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ÉTUDE AFFAIRES

CONTRATS ET OBLIGATIONS

La loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 met un point final au processus de réforme


du droit des obligations en ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016. Elle com-
porte des règles interprétatives. Ces règles, et les débats préparatoires, de-
vraient orienter la pratique des rédacteurs d’actes. Il existe également quelques
modifications substantielles à l’égard desquelles les notaires doivent se montrer
vigilants. Les praticiens devront surtout combiner trois droits : le droit ancien
applicable aux actes accomplis avant le 1er octobre 2016, le droit intermédiaire
applicable aux actes accomplis entre le 1er octobre 2016 et le 1er octobre 2018 et
le droit nouveau applicable aux actes accomplis après le 1er octobre 2018.
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Réforme du droit
des obligations : une
ratification minimaliste
de l’ordonnance du
10 février 2016

T
Mustapha Mekki, agrégé des facultés de
droit, professeur à l’université Paris 13 - Sor-
Étude rédigée par Mustapha Mekki bonne Paris Cité, co-directeur de l’IRDA

1 - Tout ça pour ça… - La loi de ratification en date


du 20 avril 2018 a été publiée au Journal officiel du
21 avril 20181 et met fin au processus de réforme du
droit des obligations. Même si les sénateurs avaient dès
le départ entrepris de réformer en profondeur l’ordon-
nance du 10 février 2016, en colorant celle-ci d’une
touche plus libérale, la résistance de l’Assemblée natio-
nale et du Gouvernement a permis de conserver l’équi-
libre fragile entre efficacité économique et protection
des parties faibles. La loi de ratification n’opère pas une
réforme de la réforme mais apporte tout de même des
modifications non négligeables. Certaines d’entre elles

1 Sur les étapes antérieures, V. JCP N 2017, n° 43-44, act. 904.

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sont de l’ordre des simples précisions et corrections, alors que relatives aux actions interrogatoires et l’hypothèse des instances
d’autres, moins nombreuses, entreprennent une révision subs- en cours. Les parlementaires, très critiques sur l’application
tantielle de l’ordonnance. À ces modifications, il faut ajouter anticipée que les juges ont pu faire des textes de l’ordonnance,
des explications de texte. En effet, lors des débats entre séna- ont souhaité ajouter à l’article 9 l’interdiction de faire appel à la
teurs, députés et représentants du Gouvernement, le sens, la théorie de l’ordre public « impérieux » ou à celle de l’effet légal
valeur et la portée de plusieurs dispositions de l’ordonnance du du contrat, théories par lesquelles le juge peut déroger au prin-
10 février 2016, restées inchangées, ont été tout de même clari- cipe de survie de la loi ancienne et appliquer immédiatement
fiées. La consultation des rapports de la Commission des lois aux contrats en cours certaines dispositions de la loi nouvelle.
du Sénat et de celle de l’Assemblée nationale est instructive. Ces
« interprétations » de textes non modifiés ne relèvent certes pas REMARQUE
de la ratio legis, mais constituent une opinion parmi d’autres
qui devrait guider les praticiens en général et la pratique nota- ➜ On peut cependant être dubitatif sur l’efficacité
d’une telle restriction car, en effet, la Cour de cassation, qui
riale en particulier.
a « anticipé » sur l’entrée en vigueur de l’ordonnance, ne
l’a pas fait à l’aide de ces théories mais a usé d’un autre
2 - Un obstacle majeur va au préalable devoir être surmonté : le moyen : l’interprétation du droit ancien à la lumière du droit
droit transitoire. Il existe désormais potentiellement trois droits nouveau issu de l’ordonnance. Cette adjonction à l’article 9
applicables : de l’ordonnance est ainsi d’une efficacité limitée.
- l’ancien droit des contrats, applicable aux contrats conclus
avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance soit le 1er octobre
2016, sauf exceptions ; 6 - Distinction entre règles interprétatives et règles « rectifi-
- le droit intermédiaire applicable aux contrats conclus entre catives ». - L’article 15 de la loi de ratification opère, en outre,
le 1er octobre 2016 et la date d’entrée en vigueur de la loi de une distinction entre les règles interprétatives, qui entrent en
ratification fixée au 1er octobre 2018, auquel il faut ajouter les vigueur à la même date que les textes de l’ordonnance interpré-
règles interprétatives de la loi de ratification qui entrent en tés, soit le 1er octobre 2016, et les modifications substantielles
vigueur à la même date que les règles interprétées ; qui n’entrent en vigueur qu’au 1er octobre 2018. Opèrent une
- le droit nouveau issu de la loi de ratification applicable, pour modification substantielle les articles suivants : « 1110, 1117,
ce qui concerne les modifications substantielles, aux contrats 1137, 1145, 1161, 1171, 1195, 1223, 1327 et 1343-3 du code
conclus après le 1er octobre 2018. civil et les articles L. 112-5-1 et L. 211-40-1 du code monétaire
À cet ensemble, il convient d’ajouter la créativité des juges qui et financier ». L’article 15 ajoute que « par dérogation aux deux
peuvent interpréter le droit ancien à la lumière du droit inter- premiers alinéas du présent article, les articles 1112, 1143, 1165,
médiaire ou du droit nouveau, voire mieux, interpréter le droit 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1347-6 et
intermédiaire à la lumière du droit nouveau ! 1352-4 du code civil, ont un caractère interprétatif ». Notons au
passage que le caractère interprétatif de certaines dispositions
3 - Pour apprécier les apports de la loi de ratification et ses inci- pourrait être discuté et contesté devant un juge (V. par exemple
dences sur la pratique notariale, il convient de présenter les ques- les articles 1112 ou 1143 nouveaux du Code civil, articles quali-
tions préliminaires avant d’aborder le fond des modifications. fiés de règles interprétatives ce qui est contestable).

1. Questions préliminaires 7 - En définitive, trois droits vont devoir être combinés ce qui
demande aux rédacteurs d’actes d’être très attentifs.
4 - Ces questions préliminaires ne renvoient pas seulement aux
textes mais aussi au dialogue entre les chambres et aux opinions 8 - Identification des règles supplétives. - Le caractère supplé-
émises au sein des rapports respectifs de la Commission des tif des nouvelles dispositions issues de l’ordonnance du 10 fé-
lois du Sénat et de celle de l’Assemblée nationale. Ces questions vrier 2016 a été la source de quelques controverses. Si l’idée de
s’articulent autour de trois points cardinaux : dresser une liste des règles formellement impératives n’a pas
- le droit transitoire ; été suivie, les débats parlementaires ont tout de même permis
- l’identification des règles supplétives ; aux sénateurs et aux députés d’émettre une opinion, et rien
- et l’articulation entre droit commun et droits spéciaux. de plus, sur la nature des règles les plus controversées. D’une
manière générale, les parlementaires ont accordé une faveur à la
5 - Droit transitoire : limiter les pouvoirs du juge. - L’article 9 qualification de règle supplétive au nom du principe de liberté
de l’ordonnance du 10 février 2016 dispose en substance que contractuelle sacralisé à l’article 1102 nouveau du Code civil. Ils
seuls les contrats conclus après le 1er octobre 2016 sont soumis saisissent cette occasion pour qualifier de supplétives un certain
au nouveau droit issu de l’ordonnance, sauf les trois exceptions nombre de dispositions. L’article 1304-4 relatif à la renoncia-

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La loi de ratifica-
tion n’opère pas une
réforme de la réforme
tion à une condition résolutoire mais apporte tout de ou incompatibles. Pourtant, sans
ou à une condition suspensive respecter les conditions précitées,
est qualifié de règle supplétive. même des modifica- la commission des lois du Sénat

tions non négligeables


L’article 1124, alinéa 2 nouveau prétend dans son rapport que
du Code civil relatif à l’exécution l’article 1171 du Code civil relatif
forcée en nature d’une promesse
aux clauses abusives ne devrait pas
unilatérale de contrat est également présenté comme une règle
s’appliquer dès lors que l’article L. 212-1 du Code de la consomma-
supplétive. L’article 1223 nouveau du Code civil sur la réduc-
tion entre professionnels et consommateurs ou non-profession-
tion unilatérale du prix en cas d’exécution imparfaite peut au
même titre être évincé ou aménagé. Le caractère supplétif de nels est applicable. Dans le même sens, l’article L. 442-6 du Code
l’article 1195 sur l’imprévision est conforté. de commerce, s’il est applicable, doit empêcher toute application
de l’article 1171 du Code civil. Ce dernier se limiterait ainsi aux
9 - Une seule hypothèse pose encore question. Il s’agit de l’évic- contrats de bail commercial, aux contrats entre particuliers, aux
tion de l’exécution forcée en nature en cas de disproportion contrats entre professions libérales et à ceux conclus entre com-
manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour merçants hors de leur activité commerciale. Cette analyse des séna-
le créancier (C. civ., art. 1221 nouv.). Certains analysent cette teurs est sans fondement car elle se contente de brandir de manière
exception comme une règle supplétive qui peut être écartée dogmatique l’adage selon lequel la règle spéciale déroge à la règle
par une stipulation contraire. D’autres auteurs, auxquels nous générale, même lorsque ces règles sont compatibles. Sur ce point, le
appartenons, y voient une application de la théorie de l’abus, juge aura encore le dernier mot.
qui ne peut à ce titre être qualifiée de règle supplétive. La com-
mission des lois du Sénat, par un raisonnement surprenant,
11 - Pour la pratique notariale, c’est surtout le champ d’applica-
analyse cette exception comme une application de la théorie de
tion de la révision pour imprévision de l’article 1195 du Code
l’abus, pour en déduire sans cohérence son caractère supplétif !
civil qui intéresse. Tout d’abord, la loi de ratification exclut toute
Quoi qu’il en soit, ceux qui s’inquiétaient des détournements
possibles de cette exception par des débiteurs mal intentionnés application de l’article aux obligations qui résultent d’opéra-
seront rassurés par le rappel qui est fait par la loi de ratifica- tions sur les titres et les contrats financiers mentionnée aux I à
tion à la condition de bonne foi. Seul le débiteur de bonne foi III de l’article L. 211-1 du Code monétaire et financier(C. mon.
peut bénéficier d’une telle exception évinçant l’exécution for- fin., art. L. 211-40-1). Ensuite, la question se pose toujours de
cée en nature. Même si cette limite paraissait évidente, la bonne savoir si l’article 1195 du Code civil s’applique aux contrats de
foi ayant aujourd’hui la valeur d’un principe général (C. civ., marché à forfait, aux contrats de construction de maison indivi-
art. 1104 nouv.), y faire formellement référence au sein de l’ar- duelle et aux contrats de promotion immobilière, qui comportent
ticle 1121 a une vertu préventive et pédagogique. des dispositions prévoyant que l’éventuel surcoût, qui n’est pas
imputable au maître d’ouvrage, est à la charge de l’entrepreneur.
REMARQUE Certains pensent que cette règle spéciale est incompatible avec
➜ Rappelons enfin que si les interprétations données l’article 1195 du Code civil.
par les parlementaires sont précieuses pour guider les ré-
dacteurs d’actes, elles ont une force normative limitée. On
CONSEIL PRATIQUE
ne peut notamment les qualifier à proprement parler de ratio
legis car il s’agit pour la plupart des cas de l’interprétation de ➜ À notre sens, rien n’interdit de limiter ces règles
textes que les parlementaires n’ont pas eux-mêmes rédigés spéciales aux simples surcoûts, au sens strict, et d’appliquer
et qu’ils n’ont pas modifiés. Il s’agit ni plus ni moins d’une l’article 1195 du Code civil dans l’hypothèse d’une véritable
opinion parmi d’autres. exécution devenue excessivement onéreuse ; raisonnement
d’ailleurs retenu lors de la mise en œuvre de la révision de la
10 - Articulation du droit commun et des droits spéciaux. - norme NF P 03-001 concernant les marchés privés du bâti-
Cette articulation est en principe réglée par l’article 1105 nouveau ment, prenant en compte l’ordonnance du 10 février 2016
du Code civil. Malgré l’ambiguïté des termes, cette disposition est en son article 9.1.2.
censée consacrer la jurisprudence antérieure sans se livrer à une
application pure et simple de l’adage selon lequel la règle spéciale
déroge à la règle générale. La comparaison de la règle générale et 2. Les modifications
de la règle spéciale, afin de déterminer dans quelle mesure la pre-
mière est évincée au profit de la seconde, suppose d’identifier la 12 - Ces modifications portent sur la formation du contrat, son
finalité de chacune des règles et de vérifier si elles sont compatibles exécution et sur le régime des obligations.

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1175 ÉTUDE AFFAIRES

A. - La formation du contrat terprétatives applicables au 1er octobre 2016, on peut citer l’ar-


ticle 1143 du Code civil sur l’abus d’état de dépendance. La loi
13 - La loi de ratification apporte des modifications d’intensité de ratification ajoute que cet état de dépendance doit exister « à
variable se rapportant à la conclusion du contrat et à sa validité. l’égard » du cocontractant. Cela peut signifier deux choses. La
première, l’état de dépendance à l’égard d’un tiers ne serait plus
14 - Conclusion du contrat. - Le dialogue entre les chambres a pris en considération. La seconde, l’état de dépendance doit être
été l’occasion de fournir quelques explications de texte. Ainsi, conçu de manière relationnelle et non de manière endogène.
le tiers qui n’interpellerait pas le bénéficiaire d’un pacte de pré- Le simple fait d’être dans une situation vulnérable ne suffit pas
férence par la mise en œuvre d’une action interrogatoire (C. (personne malade, âgée…).
civ., art. 1123, al. 3 et 4), alors qu’il connaissait l’existence de ce Cette restriction rassurera les professionnels qui appréhen-
pacte, commettrait selon les sénateurs une faute engageant sa daient la difficulté à détecter un tel état de dépendance à l’égard
responsabilité extracontractuelle. Les sénateurs ont également des tiers ou de nature endogène, mais elle réduit tout de même
soutenu que le bénéficiaire qui répond à l’interrogation du tiers le degré de protection accordé par cette disposition. Il est alors
en affirmant qu’il entend s’en prévaloir n’est pas pour autant étonnant que le législateur fasse de cette correction une simple
engagé à l’égard du promettant et peut changer d’avis. Dans interprétation alors qu’elle entraîne une modification substan-
le même esprit, ajoutent les sénateurs, l’absence de réponse à tielle du champ d’application de l’abus d’état de dépendance !
l’interpellation du tiers ne purge pas le droit de préférence et ne
libère pas pour autant le promettant. Notons qu’il s’agit là d’une 18 - Article 1112-1 et 1137 du Code civil. - Parmi les modifi-
opinion et non de la ratio legis, le texte n’ayant pas été modifié. cations, il faut tout d’abord évoquer la mise en cohérence de
l’article 1112-1, alinéa 2 du Code civil sur l’obligation précon-
15 - Certains textes ont été précisés et constituent, selon l’ar- tractuelle d’information qui exclut toute obligation d’infor-
ticle 15 de la loi de ratification, des règles interprétatives. Tel mation sur la valeur de la prestation et donc toute nullité pour
est le cas de l’article 1112 du Code civil à propos du préjudice réticence dolosive, et de l’article 1137 du Code civil qui laissait
réparable en cas de rupture fautive des pourparlers. Le texte au contraire entendre que toute « dissimilation intentionnelle »
n’excluait formellement que la perte des avantages escomptés. indépendamment de toute obligation d’information, pouvait
Que fallait-il penser de la perte d’une chance ? Pour éviter tout entraîner la nullité, y compris lorsque la réticence avait pour
objet la valeur de la prestation. La loi de ratification restaure
débat, la loi de ratification ajoute l’hypothèse de la perte d’une
cette cohérence entre les textes. Elle ajoute à l’alinéa 2 de l’ar-
chance : ni la perte de l’avantage escompté ni la perte de chance
ticle 1137 que « Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour
d’un tel avantage ne sont indemnisables. Présentée comme
une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation
une règle interprétative, elle est applicable au 1er octobre 2016.
de la valeur ».
Cependant, a-t-on véritablement affaire à une règle interpréta-
tive ? Adjoindre et non substituer à « l’avantage escompté » la
19 - Autrement dit, l’obligation d’information n’est pas une
perte d’une chance, n’est-ce pas plus une modification substan-
condition pour obtenir la nullité sur le fondement de la réti-
tielle qu’une interprétation ? La nature interprétative de la règle
cence dolosive, excluant ainsi toute obligation de s’informer
pourrait être contestée devant un juge.
de la personne trompée, sauf si cette information porte sur la
valeur. Dans ce dernier cas, la nullité pour réticence dolosive
16 - La loi de ratification ajoute à la caducité de l’offre en cas
est exclue. À l’inverse de la disposition précédente, on peut être
de décès du pollicitant de l’article 1117 nouveau du Code civil
étonné qu’elle ait été qualifiée de règle rectificative alors qu’il
l’hypothèse de la caducité de l’offre en cas de décès du destina-
s’agit ici d’une véritable interprétation.
taire. Cette extension est difficile à comprendre en dehors de
l’offre adressée en considération de la personne du destinataire.
Ce parallélisme de la règle ne se justifiait pas. REMARQUE
➜ Par conséquent, au détriment de toute sécurité juri-
CONSEIL PRATIQUE dique, jusqu’au 1er octobre 2018, en cas d’absence d’infor-
mation sur la valeur de la prestation, la nullité pourrait être
➜ Règle supplétive, elle pourrait cependant être écar- envisagée au fondement de l’article 1137 !
tée par les parties.

20 - Article 1145 et 1161 du Code civil. - La loi de ratification


17 - Conditions de validité du contrat : article 1143 du Code a également fait le choix de supprimer tout ce qui pouvait être
civil. - Au stade des conditions de validité, la loi de ratification source de controverses, notamment en droit des sociétés. Dans
procède encore à des explications de texte et opère certaines cet esprit, l’article 1145 du Code civil ne se réfère plus à l’acte
modifications. De l’ordre des explications de textes, règles in- utile à la réalisation de l’objet de la personne morale ni aux actes

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ÉTUDE AFFAIRES 1175

La loi de ratification
redéfinit le contrat
d’adhésion et limite le
accessoires à cet objet. Cepen- champ d’application négociabilité pourra-t-elle être
dant, le texte modifié n’est ap- établie ? On sait qu’une clause
plicable qu’au 1er octobre 2018. des clauses abusives de par laquelle les parties recon-
naîtraient une telle négociabilité
Cela signifie que tous les actes
accomplis par des personnes l’article 1171 nouveau ne suffirait pas. C’est la position
morales entre le 1er octobre 2016
et le 1er octobre 2018 sont tou-
du Code civil des juridictions allemandes.
On pourrait avancer l’idée que
jours soumis à cette condition. l’intervention d’un rédacteur
Très probablement, on n’exigera pas du notaire qu’il apprécie professionnel tel que le notaire permet d’en déduire une pré-
lui-même l’opportunité de l’acte mais au moins qu’il vérifie somption de négociabilité.
que les parties ont précisé dans l’acte les motifs qui fondent
l’utilité économique, financière, stratégique, politique, de l’acte CONSEIL PRATIQUE
accompli.
➜ La rédaction d’une telle clause par le notaire au sein
même de l’acte pourrait même lui attribuer une force pro-
21 - Quant au cas particulier des SCI, il faudra probablement bante exceptionnelle contestable par la seule procédure en
continuer à exiger l’accord unanime des associés, même si cela inscription de faux.
ne suffira pas à rendre l’acte utile à son objet. Quant à l’ar-
ticle 1161 sur les conflits d’intérêts, la loi de ratification pré-
24 - L’intervention d’un officier public et ministériel prend ici
cise que ce texte n’a pas lieu d’être lorsqu’il n’y a pas en amont tout son sens car, en dehors de cette hypothèse, il sera souvent
opposition d’intérêts entre les représentés, précision d’ordre difficile pour une partie au contrat de prouver une telle négo-
pédagogique. Surtout, ce texte ne sera plus applicable aux per- ciabilité, à moins qu’il y ait eu préconstitution de preuves d’une
sonnes morales à partir du 1er octobre 2018. L’exigence d’une négociation effective ! Enfin, cette définition extensive relance
autorisation préalable ou d’une ratification a posteriori persiste le débat sur l’intégration des statuts d’une société, d’un règle-
en revanche pour les actes conclus entre le 1er octobre 2016 et le ment intérieur ou d’un pacte d’actionnaires dans la catégorie
1er octobre 2018. des contrats d’adhésion. Si les parlementaires avaient exclu ces
contrats, c’était à l’aune d’une définition plus restrictive du
22 - Article 1110 et 1171 du Code civil. - Enfin, le contenu du contrat d’adhésion qui a été abandonnée. Le débat n’est donc
contrat est modifié par la loi de ratification qui redéfinit le pas clos.
contrat d’adhésion et limite le champ d’application des clauses
abusives de l’article 1171 nouveau du Code civil. Après de nom- 25 - Si la définition du contrat d’adhésion a été étendue, la caté-
breuses discussions entre les parlementaires et le gouvernement, gorie des clauses pouvant être déclarées abusives a été restreinte.
une définition compréhensive du contrat d’adhésion a été re- Selon le nouvel article 1171 du Code civil, seules les clauses non
tenue, permettant de ne plus limiter cette catégorie aux seuls négociables déterminées à l’avance par l’une des parties peuvent
contrats de consommation de masse (abonnement internet, être, dans les contrats d’adhésion, qualifiées de clauses abusives.
contrats de consommation d’électricité, contrat d’assurance…) Par conséquent, même si cette clause fera l’objet d’une appré-
mais de l’étendre notamment aux contrats de « dépendance ». ciation d’ensemble à l’aune de toutes les clauses du contrat, une
Le contrat d’adhésion est un « ensemble de clauses non négo- clause négociable ne pourra plus être déclarée abusive, ce qui
ciables déterminées à l’avance par l’une des parties ». est critiquable2.
On peut ainsi y intégrer les contrats de promotion immobilière,
les contrats de vente en l’état futur d’achèvement, les cessions B. - L’exécution et l’inexécution
de terrains dans un lotissement, le prêt hypothécaire, même si
ces contrats sont rédigés avec l’intervention d’un notaire. En 26 - Les modifications apportées au stade de l’exécution sont
revanche, l’aide à la rédaction que fournissent les entreprises moins nombreuses. L’essentiel est reconduit et en particulier la
SSII aux notaires pour les actes de vente courants n’emporte pas révision pour imprévision qui n’a finalement pas été remise en
qualification de contrat d’adhésion. cause malgré l’insistance des sénateurs.

23 - Le critère principal du contrat d’adhésion devient désor-


mais la négociabilité. Des problèmes d’ordre probatoire vont
certainement se poser à l’avenir. Qui aura la charge de prouver
cette négociabilité ? La preuve d’un fait négatif étant difficile, 2 Parmi d’autres modifications, on peut citer l’adjonction de la résolution
en cas de fixation abusive du prix dans les contrats de prestation de ser-
on peut penser qu’il appartiendra à celui qui se prévaut d’un vice (C. civ., art. 1165) qui constitue une simple interprétation applicable
contrat de gré à gré de prouver la négociabilité. Comment cette au 1er octobre 2016.

LA SEMAINE JURIDIQUE - NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE - N° 17 - 27 AVRIL 2018 - © LEXISNEXIS SA Page 33


1175 ÉTUDE AFFAIRES

27 - Article 1221 du Code civil et bonne foi. - Parmi ces mo- contrat international mais il s’agit bien d’une opération à
difications, certaines constituent de simples précisions ou caractère international en raison de la destination interna-
clarifications. Tel est le cas de l’article 1221 sur l’exécution tionale du prêt. Le paiement en monnaie étrangère sur le
forcée en nature exclue en cas de disproportion manifeste territoire français devient alors possible. La loi de ratifica-
entre le coût pour son débiteur et l’intérêt pour le créan- tion précise enfin que « Les parties peuvent convenir que le
cier. Cette exception ne peut être opposée par le débiteur paiement aura lieu en devise s’il intervient entre profession-
qu’à la condition qu’il soit de bonne foi, rappelle la loi de nels, lorsque l’usage d’une monnaie étrangère est communé-
ratification. ment admis pour l’opération concernée », tempérament en
accord avec la pratique.
28 - Article 1223 du Code civil. - L’article 1223 du Code civil
sur la réduction du prix en cas d’exécution imparfaite est C. - Régime des obligations
pour sa part réécrit et comporte deux modifications. La
réécriture permet de mieux comprendre qu’il existe deux 31 - S’agissant du régime des obligations, la loi de ratification
hypothèses : pour l’essentiel corrige certaines maladresses rédaction-
- soit le prix n’a pas été intégralement payé et le créancier nelles. La réécriture de l’article 1327-1 et de l’article 1352-4
peut réduire unilatéralement le prix ; du Code civil redonne tout son sens à ces dispositions. Au
- soit la totalité du prix a été payé et il reste au créancier, à sein de l’article 1327-1, la conjonction « ou » est remplacée
défaut d’accord du débiteur, à demander au juge la réduc- par la conjonction « et ». Cela donne désormais : Le créan-
tion du prix. cier, s’il a par avance donné son accord à la cession ET n’y
est pas intervenu, ne peut se la voir opposer ou s’en pré-
29 - Deux modifications accompagnent cette réécriture. valoir que du jour où elle lui a été notifiée ou dès qu’il en
Tout d’abord, la loi de ratification précise que cette demande a pris acte ». L’article 1352-4 sur les restitutions évoquait
de réduction doit se faire dans les meilleurs délais afin de les restitutions dues « à » la personne protégée alors qu’il
ne pas laisser le débiteur trop longtemps dans l’expectative. s’agissait de traiter des restitutions dues « par » la personne
Ensuite et surtout, le texte prévoit désormais, ce qui est nou- protégée. On précise également que la déchéance du terme
veau, une possibilité pour le débiteur de donner son accord. profite à la caution, ce que ne disait pas formellement l’ar-
La commission des lois de l’Assemblée nationale laisse en- ticle 1305-5 ce qui met l’article en conformité avec la juris-
tendre que cet accord constitue un obstacle à toute contesta- prudence. L’article 1304-4 sur la condition est complété. À
tion en justice du débiteur. Cette analyse est dangereuse car côté de la condition « accomplie » est ajoutée l’hypothèse de
un accord même écrit ne suffit pas à priver une personne de la condition « défaillie ». L’article 1347-6 corrige une erreur
son droit d’agir en justice et peut être équivoque. en matière de compensation et autorise la caution à s’en
prévaloir contre le créancier quand bien même le débiteur,
CONSEIL PRATIQUE codébiteur ou créancier ne l’aurait pas invoquée. Enfin, la
cession de dette libératoire du débiteur (C. civ., art. 1328-
➜ Pour plus de précaution, cet accord devrait
1) ou la cession de contrat libératoire du cédant (C. civ.,
prendre la forme d’une transaction avec concessions réci-
proques pour mettre fin à toute discussion. art. 1216-3) met fin aux sûretés consenties par le cédant, ce
que ces articles ne prévoyaient pas expressément. Enfin, la
cession de dette devient, à l’instar de la cession de créance et
30 - Article 1343-3 du Code civil. - Parmi les modifications de la cession de contrat, un acte solennel. Un écrit est exigé
les plus substantielles, il faut ajouter l’article 1343-3 du à peine de nullité.
Code civil sur le paiement en France en monnaie étrangère.
Celui-ci ne fait plus référence au contrat international mais 32 - On l’aura compris, la loi de ratification ne constitue pas
aux « opérations à caractère international ». Cela est plus une réforme de la réforme. On peut cependant se demander
conforme à la jurisprudence antérieure. Ainsi, si un prêt si de tels débats étaient nécessaires et si finalement il n’aurait
est conclu entre deux parties de nationalité française pour pas été préférable, notamment pour éviter les problèmes de
financer un projet immobilier à Tokyo, prêt libellé en Yens droit transitoire, de se contenter d’une ratification sèche ou
et remboursable en Yens, il ne s’agit certainement pas d’un purement rectificative. ■

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