Accro ! - Annabel Benhaiem Et Laurent Karila
Accro ! - Annabel Benhaiem Et Laurent Karila
Accro ! - Annabel Benhaiem Et Laurent Karila
Laurent Karila
Annabel Benhaiem
Accro
Flammarion
Dr Laurent Karila
Annabel Benhaiem
Accro
Flammarion
© Flammarion, 2013.
© Flammarion, 2013.
Dépot légal : février 2013
ISBN Epub : 9782081296381
ANNABEL BENHAIEM est journaliste au Huffington Post. Elle a collaboré à
L’Express au service Société-Santé sur les sujets de religion, bioéthique et
santé.
Du même auteur
Laurent Karila
AddictionS, avec Renaud Hantson, e-book de prévention disponible sur http://hantson.com/e-book-addictions, 2011.
Troubles psychiatriques et addictions en questions, Éditions Phase 5, 2010.
Une Histoire de poudre, avec Sophie Vernet-Caillat, Flammarion, 2010.
Idées reçues sur l'alcoolisme, Le Cavalier Bleu Éditions, 2010.
Addiction à la cocaïne, Flammarion, 2009.
On ne pense qu'à ça, avec Michel Reynaud, Flammarion, 2009.
Idées reçues sur les addictions, Le Cavalier Bleu Éditions, 2008.
Psychiatrie, pédopsychiatrie, addictologie, Éditions VG, 2008.
Dictionnaire des addictions, Éditions Phase 5, 2007.
Dépression, et addictions, Éditions Phase 5, 2006.
Prise en charge des troubles psychiques et des addictions, Éditions J.-B. Baillière, La Revue du Praticien Médecine générale,
2005.
Accro
Préface
Dr William Lowenstein
Directeur général de la Clinique Montevideo
Institut Baron Maurice de Rothschild pour la recherche et le traitement
des addictions.
Introduction
Le terme « addiction » est issu du latin addictus signifiant « esclave pour une
dette ». Il trouve également son origine dans le verbe addicere qui, d'après le
droit romain ancien et jusqu'au Moyen Âge, correspondait à une donation d'une
personne à une autre, faite à la suite d'un jugement. Ainsi, une personne qui était
dans l'incapacité d'assumer des responsabilités ou de rembourser des dettes
devenait l'esclave du plaignant. Elle était condamnée à payer son dû avec son
propre corps.
Dans la littérature scientifique moderne, l'addiction se caractérise par :
– l'impossibilité répétée de contrôler un comportement visant à produire du
plaisir,
– ou bien l'incapacité à écarter une sensation de malaise intérieur,
– et la poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses
conséquences négatives sur les plans physique, psychologique et social.
Les phénomènes addictifs liés aux drogues type cocaïne, héroïne ou cannabis
ont été les premiers modèles étudiés. Les thérapeutes ont ainsi repéré les quatre
constituants principaux de l'addiction : la répétition des consommations, le
craving (désir compulsif et irrépressible), la tolérance (augmentation progressive
des doses pour retrouver les effets de la première fois) et le manque. Cette
maladie est la résultante d'une interaction singulière entre un individu, des
facteurs psychologiques, génétiques et l'environnement. Personne ne réagira de
la même manière face à la drogue ! La chanson « Substance Récompense »,
issue du projet AddictionS réalisé avec Renaud Hantson et le groupe de rock
Satan Jokers, illustre bien le processus addictif :
« Comme la bouffe ou le sexe
Tu es ma récompense
Tu ne seras jamais mon ex
Car tu es ma substance
Je suis ton esclave
Un volcan sans lave
Quand je ne t'ai pas dans le sang
Je n'ai plus de courant
Tu fais de moi c'que tu veux
Je fais c'que je peux
Relation maso
Je ne ferais pas de vieux os »
Sexe en excès
Le voyeuriste
est celui qui observe, à son insu, un autre sujet lors d'activités intimes. Il n'a
pas de désir de relation sexuelle avec sa « victime », même si cet acte est
fréquemment suivi d'une masturbation.
Prenons un extrait de la chanson « Voyeur » de Renaud Hantson, artiste
polymorphe dans son approche musicale (pop, rock, hard rock, métal) pour
décrire le voyeurisme :
« Changement de décor, périphérique Nord
Plaisirs des sens, stop, plein d'essence
Chassés-croisés place Dauphine
Pour ces couples qui cherchent nuit câline, nuit coquine
Non loin des caresses qui se paient
Tes yeux en éveil mais l'amour en sommeil
Quatre heures du matin
Nuit agitée, lendemain chagrin
Pour toi y'a toujours des choses à voir
Derrière ton volant, appels de phares
Ces silhouettes anonymes qui se réfugient dans le noir
Voyeur, voyeur
Qu'est-ce que t'as dans le cœur
Voyeur, voyeur
Y'a plus rien qui t'fait peur
Voyeur, voyeur
Tant d'images pour tes yeux voleurs »
L'exhibitionniste
montre de façon insistante et répétée ses parties génitales à des personnes
étrangères. Il n'a aucun désir de relation sexuelle avec elle et, comme dans le
voyeurisme, l'acte s'accompagne d'une expérience autoérotique (masturbation).
Le fétichiste
a une sexualité centrée sur des objets inanimés (des talons hauts, des bottes en
cuir, des cuissardes, des sous-vêtements féminins, des bas, des gants, du cuir, du
latex, de la soie, etc.) évoquant souvent une partie du corps de la femme.
Prenons « Fetish X », texte d'une chanson du groupe de hard rock culte Satan
Jokers pour illustrer ce trouble :
Le travestissement
d'un homme hétérosexuel ou bisexuel par des vêtements féminins peut être à
l'origine d'une excitation sexuelle le plus souvent provoquée par le simple fait de
s'imaginer femme, voire avec des organes génitaux féminins. Il s'agit du
transvestisme fétichiste. La personne collectionne la plupart du temps des
vêtements féminins qu'elle utilise de manière intermittente. L'excitation du
travestissement entraîne une masturbation. Être homme et femme à la fois, dans
un scénario imaginaire, est sexuellement attrayant pour les personnes qui
pratiquent le travestissement. Une fois l'ivresse atténuée, le sujet se débarrasse
de son attirail vestimentaire et redevient un homme. Dans certains cas, il peut
éprouver un malaise persistant lié à son rapport à sa masculinité et à sa virilité.
Le BDSM
est à la mode depuis plusieurs années. BDSM pour Bondage et discipline,
Domination et soumission, Sado-Masochisme.
Le bondage se pratique à l'aide de cordes, de bandes adhésives, de chaînes,
etc. Le bondageur attache tout ou partie de son partenaire : bras, jambes, pieds,
torse, seins, taille, mains dans des positions de complexité variable. Les
techniques d'attachement sont également diverses. Plus les nœuds sont
sophistiqués, plus le plaisir augmente. Le bâillon prend la bouche, les mains sont
menottées ou liées dans le dos. La mise en cage complète ce scénario
paraphilique. Le self-bondage est également un mode d'excitation particulier où
les personnes auto-ligotées éprouvent du plaisir du fait de leur impuissance.
Elles laissent l'autre maître de leur corps. Le transfert érotique de pouvoirs est à
son apogée. Les séances de bondage peuvent durer entre une heure et une nuit,
voire un ou plusieurs jours. La personne attachée reste à la disposition de l'autre,
elle est parfois privée de sommeil. Certaines règles de sécurité sont tout de
même à respecter afin d'éviter l'accident.
À ce sujet, Thierry est venu en consultation. Son psychiatre traitant l'a envoyé
afin d'évaluer son comportement sexuel excessif. Thierry a 44 ans, il est
célibataire et vit chez sa mère. Il travaille au tri du courrier d'une grande
entreprise franco-américaine. Il cumule trois paraphilies. Le fétichisme d'abord,
avec la fascination qu'il a pour les bottes en cuir noir à talons aiguilles. Il
pratique également le bondage, associé au masochisme sexuel. Les situations de
soumission l'excitent. Il ne rêve que de souffrances et d'humiliations infligées par
une dominatrice qu'il rencontre sur des sites Internet, des réseaux téléphoniques,
des petites annonces dans des journaux distribués gratuitement dans les boîtes
aux lettres ou des escort girls particulières. Il aime rester longtemps attaché et
raffole du jeu de l'asphyxie autoérotique avec strangulation par cordes de bateau.
Cinq mois avant sa consultation, il perd brutalement connaissance et fait un
accident vasculaire cérébral, dû à la strangulation prolongée, nécessitant une
longue hospitalisation et un programme de rééducation physique. Toute la partie
droite de son corps est paralysée. L'issue sera favorable mais il garde des
séquelles sur la moitié de son visage.
Le sadisme sexuel
est étroitement lié au masochisme et au bondage. Il s'agit ni plus ni moins
d'une situation de domination où l'excitation est obtenue par les souffrances ou
les humiliations infligées à un, une ou des partenaire(s). Cette pratique a lieu
dans des clubs particuliers. Le maître (dominant) se livre alors à toutes sortes de
rituels visant à soumettre son esclave (dominé). Il peut lui faire adopter des
positions dégradantes, l'insulter violemment, le flageller, lui insérer différents
types d'objets dans le vagin, l'anus, la bouche. Cela peut aller plus loin avec des
scarifications, voire des brûlures.
Un travail de recherche réalisé dans les milieux sadomasochistes a constaté
que les hommes célibataires et hétérosexuels auraient des pratiques
sadomasochistes plus précoces que leurs homologues homosexuels. Environ
46 % des hommes n'auraient jamais changé de pratiques, 18 % auraient évolué
du masochisme au sadisme et 21,6 % du sadisme au masochisme. Environ 5 %
n'auraient plus aucune activité sexuelle en dehors du sadomasochisme et pour
27,2 % des hommes, seul le sadomasochisme pourrait les satisfaire
sexuellement.
En France, cette activité n'est pas interdite par la loi tant qu'elle se pratique
entre deux adultes consentants. Mais attention, un risque élevé d'actes médico-
légaux existe (décès par strangulation, étouffement, brûlures graves, etc.). Qui
dit violences dit blessures physiques, mais aussi psychologiques.
La pédophilie
, évoquons-la sans nous y attarder. Un point capital dans les consultations pour
addiction sexuelle est de rechercher d'emblée l'utilisation par les patients de
supports mineurs sur le Web pour se masturber, chater, ou avoir des rapports
sexuels. Selon la 10e version de la Classification internationale des maladies, la
pédophilie est définie comme une attirance ou une préférence sexuelle d'un
adulte envers des enfants prépubères ou en début de puberté. Un adolescent de
16-17 ans, attiré par un garçon ou une fille ayant cinq ans de moins que lui, est
aussi considéré de la sorte. La pédophilie concerne aussi bien les abus sexuels
sur mineur que la pornographie enfantine. Il est difficile de dresser un profil
psychologique type du pédophile. Mais la loi condamne tout autant la détention
ou la lecture de matériel pornographique visant des mineurs que les abus
sexuels. Ainsi, stocker, produire, diffuser ou simplement consulter des images
sans les conserver est sévèrement puni.
Les autres pratiques paraphiliques sont la zoophilie, la nécrophilie, la
scatophilie, et l'urophilie. Les pratiques zoophiles et nécrophiles sont interdites
par la loi et passibles de poursuites avec des peines d'emprisonnement et des
amendes de plusieurs milliers d'euros.
L'attirance sexuelle d'un être humain envers les animaux fait l'objet d'un
commerce sous le manteau. Tout comme les films scatophiles où les
protagonistes mangent les excréments de leur(s) partenaire(s).
Une variante scatophile est l'administration érotique de lavements, aussi
appelée klysmaphilie. L'urophilie est caractérisée par une forte excitation
sexuelle ressentie en buvant, en faisant boire, en se recouvrant ou en recouvrant
le corps de son/sa partenaire d'urine. Les douches dorées ou golden shower sont
une pratique urophilique retrouvée dans certains films.
Les sujets nécrophiles, majoritairement des hommes, ont une attirance
sexuelle pour des cadavres ou des personnes dans le coma. Il existe trois types
de nécrophilie :
• l'homicide nécrophile, tout d'abord. Certains serial killers tuent pour obtenir
des corps avec lesquels ils satisfont leurs fantasmes. Les morceaux de cadavre
peuvent les exciter et ils ne sont nullement gênés par le fait d'en entreposer chez
eux, un peu partout, quel que soit leur état de décomposition. Les sujets peuvent
passer à l'acte et celui-ci s'avère violent, abject et révoltant,
• la nécrophilie régulière ou l'utilisation de cadavres pour un plaisir sexuel,
• le fantasme nécrophile (envisager les actes mais sans agir). Les fantasmes
nécrophiles s'expliquent plus par un besoin de possession ultime que par un désir
sexuel.
Enfin, pour terminer, le sex addict est à mille lieues de l'agresseur sexuel. Une
agression à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, est réalisée sans
obtenir le consentement de la personne visée (adultes ou enfants). Il cherche à
assujettir une autre personne à ses propres désirs par l'utilisation de la force, de
la contrainte, sous la menace ou par un abus de pouvoir. L'agression sexuelle
porte atteinte à l'intégrité physique, psychologique et à la sécurité de la personne.
Légalement, l'abus sexuel, les infractions sexuelles, l'inceste, la prostitution
juvénile, la pédopornographie, le voyeurisme, l'exhibitionnisme et le
frotteurisme font partie des agressions sexuelles. Le sex addict ne devient pas
agresseur sexuel dans l'évolution de sa maladie. S'il le devient, il s'agit d'une
autre pathologie qui s'ajoute au problème préexistant.
Après l'acte, toujours la même triade de sentiments, dont la durée varie selon
les individus : culpabilité, désespoir, honte. Puis, c'est la résolution jusqu'au
prochain facteur déclenchant. Cette dernière phase peut persister quelques
dizaines de minutes, quelques heures, parfois plusieurs jours.
Dans la prochaine classification américaine des maladies mentales (DSM-V),
l'addiction sexuelle ne se dénommera pas comme telle. On parlera de trouble
d'hypersexualité. Ce diagnostic, selon Kafka et son équipe, comprend six critères
majeurs suffisamment fréquents et intenses pour entraîner des altérations du
fonctionnement personnel, social et occupationnel sur une période d'au moins
six mois :
• un temps important est utilisé pour satisfaire des fantaisies érotiques, des
fantasmes, des envies urgentes, afin de planifier et de s'engager dans des
activités sexuelles,
• le sujet les réalise de manière répétitive en réponse à un état dépressif,
anxieux, ou à une irritabilité, un ennui ou bien encore à des événements
stressants,
• il existe des difficultés répétées pour contrôler ou pour réduire
considérablement ces fantasmes/envies/activités sexuelles,
• le sujet s'engage de manière répétitive dans des activités sexuelles tout en
ayant conscience des conséquences physiques ou émotionnelles pour lui ou pour
les autres,
• une fréquence et une intensité importantes des comportements sexuels,
• le trouble sexuel n'est pas dû aux effets physiologiques directs d'une drogue
(poppers, GBL, cocaïne, etc.), de l'alcool ou de médicaments dopaminergiques
comme ceux utilisés dans la maladie de Parkinson. Concernant ce dernier point,
en France, en mars 2011, un laboratoire pharmaceutique a été condamné à verser
plus de 100 000 euros de dommages et intérêts pour défaut d'informations à un
homme souffrant de cette maladie neurologique. Il était devenu hypersexuel
(surconsommation sexuelle, exhibitionnisme, travestisme) et joueur
pathologique, à la suite de son traitement médicamenteux.
La masturbation compulsive
est une autostimulation érotique ayant lieu plus d'une fois par jour en réponse
à un stress, une tristesse, une anxiété… Elle peut se répéter de nombreuses fois
par jour : trois, cinq, dix fois, voire toutes les trois heures… Ronald, 27 ans, vit
en concubinage. Il est venu en consultation pour ce problème directement lié à
Internet. Il pouvait se masturber pendant soixante-douze heures d'affilée, sans
éjaculer pour autant. Il ne rentrait plus chez lui, dormait sur son lieu de travail
après ces cycles sexuels infernaux. Bien sûr, la qualité de sa présence au bureau
en pâtissait. Ajoutons à cela un sentiment de solitude culpabilisante à la fin de
l'acte, souvent liée à la fatigue, aux blessures physiques du pénis et à la pression
sociale, constant rappel à la réalité minimisant la satisfaction sexuelle.
17 % des internautes ont un trouble cybersexuel et 1 % ont un trouble sévère
dont 40 % de femmes. Internet est utilisé dans le but d'une gratification
immédiate. Le sexe sur Internet, nous l'appelons « l'engin DAA » pour
disponibilité, accessibilité, anonymat. Hommes et femmes n'ont pas le même
usage de la Toile. Les hommes recherchent du matériel sexuellement explicite
pour une masturbation excessive. De nombreux patients surfent des heures sur
les sites porno. Les femmes recherchent, quant à elles, des interactions ou du
sexe via les chats ou les réseaux sociaux.
Le binge porno
est la consommation frénétique de pornographie via les revues, les films, la
VOD, le téléchargement légal ou illégal, la fréquentation des salons érotiques…
Une vraie drogue !
Le phonesexe
a évolué au fil du temps. Il était d'abord associé au Minitel et à tous ses 36 15
érotiques, annonçant le début des factures télécom salées pour les sex addicts. Il
était associé aux réseaux téléphoniques avec des conversations hard surtaxées,
des B.A.L. (boîtes aux lettres) pour des rencontres ou des échanges avec des
hôtesses qui arrondissaient leurs fins de mois. La version gay existait aussi.
Aujourd'hui, les numéros en 0800, les codes via les SMS et les MMS sont une
version moderne de ce type de support addictogène.
Le séducteur compulsif
est une autre forme d'addiction sexuelle. Il pourrait s'apparenter au syndrome
de Don Juan, qui n'assouvit sa faim que par la conquête d'une ou plusieurs
proies. Une fois le (ou la) partenaire tombé(e) sous son charme, il (ou elle) est
mis(e) de côté, puis oublié(e).
La blennorragie
(connue sous le nom poétique de chaude-pisse) est une IST due au gonocoque.
Plus de la moitié des hommes et des femmes peuvent être porteurs
asymptomatiques de cette maladie au niveau du rectum ou de la bouche. Les
principaux signes cliniques chez l'homme sont des brûlures lors des émissions
d'urine, un écoulement de pus à l'extrémité de la verge, des douleurs et un prurit
urétral. Des écoulements vaginaux et des douleurs abdominales sont décrits chez
la femme. Non traitée, cette infection entraîne des séquelles.
La chlamydiose
est une forme d'IST. Elle est le plus souvent asymptomatique chez la femme.
Elle peut se manifester par des saignements vaginaux, des écoulements
blanchâtres, des problèmes urinaires. Chez l'homme, elle peut être
asymptomatique mais aussi se présenter sous forme d'inflammation de l'urètre
avec écoulement à l'extrémité de la verge, démangeaisons des testicules,
picotements.
La syphilis
est de retour. IST très contagieuse, elle se transmet par toutes les voies
sexuelles possibles (bouche, vagin, anus). Elle se manifeste trois semaines après
la contamination, par l'apparition d'une petite plaie rosée, creuse, propre, indurée
et indolore (chancre). Elle peut être retrouvée sur le fourreau de la verge, sur le
gland, le vagin, la vulve, l'anus, la bouche, la gorge, etc.
Les hépatites B et C
doivent être repérées également.
Le VIH
, enfin, inquiète le plus les patients qui se font régulièrement dépister. Certains
sites de rencontres très chauds reçoivent des annonces de personnes demandant
explicitement à leurs futurs partenaires un test VIH récent avant rapport sexuel
unique ou multiple. Les principaux facteurs de risque sont les rapports sexuels
non protégés (vaginal, anal, buccal) avec une personne infectée par le VIH et le
fait d'avoir des rapports sexuels avec plusieurs partenaires ou avec un acolyte qui
les multiplie.
Sur le plan psychologique, de nombreuses pathologies sont retrouvées. Et à
une fréquence élevée. Il peut s'agir de dépression, de trouble anxieux, de phobie
sociale (peur maladive de s'exprimer en public, très schématiquement),
d'hyperactivité avec déficit de l'attention, d'impulsivité. Il faut retenir que
l'anxiété et la dépression sont associées à une prise de risque sexuel et à une
perte de contrôle importantes. De plus, les maladies psychiatriques préexistantes
chez les individus souffrant d'addiction sexuelle sont des facteurs d'aggravation
et de sévérité des comportements hypersexuels. Il est important pour les
praticiens de les prendre en considération simultanément lorsqu'un traitement est
décidé par le patient.
Mais une addiction en attire souvent d'autres ! Usage, abus, voire dépendance
à des substances sont le lot de beaucoup de patients : cocaïne, alcool, cannabis,
poppers, GBL (précurseur chimique du GHB médiatisé sous l'appellation drogue
du viol), drogues de synthèse (méphédrone, 4-MEC, NRG-1…), combinaison
antidépresseurs et médicaments facilitant l'érection (Viagra, Cialis). Les
consommations de ces produits varient en fonction des sexes, des milieux, des
moments festifs, des situations, des endroits (soirées privées, orgies, clubs
échangistes, milieu du porno, backrooms, etc.).
Les poppers
se présentent sous la forme d'un liquide jaunâtre ou incolore et dégagent une
odeur fruitée déplaisante, aux effluves éthérés. Conditionnés dans des petits
flacons de couleur, ils sont volatils à température ambiante. La dénomination
« poppers » provient du bruit caractéristique que fait la bouteille de nitrite
d'amyle lorsqu'elle est décapsulée.
Sniffés ou bus, les poppers sont des vasodilatateurs agissant très vite (quinze
secondes), sur une courte durée (cinq à dix minutes) et ont également des
propriétés relaxantes pour les muscles. Le principal effet recherché par le
consommateur est un rush de plaisir ou une euphorie ajoutée à une sensation de
chaleur interne et d'ébriété. Une excitation motrice, moindre que celle provoquée
par la cocaïne, est retrouvée. Les poppers sont la plupart du temps utilisés pour
faciliter les rapports sexuels. Ils provoquent une désinhibition, accroissent
l'envie, augmentent la durée de l'érection, retardent l'éjaculation et intensifient
les sensations orgasmiques. Mais attention, les effets indésirables sont
nombreux.
Cette drogue, initialement disponible dans les sex-shops, a été affublée de
plusieurs noms et touche dorénavant le monde des clubs, les boîtes de nuit, le
marché noir. Internet est devenu son plus puissant vecteur de diffusion. On en
consomme surtout en milieu festif, en groupe, notamment chez les homosexuels
masculins. Selon le Baromètre Gay 2005-2006, 47 % des personnes androgames
en Île-de-France en ont consommé au cours des douze derniers mois pour la
réalisation d'actes sexuels et à risque, en association avec des médicaments
facilitant l'érection.
Le GBL
, médiatisé sous le nom de GHB comme drogue du viol, est aussi utilisé à
visée sexuelle. Les consommateurs de GBL partent en quête de ses effets
euphorisants, de sa capacité à désinhiber, à stimuler l'envie, le désir, à intensifier
l'acte sexuel et la qualité de l'orgasme. D'autres effets, plus graves, sont tout
autant recherchés, comme l'altération du niveau de conscience, la perte de
contrôle, la sensation de relaxation. Les usagers de GBL prennent aussi cette
molécule chimique pour faciliter leur sommeil, améliorer les effets négatifs des
autres drogues psychostimulantes. Mais le contrecoup se paie très cher (nausées,
vomissements, ébriété, troubles du cours de la pensée, difficultés d'élocution,
incapacité à prendre des décisions, fièvre élevée, etc.), avec des risques de coma
temporaire appelé G-Hole.
Les principaux points de la thérapie sont calqués sur ce qui est fait dans la
prise en charge de l'addiction aux drogues psychostimulantes :
Séance finale :
— Révision du plan de traitement et des objectifs : identification des champs
où les objectifs du patient ont été atteints, ceux où des progrès ont été réalisés, et
ceux où moins de progrès ont été faits et qui nécessitent une attention
supplémentaire.
— Retour du thérapeute sur sa perception des progrès effectués par le patient,
sur les compétences et les principes acquis et maîtrisés, ainsi que sur les points
sur lesquels le patient devrait continuer à travailler.
— Retour du patient sur les aspects les plus utiles et les moins utiles du
traitement et sur ses inquiétudes à propos de ce qui se passera après la fin du
traitement.
Dans ce programme de soins, une fois le comportement sexuel stabilisé, un
travail psychothérapeutique d'inspiration analytique (traitement de fond) peut et
devrait être envisagé. La psychothérapie analytique s'exerce selon un cadre
défini par un espace, un temps déterminé, un investissement, et une demande du
sujet. Dans la cure analytique, le sujet se soumet à la règle de l'association libre
(il dit tout ce qui lui passe par la tête). Le travail du psychanalyste est d'écouter,
d'interpréter le contenu latent (inconscient) à partir de ce que rapporte le sujet
(contenu manifeste). Ce travail associatif du sujet, conjugué au travail
interprétatif de l'analyste, permet au patient de revoir son histoire personnelle,
d'y voir un nouveau sens et de se débarrasser des schémas répétitifs. Le moteur
de la cure analytique est le transfert (éléments personnels projetés sur l'analyste).
Il favorise également l'analyse et l'interprétation. L'analyste, quant à lui,
élaborera son contre-transfert, à savoir ses propres réactions au transfert du sujet
sur lui. Schématiquement, la thérapie analytique sert ici à faire « sauter les
nœuds de la vie du sujet ».
Quant aux conjoints, ils accompagnent souvent leur partenaire lors des
premières consultations médicales. Autant les recevoir au début ou à la fin du
premier entretien, afin de clarifier toute ambiguïté sur ce qui est considéré
comme un comportement nécessitant une aide médicale, et ce qui ne l'est pas.
La thérapie de couple est nécessaire dans le cas de l'addiction sexuelle. Cette
démarche vise à quitter l'état de souffrance induit par le trouble sexuel d'un des
deux conjoints. Il semble important qu'un couple puisse effectuer une telle
démarche. Elle est proposée dans notre programme de soins. Le thérapeute de
couple, travaillant étroitement avec toute l'équipe soignante, n'est ni policier, ni
juge, ni avocat. Aucun arbitrage, aucun jugement ! Les deux protagonistes
doivent être présents à chaque séance. L'origine du conflit conjugal va essayer
d'être démasquée. Les deux partenaires doivent idéalement avoir défini leur
projet de couple avant le début de la thérapie.
Les groupes d'auto-support comme DASA (Dépendants Affectifs Sexuels
Anonymes) sont d'une aide non négligeable pour les patients souffrant
d'addiction sexuelle. Ils fonctionnent selon le modèle des Alcooliques anonymes.
Il existe douze caractéristiques, douze étapes, douze traditions. Des réunions ont
lieu un peu partout en France.
Les douze étapes que les addicts doivent franchir sont les suivantes
(traduction de « The Twelve Step of SLAA », 1985) :
1. Nous avons admis que nous étions impuissants devant notre dépendance
affective et sexuelle, que nous avions perdu la maîtrise de nos vies.
2. Nous en sommes venus à croire qu'une Puissance Supérieure (ce n'est pas
forcément le Dieu représentant une religion) à nous-mêmes pouvait nous rendre
la raison.
3. Nous avons décidé de confier notre volonté et nos vies aux soins de Dieu tel
que nous Le concevions.
4. Nous avons courageusement procédé à un inventaire moral et minutieux de
nous-mêmes.
5. Nous avons admis à Dieu, à nous-mêmes et à un autre être humain la nature
exacte de nos torts.
6. Nous avons pleinement consenti à ce que Dieu éliminât tous ces défauts de
caractère.
7. Nous Lui avons humblement demandé de faire disparaître nos déficiences.
8. Nous avons dressé une liste de toutes les personnes que nous avons lésées
et nous avons résolu de leur faire amende honorable.
9. Nous avons réparé nos torts directement envers ces personnes, partout où
c'était possible, sauf lorsque nous pouvions leur nuire ou causer du tort à
d'autres.
10. Nous avons poursuivi notre inventaire personnel et admis nos torts dès que
nous nous en sommes aperçus.
11. Nous avons cherché par la prière et la méditation à améliorer notre contact
conscient avec Dieu, tel que nous Le concevions, Le priant seulement de nous
faire connaître Sa volonté à notre égard et de nous donner la force de l'exécuter.
12. Ayant connu un réveil spirituel comme résultat de ces étapes, nous avons
alors essayé de transmettre ce message aux autres dépendants affectifs et sexuels
et de mettre en pratique ces principes dans tous les domaines de notre vie.
La ligne conductrice de ce type d'aide est l'arrêt du comportement obsédant
sexuel et le développement d'un lien avec une Puissance Supérieure, chacun se
faisant sa propre représentation de cette notion qui l'aidera dans le
rétablissement.
Dans l'addiction sexuelle, il n'existe pas de traitement médicamenteux validé.
L'analyse des données scientifiques montre que les antidépresseurs peuvent
réduire les phénomènes compulsifs. Bien évidemment, ne figure pas dans la
notice du médicament l'indication « addiction sexuelle ». Il faut bien peser les
choses avant de prescrire un tel traitement, faire un bilan complémentaire (prise
de sang, électrocardiogramme) et expliquer précisément au patient les effets
secondaires, la durée du traitement. Cette famille thérapeutique aide aussi dans
la dépression et les troubles anxieux fréquemment corrélés à cette addiction.
Tous les autres troubles psychiatriques associés ou préexistants que j'ai cités plus
haut doivent être pris en compte. Point important, la thérapie ne peut commencer
sans que le soignant ait demandé l'avis du patient sur la décision de telles
prescriptions médicamenteuses.
Ainsi, l'addiction sexuelle ou le trouble d'hypersexualité est un trouble addictif
comportemental complexe, en augmentation dans les consultations. Il touche
tous les milieux sociaux, sans distinction de classe ni d'origine. La meilleure
approche des soins reste celle qui envisage le patient dans son ensemble.
Le B…
Le C…
Camel Toe : Forme, vue sous des vêtements moulants, des grandes lèvres
d'une femme.
Cougar : Femmes célibataires ou indépendantes à partir de 35 ans ayant des
relations avec des hommes plus jeunes d'au moins huit ans.
Cumshots : Films avec des scènes où il n'y a que des éjaculations sur la ou le
partenaire.
Creampie : Éjaculation interne d'un homme, qui ne porte pas de préservatif,
dans le vagin ou le rectum d'une femme ou d'un homme. Il se retire et le sperme
coule à l'extérieur de la vulve ou de l'anus de la ou du partenaire.
Le D…
Le E…
Le F…
Le G…
Le H…
Le M…
Mature : Femmes mûres âgées de plus de 50 ans ayant des rapports sexuels
avec des hommes plus jeunes.
MILF : Acronyme de Mother I'd like to f**ck, rentré dans le langage courant
depuis le début des années 2000. Il s'agit le plus souvent d'une femme mariée ou
en concubinage, âgée de 30 à 45 ans, sexuellement attirante. MILF Money 1 et
MILF Hunter 1 sont les premiers films comportant cette terminologie dans leur
titre, sur les écrans dès 2003. Les studios produisant beaucoup ce genre de films
sont Reality Kings, Brazzers aux États-Unis et Madonna studio au Japon. Le
magazine Playboy sort une édition spéciale consacrée aux Milf Hot Housewives.
Il existe même un prix Milf Of The Year. Lisa Ann, 40 ans, brune pulpeuse, sosie
de Sarah Palin, reçoit ce prix en 2011. Sans aucun lien de parenté, Julia Ann,
blonde pulpeuse, reçoit ce prix en 2009 et en 2010.
Le O…
Orgie : No comment.
Outdoor : Film tourné en extérieur (piscine, jardin, autres lieux publics).
Le P…
Le R…
Le S…
Le T…
Teen : Jeunes filles se déguisant parfois en écolières, pour paraître plus jeunes
que leur âge.
Tranny : Transsexuel.
CHAPITRE 2
Shoot de pixels
Bienvenue dans le monde d'Aion. Vous avez atterri à Atreia. Sachez que cet
univers a subi un terrible cataclysme le divisant en deux. D'un côté, les Élyséens.
De l'autre, les Asmodiens. Ces deux ethnies s'ignoraient parfaitement jusqu'à ce
qu'elles découvrent l'existence des Baldaurs, une grave menace pour l'intégrité
de leur territoire. Élyséens et Asmodiens s'unissent pour assurer leur survivance.
Et, à toute heure du jour et de la nuit, ils restent sur le qui-vive. Les soldats
répondent présent vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans ce monde qui évolue
constamment. La performance ne réside plus dans la capacité à se battre
virtuellement, mais dans le temps de connexion. Le plus compétitif sera celui qui
dormira le moins. Aion est un MMORPG (acronyme de Massively Multiplayer
Online Role Playing Games), c'est-à-dire un jeu de rôle en ligne virtuel
massivement multijoueurs.
IronLunix (nom d'emprunt pour ne pas rompre le secret médical) s'est
rapidement fait un nom, dans ce jeu. Puissant et populaire, il est craint et
respecté. Il se fait « ami » avec les très bons joueurs réputés sur le réseau,
devient rapidement chef de guilde (l'autre nom du clan dans le langage
fantastique), et dirige des missions, planifie les combats, distribue les tâches à
ses sous-fifres. IronLunix est l'avatar de David, 17 ans. De nature timide, le
jeune homme se créera de nouveaux rapports sociaux grâce à son implication
dans le jeu. Très vite, il acquerra le grade de chef virtuel. Au même moment, et à
cause de cela, il commence à négliger son hygiène corporelle, mange ce qu'il
trouve dans les placards ou dans le frigo (chips, biscuits, chocolat, etc.). Il boit
uniquement du soda rouge et blanc non light, pour « tenir le coup ». Il s'enferme
des week-ends entiers dans sa chambre. Pendant les vacances scolaires, c'est
encore pire, selon sa mère. Mais David s'amuse des inquiétudes de son
entourage : « Ils sont dépassés par la modernité et ne comprennent rien à l'enjeu
de ce projet. » Ce à quoi ses parents répondent par une anxiété de plus en plus
vive. À tel point qu'ils viennent me consulter une première fois sans leur fils
pour s'informer et se faire confirmer le diagnostic qu'ils ont déjà posé :
l'addiction aux jeux vidéo en ligne. David doit rapidement consulter, c'est une
nécessité. Un mois plus tard, il accepte de venir, accompagné de ses parents.
En quelques séances, épaulé par son père et sa mère, le jeune homme dresse
son portrait depuis la naissance. Il arrive au monde avec quelques semaines
d'avance, à la suite de complications pendant la grossesse de sa mère. Sans doute
échaudés, ses parents le couvent un peu plus que leurs deux autres enfants. Au
cours de son enfance, David cumule un asthme, des allergies banales, se fait
opérer des amygdales et de l'appendice. Il n'a jamais été hospitalisé en dehors de
ces deux problèmes chirurgicaux et n'a jamais été vu en consultation par un
psychologue ou un pédopsychiatre.
La scolarité de David s'est très bien déroulée. D'autant qu'il n'a jamais eu
besoin de fournir de réels efforts pour réussir à l'école. Ce cadet d'une fratrie de
trois le dit lui-même : il a toujours été précoce sur tout.
Chaque année, il finit dans le peloton de tête de sa promotion scolaire, « sans
trop rien faire ». Il prend des cours de piano et de solfège, se révèle assidu et
motivé. Il aime s'amuser avec différents types de jeux de société ou sur console
individuelle. Il est « souvent dans la lune, notent ses parents, son côté distrait lui
joue des tours mais il réussit toujours à s'en sortir ». Jouer avec sa console l'aide
à se concentrer, dira-t-il en consultation.
À l'adolescence, il flirte avec les interdits, expérimente le tabac à 14 ans avec
des copains, mais ne réitère pas l'expérience. Un an plus tard, il rentre ivre d'une
soirée rap organisée chez d'autres amis. Il ne recommencera pas, selon sa mère.
Il n'a goûté à aucun autre produit, que ce soit le cannabis, la cocaïne ou l'ecstasy,
« même s'il a fréquenté récemment des gars qui en consommaient », selon les
dires du père.
La famille voyage et déménage beaucoup. Le père est diplomate et emmène
toute la smala avec lui lorsqu'il change de pays. Sa femme, commerciale pour
une grande société de luxe, arrive à se faire muter dans les villes de France ou
les pays d'Europe qui accommodent son mari. En conséquence, le noyau amical
de l'enfant est très instable. Mais David est de nature sociable et s'est toujours
trouvé un ou deux amis pour faire du skate, jouer au football, au basket ou aux
jeux vidéo. « Il a gardé contact avec l'un d'entre eux qui vit à Reims, note sa
mère. Ils se joignent via MSN ou Facebook. Ils s'appellent au téléphone et jouent
ensemble sur Internet. » David n'a jamais eu de petite amie. Sa relation la plus
forte et la plus durable est celle qu'il entretient avec ses jeux, selon sa mère. D'un
hochement de tête, son père confirme.
À l'heure où David entame ses années lycée, les nomades se sédentarisent
dans la région lilloise. Chaque enfant a sa chambre, sa télévision, sa console de
jeux, son ordinateur portable connecté en réseau à l'ADSL de la maison. Les
parents travaillent d'arrache-pied et rentrent tard le soir. Le goût excessif de
David pour les jeux vidéo s'installe à ce moment précis. Il épuise les cartouches
sur sa console, change de modèles, s'entraîne par catégories. Il ne s'arrête de
jouer que lorsqu'il a franchi toutes les étapes. Il regarde de longues heures les
chaînes spécialisées sur le câble pour se tenir informé des dernières nouveautés,
de la notation des jeux par les autres joueurs, meilleur moyen d'estimer la
popularité et la valeur de certains jeux. Il se balade aussi sur les forums Internet
pour trouver les trucs et astuces qui lui permettront d'avancer plus vite. Tout à
leur labeur, les parents ne voient rien venir. Mieux, ils l'encouragent dans cette
voie, ravis de lui découvrir une passion. Son père l'abonne à plusieurs magazines
spécialisés et l'emmène visiter deux salons dédiés, l'un en France, l'autre aux
États-Unis. « Ses bulletins scolaires trimestriels étaient satisfaisants », alors
pourquoi s'en faire ?
Le piège se referme doucement sur David qui se désintéresse petit à petit de
l'école, travaille moins, voit ses résultats scolaires décliner… Il s'est pris de
passion pour le phénomène MMORPG. Depuis, il veille tard le soir. Étourdi de
fatigue par ses nuits passées devant l'écran, il ne parvient plus à se lever le matin
pour aller en classe. Il est en retard une fois sur deux, sèche les cours, utilise des
copies scannées des signatures des parents pour justifier les heures non honorées.
David s'est entiché du monde virtuel d'Aion, ce MMORPG très à la mode qui
favorise l'interaction simultanée avec un grand nombre de personnes. Aion
devient son monde. Il ne mange plus à sa faim, ne se lave plus, ne vit plus que
pour ce jeu où il faut être connecté vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour
faire partie des meilleurs.
Sous la pression parentale, David accepte de se déconnecter de temps en
temps. « Mais, pendant mon absence, d'autres personnes continuent à jouer, le
monde change… Je deviens fou en attendant de pouvoir me reconnecter, je ne
pense plus qu'à ça, confie l'adolescent. J'angoisse terriblement parce que je sais
que, à chaque retour sur le Web, je trouve un univers différent de celui que
j'avais quitté. Heureusement, mes fidèles disciples m'aident à regagner du terrain
et à reconquérir les territoires perdus. » Ses parents lui ont aménagé un endroit
dans le salon pour qu'il puisse y travailler sans être tenté par l'ordinateur. Mais la
sensation de manque est si douloureuse que David utilise son temps libre pour
pirater les comptes Wi-Fi de ses voisins et craquer les codes du contrôle parental.
Les conflits familiaux s'amplifient au rythme de la dépendance de David. Les
parents réorganisent leur temps de travail, engagent une sorte de garde du corps
pour surveiller leur rejeton. Rien n'y fait, il continue à s'injecter du MMORPG…
Cinq fois, ses parents prennent rendez-vous pour lui auprès d'un psychiatre.
Cinq fois, il décline. À la sixième tentative, il cède. Pendant les premières
consultations, il fait preuve d'une lucidité étonnante et explique précisément sa
perte de contrôle avec les jeux sur Internet, les avantages et les inconvénients de
son comportement… Le diagnostic d'addiction est posé. Accompagné d'une
dépression sous-jacente.
David est loin d'être le seul à succomber à la tentation du jeu vidéo en ligne.
Chaque année, le nombre de patients de ce type augmente, les consultations
d'addictologie débordent. Dès les années 1970, à l'époque de la création des
premiers jeux, tout est déjà en place pour rendre indéfectibles les liens entre
l'homme et la machine. En effet, les industriels réfléchissaient déjà à la meilleure
manière d'accoutumer les joueurs.
1. Des questionnaires
Les Drs Tejeiro Salguero et Bersabe Moran ont élaboré un autre questionnaire
pour mesurer les problèmes liés à l'utilisation des jeux vidéo. L'étude a été
réalisée auprès de 223 adolescents espagnols âgés de 13 à 18 ans. Si le nombre
de réponses positives est supérieur ou égal à 4, il faut considérer que le sujet a un
usage problématique des jeux.
2. Les parents
Les parents se doivent d'accompagner leur enfant. Ils ont une triple mission :
Prévenir, Informer et Protéger.
Un système de contrôle parental appelé PEGI (Pan European Game
Information) a été développé. Présent sur tous les jeux, il apporte des
informations aux parents : type de jeu, contenu, accès sur Internet pour jouer en
ligne, scènes violentes, thèmes, âge minimal autorisé pour pouvoir jouer. Cela
permet aux parents de prendre une décision concernant un éventuel achat 2.
Il est parfois difficile en tant que parent de parler d'addiction avec son enfant.
Mieux vaut employer les termes « manque », « besoin », « perte de contrôle ». Il
faut utiliser des termes simples en se référant à des exemples concrets de
conduite de dépendance (tabac, alcool, etc.). Il suffit de le sensibiliser aux
frontières entre le normal et le pathologique des comportements de
consommation.
Couper l'accès à Internet et aux nouvelles technologies est inutile. Les
menaces de suspendre une connexion Internet ou la confiscation des ordinateurs
ou des consoles peuvent s'avérer inutiles et contre-productives. L'adolescent ira
chez des amis, dans des cybercafés, détournera l'usage de certaines machines à
l'école, etc.
Différentes questions à se poser peuvent aider :
• Quelle est la place des jeux vidéo dans mon foyer ?
• Est-ce que j'utilise la console, le Smartphone, la tablette, l'ordinateur ou un
écran comme une nounou ?
• Est-ce que je m'intéresse aux jeux que je lui achète ?
• Est-ce que je vais chercher sur Internet des informations sur ces jeux
achetés ?
• Est-ce que je surveille le contenu de ces jeux ?
• Est-ce que je respecte la classification PEGI ?
• Est-ce que je discute avec lui de ces jeux ?
• Est-ce que je joue avec lui/elle ?
• À quelle fréquence je joue avec lui/elle ?
• Fait-il/elle la distinction entre le monde réel et le monde virtuel ?
• Quelles limites ai-je posées pour les jeux vidéo ludiques ?
• Sont-elles adaptées ? Sont-elles respectées ?
• Comment une meilleure connaissance du monde du jeu vidéo me permettrait
de fixer des règles pour aider au mieux mon enfant ?
• Quelle est la place de mon enfant dans la cellule familiale ?
• Quelles sont les valeurs fondamentales dans notre famille ?
• Comment les ai-je transmises ?
Il est capital de poser des règles d'usage simples dès le plus jeune âge :
contenu du jeu, durée de temps de jeu, fréquence hebdomadaire de jeu, système
de contrôle parental, contrats de jeu fondés sur la qualité des résultats scolaires,
surveillance bienveillante sans être trop intrusif, partager en famille les moments
d'utilisation du jeu sur Internet, être au courant de la demande d'accès à des
réseaux sociaux, des forums, des blogs, lui faire confiance afin d'éviter des
mensonges sur le jeu.
Un questionnaire pour les parents 3 adapté en langue française est également
accessible, afin qu'ils puissent évaluer le problème de leur enfant. Chaque item
est associé à un nombre de points. Il faut les additionner pour obtenir un score.
En fonction du score, une orientation est proposée.
3. Consulter un spécialiste
Voici quelques termes usités par les joueurs. Il faut les connaître pour bien
comprendre ce monde virtuel et les risques d'addiction qui en découlent.
Le A…
Le B…
Le C…
Le D…
Le E…
Le F…
Le G…
Le H…
Le I…
Le J…
Le L…
Le M…
Le N…
Le O…
Le P…
Le R…
Regen : Fonctionnalité d'un jeu qui rend progressivement des points de vie à
un joueur blessé.
Roxor : Terme utilisé dans les jeux vidéo pour qualifier un joueur très
puissant.
RPG : Acronyme de role playing game ou jeu de rôle.
RTS : Acronyme de real-time strategy, ou stratégie en temps réel (STR).
RvR : Royaume versus Royaume.
Le S…
Le T…
Le U…
Le Z…
ZE : Correspond au terme Zombie Escape (mode créé par les fans du jeu
Counter-Strike).
ZM : Correspond au terme Zombie Mode (idem).
CHAPITRE 3
Jennifer est une célibataire pétillante de 24 ans. Elle aime les fringues
branchées, les chaussures à talons très très hauts, les sacs, et tous les accessoires
« tendance ». Elle ose tout, s'habille comme elle l'entend, parfois à la limite de la
décence. Chacune de ses tenues porte sa marque de fabrique : elle mixe des
vêtements importables (bariolés, informes, démodés) avec des pièces toutes
simples. Elle mélange les marques, les genres et les styles et ne jure que par ses
idoles, les filles de la série américaine Sex and the City, très portées sur la mode.
« Je suis un mélange de Carrie Bradshaw et de Samantha Jones », se plaît-elle à
dire. Elle explore quotidiennement les magazines féminins, les chaînes câblées et
Internet. À propos de la Toile, elle s'est ouvert un compte sur Twitter, ce réseau
social où les afficionados postent des petits messages de 140 signes maximum.
Elle tweete des infos sur la mode, bien sûr. Les personnes abonnées à son
compte sont toutes issues de ce microcosme branché parisien dont elle fait
partie. Fille unique, élevée dans un milieu bourgeois, elle quitte le domicile
familial vers 22 ans et s'installe en colocation dans le 20e arrondissement de
Paris. Le jour, elle travaille comme assistante dans un cabinet d'avocats, la nuit,
elle fait la tournée des clubs de la capitale. Résultat, elle n'est pas très assidue au
boulot. Côté drogues, elle dit ne consommer aucune substance, en dehors de
quelques verres de Cosmopolitan.
Jusqu'ici tout va bien, comme dirait l'autre.
Fille unique, Jennifer est le centre de toutes les attentions pendant son
enfance. Ses parents l'érigent au rang de petite princesse et la couvrent au sens
propre de cadeaux : une chambre somptueuse, des fêtes d'anniversaire
magnifiques, des milliers de jouets… Choyée, gâtée, gavée. En retour, ils
attendent d'elle un comportement de petite fille modèle. Peine perdue ! Dès la
classe de troisième, elle marque un désintérêt total pour l'école. Elle ne se
consacre plus qu'à ses toutes nouvelles passions : les vêtements à la mode et les
formes de son corps. En toute logique, ses résultats scolaires chutent tandis que
les dépenses grimpent. Sa mère la sent incapable de gérer son argent de poche et
décide de prendre en main l'avenir de sa fille. Elle fixe de nouvelles règles bien
strictes : cours privés de rattrapage, sorties et achats très limités. Au terme de
cette année et encadrée de la sorte, Jennifer réussit son brevet des collèges. À
17 ans, elle a ses premiers rapports sexuels et vit une rupture sentimentale
violente. C'est le début d'une spirale dépressive qui nécessitera l'aide d'un
psychiatre pour adolescents. Crises de tristesse et d'angoisse se succèdent. Pour
les apaiser, elle se met à dépenser sans compter en utilisant toutes ses économies,
si maigres soient-elles. Tout y passe : jupes, leggings, robes de marques, tops,
tee-shirts… La carte « black » de papa en prend aussi un coup ! Une fois
l'ouragan de la déception amoureuse passé, tout rentre dans l'ordre, malgré
quelques difficultés scolaires. Après un bac obtenu de justesse, direction la
faculté de droit… pour quinze jours seulement ! Elle multiplie alors les petits
jobs (vendeuse, caissière…) dans les magasins à la mode du 6e et du
8e arrondissement de Paris. Il y a trois ans, dans la boutique de chaussures où
elle travaille, elle commence à se servir dans le stock. Rongée par l'angoisse, elle
achète les paires de chaussures « empruntées », mais ne les sort pas de leurs
boîtes. La collection de talons commence. Elle quitte son travail après une
rupture conventionnelle de contrat. Débute alors une longue et fatale période de
chômage. Le début de l'enfer pour Jennifer. L'ampleur et le rythme des achats
s'accélèrent. Elle renonce parfois à s'acheter de quoi se nourrir pour continuer à
s'approvisionner en habits et en chaussures. Elle ne sort plus beaucoup, son
réseau social s'amoindrit et elle délaisse les vacances en famille.
« Lorsque je passe devant les boutiques des enseignes de grande marque ou
les grands magasins, l'envie est plus forte que moi, confie-t-elle. J'ai des pulsions
irrépressibles. Il faut que je dépense, que je possède ce qui me rend folle… »
Inutiles, de plus en plus onéreux, imprévus et nombreux, ses achats perdent tout
sens logique : Jennifer peut acheter jusqu'à dix fois le même accessoire. Elle ne
fait plus de shopping, elle est en chasse. Dans les boutiques, sur Internet, elle
épie les derniers objets de prêt-à-porter de luxe, qu'elle commandera en plusieurs
exemplaires, en plusieurs tailles et dans toutes les couleurs. Les dettes
s'accumulent et l'une de ses ardoises s'élèvera à 18 000 euros… À cette époque,
elle multiplie les chèques sans provision, les retraits de sommes importantes.
Elle est à deux doigts d'être interdite de chéquier. Or, se voir couper les vivres
serait une punition terrible, qui la ferait replonger aussi sec dans la morosité de
la dépression, se persuade-t-elle.
Afin de parer à ce délicat problème de budget, elle adopte une nouvelle
stratégie… peu orthodoxe. Elle prend des crédits à la consommation et se
prostitue à la manière des escort-girls. Le sexe tarifé lui rapporte rapidement de
l'argent mais elle a toujours besoin de sa dose de talons, de fix glamours, de
défonce vestimentaire. Jennifer dépense tout ce qu'elle gagne à la sueur de son
corps et continue à accumuler les dettes. Rapidement, elle arrête la prostitution.
Menacée de poursuites et de saisies par les huissiers, elle refuse l'aide de sa
famille, contracte d'autres crédits à la consommation et emprunte de l'argent à
certains de ses anciens clients. Ses difficultés financières et sa détresse aggravent
son comportement addictif. Acheter, acheter, acheter par dizaines, par milliers,
par lots. C'est inutile mais c'est plus fort qu'elle. Les vêtements et les chaussures
de luxe, la lingerie, les parfums, la maroquinerie s'entassent dans ses placards.
Elle en stocke même dans le hangar de la maison de campagne de ses parents.
Malgré tous ces symptômes, Jennifer arrive à donner le change à son
entourage. Personne ne se doute de la violence de ses troubles. Bien sûr, la
simple évocation de son comportement compulsif peut la rendre agressive. Mais
comme ses proches n'abordent guère le sujet, les occasions de s'énerver sont
rares. Toutefois, lorsqu'elle est obligée de retourner vivre chez ses parents, faute
de pouvoir payer son loyer depuis des mois, toute tentative de camouflage est
anéantie. La jeune fille est toujours au chômage et passe le plus clair de son
temps sur le Web. Sa vie d'acheteuse pathologique s'étend à Internet. Elle dérobe
la carte de crédit de son père et enchaîne les dépenses. Ses parents découvrent
rapidement l'entourloupe et stoppent net ce manège. Jennifer ne s'est jamais
préparée à un sevrage forcé et cet arrêt s'avère trop brutal. Si brutal qu'elle tente
de se suicider à l'aide de tranquillisants dérobés dans la pharmacie familiale. Elle
est alors hospitalisée dans un service de psychiatrie. Il lui faudra une semaine
pour réussir à évoquer son comportement addictif.
C'est à partir de ce moment qu'elle est vue en consultation une première fois.
Elle fait l'inventaire de ses affaires en montrant ses albums photo depuis sa page
Twitter : 600 paires de chaussures, plus de 1 000 vêtements, 150 parfums et
produits dérivés, 50 fourrures, 100 vestes et blousons en cuir… Un vrai dépôt de
luxe. Tout est encore emballé. « J'étais angoissée, alors pour me calmer, je
rentrais dans une boutique et j'achetais, expliquera-t-elle. Lorsque j'étais
déprimée, je fonçais dans une parfumerie… Pour pallier mon ennui, je sortais
l'argent. Une fois le pied en dehors de ces magasins, j'étais prise d'un violent
sentiment de culpabilité. Je voulais tout rapporter, tout rendre, mais je n'y
arrivais pas, il fallait que cela reste chez moi, pour moi. » Elle exprime le besoin
de se remplir, de combler « ce vide insupportable » qu'elle ressent au fond d'elle.
Au paroxysme de son addiction, il lui est déjà arrivé d'acheter des objets
absolument sans intérêt pour elle, comme du matériel de jardinage. Elle accepte
pour la première fois d'entrer dans un programme de soins dédié qui combine
traitement médicamenteux et psychothérapie comportementale.
La préparation de l'achat :
certains achètent de manière impulsive en se fiant à leur première impression :
« Je rentre dans le magasin, j'identifie ma cible, j'achète et je sors. » D'autres
réfléchissent plus longuement, étudient les différents produits, comparent les
prix et les magasins. Allonger cette recherche, fondée sur l'indécision, peut
rendre l'achat plus excitant. La publicité accompagne toute cette phase
préparatoire et joue un rôle de suggestion, modifiant les prises de décision et
gommant les incertitudes.
La préparation de l'achat comprend cinq phases :
• l'éveil ou l'idée de l'achat,
• le recueil et le traitement de l'information avec la naissance du besoin et la
recherche active d'une information concernant le produit,
• la comparaison des produits disponibles ou l'évaluation des alternatives,
• le choix de l'achat (article, modèle, marque, quantité, lieu de l'achat, moment
de l'achat, prix),
• le post-achat et sa dimension affective (satisfaction, déception…).
L'acheteur émotionnel
est accroché à la symbolique et à la signification de l'objet ou du bien acheté.
En réponse à du stress, de l'angoisse ou de la tristesse, mais également à des
émotions positives, le sujet achète par besoin de compensation et à visée
autothérapeutique.
L'acheteur impulsif
a une envie soudaine et irrésistible d'acheter. Une pseudo-perte de contrôle
(non pathologique) le fait passer à l'acte sans décision réfléchie avec comme
seules conséquences des dépenses plus ou moins importantes. Il peut avoir un
conflit entre ses désirs et ses principes. La culpabilité peut l'envahir après l'achat
de l'objet désiré mais, la plupart du temps ce n'est pas le cas !
Pierre, 50 ans, rentier millionnaire, propriétaire de plusieurs établissements,
dépense peu. Il possède une collection de plus de trente guitares électriques.
Cependant, il roule toujours avec la même voiture, une Porsche, depuis
vingt ans. Alors, un matin, lorsqu'il l'apporte chez le concessionnaire pour une
révision annuelle, et qu'il tombe nez à nez avec ce nouveau modèle noir à
120 000 euros, il l'achète… sans réfléchir.
L'acheteur émotionnel peut aussi acheter de manière impulsive.
L'acheteur fanatique
est différent. Il essaie de se procurer un type d'objet précis, souvent en lien
avec l'une de ses passions. Ces objets peuvent être des disques, des bibelots liés
au merchandising d'un artiste, des livres, des vêtements, des objets d'art d'une
époque ou d'un style donné. Le fanatique accumule et entasse les objets en leur
vouant presque un culte. Certains achats peuvent être impulsifs, d'autres plus
réfléchis avec des dépenses pesées. L'achat fait toujours plaisir et/ou est lié au
collectionnisme. Selon le Larousse, le collectionnisme est le besoin pathologique
de rassembler des objets hétéroclites inutiles et sans aucune valeur marchande.
Cette tendance renvoie aux personnes qui accumulent les objets d'art comme un
besoin de reconnaissance sociale.
Le collectionneur présente quatre traits de caractère : désir de possession,
émulation, tendance au classement et besoin d'activité.
Mais attention, un collectionneur dont les dépenses n'influent pas
négativement sur sa vie quotidienne ne peut pas être considéré comme
problématique. Ainsi, l'exemple de Louis, professeur d'anglais à la faculté, fan
du groupe Kiss depuis son enfance, démontre l'innocuité de la collectionnite
quand elle est mesurée. Il a fait le tour du monde pour dénicher les perles rares
issues de ce groupe. Il les suit dans plusieurs pays lors de leurs tournées, a tous
leurs tee-shirts, les programmes, les livres officiels et non officiels, les badges,
les patchs, les tasses… À force, il a acquis de solides connaissances sur ce
groupe. Il est même demandé dans certaines conventions pour cette compétence-
là. Bien sûr, le budget alloué pour cette passion est démesuré, mais il n'affecte
pas sa vie quotidienne. On ne compte plus les centaines de fans de Johnny
Hallyday, Mylène Farmer, AC/DC, Metallica, Lady Gaga, qui sont exactement
dans la même logique.
Histoire et concepts
Phase 4 : le post-achat
Manque, isolement, ruminations, idées noires et retour aux émotions négatives
sont le lot des serials buyers, en phase de post-achat. Concrètement, seules
restent les conséquences financières selon de nombreux auteurs. Bien sûr, le
meilleur remède à cet amer constat sera trouvé dans la mise en place d'un
nouveau cycle d'achats…
Une fois ses emplettes terminées, le sujet quitte le magasin et s'aperçoit qu'il a
brisé ses efforts d'autorégulation. Et, surtout, il prend conscience de l'impact
négatif de son comportement sur sa vie professionnelle, familiale et
occupationnelle selon le Pr Lejoyeux en 1997. Une fois le binge passé, les
addicts se rendent à l'évidence : ils ont acheté de multiples choses identiques
et/ou inutiles. Ils étaient donc dans un état second au moment de l'achat, leur
esprit était complètement altéré. Ils se remémorent alors la phase de préachat et
les affects négatifs qu'ils y avaient associés.
Sur un plan purement émotionnel, les acheteurs compulsifs expriment à cette
étape de la culpabilité, de la honte, des regrets, du désespoir qui s'ajoutent à leurs
affects négatifs déjà présents et à leur faible estime d'eux-mêmes. La rédemption
psychologique passera à nouveau par un épisode d'achat compulsif.
En post-achat, les difficultés s'amoncellent. Les sujets vivent dans le secret et
la dissimulation parce qu'ils craignent d'être perçus comme matérialistes ou
incapables de donner du sens à leur vie. Ce qu'ils font des biens achetés ? Cette
question est secondaire, puisque les objets sont rarement utilisés mais plutôt
amassés ou cachés. Les addicts n'attribuent aucune valeur pécuniaire ou affective
aux objets possédés, à la différence des autres consommateurs.
Les complications de cette addiction sont essentiellement psychiatriques.
Certains patients ont un trouble bipolaire (maniaco-dépression). L'achat
compulsif chez ces personnes survient en même temps que des épisodes
dépressifs ou d'excitation maniaque (troubles de l'humeur) peu sévères mais
fréquents, avec un début brutal. D'autres troubles, comme la dépression (21-
100 %) ou les troubles anxieux (41-80 %), sont retrouvés. Les individus ont
également plus de troubles de la personnalité évitante (15 %), obsessionnelle et
compulsive (22 %), borderline (15 %) et de troubles du comportement
alimentaire (8-35 %) comme la boulimie. Sur le plan addictologique, des
troubles liés à l'usage d'alcool et/ou de drogues comme la cocaïne, le cannabis,
les tranquillisants, etc. sont rapportés (21-46 %). Sur un plan analytique, l'achat
compulsif est considéré comme une pathologie de caractère narcissique.
L'évaluation des patients doit être précise et globale. Les thérapeutes peuvent
noter les antécédents psychiatriques personnels et familiaux : médicaments déjà
pris, traitements actuels, psychothérapie(s) en cours ou déjà réalisée(s), maladies
psychiatriques, hospitalisation(s). Un épisode maniaque, que l'on peut retrouver
dans la maladie bipolaire, peut s'accompagner d'achats et de dépenses
inconsidérées. D'autres signes accompagnent ce trouble comme l'euphorie, des
idées de grandeur, une surestimation de soi, des projets grandioses, de la
mégalomanie. Le caractère périodique de l'épisode maniaque va à l'encontre du
phénomène d'achat pathologique en tant qu'addiction pure. Il faut bien
évidemment interroger le serial buyer sur ses antécédents médicaux,
chirurgicaux, allergiques et les médicaments qu'il prend. Un trouble
neurologique peut très bien mimer un achat pathologique.
Il est important d'interroger le sujet sur ses comportements d'achats non
pathologiques, ce qu'il apprécie et les émotions qui accompagnent ces actes.
L'achat « normal » est un passe-temps fréquent, et s'avère parfois compulsif sur
certaines périodes de la vie (anniversaires, vacances, fêtes de fin d'année, etc.).
Les individus recevant un héritage ou gagnant aux jeux de hasard et d'argent
(loterie, jeux à gratter, poker, etc.) peuvent eux aussi expérimenter les achats
excessifs.
Pour le diagnostic, les thérapeutes peuvent s'appuyer sur un questionnaire,
d'autant qu'il apporte en général de vraies réponses. Nous vous proposons la
Compulsive Buying Scale (échelle d'achats compulsifs) développée par Faber et
O'Guinn en 1992. Vous pouvez répondre à ces dix-neuf questions en oui/non
pour vous évaluer.
Quelques recommandations :
• Accepter sa maladie
• En parler à un proche
• Éviter de porter son carnet de chèques ou sa carte de crédit
sur soi (source explosive du trouble)
• Faire du shopping avec un(e) ami(e) ou un membre de sa
famille (aide à éviter des dépenses excessives)
• Remplacer le shopping par d'autres stratégies alternatives
pour se détendre
• Aller régulièrement en consultation
CHAPITRE 4
L'hypothèse que le workaholisme puisse être classé parmi les addictions est
soutenue par de nombreux auteurs. Le workaholisme pourrait entraîner la
production d'adrénaline, hormone à l'origine de sensations agréables. Il existe
des analogies entre les descriptions cliniques du workaholisme et celles des
addictions aux drogues comme la cocaïne. Parmi ces analogies, on retrouve le
craving (désir compulsif), les phénomènes de tolérance (augmenter la dose pour
retrouver la sensation forte du premier effet) ou les signes de manque.
Le modèle psychologique des addictions sous-tend que l'abus d'une drogue,
quelles qu'en soient les conséquences négatives, procure manifestement un
bénéfice secondaire. Pour le workaholisme, cela suppose que les individus
retirent des bénéfices économiques ou psychosociaux de leur travail excessif. À
l'inverse, si les bénéfices de l'excès de travail peuvent être obtenus par d'autres
moyens, le sujet abandonnera le workaholisme pour déplacer son addiction sur
d'autres sources de récompense. Cette pathologie a été décrite comme l'addiction
la plus « propre », dans le sens où il est rare que d'autres dépendances, à des
drogues notamment, y soient mêlées.
Le modèle de l'apprentissage
Le conditionnement opérant
Seul le modèle du conditionnement opérant a été étudié concernant le
workaholisme.
Prenons le cas des animaux de laboratoire. Afin d'obtenir les mêmes
substances que beaucoup d'addicts (cocaïne, opiacés et alcool) et parce qu'ils
trouvent l'exposition à celles-ci agréable, ils apprennent à effectuer certaines
tâches. Dans ce type de modèle, le sujet va avoir tendance à répéter les actions
qui lui paraissent avoir des conséquences bénéfiques, ou qui lui permettent
d'échapper à certaines situations désagréables. On peut consommer une drogue
parce qu'elle change son ressenti (se sentir plus puissant, énergique, euphorique,
stimulé, et/ou moins déprimé), sa pensée (« je peux faire n'importe quoi, je ne
peux m'en sortir que si je me sens défoncé »), ou son comportement (moins
inhibé, plus confiant). Les conséquences positives (et négatives) perçues lors de
l'usage de drogue varient beaucoup d'un sujet à l'autre. Ceux qui sont nés avec
des antécédents familiaux addictologiques, avec un besoin élevé de recherche
des sensations, ou avec un trouble psychiatrique comorbide, peuvent trouver
dans la drogue un renforcement particulièrement puissant.
Appliqué au workaholisme, ce modèle suggère que la personne qui s'engage
dans des comportements de travail excessif reçoit l'approbation de ses pairs,
favorisant ainsi la poursuite de ce type de comportement. Dans ce cas, la
reconnaissance des pairs est le facteur de renforcement positif, et donc de
maintien du comportement. Un exemple de renforcement négatif est
l'engagement dans le travail excessif, destiné à fuir une vie familiale déplaisante.
Ainsi, le workaholisme ne va se développer que si le travail permet d'obtenir les
bénéfices escomptés. En toute logique, la prévalence du workaholisme est plus
élevée dans les professions à hauts revenus et à responsabilités élevées, et
lorsque la vie extraprofessionnelle n'est pas satisfaisante. La théorie du
conditionnement opérant prédit que chaque individu, soumis aux facteurs de
renforcement adaptés, est susceptible de devenir workaholic.
La théorie de l'apprentissage
Appliquée au workaholisme, elle se caractérise par son optimisme. Avec des
techniques permettant d'identifier et de supprimer les facteurs de renforcement,
le workaholisme peut être aisément contrôlé. Mais cette théorie néglige les
expériences passées de l'individu, comme son enfance, ses précédentes
expériences professionnelles, alors qu'il s'agit de facteurs susceptibles de
favoriser le développement de l'addiction.
Le modèle de la personnalité
Scott et son équipe, en 1997, proposent trois types de workaholics qui sont le
compulsif dépendant, le perfectionniste et celui orienté vers la réussite. Chacun
de ces types est considéré comme ayant des antécédents et des évolutions qui
diffèrent. Les caractéristiques de chaque type sont des variables continues, qui ne
s'excluent pas mutuellement. Chaque workaholic peut donc être une
combinaison de deux ou même des trois types. On retrouve comme matrice
commune : un temps considérable passé à travailler, une pensée constamment
tournée vers le travail, même en dehors des heures de bureau, et une productivité
fournie au-delà de ce qui est raisonnablement attendu pour atteindre les
exigences de son emploi ou pour combler ses besoins économiques de base.
— Le workaholic compulsif dépendant présente des caractéristiques de
l'addiction et du TOC (trouble obsessionnel compulsif). Ce type de personne
travaille plus longtemps que prévu initialement. Il reconnaît que c'est excessif,
mais ne peut absolument pas se contrôler. Il continue en dépit de problèmes
sociaux ou de santé.
— Le workaholic perfectionniste présente des critères de personnalité
obsessionnelle. Il ressent un besoin important de contrôle, ce qui l'amène à se
montrer rigide et inflexible. Il privilégie le travail et la productivité au détriment
des loisirs et des activités sociales. Il est préoccupé par les détails, les règles et
les listes de mots, de chiffres ou de tâches.
— Le workaholic orienté vers la réussite est perçu positivement. Il lutte pour
le succès et accomplit des tâches de difficulté moyenne. Il est motivé par la
compétition et il est capable de différer ses besoins pour se concentrer sur des
buts lointains.
Robinson a développé dans les années 2000 une typologie fondée sur la
quantité de travail achevé en fonction de la quantité de travail initiée. Cette
typologie à deux dimensions décrit quatre modèles types de workaholics.
Gérer le stress
Un peu de psychothérapie
Et la thérapie familiale ?
La famille joue souvent un rôle important dans l'apparition du workaholisme
mais également dans sa rémission. Une structure familiale ne fonctionnant pas
bien engendre parfois ce désir des addicts de se laisser totalement absorber par
leur travail. Les familles ont alors besoin d'assistance pour découvrir et
comprendre les raisons qui poussent le workaholic à se consacrer totalement au
travail, au détriment de l'intérêt qu'il est censé porter à sa famille. Le thérapeute
peut aider les membres de la famille à faire évoluer leurs attitudes et leurs
comportements, en améliorant la communication, et en donnant à chacun la
possibilité d'exprimer ses sentiments et ses émotions. Ainsi, le rôle des membres
de la cellule familiale est clarifié, ce qui contribue ainsi à améliorer son
fonctionnement.
Le rôle joué par les entreprises et leurs techniques de management est capital.
Certaines entreprises, du fait de leur mode de fonctionnement et de leur gestion
du personnel, favorisent l'apparition et le maintien de comportements addictifs
chez leurs employés. Les organisations qui encouragent excessivement la
compétition, brouillant les moyens de communication et forçant les salariés à se
concentrer uniquement sur des buts à court terme font le lit du workaholisme. Il
en est de même pour les structures qui promettent augmentations et promotions
en échange d'un dévouement total au travail et d'un culte de la performance
intra-entreprise.
Bien sûr, les managers se doivent de rechercher chez leurs employés un
niveau d'investissement dans le travail qui favorise la productivité, mais ce
dernier ne doit pas pour autant avoir de conséquences négatives, ni pour
l'individu ni pour l'entreprise. Ces managers doivent être capables d'identifier les
workaholics au sein de leurs équipes et de les aider à retrouver un mode de vie
plus équilibré. Le développement au sein de l'entreprise de valeurs qui font la
promotion de l'équilibre personnel et d'un mode de vie sain est une aide
importante pour tous les addicts qui veulent modifier leurs comportements de
travail.
CHAPITRE 5
Chaque addiction a une identité propre, des caractéristiques et des enjeux qui
n'appartiennent qu'à elle. Un accro au sexe n'a pas grand-chose en commun avec
un addict aux jeux vidéo : ils n'obéissent pas aux mêmes stimuli, répondent
différemment au manque et ne réagissent pas de la même manière aux effets de
leur addiction. On retrouve bien sûr des traits psychiques saillants, comme une
certaine fragilité narcissique, mais, au fond, chaque addict évolue dans son
propre univers. Il existe cependant un dénominateur commun à toutes ces
addictions : Internet. C'est parce que l'ordinateur est allumé que l'addict verra
naître un stimulus. Via Internet, il se soulagera autant de fois qu'il le désire,
puisque la Toile est capable de répondre à son manque puissance 1000. Internet
pousse à la consommation et exacerbe les tensions déjà existantes. Ainsi, Sandra,
42 ans, a certes un terrain favorable à l'érotomanie (délire passionnel
psychotique dans lequel la personne s'imagine être aimée d'une autre) mais c'est
son usage excessif et illimité d'Internet qui a provoqué sa première crise. À l'aide
de la Toile, Sandra a pu trouver les coordonnées de l'homme convoité, lui
envoyer 400 messages en quelques minutes sur le réseau social Twitter, le
harceler sur le chat de Facebook. Car Internet, c'est aussi cela : une plate-forme
d'expression illimitée, qui, en l'occurrence, a décuplé la violence des maux de
Sandra.
Afin de mieux comprendre l'impact du Web dans ces addictions, examinons le
parcours de Sandra, cette working girl célibataire sans enfant. Madeleines
s'abstenir, l'histoire qui va suivre pourrait faire tirer des larmes aux plus coriaces.
Sandra travaille comme juriste dans un grand groupe de presse. Elle partage sa
vie entre sa famille, ses deux amies et son travail. Son emploi du temps est très
organisé : elle se lève à 6 h 45, avale une orange pressée, fait trente minutes de
gym, et attend qu'un taxi l'amène au travail, duquel elle sortira vers 20 heures.
Dès qu'elle finit sa journée de boulot, elle alterne les visites aux parents et les
soirées entre copines. Le vendredi, elle participe souvent aux after-works entre
célibataires, au cours desquels elle fait régulièrement chou blanc et, le week-end,
elle reste seule chez elle.
Sandra n'a pas toujours été célibataire. Elle a même connu l'amour fou avec un
homme marié, qui le lui rendait bien. Il projetait de quitter sa femme pour elle.
Le jour où Sandra lui annonce qu'elle est enceinte, l'homme est très fier. Cet
enfant, il le veut. Sandra aussi bien sûr. Délice d'un instant. La première
échographie du bébé est bonne, mais personne n'a le temps de s'en réjouir, le
futur père meurt le jour même dans un accident de voiture. « C'est un
traumatisme dans ma vie. Je ne pouvais plus rien faire au début, se souvient
Sandra. Tout était noir. Je n'ai même pas pu aller à son enterrement. » Sidérée
par le choc, la jeune femme décide de ne pas garder l'enfant. Ne pas revoir
l'image de l'homme aimé, ne pas se rappeler, ne pas revivre la douleur.
L'interruption volontaire de grossesse est un second coup dur. Sandra plonge
alors dans l'alcool et les tranquillisants. Puis se relève tout doucement à l'aide
d'un psychologue qu'elle consulte pendant un an.
En reprenant goût à la vie, Sandra s'achète les derniers vêtements à la mode
(« J'aime mélanger les styles et les couleurs de toutes les marques »), des sous-
vêtements (« Je suis l'évolution des choses, du string je suis passée au boxer
sexy »), des chaussures (« Mes préférées sont celles dont le talon est
rouge »).Une vraie fashion victim. Élément anodin de prime abord, mais
essentiel pour comprendre le cheminement de Sandra : elle ne quitte jamais son
Smartphone, véritable doudou, ni sa tablette tactile, autre substitut de l'enfance.
Elle est scotchée en permanence via son téléphone aux réseaux sociaux, à ses
deux boîtes e-mail, et aux textos : « Je n'aime pas trop parler au téléphone, je
préfère le côté virtuel du contact. Facebook et Twitter sont parfaits pour moi,
l'inventeur du SMS, je le remercie ! Je fais les choses plus rapidement sans
m'étaler dans l'empathie, l'émotionnel, etc. » Ces derniers mois, en rentrant du
travail, Sandra modifie ses habitudes de vie. Elle s'inscrit sur des sites de
rencontres pour célibataires mais également pour personnes mariées. « Je voulais
rencontrer le prince charmant. » Parallèlement, elle passe de nombreuses heures
à chater sur Facebook avec ses cyberami(e)s, à tweeter ses humeurs et à
commenter les brefs messages des gens célèbres et des inconnus. Ses heures de
surf sur le Net augmentent sans arrêt. Alors qu'elle s'en tenait à une navigation à
partir de chez elle, elle commence à empiéter sur son temps de travail, et à
accumuler du retard sur certains dossiers… Les prémices de l'addiction sont
posées.
Lors d'une réunion professionnelle, Sandra est assise en face de Pascal, le
directeur général d'une boîte de production. D'emblée, elle est sous le charme. Le
meeting est ponctué d'un buffet de petits-fours et de champagne. Sandra
s'enhardit et vient saluer ce directeur au détour d'une coupe. Il la fixe, la salue
poliment et la remercie pour son travail. Il lui remet sa carte professionnelle en
ajoutant qu'il sera ravi de travailler avec elle à nouveau dans le futur. Rien de
bien engageant… Pourtant, elle vit cet échange de quelques secondes comme
une révélation ! Les jours qui suivent, Sandra se persuade que cet homme est
follement amoureux d'elle : « Cette façon qu'il a eue de me fixer du regard,
c'était signé. En plus, il me donne son numéro professionnel et son mail… » se
dit-elle. Ni une, ni deux, la jeune femme fonce sur Facebook et Twitter
rechercher des informations sur lui. Elle trouve différents profils correspondant à
cet homme. Elle les demande tous en cyberamitié. Par recoupement, elle trouve
le bon profil ; mieux, il s'agit de sa fiche personnelle. Il accepte sa demande en
amitié. Elle suit également son activité professionnelle via Twitter.
La première tentative de Sandra de rentrer en contact avec Pascal se fera par
e-mail. Elle lui envoie deux messages à caractère professionnel qui restent sans
réponse. Elle réitère ses envois avec un accusé de réception. Les messages ne
sont pas lus. Agacée, elle appelle l'assistante de Pascal. Elle réussit à obtenir son
téléphone portable et son mail personnel. Pascal finit par lui répondre poliment
avec des phrases toutes faites, mais cela ne l'empêche pas d'y « percevoir de
l'amour ». Facebook devient alors une véritable arme de guerre pour Sandra. Elle
y guette l'arrivée « de son bien-aimé » et lui envoie des messages par chat qui
n'en finissent plus. Elle commence par un discours cohérent mais termine sur un
délire érotico-passionnel. Au début, Pascal répond, mais, très vite, il se lasse.
Sandra justifie l'absence de ses réponses « par l'importante charge de travail qu'il
a sur les épaules ». Elle se console en se disant : « Ce n'est pas bien grave,
j'attends. » Puis, la jeune femme se met à tweeter de manière compulsive des
histoires passionnelles, son histoire d'amour, sa vie privée, sa vie intime… Un
soir, elle passe le cap des 400 tweets. Quant aux SMS, ils fusent… Pascal en
recevra une cinquantaine par jour. Une nuit, elle dérape en envoyant plus de 350
textos en moins de six heures. Les semaines passent, Sandra espère encore…
Elle rentre enfin dans une phase de dépit où elle ne se rend plus au travail,
devient complètement insomniaque, et déprime. Elle s'enferme chez elle, et
baisse les stores.
Son médecin traitant l'arrête pour burn out (épuisement professionnel).
Terrible erreur puisqu'elle se retrouve seule chez elle avec pour unique
compagnie celle des réseaux sociaux. Elle y passe d'ailleurs le plus clair de son
temps, et ne se contrôle plus… Elle se fait signaler comme indésirable sur
Facebook par d'autres internautes, mais elle revient avec deux comptes qu'elle
alimentera à une vitesse considérable en récupérant son réseau perdu. La chasse
de Pascal n'est pas finie et, devant son absence absolue de réaction, elle décide
de le rencontrer à nouveau. Habillée comme un sac, les cheveux en bataille, elle
se plante devant son assistante et déclare avec véhémence : « C'est moi, la seule
femme légitime de cet homme. Notre union aura lieu cet été dans une
somptueuse villa comme Tony Parker et Eva Longoria… Mais nous ne finirons
pas pareils, alors laissez-moi entrer ou je vous fais virer ! » Très agitée et
agressive, Sandra est raccompagnée à la porte par la sécurité. De retour à la
maison, elle se déchaîne littéralement sur les textos, mails et envois divers via
Facebook et Twitter avec notamment des photomontages d'elle et Pascal enlacés
et des menaces de mort à l'attention de l'épouse du producteur, puis de lui-même.
C'est la goutte d'eau. Une plainte est déposée. Sandra finit par se faire
hospitaliser sur décision du représentant de l'État. Un double suivi est entrepris.
Il comprend à la fois la prise en charge du tableau d'érotomanie et celui de
l'addiction à Internet et aux réseaux sociaux.
Un mot sur l'érotomanie. Il s'agit d'une maladie délirante paranoïaque relative
à la passion amoureuse. L'érotomane est persuadé d'être aimé par la victime de
son délire. Le cinéma ne manque pas d'exemples de cette pathologie. Dans Un
frisson dans la nuit, Clint Eastwood joue le rôle d'un animateur radio en proie au
délire érotomane d'une fervente admiratrice de son show. Du côté de Clint, cet
amour n'est pas réciproque. Sa fan commence alors à se faire agressive et
dangereuse. Dans Liaison fatale, Michael Douglas, brillant avocat, a une relation
extra-conjugale avec une jeune femme, célibataire, qui tombe amoureuse de lui.
Mais sa folie la rendra particulièrement violente.
L'érotomanie est un état passionnel où la personne développe un délire qui
s'amplifie avec le temps. Le postulat délirant d'être aimé s'impose brutalement.
Cette fausse intuition est provoquée la plupart du temps par un contact avec une
personne occupant un rang social important lors d'une réunion, d'une conférence,
d'un cours, d'un dîner…. Un signal quelconque comme un regard, une poignée
de main, une attitude particulière, un sourire, un détail de vie sera interprété
comme une marque d'attirance à son égard.
L'érotomanie comprend trois phases décrites par le psychiatre Gatian de
Clérambault :
La phase d'espoir
est celle où la personne attend que l'objet du délire se déclare ouvertement. La
recherche de contacts se fait par tous les moyens de communication existants. La
personne observe l'autre à son insu, le suit dans la rue, en voiture, le prend en
photo, le filme. Elle peut lui offrir des cadeaux, lui fixer des rendez-vous, et
rester de longs moments à l'attendre devant son domicile ou son lieu de travail.
Elle devient vite obsessionnelle.
La phase de dépit
intervient quand l'objet du délire ne répond pas à ses signes d'amour.
L'érotomane rationalise alors cette absence et justifie l'absence de réponse par le
fait « d'être aimé en secret ». Cette composante du délire envahit complètement
la personne. Elle est incapable de se remettre en question et reste intimement
persuadée de ce qu'elle avance. Petit à petit, elle tombe en dépression et s'isole,
puis les émotions négatives vis-à-vis de la victime remplacent l'attente.
La phase de rancune
fait suite : la personne délirante se met à proférer des menaces. L'érotomane
fait preuve d'agressivité, de haine, émet des revendications à l'endroit de l'objet
aimé ou de son entourage proche. Les mails, les SMS, les tweets, les lettres
d'insultes peuvent fuser. L'utilisation du réseau social peut être détournée. Un
passage à l'acte hétéroagressif (envers l'autre) ou autoagressif (envers soi-même)
est possible.
II. Internet, une véritable addiction
Dans les années 1990, Internet s'est immiscé dans nos vies, et se glisse
aujourd'hui dans les moindres recoins du quotidien. Avec le Web, on consomme,
on travaille et on se divertit autrement. L'apparition des réseaux sociaux a
également modifié la donne.
En 2009, 75 % des jeunes de 12 à 17 ans et 51 % des adultes estimaient
important d'être connectés pour se sentir intégrés dans la société. Près de 75 %
des Français ont un ordinateur à domicile, la plupart ayant une connexion Web.
Les plus de 60 ans se sont également équipés en ordinateurs même les couches
sociales les plus modestes. Ajoutons à cela le développement croissant de
l'utilisation d'Internet sur les téléphones portables depuis 2009. L'arrivée des
Smartphone et des tablettes tactiles n'a fait qu'accentuer le phénomène. Le
nombre d'internautes français croît chaque année. Parmi cette population,
certains sont vulnérables et développent un tableau d'addiction, même si
quelques experts contredisent ce diagnostic, la dépendance à Internet n'étant pas
encore reconnue officiellement.
L'addiction au Web a de nombreux synonymes : cyberdépendance,
cyberaddiction, cyberaholism, addiction au Net, Internetaholism, usage
problématique d'Internet. Cette pathologie n'existe pas dans les grandes
classifications internationales des maladies. Cependant, par analogie avec les
troubles liés à l'usage des substances ou avec les jeux de hasard et d'argent, les
similitudes cliniques et comportementales sont frappantes. L'addiction à Internet
est devenue un problème croissant dans de nombreux pays comme les États-
Unis, l'Italie, l'Allemagne, la République tchèque, le Pakistan et certains pays
d'Asie comme la Corée, la Chine et Taïwan. Il est difficile d'obtenir des
estimations épidémiologiques rigoureuses mais ce problème est à l'image du
Web, c'est-à-dire mondial…
Goldberg, un psychiatre américain, a adapté en 1995 les critères de
dépendance à une substance (DSM-IV) au support qu'est Internet. La
cyberdépendance est manifeste dans le cas d'une utilisation disproportionnée et
mal adaptée d'Internet, sur une période d'au moins douze mois. Elle conduit à
une perturbation définie par 3 (ou plus) des critères suivants :
• un phénomène de tolérance. Il se manifeste par l'augmentation progressive et
marquée du temps passé en connexion afin de toujours obtenir satisfaction, ou
par le même temps passé sur Internet, mais avec une diminution marquée du
plaisir ;
• un syndrome de manque. Il se manifeste soit par un arrêt ou une réduction
d'Internet difficile à supporter dans le temps, soit par une agitation, une
excitation psychomotrice, des rêves au sujet d'Internet, une irritabilité, une
angoisse ou une tristesse…
• des répercussions sur la vie de famille, de couple, et/ou sur la vie
professionnelle ;
• le besoin de réduire, apaiser ou supprimer des symptômes de manque ;
• l'utilisation quasiquotidienne d'Internet, plus longtemps et plus souvent que
ce qui est prévu initialement ;
• un désir permanent ou la volonté de faire des efforts pour diminuer, contrôler
ou interrompre son usage d'Internet, mais toujours en vain ;
• une perte importante de temps liée à l'usage d'Internet (surf non-stop) ;
• la réduction voire l'abandon des activités familiales, routinières,
quotidiennes, sociales, récréatives ;
• la persistance de l'usage d'Internet, en dépit de la connaissance des
problèmes sociaux, occupationnels, relationnels et psychologiques, occasionnés
ou entretenus par une utilisation excessive.
L'Américaine Kimberly Young, médecin, a proposé en 1996 des critères
d'addiction à Internet. Pour cela, elle s'est servie de données cliniques évoquant
un trouble du contrôle des impulsions. Elle a également mis au point un test
évaluant l'addiction à Internet.
Êtes-vous cyberdépendant ?
Ils sont multiples et ont des noms qui vous disent sans doute quelque chose :
Facebook, Twitter, LinkedIn, Viadeo, Google Plus. Ces réseaux sociaux virtuels
agrègent, au choix, des communautés d'amis, de professionnels en tout genre ou
bien les deux. Ils sont les acteurs du Web 2.0, aussi appelé Web social, où les
internautes ne sont plus passifs derrière leur écran, mais interagissent avec les
autres, construisent leur e-réputation et surtout partagent, échangent, stockent et
modifient des informations. Ajoutons à cela la nouvelle mobilité d'Internet via
les téléphones portables et les tablettes tactiles, qui incite encore plus les usagers
à se connecter sur les réseaux sociaux. Ainsi, près de 33 % des personnes s'étant
créées un profil sur ces réseaux les consultent en dehors du domicile, tous les
jours ou presque. En 2011, ceux qui étaient sur les réseaux sociaux étaient plutôt
des jeunes hommes de catégorie socioprofessionnelle élevée. Cette tendance
semble s'inverser actuellement avec 51 % de femmes, 25 % de jeunes de 13 à
24 ans et 28 % d'internautes de 50 ans et plus.
Twitter, le réseau social de microblogging, a dépassé les 500 millions
d'utilisateurs dans le monde dont 142 aux États-Unis. Djakarta est la ville où les
internautes tweetent le plus. Twitter a réellement décollé en France en 2012
(7,3 millions de profils), à l'aune de la présidentielle, des législatives, du tweet
de Valérie Trierweiler, la compagne de François Hollande, contre la candidature
de Ségolène Royal à La Rochelle, et des jeux Olympiques avec de plus en plus
d'athlètes présents. 15 % des internautes ont un compte Twitter, et la progression
est importante. Alors que le réseau était au départ un outil de journalistes, utilisé
pour consommer et partager de l'information, il concerne dorénavant toutes les
catégories socioprofessionnelles et tous les âges. Les adolescents français sont
d'ailleurs de plus en plus nombreux à être présents sur Twitter.
Facebook est le leader des réseaux sociaux en France. Mi-2012, 26 millions de
Français y étaient inscrits sur 900 millions dans le monde. 526 millions de
personnes se connectent tous les jours. Chez les lycéens français, le réseau est
omniprésent avec 92 % de jeunes possédant un compte. Les femmes y sont très
actives. Elles alimentent sans cesse leur profil et suppriment facilement leurs
cyber-amis. Les internautes visitent surtout les fiches de leurs amis virtuels,
consultent les statuts du jour et regardent leurs photos. D'après une étude réalisée
dans une université étrangère, 9 personnes sur 10 auraient utilisé Facebook dans
l'année écoulée pour espionner leur ex-partenaire. 70 % passaient par le profil
d'un cyber-ami pour observer ce que faisait la personne. La jalousie était induite
par la publication de photos de l'ex heureux(se) avec un(e) autre et faisait naître
des conflits puérils à coups de batailles d'images. Facebook se nourrit des
informations du moment, des instants de vie (une réussite à un examen, une date
de spectacle, un repas, un décès…). Au moment où nous écrivons ce chapitre,
nous sommes en plein été et les photos de doigts de pied en éventail inondent le
réseau, voilà de quoi ravir les fétichistes !
Facebook peut-il rendre dépendant ? Les recherches sur cette question sont
encore balbutiantes, malgré la recrudescence de patients présentant cette
dépendance, associée à d'autres.
Quelques personnes ont accepté de témoigner sur la potentialité de cette
addiction.
Jean, 40 ans, employé dans l'audiovisuel, a un avis très tranché sur ceux qu'il
appelle lui-même « les addicts à Facebook ». Selon lui, ils n'admettent pas être
dépendants, parce qu'ils sont persuadés que seule une drogue peut rendre
dépendant. Or, pour Internet, la substance n'est pas matérialisable : « Certaines
personnes sont accros aux réseaux sociaux mais n'acceptent pas de le
reconnaître. Mais, enlevez-leur les Smartphone, les ordinateurs portables ou les
tablettes, ne serait-ce que deux jours, elles se sentiront coupées du monde et ne
rêveront que de retrouver leur dose, cet outil qui les reliera à la vie. Pour autant,
elles ne se considèrent pas dépendantes parce qu'elles estiment que le fait de ne
pas consommer une substance comme l'alcool, l'héro ou la coke, ne les fait pas
rentrer dans cette catégorie. On ne sniffe rien, on ne fume rien, on ne s'injecte
rien ! Mais sans outil informatique, on tourne en rond, on est en manque, on
crève d'envie de se connecter, de voir ce qui se passe. On s'invente une seconde
vie sociale virtuelle en se faisant des cyber-amis. On joue à des jeux virtuels au
point que certains vivent dans une autre réalité… »
Annie, 39 ans, informaticienne, nous raconte ce qui l'a entraîné dans une
spirale de dépendance : « Je me suis engouffrée dans Facebook voilà un an et
demi. Une tornade de plaisir voyeuriste et exhibitionniste, je l'avoue. J'ai été
happée par le système, je trouvais cela fabuleux, grisant et excitant d'entrer si
facilement en contact avec des gens de tous les coins du monde. J'y ai passé
beaucoup de temps au début sans voir les heures défiler. J'ai rapidement mis de
côté mes obligations familiales. Au travail, je restais connectée en permanence.
Je construisais mon nouveau réseau d'amis qui avaient des profils professionnels
et sociaux différents du mien. Je pouvais discuter avec des gens lambda dans le
monde entier et aussi avec mes artistes préférés… Enfin, ceux qui étaient
accessibles. J'ai renoué contact avec certains ex. Tout a basculé quand j'ai
entretenu une relation amoureuse virtuelle avec un homme. Au début, c'était
platonique puis c'est devenu du safe sex (sexe virtuel). On se masturbait par
l'intermédiaire de nos webcams. Puis le déclic est venu de mon mari qui s'est
aperçu de ce changement de comportement, de mon éloignement… Notre couple
a explosé en plein vol. J'ai fermé ce compte à jamais, il était en train de ruiner
ma vie. Aujourd'hui, nous sommes en thérapie de couple. Je croise les doigts…
Facebook est sorti de ma vie, ça m'a fait un grand vide, alors pour pallier ça, je
me suis mise sur Twitter. C'est moins prenant, moins exhibitionniste. »
Marc a 29 ans, il est interne en psychiatrie et connaît bien les enjeux de cette
nouvelle dépendance : « Le déni du problème est bien présent. Il existe au même
titre que dans les autres addictions. Certaines personnes ne reconnaissent pas y
passer plus de temps que prévu alors qu'ils perdent véritablement le contrôle. On
devient vite accro à cette nouvelle sensation, on se met à rechercher des
nouveautés, à s'épancher dans cette nouvelle forme de narcissisme virtuel… Tout
le monde vous lit, vous like, commente votre humeur du moment, vos goûts, vos
envies, vous parle en direct via le chat de Facebook. Certaines personnes se
désocialisent dans la réalité pour se construire une société virtuelle. Attention, il
faut tout de même tempérer tout cela, car tout le monde n'est pas addict. »
Des chercheurs norvégiens en psychologie ont récemment développé un
questionnaire évaluant l'addiction à Facebook (Bergen Facebook Addiction
Scale). Ils ont montré que les jeunes, les femmes et les personnes anxieuses,
socialement insecure, étaient les populations les plus à risque. Ils ont également
noté que le réseau social avait la capacité de déstructurer l'architecture du
sommeil. Inversement, les personnes à faible risque d'addiction étaient celles qui
utilisaient Facebook uniquement à visée professionnelle ou pour consolider leur
réseau.
L'addiction à Facebook est une forme clinique de la dépendance à Internet
puisqu'il rassemble un comportement répétitif, une perte de contrôle et la
poursuite de ce comportement, malgré la connaissance de ses conséquences
négatives.
Dr Cecilie Schou Andreassen et ses collaborateurs proposent donc un
questionnaire fondé sur six items. Voici une version adaptée en langue française.
Chaque jour qui passait, le père de Michel petit-déjeunait, se brossait les dents
et jouait aux cartes. Plus qu'un rituel, c'était un besoin vital. Impérieux. Lorsqu'il
apprit qu'il était ruiné, et sa famille avec, il poussa la porte du garage de sa petite
maison, la referma derrière lui, s'enroula une ceinture autour du cou et se pendit.
Laissant femme et enfants endeuillés et endettés jusqu'au cou. Alors, son fils
Michel se fit une promesse : jamais il ne jouerait. Jamais. Du moins, pas en
semaine. Car la semaine, c'est réservé aux joueurs un peu fous, comme son père.
Lui, il n'est pas comme son père, il est sérieux. Lui, il se contente de descendre
au bar-tabac en bas de chez lui les samedis ou les dimanches matin, comme ça,
pour voir les copains et passer le temps. Michel a 39 ans, deux enfants, et
travaille comme agent hospitalier dans un service de médecine reconnu, il n'a
aucune envie de foutre sa vie en l'air. Alors voilà, depuis dix ans, Michel a son
petit rituel dans ce troquet qu'il ne fréquente que le week-end : il commande un
café, achète des jeux à gratter et quelques tickets de loterie, recommande un
second petit noir après avoir poncé ses ongles sur les cases à gratter, puis, quand
sonne midi, il se siffle un demi de bière avec les amis au comptoir. La routine, le
bonheur. Bien sûr, ça lui arrive à Michel de descendre dans ce petit bar en
semaine après le boulot pour prendre l'apéro avec les collègues habitant le
quartier. Mais attention, il n'avale que quelques verres et ne gratte rien ! Il se l'est
promis. Pour lui, et puis un peu aussi pour la mémoire de son père.
Jeudi soir, le bistrot est plein, un collègue fête la naissance de son premier
enfant, l'ambiance est électrique, les tournées générales s'enchaînent. Michel est
de la partie bien sûr. Il ne manquerait ça pour rien au monde. Il a bu un peu plus
que d'habitude, alors il cuve le trop-plein dans un coin du bar. Au bout de
quelques minutes, il reprend pied, décide de revenir dans la soirée, mais, avant
cela, il découvre que le bar-tabac vient de mettre en vente des nouveaux jeux de
casino à 5 euros. Il en gratte un ; puis deux. Au troisième, sa gorge se serre, son
pouls palpite et c'est le flash euphorique ! Il vient de gagner 10 000 euros ! La
chance du débutant face à un nouveau jeu… Le lendemain, il s'offre une montre
de luxe très onéreuse, une télévision à écran géant en 3D, des jouets pour ses
enfants et invite sa femme dans un restaurant étoilé, après lui avoir fait livrer 36
roses rouges (une pour chacune de ses années).
Galvanisé par ce succès inattendu, Michel considère que le vent a tourné, que
sa bonne étoile s'est enfin révélée. Alors il ne va pas en rester là. Il revient le jour
d'après au « bar gagnant », comme il aime à le surnommer, pour tenter à nouveau
sa chance. Il gagne 500 euros pour une mise de 700 euros. « C'est pas mal, se
dit-il, j'aurais pu tout perdre, là, on peut dire que j'ai gagné. Il me manquait juste
ce petit coup de pouce en plus. Je retente demain, je sais que je l'aurai. » Et le
surlendemain, et tous les jours, plusieurs fois par jour. Michel, qu'as-tu fait de ta
promesse ? La mécanique s'emballe et il met au point des rituels de grattage très
précis auxquels il ne dérogera pas le temps que durera cette spirale. Il dépense
des sommes de plus en plus considérables pour acheter ces jeux en grande
quantité. Au début, il s'accommodait d'un seul type de jeu, même s'il en
changeait de temps en temps. Mais il finit par trouver les doses insuffisantes, et
s'initie au jeu de type Rapido qui lui procure des effets proches d'un shoot de
cocaïne. Très vite, il perd le contrôle. Une envie irrésistible de jouer s'installe en
lui, de manière permanente. « J'étais pris aux tripes… Ça venait de l'intérieur…
Une tension insoutenable… Il fallait que je joue, que je dépense de l'oseille… Je
jouissais rien qu'à l'idée d'y penser et de le faire surtout. Alors, bien sûr, je
perdais plus que je ne gagnais, mais, en fait, je ne jouais plus pour gagner. » En
effet, dès qu'il touche la moindre somme d'argent, il la réinvestit. Michel confie
alors sa vie au hasard. Il se met à arriver en retard au travail, justifie cela par des
problèmes de circulation, des lignes de métro perturbées, des convocations à
différents rendez-vous médicaux et administratifs, ou des difficultés de garde
d'enfants malades. Ils ont bon dos, les enfants. Après avoir déposé l'un des deux,
soit à l'école, soit à la crèche de son hôpital, il part souvent boire un ou plusieurs
cafés et, surtout, il joue. Les minutes de grattage, de tirage, de visionnage des
résultats sur les écrans se transforment en heures. Les cafés aussi se
métamorphosent : du noir ils passent au blanc, enfin, disons plutôt aux ballons
de vin blanc ou aux doubles pastis. Il arrive à Michel de ne pas aller au travail et
même de se faire arrêter par son médecin traitant pour asthénie importante
(fatigue physique), déprime… Il joue jusqu'à cinq à six heures par jour tous les
jours : gratter, parier, gratter, parier. Tout son salaire y passe. Sa tête aussi : il
oublie d'aller chercher sa plus jeune fille à la crèche à plusieurs reprises, sa
femme ou sa belle-mère accourant pour la récupérer en catastrophe. Sa famille se
disloque, à commencer par sa fille aînée qui lui reproche de moins s'amuser avec
elle et « de gronder plus que d'habitude ». Sa femme lui pose un ultimatum : elle
le quittera, les enfants sous le bras, s'il n'arrête pas de jouer et s'il n'est pas moins
absent. « Un peu de volonté, que diable ! » hurle-t-elle un soir.
« Perdre mes filles et ma femme ? Je ne peux pas », réalise Michel qui stoppe
ses pèlerinages au bar pendant une semaine. Mais commence alors le tourbillon
des idées noires, de la véritable fatigue, du stress, de l'irritabilité, de l'insomnie…
Une nuit, il se réveille brutalement et roule jusqu'à un casino de la région
parisienne jouer aux machines à sous. Il enchaîne au petit matin dans son bar
fétiche pour gratter du papier aléatoire.
Michel franchit alors la ligne jaune en se servant sur le compte commun, mais
aussi sur les comptes épargnes des enfants pour jouer toujours plus. Sa femme
perd toute confiance en lui. Pourtant, elle ne sait pas tout. Il a secrètement pris
trois crédits à la consommation pour restituer l'argent emprunté à des amis
proches et à des connaissances de bar. En réalité, il ne rembourse personne et
joue tout au plus vite, impulsivement. Pour trouver de l'argent, Michel n'a plus
de limites. Il vend des objets à lui et à sa famille dans les magasins de troc et
d'achats à petits prix (lecteur MP3, ordinateur portable, bijoux). Il dérobe aussi
ce qu'il trouve à l'hôpital (cafetières, écrans d'ordinateur, téléphones sans fil,
livres), pour les revendre.
Michel ne comprend pas pourquoi il ne gagne plus de grosses sommes comme
avant. Alors il s'invente des stratégies de jeu et met au point des petits rituels
avant de gratter ou de parier. Il se met aussi à abuser de l'alcool et fume de plus
en plus de cigarettes qu'il achète « à l'arrache dans le métro à la station Barbès,
dans le 18e ».
Un soir, il rentre ivre de son bar fétiche, et trouve son appartement vide. Sa
femme a laissé un mot : « Il est grand temps pour toi de reconnaître que tu es
malade et qu'il faut te faire soigner. Je ne veux plus de ce climat à la maison, je
ne veux pas que nos filles grandissent en te voyant comme ça. Je ne peux plus le
supporter. »
Électrochoc. Michel est sonné. L'image de son père lui revient en pleine face,
violent boomerang. Il prend conscience de sa folie de joueur et cherche sur
Internet des informations sur la consommation excessive de jeux. « Le départ de
ceux que j'aime le plus au monde m'a permis de reprendre pied. Les gens me
parlaient et je les entendais à nouveau. J'ai réalisé tout ce que j'avais détruit. Mon
supérieur hiérarchique m'a parlé de mes absences répétées et de mon inefficacité
au travail, ça m'a touché, moi qui étais assidu et maniaque. »
Depuis, Michel s'est rendu dans un centre spécialisé où il a suivi un
programme thérapeutique combinant psychothérapie comportementale en
séances individuelles et en groupe, prises de parole et médicaments. Ses
consommations excessives d'alcool et de tabac ont également été prises en
compte. Cela fait dix-huit mois que Michel est guéri. Il vit à nouveau avec sa
femme et ses filles et a même changé de poste. La famille envisage de
déménager en Bretagne, région qu'elle chérit. Michel se rend toujours dans son
« bar gagnant » boire un café avec ses amis. Mais il ne gratte plus rien… à part
une guitare acoustique, sa nouvelle passion. Et il a pour lui cette fierté de ne pas
être allé aussi loin que son père.
L'impulsivité
correspond à un trait de caractère, caractérisé par la tendance à agir de façon
spontanée, non réfléchie, et sans souci des conséquences au long cours. Elle est
fréquemment associée à la recherche de sensations et à la prise de risque.
Stratégies d'évitement :
les capacités d'autorégulation ou d'autocontrôle des sujets sont également des
facteurs impliqués dans le jeu problématique ou pathologique. Les plus touchés
par le jeu recourent très souvent, plus souvent que les autres, à des stratégies
d'évitement pour contourner les problèmes (coping), alors que les non-joueurs et
les joueurs non problématiques vont utiliser ces stratégies pour résoudre des
problèmes.
Un joueur est une personne ayant déjà joué au moins une fois dans l'année
écoulée. Tout le monde ne devient pas addict aux jeux de hasard et d'argent.
Environ 66 % de la population générale a déjà joué aux supports offerts par la
Française des Jeux. 31 millions de personnes ont misé, en 2008, au moins une
fois sur un jeu de hasard et d'argent, sachant que l'immense majorité d'entre eux
joue aux jeux proposés par la Française des Jeux. La même année, environ
6 millions de personnes ont parié dans les PMU. Les jeux au casino ne sont pas
exclus. Les Français ont d'ailleurs doublé leurs mises en vingt-cinq ans.
Notons que les hommes jouent plus que les femmes. Même si les habitudes
culturelles expliquent en partie ces différences, force est de constater que le
marketing essaie d'inverser la tendance en adaptant les offres à un public
féminin.
Analysons tout d'abord les trois typologies de joueurs à retenir.
Le jeu pathologique
concerne 2 % de la population générale. Les joueurs intensifs jouent tous les
jours, une ou plusieurs fois par jour. Chez eux, le pourcentage de chances
d'évoluer vers un jeu problématique est le plus élevé (14,7 %). Les joueurs à haut
risque peuvent évoluer vers une addiction. Le risque de jeu pathologique est trois
fois plus élevé chez les personnes dépendantes à l'alcool ou à d'autres drogues et
deux fois plus chez les personnes souffrant de dépression ou de pathologies
anxieuses.
Le jeu problématique et le jeu pathologique peuvent débuter dès l'adolescence.
Les antécédents familiaux et le fait de démarrer le jeu précocement augmentent
le risque de développer une addiction au jeu.
Toutes les catégories sociales et professionnelles sont touchées. Cependant, les
ouvriers (27 % des joueurs de PMU), les employés (37 % des joueurs de la FDJ),
les inactifs sans emploi et les retraités (41 % des joueurs de casino) sont les
catégories les plus représentées.
Goodman, en 1990, publie dans le British Journal of Addiction, les critères de
l'addiction. Initialement, ces critères cliniques ont été élaborés dans le cadre de
ses travaux dans l'addiction sexuelle, mais sont applicables à toutes les autres.
L'addiction est caractérisée par le fait que la personne sait que son comportement
est nocif, connaît ses conséquences négatives, mais le poursuivra envers et
contre tout, parce qu'il espère que ce comportement lui procurera du plaisir et
soulagera ses tensions internes.
L'ensemble des critères est ainsi défini :
A. Impossibilité de résister à l'impulsion de s'engager dans le comportement.
B. Tension croissante avant d'initier le comportement.
C. Plaisir ou soulagement au moment de l'action.
D. Perte du contrôle en commençant le comportement.
E. Cinq des critères suivants ou plus :
1. Préoccupation fréquente pour le comportement ou l'activité qui prépare à
celui-ci.
2. Engagement plus intense ou plus long que prévu dans le comportement.
3. Efforts répétés pour réduire ou arrêter.
4. Temps considérable passé à réaliser le comportement.
5. Réduction des activités sociales, professionnelles, familiales du fait du
comportement.
6. L'engagement dans ce comportement empêche de remplir des obligations
sociales, familiales, professionnelles.
7. Poursuite malgré les problèmes sociaux.
8. Tolérance marquée.
9. Agitation ou irritabilité s'il est impossible de réduire le comportement.
F. Plus d'un mois de jeu ou de façon répétée pendant une longue période.
Vouloir à tout prix « se refaire » après avoir perdu de l'argent dans les
moments difficiles constitue l'un des premiers signes évocateurs d'un jeu
pathologique. Un autre signe consiste à masquer ses pertes d'argent à son
entourage, à dissimuler ses habitudes fréquentes de jeu. Le joueur ment sur ses
absences ou ses retards au travail, à la maison. Il se met à emprunter en mentant
sur le motif de ses demandes.
Le jeu pathologique s'installe progressivement sur plusieurs années, il est
classiquement décrit en trois phases qui sont le gain (winning phase), la perte
(loosing phase) et le désespoir (desperation phase).
La winning phase correspond à un moment où le joueur remporte un gain
important après avoir misé une énorme somme d'argent. Ce moment, qu'on peut
assimiler à un shoot, ne se reproduira plus jamais. Le joueur est souvent
débutant. Cette phase entraîne un tsunami émotionnel qui va laisser une trace
indélébile dans la mémoire du joueur. Les plus vulnérables feront tout pour
retrouver ce plaisir à la manière d'un héroïnomane ou d'un cocaïnomane.
La loosing phase correspond à un moment où le joueur est tellement
passionné que les pertes financières sont complètement sous-estimées ainsi que
les conséquences potentielles sur l'ensemble de sa vie. Les erreurs cognitives
sont légion (voir plus haut). Le joueur pense qu'il va « se refaire », qu'il a le
contrôle et la maîtrise des choses. En réalité, à cet instant précis, on est dans la
perte totale de contrôle.
La desperation phase ou phase de désespoir est le moment où l'allure
dépressive est la plus marquée, et où le jeu est utilisé comme un tranquillisant ou
un antidépresseur.
Six critères de jeu pathologique ont été proposés par Bergler en 1985 :
• le sujet doit jouer régulièrement ;
• il existe un optimisme non entamé par les expériences répétées d'échec ;
• il ne s'arrête jamais tant qu'il gagne ;
• il finit par prendre trop de risques, malgré les promesses initiales ;
• le jeu procure une sensation de frisson, d'excitation, à la fois plaisante et
douloureuse ;
• le joueur essaiera ensuite de retrouver ces sensations et aura des envies
irrépressibles de les ressentir.
Le jeu pathologique n'a jamais été qualifié officiellement de comportement
addictif dans les grandes classifications réalisées ces dernières années, même si
les joueurs malades en remplissent tous les critères diagnostiques.
Dans la 4e édition du manuel diagnostique et statistique (DSM-IV), publié par
l'American Psychiatric Association (APA) dans les années 2000, le jeu
pathologique faisait partie du trouble du contrôle des impulsions, c'est-à-dire une
maladie chronique et évolutive se caractérisant spécifiquement par la perte
constante ou périodique de contrôle face au jeu, une progression de la fréquence
des activités de jeu ou des sommes pariées assortie à de plus grandes
préoccupations concernant le fait de jouer et d'obtenir de l'argent pour cela, et la
persistance du jeu malgré ses conséquences négatives.
Pour être plus précis, il reste primordial de noter que l'addict recourt au jeu
pour fuir des problèmes personnels ou des sentiments qu'il ne maîtrise pas bien.
En plus de la perte de contrôle quand il joue, il développe ce que l'on appelle un
phénomène de tolérance. Il va avoir besoin de jouer plus longtemps ou de parier
plus pour augmenter son excitation. Comme conséquences de ce comportement,
le joueur addict présente différents symptômes : une anxiété, une irritabilité, une
tristesse, un repli… Ajoutons à cela les mensonges au sujet des jeux, la mise en
péril des relations familiales, de couple, ou professionnelles. L'individu peut
même s'engager dans des activités illicites et contracter de nombreuses dettes.
Dans la 5e version du manuel diagnostique et statistique (DSM-V) à paraître
en 2013, le jeu excessif ou pathologique fera vraiment partie des addictions. Il
sera défini par un comportement de jeu (gambling) persistant et récurrent sur une
année minimum. Il comprendra au moins quatre caractéristiques parmi les
suivantes :
• le joueur a besoin de jouer des sommes d'argent croissantes pour atteindre
l'état d'excitation désiré ;
• le joueur est irritable ou agité quand il ne peut pas jouer ou est stoppé dans
son activité ;
• le joueur a essayé ou tenté de manière infructueuse de contrôler, de réduire
ou d'arrêter de jouer ;
• le joueur est souvent préoccupé par le jeu (pensées persistantes qui visent à
revivre des expériences de jeu passées, planification d'un épisode de jeu, pensées
concernant les différents moyens de pouvoir gagner de l'argent ainsi que les
personnes avec qui il pourrait éventuellement jouer) ;
• le joueur utilise le jeu comme tranquillisant ou comme antidépresseur (lutte
contre le désespoir, la tristesse, l'angoisse, la culpabilité…) ;
• après avoir perdu de l'argent, le joueur retourne jouer pour se refaire ;
• le joueur ment pour dissimuler son activité de jeu ;
• le jeu addictif a eu comme conséquence la perte d'une relation significative,
notamment côté travail ;
• le joueur emprunte de l'argent auprès d'autres personnes pour remédier aux
situations financières désespérantes induites par son comportement de jeu ;
• le comportement addictif de jeu ne peut en aucun cas être expliqué par
l'existence d'autres maladies comme l'usage pathologique de drogues ou la
maniaco-dépression…
Les habitudes de vie du joueur pathologique sont forcément modifiées. Il va
moins dormir, moins bien s'alimenter, utiliser des substances pour pallier les
moments où il aura une baisse de régime. Il sera plus facilement sujet aux
attaques cardiaques ou aux troubles du rythme cardiaque. Enfin, le
retentissement du jeu sur le couple, la famille, l'entourage, le milieu
professionnel est un élément constant.
Pendant ses crises, Anne-Sophie n'a plus d'estomac, plus de corps, elle est
déconnectée de sa propre chair. Ce qu'elle mange, ce ne sont pas des aliments,
mais de la bouffe, d'ailleurs peu importe qu'elle soit salée ou sucrée, elle n'en
perçoit plus la saveur. Anne-Sophie ne mange pas, elle avale, ingurgite,
engouffre tout ce qui lui tombe sous la main. Pendant ses crises, la jeune femme
n'est plus douée de raison. Pour autant, elle ne déraisonne pas, mais elle perd
tout contrôle, tout sens critique. Chacun de ces épisodes commence par un
sentiment de solitude : « Ça fait comme un vide, explique-t-elle. Je commence à
penser à tout ce que je peux manger. Il me faut une quantité massive d'aliments
hypercaloriques que je vais m'enfiler rapidement et en cachette. Je ne peux pas
me contrôler, c'est plus fort que moi. » Anne-Sophie raconte pouvoir ingurgiter
en un temps record plusieurs tablettes de chocolat, quantité de paquets de
gâteaux, un pot de rillettes, un pot de glace, une bouteille de crème fraîche
liquide… La liste des aliments est sans fin. Peu importe la qualité ou le goût.
« Je n'ai aucune volonté, j'ai honte de moi. Après je me sens mal et énorme
comme un éléphant ou une baleine. Je finis toujours par avoir envie de vomir, je
me vois comme une merde, une moins que rien… La culpabilité me ronge. Puis
je me mets les doigts dans la bouche et je dégueule. »
Sa mère est très inquiète, d'autant qu'elle l'a déjà surprise un soir, dans la
cuisine, « dévalisant le frigo et les placards ». Elle apprend alors que sa fille de
20 ans répète ce comportement environ de trois à cinq fois par semaine depuis
plusieurs mois. Son médecin traitant leur conseille une évaluation et une prise en
charge en psychiatrie/addictologie.
Anne-Sophie est l'aînée d'une fratrie de deux enfants. Elle évoque une enfance
et une adolescence sans heurts particuliers. Cette jeune femme est célibataire et
travaille comme maquilleuse dans un salon de beauté. Elle habite un
appartement de deux pièces appartenant à son grand-père. Mais, depuis six mois,
elle est retournée vivre chez ses parents : « J'avais une baisse de moral et, de
toute façon, mes parents m'ont dit que leur porte était toujours ouverte. » Elle a
quelques amies sur qui elle peut compter. Elle se définit sexuellement comme
étant bi et ne recherche pas de relation sérieuse. Son statut de sex friend ne lui
déplaît pas du tout. Côté médical, elle a comme antécédents personnels un reflux
gastro-œsophagien déjà traité et une dépendance au tabac. Elle a expérimenté la
cocaïne et les amphétamines trois mois avant de venir consulter, lors d'une partie
fine dans un club échangiste avec son amant, marié et directeur général d'une
grosse entreprise de produits cosmétiques.
Au fil des consultations, Anne-Sophie explique qu'elle sait prendre soin de son
corps. Elle fait beaucoup de course à pied, « au moins une heure par jour le
matin avant d'aller bosser et le week-end, peut-être plus… » Cette jeune femme a
déjà pris des médicaments pour maigrir par le passé. Elle pèse actuellement
60 kilogrammes pour une taille de 1,74 m. Son indice de masse corporelle est
donc complètement normal (rapport poids/taille au carré). Mais Anne-Sophie dit
ne plus vouloir rentrer ni dans les boulangeries, ni dans les pâtisseries… « Je
refuse toutes les invitations au restaurant. Cela m'obsède. » Elle a une peur bleue
de grossir et les formes de son corps ne lui plaisent pas. La jeune femme évoque
également des achats multiples de vêtements et des conduites de kleptomanie
dans les grands magasins.
Cette jeune patiente est consciente du caractère pathologique de son trouble
du comportement alimentaire. Il n'existe pas de propos délirants, ni dépressifs
dans son discours. Son examen clinique retrouve une hypertrophie des parotides
(glandes salivaires) donnant une forme de poire à son visage. En effet,
l'ingurgitation massive d'aliments souvent gras, sucrés et salés oblige les
parotides à produire de la salive en très grande quantité. En étant ainsi
continuellement sollicitées, elles finissent par se dilater. Par ailleurs, chez Anne-
Sophie, on retrouve de nombreuses caries et un trouble du cycle menstruel,
symptômes souvent rencontrés dans ce type d'addiction.
— Vous êtes-vous déjà fait vomir parce que vous ne vous sentiez
pas bien « l'estomac plein » ?
— Craignez-vous d'avoir perdu le contrôle des quantités que vous
mangez ?
— Avez-vous récemment perdu plus de 6 kg en moins de trois
mois ?
— Pensez-vous que vous êtes trop gros(se) alors que les autres
vous considèrent comme trop mince ?
— Diriez-vous que la nourriture est quelque chose qui occupe une
place dominante dans votre vie ?
L'obésité est une maladie chronique évolutive qui touche 12 % des adultes en
France. Elle est devenue un important problème de santé publique du fait de sa
dissémination pandémique dans le monde, en lien avec un environnement
alimentaire toxique.
L'obésité correspond à un excès de masse grasse entraînant des inconvénients
pour la santé. Chez l'adulte jeune en bonne santé, la masse grasse corporelle
représente de 10 à 15 % du poids chez l'homme et de 20 à 25 % chez la femme.
La masse grasse est calculée à partir de l'indice de masse corporelle qui est
symptomatique d'un problème lorsqu'il est supérieur à 30 kg/m2 (les valeurs
normales étant comprises entre 18,5 et 24,9, pour les deux sexes). Chez les sujets
d'origine asiatique, les valeurs de l'indice de masse corporelle sont
respectivement pour le surpoids et l'obésité des valeurs supérieures ou égales à
23 kg/m2 et 25 kg/m2 car il a été constaté une augmentation du risque pour la
santé au-delà de ces chiffres.
Le tour de taille est également un marqueur d'obésité abdominale (supérieure
à 90 cm chez la femme, à 100 cm chez l'homme). La culotte de cheval chez la
femme correspond à une obésité gynoïde et la ceinture abdominale graisseuse
une obésité androïde, car plus fréquemment retrouvée chez l'homme.
L'obésité résulte d'un déséquilibre entre un apport alimentaire très ou trop
riche en calories, une activité physique insuffisante, une sédentarité, des facteurs
individuels (tempérament, personnalité…), des facteurs héréditaires, des facteurs
psychologiques (stress, anxiété, dépression, choc émotionnel…) et des facteurs
environnementaux (difficultés familiales, professionnelles…). La consommation
excessive de produits sucrés, de matières grasses ou de boissons alcoolisées
apporte beaucoup de calories. Sans oublier que les conduites de grignotage, les
prises alimentaires compulsives et les régimes yo-yo font prendre du poids, tout
comme la modification du rythme alimentaire, en sautant le petit déjeuner ou le
repas de midi.
L'histoire pondérale du patient permet d'avoir une vision globale de l'évolution
du poids au cours du temps. Plus la prise excessive de poids est précoce dans la
vie du sujet, plus le trouble risque d'être complexe.
L'obésité est source de nombreuses complications à la fois physiques,
psychologiques et sociales ; elle touche tous les organes du corps humain. Il
existe des risques de maladies cardiaques, d'hypertension artérielle, d'attaques
cérébrales, d'apnées du sommeil, de difficultés à bien respirer. On retrouve aussi
des douleurs aux dos, aux articulations, et de l'arthrose. Le risque de cancer de la
prostate et du côlon est présent chez l'homme, tandis que, chez la femme, il s'agit
surtout des cancers du sein, des ovaires et de l'utérus. Les troubles liés aux
graisses dans le sang, le diabète, les crises de goutte, l'infertilité sont associés à
l'obésité. L'hypersudation, les mycoses dans les plis de graisse sont de fréquentes
atteintes de la peau. Sur le plan psychologique, les obèses vivent souvent des
phases dépressives et d'anxiété.
Envisager l'obésité comme une addiction rompt avec les théories favorisant la
prévalence génétique et peut heurter certaines convictions. Cependant, les
derniers travaux de recherche montrent que cette hypothèse n'est pas à exclure.
Examinons dès lors les arguments susceptibles de donner du crédit à cette thèse.
Et s'il existait des similarités neurobiologiques et comportementales entre
l'addiction aux drogues, la consommation compulsive d'aliments et l'obésité ?
C'est en tout cas ce qu'ont mis en évidence les plus récentes études médicales. À
la fin des années 1950, déjà, Randolph écrivait qu'une consommation régulière et
spécifique d'un ou de plusieurs aliments pouvait produire des symptômes
addictifs. À l'époque, le maïs, le blé, le café, le lait, les œufs et les pommes de
terre étaient ces aliments dits addictogènes. De nos jours, il s'agit plutôt
d'aliments très caloriques, surdosés en sucres, sels et additifs de toutes espèces.
Le modèle de l'addiction serait donc une nouvelle piste qui permettrait
d'expliquer l'obésité et d'autres désordres alimentaires compulsifs. La nourriture
ne serait plus utilisée pour la survie de l'espèce mais uniquement pour le plaisir.
Le phénomène hédonique induit par la suralimentation serait identique à ce qui
est retrouvé lors de la consommation de certaines drogues, comme la cocaïne.
Plusieurs études montrent qu'il existe des voies cérébrales et hormonales qui
fonctionneraient différemment selon les individus. Ceci pourrait expliquer
pourquoi certaines personnes perdent le contrôle, continuent à manger de plus en
plus malgré la connaissance des conséquences négatives, pour finalement
devenir obèses. Certains messagers régulant l'appétit, comme la ghréline, le
neuropeptide Y, l'orexine ou la leptine, dysfonctionnent en cas d'obésité. Ils sont
associés au craving de l'alcool ou du tabac. Au niveau cérébral, des
modifications dopaminergiques ont été retrouvées chez les patients obèses,
comme chez les sujets dépendants aux drogues, à l'alcool ou à la nicotine.
Des études de neuro-imagerie cérébrale fonctionnelle ont révélé que des
aliments touchant agréablement les différents sens (goût, odorat ou vue)
renforcent la fréquence du comportement addictif comme pour les drogues
(cocaïne, opiacés, cannabis…). Les modifications des informations cérébrales
observées dans l'obésité sont également retrouvées dans de nombreux autres
types d'addiction. De plus, la suralimentation et l'obésité peuvent devenir un
comportement acquis similaire à celui retrouvé dans l'addiction aux drogues en
ce qui concerne les désordres motivationnels et le craving, cette envie irrésistible
de consommer. Le désir et la satisfaction persistante surviennent après une
exposition répétée et précoce aux stimuli. Le besoin de manger pour se nourrir et
la relative faiblesse du signal de satiété pourraient causer un déséquilibre dans le
fonctionnement et la régulation des centres cérébraux de la récompense, de la
faim et des comportements.
La prévalence de l'addiction alimentaire est particulièrement élevée chez les
patients obèses avec ou sans grave désordre lié à la nourriture (binge eating
disorder).
Un questionnaire permettant d'évaluer l'addiction alimentaire a été développé
par Gearhardt et ses collaborateurs en 2009. Il s'agit de la Yale Food Addiction
Scale. Nous en proposons une traduction française appelée « Échelle d'addiction
alimentaire ».
Le sport pour se défier, vivre dans l'exaltation puis ne plus penser à soi,
s'oublier et, enfin, ne plus exister. Lorsque Antoine vient en consultation pour la
première fois, il est déjà passé par toutes ces étapes du sportaholic. Cet avocat de
34 ans, travaillant dans une société franco-américaine de matériel informatique,
marié et père d'un garçon de 5 ans, a besoin d'une aide médicale pour sortir de
l'ornière. Grâce à un suivi thérapeutique, Antoine a réussi à se sauver de l'enfer
de l'addiction au sport. Étudions ce qui l'a amené à ne plus vivre que pour sa
dose de jogging.
Antoine a toujours été fou de sport. Son père est un ancien grand joueur de
rugby. Sa famille a donc la compétition sportive chevillée au corps. Dans ses
jeunes années, Antoine joue au tennis avec son frère aîné. « Je rêvais d'être
Yannick Noah », assure-t-il. Quand le temps n'est pas arrangeant ou que les
courts sont tous pris, les deux frères suivent les matchs à la télé. Pareil pour le
foot ou le cyclisme. Dès la classe de cinquième, Antoine enchaîne les résultats
scolaires décevants, qu'il attribue à la découverte d'une nouvelle passion : le
ballon rond. Il aimerait s'entraîner intensivement. En échange de meilleurs
résultats à l'école, son père accepte de l'inscrire en club. Antoine se plie au jeu,
ses notes remontent. Peu de temps après, il réalise des prouesses au poste
d'avant-centre. Il faut dire qu'il s'enflamme pendant les compétitions et galvanise
son club en lui faisant remporter de nombreux matchs. Le sportif en herbe est
heureux comme jamais. Il est même repéré à l'âge de 15 ans par un chasseur de
têtes qui suggère à ses parents de l'intégrer dans un centre de formation pro,
agréé par la Fédération française de football. La mère d'Antoine est réticente,
mais le père est ravi. Ils demandent au chasseur un temps de réflexion. Dans
l'attente de leur réponse, Antoine s'agite comme un lion en cage. Quelques jours
plus tard, les parents prennent une décision radicale : la famille déménage près
du centre de formation. Entraînements intensifs, scolarité au top, Antoine est
ultra-motivé. Il n'a comme objectif que de grimper les marches du podium pour
intégrer un grand club. À 18 ans, deux fractures à la cheville et à la jambe droite
l'arrêteront en plein vol. C'est un choc. Une balle tirée en plein cœur. Il vit mal
les interventions chirurgicales et la rééducation. Du temps perdu selon lui. Il
enrage. Très vite, une grande tristesse l'envahit. Il occupe son temps en bachotant
son bac ES, qu'il obtient au rattrapage. Il n'a qu'une idée en tête : refaire son
come-back dans le sport « à un haut niveau ». Mais ses fractures sont trop vives,
rien ne sera jamais plus comme avant. « Le sport, c'était devenu une bonne
addiction pour moi, explique-t-il des années plus tard. Je dis addiction mais c'est
pas pareil que les drogues. C'était positif, j'étais heureux. Je n'ai plus jamais
retrouvé cette joie, ce bonheur de gosse. » Antoine a du mal à décrocher. Ses
parents lui font rencontrer une psychologue qu'il verra 3 ou 4 fois. « Elle m'a un
peu aidé… », admet-il. À la même époque, le jeune homme expérimente le
cannabis, goûte à la cocaïne et à l'ecstasy lors de soirées en boîte de nuit avec ses
copains, tous issus de la fac de droit où il vient de s'inscrire. Antoine rencontre
des filles, des histoires sans lendemain, boit un peu, devient le leader du groupe
d'amis qu'il s'est fait. Contre toute attente, il réussit ses examens année après
année, jusqu'à obtenir un DESS lui permettant de préparer l'examen de l'école du
Barreau. Il s'en tire haut la main : « Je l'avais préparé comme une compétition
sportive. J'étais sûr de moi, motivé et voulais tout casser. » Antoine a 28 ans et
un bel avenir devant lui d'autant qu'il est engagé dans l'entreprise où il avait
effectué son premier stage. Lors d'une réunion, il rencontre une jeune femme :
c'est le coup de foudre. Pour leur premier rendez-vous, il lui propose non pas de
dîner aux chandelles mais de faire un jogging un dimanche matin au bois de
Boulogne. Elle accepte. L'expérience est tellement plaisante qu'ils remettent le
couvert quatre week-ends d'affilée. Nouveau flash pour Antoine. Il ressent
quelque chose d'intense au fond de lui : « J'ai pris un pied monumental la
deuxième fois, je ne peux pas l'expliquer. J'ai été excité, j'ai senti un truc se
serrer en moi… dans ma poitrine, dans le bas-ventre… Au troisième rendez-
vous, je lui ai fait l'amour dans le bois, sans protection, après une heure de
course… C'était énorme, j'étais dans un état second, comme un drogué. » Au
bout de seulement quelques mois, Séverine et lui s'installent ensemble. Ils
continuent à courir à deux, mais aussi à « se faire des délires de couple », comme
il dit. « On pouvait partir loin en week-end sur un coup de tête. On a essayé les
clubs échangistes. On a pris un peu de coke ensemble… » Mais le couple stoppe
ces excès assez vite : ils ont pour projet de faire un enfant. Antoine continue à
courir le week-end mais seul. Il change son mode de vie, sa garde-robe, équilibre
son alimentation. Les loisirs du couple sont liés à la course à pied. Antoine
s'intéresse de près aux marathons et s'entraîne pour y concourir. « C'était facile
pendant la grossesse de Séverine. Puis, notre fils est né et j'ai dû m'organiser
différemment. Mais je ne leur ai pas laissé le choix, même si l'arrivée du petit
était un vrai bonheur, il fallait que je courre. »
D'une heure par jour le week-end, Antoine passe à deux puis trois puis
quatre heures. Rapidement, cela ne lui suffit plus. Il se met alors à courir le
matin avant de se rendre au travail. Il passe vite à une fréquence quotidienne de
quarante-cinq minutes. Son comportement est ritualisé. Réveil à 5 h 45. Jus
d'orange pressé. Il enfile la panoplie parfaite : jogging gris, baskets de running,
et casque dans les oreilles avec de la musique très, très rock. « Il me faut du
Rammstein ou du Metallica, un bon gros son pour être à donf. » Il revient vers
6 h 30, aide sa femme – si elle est réveillée – à s'occuper du bébé, puis il se
douche et part au travail. Ce rythme ne lui convient pas. Il en veut plus. Chaque
jour, à la pause de midi, il s'octroie trois quarts d'heure pour courir. « Je voyais
que je ne pouvais plus m'en passer, c'était de la drogue. De la bonne… Ça me
rendait bien, ça m'apaisait. » Mais la qualité de son travail en pâtit. Un matin,
son boss le convoque : Antoine doit justifier ses retards à trois réunions de début
d'après-midi. « J'ai tout mis sur le dos de ma femme et sur un problème de
voiture. » Pas inquiété pour un sou, notre joggeur augmente encore son temps de
course tout en enregistrant ses performances, sa fréquence cardiaque et
respiratoire, l'évolution de sa pression artérielle…
Puis, un jour, comme un pied de nez à son addiction, une grosse grippe le
cloue au lit. Il le vit comme un drame. Il est en manque, en proie au chagrin. Une
fois sur pied, et dès son retour dans le bois où il a l'habitude de courir, ces
symptômes de craving disparaissent complètement. De peur d'attraper froid à
nouveau, il se met à courir dans un gymnase qu'il loue rien que pour lui. Plus
rien ne l'arrête, qu'il pleuve, vente, ou neige… Il court, il court… Un peu à la
manière de Forrest Gump, ce héros de cinéma incarné par Tom Hanks qui décide
un beau jour de courir comme ça, pour rien, sans but. Mais Antoine en a un de
but : la fuite. Il ne se l'avoue pas encore à cette période. Il a plutôt en tête de
commencer un nouveau régime pour perdre du poids : il veut être encore plus
performant. Citius, altius, fortius. Ses pérégrinations sportives le font rentrer tard
le soir. « Séverine pensait que je la trompais, ça a été chaud entre nous », se
souvient-il. Obsessionnel, Antoine prend ses congés en fonction des marathons
organisés dans le monde. Son problème de cheville droite datant de ses années
foot finit par le rattraper. Il consulte plusieurs spécialistes qui tous lui
recommandent de réduire son activité de jogger de manière drastique. Il s'en
moque ! Il court, a mal mais ne s'arrête pas et se fait prescrire des médicaments
anti-douleur. Ce n'est pas assez. Il passe à des médicaments plus forts (des
opiacés comme la morphine). Il arrive en retard au travail, une fois, deux fois,
trois fois… Il se met en arrêt maladie car il ne contrôle plus rien. Son épouse ne
sait plus à quel saint se vouer et demande à faire un break. Elle part chez ses
parents, dans le sud de la France, son fils sous le bras. En réponse, Antoine se
fracture à nouveau la cheville droite dans un gymnase. Il est alors hospitalisé
pour une intervention chirurgicale, doit être immobilisé plusieurs semaines et ne
pas déroger aux séances de rééducation. Il vit cette paralysie comme un
châtiment et se retrouve au cœur d'un tourbillon infernal de manque. Puis
Séverine revient à la maison. Soulagement. C'est la fin de son tourment. Le
sportaholic est vu en consultation par un médecin du sport, un nutritionniste et
un psychiatre comportementaliste. Après plusieurs mois de traitement, Antoine
court toujours mais de manière contrôlée. Il réussit à se concentrer sur d'autres
objectifs et grimpe tranquillement les échelons professionnels. Il voudrait
inscrire son fils dans un club de judo.
V. L'addiction au sport
I. Jusqu'à l'UVerdose
Icare des temps modernes, à trop s'approcher du soleil, Tanya s'est brûlée… la
peau. La jeune femme est mannequin pour une marque luxueuse de maillots de
bain. À 24 ans, elle multiplie les défilés, du sud de la France jusqu'en Amérique
du Nord. Son emploi du temps n'est pas surchargé, puisqu'elle bosse en moyenne
dix jours par mois. Son corps est son gagne-pain, elle l'entretient comme un
artiste polit ses sculptures. Malgré un train de vie dispendieux, Tanya n'est pas
tombée dans les pièges de cette vie facile. Exit les achats compulsifs, les troubles
du comportement alimentaire ou la dépendance à la cocaïne. Ainsi, elle raffole
des fringues à la mode, et peut passer des heures dans les magasins luxueux ou
sur les sites de vente en ligne, mais elle reste raisonnable et ne dépense jamais
plus que ce qu'elle ne peut. Elle doit aussi faire très attention à ce qu'elle mange,
toute calorie compte. Pour autant, elle ne souffre pas de boulimie ou d'anorexie.
Par ailleurs, on associe souvent milieu de la mode avec consommation de
drogues, or Tanya n'en absorbe aucune et ne boit pas d'alcool. Elle fume
quelques cigarettes en soirée mais uniquement en dehors de ses périodes de
travail.
Si son métier lui laisse une empreinte négative, c'est celle du corps idéal. Cette
quête vaine et infinie la pousse parfois un peu loin… Dernier exemple en date :
elle s'est épilée tout le corps au laser, de manière définitive, arguant du fait que le
moindre poil la répugnait. Puis elle a décidé, voilà deux ans, d'avoir un teint hâlé
en permanence. Ainsi, les jours de congés, elle lézarde sur les transats des
piscines dans les hôtels de luxe, un mojito sans alcool dans une main et les
derniers magazines dans l'autre. Au début, elle ne s'expose qu'après 16 heures
pour préserver sa peau de châtain clair. Le soleil l'apaise. Elle l'accompagne d'un
peu d'exercice physique en salle. Mais son temps passé à bronzer augmente tout
doucement. « Cela me fait du bien, c'est comme une bouffée permanente de
plaisir… J'adore ça mais je ne vais pas exagérer car il y a eu des cancers de la
peau dans ma famille », prévient-elle à l'époque.
Sans crier gare, les cures de soleil se rapprochent, tandis que Tanya se
badigeonne d'huiles à la mode qui ne protègent pas le moins du monde. En
quelques semaines, elle obtient un bronzage homogène qui plaît à ses amies et
surtout qui la ravit. « On m'appelait Miss Black Sun en référence à une marque
de produits cosmétiques, se souvient-elle. Mes cops et moi, on s'éclatait à se
cramer la peau, on adorait ça… » Se cramer la peau… À l'époque, sa lucidité ne
lui fait pas encore défaut, elle parle de « cramer », pas de « bronzer ». « L'été, on
avait toujours ce voyage tryptique : Saint-Tropez – Ibiza – Saint-Barth. J'étais
financée par les marques que je représentais, je pouvais me faire accompagner
de qui je voulais… Alors j'y allais avec mes trois potesses. » Un jour, étendue
sous les rayons de midi, au paroxysme de son plaisir, elle se rend compte que
dans sa vie, le soleil lui procure autant de satisfaction que le sexe. Elle a alors
cette phrase prémonitoire : « Hélios, c'est ma drogue. »
Tanya plonge dans la tanorexie un an après avoir rencontré le dieu Soleil, à
l'aune d'une histoire d'amour – étonnamment. La machine infernale s'est
enclenchée ce jour où elle tombe raide dingue du photographe qui la shoote sur
les plages de Miami. De nuits endiablées en journées plage, elle se partage alors
entre sexe et soleil. Dix jours plus tard, le photographe lui laisse un mot sur la
table du salon : « Tu es superbe mais je ne peux pas détruire mon foyer familial,
je ne veux pas te faire souffrir ni me faire souffrir… xoxo Mitch. » Insupportable
abandon. La douleur est si vive qu'elle la compare à des rafales d'enclumes lui
assaillant le ventre. Une mauvaise nouvelle en entraînant une autre, elle apprend
qu'elle n'a pas été retenue pour le prochain défilé et shooting à Rio. Elle retourne
donc travailler à Paris, l'âme à vif. Dans la foulée, Miss Black Sun vit ses
premières angoisses, elle qui n'avait jamais eu aucun problème psy. Un soir, elle
est prise d'une attaque de panique. « Je me suis réveillée brutalement au cours de
la nuit avec l'impression de ne plus pouvoir respirer », se remémore-t-elle.
C'était horrible. Un enfer. J'ai cru que j'allais mourir, je me suis vue partir. Mon
cœur battait très vite, je transpirais. Une de mes copines qui dormait dans la
chambre d'à côté m'a amenée aux urgences. Après un examen approfondi et un
électrocardiogramme, les médecins n'ont rien trouvé d'anormal et je suis sortie
quatre heures après. » Les jours passent, Tanya s'énerve pour des broutilles, un
rien l'agace. Elle n'arrive plus à travailler, ne dort plus. Un de ses amis
psychothérapeutes lui conseille de prendre un peu de lumière pour retrouver de
la vivacité. Problème, ses contrats la clouent à Paris. Elle se rend alors en
cabines de bronzage tester les UV. Elle ira jusqu'à l'UVerdose. Bien sûr, ces
séances lui redonnent goût à la vie, mais, très vite, elle augmente les doses
progressivement « comme une droguée ». Ce qu'elle ignore, c'est qu'une
quinzaine de minutes dans une cabine de bronzage en France équivaut à une
exposition de même durée au soleil de midi, sur une plage des Caraïbes, sans
protection solaire. Amis et parents la mettent en garde. Elle s'en moque
éperdument. « J'étais addict, je ne pouvais pas m'en passer. J'ai même refusé
d'aller bosser deux jours en Suisse car mon centre de bronzage préféré à Paris
recevait une nouvelle machine : je voulais être la première à la tester. Avec les
forfaits illimités, je m'y rendais non-stop, même le dimanche où je m'arrangeais
toujours pour trouver un centre ouvert. »
Les conséquences de la tanorexie sont en général très marquantes. Ainsi,
début 2012, Tanya se découvre un grain de beauté vraiment atypique, aux
multiples couleurs variant des tons marron à noirs. Elle ne s'en inquiète pas et
continue les séances d'UV. Quelques jours plus tard, elle dépasse les limites en
restant trop longtemps en cabine. Elle écope de plusieurs brûlures. Son grain de
beauté est de plus en plus bizarre et saigne par moments. Elle consulte un
dermatologue qui diagnostique un mélanome, une forme de cancer de la peau,
potentiellement mortel. D'après son médecin, elle n'a vraiment plus le choix : il
faut couper court à cette irrésistible envie de bronzer. Cependant, malgré la
terrible nouvelle, Tanya garde un moral au beau fixe. Plus étonnant encore, elle
semble à peine affectée. À tel point qu'elle décide de continuer les UV tout en
cachant sa lésion. Une de ses amies proches tente de la raisonner mais la jeune
mannequin a un mal fou à contrôler sa consommation de rayons solaires
artificiels. Sa peau à bout de souffle, Tanya accepte enfin l'aide d'un thérapeute
comportementaliste, associée à celle de son dermatologue. Une chance pour la
jeune fille, la tumeur est uniquement localisée sur la peau, elle n'a pas atteint
d'autres organes. Tanya subira une chirurgie, et quelques rayons. « Ça a été très
difficile pour moi, expliquera-t-elle. Même après l'opération, j'ai fait quelques
faux pas… La thérapie m'a aidée… Comme le Phénix qui renaît de ses cendres,
j'ai fini par revenir à moi-même. » Tanya a mis plusieurs mois à décrocher de
son addiction. Elle est toujours surveillée pour son cancer de la peau. Qui est en
rémission. Depuis, Tanya a décidé de changer de vie.
II. Une histoire de peau
Il existe deux grands types de cancer de la peau : les mélanomes et les non-
mélanomes (carcinome basocelullaire, carcinome épidermoïde).
Le risque
Le mélanome
Les mélanomes sont des tumeurs malignes. Ils se forment dans les cellules
responsables de la production du pigment de la peau appelé mélanine
(mélanocytes). Ils se présentent habituellement sous la forme d'une tache noire.
L'incidence du mélanome double environ tous les dix ans dans les pays à
population essentiellement blanche. En France, il y a cinq à dix nouveaux cas
par an pour 100 000 habitants.
Un rapport sur les cancers en Australie, réalisé par une agence
gouvernementale, datant de 2010, montre que les Australiens, accros de la plage
et du soleil, ont le taux le plus élevé de mélanome avec une issue fatale.
Cette forme de cancer est surtout provoquée par des expositions intenses et de
courte durée (surtout celles à l'origine des coups de soleil). Même si cette tumeur
peut survenir à n'importe quel endroit du corps, il est fréquent de constater
qu'elle apparaît le plus souvent sur les jambes chez les femmes et sur le dos chez
les hommes.
Ces cancers de la peau surviennent à tout âge. Ils peuvent progresser
rapidement et se disséminer dans le corps en générant des métastases dans les
poumons, le foie, le cerveau. Ils sont responsables de 75 % des décès des cancers
de la peau. La mortalité (de 1,2 à 1,5/100 000 en France, autour de 5 en
Australie) augmente moins que l'incidence, ce qui peut être attribué au
diagnostic plus précoce permettant un traitement efficace.
Le diagnostic du mélanome repose sur l'analyse de la morphologie de la lésion
cutanée, habituellement pigmentée et sur l'histoire de cette lésion rapportée par
le malade, selon une règle dénommée ABCDE.
Un mélanome se présente habituellement sous la forme d'une lésion
asymétrique (A), à bords (B) irréguliers. La couleur (C) n'est pas homogène,
avec des nuances variables dans les teintes variant du brun au noir, mais aussi du
blanc au bleu, notamment dans les zones décolorées blanches, rouges ou
cicatricielles bleutées. L'évolution de la lésion est documentée par
l'interrogatoire du patient et se traduit par un diamètre (D) de la lésion supérieure
à 6 mm ou par l'augmentation de ce diamètre. La notion d'évolution ou
l'extension (E) permanente de la lésion, c'est-à-dire le changement de taille, de
forme, de couleur et de relief, est le dernier critère pris en compte.
Le carcinome basocellulaire
Le carcinome épidermoïde
IV. La tanorexie
Psychothérapie comportementale :
les clés pour aider
I. Un peu de théorie
Le conditionnement opérant :
on ne le dira jamais assez, de l'animal à l'homme, il n'y a qu'un pas. Si les
animaux de laboratoire trouvent agréable l'exposition à une substance, alors ils
répéteront la stratégie apprise pour obtenir du plaisir grâce à cette substance-là,
délaissant d'autres éléments moins nocifs mais donnant moins de plaisir. On
parle de renforcement positif. Chez l'homme, c'est la même chose. Il peut
développer un comportement addictif à cause d'une substance ou d'un
comportement nouveau qui va modifier son ressenti (il sera stimulé, moins
angoissé, moins déprimé, plus « vivant »). Une fois l'addiction installée, les
conséquences positives et négatives perçues varient beaucoup d'un individu à
l'autre. Plus les antécédents familiaux présentent une addiction, ou un besoin
élevé de recherche de sensations, ou bien encore un trouble psychiatrique
associé, plus les sujets auront tendance à fixer leur attention sur un
comportement (sexe, jeu, achat, travail, sport, etc.) ou une drogue.
Le conditionnement classique :
nous l'avons vu tout au long de cet ouvrage, ce type de conditionnement
correspond à l'expérience réalisée par Pavlov. Ce dernier a montré que, avec le
temps, la présentation répétée d'un stimulus neutre, comme une sonnerie de
cloche, associé à un stimulus inconditionnel comme la présentation de
nourriture, permettait d'obtenir une réponse inconditionnelle, comme la
salivation chez le chien.
Ainsi, de la même manière que le chien de Pavlov, l'homme a des réponses
inconditionnelles. En effet, avec le temps, le comportement excessif de jeu, de
sexe, d'achat, d'exercice physique peut être associé à des habitudes, des endroits
particuliers (bar, hippodrome, salle de jeu, cybercafé, club échangiste, boîte de
nuit, etc.), des périodes de vie (après le travail, une réunion importante, un cours,
les week-ends, une dispute) et des états émotionnels (solitude, ennui, bien-être,
angoisse). Or, il suffit d'être exposé à un seul de ces facteurs pour que des envies
impérieuses se déclenchent automatiquement, envies qui seront bien sûr suivies
de la consommation de l'objet addictogène.
Le format :
le format thérapeutique individuel est préférable. Il permet de mettre en place
un programme personnalisé qui répond mieux aux attentes et aux besoins de
chaque patient. Les personnes addict reçoivent plus d'attention et s'impliquent
généralement davantage dans leur thérapie quand elles ont l'occasion de
travailler et d'établir une relation dans la durée avec un thérapeute unique. Le
format individuel permet une plus grande flexibilité dans la programmation des
séances et évite une trop grande attente entre deux rendez-vous. Et les patients
s'engagent plus facilement dans l'observance de leur suivi.
Cependant, voir les patients en groupe n'a pas que des inconvénients, bien au
contraire Il faut juste garder à l'esprit que la durée des séances est plus longue
qu'en individuel, puisque chacun doit pouvoir prendre la parole et commenter ses
expériences personnelles, évaluer ses compétences, donner des exemples et
participer aux jeux de rôle.
La durée :
le nombre de séances proposées peut se situer entre 12 et 16. La durée de la
thérapie est généralement supérieure à trois mois. Cette prise en charge à court
terme, relativement brève, a pour objectif de réduire le comportement de
consommation, ou bien d'atteindre et de maintenir une abstinence. Dans de
nombreux cas, il s'agit d'une thérapie suffisamment efficace pour maintenir une
amélioration pendant au moins douze mois après la fin de la thérapie. Toutefois,
chez de nombreux patients, la thérapie brève n'est pas suffisante pour produire
une stabilisation ou une amélioration durable. Dès lors, la thérapie cognitive et
comportementale peut être utilisée comme une préparation à un traitement à plus
long terme. En l'absence d'amélioration après trois mois de suivi, ou dès que le
patient le demande, un traitement prolongé est recommandé.
Les objectifs de la phase de maintien de la thérapie cognitive et
comportementale se définissent ainsi :
• identifier les situations, les affects et les pensées restant problématiques pour
les patients lorsqu'ils s'efforcent de réduire leur consommation ou de maintenir
leur abstinence ;
• maintenir les bénéfices en consolidant deux types de stratégies : les plus
efficaces pour faire face aux problèmes et celles qui ont été mises en application
par la personne elle-même ;
• encourager le patient à s'engager dans des activités et des relations
incompatibles avec le comportement addictif ;
• plutôt que d'introduire de nouvelles informations ou de nouvelles stratégies,
cette phase de maintien permet d'élargir et de maîtriser les compétences
auxquelles le patient a été exposé pendant la phase initiale de la thérapie.
Le cadre :
le cadre de la thérapie est habituellement ambulatoire, c'est-à-dire en
consultations, et ce, pour la raison suivante : la thérapie puise son inspiration
dans la compréhension des facteurs à l'origine du comportement addictif. Or,
plus le patient est plongé dans sa vie quotidienne, plus le décryptage de son
mode de vie sera possible. Apprendre de nouvelles stratégies pour modifier son
comportement est plus efficace quand le patient a l'occasion de le faire dans son
propre univers. Il sera en mesure de constater ce qui fonctionne ou ne fonctionne
pas pour lui et discutera pendant les séances avec son thérapeute pour élaborer
de nouvelles stratégies.
1. Analyse fonctionnelle
Pendant la thérapie, chaque comportement de consommation est examiné à la
loupe par le médecin et le patient. C'est ce que l'on appelle une analyse
fonctionnelle. Ils identifient ensemble les pensées et les émotions ressenties, les
circonstances antérieures et postérieures à la consommation comportementale.
De cette manière, patient et thérapeute évaluent les facteurs déterminants ou les
situations à haut risque susceptibles de mener au comportement addictif. À une
étape plus avancée de la thérapie, l'analyse fonctionnelle des comportements
permet d'identifier les situations ou les états pendant lesquels le sujet connaît
encore des difficultés et ne parvient pas encore à y faire face.
Le thérapeute doit essayer d'obtenir des réponses de la part de son patient aux
questions suivantes.
Questions concernant
les points faibles et obstacles :
Questions concernant
les points forts et compétences
Contexte
• Quels sont les marqueurs contextuels particuliers associés au comportement
addictif (argent, moments particuliers de la journée, amis…) ?
• Quel est leur niveau d'exposition quotidienne à ces marqueurs contextuels ?
• Est-ce que certains de ces marqueurs contextuels peuvent être aisément
évités ?
Émotions
• Exprime-t-il des émotions négatives (dépression, anxiété, ruminations,
inquiétude, ennui, colère) ?
• Exprime-t-il des émotions positives (excitation, joie, euphorie, bien-être,
etc.) ?
Social
• Avec qui le patient passe-t-il la majorité de son temps ?
• Avec qui consomme-t-il des drogues ?
• A-t-il des rapports avec ces mêmes individus qui ne concernent pas l'abus de
substances ?
• Vit-il avec quelqu'un qui consomme des substances ?
• Comment son réseau social a-t-il changé depuis que l'abus de substance a
commencé ou s'est aggravé ?
Cognitions
• Rechercher des pensées erronées qui permettent de continuer le
comportement addictif : « Je dois le faire pour pouvoir m'en sortir », « Je le fais
pour moins m'ennuyer », « Avec tout ce qui m'arrive, je ne peux que le faire pour
me sentir mieux », « Après tout ce temps où j'ai travaillé, j'ai bien mérité une
récompense ».
• Ces pensées sont souvent chargées sur le plan émotionnel et s'accompagnent
d'une sensation d'urgence.
Cette étape doit se référer à ce qui est fait dans les travaux psychologiques dits
motivationnels qui sont une méthode de communication directive, centrée sur la
personne, et visant au changement de comportement par l'exploration et la
résolution de l'ambivalence.
Les grands principes de cette étape de la séance que le thérapeute doit garder à
l'esprit sont les suivants :
— l'empathie ou comprendre les sentiments exprimés par l'autre inclut
l'authenticité, la disponibilité du thérapeute, la croyance en l'autre, l'intérêt, le
respect et l'acceptation de l'autre,
— l'ambivalence s'explore via la balance décisionnelle. Par la suite, le patient
plutôt que le thérapeute doit présenter les arguments en faveur du changement,
— la résistance au changement est l'indicateur d'une dissonance à l'intérieur
d'une relation thérapeutique. C'est le signal qu'il faut changer de stratégie. En
effet, mieux vaut ne pas s'opposer directement à la résistance, éviter le plaidoyer
pour le changement et inviter à de nouveaux points de vue, sans jamais les
imposer. Le patient est la source première des réponses et des solutions,
— concernant le renforcement du sentiment d'efficacité personnelle, le patient,
et non le thérapeute, est responsable du choix et du développement des
changements.
Se distraire :
trouver une solution alternative comme se promener, faire des exercices de
relaxation, sortir avec un ami, faire un peu d'activité physique, etc., tout cela peut
être une stratégie efficace pour faire face au craving. L'idéal est de préparer avec
le patient une liste de solutions alternatives fiables afin d'anticiper cette phase.
Parler du craving :
si les patients ont des amis ou des membres de leur famille abstinents qui leur
apportent un soutien, parler du craving lorsqu'il survient est une stratégie très
efficace. Cela peut les aider à diminuer les émotions négatives qui accompagnent
souvent le manque, ainsi qu'à identifier des stimuli spécifiques. Pour les patients
isolés socialement, il y a nécessité de combattre cette solitude pendant le
programme thérapeutique.
Se parler à soi-même :
de nombreuses pensées automatiques accompagnent le craving, mais elles
font tellement partie de la vie du patient qu'il n'en a pas toujours conscience. Ces
pensées automatiques ont souvent un caractère d'urgence. Il est important de les
identifier pour les anticiper efficacement et les affronter en se parlant à soi-même
de manière positive. Il faut défier la pensée avec des phrases comme : « Je ne
vais pas vraiment aller mal si je ne baise pas six fois par jour », « Je ferai aussi
bien l'amour si je me masturbe moins pour tenir. » Il faut normaliser le craving :
« C'est gênant, mais beaucoup de personnes le vivent, et c'est quelque chose que
je peux gérer. »
Accro, addict… Des termes de plus en plus souvent employés dans la vie de
tous les jours où des comportements plus ou moins dangereux se développent
dans les différents domaines que le Dr Laurent Karila et Annabel Benhaiem ont
évoqués dans cet ouvrage.
N'étant ni psychologue, psychiatre, psychothérapeute ou analyste, certains
pourraient s'étonner qu'un artiste en signe la postface, sûrement parce qu'ils ne
savent pas que j'ai rencontré Laurent pour me sortir d'une addiction à la cocaïne
qui a duré dix-sept ans.
Un jour, j'ai annoncé publiquement sur ma page Facebook (une des addictions
modernes !) que j'entamais une thérapie avec un addictologue situé pas très loin
de chez moi. Laurent m'a alors contacté au milieu d'un flot de réactions de fans,
j'ignorais qu'il était dans la liste de mes « amis virtuels ». J'ai été très surpris car
j'avais dévoré son livre Une histoire de poudre (Flammarion) mais ne me doutais
pas qu'il aimait mon travail et répondrait à ce billet d'humeur.
S'en est suivi plus d'un an de rencontres, d'échanges, de dialogues et de
conseils thérapeutiques avec lui à l'hôpital Paul-Brousse à Villejuif, transcendés
encore par une collaboration artistique via l'écriture de deux albums concept
pour un de mes projets musicaux, le groupe de hard rock Satan Jokers
(AddictionS sorti en 2011 incluant un e-book préventif de 130 pages écrit
ensemble et Psychiatric en janvier 2013) sur le label Rebel Music.
Plusieurs domaines dont Laurent parle dans ce livre me touchent tout
particulièrement comme le sexe, le travail, la malbouffe ou encore Internet.
Le « produit » et les comportements addictifs sont associés, je suis en quelque
sorte un « cas d'école » en matière d'addictions puisque avant j'associais ma
consommation de cocaïne au sexe. Avec la cocaïne, mon système cérébral s'est
complètement inversé. Dès que je faisais quelque chose de positif, je souhaitais
me récompenser en consommant du produit, c'est ce que Laurent a appelé
« substance récompense » dans un des titres composés ensemble pour l'album
AddictionS. Mon cerveau ne distinguait plus les choses de façon normale et je
donnais satisfaction à chaque envie. Le craving, envie irrésistible de consommer,
peut se gérer en suivant une technique mentale très précise mais, à une époque,
je ne faisais que décaler le problème de quelques heures pour finalement céder à
mes envies.
Plutôt que de garder en mémoire les douleurs, crises de larmes, d'angoisse et
dépressions en tous genres liées à un comportement addictif, le cerveau, au
moment de céder à la tentation, ne conserve que le souvenir de la première
excitation, pourtant éphémère.
J'ai toujours pensé qu'on est addict quand on est conscient qu'on se fait du mal
mais qu'on continue quand même. Le retour en arrière est donc extrêmement
compliqué et semé d'embûches car toutes les émotions et les comportements se
dérèglent face à une telle maladie. Car c'est bien d'une maladie qu'on parle.
Les addictions comportementales sont un nouvel axe de la maladie addictive
qui touche tout le monde, quel que soit l'âge. Notre société est vectrice de ses
maux, Internet, les jeux d'argent, les jeux vidéo, le sexe, le bronzage à outrance,
le workaholisme ou le sportaholisme, de la même manière que les drogues.
Il y a un parallèle évident entre la consommation de coke chez certains et les
troubles comportementaux (jeux, achats…) chez d'autres.
La thérapie comportementale peut aider un addict dans sa volonté d'arrêt mais
rien ne remplace une forte et réelle décision personnelle. Selon moi, on ne peut
pas forcer un malade à mettre fin à son addiction s'il n'en a pas l'intime
conviction.
On cherche souvent les origines de l'addiction. En rencontrant d'autres
malades ou en discutant avec eux, j'ai pu me rendre compte que nous ne sommes
pas tous égaux devant elle.
Certains ont une propension à l'addiction plus forte que d'autres. J'ai été élevé
par une mère protectrice et aimante, je suis hypocondriaque. Je n'avais donc pas
spécialement de terrain propice au développement d'une addiction. J'ai pourtant
bel et bien sombré.
Il me semble que les comportements addictifs se multiplient aujourd'hui car la
société est de plus en plus dure et permet toutes sortes de dérives dangereuses.
Les générations futures risquent malheureusement d'être de plus en plus
« accro ».
Médicalement, on est addict lorsqu'on éprouve de la souffrance. Je pense que
ce que j'ai vécu sexuellement grâce aux multiples rencontres faites au travers de
ma carrière de chanteur m'a blasé assez vite. C'est une des raisons qui m'a mené
à la cocaïne comme je l'explique dans les dix-sept chapitres correspondant à dix-
sept années d'addiction de Poudre aux yeux (Sexe & drogues & show business
paru chez Pygmalion), une autobiographie-confession rédemptrice, écrite en
2011 sur les conseils du Dr Laurent Karila.
Ma rencontre avec Laurent m'a fait prendre conscience qu'il est nécessaire de
se faire aider et d'être accompagné médicalement.
Laurent Karila, mon frère, mon ami, mon « neurone miroir » comme il le dit
souvent. Notre rencontre est un signe du ciel. Il m'accompagne artistiquement
depuis plus d'un an et j'espère pouvoir l'accompagner à mon tour dans les années
à venir en tant que conseiller sur la recherche de nouvelles méthodes de
sensibilisation, de prévention ou même de clés vers une guérison totale dans le
cadre de diverses addictions. J'aurai ainsi le sentiment que ces dix-sept années de
fuite en avant gaspillées dans la poudre n'auront pas totalement servi à rien.
Renaud Hantson
Annexes
1. Nous avons admis que nous étions impuissants devant notre dépendance
affective et sexuelle, que nous avions perdu la maîtrise de nos vies.
2. Nous en sommes venus à croire qu'une Puissance Supérieure (ce n'est pas
forcément le Dieu représentant une religion) à nous-mêmes pouvait nous rendre
la raison.
3. Nous avons décidé de confier notre volonté et nos vies aux soins de Dieu tel
que nous Le concevions.
4. Nous avons courageusement procédé à un inventaire moral et minutieux de
nous-mêmes.
5. Nous avons admis à Dieu, à nous-mêmes et à un autre être humain la nature
exacte de nos torts.
6. Nous avons pleinement consenti à ce que Dieu éliminât tous ces défauts de
caractère.
7. Nous Lui avons humblement demandé de faire disparaître nos déficiences.
8. Nous avons dressé une liste de toutes les personnes que nous avons lésées
et nous avons résolu de leur faire amende honorable.
9. Nous avons réparé nos torts directement envers ces personnes, partout où
c'était possible, sauf lorsque nous pouvions leur nuire ou causer du tort à
d'autres.
10. Nous avons poursuivi notre inventaire personnel et admis nos torts dès que
nous nous en sommes aperçus.
11. Nous avons cherché par la prière et la méditation à améliorer notre contact
conscient avec Dieu, tel que nous Le concevions, Le priant seulement de nous
faire connaître Sa volonté à notre égard et de nous donner la force de l'exécuter.
12. Ayant connu un réveil spirituel comme résultat de ces étapes, nous avons
alors essayé de transmettre ce message aux autres dépendants affectifs et sexuels
et de mettre en pratique ces principes dans tous les domaines de notre vie.
Test 1 : Chapitre 2. Shoot de pixels (p. 90-97)
4. J'ai déjà essayé – infructueusement – de réduire le temps de jeu de mon enfant :
• Jamais (0)
• 1 fois (1)
• 2 fois (1)
• 3 fois (2)
• 4 fois ou plus (3)
5. Si je ne mettais pas de limites sur le temps passé à jouer aux jeux vidéo, mon enfant jouerait :
• De manière identique à maintenant (0)
• Sûrement plus que maintenant (1)
• Significativement plus que maintenant (2)
• Beaucoup plus que maintenant (2)
6. Mon enfant a accès aux jeux vidéo dans sa chambre :
• Oui (2)
• Non (0)
7. Mon enfant veille tard le soir pour jouer aux jeux vidéo. Il en résulte une fatigue matinale :
• Jamais ou rarement (0)
• Occasionnellement (1)
• Fréquemment (2)
• La plupart du temps (3)
8. Mon enfant a la permission de jouer aux jeux vidéo avant que ses devoirs soient terminés :
• Jamais ou rarement (− 1)
• Occasionnellement (0)
• Fréquemment (1)
• La plupart du temps (2)
9. Mon enfant préférerait jouer aux jeux vidéo que de sortir avec des ami(e)s :
• Jamais ou rarement (0)
• Occasionnellement (1)
• Fréquemment (2)
• Toujours (3)
10. Mon enfant semble avoir peu d'amis en dehors de son monde de jeu :
• Pas tout à fait vrai (0)
• Assez vrai (1,5)
• Tout à fait vrai (1,5)
• Définitivement vrai (3)
11. Les résultats scolaires de mon enfant sont perturbés par les jeux :
• Pas du tout vrai (0)
• Assez vrai (1,5)
• Tout à fait vrai (3)
12. Mon enfant ment sur le temps passé à jouer aux jeux vidéo :
• Pas du tout vrai (0)
• Probablement vrai (1)
• Définitivement vrai (2)
13. Mon enfant a des activités scolaires ou occupationnelles :
• Non, aucune (2)
• Oui, une activité (0)
• Oui, 2 activités (− 1)
• Oui, 3 activités ou plus (− 2)
14. Mon enfant a des intérêts en dehors du monde des jeux vidéo :
• Non, pas du tout (3)
• Oui, un autre intérêt (1)
• Oui, 2 autres intérêts (− 1)
• Oui, 3 ou plus (− 2)
15. Mon enfant néglige son hygiène à cause de son comportement excessif de jeu :
• Jamais ou rarement (0)
• Occasionnellement (1)
• Souvent (2)
• Toujours (3)
16. Mon enfant dépense son argent en achetant des jeux vidéo ou en s'abonnant à des services en ligne sur Internet pour
ses jeux :
• Jamais – il ou elle ne dépense jamais d'argent pour les jeux (0)
• Rarement – il ou elle dépense un peu d'argent (0)
• Souvent – il ou elle dépense une somme d'argent significative (1,5)
• Toujours – il ou elle dépense tout son argent dans les jeux vidéo (3)
17. Mon enfant a un petit job :
• Non, il est trop jeune pour travailler ou je préfère qu'il ne travaille pas (0)
• Non, il est trop impliqué dans d'autres activités (n'incluant pas les jeux vidéo) (− 1)
• Non, j'aimerais bien qu'il travaille mais il refuse de le faire (2)
• Oui, mais il a des difficultés à conserver son job (2)
• Oui, il a un job (− 2)
18. D'autres membres de la famille sont concernés par le problème de jeu vidéo de mon enfant :
• Non. Ils le savent mais ne s'en soucient pas (− 1)
• Non. Ils ne savent pas combien de temps il joue (0)
• Oui, d'autres membres de la famille sont concernés par le fait que mon enfant joue (2)
19. Mon enfant devient irritable ou anxieux quand il ne peut pas accéder à son jeu favori (ordinateur éteint par
exemple) :
• Jamais (0)
• Rarement (0,5)
• Souvent (2)
• Toujours (3)
20. Quand votre enfant ne joue pas à son jeu préféré, il perd du temps à lire ou à échanger on line avec d'autres joueurs
• Jamais (0)
• Rarement (0)
• Occasionnellement (1)
• Souvent (2)
21. Mon enfant s'énerve ou est très défensif quand je lui parle des habitudes de jeu :
• Jamais (0)
• Oui, occasionnellement (1)
• Oui, souvent (2)
• Oui, la plupart du temps (2)
22. Parent, je décide des jeux auxquels mon enfant peut jouer :
• Oui, toujours (− 1)
• Habituellement, je contrôle tous les jeux et n'en autorise pas certains (0)
• Rarement. Mon enfant choisit généralement le jeu qu'il veut acheter ou installer (2)
• Jamais. Mon enfant achète et installe les jeux qu'il veut (2)
23. Mon enfant s'arrange pour jouer en ligne quand ses amis, son équipe, sa guilde, ou son clan jouent également,
même si c'est à des horaires non autorisés ou inadaptés :
• Jamais (0)
• Rarement (1)
• Quelquefois (2)
• Souvent (3)
24. Mon enfant aurait des difficultés à arrêter de jouer une semaine :
• Non pas du tout. Ce serait très facile pour lui (− 2)
• Mon enfant n'aimerait pas mais il pourrait le faire sans trop de problèmes (1)
• Mon enfant aurait de grandes difficultés à s'arrêter pendant une semaine (2)
• Ce serait impossible pour mon enfant de s'arrêter pendant une semaine (3)
25. Mon enfant mange en même temps qu'il joue aux jeux vidéo :
• Jamais, juste un en-cas de temps en temps (0)
• Quelquefois (1)
• Souvent (2)
• Toujours (3)
26. Mon enfant admet qu'il joue trop :
• Non (0)
• Oui (3)
27. Mon enfant a des maux de tête ou les yeux rouges ou mal aux mains et/ou a des douleurs à cause des jeux vidéo :
• Jamais ou très rarement (0)
• Quelquefois (1)
• Souvent (2)
28. Mon enfant joue aux jeux vidéo dès qu'il en a l'opportunité (par exemple, dès qu'il rentre de l'école, immédiatement
après le dîner…) :
• Jamais (0)
• Rarement (0)
• Quelquefois (1)
• Souvent (2)
29. Mon enfant a eu une session de jeu qui a duré sept heures ou plus non-stop :
• Jamais (0)
• Rarement (2)
• Quelquefois (3)
• Souvent (4)
30. Mon enfant travaille bien à l'école :
• Jamais (2)
• Rarement (1)
• Habituellement (− 1)
• Toujours (− 2)
Interprétation du score :
Entre 0 et 20 : risque faible d'addiction aux jeux vidéo. Il faut savoir que jouer aux jeux vidéo est quelque chose de
banal chez les enfants et les adolescents. Tant que cela n'interfère pas avec leur vie, ne vous inquiétez pas !
Entre 21 et 40 points : risque modéré d'addiction aux jeux vidéo. Il est possible que votre enfant ait un comportement
excessif en rapport avec les jeux vidéo, quelque chose a probablement changé chez votre enfant. Parent, vous devez
d'abord vous positionner. Posez des limites, prévoyez certaines règles en accord avec votre enfant.
Entre 41 et 60 points : risque élevé d'addiction aux jeux vidéo. Le jeu affecte votre enfant dans de nombreux domaines
de sa vie. Vous devriez vous rapprocher de professionnels pour vous faire aider.
Pour les troubles dépressifs ou anxieux, une échelle appelée HAD (Hospital
Anxiety Depression scale), mise au point par Sigmond et Snaith en 1983, est
disponible. Il s'agit d'un auto-questionnaire réalisable par tous, dont les résultats
doivent être analysés par un médecin.
A. J'ai une sensation de peur comme si quelque chose d'horrible allait m'arriver :
3. Oui, très nettement
2. Oui, mais ce n'est pas trop grave
1. Un peu, mais cela ne m'inquiète pas
0. Pas du tout
D. Je ris facilement et vois le bon côté des choses :
0. Autant que par le passé
1. Plus autant qu'avant
2. Vraiment moins qu'avant
3. Plus du tout
A. Je me fais du souci :
3. Très souvent
2. Assez souvent
1. Occasionnellement
0. Très occasionnellement
D. Je suis de bonne humeur :
3. Jamais
2. Rarement
1. Assez souvent
0. La plupart du temps
A. Je peux rester tranquillement assis à ne rien faire et me sentir décontracté :
0. Oui, quoi qu'il arrive
1. Oui, en général
2. Rarement
3. Jamais
D. J'ai l'impression de fonctionner au ralenti :
3. Presque toujours
2. Très souvent
1. Parfois
0. Jamais
A. J'éprouve des sensations de peur et j'ai l'estomac noué :
0. Jamais
1. Parfois
2. Assez souvent
3. Très souvent
D. Je ne m'intéresse plus à mon apparence :
3. Plus du tout
2. Je n'y accorde pas autant d'attention que je le devrais
1. Il se peut que je n'y fasse plus autant attention
0. J'y prête autant attention que par le passé
A. J'ai la bougeotte et n'arrive pas à tenir en place :
3. Oui, c'est tout à fait le cas
2. Un peu
1. Pas tellement
0. Pas du tout
D. Je me réjouis d'avance à l'idée de faire certaines choses :
0. Autant qu'avant
1. Un peu moins qu'avant
2. Bien moins qu'avant
3. Presque jamais
A. J'éprouve des sensations soudaines de panique :
3. Vraiment très souvent
2. Assez souvent
1. Pas très souvent
0. Jamais
D. Je peux prendre plaisir à un bon livre ou à une bonne émission de radio ou de télévision :
0. Souvent
1. Parfois
2. Rarement
3. Très rarement
La valeur seuil de sensibilité (problème d'anxiété ou de dépression) pour l'échelle A (pour anxiété) ou D (pour
dépression) est fixée à 8.
Le premier test à faire pour savoir où le sujet se situe par rapport à son
comportement de jeu est un test de repérage appelé Parier/Mentir (test Bet and
Lie). Il comprend deux questions en oui/non.
— Ressentez-vous le besoin de vous refaire une fois que vous venez de perdre de l'argent ?
— Avez-vous déjà dû cacher des pertes d'argent à votre entourage ?
Si une réponse est positive, il faudra se faire évaluer plus précisément par un spécialiste qui envisagera un test plus
poussé appelé South Oaks Gambling Screen (SOGS) (Lesieur et Blume, 1987 ; traduction française : Lejoyeux, 1999),
que voici :
1. Indiquez, parmi les jeux suivants, celui (ou ceux) au(x)quel(s) vous avez déjà joué(s) dans votre vie. Pour chaque
type de jeu, choisissez l'une des réponses proposées.
2. Quelle est la somme la plus importante que vous ayez déjà jouée en une seule journée ?
N'a jamais joué
1 euro ou moins
Entre 1 et 15 euros
Entre 15 et 150 euros
Entre 150 et 1 500 euros
Entre 1 500 et 15 000 euros
Plus de 15 000 euros
3. Certains membres de votre famille ont-ils eu des problèmes de jeu ? (cochez une ou plusieurs réponses)
Père
Mère
Frères ou sœurs
Époux ou concubin
Enfants
Grands-parents
Autres parents
Ami ou personne importante de votre vie
4. À quelle fréquence retournez-vous jouer le lendemain pour essayer de gagner à nouveau l'argent perdu la veille ?
Jamais
Quelquefois (moins de la moitié du nombre de fois où j'ai perdu)
À peu près chaque fois que je perds
Chaque fois que je perds
5. Avez-vous déjà dit avoir gagné de l'argent au jeu quand en fait ce n'était pas réellement le cas ?
Jamais (ou je n'ai jamais joué)
Oui, moins de la moitié du nombre de fois où j'ai perdu
Oui, la plupart du temps
6. Avez-vous actuellement, ou avez-vous eu, à un moment de votre vie, des difficultés avec le jeu ?
Non
Oui, dans le passé mais pas maintenant
Oui
7. Avez-vous déjà joué plus que vous ne l'aviez prévu ?
Oui
Non
8. Les gens ont-ils déjà critiqué le fait que vous jouiez ou vous ont-ils dit que vous aviez un problème avec le jeu, que
cela soit vrai ou pas ?
Oui
Non
9. Vous êtes-vous déjà senti coupable au sujet de la manière dont vous jouiez ou des conséquences de votre jeu ?
Oui
Non
10. Avez-vous déjà ressenti l'envie d'arrêter de jouer et avez-vous pensé que vous n'y arriveriez pas ?
Oui
Non
11. Avez-vous déjà caché des jetons de casino, des tickets de loterie ou de PMU ou d'autres signes du jeu à votre
épouse ou à votre mari, à vos enfants ou à une autre personne importante de votre vie ?
Oui
Non
12. Vous êtes-vous déjà disputé avec votre compagne ou compagnon au sujet de la façon dont vous gérez l'argent ?
Oui
Non
13. Si vous avez répondu oui à la question 12 : Avez-vous eu des disputes concernant l'argent que vous dépensez en
jouant ?
Oui
Non
14. Avez-vous déjà emprunté de l'argent à quelqu'un sans pouvoir le rembourser parce que vous aviez joué ?
Oui
Non
15. Avez-vous déjà manqué des heures de travail ou de cours pour jouer de l'argent ?
Oui
Non
16. Si vous avez déjà emprunté de l'argent pour jouer ou payer des dettes de jeu, à qui avez-vous déjà emprunté ?
(Cocher oui ou non pour chacun)
Cotation du questionnaire South Oaks Gambling Screen :
Les scores au questionnaire sont obtenus par l'addition du nombre de certaines questions seulement dont la réponse a
été oui :
Questions 1, 2 et 3 : ne comptent pas.
Question 4 : réponse à « À peu près chaque fois que je perds » ou « Chaque fois que je perds » (coter 1 point)
Question 5 : réponse à « Oui, moins de la moitié du nombre de fois où j'ai perdu » ou « Oui, la plupart du temps »
(coter 1 point)
Question 6 : réponse à « Oui, dans le passé mais pas maintenant » ou « Oui » (coter 1 point)
Questions 7, 8, 9, 10, 11 : réponse à oui (coter 1 point pour chaque question)
Question 12 : ne compte pas
Questions 13, 14, 15 : réponse à oui (coter 1 point pour chaque question)
Questions 16 A à I : réponse à oui (coter 1 point pour chaque question)
Questions 16J-K : ne comptent pas (coter 1 point pour chaque question)
Total :
0 = pas de problème
1 – 4 = quelques problèmes
5 ou plus = joueur pathologique probable
Remerciements
Laurent Karila :
1. Bolla KI, Eldreth DA, London ED, Kiehl KA, Mouratidis M, Contoreggi C,
et al., « Orbitofrontal cortex dysfunction in abstinent cocaine abusers performing
a decision-making task », Neuroimage, Juillet 2003, 19(3), p. 1085-1094.
2. Carnes PJ, « Sexual addiction and compulsion : recognition, treatment, and
recovery », CNS Spectrums, Octobre 2000, 5(10), p. 63-72.
3. Carnes P, Adams K, Clinical Management of Sex Addiction, Routledge,
2002.
4. Goodman A, « Diagnosis and treatment of sexual addiction », Journal of
Sex and Marital Therapy, automne 1993, 19(3), p. 225-251.
5. Goodman A, « Neurobiology of addiction : An integrative review »,
Biochemical Pharmacology, Janvier 2008, 75(1), p. 266-322.
6. Haverkos HW, Kopstein AN, Wilson H, Drotman P, « Nitrite inhalants :
history, epidemiology, and possible links to AIDS », Environ Health Perspect,
Octobre 1994, 102(10), p. 858-861.
7. Paulus MP, « Neural basis of reward and craving : a homeostatic point of
view », Dialogues in Clinical Neuroscience, 2007, 9(4), p. 379-387.
8. Penix Sbraga T, O'Donohue W, The Sex Addiction Workbook : Proven
Strategies to Help You Regain Control of Your Life, New Harbinger Publications,
Oakland, 2004.
9. Rollnick S, Miller WR, « What is motivational interviewing ? »,
Behavioural and Cognitive Psychotherapy, 1995, 23, p. 325-334.
10. Stout JC, Busemeyer JR, Lin A, Grant SJ, Bonson KR, « Cognitive
modeling analysis of decision-making processes in cocaine abusers »,
Psychonomic Bulletin and Review, Août 2004, 11(4), p. 742-747.
1. Avena NM, Bocarsly ME, Hoebel BG, « Animal models of sugar and fat
bingeing : relationship to food addiction and increased body weight », Methods
in Molecular Biology, 2012, 829, p. 351-365.
2. Avena NM, Bocarsly ME, Hoebel BG, Gold MS, « Overlaps in the
nosology of substance abuse and overeating : the translational implications of
“food addiction” », Current Drug Abuse Review, 2011, 4(3), p. 133-139.
3. Davis C, Carter JC, « Compulsive overeating as an addiction disorder. A
review of theory and evidence », Appetite, 2009, 53(1), p. 1-8.
4. Davis C, Curtis C, Levitan RD, Carter JC, Kaplan AS, Kennedy JL,
« Evidence that “food addiction” is a valid phenotype of obesity », Appetite,
2011, 57(3), p. 711-717.
5. Fortuna JL, « The obesity epidemic and food addiction : clinical similarities
to drug dependence », Journal of Psychoactive Drugs, 2012, 44(1), p. 56-63.
6. Gearhardt AN, White MA, Potenza MN, « Binge eating disorder and food
addiction », Current Drug Abuse Review, 2011, 4(3), p. 201-207.
7. Karila L, « Drunkorexia : manger moins pour ressentir les effets de l'alcool
plus vite », LePlus.NouvelObs.com, Novembre 2011.
8. Petit A, Karila L, Reynaud M, « Le binge drinking », La Revue du Praticien
Médecine générale, 2008, 805, p. 662.
9. Umberg EN, Shader RI, Hsu LK, Greenblatt DJ, « From disordered eating
to addiction : the “food drug” in bulimia nervosa », Journal of Clinical
Psychopharmacology, 2012, 32(3), p. 376-389.
Préface
Introduction
Chapitre 1 - Sexe en excès
Chapitre 2 - Shoot de pixels
Chapitre 3 - To buy or not to buy, that is the addiction !
Chapitre 4 - Travailler plus pour se perdre plus
Chapitre 5 - Internet et les réseaux sociaux : hypervecteur des
addictions
Chapitre 6 - Jouer pour survivre (poker, casinos et loteries…),
mauvaise pensée, magique noire
Chapitre 7 - Malbouffe, malaise, mal-être
Chapitre 8 - Trop vite, trop haut, trop fort : addiction à l'exercice
physique
Chapitre 9 - Bronzage excessif : une nouvelle dépendance
Chapitre 10 - Psychothérapie comportementale : les clés pour
aider
Postface
Annexes
Remerciements
Références
F l a m m a r i o n
1. Le nom de ce patient, comme tous ceux qui suivent, a été modifié dans un souci du respect du secret médical.
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2. Baudelaire Charles, « La Musique », dans Les Fleurs du mal, Le Livre de poche, 1999, p. 118.
Retour au texte
3. Briken P, Kafka MP, Pharmacological Treatments for Paraphilic Patients and Sexual Offenders, Curr Opin Psychiatry, 20(6), 2007,
p. 609-613.
▲ Retour au texte
4. Kafka MP, Hypersexual Disorder : a Proposed Diagnosis for DSM-V, Arch. Sex Behav., 39(2), 2010, p. 377-400.
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1. Il existe également un test pour les parents. Cf. Annexe (Test 1, p. 304).
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2. Pour plus d'informations, visiter le site www.pegi.info.fr.
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3. Le site en ligne : www.netaddiction.org.
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1. Fassel D, Working Ourselves to Death : the High Cost of Workaholism, The Rewards of Recovery, Harper.
▲ Retour au texte
2. Freudenberger, HJ, « Staff burn-out syndrome in alternative institutions », Psychotherapy : Theory, Research and Practice, vol. 12,
no1, 1974, p. 3547.
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3. Le test est consultable à la fin de l'ouvrage dans la partie Annexes (Test 2, p. 311).
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1. Ottavi Dominique, Penser l'éducation, notions clés pour une philosophie de l'éducation, Issy-les-Moulineaux, ESF, 2005.
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2. Tous les sites validés par l'État et l'ARJEL figurent à l'adresse suivante : http://www.jeu-legal-france.fr/sites-agrees-ARJEL.php
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3. Le site en ligne : www.sos-joueurs.org
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4. http://vosdroits.service-public.fr/n155.xhtml
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