du pli. Globalement, les longueurs
des marqueurs linéaires perpendiculaires aux limites de la plaque ne sont pas modi-
fiées, le pli est donc isopaque (classe 1B).
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Figure 9.13 – Pli monocouche à déformation de charnière (a) et de flanc (b)


avec cisaillement discontinu (b 1 ) ou continu (b 2 ).

159
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

Tout marqueur linéaire l 0 situé sur le plan repère So et faisant avec l’axe B du pli
un angle 4 0 (Fig. 9.14a) subit au cours du plissement une rotation autour de cet axe
(Fig. 9.14b). Si cette droite l 0 était située sur la surface neutre, elle deviendrait une
ligne courbe faisant en tout point un même angle 4 0 avec l’axe B du pli. Cette
courbe décrirait les génératrices d’un cône ayant pour axe l’axe B du pli et pour
demi-angle au sommet 4 0 et serait représenté sur un stéréodiagramme de Wulff
(voir pour l’utilisation de la projection stéréographique Vialon et al., 1976) par un
petit cercle (l 0 ) faisant avec l’axe B un angle 4 0 (Fig. 9.14c). En fait cette droite l 0
est située soit sur la surface d’extrados, soit sur la surface d’intrados qui subissent
respectivement un allongement et un raccourcissement. Il en résulte que dans
l’extrados l’angle entre la droite plissée (lce ) et l’axe B augmente (4ce ) et que dans
l’intrados l’angle entre la droite plissée (lci ) et l’axe B diminue (4ci ) Dans les flancs
du pli, où il n’y a ni allongement ni raccourcissement, cet angle garde une valeur
constante (4 0 ). La valeur de (4ce – 4ci ) (voir stéréodiagramme, Fig. 9.14) dépend
des quantités d’allongement et de raccourcissement dans la charnière du pli à défor-
mation de charnière.
Ces déformations et en particulier la conservation, au cours de la déformation, de
la forme rectiligne des marqueurs linéaires perpendiculaires aux limites de la plaque,
indiquent que ces plis isopaques à déformation de charnière résultent essentielle-
ment d’un mécanisme en flexion pure (Fig. 9.11a).
b) Les plis à déformation de flancs. Un modèle analogique représentant ce type de
pli est donné soit par un paquet de cartes ou de feuillets minces, soit par une plaque
de plasticine que l’on fléchit en maintenant la charnière fixe (voir l’exemple des
poutres encastrées, Fig. 9.12). La déformation des marqueurs circulaires imprimés
sur la tranche de la plaque montre que la déformation est surtout localisée dans les
flancs (Fig. 9.13b). Les cercles, transformés en ellipses, indiquent que la déforma-
tion s’est faite par cisaillement simple, parallèlement aux flancs du pli. Le sens du
cisaillement s’inverse d’un flanc à l’autre du pli ; l’importance du cisaillement
(valeur de J) diminue de la ligne d’inflexion des flancs vers les charnières. Dans le
détail, la déformation par cisaillement peut se faire de façon continue dans la plaque
en flexion (pli par écoulement flexural : flexural flow fold) (Fig. 9.13b2) ou sur des
surfaces discrètes (pli par glissement flexural : flexural slip fold) (Fig. 9.13b1).
Les marqueurs linéaires initialement perpendiculaires aux limites de la plaque,
acquièrent une forme sigmoïde dans les flancs. La déformation est hétérogène et elle
est généralement plane et les axes principaux O 1 et O 3 des ellipsoïdes sont perpendi-
culaires à l’axe du pli. Les surfaces du pli sont approximativement parallèles à une
des deux sections particulières circulaires, des ellipsoïdes de déformation et, pour
cette raison, aucune distorsion ne se produit sur ces surfaces et sur toutes les surfaces
à l’intérieur de la strate qui sont parallèles à celles-ci. Il ne se produit donc aucune
modification d’épaisseur de la plaque : le pli est donc isopaque. La déformation
cisaillante des marqueurs linéaires initialement perpendiculaires aux limites de la
plaque indique que les plis isopaques à déformation de flanc résultent essentielle-
ment d’un mécanisme en flexion simple (Fig. 9.12b).

160
9.2 • Les plis isopaques et le plissement par flexion

Figure 9.14 – Flexion de la surface d’un pli à déformation de charnière :


situation avant (a) et après (b) le plissement ; (c) diagramme stéréographique
(Wulff) représentant l’état (b) (projection hémisphère inférieur).

3.2. Les déformations cassantes dans les plis isopaques. Les nombreuses struc-
tures et microstructures cassantes que l’on observe dans les plis naturels, nous
renseignent directement sur les modes de plissement isopaque.
a) Dans les plis à déformation de charnière, les zones d’extrados, en allongement,
sont découpées par des demi-fentes de traction, souvent remplies de calcite ou de
quartz disposé en fibres perpendiculaires à l’axe du pli et par des failles normales
limitant des grabens allongés parallèlement à l’axe du pli (Fig. 9.15a et b). Dans la
zone d’intrados, en raccourcissement, se forment souvent des stylolithes dont les
pics sont perpendiculaires à l’axe du pli, associés à des fentes de traction parallèles à
la surface plissée (Fig. 9.15c). Parfois des failles inverses ou des plis parallèles à
l’axe du pli accidentent la surface d’intrados (Fig. 9.15d et e).
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Figure 9.15 – Structures des plis à déformation de charnière ; a) fentes de


traction (Fe), b) failles normales (F N ), c) stylolithes (St), d) failles inverses (F I )
et e) microplissement ; au centre modes d’associations des diverses
structures.

161
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

b) Dans les plis à déformation de flanc, se forment toutes les structures cassantes
généralement associées aux zones de cisaillement simple (Chap. 4, § 4.5.2) :
systèmes de fentes en échelon simple ou conjugués, cisaillements secondaires paral-
lèles à la surface plissée ou en systèmes conjugués de type R et Rc (Fig. 9.16).

Figure 9.16 – Structures des plis à déformation de charnière : fentes en


échelon (a) et cisaillements de Riedel (b) ; (c) association de structures.

9.2.4 Plissement isopaque d’un ensemble stratifié


La diminution de l’espace situé dans les parties concaves des plis formés d’un empi-
lement de couches fléchies autour d’un même centre de courbure (Fig. 9.11a et 9.17a)
complique leur géométrie et est accommodée par la formation de plis parasites
(Fig. 9.17b) ou par le cisaillement des couches (Fig. 9.17c) ; il y a disharmonie de
plissement. Les joints de stratification séparant les empilements de couches ayant une
faible résistance mécanique, permettent aux couches compétentes qui fléchissent, de
glisser les unes sur les autres (Fig. 9.17d). C’est le glissement banc sur banc dont le
déplacement matérialisé par des stries identiques à celles des surfaces de failles
(Chap. 5, § 5.4.1) se fait en général perpendiculairement à l’axe du pli ; ce glissement
converge vers l’axe anticlinal et diverge à partir de l’axe synclinal (Fig. 9.17e). Ce
déplacement est maximum dans les flancs et faible à nul à l’axe du pli.

9.3 LES PLIS SEMBLABLES ET LE PLISSEMENT


PAR CISAILLEMENT SIMPLE

9.3.1 La géométrie des plis semblables et leur formation


par cisaillement simple hétérogène
Les plis anisopaques semblables (classe 2) sont caractérisés par une épaisseur
constante des couches, mesurée parallèlement au plan axial du pli. En revanche,
l’épaisseur mesurée perpendiculairement aux couches varie : elle est maximum dans
les charnières et diminue dans les flancs (Fig. 9.18a).

162
9.3 • Les plis semblables et le plissement par cisaillement simple

Figure 9.17 – Plissement isopaque d’un empilement de couches :


(a) modèle idéal et accommodation de la déformation par microplissement (b)
ou cisaillements imbriqués (c), (d) et (e) glissement banc sur banc.

La forme de ces plis, et aussi le mode de plissement qui leur donne naissance, sont
fondamentalement différents de ceux des plis isopaques (de classe 1B). Lors de la
déformation, la surface déformée (stratification ou autres surfaces) subit seulement
une translation passive (Fig. 9.18a). Un tel type de plissement peut résulter d’un
cisaillement simple de la matière selon des surfaces planes de cisaillement (shear
planes) parallèles qui sont des plans de transport. Un cisaillement simple homogène
ne peut pas former de plis, ceux-ci résultent nécessairement d’un cisaillement simple
hétérogène dans le plan perpendiculaire au plan de cisaillement et contenant le
vecteur-déplacement, mais homogène dans le plan de cisaillement (Fig. 9.18b). La
forme du pli dépend du gradient de cisaillement et de l’inversion du sens de cisaille-
ment dans le plan perpendiculaire au plan de cisaillement. Un paquet de cartes dont
les cartes glissent les une sur les autres peut servir de modèle analogique d’un tel méca-
nisme de plissement.
En raison du mécanisme de cisaillement simple qui est à l’origine de ces plis on
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peut leur associer des axes cinématiques appelés axes a, b et c qui sont tels que (a)
est le vecteur-glissement dans le plan de cisaillement (= plan de transport), (c) est la
normale à ce plan et (b) est orthogonal à (a) et (c) (Fig. 9.19). Les axes géométrique
(B) et cinématique (b) du pli ne sont confondus que si la surface S 0 déformée était, à
l’origine, confondue avec le plan (bc) de la déformation (Fig. 9.18).

9.3.2 Plissement par cisaillement simple hétérogène,


schistosité et linéation
Les plis par cisaillement simple sont toujours synschisteux (schistosité de flux) et
développent une fabrique de type S-Lc montrant une linéation Lc d’étirement (ou de

163
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

Figure 9.18 – a) Plissement par cisaillement simple hétérogène (a, b et c :


axes cinématiques de la déformation) ; b) modèle de déformation (paquet de
cartes) par cisaillement simple homogène et hétérogène.

transport, Chap. 7, § 7.3.4-4.2) parallèle à l’axe cinématique a. Cette linéation est


différente de la linéation d’allongement vrai L(X) (axe X de l’ellipsoïde de la défor-
mation) et est légèrement oblique sur cette dernière (Fig. 9.19a). Les marqueurs
linéaires l 0 situés sur le plan repère S 0 déformé par ce mode de plissement (Fig. 9.19b),
sont simplement translatés dans la direction de transport (a) et transformés en une
courbe l c qui est à l’intersection du plan contenant (l 0 ) et (a) avec la surface S 0 défor-
mée. Sur un stéréodiagramme de Wulff (Fig. 9.19c), la courbe lc est représentée par
un grand cercle (lc), vertical sur ce schéma, faisant avec l’axe B un angle 4 o .
Ce type de pli anisopaque semblable et le mode de plissement par cisaillement
hétérogène simple correspondent à un cas idéal mais qui peut être réel. Toutefois en
général les plis anisopaques ne sont pas strictement de type semblable (Classe 2) car
d’autres mécanismes se superposent souvent à celui du cisaillement simple.

9.3.3 Plis à axes courbes par cisaillement simple hétérogène


Lorsque le cisaillement est hétérogène à la fois dans le plan (ac) et dans le plan (ab)
de cisaillement ou d’écoulement (Fig. 9.20a), la surface de référence S 0 est défor-
mée selon une géométrie irrégulière en formant des plis à axes courbes, en même
temps que se développe une linéation d’étirement (la) dans le plan de transport
(Fig. 9.20b). Un paquet de baguettes parallépidiques allongées (allumettes) et
rangées parallèlement les unes contre les autres est un modèle analogique grossier de
ce mécanisme de plissement (Fig. 9.20a). L’exagération de la déformation conduit à
la formation de plis «en fourreau» (sheath folds) (Fig. 9.20b), allongés parallèle-
ment à la direction du transport c’est-à-dire à l’axe (a) (Cobbold et Quinquis, 1980).
La direction de l’axe des plis peut dans ce cas devenir parallèle, et non perpendicu-
laire, à la direction de transport. La reconnaissance de ce type de plis est donc impor-
tante dans les reconstructions structurales régionales.

164
9.3 • Les plis semblables et le plissement par cisaillement simple

Figure 9.19 – Plissement par cisaillement simple hétérogène ;


a) position des axes a, b, c, de la schistosité (S), de la linéation (Lc ) d’étirement
et de l’axe (B) du pli replissant (So ) ; b) mode de déformation de la linéation (l o ) ;
(c) : diagramme stéréographique (Wulff) correspondant (projection hémisphère
inférieur). S So : pôles de la surface So, S S : pôle de la schistosité S.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 9.20 – Pli à axe courbe né par cisaillement simple hétérogène ;


a) modèle du paquet d’allumettes avant et après déformation ;
b) pli en fourreau.

165
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

9.4 LES PLIS ANISOPAQUES ET LE PLISSEMENT


PAR APLATISSEMENT

9.4.1 La géométrie des plis anisopaques (non semblables)


et leur formation par aplatissement
L’aplatissement homogène des matériaux ne forme pas de plis (Fig. 9.21a). Si ceux-
ci résultent d’un aplatissement, cet aplatissement est nécessairement hétérogène
dans le plan (XZ) (Fig. 9.21b). Mais l’aplatissement homogène ou hétérogène se

Figure 9.21 – Pli anisopaque formé par aplatissement hétérogène ;


a) aplatissement homogène (sans plis), b) aplatissement hétérogène (avec pli) ;
c) modification de la forme d’un pli (montrée par les flèches) par superposition
d’un aplatissement homogène perpendiculaire au plan axial d’un pli isopaque (1B)
ou anisopaque (3).

produit souvent sur des plis déjà formés par flexion (plis isopaques de classe 1B) ou
par cisaillement (plis anisopaques de classe 2). En général, l’aplatissement homo-
gène de ces plis (flattened folds) conduit à de nouvelles formes de plis qui occupent
dans la classification de Ramsay les divers espaces des classes 1C et 3 (voir
Fig. 9.6b, c et Fig. 9.21c). Si la direction d’aplatissement est en gros perpendiculaire
au plan axial des plis, l’aplatissement se poursuivant, leur géométrie tend à se
rapprocher de celle des plis semblables de la classe 2 (Fig. 9.21c). L’aplatissement
perpendiculaire au plan axial de plis déjà semblables tend à rendre ceux-ci isocli-
naux en leur gardant une géométrie de classe 2.

9.4.2 Plis par aplatissement, schistosité et linéation


L’aplatissement de plis initialement isopaques, suivant une direction approximative-
ment perpendiculaire à leur plan axial, provoque l’apparition de la schistosité d’abord
disposée en éventail (Fig. 9.22a), puis dans un stade plus avancé de l’aplatissement,
cette schistosité tend à devenir parallèle au plan axial du pli (Fig. 9.22b). Si un
marqueur linéaire (l 0 ), situé sur une surface repère S0 et faisant avec l’axe de plisse-

166
9.4 • Les plis anisopaques et le plissement par aplatissement

ment B un angle 4 o , se trouve dans une zone où intervient de l’aplatissement, ce


marqueur subit une réorientation qui est variable selon sa position sur le pli. Dans la
charnière, la surface S0 proche du plan YZ subit un raccourcissement Z tel que l’angle
4cc entre le marqueur réorienté (lc) et l’axe B diminue (4cc < 4 0 , Fig. 9.22a et b).

Figure 9.22 – Plissement par flexion et aplatissement ; a) stade initial ; b)


stade final ; (c) représentation sur stéréodiagramme de Wulff du stade (b)
(projection hémisphère inférieur).

Dans les flancs du pli, la surface S 0 , voisine du plan XY, subit un allongement X tel
que l’angle 4cf entre le marqueur réorienté (lc) et l’axe B augmente (4cf > 4 0 ,
(Fig. 9.22a et b).
La courbe de dispersion de la linéation lc sur un stéréodiagramme de Wulff par
exemple (Fig. 9.22c), permet d’apprécier l’importance et la localisation de cet apla-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

tissement dans le pli.


9.4.3 Plis à axes courbes par aplatissement hétérogène
Dans les plis naturels l’aplatissement se produit souvent de façon hétérogène, non
seulement dans le plan (XZ), mais aussi dans le plan (XY) (Fig. 9.23a). Quelle que
soit leurs dimensions, ces plis ont alors des axes courbes et leur géométrie est quel-
conque. Il convient de distinguer ces plis anisopaques à axes courbes de ceux issus
d’un cisaillement hétérogène (Fig. 9.20b). En fait, seule une analyse de la fabrique
de la roche (voir Chap. 7) et notamment de la signification du débit planaire (S ou
C : S = schistosité par aplatissement dans le premier cas et C = plans de cisaillement
dans le second cas., Chap. 7, § 7.3.4), peut permettre de distinguer ces deux types de
plis à axes courbes (Fig. 9.23b).

167
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

En résumé, la diversité de forme des plis naturels est le reflet de la diversité des
mécanismes qui leur donnent naissance, de la nature du matériel affecté, en particulier
des contrastes mécaniques (différence de viscosité) des assemblages stratifiés, des
·
conditions du milieu où se produit la déformation (P, T, H ) et de l’évolution de la défor-
mation au cours du temps. L’utilisation de la géométrie des plis comme indicateur de
la déformation n’est pas simple car les plis résultent en général d’une déformation
hétérogène progressive. En revanche les plissements successifs enregistrent souvent
bien les grandes étapes historiques de l’édification des chaînes de montagnes.

Figure 9.23 – a) pli à axe courbe dû à un aplatissement hétérogène


dans les plans XY et XZ de la déformation ;
b) significations différentes de la surface de schistosité (S) d’un pli à axe
courbe.

9.5 LA NOTION DE STRATIGRAPHIE MÉCANIQUE


La notion de stratigraphie mécanique s’est développée au début des années 1990, en
lien intime avec l’apparition des notions d’équilibrage des coupes et des modèles de
plis qui font l’objet des sous-parties suivantes. En réalité, si l’expression « stratigra-
phie mécanique » est relativement récente, elle ne fait que développer un concept
bien plus ancien (voir par exemple la coupe du Jura de Buxtorf, 1916, dans Goguel,
1952, ou les travaux de Rich, 1934, qui préfigure la notion de plis de rampe sur le
chevauchement de la Pine Mountain) : les roches sédimentaires de la croûte supé-
rieure constituent un milieu hétérogène du point de vue de la rhéologie, dans le plan
vertical comme dans le plan horizontal, et répondent ainsi différemment à la défor-
mation en fonction de leurs lithologies.
La stratigraphie mécanique est donc la description d’une pile sédimentaire non
sur des critères d’âges ou sédimentologiques mais sur la base du comportement
mécanique des séries (Corbett et al., 1987 ; Cooke, 1997). Elle consiste à discrétiser
la pile sédimentaire en ensembles lithologiques compétents (c'est-à-dire, mécanique-
ment rigides) ou incompétents (comportement ductile à l’échelle de temps de la
déformation), parfois aussi appelés « groupes mobiles ». Ces groupes incompétents
constituent ainsi des niveaux de décollement, ou « couches savons », qui vont facili-
ter les déplacements, qu’ils soient d’origine tectonique ou gravitaire.

168
9.5 • La notion de stratigraphie mécanique

La notion de stratigraphie mécanique est dépendante de l’échelle d’observation :


un niveau de décollement décimétrique contrôlera le développement de structures
centimétriques à métriques, alors qu’une épaisse série évaporitique influera sur la
géométrie d’un front de chaîne, voir sur la structure d’échelle régionale (voir l’exemple
du Zagros externe, § 10.3). Elle est fortement contrôlée par l’épaisseur des unités et
la nature des contacts (Cooke & Underwood, 2001), et peut varier dans le temps en
fonction de l’évolution de paramètres comme la température, la pression, ou les circu-
lations de fluides.
L’établissement de la stratigraphie mécanique peut se faire directement, en déter-
minant sur le terrain ou à partir de coupes géologiques quels sont les principaux
niveaux de décollement, ou indirectement, en réalisant des essais mécaniques sur
différents niveaux de la pile sédimentaire.
Pour illustrer le concept de stratigraphie mécanique, nous avons choisi de présen-
ter le cas d’étude du front sud du Haut Atlas marocain, appelé « Front Sud
Atlasique » (FSA, Fig. 9.24). Ce massif appartient à la chaîne des Atlas s.l. chaîne
intracontinentale qui résulte de l’inversion au Cénozoique de bassins triasico-
liasiques globalement est-ouest. Le secteur choisi se situe à l’intersection entre deux
domaines bien distincts, l’un d’influence téthysienne à l’est, l’autre d’influence
atlantique à l’ouest (Fig. 9.24). Cette dichotomie, ajoutée à un héritage hercynien
complexe, induit des variations latérales rapides de la pile stratigraphique. Il en a
résulté, lors de l’inversion des bassins mésozoïques, une grande diversité des struc-
tures et de la morphologie le long du front sud de la chaîne, contrôlée par une stra-
tigraphie mécanique contrastée et surtout très variable latéralement.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 9.24 – Carte schématique de la région du Haut Atlas au Maroc,


figurant le Front Nord Atlasique (en pointillé) et le Front Sud Atlasique (FSA,
trait continu) qui limitent la chaîne respectivement au nord et au sud. Le Haut
Atlas, bien qu’intracontinental, supporte le plus haut sommet d’Afrique du
Nord (Jebel Toubkal, au centre de la figure, 4 167 m d’altitude). Le fond
topographique montre la forte variabilité de la morphologie le long du flanc
sud, avec ou sans rupture de pentes.

169
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

• Le nord du bassin du Souss, site 1


Le premier site choisi est situé dans la partie Occidentale du Haut Atlas de
Marrakech, au nord du bassin d’avant-pays du Souss (localisation Fig. 9.24). Le
front topographique correspond à un vaste anticlinal à cœur cambrien, plissé harmo-
niquement avec les séries crétacées sus-jacentes (Fig. 9.25). Le Trias et le Jurassique
sont ici totalement absents. Le flanc avant (sud) de l’anticlinal frontal montre des
plis de second ordre qui se développent à la faveur de niveaux de décollements
secondaires dans le Crétacé supérieur (Sénonien).

Figure 9.25 – Haut : photographie de terrain du Front Sud Atlasique au nord


du bassin d’avant-pays du Souss (voir localisation site 1, figure 9.24). Bas :
interprétation de la structure sous forme de coupe géologique schématique.
Le front est matérialisé par un anticlinal à cœur de matériel paléozoïque
(Cambrien), et affecté sur son flanc avant par des décollements secondaires.
Modifié d’après Missenard et al., 2007.

170
9.5 • La notion de stratigraphie mécanique

• Le nord-ouest du bassin d’Ouarzazate, site 2


Le second site est situé à environ 130 km à l’est du précédent, mais toujours sur le
Front Sud Atlasique. Les observations de terrain permettent d’établir la coupe présen-
tée figure 9.26. La structure est radicalement différente de celle observée à l’ouest :
les séries mésozoïques forment un vaste monoclinal à pendage vers le sud, puis devien-
nent horizontales vers le bassin d’avant-pays d’Ouarzazate. L’ensemble de la structure
est contrôlé par un niveau de décollement dans la série sous jacente, constituée de silts
cambro-ordoviciens ; ce niveau de décollement est à l’origine de la géométrie parti-
culière dite « en zone triangulaire » (Triangle zone), typique des fronts de chaînes
(Fig. 9.26). La déformation s’exprime dans le socle précambrien sous la forme de
failles inverses à fort pendage, probablement héritées du rifting mésozoïque, puis
inversées. Ces failles délimitent des blocs rigides qui sont à l’origine de l’augmenta-
tion par paliers successifs de l’altitude de la chaîne vers le nord jusqu’à plus de 4 000 m
au Jebel Toubkal, point culminant de l’Afrique du Nord (Fig. 9.24).

Eocène Supérieur Jurassique


Trias (Basaltes)
Eocène Inférieur
Paleozoique
(Cambro-Ordovicien)
Cretacé
Nord Précambrien Sud
3000

Profondeur (m)
Telouet 2500
2000
1500
1000
500
0

Figure 9.26 – Coupe géologique du Front Sud Atlasique au nord-ouest de la


ville d’Ouarzazate (voir localisation site 2, figure 9.24). Le socle est découpé
en bloc par des accidents à forts pendages qui s’amortissent dans des
flyschs ordoviciens, formant une vaste zone triangulaire. Modifié d’après
Missenard et al., 2007.

• Le flanc sud du Haut Atlas central, site 3


Le troisième site se trouve à une centaine de kilomètres plus à l’est du précédent.
Dans ce secteur, du point de vue morphologique, le front est matérialisé par une série
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de collines allongées selon la direction est-ouest (Fig. 9.27). Ces collines correspon-
dent à une série d’écailles tectoniques imbriquées, contrôlées par l’activation d’un
niveau de décollement localisé dans les séries triasiques et liasiques. Les accidents
s’enracinent au nord dans le socle paléozoïque rigide, à la faveur d’anciennes failles
normales inversées.
• Synthèse
L’ensemble de ces observations permet d’établir la stratigraphie mécanique compa-
rée des trois sites brièvement présentés ci-dessus (Fig. 9.28). Les barres blanches
soulignent les séries incompétentes, qui constituent des niveaux de décollement
préférentiels. Ceux-ci peuvent être majeurs, comme dans le Cambrien, l’Ordovicien,
le Trias et le Lias, ou secondaires, comme dans le Crétacé supérieur du premier site.

171
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

Figure 9.27 – Coupe géologique schématique du Front Sud Atlasique


(d’après Teixell et al., 2003) intégrée dans une vue oblique vers l’est
(source : Google Earth) dans la région de Timkit (voir localisation site 3,
figure 9.24). Le front est constitué par une série de reliefs allongés selon la
direction est-ouest, contrôlés par une succession d’écailles tectoniques
développés à la faveur d’un niveau de décollement dans les séries du Trias et
du Jurassique inférieur.

On constate ainsi que sur une distance relativement courte, le long d’un même acci-
dent majeur, la position du ou des niveaux de décollements peut varier considérable-
ment. Les structures induites par l’activation de ces niveaux de décollements sont de
fait très diverses, depuis un anticlinal frontal relativement simple jusqu’à des imbri-
cations complexes. La morphologie du front de chaîne est elle-même directement
liée à cette variabilité.
Il est important de souligner que la distribution des séries compétentes et incom-
pétentes dans la pile sédimentaire est en premier ordre contrôlée par l’héritage tecto-
nique, même si des facteurs externes comme les circulations de fluides ou des
changements de conditions de pression et de température peuvent ultérieurement
modifier cette stratigraphie mécanique. En effet, on voit ici que le développement des
écailles tectoniques sur le site 3 est en lien avec l’apparition de niveaux évaporitiques
triasico-jurassiques, niveaux absents plus à l’est. Il s’agit là d’une conséquence directe
du développement des bassins au début du Mésozoïque, dont l’épaisseur du remplis-
sage s’accroît vers l’ouest. De la même manière, l’histoire hercynienne est à l’origine
de la préservation d’épais schistes ordoviciens qui constituent aujourd’hui un niveau
de décollement préférentiel dans une région très localisée, alors qu’ils sont partout
ailleurs érodés. L’histoire passée des zones étudiées est donc un facteur déterminant
sur l’organisation structurale actuelle des chaînes de montagnes.

172
9.6 • Les modèles de plis

Figure 9.28 – Synthèse de l’étude des trois sites présentés sous la forme de
logs lithostratigraphiques et mécaniques. Les barres verticales noires
représentent les niveaux compétents, les barres blanches les niveaux
incompétents. Les niveaux de décollement sont représentés par des flèches
noires. Ils se localisent dans des niveaux différents selon les sites, donnant
lieu au développement de structures tectoniques variées.

9.6 LES MODÈLES DE PLIS


Le terme de chaîne en « chevauchements- plissement » (Fold and Thrust Belt) est
aujourd’hui largement utilisé pour désigner les orogènes dans lesquels la couverture
sédimentaire est affectée par des déformations à la fois plicatives et cassantes. Cette
étroite coexistence entre plis et failles est connue depuis longtemps : les premières
tentatives de hiérarchisation de ce type de structures remontent à la fin du XIXe
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

siècle (voir Frizon de Lamotte et Buil, 2002).


Les progrès réalisés en imagerie de subsurface, associés au développement des concepts
d’équilibrage des coupes (voir § 9.7), ont permis des avancées considérables dans la
compréhension de ces structures. Nous nous limiterons ici essentiellement à une
description géométrique des différents types de structures, laquelle fait l’objet d’un
consensus depuis le début des années 1980 (voir en particulier Suppe, 1985) même si
certains aspects, dont les problèmes mécaniques posés, sont toujours vivement débattus.
En préambule, on rappellera deux points qui nous semblent fondamentaux. Les
modèles présentés :
– ne sont que des modèles. Il s’agit de structures idéalisées qui ne reflètent que
partiellement la complexité des objets naturels ;

173
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

– sont reliés entre eux par le facteur temps. Il existe un continuum entre les diffé-
rents types de structures présentées, qui ne sont que des modèles extrêmes, toutes
les solutions intermédiaires étant possibles.

9.6.1 Les plis de décollement (Detachment folds)


Les plis de décollement sont probablement les structures les plus simples, décrites par
exemple dès 1916 dans le Jura (Buxtorf, 1916, repris par Goguel, 1952). Ils se forment
lorsqu’un niveau compétent, constitué par exemple de carbonates ou de grès, est
encadré au toit et à sa base par deux niveaux de décollement, un décollement supérieur
et un décollement inférieur (Fig. 9.29a et b). Le niveau de décollement inférieur peut
être constitué d’évaporites ou d’argiles ; le niveau de décollement supérieur peut
simplement correspondre à l’atmosphère ou à de l’eau, qui n’opposent aucune résis-
tance mécanique au plissement. Ce dernier a lieu par flambage, ou flexion, de la série
compétente (cf. § 9.2).

Figure 9.29 – Exemple de pli de décollement entre deux niveaux


incompétents. Lorsque le raccourcissement augmente, le pli se rompt : un
chevauchement dit tardif recoupe les séries et provoque une accentuation du
pendage du flanc, ici presque inversé. Avec l’accentuation de la déformation,
un rétro-chevauchement peut apparaître et rompre le flanc arrière, à droite
sur l’illustration. Modifié d’après Mitra, 2002.

Ce type de pli est généralement relativement symétrique, mais le plan axial peut
être basculé si le niveau de décollement inférieur perd de son efficacité (diminution
de viscosité). La longueur d’onde est généralement importante, ce type de pli

174
9.6 • Les modèles de plis

pouvant être d’échelle lithosphérique. Ces plis présentent fréquemment des struc-
tures secondaires à l’intrados (disharmonie, failles inverses) et à l’extrados (struc-
tures extensives) (cf. § 9.2.3). L’augmentation du raccourcissement peut provoquer
la rupture du pli, dont l’un des flancs est alors recoupé par un chevauchement tardif
(Break-Thrust, Fig. 9.29c). Dans ce cas, on notera que la déformation cassante est
tardive par rapport à la déformation plicative. De tels plis faillés sont par exemple
bien illustrés dans le Zagros (cf. § 10.3.3).

9.6.2 Les plis de propagation (Fault-propagation fold)


Le raccourcissement d’une série horizontale à stratigraphie mécanique contrastée
donne lieu à l’activation d’un ou plusieurs niveaux de décollements. Le glissement
qui se produit à la faveur de ces niveaux de décollement conduit au développement
de « failles plates », ou « paliers ». Si un de ces niveaux de décollement perd latéra-
lement son efficacité, par exemple en raison de variations latérales de faciès, la
déformation cassante va alors se propager vers le haut, avec le développement d’une
rampe de bloc inférieur (Fig. 9.30). En réponse à cette propagation, les séries sus-
jacentes situées au toit du niveau de décollement vont accommoder la déformation
par plissement, en formant un pli dit « de propagation ». Dans ce type de pli, le glis-
sement sur la faille est donc contemporain de la déformation plicative. Le pli va se
développer à l’extrémité de la faille dans une zone à géométrie triangulaire en coupe
appelée trishear zone (Fig. 9.30). Le flanc arrière du pli va lui être basculé progres-
sivement, pour devenir parallèle à la rampe de bloc inférieur.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 9.30 – Exemple de pli de propagation. Un niveau de décollement


horizontal sert de palier, sur lequel s’enracine une rampe. À l’aplomb de la
rampe, les séries sont plissées passivement, au fur et à mesure de la
propagation de la rampe vers la surface. Le flanc avant est nettement plus
penté que le flanc arrière, dont le pendage est parallèle à la rampe. À l’aplomb
de celle-ci, la déformation se localise dans une zone triangulaire appelée
Trishear zone. Les charnières sont figurées en pointillés fins.

Les plis de propagation sont généralement asymétriques : le flanc avant est à


pendage fort, vertical, voire inverse, alors que le flanc arrière a le même pendage que
la rampe de bloc inférieur. Le déplacement sur la rampe devient nul à son extrémité.

175
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

9.6.3 Les plis de cintrage sur rampe (Fault-bend folds)


Les plis de cintrage sur rampe se forment lorsque deux niveaux de décollement sont
activés et reliés entre eux par une rampe de bloc inférieur. Le pli se forme ainsi par
simple cintrage des couches au-dessus des transitions entre les niveaux de décolle-
ment et la rampe (Fig. 9.31). Ce type de pli est généralement relativement symé-
trique, le flanc avant ayant un pendage proche de celui du flanc arrière, lequel
épouse la géométrie de la rampe. Les couches situées au toit traversent passivement
les charnières, en enregistrant la déformation qui leur est associée : ainsi la partie
supérieure d’une couche est-elle en compression lors du passage palier inférieur/
rampe, et en extension lors du passage rampe/palier supérieur ; il en est de même
mais en séquence opposée pour sa partie inférieure.
La formation d’un pli de cintrage sur rampe est contemporaine du glissement sur
le plan de faille, comme pour le pli de propagation, dont elle peut constituer une
évolution.

Figure 9.31 – Modèle théorique de pli de cintrage sur rampe. Un niveau de


décollement supérieur (N.D.S.) et un niveau de décollement inférieur (N.D.I.)
sont reliés par une rampe de bloc inférieur. Le pli « épouse » la morphologie
des paliers et de la rampe. Les charnières sont figurées en pointillés fins.

9.6.4 Plisser en extension ?


Les modèles de plis présentés brièvement ci-dessus sont des concepts nés des obser-
vations réalisées dans des domaines compressifs. Pourtant, ces concepts directement
liés à ceux de la stratigraphie mécanique, peuvent parfaitement s’appliquer en régime
extensif – à l’exception toutefois du flambage. En effet, l’étirement d’une série à stra-
tigraphie mécanique contrastée va elle aussi donner lieu à l’activation des niveaux de
décollements efficaces, lesquels se connecteront par des rampes. En réponse au glis-
sement sur ces paliers et ces rampes, le bloc supérieur va se déformer en formant des
plis dont les géométries seront très similaires à ce qui est observé en contexte compres-
sif. Ainsi, si deux niveaux de décollement sont reliés par une rampe, l’étirement

176
9.7 • L’équilibrage des coupes et la restauration

donnera lieu à la formation d’un pli de cintrage sur rampe, mais cette fois-ci en régime
extensif (Fig. 9.32). Le lecteur pourra se référer par exemple à Benedicto et al., 1996,
pour des exemples illustrés par des profils sismiques sur la marge du golfe du Lion.

Figure 9.32 – Exemple en coupe de pli de cintrage sur rampe en contexte


extensif. L’activation de deux niveaux de décollement (inférieur, noté Dinf, et
supérieur, noté Dsup), et la rampe qui les connecte, donne lieu au plissement
passif de la série stratifiée située au toit de ces plans de glissement. Celle-ci
adopte alors une géométrie symétrique, les charnières (en pointillés) étant
transportées. Comme dans le cas compressif, le flanc arrière du pli adopte le
pendage de la rampe, à laquelle il est parallèle.

Ce type de modèle permet ainsi d’expliquer pourquoi, dans des domaines en exten-
sion, on observe des séries dont le pendage est parallèle aux failles. De la même
manière, le concept de trishear zone, zone triangulaire de déformation située dans le
secteur de propagation d’une rampe, peut s’appliquer en extension (Fig. 9.33).

9.7 L’ÉQUILIBRAGE DES COUPES ET LA RESTAURATION


9.7.1 Principe
Une coupe est dite équilibrée (balanced cross-section) s’il existe un chemin cinéma-
tique possible entre l’état actuel, proposé sur la coupe, et un état anté-déformation
supposé. La restauration d’une coupe géologique consiste à établir les étapes de ce
chemin cinématique jusqu’à l’état anté-déformation supposé.
« Trishear zone »
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 9.33 – Application de la notion de zone triangulaire de déformation


(trishear zone) au cas d’une faille normale. La propagation de l’accident vers
le haut s’exprime sous la forme d’une déformation plicative qui s’amortit
vers la surface.

177
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

Pour illustrer ces définitions, nous prendrons le cas de trois couches, initialement
horizontales dans leur état anté-déformation (Fig. 9.34a). Ces couches sont affectées
par un épisode de déformation compressive, qui donne lieu à la formation d’un pli
(Fig. 9.34b). Ce pli est dans un second temps recoupé par un chevauchement tardif
qui affecte son flanc avant, et un rétrochevauchement (Fig. 9.34c).

Figure 9.34 – Exemple d’évolution d’une structure dans le temps depuis un


état initial (a) anté-déformation, avec une série isopaque horizontale, jusqu’à
un état final (c), ou les couches sont uniformément raccourcies et affectées
par un pli et deux accidents inverses.

Le géologue qui cherche à construire la coupe de la structure dispose dans la


plupart des cas exclusivement des données de surfaces : pendages des couches, posi-
tion des contacts normaux (stratigraphiques) et anormaux (tectoniques) (Fig. 9.35a).
Il doit extrapoler ces données parcellaires en profondeur. Graphiquement, un grand
nombre de solutions sont ainsi a priori possibles, comme celle proposée
figure 9.35b. Pourtant, géométriquement, le nombre de solutions réalistes possibles
est limité : dans l’exemple de la coupe proposée figure 9.35b, les couches les plus
profondes montrent un raccourcissement beaucoup moins important que les couches
les plus superficielles. Cette solution n’est donc pas réaliste, le raccourcissement à
l’échelle de la structure devant être identique pour toutes les couches.

178
9.7 • L’équilibrage des coupes et la restauration

Figure 9.35 – (a) Données de terrain utilisées pour la construction d’une


coupe géologiques : pendages, contacts entre les niveaux stratigraphiques,
position et jeu des failles. (b) Proposition de coupe respectant les données de
surface, mais non réaliste : les niveaux les plus profonds présentent un
raccourcissement beaucoup plus faible que les niveaux superficiels, alors
que le raccourcissement doit être homogène à l’échelle de la structure. (c)
Proposition de coupe équilibrée, respectant les données de surface. La
structure proposée correspond à celle illustrée figure 9.34., et peut donc être
restaurée pour remonter à un état initial ou les couches sont horizontales, et
de même longueur.

À l’inverse, la solution proposée figure 9.35c est théoriquement possible : si l’on


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restaure la coupe en annulant le jeu des failles et en « dépliant » les plis (voir les
figures 9.34c, 9.34b, puis 9.34a), on retrouve bien l’état anté-déformation supposé,
avec des couches horizontales, continues et de même longueur. Cette coupe est dite
équilibrée. Il est important ici de préciser que cette solution n’est généralement pas
unique : il s’agit donc d’une solution possible, mais le fait qu’elle soit équilibrée ne
garantit pas sa véracité. Cependant, toute coupe qui n’est pas équilibrée est de facto
fausse.

9.7.2 Hypothèses posées


La réalisation d’une coupe équilibrée repose sur plusieurs hypothèses fortes :
– l’état initial anté-déformation est connu ;

179
Chapitre 9 • La déformation cassante/ductile et le plissement

– la déformation est réalisée exclusivement dans le plan de la coupe : il n’y a pas


d’échappement de matière latéralement ;
– il n’y a pas de variation du volume des unités au cours de la déformation.
Chacune de ces hypothèses doit être discutées dans le contexte de la coupe réalisée.
L’état initial peut être plus complexe que supposé, si par exemple des séries dispa-
raissent latéralement. La seconde hypothèse peut être invalidée s’il existe une compo-
sante tangentielle sur les failles, ou si la coupe n’est pas perpendiculaire aux structures.
Enfin, la dissolution de carbonates peut induire des variations de volume de la pile
sédimentaire.

9.7.3 Comment procéder ?


Les modèles de plis présentés précédemment constituent des aides importantes pour
l’équilibrage des coupes. En effet, ces modèles sont par définition équilibrés, et
répondent à des règles de construction géométriques précises. Dans le cas par
exemple d’un pli de rampe (Fig. 9.31), le flanc arrière du pli impose le pendage de la
rampe, qui lui est parallèle : le dessin de la coupe doit donc refléter cette contrainte
de construction. Il en est de même pour les charnières, dont la position et le pendage
sont imposés par la géométrie théorique du pli. Le géologue structuraliste
commence donc par projeter les données dont il dispose sur le plan de coupe, choisi
le modèle de pli qui lui semble le plus adapté, et extrapole les données au dessus et
en dessous de la surface topographique en tenant compte des contraintes géomé-
triques imposées par le modèle choisi.
La méthode la plus utilisée pour valider l’équilibrage d’une coupe est purement
géométrique : il s’agit de vérifier la conservation des longueurs ou des aires. En
effet, entre l’état actuel, déformé, et l’état initial supposé, les longueurs des bancs,
tout comme leurs surfaces dans la représentation en coupe, doivent être conservées.
Tant que cette conservation n’est pas effective, la coupe n’est pas équilibrée, et est
donc fausse.

180
LA
TECTONIQUE
CASSANTE/DUCTILE
10
RÉGIONALE

10.1 LES DÉCOLLEMENTS DE COUVERTURE :


UN EXEMPLE, LE JURA
La chaîne du Jura (Fig. 10.1) est séparée des Alpes par le bassin molassique dans lequel
se sont accumulés 5 000 m de dépôts détritiques marins et d’eau douce d’âge oligocène
supérieur-miocène (| 30 – 15 Ma). À l’ouest et au nord, elle est bordée par les grabens
de la Bresse et du Rhin qui appartiennent au rift cénozoïque d’Europe occidentale
(Chap. 6, § 6.1.2). Le Jura interne est formé d’un système de plis isopaques et de
chevauchements à vergence vers l’ouest. Le Jura externe est formé de plateaux peu
ou pas plissés séparés par des faisceaux étroits de plis et de failles inverses constituant
les arcs Lédonien et Bisontin (Fig. 10.1).
Les failles du Jura ont été réactivées pendant le plissement. Celles de direction N-
S à NNE-SSW sont des failles normales (contemporaines de la formation du rift
d’Europe occidentale) réactivées en failles inverses (failles-plis, Fig. 6.24a). Dans le
Jura externe, des failles de direction NE-SW, d’âge paléozoïque supérieur (300-
250 Ma) (voir § 9.4.1), ont été réactivées en failles inverses dans les faisceaux de
plis. Dans le Jura interne, les failles de direction NW- SE à N-S ont été réactivées en
failles décrochantes senestres.
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La cartographie géologique montre que les formations les plus anciennes qui affleu-
rent dans le Jura sont des niveaux à évaporites (anhydrite et sel), très ductiles, d’âge
triasique supérieur dans le Jura externe et triasique moyen dans le Jura interne. C’est
ce qui a conduit depuis longtemps à l’idée que la couverture sédimentaire du Jura est
décollée de son socle (Buxtorf, 1907). Entre les années 1950 et 1960, de nombreux
forages effectués dans le Jura externe en ont apporté la preuve. Dans l’arc Lédonien,
les forages occidentaux (MT3-2, C, Fig. 10.2a) montrent que les formations d’âge
jurassique avec à leur base un niveau à évaporites triasiques (| 210 Ma) recouvrent
anormalement le remplissage tertiaire (Oligocène-Pliocène, | 36 à 4 Ma) du graben de
la Bresse ; ce recouvrement atteint 6 km suivant une direction NW-SE. Les forages orien-
taux (L1, L2, B, V, Fig. 10.2a) montrent, eux, une série sédimentaire stratigraphiquement

181
Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale

Figure 10.1 – Esquisse structurale du Jura et des régions voisines


(d’après Chauve et Periaux in Debelmas, 1974, Géologie de la France, Doin,
Paris). Les deux traits épais indiquent la position des deux profils ECORS
(Fig. 9.7b et 9.7c).

normale, d’âge paléozoïque supérieur à jurassique reposant sur un socle hercynien.


Cependant, comme il y a continuité latérale des formations d’âge triasique supérieur-
jurassique (de C à V sur la Fig. 10.2a) et que celles-ci sont, à l’ouest, déplacées hori-
zontalement de 6 km, force est d’admettre que là où la succession stratigraphique appa-
raît normale, la couverture est, elle aussi, déplacée d’une quantité égale et qu’il y a
décollement de la couverture sur son socle.
On peut donc distinguer (Fig. 10.2b) : (1) le socle recouvert de formations sédi-
mentaires solidaires du socle, constituant ce qu’on appelle le tégument, (2) le niveau
de décollement et (3) la couverture décollée. Cette dernière peut elle-même comporter
des niveaux lithologiques très ductiles constituant autant de niveaux de décollement
potentiels. Le recouvrement anormal est appelé chevauchement (thrust), s’il est de
grande amplitude (plusieurs dizaines à la centaine de kilomètres) on l’appelle char-
riage (overthrust).

10.2 LA GÉOMÉTRIE DES PLIS ET DES CHEVAUCHEMENTS


DE COUVERTURE ET LA MESURE DU RACCOURCIS-
SEMENT : L’OVERTHRUST BELT DU WYOMING (USA)
La chaîne de l’Overthrust Belt du Wyoming est un segment (280 km de long) des
cordillères nord-américaines qui s’étendent sur plus de 4 000 km, du nord du Canada

182
10.2 • La géométrie des plis et des chevauchements de couverture

Figure 10.2 – a) Coupe de la bordure occidentale du Jura externe passant par


les forages de Courlans (C.), Montmorot (M), Lons (L.), Briod (B) et Vevy (V.)
(d’après Chauve et al., 1988, Bull. Soc. Géol. France, (8), VI (S), 861-870). Pa :
Paléozoïque supérieur, Tim : Trias inférieur-moyen Ts : Trias supérieur J :
Jurassique, O : Oligocène, M : Miocène, Pl : Pliocène. b) Schéma d’un
décollement de couverture.

jusqu’au Mexique (Fig. 10.3a). Elle constitue la bordure orientale du domaine plissé,
chevauchant sur l’avant-pays cordillérain (Montagnes Rocheuses centrales et méri-
dionales et plateau du Colorado) peu déformé, parfois affecté de grandes failles
inverses (les uplifts, voir Fig. 6.22). Grâce aux nombreux forages et profils
sismiques réalisés dans cette région pétrolifère, la géométrie de la chaîne est très
bien connue, en surface comme en profondeur.
L’Overthrust Belt du Wyoming est formé d’un empilement d’unités (appelées
nappes) déplacées de plusieurs dizaines de kilomètres vers l’est sur des plans de
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failles de faible pendage (surfaces de charriage) pentées vers l’ouest. Les unités
charriées dites allochtones (du grec, autre terre) reposent anormalement sur d’autres
unités ou sur un substratum non déplacé dit autochtone (du grec, sa propre terre =
formée sur place). Dans l’Overthrust Belt du Wyoming, toute la couverture paléo-
zoïque à cénozoïque est décollée sur le socle précambrien, peu ou pas déformé dans
la partie orientale de la chaîne, mais affecté de failles inverses dans les régions occi-
dentales (Fig. 10.3b).
2.1. La géométrie des plis et des chevauchements. Les chevauchements (ici les
charriages) ont une géométrie caractéristique en rampes et paliers (Fig. 10.4a) : les
paliers (flats) sont des surfaces de chevauchement parallèles au litage sédimentaire
et les rampes (ramps) des surfaces qui le recoupent selon un angle faible (20-30°).

183
Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale

Figure 10.3 – a) Carte schématique de l’ouest des États-Unis. En grisé la


situation de l’Overthrust Belt et en noir les «metamorphic core complexes»
(d’après Aubouin et al., 1986, Bull. Soc. Géol. France, (8), II (5), 741-751,
modifié). En encart, l’Overthrust Belt du Wyoming ; b) Coupe de l’Overthrust
Belt du Wyoming (d’après Dixon J.S., 1982, A.A.P.G. Bull. (66), 10, 1560-1580).

184
10.2 • La géométrie des plis et des chevauchements de couverture

Dans un dispositif en rampes et paliers, lors du déplacement de l’unité supérieure


(ou toit), il se forme un pli anticlinal au sommet de la rampe et un synclinal à son
pied ; plis et chevauchements sont donc étroitement liés géométriquement. L’origine
des rampes est variée ; celles-ci résultent souvent du cisaillement de couches
cassantes, parfois de l’activation d’anciennes failles normales (Fig. 6.24c) ou de
discontinuités lithologiques obliques à la stratification (pente de talus). De ce fait les
rampes peuvent être perpendiculaires (rampe frontale), obliques ou parallèles
(rampe latérale) au déplacement de la nappe (Fig. 10.4b). Les plis liés à la formation
de ces rampes ont une direction identique à celles-ci.

s
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185
Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale

Figure 10.4 – a) Schéma d’un chevauchement avec rampe et paliers ; b) différents


types de rampes ; c) séquences d’apparition de chevauchements : c1) séquence
conforme et c2) séquence contraire (flèches vides et chiffres indiquent l’ordre de
formation des chevauchements) ; d1) exemples de terminaisons de
chevauchements, d2) complications locales de la structure de la nappe ;
e) géométrie d’un duplex ; f) nappe et structures associées.

Les surfaces de chevauchement sont la plupart du temps multiples et séparent à leur


terminaison frontale des écailles (= unités peu déplacées les unes par rapport aux
autres) imbriquées. Celles-ci peuvent se former successivement en séquence dans le
sens du déplacement des nappes (séquence conforme ou piggy back sequence,
Fig. 10.4c1) ou en sens inverse du déplacement (séquence contraire ou overstep
sequence, Fig. 10.4c2). Dans l’Overthrust Belt du Wyoming la progression des nappes
est conforme : les nappes internes (à l’ouest) se mettent en place au Crétacé inférieur
et moyen, les médianes au Crétacé terminal et les externes au début du Tertiaire.
La surface des chevauchements peut atteindre la surface du sol (chevauchement
émergent) ou bien s’amortir sur un pli anticlinal ou le long d’un plan de litage
(chevauchement aveugle, Fig. 10.4d1). Une rampe frontale et un rétrochevauche-
ment à pendage opposé délimitent vers le haut un coin extrusif (pop-up structure) et
vers le bas une zone triangulaire (Fig. 10.4d2). Un système d’écailles imbriquées
compris entre deux chevauchements forme un duplex (Fig. 10.4e).
L’érosion des nappes peut amener à l’affleurement, au milieu des unités alloch-
tones, des unités sous-jacentes ou même l’autochtone (Fig. 10.4f) qui forme une
fenêtre si celui-ci est complètement entouré d’unités charriées ou une demi-fenêtre
s’il ne l’est que partiellement. Au front de la nappe l’érosion dégage des lobes
encore rattachés à celle-ci ou des klippes, isolés. Klippes et fenêtres permettent de
mesurer le déplacement minimum d’un chevauchement.

10.3 LE PRISME OROGÉNIQUE

10.3.1 Introduction
Les chaînes de montagne récentes sont toutes reconnaissables par leur relief acci-
denté, atteignant plusieurs kilomètres d’altitude. Ce relief résulte de la déformation

186
10.3 • Le prisme orogénique

de la croûte continentale dans une zone de convergence. La géométrie de ce relief


selon une section orthogonale à la chaîne est généralement asymétrique avec une
pente moyenne faible (2-3°) du côté le plus large et un peu plus forte (4-5°) du côté
le plus étroit. Les structures tectoniques (failles, plis) qui arment la chaîne sont à
vergence opposée, vers l’extérieur de l’orogène.
Afin d’expliquer la forme de ce relief de nombreux travaux de modélisation analo-
gique et numérique ont été réalisés depuis une vingtaine d’années. Les modèles analo-
giques, utilisant des matériaux granuleux tels que le sable, s’appuient sur la théorie
du coin orogénique (orogenic wedge) dont les propriétés rhéologiques sont définies
par le comportement du matériel de type Coulomb. Le coin orogénique dont la pente
de sa surface (D) est face à la convergence, est souligné à sa base, par un niveau de
décollement de pente opposée d’angle E. La théorie du coin critique de Coulomb prédit
que le prisme se déforme (déformation interne) et que sa pente augmente jusqu’à ce
qu’il ait atteint la valeur critique au-delà de laquelle la déformation se fait par glisse-
ment à la base du prime. La déformation interne du prisme se fait par apparition et
développement de chevauchements vers l’avant (forward thrust), à faible pendage,
et/ou de (rétro) chevauchements (backthrust) vers l’arrière, à fort pendage (Fig. 10.5)
(Davis et Engelder, 1985). Toute modification du prisme, tant à sa base (friction) que
dans sa masse (allègement par érosion ou épaississement par sédimentation), entraîne
une modification des contraintes dans le prisme et induit une nouvelle déformation
de celui-ci jusqu’à ce qu’il retrouve sa géométrie à l’équilibre (Fig. 10.6). Les modèles
numériques, plus complexes, permettent de simuler d’autres facteurs tels l’isostasie,
le champ de température, ainsi que l’érosion et la sédimentation.
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Figure 10.5 – Orientation des axes principaux des contraintes et position


des chevauchements conjugués dans un prisme tectonique
(d’après Davis et Engelder, 1985).

187
Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale

Figure 10.6 – Différents types de déformation interne d’un prisme


tectonique selon le comportement mécanique basal ; a) : comportement
purement frictionnel, b) et c) : comportement avec viscosité basale
croissante ou décroissante. Selon le cas la vergence des chevauchements est
vers l’avant (a), dans les deux sens (b) et vers l’arrière (rétro) (c).
À gauche : orientation de la contrainte principale à la base du prisme
(D’après Bonini, 2007, modifié).

Nous renvoyons le lecteur à l’importante littérature publiée sur ce sujet.

10.3.2 L’apport des modèles analogiques


à la compréhension de l’évolution des Alpes
La chaîne alpine étudiée depuis plus d’un siècle fournit une somme d’informations
considérable surtout de ses premiers kilomètres. La campagne de sismique réflexion
franco-italienne ECORS-CROP, en 1986, a donné une image crustale complète de la
chaîne suggérant une organisation dissymétrique complexe (Fig. 10.7). Toutes ces
informations permettent de tester les modèles analogiques et numériques régulière-
ment proposés et de valider ou non les concepts avancés.

188
10.3 • Le prisme orogénique

Les grands traits géologiques de la chaîne alpine


chaîne alpine
externe interne
MCE MCI
Bassin Préalpes Plaine SE
NW chevauchement suture DB
Jura molassique du Pô Monferrato
pennique ophiolitique Ivrea
0
0 B GP S
croûte 10
10 supérieure
20
20 croûte croûte apulienne
inférieure 30
30 MANTEAU
Moho européen APULIEN 40
40
MANTEAU
Moho apulien 50
50 km EUROPÉEN
0 50 100 km séries métamorphiques
européennes

Figure 10.7 – Modèle structural des Alpes établit à partir des données de la
campagne sismique ECORS-CROP au travers des Alpes occidentales franco-
italiennes, en 1990. La chaîne des Alpes ici est décrite brièvement sur la
transversale NW-SE, du Jura à la plaine du Pô, le long du profil « ECORS-CROP
alpine seismic traverse » (Roure et al., 1990).

La chaîne comprend à l’ouest une partie externe, dite subalpine, où la couverture


sédimentaire méso et cénozoïque plissée et écaillée arme les premiers reliefs impor-
tants (massifs des Bornes, de la Chartreuse…). Immédiatement à l’est s’élèvent les
massifs cristallins externes (MCE : Belledonne (Fig. 10.7B), Mont Blanc – Aiguilles
Rouges), qui représentent le socle métamorphique hercynien des formations sédi-
mentaires subalpines. Cette partie externe chevauche vers l’ouest sur un bassin détri-
tique d’avant-chaîne (le bassin molassique) né de la surrection de la chaîne et de son
érosion. Plus à l’ouest une succession de plis et de failles affectent les terrains méso-
zoïques et forment un domaine plissé d’avant-chaîne, le Jura, dont l’ensemble
déformé est décollé et translaté vers l’ouest sur le Trias et jusque sur les dépôts
oligocènes de la dépression de la Bresse.
À l’est s’étend la chaîne alpine dite « interne » très déformée ; l’ensemble des
terrains sont allochtones. Un chevauchement majeur – le chevauchement pennique
frontal – sépare le domaine interne du domaine externe. Les Alpes internes sont consti-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

tuées de terrains métamorphiques méso et cénozoïques généralement métamorphisés


et d’un socle paléozoïque complexe également métamorphique, apparaissant en dôme
au cœur de la chaîne où ils forment des massifs montagneux élevés dits « massifs cris-
tallins internes » (MCI : Mont Rose, Grand Paradis (GP, Fig. 10.3.3), Dora Maira).
Des unités sédimentaires mésozoïques métamorphiques calcschisteuses (schistes
lustrés) et des ophiolites démembrées enveloppent les MCI et s’enracinent dans des
accidents verticaux ou fortement inclinés à l’ouest. Ces derniers jalonnent la limite
(suture) entre le craton européen à l’ouest et au nord, et le craton apulien au SE. Ils
sont les témoins du domaine océanique (Téthys alpine) qui s’étendait entre les
domaines continentaux européen et apulien au cours du Jurassique – Crétacé inférieur.
La croûte apulienne profonde affleure dans la zone de Sezia (S) et le manteau apulien
remonte très haut, au droit du « corps d’Ivrea ». Au-delà vers le SE, dans les Alpes

189
Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale

italiennes, une série d’écailles de socle et de sa couverture, à vergence SE découpe la


croûte apulienne. Enfin de grandes écailles à vergence NW, chevauchent les dépôts
molassiques du bassin d’avant-pays de la plaine du Pô.
Enfin des unités tectoniques situées en position haute dans la chaîne, largement
charriées vers l’est depuis les zones internes, recouvrent certaines parties externes de
la chaîne (nappes helvétiques, Préalpes). Des lambeaux apuliens reposent en klippes
(DB : Dent Blanche) sur la partie interne de la chaîne.

Apport des modèles analogiques


Dans les nombreuses expériences réalisées depuis une vingtaine d’années, les maté-
riaux analogues utilisés sont des produits granulaires (poudres de silice et sables) qui
sont accrétés contre une butée et se déforment selon le modèle du coin critique de
Coulomb (Fig. 10.5). Reporté à la chaîne on distingue le coin orogénique, dont la partie
supérieure (orogenic lid) est largement chevauchante et la partie inférieure formée par
sous placage et accrétion frontale de la plaque inférieure (Fig. 10.8). La plaque infé-
rieure, pre-structuré dans sa partie « interne », simule l’héritage structural faillé en
grands blocs crustaux. Au cours des diverses expériences l’érosion est active dans le
coin orogénique alors que la sédimentation forme un bassin d’accumulation dans
l’avant-pays.
coin orogénique
"orogenic lid"
bassin
d'avant-pays
klippe érosion
sédimentation tectonique
repère fixe PLAQUE
SUPÉRIEURE

dépôts de marge passive butée


héritage
PLAQUE INFÉRIEURE structural accrétion frontale
10 km sous placage

Figure 10.8 – Modèle d’avant-pays de chaîne illustrant l’interaction des


processus de surface (érosion et sédimentation) et la tectonique (d’après
Bonnet et al., 2008, modifié).

Parmi les nombreux modèles publiés nous avons retenu ceux de Cécile Bonnet
(2007, 2008), qui renseignent assez précisément sur les interactions entre la tecto-
nique, l’érosion et la sédimentation lors de l’évolution de la chaîne alpine occidentale.
À partir de leurs modélisations Bonnet et al. (2008) ont montré que l’évolution du
coin orogénique, et donc la structure finale de la chaîne, était très sensible aux condi-
tions rhéologiques de départ mais aussi au taux d’érosion et de sédimentation.
Parmi les nombreuses expériences réalisées a été retenue celle qui, avec un faible
taux d’érosion et de sédimentation, illustre le mieux la coupe des Alpes occidentales
le long du profil ECORS (Fig. 10.9).

190
10.3 • Le prisme orogénique

Préalpes Helvétique
NW Bassin molassique
& Ultrahelvétique Pennique SE
Jura
0 0

10 10

20 20
km km
dépôts couverture socle paléozoïque nappes
molassiques mésozoïque et plus ancien penniques

Figure 10.9 – Géométrie des structures des Alpes occidentales


(d’après Spicher A., 2005, modifiée, in Bonnet C. et al., 2008, figure 10).

Détaillons les informations apportées par la modélisation : la figure 10.10 présente


trois étapes de l’expérience. Pour suivre son évolution dans le temps et l’espace, trois
points de référence A, B et C ont été pris au toit du socle de la partie pre-structuré de
la plaque européenne (= blocs crustaux faillés lors de la formation de la marge téthy-
sienne).
Les trajectoires des points de références dont on suit l’évolution sur le graphe
déplacement horizontal/surrection-enfouissement, mettent en évidence 3 étapes de
l’évolution orogénique de la chaîne.
Dans un premier temps (Fig. 10.10a) (t0-t15 à t22) la plaque européenne subducte
sous la plaque supérieure ; les points A, B et C sont rapidement enfouis à 3-4 km de
profondeur. Dans un deuxième temps (Fig. 10.10b) (t16-t28) les points B et C commen-
cent une remontée de 7 à 8 km, moins rapide que l’enfouissement, accompagnée d’une
importante érosion ; les produits de l’érosion s’accumulent dans l’avant-pays (bassin
molassique). Le point A, le plus externe, poursuit sont enfouissement alors que remon-
tent déjà les points B et C. Cette deuxième étape s’explique par le sous-placage du
soubassement pre-structuré et la formation d’un empilement antiforme de nappes de
socle (formation des massifs cristallins externes – MCE). Lors de la troisième étape
(Fig. 10.10c) (t29-t38) c’est le substratum européen homogène qui est sous plaqué ;
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

la surrection des points repères est moins rapide et la déformation se fait surtout par
accrétion frontale (formation du Jura). Les irrégularités de la pente de la trajectoire
de la surrection (exhumation) visibles sur le graphe sont enregistrées dans l’histoire
thermochronologique des roches de ces parties de la chaîne.
Les nombreux modèles régulièrement publiés de plus en plus compliqués, basés
sur la théorie du coin critique de Coulomb, tentent souvent avec succès de rendre
compte de certains aspects des zones de convergence en général (prisme d’accrétion)
et des chaînes de collision en particulier. Toutefois ces modèles sont impuissants
pour expliquer ces contextes dans leur ensemble, notamment dans leur évolution
profonde. On fait alors appel à des modélisations analogiques utilisant des matériaux
de rhéologies variées autres que granulaires tels ceux proposés par Shemenda et son

191
Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale

7
profondeur / élévation à l'altitude de référence (km)

6
C t38
B t29 A B
5 t38 C
t28
4
A t29
3
t38 t28
t0
2

1 t29
A t0 t0
t28 B C
0

-1
t15
-2 t16
t15
Evolution orogénique t16 t15 t16
-3
Distance au repère (km)
-4
100 150 200 250 300 350 400 450 500 550

accrétion frontale
altitude et repère
de référence

c
t29 - t38 sous placage
du substratum européen

érosion empilement de nappes en antiforme


t16 - t28 sous placage sédimentation
des massifs cristallins molasse

b
t0 - t15 subduction
de la plaque européenne

sédimentation érosion

molasse

A B C a

Figure 10.10 – Illustration de l’enfouissement et de l’exhumation ou cours de la


déformation du prisme orogénique : exemple des Alpes occidentales.
Modélisation de Bonnet et al., 2008 (figure 11, modifiée) (détails dans le texte).

équipe (Shemenda, 1994). Ce sont aussi des modélisations numériques faisant appel
à des lois physiques où la rhéologie des roches, les conditions physiques (T, P, vitesse
de déformation…) sont introduites dans des protocoles de calcul nécessitant des
moyens de calcul importants qui sont mis en œuvre (par exemple voir Burov et al.,
2001).

10.3.3 Un exemple de prisme orogénique et son évolution :


le Zagros
La chaîne du Zagros est une chaîne orogénique qui s’étend sur près de 2000 km dans
une direction nord-ouest/sud-est et qui résulte de la fermeture de la Néo-Téthys au
Crétacé supérieur puis de la collision continentale entre la plaque Arabe et le bloc

192
10.3 • Le prisme orogénique

Iran à l’Oligo-Miocène (Sherkati et Letouzey, 2004 ; Fig. 10.11). Les plus hauts
sommets culminent à plus de 4 000 m, mais l’altitude moyenne est de l’ordre de
1 200 m. La morphologie de la chaîne est asymétrique, avec une pente relativement
faible du nord-est vers le sud-est, et marquée par une série de ressauts topographiques
en direction de l’avant-pays. Du fait d’un climat aride, la morphologie des structures
tectoniques y est remarquablement préservée ; de plus, le potentiel pétrolier de l’avant-
pays du Zagros a donné lieu à de nombreuses campagnes d’exploration. La structure
de ce système orogénique est donc relativement bien contrainte aujourd’hui.
La chaîne du Zagros est classiquement divisée en deux grands domaines : le
Dezful au nord-ouest, et l’arc du Fars au sud-est. Cette distinction morphologique
est contrôlée par la structure crustale de la chaîne et son héritage. Dans le Dezful, la
chaîne est étroite (130 km environ) et les structures rectilignes, alors que le Fars
s’étend sur une largeur de près de 300 km et les structures présentent une courbure
concave vers le sud-ouest (Fig. 10.11). Ce contraste entre les deux domaines est
classiquement expliqué par la pré-existence dans le Fars de bassins salifères
précambriens dont les épaisses séries évaporitiques (formation des sels d’Hormuz)
ont permis la propagation de la déformation sur des distances importantes.
Les zones dites internes du Zagros, situées au nord-est sont constituées essentiel-
lement de séries méso-cénozoiques métamorphiques et magmatiques. Elles sont
limitées au sud-ouest par un accident chevauchant majeur, la Main Zagros Fault
(MZF, Fig. 10.11), qui les sépare des zones externes, constituées d’une épaisse
couverture sédimentaire méso-cénozoïque plissée.
Parmi les nombreux travaux publiés sur les zones externes du Zagros, nous avons
choisi de présenter les résultats de Matteo Molinaro qui couplent l’évolution du
prisme orogénique à sa structure lithosphérique.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 10.11 – Carte topographique du Zagros et localisation de la coupe


présentée figure 10.13.

193
Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale

• Structure lithosphérique actuelle de l’arc du Fars


Molinaro et al., 2005a, ont réalisé un travail de modélisation géophysique d’échelle
lithosphérique sur la base de l’algorithme de Zeyen et Fernandez, 1994. Cette modé-
lisation consiste à inverser différents paramètres comme la topographie, le géoide,
les anomalies gravimétriques, ou le flux de chaleur, pour proposer un modèle de la
structure lithosphérique. Dans ce type de modèles, la structure crustale est contrainte
par les données connues (géométrie du prisme, épaisseurs sédimentaires, nature de
la croûte inférieure, profondeur du Moho…), alors que la profondeur de la limite
lithosphère asthénosphère est un paramètre « libre » qui est ajusté par essai erreur
jusqu’à obtention d’une bonne adéquation entre données calculées et données observées.
Le résultat de la modélisation le long d’un profil passant au travers de la chaîne a
permis de montrer que la lithosphère était très amincie sous le Zagros, la limite
lithosphère-asthénosphère remontant à près de 100 km de profondeur contre 200 km
sous le golfe Persique (Fig. 10.12). Un tel amincissement en contexte de convergence
est interprété par les auteurs comme la conséquence du détachement du slab téthysien
au cours du cénozoïque. Ce détachement induit un soulèvement isostatique à l’aplomb
de la zone amincie, la densité moyenne de la lithosphère étant thermiquement diminuée.

SW NE
Golfe Persique Zagros Iran
0
Profondeur (km)

Moho

- 100
1400°C
Lithosphère
asthénosphère
-200
0 200 400 600 800 1000 1200

Distance (km)

Figure 10.12 – Modèle de la structure profonde du Zagros (modifié d’après


Molinaro et al., 2005a). Le modèle est issu de l’inversion de données
gravimétriques, de géoide, de flux de chaleur et de topographie. Il montre un
important amincissement de la lithosphère sous le Zagros, l’asthénosphère
atteignant des profondeurs de l’ordre de 100 km. L’échelle verticale est
fortement exagérée par rapport à l’échelle horizontale.

• Structure crustale du Fars


La coupe équilibrée, et sa restauration (voir la notion de coupe équilibrée, Chap. 9)
présentée sur la figure 10.13 (localisation Fig. 10.11) illustre la géométrie des struc-
tures dans la partie orientale de l’arc du Fars. Elle a été réalisée à partir des données
de surface, d’imagerie satellitaire, de données aéromagnétiques, et complétée des
données de sismologie. Les huit à neuf premiers kilomètres sont constitués par des

194
10.3 • Le prisme orogénique

séries sédimentaires plissées et faillées, par opposition à un socle rigide protéro-


zoique. Au toit du socle, les sels d’Hormuz constituent un niveau de décollement effi-
cace qui découple la déformation entre le socle rigide et les structures plissées. La
géométrie des structures conduit les auteurs à interpréter les plis dans la couverture
comme des plis de décollement, recoupés tardivement par des accidents liés à l’acti-
vation des failles de socle. Plusieurs arguments étayent cette interprétation : la géomé-
trie symétrique des plis, l’obliquité de la trace des failles de socle en surface par rapport
aux axes de plis précoces, l’existence de décalages verticaux de niveaux repères de
part et d’autre des accidents de socle, les mécanismes au foyer enregistrés.

Figure 10.13 – Coupe équilibrée déduite des données de surface, des


images satellitaires, des cartes aéromagnétiques, et restauration des
structures dans l’arc du Fars (modifié d’après Molinaro et al., 2005b). La
déformation s’exprime dans un premier temps sous la forme de tectonique
de couverture, avec un raccourcissement de l’ordre de 45 km. Les failles de
socle viennent ensuite recouper les plis antérieurs.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Cette coupe et sa cinématique associée illustrent ainsi une évolution dans le temps
du style de la déformation, qui dans un premier temps s’exprime sous la forme d’une
tectonique de couverture (thin-skin tectonic), et voit dans un second temps l’activation
des failles de socles, qui recoupent les structures pré-existantes (thick-skin tectonic).
• Interprétation en termes de prisme de Coulomb
La cinématique déduite de la coupe équilibrée (Fig. 10.3.9) permet de mettre en
évidence trois étapes et souligne bien le passage d’une tectonique de couverture à une
tectonique de socle, probablement au cours du Plio-Pleistocène. La première étape voit
l’empilement d’écailles tectoniques dans les zones internes du Zagros au cours du

195
Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale

Miocène moyen à supérieur. La déformation se propage ensuite dans la couverture à


l’avant du système sous la forme de plis de décollement, favorisés par la présence des
sels d’Hormuz. Enfin, les failles de socle découpent les structures pré-existantes en blocs.
L’existence d’un présumé détachement de slab dans la chaîne a conduit Molinaro
et al., 2005b, à relier ce détachement au changement de style tectonique observé à
partir des données de géologie structurale.
Ces auteurs proposent ainsi que le détachement du slab induit un soulèvement isos-
tatique dont le maximum est centré sur les zones internes du Zagros. Ce soulèvement,
d’origine thermique (diminution de la densité moyenne de la lithosphère), modifie
l’angle critique E du prisme orogénique (Davis et al., 1983 ; voir § 10.3) en le dimi-
nuant (Fig. 10.14). Le rééquilibrage du prisme, qui était alors contrôlé par le décol-
lement principal dans les sels d’Hormuz, se fait en activant les failles de socles
héritées. Ainsi, le changement radical de style tectonique observé au Plio-Pléistocène
(passage d’une tectonique de couverture à une tectonique de socle) correspondrait à

Figure 10.14 – Schéma en trois étapes illustrant l’évolution du prisme du Zagros


depuis le Miocène. La première étape montre la mise en place de structure de
couvertures à l’aplomb du niveau de décollement que constituent les sels
d’Hormuz, au contact socle/couverture. La seconde étape figure le détachement du
slab, et le basculement du prisme en réponse au soulèvement isostatique. Enfin, la
troisième étape présente le rééquilibrage du prisme, avec l’activation des
structures de socle. Modifié d’après Molinaro et al., 2005b.

196
10.4 • L’exhumation des roches métamorphiques dans les chaînes de montagne

une modification de la géométrie du prisme, en réponse à des processus géodyna-


miques de grande échelle.

10.4 L’EXHUMATION DES ROCHES MÉTAMORPHIQUES


DANS LES CHAÎNES DE MONTAGNE
La présence de roches métamorphiques au cœur des grandes chaînes de collision est
connue depuis très longtemps (Miyashiro A., 1961 ; Ernst W.G., 1974) mais reste
toujours à l’origine de questions essentielles à la compréhension de la formation de
ces chaînes.

10.4.1 Les roches métamorphiques de HP et UHP – BT


Certaines des roches métamorphiques du cœur des chaînes se sont formées dans des
conditions de haute pression (HP) ou de très haute pression (UHP) et de basse à
moyenne température. De lithologie variée selon la nature du protolithe, elles sont
caractérisées par des paragenèses typiques des faciès métamorphiques schistes verts
de HP, schistes bleus et éclogites. Les conditions géodynamiques permettant de
telles transformations sont celles qui règnent dans les zones de subduction et notam-
ment dans les zones de convergence où les marges continentales sont profondément
impliquées. Dans ces zones les roches sédimentaires des marges et leur substratum
crustal, ainsi que les roches des fonds océaniques qui les jouxtaient, ont été rapide-
ment entraînées dans la zone de subduction, déformées et enfouies à plusieurs
dizaines voire à plus de 100 kilomètres de profondeur. Or ces roches sont actuelle-
ment visibles au cœur des chaînes, où elles culminent parfois à plus de 3-4 kilo-
mètres d’altitude, et affleurent souvent aux contacts des unités tectoniques
dilacérées, discontinues (nappes, écailles) de l’édifice tectonique.
Comment ces roches si profondément enfouies ont-elles pu remonter rapidement
(on parle de roches exhumées et le phénomène invoqué est l’exhumation) vers le
haut des chaînes ? Pour poser le problème et avancer quelques réponses nous pren-
drons pour exemple le cas des Alpes occidentales.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

10.4.2 Les roches métamorphiques profondes de moyenne


et haute température
Parfois associées aux roches de HP et UHP, coexistent au cœur des chaînes, des
roches métamorphiques de haute température (HT). Il s’agit alors de roches de
facies schistes verts, amphibolites et sont très souvent accompagnées de roches
partiellement fondues appelées anatexites. Ces roches forment de vastes dômes, de
forme simple appelés « dômes métamorphiques », plus connus sous le terme originel
de metamorphic core complex (Coney PJ., 1980). Leur formation représente égale-
ment un phénomène d’exhumation mais distinct du précédent.
Pour comprendre ce phénomène nous prendrons comme exemple le cas des
dômes métamorphiques égéens, en Grèce.

197
Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale

10.4.3 L’exhumation des roches métamorphiques :


un phénomène complexe encore mal connu
Outre la présence des roches exhumées, les chaînes de montagne montrent des
failles normales, dites de détachement. Ces failles sont associées à un phénomène
d’extension qui contribue, en même temps que l’érosion, à la destruction des reliefs.
Il a été constaté que certains détachements fonctionnaient pendant la convergence
(détachements syn-orogéniques) et d’autres fonctionnaient après l’arrêt de la
convergence (détachements post-orogéniques). Les mêmes accidents extensifs
pouvaient d’ailleurs naître pendant la convergence et continuer de fonctionner après
sont arrêt. L’estimation de l’importance de l’extension dans le processus général
d’exhumation n’est toujours pas bien connue. Toutefois il semble que l’érosion et
l’extension de la chaîne bien qu’agissant certainement au cours de son évolution ne
soient pas des acteurs suffisants pour permettre l’exhumation profonde observée.
Depuis les années 85 de nombreux modèles ont été proposés pour tenter d’expli-
quer l’exhumation des roches métamorphiques. Leur approche est soit numérique
soit analogique. Divers paramètres, essentiellement thermiques et mécaniques sont
pris en compte. Sortant du cadre prévu dans ce manuel, nous renvoyons le lecteur
intéressé aux articles référencés dans les travaux de synthèse (par exemple in Jolivet
et al., 2003).

10.4.4 L’exhumation dans les Alpes


Les données P-T-t issues des analyses thermodynamiques, radio et thermochronolo-
giques des roches métamorphiques exhumées sont de plus en plus précises et sont
autant de contraintes qui doivent sont pris en compte dans la mise au point des modèles.
On constate notamment que les chemins du métamorphisme sont de plus en plus précis
et surtout de plus en plus compliqués (Fig. 10.15) ; ils diffèrent par exemple d’une
unité tectonique à l’autre et soulignent ainsi le caractère hétérogène de la déformation
dans les parties internes de la chaîne. Rappelons que les paragenèses métamorphiques
précoces de la partie prograde du chemin métamorphique – c'est-à-dire l’enfouisse-
ment des roches – sont souvent détruites et seul le pic de P-T n’est connu ; enfin au
cours de l’exhumation les paragenèses précoces sont souvent partiellement détruits
et apparaissent en reliques difficiles à déchiffrer et à caractériser.
Dans l’état actuel des recherches, l’évolution métamorphique des Alpes occiden-
tales peut s’expliquer dans un modèle simplifié à trois étapes (Jolivet et al., 2003) :
– Dans une première étape (Fig. 10.15 et a, Fig. 10.16), au cours de l’Éocène – Oligo-
cène inférieur (55-30 Ma), la subduction de l’Europe sous l’Apulie entraîne en
profondeur des lambeaux de croûte océaniques (unités du mont Viso) emballés dans
des formations calcschisteuses (schistes lustrés) entre 20 et 80 km de profondeur
où ils se transforment en éclogites (1-2 GPa – 400 à 600 °C). À l’Éocène supérieur
les unités crustales continentales européennes les plus orientales (Dora Maira) sont
enfouies à plus de 100 km de profondeur où elles se transforment dans des condi-
tions d’UHP (3 GPa-700 °C). Vers le haut du prisme orogénique les roches, moins
enfouies, sont transformées dans le faciès des schistes bleus (0,8-1,5 GPa – 200 à

198
10.4 • L’exhumation des roches métamorphiques dans les chaînes de montagne

Figure 10.15 – Le métamorphisme dans les Alpes occidentales sur la


transversale Queyras – Viso-Dora Maira. - a) Diagramme P-T des différentes
unités tectoniques. Les trajets rétrogrades de ces unités sont de plus en plus
profonds (P élevée), à des températures plus hautes, d’ouest en est, dans la
chaîne (in Nicollet 2010, figure 12-2, simplifiée). b) Diagramme pression-
temps montrant l’exhumation plus récente et très rapide des roches d’UHP
(Dora-Maira) par rapport aux unités éclogitiques du Mont Viso et aux schistes
lustrés (in Nicollet 2010, figure 12-6, modifiée).

400 °C). Vers la fin de cette première étape les roches les plus profondément enfouies
sont remontées à moins de 20-30 km de profondeur : première et rapide exhumation.
– Dans une deuxième étape (Fig. 10.16b), entre 30 et 20 Ma, la déformation super-
ficielle crustale migre vers l’est dans la plaque européenne, tandis que la plaque
apulienne poinçonne le prisme orogénique, provoquant la poursuite (modérée) de
l’exhumation de ses parties internes. Le système devient à double déversement et
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

des détachements accompagnent l’exhumation. Le matériel est alors rétromorphosé


dans le faciès des schistes verts (< 1GPa-300 à 450 °C) (Fig. 10.15). L’érosion
probablement importante réduit les reliefs et alimente les formations détritiques
(molasses) qui se déposent dans les bassins périphériques à la chaîne.
– Au cours de la dernière étape (Fig. 10.16c) la bordure européenne est découpée en
grandes écailles crustales, qui par leur jeu inverse parachèvent l’exhumation. Des
détachements superficiels facilitent cette dernière. L’érosion façonne toujours la
chaîne en décapant les parties les plus profondément enfouies qui deviennent alors
accessibles à l’observation.
Au total, des roches métamorphiques de HP et d’UHP, nées à des profondeurs très
différentes se retrouvent, après exhumation, ensemble en surface. Les différences

199
Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale

Figure 10.16 – Évolution schématique de la tectonique et du


métamorphisme des Alpes occidentales sur la transversale Queyras – Viso-
Dora Maira (in Jolivet et al., fig. 4, modifiée). a) subduction continentale,
enfouissement et exhumation dans le canal de subduction ;
b) poinçonnement du prisme orogénique, déformation à double vergence et
exhumation générale de la partie interne de la chaîne, fortement érodée ;
propagation de la déformation superficielle vers l’extérieur (ouest) de la
chaîne ; c) Clivage crustal, serrage profond et détachement localisé en
surface, accompagnant l’étape finale de l’exhumation.

d’âge des transformations métamorphiques et la diversité des chemins P-T imposent


d’imaginer des mécanismes d’exhumation complexes. Les travaux récents montrent
qu’elle a dû se faire à plusieurs niveaux dans la zone de convergence : dans le prisme
d’accrétion avec un parcours ne dépassant pas 30-40 km de profondeur et dans le canal
de subduction (espace très mal connu, pour ne pas dire encore mystérieux, compris
entre le toit de la plaque plongeante et le mur de la plaque subduite), où les roches
ont été entraînées à plus de 100 km de profondeur. Au cours du temps, en fonction

200
10.4 • L’exhumation des roches métamorphiques dans les chaînes de montagne

de l’évolution géodynamique de la convergence (variation du pendage de la subduc-


tion, diminution de la vitesse de subduction…) et de l’action des divers phénomènes
géologiques (minéralogique, tectonique…), les conditions thermiques et dynamiques
changent et modifient le comportement des roches ; ainsi se modifient les chemins
d’exhumation. Dans le cas des Alpes occidentales (Fig. 10.16) on suppose qu’il y a
eu réduction puis fermeture du canal de subduction entre 30 et 20 Ma.

10.4.5 De l’exhumation syn-orogénique et l’exhumation


post-orogénique
Les études comparatives récentes des chaînes alpines périméditerranéennes permet-
tent de mieux comprendre les différences tectoniques qui existent entre elles et de
relier ces différences aux processus géodynamiques qui les ont crées. L’apport des
données de tomographie sismique est, dans cette problématique, déterminante. Le
modèle d’évolution présenté (Jolivet et al., 2003) (Fig. 10.17) s’appuie sur le méca-
nisme de recul (retrait) de la zone de subduction au cours de la convergence dont on
trouve des effets dans la géodynamique récente et actuelle de la Méditerranée occi-
dentale et centrale (domaine égéen).

Figure 10.17 – Deux situations possibles d’exhumation des roches


métamorphiques de HP dans une chaîne de subduction continentale (d’après
Jolivet et al., 2003). Dans le cas a), la subduction reste à pendage constant et le
canal de subduction relativement étroit permet l’enfouissement puis
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’exhumation des roches de HP et de UHP ; c’est la situation des Alpes


occidentales à l’Éocène - Oligocène. Dans le cas b), le retrait du slab augmente la
largeur du canal de subduction et crée une extension en arrière arc qui amplifie
l’exhumation des roches de HP ; c’est le cas de la chaîne alpine égéenne.

Ce modèle inspiré de la portion égéenne de la chaîne alpine s’appuie sur la coexis-


tence au sein de la chaîne de roches de HP (les schistes bleus de Cyclades) rétromor-
phosées en schistes verts et de roches de HT formant des dômes migmatisés souvent
plutonisés. Les datations radiochronologiques indiquent, dans le cas des Cyclades,
que les schistes bleus formés à l’Éocène sont exhumés au cours de l’Oligo-Miocène
(Fig. 10.17a) et sont atteints par une exhumation à HT au début du Miocène.

201
Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale

L’extension crustale au-dessus de la zone de convergence serait due au retrait du slab


plongeant et à l’élargissement du canal de subduction (Fig. 10.17b). Au même
moment, plus au sud en Crète, se formaient dans la zone de subduction de nouveaux
schistes bleus. De syn-orgénique, l’exhumation des roches métamorphiques de HP
devient progressivement post-orogénique, par migration (retrait) de la plaque plon-
geante.

10.4.6 La formation des dômes métamorphiques :


l’exemple du domaine égéen
Les dômes métamorphiques se forment dans les zones crustales en extension où la
température au niveau du Moho est supérieure à 800 °C (Tirel et al., 2004). Dans ces
conditions la croûte supérieure cassante s’étire avec l’apparition de failles normales
(détachements) ; l’amincissement qui en résulte est compensé par une remontée de
la croûte ductile (Fig. 10.18). Caractérisés par un détachement assymétrique (d’un
seul côté) juxtaposant la croûte supérieure cassante à la croûte ductile remontée des
profondeurs, les dômes métamorphiques sont des témoins d’une exhumation de
roches de HP, moindre que dans les zones de subduction, d’un autre type, que l’on
rencontre dans les chaînes de montagnes.

(metamorphic core complexe)

Figure 10.18 – Structure en coupe d’un dôme métamorphique


(metamorphic core complex), d’après Brun et Van Den Driessche, 1994).

La chaîne alpine hellénique montre un exemple très intéressant où les deux méca-
nismes d’exhumation que l’on vient de décrire rapidement se superposent. Un modèle
proposé par J.-P. Brun et C. Facenna (2008) propose une explication de l’évolution
de l’exhumation des roches de HP en relation avec celle de la zone de subduction.

202
10.4 • L’exhumation des roches métamorphiques dans les chaînes de montagne

Figure 10.19 – Modèle d’exhumation de roches métamorphiques par retrait


du slab dans la zone de subduction (d’après Brun J.-P. et Faccenna C., 2008).
Explications dans le texte.

La subduction d’une lithosphère portant un bloc continental de dimension réduite


(moins de 500 km de long) entraîne la croûte continentale en profondeur où elle est
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

métamorphisée sous HP (Fig 10.19a et b). Les roches ainsi transformées peuvent
être déjà en partie exhumées dans le canal de subduction (cf. § 10.4.5). Difficilement
subductable la croûte continentale se désolidarise de son manteau en formant un
empilement d’écailles se propageant vers l’extérieur de la chaîne. Dans cette
première étape la fosse migre dans le sens de la subduction. Lorsque la totalité de la
croûte continentale est complètement découplée (Fig 10.19c) la lithosphère subduc-
tante s’enfonce plus librement et se verticalise. La partie crustale déformée et méta-
morphisée remonte rapidement (exhumation principale) tandis que la partie la plus
interne de la chaîne, subit un étirement (extension d’arrière-arc) accompagné d’un
magmatisme typique d’arc (Fig. 10.19d). La fosse amorce un recul en même temps
que la diminue le pendage de la zone de subduction. Le dégagement du coin lithos-
phérique entre la zone de subduction et la croûte subduite étirée permet la remontée

203
Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale

des isothermes, le réchauffement de la base de celle-ci et la naissance de dômes


(core complex). Se réalise alors l’achèvement de l’exhumation des roches métamor-
phiques de HP, formées précédemment lorsqu’elles ont été entraînées plus ou moins
profondément dans le canal de subduction.

10.5 LA TECTONIQUE SALIFÈRE


La notion de « tectonique salifère » est un concept relativement récent en géologie
structurale, bien que le rôle des séries évaporitiques dans le comportement mécanique
d’une pile sédimentaire soit identifié depuis longtemps. Les premières descriptions
de structures dites « salifères » remontent au milieu du XIXe siècle : dès cette époque,
la mobilité du sel est mise en évidence sous la forme de diapirs. Ainsi les niveaux de
sel sont-ils connus (1) pour jouer le rôle de niveau de décollement (couche savon), en
particulier dans les prismes orogéniques (voir § 10.3), (2) pour avoir la capacité de
migrer verticalement à travers une pile sédimentaire (notion d’halocinèse). Le rôle de
piège pétrolier des diapirs est lui aussi bien identifié. Pourtant, jusque récemment, les
mécanismes, les modalités et les conséquences des mouvements de ces séries évapo-
ritiques sous couverture sédimentaire restaient mal connus.
Ces dernières années, deux développements techniques ont permis de mieux
comprendre ces phénomènes : la mise en œuvre de modèles analogiques en labora-
toire, et l’imagerie sismique des marges passives.
La tectonique salifère peut être définie comme l’ensemble des déformations
induites par la présence et les mouvements verticaux et horizontaux d’un niveau
évaporitique dans une pile sédimentaire. Le moteur à l’origine de la migration du sel
est d’abord gravitaire et peut être accentué par la tectonique. La migration et les
structures issues de la déformation sont contrôlées par le comportement ductile de
ces formations aux échelles de temps géologique, et sont facilitées dans le plan verti-
cal par leur faible densité.

10.5.1 Propriétés rhéologiques des évaporites


et conséquences en termes de mode de déformation
De manière générale, la déformation par fluage du sel est contrôlée par la loi
suivante :
dH/dt = A exp (-Q/RT) ·Vn
où : epsilon est la déformation, t le temps, V la contrainte, T la température et A une
constante dite pré exponentielle, Q l’énergie d’activation et n l’exposant à la
contrainte. Ces trois derniers paramètres dépendent des propriétés intrinsèques du
matériau.
Dans la nature, les séries évaporitiques contiennent généralement quelques pour-
cents de saumures et peuvent être considérées comme hydratées : l’exposant à la
contrainte vaut alors 1 et le comportement est considéré comme newtonien. Le
fluage est dit « de diffusion », et la viscosité du matériau est très faible, de l’ordre de
10–17 à 10–19 Pa/s.

204
10.5 • La tectonique salifère

La résistance mécanique du sel est également très faible, de l’ordre de 1 à 2 MPa,


soit plusieurs ordres de grandeur inférieure à celle des autres matériaux constituant
la croûte (Fig. 10.20). On peut montrer que quels que soient l’état d’hydratation du
sel et la pression partielle de fluides dans les sédiments, une couverture sédimentaire
de l’ordre du kilomètre d’épaisseur a toujours une résistance significativement plus
forte que celle du sel sous-jacent.
La tectonique salifère est également favorisée par la faible densité du sel. Celle-ci
est de l’ordre de 2,2 en surface, et présente la propriété de diminuer linéairement avec
la profondeur pour atteindre des valeurs de l’ordre de 2,15 à 5 km de profondeur. Elle
est ainsi généralement plus élevée que les roches sédimentaires détritiques ou carbo-
natées dans le premier kilomètre, mais devient ensuite plus faible en profondeur.

Résistance (σ1-σ3, MPa)


50 40 30 20 10 0 10 20 30 40 50
0
Quartzite
hydraté
Argi
até le d
ydr ésh
ydra
eh
Profondeur (km)

tzit tée
tée
Q uar y dra
e

sh
até

dé Ar
5 rgi
le
ydr

Sel hydraté
gil
A ef
nt h

ort
em
me

Sel déshydraté
en
orte

th
ile f

yd
rat
Arg

ée

10
Domaine extensif Domaine compressif

Figure 10.20 – Profil de résistance pour différentes lithologies comparées à


celle du sel, hydraté ou déshydraté, en extension à gauche et en compression
à droite. La résistance du sel, en particulier lorsqu’il est hydraté, est toujours
plus faible que celle des matériaux de la croûte supérieure, sauf dans la
partie la plus superficielle (quelques centaines de mètres de profondeur).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

D’après Weijermars et al., 1993.

Ainsi, le comportement ductile des séries évaporitiques s’oppose au comportement


fragile des séries sédimentaires sus-jacentes. Ce contraste de rhéologie et ses consé-
quences en terme de déformation sont bien documentés à l’aide des modèles analo-
giques de type silicone/sable, la silicone représentant les séries évaporitiques à
comportement newtonien (Fig. 10.21). Ce type de modèles illustre le fait que lorsque
la silicone flue de manière ductile, le sable se déforme avec un comportement cassant.
Ce contraste dans l’expression de la déformation est une des caractéristiques les plus
marquantes de la tectonique salifère. Le niveau de sel permet un découplage total de
la déformation entre les séries situées au dessus, fracturées et/ou plissées, et celles

205
Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale

situées en dessous, non déformées. Il n’y a donc pas d’enracinement des structures
observées en surface en dessous du niveau de sel.

Figure 10.21 – Modèle analogique interprété (d’après Faugères et Brun,


1984). La couche inférieure, à la base du modèle, est constituée de silicone au
comportement newtonien simulant la couche de sel. Les niveaux supérieurs
sont constitués de sable, dont le comportement cassant reproduit les séries
sédimentaires sus-jacentes. La bordure gauche du modèle est déplacée vers
la gauche : le sel flue alors sous l’effet de la gravité, alors que le sable se
fracture pour accommoder la déformation. Ce type de modèles, très étudié
depuis une vingtaine d’années, permet de reproduire et de comprendre le
fonctionnement et l’architecture des structures liées à la tectonique salifère.

10.5.2 Moteurs de la tectonique salifère, échelles de temps


et d’espace
Le principal moteur à l’origine de la tectonique salifère et des mouvements horizon-
taux comme verticaux qui lui sont associés est d’ordre gravitaire. Deux situations
peuvent être envisagées.
L’instabilité gravitaire peut tout d’abord être déclenchée par la formation d’une
pente basale. C’est classiquement le cas des marges passives, où la subsidence ther-
mique qui suit le rifting provoque l’enfoncement du pied de marge. Ce type d’insta-
bilité peut également se mettre en place dans un prisme orogénique, si la base du
niveau de sel est soulevée dans les parties internes de l’orogène et abaissé dans
l’avant-pays par subsidence flexurale.
L’instabilité gravitaire peut aussi avoir pour origine une surcharge sédimentaire :
dans le cas d’une marge passive, les apports venant du continent s’accumulent sur le
plateau continental et débordent sur le haut de marge. Leur simple poids peut alors
initier le glissement des sédiments de la marge.
Les phénomènes tectoniques peuvent contribuer à la déformation et à la mise en
mouvement du niveau de sel. En contexte extensif, l’étirement favorise en particulier
les mouvements verticaux des évaporites, qui comblent les espaces disponibles
ouverts dans la couverture. En contexte compressif, le sel est expulsé dans le cœur
des structures plissées ou le long des failles traversant la couverture.
Les échelles de temps et d’espace associées à la tectonique salifère sont beaucoup
plus importantes que celles habituellement considérées pour les événements géody-
namiques type orogenèse ou rift. En effet, la tectonique salifère peut être active
pendant plusieurs dizaines de millions d’années, tant que le sel permet le glissement

206
10.5 • La tectonique salifère

et que l’instabilité gravitaire est entretenue, par subsidence au bas de la marge ou par
des apports sédimentaires en haut de marge par exemple. Le phénomène est très lent,
avec des vitesses d’un ordre de grandeur inférieures à celles d’origine géodyna-
mique. La tectonique salifère affecte des domaines dont la largeur peut dépasser
200 km, et pour lesquels une pente de quelques dixièmes de degrés suffit pour
déclencher la mobilité des sédiments au dessus du sel.

10.5.3 Un exemple : la marge passive Atlantique de l’Angola


Le couplage entre les données de sismique marine et les résultats des modèles analo-
giques permet aujourd’hui de décrire et comprendre la structure d’une marge contrô-
lée par des phénomènes de tectonique salifère. Parmi les exemples classiques, on
peut citer la marge passive Atlantique de l’Angola au sud-ouest de l’Afrique, ou la
marge passive du nord du golfe de Mexico (Fig. 10.22).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 10.22 – Bathymétrie en reliefs ombrés de la marge américaine du


golfe du Mexique (données Google Earth). La côte est située au nord, sur la
gauche de l’image. La couverture sédimentaire glisse vers la plaine abyssale
et se morcelle en petits bassins séparés par des rides de sel ou des diapirs.
Dans sa partie basse, la couverture « butte » sur le pied de marge et la
déformation devient compressive, avec un front chevauchant très marqué
dans la bathymétrie.

La figure 10.23 présente un profil sismique interprété par Fort et al. (2004) de la
marge d’Angola. Du haut de la marge à sa base, on observe ainsi des structures
diverses : cette variabilité des structures en fonction de la position sur la marge est
appelée « zonation structurale ». Cette diversité des structures, qui résulte de variations

207
Chapitre 10 • La tectonique cassante/ductile régionale

radicales de l’état de contrainte local, est une des caractéristiques importante de la


tectonique salifère.
Au sommet de la marge, les séries post-sels sont affectées par de nombreuses
failles normales conjuguées qui délimitent des blocs basculés, et forment des
grabens. En descendant la pente, les failles normales isolent totalement des blocs,
qui « flottent » sur la couche de sel, d’où leur appellation de radeaux (rafts). Lorsque
ces radeaux s’enfoncent dans le sel, ils forment de petits bassins (mini-basins). Ces
radeaux sont délimités par des remontées de sel, les diapirs, qui se déplacent passi-
vement avec leurs radeaux accolés vers le pied de marge. La croissance des diapirs
est favorisée par la faible densité du sel, la charge des sédiments qui tend à expulser
le sel vers la surface, et le déchargement tectonique lié aux mouvements différentiels
entre les radeaux. Ces trois mécanismes se combinent dans des proportions
variables, mais le déchargement tectonique, c’est-à-dire l’espace ouvert par les
failles normales, semble avoir un rôle prépondérant.

Direction de transport
Pied de marge Haut de marge
Graben
Diapirs blocs basculés
Radeau

25 km Marge d'Angola
Zone en compression Zone en extension

Figure 10.23 – Interprétation d’un profil sismique perpendiculaire à la


marge Atlantique d’Angola, modifié d’après Fort et al., 2004. Le profil illustre
le glissement des séries sédimentaires albiennes à pliocènes sur du sel
Aptien. La couverture glisse sur le sel vers le pied de marge et montre une
grande diversité de structures : diapirs, grabens, blocs basculés dans la
partie supérieure de la marge ; plis et déformation compressive dans la partie
inférieure. Les variations d’épaisseur des séries sont contrôlées par la
tectonique salifère, qui est ici active depuis l’Albien.

Le régime tectonique local au pied de la marge est très différent de celui observé
sur les parties hautes, puisque d’un état de contrainte extensif, on passe à un état de
contrainte compressif. Les structures associées sont alors des plis de décollement et
des failles inverses. La série évaporitique glissée du haut de la marge s’accumule sur
son pied, où elle est épaissie, et déborde sur la plaine abyssale, formant un front de
déformation très marqué sous la forme d’un escarpement topographique. Les
diapirs, transportés passivement vers le pied de marge, s’amplifient sous l’effet de la
contrainte compressive : localement, le sel peut être amené en surface, voir recouvrir
totalement certains radeaux qui se trouvent alors totalement englobés dans les
évaporites. Ces structures particulières, où les séries sont totalement encapsulées
dans la couche de sel, présentent un intérêt du point de vue pétrolier, les blocs étant
hermétiquement préservés dans le niveau imperméable d’évaporites, mais constitue
aussi un défi pour l’imagerie sismique, qui peine à traverser le sel.

208
LES MOUVEMENTS
VERTICAUX
11

11.1 INTRODUCTION
L’existence de mouvements verticaux affectant la croûte terrestre est connue depuis
longtemps : dès le XVIIIe siècle, Pierre Bouguer et Roger Joseph Boscovich pres-
sentent la notion d’isostasie. Ces mouvements verticaux seront même la base de la
théorie des ponts proposée par Émile Haug en 1906 pour expliquer les similitudes de
faciès observées de part et d’autre des océans actuels, en alternative à la théorie de la
« dérive des continents » d’Alfred Wegener. Pourtant, c’est l’existence de déplace-
ments horizontaux (les mouvements « tangentiels ») qui va focaliser l’attention des
géologues. Dès la fin du XIXe puis au début du XXe siècle, les « géologues alpins »
comme Marcel Bertrand ou Albert Heim (et plus tard Émile Argand pour l’Hima-
laya) montrent l’existence d’un raccourcissement de plusieurs centaines de kilo-
mètres dans la chaîne alpine. L’importance du rôle joué par ces déplacements
horizontaux de matière à la surface du globe culminera avec la formalisation de la
théorie de la tectonique des plaques dans les années 1960-1970.
Ces vingt dernières années, pourtant, l’étude des mouvements verticaux a connu
un regain d’attention, probablement en partie grâce à l’apparition ou au développe-
ment de nouveaux outils méthodologiques comme la géodésie ou la thermochrono-
logie. Les données ainsi acquises ont révélé la remarquable diversité de ces
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

mouvements verticaux, tant en termes de vitesses, d’amplitudes, que de surfaces


affectées. Cette diversité traduit la complexité des processus sous-jacents.
Dans ce chapitre, nous présenterons brièvement les différents outils permettant de
caractériser ces mouvements verticaux. Pour chacune des techniques, une référence
à un travail scientifique est proposée, permettant à ceux qui le souhaitent d’appro-
fondir la thématique.
Les mouvements verticaux de la croûte terrestre peuvent être divisés en deux
grandes catégories : les mouvements positifs (déplacement de la lithosphère vers le
haut) et les mouvements négatifs (déplacement de la lithosphère vers le bas).
Aux mouvements positifs, quelles que soient leurs causes, sont généralement
associés des processus d’érosion en surface qui permettent l’exhumation des

209
Chapitre 11 • Les mouvements verticaux

roches ; leur éloignement à la surface d’érosion, ou surface topographique, diminue


avec le temps.
Aux mouvements négatifs sont associés des processus de sédimentation. Le
déplacement de la lithosphère vers le bas crée un « espace disponible », la création
de cet espace étant appelée « subsidence ». L’espace ainsi créé au-dessus de la
surface d’érosion d’origine est généralement comblé par des sédiments. La subsi-
dence va ainsi mener à de l’enfouissement, auquel seront associés des phénomènes
de transformation de roches dits diagénétiques.
Il est important de préciser que le lien entre mouvements verticaux et relief n’est
pas évident : un mouvement vertical positif associé à une érosion active ne mènera
pas nécessairement à la formation d’un relief prononcé. Mais une érosion active peut
induire, par simple isostasie, la formation d’un relief incisé marqué. Ainsi, dans les
outils qui vont être présentés, il est nécessaire de distinguer :
– ceux qui permettent d’étudier l’évolution dans le temps de la surface topogra-
phique ; dans ce cas, le niveau de référence utilisé est le niveau moyen de la mer ;
– ceux qui décrivent l’évolution dans le temps de la colonne de roche sous-jacente ;
dans ce cas, le niveau de référence est celui de la surface d’érosion ou surface
topographique.

11.2 LES PROCESSUS À L’ORIGINE DES MOUVEMENTS


VERTICAUX
À grande échelle, le moteur le plus efficace pour provoquer la surrection ou l’affais-
sement de la lithosphère est celui qui en modifie la densité moyenne. Cette modifi-
cation de la densité moyenne peut avoir deux origines : elle peut être liée soit à la
déformation tectonique, soit à un changement de la structure thermique. Nous nous
limiterons ici à une description synthétique de ces processus, qui relèvent plus de la
géodynamique que de la tectonique telle qu’elle est abordée dans cet ouvrage.

11.2.1 Les mouvements verticaux liés à la déformation


de la lithosphère
Les principaux reliefs à la surface du globe, tout comme les principaux bassins sédi-
mentaires, résultent de déformations tectoniques. Ainsi, les chaînes de montagnes
trouvent leur origine dans l’épaississement de la lithosphère en domaine de conver-
gence (Fig. 11.1a) : le raccourcissement, cause de l’épaississement, est accommodé
par des chevauchements dans la croûte qui provoquent le clivage et le redoublement
des séries. Cet épaississement entraîne à son tour, par isostasie, soulèvement et exhu-
mation. L’exhumation peut être accentuée par une érosion forte en surface, par déla-
mination du manteau lithosphérique (instabilité gravitaire – Fig. 11.1b) ou par
détachement du panneau océanique plongeant (slab) (Fig. 11.1c).
À l’inverse, les bassins sédimentaires d’origine tectonique résultent d’un amincis-
sement par extension, essentiellement de la partie crustale de la lithosphère

210
11.2 • Les processus à l’origine des mouvements verticaux

a b c d

LLA

e f g h

LLA

i
j

Figure 11.1 – Illustration des principaux mécanismes à l’origine des


mouvements verticaux de la croûte. C : croûte (gris foncé), LLA : limite
lithosphère/asthénosphère. Les bassins sédimentaires sont figurés en gris
clair. Les flèches noires illustrent le sens des mouvements verticaux, et leurs
tailles relatives indiquent leur importance relative qualitativement.
Voir explications dans le texte.

(Fig. 11.1d) ; dans la croûte, les failles normales et de détachement accommodent


l’extension. L’amincissement de la colonne lithosphérique, là encore par simple
isostasie, provoque son enfoncement, et génère un espace disponible qui piège les
sédiments. L’accumulation sédimentaire, de par son poids, accentue la subsidence
tectonique. Dans le cas où l’amincissement de la lithosphère est très rapide, le flux
sédimentaire est insuffisant pour combler l’espace disponible ainsi créé, et des
roches présentant des faciès métamorphiques profonds, voire du manteau, peuvent
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

se trouver à l’affleurement ; c’est le cas par exemple des metamorphic core


complexes, ou MCC (voir § 10.4.6).

11.2.2 Les mouvements verticaux liés à un changement


de la structure thermique de la lithosphère
En dehors des déformations tectoniques, la modification de la structure thermique de
la lithosphère est un autre processus à l’origine des mouvements verticaux.
L’exemple le plus classique est probablement celui de la lithosphère océanique, qui
s’enfonce en se refroidissant, en s’éloignant de la dorsale où elle a son origine
(Fig. 11.1e) : ce refroidissement entraîne une augmentation de son épaisseur, et

211
Chapitre 11 • Les mouvements verticaux

l’isotherme 1 350 °C, qui définit la base de la lithosphère, s’approfondit. En se


refroidissant, la densité augmente, et la lithosphère réagit par isostasie en s’enfon-
çant ; elle subit une subsidence dite thermique. De la même manière, les rifts avortés
(aulacogènes) ou les marges passives subissent un rééquilibrage thermique après la
phase de déformation principale (Fig. 11.1f) ; ce rééquilibrage thermique se traduit
par un approfondissement des isothermes et une subsidence.
À l’inverse, la base de la lithosphère peut être amenée à remonter vers la surface,
sans que la croûte soit amincie (Fig. 11.1g) : on parle alors d’érosion thermique de la
lithosphère. Cette érosion thermique est liée à l’évacuation d’une quantité de chaleur
anormalement élevée en base de lithosphère par conduction. Elle provoque alors une
surrection du domaine affecté.

11.2.3 Autres processus


Les processus évoqués brièvement ci-dessus ne sont pas les seuls à l’origine des
mouvements verticaux. Le comportement élastique de la lithosphère peut également,
par flexuration, provoquer de la subsidence ou de la surrection : c’est par exemple le
cas des « bourrelets » péri-orogéniques (forebulge en anglais) qui se forment le long
des bassins d’avant-pays, à l’opposé de l’orogène, en réaction à la surcharge que
constitue la chaîne elle-même. La flexion de la lithosphère est également à l’origine
de plis de très grande longueur d’onde, en réponse à de la compression exercée aux
limites de plaque. Lorsque les forces aux limites ou celles créées par des surcharges
(grands volcans) provoquent une déformation élastique de la lithosphère, on parle
alors de flambage lithosphérique. Les vastes synformes ainsi créées forment alors
des bassins, et les antiformes des reliefs.
Certains mouvements verticaux peuvent également avoir pour origine une modifi-
cation de la densité moyenne de la lithosphère, sans changement thermique ni défor-
mations significatives. Ce peut être le cas dans les chaînes de subduction, où la
formation de batholites granodioritiques, en augmentant l’épaisseur de la croûte et
en diminuant sa densité moyenne, accentuerait la surrection d’origine tectonique de
ces chaînes. À l’inverse, dans une chaîne de montagne, l’éclogitisation de la base de
la croûte, en réponse à un épaississement tectonique, peut amener à une augmenta-
tion de la densité de la lithosphère et générer de la subsidence.
Enfin, les mouvements verticaux peuvent résulter de la dynamique du manteau
asthénosphérique sous-jacent. Par exemple, lorsqu’un panache mantellique atteint la
base de la lithosphère, il provoque une poussée verticale qui est à l’origine d’une
topographie dite « dynamique ». Les modèles récents (voir par exemple Burov et
Gerya, 2014) montrent que cette topographie peut être bien plus complexe que le
simple bombement à géométrie sphérique classiquement présenté. À l’inverse, des
courants descendants dans l’asthénosphère pourraient expliquer la subsidence à très
grande échelle enregistrée par les bassins intracontinentaux, et pour lesquels aucun
des mécanismes précédemment évoqués ne semble pouvoir expliquer la genèse.

212
11.3 • Décrire l’évolution de la surface topographique

11.3 DÉCRIRE L’ÉVOLUTION DE LA SURFACE


TOPOGRAPHIQUE

11.3.1 Outils géodésiques


La conquête de l’espace a révolutionné notre approche des déformations du globe
sur les courtes échelles de temps. Le développement du Global Positioning System,
ou GPS, au milieu des années 1990, permet à toute personne en possession d’un
récepteur adapté de connaître sa position à la surface du globe via un échange
d’information avec une constellation de satellites en orbite. Ainsi, en mesurant à
plusieurs années d’intervalle la position d’un même point est-il possible d’en
déduire son éventuel déplacement et sa vitesse absolue dans un référentiel « Terre »,
les vitesses « géodynamiques » étant trop faibles pour être mesurées instantanément.
On pourra se référer aux travaux d’E. Pérouse pour un exemple d’utilisation de cet
outil dans le cadre de déplacements horizontaux (Pérouse et al., 2010).
La mesure des déplacements verticaux de la lithosphère grâce au GPS est plus
délicate, en particulier parce que les vitesses sont, dans la plupart des cas, notable-
ment plus faibles : le temps entre deux mesures de la position d’un point doit être le
plus long possible pour obtenir une vitesse verticale « instantanée » (à l’échelle
géologique). Des résultats significatifs ont par exemple été obtenus dans l’étude de
phénomènes rapides comme le rebond post-glaciaire en Islande (Árnadóttir et al.,
2009). En ce qui concerne les résultats obtenus dans les domaines tectoniquement
actifs, le faible nombre de publications reflète la difficulté de la mesure. On pourra
se référer aux travaux de Serpelloni et al. (2007) pour un exemple sur la Méditerra-
née.
L’imagerie satellitaire est un autre outil permettant de quantifier les mouvements
verticaux. La présence d’« imageurs » à bord des satellites permet, en comparant
deux clichés d’un même site pris à plusieurs années d’écart, de déduire les mouve-
ments verticaux et horizontaux de la croûte subvenus dans la période considérée :
c’est le principe de l’interférométrie radar. Si la mesure est théoriquement relative-
ment simple à obtenir, on se heurte en pratique, là encore, à de grandes difficultés
techniques lorsqu’il s’agit de mesurer de faibles déformations, comme c’est le cas
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

pour les mouvements verticaux. Le lecteur pourra se référer aux travaux d’O.
Cavalié pour un exemple d’application à partir duquel les mesures de mouvements
verticaux ont permis de mieux contraindre la rhéologie de la lithosphère (Cavalié
et al., 2007).

11.3.2 Géomorphologie quantitative


La description puis l’étude des formes du relief permet de tirer des informations sur
son évolution : c’est le principe de la géomorphologie. La géomorphologie quanti-
tative vise à sélectionner des paramètres déterminants des formes du relief, à les
quantifier et à les comparer pour en tirer des informations sur l’évolution verticale
de la région étudiée. Parmi ces différents paramètres, l’hypsométrie est l’un des

213
Chapitre 11 • Les mouvements verticaux

paramètres les plus utilisés (Fig. 11.2) ; elle permet de mesurer la maturité d’un
bassin versant. De manière schématique, un bassin versant profondément incisé dans
un plateau est interprété comme « jeune », alors qu’une vallée évasée, dont les
versants présentent des pentes douces, est interprétée comme « ancienne ». La
courbe hypsométrique et l’intégrale hypsométrique associée (Fig. 11.2) permettent
de quantifier ces observations, qui nécessitent un modèle numérique de terrain de
bonne qualité et adapté à l’échelle de la zone d’étude. Il n’en reste pas moins que la
géomorphologie quantitative reste un outil très délicat à utiliser en raison de sa
dépendance au climat (l’érosion varie au cours du temps et est souvent très différente
de part et d’autre d’un relief) et aux lithologies (les formes du relief sont fortement
contrôlées par la nature des roches). Il est ainsi nécessaire de prendre en compte ces
paramètres dans l’interprétation des données obtenues.

a b
500 1

B.V.1 B.V.1
400 0,8
Altitudes (normalisée à 1)

300 0,6
Altitudes (m)

B.V. 2 B.V. 2

200 0,4

B.V. 3 B.V. 3
100 0,2

0 0
0 20 40 60 80 100 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
Aire relative (%) Aire relative (normalisée à 1)

B.V. 1 B.V. 3

Figure 11.2 – a) Exemples théoriques de courbes hypsométrique.


b) Courbes normalisées. c) Illustration de la morphologie des bassins 1 et 3.
Les courbes hypsométriques en a) et b) présentent la proportion de l’aire
d’un bassin versant (B.V.) située au-dessus d’une altitude donnée. Par
exemple, 60 % de la surface du bassin versant n° 1 est située à une altitude
supérieure à 380 m. Pour le bassin n° 3, seuls 7 % de sa surface sont situés
au-dessus de cette altitude. Le bassin 1 est interprété comme un bassin
jeune, en cours d’incision. Le bassin 2 correspond à un bassin mature, et le
bassin 3 à un bassin ancien pour lequel les rivières ont atteint leur profil
d’équilibre. L’intégrale hypsométrique est la valeur de l’aire située sous la
courbe hypsométrique normalisée (b) : un bassin très immature aura une
intégrale hypsométrique proche de 1 (cas du B.V.1), alors que des valeurs
faibles traduisent un bassin à l’équilibre (cas du B.V.3).

214
11.3 • Décrire l’évolution de la surface topographique

Depuis les années 1990, l’étude des formes du relief a bénéficié des progrès de la
géochimie avec la mise au point de techniques de datation des surfaces. Ces
nouvelles méthodes, souvent très lourde analytiquement, permettent de déterminer
depuis combien de temps un échantillon est exposé à la surface du globe, pour des
durées allant jusqu’à quelques dizaines de milliers d’années. Elles reposent sur le
fait que les roches à l’affleurement sont soumises continuellement au rayonnement
cosmique. Ce bombardement permanent est à l’origine de la formation de divers
nucléides (par exemple 10Be, 21Ne, 26Al, 36Cl) dans les phases minérales exposées.
Connaissant les constantes de désintégration de ces éléments et leur concentration
actuelle, il est alors possible de dater la durée d’exposition de l’échantillon analysé.
Cette apparente simplicité théorique masque les difficultés inhérentes à la tech-
nique. Comme le rayonnement cosmique s’atténue progressivement lors de sa péné-
tration dans le matériel, il faut donc connaître la position exacte de la phase mesurée
et faire des hypothèses sur les taux d’érosion subis. De plus, le rayonnement est
dépendant de l’exposition de la surface considérée (configuration topographique), et
la concentration initiale du nucléide considéré n’est généralement pas connue
(possibilité d’exposition préalable, par exemple pour un échantillon prélevé sur une
terrasse fluviatile : on parle alors d’héritage). Ces techniques ont néanmoins pu être
appliquées dans des contextes variés : terrasses marines soulevées, terrasses allu-
viales déformées, dépôts morainiques. On pourra se référer par exemple à Saillard
et al. (2011) pour illustrer un cas d’application à la chaîne des Andes, permettant de
discuter le contexte tectonique régional et la dynamique de la zone de subduction à
grande échelle.

11.3.3 Paléo-altimétrie
La paléo-altimétrie a pour objectif de déterminer l’altitude, par rapport au niveau
moyen des mers, à laquelle s’est produit un phénomène géologique. À l’heure
actuelle, il n’existe pas d’outil simple à mettre en œuvre, et presque toutes les
méthodes disponibles sont indirectes. Parmi les plus simples de ces méthodes,
l’analyse granulométrique des dépôts sédimentaires permet d’estimer l’ampleur du
relief relatif entre la source et le lieu de sédimentation : plus la granulométrie est
importante, plus le relief érodé devait être important. Cette méthode reste cependant
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

dépendante des climats anciens. Il est également possible de s’intéresser aux


stomates des flores fossiles (McElwain, 2004). En effet, la densité de stomates étant
dépendante de la pression partielle de CO2, laquelle diminue avec l’altitude, il
semble envisageable de remonter à l’altitude du lieu de croissance des plantes.
Toutefois divers facteurs rendent la méthode difficilement applicable (Johnson et al.,
2005).
D’autres techniques ont été proposées. Par exemple Sahagian et al. (2002) propo-
sent d’utiliser le différentiel de pression entre le toit et la base d’une coulée de lave
pour remonter, via la taille des vésicules piégées dans la coulée, à l’altitude de celle-
ci lors de sa mise en place. L’idée, séduisante, ne peut être appliquée qu’à des affleu-
rements présentant des conditions bien spécifiques, rendant la technique difficile à

215
Chapitre 11 • Les mouvements verticaux

appliquer sur les cas naturels. D’autres tentatives ont été faites en utilisant l’augmen-
tation du bombardement cosmique avec l’altitude, bombardement qui favorise la
production d’éléments cosmogéniques dans les roches exposées. De fait, l’extrême
complexité du protocole analytique et les importantes incertitudes des résultats n’ont
pas permis un développement en routine de ces techniques. À l’heure actuelle,
l’outil « paléo-altimètre » reste à inventer.

11.3.4 Surfaces d’altération


Les surfaces d’érosion, et l’altération qui leur est associée, constituent de formi-
dables marqueurs de l’évolution verticale d’une région. Ainsi, lorsqu’un domaine est
soumis à l’érosion pendant une durée suffisamment longue, la surface d’érosion qui
en résulte peut être considérée comme à l’équilibre. Si, par la suite, cette surface est
déformée, il est alors possible de caractériser les mouvements verticaux qui l’ont
affectée. La quantification des déformations subies nécessite cependant de connaître
l’âge de la surface déformée : la préservation de roches d’altération sur ces surfaces,
suite à leur long séjour à l’interface Terre/atmosphère, peut faciliter cette datation.
Un exemple caractéristique est celui des latérites d’Afrique du Nord-Ouest : sur
cette partie du continent africain, supposée relativement stable au cours du Céno-
zoïque, sont préservées les traces de plusieurs paléo-surfaces, dont certaines sont
fossilisées par des cuirasses bauxitiques. Certaines phases minérales, comme le
cryptomélane, ont pu être datées grâce aux méthodes géochronologiques (40Ar/39Ar,
Beauvais et al., 2008). Les âges obtenus, paléocènes à éocènes, permettent ainsi de
discuter l’importance des déformations de grande longueur d’onde qui affecte ce
marqueur depuis cette époque.
La karstification, qui résulte de l’altération essentiellement chimique de roches
carbonatées, peut également renseigner sur l’histoire des mouvements verticaux. En
effet, l’enfoncement du réseau de drainage par karstification résulte directement de
l’enfoncement du niveau de base de ce réseau. Cet enfoncement peut être lié soit aux
variations eustatiques, relativement bien connues, soit à un épisode de soulèvement
régional ou local. La datation des éventuels niveaux d’endokarst superposés peut
ainsi nous renseigner sur l’évolution de la surrection ou de la subsidence au cours
des temps géologiques. On soulignera cependant la difficulté que présente la data-
tion de la formation ou de l’abandon d’un karst : les méthodes géochimiques appli-
quées aux spéléothèmes (U/Th en particulier) ne permettent pas de remonter loin
dans le temps (500 000 ans pour la méthode précitée).
Les méthodes paléontologiques, qui consistent à dater le matériel piégé dans le
karst (par exemple, des dents de rongeurs), nécessitent un fastidieux travail de tri et
de lavage, et ne donnent qu’un âge minimal de l’altération. Elles peuvent par contre
s’avérer précieuses lorsqu’il s’agit de dater un ennoiement du karst, traduisant une
remontée du niveau de base : la présence de foraminifères peut ainsi permettre un
calage précis dans le temps. Pour un exemple d’application complet sur un système
à l’évolution complexe, on pourra se référer aux travaux d’É. Husson (Husson et al.,
2012) sur les karsts du Languedoc.

216
11.4 • Décrire l’histoire thermique des roches

11.4 DÉCRIRE L’HISTOIRE THERMIQUE DES ROCHES

11.4.1 Bilans sédimentaires, stratigraphie, analyse


de la subsidence
L’étude du remplissage des bassins sédimentaires, cruciale pour la recherche des
hydrocarbures, permet de caractériser les mouvements négatifs de la lithosphère
(subsidence), les mouvements positifs se traduisant généralement par une absence
de sédimentation (surface d’érosion). Ainsi, le déchiffrage de logs stratigraphiques
dans un bassin sédimentaire permet-il d’accéder à de très nombreuses informations.
La plus simple d’entre elles est la subsidence « brute » : elle correspond à l’accumu-
lation sédimentaire au cours du temps. En corrigeant la courbe de subsidence brute
de la compaction, puis de l’effet du poids des sédiments qui contribue à l’enfonce-
ment du fond du bassin, il est possible d’estimer la subsidence dite tectonique,
laquelle exprime la subsidence liée au jeu des failles normales qui contrôlent poten-
tiellement la formation du bassin. Pour plus de détails, le lecteur pourra se référer à
l’ouvrage Sedimentary Basins (G. Einsele, 2000).
À l’échelle du bassin, la connaissance de la géométrie des unités sédimentaires
qui le constituent via l’imagerie de subsurface permet également de discuter de son
histoire en termes de mouvements verticaux. Ainsi, le caractère isopaque d’une unité
dans deux bassins actuellement séparés par un domaine de socle suggère-t-il que, au
moment du dépôt, ces deux bassins n’en faisaient potentiellement qu’un. L’étude
fine des relations géométriques entre les différentes unités permet également de
discriminer le rôle des variations eustatiques via les méthodes de stratigraphie
séquentielle. Néanmoins, si l’enregistrement sédimentaire dans un bassin permet
une description détaillée de l’histoire de la subsidence, l’existence de surfaces
d’érosion peut aussi effacer une partie de cette histoire, en particulier lors d’épisodes
de soulèvement et d’exhumation. Le recours à d’autres méthodes est alors indispen-
sable.

11.4.2 Thermochronologie
La thermochronologie s’appuie sur la dépendance d’un paramètre physique ou
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

chimique d’une roche à la température. Les thermochronomètres les plus utilisés


reposent sur la thermo-dépendance de la diffusion de gaz d’origine radiogéniques ;
c’est par exemple le cas de la méthode K-Ar, pour laquelle l’argon produit par désin-
tégration du potassium reste piégé dans la phase minérale en dessous d’une tempéra-
ture donnée, par exemple 300 à 400 °C pour la muscovite. Cette température étant
très élevée, le système se ferme quasi instantanément lors du refroidissement d’une
lave. Il est alors possible, connaissant les lois de production radiogéniques, la quan-
tité d’élément(s) producteur(s) et la quantité d’éléments fils produits de remonter à
l’âge de mise en place de la coulée. Ces gammes de températures restent toutefois
trop élevées pour pouvoir être utilisées pour tracer les mouvements verticaux clas-
siques de la croûte terrestre ; c’est pourquoi d’autres thermochronomètres, aux
températures de fermeture plus basses, sont utilisés. Nous prendrons ici deux

217
Chapitre 11 • Les mouvements verticaux

exemples : la technique des traces de fission sur apatite et thermochronologie


(U-Th)/He.
2.1. Technique des traces de fission sur apatite
La technique dite « traces de fission sur apatite » est relativement ancienne
puisqu’elle apparaît durant les années 1960, mais son application à l’étude des
mouvements verticaux et de la thermicité de la croûte est, elle, plus récente. Elle
repose sur le fait que lorsque, dans un cristal d’apatite, l’238U se désintègre, les deux
noyaux qui en résultent se séparent et déforment la maille cristalline de l’apatite,
créant ainsi une trace dite « de fission ». À haute température (> 110 °C), le défaut se
résorbe de lui-même par fluage de la maille cristalline. À basse température
(< 80 °C), le défaut est préservé. Entre les deux températures, le défaut se résorbe
progressivement. La gamme de température entre 110 et 60 °C est appelée « zone de
recuit partiel ».
Connaissant la quantité d’éléments pères, les lois de décroissances radioactives, et
ayant mesuré le nombre de traces ainsi produites, il est possible de remonter à un
« âge traces de fission ». Cet âge traces de fission est relativement simple à interpré-
ter dans les domaines dits « actifs », où les vitesses d’exhumation sont importantes :
l’âge obtenu correspond au franchissement des isothermes de fermeture du système,
ce qui peut être traduit en taux d’exhumation via la connaissance du gradient
géothermique. Un âge de 20 Ma indique que l’apatite analysée était à cette période à
une température d’environ 100 °C ; sachant qu’elle est aujourd’hui à la surface, si le
gradient géothermique est de l’ordre de 30 °C/km entre 20 Ma et l’Actuel, elle
témoigne d’une érosion totale de l’ordre de 3 km depuis 20 Ma (Fig. 11.3, échan-
tillon A).
Pour ce qui est des mouvements verticaux plus lents et/ou anciens, il est possible
de décrire une histoire thermique plus complète en utilisant les longueurs des traces.
En effet, si l’on considère un échantillon enfoui à plus de 110 °C jusqu’à 100 Ma
(Fig. 11.3, échantillon B), qui est exhumé rapidement à la surface et y reste jusqu’à
l’Actuel, toutes les traces auront la même longueur (13 mm, longueur d’origine, non
cicatrisée). Par contre, si cet échantillon subit une phase de ré-enfouissement entre
50 et 30 Ma à des températures de 100 °C, les traces formées entre 100 et 50 Ma
vont être réchauffées et partiellement cicatrisées : leurs longueurs vont diminuer
(Fig. 11.3, échantillon C). Dans l’apatite, on retrouvera donc ces traces de petite
taille et des traces de 13 mm correspondant à la période « froide » 20 Ma-0 Ma.
Autrement dit, cette histoire thermique polyphasée aura pour conséquence une
distribution bimodale des longueurs de traces de fission dans l’apatite analysée. En
combinant l’âge « trace de fission » et la distribution des longueurs de traces, il est
possible de retracer une histoire thermique complète et, moyennant des hypothèses
sur les gradients thermiques, d’en déduire une histoire des mouvements verticaux.
2.2. Thermochronologie (U-Th)/He
La thermochronologie (U-Th)/He est plus récente que la technique des traces de
fissions et connaît encore des développements méthodologiques (voir par ex.

218
11.4 • Décrire l’histoire thermique des roches

Temps (Ma)

180 160 140 120 100 80 60 40 20 0


10 °C
B
Température (°C)

C
60 °C

Zone de recuit partiel


120 °C

Chemin A Chemin B Chemin C


n n n
Âge TF : 22 Ma Âge TF : 90 Ma Âge TF : 45 Ma

L L L
0 μm 13 μm 0 μm 13 μm 0 μm 13 μm
Figure 11.3 – Haut : chemins temps/température pour trois échantillons
théoriques. Le temps est en abscisses, en millions d’années, le présent
correspondant au 0. La température apparaît en ordonnées, en degrés
Celsius. La gamme de température grisée correspond à la zone de recuit
partiel : à ces températures, les traces de fission cicatrisent progressivement.
À plus haute température, la cicatrisation est immédiate à l’échelle des temps
géologiques. La cicatrisation n’est plus possible à des températures
inférieures à | 60 °C. Bas : distribution des tailles de longueur des traces de
fission dans les échantillons A, B et C. n est le nombre de traces mesurées,
L la longueur en micromètres. Pour les échantillons A et B, dont l’histoire
thermique est relativement simple, l’âge « traces de fission » correspond à la
période du refroidissement subit. Par contre, pour une histoire thermique
plus complexe comme celle de l’échantillon C, l’âge « traces de fission » ne
peut plus être associé à un épisode de réchauffement ou de refroidissement
précis, et il devient alors nécessaire de modéliser l’histoire thermique
en utilisant la distribution des longueurs de traces. Le caractère bimodal
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de l’histogramme des longueurs de traces trahit cette histoire


thermique complexe.

Gautheron et al., 2013). Elle repose sur le fait que, dans un minéral, la décroissance
radioactive de l’238U, de l’235U, du 232Th et du 147Sm génère la production de noyaux
d’hélium (particules alpha). À basse température (< 60 °C), ces noyaux d’hélium
sont piégés dans la maille cristalline alors que, au-delà de 100 °C, la température
permet à l’hélium de s’échapper du cristal par diffusion. On notera que ces tempéra-
tures théoriques peuvent varier par exemple en fonction de la chimie du cristal.
Connaissant la quantité d’éléments pères, d’hélium piégé et les lois de décroissances
radioactives, il est possible de remonter à un âge de franchissement des isothermes.

219
Chapitre 11 • Les mouvements verticaux

À l’instar des traces de fission, l’interprétation est relativement simple dans les
domaines actifs en termes de mouvements verticaux. Dans les domaines de soulève-
ment/subsidence lents, l’interprétation est plus complexe comme en témoigne la
grande dispersion des âges obtenus (voir par ex. Rougier et al., 2013). Il est alors
nécessaire de tenir compte de divers facteurs (taille des grains, défauts préexistants,
quantité d’éléments pères…).

11.4.3 Diagenèse
La diagenèse est l’ensemble des transformations subies par un sédiment lors de son
enfouissement pendant le remplissage d’un bassin. Ces transformations se font donc
à relativement faible pression (de 0 à 1 kbar) et à basse température (de 15 à 200 °C).
Les méthodes permettant de caractériser les conditions physiques de la diagenèse
sont extrêmement nombreuses : c’est en effet la diagenèse qui permet la maturation
de la matière organique et la formation des hydrocarbures. Parmi les plus classiques,
on peut citer l’étude des transformations minéralogiques (transformation smectite/
illite, ou gypse/anhydrite avec l’augmentation de la température), celle des inclu-
sions fluides (microthermométrie) ou la caractérisation de la matière organique
(détermination du pouvoir réflecteur de la vitrinite, détermination du Tmax). Les
thermochronomètres de basse température précédemment évoqués peuvent égale-
ment renseigner sur les mouvements verticaux enregistrés par les sédiments.
L’ouvrage récent Bassins sédimentaires – les marqueurs de leur histoire thermique
(M. Pagel, J. Barbarand, D. Beaufort, C. Gautheron, J. Pironon, Edp sciences,
collection Géosphères) donne un aperçu large de ces différentes techniques et
d’exemples d’application.

11.4.4 Métamorphisme
L’étude des roches métamorphiques renseigne sur l’histoire thermo-barométrique
des roches pour des domaines de pression et de température dépassant ceux de la
diagenèse, même si la limite entre métamorphisme et diagenèse reste difficile à défi-
nir. Les différents assemblages minéralogiques issus de transformations isochi-
miques sous l’effet de variations de pression et de température permettent de
reconstituer l’histoire prograde et/ou rétrograde de l’échantillon analysé. Cette
histoire peut ensuite être traduite en termes de mouvements verticaux (enfouisse-
ment et exhumation). Étant donné les échelles de temps et d’espace des processus
métamorphiques, ces techniques sont bien adaptées à la description de l’histoire des
domaines actifs en limites de plaques (zones convergentes). Ils permettent ainsi de
discuter du fonctionnement des orogènes dans leur ensemble, depuis la racine crus-
tale jusqu’à la surface. De très nombreux travaux traitent de cette question, et le
lecteur pourra se référer à l’ouvrage Métamorphisme et géodynamique de C. Nicol-
let (Dunod) destiné à aux étudiants de fin de licence, master et doctorat.

220
GLOSSAIRE
Préambule : cet ouvrage étant destiné à des roches à plus grande profondeur, où la température et la pres-
étudiants de Licence 3 et Master ayant déjà une forma- sion sont plus fortes. Les roches plastiques en surface (sel
tion de base à la géologie structurale, le lecteur moins par exemple) font exception à cette règle.
initié trouvera ici les définitions volontairement brèves Cataclasite (s.l.) : terme générique désignant une roche de
de quelques termes courants du champ lexical de la faille dans le domaine cassant (cf. mylonite).
tectonique. Ce glossaire n’a pas vocation à être Cercle de Mohr : représentation graphique permettant de
exhaustif et le lecteur pourra se référer à l’ouvrage déterminer l’état de contrainte (valeurs des contraintes
Dictionnaire de géologie (Dunod) pour plus de préci- tangentielle et normale) dans un volume rocheux en fonction
sions ou pour les termes non définis ici. des contraintes principales appliquées sur n’importe quel
Allochtone : dans le cas d’une nappe tectonique, unité ayant plan de ce volume rocheux. La détermination de l’enveloppe
subi un déplacement horizontal significatif par rapport à de rupture permet au cercle de Mohr de devenir prédictif en
l’autochtone. termes de déformation.
Anderson (modèle d’–) : le modèle d’Anderson est un Chaîne de chevauchement/plissement : s’applique aux
modèle géométrique prédictif des relations entre contraintes chaînes de montagne qui résultent de l’activation d’un niveau
et déformations cassantes (failles). Il montre que les failles de décollement d’échelle régional, permettant le transfert de
inverses ont généralement un pendage assez faible, de l’ordre la déformation de l’intérieur vers l’extérieur de la chaîne. La
de 30°, les failles normales ont un pendage de l’ordre de 60°, déformation s’exprime alors au-dessus de ce niveau de décol-
et les failles décrochantes sont verticales. Ces résultats sont lement par des structures de couverture de type plis de propa-
à pondérer des propriétés pétrophysiques du matériau consi- gation, plis de rampe, plis de décollement.
déré et des conditions de pression et température lors de la Charnière (d’un pli) : observée sur une section orthogonale
déformation. de l’axe d’un pli, elle correspond à la zone de courbure
Antiforme : en domaine sédimentaire, géométrie présentant maximum de la structure.
des pendages divergents du cœur de la structure vers l’exté- Chevauchement : synonyme de faille inverse, généralement
rieur. On parle d’anticlinal lorsque la polarité des séries est employé lorsque la structure est d’échelle régionale.
normale. Cisaillement : zone généralement plane, peu épaisse, où les
Aplatissement : déformation des roches plastiques soumises roches sont soumises à un couple de forces (mouvement de
à une contrainte compressive de révolution (V2 = V3) ou rotation) généré par des contraintes tangentielles aux limites
proche de celle-ci. Un volume de matière initialement sphé- de volumes rocheux en mouvement. C’est le lieu de défor-
rique est transformé en un disque ou une galette. Le débit en mation intense, localisée et caractérisée par des structures
feuillet (cf. clivage) des ardoises résulte de l’aplatissement spécifiques (cf. structures de Riedel).
de roches sous les conditions de faible métamorphisme. Clivage : propriété qu’ont les roches à se débiter en feuillets
Autochtone : dans le cas d’une nappe tectonique, unité située réguliers, parallèles et minces. C’est le cas des belles ardoises
sous l’allochtone. gris bleuté exploitées dans la région d’Angers.
Axes de déformation : système d’axes rectangulaire qui Continue (déformation –) : déformation homogène des
caractérise divers aspects de la déformation. On distingue : roches, en l’absence de discontinuité mécanique. Elle est
(1) les axes géométriques (de la déformation) X, Y, Z (X axe définie à une certaine échelle d’observation, celle de l’obser-
d’allongement, Z axe de raccourcissement, Y axe intermé- vation de ses discontinuités. Continue à l’échelle mésosco-
diaire – allongement ou raccourcissement – ; X, Y, Z sont pique (visible à l’œil nu), elle est bien souvent discontinue
les axes de l’ellipsoïde de déformation) ; (2) les axes ciné- à l’échelle microscopique.
matiques a, b, c ; a étant défini comme l’axe de transport de Contrainte : la contrainte est une force appliquée à une unité
la matière lors de la déformation. de surface. Elle est l’équivalent d’une pression orientée et est
Boudinage : structure tectonique résultant de l’étirement ou à l’origine de la déformation. Elle est généralement décom-
de l’aplatissement hétérogène d’un niveau repère et caracté- posée en une composante normale Vn et une composante
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

risée par son amincissement parfois jusqu’à sa rupture dans cisaillante tangentielle W, cette dernière permettant le glisse-
les parties les moins résistantes à la déformation. ment sur un plan de faille.
Calcite sous abri : minéralisations secondaires par de la Contraintes principales : elles correspondent aux valeurs
calcite d’espaces ouverts au cours du glissement de part et propres du tenseur des contraintes et sont notées V1, V2 et V3
d’autre d’une irrégularité du plan de faille. Ces tectoglyphes (respectivement contrainte principale maximum, intermé-
permettent généralement de déterminer le sens et la direction diaire et minimum). Dans le cas triaxial, les contraintes prin-
du mouvement. cipales sont perpendiculaires aux trois plans dits principaux
Cannelures : ondulations décimétriques à plurimétriques sur lesquels la contrainte cisaillante est nulle.
sur un plan de faille provoquées par l’abrasion mécanique le Coupes équilibrées : une coupe équilibrée est une coupe
long de celui-ci au cours du glissement. Ces tectoglyphes, pour laquelle il existe un chemin cinématique permettant de
caractéristiques d’un rejet important, permettent générale- revenir à un état initial supposé via le dépliage des plis et
ment de déterminer le sens du mouvement. l’inversion du jeu des failles. Sa réalisation permet de valider
Cassante (déformation –) : dans les roches, la déformation l’interprétation de la coupe proposée sans pour autant assurer
est dite cassante lorsqu’elle se produit par apparition de l’unicité de la solution proposée.
ruptures plus ou moins nombreuses séparant des parties Crochon : structure plissée résultant de la friction sur un plan
intactes. Elle a lieu généralement dans la partie supérieure de faille.
de l’écorce terrestre ; elle s’oppose à la déformation ductile Décollement : un décollement est un niveau incompétent (de
(déformation continue), qui se produit pour la plupart des faible résistance mécanique) qui permet potentiellement la

221
Glossaire

propagation de la déformation par glissement. Les litholo- Faille transformante : type particulier de faille décrochante
gies favorables sont typiquement les évaporites ou les séries qui relie à ses extrémités deux zones de déformation
argileuses. compressives et/ou extensives. Ce sont des failles de grande
Déviateur des contraintes : composante du tenseur des dimension, décrites dans le cadre de la géodynamique océa-
contraintes obtenue après soustraction de la contrainte nique où elles découpent les dorsales ou les zones de subduc-
moyenne, hydrostatique. Elle est à l’origine des changements tion et accommodent le mouvement relatif des plaques
de forme des matériaux. lithosphériques. En contexte continental, elles raccordent
Diaclase : terme généralement réservé aux fractures sans des rifts ou des segments de chaînes de montagne et partici-
déplacement tangentiel et organisées en réseau. Dans les pent largement à l’organisation des zones orogéniques.
roches sédimentaires, elles débitent la roche en blocs paral- Fenêtre tectonique : portion de l’allochtone d’une nappe
lépipédiques réguliers déterminant un réseau de fracture tectonique érodée laissant affleurer l’autochtone.
orthogonal perpendiculaire aux joints de stratification (S0). Fente de tension : fracture en forme de fuseau née de la
L’espacement des diaclases est lié mécaniquement à l’épais- déformation cassante (discontinue) dans la partie supérieure
seur des bancs et aux caractéristiques pétrophysiques des de l’écorce terrestre. Le plan de la fracture contient la
roches. contrainte principale maximum et est perpendiculaire à la
Discontinue (déformation –) : déformation localisée sur des contrainte principale minimum. L’espace entre les épontes
plans dans le volume rocheux laissant intacts les éléments de la fente peut être vide ou colmaté de minéraux syn- à post-
individualisés entre ces plans. Notion dépendante de ouverture. Lorsqu’elles se forment dans des zones de cisaille-
l’échelle d’observation. ment, elles sont déformées de manière sigmoïde et la géomé-
Écaillage : isolement d’un bloc entre deux contacts tecto- trie indique le sens du cisaillement qui l’a créée.
niques connectés en profondeur. Flèche : valeur maximum du déplacement de l’allochtone par
Élasticité : régime de déformation d’un matériau permettant rapport à l’autochtone d’une nappe tectonique.
un retour à l’état initial (anté-déformation) après arrêt de Foliation : débit régulier, parallèle des roches métamor-
l’application de la contrainte. phiques, souligné par des minéraux néoformés disposés en
Élongation : différence entre la longueur d’un objet avant feuillets de nature différente. Alternance, par exemple, de
et après déformation, exprimée en unité de longueur ou en feuillets clairs (quartz, feldspath) et sombres (biotite, amphi-
pourcentage de la longueur initiale. bole).
Escarpement (de faille) : forme topographique en relief Graben : structure tectonique, morphologiquement en
correspondant à la surface de glissement de faille plus ou creux, limité par des failles à jeu normal (cf. faille normale),
moins dégradée par l’érosion. L’ampleur du relief créé est née dans un contexte tectonique en extension.
fonction de la quantité cumulée du déplacement vertical (cf. Horst : forme tectonique morphologiquement en relief appa-
rejet) et de l’importance de l’érosion. De l’ordre de quelques raissant dans les mêmes conditions que les grabens, avec
centimètres ou mètres lors d’un événement sismique, il peut lesquels ils sont très souvent associés.
être de plusieurs kilomètres dans les régions où la tectonique Hydrostatique (contrainte –) : caractérise un état de
est très active (par exemple dans le golfe de Corinthe, en contrainte où les trois contraintes principales ont la même
Grèce). valeur. L’ellipsoïde des contraintes est alors une sphère et les
Exhumation : remontée d’une roche vers la surface. Lors de déformations associées sont exclusivement des changements
l’exhumation, l’évolution des conditions de pression et de volumes.
température peut conduire à des modifications des conditions Intrados (d’un pli) : cf. extrados.
du métamorphisme (pour des enfouissements profonds) et/ Inversion tectonique : réactivation d’une structure tecto-
ou à la fermeture des thermochronomètres. nique par l’action d’un processus opposé à celui qui l’a créée.
Extrados/Intrados (d’un pli) : l’intrados d’un pli corres- Un exemple courant est le rejeu en faille inverse (compres-
pond à sa partie concave et l’extrados à sa partie convexe. sion) d’une faille normale (née en extension).
Selon le mode de formation du pli (par flexion, par aplatis- Klippe : partie de l’allochtone d’une nappe de charriage
sement hétérogène…, cf. pli), le comportement mécanique isolée par l’érosion sur l’autochtone.
de l’intrados et de l’extrados est différent et les structures qui Linéation : structure d’échelle mésoscopique dont la géomé-
s’y forment sont représentatives de ces différences. Par trie linéaire est le résultat d’une organisation intime de la
exemple, l’extrados d’un pli par flexion est en traction roche. Il existe de nombreux types de linéations (minérale,
maximun à la charnière et l’intrados en compression de déformation-étirement, de glissement, d’intersection de
maximum ; des fentes de traction parallèles se forment à l’axe surfaces…) à signification structurale très différente. Leur
du pli sur l’extrados et des joints stylolithiques à l’intrados. utilisation en termes cinématiques doit être faite avec précau-
La chronologie d’apparition de ces structures permet de tion.
reconstituer les étapes de la croissance du pli (enroulement/ Miroir de faille : en raison de son aspect lisse souvent lustré,
déroulement à la charnière). voire brillant, on appelle miroir de faille la surface de glis-
Faille : fracture d’origine tectonique présentant un déplace- sement de blocs délimitant une faille. Sur cette surface sont
ment parallèle à la surface des blocs qu’elle sépare. enregistrées des structures planaires ou linéaires (cf. tecto-
Faille aveugle : faille n’atteignant pas la surface, par oppo- glyphe), dont l’analyse permet de reconstituer l’histoire de
sition à une faille émergente. la faille : sens, chronologie des mouvements, nature du glis-
Faille cachetée : faille dont l’activité est scellée par des sement (sismique, asismique)… Toutefois, les événements
dépôts postérieurs. les plus anciens sont plus ou moins oblitérés par les plus
Faille normale, inverse, décrochante : ce sont les trois récents.
types principaux de failles géométriquement illustrés par le Mur : bloc situé au-dessous d’un plan de faille.
modèle d’Anderson (cf. Anderson). Les failles normales ont Mylonite : roche issue de la déformation ductile, à l’état
un pendage fort (60°) et naissent en extension ; les failles solide, de roches localisées à des zones de cisaillement (cf.
inverses, de faible pendage (30°), naissent en compression. cisaillement). Les roches originelles isotropes (granites par
Ces failles ont un glissement à composante verticale. Les exemple) sont alors transformées en roches anisotropes
failles décrochantes accommodent le coulissement horizon- planaires (foliation) et linéaires (linéation). Dans le même
tal des blocs, parfois sur des déplacements cumulés de contexte tectonique, si la déformation est cassante, il se
plusieurs dizaines et même des centaines de kilomètres. forme des cataclasites.

222
Glossaire

Niveau de décollement : niveau de très faible résistance ment bref (séisme S.L.), mais les rejets de grande ampleur
mécanique (lithologies typiques : évaporites ou argiles) (de quelques dizaines de mètres à quelques kilomètres) sont
permettant le glissement des unités sus-jacentes et le décou- le cumul d’un nombre important de glissement le long de la
plage de la déformation entre les unités situées au-dessus et faille.
en dessous. Relais (de faille) : zone de raccord entre deux parties non
Palier : portion de faille parallèle à la stratification de la série continues d’une faille, ou entre deux failles suffisamment
affectée. Le palier peut être de bloc supérieur ou de bloc infé- proches pour s’influencer mécaniquement au cours de la
rieur et se forme généralement à la faveur d’un niveau de déformation. Les relais de failles sont des lieux particuliers
décollement. où la morphologie de surface et les structures tectoniques
Pendage : angle que fait un plan par rapport à un plan hori- sont complexes. La déformation qui s’y exprime n’est pas
zontal. Il caractérise l’inclinaison d’une surface géologique, représentative de l’état de contrainte régional.
et sa valeur donnée en degrés est obtenue avec un clinomètre. Riedel (structures de –) : structures tectoniques spécifiques
À cette valeur est ajoutée l’orientation azimutale de la ligne des zones de cisaillement de la déformation discontinue.
de plus grande pente du plan. L’autre paramètre nécessaire Décrites dans les expériences analogiques réalisées par
à l’orientation de la surface est sa direction définie par Riedel (1929), elles sont classiquement connues par leurs
l’orientation de l’horizontale du plan repérée par rapport au initiales R et R’. Il s’agit de surfaces de cisaillements secon-
nord dont la valeur est donnée par la boussole. daires apparaissant dans les zones de cisaillement, à 15° et
Phase (de déformation) : une phase de déformation est une 75° de celles-ci. Leur orientation et leur cinématique permet-
période durant laquelle un régime tectonique donné va tent de définir le sens du cisaillement général auquel elles
s’appliquer de manière continue. Elle est définie structura- sont génétiquement liées.
lement, chronologiquement et géographiquement. Elle doit Roches de faille : roches issues de la transformation des
être distinguée de la notion de phase tectonique, au cours de matériaux situés au voisinage immédiat des failles lors du
laquelle plusieurs phases de déformation peuvent se succé- mouvement de celles-ci. Selon la vitesse et l’ampleur du
der, se superposer et donne naissance à un orogène. déplacement, les roches sont plus au moins transformées
Plasticité : comportement rhéologique où, après avoir été (cataclasites, pseudotachylites…) jusqu’à ne plus être repré-
soumis à un régime de contrainte, le matériau conserve une sentatives des roches originelles.
part de la déformation maximum enregistrée, sans revenir à Rupture : réponse d’un matériau ne pouvant plus accom-
son état initial. moder la contrainte appliquée par déformation élastique ou
Pli : de dimension centimétrique (microplis) à plurikilomé- plastique. Une ou plusieurs fractures se forment et la défor-
trique, les plis sont des structures tectoniques très connues, mation est alors accommodée par du déplacement entre ces
souvent spectaculaires. Ils sont nés de la déformation conti- plans de fractures. Dans des conditions de pression et de
nue et hétérogène des roches possédant des surfaces planes température suffisamment élevées, le matériau se déforme de
antérieures à la déformation. Ces surfaces dessinant les plis façon ductile et n’atteint jamais la rupture.
peuvent être mécaniquement passives où actives au cours de Schistosité : débit parallèle, serré, des roches ayant subi des
la déformation. Plusieurs mécanismes donnent naissance à contraintes tectoniques intenses. Elle se forme par réorien-
des plis : la flexion, l’aplatissement et le cisaillement hété- tation, par dissolution/cristallisation de minéraux préexis-
rogène en sont les plus connus. tant, par cristallisation orientée de nouveaux minéraux (cf.
Pli cylindrique, pli conique : la forme de la surface d’un pli foliation). Dans tous les cas, la schistosité représente le plan
est géométriquement définie par des lignes droites appelées d’aplatissement (plan XY) de la roche déformée.
génératrices. Si les génératrices sont parallèles, le pli est dit Strie : terme général donné aux tectoglyphes linéaires indi-
cylindrique (propriété géométrique du cylindre) ; si elles sont quant la direction et le sens de déplacement sur la faille. On
convergentes en un point le pli, est dit conique. Dans la réalité distingue les stries de cristallisation, de dissolution (ou stri-
du terrain, la partie médiane d’un pli est proche d’une géomé- lolithe), mécaniques.
trie cylindrique alors que ses extrémités, ou terminaisons, Strie (mécanique) : tectoglyphe linéaire caractéristique des
sont presque coniques. plans de faille et ayant pour origine la friction entre les deux
Pli isopaque, anisopaque : le caractère iso/anisopaque est blocs. La présence de l’élément striateur (petit galet par ex.)
relatif à l’épaisseur des strates plissées. On suppose que la en bout de strie permet de déterminer la cinématique sur le
couche plissée avait initialement une épaisseur constante sur plan de faille.
la partie observée ; si celle-ci est toujours constante après le Strilolithe : strie formée par pression-dissolution orientée
plissement, le pli est dit isopaque. Si elle varie le long du pli, localisée sur un miroir de faille, et accompagnant le mouve-
il est anisopaque. Il existe une relation étroite entre le carac- ment des blocs que la faille sépare. La strilolithe représente
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

tère iso/anisopaque d’un pli et son mode de formation (pli la contrainte tangentielle locale appliquée à la faille.
par flexion, par aplatissement, par cisaillement). Stylolithes : structures de pression-dissolution fréquentes
Pli de propagation : pli ayant pour origine la propagation dans les carbonates et formant des plans irréguliers portant
d’une faille depuis un niveau de décollement vers la surface. des pics millimétriques à centimétriques. L’axe de ces pics
La géométrie du pli est contrôlée par la rampe de bloc infé- est parallèle à la contrainte principale maximum.
rieur ainsi créée. Synforme : en domaine sédimentaire, géométrie présentant
Pli de rampe : pli formé en réponse à la formation d’un des pendages convergents vers le cœur de la structure. On
système de palier/rampe/palier de bloc inférieur en profon- parle de synclinal lorsque la polarité des séries est normale.
deur, impliquant deux niveaux de décollement. Tectoglyphe : structure ayant pour origine le glissement
Rampe : portion de faille oblique par rapport à la stratifica- entre deux blocs le long d’un plan de faille et permettant de
tion de la série affectée. Une rampe de bloc inférieur corres- discuter la cinématique sur ce plan.
pond généralement à un palier de bloc supérieur. Tenseur des contraintes : description matricielle d’un état
Rejet (de faille) : déplacement relatif des blocs rocheux de contrainte. On ramène généralement ce tenseur à une
limités par une faille. Le rejet « vrai » marqué par des stries matrice diagonale dont les trois termes sont les valeurs des
sur le miroir de faille n’est parfois connu que par ses compo- contraintes principales maximum, intermédiaire et mini-
santes verticales ou horizontales, selon l’orientation et la mum.
forme (linéaire ou plane) du repère affecté par le déplacement Toit : bloc situé à l’aplomb d’un plan de faille.
relatif. Le rejet d’une faille active se produit lors d’un événe- Viscosité : résistance à l’écoulement d’un matériau.

223
LÉGENDES DU CAHIER
PHOTOGRAPHIQUE
Planche 1: Plis et plissement

a) Le front sud de la chaîne du Zagros externe, en Iran


Une succession d’anticlinaux forme des reliefs modérément érodés. Les axes de plis de direction E-W,
longs de 10 à plus de 80 kilomètres, sont localement tordus. Les terminaisons périanticlinales sont bien
visibles. Certains anticlinaux dont les axes sont courts sont proches de dômes. Des percements diapi-
riques circulaires, affectent certains plis. Les synclinaux ennoyés sous les dépôts récents sont peu
visibles. (Document MGDS : Marine Geoscience Data System, Lamont-Doherty Earth Observatory,
Columbia University, USA).

b) Plis en chevron
Les calcaires du Crétacé supérieur (Sénonien) sont déformés par des plis à flancs droits et charnières
étroites (= plis en chevron). Leur plan axial est vertical. (Montagne de Bures, Dévoluy, Alpes, France).

c) Anticlinal droit
Les calcaires du Tithonien sont déformés en anticlinal droit (plan axial vertical). Des plis secondaires
apparaissent à l’intérieur de la structure (disharmonie). (Saint-Julien-en-Beauchène, Dévoluy, Alpes,
France).

d) Anticlinal
Anticlinal dans les calcaires et marnes du Crétacé inférieur (ouest de la Montagne de Ceüse, Hautes Alpes,
France). Noter la variation de l’angle du pli le long du plan axial.

e) Plis cylindriques
Succession d’anticlinaux et de synclinaux cylindriques dans les calcaires lités du Jurassique supérieurs
de St May. (Vallée de l’Aygues, Drome, France).

f) Déformations dans un pli


Détail de la figure e montrant des cisaillements potentiels et des fentes en échelons antérieurs au plisse-
ment et des fentes d’extrados syn-plissement.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Planche2: Failles

a) Failles normales conjuguées


Des pélites brunes et des calcaires lacustres blancs sont recoupés par deux failles normales conjuguées.
Le rejet faible (10-15 cm) forme un petit horst. Le sol (brun) non affecté cachète les failles. (Région
d’Isparta, Turquie).

b) Faille normale active


Faille normale dans les sables et conglomérats continentaux quaternaires du bassin de Burdur (Pisidie,
Turquie méridionale). La faille a joué lors du séisme du 12 mai 1971, Magnitude 6.3.

c) Miroir de faille normale


Le miroir de faille recoupe des calcaires crétacés de la région de Kortikuli (Bey Daglari, Turquie méri-
dionale). Il a été dégagé par l’exploitation des éboulis du versant (encore visibles à gauche).

224
Légendes du cahier photographique

d) Faille normale
Faille normale dans les calcaires lités du Lias des Causses (St.-Affrique, Aveyron, France). Faille à rejet
vertical de 60 cm et pendage de 65°.

e) Faille décrochante
Miroir de faille décrochante recoupant des calcaires en gros bancs. De grosses cannelures horizontales
sont bien visibles sur ce miroir ; le jeu est senestre. (Faille des Cévennes, Pégairolle de Buèges,
Hérault, France).

f) Faille inverse
Faille inverse dans des marnes. Rejet inverse d’un mètre environ. (Oxfordien, massif d’Aujour, Veynes,
Hautes Alpes, France).

Planche3: Failles décrochantes actives

a) Faille normale active


De grandes failles décrochantes sénestres majeures séparent le Tibet du désert du Tarim (faille de
l’Alting Tagh -AT-) ou recoupent le Tibet (faille de Kunlun -K-). (Provinces du Xinjiang, du Tibet et de
Qinhai, Chine). (Document MGDS).

b) Relief positif sur une faille décrochante


Chainon localisé sur la courbure en compression de la faille de l’Alting Tagh (localisation sur la
figure a, image Landsat, extrait).

c) Faille décrochante active


Torsion du réseau hydrographique le long d’un accident satellite de la faille de l’Altyn Tagh (localisa-
tion en a). L’ampleur du déplacement horizontal est environ de 10 mètres. (Image Google Earth).

d) Décrochements dextres et sénestres conjugués


Les séries sédimentaires détritiques du Balouchistan (Makran central, Afganistan sud), sont découpées
par un système de décrochements dextres (dominants) et sénestres, contemporains. (Image Google
Earth).

e) Faille décrochante active de Kunlun


Rupture de surface produite lors du séisme de Kokoxili (14/11/2001, Mw 7.9, rupture sur 250-
270 km) : les fentes et les rides indiquent un jeu senestre ; le déplacement horizontal est de 10 mètres
environ. (Image Google Earth).

Planche4: Grands systèmes tectoniques extensifs


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

a) Le rift est-africain
Vue de la partie centrale du rift est-africain, à la jonction du segment nord-Kenya (au nord) et du
segment des grands lacs (au sud-ouest). (Document MGDS).

b) Le fossé nord-Kenya (détail)


Une dépression centrale (vert clair), est bordée de failles NS, qui découpent des gradins parallèles. Sur
les bords s’étendent les épaulements surélevés (brun). Quelques cônes volcaniques accidentent le fossé
et les épaulements. (Document MGDS).

c) La dépression des Afars


À l’extrémité ouest de la dorsale du golfe d’Aden, s’ouvre la dépression des Afars. Elle est encadrée à
l’ouest par le plateau éthiopien et au sud par celui de Somalie. Des failles normales très importantes
séparent les plateaux de la dépression. (Document MGDS).

225
Légendes du cahier photographique

d) Failles normales dans les Afars


Des failles normales NNE-SSW et E-W produisent des horsts et grabens aux formes très nettes (tecto-
nique active). Des volcans et de larges coulées occupent la région (localisation en c). (Document
MGDS).

e et f) La province extensive du «Basins and Ranges»


Elle s’étend à l’ouest des Montagnes Rocheuses nord-américaines. Sur plus de 800 km EW et 1 000 km
NS elle est formée de nombreux 1/2 horsts et grabens parallèles NS. Ce système original en blocs
basculés a son origine probable dans le réchauffement et l’étirement de la croûte continentale sous
l’effet de la subduction de la dorsale pacifique sous la plaque nord-américaine. (Document MGDS).

Planche 5: Structures tectoniques cassantes

a) Système de fentes en échelon


Système de fentes en échelon affectant des calcaires noirs du Trias (province de Anhui, Chine). Les
fentes (blanches) sont remplies de calcite. La vue étant une coupe verticale elles indiquent une tecto-
nique en extension ; l’ensemble a été basculé vers la gauche de 30°, postérieurement à l’extension.

b) Failles décrochantes et structures cassantes associées


Sur cette photo on peut voir deux petites failles décrochantes sénestres ; celle du bas montre en son
milieu un domino géodique de calcite et des ½ fentes alternées à ses extrémités. Le déplacement est
sénestre, de 2-3 cm. (Calcaire, Les Matelles, Hérault, France).

c) Stylolites tectoniques
Deux générations de stylolites tectoniques affectent les calcaires : les premiers formés sont horizontaux
et à pics verticaux ; ils sont nés en extension ; les seconds verticaux, à pics horizontaux se sont formés
en compression. (Calcaires, Navacelles, Hérault, France).

d) Miroir de faille
Sur la surface de faille lustrée par la friction on peut voir des stries et de cannelures parallèles. (Le Mas
d’Alary, Permien de Lodève, Hérault, France).

e) Brèche tectonique
Brèche formée par fracturation et arrachement lors du jeu décrochant (sénestre) sur une faille verticale
(vue parallèle au plan de faille), recoupant des bancs calcaires inclinés vers la droite. (Puèchabon,
Hérault, France).

f) Miroir de faille à stries de recristallisation


Des stries de recristallisation de calcite (blanches) recouvrent le miroir de faille dans les calcaires
marneux gris. Jeu inverse. (Snake, River, Wyoming, USA).

Planche 6: Structures de glissement (tectoglyphes)

a) Tectoglyphes de cristallisation et de dissolution


L’association de tectoglyphes de cristallisation (calcite beige clair) et de dissolution (traces linéaires
gris foncé) est cogénétique. La vue est dans un plan vertical et le jeu est dextre. (Calcaire, Navacelles,
Hérault, France).

b) Gradin de cristallisation
Dans cette lame mince d’un gradin de cristallisation la calcite cristallisée (gris clair « sale ») fibreuse et
encombrée d’impuretés a cristallisé pendant le mouvement sur la faille. La roche encaissante (gris
foncé) est microfracturée dans la contre-marche de la structure. (Calcaire micritique, Navacelles,
Hérault, France).

226
Légendes du cahier photographique

c) Escalier et strie de cristallisation


C’est sur un gabbro faillé que se sont formées les cristallisations de calcite (plaquage clair) visibles sur
cette image. (Ophiolites du Chenaillet, Queyras, Alpes, France).

d) Tectoglyphes de cristallisation et mécanique


Sur ce miroir de faille sont génétiquement associées des tectoglyphes de cristallisation (calcite, blanc
jaunâtre) et mécaniques (blanc en haut à gauche) : le jeu est senestre. (Grés glauconieux, Aptien, Diois,
Alpes, France).

e) Escaliers de cristallisation en serpentine


La surface de faille de cette péridotite serpentinisée montre deux générations de tectoglyphes de cristal-
lisation : la première (vert bleuté, chrysotile) est recouverte obliquement par la seconde (vert pale,
chrysotile plus hydraté). (Ophiolites du Vourinos, Grèce).

f) Stries mécaniques en relief


Les traces linéaires en relief sur le miroir de faille, appelées « traînées », sont issues de l’abrasion diffé-
rentielle à l’arrière d’un élément résistant de la roche. Le jeu est senestre. (Brèche tectonique calcaro-
dolomitique, Akarnanie, Grèce).

g) Miroir de faille à tectoglyphes mécaniques


Sur le miroir de la brèche à matrice limoneuse d’une faille importante se sont formées de fines et
longues stries mécaniques gravées sur la surface polie. (Puechabon, Hérault, France).

h) Tectoglyphes sur galet


Galet strié de la Molasse Rouge (Oligocène) (Montmaur, Veynes, Hautes Alpes, France). Des cupules
de pression, d’origine également tectonique, ornent la partie haute gauche du galet.

Planche 7: Structures tectoniques diverses

a) Schistosité de crénulation
La stratification soulignée par l’alternance lithologique forte (couleurs contrastées), fortement inclinée
à droite est recoupée et déformée par une schistosité de crénulation moyennement espacée, faiblement
inclinée vers la gauche. (Paléozoïque, Mont Louis, Pyrénées orientales, France).

b) Schistosité par aplatissement et dissolution


La schistosité verticale s’est développée au cœur d’un anticlinal, parallèlement au plan axial du pli,
lequel est souligné par un niveau calcaire gris foncé. (Éocène continental, Pyrénées catalanes,
Espagne).

c) Schistosité de fracture
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Sur le flanc d’un anticlinal dans des calcaires marneux (Jurassique sup. Dévoluy, Alpes) s’est formée
une schistosité de fracture, dont l’orientation et l’espacement changent selon la lithologie.

d) Brèche de faille
Une brèche de faille incohèrente borde une faille verticale. (Calcaires marneux du jurassique moyen,
Causse du Larzac, Aveyron, France).

e) Gouge de faille
Une gouge (matériel écrasé incohérent), de couleur gris bleuté jalonne une faille normale dans des
calcaires lacustres. (Oligocène, Limagne de Clermont Ferrand, France).

f) Brèche tectonique
Couloir de brèche dans des calcaires cristallins. (Jurassique, Pyrénées Orientales, France).

227
Légendes du cahier photographique

Planche8: Mylonites
Sur la faille ductile de la Marche, accident tectonique décrochant hercynien majeur en bordure nord du
Massif central français, se développe une série de mylonites formées au dépend de roches granitiques
mises en place vers 330-305 Ma.
En moins de 2 mètres le granite, très peu affecté (protomylonite naissante planche 8a) est transformé
en une ultramylonite évoluée (planche 8g).

La déformation se fait par :


• apparition de cisaillement (C), parallèles à la faille ;
• développement d’une foliation (S), oblique à la faille ;
• apparition locale de cisaillements secondaires (C’), obliques à la faille ;
• diminution de la taille des cristaux ;
• le quartz se déforme très tôt de manière ductile et souligne la foliation (S) (planche 8c), puis forme
des rubans parallèles à la faille ductile (planche 8f) ;
• le feldspath, mécaniquement plus résistant, subsiste plus longtemps en s’arrondissant (granulation,
planche 8e) ; autour de certains d’entre eux (planche 8g) s’observent de figures dites périclastiques,
de type V ou G, nées du mouvement différentiel rotationnel lors de la déformation cisaillante ;
• des plis anisopaques, asymétriques et souvent en fourreau, se forment dans la partie la plus intensé-
ment déformée (planche 8e et 9) ;
• le sens général du déplacement sur la faille déduit de toutes les informations structurales ci-dessus
est sénestre.

228
BIBLIOGRAPHIE

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Pour en savoir plus : précis et articles


Les références des manuels généraux et celles figurant dans les légendes des figures de cet
ouvrage ne sont pas rappelées ci-dessous.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES SPÉCIFIQUES


AUX DIFFÉRENTS CHAPITRES

Chapitre 1 : Présentation
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Chapitre 2 : Notions élémentaires de contrainte et de déformation


JAEGER J.C., 1969 – « Elasticity, Fracture and Flow, with Engineering and Geological
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Chapitre 3 : Étude phénoménologique de la réponse des roches à la contrainte


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Chapitre 4 : La déformation cassante des milieux rocheux continus


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236
INDEX

Aciculaire (minéral) 132 Axes géométriques (A, B, C) plan de 11, 33, 39, 64, 114,
Agrégat polycristallin 121, 151, 152, 163 137, 140, 163
125, 127 Axial (plan, surface) 149 simple 15, 20, 46, 56, 89,
Allochtone 183 100, 101, 125, 140, 146,
Allongement 2, 16, 34, 90, Basculement (de blocs) 86, 152, 160, 162-164
96, 137, 156 100, 102, 114, 116, 196 (sens de) 137, 138, 163
(mesure de l’) 90 Basin and Range (bassin de (zone de) 47, 55, 56, 65,
Amincissement type) 86, 96, 98, 99, 104, 89, 142, 146, 147
crustal 89, 98 112 pur 15, 16
lithosphérique 89, 194 Boucle de dislocation 120 Clastes 132, 134, 138, 140
Amollissement du matériau 26 Bouclier 93 Cleavage 130
Amonton (loi d’) 39 Boudinage 137 Clivage 121, 130, 133
Amplification (facteur d’) Brèche sédimentaire 86 Coble (fluage de) 123
154 Buckling 153 Cohésion 36, 39, 41, 42, 61,
Analogique (simulation) 3 Burgers (vecteur de) 120 62, 95
Anderson (modèle) 49, 54, Coin extrusif 186
68, 98 Cannelures 67 Collage-glissement (faille
Anélasticité 28 Carey-Brunier (méthode de) par) 99
Angle d’ouverture d’un pli 68 Collision 1, 106, 148, 191,
150 Cassante (déformation) 2, 27, 192, 197
Anticlinal 162, 170 30, 31, 33, 48, 59, 82, 149 Compression 1, 13
Antiforme 149 Cataclasite 66, 83,148 Confinement (pression de)
Antithétique (faille) 47, 56, Cataclastique (déformation) 24-26, 28, 30, 36, 117
85, 94, 101 118 Conique (pli) 151
Aplatissement 103, 125, 128, Chaîne alpine 189 Conjugué (faille, cisaille-
140, 153, 166, 167 Charge 19, 37 ment) 37, 45, 49, 110, 117
Asismique 67, 99 Charnières de pli 134, 159, Constriction 128
Asthénosphère 89, 90, 92, 160, 161 Continue (déformation) 2,
194 Charriage 182, 183 19, 30, 159
Atome interstitiel 118 Chemin P-T 198, 200 Contrainte cisaillante 33, 65
Autochtone 183 Chevauchement 168, 173, (champ de) 11
Autodiffusion 119 175, 178 déviatorique 12, 65, 68
Avant-pays 110, 170, 171, aveugle 186 différentielle 9, 24, 28, 31,
183, 190 émergent 186 43, 52, 53, 123, 125
Axes cinématiques (a, b, c) Cinématique 1, 65, 68, 71, (ellipsoïde des) 65
135, 163, 164 72, 73, 98 (état de) 5, 9, 10-12, 49,
Axes de déformation Cisaillement 51, 52, 54, 64, 68, 70, 91,
(X, Y, Z) 128, 135, 137 (angle de) 62 94, 95, 98
Axes de pli 57, 104, 108, 195 augulaire 15 plane 9

237
Index

principale 8, 9, 41, 70 élastique 19 Dissolution 50, 66, 67, 123,


tangentielle 8, 41, 68, 99 (Ellipse, ellipsoïde de) 15, 124, 133
tectonique 51, 52 17, 117, 128, 129 Distorsion 13, 14, 17
Contrainte (rapport de forme) finie 17, 117 Dôme 149, 202
65, 68, 70 (gradient de) 14, 139, 140, Dôme métamorphique 202
(tenseur des) 10, 21, 68 142 Domino 100, 101
Corrosion sous contrainte 30 homogène/hétérogène 14, Ductile
Coulissante (faille) 103, 104, 102, 137, 138 déformation 117, 118
106, 148 incrémental 121, 158 faille 95, 99, 142
Coulissement 1, 2, 107 infinitésimale 17 Ductile-cassant 25, 26, 30,
Coulomb-Navier (critère de) interne 14 36, 95, 117, 137, 141
39, 42, 95 (mesure du) 90, 102 Duplex 186
Coupes équilibrées 168, 173 plane 15, 128 Durcissement 20, 121, 122
Courbure (centre de) 156, (plans principaux de la) 17 Dynamique 1, 5
157, 159, 162 plastique 20
Couverture décollée 112, 182 principales longitudinales Écailles 112, 171, 172, 186,
Creep-slip fault 99 17 190, 195
Creux (ligne de) 149 rotationnelle/non rotation- Échelon 47, 51, 55, 56, 78,
Cristallisation 35, 64, 66, 67, nelle 17, 45, 47, 49, 55, 106, 110, 162
125, 127, 132, 134 110 Écoulement 20, 22, 23, 27,
Crochons de failles 56 (Tenseur de) 18, 21 91, 118, 138
Croûte cassante 54, 102 (vecteur-) 13 Edge dislocation 120
Culmination 171 finie (marqueurs Effort tranchant 155
Cylindrique (pli) 152 de la d.finie) 127 Élasticité 27, 40
Dépôt-centre 89 Élasto-plastique 30, 31
Décollement 91, 168-170, Détachement (faille de) 98, Ellipsoïde
172, 174-176 103 de contrainte 11, 12, 17
(faille de) 98 Déviateur des contraintes 12, de déformation 15-17, 37,
(niveau de) 103, 169, 171, 65 117, 128
172, 174, 175, 176 Diaclase 33, 35 Élongation quadratique 15
Décrochement 59, 72-74, Diapir 91, 92, 207, 208 Énergie
103, 145, 147 crustal 188, 193, 197-199, d’activation 119
Défaut cristallin 118 202 déformation 126
(plan de) 95 Dièdre (méthode du) de surface 126
Déformation 14, 15, 19 aigu 37, 70 Épaississement crustal 147
angulaire 17 droit 71 Épaulement (rift) 88
(champ de) 14 Diffusion 117-119, 121-123, Équante (texture) 126, 146
cisaillante 15, 18, 20, 21, 127 Équations aux dimensions 44
55, 56, 135, 139, 140, 141 Dilatance 25, 26 Équilibrage des coupes 177
Coaxiale/non coaxiale 17, Discontinue (déformation) 2, Escarpement de faille 74
119, 135 19, 30 Étirement 15, 90, 92, 95, 96,
déplacement 1, 14 Dislocation 119, 126 100, 132, 146, 164, 176,
(directions principales de) (boucle de) 120 203
16 (glissement de) 118, 119, Évaporite (niveau à) 43, 98,
ductile 2, 17, 30, 31, 36, 121, 135 181, 208
37, 45, 53, 56, 99, 102, (montée de) 122 Exhumation 199
117, 127, 132, 137, 141, Dislocation creep 122 syn-orogénique 201
144 Dislocation glide 121 post-orogénique 201

238
Index

Expansion océanique 96, Flexures-faille 91 (glissement) 92


106, 116 Flinn (diagramme de) 128 Griffith (critère de) 40, 42, 94
Extension 1, 14, 62, 85, 86, Flower structure 109
92, 96-99, 101, 147, 177, Fluage 20, 22, 23, 26, 28, 29, Hélicitique (grenat) 138
198, 202, 203, 205 31, 54, 99, 123, 204 Hercynien 91, 103, 112, 144,
Extrados 156, 159-161, 175 diffusion 123 145, 147, 169, 172, 182,
stationnaire 22, 28, 122 189
Fabrique de forme 137, 138, Fluide 24, 26, 30, 31, 36, 40, Hétérogène (matériau) 30, 62
142 42, 43, 64, 80, 82, 98, 99, Homogène (matériau) 30, 44,
Faiblesse (plan de) 60-64 117, 123, 127, 133, 169, 79
Faille 1, 2, 32-35, 44, 48 172, 205 Hookéen (corps) 20, 21, 22
active 59, 105 Flysch 171 Horst 85, 86, 94, 97, 110, 116
conjuguée 49, 71 Foliation 127, 130, 138, 142, Hydrostatique 49, 54
décrochante 3, 34, 57, 70, 143 Hydrostatique
72, 73, 79, 80, 97, 103, Force de cisaillement 155, (contrainte) 12, 49, 51, 54,
104, 106-110, 112, 144, 156 126
145, 148, 181 normale 6, 39, 42, 60, 157 (équilibre) 6
inverse 3, 34, 56, 112-114 de surface 5, 6, 154 (pression) 19, 21, 24-26,
normale 3, 34, 57, 75, 76, tangentielle 39, 158 30, 31, 42, 43, 52, 94, 119
78, 80, 88, 99, 104, 112- de volume 5
114, 177 Fossé tectonique 85 Impureté 118
oblique 74 Fracturation 25 Inclusions 138
population de 68, 71, 73 assistée 42, 43 Inflexion (ligne d’) 160
(Roches de) 82 hydraulique 43, 95, 96 Instabilité 26, 153, 206, 207
sismique 104, 108, 110 Fragile 30, 31 Intrados 156, 159, 160, 161,
(terminaison de) 76 Frange de pression 134, 138 175
transformante 1, 2, 103, Friction interne 39, 42, 61, 63 Inverse (faille) : voir faille 68
104, 106-108, 148 (angle de) 39, 42, 61, 63 Inversion tectonique 112-116
type de 101, 104 (coefficient de) 39, 42 Isoclinal (pli) 150
Fenêtre 186 Isogone 152
Fentes 33, 35-37, 43, 45-48, Géothermique (gradient) 26, Isotrope (matériau) 37
50, 51, 55, 56, 67, 81, 90, 31, 95, 96
94, 95, 123, 161, 162 Gjas 94, 96 Joint 30
Fibres minérales 35, 66 Glissement 60, 63 de cisaillement 33, 43, 45-
Fissilité 130, 134 banc sur banc 162, 163 48, 56, 141
Flambage 153, 174, 176 (critère de) 61 stylolithique 36, 50, 51,
Flanc 92, 133, 134, 144, 149, gravitaire 92 123, 133
152, 154, 160, 162, 167, (plan de) 9, 62, 119, 135 de grain 123, 125, 126
170, 171, 175, 176, 178, 180 (système de) 119, 121,
Flat 183 125 Klippe 186, 190
Flattened fold 166 (vecteur) 33, 34, 49, 59,
Flexion 13, 133, 135, 136, 65, 68, 163 Lacune atomique 118
152-154, 155 Gouge 66, 82, 99, 148 Lenticulation 56, 137, 140
pure 155-157, 160 Graben 85-92, 94, 97, 103, Lentille tectonique 76, 103,
simple 155, 157, 158, 160 112, 114-116 106
Flexure 110, 114 Gravitaire Ligne de crête 149
Flexural flow fold 160 (effondrement, extension) Linéation 127, 132, 137, 146,
slip fold 160 98 164, 165

239
Index

d’allongement, d’étirement Nabarro-Herring (fluage) (modèle de) 173


132, 137, 146, 163, 164 123, 124 à déformation de char-
de micropli 132 Nappes 183 nière 160, 161
de boudinage 132, 137 de socle 191 à déformation de flanc
de crénulation 133, 137 pennique 189 159, 160, 162
d’intersection 132, 137 Néoblastes 126, 135 anisopaque 164, 166
minérale 132, 137 Néotectonique 3 conique 151
Listrique (faille) 88, 89, 98, Neutre (surface, ligne, axe) cylindrique 151
99, 101, 102 156-158, 160 d’écoulement 91
Lithosphère 89, 90, 92, 98, Newtonien/non newtonien de cintrage 176
99, 102, 194, 196, 203 22, 23, 28, 123, 153, 204, de décollement 174
Lithostatique 205 de propagation 175
(contrainte, pression) 6, disharmonique 154
24, 51, 54 Océanique (extension) 93 en fourreaux 164, 165
Lüders (bandes de ) 117 Océanisation 94, 96 isopaque 153
Olistolithe 86 par aplatissement 166
Macle 119 Ombre de pression 132, 134, par cisaillement 152
Manteau anormal 89, 94 137, 140 par écoulement flexural
Marge continentale 115 Onde (longueur d’) 30, 150 160
Ophiolite 189 par glissement flexural
Maxwell (unité de) 54
Orientation préférentielle 160
Metamorphic core
125, 134, 135 parasite 150, 162
complexes 184, 197, 202
Ouverture d’un pli 150 polyharmonique 150
Métamorphisme 127, 135,
Overthrust 182-184, 186 semblable 152, 162, 166
198-200
synschisteux 163
prograde 198
Palier 171 Pliage 121
rétrograde 199
Parois de dislocations 119, Plongement axial 151
schistes bleus 197
122 Poinçon 199
Méthode du dièdre aigu 70 Pendage 34 Poisson (coefficient de) 21
droits 71-73 Pénétrative (déformation) 130 Polygonisation 122, 125
Microfracturation 25, 132 Percolation (seuil de) 26, 43 Porphyroclaste 138, 140, 144
Microlithons 130, 132 Phase Poutre 154
microplis 130, 140 de déformation 132 en appui libre 154, 156,
Miroir de faille 67, 68 minérale 124, 127 159
Modèle Pitch 60, 65 encastrée 158, 160
analogiques (réduits) 159, Plan Pression
160, 187 axial 133, 149 de fluides 30, 42, 98
numérique 68, 70, 187, 188 cristallographique 119 anisotrope/isotrope 7
Mohr (cercle, enveloppe) 41- de cisaillement maximum dissolution 36, 54, 56, 66,
43 114 67, 104, 105
Molasse 199 principal 8, 10 effective 42, 95, 99
Moment Plaque lithosphérique 1 hydrostatique 19, 21, 24,
de flexion, fléchissant Plastique 20, 23, 26 26, 30, 42, 52, 94, 119
155-157 Plastico-visqueux 23, 29 lithostatique 24, 30, 42,
d’inertie 157 Plateau (haut) 98 51, 94
Monoclinal 171 Pli 149 de confinement 24, 25, 28,
Montée des dislocations 122 (classification de) 151, 30
Mylonite 22, 66, 142-144, 148 152 Pressure ridge 105

240
Index

Pressure shadow 132 Rolling structure 140 Striction 128, 132


Prisme orogénique 186 Roll-over 101 Strie 33, 56, 59, 60, 67, 68,
Protomylonites 146 Rotation interne/externe 46, 70, 81
Pseudotachylite 66, 83 47, 49, 110 Strike-slip fault 107
Push-up 109 Rupture 20, 25, 26, 28, 30, Structure en fleur 109, 111
33, 36-38, 41-45, 48, 49, Subduction 1, 6, 107, 197,
Queues-de-cheval (horse tail) 59, 60-64, 71, 72 198, 200-204
78 (critère de) 41, 42 continentale 200
de porphyroclastes 138 Subsidence 88, 92, 94, 109,
Sag ponds 109 116, 206
Raccourcissement 1, 14-16, Saint venant (corps de) 22 Surface
19, 25, 34, 36, 67, 74, 85, Schistosité 127, 128, 130, axiale 149
104, 107, 109, 111, 119, 131, 133-138, 149, 163, de chevauchement 183
137, 147, 154, 155, 157, 166, 167 Symétrie des plis 151
159, 160, 167, 175, 178 ardoisière 130 Synclinal 162, 185
(mesure du) 182 continue 130 Synforme 149
Rainure 67 de crénulation 130, 132- Synschisteux 135, 163
Ramp 183 134 Synthétique (faille) 56
Rampe 168, 175-176, 180, de flux 130, 134, 135, 163
183, 185 de fracture 130, 133 Tectoglyphe 65, 66, 69
Rayure 67 de plan axial 151 Tectonique 1
Recovery 122 disjointe 130, 132, 133 Tectonique salifière 204
Recristallisation 124-126, plan (de) 128, 132, 133, Tectonites 127
127, 134, 135 135, 137, 138, 146 Tégument 182
Recuit 126 Schistosity 130 Tenseur
Régime tectonique 50, 52, Segmentation 75 des contraintes 10-12, 18,
53, 57, 73, 85, 92, 110, Séquence conforme/ 21, 24, 65
113 contrainte 186 de déformation 18, 21
Rejet de faille 73, 74, 79, 85, Shear plane 163 Tension 1, 13, 33, 36
105 Sheath fold 164 Thrust 173, 182, 187
Relais de failles 76, 79, 81 Similitude (conditions de) 44 Traction 1, 13
Relaxation (temps de) 54 Simulation Transcurrent fault 107
Réseau cristallin 118, 119, analogique 3, 44 Transfert de matière 117
121, 125, 135 numérique 125, 126 Transform fault 107
Résistance du matériau 42, Sismique réflexion 88, 112, Translation 13, 152
45 188 Transport (direction de) 164
Restauration 177 Sismique réfraction 89, 94 Transposition 134
Rétro-chevauchement 148, Sismotectonique 2 Transpressif 109
178, 186, 187 Socle 96, 97, 110, 112, 116, Trapp 93
Rhéologie 19, 21, 168, 191, 171, 181-183, 189-191,
192, 205 195, 196 Ultramylonite 146
Ride de compression 105 Sous-grain 122, 125, 126 Uniformitarisme 2
Ride médio-océaniques 1, 93, Stéréodiagramme 71, 160, Uplift 110-112, 115, 183
94, 96 164, 167
Riedel (joint de cisaillement) Stick-slip faults 99 Vallée (axiale) 94
47 Strain-slip cleavage 130 Vecteur
Rift 1, 85-88, 92-96, 104- Stratégie mécanique 168 -contrainte 7
106, 115 Striation 67, 68 de burgers 120

241
Index

-déplacement 13 Visqueuse (déformation) 26 Zagros 192


-force 7 Voigt (unité de) 28 Zones
-glissement 33, 34, 49, 59, Von Mises (critère de) 121
externe 79, 81
65, 67, 68, 74, 100, 163 Vortex 151
Viscoélasticité 28 interne 81, 93, 112
Viscosité 22 Young (module de) 20 triangulaires 138, 171

242
a

Plis du Zagros externe (sud Iran).

Plis en chevron (calcaire, Alpes, France).

I
Anticlinal de Saint-Julien-en-Beauchêne

Plis cylindriques (calcaires, Alpes).


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Anticlinal Détail de (d).


(calcaires et marnes, Alpes, France).

Planche 1 – Plis et plissements


(légendes détaillées en page 224)
Failles normales conjuguées
(Isparta, Turquie). Faille normale sismique
(Burdur, Turquie).

II
Miroir de faille normale
(Korkuteli, Turquie).

Faille normale (Causses, France).

Faille décrochante Faille inverse


(calcaires, Languedoc, France). (Marnes de l’Oxfordien, Alpes, France).

Planche 2 – Failles
(légendes détaillées en page 224)
Système de failles
décrochantes de
l’Altyn Tagh (AT),
et de Kunlun (K),
(Chine).

III

Chaînon en compression (en « push-up »


sur la faille de l’Altyn Tagh (jeu sénestre).
Distorsion du réseau hydrographique
(jeu récent sénestre).

e
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Failles décrochantes dextres et sénestres


associées (Balouchistan, Iran). Faille sismique de Kunlun (jeu sénestre).

Planche 3 – Failles décrochantes actives


(légendes détaillées en page 225)
Rift est-africain - partie centrale.
Vue générale (a) et fossé nord Kenya (b).

Dépression des Afars.


Vue générale (c) et détail dans la
dépression (d).
IV

Province du Bassin et Ranges (USA).


Vue générale (e) et détail (f).

Planche 4 – Grands systèmes tectoniques extensifs


(légendes détaillées en page 225)
Demi-fente, domino et faille
(calcaire, Languedoc, France).

Fentes en échelon conjuguées


(calcaire du Trias, Anhui, Chine).

Stylolithes orthogonaux, horizontaux et


verticaux (calcaire, France).

Miroir de faille à stries mécaniques


(grés permiens, Languedoc, France).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Brèche tectonique sur miroir de faille


(calcaire, Languedoc, France).

Miroir de faille à stries de cristallisation


(calcaire, Wyoming, USA).
Planche 5 – Structures tectoniques cassantes
(légendes détaillées en page 226)
Stries de cristallisation et stylolithique
(calcaire, France). Escalier de cristallisation
(calcaire et calcite, lame mince).

Stries de cristallisation
(gabbros, Alpes, France). Stries mécaniques et de cristallisation
(grés calcaire, Alpes, France).

VI

Stries de cristallisation
(serpentinites Vourinos, Grèce). Stries mécaniques
Deux générations. (calcaire et dolomie, Grèce).

Stries mécaniques sur brèche de faille Galet strié et impressioné


(Languedoc, France). (Oligocène, Alpes, France).
Planche 6 – Structures de glissement (tectoglyphes)
(légendes détaillées en page 226)
Schistosité de crénulation
(Paléozoïque, Pyrénées, France).
Schistosité plan axial de pli
(Éocène, Pyrénées, Espagne).

VII

Schistosité espacée et réfractée (calcaires


marneux, Jurassique, Alpes, France).

Brèche de faille (calcaires et marnes,


Jurassique, Causses, France).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Gouge dans une faille (calcaire, Oligocène Brèche tectonique


Limagne Massif central, France). (calcaire, Pyrénées, France).

Planche 7 – Structures tectoniques diverses


(légendes détaillées en page 227)
c
c
c s
c'
c
a
c e
c
1 mm
r

s s
c s
b
VIII c c
f
s
g
cf
c pc
(type ?)

s Faille ductile de la Marche


(nord du Massif central, France).
c'
d
Planche 8 – Mylonites
(légendes détaillées en page 228)

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