Accro ! - Annabel Benhaiem Et Laurent Karila

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Dr

Laurent Karila
Annabel Benhaiem

Accro

Flammarion
Dr Laurent Karila
Annabel Benhaiem

Accro

Flammarion

© Flammarion, 2013.

© Flammarion, 2013.
Dépot légal : février 2013
ISBN Epub : 9782081296381

ISBN PDF Web : 9782081296398

Le livre a été imprimé sous les références :


ISBN : 9782081270121

Ouvrage composé et converti par Meta-systems (59100 Roubaix)


Sexe, Internet, réseaux sociaux, jeux vidéo, jeux d’argent, sport, alimentation,
achats, travail et même bronzage ! Aujourd’hui, on est accro à tout et n’importe
quoi. Or l’addiction, quelle qu’elle soit, peut évoluer vers une maladie
complexe, où la souffrance est reine. Tout comportement visant initialement à
produire du plaisir, mais qui se transforme en lutte contre un malaise intérieur,
devient une drogue. On reproduit alors les mêmes gestes, en ayant conscience
de leurs conséquences négatives ; le plaisir se dérègle et la spirale infernale qui
mène à l’autodestruction débute. Ce livre décrit les addictions
comportementales contemporaines et les nouveaux phénomènes de dépendance
en train d’émerger dans notre société. Tous les réflexes naturels étant passés en
revue, chacun peut y découvrir son degré de dépendance, des conseils pour
comprendre et même des tests ludiques fort instructifs. Avec précision,
réflexion et humanité, Accro, prenant humblement en compte notre
vulnérabilité, sensibilise et informe sans langue de bois tout en délivrant –
heureusement – des clefs pour s’en sortir…

Création Studio Flammarion En couverture : Photomontage d’après : © 2009
Ion-Bogdan Dumitrescu / Flickr / Getty Images ; © Don Mason / Brand X
Pictures / Getty Images

Le DR LAURENT KARILA,est psychiatre addictologue au Centre


d’Enseignement, de Recherche et de Traitement des Addictions à l’hôpital
universitaire Paul-Brousse (Villejuif) et auteur, entre autres, d’Une Histoire de
poudre, avec Sophie Verney-Caillat, et d’AddictionS, avec Renaud Hantson.


ANNABEL BENHAIEM est journaliste au Huffington Post. Elle a collaboré à
L’Express au service Société-Santé sur les sujets de religion, bioéthique et
santé.
Du même auteur

Laurent Karila

AddictionS, avec Renaud Hantson, e-book de prévention disponible sur http://hantson.com/e-book-addictions, 2011.
Troubles psychiatriques et addictions en questions, Éditions Phase 5, 2010.
Une Histoire de poudre, avec Sophie Vernet-Caillat, Flammarion, 2010.
Idées reçues sur l'alcoolisme, Le Cavalier Bleu Éditions, 2010.
Addiction à la cocaïne, Flammarion, 2009.
On ne pense qu'à ça, avec Michel Reynaud, Flammarion, 2009.
Idées reçues sur les addictions, Le Cavalier Bleu Éditions, 2008.
Psychiatrie, pédopsychiatrie, addictologie, Éditions VG, 2008.
Dictionnaire des addictions, Éditions Phase 5, 2007.
Dépression, et addictions, Éditions Phase 5, 2006.
Prise en charge des troubles psychiques et des addictions, Éditions J.-B. Baillière, La Revue du Praticien Médecine générale,
2005.
Accro
Préface

Certains mots voyagent lentement à travers les siècles… parfois on en vient à


douter d'eux.
Prenons le mot addiction. Son histoire remonte à l'Antiquité. On le retrouve au
Moyen Âge. Puis il est capté par les Anglo-Saxons. Il revient en France au début
des années 1980, discrètement proposé dans des articles spécialisés et se mêlant
aux autres anglicismes courants.
À l'exception de quelques visionnaires dont les professeurs J. Ades, P. J.
Parquet et M. Reynaud, peu de personnes en mesurèrent son potentiel
révolutionnaire.
En France, comme dans de nombreux pays, les problèmes d'abus et de
dépendance se divisaient en deux fronts cloisonnés : l'alcool d'un côté, la drogue
de l'autre. Hors de ces deux champs, peu ou pas de passerelles et, surtout, deux
grands absents : l'addiction au tabac et les addictions comportementales.
En trente ans, non seulement le mot addiction a permis de faire tomber la
barrière entre drogues licites (alcool, tabac, médicaments) et drogues illicites
(héroïne, cocaïne, cannabis, ecstasy, drogues de synthèse ou designer drugs,
produits dopants), mais il a aussi ouvert la porte à la prise en compte des
addictions sans substance ou addictions comportementales dont certaines,
malgré leur ampleur (addiction aux jeux d'argent, troubles addictifs alimentaires,
workaholisme, pratiques physiques intensives…), ne déclenchaient jusqu'alors
que mépris et indifférence.
Souvent, je répète que le principal producteur de drogues au monde est le
cerveau humain et que l'interdit ou la prison ne peuvent répondre efficacement
aux problèmes d'addiction.
Comme l'expliquent le Dr Laurent Karila et la journaliste Annabel Benhaiem,
les addictions comportementales naissent de cette capacité humaine à
« surjouer » avec nos propres drogues cérébrales, nos petites morphines
(endorphines) ou cocaïne (dopamine) à nous…
Faut-il interdire le sexe, la nourriture, l'ordinateur, le sport ou le saut à
l'élastique pour éradiquer – comme aiment à le dire les prohibitionnistes
inébranlables – ces addictions sans substance psychoactive externe ? Ces
addictions sans dealer identifié ?
Le plaidoyer entourant la loi de juillet 2010 et ouvrant la possibilité des paris
en ligne aux entreprises françaises relève d'un pragmatisme que l'on rêverait
secrètement d'entendre sur l'ensemble des sujets en addictologie. Mais, sortons
de cette utopie politique et sanitaire pour revenir aux pages que nous offrent les
auteurs.
Avec précision et rigueur, en s'appuyant sur leur vécu clinique, leur lecture
sémiologique et leurs connaissances neurobiologiques et psychiatriques, ils nous
proposent un ouvrage qu'Arthus Bertrand aurait pu photographier et intituler :
Nous, Terriens, vus du ciel des addictions. Ce survol risquerait d'inquiéter, de
laisser craindre le « tous accros à tout », cependant la précision des histoires
cliniques et la réflexion des auteurs sur la douleur des pathologies nous ramènent
humblement à notre vulnérabilité d'être humain : nous faisons ce que nous
pouvons avec notre cerveau !
Notre circuit de la récompense nous fait parfois dérailler et découvrir le
feuilleton des addictions – usage, abus et dépendances – bien souvent
« encouragé » par notre société de consommation que certains commencent déjà
à nommer société addictogène…
Pour information, tous les abus ne sont pas nuisibles, alors n'hésitez pas et
lisez cet ouvrage sans modération.

Dr William Lowenstein
Directeur général de la Clinique Montevideo
Institut Baron Maurice de Rothschild pour la recherche et le traitement
des addictions.
Introduction

Le terme « addiction » est issu du latin addictus signifiant « esclave pour une
dette ». Il trouve également son origine dans le verbe addicere qui, d'après le
droit romain ancien et jusqu'au Moyen Âge, correspondait à une donation d'une
personne à une autre, faite à la suite d'un jugement. Ainsi, une personne qui était
dans l'incapacité d'assumer des responsabilités ou de rembourser des dettes
devenait l'esclave du plaignant. Elle était condamnée à payer son dû avec son
propre corps.

Dans la littérature scientifique moderne, l'addiction se caractérise par :
– l'impossibilité répétée de contrôler un comportement visant à produire du
plaisir,
– ou bien l'incapacité à écarter une sensation de malaise intérieur,
– et la poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses
conséquences négatives sur les plans physique, psychologique et social.

Les phénomènes addictifs liés aux drogues type cocaïne, héroïne ou cannabis
ont été les premiers modèles étudiés. Les thérapeutes ont ainsi repéré les quatre
constituants principaux de l'addiction : la répétition des consommations, le
craving (désir compulsif et irrépressible), la tolérance (augmentation progressive
des doses pour retrouver les effets de la première fois) et le manque. Cette
maladie est la résultante d'une interaction singulière entre un individu, des
facteurs psychologiques, génétiques et l'environnement. Personne ne réagira de
la même manière face à la drogue ! La chanson « Substance Récompense »,
issue du projet AddictionS réalisé avec Renaud Hantson et le groupe de rock
Satan Jokers, illustre bien le processus addictif :
« Comme la bouffe ou le sexe
Tu es ma récompense
Tu ne seras jamais mon ex
Car tu es ma substance
Je suis ton esclave
Un volcan sans lave

Quand je ne t'ai pas dans le sang
Je n'ai plus de courant
Tu fais de moi c'que tu veux
Je fais c'que je peux
Relation maso
Je ne ferais pas de vieux os »

(L. Karila-R.Hantson/M. Zurita-R.Hantson)

Les drogues dérèglent notre système de récompense et celui des émotions. Au


début de la consommation, elles sont perçues comme bénéfiques. En effet, le
mécanisme de récompense, qui se met en marche d'ordinaire quand on mange,
boit ou fait l'amour, se reproduit à l'identique lors de l'absorption d'une drogue.

La scène mondiale des drogues s'est modifiée au fil des années avec
l'apparition de nouveaux comportements de consommation et de nouveaux
produits : binge drinking, drogues de synthèse vendues comme sels de bain
(méphédrone, NRG1, MDPV, 4-MEC, etc.), Krokodil, crystal meth,
cannabinoïdes de synthèse, freebase. Le cannabis est toujours la substance
illicite la plus consommée au monde. La cocaïne a envahi l'Europe et touche
toutes les classes sociales… L'héroïne revient sur le marché, après un passage à
vide. Le tabac est toujours la première cause de mort évitable dans le monde,
tandis que la consommation excessive d'alcool reste tout aussi présente.

Ces dernières années, l'addiction s'étend à différents comportements comme le
sexe, les jeux vidéo, les achats, le travail, Internet et les réseaux sociaux, les jeux
en ligne, les comportements alimentaires (malbouffe, sucre, etc.), le sport, et le
bronzage. Oui, être accro à un comportement est désormais une pathologie que
les médecins entendent dans leur consultation. L'individu perd le contrôle de lui-
même et fait appel à un comportement particulier pour soulager son inconfort,
son anxiété et les éléments dépressifs qui l'envahissent. Il plonge alors dans le
cycle infernal de l'autodestruction. Le plaisir se dérègle, la passion se mue en
addiction.

« Addict » et « addiction » sont des termes branchés. On les retrouve dans la
vie de tous les jours, au cinéma, dans la publicité, la mode, les restaurants, les
réunions pour motiver les collaborateurs dans les sociétés, les conférences de
presse… On est accro à tout et à n'importe quoi. Or, ces termes souffrent d'un
terrible mésusage. En effet, l'addiction est une maladie complexe, chronique,
évoluant par rechutes, où la souffrance est reine. Au même titre qu'un cancer, un
diabète ou une maladie touchant irréversiblement un organe, le traitement de
l'addiction à un comportement doit prendre en compte le malade dans sa
globalité.

Nous, psychiatre addictologue à l'hôpital Paul-Brousse et journaliste au
Huffington Post, avons décidé de traiter uniquement de ce nouveau mal moderne
qu'est l'addiction comportementale et des phénomènes de dépendance associés.
D'un comportement naturel au départ, comme le sexe ou la pratique d'un sport,
peuvent découler des usages pathologiques. Ainsi, les chapitres démarrent sur
l'histoire d'un patient, vu en consultation, évaluent les données de la science pour
chaque addiction et proposent au lecteur de s'autoévaluer.

Un principe qui nous est cher et qui, nous l'espérons, transparaît à travers ces
lignes, est celui de la spécificité de chaque addiction. Même si elles présentent
des caractéristiques communes, les dépendances comportementales ont leurs
propres symptômes, un profil évolutif particulier et une approche thérapeutique à
adapter au cas par cas.

Avec Accro, nous avons voulu rédiger un guide ludique de sensibilisation et
d'information sur ces maladies qui touchent un grand nombre de personnes tout
en prenant soin de proposer des clés pour s'en sortir.
CHAPITRE 1

Sexe en excès

I. Une histoire d'hypersexualité

Antoine 1 a réglé sa vie comme du papier à musique. Des études brillantes, un


poste pérenne dans une société de produits de luxe, un mariage à 25 ans, deux
beaux enfants. Il a aussi eu le privilège de vivre une enfance heureuse, aîné d'une
fratrie de trois. Seules ombres au tableau, son père, gérant d'un magasin de vins
et spiritueux, souffre d'un trouble bipolaire, et sa mère est atteinte de la maladie
de Ménière (affection de l'oreille interne). Cela n'empêche pas Antoine de
trouver la vie bien douce aux côtés de sa famille, comme dans son couple.
D'autant qu'aucun de ses proches ne souffre d'addiction. Lui-même ne présente
pas d'antécédent personnel médical, chirurgical ou psychiatrique particulier.
Toutefois, plusieurs fausses notes se sont glissées dans la partition. À l'âge de
40 ans, Antoine vient me voir en consultation pour des troubles liés à un
comportement sexuel excessif.

Son épouse a découvert quelques semaines plus tôt, dans l'ordinateur de son
mari, un historique de visites sur des sites Internet pornographiques « qui l'a
choquée ». Elle n'imaginait pas que son conjoint puisse mener une double vie si
éloignée de ce qu'il laisse transparaître au jour le jour. Elle est profondément
blessée.

Après plusieurs questions, ce patient accepte d'évoquer son parcours sexuel
depuis l'enfance. Il découvre la masturbation comme une expérience très
plaisante à 11 ans, après en avoir parlé avec son meilleur ami. « J'ai eu un vrai
flash devant une strip-teaseuse topless à la télé. Ensuite, je me suis beaucoup
masturbé grâce aux mannequins du catalogue des 3 Suisses, puis au fil des pages
des magazines érotiques et des journaux interdits aux moins de 18 ans. J'adorais
ça. » À 13 ans, il voit son premier film pornographique avec des copains. C'était
Tendres Souvenirs d'une bouche gourmande, un film français des années 1980 de
Michel Anthony. Les scènes émeuvent les adolescents et la séance s'accompagne
d'une masturbation en groupe. Le même jour, Antoine rencontre une fille de son
collège qui accepte d'avoir une relation sexuelle express. Une première pour lui.
« Elle était plus âgée que moi mais ça ne l'embêtait pas, se souvient-il. J'ai joui
vite, très vite même. Je m'en souviendrai toute ma vie, parce que c'était le jour de
la sortie du film Rambo 2 dans les cinémas. J'adorais Sylvester Stallone.
D'ailleurs, je l'ai vu juste après. » Le patient évoque ensuite les années Minitel
rose de 16 à 18 ans et les factures Télécom astronomiques dont s'acquittaient ses
parents, à contrecœur. Pour le mettre face à la réalité, son père lui amputait
parfois une partie de son argent de poche. Un jour, il a même été contraint de
payer une énième facture classée X de ses propres deniers durement gagnés
pendant un job d'été.

« Ma vie était rythmée par le sexe, continue Antoine. Du Minitel rose, je suis
rapidement passé aux prostituées, aux réseaux téléphoniques de rencontre avec
des couples, à la location de films porno, aux visites de tous les salons du X de
France… J'étais conscient des risques que je prenais et, pour me rassurer, je
faisais des tests HIV régulièrement. Milieu des années 1990, j'ai 25 ans, je me
marie. Pour faire comme tout le monde, sans doute. Et puis aussi dans l'espoir de
voir mon appétit se calmer. Mais rien ne change. Pire, Internet débarque à la
maison. L'horreur, l'enfer. Ma situation s'aggrave considérablement. »
Antoine évoque les téléchargements de photos sexy avec son modem 56K et
le stockage dans des dossiers cachés, une importante masturbation les
accompagnant. Courant 2000, plus le débit sur Internet s'accélère, plus il
développe son activité virtuelle de téléchargeur compulsif « comme un
cocaïnomane à la recherche de produits ». Toujours en cachette bien sûr, dès que
femme et enfants sont couchés. « Je me suis mis à télécharger illégalement sur
des sites de partage, dits peer to peer, en tapant des mots-clés qui
correspondaient à des noms d'actrices : Julia Channel, Tabata Cash, Jenna
Jameson, Zara Whites… Sur mon ordinateur, j'avais une filmothèque
entièrement dédiée. » Puis, Antoine passe du virtuel au réel. Les clubs
échangistes, il s'y habitue et s'y rend au moins deux fois par semaine en
prétextant des réunions, des déplacements en province, à l'étranger ou des
entraînements de squash. Il paie des prostituées pour l'accompagner ou s'arrange
pour emmener avec lui des jeunes femmes majeures qu'il séduit sur des sites.

Toutefois, c'est Internet qui grignote le plus de son temps… et son cerveau.
Ses heures passées sur le sex-Web augmentent progressivement. La masturbation
aussi. Il consulte des sites dès le réveil, alors qu'il s'est couché deux ou
trois heures avant. Parfois il ne dort même plus. Nuits blanches pour plaisirs
fugaces et insatiables. La fatigue s'accumule, le nombre de masturbations
augmente : trois à quatre fois par jour, parfois huit… C'est sa drogue. Elle
s'accompagne du manque et d'une irritabilité tenace quand il ne peut rien faire. Il
lui arrive de quitter des réunions de travail pour s'isoler dans les toilettes avec
son Smartphone et retrouver ses rencontres virtuelles. Il utilise des services de
mise en relation par webcam où il s'exhibe anonymement sur des sites
hétérosexuels mais aussi gays. Il augmente la dose sans cesse. Masturbation
compulsive et rapports sexuels virtuels animent ses soirées et ses nuits jusqu'au
petit matin. Il s'initie progressivement aux relations bisexuelles dans les saunas
échangistes avec des jeunes couples. Mais il préfère une hypersexualité solitaire.
Et addictive, bien sûr.
Entre ses échanges frénétiques de mails et de sextos pour obtenir du sexe via
sa webcam, il ne contrôle plus rien. Au lever, sur le chemin du travail, pendant
ses heures de bureau, sur le chemin du retour, pendant le dîner… Il y pense à
chaque seconde et s'enferme dans un processus d'autodestruction. Son épouse le
trouve de plus en plus irritable, anxieux et perturbé. Sans doute sent-elle en lui
« toutes les passions d'un vaisseau qui souffre 2 ».
Un dimanche matin, en voulant se connecter à Internet, elle emprunte
l'ordinateur portable de son mari, et tombe sur une page mettant en scène des
transsexuelles blondes. Stupéfaite, choquée, elle ne dit pourtant rien. Elle veut en
savoir plus. Elle décortique l'historique de navigation du portable d'Antoine et
découvre sa seconde vie. Elle épluche ensuite les comptes de son mari et
remarque des dépenses atypiques : 9 000 euros en douze mois pour des services
divers et variés mais non identifiés. Elle ne lui dit toujours rien. Elle envisage
plutôt de lui tendre un piège sur son site webcam de prédilection. Mais opte
finalement pour les échanges de mails. Après l'avoir pris en flagrant délit, elle
sort le dossier, preuves à l'appui. À ce moment-là, le couple explose. Elle évoque
le divorce, ils font chambre à part. Insomnies. Crises de nerfs. Re-insomnies.
Elle lui demande de se faire soigner. Point d'orgue. Fin de partie.

Le diagnostic d'addiction sexuelle est sans ambiguïté dans le cas d'Antoine. Et
comme 75 % des patients qui ont ce type de comportement addictif, il vient
consulter parce que sa seconde vie est démasquée et son couple en péril. La
plupart du temps, les patients stoppent temporairement leurs activités
hypersexuelles.
Cette pathologie de l'addiction sexuelle fait l'objet d'un débat clinique entre
spécialistes. Si tous reconnaissent l'existence de troubles, ils ne s'entendent pas
sur la terminologie.
Ainsi, Money parlait d'hyperphilie en 1980, d'autres ont préféré les termes de
trouble lié à la paraphilie 3, de trouble sexuel impulsif et compulsif, de trouble
sexuel avec perte de contrôle ou de trouble hypersexuel. Dans les années 1970,
des membres de l'association des Alcooliques anonymes font un parallèle entre
leur addiction à l'alcool et leur comportement sexuel excessif avec perte de
contrôle. Puis, le concept d'addiction sexuelle est popularisé pour la première
fois par le Dr Carnes au début des années 1980. Son livre Out of the Shadows,
qui a pour sous-titre « Understanding Sexual Addiction », avait défrayé la
chronique lors de sa sortie. Cet ouvrage devait s'appeler Sexual addiction mais
les ligues puritaines américaines de l'époque firent pression sur l'éditeur parlant
d'outrage à la bonne morale. Cette publication princeps brosse parfaitement le
portrait du sex addict et donne des clés pour s'en sortir. Elle montre comment
aider le patient à gérer ses compulsions sexuelles et examine la toile complexe
du traumatisme, de l'amour, du sexe addictif, des émotions négatives et positives,
de la peur, du dysfonctionnement de couple et des relations familiales.

II. Distinguer l'hypersexualité des perversions et des agressions


sexuelles

L'addiction sexuelle doit d'emblée être différenciée des perversions sexuelles


(paraphilies) et du risque d'être un agresseur sexuel.
Les perversions et les agressions sont associées à la notion de comportement
et de jugement moral. Krafft-Ebing les évoque dans son ouvrage Psychopathia
Sexualis en 1886. L'acte sexuel doit être considéré, selon lui, comme une
propagation de l'espèce. Les déviations sexuelles qui vont à l'encontre de cet acte
sont de quatre ordres :

• la première est appelée paradoxia ou libido intempestive chez le jeune
enfant ou la personne âgée,
• la deuxième anesthesia ou absence de libido,
• la troisième hyperesthesia ou libido exacerbée,
• et enfin la dernière paraesthesia où se retrouvent le fétichisme, le sadisme, le
masochisme, l'attirance sexuelle d'un homme pour un adolescent ou un
préadolescent (pédérastie) et l'homosexualité. Ce n'est qu'à partir des années
1970 que l'homosexualité sortira du concept de la pathologie. L'Association
américaine de psychiatrie la retirera de sa liste de maladies mentales en 1973.
Heureusement.

Aujourd'hui, un seul de ces critères reste d'actualité pour définir les
perversions sexuelles aussi appelées paraphilies : c'est la paraesthesia (hormis
l'homosexualité comme nous venons de le voir). Ce sont des fantaisies
imaginatives, sexuellement excitantes, des impulsions sexuelles, ou des
comportements monocentrés, survenant de manière répétée et intense. Elles
impliquent des objets inanimés, la souffrance ou l'humiliation de soi-même ou de
son partenaire, des enfants ou d'autres personnes non consentantes. Elles sont
source d'excitation exclusive, unilatérale, et surviennent pendant au moins six
mois. À l'origine, on trouve une souffrance ou une altération du fonctionnement
de couple, familial, social ou professionnel. Ces troubles ont tendance à se
répéter avec le temps. Et il est fondamental de bien distinguer les paraphilies de
l'hypersexualité.
Avant d'en décrire les principales causes, précisons tout de même que
certaines de ces pratiques, comme le voyeurisme, l'exhibitionnisme à l'attention
d'adultes, le sadomasochisme soft peuvent s'inscrire dans une vie sexuelle
pimentée de couple, sans que n'y soit liée la notion de perversion.

Le voyeuriste
est celui qui observe, à son insu, un autre sujet lors d'activités intimes. Il n'a
pas de désir de relation sexuelle avec sa « victime », même si cet acte est
fréquemment suivi d'une masturbation.
Prenons un extrait de la chanson « Voyeur » de Renaud Hantson, artiste
polymorphe dans son approche musicale (pop, rock, hard rock, métal) pour
décrire le voyeurisme :
« Changement de décor, périphérique Nord
Plaisirs des sens, stop, plein d'essence
Chassés-croisés place Dauphine
Pour ces couples qui cherchent nuit câline, nuit coquine
Non loin des caresses qui se paient
Tes yeux en éveil mais l'amour en sommeil
Quatre heures du matin
Nuit agitée, lendemain chagrin

Pour toi y'a toujours des choses à voir
Derrière ton volant, appels de phares
Ces silhouettes anonymes qui se réfugient dans le noir

Voyeur, voyeur
Qu'est-ce que t'as dans le cœur
Voyeur, voyeur
Y'a plus rien qui t'fait peur
Voyeur, voyeur
Tant d'images pour tes yeux voleurs »

L'exhibitionniste
montre de façon insistante et répétée ses parties génitales à des personnes
étrangères. Il n'a aucun désir de relation sexuelle avec elle et, comme dans le
voyeurisme, l'acte s'accompagne d'une expérience autoérotique (masturbation).

Le fétichiste
a une sexualité centrée sur des objets inanimés (des talons hauts, des bottes en
cuir, des cuissardes, des sous-vêtements féminins, des bas, des gants, du cuir, du
latex, de la soie, etc.) évoquant souvent une partie du corps de la femme.
Prenons « Fetish X », texte d'une chanson du groupe de hard rock culte Satan
Jokers pour illustrer ce trouble :

« J'aime tes talons aiguilles


Tes apparats de fille
Tes sandales à lanières
Qui me mènent en enfer

Ce que j'adore chez toi
Se situe tout en bas
Le noir de tes cuissardes
Quand tu me veux plus hard
Le claquement de tes mules
Lorsque je te bouscule

Que je sens m'endiabler
La cambrure de ton papier

Fétichiste, Fetish X

J'aime tes hauts escarpins
Presque plus que tes seins
La couture de tes bas
Encore plus que tu n'crois

Ce qui te rend plus femme
Est pourquoi je me damne »

Le fétichisme a engendré le développement de tout un commerce et d'une


culture associée. Des films où des femmes se font lécher les pieds avec adoration
sont légion, comme Soumission et vénération du pied, Millenium legs fetish 02
toehold, La Sensualité au bout des bas, Les Plus Beaux Pieds dominants. La
mode s'y est mise aussi avec Dior qui intègre des éléments en latex dans son
défilé en 2003 en faisant appel à House of Harlot, couturier fetish anglais. Le
monde musical rock gothic fréquente ce milieu et ces pratiques.

Le travestissement
d'un homme hétérosexuel ou bisexuel par des vêtements féminins peut être à
l'origine d'une excitation sexuelle le plus souvent provoquée par le simple fait de
s'imaginer femme, voire avec des organes génitaux féminins. Il s'agit du
transvestisme fétichiste. La personne collectionne la plupart du temps des
vêtements féminins qu'elle utilise de manière intermittente. L'excitation du
travestissement entraîne une masturbation. Être homme et femme à la fois, dans
un scénario imaginaire, est sexuellement attrayant pour les personnes qui
pratiquent le travestissement. Une fois l'ivresse atténuée, le sujet se débarrasse
de son attirail vestimentaire et redevient un homme. Dans certains cas, il peut
éprouver un malaise persistant lié à son rapport à sa masculinité et à sa virilité.

Le BDSM
est à la mode depuis plusieurs années. BDSM pour Bondage et discipline,
Domination et soumission, Sado-Masochisme.
Le bondage se pratique à l'aide de cordes, de bandes adhésives, de chaînes,
etc. Le bondageur attache tout ou partie de son partenaire : bras, jambes, pieds,
torse, seins, taille, mains dans des positions de complexité variable. Les
techniques d'attachement sont également diverses. Plus les nœuds sont
sophistiqués, plus le plaisir augmente. Le bâillon prend la bouche, les mains sont
menottées ou liées dans le dos. La mise en cage complète ce scénario
paraphilique. Le self-bondage est également un mode d'excitation particulier où
les personnes auto-ligotées éprouvent du plaisir du fait de leur impuissance.
Elles laissent l'autre maître de leur corps. Le transfert érotique de pouvoirs est à
son apogée. Les séances de bondage peuvent durer entre une heure et une nuit,
voire un ou plusieurs jours. La personne attachée reste à la disposition de l'autre,
elle est parfois privée de sommeil. Certaines règles de sécurité sont tout de
même à respecter afin d'éviter l'accident.
À ce sujet, Thierry est venu en consultation. Son psychiatre traitant l'a envoyé
afin d'évaluer son comportement sexuel excessif. Thierry a 44 ans, il est
célibataire et vit chez sa mère. Il travaille au tri du courrier d'une grande
entreprise franco-américaine. Il cumule trois paraphilies. Le fétichisme d'abord,
avec la fascination qu'il a pour les bottes en cuir noir à talons aiguilles. Il
pratique également le bondage, associé au masochisme sexuel. Les situations de
soumission l'excitent. Il ne rêve que de souffrances et d'humiliations infligées par
une dominatrice qu'il rencontre sur des sites Internet, des réseaux téléphoniques,
des petites annonces dans des journaux distribués gratuitement dans les boîtes
aux lettres ou des escort girls particulières. Il aime rester longtemps attaché et
raffole du jeu de l'asphyxie autoérotique avec strangulation par cordes de bateau.
Cinq mois avant sa consultation, il perd brutalement connaissance et fait un
accident vasculaire cérébral, dû à la strangulation prolongée, nécessitant une
longue hospitalisation et un programme de rééducation physique. Toute la partie
droite de son corps est paralysée. L'issue sera favorable mais il garde des
séquelles sur la moitié de son visage.

Le sadisme sexuel
est étroitement lié au masochisme et au bondage. Il s'agit ni plus ni moins
d'une situation de domination où l'excitation est obtenue par les souffrances ou
les humiliations infligées à un, une ou des partenaire(s). Cette pratique a lieu
dans des clubs particuliers. Le maître (dominant) se livre alors à toutes sortes de
rituels visant à soumettre son esclave (dominé). Il peut lui faire adopter des
positions dégradantes, l'insulter violemment, le flageller, lui insérer différents
types d'objets dans le vagin, l'anus, la bouche. Cela peut aller plus loin avec des
scarifications, voire des brûlures.
Un travail de recherche réalisé dans les milieux sadomasochistes a constaté
que les hommes célibataires et hétérosexuels auraient des pratiques
sadomasochistes plus précoces que leurs homologues homosexuels. Environ
46 % des hommes n'auraient jamais changé de pratiques, 18 % auraient évolué
du masochisme au sadisme et 21,6 % du sadisme au masochisme. Environ 5 %
n'auraient plus aucune activité sexuelle en dehors du sadomasochisme et pour
27,2 % des hommes, seul le sadomasochisme pourrait les satisfaire
sexuellement.
En France, cette activité n'est pas interdite par la loi tant qu'elle se pratique
entre deux adultes consentants. Mais attention, un risque élevé d'actes médico-
légaux existe (décès par strangulation, étouffement, brûlures graves, etc.). Qui
dit violences dit blessures physiques, mais aussi psychologiques.

La pédophilie
, évoquons-la sans nous y attarder. Un point capital dans les consultations pour
addiction sexuelle est de rechercher d'emblée l'utilisation par les patients de
supports mineurs sur le Web pour se masturber, chater, ou avoir des rapports
sexuels. Selon la 10e version de la Classification internationale des maladies, la
pédophilie est définie comme une attirance ou une préférence sexuelle d'un
adulte envers des enfants prépubères ou en début de puberté. Un adolescent de
16-17 ans, attiré par un garçon ou une fille ayant cinq ans de moins que lui, est
aussi considéré de la sorte. La pédophilie concerne aussi bien les abus sexuels
sur mineur que la pornographie enfantine. Il est difficile de dresser un profil
psychologique type du pédophile. Mais la loi condamne tout autant la détention
ou la lecture de matériel pornographique visant des mineurs que les abus
sexuels. Ainsi, stocker, produire, diffuser ou simplement consulter des images
sans les conserver est sévèrement puni.

Les autres pratiques paraphiliques sont la zoophilie, la nécrophilie, la
scatophilie, et l'urophilie. Les pratiques zoophiles et nécrophiles sont interdites
par la loi et passibles de poursuites avec des peines d'emprisonnement et des
amendes de plusieurs milliers d'euros.
L'attirance sexuelle d'un être humain envers les animaux fait l'objet d'un
commerce sous le manteau. Tout comme les films scatophiles où les
protagonistes mangent les excréments de leur(s) partenaire(s).

Une variante scatophile est l'administration érotique de lavements, aussi
appelée klysmaphilie. L'urophilie est caractérisée par une forte excitation
sexuelle ressentie en buvant, en faisant boire, en se recouvrant ou en recouvrant
le corps de son/sa partenaire d'urine. Les douches dorées ou golden shower sont
une pratique urophilique retrouvée dans certains films.

Les sujets nécrophiles, majoritairement des hommes, ont une attirance
sexuelle pour des cadavres ou des personnes dans le coma. Il existe trois types
de nécrophilie :

• l'homicide nécrophile, tout d'abord. Certains serial killers tuent pour obtenir
des corps avec lesquels ils satisfont leurs fantasmes. Les morceaux de cadavre
peuvent les exciter et ils ne sont nullement gênés par le fait d'en entreposer chez
eux, un peu partout, quel que soit leur état de décomposition. Les sujets peuvent
passer à l'acte et celui-ci s'avère violent, abject et révoltant,
• la nécrophilie régulière ou l'utilisation de cadavres pour un plaisir sexuel,
• le fantasme nécrophile (envisager les actes mais sans agir). Les fantasmes
nécrophiles s'expliquent plus par un besoin de possession ultime que par un désir
sexuel.

Enfin, pour terminer, le sex addict est à mille lieues de l'agresseur sexuel. Une
agression à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, est réalisée sans
obtenir le consentement de la personne visée (adultes ou enfants). Il cherche à
assujettir une autre personne à ses propres désirs par l'utilisation de la force, de
la contrainte, sous la menace ou par un abus de pouvoir. L'agression sexuelle
porte atteinte à l'intégrité physique, psychologique et à la sécurité de la personne.
Légalement, l'abus sexuel, les infractions sexuelles, l'inceste, la prostitution
juvénile, la pédopornographie, le voyeurisme, l'exhibitionnisme et le
frotteurisme font partie des agressions sexuelles. Le sex addict ne devient pas
agresseur sexuel dans l'évolution de sa maladie. S'il le devient, il s'agit d'une
autre pathologie qui s'ajoute au problème préexistant.

III. Sexe industriel

L'industrie du sexe, même si celle-ci ne doit pas être diabolisée, est le


principal vecteur des addictions sexuelles. Industrie d'autant plus lucrative
qu'aucun message de prévention ne figure sur les sites à caractère
pornographique, à l'inverse de ce qui existe pour les jeux de hasard et d'argent.
Cette industrie est génératrice de milliers d'images et de services sexuels,
sources de gratification immédiate. Environ 45 millions de pages Internet
classées X proviennent des États-Unis. Elles représentent 89 % de tout le
contenu pornographique disponible sur le Web. Chaque seconde, 28 000
internautes recherchent un site porno sur la Toile. Toutes les nouvelles formes de
technologie sont utilisées, développées et adaptées à un public averti. La Porn
Valley, ou la vallée de San Fernando, est responsable de la production d'environ
90 % des films X américains, selon Adult Video News, organe de presse
spécialisé.
Trois mille dollars sont dépensés chaque seconde à travers le monde pour des
biens liés à la pornographie. L'e-X business génère des bénéfices colossaux avec
des revenus annuels de plusieurs milliards de dollars en comptant les ventes de
films (DVD, Blu-Ray, pay per view, VOD, etc.), les téléchargements légaux sur
le Web, les sex toys et les entrées dans les clubs spécialisés (strip-tease, peep
show, lap dance). En 2006, le chiffre d'affaires mondial du X était de
57 milliards de dollars.
Les autres supports de consommation sont les revues X en tous genres, les
jeux on line, les sites proposant via une webcam de discuter en direct avec des
hôtesses ou des hôtes, les sites amateurs, les sites de rendez-vous avec des
prostitué(e)s, des escort girls, des escort boys, les clubs ou saunas échangistes,
les applications « lieux de rendez-vous » pour Smartphone, le sex-phone avec
conversations très érotiques préenregistrées ou animation de réseau, les textos,
les MMS, les « chats » érotiques.

Et le sexodrome, vous connaissez ? Ce n'est pas le nom d'un supermarché du
sexe. Raymond, un patient âgé de 63 ans, marié, retraité de l'administration
publique, en a parlé lors d'une consultation. Il vient sur demande expresse de sa
femme « qui en a marre de son comportement à la maison ». Il n'est clairement
pas motivé à l'idée de modifier ses habitudes et d'ailleurs, il ne voit même pas où
est le problème. Depuis bien longtemps, il fréquente assidûment les prostituées
de la rue Saint-Denis à Paris et les camions du bois de Vincennes. Plus de
six heures par jour, il reste assis à son bureau à surfer sur Internet, et cela depuis
trois ans. Ses recherches sont uniquement pornographiques hétérosexuelles. Il
est obsessionnel sur l'historique informatique qu'il copie sur des fichiers Word et
qu'il stocke dans des fichiers cachés. Tous les six mois, il change de mot-clé
unique de recherche : redhead (rousse), blonde, brunette, bukkake (scènes de
groupe avec fellations et éjaculations sur le visage), riding (rapport sexuel où la
femme chevauche l'homme), double P(énétration). Raymond s'accorde une fois
par mois des séjours en sexodrome. Il s'installe pour trois jours dans un hôtel qui
offre une prestation all inclusive, où il n'est nullement question de parties de
bridge. Les activités y sont exclusivement sexuelles. Comme dans les maisons
closes d'autrefois. En France, les sexodromes n'existent pas, puisque la
législation interdit les bordels depuis 1946. Mais aux frontières belges, suisses
ou espagnoles, on en trouve plusieurs. Raymond a jeté son dévolu sur les
sexodromes allemands ou bien ceux des pays de l'Est, encore plus
accommodants avec cette forme de tourisme sexuel.

Parmi les nouvelles tendances, nous trouvons les sex-shops, qui s'appellent
désormais Love Shop. Le côté glacial et humiliant du sex-shop d'antan où les
femmes n'osaient mettre un pied sous peine de côtoyer les habitués, en
imperméable beige et au postiche mal collé, comme ils ont été caricaturés dans
les films des années 1970, disparaît pour un design plus attrayant. Ces boutiques
de rue ou virtuelles vendent de la lingerie, des vêtements, des jeux, des livres,
des sex toys, des huiles de massage… Mais attention, tout est sous contrôle dans
les rues. Le 1969, Curiosités désirables, un Love Shop dans le
IVe arrondissement parisien a défrayé la chronique en février 2012. Une
association de familles catholiques l'a fait fermer car il était situé à moins de
200 mètres d'un établissement scolaire…

La pornographie 2.0 a profondément modifié le modèle économique de
l'industrie du X. Le développement du streaming, à savoir le visionnage
immédiat d'extraits de films de durée variable issus de sites officiels, a rendu
accessibles des milliers d'heures de films porno. Les sites de ce type, anonymes
et gratuits, mettent en danger les professionnels du X. Il y a quelques années de
cela, il fallait louer ou acheter une K7 VHS, un DVD, un magazine spécialisé ou
s'abonner à un site pour avoir accès à un contenu pour adultes. Aujourd'hui,
monsieur Lambda peut mettre en ligne n'importe quelles images porno de
personnes majeures sur Internet. Certains sites sont d'ailleurs à la limite de la
légalité.
L'autre facteur, il faut le signaler, qui a altéré temporairement l'essor de
l'industrie du X est le virus du sida. Seulement 17 % des acteurs porno
utiliseraient des préservatifs pendant les tournages. Un chiffre inquiétant. En
2004, 2010 et 2011, les tournages avaient été interrompus plusieurs semaines
dans les studios à Los Angeles, après que des acteurs eurent découvert qu'ils
étaient séropositifs pour le VIH. Il est important de ne pas oublier que les
personnes travaillant dans l'industrie du X sont dix fois plus exposées au risque
d'être contaminées par une maladie ou une infection sexuellement transmissible
que la population générale.

IV. Un peu de clinique

Il n'existe aucune donnée chiffrée sur le problème de l'addiction sexuelle en


France. Une étude de Kafka 4, réalisée en 2010, montre simplement que le
trouble est plus présent à la fin de l'adolescence et à l'entrée dans l'âge adulte. Le
ratio hommes/femmes varie de 2 à 5 pour 1. Aux États-Unis, 3 à 6 % de la
population générale est touchée par des comportements sexuels compulsifs et 2 à
4 % en Nouvelle-Zélande. Le nombre de consultations pour ce motif a augmenté
en France mais, à ce jour, la profession ne dispose d'aucun chiffre précis.

L'addiction sexuelle se caractérise à la fois par l'impossibilité répétée de
contrôler un comportement de consommation et par la poursuite de ce
comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives
(sociales, psychologiques, physiques, persistantes ou récurrentes). À l'origine de
cette attitude addictive sexuelle, il y a toujours des facteurs déclenchants : une
émotion positive (joie, euphorie, etc.) ou négative (anxiété, irritabilité, etc.), une
circonstance environnementale comme un décès, un déménagement, un gain ou
une perte d'énergie, un examen réussi, ou bien plus prosaïquement le besoin de
se récompenser après une longue journée de travail. Chez les addicts, la
hiérarchie des priorités est chamboulée : tout ce qui a trait au sexe et aux
activités préparatoires à sa réalisation rend le reste dérisoire et négligeable. Les
individus touchés sont otages de leurs préoccupations sexuelles. Ils sont
incapables de modulation : le sexe prédomine dans leur vie, et plus rien d'autre
ne prévaut. Le moindre événement est interprété à travers ce que j'appelle un
filtre sexuel qui s'impose à la personne. Une sorte d'érotisation systématique.
Ainsi, tout est envisagé et scénarisé mentalement du point de vue du sexe : une
rencontre au travail, une réunion, un rendez-vous professionnel ou amical, un
dîner avec des inconnus…

La consommation sexuelle est excessive et touche différents supports sexuels.
À partir de l'âge de 15 ans, on peut parler de troubles lorsqu'il y a plus de sept
orgasmes par semaine pendant au moins six mois, ou bien plus d'un orgasme par
jour pendant un an ou plus, selon Laumann et ses collaborateurs (d'après une
étude menée en 1994). Pris isolément, ces événements sont sans gravité. Mais
lorsqu'ils s'accompagnent d'une perte de contrôle, d'une perte de temps (au moins
d'une à deux heures par jour) liée à la préparation du comportement, à sa
réalisation ou à la récupération de ses effets, la qualification d'addiction est
légitime. Environ 25 millions des Américains surfent sur les sites de sexe entre
une et dix heures par semaine. Près de 5 millions d'individus y passent plus de
onze heures, selon Sbraga et O'Donohue (2003). Les pertes d'argent font partie
intégrante de la définition de cette maladie et peuvent être importantes. On parle
parfois de plusieurs milliers d'euros par mois. Ainsi, un patient, Randy, 32 ans,
marié, un enfant, dépensait 10 000 euros tous les trois mois en webcam et en
escort girls sur une année. Il avait un revenu mensuel de 2 000 euros. Les
dépenses moyennes les plus importantes en pornographie par habitant ont lieu en
Corée du Sud, au Japon, en Finlande et aux États-Unis.

Le sex addict court d'échec en échec lorsqu'il essaie de résister à son
impulsion première. Il sent monter en lui une tension croissante avant de
commencer ses agissements. Puis, il ressent du plaisir ou un soulagement
pendant le passage à l'acte sexuel, quelle que soit sa nature. Ses efforts pour
réduire, contrôler ou arrêter le comportement addictif ne sont pas feints. Même si
l'objectif n'est jamais atteint. Le sujet est agité ou irritable lorsqu'il ne peut pas
poursuivre son comportement. Il développe des pensées obsessionnelles autour
de la sexualité et des rencontres sexuelles. Il tentera de les rationaliser pour
justifier ses besoins irrépressibles. Un phénomène de tolérance se met alors en
place, c'est-à-dire que le sujet va progressivement avoir besoin d'augmenter sa
consommation pour en ressentir les effets. Dépenser plus pour consommer plus.
Les sex addicts ont une deuxième vie, une second life. Ils vivent dans la crainte
que leurs activités sexuelles « secrètes » soient découvertes. Cette double vie est
toujours dissociée de l'amour. Ils témoignent de l'indifférence vis-à-vis de leurs
partenaires sexuels et les délaissent souvent une fois le ou les rapports fini(s). Ils
ont bien évidemment une préférence pour le sexe anonyme afin d'éviter à tout
prix des expériences émotionnelles déplaisantes. De plus, ils s'inscrivent dans
une insatisfaction permanente.
La réalisation fréquente du comportement addictif altère visiblement les
obligations occupationnelles, académiques, domestiques ou sociales. D'ailleurs,
beaucoup d'activités sont abandonnées ou réduites. Le travail, le couple, la
famille sont alors en péril. La perte de contrôle du comportement addictif se
répercute sur tous les aspects de la vie. Lorsque l'on interroge les patients sur
leurs émotions, ils évoquent tous plus ou moins la même chose : recherche de
sensation, culpabilité, ennui, isolement, faible estime de soi, anhédonie (perte
des plaisirs habituels), hostilité. Ils font face à de grandes difficultés de
concentration pour les tâches du quotidien.

Le cycle du sex addict se décompose souvent à partir d'un même schéma. Il
commence tout d'abord par un facteur déclenchant le plus banal possible.
Suivent un phénomène de tension (ou pression) sexuelle puis un acting-out. Ce
dernier terme, selon le Larousse, est employé en psychanalyse, et désigne un
comportement impulsif en rupture avec l'attitude générale du sujet. On peut
l'isoler facilement au sein de l'activité habituelle du sujet. La phase suivante est
le passage à l'acte sexuel. Cependant, ce n'est pas le moment le plus « excitant »
pour les sex addicts. Ils préfèrent largement celui qui commence du facteur
déclenchant et se termine juste avant le passage à l'acte. J'appelle cette phase « la
chasse ». Illustrons-la avec des cas de patients. Benjamin, 36 ans, chef
d'entreprise, en concubinage, pouvait tourner des heures en scooter ou en voiture
au bois de Boulogne en fin d'après-midi, voire en début de soirée et même la nuit
jusqu'à trouver la « tranny » (transsexuelle) ultime. Romain, 43 ans,
kinésithérapeute, en concubinage, pouvait surfer jusqu'à vingt-quatre heures sur
des sites X avant de se masturber. Nadia, 41 ans, récemment divorcée, deux
enfants, passait des heures sur les réseaux sociaux érotiques et les webcam X
avant d'amener « une proie » dans son lit…

Cycle clinique du sex addict II

Après l'acte, toujours la même triade de sentiments, dont la durée varie selon
les individus : culpabilité, désespoir, honte. Puis, c'est la résolution jusqu'au
prochain facteur déclenchant. Cette dernière phase peut persister quelques
dizaines de minutes, quelques heures, parfois plusieurs jours.
Dans la prochaine classification américaine des maladies mentales (DSM-V),
l'addiction sexuelle ne se dénommera pas comme telle. On parlera de trouble
d'hypersexualité. Ce diagnostic, selon Kafka et son équipe, comprend six critères
majeurs suffisamment fréquents et intenses pour entraîner des altérations du
fonctionnement personnel, social et occupationnel sur une période d'au moins
six mois :

• un temps important est utilisé pour satisfaire des fantaisies érotiques, des
fantasmes, des envies urgentes, afin de planifier et de s'engager dans des
activités sexuelles,
• le sujet les réalise de manière répétitive en réponse à un état dépressif,
anxieux, ou à une irritabilité, un ennui ou bien encore à des événements
stressants,
• il existe des difficultés répétées pour contrôler ou pour réduire
considérablement ces fantasmes/envies/activités sexuelles,
• le sujet s'engage de manière répétitive dans des activités sexuelles tout en
ayant conscience des conséquences physiques ou émotionnelles pour lui ou pour
les autres,
• une fréquence et une intensité importantes des comportements sexuels,
• le trouble sexuel n'est pas dû aux effets physiologiques directs d'une drogue
(poppers, GBL, cocaïne, etc.), de l'alcool ou de médicaments dopaminergiques
comme ceux utilisés dans la maladie de Parkinson. Concernant ce dernier point,
en France, en mars 2011, un laboratoire pharmaceutique a été condamné à verser
plus de 100 000 euros de dommages et intérêts pour défaut d'informations à un
homme souffrant de cette maladie neurologique. Il était devenu hypersexuel
(surconsommation sexuelle, exhibitionnisme, travestisme) et joueur
pathologique, à la suite de son traitement médicamenteux.

V. Différentes formes d'addiction

Il existe différentes formes d'addiction sexuelle ou du trouble


d'hypersexualité : la masturbation compulsive, le binge porno ou usage
frénétique de la pornographie, le cybersexe, les conversations érotiques au
téléphone (phonesexe), la fréquentation répétitive de clubs, la séduction effrénée.
Cybersexe et masturbation irrépressible sont étroitement liés et correspondent
aux motifs les plus fréquents de consultation.

La masturbation compulsive
est une autostimulation érotique ayant lieu plus d'une fois par jour en réponse
à un stress, une tristesse, une anxiété… Elle peut se répéter de nombreuses fois
par jour : trois, cinq, dix fois, voire toutes les trois heures… Ronald, 27 ans, vit
en concubinage. Il est venu en consultation pour ce problème directement lié à
Internet. Il pouvait se masturber pendant soixante-douze heures d'affilée, sans
éjaculer pour autant. Il ne rentrait plus chez lui, dormait sur son lieu de travail
après ces cycles sexuels infernaux. Bien sûr, la qualité de sa présence au bureau
en pâtissait. Ajoutons à cela un sentiment de solitude culpabilisante à la fin de
l'acte, souvent liée à la fatigue, aux blessures physiques du pénis et à la pression
sociale, constant rappel à la réalité minimisant la satisfaction sexuelle.
17 % des internautes ont un trouble cybersexuel et 1 % ont un trouble sévère
dont 40 % de femmes. Internet est utilisé dans le but d'une gratification
immédiate. Le sexe sur Internet, nous l'appelons « l'engin DAA » pour
disponibilité, accessibilité, anonymat. Hommes et femmes n'ont pas le même
usage de la Toile. Les hommes recherchent du matériel sexuellement explicite
pour une masturbation excessive. De nombreux patients surfent des heures sur
les sites porno. Les femmes recherchent, quant à elles, des interactions ou du
sexe via les chats ou les réseaux sociaux.

Le binge porno
est la consommation frénétique de pornographie via les revues, les films, la
VOD, le téléchargement légal ou illégal, la fréquentation des salons érotiques…
Une vraie drogue !

Le phonesexe
a évolué au fil du temps. Il était d'abord associé au Minitel et à tous ses 36 15
érotiques, annonçant le début des factures télécom salées pour les sex addicts. Il
était associé aux réseaux téléphoniques avec des conversations hard surtaxées,
des B.A.L. (boîtes aux lettres) pour des rencontres ou des échanges avec des
hôtesses qui arrondissaient leurs fins de mois. La version gay existait aussi.
Aujourd'hui, les numéros en 0800, les codes via les SMS et les MMS sont une
version moderne de ce type de support addictogène.

Le séducteur compulsif
est une autre forme d'addiction sexuelle. Il pourrait s'apparenter au syndrome
de Don Juan, qui n'assouvit sa faim que par la conquête d'une ou plusieurs
proies. Une fois le (ou la) partenaire tombé(e) sous son charme, il (ou elle) est
mis(e) de côté, puis oublié(e).

VI. Une maladie qui s'aggrave avec le temps


Les complications de l'addiction sexuelle sont d'ordre physique mais
également psychologique.
Les expériences sexuelles multiples et sans protection présentent un haut
risque de contracter une (ou des) infection(s) sexuellement transmissible(s)
(IST). D'autant qu'une IST peut en cacher une autre.

Le virus du papillome humain ou papillomavirus (HPV)


est responsable des IST les plus fréquentes puisque entre 10 et 30 % des
personnes, si l'on prend la population globale, sont contaminées. Les
manifestations cliniques les plus connues de la contamination sexuelle sont les
condylomes, verrues génitales ou crêtes-de-coq. On les retrouve sur la peau ou
les muqueuses de la région anale et génitale. Elles se transmettent lors de
rapports non protégés mais également de peau à peau. De nombreuses lésions
dues au HPV passent inaperçues et guérissent naturellement. Elles ne laissent
aucune trace immunologique, ce qui expliquerait leur transmissibilité aussi
facile.

La blennorragie
(connue sous le nom poétique de chaude-pisse) est une IST due au gonocoque.
Plus de la moitié des hommes et des femmes peuvent être porteurs
asymptomatiques de cette maladie au niveau du rectum ou de la bouche. Les
principaux signes cliniques chez l'homme sont des brûlures lors des émissions
d'urine, un écoulement de pus à l'extrémité de la verge, des douleurs et un prurit
urétral. Des écoulements vaginaux et des douleurs abdominales sont décrits chez
la femme. Non traitée, cette infection entraîne des séquelles.

La chlamydiose
est une forme d'IST. Elle est le plus souvent asymptomatique chez la femme.
Elle peut se manifester par des saignements vaginaux, des écoulements
blanchâtres, des problèmes urinaires. Chez l'homme, elle peut être
asymptomatique mais aussi se présenter sous forme d'inflammation de l'urètre
avec écoulement à l'extrémité de la verge, démangeaisons des testicules,
picotements.

La syphilis
est de retour. IST très contagieuse, elle se transmet par toutes les voies
sexuelles possibles (bouche, vagin, anus). Elle se manifeste trois semaines après
la contamination, par l'apparition d'une petite plaie rosée, creuse, propre, indurée
et indolore (chancre). Elle peut être retrouvée sur le fourreau de la verge, sur le
gland, le vagin, la vulve, l'anus, la bouche, la gorge, etc.

Les hépatites B et C
doivent être repérées également.

Le VIH
, enfin, inquiète le plus les patients qui se font régulièrement dépister. Certains
sites de rencontres très chauds reçoivent des annonces de personnes demandant
explicitement à leurs futurs partenaires un test VIH récent avant rapport sexuel
unique ou multiple. Les principaux facteurs de risque sont les rapports sexuels
non protégés (vaginal, anal, buccal) avec une personne infectée par le VIH et le
fait d'avoir des rapports sexuels avec plusieurs partenaires ou avec un acolyte qui
les multiplie.

Sur le plan psychologique, de nombreuses pathologies sont retrouvées. Et à
une fréquence élevée. Il peut s'agir de dépression, de trouble anxieux, de phobie
sociale (peur maladive de s'exprimer en public, très schématiquement),
d'hyperactivité avec déficit de l'attention, d'impulsivité. Il faut retenir que
l'anxiété et la dépression sont associées à une prise de risque sexuel et à une
perte de contrôle importantes. De plus, les maladies psychiatriques préexistantes
chez les individus souffrant d'addiction sexuelle sont des facteurs d'aggravation
et de sévérité des comportements hypersexuels. Il est important pour les
praticiens de les prendre en considération simultanément lorsqu'un traitement est
décidé par le patient.

Mais une addiction en attire souvent d'autres ! Usage, abus, voire dépendance
à des substances sont le lot de beaucoup de patients : cocaïne, alcool, cannabis,
poppers, GBL (précurseur chimique du GHB médiatisé sous l'appellation drogue
du viol), drogues de synthèse (méphédrone, 4-MEC, NRG-1…), combinaison
antidépresseurs et médicaments facilitant l'érection (Viagra, Cialis). Les
consommations de ces produits varient en fonction des sexes, des milieux, des
moments festifs, des situations, des endroits (soirées privées, orgies, clubs
échangistes, milieu du porno, backrooms, etc.).

Les poppers
se présentent sous la forme d'un liquide jaunâtre ou incolore et dégagent une
odeur fruitée déplaisante, aux effluves éthérés. Conditionnés dans des petits
flacons de couleur, ils sont volatils à température ambiante. La dénomination
« poppers » provient du bruit caractéristique que fait la bouteille de nitrite
d'amyle lorsqu'elle est décapsulée.
Sniffés ou bus, les poppers sont des vasodilatateurs agissant très vite (quinze
secondes), sur une courte durée (cinq à dix minutes) et ont également des
propriétés relaxantes pour les muscles. Le principal effet recherché par le
consommateur est un rush de plaisir ou une euphorie ajoutée à une sensation de
chaleur interne et d'ébriété. Une excitation motrice, moindre que celle provoquée
par la cocaïne, est retrouvée. Les poppers sont la plupart du temps utilisés pour
faciliter les rapports sexuels. Ils provoquent une désinhibition, accroissent
l'envie, augmentent la durée de l'érection, retardent l'éjaculation et intensifient
les sensations orgasmiques. Mais attention, les effets indésirables sont
nombreux.
Cette drogue, initialement disponible dans les sex-shops, a été affublée de
plusieurs noms et touche dorénavant le monde des clubs, les boîtes de nuit, le
marché noir. Internet est devenu son plus puissant vecteur de diffusion. On en
consomme surtout en milieu festif, en groupe, notamment chez les homosexuels
masculins. Selon le Baromètre Gay 2005-2006, 47 % des personnes androgames
en Île-de-France en ont consommé au cours des douze derniers mois pour la
réalisation d'actes sexuels et à risque, en association avec des médicaments
facilitant l'érection.

Le GBL
, médiatisé sous le nom de GHB comme drogue du viol, est aussi utilisé à
visée sexuelle. Les consommateurs de GBL partent en quête de ses effets
euphorisants, de sa capacité à désinhiber, à stimuler l'envie, le désir, à intensifier
l'acte sexuel et la qualité de l'orgasme. D'autres effets, plus graves, sont tout
autant recherchés, comme l'altération du niveau de conscience, la perte de
contrôle, la sensation de relaxation. Les usagers de GBL prennent aussi cette
molécule chimique pour faciliter leur sommeil, améliorer les effets négatifs des
autres drogues psychostimulantes. Mais le contrecoup se paie très cher (nausées,
vomissements, ébriété, troubles du cours de la pensée, difficultés d'élocution,
incapacité à prendre des décisions, fièvre élevée, etc.), avec des risques de coma
temporaire appelé G-Hole.

Les drogues de synthèse


comprennent, entre autres, les cannabinoïdes et les cathinones synthétiques.
Encore appelées designer drugs, party drugs, club drugs, legal highs, elles sont
associées à des événements festifs publics ou privés. Ces substances touchent
surtout une population jeune dans un contexte de polyconsommation. Les
cannabinoïdes de synthèse miment les effets du cannabis. Les cathinones
substituées (méphédrone, méthylone, MDPV, 4-MEC, NRG-1) sont des drogues
aux propriétés pharmacologiques proches des amphétamines ou de la cocaïne.
Pourquoi ces drogues attirent-elles toujours plus d'adeptes ? L'absence de risques
légaux (jusqu'à juillet 2012 en France), sans doute, et puis la facilité d'obtention
des produits, le faible coût, leur accessibilité en quelques clics via Internet…
Elles sont utilisées lors des rapports sexuels pour plus de stimulation. Dans le
milieu gay, une pratique appelée slam a été repérée. Elle consiste à s'injecter ces
party drugs en intraveineuse… Les conséquences sanitaires aiguës et chroniques
de ces drogues et leur potentiel addictif doivent éveiller l'attention du personnel
médical qui prend en charge les hypersexuels.

VII. Comment aider le sex addict ?

Quand un patient vient en consultation pour un comportement sexuel estimé


excessif, la première question à se poser est la suivante : s'agit-il d'un trouble
addictif ? Voici comment évaluer cette potentialité.

S'aider d'un questionnaire-test spécifique peut être utile.

Un questionnaire nord-américain récent, appelé PATHOS, a été développé par
Patrick Carnes sur le même modèle que celui qui existe pour l'alcool ou le
cannabis. Il est maintenant utilisé dans notre consultation spécialisée. Il
comprend six questions fermées (oui/non) qui peuvent être posées en moins
d'une minute. Un score supérieur ou égal à 3 évoque une addiction sexuelle.
Nous avons dénommé sa version française PEACCE pour Pensées, Entourage,
Aide, Conséquences, Contrôle, Émotions (Karila, 2012).

Et maintenant, testez-vous !

1. Trouvez-vous que vous êtes souvent préoccupé par des pensées


sexuelles ? (Pensées)
2. Cachez-vous certains de vos comportements sexuels à votre
entourage (partenaire de vie, famille, ami(e)s proches…) ?
(Entourage)
3. Avez-vous déjà recherché de l'aide pour un comportement
sexuel que vous n'appréciez pas de faire ? (Aide)
4. Est-ce que quelqu'un a déjà été heurté émotionnellement à
cause de votre comportement sexuel ? (Conséquences)
5. Vous sentez-vous contrôlé par votre désir sexuel ? (Contrôle)
6. Vous sentez-vous triste après être passé à l'acte sexuellement
(rapports sexuels, Internet, autres) ? (Émotions)

Une fois passé ce premier dépistage, il faut ensuite mener un entretien


évaluant toutes les données, de manière systématique :

• mode de vie,
• histoire médicale, psychiatrique et addictologique personnelle,
• histoire médicale, psychiatrique et addictologique familiale,
• indicateurs d'une possible addiction sexuelle :

– dysfonctionnement familial,
– antécédents d'infections sexuellement transmissibles,
– antécédents d'abus physique, sexuel ou émotionnel,
– autres addictions associées (drogues, alcool, nicotine, autres
comportements),
– traumatisme,
– problèmes judiciaires en lien avec une addiction,
– problèmes sociaux,
– difficultés relationnelles,

• évaluer les possibilités de la présence d'une paraphilie et/ou d'une
pédophilie : si l'une d'elles est détectée, prévoir une consultation spécialisée dans
un endroit dédié.

Voici les indicateurs spécifiques d'une addiction sexuelle :

• perte de contrôle de soi,
• persistance du comportement,
• nombreuses conséquences, tant physiques que psychiques (IST, dépression,
anxiété, trouble du sommeil, perte d'appétit),
• désir de limiter son comportement sexuel,
• pensées sexuelles obsédantes/fantaisies sexuelles multiples,
• incapacité de stopper son comportement malgré les conséquences induites,
• augmentation du comportement addictif afin de retrouver les effets de la
première fois,
• changements d'humeur liés à l'activité sexuelle,
• perte de temps importante,
• sacrifice des autres activités (sociales, couple, familiale, occupationnelles).

Un questionnaire comme le Sexual addiction screening test (SAST),
développé par Patrick Carnes en 1989, permet d'affiner l'entretien. Il s'agit d'un
test comprenant vingt-cinq questions fermées (oui/non) auxquelles le patient seul
peut répondre, ou bien aidé de son médecin. Treize réponses positives ou plus
suggèrent un problème.

SAST : Sexual Addiction Screening Test (Carnes, 1989)

1. A-t-on abusé de vous sexuellement, pendant votre enfance


et/ou adolescence ?
2. Êtes-vous abonné(e) ou achetez-vous régulièrement des revues
érotiques ?
3. Vos parents ont-ils eu des problèmes sexuels ?
4. Êtes-vous souvent préoccupé(e) par des pensées sexuelles ?
5. Avez-vous le sentiment que votre comportement sexuel n'est
pas normal ?
6. Est-ce que votre conjoint(e) s'inquiète ou se plaint de votre
comportement sexuel ?
7. Avez-vous du mal à arrêter votre conduite sexuelle, lorsque
vous savez qu'elle est inappropriée ?
8. Vous sentez-vous mal à l'aise vis-à-vis de votre comportement
sexuel ?
9. Est-ce que votre comportement sexuel a causé des problèmes
pour vous-même ou votre famille ?
10. Avez-vous cherché assistance pour un comportement sexuel
que vous n'aimiez pas ?
11. Avez-vous eu peur que les gens apprennent votre conduite
sexuelle ?
12. Avez-vous fait du mal aux autres émotionnellement par votre
conduite sexuelle ?
13. Certaines de vos activités sexuelles sont-elles hors la loi ?
14. Vous êtes-vous promis à vous-même de cesser certains
comportements sexuels ?
15. Avez-vous fait des efforts pour renoncer à certains
comportements sexuels sans y parvenir ?
16. Devez-vous cacher certains de vos comportements sexuels ?
17. Avez-vous essayé de cesser certains comportements sexuels ?
18. Pensez-vous que certains de vos comportements sexuels ont
été dégradants ?
19. Le sexe a-t-il été pour vous une manière d'échapper à vos
problèmes ?
20. Êtes-vous déprimé(e) après un rapport sexuel ?
21. Avez-vous senti le besoin de cesser certaines formes d'activité
sexuelles ?
22. Est-ce que vos activités sexuelles ont perturbé votre vie
familiale ?
23. Avez-vous eu des rapports sexuels avec des mineurs ?
24. Vous sentez-vous dominé(e) par vos désirs sexuels ?
25. Pensez-vous que vos désirs sexuels sont plus forts que vous ?

Une fois le diagnostic posé, il faut suggérer au patient un programme


thérapeutique ciblé. Celui que nous avons développé à l'hôpital Paul-Brousse
intègre le patient dans une approche bio-psycho-sociale globale et dure
douze mois. Son déroulement doit être annoncé à son bénéficiaire dès le début
de la thérapie.
L'addiction sexuelle est la résultante d'un dérèglement du système de
récompense naturelle cérébral (manger, boire, faire l'amour) et de régulation des
émotions. Il faut donc combiner différentes approches pour tout reconnecter.
Nous résumons dans l'encadré qui suit les principaux points du traitement.

• Réduction des risques


• Acquisition d'un nouveau répertoire sexuel
• Combinaisons thérapeutiques
• Psychothérapies
• Antidépresseurs pour lutter contre la compulsion sexuelle
• Dépendants affectifs et sexuels anonymes
• Traitement des maladies psychiatriques et organiques
associées

Peut-on exiger l'abstinence pour nos patients ? Non. L'abstinence en matière


de sexe n'est en aucun cas la cible thérapeutique ultime, à l'inverse de ce que l'on
peut viser pour la cocaïne, le cannabis, l'héroïne ou l'alcool chez les sujets
addict.
Il est important de cartographier la sexualité des patients et d'adapter un
programme en fonction de leurs habitudes.
D'emblée, il faut déculpabiliser certains comportements sexuels faisant l'objet
d'une acceptation culturelle et d'une tolérance par la société comme la
masturbation, la pornographie, le sexe anonyme. La masturbation est une étape
naturelle et normale au cours de la vie. Contrôlée, elle répond à une satisfaction
personnelle et n'interfère en rien avec la vie sociale, et le fonctionnement intime.
Pour la pornographie, c'est identique. Canal Plus a fait entrer le porno au cœur
des foyers dans les années 1980, les magnétoscopes VHS également, le câble et
Internet n'en sont que la continuité. Les individus regardent des films porno à la
maison, seuls ou en couple, à la télévision ou devant leur ordinateur. Les
productions pornographiques ont d'ailleurs adapté ces supports pour les deux
sexes. Consommés raisonnablement, ils ne sont en rien un problème.

La cible thérapeutique principale est l'acquisition d'un nouveau répertoire
sexuel satisfaisant en se référant aux connaissances du sujet, antérieures à son
problème addictif sexuel.

Dans un premier temps, notre programme de soins commence par une thérapie
cognitive et comportementale (TCC) sur trois mois. Le thérapeute met en place
une relation de collaboration avec son patient. Ensemble, ils décident :

• des objectifs du traitement,
• du type et du temps d'entraînement nécessaire pour trouver les ressources
utiles au changement,
• de la présence d'une personne significative (conjoint(e) le plus souvent) à
certaines séances,
• de la nature des tâches à pratiquer en dehors des séances…

La TCC a trois atouts : elle est flexible, modulable et individualisée. Ainsi,
elle stimule le développement d'une bonne alliance thérapeutique, évite une
attitude trop passive de la part du thérapeute, et garantit la meilleure adaptation à
chaque patient.

Cette thérapie est fondée sur la théorie de l'apprentissage social. Le fait
d'apprendre certains comportements incite à la consommation et à l'abus. Les
personnes peuvent apprendre un comportement ou à consommer des drogues de
différentes manières :

• l'apprentissage par imitation ou modeling,
• le conditionnement opérant (la consommation de sexe peut être perçue
comme un comportement renforcé par ses conséquences),
• le conditionnement classique.

Pour ce dernier point, il faut se référer à l'expérience de Pavlov. Ce dernier a
démontré que, avec le temps, la présentation répétée d'un stimulus neutre,
comme une sonnerie de cloche, associé à des stimuli inconditionnels, comme la
présentation de nourriture, pourrait être à l'origine d'une réponse inconditionnelle
(par exemple, la salivation chez le chien). Au fur et à mesure, la consommation
abusive de sexe peut être associée à de l'argent, à des pubs intempestives sur son
ordinateur ou à un environnement particulier (clubs, bars, boîtes échangistes,
discothèques), à des personnes dont le métier appelle au fantasme (hôtesses de
salon, standardistes…), à des périodes du jour ou de la semaine (après le travail,
après une réunion importante, après un cours, les week-ends), à des états
émotionnels (solitude, ennui, bien-être). En définitive, l'exposition à ces facteurs
considérés comme des hameçons est suffisante pour provoquer une envie
irrépressible de consommer du sexe.

La théorie de l'apprentissage reste le cadre de référence pour comprendre le
processus de la TCC. Le thérapeute explique à son patient qu'un objectif de la
thérapie est de l'aider à « désapprendre » des comportements installés et
inefficaces, et à « apprendre » de nouveaux comportements. Elle vise aussi à
développer des stratégies permettant une réduction des risques du comportement
sexuel pathologique via la prévention et/ou la gestion des situations tentatrices.
La première étape de la TCC est d'aider les patients à identifier les raisons
pour lesquelles ils consomment du sexe de manière excessive, quel que soit le
format utilisé. Le thérapeute propose également de déterminer ce que les patients
doivent faire pour éviter de se trouver face aux éléments déclenchant la
consommation ou, du moins, de savoir y faire face. Ceci exige une analyse
soigneuse des circonstances de chaque épisode qui a fait dériver le patient, des
compétences et des ressources dont le sujet dispose. Ces aspects peuvent souvent
être évalués au cours des premières séances par un entretien non directif, portant
sur le parcours des patients, en assimilant le sexe à une substance addictive.
L'idée est de comprendre ce qui les a menés au traitement, de connaître leur
opinion sur cette démarche et leurs véritables objectifs.

La TCC est très structurée et beaucoup plus didactique que beaucoup d'autres
thérapies. Les thérapeutes adoptent ainsi une position plus directive et plus
active que pour d'autres cures.
Chaque séance contient un grand nombre d'éléments :

• la revue des tâches,
• un compte-rendu des problèmes qui se sont posés depuis la séance
précédente,
• l'entraînement aux compétences,
• un retour de la part du thérapeute sur l'entraînement aux compétences,
• des exercices en séance,
• une planification pour la semaine suivante.

Le thérapeute doit prévoir suffisamment de temps pour s'assurer de la
compréhension et de l'engagement du patient dans la thérapie.
Le sujet prévoit, avec le thérapeute, un agenda quotidien qu'il remplira au fil
des séances et qui lui servira de guide personnel. Tout type de support est
possible : agenda papier, Smartphone, fichier électronique, etc. Éviter les feuilles
volantes car le patient doit pouvoir relire ce qu'il a entrepris au cours de sa
thérapie.

Le patient doit estimer les conséquences de son addiction, sur sa santé, son
travail, ses relations amicales, son emploi du temps, ses finances. Il peut par
exemple chiffrer le coût de sa conduite sexuelle en s'aidant du tableau suivant.

Les principaux points de la thérapie sont calqués sur ce qui est fait dans la
prise en charge de l'addiction aux drogues psychostimulantes :

Faire face à l'envie irrésistible (craving) :


la comprendre, la décrire, identifier les déclencheurs, éviter les stimuli, faire
face au craving. Le patient peut remplir ce tableau ci-dessous pour s'aider.
Renforcement motivationnel :
se fixer des priorités, aborder l'ambivalence (incapacité à départager les
éléments d'un conflit), reconnaître et gérer les pensées liées au sexe. Pour
évaluer l'ambivalence, on pourra demander au patient d'établir une balance
décisionnelle qui l'aidera à peser les pour et les contre de son comportement
sexuel (avantages et inconvénients).

• Avantages de votre comportement à court et à long terme : par exemple
euphorie, anxiolytique, etc.
• Inconvénients de votre comportement à court et à long terme : par exemple
perte d'argent, femme trompée, santé, cela m'empêche de travailler, etc.

Savoir dire non (affirmation de soi) :


évaluer la disponibilité du support sexuel et les étapes requises pour la réduire,
explorer les stratégies pour rompre le contact avec les supports sexuels,
apprendre et pratiquer les techniques de refus de sexe.

Repérer les décisions apparemment sans conséquence :


le patient vit souvent les expositions au sexe comme étant hors de son
contrôle. En réalité, il doit surtout faire face à un processus de comportements
qu'il a lui-même déterminés. C'est ce « jeu » complexe qu'il faut révéler et porter
à la connaissance du sujet. Tout comme les liens entre ses décisions et les
situations à haut risque qu'elles engendrent. Ensuite, on peut amener le patient à
identifier des exemples de décisions apparemment sans conséquences, et à
s'entraîner à pratiquer des prises de décision sûre. L'addiction met en jeu des
processus neuropsychologiques, de la sensibilité à la récompense et de la prise
de décision. Ces processus se jouent au niveau du cortex orbitofrontal, zone du
cerveau parfois défaillante chez les addicts. Ils vont avoir tendance à privilégier
la récompense immédiate, en apparence plus attrayante en dépit des
conséquences négatives à long terme. Les processus motivationnels altérés et
l'impulsivité sont à l'origine des troubles.

Plan d'urgence polyvalent :


malgré les plus grands efforts du patient, un certain nombre de circonstances
imprévues peuvent survenir et se transformer en une situation à haut risque.
Elles sont souvent liées à des événements ou à des situations de crise importants,
négatifs, stressants, comme la mort ou la maladie d'un être cher, le fait
d'apprendre que l'on est séropositif, la perte d'un emploi, la fin d'une relation
importante, etc. Néanmoins, les circonstances positives peuvent également
amener à des situations à haut risque (comme recevoir une grosse somme
d'argent, commencer une nouvelle relation amoureuse, apprendre une nouvelle
embauche, avoir vécu une journée de travail très gratifiante, participer à un repas
convivial et très festif). Dans la mesure où de tels événements peuvent survenir à
tout instant, pendant le traitement ou après sa fin, les patients sont encouragés à
développer un plan de situation d'urgence qui puisse être consulté et utilisé
quand de telles crises sont susceptibles de survenir.

Résolution des problèmes


liés à la consommation sexuelle ou survenant en cours de traitement.

Réduction des risques infectieux :


évaluer les comportements à risque ; renforcer la motivation pour les changer ;
mettre en place des objectifs de changement ; surmonter les obstacles à la
réduction des risques ; donner des directives précises.

Les personnes signifiantes :


le thérapeute propose à chaque patient la possibilité d'inviter un membre de la
famille proche ou un ami à assister à une ou deux séances. Les objectifs de cette
séance sont d'offrir à ces personnes signifiantes l'opportunité d'en apprendre plus
sur la thérapie suivie par le patient et d'explorer des stratégies au travers
desquelles elles peuvent l'aider à devenir et à rester abstinent.

Séance finale :
— Révision du plan de traitement et des objectifs : identification des champs
où les objectifs du patient ont été atteints, ceux où des progrès ont été réalisés, et
ceux où moins de progrès ont été faits et qui nécessitent une attention
supplémentaire.
— Retour du thérapeute sur sa perception des progrès effectués par le patient,
sur les compétences et les principes acquis et maîtrisés, ainsi que sur les points
sur lesquels le patient devrait continuer à travailler.
— Retour du patient sur les aspects les plus utiles et les moins utiles du
traitement et sur ses inquiétudes à propos de ce qui se passera après la fin du
traitement.

Dans ce programme de soins, une fois le comportement sexuel stabilisé, un
travail psychothérapeutique d'inspiration analytique (traitement de fond) peut et
devrait être envisagé. La psychothérapie analytique s'exerce selon un cadre
défini par un espace, un temps déterminé, un investissement, et une demande du
sujet. Dans la cure analytique, le sujet se soumet à la règle de l'association libre
(il dit tout ce qui lui passe par la tête). Le travail du psychanalyste est d'écouter,
d'interpréter le contenu latent (inconscient) à partir de ce que rapporte le sujet
(contenu manifeste). Ce travail associatif du sujet, conjugué au travail
interprétatif de l'analyste, permet au patient de revoir son histoire personnelle,
d'y voir un nouveau sens et de se débarrasser des schémas répétitifs. Le moteur
de la cure analytique est le transfert (éléments personnels projetés sur l'analyste).
Il favorise également l'analyse et l'interprétation. L'analyste, quant à lui,
élaborera son contre-transfert, à savoir ses propres réactions au transfert du sujet
sur lui. Schématiquement, la thérapie analytique sert ici à faire « sauter les
nœuds de la vie du sujet ».

Quant aux conjoints, ils accompagnent souvent leur partenaire lors des
premières consultations médicales. Autant les recevoir au début ou à la fin du
premier entretien, afin de clarifier toute ambiguïté sur ce qui est considéré
comme un comportement nécessitant une aide médicale, et ce qui ne l'est pas.
La thérapie de couple est nécessaire dans le cas de l'addiction sexuelle. Cette
démarche vise à quitter l'état de souffrance induit par le trouble sexuel d'un des
deux conjoints. Il semble important qu'un couple puisse effectuer une telle
démarche. Elle est proposée dans notre programme de soins. Le thérapeute de
couple, travaillant étroitement avec toute l'équipe soignante, n'est ni policier, ni
juge, ni avocat. Aucun arbitrage, aucun jugement ! Les deux protagonistes
doivent être présents à chaque séance. L'origine du conflit conjugal va essayer
d'être démasquée. Les deux partenaires doivent idéalement avoir défini leur
projet de couple avant le début de la thérapie.

Les groupes d'auto-support comme DASA (Dépendants Affectifs Sexuels
Anonymes) sont d'une aide non négligeable pour les patients souffrant
d'addiction sexuelle. Ils fonctionnent selon le modèle des Alcooliques anonymes.
Il existe douze caractéristiques, douze étapes, douze traditions. Des réunions ont
lieu un peu partout en France.
Les douze étapes que les addicts doivent franchir sont les suivantes
(traduction de « The Twelve Step of SLAA », 1985) :

1. Nous avons admis que nous étions impuissants devant notre dépendance
affective et sexuelle, que nous avions perdu la maîtrise de nos vies.
2. Nous en sommes venus à croire qu'une Puissance Supérieure (ce n'est pas
forcément le Dieu représentant une religion) à nous-mêmes pouvait nous rendre
la raison.
3. Nous avons décidé de confier notre volonté et nos vies aux soins de Dieu tel
que nous Le concevions.
4. Nous avons courageusement procédé à un inventaire moral et minutieux de
nous-mêmes.
5. Nous avons admis à Dieu, à nous-mêmes et à un autre être humain la nature
exacte de nos torts.
6. Nous avons pleinement consenti à ce que Dieu éliminât tous ces défauts de
caractère.
7. Nous Lui avons humblement demandé de faire disparaître nos déficiences.
8. Nous avons dressé une liste de toutes les personnes que nous avons lésées
et nous avons résolu de leur faire amende honorable.
9. Nous avons réparé nos torts directement envers ces personnes, partout où
c'était possible, sauf lorsque nous pouvions leur nuire ou causer du tort à
d'autres.
10. Nous avons poursuivi notre inventaire personnel et admis nos torts dès que
nous nous en sommes aperçus.
11. Nous avons cherché par la prière et la méditation à améliorer notre contact
conscient avec Dieu, tel que nous Le concevions, Le priant seulement de nous
faire connaître Sa volonté à notre égard et de nous donner la force de l'exécuter.
12. Ayant connu un réveil spirituel comme résultat de ces étapes, nous avons
alors essayé de transmettre ce message aux autres dépendants affectifs et sexuels
et de mettre en pratique ces principes dans tous les domaines de notre vie.

La ligne conductrice de ce type d'aide est l'arrêt du comportement obsédant
sexuel et le développement d'un lien avec une Puissance Supérieure, chacun se
faisant sa propre représentation de cette notion qui l'aidera dans le
rétablissement.

Dans l'addiction sexuelle, il n'existe pas de traitement médicamenteux validé.
L'analyse des données scientifiques montre que les antidépresseurs peuvent
réduire les phénomènes compulsifs. Bien évidemment, ne figure pas dans la
notice du médicament l'indication « addiction sexuelle ». Il faut bien peser les
choses avant de prescrire un tel traitement, faire un bilan complémentaire (prise
de sang, électrocardiogramme) et expliquer précisément au patient les effets
secondaires, la durée du traitement. Cette famille thérapeutique aide aussi dans
la dépression et les troubles anxieux fréquemment corrélés à cette addiction.
Tous les autres troubles psychiatriques associés ou préexistants que j'ai cités plus
haut doivent être pris en compte. Point important, la thérapie ne peut commencer
sans que le soignant ait demandé l'avis du patient sur la décision de telles
prescriptions médicamenteuses.

Ainsi, l'addiction sexuelle ou le trouble d'hypersexualité est un trouble addictif
comportemental complexe, en augmentation dans les consultations. Il touche
tous les milieux sociaux, sans distinction de classe ni d'origine. La meilleure
approche des soins reste celle qui envisage le patient dans son ensemble.

VIII. Le petit Dico Sexo

Comme toute activité, le X a acquis son propre langage. Il faut le connaître


pour comprendre les patients qui souffrent d'addiction sexuelle. Il est à l'origine
des différentes catégories listées sur les sites Web, et des modes qui en découlent
sur les sites de streaming.

Le B…

BBW (Big Butt Woman) : Femmes fortes.


Bondage : Partenaires sexuels attachés.
BBC : Rapports sexuels avec sexe proéminent.
Brunette : Attirance pour les femmes brunes.

Le C…

Camel Toe : Forme, vue sous des vêtements moulants, des grandes lèvres
d'une femme.
Cougar : Femmes célibataires ou indépendantes à partir de 35 ans ayant des
relations avec des hommes plus jeunes d'au moins huit ans.
Cumshots : Films avec des scènes où il n'y a que des éjaculations sur la ou le
partenaire.
Creampie : Éjaculation interne d'un homme, qui ne porte pas de préservatif,
dans le vagin ou le rectum d'une femme ou d'un homme. Il se retire et le sperme
coule à l'extérieur de la vulve ou de l'anus de la ou du partenaire.

Le D…

Dancing : Rapports sexuels lors de soirées, exhibition, lap dance.


DP : Double pénétration.
DDP : Triple pénétration.

Le E…

Ebony : Attrait pour les femmes de couleur de peau noire.


Euro : Attrait pour les femmes européennes (pays de l'Est le plus souvent).

Le F…

Fetish : Rapports fétichistes.


Fist fucking : Érotisme brachiovaginal ou brachiorectal. Introduction
progressive de la main doigts tendus dans l'orifice distendu et abondamment
lubrifié.
Foot fucking : Même type de pratique mais avec le pied.

Le G…

G point : Découvert en 1950 par Gräfenberg, il représente une zone érogène


de grande sensibilité. Quand il est stimulé, il permet d'obtenir une excitation
sexuelle et un plaisir intense.
Gonzo : L'acteur tient la caméra en même temps qu'il interprète la scène. Le
spectateur voit la séquence en plan extrêmement rapproché. Immersion sexuelle
totale. Audrey Hollander et Otto Bauer ont développé le Gonzo high-tech :
scènes très hard mises en valeur avec musique originale et budgets conséquents,
utilisation d'objets de la vie quotidienne (ustensiles de cuisine, batte de base-ball,
raquette de tennis, canne à pêche, légumes…).

Le H…

Hardcore : Rapports sexuels en couple ou à plusieurs, ambiance animale.


Hentai : Dessins animés de type manga à caractère pornographique.

Le M…

Mature : Femmes mûres âgées de plus de 50 ans ayant des rapports sexuels
avec des hommes plus jeunes.
MILF : Acronyme de Mother I'd like to f**ck, rentré dans le langage courant
depuis le début des années 2000. Il s'agit le plus souvent d'une femme mariée ou
en concubinage, âgée de 30 à 45 ans, sexuellement attirante. MILF Money 1 et
MILF Hunter 1 sont les premiers films comportant cette terminologie dans leur
titre, sur les écrans dès 2003. Les studios produisant beaucoup ce genre de films
sont Reality Kings, Brazzers aux États-Unis et Madonna studio au Japon. Le
magazine Playboy sort une édition spéciale consacrée aux Milf Hot Housewives.
Il existe même un prix Milf Of The Year. Lisa Ann, 40 ans, brune pulpeuse, sosie
de Sarah Palin, reçoit ce prix en 2011. Sans aucun lien de parenté, Julia Ann,
blonde pulpeuse, reçoit ce prix en 2009 et en 2010.
Le O…

Orgie : No comment.
Outdoor : Film tourné en extérieur (piscine, jardin, autres lieux publics).

Le P…

Party : Scènes festives où il y a des rapports sexuels (enterrement de vie de


jeune fille, enterrement de vie de garçon, scènes en boîtes de nuit ou en clubs
échangistes, fausses soirées skins).
POV (Point of View) : Technique de mise en scène particulière dans les films
pornographiques où l'actrice/acteur est filmé(e) comme si le partenaire avait une
caméra à la main.

Le R…

Reality : Scènes érotiques amateurs.


Red Head : Attrait pour les femmes rousses.
Rough sex : Voir Hardcore.

Le S…

Squirt : Thématique centrée sur l'éjaculation féminine

Le T…

Teen : Jeunes filles se déguisant parfois en écolières, pour paraître plus jeunes
que leur âge.
Tranny : Transsexuel.
CHAPITRE 2

Shoot de pixels

I. MMORPG par injection : addiction au jeu de rôle en ligne

Bienvenue dans le monde d'Aion. Vous avez atterri à Atreia. Sachez que cet
univers a subi un terrible cataclysme le divisant en deux. D'un côté, les Élyséens.
De l'autre, les Asmodiens. Ces deux ethnies s'ignoraient parfaitement jusqu'à ce
qu'elles découvrent l'existence des Baldaurs, une grave menace pour l'intégrité
de leur territoire. Élyséens et Asmodiens s'unissent pour assurer leur survivance.
Et, à toute heure du jour et de la nuit, ils restent sur le qui-vive. Les soldats
répondent présent vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans ce monde qui évolue
constamment. La performance ne réside plus dans la capacité à se battre
virtuellement, mais dans le temps de connexion. Le plus compétitif sera celui qui
dormira le moins. Aion est un MMORPG (acronyme de Massively Multiplayer
Online Role Playing Games), c'est-à-dire un jeu de rôle en ligne virtuel
massivement multijoueurs.

IronLunix (nom d'emprunt pour ne pas rompre le secret médical) s'est
rapidement fait un nom, dans ce jeu. Puissant et populaire, il est craint et
respecté. Il se fait « ami » avec les très bons joueurs réputés sur le réseau,
devient rapidement chef de guilde (l'autre nom du clan dans le langage
fantastique), et dirige des missions, planifie les combats, distribue les tâches à
ses sous-fifres. IronLunix est l'avatar de David, 17 ans. De nature timide, le
jeune homme se créera de nouveaux rapports sociaux grâce à son implication
dans le jeu. Très vite, il acquerra le grade de chef virtuel. Au même moment, et à
cause de cela, il commence à négliger son hygiène corporelle, mange ce qu'il
trouve dans les placards ou dans le frigo (chips, biscuits, chocolat, etc.). Il boit
uniquement du soda rouge et blanc non light, pour « tenir le coup ». Il s'enferme
des week-ends entiers dans sa chambre. Pendant les vacances scolaires, c'est
encore pire, selon sa mère. Mais David s'amuse des inquiétudes de son
entourage : « Ils sont dépassés par la modernité et ne comprennent rien à l'enjeu
de ce projet. » Ce à quoi ses parents répondent par une anxiété de plus en plus
vive. À tel point qu'ils viennent me consulter une première fois sans leur fils
pour s'informer et se faire confirmer le diagnostic qu'ils ont déjà posé :
l'addiction aux jeux vidéo en ligne. David doit rapidement consulter, c'est une
nécessité. Un mois plus tard, il accepte de venir, accompagné de ses parents.

En quelques séances, épaulé par son père et sa mère, le jeune homme dresse
son portrait depuis la naissance. Il arrive au monde avec quelques semaines
d'avance, à la suite de complications pendant la grossesse de sa mère. Sans doute
échaudés, ses parents le couvent un peu plus que leurs deux autres enfants. Au
cours de son enfance, David cumule un asthme, des allergies banales, se fait
opérer des amygdales et de l'appendice. Il n'a jamais été hospitalisé en dehors de
ces deux problèmes chirurgicaux et n'a jamais été vu en consultation par un
psychologue ou un pédopsychiatre.
La scolarité de David s'est très bien déroulée. D'autant qu'il n'a jamais eu
besoin de fournir de réels efforts pour réussir à l'école. Ce cadet d'une fratrie de
trois le dit lui-même : il a toujours été précoce sur tout.
Chaque année, il finit dans le peloton de tête de sa promotion scolaire, « sans
trop rien faire ». Il prend des cours de piano et de solfège, se révèle assidu et
motivé. Il aime s'amuser avec différents types de jeux de société ou sur console
individuelle. Il est « souvent dans la lune, notent ses parents, son côté distrait lui
joue des tours mais il réussit toujours à s'en sortir ». Jouer avec sa console l'aide
à se concentrer, dira-t-il en consultation.

À l'adolescence, il flirte avec les interdits, expérimente le tabac à 14 ans avec
des copains, mais ne réitère pas l'expérience. Un an plus tard, il rentre ivre d'une
soirée rap organisée chez d'autres amis. Il ne recommencera pas, selon sa mère.
Il n'a goûté à aucun autre produit, que ce soit le cannabis, la cocaïne ou l'ecstasy,
« même s'il a fréquenté récemment des gars qui en consommaient », selon les
dires du père.
La famille voyage et déménage beaucoup. Le père est diplomate et emmène
toute la smala avec lui lorsqu'il change de pays. Sa femme, commerciale pour
une grande société de luxe, arrive à se faire muter dans les villes de France ou
les pays d'Europe qui accommodent son mari. En conséquence, le noyau amical
de l'enfant est très instable. Mais David est de nature sociable et s'est toujours
trouvé un ou deux amis pour faire du skate, jouer au football, au basket ou aux
jeux vidéo. « Il a gardé contact avec l'un d'entre eux qui vit à Reims, note sa
mère. Ils se joignent via MSN ou Facebook. Ils s'appellent au téléphone et jouent
ensemble sur Internet. » David n'a jamais eu de petite amie. Sa relation la plus
forte et la plus durable est celle qu'il entretient avec ses jeux, selon sa mère. D'un
hochement de tête, son père confirme.
À l'heure où David entame ses années lycée, les nomades se sédentarisent
dans la région lilloise. Chaque enfant a sa chambre, sa télévision, sa console de
jeux, son ordinateur portable connecté en réseau à l'ADSL de la maison. Les
parents travaillent d'arrache-pied et rentrent tard le soir. Le goût excessif de
David pour les jeux vidéo s'installe à ce moment précis. Il épuise les cartouches
sur sa console, change de modèles, s'entraîne par catégories. Il ne s'arrête de
jouer que lorsqu'il a franchi toutes les étapes. Il regarde de longues heures les
chaînes spécialisées sur le câble pour se tenir informé des dernières nouveautés,
de la notation des jeux par les autres joueurs, meilleur moyen d'estimer la
popularité et la valeur de certains jeux. Il se balade aussi sur les forums Internet
pour trouver les trucs et astuces qui lui permettront d'avancer plus vite. Tout à
leur labeur, les parents ne voient rien venir. Mieux, ils l'encouragent dans cette
voie, ravis de lui découvrir une passion. Son père l'abonne à plusieurs magazines
spécialisés et l'emmène visiter deux salons dédiés, l'un en France, l'autre aux
États-Unis. « Ses bulletins scolaires trimestriels étaient satisfaisants », alors
pourquoi s'en faire ?
Le piège se referme doucement sur David qui se désintéresse petit à petit de
l'école, travaille moins, voit ses résultats scolaires décliner… Il s'est pris de
passion pour le phénomène MMORPG. Depuis, il veille tard le soir. Étourdi de
fatigue par ses nuits passées devant l'écran, il ne parvient plus à se lever le matin
pour aller en classe. Il est en retard une fois sur deux, sèche les cours, utilise des
copies scannées des signatures des parents pour justifier les heures non honorées.
David s'est entiché du monde virtuel d'Aion, ce MMORPG très à la mode qui
favorise l'interaction simultanée avec un grand nombre de personnes. Aion
devient son monde. Il ne mange plus à sa faim, ne se lave plus, ne vit plus que
pour ce jeu où il faut être connecté vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour
faire partie des meilleurs.
Sous la pression parentale, David accepte de se déconnecter de temps en
temps. « Mais, pendant mon absence, d'autres personnes continuent à jouer, le
monde change… Je deviens fou en attendant de pouvoir me reconnecter, je ne
pense plus qu'à ça, confie l'adolescent. J'angoisse terriblement parce que je sais
que, à chaque retour sur le Web, je trouve un univers différent de celui que
j'avais quitté. Heureusement, mes fidèles disciples m'aident à regagner du terrain
et à reconquérir les territoires perdus. » Ses parents lui ont aménagé un endroit
dans le salon pour qu'il puisse y travailler sans être tenté par l'ordinateur. Mais la
sensation de manque est si douloureuse que David utilise son temps libre pour
pirater les comptes Wi-Fi de ses voisins et craquer les codes du contrôle parental.
Les conflits familiaux s'amplifient au rythme de la dépendance de David. Les
parents réorganisent leur temps de travail, engagent une sorte de garde du corps
pour surveiller leur rejeton. Rien n'y fait, il continue à s'injecter du MMORPG…
Cinq fois, ses parents prennent rendez-vous pour lui auprès d'un psychiatre.
Cinq fois, il décline. À la sixième tentative, il cède. Pendant les premières
consultations, il fait preuve d'une lucidité étonnante et explique précisément sa
perte de contrôle avec les jeux sur Internet, les avantages et les inconvénients de
son comportement… Le diagnostic d'addiction est posé. Accompagné d'une
dépression sous-jacente.

David est loin d'être le seul à succomber à la tentation du jeu vidéo en ligne.
Chaque année, le nombre de patients de ce type augmente, les consultations
d'addictologie débordent. Dès les années 1970, à l'époque de la création des
premiers jeux, tout est déjà en place pour rendre indéfectibles les liens entre
l'homme et la machine. En effet, les industriels réfléchissaient déjà à la meilleure
manière d'accoutumer les joueurs.

II. Une industrie vidéoludique lucrative

Les années 1970 sont à l'origine de deux révolutions : l'usage massif de


drogues synthétiques et la naissance des jeux d'arcade. Ces deux mondes n'ont
rien en commun si ce n'est le fait de créer une addiction. En 1972, la société
Atari développe Pong, le premier jeu vidéo à grand succès. Les règles sont
simples et fluides et les possibilités offertes par l'environnement suffisent à
accrocher les joueurs. Le jeu en lui-même est une version sommaire du tennis.
Chaque joueur contrôle un palet (une barre), qu'il peut déplacer de haut en bas
sur l'écran. La balle, un point encore mal pixelisé, est lancée de manière
aléatoire. Les joueurs se la renvoient et marquent des points lorsque l'adversaire
n'a pas eu le temps de la toucher. À l'époque, Atari vend 19 000 machines. La
mode des bornes d'arcade est créée. Amstrad, Philips, MB, Mattel emboîtent le
pas d'Atari. Les États-Unis règnent sans partage sur cet univers jusqu'en 1983,
où un krach financier fait migrer le marché vers le pays du Soleil levant. Le
Japon prend la balle (de mieux en mieux pixelisée) au bond, avec Nintendo
Company Limited, qui crée les premiers jeux vidéo de poche sur écran à cristaux
liquides : les Game and Watch. Donkey Kong et Mario Bros naissent à cette
période. En 1983, la première console familiale prend le nom de Famicom. Deux
ans plus tard, elle sort aux États-Unis sous le nom de NES (Nintendo
Entertainment System), en même temps que Super Mario Bros, second jeu le
plus vendu au monde. Puis, l'explosion des micro-ordinateurs bouscule la donne
des consoles. Sega s'impose comme le challenger de Nintendo, avec son slogan
addictogène « Sega, c'est plus fort que toi », mais Nintendo garde toujours le
leadership. Sa Famicom s'est imposée dans 30 % des foyers américains et
japonais. En 1989, la Game Boy, petite console portable à l'écran monochrome,
fait un carton. Peu chère, dotée d'une grande autonomie et disposant d'un beau
catalogue de jeux pour l'époque, elle met K-O la Game Gear de Sega ou la Lynx
d'Atari. Dans la foulée, Nintendo sort la Super Nintendo en réplique à la
Mégadrive de Sega. Super Mario Bros 3 se vend à 15 millions d'exemplaires. Le
catalogue des jeux s'étoffe sans cesse, la 3D apparaît, utilisant un certain nombre
de couleurs à l'écran. Milieu des années 1990, Nintendo et Sega doivent faire
face à un nouvel assaillant de taille : Sony. L'entreprise, déjà à l'origine de la
disquette 3,5 pouces (support amovible de stockage d'informations), puis du CD-
Rom (Compact Disc – Read Only Memory), lance la Playstation. Cette console
est bien moins chère que le reste du marché et possède des capacités surpassant
ses concurrentes.

Retenez cette date : 1997. Sur cette seule année, 12 millions de Playstation
sont vendues à travers le monde. Un an plus tard, le nombre de consoles
augmente de 16 millions. Encore un an après, le chiffre des ventes dépasse les
43 millions.

Nintendo inonde le marché : avoir une Playstation n'est plus un luxe pour les
enfants, mais un devoir pour les parents.

Dans cette guerre des consoles et des jeux vidéo, beaucoup restent sur le
carreau. Même Nintendo rencontre des difficultés au début des années 2000. Ce
n'est qu'en 2004 que la marque nippone renouera avec le succès, grâce à la DS,
que l'on voit maintenant dans les mains de tous les écoliers. Composée d'un
double écran rétroéclairé simultanément dont l'un est tactile, cette console
portable possède un microphone intégré et un système Internet en Wi-Fi. Une
vraie révolution. Jouer plus pour gagner plus. Plus aucune limite. En 2006,
Nintendo a vendu plus de 2 milliards de jeux vidéo et 387 millions de consoles
dans le monde. La DS Lite sort en 2006, dans une version plus légère. En
parallèle, Nintendo développe une activité de jeu en ligne avec plus d'un million
de joueurs en mars 2006. Mais la vraie révolution est quand même la sortie de la
Wii la même année. Les ventes explosent. En 2012, la Wii U est présentée.
Compatible avec les jeux et accessoires de la Wii, elle affiche des jeux en full
HD. On n'arrête pas le progrès. Les concurrents sont également sur les rangs.
Toujours plus performantes, les générations de consoles se succèdent. La
mémoire augmente avec les capacités, les graphismes sont de plus en plus
réalistes. Internet multiplie les possibilités de jouer. Après les jeux en réseau, les
jeux on line émergent, ce qui permet à des milliers de joueurs de s'affronter à
travers le globe.

Les jeux vidéo deviennent très diversifiés, et le nombre de développeurs et
d'éditeurs croît sans plus finir. La France est le second pays européen en termes
de production de jeux vidéo, juste derrière la Grande-Bretagne. Ce secteur est
constitué d'un réseau de centaines de PME. Il emploie plusieurs dizaines de
milliers de personnes entre l'édition, la production et la distribution. Des sociétés
françaises comme Activision/Blizzard (filiale de Vivendi), Ubisoft
Entertainment, ou Infogrames, font partie des leaders de cette industrie. L'État a
même fait chevaliers des Arts et des Lettres deux créateurs français de jeux
vidéo : Michel Ancel (Rayman) et Frédéric Raynal (Alone in the dark).
L'univers du jeu vidéo est devenu en cinquante ans un colosse économique
influent. En 2006, son chiffre d'affaires global comprenant matériel et logiciel
était de 31,6 milliards de dollars. Cinq ans plus tard, ce chiffre atteignait
70 milliards selon l'Institut de l'audiovisuel et des télécoms en Europe. Un
chiffre qui ne devrait pas s'arrêter de croître selon les estimations statistiques :
d'ici à 2015, il pourrait atteindre le sommet du marché de l'entertainment.
Le secteur mondial des jeux vidéo est hyperconcurrentiel. Il développe des
techniques commerciales très élaborées. La publicité est omniprésente et les
points de vente s'installent dans toutes les villes. Cinq mille jeux pour consoles et
ordinateurs sont lancés chaque année. Deux cents jeux vont permettre un retour
sur investissement et une vingtaine seront best-seller. L'investissement
comprenant le développement et le marketing ainsi que les risques associés sont
très lourds. D'autant que ce monde est bouleversé en permanence par l'arrivée de
nouvelles technologies. Le monde des jeux en ligne et des réseaux sociaux
couplé à l'émergence des Smartphone et des tablettes ont modifié la donne
économique et le business qui en découlent. Les éditeurs proposent des jeux
gratuits comme hameçons. Les joueurs peuvent investir par la suite pour des
fonctionnalités plus développées.
Le contrôle de la distribution des jeux est capital aujourd'hui avec le nombre
croissant de téléchargements de jeux via les consoles, les ordinateurs, les
Smartphone et les tablettes. Les éditeurs et distributeurs pourraient bien se
déclarer une guerre sans merci un peu à la façon des producteurs de consoles.

Le champ vidéoludique : le modèle des trois circuits (Kline, 2003).

III. Décortiquer la stratégie des jeux en ligne pour rendre accro


Dans ce chapitre, nous vous invitons à plonger la tête la première dans
l'univers des jeux de réseau. On y parle de MMOG, de MMOFPS, de MMORTS
et de MMORPG. Ces acronymes venus d'un autre monde sont des codes à
connaître pour mieux comprendre l'état d'esprit des joueurs, et surtout décrypter
les trésors d'inventivité déployés par les développeurs pour attirer de plus en plus
de monde et rendre chaque jour plus accro.

Les MMOG désignent des jeux vidéo en réseau, accessibles uniquement sur
Internet. Ces initiales signifient « Massively Multiplayer Online Game », soit, en
français, « jeu en ligne massivement multijoueurs ». Entendons par là que
plusieurs millions de personnes peuvent se connecter en même temps via
Internet et interragir ensemble dans un monde virtuel, selon des règles
dynamiques et évolutives. Le nouveau monde persistant, c'est-à-dire accessible
vingt-quatre heures sur vingt-quatre, n'est pas qu'un espace de jeu. Il
s'accompagne d'une culture propre et de la formation de sociétés réelles évoluant
selon le rythme des joueurs. Les adolescents et les jeunes adultes de sexe
masculin en sont les principales cibles.
Les MMOG sont subdivisés en plusieurs catégories comme les MMOFPS qui
sont des jeux de tirs en ligne (Massively Multiplayer Online First Personne
Shooting, en français : jeu de tir massivement multijoueurs), les MMORTS, jeux
de stratégie en ligne et en temps réel (Massively Multiplayer Online Real Time
Strategy) ou les MMORPG (jeu de rôle en ligne massivement multi-joueurs).
Source importante de profits, ce marché représentait en 2006 plus de
13 millionsd'abonnements payants et un chiffre d'affaires de 2,5 milliards de
dollars.
Les MMORPG cartonnent et sont addictogènes. Nous verrons plus loin les
facteurs d'installation d'une addiction à ce type de jeu. Intéressons-nous d'abord à
son modèle économique. Il repose sur quatre éléments : l'achat du jeu lui-même,
l'achat des extensions, la souscription à un abonnement pour participer au jeu (en
moyenne de 12 à 15 euros par mois, mais c'est très variable) et l'achat dans le jeu
d'éléments facultatifs virtuels. Il est important de préciser qu'un certain nombre
de MMORPG sont gratuits, la rentabilité des jeux se calculant sur les produits
accessoires.
Les développeurs de MMORPG travaillent à une réponse permanente pour
accrocher le plus de joueurs possible. Nous pouvons citer comme exemple de
MMORPG Lineage, Everquest (surnommé Evercrack), World of Warcraft (le
plus joué au monde avec 11,5 millions d'abonnés pour 2009), Age of Conan,
Warhammer online, Aion, Donjons et Dragons…
Les MMORPG ont un prix fixe et indépendant du temps passé à jouer. Ce qui
incite le joueur à rentabiliser son investissement en passant le plus de temps
possible en ligne. De plus, l'univers virtuel dans lequel évolue l'adolescent ou le
jeune adulte est persistant. Lorsque celui-ci déconnecte son ordinateur, les
guerres continuent, les autres joueurs avancent, l'univers évolue et le jeu se joue
sans lui. Ces univers ont généralement pour thème l'heroic fantasy ou le
médiéval fantastique. Des mondes parallèles sont mis en scène, avec une
géographie précise et une histoire propre, inventées de toutes pièces. Dans ces
royaumes cohabitent guerriers, héros, rois, créatures imaginaires, monstres,
ésotérie, sorcellerie et magie. La tendance actuelle est d'utiliser des licences
d'univers déjà connus du grand public pour développer un jeu garantissant un
certain succès. C'est l'exemple de World of Warcraft (WOW), Star Wars
Galaxies (La Guerre des étoiles), Age of Conan (Conan le Barbare), ou City of
Heroes (pour les super-héros retrouvés dans les BD américaines appelées
comics). Dans ces jeux, le joueur se crée un avatar qui peut être considéré par
certains comme un alter ego virtuel. Les Dr Jekyll créent désormais leur Mister
Hyde sur le Web. Tout avatar est réglable et ajustable : sa taille, son poids, sa
couleur de cheveux, la couleur de ses yeux ou de sa peau, son type de vêtement.
Le joueur peut personnaliser son objet narcissique virtuel à son image ou à celle
d'un héros qu'il souhaite incarner. Le jeu peut se dérouler à la première ou à la
troisième personne. Dans le premier cas, il s'agit d'une vue subjective : le joueur
voit ce qui se passe sur son écran à travers les yeux de son avatar, ce qui permet
une immersion totale dans le jeu. Dans le second cas, le joueur est comme posté
au-dessus du terrain de jeu, et a une vue d'ensemble. Il se retrouve dès lors en
position omnisciente et voit tout ce qui entoure son avatar. Un surmoi virtuel.
Myself is watching me.
Le principe de base d'un MMORPG est de faire évoluer son avatar pour le
rendre plus performant, plus compétent, mieux équipé et plus riche. On parle de
phénomène Gros Bill : la personne ne joue que pour optimiser au maximum son
avatar, et en tirer la quintessence. Cette quête permanente de supériorité, corrélée
à une recherche de sensations et de nouveautés, oblige le joueur à consacrer
toujours plus de temps au jeu, et parfois un peu d'argent. Le parallèle avec la
réalité est étonnant. Comme dans la vraie vie, le résultat est dépendant de l'effort
fourni. Cependant, la récompense et la reconnaissance de l'effort ne sont pas les
mêmes dans le virtuel. En effet, à l'issue de chaque combat ou prise de risque, le
joueur est récompensé par des biens (or, argent) ou du matériel. Cette démarche
est loin d'être le cas dans notre société actuelle, ce qui renforce l'envie de jouer
au détriment d'un travail réel. Le joueur associe de façon proportionnelle le
temps passé à jouer, aux résultats, à la reconnaissance et à la gratification.
Pour faire progresser son avatar, le joueur accomplit des missions, des quêtes,
combat des ennemis, des monstres, des dragons. Il renforce son expérience. Plus
il en acquiert, plus il peut passer de niveaux. Chaque étape nécessite plus
d'expérience que la précédente, plus de temps. Et rend automatiquement le
personnage plus fort. À chaque niveau, le joueur pousse encore plus loin la
personnalisation de son avatar. Le temps de jeu cumulé est une donnée
importante pour permettre à un personnage d'accéder aux meilleurs niveaux. Il
peut courir sur plusieurs semaines, parfois sur plusieurs mois. Une fois l'objectif
d'accéder au niveau le plus élevé atteint, le jeu ne se termine pas. Il encourage le
joueur à participer à d'autres aventures avec d'autres joueurs. On parle de PvE, à
savoir Player versus Environment. Le gamer peut aussi mesurer la force de son
personnage contre les autres joueurs. Il s'agit de PvP, l'acronyme de Player
versus Player.

Les développeurs stimulent sans cesse l'intérêt du joueur, puisque chaque
épreuve franchie donne accès à d'autres, plus excitantes que les précédentes. Les
contenus du jeu sont régulièrement modifiés pour éviter au joueur de se lasser.
Afin de procurer un effet « shoot », d'autres mini-programmes sont créés. Ils
bouleversent le jeu : arrivée de nouveaux personnages à incarner, augmentation
du plafond de niveau, ou bien une nouvelle carte explorable… On appelle ces
programmes des « Add-ons ». Ils sont très populaires et il n'est pas rare de voir
se former d'immenses files d'attente devant les magasins lors des jours de sortie
des « Add-ons ». Certaines marques organisent même des événements spéciaux
(nocturnes, merchandising dédié, etc.) et des préventes. Les joueurs acharnés
souhaitent toujours être les premiers à se lancer dans une nouvelle version du
jeu. Le fanatisme induit la pénurie. Prenons l'exemple d'une extension de World
of Warcraft appelée Wrath of the Lich King. Elle a pulvérisé tous les records de
vente le premier jour (2,8 millions de jeux vendus) et le premier mois de sa
sortie (4 millions de jeux vendus). Les éditeurs proposent également des coffrets
collectors en édition limitée contenant le plus souvent un recueil d'illustrations et
de croquis artistiques autour d'un thème (artbook). Des éléments informatifs
permettent de débloquer des bonus dans le jeu.

Dans ce type de jeu en ligne, les joueurs communiquent entre eux par le biais
de messageries instantanées, ou bien de vive voix en utilisant des casques avec
micros et des logiciels vocaux permettant des audioconférences gratuites sur le
Web. Le langage utilisé dans les MMORPG est assez spécifique : il utilise de
nombreux acronymes, des termes anglais francisés, un langage SMS et des
smileys.
L'efficience et l'efficacité tactique des joueurs utilisant ce type de
communication sont fortement renforcées. Certains joueurs, reconnus pour leur
expérience et leur sens du commandement, se comportent comme de véritables
chefs militaires et conduisent des opérations tactiques dans lesquelles ils donnent
des ordres à leurs affidés. Certains royaumes virtuels regroupent des joueurs qui
poussent l'immersion jusqu'à évoluer et s'exprimer dans le jeu de la façon dont le
ferait leur avatar, à l'époque où se déroule le jeu. Mettons que le jeu se passe au
Moyen Âge, nul doute que quelques « oyez, oyez, gentes dames et damoiseaux »
circulent sur le réseau.
Les joueurs d'un même serveur peuvent se regrouper en communauté appelée
guilde. La majorité des membres d'une guilde ne se connaissent pas
physiquement. Certains organisent néanmoins des rassemblements IRL (dans le
réel) en opposition à l'IG (interface graphique) dans le jeu.
Après avoir fait passer un questionnaire à des joueurs en ligne, Berry et
Brougère ont constaté en 2002 que les guildes étaient toujours composées des
éléments suivants : un site Web, une « nétiquette », une hiérarchie, des liens
sociaux et un réseau communautaire.

Le site Internet de la guilde donne une image de la communauté et a pour
mission de la valoriser auprès des autres joueurs. Il permet aussi de recruter de
nouveaux membres. L'accès au site est sécurisé et réservé aux affidés de la
guilde. Login et mot de passe sont nécessaires pour y accéder. Seuls les membres
de la guilde détiennent les précieux sésames. Le site est géré par un webmaster,
également joueur influent dans la communauté.

La nétiquette est un ensemble de règles communautaires, également appelée
« charte de la guilde ». Elle définit les devoirs et les obligations de chacun. Il
existe deux types de nétiquette. La première est liée à la pratique générale et aux
règles du jeu entre les communautés centrées sur le fair-play. La seconde est
fondée sur les relations entre les membres et la pratique du jeu à l'intérieur de la
communauté (encore appelée loi communale).
Certaines guildes d'élite poussent à des abus de jeu pour inciter un nouveau
joueur à entrer dans la communauté.

La guilde est organisée selon une hiérarchie bien précise. Comme dans les
sociétés de la vie réelle, c'est l'organisation pyramidale qui régit le clan. Il est
important de distinguer deux niveaux à l'intérieur d'une guilde. Le sommet de la
hiérarchie est dominé par les leaders qui ont un pouvoir décisionnaire. Le second
niveau hiérarchique concerne une classification interne dénuée d'autorité.
Exemple, si le bas peuple se prononce contre une décision, le webmaster ou le
fondateur de la guilde se chargera de mettre ladite décision en œuvre, malgré
tout. D'autres personnages ont de l'importance au sein de la guilde : le
guildmaster qui a fondé la communauté ou qui a acquis de bonnes compétences
de jeu, et le conseiller, désigné par son ancienneté, son expérience et son temps
de jeu.

Ces jeux créent un monde à part entière (virtuel), dans lequel les joueurs
tissent des liens sociaux (un immense réseau communautaire). La guilde a pour
fonction principale d'agréger les compétences de chacun, puis de les capitaliser
pour augmenter les pouvoirs de la communauté.

Les liens dans une guilde fonctionnent sur la relation mentor-disciple, jusqu'à
ce que le disciple devienne mentor à son tour. Les Padawans doivent apprendre
de leurs aînés Jedis. Ainsi, appartenir à une même guilde relève d'un mode tribal
et garantit l'intégration dans le jeu, à condition que le jeune Padawan respecte à
la lettre les ordres de ses supérieurs.

Outre le côté hiérarchique, la guilde est organisée comme une équipe de sport
collectif surtout dans les jeux de combat et de stratégie. Le jeu en équipe
comporte de nombreux risques et met en scène des parties très intéressantes. Les
liens entre joueurs sont non seulement tactiques mais également concurrentiels.
Jouer en guilde est un moyen d'aller plus loin et de relever des défis plus
importants. De tout cela émerge un fort sentiment d'appartenance à un groupe.
La solidarité est reine. La guilde remplit une fonction de cybersocialisation, de
refuge et d'espace privé. La solidarité inter-joueurs est présente et ce
fonctionnement en réseau permet de trouver des marques dans le chaos induit
par l'immensité d'Internet et les serveurs anonymes supportant les jeux en ligne.
La guilde crée donc un véritable lien entre les différents joueurs ayant pour
conséquence le renforcement du virtuel vis-à-vis du réel. Ce qui aggrave le cas
des joueurs les plus vulnérables, ceux dont les comportements s'avèrent
addictifs.

IV. Le jeu rend addict

Le jeu est source de plaisir et de récompense. Les premiers plaisirs sont


d'ordre archaïque, dans le sens où ils concernent des sensations simples comme
l'attente, l'inquiétude et la déception induites par le jeu. À ceux-là s'ajoutent
d'autres euphories comme la joie de vaincre un adversaire, de gagner une
récompense, l'échange d'émotions, la construction d'une alliance ou d'une
stratégie avec autrui. Les adolescents jouent pour le délice de perdre la notion du
temps, se relaxer, échapper aux contraintes du quotidien. Le circuit cérébral du
plaisir et de la récompense est activé par une explosion de dopamine, l'hormone
chef d'orchestre neurobiologique. Or, l'addiction s'installe à cause d'un
dérèglement du système de plaisir et de récompense. Le cerveau demande un
surplus de dopamine, censée réguler le contrôle de la raison, du plaisir, de la
motivation et des émotions, et qui n'est plus distribuée à bon escient. Les plus
vulnérables basculent…

La plupart des jeux vidéo sont construits sur un modèle dit de « bac à sable »,
c'est-à-dire que le joueur va construire son propre parcours en développant
différents types d'interactions. En premier lieu, nous trouvons les interactions
sensorimotrices, avec les tests qu'il va faire sur sa maîtrise des émotions
extrêmes, sa qualité de réflexes, sa coordination œil-main et sa capacité à rentrer
en compétition. Puis vient l'interaction narrative. Elle concerne le lien
empathique du joueur avec son avatar. Les jeux de rôle (RPG ou role playing
game), les jeux de tir à la première personne (FPS ou first person shooting), les
real time strategy (RTS) via les MMORPG sont particulièrement addictogènes
car le cadre n'est pas fixe. Les jeux de sport peuvent également poser problème.
Toutes ces plates-formes ont pour caractéristique d'évoluer dans un monde
persistant, en perpétuel changement, comme nous l'avons évoqué plus haut.
Ainsi, les joueurs surinvestissent dans ces nouveaux mondes virtuels et perdent
parfois les pédales. Cela parce qu'il n'existe pas de réels repères temporaux
stables, qu'il n'y a pas de fin, sauf si le joueur se déconnecte complètement.

Le rapport parlementaire Grosskost, réalisé en France en 2008 sur 20 millions
de joueurs, estime que 600 000 à 800 000 personnes seraient dépendantes aux
jeux vidéo. Selon le rapport 2008 de l'Inserm, « jeux de hasard et d'argent –
contexte et addiction », 80 % des enfants de 8 à 14 ans prétendent jouer aux jeux
vidéo, 53 % d'entre eux déclarent jouer deux heures par semaine ou moins. Une
autre étude montre que 9 à 15 % des adolescents présentent une activité de jeu
problématique et 1 à 3 % des joueurs souffrent d'un comportement addictif.
Le sujet dépendant aux jeux vidéo est généralement un homme âgé de 15 à
30 ans. Il est d'un niveau social plutôt aisé. Cette prépondérance masculine peut
s'expliquer par le fait que les jeux valorisent des thèmes comme l'action, le sport,
la guerre, la stratégie, vers lesquels les hommes se penchent plus spontanément.
Mais gardons-nous de tout cliché, la réponse sociétale à cette question du genre
se trouvant plutôt du côté des sociologues. D'autant qu'on note ces dernières
années un nombre croissant de filles accros aux jeux en ligne. Elles commencent
même à titiller l'intérêt des concepteurs de jeux qui travaillent à de nouveaux
thèmes pour conquérir ce public. Le célèbre jeu Sims, né en 2004, fait partie des
produits destinés aux filles.

La pratique excessive des jeux vidéo rentre parfaitement dans les critères de la
dépendance, au même titre qu'une drogue. Qu'il s'agisse de la perte de contrôle,
de la pratique continue pendant un certain temps, de l'envie irrépressible de jouer
(craving) ou bien des signes de manque quand le joueur ne peut pas consommer,
tous les symptômes de l'addiction sont réunis. En cas de manque, le joueur est
irritable, agité, soumis à une sensation de tension, à des maux de tête, à de la
tristesse et de l'anxiété. Il est parfois sujet à la frustration ou à la honte. Ce qui
caractérise vraiment le joueur dépendant est le temps moyen qu'il consacre
quotidiennement à sa machine. Le joueur réorganise son mode de vie en fonction
du jeu et perd un temps considérable. Certains peuvent jouer plus de cinq heures
et quarante-cinq minutes par jour. Selon une étude réalisée par Hussain et
Griffiths en 2009, les joueurs réguliers passent entre quinze et trente heures par
semaine sur un jeu, les hardcore gamers (joueurs excessifs) passent plus de
trente heures par semaine. Il existe bien évidemment des différences entre les
individus. Le cyberdépendant recourt souvent au mensonge afin de cacher aux
yeux des autres l'ampleur de sa consommation. La façon qu'il a de jouer ne tolère
aucune variabilité, il joue tous les jours même si ce n'est qu'une heure.

Le jeu excessif s'accompagne d'une batterie de tourments : le joueur délaisse
ses activités scolaires, sportives, culturelles, et familiales, jusqu'à les
abandonner, pour certains. À tout cela s'ajoutent une baisse des résultats
scolaires, de l'absentéisme, des difficultés à se concentrer, à maintenir son
attention, des troubles du comportement pendant les cours et les temps de pause.
Le sujet ne fait plus d'efforts pour voir ses anciens amis ou sa famille. Érigé au
rang de passion exclusive, le jeu marginalise le joueur. Ce phénomène est
semblable à celui de l'hikikomori, terme japonais désignant les individus qui,
face aux pressions scolaires et sociales particulièrement fortes dans ce pays,
vivent reclus dans leur chambre et allouent tout leur temps aux jeux vidéo. Ces
jeunes gens ne sortent que pour satisfaire leurs besoins physiologiques, et n'ont
donc que très peu voire pas de contact avec des personnes réelles.

Certaines habitudes de jeu engendrent des répercussions financières. Une
étude a montré que 29 % des lycéens en proie aux écrans dépensaient plus de
40 euros par mois. Le marketing agressif de l'industrie du jeu annihile toute
tentative de résistance des joueurs. Pour être les meilleurs, ils doivent en
permanence renouveler leur matériel informatique, les consoles, les logiciels, les
jeux… Les réseaux sociaux et les plates-formes de jeu accessibles sur
Smartphone permettent aux adolescents addict de contourner les interdits
parentaux et de multiplier les combines financières : dépenser plus pour jouer
plus.

Le joueur addict ne joue plus par plaisir. Il évite plutôt le déplaisir, les
émotions négatives et le manque physique et psychologique. Il se réfugie dans la
fuite, tente d'échapper à la réalité.
Certains événements malheureux accentuent l'installation dans l'addiction.
Une rupture, un deuil, des parents divorcés, un autre drame familial ou des
événements plus intimes sont autant d'occasions de sombrer dans la dépendance.
Plus le joueur commence tôt, s'intéresse rapidement aux jeux massivement
multijoueurs, recherche des sensations nouvelles, rencontre quelques difficultés
dans sa gestion des émotions négatives, ne se sent pas sécurisé, plus il augmente
les risques de s'installer dans une addiction. Son ordinateur devient alors un
bouclier émotionnel, un partenaire singulier et privilégié pour lutter contre la
souffrance et tenter de se reconstruire. Il prévaut sur tout le reste de la vie du
sujet.
Les hardcore gamers sont les sujets qui viennent le plus souvent en
consultation. Ils ont du mal à se reconnaître comme addict. Ils expriment des
difficultés à établir des relations dans le monde réel, ne savent plus comment
entrer en contact avec autrui en dehors de la matrice Web. Sans être
complètement isolés, car ils jouent avec plusieurs milliers d'autres personnes, la
solitude les envahit. La sociabilité de l'instant ne fonctionne plus. Le système no-
life l'emporte, le sujet emménage dans une prison virtuelle.

Les complications physiques retrouvées chez les joueurs excessifs sont dues
au temps passé sur un ordinateur ou une console de jeux. Plus le patient joue
longtemps, plus il risque de développer des symptômes de sévérité variable.
La position assise devant un ordinateur n'est pas une posture physiologique
pour l'homme. Suivant l'agencement de l'écran et la qualité du fauteuil, des
douleurs apparaissent au niveau des vertèbres cervicales, lombaires et dorsales.
L'appui constant du poignet sur le rebord d'une table, ou bien d'un avant-bras sur
un accoudoir de fauteuil, augmente la pression au niveau du canal carpien. Il en
résulte une souffrance du nerf mixte se traduisant par une hypoesthésie, une
dysesthésie, ou des paresthésies (fourmillements) des doigts, accompagnées de
douleurs irradiant du bras à la main. Il s'agit du syndrome du canal carpien.
Dans une station prolongée devant un écran, l'œil est agressé en permanence
par de mauvais réglages de la luminosité. À cela s'ajoute un effet hypnotisant. Le
joueur a moins souvent le réflexe de cligner des yeux, oubliant ainsi d'humidifier
son œil. Il en résulte sécheresse et irritation oculaires. Ce trouble est accentué si
l'atmosphère de jeu est climatisée ou enfumée. La concentration sur le jeu
couplée aux stimuli visuels et sonores provoque des céphalées (maux de tête)
plus ou moins importantes.
Une des principales répercussions du jeu excessif sur le rythme de vie est la
déstructuration du cycle du sommeil. Insomnies, difficultés à s'endormir sont
fréquentes. Un quart des joueurs sont connectés la nuit pour être en phase avec
les guildes internationales. Dans certaines communautés d'élite, il est requis de
jouer à des heures précises la nuit ou certains jours de la semaine. Le chef de la
guilde devient une figure d'autorité supérieure à celles des parents. Le
comportement alimentaire est aussi perturbé. Les repas sont souvent décalés
voire sautés, ce qui implique de nombreuses collations devant l'écran. Certains
mangent n'importe comment, en grignotant, d'autres attendent de mourir de faim
avant de se sustenter.
L'un des plus grands risques, mais aussi l'un des plus rares, est la survenue
d'une crise d'épilepsie chez les épileptiques photosensibles (25 000 personnes en
France). L'alternance ombre/lumière peut déclencher une crise.

Dans le cadre général des addictions, de nombreuses études ont montré un lien
entre l'anxiété et/ou la dépression avec un comportement addictif. Dans ce type
de situation pathologique, le sujet trouvera dans les jeux vidéo une façon efficace
de lutter contre le mal-être. Il n'éprouve pas forcément de plaisir concret à jouer ;
il utilise plutôt le jeu comme un antidépresseur ou un tranquillisant. Il est facile
de comprendre que pour ce type d'individu le passage de l'usage à l'abus puis à la
dépendance se fait plus rapidement. Dans ces cas, dépression et anxiété poussent
le patient à trouver refuge de manière abusive dans le jeu vidéo. Le jeu excessif a
déjà conduit au suicide.
En mars 2007, un étudiant de 24 ans, emprisonné dans son monde virtuel, a
fini par perdre pied dans la réalité et s'est suicidé. En juillet 2012, à Taïwan, un
homme de 18 ans est décédé après avoir joué quarante heures d'affilée au jeu
vidéo Diablo 3 dans un cybercafé. Quelques mois plus tôt, à Taïwan toujours, un
jeune homme de 23 ans est mort lui aussi dans un cybercafé après avoir joué
vingt-quatre heures sans s'arrêter. Toujours plus odieux, en Corée du Sud, en
avril dernier, une femme de 26 ans a été arrêtée pour avoir tué son bébé, né dans
les toilettes d'un cybercafé, entre deux parties de jeu.

V. Comment aider le joueur ?

Le modèle de prise en charge des joueurs excessifs de jeux vidéo est


multifocal et intégratif sur quatre domaines d'intervention : psychique,
somatique, parental et familial, extra-familial.

1. Des questionnaires

Différents questionnaires peuvent permettre aux joueurs de s'évaluer sur leur


problématique 1. Ils peuvent aussi aiguiller le clinicien lors des premiers
entretiens avec le patient.

Le questionnaire de Griffiths repère un problème au-delà de quatre réponses
positives :
— Joue-t-il presque tous les jours ?
— Joue-t-il pendant de longues périodes (de 3 à 4 heures) ?
— Joue-t-il pour l'excitation qu'il en retire ?
— Est-il de mauvaise humeur quand il ne peut pas jouer ?
— Délaisse-t-il ses activités sociales et sportives ?
— Joue-t-il au lieu de faire ses devoirs ?
— A-t-il déjà tenté de diminuer son temps de jeu ?

Les Drs Tejeiro Salguero et Bersabe Moran ont élaboré un autre questionnaire
pour mesurer les problèmes liés à l'utilisation des jeux vidéo. L'étude a été
réalisée auprès de 223 adolescents espagnols âgés de 13 à 18 ans. Si le nombre
de réponses positives est supérieur ou égal à 4, il faut considérer que le sujet a un
usage problématique des jeux.

— Lorsque je ne joue pas aux jeux vidéo, je continue à y penser


(i.e. à me remémorer des parties, à planifier la prochaine…).
— Je passe de plus en plus de temps à jouer aux jeux vidéo.
— J'ai essayé de contrôler, de diminuer ou d'arrêter de jouer, ou
généralement je joue plus longtemps que je ne l'avais planifié.
— Lorsque je ne peux pas jouer aux jeux vidéo, je deviens de
mauvaise humeur, irritable.
— Lorsque je ne me sens pas bien (nerveux, triste ou en colère),
ou lorsque j'ai des problèmes, j'utilise plus souvent les jeux vidéo.
— Lorsque je perds une partie, ou lorsque je n'atteins pas les
résultats escomptés, j'ai besoin de jouer davantage pour atteindre
mon but.
— Parfois, je cache aux autres, comme mes parents, mes amis,
mes professeurs, que je joue aux jeux vidéo.
— Afin de jouer aux jeux vidéo, je me suis absenté de l'école ou
du travail, ou j'ai menti, ou j'ai volé, ou je me suis querellé ou
battu avec quelqu'un.
— À cause des jeux vidéo, j'ai négligé mes obligations
professionnelles ou scolaires, ou j'ai sauté un repas, ou je me suis
couché tard, ou j'ai passé moins de temps avec mes amis et ma
famille.
Comment repérer un enfant ou un adolescent ayant des problèmes de jeu ?

• Isolement ;
• Faible estime de soi ;
• Intolérance à la frustration ;
• Irritabilité, angoisse, crise de nerfs ;
• Degré important d'interférence avec la vie de tous les jours (réduction du
temps de sommeil par exemple) ;
• Impossibilité de contrôler son temps de jeu malgré de nombreuses
tentatives ;
• Plus de règles de vie ;
• Ne mange plus avec les parents ou la famille ;
• Chute des résultats scolaires, absentéisme.

2. Les parents

Les parents se doivent d'accompagner leur enfant. Ils ont une triple mission :
Prévenir, Informer et Protéger.
Un système de contrôle parental appelé PEGI (Pan European Game
Information) a été développé. Présent sur tous les jeux, il apporte des
informations aux parents : type de jeu, contenu, accès sur Internet pour jouer en
ligne, scènes violentes, thèmes, âge minimal autorisé pour pouvoir jouer. Cela
permet aux parents de prendre une décision concernant un éventuel achat 2.

Il est parfois difficile en tant que parent de parler d'addiction avec son enfant.
Mieux vaut employer les termes « manque », « besoin », « perte de contrôle ». Il
faut utiliser des termes simples en se référant à des exemples concrets de
conduite de dépendance (tabac, alcool, etc.). Il suffit de le sensibiliser aux
frontières entre le normal et le pathologique des comportements de
consommation.
Couper l'accès à Internet et aux nouvelles technologies est inutile. Les
menaces de suspendre une connexion Internet ou la confiscation des ordinateurs
ou des consoles peuvent s'avérer inutiles et contre-productives. L'adolescent ira
chez des amis, dans des cybercafés, détournera l'usage de certaines machines à
l'école, etc.

Différentes questions à se poser peuvent aider :

• Quelle est la place des jeux vidéo dans mon foyer ?
• Est-ce que j'utilise la console, le Smartphone, la tablette, l'ordinateur ou un
écran comme une nounou ?
• Est-ce que je m'intéresse aux jeux que je lui achète ?
• Est-ce que je vais chercher sur Internet des informations sur ces jeux
achetés ?
• Est-ce que je surveille le contenu de ces jeux ?
• Est-ce que je respecte la classification PEGI ?
• Est-ce que je discute avec lui de ces jeux ?
• Est-ce que je joue avec lui/elle ?
• À quelle fréquence je joue avec lui/elle ?
• Fait-il/elle la distinction entre le monde réel et le monde virtuel ?
• Quelles limites ai-je posées pour les jeux vidéo ludiques ?
• Sont-elles adaptées ? Sont-elles respectées ?
• Comment une meilleure connaissance du monde du jeu vidéo me permettrait
de fixer des règles pour aider au mieux mon enfant ?
• Quelle est la place de mon enfant dans la cellule familiale ?
• Quelles sont les valeurs fondamentales dans notre famille ?
• Comment les ai-je transmises ?

Il est capital de poser des règles d'usage simples dès le plus jeune âge :
contenu du jeu, durée de temps de jeu, fréquence hebdomadaire de jeu, système
de contrôle parental, contrats de jeu fondés sur la qualité des résultats scolaires,
surveillance bienveillante sans être trop intrusif, partager en famille les moments
d'utilisation du jeu sur Internet, être au courant de la demande d'accès à des
réseaux sociaux, des forums, des blogs, lui faire confiance afin d'éviter des
mensonges sur le jeu.

Un questionnaire pour les parents 3 adapté en langue française est également
accessible, afin qu'ils puissent évaluer le problème de leur enfant. Chaque item
est associé à un nombre de points. Il faut les additionner pour obtenir un score.
En fonction du score, une orientation est proposée.

1. Le type de jeu auquel mon enfant joue principalement est :


— MMORPG / MMO (World of Warcraft, Lineage, Runescape,
Everquest, Aion…) (3)
— Real Time Strategy (Company of Heroes, Age of Empires,
Command & Conquer, Warhammer…) (3)
— First Person Shooter (Team Fortress, Halo, Killzone, Unreal
Tournament, Call of Duty…) (2)
— Action (Grand Theft Auto, Devil May Cry, Metal Gear Solid,
Uncharted, Fallout, Assassin's Creed…) (2)
— Sports (Madden NFL, NHL, FIFA Soccer, NBA Street, Fight
Night…) (1)
— Combat (Tekken, Street Fighter, Soulcalibur, Mortal Kombat,
Dead or Alive, Virtua Fighter…) (1)
— Musique (Guitar Hero, Rock Band…) (1)
— Courses (Forza Motorsport, Need for Speed, Burnout, Gran
Turismo…) (1)
— Jeu de Plateforme (Super Mario, MegaMan, LittleBigPlanet,
Ratchet & Clank…) (0)
— Puzzle (Bejeweled, Peggle, World of Goo…) (0)

2. En moyenne par jour, mon enfant joue aux jeux vidéo pendant :
— 0 – 1 heure (0)
— 2 heures (1)
— 3 heures (2)
— 4 heures (3)
— 5 heures ou plus (4)

3. En moyenne par jour de week-end, mon enfant joue aux jeux
vidéo pendant :
— 0 – 1 heure (0)
— 2 heures (1)
— De 3 à 4 heures (2)
— De 5 à 6 heures (3)
— 7 heures ou plus (4)

4. J'ai déjà essayé – infructueusement – de réduire le temps de jeu
de mon enfant :
— Jamais (0)
— 1 fois (1)
— 2 fois (1)
— 3 fois (2)
— 4 fois ou plus (3)

5. Si je ne mettais pas de limites sur le temps passé à jouer aux
jeux vidéo, mon enfant jouerait :
— De manière identique à maintenant (0)
— Sûrement plus que maintenant (1)
— Significativement plus que maintenant (2)
— Beaucoup plus que maintenant (2)

6. Mon enfant a accès aux jeux vidéo dans sa chambre :
— Oui (2)
— Non (0)

7. Mon enfant veille tard le soir pour jouer aux jeux vidéo. Il en
résulte une fatigue matinale :
— Jamais ou rarement (0)
— Occasionnellement (1)
— Fréquemment (2)
— La plupart du temps (3)

La suite de ce questionnaire ainsi que l'interprétation du score sont


consultables à la fin de l'ouvrage dans la partie Annexes (Test 1, p. 304).

3. Consulter un spécialiste

Les joueurs problématiques consultent difficilement un spécialiste car ils nient


leur trouble. Et convaincre un adolescent qu'il a un problème avec sa console ou
son ordinateur n'est pas aisé. La famille est souvent dépassée. L'entourage doit le
soutenir et non le culpabiliser, ne rien diaboliser, ni banaliser. Le spécialiste sert
de ciment dans la résolution de la problématique du joueur. Une prise en charge
personnelle du joueur s'organise et le système scolaire doit y être intégré. La
situation de crise sera ainsi évaluée, avec un état des lieux précis. Des
informations et des explications seront données, ainsi que des conseils pratiques.

Une psychothérapie peut être organisée : individuelle d'un côté et familiale de
l'autre.
— La psychothérapie de soutien a pour objectif de créer et de renforcer
l'alliance entre le patient et son thérapeute, d'aider le sujet dans sa vie
quotidienne par de la réassurance, des conseils, et des encouragements.
— La thérapie cognitive et comportementale permet un travail sur les
différences entre les deux mondes, sur la socialisation en dehors d'Internet. Elle
permet d'apprendre à contrôler les déterminants internes de l'envie de jouer
(ennui, tensions, dépression), les facteurs externes (publicités, entraînement par
les autres joueurs), sa consommation de jeux et l'utilisation de son avatar. Elle
joue un rôle capital dans la prévention de la rechute (« séances de rappel »).
— La psychothérapie analytique est tout à fait indiquée après avoir stabilisé le
patient. Cette décision dépend de la motivation du sujet à aller explorer les
choses au-delà de son symptôme.

Il n'existe pas de traitement médicamenteux de l'addiction aux jeux vidéo.

Les groupes de parole avec d'anciennes personnes addict en face à face, ou on
line, peuvent aider le patient à surmonter son problème d'addiction.

Bien évidemment, l'abstinence totale n'est pas la cible de traitement à
privilégier. Il faut réapprendre au sujet à bien utiliser les jeux et surtout à
retrouver du plaisir là où il n'avait laissé la place qu'à l'excès pathologique.

VI. Le petit Dico du gamer

Voici quelques termes usités par les joueurs. Il faut les connaître pour bien
comprendre ce monde virtuel et les risques d'addiction qui en découlent.

Le A…

Action RPG : Jeu vidéo de combat en temps réel.


Add-on : Programme additionnel au jeu modifiant soit son interface, soit
l'expérience de jeu (PAQJS).
AFAIK : Acronyme traduit en français par « pour autant que je sache » (As
Far As I Know).
AFK (Away From Keyboard) : Le joueur est loin du clavier, inactif pour
n'importe quelle raison (absence, autre activité).
Alea : Selon le sociologue Caillois, il correspond aux jeux dont une partie est
soumise au hasard.
Agon : Toujours selon le sociologue Caillois, il s'agit des jeux de
compétitions.
Aggro (prendre l') : attirer, volontairement ou non, l'attention et donc
l'agressivité d'un ou plusieurs monstres sur un joueur.
AKA (Also known as) : Acronyme traduit en français par « également connu
en tant que… ».
AMHA : Acronyme de l'expression « À Mon Humble Avis ».
Avatar : Incarnation numérique d'un individu dans un monde virtuel.

Le B…

BAF : Groupe de monstres plus ou moins nombreux menaçant d'attaquer. Peut


être utilisé comme un verbe.
Beat'em up (all) : Jeu de combat progressif où le joueur avance en tuant tout
ce qu'il croise.
BG : Acronyme de BattleGroup ou groupe de combat.
Billou (Gros Bill) : Personnage de haut niveau contrôlé par un joueur
cherchant assidûment le gain d'expérience.
Bindés : Être regroupés en cas de problème ou de mort d'un des membres du
groupe.
Bootleg : Terme désignant une copie piratée d'un jeu ou un jeu illégal.
Boost : Terme anglais pouvant signifier l'amélioration d'une caractéristique ou
d'une attaque, ou une accélération brutale du véhicule dans un jeu de course.

Le C…

CAC : Corps-à-corps, correspond à un combat de mêlée de certaines classes


de combattants.
Campe : Attitude non fair-play d'un joueur restant au même endroit afin de
tuer les joueurs de façon plus aisée.
CASU : Correspond à un joueur qui joue de temps à autre, sans prendre la
peine de finir son jeu.
CC : Canal de communication correspondant à la fenêtre par laquelle les
joueurs peuvent communiquer par texte.
Code triche : Code(s) que les développeurs ont créé(s) dans le jeu, permettant
d'ignorer certaines règles de jeu.
Compétences : Capacité ou aptitude du personnage à réaliser une action ; sa
puissance se mesure en niveaux.

Le D…

Dark Fantasy : Univers de l'heroic fantasy en plus sombre et sale.


DD : Dégâts directs infligés dans le jeu.
Debuff : Sort consistant à affaiblir un adversaire en réduisant ses capacités ou
sa résistance.
Déco : Déconnexion volontaire ou accidentelle d'un joueur.
Dégâts Par Seconde (DPS) : Valeur calculée en fonction des dégâts,
blessures, qu'effectue un personnage-joueur en fonction du temps.
Demezz : Annuler l'immobilisation d'un personnage hypnotisé par
l'adversaire.
Destick : Ne plus suivre son guide ou ne pas suivre celui qui ouvre la marche.
Downloadable Content (DLC) : contenu téléchargeable gratuit ou payant.
Donjon-RPG : Sous-genre de jeu de rôle où l'on parcourt des donjons (en
tuant des ennemis et en ramassant des trésors).
Doom like : Correspond aux jeux de tir subjectif inspirés de Doom, le père de
ce type de jeu.

Le E…

Emote : Animation effectuée par un personnage à l'aide d'une commande.

Le F…

FAQ : Foire aux Questions.


F2P (Free to play) : Jeu gratuit.
Freeware : Logiciel distribué et utilisable gratuitement.
FPS ou first-person shooter : Jeu de tir subjectif. C'est un genre de jeu vidéo
où le point de vue est positionné à la place même des yeux du personnage
incarné.
Frag, faire un frag ou fragger : Fait de tuer un adversaire dans les FPS.
Freekill : Fait de tuer une personne qu'on n'est pas autorisé à tuer.

Le G…

GG : Bon jeu ou Bien joué.


GTA (Grand Theft Auto) : Jeu à monde ouvert, avec une grande liberté
d'action et de choix de missions.

Le H…

Hardcore gamer : Joueur de jeu vidéo jouant de façon extrême.


Hardscope : Tuer en regardant longuement dans le viseur d'un sniper dans les
jeux de type FPS.

Le I…

Ilinx : Jeu où le but est la recherche de sensations intenses selon Caillois.


IG : Interface graphique (vie virtuelle).
IPS : Images par seconde dans un jeu.
IRL :In real life (dans la vie réelle).

Le J…

JDR : Jeu de rôle (où le joueur incarne un personnage particulier).


Joypad, Joystick : Manette de jeu.

Le L…

Lan-party : Rencontre et confrontations entre joueurs sur plusieurs jours.

Le M…

Mana : Points de magie utilisés pour lancer des sorts.


MJ : Maîtres du jeu (groupe de joueurs fondateurs du serveur du jeu).
Mimicry : Jeux où il faut incarner un personnage (jeux de rôles).
MOBA : Multiplayer online battle arena, ou arène de bataille en ligne
multijoueurs.
MP : Abréviation de mode multijoueurs ou de message privé.

Le N…

No-life : Jouer sans s'arrêter.

Le O…

One shot : Un tir, un mort.

Le P…

Patch : Mise à jour d'un jeu.


PV (points de vie) : Concerne la vie du personnage, ou d'une créature.
PNJ : Personnage non joueur.
PvE : Player versus Environment.
PvP : Player versus Player.
PvM : Player versus Monster.

Le R…

Regen : Fonctionnalité d'un jeu qui rend progressivement des points de vie à
un joueur blessé.
Roxor : Terme utilisé dans les jeux vidéo pour qualifier un joueur très
puissant.
RPG : Acronyme de role playing game ou jeu de rôle.
RTS : Acronyme de real-time strategy, ou stratégie en temps réel (STR).
RvR : Royaume versus Royaume.

Le S…

Sport électronique : Pratique du jeu vidéo de façon professionnelle.


Succès : Tâche à accomplir dans un jeu qui donne une récompense au joueur,
sous forme de points ou de trophées, qu'il peut ensuite afficher sur son profil de
joueur en ligne.
STR : Abréviation de Stratégie en temps réel.

Le T…

Tank : Personnage puissant dans les MMORPG.


TPS ou Third Person Shooter : Le personnage tireur est vu de dos.

Le U…

UMMORPG :Ultra Massively Multiplayer Online Role Playing Game,


désignant les « jeux en ligne massivement multijoueurs ».
Update : Mise à jour d'un jeu.

Le Z…

ZE : Correspond au terme Zombie Escape (mode créé par les fans du jeu
Counter-Strike).
ZM : Correspond au terme Zombie Mode (idem).
CHAPITRE 3

To buy or not to buy, that is the addiction !

I. Confessions d'une shoppeuse

Jennifer est une célibataire pétillante de 24 ans. Elle aime les fringues
branchées, les chaussures à talons très très hauts, les sacs, et tous les accessoires
« tendance ». Elle ose tout, s'habille comme elle l'entend, parfois à la limite de la
décence. Chacune de ses tenues porte sa marque de fabrique : elle mixe des
vêtements importables (bariolés, informes, démodés) avec des pièces toutes
simples. Elle mélange les marques, les genres et les styles et ne jure que par ses
idoles, les filles de la série américaine Sex and the City, très portées sur la mode.
« Je suis un mélange de Carrie Bradshaw et de Samantha Jones », se plaît-elle à
dire. Elle explore quotidiennement les magazines féminins, les chaînes câblées et
Internet. À propos de la Toile, elle s'est ouvert un compte sur Twitter, ce réseau
social où les afficionados postent des petits messages de 140 signes maximum.
Elle tweete des infos sur la mode, bien sûr. Les personnes abonnées à son
compte sont toutes issues de ce microcosme branché parisien dont elle fait
partie. Fille unique, élevée dans un milieu bourgeois, elle quitte le domicile
familial vers 22 ans et s'installe en colocation dans le 20e arrondissement de
Paris. Le jour, elle travaille comme assistante dans un cabinet d'avocats, la nuit,
elle fait la tournée des clubs de la capitale. Résultat, elle n'est pas très assidue au
boulot. Côté drogues, elle dit ne consommer aucune substance, en dehors de
quelques verres de Cosmopolitan.
Jusqu'ici tout va bien, comme dirait l'autre.
Fille unique, Jennifer est le centre de toutes les attentions pendant son
enfance. Ses parents l'érigent au rang de petite princesse et la couvrent au sens
propre de cadeaux : une chambre somptueuse, des fêtes d'anniversaire
magnifiques, des milliers de jouets… Choyée, gâtée, gavée. En retour, ils
attendent d'elle un comportement de petite fille modèle. Peine perdue ! Dès la
classe de troisième, elle marque un désintérêt total pour l'école. Elle ne se
consacre plus qu'à ses toutes nouvelles passions : les vêtements à la mode et les
formes de son corps. En toute logique, ses résultats scolaires chutent tandis que
les dépenses grimpent. Sa mère la sent incapable de gérer son argent de poche et
décide de prendre en main l'avenir de sa fille. Elle fixe de nouvelles règles bien
strictes : cours privés de rattrapage, sorties et achats très limités. Au terme de
cette année et encadrée de la sorte, Jennifer réussit son brevet des collèges. À
17 ans, elle a ses premiers rapports sexuels et vit une rupture sentimentale
violente. C'est le début d'une spirale dépressive qui nécessitera l'aide d'un
psychiatre pour adolescents. Crises de tristesse et d'angoisse se succèdent. Pour
les apaiser, elle se met à dépenser sans compter en utilisant toutes ses économies,
si maigres soient-elles. Tout y passe : jupes, leggings, robes de marques, tops,
tee-shirts… La carte « black » de papa en prend aussi un coup ! Une fois
l'ouragan de la déception amoureuse passé, tout rentre dans l'ordre, malgré
quelques difficultés scolaires. Après un bac obtenu de justesse, direction la
faculté de droit… pour quinze jours seulement ! Elle multiplie alors les petits
jobs (vendeuse, caissière…) dans les magasins à la mode du 6e et du
8e arrondissement de Paris. Il y a trois ans, dans la boutique de chaussures où
elle travaille, elle commence à se servir dans le stock. Rongée par l'angoisse, elle
achète les paires de chaussures « empruntées », mais ne les sort pas de leurs
boîtes. La collection de talons commence. Elle quitte son travail après une
rupture conventionnelle de contrat. Débute alors une longue et fatale période de
chômage. Le début de l'enfer pour Jennifer. L'ampleur et le rythme des achats
s'accélèrent. Elle renonce parfois à s'acheter de quoi se nourrir pour continuer à
s'approvisionner en habits et en chaussures. Elle ne sort plus beaucoup, son
réseau social s'amoindrit et elle délaisse les vacances en famille.
« Lorsque je passe devant les boutiques des enseignes de grande marque ou
les grands magasins, l'envie est plus forte que moi, confie-t-elle. J'ai des pulsions
irrépressibles. Il faut que je dépense, que je possède ce qui me rend folle… »
Inutiles, de plus en plus onéreux, imprévus et nombreux, ses achats perdent tout
sens logique : Jennifer peut acheter jusqu'à dix fois le même accessoire. Elle ne
fait plus de shopping, elle est en chasse. Dans les boutiques, sur Internet, elle
épie les derniers objets de prêt-à-porter de luxe, qu'elle commandera en plusieurs
exemplaires, en plusieurs tailles et dans toutes les couleurs. Les dettes
s'accumulent et l'une de ses ardoises s'élèvera à 18 000 euros… À cette époque,
elle multiplie les chèques sans provision, les retraits de sommes importantes.
Elle est à deux doigts d'être interdite de chéquier. Or, se voir couper les vivres
serait une punition terrible, qui la ferait replonger aussi sec dans la morosité de
la dépression, se persuade-t-elle.
Afin de parer à ce délicat problème de budget, elle adopte une nouvelle
stratégie… peu orthodoxe. Elle prend des crédits à la consommation et se
prostitue à la manière des escort-girls. Le sexe tarifé lui rapporte rapidement de
l'argent mais elle a toujours besoin de sa dose de talons, de fix glamours, de
défonce vestimentaire. Jennifer dépense tout ce qu'elle gagne à la sueur de son
corps et continue à accumuler les dettes. Rapidement, elle arrête la prostitution.
Menacée de poursuites et de saisies par les huissiers, elle refuse l'aide de sa
famille, contracte d'autres crédits à la consommation et emprunte de l'argent à
certains de ses anciens clients. Ses difficultés financières et sa détresse aggravent
son comportement addictif. Acheter, acheter, acheter par dizaines, par milliers,
par lots. C'est inutile mais c'est plus fort qu'elle. Les vêtements et les chaussures
de luxe, la lingerie, les parfums, la maroquinerie s'entassent dans ses placards.
Elle en stocke même dans le hangar de la maison de campagne de ses parents.
Malgré tous ces symptômes, Jennifer arrive à donner le change à son
entourage. Personne ne se doute de la violence de ses troubles. Bien sûr, la
simple évocation de son comportement compulsif peut la rendre agressive. Mais
comme ses proches n'abordent guère le sujet, les occasions de s'énerver sont
rares. Toutefois, lorsqu'elle est obligée de retourner vivre chez ses parents, faute
de pouvoir payer son loyer depuis des mois, toute tentative de camouflage est
anéantie. La jeune fille est toujours au chômage et passe le plus clair de son
temps sur le Web. Sa vie d'acheteuse pathologique s'étend à Internet. Elle dérobe
la carte de crédit de son père et enchaîne les dépenses. Ses parents découvrent
rapidement l'entourloupe et stoppent net ce manège. Jennifer ne s'est jamais
préparée à un sevrage forcé et cet arrêt s'avère trop brutal. Si brutal qu'elle tente
de se suicider à l'aide de tranquillisants dérobés dans la pharmacie familiale. Elle
est alors hospitalisée dans un service de psychiatrie. Il lui faudra une semaine
pour réussir à évoquer son comportement addictif.
C'est à partir de ce moment qu'elle est vue en consultation une première fois.
Elle fait l'inventaire de ses affaires en montrant ses albums photo depuis sa page
Twitter : 600 paires de chaussures, plus de 1 000 vêtements, 150 parfums et
produits dérivés, 50 fourrures, 100 vestes et blousons en cuir… Un vrai dépôt de
luxe. Tout est encore emballé. « J'étais angoissée, alors pour me calmer, je
rentrais dans une boutique et j'achetais, expliquera-t-elle. Lorsque j'étais
déprimée, je fonçais dans une parfumerie… Pour pallier mon ennui, je sortais
l'argent. Une fois le pied en dehors de ces magasins, j'étais prise d'un violent
sentiment de culpabilité. Je voulais tout rapporter, tout rendre, mais je n'y
arrivais pas, il fallait que cela reste chez moi, pour moi. » Elle exprime le besoin
de se remplir, de combler « ce vide insupportable » qu'elle ressent au fond d'elle.
Au paroxysme de son addiction, il lui est déjà arrivé d'acheter des objets
absolument sans intérêt pour elle, comme du matériel de jardinage. Elle accepte
pour la première fois d'entrer dans un programme de soins dédié qui combine
traitement médicamenteux et psychothérapie comportementale.

II. L'achat, les acheteurs…

L'achat non pathologique

La consommation est l'une des formes élémentaires de la vie quotidienne.


Notre environnement est régi par les échanges marchands, dont nous percevons
les objets, les signes et les interactions en permanence. S'ajoute une offre
toujours renouvelée et en perpétuelle croissance. Par ailleurs, les achats font
partie intégrante de notre environnement parce qu'ils sollicitent nos affects. Nous
achetons d'abord pour subvenir à nos besoins, ensuite pour se faire plaisir, et
enfin pour offrir à l'autre une part de soi.

Les médecins Adès et Lejoyeux ont décrit, en 2002, quatre dimensions dans la
psychologie de l'achat non pathologique :

La perception d'un besoin et d'un manque :


elle correspond à la nécessité d'acheter de manière utilitaire : se nourrir,
s'habiller, se loger, acheter pour faciliter son quotidien (meubles, TV, lecteur
DVD, ordinateur…). La publicité et toutes les opérations marketing créent de
façon artificielle la tentation et le besoin de recherche de nouveautés. Seul l'achat
peut combler le manque. Selon Baudrillard, l'acte d'acheter constitue un mode de
production de valeurs et la preuve que l'on vit dans une société d'abondance. La
notion de manque peut toucher les personnes les plus vulnérables et les faire
basculer dans l'addiction.
La signification de la situation d'achat elle-même :
les circonstances de la vente, sa mise en scène (se rendre dans un magasin
« branché »…), l'appropriation d'une boutique et de ses codes ayant une certaine
valeur sociale ou culturelle sont des éléments cruciaux. La relation entre le
vendeur et l'acheteur, fondée sur l'écoute, le conseil, la gratification, peut
rassurer le sujet sur un plan narcissique. La décision d'acheter l'emporte sur la
raison. Une patiente rapportait des phrases de vendeur toutes faites : « Ces
chaussures ont été designées (du mot design) pour vous, regardez leur courbure,
elles épousent parfaitement vos pieds », « Cette jupe efface certaines rondeurs
de vos hanches qui sont malgré tout très sexy » et « Ce chemisier souligne votre
poitrine en mettant en avant un décolleté évocateur et classe ». Ainsi, les phrases
renarcissisantes sont légion. Certaines personnes répètent leur comportement
d'achat essentiellement dans le magasin où le vendeur est particulièrement
affable.

La préparation de l'achat :
certains achètent de manière impulsive en se fiant à leur première impression :
« Je rentre dans le magasin, j'identifie ma cible, j'achète et je sors. » D'autres
réfléchissent plus longuement, étudient les différents produits, comparent les
prix et les magasins. Allonger cette recherche, fondée sur l'indécision, peut
rendre l'achat plus excitant. La publicité accompagne toute cette phase
préparatoire et joue un rôle de suggestion, modifiant les prises de décision et
gommant les incertitudes.

La préparation de l'achat comprend cinq phases :

• l'éveil ou l'idée de l'achat,
• le recueil et le traitement de l'information avec la naissance du besoin et la
recherche active d'une information concernant le produit,
• la comparaison des produits disponibles ou l'évaluation des alternatives,
• le choix de l'achat (article, modèle, marque, quantité, lieu de l'achat, moment
de l'achat, prix),
• le post-achat et sa dimension affective (satisfaction, déception…).

Acheter dans un monde virtuel :


c'est plus que d'actualité. « Ne vous déplacez plus et faites vos courses de chez
vous », lit-on sur le Web. Le développement de l'achat en ligne a mis en place
d'autres standards de consommation et détermine un nouveau profil de
consommateur. Tous les magasins ont désormais une interface Web qui
fonctionne étroitement avec leur support réel. Les interactions entre virtuel et
réel confortent l'acheteur dans les deux mondes, puisqu'il paie en ligne des
produits qu'il connaît. Une patiente racontait les bonnes affaires qu'elle pensait
faire sur ces sites, du sentiment de bien-être dont elle était emplie au début,
persuadée d'avoir acheté mieux que les autres, d'obtenir quelque chose
d'exclusif, et avant les autres. Elle mettait son réveil tôt le matin pour arriver
avant tout le monde sur la (ou les) vente(s) virtuelle(s). Elle expliquait ses
techniques pour remplir ses paniers virtuels en utilisant simultanément son
ordinateur et son iPad. Elle se sentait valorisée d'avoir trouvé des bons plans,
économiques de surcroît. Mais les gains réalisés sur un produit n'avaient plus de
sens, puisque ses dépenses ne cessaient d'augmenter, achetant toujours plus que
prévu et beaucoup de choses inutiles.

La signification du phénomène de dépense :


des facteurs collectifs (la façon dont son propre niveau économique est perçu
dans la société) et des facteurs individuels (influencés par des éléments
familiaux, comme l'éducation et les expériences pendant l'enfance) entrent en
jeu. Dans un couple, l'appartenance à des milieux sociaux différents peut
contraindre à des dépenses uniquement liées au train de vie de l'autre.
Les soldes favorisent les dépenses « économiques » chez les personnes. Ce
rendez-vous est devenu incontournable pour le consommateur français en hiver
comme en été. Près des deux tiers des consommateurs déclarent attendre les
soldes pour dépenser. Ce pourcentage atteint 81 % chez les familles
monoparentales et 71 % chez les personnes en couple avec enfants. Les soldes
bénéficient surtout au secteur de l'habillement qui représente les trois quarts du
chiffre d'affaires de cette période. La part des soldes est de 15,5 % du chiffre
d'affaires dans le secteur de l'habillement pour un montant de 4,5 milliards
d'euros en France. Le poids des soldes a atteint 46,6 % des ventes du secteur en
janvier 2011. Les enquêtes du Crédoc prouvent que le recours aux soldes est
devenu pour la majorité des Français une nécessité plutôt qu'un plaisir. L'achat
est donc raisonné même en période de soldes. Les boutiques virtuelles
concurrencent sévèrement le phénomène bi-annuel des soldes dans les magasins.
Ainsi, le chiffre d'affaires du e-commerce hexagonal atteint 31 milliards d'euros.
La part des ventes à prix discount est de 55 % sur le e-commerce avec la
répartition suivante : 20 % en soldes et 35 % en promotion.

Les quatre acheteurs

Il existe différents types d'acheteurs. Dans la littérature scientifique sont


décrits l'acheteur émotionnel, l'impulsif, le fanatique, le compulsif ou le
pathologique. Un acheteur normal peut emprunter de façon transitoire des
séquences de ces trois comportements précis : l'émotionnel, le fanatique et le
compulsif.

L'acheteur émotionnel
est accroché à la symbolique et à la signification de l'objet ou du bien acheté.
En réponse à du stress, de l'angoisse ou de la tristesse, mais également à des
émotions positives, le sujet achète par besoin de compensation et à visée
autothérapeutique.

L'acheteur impulsif
a une envie soudaine et irrésistible d'acheter. Une pseudo-perte de contrôle
(non pathologique) le fait passer à l'acte sans décision réfléchie avec comme
seules conséquences des dépenses plus ou moins importantes. Il peut avoir un
conflit entre ses désirs et ses principes. La culpabilité peut l'envahir après l'achat
de l'objet désiré mais, la plupart du temps ce n'est pas le cas !
Pierre, 50 ans, rentier millionnaire, propriétaire de plusieurs établissements,
dépense peu. Il possède une collection de plus de trente guitares électriques.
Cependant, il roule toujours avec la même voiture, une Porsche, depuis
vingt ans. Alors, un matin, lorsqu'il l'apporte chez le concessionnaire pour une
révision annuelle, et qu'il tombe nez à nez avec ce nouveau modèle noir à
120 000 euros, il l'achète… sans réfléchir.
L'acheteur émotionnel peut aussi acheter de manière impulsive.

L'acheteur fanatique
est différent. Il essaie de se procurer un type d'objet précis, souvent en lien
avec l'une de ses passions. Ces objets peuvent être des disques, des bibelots liés
au merchandising d'un artiste, des livres, des vêtements, des objets d'art d'une
époque ou d'un style donné. Le fanatique accumule et entasse les objets en leur
vouant presque un culte. Certains achats peuvent être impulsifs, d'autres plus
réfléchis avec des dépenses pesées. L'achat fait toujours plaisir et/ou est lié au
collectionnisme. Selon le Larousse, le collectionnisme est le besoin pathologique
de rassembler des objets hétéroclites inutiles et sans aucune valeur marchande.
Cette tendance renvoie aux personnes qui accumulent les objets d'art comme un
besoin de reconnaissance sociale.
Le collectionneur présente quatre traits de caractère : désir de possession,
émulation, tendance au classement et besoin d'activité.
Mais attention, un collectionneur dont les dépenses n'influent pas
négativement sur sa vie quotidienne ne peut pas être considéré comme
problématique. Ainsi, l'exemple de Louis, professeur d'anglais à la faculté, fan
du groupe Kiss depuis son enfance, démontre l'innocuité de la collectionnite
quand elle est mesurée. Il a fait le tour du monde pour dénicher les perles rares
issues de ce groupe. Il les suit dans plusieurs pays lors de leurs tournées, a tous
leurs tee-shirts, les programmes, les livres officiels et non officiels, les badges,
les patchs, les tasses… À force, il a acquis de solides connaissances sur ce
groupe. Il est même demandé dans certaines conventions pour cette compétence-
là. Bien sûr, le budget alloué pour cette passion est démesuré, mais il n'affecte
pas sa vie quotidienne. On ne compte plus les centaines de fans de Johnny
Hallyday, Mylène Farmer, AC/DC, Metallica, Lady Gaga, qui sont exactement
dans la même logique.

L'acheteur compulsif ou pathologique


achète pour se libérer de son angoisse ou ne pas déprimer. Il essaie de
diminuer les tensions qui l'habitent en acquérant des objets inutiles. Il n'achète
pas pour posséder des biens, mais plutôt pour essayer d'amoindrir sa détresse
psychique. Il est dépendant à la fois de l'image sociale conférée par les objets
achetés et de son comportement d'achat.
D'après des travaux réalisés aux États-Unis, confirmés par des observations
françaises, 80 à 92 % des acheteurs compulsifs sont des femmes. Âgées de 30 à
40 ans, elles ont un bon niveau professionnel, scolaire et universitaire. Parmi
elles, on rencontre beaucoup de professions libérales et d'étudiantes.
III. La folie des achats

Histoire et concepts

L'achat pathologique ou compulsif apparaît à la fin du XIXe siècle. Il est


dénommé oniomanie dans la nosographie psychiatrique. Du grec ônê, achat, et
mania, folie, il s'agit de l'impulsion morbide à faire des achats sans rapport avec
le besoin ni les moyens financiers. Cette forme de monomanie a été découverte
par Emil Kraepelin, un scientifique allemand. Elle est à distinguer de la
psychose, des retards mentaux et des démences. Cette relation pathologique aux
achats et à l'argent est marquée par un trouble du contrôle et une incapacité à
gérer ses pulsions. Un trouble explosif ! Porot, en 1960, parle de prodigalité
« comme représentant une anomalie de l'instinct de conservation touchant aux
objets de propriété et à l'épargne ». Elle peut conduire à la folie des achats ou des
cadeaux (doromanie).

Plus récemment, les critères diagnostiques de l'achat pathologique ont été
définis par McElroy et ses collaborateurs. Ils comprennent les éléments
suivants :

A. Des pensées envahissantes et gênantes concernant les achats ou les
comportements d'achats inadaptés s'insinuent dans le quotidien ; ou une
impulsion d'achat correspondant à au moins une des propositions suivantes :

1. Les pensées ou impulsions d'achats sont vécues comme irrépressibles,
intrusives et dépourvues de sens.
2. Les achats fréquents supérieurs aux capacités financières, les achats
fréquents d'objet inutiles ou les achats d'une durée plus longue que prévu.

B. Les pensées, les impulsions ou le comportement provoquent une gêne
marquée, font perdre du temps ou perturbent sensiblement le fonctionnement
social ou les loisirs, ils entraînent des difficultés financières (dettes, interdits
bancaires).
C. Le comportement excessif d'achat n'apparaît pas uniquement pendant les
périodes de manie ou d'hypomanie (étapes liées au trouble bipolaire).

Les achats compulsifs s'inscrivent parfaitement dans les critères de l'addiction
définis par Aviel Goodman en 1990.
L'addiction au shopping est caractérisée, sur une période plus ou moins
longue, par des échecs répétés lors de tentatives de résistance à l'impulsion
d'entreprendre un comportement d'achat.
Un sentiment de tension s'accroît avant le début du comportement et une
sensation de plaisir ou de soulagement apparaît lors de l'achat. Pendant la
réalisation, une perte de contrôle survient parfois. D'autres éléments peuvent être
associés (au moins cinq d'entre eux doivent être retrouvés) :

• de fréquentes préoccupations liées au comportement d'achat ou aux activités
préparatoires à sa réalisation,
• une fréquence du comportement plus importante ou sur une période de temps
plus longue que celle envisagée,
• des efforts répétés pour réduire, contrôler ou arrêter le comportement
d'achat,
• une importante perte de temps passée à préparer le comportement d'achat, à
le réaliser ou à récupérer de ses effets,
• la réalisation fréquente du comportement en lieu et place des obligations
académiques, domestiques ou sociales,
• d'importantes activités sociales ou de loisirs sont abandonnées ou réduites en
raison du comportement d'achat,
• la poursuite du comportement malgré la connaissance de l'exacerbation des
problèmes sociaux, psychologiques, ou physiques persistants ou récurrents
déterminés par ce comportement,
• le phénomène de tolérance ou le besoin d'augmenter l'intensité, la fréquence
du comportement pour obtenir l'effet désiré ou bien la sensation que l'effet est
diminué si le comportement est poursuivi avec la même intensité,
• un état d'agitation ou d'irritabilité si le comportement ne peut pas être
poursuivi.

Description du Serial Buyer

L'achat pathologique, à la différence d'autres troubles (Diagnostic and


Statistical Manual of Mental Disorders-IV ; American Psychiatric Association,
1994), comme le jeu pathologique ou la trichotillomanie (arrachage compulsif de
ses propres poils et cheveux), est globalement toléré par la société et n'est pas
considéré comme un trouble chronique potentiel et significatif au niveau
individuel, familial et social. Elliott et ses collaborateurs ont noté qu'à la
différence des autres troubles l'achat pathologique peut facilement être masqué
car le shopping est socialement accepté, voire tendance ! Il n'y a aucun signe
physique rendant visible un problème comportemental et l'achat pathologique
isolé n'est pas tout de suite repéré comme problématique ou bizarre par
l'entourage.
Or, il est important de prendre en considération cet aspect des achats comme
une vraie maladie.
L'achat pathologique a longtemps été caractérisé par une importante
prévalence féminine. Une étude américaine, menée aux États-Unis en 1996,
montrait que 2 à 8 % de la population pouvait souffrir de difficultés en lien avec
les achats compulsifs. Certains médecins parlent aussi d'acquisitions
compulsives. Le trouble addictif émerge entre 18 et 30 ans et devient important
et envahissant entre 31 et 39 ans. Nous ne disposons pas de chiffres concernant
cette maladie en France. Aux États-Unis, 5,8 % d'une population de
2 500 personnes était touchée par ce problème. Ces chiffres peuvent atteindre 12
à 16 % dans d'autres enquêtes. Dans l'ancienne Allemagne de l'Est, l'achat
compulsif a été multiplié par six en raison de l'ouverture sans limites de la
société de consommation. D'autres données socio-démographiques concernant
les acheteurs pathologiques types indiquent une prépondérance de sujets aux
revenus faibles ou moyens ayant contracté une importante dette personnelle. Les
patients sont souvent dans le déni quant aux conséquences personnelles de leur
perte financière constante.
Les facteurs socio-environnementaux, comme dans les autres conduites
addictives, jouent un rôle important dans l'installation de cette maladie. Plus le
pouvoir consommateur de la société est important, plus le risque d'être acheteur
compulsif est élevé chez les sujets vulnérables.
L'achat compulsif est pathologique dans le sens où le sujet perd le contrôle de
lui-même, gaspille son temps, et dépense de l'argent (qu'il a ou qu'il n'a pas) en
réponse à des émotions négatives contre lesquelles il essaie de lutter. Les
conséquences sur la vie de famille, de couple et amicale sont évidentes. Une fois
le désir de l'acheteur compulsif assouvi, il se sent pleinement coupable et ne
ressent que du remords.

L'achat pathologique n'est pas bien éloigné de la consommation « normale ».
Il diffère tout de même en termes de fréquence, d'intensité et de conséquences
négatives à long terme. Les acheteurs pathologiques ne sont pas un groupe
homogène de patients. Plusieurs aspects conceptuels ont été développés pour les
différencier. Tout d'abord, il faut réussir à isoler des facteurs psychologiques
personnels impliqués dans cette maladie comme l'impulsivité, une baisse de
l'estime de soi, l'anxiété et la dépendance. Le repli sur soi est également un
marqueur environnemental. En analysant les entretiens de 46 acheteuses
pathologiques, quatre principaux facteurs ont été retrouvés pour décrire cette
pathologie : existentiel (image de dépensiers, selon Boundry en 2000), revanche
(sur quelque chose ou quelqu'un), réparateur d'humeur et acheteur en série.
Natarajan et Goff ont suggéré l'existence de deux types d'acheteurs
pathologiques : d'une part, les individus qui achètent pour reconstruire l'estime
qu'ils ont d'eux-mêmes en acquérant des objets et qui s'avèrent de plus en plus
compulsifs ; d'autre part, les individus qui fuient leurs pensées et émotions
déplaisantes en acquérant des objets. Ceux-là deviennent de plus en plus
impulsifs.

Un modèle en quatre phases pour comprendre les achats pathologiques

Les achats pathologiques reposent sur un cycle en quatre phases : les


antécédents personnels et familiaux, les phénomènes déclencheurs internes et
externes, l'acte d'acheter et le post-achat. L'impact de cette addiction est
multiple : émotionnel, cognitif, temporel et financier.

Phase 1 : les antécédents personnels et familiaux


Les achats pathologiques sont associés à des antécédents de négligence
émotionnelle et d'abus (physiques ou psychologiques) durant l'enfance. Dans la
famille des acheteurs pathologiques, on trouve de la dépression, d'importants
problèmes de consommation d'alcool ou de drogues ainsi que d'autres troubles
psychiatriques. Chez les « serial buyers » qui ont des scores élevés de dépenses,
les histoires familiales sont souvent dysfonctionnelles, en proie à de l'alcoolo-
dépendance, de la boulimie, de l'anxiété et des troubles de l'humeur. Les
acheteurs compulsifs rapportent souvent que leurs parents utilisaient l'argent et
les cadeaux comme moyens principaux d'obtenir des enfants les comportements
désirés. Ils ne leur apprenaient pas à économiser l'argent et ne les laissaient pas
beaucoup s'exprimer selon une étude menée en 1988 par Ronald Faber et
Thomas O'Guinn. Krueger, la même année, a évoqué le fait qu'un traumatisme
développemental entraînait deux types de processus chez l'acheteur
pathologique : une accentuation narcissique exacerbée quant à la désirabilité
personnelle et une distorsion de l'image corporelle. L'existence de traits
perfectionnistes a été retrouvée chez les acheteurs pathologiques. Ce
perfectionnisme serait une stratégie compensant la faible estime de soi, caractère
prépondérant chez ces addicts.
De telles expériences traumatiques durant l'enfance s'avèrent être des facteurs
de risque. Les acheteurs compulsifs développent ainsi une forme très intense
d'attachement à la possession de biens, phénomène leur permettant de se sentir
psychologiquement bien et secure, alors que les schémas de pensée qu'ils
développent et maintiennent sont complètement dysfonctionnels (selon Young,
Klossco et Weishaar en 2003). Dans l'achat pathologique, un phénomène proche
du « fétichisme du bien » se crée. Il entraîne un surinvestissement malsain du
Moi (selon Belk en 2000). Plus on dépense, plus le Moi est rassuré. Ceci
renforce les croyances quant à l'importance, l'adoration et la vénération des biens
matériels. L'acquisition de biens serait perçue chez le sujet addict comme un
indicateur principal d'appartenance à un rang social et également comme une
source de bien-être personnel. Une étude a d'ailleurs montré que la propriété de
nombreux biens pouvait être à l'origine d'émotions positives.
Parmi les croyances les plus fréquemment retrouvées chez les acheteurs
pathologiques :

• les objets achetés compensent, récompensent ou neutralisent les sentiments
négatifs,
• les achats sont source de sécurité et d'attachement émotionnel,
• les acquisitions sont uniques, avec un coût d'occasion marqué et devant être
achetés à tout prix,
• le sens de la responsabilité personnelle est intensifié pour les objets.

Ainsi l'acheteur pathologique assimile l'acquisition d'objets à la solution qui
réglera ses problèmes émotionnels ou interpersonnels.

Phase 2 : les déclencheurs


1. Les déclencheurs internes
L'expérience d'émotions négatives (l'anxiété, la dépression, une sensation de
tension interne, une perte de contrôle, une envie irrésistible de consommer avant
les épisodes de shopping) constitue un élément clé dans le déclenchement du
comportement d'achat compulsif, aussi appelé binge d'acquisition. L'achat crée
une activité cognitive alternative permettant donc l'évitement. Par conséquent,
l'addict ne prend pas conscience de ses affects négatifs et douloureux, parce qu'il
est focalisé sur l'achat, soit une tâche immédiate, concrète et, en fin de compte,
réalisable.
2. Les déclencheurs externes
Lorsque l'acheteur compulsif est confronté à un environnement de vente au
détail, il se retrouve dans un contexte délibérément conçu pour être attrayant. La
raison d'être de la vente au détail étant la maximisation des bénéfices, beaucoup
de temps et d'efforts sont consacrés à l'agencement de la boutique ou du site
Internet, afin d'optimiser psychologiquement les motivations à acheter.
Les épisodes d'achat compulsif débutent habituellement dans les magasins.
Chez des étudiants exposés à des logos de cartes de crédit près des points
d'achat, la probabilité d'acheter, de prendre la décision d'acheter et de dépenser
était plus élevée que chez des sujets non exposés à ces logos. Les jeunes
générations font plus de shopping et regardent plus la télévision que les
générations précédentes. La publicité joue un rôle déclencheur important. Une
fois dans les magasins, les stimuli externes sont multiples : il peut s'agir des tons
de couleur des produits, d'une texture, d'un son ou de l'odeur d'un magasin et/ou
l'odeur de l'objet lui-même. Les chaînes spécifiques sur le câble ainsi que le Web
sont des facteurs stimulants accélérant le processus.
Les possibilités d'achat à crédit dans notre société peuvent contribuer aux faux
pas et aux rechutes chez les acheteurs compulsifs. La culture de l'endettement
semble être un facteur de risque sociétal pour les addicts au shopping selon Lunt
et Livingstone en 1992. Un accès aisé aux cartes de crédit déclenche aussi les
phénomènes d'acquisition d'objets et de biens le plus souvent inutiles selon
McElroy et ses collaborateurs en 1994. Les acheteurs compulsifs ont tendance à
utiliser de façon chronique les cartes de crédit. Plus l'addiction est sévère, plus
l'écart entre revenus disponibles et dépensés est important.

Phase 3 : l'acte d'acheter


Les acheteurs compulsifs ont une altération et une dissociation de leur état
d'esprit qui entraînent un mauvais traitement des informations. Les questions
qu'ils peuvent se poser comme « en ai-je besoin ? » ou « ai-je assez d'argent pour
me l'acheter ? » sont complètement absorbées, occultées pendant l'acte d'achat.
Les acheteurs compulsifs ne tiennent pas compte du monde qui les entoure à
cause de leurs troubles de l'attention et de la dissociation, ce dernier facteur étant
présent très tôt dans la maladie. Ils éprouvent de grandes difficultés à se
contrôler et à prendre les bonnes décisions.
Les modifications de l'humeur jouent aussi un rôle pendant l'acte d'achat. Sur
le moment, l'achat est gratifiant et produit des émotions positives : il améliore
l'estime de soi chez les addicts. Une véritable automédication ! Mais l'humeur se
modifie rapidement pendant l'acquisition et devient négative une fois l'achat
finalisé. Les acheteurs pathologiques ont leur préférence : vêtements, chaussures,
produits cosmétiques, bijoux, disques, objets d'intérieur, etc. Des produits
capables de changer temporairement l'apparence des addicts ou de leur
environnement. Les acheteurs compulsifs apparaissent particulièrement
vulnérables, comme pourchassés par les caprices de la mode qui encouragent les
achats et le remplacement rapide d'objets. Un véritable manque s'installe. La
récompense immédiate est privilégiée par rapport aux conséquences à long
terme. Les sujets sont libres de toute anxiété ou de mauvais feelings au moment
où ils achètent. Leur interaction avec les vendeurs est très positive pour eux et
valorise la perception qu'ils ont de leur propre image.
Les acheteurs pathologiques préfèrent acheter seuls qu'accompagnés. Internet
renforce cette inclination. La présence de tiers est gênante, elle altère leur
humeur et les rend irritable. Elle les empêche d'être dans l'état qui leur plaît tant,
cet état de dissociation, qu'ils recherchent lors de l'achat, pour aller mieux.

Phase 4 : le post-achat
Manque, isolement, ruminations, idées noires et retour aux émotions négatives
sont le lot des serials buyers, en phase de post-achat. Concrètement, seules
restent les conséquences financières selon de nombreux auteurs. Bien sûr, le
meilleur remède à cet amer constat sera trouvé dans la mise en place d'un
nouveau cycle d'achats…
Une fois ses emplettes terminées, le sujet quitte le magasin et s'aperçoit qu'il a
brisé ses efforts d'autorégulation. Et, surtout, il prend conscience de l'impact
négatif de son comportement sur sa vie professionnelle, familiale et
occupationnelle selon le Pr Lejoyeux en 1997. Une fois le binge passé, les
addicts se rendent à l'évidence : ils ont acheté de multiples choses identiques
et/ou inutiles. Ils étaient donc dans un état second au moment de l'achat, leur
esprit était complètement altéré. Ils se remémorent alors la phase de préachat et
les affects négatifs qu'ils y avaient associés.
Sur un plan purement émotionnel, les acheteurs compulsifs expriment à cette
étape de la culpabilité, de la honte, des regrets, du désespoir qui s'ajoutent à leurs
affects négatifs déjà présents et à leur faible estime d'eux-mêmes. La rédemption
psychologique passera à nouveau par un épisode d'achat compulsif.
En post-achat, les difficultés s'amoncellent. Les sujets vivent dans le secret et
la dissimulation parce qu'ils craignent d'être perçus comme matérialistes ou
incapables de donner du sens à leur vie. Ce qu'ils font des biens achetés ? Cette
question est secondaire, puisque les objets sont rarement utilisés mais plutôt
amassés ou cachés. Les addicts n'attribuent aucune valeur pécuniaire ou affective
aux objets possédés, à la différence des autres consommateurs.

Les complications de cette addiction sont essentiellement psychiatriques.
Certains patients ont un trouble bipolaire (maniaco-dépression). L'achat
compulsif chez ces personnes survient en même temps que des épisodes
dépressifs ou d'excitation maniaque (troubles de l'humeur) peu sévères mais
fréquents, avec un début brutal. D'autres troubles, comme la dépression (21-
100 %) ou les troubles anxieux (41-80 %), sont retrouvés. Les individus ont
également plus de troubles de la personnalité évitante (15 %), obsessionnelle et
compulsive (22 %), borderline (15 %) et de troubles du comportement
alimentaire (8-35 %) comme la boulimie. Sur le plan addictologique, des
troubles liés à l'usage d'alcool et/ou de drogues comme la cocaïne, le cannabis,
les tranquillisants, etc. sont rapportés (21-46 %). Sur un plan analytique, l'achat
compulsif est considéré comme une pathologie de caractère narcissique.

IV. Comment aider les serial buyers ?

L'évaluation des patients doit être précise et globale. Les thérapeutes peuvent
noter les antécédents psychiatriques personnels et familiaux : médicaments déjà
pris, traitements actuels, psychothérapie(s) en cours ou déjà réalisée(s), maladies
psychiatriques, hospitalisation(s). Un épisode maniaque, que l'on peut retrouver
dans la maladie bipolaire, peut s'accompagner d'achats et de dépenses
inconsidérées. D'autres signes accompagnent ce trouble comme l'euphorie, des
idées de grandeur, une surestimation de soi, des projets grandioses, de la
mégalomanie. Le caractère périodique de l'épisode maniaque va à l'encontre du
phénomène d'achat pathologique en tant qu'addiction pure. Il faut bien
évidemment interroger le serial buyer sur ses antécédents médicaux,
chirurgicaux, allergiques et les médicaments qu'il prend. Un trouble
neurologique peut très bien mimer un achat pathologique.

Il est important d'interroger le sujet sur ses comportements d'achats non
pathologiques, ce qu'il apprécie et les émotions qui accompagnent ces actes.
L'achat « normal » est un passe-temps fréquent, et s'avère parfois compulsif sur
certaines périodes de la vie (anniversaires, vacances, fêtes de fin d'année, etc.).
Les individus recevant un héritage ou gagnant aux jeux de hasard et d'argent
(loterie, jeux à gratter, poker, etc.) peuvent eux aussi expérimenter les achats
excessifs.

Pour le diagnostic, les thérapeutes peuvent s'appuyer sur un questionnaire,
d'autant qu'il apporte en général de vraies réponses. Nous vous proposons la
Compulsive Buying Scale (échelle d'achats compulsifs) développée par Faber et
O'Guinn en 1992. Vous pouvez répondre à ces dix-neuf questions en oui/non
pour vous évaluer.

Échelle d'achats compulsifs

1. Vous arrive-t-il d'être saisi(e) d'une irrésistible envie d'aller


dépenser votre argent pour faire un achat quel qu'il soit ?

2. Vous arrive-t-il d'acheter des objets qui vous paraissent inutiles
ensuite ?

3. Vous est-il arrivé de vous sentir énervé(e), agité(e) ou irritable
quand vous n'avez pas réalisé un achat ?

4. Vous arrive-t-il d'éviter certains magasins de crainte de trop
acheter ?

5. Proposez-vous à quelqu'un de vous accompagner dans vos
courses seulement pour éviter d'acheter trop ?

6. Avez-vous déjà caché des achats à votre entourage ?

7. Une irrésistible envie d'acheter peut-elle vous amener à
manquer une sortie avec des amis ?

8. Vous êtes-vous déjà absenté(e) de votre travail pour faire des
achats ?

9. Un ou plusieurs achats ont-ils pu provoquer des reproches de
votre entourage ?

10. Un ou plusieurs achats ont-ils pu provoquer une mésentente
prolongée ou une séparation ?

11. Est-il arrivé qu'un achat soit responsable de difficultés
bancaires ?

12. L'un de vos achats a-t-il été responsable de poursuites
judiciaires ?

13. Avez-vous continué à faire des achats malgré les difficultés
(familiales ou financières) qu'ils provoquaient ?

14. Regrettez-vous régulièrement vos achats ?

15. Vos achats sont-ils précédés d'une impression de tension et de
nervosité ?

16. La réalisation de vos achats apaise-t-elle la tension ou la
nervosité ?

17. Existe-t-il des périodes d'achats multiples, excessifs,
accompagnées d'un sentiment de générosité ?

18. Vous arrive-t-il d'acheter quelque chose sur un coup de tête,
sans l'avoir prévu au moins une fois par mois ?

19. Les achats coup de tête ou excessifs, s'ils existent,
représentent-ils au moins un quart de vos revenus ?

Calculez votre score :

Moins de 5 réponses positives : Aucun problème n'est à signaler.

Entre 5 et 8 réponses positives : Vous avez des difficultés à
contrôler vos dépenses et à résister au désir d'acheter. Vous
devriez en parler à un professionnel de santé.

Entre 8 et 12 réponses positives : Vous dépensez de plus en plus et
de façon inconsidérée, au risque de vous endetter. Vous devriez en
parler à un professionnel de santé.

Plus de 12 réponses positives : Vous avez besoin d'acheter de
manière irrépressible pour lutter contre des tensions internes, des
angoisses incontrôlables et ne supportez pas d'en être empêché.
Vous n'arrivez pas à vous contrôler même si cela vous cause de
graves problèmes financiers. Vous devriez consulter dans un
service d'addictologie, spécialisé dans ce problème.

Une fois le diagnostic d'achat pathologique confirmé, une prise en charge


thérapeutique doit être proposée.
L'approche préconisée est l'utilisation de la thérapie cognitive et
comportementale (TCC). Elle peut se réaliser en individuel ou en groupe, sur
plusieurs sessions. Le contenu des sessions est concentré sur la gestion des
comportements compulsifs/impulsifs et la gestion de sa propre trésorerie, les
liens/conflits entre les pensées et les sentiments, le support social, l'affirmation
de soi et la prévention de la rechute. Une fois le comportement stabilisé, une
thérapie analytique peut être envisagée pour explorer ses problèmes au-delà du
symptôme de l'achat.
Des livres aidant les patients sont également disponibles (bibliothérapie).
Lorsque le couple est mis en péril par l'un des deux membres, une thérapie à
deux est envisageable. La participation à des groupes d'autosupport comme « les
débiteurs anonymes » peut s'avérer d'une grande aide. Enfin, des mesures de
protection des biens (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle) peuvent être mises
en place selon les dispositions législatives actuelles.
Aucun traitement médicamenteux n'a fait la preuve de son efficacité dans les
achats compulsifs, même si certains antidépresseurs sont utilisés.

Quelques recommandations :

• Accepter sa maladie
• En parler à un proche
• Éviter de porter son carnet de chèques ou sa carte de crédit
sur soi (source explosive du trouble)
• Faire du shopping avec un(e) ami(e) ou un membre de sa
famille (aide à éviter des dépenses excessives)
• Remplacer le shopping par d'autres stratégies alternatives
pour se détendre
• Aller régulièrement en consultation
CHAPITRE 4

Travailler plus pour se perdre plus

I. Un homme, une femme… workaholics

Jonathan a 33 ans, Eleonor, 34. Ils ne se connaissent pas, ne se sont jamais


croisés et n'évoluent pas dans les mêmes cercles. Le seul élément qui les
rapproche, c'est leur addiction au travail. Jonathan est chercheur en sciences,
Eleonor est journaliste dans l'audiovisuel.
Intéressons-nous d'abord à cette mère qui ne parvient plus à s'occuper de sa
fille de 4 ans, passe quinze heures par jour au bureau et préfère utiliser des sex
toys plutôt que de « perdre son temps » à faire l'amour avec son compagnon. La
nuit, c'est fait pour dormir après tout. Elle se marie à 25 ans, « pour échapper,
comme elle le dit, à la pression familiale » et divorce deux ans plus tard. Elle se
pacse quelque temps après avec un nouvel homme, et met au monde un premier
enfant. À la suite de son accouchement par césarienne, elle tombe en dépression,
consulte un psychiatre, se fait prescrire des antidépresseurs et suit une thérapie
analytique. Autant dire qu'elle est bien prise en main. Côté drogues, elle fume
trois à cinq cigarettes par jour depuis ses 18 ans, a expérimenté le cannabis à
trois reprises durant son adolescence, pas plus, boit occasionnellement de
l'alcool, mais jamais jusqu'à plus soif.

Reprenons l'histoire personnelle et professionnelle d'Eleonor afin de
comprendre le cheminement classique d'un addict au travail. Pour cette jeune
femme, le point de bascule intervient le jour de son entrée en école de
journalisme. Elle se prend de passion pour son futur métier, étudie
consciencieusement et réécrit ses articles jusqu'à l'épuisement. À la fin du
cursus, c'est le grand saut : elle intègre la rédaction d'un grand journal télévisé.
Elle s'investit tant qu'elle décrit ce nouveau travail comme sa raison d'être,
immense source de satisfaction, « presque un orgasme permanent »… La source
du plaisir est identifiée.
Eleonor est perfectionniste et désire tout contrôler. Elle est très exigeante
envers elle-même. Cette appétence pour l'absolu va de pair avec une forte peur
de l'échec et une tendance à sous-estimer ses capacités et la qualité de ce qu'elle
produit. Anxieuse et l'esprit hanté par son travail, elle est très appréciée par ses
collègues et sa direction pour ses compétences professionnelles et son efficacité.
Elle gravit les échelons quatre à quatre et occupe à 34 ans un poste haut placé.
Sur vingt-quatre heures, quinze sont consacrées au travail. Un week-end sur
deux, Eleonor est d'astreinte. À ses heures perdues (où les trouve-t-elle ?),
Eleonor enseigne dans des écoles de journalisme et écrit des nouvelles érotiques.
Lorsque son niveau d'activité baisse, elle est submergée de tristesse, reste au
fond de son lit, pleure et rumine. Afin de couper court à ses états d'âme, la
journaliste recherche toujours de nouvelles tâches qui « vont la shooter ». Cette
attitude génère bien sûr moult conflits avec son jules qui n'apprécie pas de la voir
négliger leur vie de couple, leur famille et leur vie sexuelle. Concernant ce
dernier point, elle dit utiliser des sex toys seule à son bureau car cela lui fait
perdre moins de temps quand elle en a envie. Ainsi, elle optimise ses courtes
nuits. Elle reconnaît également délaisser sa fille, ou du moins ne pas s'y
intéresser suffisamment. Sa mère, sa belle-mère, une nounou et son concubin
« s'en occupent très bien », considère-t-elle.
L'histoire médicale de cette patiente révèle aussi des symptômes d'anxiété et
un trouble du sommeil dus à une hyperactivité. En complément de nos
entretiens, Eleonor passe une évaluation de son addiction au travail (échelle Wart
de Robinson). Elle obtient un score de 75 sur 100, sachant qu'un sujet est
considéré comme workaholic au-delà de 67 sur 100. Ce résultat conforte donc ce
qu'exprime la patiente au niveau de sa dépendance. Eleonor accepte d'intégrer
notre programme de soins.

Le cas de cette jeune femme est emblématique du workaholisme tel qu'on
l'imagine. Mais certains patients développent d'autres formes d'addiction à leur
job ou à leurs études. Ainsi de Jonathan dont nous parlions au début de ce
chapitre. Cet homme de 33 ans, célibataire sans enfant, est d'une méticulosité et
d'un perfectionnisme à faire pâlir un horloger. Il a un goût prononcé pour les
détails, les règles, les inventaires et l'organisation des choses. À tel point qu'il
perd de vue le but principal de ses activités. Son perfectionnisme entrave
l'achèvement de ses tâches, tout comme sa dévotion excessive au travail et à la
productivité. Dès l'enfance, qu'il a pourtant eue heureuse malgré le divorce de
ses parents, il a pour unique objectif d'être le meilleur en classe ad vitam
aeternam. Il travaille de longues heures pour cela. À ses yeux, c'est même « une
question de vie ou de mort »… Pour chaque matière, il veut obtenir la meilleure
note. C'est une obsession, il vise l'excellence. Cette obsession se traduit par une
peur immense, béante et insurmontable de l'échec. Échouer, c'est perdre la face.
Échouer, c'est mourir.
Alors, il nourrit ce besoin d'être au top en se passionnant pour de nombreux
sujets (histoire des chevaliers, animaux marins, instruments à corde…) sur
lesquels il lit tous les ouvrages disponibles. Résultat : il n'a pas une seconde à
accorder à d'éventuels amis. D'ailleurs, il est incapable de tisser des liens avec
les enfants de son âge et ne s'adonne à aucun loisir en dehors de l'école. Jonathan
a la soif d'apprendre. Chaque fin d'année, les tableaux d'honneur et les
félicitations pleuvent. Il savoure. Jusqu'à ce qu'il quitte sa Bretagne natale pour
entrer en classe préparatoire à Paris.
On le sait, les prépas les plus prestigieuses ont un système de notation très
sévère. Jonathan ne le supportera pas. En mathématiques, ses notes chutent. Il
développe alors une importante anxiété et son humeur se fait dépressive. Il
s'isole et n'ose pas demander l'aide de ses professeurs lorsqu'il ne comprend pas
certains points du programme. Au terme de trois années laborieuses, dont une
qu'il a doublée volontairement afin d'obtenir de meilleurs résultats l'année
suivante, il intègre l'École normale supérieure. Une réussite pour le commun des
mortels, mais un semi-échec pour Jonathan, puisqu'il n'est pas arrivé premier au
concours. Il se plonge alors dans les jeux vidéo. Au bout de deux ans rivé à sa
console, il n'est plus capable de travailler efficacement et il se convainc par
avance de son échec, rongé par la culpabilité de ne plus pouvoir remettre cent
fois le métier sur l'ouvrage.
Lors de son service militaire, qu'il effectue en coopération dans un laboratoire
de physique nucléaire, il retrouve un peu le goût du travail.
Mais son perfectionnisme le rattrape, il recommence sans cesse les opérations
déjà effectuées, au lieu de passer à d'autres calculs. Il craint tellement les
erreurs… Ajoutons à cela le fait qu'il est incapable de travailler en équipe – à
moins que ses collègues ne se soumettent totalement à sa manière de faire.
Cette expérience lui fait perdre le semblant de confiance en lui qui lui restait.
De retour à Paris, il collabore trois ans dans un autre laboratoire, mais perd le
goût de tout et prend la décision de ne pas présenter les résultats de son travail de
thèse qu'il considère lui-même comme « médiocres, banals, mauvais sur certains
points et non révolutionnaires ». Encore une dépréciation de plus. Depuis,
Jonathan est au chômage, et ne recherche pas de nouvel emploi. Il a adhéré à
divers groupes de soutien dont les émotifs anonymes et… les workaholics
anonymes.

Jonathan n'a aucun antécédent médical, chirurgical ou psychiatrique
personnel. Sur le plan addictologique, il fume quinze cigarettes par jour depuis
quinze ans. Il a commencé à boire de l'alcool vers 20 ans, et sa consommation
est restée uniquement festive. Il a expérimenté le cannabis à trois reprises entre
20 et 25 ans sans ressentir d'effets particuliers.
Lors des consultations, une personnalité obsessionnelle et compulsive avec
des symptômes d'anxiété assez sévères se dessine. En complément de nos
entretiens, il passe le test de l'échelle Wart de Robinson. Le score obtenu est de
70 sur 100. Jonathan s'inscrit bien dans la définition du workaholic, décrite par
Robinson, spécialiste de cette addiction. Il parle à son thérapeute des exigences
qu'il s'impose, de son incapacité à réguler ses habitudes de travail. Il se sent
exclu de la plupart des autres activités de la vie. Jonathan se rapproche
clairement du profil du travailleur boulimique qui alterne les phases de
procrastination et de travail frénétique. Au bout de plusieurs séances, il accepte
de rentrer dans un programme de soins dédié.

II. Histoire du workaholisme

Depuis l'apparition du terme workaholisme, la littérature trouve plus d'une


dizaine de définitions. En 1971, Oates, l'un des pionniers sur cette question,
définit le workaholisme comme une addiction au travail avec une envie
compulsive ou un besoin incontrôlable de travailler incessamment. Schaef et
Fassel, en 1988, définissent le travail pathologique comme une maladie
progressivement fatale dans laquelle un sujet devient dépendant au processus de
travail. Robinson, en 1998, emploie indifféremment les termes de workaholisme
et d'addiction au travail. Il parle d'un trouble obsessionnel compulsif qui se
manifeste par des exigences auto-imposées, une incapacité à réguler ses
habitudes de travail, et un hyper-investissement qui mène à l'exclusion de la
plupart des autres activités de la vie.
1. Une définition sujette à caution

La définition la plus employée dans la littérature est certainement celle de


Spence et Robbins, datant de 1992 : le workaholic a pour caractéristique
principale le fait d'être hautement engagé dans son travail et d'y consacrer une
grande partie de son temps. Trois critères différencient les workaholics des non-
workaholics :

• ils sont très investis dans le travail,
• ils se sentent poussés ou obligés à travailler en raison de pressions internes,
• ils éprouvent peu de plaisir au travail.

Mais cette définition suscite la controverse. Ainsi, Porter, en 1996, tente de
l'améliorer en incluant explicitement le travail effréné comme un élément central
de la définition. Il évoque un investissement excessif, lié non pas aux exigences
de l'emploi, mais à des motivations personnelles, et qui se manifeste par la
négligence des aspects extraprofessionnels de la vie. Scott, Moore et Micelli, en
1997, identifient trois problèmes dans la définition proposée par Spence et
Robbins. Tout d'abord, ils soulignent qu'être très engagé dans son travail et y
consacrer une grande partie de son temps ne sont pas synonymes. La première
proposition décrit une attitude ou un état psychologique, alors que la seconde
désigne un comportement. D'autre part, l'expression « une bonne partie de son
temps » est vague et ne peut être objectivement définie. Enfin, les auteurs
s'interrogent sur le fait que tous les workaholics ne tirent pas de plaisir de leur
travail.
Voici donc la nouvelle définition qu'ils proposent : un individu est workaholic
lorsqu'il passe beaucoup de temps à travailler alors qu'il lui appartient de le faire
ou de ne pas le faire, qu'il pense constamment à son job même en dehors des
heures de bureau et qu'il travaille au-delà de ce qui est raisonnablement attendu
pour atteindre les exigences de son emploi ou pour combler ses besoins
économiques de base.

En 2001, d'autres chercheurs (McMillan et ses collaborateurs) définissent le
workaholisme comme une réticence personnelle à se désengager du travail, se
manifestant par une tendance à travailler ou à penser au travail partout et tout le
temps. Ces auteurs précisent que les approches utilisées pour définir le
workaholisme peuvent être classées en trois catégories :

• dynamique : fuir ses responsabilités vis-à-vis de ses proches tout en gagnant
l'estime de son employeur et de ses collègues,
• caractéristique : structure et importance des comportements du workaholic ;
ceci induit généralement un jugement de valeur négatif,
• opérationnelle : préciser les composants ou les comportements
caractéristiques du workaholisme.

En 2003, Harpaz et Snir évoquent le workaholisme comme un comportement
individuel durable qui attribue un temps considérable aux activités et aux
pensées liées au travail, et qui ne découle pas de nécessités externes. Cette
définition inclut l'élément central du workaholisme, à savoir un investissement
substantiel qui n'est pas corrélé à l'augmentation de la charge de travail, et qui est
décidé sans préjuger des conséquences sur l'individu lui-même et son entourage.

2. Un concept à trois dimensions

Ng, Sorensen et Feldman, en 2007, isolent deux points fondamentaux pour


cette maladie. Il s'agit de la pression interne à travailler – celle que l'individu
s'inflige – et le temps passé, aux dépens des autres activités importantes de la
vie. Ces auteurs se fondent sur le modèle théorique des addictions pour proposer
un concept du workaholisme à trois dimensions :

• la dimension affective regroupe les émotions positives liées aux activités de
travail (satisfaction, gratification) et les émotions négatives liées à l'absence de
travail (anxiété, irritabilité, culpabilité) ;
• la dimension cognitive reflète les processus intellectuels qui poussent les
workaholics à travailler à l'excès. Il s'agit principalement de la compulsion à
travailler qui figure implicitement ou explicitement dans plusieurs définitions ;
• la dimension comportementale inclut un temps de travail démesuré et son
intrusion excessive dans la vie personnelle.

Même s'il existe un dénominateur commun, les définitions du workaholisme
sont donc nombreuses et différentes. L'absence de consensus est en partie due au
fait que la recherche dans ce domaine est transdisciplinaire et touche aussi bien
la psychiatrie que la psychologie du travail.
III. Différents modèles de workaholisme

Plusieurs modèles théoriques ont été proposés afin de conceptualiser le


workaholisme.

Le modèle des addictions

L'hypothèse que le workaholisme puisse être classé parmi les addictions est
soutenue par de nombreux auteurs. Le workaholisme pourrait entraîner la
production d'adrénaline, hormone à l'origine de sensations agréables. Il existe
des analogies entre les descriptions cliniques du workaholisme et celles des
addictions aux drogues comme la cocaïne. Parmi ces analogies, on retrouve le
craving (désir compulsif), les phénomènes de tolérance (augmenter la dose pour
retrouver la sensation forte du premier effet) ou les signes de manque.
Le modèle psychologique des addictions sous-tend que l'abus d'une drogue,
quelles qu'en soient les conséquences négatives, procure manifestement un
bénéfice secondaire. Pour le workaholisme, cela suppose que les individus
retirent des bénéfices économiques ou psychosociaux de leur travail excessif. À
l'inverse, si les bénéfices de l'excès de travail peuvent être obtenus par d'autres
moyens, le sujet abandonnera le workaholisme pour déplacer son addiction sur
d'autres sources de récompense. Cette pathologie a été décrite comme l'addiction
la plus « propre », dans le sens où il est rare que d'autres dépendances, à des
drogues notamment, y soient mêlées.

Le modèle de l'apprentissage

Il existe trois modèles théoriques dans les théories de l'apprentissage : le


conditionnement simple ou classique décrit par Pavlov en 1927, le
conditionnement opérant décrit par Skinner en 1974 et l'apprentissage social
décrit par Bandura en 1977.

Le conditionnement simple ou classique


Pavlov a démontré que, chez un chien, avec le temps, la présentation répétée
d'un stimulus neutre (une sonnerie de cloche), associée à des stimuli
inconditionnels (la présentation de nourriture), pourrait avoir une réponse
également inconditionnelle, comme la salivation. Avec le temps, l'abus d'une
drogue peut être associé à de l'argent, à des endroits précis (bars, discothèques,
clubs, autres endroits pour acheter des drogues), à des personnes particulières
(d'autres consommateurs, des revendeurs), à des périodes du jour ou de la
semaine (après le travail, après une réunion importante, après un cours, les
week-ends), à des états émotionnels (solitude, ennui, bien-être). Au final, une
exposition isolée à ces facteurs est suffisante pour provoquer des cravings de
produits, souvent suivis par la consommation de drogues.

Le conditionnement opérant
Seul le modèle du conditionnement opérant a été étudié concernant le
workaholisme.
Prenons le cas des animaux de laboratoire. Afin d'obtenir les mêmes
substances que beaucoup d'addicts (cocaïne, opiacés et alcool) et parce qu'ils
trouvent l'exposition à celles-ci agréable, ils apprennent à effectuer certaines
tâches. Dans ce type de modèle, le sujet va avoir tendance à répéter les actions
qui lui paraissent avoir des conséquences bénéfiques, ou qui lui permettent
d'échapper à certaines situations désagréables. On peut consommer une drogue
parce qu'elle change son ressenti (se sentir plus puissant, énergique, euphorique,
stimulé, et/ou moins déprimé), sa pensée (« je peux faire n'importe quoi, je ne
peux m'en sortir que si je me sens défoncé »), ou son comportement (moins
inhibé, plus confiant). Les conséquences positives (et négatives) perçues lors de
l'usage de drogue varient beaucoup d'un sujet à l'autre. Ceux qui sont nés avec
des antécédents familiaux addictologiques, avec un besoin élevé de recherche
des sensations, ou avec un trouble psychiatrique comorbide, peuvent trouver
dans la drogue un renforcement particulièrement puissant.
Appliqué au workaholisme, ce modèle suggère que la personne qui s'engage
dans des comportements de travail excessif reçoit l'approbation de ses pairs,
favorisant ainsi la poursuite de ce type de comportement. Dans ce cas, la
reconnaissance des pairs est le facteur de renforcement positif, et donc de
maintien du comportement. Un exemple de renforcement négatif est
l'engagement dans le travail excessif, destiné à fuir une vie familiale déplaisante.
Ainsi, le workaholisme ne va se développer que si le travail permet d'obtenir les
bénéfices escomptés. En toute logique, la prévalence du workaholisme est plus
élevée dans les professions à hauts revenus et à responsabilités élevées, et
lorsque la vie extraprofessionnelle n'est pas satisfaisante. La théorie du
conditionnement opérant prédit que chaque individu, soumis aux facteurs de
renforcement adaptés, est susceptible de devenir workaholic.

La théorie de l'apprentissage
Appliquée au workaholisme, elle se caractérise par son optimisme. Avec des
techniques permettant d'identifier et de supprimer les facteurs de renforcement,
le workaholisme peut être aisément contrôlé. Mais cette théorie néglige les
expériences passées de l'individu, comme son enfance, ses précédentes
expériences professionnelles, alors qu'il s'agit de facteurs susceptibles de
favoriser le développement de l'addiction.

Le modèle de la personnalité

Selon la théorie de la personnalité, les comportements sont l'expression d'un


ensemble de traits. Appliqué à ce modèle, le workaholisme serait l'expression
d'un trait de personnalité sous-jacent, apparu à la fin de l'adolescence, resté
stable au cours des différentes expériences professionnelles, et exacerbé par des
stimuli environnementaux comme le stress. Ce modèle a reçu un certain support
empirique. Les principaux traits associés au workaholisme sont le caractère
consciencieux, l'incapacité à déléguer, le perfectionnisme et l'excitation. Ainsi,
une combinaison de traits sous-jacents peut fournir une explication valable au
workaholisme. Cependant, cette théorie de la personnalité implique une vision
très pessimiste pour l'avenir du patient : en admettant que le workaholisme soit
une composante de la personnalité, il sera dès lors relativement inflexible et
donc difficile à modifier.

Le maintien du workaholisme au cours du temps est le seul point d'accord
entre les trois modèles théoriques :
— Pour la théorie des addictions, les bénéfices obtenus encouragent la
poursuite des comportements en dépit de leurs désagréments.
— La théorie de l'apprentissage soutient l'idée que le workaholisme s'intègre
dans un schéma de renforcement suffisamment fort pour qu'il s'inscrive dans la
durée.
— Selon la théorie de la personnalité, des stimuli environnementaux
exacerbent le workaholisme au cours du temps.

Mais les trois théories divergent sur plusieurs thèmes :
— En termes d'évolution, la théorie de la personnalité établit que le
workaholisme, lié à une prédisposition stable dans le temps, se manifeste chez
certains individus dans toutes les sociétés. Par conséquent, le workaholisme doit
persister, même après l'arrêt de l'activité professionnelle. À l'opposé, la théorie
de l'apprentissage propose que le workaholisme soit un comportement malléable,
sensible à l'influence des schémas de renforcement. Donc le workaholisme doit
régresser avec l'arrêt de l'activité professionnelle. Selon la théorie des addictions,
le workaholisme est une maladie d'évolution progressive, potentiellement fatale.
Le risque est donc qu'une majorité de workaholics décède avant la retraite.
— La capacité de réponse au changement du workaholisme fait également
l'objet de contradictions entre les modèles théoriques évoqués. Selon la théorie
des addictions et la théorie de l'apprentissage, un autre comportement peut se
substituer au workaholisme. Il peut donc être supprimé chez des sujets motivés à
changer. Inversement, la théorie de la personnalité prédit que le workaholisme
perdure durant toute l'existence, comme une tendance rigide, ne pouvant être que
faiblement modifiée, et jamais totalement supprimée du champ des
comportements.

Au final, seules des études longitudinales sont susceptibles d'apporter une
réponse à une éventuelle prévention ou réduction de cette addiction.

IV. Différents types de workaholics

Il existe peu de données chiffrées concernant le travail pathologique. Le


workaholisme serait significativement plus élevé chez les hommes et les
travailleurs du secteur privé. Mais qu'ils soient hommes ou femmes, les victimes
du travail pathologique sont logés à la même enseigne. Idem pour les secteurs
d'activité professionnelle, qu'ils soient de type social ou commercial, la
littérature scientifique n'a pas noté de différence comportementale.
Le niveau de pression que la personne s'inflige et la satisfaction au travail
seraient plus élevés chez les femmes. En revanche, côté investissement, il n'y
aurait pas de différences entre les sexes.
Il n'existe pas un seul et unique type de workaholic mais plusieurs, chacun
possédant ses propres caractéristiques. Il est donc nécessaire de réussir à cibler le
type de personne qui vient consulter.

Décrivons ces principaux types.

Oates, qui fut le premier à définir le workaholisme, est également le premier
auteur à avoir proposé une typologie avec cinq catégories de workaholics :

• le workaholic né est un perfectionniste qui prend son travail au sérieux et
produit un travail d'excellente qualité. Il a horreur de l'incompétence chez les
autres ;
• le workaholic converti est sorti de son addiction. Il s'impose des limites,
préserve soigneusement son temps libre, et évite les heures supplémentaires ou
les surcharges de travail ;
• le workaholic situationnel travaille trop mais son but est d'atteindre une
sécurité d'emploi, pas de répondre à des besoins psychiques internes ni pour le
prestige ;
• le pseudo-workaholic possède en apparence les caractéristiques du
workaholic né. Il s'affiche comme tel afin d'avancer dans la hiérarchie de
l'organisation où il travaille. Son objectif est le pouvoir et non la productivité ;
• le workaholic fuyard trouve dans le travail une échappatoire à une vie
domestique déplaisante. Il traîne au travail pour ne pas rentrer chez lui.

Échelle du workaholisme de Naughton, 1987.

Naughton, en 1987, propose une typologie de quatre travailleurs fondée sur


deux dimensions comprenant l'engagement dans le travail et l'obsession
compulsion :
— Le workaholic investi dans son travail (haut niveau d'investissement et bas
niveau d'obsession compulsion) préfère les activités en rapport avec le travail à
toute autre. Il s'épanouit dans des emplois à haut niveau d'exigence ou dans des
situations de challenge.
— Le workaholic compulsif (haut niveau d'engagement dans le travail et
d'obsession compulsion) peut être considéré comme dépendant à son travail tant
qu'il y consacre du temps et de l'énergie. Cependant, il travaille d'une manière
dysfonctionnelle en raison de pensées et de comportements ritualisés. Il a
généralement un faible niveau de performance.
— Le non-workaholic (faible niveau d'engagement dans le travail et
d'obsession compulsion) considère le travail comme une obligation et non
comme une source d'intérêt.
— Le non-workaholic compulsif (haut niveau d'obsession compulsion et
faible niveau d'engagement dans le travail) consacre son temps et son énergie à
des activités sans lien avec le travail.

Fassel, dans une étude menée en 1990 1, distingue quatre types de workaholics,
présentant chacun des caractéristiques propres :
— Le travailleur compulsif correspond au stéréotype du workaholic. Il ressent
constamment une pression interne à travailler, enchaîne les tâches sans
interruption et est virtuellement en permanence au travail.
— Le travailleur noceur ou binge worker partage les caractéristiques du
travailleur compulsif, à la différence près qu'il travaille intensivement et sans
relâche uniquement à la fin d'un projet, et pas de manière constante. Il est
important de noter que certains travailleurs exercent des emplois qui exigent des
périodes de travail très intenses, ce qui rend les travailleurs noceurs difficiles à
identifier. Lorsque le besoin de travailler intensément devient indépendant des
exigences à court terme, alors la présence de ce type de workaholisme est
confirmée.
— Le travailleur dissimulé, en apparence normale, camoufle son addiction au
travail afin d'éviter la désapprobation de son entourage.
— Le travailleur anorexique procrastine longuement avant de travailler
efficacement. Il est tellement perfectionniste qu'il ne sait pas par où commencer.
Au terme d'une période d'inefficacité, voyant approcher l'échéance, il se jette
dans le travail jusqu'à épuisement.

Spence et Robbins, dans une étude menée en 1992, s'appuyant sur un modèle
à trois dimensions comprenant l'investissement dans le travail élevé, une
pression interne élevée et un faible plaisir au travail, proposent une classification
comprenant six types de travailleurs. Cette typologie est très utilisée.

Scott et son équipe, en 1997, proposent trois types de workaholics qui sont le
compulsif dépendant, le perfectionniste et celui orienté vers la réussite. Chacun
de ces types est considéré comme ayant des antécédents et des évolutions qui
diffèrent. Les caractéristiques de chaque type sont des variables continues, qui ne
s'excluent pas mutuellement. Chaque workaholic peut donc être une
combinaison de deux ou même des trois types. On retrouve comme matrice
commune : un temps considérable passé à travailler, une pensée constamment
tournée vers le travail, même en dehors des heures de bureau, et une productivité
fournie au-delà de ce qui est raisonnablement attendu pour atteindre les
exigences de son emploi ou pour combler ses besoins économiques de base.
— Le workaholic compulsif dépendant présente des caractéristiques de
l'addiction et du TOC (trouble obsessionnel compulsif). Ce type de personne
travaille plus longtemps que prévu initialement. Il reconnaît que c'est excessif,
mais ne peut absolument pas se contrôler. Il continue en dépit de problèmes
sociaux ou de santé.
— Le workaholic perfectionniste présente des critères de personnalité
obsessionnelle. Il ressent un besoin important de contrôle, ce qui l'amène à se
montrer rigide et inflexible. Il privilégie le travail et la productivité au détriment
des loisirs et des activités sociales. Il est préoccupé par les détails, les règles et
les listes de mots, de chiffres ou de tâches.
— Le workaholic orienté vers la réussite est perçu positivement. Il lutte pour
le succès et accomplit des tâches de difficulté moyenne. Il est motivé par la
compétition et il est capable de différer ses besoins pour se concentrer sur des
buts lointains.

Robinson a développé dans les années 2000 une typologie fondée sur la
quantité de travail achevé en fonction de la quantité de travail initiée. Cette
typologie à deux dimensions décrit quatre modèles types de workaholics.

Échelle du workaholisme de Naughton, 1987.

— Le workaholic infatigable correspond à la description d'Oates au début des


années 1970. Il est à l'initiative de grandes quantités de travail et en achève
autant. Il est compulsif et ne s'accorde jamais de repos. Le travail a plus de
valeur à ses yeux que n'importe quelle autre relation. Ce type de workaholic est
un perfectionniste pathologique, très productif, qui se montre inflexible sur le
respect des échéanciers. Il ne supporte pas l'incompétence des autres, et suscite
en général l'admiration de ses collègues.
— Le workaholic boulimique est à l'initiative de faibles quantités de travail
mais en achève une quantité élevée. Il oscille entre des phases de procrastination
et des phases de travail frénétique à la façon du travailleur anorexique de Fassel.
Son niveau de perfectionnisme est tellement élevé qu'il éprouve de grandes
difficultés à commencer son travail. Par la suite, il est capable de travailler sans
relâche des jours durant, pour tomber d'épuisement au terme de cette période de
frénésie.
— Le workaholic avec déficit de l'attention est à l'initiative de beaucoup de
travail mais en achève peu. Il est perpétuellement en quête d'adrénaline, s'ennuie
facilement et recherche constamment la stimulation. Il passe d'un projet à un
autre, sans finir les tâches entamées, afin d'obtenir un nouveau shoot
d'adrénaline.
— Le workaholic gourmet est lent et méthodique. Il n'est à l'initiative que de
peu de travail et n'en achève qu'une faible quantité. Perfectionniste, il craint en
permanence que le projet fini ne soit pas de bonne qualité. Il savoure son travail
comme un mets succulent et le prolonge indéfiniment, se créant ainsi des tâches
supplémentaires. Dans la mesure où il éprouve le plus grand mal à achever un
projet, il lui est difficile de s'atteler à de nouvelles tâches.

V. Quelles sont les conséquences de cette addiction « propre » ?

Afin de prendre ce trouble en charge, il est indispensable de connaître son


impact sur les différents aspects de la santé et de l'existence des individus. À ce
jour, la majorité des données de la littérature qui traitent de ses conséquences se
limite à des hypothèses s'appuyant sur des données cliniques. Très peu sur des
données scientifiquement validées. Rappelons celles que nous avons publiées en
2007 dans La Revue du Praticien Médecine générale, un travail sur le
workaholisme.

Des conséquences individuelles

Les conséquences individuelles du workaholisme sont nombreuses : baisse du


niveau d'épanouissement personnel, conflits dans la vie privée et au travail,
souffrances physiques, stress personnel, épuisement professionnel (burn out).
La pression personnelle que le sujet s'inflige et l'investissement qu'il met dans
le travail entravent son épanouissement.
Certaines études et plusieurs cas cliniques ont évoqué la possibilité que le
workaholisme provoque des allergies, des ulcères, des reflux gastriques, des
migraines et un surpoids. Et cela concernerait en priorité les personnes
s'infligeant de hauts niveaux de pression. Ces individus ont en effet tendance à
négliger leur santé afin de rester concentrés sur leur travail. Par conséquent, les
maladies non diagnostiquées et/ou évolutives sont plus fréquentes. Les médecins
Spence et Robbins ont observé que ces maladies non diagnostiquées étaient plus
fréquentes chez les femmes que chez les hommes. Les workaholics et les
travailleurs désenchantés, qui ont en commun une faible satisfaction au travail et
une forte pression interne, sont ceux qui expriment le plus de plaintes concernant
leur santé.

Posons un œil sur le stress qui apparaît comme l'un des facteurs de risque. Il
provient d'un déséquilibre entre les exigences perçues dans le travail et la
capacité de l'individu de faire face à ces exigences, selon l'Agence européenne
pour la sécurité et la santé au travail.
Les workaholics expriment des niveaux de stress professionnel plus élevés
que tous les autres types de travailleurs. Comme l'a souligné le chercheur
McMillan en 2001, il est difficile de déterminer si le workaholisme provoque le
stress, ou bien si le stress favorise une tendance sous-jacente au workaholisme,
ou bien encore si stress et workaholisme sont liés au travers d'une troisième autre
variable.

Un autre facteur de risque : le syndrome d'épuisement professionnel ou burn
out. Ce concept est apparu à la suite des travaux de Freudenberger 2 en 1975 et de
Maslach en 1976. Le burn out est un lent processus progressif chez le travailleur
qui cherche à faire face au stress professionnel. Pour cela, il utilise de manière
répétitive des mécanismes d'adaptation cognitive et émotionnelle. Le burn out a
trois conséquences majeures : l'épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et
la baisse du sentiment d'accomplissement personnel. Il a été trouvé une
association significative entre le workaholisme et l'épuisement émotionnel dans
un échantillon de 130 adultes hollandais.

Des conséquences familiales

Les répercussions du workaholisme ne se limitent pas à l'individu souffrant de


cette maladie, elles concernent aussi les membres de sa famille.

Selon plusieurs théories convergentes, l'addiction au travail résulterait de
dysfonctionnements au sein du système familial. Dès lors, les familles dont au
moins l'un des deux parents est workaholic connaissent inévitablement des
conflits. En effet, les parents addict au travail considèrent les membres de leur
famille comme les extensions de leur propre ego et ne souffrent pas d'être remis
en cause. La famille entière est affectée par la maladie, et développe parfois des
troubles anxieux et dépressifs. Le workaholisme dégrade les relations familiales
et engendre des conflits conjugaux. Les individus souffrant d'une forte addiction
au travail ont tendance à :

• déprécier les capacités des membres de leur famille à résoudre les
problèmes,
• estimer qu'ils ont un faible niveau de communication,
• ne pas considérer que les rôles de chacun sont clairement établis.

Les conjoints sont les premiers touchés par le workaholisme de leur
partenaire. D'autant que l'addict évite la confrontation ou utilise des
comportements passifs et agressifs, qui empêchent de nouer le dialogue…
Concernant les épouses/conjointes de workaholics, une étude a été menée par
Robinson en 2000 auprès d'une centaine d'entre elles. Il en ressort qu'elles se
sentent ignorées, négligées et mal aimées en raison de l'éloignement physique et
émotionnel du workaholic. Elles se disent en proie à la solitude et se retrouvent
souvent seules à porter le couple et à s'intéresser à l'éducation des enfants. Elles
se perçoivent comme un second choix, le travail passe avant elle. Elles réalisent
à quel point le workaholic a besoin d'être au centre de l'attention. Souvent, elles
se sentent contrôlées et manipulées. Cependant, malgré la distance, elles
considèrent leur relation comme sérieuse et intense. Alors elles usent de
stratagèmes pour attirer l'attention de leur moitié et éprouvent de la culpabilité à
vouloir plus de leur relation. Bien sûr, ces femmes ont une faible estime d'elles-
mêmes, et mettent leur conjoint sur un piédestal. Enfin, elles s'interrogent sur
leur propre santé mentale lorsqu'elles se rendent compte qu'elles continuent à
manifester des gestes de tendresse envers leurs conjoints.
C'est donc très net, le workaholisme dégrade la cohésion du couple.

Les enfants de workaholics sont également touchés par la maladie. Ils
éprouvent du ressentiment à l'égard de leurs parents, peu disponibles et
déconnectés de leur éducation. Toutefois, il est préférable que les addicts au
travail ne s'intéressent pas de trop près à leur progéniture. Lorsqu'ils le font, ils
inculquent leurs travers aux enfants, par exemple leur perfectionnisme. Les
héritiers sont vite dépassés par ces attentes et considèrent leur incapacité à
répondre au désir de leurs parents comme le signe de leur incompétence. La
première étude publiée sur les enfants de workaholics a analysé un échantillon
de 211 jeunes adultes qui ont passé un ensemble de tests évaluant leurs niveaux
d'anxiété, de dépression, leur image d'eux-mêmes et leur sentiment de maîtrise.
Les résultats indiquent que les adultes, enfants de pères workaholics, ont des
niveaux d'anxiété et de dépression plus élevés et un moindre sentiment de
maîtrise, comparé au groupe d'adultes dont les pères ne sont pas addicts au
travail. Ces résultats sont similaires à ceux retrouvés lors de la comparaison
d'enfants de pères alcooliques avec des enfants de pères non alcooliques en
1998. En revanche, en ce qui concerne les mères workaholics, leurs enfants n'ont
pas une image dégradée d'eux-mêmes, par rapport à ceux dont les mères ne sont
pas addict.

Il a également été montré des niveaux de dépression et de parentification plus
élevés dans le groupe d'enfants de workaholics que dans les autres groupes. La
parentification est un processus par lequel un enfant devient parent de ses
propres géniteurs, en sacrifiant ses besoins, afin de servir le reste de sa famille.

Des conséquences sur le milieu de travail

Les workaholics peuvent nuire aux entreprises du fait de leur dépendance et


de leur désintérêt pour les résultats globaux. Ils sont incapables de déléguer ou
de travailler correctement dans une équipe. Ils n'apprécient pas le produit de leur
travail, ne sont motivés que par la peur de l'échec et de la perte de leur statut,
sans compter qu'ils ne sont pas forcément très efficaces puisqu'ils
s'appesantissent sur des détails. Ils évitent de prendre des risques et se montrent
très autocritiques et intolérants avec leurs propres erreurs.

VI. Comment aider les workaholics ?

Il n'existe aucun traitement validé pour cette maladie. Cependant, il faut


combiner les approches thérapeutiques, prendre en charge le patient, son couple
et sa famille, dépister et traiter les problèmes associés. L'entreprise ou la société
dans laquelle travaille le sujet malade doit également rentrer dans le processus de
soins.
Bevan, en 1998, souligne que l'addiction au travail est potentiellement
réversible. Mais, du fait de sa nature, elle présente des obstacles à la guérison.
Tout d'abord, chaque individu, à l'exception de ceux financièrement privilégiés,
est obligé de travailler afin de subvenir à ses besoins. Pour cette raison,
l'abstinence totale ne peut être considérée comme une option thérapeutique dans
la majorité des cas.
D'autre part, le chemin vers la guérison est un processus qui requiert un long
travail. Le risque est alors le déplacement des addictions, le workaholic pouvant
devenir addict à sa propre guérison : il est capable de passer son temps à lire
compulsivement des ouvrages sur le sujet et à lister les actions qu'il doit
entreprendre afin de se débarrasser de sa dépendance au travail.

Utiliser des questionnaires d'autoévaluation

Les instruments de mesure comme les échelles d'évaluation ou les


questionnaires spécifiques sont utiles pour s'auto-évaluer ou aider le clinicien à
déterminer l'ampleur du problème.
Plusieurs auteurs ont développé des instruments visant à dépister et à
quantifier le workaholisme. Mais chacun s'appuie sur un concept et une
définition propre de l'addiction, en fonction du courant de pensée auquel
appartient leur auteur. Alors à vous de choisir !

Le Work addiction risk test (Wart) a été développé par Robinson en 1989. Cet
outil est validé en langue anglaise et adapté en langue française. B.E. Robinson
et B. Phillips en 1995 ont étudié la validité de contenu du Wart avec la
collaboration de vingt psychothérapeutes afin de s'assurer que les différents
items étaient bien en rapport avec l'addiction au travail. Les psychothérapeutes
devaient identifier les vingt-cinq items reliés au workaholisme parmi trente-cinq.
Le pourcentage moyen de symptômes correctement identifiés était de 89 %,
chiffre plus que correct. On peut donc considérer ce questionnaire comme fiable.
Cinq dimensions sont retrouvées dans le Wart : tendances compulsives, contrôle,
défaut de communication/auto-absorption, incapacité à déléguer, amour-propre.
Cet outil peut être utilisé en pratique clinique.

1. Je préfère faire les choses moi-même plutôt que de demander


de l'aide.
2. Je suis impatient quand je dois attendre l'aide d'un autre ou
quand une tâche prend trop de temps.
3. J'ai l'impression d'être pressé, de courir contre la montre.
4. Je suis irrité quand on m'interrompt au milieu d'une activité.
5. J'ai plusieurs fers au feu. Je suis tout le temps occupé.
6. Je fais plusieurs choses en même temps (manger, lire, répondre
au téléphone…).
7. Je m'implique trop dans mon travail. Je prends des
engagements qui dépassent mes capacités de travail.
8. Je me sens coupable quand je ne travaille pas.
9. Il est important pour moi de voir les résultats concrets de ce
que je fais.
10. Je suis plus intéressé par le résultat final de ce que je fais que
par la manière d'y arriver.
11. Les choses ne vont jamais assez vite pour moi.
12. Je perds patience quand les choses ne vont pas au rythme qui
me convient.
13. Je pose plusieurs fois les mêmes questions sans me rendre
compte que j'ai déjà une réponse.
14. Je passe beaucoup de temps à organiser mon travail et à
réfléchir à la manière dont je vais travailler.
15. Je continue à travailler alors que mes collègues ont quitté le
bureau.
16. Je suis irrité quand les personnes de mon entourage ne
correspondent pas à ce que j'attends d'elle.
17. Je suis en colère dans les situations que je ne peux pas
contrôler.
18. J'ai tendance à me mettre la pression en m'imposant des délais
quand je travaille.
19. Il m'est difficile de me détendre quand je ne travaille pas.
20. Je passe plus de temps au travail qu'en famille, avec mes amis
ou aux activités de loisirs.
21. J'aime préparer mon travail pour prendre de l'avance.
22. Je supporte mal mes erreurs, même les plus anodines.
23. Je consacre plus d'énergie à mon travail qu'à mes amis ou à
ma famille.
25. J'oublie, j'ignore ou néglige les vacances, les fêtes familiales.
26. Je prends des décisions importantes, avant d'avoir réuni tous
les éléments nécessaires pour me forger une opinion.
Chaque réponse est cotée de 1 à 4 :
1 = Jamais
2 = Parfois
3 = Souvent
4 = Toujours.
Score total obtenu en additionnant les scores de chaque
item…

Robinson établit trois niveaux de risque en fonction du score total
obtenu :
• Faible : entre 25 et 56.
• Moyen : entre 57 et 66.
• Élevé : entre 67 et 100.

Un autre instrument très employé au travers des différentes études sur le


workaholisme est la Workaholism Battery (WorkBAT) développée par Spence et
Robbins. Selon ces deux scientifiques, le workaholic se distingue par le fait
« qu'il est extrêmement engagé dans son travail, et qu'il y consacre une grande
partie de son temps ». Ces auteurs décrivent le workaholic comme un individu
qui se pousse ou s'oblige à travailler et qui éprouve peu de satisfactions dans son
travail. L'échelle WorkBAT comporte par conséquent trois sous-échelles :
l'investissement dans le travail, la pression interne à travailler et la satisfaction
au travail. Spence et Robbins (1992) ont fait passer la WorkBAT à 291
travailleurs sociaux (ainsi que d'autres échelles d'évaluation de facteurs associés
au workaholisme comme l'engagement temporel, le stress professionnel, le
perfectionnisme, la non-délégation et les plaintes liées à l'état de santé).
L'analyse par groupe des résultats a alors permis de dégager six profils de
travailleurs : les workaholics, les workaholics enthousiastes, les travailleurs
enthousiastes, les travailleurs non engagés, les travailleurs détendus, les
travailleurs désenchantés.

Les deux premiers sont considérés comme étant des sous-types de
workaholics, les quatre derniers comme des sous-types de non-workaholics.
Kanai, Wakabayashi et Fling (1996) ont fait passer une version japonaise de la
WorkBAT à un échantillon de 1 072 travailleurs à plein-temps dans des sociétés
privées. L'analyse des résultats permettait d'identifier deux dimensions : la
pression interne et la satisfaction au travail, mais omettait la dimension
« investissement dans le travail ». McMillan et ses collaborateurs ont retrouvé en
2002 des résultats similaires en testant la WorkBAT sur un échantillon de 320
travailleurs néo-zélandais. Par conséquent, une version révisée de cette échelle,
la WorkBAT-R à deux dimensions, est proposée : la pression interne à travailler
et la satisfaction au travail.

Gérer le stress

Difficile de ne pas lier stress et workaholisme, comme nous avons pu le


constater plus haut dans le chapitre. Dès lors, si le stress est pris en charge, cela
peut influer sur les symptômes de l'addiction. Les techniques de gestion du
stress, comme celle effectuée par soi-même, mettent l'accent sur le patient, les
informations qu'on lui donne et les moyens de changer. La plupart des
programmes de ce type incluent un ouvrage pratique conçu comme des guides
d'autothérapie. Les objectifs visent bien sûr à diminuer ou à éradiquer les
symptômes anxieux, physiques, émotionnels, cognitifs et comportementaux. Des
exercices concrets à faire soi-même sont proposés : relaxation, contrôle
respiratoire, gestion émotionnelle, exposition progressive à des situations
stressantes, etc. Cependant, le contact avec le thérapeute reste indispensable, ne
serait-ce que pour la formation initiale du patient et son évaluation en cours de
thérapie. Toutefois, le fait d'améliorer les capacités de gestion du stress des
workaholics fait courir un risque. En effet, des sujets devenus plus endurants au
stress sont susceptibles d'utiliser leurs nouvelles capacités à mauvais escient, afin
de supporter des charges de travail encore plus lourdes qu'auparavant. L'effet
obtenu devient alors l'inverse de ce qui était escompté. Prudence et évaluation
sont donc de mise.

Un peu de psychothérapie

Les workaholics souhaitant modifier leurs habitudes doivent nécessairement


recourir à un psychologue ou à un psychiatre. La psychothérapie est un bon
moyen d'appréhender les sentiments d'infériorité, la peur de l'échec et le
sentiment d'inutilité qui sont à l'origine de leur relation pathologique au travail.
Selon Robinson, il est important de rétablir un équilibre vie/travail satisfaisant.
Les workaholics établissent avec l'aide de leur thérapeute un programme
personnel de soins. Les sujets représentent leur vie sous la forme d'un cercle
divisé en quatre quadrants, représentant chacun des aspects de leur existence. Le
premier élément concerne l'individu lui-même et ses besoins personnels en
termes de repos, de spiritualité et d'estime de soi. Le deuxième élément est celui
de la famille, il représente les activités réalisées avec le conjoint et les enfants.
Le troisième élément est celui des loisirs, le quatrième concerne le travail.

Programme personnel de soins

Le patient inscrit tout d'abord dans un carnet thérapeutique le bilan de sa


situation actuelle en établissant le pourcentage de temps qu'il consacre à chaque
activité. Dans un second temps, il fixe ses objectifs en évaluant le temps qu'il
souhaiterait y consacrer. Le patient calcule alors la différence entre ses objectifs
et la situation actuelle. Sur la base des résultats obtenus, le patient établit pour
chaque domaine une liste de trois ou quatre actions à entreprendre afin
d'atteindre ses objectifs. La mise en œuvre de ces actions est le cœur du
programme de soins. Après avoir essayé le plan pendant une semaine, le patient
fait le bilan avec son thérapeute et décide s'il désire poursuivre sur sa lancée,
modifier son programme de soins, ou le stopper.

Et la thérapie familiale ?
La famille joue souvent un rôle important dans l'apparition du workaholisme
mais également dans sa rémission. Une structure familiale ne fonctionnant pas
bien engendre parfois ce désir des addicts de se laisser totalement absorber par
leur travail. Les familles ont alors besoin d'assistance pour découvrir et
comprendre les raisons qui poussent le workaholic à se consacrer totalement au
travail, au détriment de l'intérêt qu'il est censé porter à sa famille. Le thérapeute
peut aider les membres de la famille à faire évoluer leurs attitudes et leurs
comportements, en améliorant la communication, et en donnant à chacun la
possibilité d'exprimer ses sentiments et ses émotions. Ainsi, le rôle des membres
de la cellule familiale est clarifié, ce qui contribue ainsi à améliorer son
fonctionnement.

Comme les Alcooliques anonymes… les Workaholics anonymes

Sur le modèle des groupes d'autosupport tels les Alcooliques anonymes, un


groupe d'entraide appelé « Work Aholics Anonymes » a été créé aux États-Unis
et au Canada puis en Europe. Les réunions sont hebdomadaires et chacun vient
parler de sa relation pathologique au travail.
Les Work Aholics Anonymes proposent un programme en douze étapes
inspiré de celui des Alcooliques anonymes.

Sur le modèle des groupes Al-Anon (contraction d'Alcooliques anonymes) qui
soutiennent les membres de famille d'alcooliques, se sont également développés
des groupes Work-Anon pour l'entourage proche des workaholics.

Dépister et traiter des maladies associées

Les principales pathologies psychiatriques associées seraient la dépression et


l'aggravation de troubles anxieux (trouble panique, trouble anxieux
généralisé…).

Pour les troubles dépressifs ou anxieux, une échelle appelée HAD (Hospital
Anxiety Depression scale), mise au point par A.S. Zigmond & R.P. Snaith en
1983, est disponible. Il s'agit d'un auto-questionnaire réalisable par tous, dont les
résultats doivent être analysés par un médecin 3.

Sur le plan addictologique, il convient de savoir si la personne consomme des
substances pour se stimuler ou se doper, ou au contraire pour oublier, dormir ou
échapper au stress. Les drogues fréquemment retrouvées sont la cocaïne, les
amphétamines, l'alcool, le cannabis, les tranquillisants…

Le rôle des entreprises et de l'encadrement

Le rôle joué par les entreprises et leurs techniques de management est capital.
Certaines entreprises, du fait de leur mode de fonctionnement et de leur gestion
du personnel, favorisent l'apparition et le maintien de comportements addictifs
chez leurs employés. Les organisations qui encouragent excessivement la
compétition, brouillant les moyens de communication et forçant les salariés à se
concentrer uniquement sur des buts à court terme font le lit du workaholisme. Il
en est de même pour les structures qui promettent augmentations et promotions
en échange d'un dévouement total au travail et d'un culte de la performance
intra-entreprise.
Bien sûr, les managers se doivent de rechercher chez leurs employés un
niveau d'investissement dans le travail qui favorise la productivité, mais ce
dernier ne doit pas pour autant avoir de conséquences négatives, ni pour
l'individu ni pour l'entreprise. Ces managers doivent être capables d'identifier les
workaholics au sein de leurs équipes et de les aider à retrouver un mode de vie
plus équilibré. Le développement au sein de l'entreprise de valeurs qui font la
promotion de l'équilibre personnel et d'un mode de vie sain est une aide
importante pour tous les addicts qui veulent modifier leurs comportements de
travail.
CHAPITRE 5

Internet et les réseaux sociaux :


hypervecteur des addictions

I. L'érotomane sur réseau social

Chaque addiction a une identité propre, des caractéristiques et des enjeux qui
n'appartiennent qu'à elle. Un accro au sexe n'a pas grand-chose en commun avec
un addict aux jeux vidéo : ils n'obéissent pas aux mêmes stimuli, répondent
différemment au manque et ne réagissent pas de la même manière aux effets de
leur addiction. On retrouve bien sûr des traits psychiques saillants, comme une
certaine fragilité narcissique, mais, au fond, chaque addict évolue dans son
propre univers. Il existe cependant un dénominateur commun à toutes ces
addictions : Internet. C'est parce que l'ordinateur est allumé que l'addict verra
naître un stimulus. Via Internet, il se soulagera autant de fois qu'il le désire,
puisque la Toile est capable de répondre à son manque puissance 1000. Internet
pousse à la consommation et exacerbe les tensions déjà existantes. Ainsi, Sandra,
42 ans, a certes un terrain favorable à l'érotomanie (délire passionnel
psychotique dans lequel la personne s'imagine être aimée d'une autre) mais c'est
son usage excessif et illimité d'Internet qui a provoqué sa première crise. À l'aide
de la Toile, Sandra a pu trouver les coordonnées de l'homme convoité, lui
envoyer 400 messages en quelques minutes sur le réseau social Twitter, le
harceler sur le chat de Facebook. Car Internet, c'est aussi cela : une plate-forme
d'expression illimitée, qui, en l'occurrence, a décuplé la violence des maux de
Sandra.

Afin de mieux comprendre l'impact du Web dans ces addictions, examinons le
parcours de Sandra, cette working girl célibataire sans enfant. Madeleines
s'abstenir, l'histoire qui va suivre pourrait faire tirer des larmes aux plus coriaces.
Sandra travaille comme juriste dans un grand groupe de presse. Elle partage sa
vie entre sa famille, ses deux amies et son travail. Son emploi du temps est très
organisé : elle se lève à 6 h 45, avale une orange pressée, fait trente minutes de
gym, et attend qu'un taxi l'amène au travail, duquel elle sortira vers 20 heures.
Dès qu'elle finit sa journée de boulot, elle alterne les visites aux parents et les
soirées entre copines. Le vendredi, elle participe souvent aux after-works entre
célibataires, au cours desquels elle fait régulièrement chou blanc et, le week-end,
elle reste seule chez elle.
Sandra n'a pas toujours été célibataire. Elle a même connu l'amour fou avec un
homme marié, qui le lui rendait bien. Il projetait de quitter sa femme pour elle.
Le jour où Sandra lui annonce qu'elle est enceinte, l'homme est très fier. Cet
enfant, il le veut. Sandra aussi bien sûr. Délice d'un instant. La première
échographie du bébé est bonne, mais personne n'a le temps de s'en réjouir, le
futur père meurt le jour même dans un accident de voiture. « C'est un
traumatisme dans ma vie. Je ne pouvais plus rien faire au début, se souvient
Sandra. Tout était noir. Je n'ai même pas pu aller à son enterrement. » Sidérée
par le choc, la jeune femme décide de ne pas garder l'enfant. Ne pas revoir
l'image de l'homme aimé, ne pas se rappeler, ne pas revivre la douleur.
L'interruption volontaire de grossesse est un second coup dur. Sandra plonge
alors dans l'alcool et les tranquillisants. Puis se relève tout doucement à l'aide
d'un psychologue qu'elle consulte pendant un an.
En reprenant goût à la vie, Sandra s'achète les derniers vêtements à la mode
(« J'aime mélanger les styles et les couleurs de toutes les marques »), des sous-
vêtements (« Je suis l'évolution des choses, du string je suis passée au boxer
sexy »), des chaussures (« Mes préférées sont celles dont le talon est
rouge »).Une vraie fashion victim. Élément anodin de prime abord, mais
essentiel pour comprendre le cheminement de Sandra : elle ne quitte jamais son
Smartphone, véritable doudou, ni sa tablette tactile, autre substitut de l'enfance.
Elle est scotchée en permanence via son téléphone aux réseaux sociaux, à ses
deux boîtes e-mail, et aux textos : « Je n'aime pas trop parler au téléphone, je
préfère le côté virtuel du contact. Facebook et Twitter sont parfaits pour moi,
l'inventeur du SMS, je le remercie ! Je fais les choses plus rapidement sans
m'étaler dans l'empathie, l'émotionnel, etc. » Ces derniers mois, en rentrant du
travail, Sandra modifie ses habitudes de vie. Elle s'inscrit sur des sites de
rencontres pour célibataires mais également pour personnes mariées. « Je voulais
rencontrer le prince charmant. » Parallèlement, elle passe de nombreuses heures
à chater sur Facebook avec ses cyberami(e)s, à tweeter ses humeurs et à
commenter les brefs messages des gens célèbres et des inconnus. Ses heures de
surf sur le Net augmentent sans arrêt. Alors qu'elle s'en tenait à une navigation à
partir de chez elle, elle commence à empiéter sur son temps de travail, et à
accumuler du retard sur certains dossiers… Les prémices de l'addiction sont
posées.
Lors d'une réunion professionnelle, Sandra est assise en face de Pascal, le
directeur général d'une boîte de production. D'emblée, elle est sous le charme. Le
meeting est ponctué d'un buffet de petits-fours et de champagne. Sandra
s'enhardit et vient saluer ce directeur au détour d'une coupe. Il la fixe, la salue
poliment et la remercie pour son travail. Il lui remet sa carte professionnelle en
ajoutant qu'il sera ravi de travailler avec elle à nouveau dans le futur. Rien de
bien engageant… Pourtant, elle vit cet échange de quelques secondes comme
une révélation ! Les jours qui suivent, Sandra se persuade que cet homme est
follement amoureux d'elle : « Cette façon qu'il a eue de me fixer du regard,
c'était signé. En plus, il me donne son numéro professionnel et son mail… » se
dit-elle. Ni une, ni deux, la jeune femme fonce sur Facebook et Twitter
rechercher des informations sur lui. Elle trouve différents profils correspondant à
cet homme. Elle les demande tous en cyberamitié. Par recoupement, elle trouve
le bon profil ; mieux, il s'agit de sa fiche personnelle. Il accepte sa demande en
amitié. Elle suit également son activité professionnelle via Twitter.
La première tentative de Sandra de rentrer en contact avec Pascal se fera par
e-mail. Elle lui envoie deux messages à caractère professionnel qui restent sans
réponse. Elle réitère ses envois avec un accusé de réception. Les messages ne
sont pas lus. Agacée, elle appelle l'assistante de Pascal. Elle réussit à obtenir son
téléphone portable et son mail personnel. Pascal finit par lui répondre poliment
avec des phrases toutes faites, mais cela ne l'empêche pas d'y « percevoir de
l'amour ». Facebook devient alors une véritable arme de guerre pour Sandra. Elle
y guette l'arrivée « de son bien-aimé » et lui envoie des messages par chat qui
n'en finissent plus. Elle commence par un discours cohérent mais termine sur un
délire érotico-passionnel. Au début, Pascal répond, mais, très vite, il se lasse.
Sandra justifie l'absence de ses réponses « par l'importante charge de travail qu'il
a sur les épaules ». Elle se console en se disant : « Ce n'est pas bien grave,
j'attends. » Puis, la jeune femme se met à tweeter de manière compulsive des
histoires passionnelles, son histoire d'amour, sa vie privée, sa vie intime… Un
soir, elle passe le cap des 400 tweets. Quant aux SMS, ils fusent… Pascal en
recevra une cinquantaine par jour. Une nuit, elle dérape en envoyant plus de 350
textos en moins de six heures. Les semaines passent, Sandra espère encore…
Elle rentre enfin dans une phase de dépit où elle ne se rend plus au travail,
devient complètement insomniaque, et déprime. Elle s'enferme chez elle, et
baisse les stores.
Son médecin traitant l'arrête pour burn out (épuisement professionnel).
Terrible erreur puisqu'elle se retrouve seule chez elle avec pour unique
compagnie celle des réseaux sociaux. Elle y passe d'ailleurs le plus clair de son
temps, et ne se contrôle plus… Elle se fait signaler comme indésirable sur
Facebook par d'autres internautes, mais elle revient avec deux comptes qu'elle
alimentera à une vitesse considérable en récupérant son réseau perdu. La chasse
de Pascal n'est pas finie et, devant son absence absolue de réaction, elle décide
de le rencontrer à nouveau. Habillée comme un sac, les cheveux en bataille, elle
se plante devant son assistante et déclare avec véhémence : « C'est moi, la seule
femme légitime de cet homme. Notre union aura lieu cet été dans une
somptueuse villa comme Tony Parker et Eva Longoria… Mais nous ne finirons
pas pareils, alors laissez-moi entrer ou je vous fais virer ! » Très agitée et
agressive, Sandra est raccompagnée à la porte par la sécurité. De retour à la
maison, elle se déchaîne littéralement sur les textos, mails et envois divers via
Facebook et Twitter avec notamment des photomontages d'elle et Pascal enlacés
et des menaces de mort à l'attention de l'épouse du producteur, puis de lui-même.
C'est la goutte d'eau. Une plainte est déposée. Sandra finit par se faire
hospitaliser sur décision du représentant de l'État. Un double suivi est entrepris.
Il comprend à la fois la prise en charge du tableau d'érotomanie et celui de
l'addiction à Internet et aux réseaux sociaux.

Un mot sur l'érotomanie. Il s'agit d'une maladie délirante paranoïaque relative
à la passion amoureuse. L'érotomane est persuadé d'être aimé par la victime de
son délire. Le cinéma ne manque pas d'exemples de cette pathologie. Dans Un
frisson dans la nuit, Clint Eastwood joue le rôle d'un animateur radio en proie au
délire érotomane d'une fervente admiratrice de son show. Du côté de Clint, cet
amour n'est pas réciproque. Sa fan commence alors à se faire agressive et
dangereuse. Dans Liaison fatale, Michael Douglas, brillant avocat, a une relation
extra-conjugale avec une jeune femme, célibataire, qui tombe amoureuse de lui.
Mais sa folie la rendra particulièrement violente.
L'érotomanie est un état passionnel où la personne développe un délire qui
s'amplifie avec le temps. Le postulat délirant d'être aimé s'impose brutalement.
Cette fausse intuition est provoquée la plupart du temps par un contact avec une
personne occupant un rang social important lors d'une réunion, d'une conférence,
d'un cours, d'un dîner…. Un signal quelconque comme un regard, une poignée
de main, une attitude particulière, un sourire, un détail de vie sera interprété
comme une marque d'attirance à son égard.
L'érotomanie comprend trois phases décrites par le psychiatre Gatian de
Clérambault :

La phase d'espoir
est celle où la personne attend que l'objet du délire se déclare ouvertement. La
recherche de contacts se fait par tous les moyens de communication existants. La
personne observe l'autre à son insu, le suit dans la rue, en voiture, le prend en
photo, le filme. Elle peut lui offrir des cadeaux, lui fixer des rendez-vous, et
rester de longs moments à l'attendre devant son domicile ou son lieu de travail.
Elle devient vite obsessionnelle.

La phase de dépit
intervient quand l'objet du délire ne répond pas à ses signes d'amour.
L'érotomane rationalise alors cette absence et justifie l'absence de réponse par le
fait « d'être aimé en secret ». Cette composante du délire envahit complètement
la personne. Elle est incapable de se remettre en question et reste intimement
persuadée de ce qu'elle avance. Petit à petit, elle tombe en dépression et s'isole,
puis les émotions négatives vis-à-vis de la victime remplacent l'attente.

La phase de rancune
fait suite : la personne délirante se met à proférer des menaces. L'érotomane
fait preuve d'agressivité, de haine, émet des revendications à l'endroit de l'objet
aimé ou de son entourage proche. Les mails, les SMS, les tweets, les lettres
d'insultes peuvent fuser. L'utilisation du réseau social peut être détournée. Un
passage à l'acte hétéroagressif (envers l'autre) ou autoagressif (envers soi-même)
est possible.
II. Internet, une véritable addiction

Dans les années 1990, Internet s'est immiscé dans nos vies, et se glisse
aujourd'hui dans les moindres recoins du quotidien. Avec le Web, on consomme,
on travaille et on se divertit autrement. L'apparition des réseaux sociaux a
également modifié la donne.
En 2009, 75 % des jeunes de 12 à 17 ans et 51 % des adultes estimaient
important d'être connectés pour se sentir intégrés dans la société. Près de 75 %
des Français ont un ordinateur à domicile, la plupart ayant une connexion Web.
Les plus de 60 ans se sont également équipés en ordinateurs même les couches
sociales les plus modestes. Ajoutons à cela le développement croissant de
l'utilisation d'Internet sur les téléphones portables depuis 2009. L'arrivée des
Smartphone et des tablettes tactiles n'a fait qu'accentuer le phénomène. Le
nombre d'internautes français croît chaque année. Parmi cette population,
certains sont vulnérables et développent un tableau d'addiction, même si
quelques experts contredisent ce diagnostic, la dépendance à Internet n'étant pas
encore reconnue officiellement.

L'addiction au Web a de nombreux synonymes : cyberdépendance,
cyberaddiction, cyberaholism, addiction au Net, Internetaholism, usage
problématique d'Internet. Cette pathologie n'existe pas dans les grandes
classifications internationales des maladies. Cependant, par analogie avec les
troubles liés à l'usage des substances ou avec les jeux de hasard et d'argent, les
similitudes cliniques et comportementales sont frappantes. L'addiction à Internet
est devenue un problème croissant dans de nombreux pays comme les États-
Unis, l'Italie, l'Allemagne, la République tchèque, le Pakistan et certains pays
d'Asie comme la Corée, la Chine et Taïwan. Il est difficile d'obtenir des
estimations épidémiologiques rigoureuses mais ce problème est à l'image du
Web, c'est-à-dire mondial…

Goldberg, un psychiatre américain, a adapté en 1995 les critères de
dépendance à une substance (DSM-IV) au support qu'est Internet. La
cyberdépendance est manifeste dans le cas d'une utilisation disproportionnée et
mal adaptée d'Internet, sur une période d'au moins douze mois. Elle conduit à
une perturbation définie par 3 (ou plus) des critères suivants :

• un phénomène de tolérance. Il se manifeste par l'augmentation progressive et
marquée du temps passé en connexion afin de toujours obtenir satisfaction, ou
par le même temps passé sur Internet, mais avec une diminution marquée du
plaisir ;
• un syndrome de manque. Il se manifeste soit par un arrêt ou une réduction
d'Internet difficile à supporter dans le temps, soit par une agitation, une
excitation psychomotrice, des rêves au sujet d'Internet, une irritabilité, une
angoisse ou une tristesse…
• des répercussions sur la vie de famille, de couple, et/ou sur la vie
professionnelle ;
• le besoin de réduire, apaiser ou supprimer des symptômes de manque ;
• l'utilisation quasiquotidienne d'Internet, plus longtemps et plus souvent que
ce qui est prévu initialement ;
• un désir permanent ou la volonté de faire des efforts pour diminuer, contrôler
ou interrompre son usage d'Internet, mais toujours en vain ;
• une perte importante de temps liée à l'usage d'Internet (surf non-stop) ;
• la réduction voire l'abandon des activités familiales, routinières,
quotidiennes, sociales, récréatives ;
• la persistance de l'usage d'Internet, en dépit de la connaissance des
problèmes sociaux, occupationnels, relationnels et psychologiques, occasionnés
ou entretenus par une utilisation excessive.

L'Américaine Kimberly Young, médecin, a proposé en 1996 des critères
d'addiction à Internet. Pour cela, elle s'est servie de données cliniques évoquant
un trouble du contrôle des impulsions. Elle a également mis au point un test
évaluant l'addiction à Internet.

Êtes-vous cyberdépendant ?

Pour chaque question, vous marquez le nombre de points qui


correspond le mieux à votre choix.

0 : Jamais
1 : Rarement
2 : De temps en temps
3 : Fréquemment
4 : Souvent
5 : Toujours

— Restez-vous en ligne plus longtemps que vous n'en aviez
l'intention au départ ?
— Négligez-vous les tâches ménagères pour passer plus de temps
en ligne ?
— Préférez-vous l'excitation d'Internet à l'intimité avec votre
partenaire ?
— Avez-vous créé de nouvelles relations avec d'autres utilisateurs
en ligne ?
— Des personnes se sont-elles plaintes de vous au sujet de la
quantité de temps passée en ligne ?
— Votre travail ou votre année scolaire ont-ils été altérés à cause
de la quantité de temps passée en ligne ?
— Vérifiez-vous votre e-mail avant de faire autre chose que vous
aviez prévu de faire ?
— Votre rendement au travail ou la productivité ont-ils été altérés
à cause d'Internet ?
— Vous mettez-vous sur la défensive ou vous faites-vous discret
lorsque quelqu'un vous demande ce que vous faites en ligne ?
— Avez-vous écarté des pensées troublantes au sujet de votre vie
grâce à des pensées apaisantes d'Internet ?
— Avez-vous anticipé le moment où vous vous connecteriez ?
— Pensez-vous qu'une vie sans Internet serait ennuyeuse, vide et
sans joie ?
— Frappez-vous du poing sur la table, criez-vous ou vous sentez-
vous ennuyé si quelqu'un vous dérange pendant que vous êtes en
ligne ?
— Perdez-vous le sommeil à cause de connexions nocturnes
tardives ?
— Vous sentez-vous préoccupé par Internet lorsque vous n'êtes
pas connecté ou que vous rêveriez d'être en ligne ?
— Vous arrive-t-il de dire « juste quelques minutes de plus »
lorsque vous êtes en ligne ?
— Avez-vous essayé de réduire la quantité de temps que vous
passez en ligne sans y parvenir ?
— Avez-vous essayé de cacher le temps passé en ligne ?
— Choisissez-vous de passer plus de temps en ligne au lieu de
sortir avec des proches ?
— Vous sentez-vous déprimé, morose, nerveux lorsque vous
n'êtes pas connecté et que cela disparaît lorsque vous êtes de
retour sur la Toile ?

Faites le total.

Entre 0 et 30 points : Vous n'avez pas de problème.
Entre 21 et 49 points : Vous êtes un usager qui passe du temps sur
Internet mais vous gardez le contrôle. Attention aux abus, il existe
un risque !
Entre 50 et 79 points : Vous expérimentez des problèmes
occasionnels ou fréquents dus à Internet. Vous devriez considérer
le fait que cela pourrait avoir un impact sur votre vie.
Entre 80 et 100 points : Internet vous cause des problèmes
significatifs dans votre quotidien. Vous devriez consulter un
spécialiste.

Internet est un vecteur de différentes addictions : sexuelles, achats, jeux


d'argent et de hasard, jeux vidéo, certaines substances dopantes, médicaments.
Citons quelques cas de patients.

Philippe est cyber-porno-dépendant. Il travaille comme coursier dans une
société d'édition. Il a 35 ans et vit en concubinage ; sa fille a 2 ans. Il a toujours
aimé la pornographie, mais son amie le presse de rencontrer un médecin. Il
n'arrive plus à éjaculer lors des rapports sexuels avec sa partenaire. Ces rapports
s'éternisent et il est constamment obligé de les terminer en se masturbant. Il
n'arrive plus à travailler, passant la majorité de son temps sur Internet à surfer sur
des sites pornographiques, à se masturber via sa webcam et à chater sur des sites
de rencontre. Seule la chasse virtuelle l'excite tandis que l'éjaculation ne lui
procure plus aucun plaisir.
Nicolas, 36 ans, marié, trois enfants, est un agent immobilier travaillant à son
compte. Il a toujours joué aux cartes pour de l'argent. Au collège, il jouait à la
bataille avec des mises. Au lycée, il s'est mis à la belote. Depuis dix ans, il s'est
pris de passion pour le poker, mais de manière occasionnelle. Au bout de
cinq ans, il se met à fréquenter les cercles de jeu et gagne beaucoup d'argent.
Brusquement, il s'imagine devenir un joueur reconnu et décide de conquérir le
Web via le poker. La spirale infernale commence. Au début, il gagne mais, très
vite, il s'endette. Il passe des heures sur Internet, essaie de trouver des combines
pour gagner de l'argent, se met à boire un peu d'alcool et à fumer des cigarettes
« pour tenir le coup ». Sa femme menace de partir avec ses enfants. Rien ne
l'arrête, il continue à jouer au poker en ligne tout en perdant d'énormes sommes
d'argent.

Dans ces deux exemples, il est frappant de constater que la relation addictive à
Internet devient un terrain fertile pour les autres dépendances. Cette addiction
peut s'accompagner de problèmes psychologiques comme la dépression, les
maladies anxieuses ou les insomnies. Les conséquences diffèrent selon le type
d'addiction relayée par Internet. Pour le sexe, cela peut être l'infidélité virtuelle
ou physique, la rupture d'un couple, et des infections sexuellement
transmissibles. Pour les achats et les jeux d'argent, les conséquences financières
et familiales figurent au premier plan. Pour le sport, on retrouve l'achat de
produits dopants via le Web.

L'approche thérapeutique de l'addiction à Internet ne doit pas viser
l'abstinence, qui est impossible. Le but du traitement consiste en un usage
modéré du Web avec un contrôle de sa consommation. En parallèle, il est
nécessaire de prendre en compte l'addiction associée à Internet. Le thérapeute
doit enseigner au patient comment éviter les situations virtuelles qui risquent de
déclencher des épisodes de consommation compulsive. Par exemple, il faut
éviter de se connecter à un chat sur un site où le sujet a pris ses habitudes (site
pornographique usuel, plate-forme de jeu fétiche, etc.).
Les traitements proposés peuvent combiner plusieurs outils
psychothérapeutiques (comportemental, cognitif, psychanalytique, thérapie de
couple, etc.). Il faut non seulement traiter les addictions mais également les
problèmes de comorbidités, comme la dépression, l'anxiété sociale, les crises
d'angoisse, les tentatives de suicide, les problèmes de couple, le burn out… La
thérapie cognitive et comportementale est la forme de psychothérapie qui a
clairement démontré son efficacité dans les addictions. Il faut donc l'utiliser dans
un premier temps pour stabiliser les problèmes, une exploration psychique plus
profonde pourra être envisagée par la suite. Il n'existe aucun médicament
clairement efficace dans l'addiction à Internet.

III. Les réseaux sociaux sur Internet

Ils sont multiples et ont des noms qui vous disent sans doute quelque chose :
Facebook, Twitter, LinkedIn, Viadeo, Google Plus. Ces réseaux sociaux virtuels
agrègent, au choix, des communautés d'amis, de professionnels en tout genre ou
bien les deux. Ils sont les acteurs du Web 2.0, aussi appelé Web social, où les
internautes ne sont plus passifs derrière leur écran, mais interagissent avec les
autres, construisent leur e-réputation et surtout partagent, échangent, stockent et
modifient des informations. Ajoutons à cela la nouvelle mobilité d'Internet via
les téléphones portables et les tablettes tactiles, qui incite encore plus les usagers
à se connecter sur les réseaux sociaux. Ainsi, près de 33 % des personnes s'étant
créées un profil sur ces réseaux les consultent en dehors du domicile, tous les
jours ou presque. En 2011, ceux qui étaient sur les réseaux sociaux étaient plutôt
des jeunes hommes de catégorie socioprofessionnelle élevée. Cette tendance
semble s'inverser actuellement avec 51 % de femmes, 25 % de jeunes de 13 à
24 ans et 28 % d'internautes de 50 ans et plus.

Twitter, le réseau social de microblogging, a dépassé les 500 millions
d'utilisateurs dans le monde dont 142 aux États-Unis. Djakarta est la ville où les
internautes tweetent le plus. Twitter a réellement décollé en France en 2012
(7,3 millions de profils), à l'aune de la présidentielle, des législatives, du tweet
de Valérie Trierweiler, la compagne de François Hollande, contre la candidature
de Ségolène Royal à La Rochelle, et des jeux Olympiques avec de plus en plus
d'athlètes présents. 15 % des internautes ont un compte Twitter, et la progression
est importante. Alors que le réseau était au départ un outil de journalistes, utilisé
pour consommer et partager de l'information, il concerne dorénavant toutes les
catégories socioprofessionnelles et tous les âges. Les adolescents français sont
d'ailleurs de plus en plus nombreux à être présents sur Twitter.

Facebook est le leader des réseaux sociaux en France. Mi-2012, 26 millions de
Français y étaient inscrits sur 900 millions dans le monde. 526 millions de
personnes se connectent tous les jours. Chez les lycéens français, le réseau est
omniprésent avec 92 % de jeunes possédant un compte. Les femmes y sont très
actives. Elles alimentent sans cesse leur profil et suppriment facilement leurs
cyber-amis. Les internautes visitent surtout les fiches de leurs amis virtuels,
consultent les statuts du jour et regardent leurs photos. D'après une étude réalisée
dans une université étrangère, 9 personnes sur 10 auraient utilisé Facebook dans
l'année écoulée pour espionner leur ex-partenaire. 70 % passaient par le profil
d'un cyber-ami pour observer ce que faisait la personne. La jalousie était induite
par la publication de photos de l'ex heureux(se) avec un(e) autre et faisait naître
des conflits puérils à coups de batailles d'images. Facebook se nourrit des
informations du moment, des instants de vie (une réussite à un examen, une date
de spectacle, un repas, un décès…). Au moment où nous écrivons ce chapitre,
nous sommes en plein été et les photos de doigts de pied en éventail inondent le
réseau, voilà de quoi ravir les fétichistes !

Facebook peut-il rendre dépendant ? Les recherches sur cette question sont
encore balbutiantes, malgré la recrudescence de patients présentant cette
dépendance, associée à d'autres.

Quelques personnes ont accepté de témoigner sur la potentialité de cette
addiction.
Jean, 40 ans, employé dans l'audiovisuel, a un avis très tranché sur ceux qu'il
appelle lui-même « les addicts à Facebook ». Selon lui, ils n'admettent pas être
dépendants, parce qu'ils sont persuadés que seule une drogue peut rendre
dépendant. Or, pour Internet, la substance n'est pas matérialisable : « Certaines
personnes sont accros aux réseaux sociaux mais n'acceptent pas de le
reconnaître. Mais, enlevez-leur les Smartphone, les ordinateurs portables ou les
tablettes, ne serait-ce que deux jours, elles se sentiront coupées du monde et ne
rêveront que de retrouver leur dose, cet outil qui les reliera à la vie. Pour autant,
elles ne se considèrent pas dépendantes parce qu'elles estiment que le fait de ne
pas consommer une substance comme l'alcool, l'héro ou la coke, ne les fait pas
rentrer dans cette catégorie. On ne sniffe rien, on ne fume rien, on ne s'injecte
rien ! Mais sans outil informatique, on tourne en rond, on est en manque, on
crève d'envie de se connecter, de voir ce qui se passe. On s'invente une seconde
vie sociale virtuelle en se faisant des cyber-amis. On joue à des jeux virtuels au
point que certains vivent dans une autre réalité… »

Annie, 39 ans, informaticienne, nous raconte ce qui l'a entraîné dans une
spirale de dépendance : « Je me suis engouffrée dans Facebook voilà un an et
demi. Une tornade de plaisir voyeuriste et exhibitionniste, je l'avoue. J'ai été
happée par le système, je trouvais cela fabuleux, grisant et excitant d'entrer si
facilement en contact avec des gens de tous les coins du monde. J'y ai passé
beaucoup de temps au début sans voir les heures défiler. J'ai rapidement mis de
côté mes obligations familiales. Au travail, je restais connectée en permanence.
Je construisais mon nouveau réseau d'amis qui avaient des profils professionnels
et sociaux différents du mien. Je pouvais discuter avec des gens lambda dans le
monde entier et aussi avec mes artistes préférés… Enfin, ceux qui étaient
accessibles. J'ai renoué contact avec certains ex. Tout a basculé quand j'ai
entretenu une relation amoureuse virtuelle avec un homme. Au début, c'était
platonique puis c'est devenu du safe sex (sexe virtuel). On se masturbait par
l'intermédiaire de nos webcams. Puis le déclic est venu de mon mari qui s'est
aperçu de ce changement de comportement, de mon éloignement… Notre couple
a explosé en plein vol. J'ai fermé ce compte à jamais, il était en train de ruiner
ma vie. Aujourd'hui, nous sommes en thérapie de couple. Je croise les doigts…
Facebook est sorti de ma vie, ça m'a fait un grand vide, alors pour pallier ça, je
me suis mise sur Twitter. C'est moins prenant, moins exhibitionniste. »

Marc a 29 ans, il est interne en psychiatrie et connaît bien les enjeux de cette
nouvelle dépendance : « Le déni du problème est bien présent. Il existe au même
titre que dans les autres addictions. Certaines personnes ne reconnaissent pas y
passer plus de temps que prévu alors qu'ils perdent véritablement le contrôle. On
devient vite accro à cette nouvelle sensation, on se met à rechercher des
nouveautés, à s'épancher dans cette nouvelle forme de narcissisme virtuel… Tout
le monde vous lit, vous like, commente votre humeur du moment, vos goûts, vos
envies, vous parle en direct via le chat de Facebook. Certaines personnes se
désocialisent dans la réalité pour se construire une société virtuelle. Attention, il
faut tout de même tempérer tout cela, car tout le monde n'est pas addict. »

Des chercheurs norvégiens en psychologie ont récemment développé un
questionnaire évaluant l'addiction à Facebook (Bergen Facebook Addiction
Scale). Ils ont montré que les jeunes, les femmes et les personnes anxieuses,
socialement insecure, étaient les populations les plus à risque. Ils ont également
noté que le réseau social avait la capacité de déstructurer l'architecture du
sommeil. Inversement, les personnes à faible risque d'addiction étaient celles qui
utilisaient Facebook uniquement à visée professionnelle ou pour consolider leur
réseau.

L'addiction à Facebook est une forme clinique de la dépendance à Internet
puisqu'il rassemble un comportement répétitif, une perte de contrôle et la
poursuite de ce comportement, malgré la connaissance de ses conséquences
négatives.

Dr Cecilie Schou Andreassen et ses collaborateurs proposent donc un
questionnaire fondé sur six items. Voici une version adaptée en langue française.

Chaque item doit être coté :


1. Très rarement
2. Rarement
3. Quelquefois
4. Souvent
5. Très souvent

— Passez-vous beaucoup de temps à penser à Facebook ou à
planifier votre prochaine connexion sur Facebook ?
— Avez-vous un besoin irrésistible de vous connecter de plus en
plus sur Facebook ?
— Utilisez-vous Facebook dans le but d'oublier vos problèmes
personnels ?
— Avez-vous déjà essayé de réduire votre usage de Facebook
sans succès ?
— Devenez-vous agité(e) ou perturbé(e) si l'on vous interdit
l'accès à Facebook ?
— Utilisez-vous tellement Facebook que cela a un impact négatif
sur votre travail/votre scolarité ?

Comment obtenir votre score ?
En se fondant sur le travail réalisé par Andreassen, publié dans
Psychological Reports. Avoir répondu « souvent » ou très
« souvent » à au moins 4 des 6 questions pourrait suggérer que
vous êtes addict à Facebook.
Il n'existe pas de traitement spécifique pour une addiction à un réseau social.
L'approche thérapeutique doit être calquée sur celle utilisée pour les addictions
comportementales.

Voici quelques conseils à l'attention des jeunes, utiles pour les parents :

• parler avec son enfant des outils informatiques (ils en connaissent souvent
plus que vous !),
• mettre en avant les avantages d'une vie réelle par rapport à une vie virtuelle,
• encourager son enfant à sortir, à appeler ses ami(e)s,
• encourager son enfant à avoir des activités sportives collectives ou
individuelles, artistiques (musique, peinture, autres créations…),
• développer les capacités créatives de son enfant,
• limiter le temps passé sur Internet,
• éviter les Smartphone,
• si votre enfant a un téléphone portable, limiter son accès.

En cas de problème particulier, de changement de comportement, de
modification des résultats scolaires, il faut parler avec son enfant et ne pas
hésiter, le cas échéant, à aller voir un spécialiste en consultation.
CHAPITRE 6

Jouer pour survivre (poker, casinos et loteries…),


mauvaise pensée, magique noire

I. L'histoire de Michel le gratteur – Gagner au grattage, perdre au


tirage

Chaque jour qui passait, le père de Michel petit-déjeunait, se brossait les dents
et jouait aux cartes. Plus qu'un rituel, c'était un besoin vital. Impérieux. Lorsqu'il
apprit qu'il était ruiné, et sa famille avec, il poussa la porte du garage de sa petite
maison, la referma derrière lui, s'enroula une ceinture autour du cou et se pendit.
Laissant femme et enfants endeuillés et endettés jusqu'au cou. Alors, son fils
Michel se fit une promesse : jamais il ne jouerait. Jamais. Du moins, pas en
semaine. Car la semaine, c'est réservé aux joueurs un peu fous, comme son père.
Lui, il n'est pas comme son père, il est sérieux. Lui, il se contente de descendre
au bar-tabac en bas de chez lui les samedis ou les dimanches matin, comme ça,
pour voir les copains et passer le temps. Michel a 39 ans, deux enfants, et
travaille comme agent hospitalier dans un service de médecine reconnu, il n'a
aucune envie de foutre sa vie en l'air. Alors voilà, depuis dix ans, Michel a son
petit rituel dans ce troquet qu'il ne fréquente que le week-end : il commande un
café, achète des jeux à gratter et quelques tickets de loterie, recommande un
second petit noir après avoir poncé ses ongles sur les cases à gratter, puis, quand
sonne midi, il se siffle un demi de bière avec les amis au comptoir. La routine, le
bonheur. Bien sûr, ça lui arrive à Michel de descendre dans ce petit bar en
semaine après le boulot pour prendre l'apéro avec les collègues habitant le
quartier. Mais attention, il n'avale que quelques verres et ne gratte rien ! Il se l'est
promis. Pour lui, et puis un peu aussi pour la mémoire de son père.
Jeudi soir, le bistrot est plein, un collègue fête la naissance de son premier
enfant, l'ambiance est électrique, les tournées générales s'enchaînent. Michel est
de la partie bien sûr. Il ne manquerait ça pour rien au monde. Il a bu un peu plus
que d'habitude, alors il cuve le trop-plein dans un coin du bar. Au bout de
quelques minutes, il reprend pied, décide de revenir dans la soirée, mais, avant
cela, il découvre que le bar-tabac vient de mettre en vente des nouveaux jeux de
casino à 5 euros. Il en gratte un ; puis deux. Au troisième, sa gorge se serre, son
pouls palpite et c'est le flash euphorique ! Il vient de gagner 10 000 euros ! La
chance du débutant face à un nouveau jeu… Le lendemain, il s'offre une montre
de luxe très onéreuse, une télévision à écran géant en 3D, des jouets pour ses
enfants et invite sa femme dans un restaurant étoilé, après lui avoir fait livrer 36
roses rouges (une pour chacune de ses années).
Galvanisé par ce succès inattendu, Michel considère que le vent a tourné, que
sa bonne étoile s'est enfin révélée. Alors il ne va pas en rester là. Il revient le jour
d'après au « bar gagnant », comme il aime à le surnommer, pour tenter à nouveau
sa chance. Il gagne 500 euros pour une mise de 700 euros. « C'est pas mal, se
dit-il, j'aurais pu tout perdre, là, on peut dire que j'ai gagné. Il me manquait juste
ce petit coup de pouce en plus. Je retente demain, je sais que je l'aurai. » Et le
surlendemain, et tous les jours, plusieurs fois par jour. Michel, qu'as-tu fait de ta
promesse ? La mécanique s'emballe et il met au point des rituels de grattage très
précis auxquels il ne dérogera pas le temps que durera cette spirale. Il dépense
des sommes de plus en plus considérables pour acheter ces jeux en grande
quantité. Au début, il s'accommodait d'un seul type de jeu, même s'il en
changeait de temps en temps. Mais il finit par trouver les doses insuffisantes, et
s'initie au jeu de type Rapido qui lui procure des effets proches d'un shoot de
cocaïne. Très vite, il perd le contrôle. Une envie irrésistible de jouer s'installe en
lui, de manière permanente. « J'étais pris aux tripes… Ça venait de l'intérieur…
Une tension insoutenable… Il fallait que je joue, que je dépense de l'oseille… Je
jouissais rien qu'à l'idée d'y penser et de le faire surtout. Alors, bien sûr, je
perdais plus que je ne gagnais, mais, en fait, je ne jouais plus pour gagner. » En
effet, dès qu'il touche la moindre somme d'argent, il la réinvestit. Michel confie
alors sa vie au hasard. Il se met à arriver en retard au travail, justifie cela par des
problèmes de circulation, des lignes de métro perturbées, des convocations à
différents rendez-vous médicaux et administratifs, ou des difficultés de garde
d'enfants malades. Ils ont bon dos, les enfants. Après avoir déposé l'un des deux,
soit à l'école, soit à la crèche de son hôpital, il part souvent boire un ou plusieurs
cafés et, surtout, il joue. Les minutes de grattage, de tirage, de visionnage des
résultats sur les écrans se transforment en heures. Les cafés aussi se
métamorphosent : du noir ils passent au blanc, enfin, disons plutôt aux ballons
de vin blanc ou aux doubles pastis. Il arrive à Michel de ne pas aller au travail et
même de se faire arrêter par son médecin traitant pour asthénie importante
(fatigue physique), déprime… Il joue jusqu'à cinq à six heures par jour tous les
jours : gratter, parier, gratter, parier. Tout son salaire y passe. Sa tête aussi : il
oublie d'aller chercher sa plus jeune fille à la crèche à plusieurs reprises, sa
femme ou sa belle-mère accourant pour la récupérer en catastrophe. Sa famille se
disloque, à commencer par sa fille aînée qui lui reproche de moins s'amuser avec
elle et « de gronder plus que d'habitude ». Sa femme lui pose un ultimatum : elle
le quittera, les enfants sous le bras, s'il n'arrête pas de jouer et s'il n'est pas moins
absent. « Un peu de volonté, que diable ! » hurle-t-elle un soir.
« Perdre mes filles et ma femme ? Je ne peux pas », réalise Michel qui stoppe
ses pèlerinages au bar pendant une semaine. Mais commence alors le tourbillon
des idées noires, de la véritable fatigue, du stress, de l'irritabilité, de l'insomnie…
Une nuit, il se réveille brutalement et roule jusqu'à un casino de la région
parisienne jouer aux machines à sous. Il enchaîne au petit matin dans son bar
fétiche pour gratter du papier aléatoire.
Michel franchit alors la ligne jaune en se servant sur le compte commun, mais
aussi sur les comptes épargnes des enfants pour jouer toujours plus. Sa femme
perd toute confiance en lui. Pourtant, elle ne sait pas tout. Il a secrètement pris
trois crédits à la consommation pour restituer l'argent emprunté à des amis
proches et à des connaissances de bar. En réalité, il ne rembourse personne et
joue tout au plus vite, impulsivement. Pour trouver de l'argent, Michel n'a plus
de limites. Il vend des objets à lui et à sa famille dans les magasins de troc et
d'achats à petits prix (lecteur MP3, ordinateur portable, bijoux). Il dérobe aussi
ce qu'il trouve à l'hôpital (cafetières, écrans d'ordinateur, téléphones sans fil,
livres), pour les revendre.
Michel ne comprend pas pourquoi il ne gagne plus de grosses sommes comme
avant. Alors il s'invente des stratégies de jeu et met au point des petits rituels
avant de gratter ou de parier. Il se met aussi à abuser de l'alcool et fume de plus
en plus de cigarettes qu'il achète « à l'arrache dans le métro à la station Barbès,
dans le 18e ».
Un soir, il rentre ivre de son bar fétiche, et trouve son appartement vide. Sa
femme a laissé un mot : « Il est grand temps pour toi de reconnaître que tu es
malade et qu'il faut te faire soigner. Je ne veux plus de ce climat à la maison, je
ne veux pas que nos filles grandissent en te voyant comme ça. Je ne peux plus le
supporter. »
Électrochoc. Michel est sonné. L'image de son père lui revient en pleine face,
violent boomerang. Il prend conscience de sa folie de joueur et cherche sur
Internet des informations sur la consommation excessive de jeux. « Le départ de
ceux que j'aime le plus au monde m'a permis de reprendre pied. Les gens me
parlaient et je les entendais à nouveau. J'ai réalisé tout ce que j'avais détruit. Mon
supérieur hiérarchique m'a parlé de mes absences répétées et de mon inefficacité
au travail, ça m'a touché, moi qui étais assidu et maniaque. »
Depuis, Michel s'est rendu dans un centre spécialisé où il a suivi un
programme thérapeutique combinant psychothérapie comportementale en
séances individuelles et en groupe, prises de parole et médicaments. Ses
consommations excessives d'alcool et de tabac ont également été prises en
compte. Cela fait dix-huit mois que Michel est guéri. Il vit à nouveau avec sa
femme et ses filles et a même changé de poste. La famille envisage de
déménager en Bretagne, région qu'elle chérit. Michel se rend toujours dans son
« bar gagnant » boire un café avec ses amis. Mais il ne gratte plus rien… à part
une guitare acoustique, sa nouvelle passion. Et il a pour lui cette fierté de ne pas
être allé aussi loin que son père.

II. Différents types de jeux

Le terme « jeu » vient du mot latin jocus signifiant plaisanterie, badinage.


Mais le « jeu » d'aujourd'hui est dérivé du latin ludus, qui a donné « ludique » en
français. Le sociologue Roger Caillois, dans son livre Les Jeux et les hommes
(Gallimard, 1957), a défini le jeu comme une activité :

• libre, c'est-à-dire qu'elle doit être choisie pour conserver son caractère
ludique,
• séparée et circonscrite dans des limites d'espace et de temps,
• incertaine, l'issue n'est pas connue à l'avance,
• improductive, c'est-à-dire qu'elle ne produit ni biens, ni richesses,
• réglée (soumise à des règles qui suspendent les lois ordinaires),
• accompagnée d'une conscience fictive de la réalité seconde.

Dominique Ottavi évoque le jeu en ces termes dans Penser l'éducation,
Notions clés pour une philosophie de l'éducation 1 :
« Et si le jeu faisait partie de ce que l'on nomme la nature humaine ? Après
l'Homo erectus, l'Homo faber, l'Homo sapiens, il semble légitime de parler
d'Homo ludens pour compléter notre définition de l'Homme. Si, historiquement,
le jeu se situe davantage dans les couches aisées des sociétés humaines, nous
sommes tous des Homo ludens en puissance, et nous avons tous commencé par
être cela quand nous étions enfants… »

Le roi François Ier introduit la loterie d'État au XVIe siècle. Elle devient
permanente deux siècles plus tard sous le règne de Louis XVI. La roulette
apparaît aux États-Unis au même moment et les machines à sous cent ans après.
À partir du XIXe siècle, les casinos sont autorisés en France (Paris, villes
thermales) avec des modifications de la loi au cours des différentes décennies du
XXe siècle. Le Pari mutuel urbain (PMU) apparaît en 1931 et la Loterie nationale
se développe à la même période. Cette dernière deviendra la Française des Jeux.
Avec l'État en premier bénéficiaire, ce sont ces trois opérateurs de jeux (casinos,
PMU, Française des Jeux) qui détiennent tout le marché français.

Cinq groupes d'investissements privés (Lucien Barrière, Partouche, Tranchant,
Accor, Européenne des Casinos), sous le contrôle des ministères de l'Intérieur,
des Finances et des Collectivités locales, détiennent les casinos en France. Les
tables de jeux, la roulette et les machines à sous représentent plus de 90 % du
chiffre d'affaires des 192 casinos répartis sur le territoire national. Les adultes de
30 à 50 ans représentent plus du tiers des joueurs aux machines à sous, contre
29 % pour les moins de 30 ans et idem pour les plus de 50 ans. Environ 40 % des
inactifs et des retraités fréquentent les casinos.

Les jeux d'argent en ligne sont légaux en France depuis l'adoption de la loi du
6 avril 2010 qui ouvre le marché des jeux d'argent en ligne à la concurrence sur
le territoire français. Cette loi a permis de créer l'Autorité de régulation des jeux
en ligne (Arjel), organe indépendant chargé de réguler les jeux d'argent sur
Internet en France. L'Arjel a le pouvoir de délivrer une licence de jeu pour
rendre légal un casino en ligne sur le sol français. Elle contrôle également les
opérateurs en ligne autorisés et lutte contre les sites Web illégaux 2.
Actuellement, seule la catégorie des jeux de cercle a été autorisée, ces jeux où
les personnes jouent les unes contre les autres. Ils reposent sur le hasard et la
possibilité de modifier ses probabilités de gain en fonction de ses actions. Il est
pour le moment interdit de jouer de l'argent en ligne aux machines à sous, au
poker vidéo et aux jeux de table (blackjack, dés [craps], roulette). Cependant,
l'État français a autorisé les deux variantes de poker qui sont le Texas Hold'em
Poker et le Omaha Poker. Prochainement, les jeux comme le rami, le bridge ou
le tarot en ligne pourraient être autorisés.

Le PMU, entreprise française, est le premier opérateur de paris mutuels
hippiques en Europe et numéro 2 dans le monde. Ses principales activités sont la
conception, la promotion, la commercialisation et le traitement des paris sur les
courses de chevaux. Il est soumis aux tutelles des ministères de l'Agriculture, de
l'Économie et des Finances, et de l'Intérieur qui contrôle la régularité des paris.
Depuis l'été 2010, le PMU gère également des paris sportifs et les jeux de poker
en ligne.
L'immense majorité des parieurs sont des hommes âgés de 35 à 49 ans, issus
de milieux sociaux modestes. Plus de la moitié des joueurs réguliers parient le
week-end, 40 % jouent occasionnellement lors de grands événements hippiques
et 5 % jouent plusieurs fois par semaine.
Le tiercé, créé dans les années 1950, a été suivi d'une augmentation du
nombre de courses et d'une diversification des paris comme le Quarté ou le
Quinté. De nouveaux produits ont été lancés, comme le Quinté plus collectif, et
d'autres ont été étendus à de nouvelles courses, comme le Multi ou le 2sur4.
Deux chaînes de télévision ont également été lancées ainsi qu'un quotidien, Geny
Courses. Il existe différents moyens de parier via Internet depuis 2003 et sur
téléphone portable depuis 2006.
En 2011, le PMU a vu son chiffre d'affaires augmenter de 7,3 %, franchissant
pour la première fois la barre des 10 milliards d'euros. Les paris hippiques, fer de
lance du PMU, sont en hausse de 4,5 % et représentent plus de 95 % des ventes
de l'entreprise. Une explosion des ventes de 45 % sur Internet est également
constatée même si l'activité sur le Web reste minoritaire (13 % du chiffre
d'affaires). Pmu. fr a bénéficié de l'essor des paris en ligne après leur
libéralisation en 2010. L'activité poker et paris sportifs a respectivement
augmenté de 141 % et de 129 %.

La Française des Jeux gère le Loto, le Loto sportif, le Keno et tous les jeux de
grattage. Environ 5 millions de personnes jouent au Loto chaque semaine. En
plus d'acheter ou de jouer à tous ces jeux dans les points de vente dédiés, il est
possible maintenant d'y jouer sur Internet. Le chiffre d'affaires de la Française
des Jeux en 2011 est de 11,4 milliards d'euros contre 10,5 milliards en 2010. Le
Loto est revenu à la première place devant l'Euro Millions malgré la crise
économique actuelle. Les mises des joueurs pour les jeux de grattage (Cash,
Millionnaire, Solitaire, Vegas…) ont augmenté de 17 % à 5 milliards d'euros et
celles des jeux de tirage (Loto, Euro Millions) de 8,8 % à 3,8 milliards d'euros
par rapport à 2010.
En 2011, la Française des Jeux a reversé 3 milliards d'euros à l'État.

III. Un peu de psychologie

Les joueurs pathologiques sont caractérisés par un certain nombre de facteurs


psychologiques à étudier :

Difficultés à exprimer leurs émotions :


les joueurs excessifs ont plus de difficultés à exprimer leurs émotions. Ce
phénomène appelé alexithymie n'est pas spécifique de l'addiction aux jeux de
hasard et d'argent, on le retrouve dans de nombreuses dépendances.

Une excitation physiologique


est présente chez les joueurs réguliers, excessifs, dans les casinos (jeux de
cartes, machines à sous), dans les hippodromes (paris hippiques) ou lors de paris
sportifs. Leur fréquence cardiaque est plus élevée que les joueurs non réguliers
pendant et après le jeu. Le gain est un facteur déterminant. Il existerait un lien
entre une fréquence cardiaque élevée et les verbalisations erronées.

L'impulsivité
correspond à un trait de caractère, caractérisé par la tendance à agir de façon
spontanée, non réfléchie, et sans souci des conséquences au long cours. Elle est
fréquemment associée à la recherche de sensations et à la prise de risque.

Les distorsions cognitives


sont multiples chez les joueurs pathologiques. Elles correspondent à un
traitement incorrect des informations. Ces croyances et ces pensées dictent le
comportement du joueur, l'incitent à continuer de jouer et à tirer de mauvaises
conclusions négatives. Parmi ces distorsions cognitives, il y a ce que l'on appelle
l'illusion de contrôle, la superstition, les erreurs d'interprétation et la
surestimation de l'habileté des joueurs. Il est important d'évaluer ces distorsions
cognitives lors de la prise en charge du joueur et plus particulièrement lors de la
thérapie cognitive et comportementale.

a) L'illusion
Les premiers travaux sur l'illusion de tout pouvoir contrôler chez le joueur ont
été réalisés par Henslin en 1967. Le sociologue remarquait que les joueurs de
craps modulent leur force de lancer de dés en fonction du résultat attendu. Le
joueur lançait doucement le dé pour obtenir le chiffre 1 ou 2 et plus fortement
pour obtenir un 5 ou un 6. Une pensée magique accompagne cette logique
ludique où les joueurs s'attribuent de façon inconsciente le pouvoir d'influencer
les résultats d'un jeu. Les machines à sous ou la loterie, où le joueur a une part
active, même si elle est infime, contribuent à augmenter cette illusion de
contrôle. Selon le psychologue canadien Robert Ladouceur, le fait de choisir des
numéros dans une grille de tiercé ou de loterie produit un effet plus intense pour
le joueur que le simple fait d'acheter une grille déjà remplie (un flash). Il peut
exister une réelle part de contrôle dans les jeux, notamment avec les machines à
sous. Certaines sont vides, d'autres pleines ou se faisant remplir au fur et à
mesure par les joueurs qui les quittent progressivement et laissent la place à un
joueur chanceux. Mais, en réalité, cette sensation de contrôle est surestimée.
Certains joueurs agissent donc en fonction du hasard mêlé à des croyances
erronées.

b) La superstition
Elle est présente chez les joueurs, surtout de sexe féminin. Elle désigne la
croyance que certains actes ont toujours une conséquence positive ou négative.
Elle varie en fonction des sujets. Ce phénomène est à la fois très personnel et très
répandu. La Française des Jeux est la première à jouer de la superstition avec le
vendredi 13. Côté joueurs, le type, la couleur, l'emplacement d'une machine à
sous, une place à la roulette, le type de personnel du casino, le bar-tabac où l'on
joue, le croupier, le voisin de jeu, le jour, l'heure, la minute peuvent être investis
de manière superstitieuse.

c) Les erreurs d'interprétation
Elles sont une autre forme de distorsion cognitive comme l'erreur du joueur
face à des séquences de résultats aléatoires (si face sort cinq fois de suite, pile
devrait sortir par la suite) ou l'erreur de la série gagnante (si la couleur rouge sort
sept fois d'affilée, il faut continuer à jouer le rouge). Une variante de l'erreur du
joueur est également le fait de vouloir jouer à nouveau pour « se refaire » (si j'ai
perdu pendant dix tours à la machine à sous, je vais avoir une séquence
gagnante). Appelée en termes cliniques la chasse, cette erreur cognitive serait un
marqueur prédictif du jeu excessif.
Selon les principes de la mémoire sélective, les sujets retiennent surtout les
séquences significatives au détriment des autres. Si le résultat est donné par un
être humain ou bien par une machine, le joueur interprétera différemment ces
erreurs. D'après Ladouceur et ses collaborateurs, ces distorsions empêchent de
reconnaître qu'il existe une « indépendance entre chaque tour ».
Parmi les autres erreurs d'interprétation, on retrouve le joueur qui s'auto-
attribue rétrospectivement la capacité de prédiction d'un résultat (habileté
prédictive) ; les « presque gagnés » ou les « perdus de peu » à la machine à sous
(deux 7 qui s'affichent) ou au Quarté (le cheval misé arrive en seconde position)
qui évoquent au joueur un vrai gain qui va arriver ; la croyance que des petits
gains épars vont être à l'origine d'un gros gain.
La surestimation de l'habileté des joueurs a été étudiée. Certains se parlent
avant de jouer, lancent eux-mêmes la boule de la roulette, misent de l'argent dans
les jeux qu'ils pensent gagnants. Le savoir et la connaissance des données ont
certes un impact sur les chances de gain dans les paris hippiques et au poker et
l'habileté influence les résultats, mais la quantité d'informations fournies
n'augmente en rien le pourcentage de chances de gagner.
Les erreurs cognitives existent aussi chez les joueurs qui n'ont pas de
problème addictif et même chez les non-joueurs. Mais ces erreurs sont souvent
secondaires, l'individu rationalisant son comportement après le jeu. Et elles ne
peuvent pas tout expliquer du problème addictif de jeu. C'est surtout la prise de
risque qui va tout accélérer et les joueurs excessifs vont se mettre à miser plus
d'argent. Par ailleurs, les joueurs sans problème sont parfois mal influencés par
le discours erroné de leurs accompagnants, ce qui les pousse à augmenter la prise
de risque.

Stratégies d'évitement :
les capacités d'autorégulation ou d'autocontrôle des sujets sont également des
facteurs impliqués dans le jeu problématique ou pathologique. Les plus touchés
par le jeu recourent très souvent, plus souvent que les autres, à des stratégies
d'évitement pour contourner les problèmes (coping), alors que les non-joueurs et
les joueurs non problématiques vont utiliser ces stratégies pour résoudre des
problèmes.

IV. C'est quoi être addict aux jeux d'argent et de hasard ?

Un joueur est une personne ayant déjà joué au moins une fois dans l'année
écoulée. Tout le monde ne devient pas addict aux jeux de hasard et d'argent.
Environ 66 % de la population générale a déjà joué aux supports offerts par la
Française des Jeux. 31 millions de personnes ont misé, en 2008, au moins une
fois sur un jeu de hasard et d'argent, sachant que l'immense majorité d'entre eux
joue aux jeux proposés par la Française des Jeux. La même année, environ
6 millions de personnes ont parié dans les PMU. Les jeux au casino ne sont pas
exclus. Les Français ont d'ailleurs doublé leurs mises en vingt-cinq ans.
Notons que les hommes jouent plus que les femmes. Même si les habitudes
culturelles expliquent en partie ces différences, force est de constater que le
marketing essaie d'inverser la tendance en adaptant les offres à un public
féminin.

Analysons tout d'abord les trois typologies de joueurs à retenir.

Les joueurs occasionnels


ont une prévalence de jeu problématique de 0,1 %. La majorité des joueurs
sans risque ou à faible risque n'éprouve pas le moindre problème de
comportement susceptible de perturber les projets personnels, familiaux ou
professionnels.

Les joueurs réguliers ou habituels


jouent au moins une fois par semaine. Ils ont 6 % de « chances » de tomber
dans le jeu problématique. Plus la catégorie de risque est élevée, plus la
probabilité qu'un problème de jeu survienne augmente. Dès lors, les joueurs
réguliers présentent un risque moyen mais doivent être considérés de la même
manière que ceux à risque élevé. Par analogie clinique, ils ressemblent aux
abuseurs d'alcool (buveurs excessifs) qui constituent une certaine proportion de
la population. Ils pourraient donc développer des problèmes plus graves.

Le jeu pathologique
concerne 2 % de la population générale. Les joueurs intensifs jouent tous les
jours, une ou plusieurs fois par jour. Chez eux, le pourcentage de chances
d'évoluer vers un jeu problématique est le plus élevé (14,7 %). Les joueurs à haut
risque peuvent évoluer vers une addiction. Le risque de jeu pathologique est trois
fois plus élevé chez les personnes dépendantes à l'alcool ou à d'autres drogues et
deux fois plus chez les personnes souffrant de dépression ou de pathologies
anxieuses.
Le jeu problématique et le jeu pathologique peuvent débuter dès l'adolescence.
Les antécédents familiaux et le fait de démarrer le jeu précocement augmentent
le risque de développer une addiction au jeu.
Toutes les catégories sociales et professionnelles sont touchées. Cependant, les
ouvriers (27 % des joueurs de PMU), les employés (37 % des joueurs de la FDJ),
les inactifs sans emploi et les retraités (41 % des joueurs de casino) sont les
catégories les plus représentées.

Goodman, en 1990, publie dans le British Journal of Addiction, les critères de
l'addiction. Initialement, ces critères cliniques ont été élaborés dans le cadre de
ses travaux dans l'addiction sexuelle, mais sont applicables à toutes les autres.
L'addiction est caractérisée par le fait que la personne sait que son comportement
est nocif, connaît ses conséquences négatives, mais le poursuivra envers et
contre tout, parce qu'il espère que ce comportement lui procurera du plaisir et
soulagera ses tensions internes.
L'ensemble des critères est ainsi défini :

A. Impossibilité de résister à l'impulsion de s'engager dans le comportement.
B. Tension croissante avant d'initier le comportement.
C. Plaisir ou soulagement au moment de l'action.
D. Perte du contrôle en commençant le comportement.
E. Cinq des critères suivants ou plus :

1. Préoccupation fréquente pour le comportement ou l'activité qui prépare à
celui-ci.
2. Engagement plus intense ou plus long que prévu dans le comportement.
3. Efforts répétés pour réduire ou arrêter.
4. Temps considérable passé à réaliser le comportement.
5. Réduction des activités sociales, professionnelles, familiales du fait du
comportement.
6. L'engagement dans ce comportement empêche de remplir des obligations
sociales, familiales, professionnelles.
7. Poursuite malgré les problèmes sociaux.
8. Tolérance marquée.
9. Agitation ou irritabilité s'il est impossible de réduire le comportement.

F. Plus d'un mois de jeu ou de façon répétée pendant une longue période.

Vouloir à tout prix « se refaire » après avoir perdu de l'argent dans les
moments difficiles constitue l'un des premiers signes évocateurs d'un jeu
pathologique. Un autre signe consiste à masquer ses pertes d'argent à son
entourage, à dissimuler ses habitudes fréquentes de jeu. Le joueur ment sur ses
absences ou ses retards au travail, à la maison. Il se met à emprunter en mentant
sur le motif de ses demandes.
Le jeu pathologique s'installe progressivement sur plusieurs années, il est
classiquement décrit en trois phases qui sont le gain (winning phase), la perte
(loosing phase) et le désespoir (desperation phase).
La winning phase correspond à un moment où le joueur remporte un gain
important après avoir misé une énorme somme d'argent. Ce moment, qu'on peut
assimiler à un shoot, ne se reproduira plus jamais. Le joueur est souvent
débutant. Cette phase entraîne un tsunami émotionnel qui va laisser une trace
indélébile dans la mémoire du joueur. Les plus vulnérables feront tout pour
retrouver ce plaisir à la manière d'un héroïnomane ou d'un cocaïnomane.
La loosing phase correspond à un moment où le joueur est tellement
passionné que les pertes financières sont complètement sous-estimées ainsi que
les conséquences potentielles sur l'ensemble de sa vie. Les erreurs cognitives
sont légion (voir plus haut). Le joueur pense qu'il va « se refaire », qu'il a le
contrôle et la maîtrise des choses. En réalité, à cet instant précis, on est dans la
perte totale de contrôle.
La desperation phase ou phase de désespoir est le moment où l'allure
dépressive est la plus marquée, et où le jeu est utilisé comme un tranquillisant ou
un antidépresseur.

Six critères de jeu pathologique ont été proposés par Bergler en 1985 :

• le sujet doit jouer régulièrement ;
• il existe un optimisme non entamé par les expériences répétées d'échec ;
• il ne s'arrête jamais tant qu'il gagne ;
• il finit par prendre trop de risques, malgré les promesses initiales ;
• le jeu procure une sensation de frisson, d'excitation, à la fois plaisante et
douloureuse ;
• le joueur essaiera ensuite de retrouver ces sensations et aura des envies
irrépressibles de les ressentir.

Le jeu pathologique n'a jamais été qualifié officiellement de comportement
addictif dans les grandes classifications réalisées ces dernières années, même si
les joueurs malades en remplissent tous les critères diagnostiques.
Dans la 4e édition du manuel diagnostique et statistique (DSM-IV), publié par
l'American Psychiatric Association (APA) dans les années 2000, le jeu
pathologique faisait partie du trouble du contrôle des impulsions, c'est-à-dire une
maladie chronique et évolutive se caractérisant spécifiquement par la perte
constante ou périodique de contrôle face au jeu, une progression de la fréquence
des activités de jeu ou des sommes pariées assortie à de plus grandes
préoccupations concernant le fait de jouer et d'obtenir de l'argent pour cela, et la
persistance du jeu malgré ses conséquences négatives.
Pour être plus précis, il reste primordial de noter que l'addict recourt au jeu
pour fuir des problèmes personnels ou des sentiments qu'il ne maîtrise pas bien.
En plus de la perte de contrôle quand il joue, il développe ce que l'on appelle un
phénomène de tolérance. Il va avoir besoin de jouer plus longtemps ou de parier
plus pour augmenter son excitation. Comme conséquences de ce comportement,
le joueur addict présente différents symptômes : une anxiété, une irritabilité, une
tristesse, un repli… Ajoutons à cela les mensonges au sujet des jeux, la mise en
péril des relations familiales, de couple, ou professionnelles. L'individu peut
même s'engager dans des activités illicites et contracter de nombreuses dettes.

Dans la 5e version du manuel diagnostique et statistique (DSM-V) à paraître
en 2013, le jeu excessif ou pathologique fera vraiment partie des addictions. Il
sera défini par un comportement de jeu (gambling) persistant et récurrent sur une
année minimum. Il comprendra au moins quatre caractéristiques parmi les
suivantes :

• le joueur a besoin de jouer des sommes d'argent croissantes pour atteindre
l'état d'excitation désiré ;
• le joueur est irritable ou agité quand il ne peut pas jouer ou est stoppé dans
son activité ;
• le joueur a essayé ou tenté de manière infructueuse de contrôler, de réduire
ou d'arrêter de jouer ;
• le joueur est souvent préoccupé par le jeu (pensées persistantes qui visent à
revivre des expériences de jeu passées, planification d'un épisode de jeu, pensées
concernant les différents moyens de pouvoir gagner de l'argent ainsi que les
personnes avec qui il pourrait éventuellement jouer) ;
• le joueur utilise le jeu comme tranquillisant ou comme antidépresseur (lutte
contre le désespoir, la tristesse, l'angoisse, la culpabilité…) ;
• après avoir perdu de l'argent, le joueur retourne jouer pour se refaire ;
• le joueur ment pour dissimuler son activité de jeu ;
• le jeu addictif a eu comme conséquence la perte d'une relation significative,
notamment côté travail ;
• le joueur emprunte de l'argent auprès d'autres personnes pour remédier aux
situations financières désespérantes induites par son comportement de jeu ;
• le comportement addictif de jeu ne peut en aucun cas être expliqué par
l'existence d'autres maladies comme l'usage pathologique de drogues ou la
maniaco-dépression…

Les habitudes de vie du joueur pathologique sont forcément modifiées. Il va
moins dormir, moins bien s'alimenter, utiliser des substances pour pallier les
moments où il aura une baisse de régime. Il sera plus facilement sujet aux
attaques cardiaques ou aux troubles du rythme cardiaque. Enfin, le
retentissement du jeu sur le couple, la famille, l'entourage, le milieu
professionnel est un élément constant.

V. Tout peut se compliquer – une addiction n'arrive jamais seule


Comme je l'écrivais dans l'ouvrage Du plaisir du jeu au jeu pathologique
(Éd. Maxima) et comme l'ont rapporté les experts Inserm en 2008, le jeu
pathologique et les addictions aux produits comme l'alcool, le tabac ou les
drogues illicites (cocaïne, cannabis, amphétamines, héroïne, etc.) sont
fréquemment associés. Le risque relatif chez les joueurs pathologiques d'abuser
ou d'être dépendant d'une ou de plusieurs substances psychoactives est élevé. De
plus, la consommation de ces drogues est souvent un moyen autothérapeutique
pour lutter contre la tristesse, l'anxiété, l'irritabilité et les autres émotions
négatives liées au jeu addictif. Entre 25 et 65 % des joueurs pathologiques
consomment ou abusent de l'alcool. Inversement, les individus pris en charge
dans les services d'addictologie ont un risque multiplié par trois de présenter une
addiction au jeu. Une association très forte entre jeu pathologique et dépendance
au tabac est également retrouvée. En effet, les joueurs problématiques souffrent
plus souvent de dépendance au tabac que les joueurs récréatifs ou les sujets qui
ne jouent pas. Une consommation quotidienne et élevée de cigarettes est
également associée à une plus grande sévérité de la maladie liée au jeu. Les
autres drogues sont également un marqueur de gravité du jeu pathologique. En
effet, cocaïne et amphétamines mises à part, l'addiction aux drogues illicites
précède le plus souvent le jeu pathologique, surtout chez les hommes. Les
joueurs qui cumulent d'autres conduites addictives présentent plus de troubles
psychiatriques, qu'il s'agisse de la dépression, d'un risque suicidaire, d'un trouble
anxieux, d'un trouble de la personnalité (antisociale, obsessionnelle, évitante,
schizoïde), de troubles du comportement. Les conséquences sur leur vie sociale
sont alors décuplées.

La dépression est très fréquemment associée au jeu pathologique puisque
environ 6 % des patients ayant un trouble dépressif ont un problème de jeu.
Ainsi, plus de 50 % des joueurs pathologiques présentent un tableau dépressif.
Cette association jeu pathologique-dépression est surtout observée dans la
population féminine.
Il n'est pas rare de constater que la dépression précède la survenue du trouble
addictif lié au jeu. Cependant, le jeu ne soigne pas tout, puisque environ 20 %
des joueurs pathologiques continuent de souffrir de leur maladie dépressive. Ils
sont aussi plus sujets au suicide que l'ensemble de la population. La dépression
influe également sur la sévérité de l'addiction au jeu.
Le jeu pathologique est fréquemment associé aux troubles anxieux. Ils
comprennent :

• le trouble panique (répétition des crises d'angoisse) avec ou sans
agoraphobie,
• le trouble anxieux généralisé (anxiété excessive survenant la plupart du
temps avec une appréhension continue concernant différents aspects de la vie du
sujet, s'associant à une agitation, une irritabilité, des troubles du sommeil, des
difficultés de concentration),
• l'état de stress post-traumatique (ESPT),
• le trouble obsessionnel compulsif (TOC),
• le trouble d'anxiété sociale ou de phobie sociale (peur de se retrouver dans
une situation sociale particulière),
• la phobie spécifique (peur isolée d'une seule situation ou d'un seul objet
spécifique).

Le risque d'être joueur pathologique pour les individus souffrant d'un trouble
anxieux est deux fois plus élevé, notamment chez les personnes ayant commencé
leur addiction au jeu à l'adolescence.
De nombreux joueurs pathologiques présentent un trouble panique avec
agoraphobie. L'état de stress post-traumatique est plus associé chez certains
joueurs très impulsifs ayant des symptômes encore plus sévères. Il n'existe pas
d'association entre TOC et jeu pathologique. Cependant, ces joueurs ont des
symptômes similaires comme les obsessions et les compulsions. Les
personnalités évitantes, antisociales, ou schizoïdes sont assez présentes chez les
joueurs pathologiques. Le fait d'avoir une personnalité antisociale est très
aggravant et impliquerait une sévérité plus grande du jeu pathologique, une plus
forte association avec d'autres addictions et des conséquences médicales et
sociales plus alarmantes.

VI. Comment aider les joueurs pathologiques ?

Le traitement d'un joueur pathologique ressemble beaucoup à celui des sujets


addict aux drogues. Cependant, viser l'abstinence totale n'est pas l'objectif
principal. La meilleure option thérapeutique est de retrouver une pratique
contrôlée du jeu. Selon Robert Ladouceur, le jeu contrôlé apparaît comme une
option valide, à partir du moment où le thérapeute a suffisamment de preuves de
la possibilité pour l'addict de reprendre le contrôle de ses habitudes. Cependant,
il n'existe pas encore de consensus médical sur une définition objective du jeu
raisonné. Néanmoins, pour certains patients sévèrement dépendants, l'abstinence
totale est préférable.
L'approche multimodale intégrée semble être une solution idéale pour aider
les patients. Elle combine différents types de thérapie (de soutien,
comportementale, brève, familiale) avec des groupes de parole, des traitements
médicamenteux et une approche sociale (plan de surendettement, interdiction de
casino, etc.).

Le premier test à faire pour savoir où le sujet se situe par rapport à son
comportement de jeu est un test de repérage appelé Parier/Mentir (test Bet and
Lie). Il comprend deux questions en oui/non.
— Ressentez-vous le besoin de vous refaire une fois que vous venez de perdre
de l'argent ?
— Avez-vous déjà dû cacher des pertes d'argent à votre entourage ?
Si une réponse est positive, il faudra se faire évaluer plus précisément par un
spécialiste qui envisagera un test plus poussé appelé South Oaks Gambling
Screen (SOGS) (Lesieur et Blume, 1987 ; traduction française : Lejoyeux, 1999),
que voici :

1. Indiquez, parmi les jeux suivants, celui ou ceux auxquels vous


avez déjà joué dans votre vie. Pour chaque type de jeu, choisissez
l'une des réponses proposées.
2. Quelle est la somme la plus importante que vous ayez déjà
jouée en une seule journée ?
N'a jamais joué
1 euro ou moins
Entre 1 et 15 euro
Entre 15 et 150 euro
Entre 150 et 1 500 euro
Entre 1 500 et 15 000 euro
Plus de 15 000 euro

3. Certains membres de votre famille ont-ils eu des problèmes de
jeu ? (cochez une ou plusieurs réponses)
Père
Mère
Frères ou sœurs
Époux ou concubin
Enfants
Grands-parents
Autres parents
Ami ou personne importante de votre vie

4. À quelle fréquence retournez-vous jouer le lendemain pour
essayer de gagner à nouveau l'argent perdu la veille ?
Jamais
Quelquefois (moins de la moitié du nombre de fois où j'ai perdu)
À peu près chaque fois que je perds
Chaque fois que je perds

5. Avez-vous déjà dit avoir gagné de l'argent au jeu quand en fait
ce n'était pas réellement le cas ?
Jamais (ou je n'ai jamais joué)
Oui, moins de la moitié du nombre de fois où j'ai perdu
Oui, la plupart du temps

La suite de ce questionnaire est consultable à la fin de l'ouvrage dans la partie


Annexes (Test 3, p. 314).

À la suite des tests, le thérapeute doit créer une alliance avec le joueur
pathologique. Elle peut être compliquée au début à cause d'une prise de
conscience limitée de la gravité de l'addiction. Ne pas atteindre l'abstinence
totale dans un premier temps est une bonne passerelle pour assurer un lien avec
son patient. Une analyse fine des conditions et des types de jeux à risque
permettra de préciser les objectifs à atteindre en fonction de chacun. Il faudra
également évaluer les conséquences de cette addiction sur son entourage, sa vie
sociale, les complications psychologiques et addictives.
La prise en charge du joueur pathologique repose avant tout sur une solution
ambulatoire, c'est-à-dire un suivi en consultations dans le cadre d'un programme
de soins structuré. Une hospitalisation sera envisagée si le patient souffre d'un
trouble comme une dépression avec un risque suicidaire ou d'un syndrome de
manque sévère dans le cas d'une dépendance à l'alcool, ou si le patient a besoin
d'être en rupture avec ses conditions de vie habituelle.

Différents modèles de psychothérapie en individuel ou en groupe sont
disponibles pour ce trouble addictif. Le choix de la psychothérapie repose sur
l'histoire du trouble du patient. Ses souhaits, ses choix et ses motivations sont
pris en considération.
La thérapie cognitive et comportementale a montré son efficacité dans ce type
de maladie. Cette prise en charge se concentre sur la modification des
comportements et des cognitions liés au jeu, et sur le développement de
stratégies pour faire face aux problèmes (stratégies de coping). La thérapie
cognitive repose principalement sur la restructuration cognitive, avec les
composantes suivantes : la compréhension de la notion de loi du hasard, la
compréhension des croyances erronées du joueur, la prise de conscience des
perceptions illusoires lors du jeu et la correction cognitive de celles-ci. L'aspect
comportemental de la thérapie repose sur un apprentissage et sur la mise en
place de stratégies de coping permettant d'éviter la rechute. Comme dans toutes
les addictions, il existe un taux d'abandon en cours de thérapie. Afin de diminuer
le taux d'abandon, l'association d'une approche cognitivo-comportementale et
des techniques motivationnelles permet d'augmenter l'adhésion au traitement.

À côté de la thérapie cognitive et comportementale, la thérapie brève peut
faciliter l'accès aux soins. Elle repose essentiellement sur les principes de la
motivation au changement. Les interventions psychothérapeutiques de ce type
doivent prendre en compte les six stades de changement proposés par Prochaska
et DiClemente :

• précontemplation : la personne n'a pas encore considéré la possibilité de
changer ou n'a pas encore identifié son problème comme en étant un ;
• contemplation : intention de changement dans les six prochains mois,
conscience plus ou moins grande du problème, phase caractérisée par
l'ambivalence ;
• préparation : intention de changement dans les trente prochains jours avec,
d'ores et déjà, certains changements dans cette direction ;
• action : le but est de produire un changement dans la zone de problème,
développement du sentiment d'auto-efficacité, changement depuis moins de
six mois ;
• maintien : changement depuis plus de six mois ;
• rechute : succession de faux pas ou consommations multiples.

Voici les autres types de psychothérapie utilisés dans le jeu pathologique :
— La psychothérapie de soutien permet de renforcer l'alliance thérapeutique
et d'accompagner le joueur pathologique dans sa vie quotidienne en
l'encourageant, le rassurant, le conseillant, et le guidant. L'approche analytique
peut aider le sujet à comprendre ses problèmes au-delà du symptôme du jeu.
— La participation aux réunions du groupe d'entraide ou d'autosupport
Gamblers Anonymous (Joueurs anonymes) doit être envisagée même si elle est
embryonnaire en France. Il s'agit, comme pour les Alcooliques anonymes ou les
Narcotiques anonymes, d'un traitement en douze étapes. Le modèle est identique
à celui que nous avons évoqué dans le chapitre « Sexe en excès ». L'association
SOS Joueurs 3 en France est une aide à proposer aux patients.

Les traitements médicamenteux utilisés dans le jeu pathologique n'ont pas
d'indication officielle d'après les autorités compétentes en la matière. Les
médicaments utilisés dans le jeu pathologique servent surtout à traiter les
problèmes associés de dépression, d'anxiété ou d'addiction à d'autres substances
comme le tabac ou l'alcool.
Certaines mesures sociales peuvent être envisagées chez les joueurs en raison
des conséquences financières induites par leur comportement. Il peut s'agir d'une
interdiction d'accès dans les casinos demandée par le joueur lui-même (le joueur
figure sur un fichier « à ne pas recevoir »), d'une interdiction bancaire, d'une
interdiction de naviguer sur Internet pour les jeux en ligne, soit par auto-
exclusion volontaire, soit par impossibilité d'inscription en ligne pour les joueurs
interdits de casino. Les mesures de protection des biens comme une curatelle ou
une tutelle sont envisageables afin de protéger une personne majeure contre
toute dilapidation de son patrimoine 4.
CHAPITRE 7

Malbouffe, malaise, mal-être

I. Restriction calorique pour ivresse alcoolique massive

Dans sa course de jeune femme brillante et branchée, Helena a le vent pour


elle. À 19 ans, elle a intégré une grande école avec un an d'avance, et se range
parmi les meilleurs élèves de sa promotion. Elle pratique la danse moderne et le
tennis à un bon niveau. Elle est le centre d'attention de ses parents. Fille unique
née des suites d'une fécondation in vitro, elle était le bébé du bonheur, le ciment
du couple parental. Pendant les premiers mois de sa vie, une nounou « régleuse »
venait la nuit pour l'endormir et la veiller, laissant ainsi ses parents dormir tout
leur soûl. N'y voyez pas là une négligence ou une paresse mais plutôt le soin de
rester toujours en forme les moments où l'enfant est éveillé. Quelques mois plus
tard, la mère, directrice de casting à Londres, s'arrête de travailler, emmène sa
fille parcourir les plus grandes villes, faire du shopping de luxe et se reposer
dans les palaces. À l'époque, Helena marche à peine, mais qu'importe, sa mère la
veut près d'elle.
La petite grandit dans cet univers hors norme mais semble s'en accommoder.
À 13 ans, elle se découvre une lubie : suivre une artiste qu'elle vénère dans sa
tournée nord-américaine. Ses parents s'y opposent. C'est la seule trace de
rébellion trouvée dans son histoire. Seule trace d'autant plus minime qu'elle est
sans conséquence : Helena continue d'aligner les bonnes notes au collège, puis
au lycée. Deux très bonnes amies l'entourent, à la manière de sœurs de
substitution. Helena fume sa première cigarette et goûte son premier joint avec
elles. Un soir, sous l'emprise du cannabis, elle vit une grosse crise d'angoisse, à
tel point qu'elle n'en consommera plus jamais de sa vie ! En revanche, une
dépendance à la nicotine s'installe dès l'âge de 16 ans, période où Helena
multiplie les sorties dans les bars les plus hype, les restaurants branchés, les
boîtes à la mode. VIP partout grâce à l'influence de son père, elle est toujours
accompagnée de ses deux « TrashGirls », comme elle les appelle. Imaginez une
Paris Hilton flanquée de Nicole Richie et Lindsay Lohan à la fois… en un peu
moins provoc, certes. Lors de ces soirées, les boissons coulent plus que de raison
et c'est à ce moment-là qu'elle commence ses alcoolisations. Un an plus tard, elle
sniffe un peu de coke en soirée. Ce qui a le don de la désinhiber complètement.
En boîte de nuit, elle fait l'amour un soir, sans protection, avec un DJ et son
assistant dans les coulisses du club. Le lendemain, c'est la panique : elle court
vers un centre de dépistage anonyme et gratuit du VIH se faire examiner et
prescrire un bilan. Son médecin traitant lui permettra d'avoir la pilule du
lendemain.
Une fois ces frayeurs passées, Helena se focalise sur son corps. Devant la
glace, elle se rêve un peu plus mince. Elle qui s'entraîne des heures en salle de
sport n'est pas du genre à supporter le moindre capiton. Pas bien grosse, loin de
là, elle ne jure que par une silhouette filiforme. Pour cela, elle a une recette : un
régime à base de protéines et d'eau minérale. « C'est un peu court, jeune fille »,
lui dirait l'autre. Mais comment pourrait-elle en prendre conscience, étant donné
qu'elle n'est même pas suivie par un nutritionniste ?
Tous les vendredis soir, c'est parti pour deux jours de fêtes alcoolo-cokées
non-stop. Elle adore l'euphorie induite par la défonce. Elle s'aperçoit surtout que,
lorsqu'elle n'a rien mangé de la journée ou très peu d'aliments, elle est plus
défoncée. Avec ses copines, toujours, elle se met à consommer de l'alcool en
grandes quantités dans un temps très limité. De cinq à six verres au début, elle
atteint en quelques semaines l'équivalent d'une bouteille et demie de vodka par
soir mélangée à du jus de pomme light. Toutes ces cuites sont très ritualisées et
renforcées par la restriction alimentaire. Ce comportement d'alcoolisation
massive s'appelle le binge drinking. Associé à de l'anorexie, il a pour but de faire
perdre du poids à ses adeptes et d'être ivre plus vite en raison de la conduite du
jeûne. Helena répète alors la « formule miracle » et se met constamment en
danger avec des rapports sexuels à risque. Saoûle, elle conduit son scooter sans
casque, et certaines photos peu avantageuses commencent à circuler sur les
réseaux sociaux… Mais Helena rejoue le même scénario inlassablement,
jusqu'au jour où l'une de ses amies, Cynthia, fait un coma éthylique lors d'une
fête privée. La sentence parentale est claire : Cynthia est envoyée finir ses études
à Genève. Pour Helena, l'événement est un déclencheur : ses résultats scolaires
chutent, elle a des comportements étranges, sans doute dus aux tranquillisants
qu'elle avale les lendemains de fêtes trop arrosées. Le directeur de son école s'en
alarme et prévient le père. Celui-ci n'avait rien vu venir, la faute à ses très
fréquents déplacements. Idem pour son épouse qui attribuait ces changements
d'attitude aux soubresauts habituels de la vie sentimentale de toute adolescente.
Alertés, les parents jettent un œil aux mails d'Helena et au réseau social qu'elle
consulte tous les jours. Ils s'aperçoivent alors de l'ampleur du problème et
exigent qu'elle se fasse prendre en charge médicalement. Elle accepte et se rend
dans un centre de traitement des addictions. Bien sûr, Helena n'a aucun
symptôme de dépendance mais sa conduite de consommation excessive de
boissons alcoolisées couplée au jeûne commence à devenir délétère. Un travail
avec une psychologue est envisagé en plus du programme thérapeutique
proposé. Nous axons ce travail de soins sur la thérapie cognitive et
comportementale associée à des mesures diététiques. Un travail familial est
parallèlement réalisé par la psychologue. Deux professeurs particuliers ont été
engagés par le père d'Helena afin de la motiver à nouveau dans le travail et
d'améliorer ses résultats. Elle suit assidûment tout ce qui lui est proposé. Surtout,
elle s'est approprié ce programme thérapeutique, ce qui explique que, après
huit mois, elle n'ait plus recours au binge drinkorexie. Aujourd'hui, elle figure
parmi les premières de sa promotion.

II. Le Binge-Drinkorexie ou l'alcoolorexie, c'est quoi ?

Le binge-drinkorexie (alcoolo-défonce-orexie) est un nouveau terme branché


pour parler de conduites de restriction alimentaire combinées à des épisodes de
binge drinking chez les adolescents et les étudiants. Une étude menée par
Victoria Osborne de l'université du Missouri aux États-Unis a montré que plus de
16 % des étudiants avaient une pratique de binge drinking et d'anorexie. Le ratio
était de trois femmes pour un homme. Il s'agit en majorité d'étudiantes adeptes
du binge drinking qui multiplient les restrictions alimentaires pour affiner leur
silhouette, être ivre plus vite (en raison de la conduite de jeûne) et économiser de
l'argent pour le dépenser dans l'alcool. Manger moins pour être plus vite hors
service.
En France, selon les résultats du Baromètre Santé 2010, les épisodes d'ivresse
au cours de l'année sont passés de 15 % en 2005 à 19 % en 2010 pour les deux
sexes, tous âges confondus. Cette augmentation est particulièrement marquée
chez les jeunes femmes âgées de 18 à 25 ans. Leur usage ponctuel d'alcool en
quantités importantes est passé de 30 à 42 % en cinq ans et l'ivresse au cours de
l'année de 20 à 34 %. De plus, une augmentation de l'usage à risque ponctuel et
chronique (29 % en 2005 contre 41 % en 2010) est également constatée chez les
femmes.
Le binge drinking est défini par la consommation de verres d'alcool en moins
de deux heures : plus de quatre verres « standard » chez les femmes et plus
de cinq chez les hommes. Tout peut alors aller très vite !
Ce phénomène d'alcoolisation est répandu chez les adolescent(e)s et les jeunes
adultes. Ayant émergé au cours des vingt dernières années au Royaume-Uni, il
était tellement populaire dans ce pays que l'on a, à un moment, parlé de Binge
Britain. Dans les années 1990, l'Europe du Nord et de l'Est, puis les États-Unis
ont été touchés de plein fouet. Il n'existe pas de traduction précise en français,
même si l'on peut parler de « beuveries express », de « mines », de « défonces »,
de « cuites » ou de « blindes ».
Le binge drinking commence de nos jours vers l'âge de 13 ans pour
s'intensifier après le baccalauréat. Il reste associé à un contexte festif. Les jeunes
adultes de 18-25 ans représentent à eux seuls près de la moitié de ces buveurs
express.
Le rôle des grandes écoles et des facultés dans leur rapport à l'alcool est
particulièrement important. Le modèle des grandes écoles avec trois années de
vie sur un campus, succédant au labeur des classes préparatoires où l'ascétisme
est de mise, favorise le développement d'activités conviviales, festives et,
surtout, excessives. Activités qui ne peuvent se désolidariser de l'alcool.
Pourquoi les étudiants, une fois les concours des écoles réussis, sont-ils dans
l'immense majorité tentés par l'alcoolisation à outrance ? Pour le comprendre,
jetons un œil à leur parcours scolaire. Lors des deux années de classes
préparatoires, l'intensité de la compétition ajoutée à la pression des parents et du
corps enseignant font vivre aux étudiants une véritable épreuve de force. Ils ne
tendent qu'à un seul objectif : la réussite aux examens finaux et aux concours.
Or, cela n'est réalisable qu'à la seule condition d'avoir une vie saine, de se
coucher tôt et de boire peu ou pas. Les concours en poche, les étudiants ont alors
la sensation d'avoir affronté la face nord de l'Everest, la pression se relâche.
Dans les écoles de commerce ou d'ingénieurs qu'ils intègrent après en avoir rêvé
pendant deux ans, bien souvent, leur sont demandées des preuves de leur
émancipation, de leur désir d'ouverture et de sociabilité. On leur suggère que la
période « enfantine » est terminée, qu'il va falloir passer aux choses sérieuses. Ils
comprennent rapidement que la consommation de ce « toxique » est l'un des
marqueurs des rapports sociaux entre les étudiants. Ils apprennent alors quantité
de règles censées faire d'eux des adultes et prouver leur aptitude à la
convivialité : le savoir-boire, la capacité à tenir l'alcool, la connaissance des rites
associés à son absorption.
Les défonces express ont surtout lieu le week-end. L'industrie alcoolière a
développé des produits adaptés aux jeunes avec des noms (Desperados, Tequila,
Soho, Malibu, etc.), des goûts exotiques et branchés (Two dogs, Seagram's
Coolers, Wild Turkey Cola et Havana, Club Loco, etc.), des packagings
sophistiqués, modernes, collector… Les différences de sexe sont également
parfaitement ciblées : l'augmentation de la consommation d'alcool chez les
femmes coïncide avec l'autorisation de la publicité pour l'alcool sur Internet,
l'explosion des réseaux sociaux, celle des happy hours, l'arrivée des prémix…
Boire au féminin est devenu tendance.
Les prémix ou les alcopops sont un bel exemple de produit alcoolisé
consommé par les jeunes. Vendus en bouteilles ou en canettes colorées de 25 ou
33 centilitres, à des prix attractifs, ce sont des mélanges de soda riche en sucres
et d'alcool (vodka, rhum, whisky), à destination des jeunes. Leur teneur en alcool
est de 5 à 6 %, mais le sucre qu'elles contiennent masque le goût alcoolisé. Ces
boissons poussent souvent les plus jeunes à délaisser vins et bières. Les autres
boissons les plus consommées chez les binge drinkers sont les alcools forts,
seuls ou parfois mélangés entre eux, dans le cadre de « shots » par exemple. Un
rituel de consommation est constaté, que les jeunes assimilent à des passages
obligés vers la vie d'adulte. L'individu exécute une procédure d'absorption très
codifiée, parfois sous la houlette du grand organisateur ou d'un maître de
cérémonie. Certains s'entrecroisent les bras pour absorber les verres en même
temps, d'autres enchaînent les shots ; ils appellent cela des « tequila paf »,
lorsque l'alcool choisi est de la tequila. Ils utilisent l'espace entre le pouce et
l'index pour y déposer une pincée de sel, tapent trois fois leur verre contre la
table, le boivent, lèchent le sel sur la main et se fourrent un morceau de citron
vert dans la bouche. Ils peuvent recommencer cela autant de fois qu'il y a de
verres dans la rangée disposée devant eux, les verres formant une file, comme
des militaires au garde-à-vous. Tout ceci se déroule dans une ambiance festive,
chacun est félicité par ses copains/copines. Naît alors une auto-émulation qui
donne envie de répéter ces consommations codifiées. Le buveur express a
désormais l'impression d'appartenir à un groupe et s'amuse à épater la galerie
sans se rendre compte de l'état dans lequel il se trouve. L'influence des copains
dans ce comportement, perçu comme normal, est une donnée essentielle. Le
binge drinking ne s'accomplit jamais seul, à la différence des comportements de
dépendance alcoolique.

Nous savons que le binge drinking n'est pas sans conséquence pour la santé
physique, psychique et sociale.
Cette consommation alcoolisée façon TGV est souvent associée au tabac. En
revanche, l'usage de cannabis, de cocaïne ou d'ecstasy concerne une minorité de
binge drinkers. Les cuites express peuvent évoluer vers une dépendance
alcoolique si le comportement de consommation se poursuit après plus de
25 ans. Un tiers des hommes et 1 femme sur 7 auraient toujours recours à ce type
de pratique après 40 ans.
Ces habitudes entraînent immanquablement des complications physiques
comme les vertiges, les malaises, les traumatismes crâniens, les risques
d'infarctus du myocarde ou de maladies du pancréas.
Le binge drinking induit aussi des comportements à risque : fléchissement
scolaire, rapports sexuels non protégés, risque de viol, accidents de la route,
troubles du comportement, grossesse non désirée. Sur le plan psychiatrique, il est
associé aux troubles anxieux, aux troubles de la mémoire, de l'attention, de la
concentration, de l'apprentissage et du comportement alimentaire.
Pour revenir à la binge-drinkorexie, notons qu'elle entraîne des conséquences
sur le cerveau. À court terme, on imagine bien l'effet néfaste de la privation de
nourriture combinée aux épisodes de binge drinking chez les femmes, avec des
risques identiques à ceux du binge drinking isolé. À plus long terme, on peut
retrouver des troubles liés à une consommation excessive d'alcool ou
l'émergence de comportements alimentaires gravement chamboulés. Les
conséquences de ce type de conduite peuvent être plus graves chez les femmes
que chez les hommes en raison de différences sur le plan métabolique, tissulaire
et enzymatique. Il faut donc inscrire ce type de comportement de
consommation/restriction calorique dans les programmes de prévention chez les
jeunes. Et garder en tête que ce type de régime est très dangereux.

III. Ingurgitation massive d'aliments en cachette

Pendant ses crises, Anne-Sophie n'a plus d'estomac, plus de corps, elle est
déconnectée de sa propre chair. Ce qu'elle mange, ce ne sont pas des aliments,
mais de la bouffe, d'ailleurs peu importe qu'elle soit salée ou sucrée, elle n'en
perçoit plus la saveur. Anne-Sophie ne mange pas, elle avale, ingurgite,
engouffre tout ce qui lui tombe sous la main. Pendant ses crises, la jeune femme
n'est plus douée de raison. Pour autant, elle ne déraisonne pas, mais elle perd
tout contrôle, tout sens critique. Chacun de ces épisodes commence par un
sentiment de solitude : « Ça fait comme un vide, explique-t-elle. Je commence à
penser à tout ce que je peux manger. Il me faut une quantité massive d'aliments
hypercaloriques que je vais m'enfiler rapidement et en cachette. Je ne peux pas
me contrôler, c'est plus fort que moi. » Anne-Sophie raconte pouvoir ingurgiter
en un temps record plusieurs tablettes de chocolat, quantité de paquets de
gâteaux, un pot de rillettes, un pot de glace, une bouteille de crème fraîche
liquide… La liste des aliments est sans fin. Peu importe la qualité ou le goût.
« Je n'ai aucune volonté, j'ai honte de moi. Après je me sens mal et énorme
comme un éléphant ou une baleine. Je finis toujours par avoir envie de vomir, je
me vois comme une merde, une moins que rien… La culpabilité me ronge. Puis
je me mets les doigts dans la bouche et je dégueule. »
Sa mère est très inquiète, d'autant qu'elle l'a déjà surprise un soir, dans la
cuisine, « dévalisant le frigo et les placards ». Elle apprend alors que sa fille de
20 ans répète ce comportement environ de trois à cinq fois par semaine depuis
plusieurs mois. Son médecin traitant leur conseille une évaluation et une prise en
charge en psychiatrie/addictologie.
Anne-Sophie est l'aînée d'une fratrie de deux enfants. Elle évoque une enfance
et une adolescence sans heurts particuliers. Cette jeune femme est célibataire et
travaille comme maquilleuse dans un salon de beauté. Elle habite un
appartement de deux pièces appartenant à son grand-père. Mais, depuis six mois,
elle est retournée vivre chez ses parents : « J'avais une baisse de moral et, de
toute façon, mes parents m'ont dit que leur porte était toujours ouverte. » Elle a
quelques amies sur qui elle peut compter. Elle se définit sexuellement comme
étant bi et ne recherche pas de relation sérieuse. Son statut de sex friend ne lui
déplaît pas du tout. Côté médical, elle a comme antécédents personnels un reflux
gastro-œsophagien déjà traité et une dépendance au tabac. Elle a expérimenté la
cocaïne et les amphétamines trois mois avant de venir consulter, lors d'une partie
fine dans un club échangiste avec son amant, marié et directeur général d'une
grosse entreprise de produits cosmétiques.
Au fil des consultations, Anne-Sophie explique qu'elle sait prendre soin de son
corps. Elle fait beaucoup de course à pied, « au moins une heure par jour le
matin avant d'aller bosser et le week-end, peut-être plus… » Cette jeune femme a
déjà pris des médicaments pour maigrir par le passé. Elle pèse actuellement
60 kilogrammes pour une taille de 1,74 m. Son indice de masse corporelle est
donc complètement normal (rapport poids/taille au carré). Mais Anne-Sophie dit
ne plus vouloir rentrer ni dans les boulangeries, ni dans les pâtisseries… « Je
refuse toutes les invitations au restaurant. Cela m'obsède. » Elle a une peur bleue
de grossir et les formes de son corps ne lui plaisent pas. La jeune femme évoque
également des achats multiples de vêtements et des conduites de kleptomanie
dans les grands magasins.
Cette jeune patiente est consciente du caractère pathologique de son trouble
du comportement alimentaire. Il n'existe pas de propos délirants, ni dépressifs
dans son discours. Son examen clinique retrouve une hypertrophie des parotides
(glandes salivaires) donnant une forme de poire à son visage. En effet,
l'ingurgitation massive d'aliments souvent gras, sucrés et salés oblige les
parotides à produire de la salive en très grande quantité. En étant ainsi
continuellement sollicitées, elles finissent par se dilater. Par ailleurs, chez Anne-
Sophie, on retrouve de nombreuses caries et un trouble du cycle menstruel,
symptômes souvent rencontrés dans ce type d'addiction.

IV. La boulimie, une addiction sans produit

La boulimie est considérée comme une addiction sans drogue. Ce trouble


touche essentiellement les femmes. Sur 10 patients boulimiques, 9 sont des
femmes. Cette maladie affecte 2 % de la population féminine générale et 4 à 8 %
des étudiantes, soit environ 220 000 jeunes femmes. L'âge de début de la
maladie se situe à l'adolescence, ou bien vers 18-20 ans, périodes de la vie où
l'image du corps et l'estime de soi sont des préoccupations primordiales chez les
jeunes femmes, quel que soit leur milieu social et culturel. Dans 70 % des cas,
les patientes boulimiques ont un poids normal. Les hommes peuvent également
être concernés par cette maladie (1 cas de boulimie sur 10 est masculin).
Toute une terminologie non médicale liée aux troubles du comportement
alimentaire fleurit sur Internet comme la boulimie-binge drinking ou la
diaboulimie (boulimie chez le diabétique). Ce type de conduite existe chez le
sujet obèse ou ayant une surcharge pondérale.
La boulimie correspond à une consommation exagérée d'aliments avec perte
du contrôle des prises qui s'effectuent sans rapport avec la sensation de faim. La
maladie évolue par accès. Chaque épisode boulimique débute brutalement.
L'envie de manger est irrépressible, un vrai craving comme pour les drogues,
l'alcool ou le tabac. Il existe une ingurgitation massive et rapide d'aliments, sans
mastication, sans pause, en cachette et en dehors des repas. Les aliments choisis
sont sucrés, salés et hypercaloriques. La perte de contrôle est totale. Les crises
ont souvent lieu en fin de journée et répondent à un sentiment de solitude ou
d'ennui aggravé par la facilité à accéder au garde-manger.
Le ou la boulimique prépare souvent sa crise en allant acheter et/ou voler de la
nourriture en grosses quantités, la qualité étant accessoire. L'accès boulimique
est suivi de vomissements provoqués, devenant automatiques avec le temps. La
fin de la crise boulimique est fréquemment suivie d'un état de torpeur, de
dépersonnalisation pouvant s'accompagner de douleurs physiques, d'un
sentiment de malaise, de honte, de culpabilité, de dégoût de soi, de remords, de
reproches. La culpabilité enferme l'insatiable dans le secret. La personne
boulimique peut très bien garder pendant longtemps son problème pour elle sans
que son entourage proche (familial ou amical) en prenne conscience.
Le prix à payer pour une majorité de boulimiques est bien cher : certains
utilisent des laxatifs, des diurétiques, des anorexigènes, des substances
vomitives, des hormones thyroïdiennes, d'autres encore se font simplement
vomir, ont recours à des mâchonnements interminables ou multiplient les
activités physiques débordantes craignant en permanence de prendre du poids.
Les crises peuvent reprendre tant que persistent des aliments. La
consommation d'alcool et de drogues favorise la survenue de ces épisodes. Une
fois le malaise oublié, le trouble du comportement alimentaire est réitéré, comme
un cocaïnomane qui a épuisé sa poudre et qui y revient trois jours après, à cause
d'un violent craving. À la différence des sujets souffrant d'anorexie mentale, les
boulimiques ont conscience du fait qu'ils sont malades mais ne parviennent pas
seuls à y mettre un terme. Ils ont en général une activité sexuelle restreinte et
s'isolent affectivement.
Le retentissement physique de la boulimie est multiple et touche différents
organes. Le remplissage rapide de l'estomac provoque souvent de douloureuses
distensions abdominales. Une inflammation des muqueuses de l'œsophage et de
l'estomac est souvent constatée et peut aller jusqu'à l'apparition d'un ulcère (plaie
de la muqueuse avec désintégration de son tissu). Les vomissements répétés,
provoqués ou spontanés, entraînent parfois des troubles métaboliques graves
(baisse du potassium dans le sang avec risque cardiaque). Les voies respiratoires
sont quelquefois menacées à cause des fausses-routes qui provoquent des
infections broncho-pulmonaires. Les vomissements créent un gonflement des
glandes parotides (glandes salivaires), des caries dentaires et des crevasses aux
doigts. La vidange violente des intestins avec les laxatifs et les diurétiques peut
être source de graves désordres métaboliques. Les autres risques de la boulimie
sont des alternances de diarrhées et de constipations, une faiblesse musculaire,
un cœur qui bat moins vite, des palpitations et des troubles du cycle menstruel
(absence de règles ou saignements en dehors des périodes de règles).
La boulimie s'accompagne souvent de l'abus de drogues (alcool, tabac,
amphétamines et médicaments psychotropes), et peut s'associer à d'autres
troubles tels que les achats, les conduites sexuelles à risque, les tentatives de
suicide impulsives, la kleptomanie, les épisodes dépressifs, les troubles anxieux
et les périodes anorexiques.

Comment dépister la boulimie ?
Le questionnaire Scoff-F, fondé sur cinq questions en oui/non, permet de
détecter les troubles du comportement alimentaire comme la boulimie et
l'anorexie. Évalué sur une population féminine, ce questionnaire a montré son
efficacité en dépistant 85 % des troubles du comportement alimentaire.

— Vous êtes-vous déjà fait vomir parce que vous ne vous sentiez
pas bien « l'estomac plein » ?
— Craignez-vous d'avoir perdu le contrôle des quantités que vous
mangez ?
— Avez-vous récemment perdu plus de 6 kg en moins de trois
mois ?
— Pensez-vous que vous êtes trop gros(se) alors que les autres
vous considèrent comme trop mince ?
— Diriez-vous que la nourriture est quelque chose qui occupe une
place dominante dans votre vie ?

Deux réponses positives ou plus à l'une de ces cinq questions révèlent un


trouble et donc la nécessité de mettre en place un traitement adapté.

Différentes façons de combattre la boulimie existent. Le plus efficace est sans
doute de combiner les approches en effectuant un travail sur :

• le symptôme boulimique,
• la personne elle-même,
• la famille du boulimique.

L'alliance thérapeutique est capitale. Le (ou la) patient(e) travaillera avec
plusieurs partenaires : un psychiatre, un nutritionniste, le médecin traitant, un(e)
psychologue et l'équipe soignante d'un service spécialisé.
La thérapie cognitive et comportementale a fait ses preuves dans le traitement
de la boulimie. Elle réduit les crises et les comportements compensatoires. Dans
ce type de cure, le couple thérapeute-patient travaille à la mise en place d'une
hygiène alimentaire correcte, à savoir un équilibre entre les différents groupes
d'aliments (sucres, graisses, viandes, produits laitiers, fruits, légumes, etc.), une
réduction des aliments riches en graisses saturées (risque d'obésité, de maladies
coronariennes, cardiovasculaires et de certains cancers) et en cholestérol, des
apports énergétiques équilibrés (besoin de 2 500 à 2 700 calories pour une
activité modérée chez un homme, 2 000 calories pour une femme). Les
protides représentent de 10 à 15 % des apports énergétiques totaux (viandes,
poissons, œufs, lait). Les glucides de 50 à 55 % des apports énergétiques totaux
(la quantité de sucres simples ne doit pas dépasser 10 % des apports énergétiques
totaux) et les lipides de 30 à 35 % des apports énergétiques totaux. Il faut limiter
à 8 % les apports en graisses saturées (viande, charcuterie, produits laitiers).
Pour les graisses mono (huile d'olive) ou poly-insaturées (huile végétale,
poissons, céréales, œufs, etc.), elles correspondent à 20 % des apports non
athérogènes, c'est-à-dire non nocifs.
Un véritable travail de motivation pour changer le comportement
« vomisseur » est mis en place. Le thérapeute évoque les conséquences
physiques et psychologiques de la boulimie, l'inefficacité réelle des
vomissements et des prises de laxatifs ou d'autres médicaments pour compenser
les prises de poids, et les effets néfastes de la restriction alimentaire prolongée
ou intermittente.
La tenue d'un agenda de bord (carnet de boulimie), comme ce qui est fait dans
les addictions aux drogues ou à l'alcool, est nécessaire. L'individu note
précisément ses conduites alimentaires, les crises boulimiques (facteur
déclenchant, description de la crise, durée, fin, émotions), les comportements
compensatoires pour éviter la prise de poids, les émotions et les pensées avant et
après la crise.
Un plan alimentaire journalier est proposé aux patients. Il comprend
trois repas à heure fixe et trois collations à prendre à intervalles réguliers. Dans
cet agenda, il est nécessaire d'éviter les périodes de suralimentation et de
restriction.
Il faut lutter non seulement contre les vomissements, car ils entretiennent le
cycle infernal des crises boulimiques, mais également contre les comportements
compensatoires ou les procédures de contrôle du poids. Le thérapeute a tout
intérêt à travailler sur une restructuration des pensées automatiques et erronées,
des distorsions intellectuelles, de la rationalisation des boulimiques. Il faut
également s'intéresser aux sensations, aux émotions et aux attitudes
pathologiques liées à l'alimentation, à l'acte même de s'alimenter, au poids et aux
formes du corps. Un travail sur l'estime de soi doit être envisagé. Par ailleurs,
comme dans toutes les addictions, il existe des risques de rechute. Le patient en
est souvent conscient. Il faut donc veiller à mettre en place des stratégies
d'adaptation, de contrôle de soi et d'identification des situations à risque.

Les psychothérapies d'inspiration analytique aident le sujet à explorer son
problème au-delà du symptôme. Les thérapies familiales sont d'une grande aide
dans cette maladie car elles impliquent toute la famille dans la mise en place d'un
processus de soins.
Les antidépresseurs peuvent être prescrits afin de réduire l'aspect compulsif
des crises, et parfois pour traiter les problèmes anxieux et dépressifs sous-
jacents.
Pour aider les boulimiques à se réapproprier leur corps, les ateliers de danse,
de massage, de relooking sont de bons moyens d'y parvenir.
Les boulimiques anonymes, reposant sur le même modèle que les Alcooliques
anonymes, se réunissent dans différentes villes de France. Ces réunions fondées
sur l'expérience de guérison d'autres patients aident les nouveaux arrivants à se
sentir soutenus et à envisager leur rétablissement.

V. L'obésité : une addiction alimentaire ?

L'obésité est une maladie chronique évolutive qui touche 12 % des adultes en
France. Elle est devenue un important problème de santé publique du fait de sa
dissémination pandémique dans le monde, en lien avec un environnement
alimentaire toxique.

L'obésité correspond à un excès de masse grasse entraînant des inconvénients
pour la santé. Chez l'adulte jeune en bonne santé, la masse grasse corporelle
représente de 10 à 15 % du poids chez l'homme et de 20 à 25 % chez la femme.
La masse grasse est calculée à partir de l'indice de masse corporelle qui est
symptomatique d'un problème lorsqu'il est supérieur à 30 kg/m2 (les valeurs
normales étant comprises entre 18,5 et 24,9, pour les deux sexes). Chez les sujets
d'origine asiatique, les valeurs de l'indice de masse corporelle sont
respectivement pour le surpoids et l'obésité des valeurs supérieures ou égales à
23 kg/m2 et 25 kg/m2 car il a été constaté une augmentation du risque pour la
santé au-delà de ces chiffres.
Le tour de taille est également un marqueur d'obésité abdominale (supérieure
à 90 cm chez la femme, à 100 cm chez l'homme). La culotte de cheval chez la
femme correspond à une obésité gynoïde et la ceinture abdominale graisseuse
une obésité androïde, car plus fréquemment retrouvée chez l'homme.
L'obésité résulte d'un déséquilibre entre un apport alimentaire très ou trop
riche en calories, une activité physique insuffisante, une sédentarité, des facteurs
individuels (tempérament, personnalité…), des facteurs héréditaires, des facteurs
psychologiques (stress, anxiété, dépression, choc émotionnel…) et des facteurs
environnementaux (difficultés familiales, professionnelles…). La consommation
excessive de produits sucrés, de matières grasses ou de boissons alcoolisées
apporte beaucoup de calories. Sans oublier que les conduites de grignotage, les
prises alimentaires compulsives et les régimes yo-yo font prendre du poids, tout
comme la modification du rythme alimentaire, en sautant le petit déjeuner ou le
repas de midi.
L'histoire pondérale du patient permet d'avoir une vision globale de l'évolution
du poids au cours du temps. Plus la prise excessive de poids est précoce dans la
vie du sujet, plus le trouble risque d'être complexe.
L'obésité est source de nombreuses complications à la fois physiques,
psychologiques et sociales ; elle touche tous les organes du corps humain. Il
existe des risques de maladies cardiaques, d'hypertension artérielle, d'attaques
cérébrales, d'apnées du sommeil, de difficultés à bien respirer. On retrouve aussi
des douleurs aux dos, aux articulations, et de l'arthrose. Le risque de cancer de la
prostate et du côlon est présent chez l'homme, tandis que, chez la femme, il s'agit
surtout des cancers du sein, des ovaires et de l'utérus. Les troubles liés aux
graisses dans le sang, le diabète, les crises de goutte, l'infertilité sont associés à
l'obésité. L'hypersudation, les mycoses dans les plis de graisse sont de fréquentes
atteintes de la peau. Sur le plan psychologique, les obèses vivent souvent des
phases dépressives et d'anxiété.

Envisager l'obésité comme une addiction rompt avec les théories favorisant la
prévalence génétique et peut heurter certaines convictions. Cependant, les
derniers travaux de recherche montrent que cette hypothèse n'est pas à exclure.
Examinons dès lors les arguments susceptibles de donner du crédit à cette thèse.
Et s'il existait des similarités neurobiologiques et comportementales entre
l'addiction aux drogues, la consommation compulsive d'aliments et l'obésité ?
C'est en tout cas ce qu'ont mis en évidence les plus récentes études médicales. À
la fin des années 1950, déjà, Randolph écrivait qu'une consommation régulière et
spécifique d'un ou de plusieurs aliments pouvait produire des symptômes
addictifs. À l'époque, le maïs, le blé, le café, le lait, les œufs et les pommes de
terre étaient ces aliments dits addictogènes. De nos jours, il s'agit plutôt
d'aliments très caloriques, surdosés en sucres, sels et additifs de toutes espèces.
Le modèle de l'addiction serait donc une nouvelle piste qui permettrait
d'expliquer l'obésité et d'autres désordres alimentaires compulsifs. La nourriture
ne serait plus utilisée pour la survie de l'espèce mais uniquement pour le plaisir.
Le phénomène hédonique induit par la suralimentation serait identique à ce qui
est retrouvé lors de la consommation de certaines drogues, comme la cocaïne.
Plusieurs études montrent qu'il existe des voies cérébrales et hormonales qui
fonctionneraient différemment selon les individus. Ceci pourrait expliquer
pourquoi certaines personnes perdent le contrôle, continuent à manger de plus en
plus malgré la connaissance des conséquences négatives, pour finalement
devenir obèses. Certains messagers régulant l'appétit, comme la ghréline, le
neuropeptide Y, l'orexine ou la leptine, dysfonctionnent en cas d'obésité. Ils sont
associés au craving de l'alcool ou du tabac. Au niveau cérébral, des
modifications dopaminergiques ont été retrouvées chez les patients obèses,
comme chez les sujets dépendants aux drogues, à l'alcool ou à la nicotine.
Des études de neuro-imagerie cérébrale fonctionnelle ont révélé que des
aliments touchant agréablement les différents sens (goût, odorat ou vue)
renforcent la fréquence du comportement addictif comme pour les drogues
(cocaïne, opiacés, cannabis…). Les modifications des informations cérébrales
observées dans l'obésité sont également retrouvées dans de nombreux autres
types d'addiction. De plus, la suralimentation et l'obésité peuvent devenir un
comportement acquis similaire à celui retrouvé dans l'addiction aux drogues en
ce qui concerne les désordres motivationnels et le craving, cette envie irrésistible
de consommer. Le désir et la satisfaction persistante surviennent après une
exposition répétée et précoce aux stimuli. Le besoin de manger pour se nourrir et
la relative faiblesse du signal de satiété pourraient causer un déséquilibre dans le
fonctionnement et la régulation des centres cérébraux de la récompense, de la
faim et des comportements.
La prévalence de l'addiction alimentaire est particulièrement élevée chez les
patients obèses avec ou sans grave désordre lié à la nourriture (binge eating
disorder).
Un questionnaire permettant d'évaluer l'addiction alimentaire a été développé
par Gearhardt et ses collaborateurs en 2009. Il s'agit de la Yale Food Addiction
Scale. Nous en proposons une traduction française appelée « Échelle d'addiction
alimentaire ».

L'évaluation se fait sur les douze derniers mois.


Pour les questions 1 à 24, l'évaluation se fait ainsi :
Jamais = 0
Une fois par mois = 1
De 2 à 4 fois par mois = 2
2 ou 3 fois par semaine = 3
4 fois ou plus quotidiennement = 4

Des points sont attribués à chaque réponse :
1. Quand je commence à manger certains types d'aliments, je finis
par en manger plus que prévu.
2. Je me retrouve souvent à continuer à consommer certains
aliments même si je n'ai plus très faim.
3. Je mange jusqu'à en être malade.
4. Ne pas manger certains types d'aliments ou en diminuer
d'autres est une chose pour laquelle je m'inquiète.
5. Je passe beaucoup de temps à me sentir ralenti ou fatigué après
avoir surconsommé.
6. Je me retrouve constamment à manger certains aliments.
7. Quand certains aliments ne sont pas disponibles, je sors de chez
moi pour en trouver.
8. J'ai parfois consommé certains aliments si souvent ou en
quantités tellement importantes au lieu d'aller travailler, ou de
passer du temps avec ma famille ou mes amis, ou de faire des
activités qui me plaisent habituellement.
9. J'ai parfois consommé certains aliments si souvent ou en
quantités tellement importantes que les sentiments négatifs m'ont
envahi de telle manière que j'ai perdu du temps et ne me suis pas
rendu au travail ou n'ai pas passé du temps avec ma famille ou
mes amis, ni fait les activités qui me plaisent habituellement.
10. J'ai parfois évité certaines situations professionnelles ou
sociales, où certains aliments étaient disponibles, par peur de trop
manger.
11. J'ai parfois évité certaines situations professionnelles ou
sociales, parce que je n'étais pas capable de manger certains
aliments là-bas.
12. J'ai eu des symptômes de manque comme de l'anxiété, une
agitation ou d'autres symptômes physiques quand j'ai arrêté ou
diminué certains aliments (ne pas inclure la consommation de
produits comme le café, les sodas, le thé et les boissons
énergisantes).
13. J'ai consommé certains produits pour ne pas avoir d'anxiété,
d'agitation ou d'autres symptômes physiques (ne pas inclure la
consommation de produits comme le café, les sodas, le thé et les
boissons énergisantes).
14. J'ai trouvé que j'ai augmenté mon désir ou mon envie urgente
de consommer certains aliments quand j'ai diminué ou arrêté leur
consommation.
15. Mon comportement en lien avec la nourriture et le fait de
manger sont des causes de stress.
16. J'ai des problèmes de fonctionnement efficace au quotidien
dans mes activités habituelles, sociales ou familiales, au travail, à
l'école ou liées à des difficultés de santé.
17. Ma consommation alimentaire quotidienne a causé des
problèmes psychologiques de type dépression, anxiété,
culpabilité.
18. Ma consommation alimentaire quotidienne a causé ou aggravé
des problèmes physiques.
19. Je continue à consommer le même type ou la même quantité
d'aliments même si je sais que cela me cause des problèmes
psychologiques et/ou physiques.
20. La plupart du temps, je trouve que j'ai besoin de manger de
plus en plus pour retrouver les sensations que je veux comme
réduire des émotions négatives ou augmenter le plaisir.
21. Je trouve que consommer la même quantité d'aliments ne
réduit pas mes émotions négatives ou n'augmente pas mes
émotions plaisantes comme cela devrait être le cas.
22. Je veux diminuer ou arrêter certains types d'aliments.
23. J'ai essayé de diminuer ou arrêter certains types d'aliments.
24. J'ai réussi à diminuer ou arrêter certains types d'aliments.
25. Combien de fois dans l'année écoulée avez-vous réussi à
diminuer ou arrêter certains types d'aliments ?
— Une fois
— Deux fois
— Trois fois
— Quatre fois
— Cinq fois ou plus

Entourez l'(es) aliment(s) avec le(s)quel(s) vous avez des
problèmes
Glaces
Chocolat
Pommes
Beignets
Brocolis
Cookies
Gâteaux
Bonbons
Pain
Snacks
Laitue
Pâtes
Fraises
Riz
Gâteaux apéritif
Chips
Frites
Carottes
Steak
Bananes
Bacon
Hamburgers
Cheese burgers
Pizza
Soda
Rien

27. Y a-t-il d'autres aliments non listés à la question 26 avec
lesquels vous avez des problèmes ?

Cotation du questionnaire
Questions 1, 2, 4, 6, 25 : 0 point de 0 à 3 ; 1 point si 4
Questions 3, 5, 7, 9, 12, 13, 14, 15, 16 : 0 point de 0 à 2 ; 1 point
pour 3 et 4
Questions 19, 20, 21, 22 : 0 point si 0, 1 point si 1
Question 24 : 1 point si 0 ; 0 point si 1
Questions 8, 10, 11 : 0 point de 0 à 1 ; 1 point de 2 à 4
Les questions 17, 18 et 23 ne sont pas cotées
Les questions 26 et 27 apportent des informations sur les
problèmes liés aux aliments dont souffre le (ou la) patient(e).
(Traduction Dr Laurent Karila)

L'approche thérapeutique de l'obésité doit être multiple. Tout d'abord, il est


nécessaire de prodiguer des conseils alimentaires au patient. Il n'existe pas de
prescription diététique standard. La priorité doit être donnée au rythme
alimentaire, à la répartition des apports dans la journée et à la réduction des
apports énergétiques totaux. Des conseils concernant l'activité physique pour
aider au maintien du poids après amaigrissement sont tout aussi importants. Le
suivi psy est capital, avec de la psychothérapie de soutien, des techniques de
type cognitif et comportemental pour agir sur les comportements alimentaires et
addictifs, de la psychothérapie d'inspiration analytique pour explorer le patient
dans sa vie entière. Il est parfois utile de recourir aux traitements
antidépresseurs. Des médicaments pour réduire la surcharge pondérale peuvent
aussi servir. La question de la chirurgie bariatrique (anneau gastrique, by-pass ou
court-circuit gastrique) doit être discutée par une équipe multidisciplinaire
uniquement si les autres outils à disposition n'ont pas fait leurs preuves après une
année de suivi.
CHAPITRE 8

Trop vite, trop haut, trop fort :


addiction à l'exercice physique

I. Une histoire sportive sans limites

Le sport pour se défier, vivre dans l'exaltation puis ne plus penser à soi,
s'oublier et, enfin, ne plus exister. Lorsque Antoine vient en consultation pour la
première fois, il est déjà passé par toutes ces étapes du sportaholic. Cet avocat de
34 ans, travaillant dans une société franco-américaine de matériel informatique,
marié et père d'un garçon de 5 ans, a besoin d'une aide médicale pour sortir de
l'ornière. Grâce à un suivi thérapeutique, Antoine a réussi à se sauver de l'enfer
de l'addiction au sport. Étudions ce qui l'a amené à ne plus vivre que pour sa
dose de jogging.

Antoine a toujours été fou de sport. Son père est un ancien grand joueur de
rugby. Sa famille a donc la compétition sportive chevillée au corps. Dans ses
jeunes années, Antoine joue au tennis avec son frère aîné. « Je rêvais d'être
Yannick Noah », assure-t-il. Quand le temps n'est pas arrangeant ou que les
courts sont tous pris, les deux frères suivent les matchs à la télé. Pareil pour le
foot ou le cyclisme. Dès la classe de cinquième, Antoine enchaîne les résultats
scolaires décevants, qu'il attribue à la découverte d'une nouvelle passion : le
ballon rond. Il aimerait s'entraîner intensivement. En échange de meilleurs
résultats à l'école, son père accepte de l'inscrire en club. Antoine se plie au jeu,
ses notes remontent. Peu de temps après, il réalise des prouesses au poste
d'avant-centre. Il faut dire qu'il s'enflamme pendant les compétitions et galvanise
son club en lui faisant remporter de nombreux matchs. Le sportif en herbe est
heureux comme jamais. Il est même repéré à l'âge de 15 ans par un chasseur de
têtes qui suggère à ses parents de l'intégrer dans un centre de formation pro,
agréé par la Fédération française de football. La mère d'Antoine est réticente,
mais le père est ravi. Ils demandent au chasseur un temps de réflexion. Dans
l'attente de leur réponse, Antoine s'agite comme un lion en cage. Quelques jours
plus tard, les parents prennent une décision radicale : la famille déménage près
du centre de formation. Entraînements intensifs, scolarité au top, Antoine est
ultra-motivé. Il n'a comme objectif que de grimper les marches du podium pour
intégrer un grand club. À 18 ans, deux fractures à la cheville et à la jambe droite
l'arrêteront en plein vol. C'est un choc. Une balle tirée en plein cœur. Il vit mal
les interventions chirurgicales et la rééducation. Du temps perdu selon lui. Il
enrage. Très vite, une grande tristesse l'envahit. Il occupe son temps en bachotant
son bac ES, qu'il obtient au rattrapage. Il n'a qu'une idée en tête : refaire son
come-back dans le sport « à un haut niveau ». Mais ses fractures sont trop vives,
rien ne sera jamais plus comme avant. « Le sport, c'était devenu une bonne
addiction pour moi, explique-t-il des années plus tard. Je dis addiction mais c'est
pas pareil que les drogues. C'était positif, j'étais heureux. Je n'ai plus jamais
retrouvé cette joie, ce bonheur de gosse. » Antoine a du mal à décrocher. Ses
parents lui font rencontrer une psychologue qu'il verra 3 ou 4 fois. « Elle m'a un
peu aidé… », admet-il. À la même époque, le jeune homme expérimente le
cannabis, goûte à la cocaïne et à l'ecstasy lors de soirées en boîte de nuit avec ses
copains, tous issus de la fac de droit où il vient de s'inscrire. Antoine rencontre
des filles, des histoires sans lendemain, boit un peu, devient le leader du groupe
d'amis qu'il s'est fait. Contre toute attente, il réussit ses examens année après
année, jusqu'à obtenir un DESS lui permettant de préparer l'examen de l'école du
Barreau. Il s'en tire haut la main : « Je l'avais préparé comme une compétition
sportive. J'étais sûr de moi, motivé et voulais tout casser. » Antoine a 28 ans et
un bel avenir devant lui d'autant qu'il est engagé dans l'entreprise où il avait
effectué son premier stage. Lors d'une réunion, il rencontre une jeune femme :
c'est le coup de foudre. Pour leur premier rendez-vous, il lui propose non pas de
dîner aux chandelles mais de faire un jogging un dimanche matin au bois de
Boulogne. Elle accepte. L'expérience est tellement plaisante qu'ils remettent le
couvert quatre week-ends d'affilée. Nouveau flash pour Antoine. Il ressent
quelque chose d'intense au fond de lui : « J'ai pris un pied monumental la
deuxième fois, je ne peux pas l'expliquer. J'ai été excité, j'ai senti un truc se
serrer en moi… dans ma poitrine, dans le bas-ventre… Au troisième rendez-
vous, je lui ai fait l'amour dans le bois, sans protection, après une heure de
course… C'était énorme, j'étais dans un état second, comme un drogué. » Au
bout de seulement quelques mois, Séverine et lui s'installent ensemble. Ils
continuent à courir à deux, mais aussi à « se faire des délires de couple », comme
il dit. « On pouvait partir loin en week-end sur un coup de tête. On a essayé les
clubs échangistes. On a pris un peu de coke ensemble… » Mais le couple stoppe
ces excès assez vite : ils ont pour projet de faire un enfant. Antoine continue à
courir le week-end mais seul. Il change son mode de vie, sa garde-robe, équilibre
son alimentation. Les loisirs du couple sont liés à la course à pied. Antoine
s'intéresse de près aux marathons et s'entraîne pour y concourir. « C'était facile
pendant la grossesse de Séverine. Puis, notre fils est né et j'ai dû m'organiser
différemment. Mais je ne leur ai pas laissé le choix, même si l'arrivée du petit
était un vrai bonheur, il fallait que je courre. »
D'une heure par jour le week-end, Antoine passe à deux puis trois puis
quatre heures. Rapidement, cela ne lui suffit plus. Il se met alors à courir le
matin avant de se rendre au travail. Il passe vite à une fréquence quotidienne de
quarante-cinq minutes. Son comportement est ritualisé. Réveil à 5 h 45. Jus
d'orange pressé. Il enfile la panoplie parfaite : jogging gris, baskets de running,
et casque dans les oreilles avec de la musique très, très rock. « Il me faut du
Rammstein ou du Metallica, un bon gros son pour être à donf. » Il revient vers
6 h 30, aide sa femme – si elle est réveillée – à s'occuper du bébé, puis il se
douche et part au travail. Ce rythme ne lui convient pas. Il en veut plus. Chaque
jour, à la pause de midi, il s'octroie trois quarts d'heure pour courir. « Je voyais
que je ne pouvais plus m'en passer, c'était de la drogue. De la bonne… Ça me
rendait bien, ça m'apaisait. » Mais la qualité de son travail en pâtit. Un matin,
son boss le convoque : Antoine doit justifier ses retards à trois réunions de début
d'après-midi. « J'ai tout mis sur le dos de ma femme et sur un problème de
voiture. » Pas inquiété pour un sou, notre joggeur augmente encore son temps de
course tout en enregistrant ses performances, sa fréquence cardiaque et
respiratoire, l'évolution de sa pression artérielle…
Puis, un jour, comme un pied de nez à son addiction, une grosse grippe le
cloue au lit. Il le vit comme un drame. Il est en manque, en proie au chagrin. Une
fois sur pied, et dès son retour dans le bois où il a l'habitude de courir, ces
symptômes de craving disparaissent complètement. De peur d'attraper froid à
nouveau, il se met à courir dans un gymnase qu'il loue rien que pour lui. Plus
rien ne l'arrête, qu'il pleuve, vente, ou neige… Il court, il court… Un peu à la
manière de Forrest Gump, ce héros de cinéma incarné par Tom Hanks qui décide
un beau jour de courir comme ça, pour rien, sans but. Mais Antoine en a un de
but : la fuite. Il ne se l'avoue pas encore à cette période. Il a plutôt en tête de
commencer un nouveau régime pour perdre du poids : il veut être encore plus
performant. Citius, altius, fortius. Ses pérégrinations sportives le font rentrer tard
le soir. « Séverine pensait que je la trompais, ça a été chaud entre nous », se
souvient-il. Obsessionnel, Antoine prend ses congés en fonction des marathons
organisés dans le monde. Son problème de cheville droite datant de ses années
foot finit par le rattraper. Il consulte plusieurs spécialistes qui tous lui
recommandent de réduire son activité de jogger de manière drastique. Il s'en
moque ! Il court, a mal mais ne s'arrête pas et se fait prescrire des médicaments
anti-douleur. Ce n'est pas assez. Il passe à des médicaments plus forts (des
opiacés comme la morphine). Il arrive en retard au travail, une fois, deux fois,
trois fois… Il se met en arrêt maladie car il ne contrôle plus rien. Son épouse ne
sait plus à quel saint se vouer et demande à faire un break. Elle part chez ses
parents, dans le sud de la France, son fils sous le bras. En réponse, Antoine se
fracture à nouveau la cheville droite dans un gymnase. Il est alors hospitalisé
pour une intervention chirurgicale, doit être immobilisé plusieurs semaines et ne
pas déroger aux séances de rééducation. Il vit cette paralysie comme un
châtiment et se retrouve au cœur d'un tourbillon infernal de manque. Puis
Séverine revient à la maison. Soulagement. C'est la fin de son tourment. Le
sportaholic est vu en consultation par un médecin du sport, un nutritionniste et
un psychiatre comportementaliste. Après plusieurs mois de traitement, Antoine
court toujours mais de manière contrôlée. Il réussit à se concentrer sur d'autres
objectifs et grimpe tranquillement les échelons professionnels. Il voudrait
inscrire son fils dans un club de judo.

II. Activités sportives

Qu'il soit de loisir, d'entraînement ou de compétition, le sport s'inscrit dans un


cadre, tout comme les activités professionnelles ou domestiques. Ce qui signifie
qu'il faut délimiter sa zone d'influence dans notre vie quotidienne. Mais, avant
cela, gardons à l'esprit les avantages du sport. Tout d'abord, c'est un excellent
moyen de s'entretenir, voire d'améliorer sa condition physique. Il est même
devenu la réponse la plus adéquate au sédentarisme. L'activité physique et
sportive a aussi pour conséquences directes une augmentation des capacités
respiratoires, un renforcement musculaire et une meilleure forme physique. Côté
prévention, une activité sportive régulière permet de se tenir un peu plus à l'écart
des maladies cardiaques, vasculaires, du diabète et de l'obésité. Il protège aussi
de certains cancers, comme ceux du sein et du côlon. Idem pour la maladie
d'Alzheimer, les maladies rhumatismales stabilisées, l'arthrose ou l'ostéoporose.
Il n'existe pas de consensus sur le type, la durée et l'intensité des activités
physiques. Les spécialistes de la médecine du sport estiment que trois heures par
semaine au minimum de pratique sportive, réparties en trois à six séances, et
adaptées à sa forme physique peuvent être envisagées. Mieux vaut privilégier
plutôt les activités aérobies, c'est-à-dire d'endurance comme la marche, le
jogging, le vélo, la natation, voire le ski de fond. Ces pratiques peuvent être
agrémentées d'exercices modérés de musculation, surtout chez les sujets âgés ou
ceux qui souffrent de certaines maladies, afin de lutter contre la diminution de la
force musculaire. Les étirements, les exercices de souplesse musculaire à la fois
actifs et passifs doivent compléter ce panel de remise en forme ou de maintien.
Les coachs personnels ou les kinésithérapeutes sont parfois d'une aide non
négligeable.
L'activité sportive n'est pas sans risque surtout dans le cadre des entraînements
intensifs et des compétitions. En effet, une pratique intensive de certains sports
comme le basket-ball, le volley-ball, la course à pied, la danse, la gymnastique
sportive, entraîne des contraintes et des vibrations osseuses qui, à long terme,
peuvent être à l'origine d'une ostéoporose. Il existe globalement un risque pour
l'appareil locomoteur. Bien sûr, ce risque dépend de l'âge, du sexe, de la
corpulence des sujets et du type de sport pratiqué. La probabilité de rupture du
ligament croisé antéro-externe est de trois à quatre fois supérieur chez la femme
pour un même niveau de pratique en judo, en handball, en football, en basket-
ball ou en ski. Le sexe est donc un facteur de risque de certaines lésions, mais il
n'explique pas tout, bien évidemment, et d'autres facteurs sont susceptibles
d'intervenir.

III. Besoins nutritionnels du sportif

Quand on fait du sport, on ne mange pas n'importe quoi. L'activité physique


entraîne une dépense énergétique devant être compensée. Il existe en effet un
risque de diminution exagérée de la masse grasse. Des règles concernant les
apports nutritionnels et les apports hydriques doivent être rappelées aux sportifs,
quels que soient leur niveau d'entraînement et les compétitions dans lesquelles
ils sont engagés.

Lors des entraînements, les apports nutritionnels doivent être équilibrés en
lipides-glucides-protides grâce à la répartition suivante :

• Lipides : au maximum 35 % des apports caloriques totaux journaliers,
• Glucides : de 55 à 60 % des apports caloriques totaux journaliers,
principalement sous forme de glucides complexes. Les sucres simples ne doivent
représenter que 10 % de la ration glucidique,
• Protides : 15 % des apports caloriques totaux journaliers avec des besoins
en protéines animales et végétales répartis de façon équivalente.

Les besoins en protides sont supérieurs aux recommandations faites pour les
sujets sédentaires. De plus, les protéines vendues dans certains magasins ou sur
le Web constituent un danger, en raison de compositions pas toujours très claires,
certaines pouvant contenir des produits anabolisants adjuvants et représenter un
risque d'être dépisté positivement lors d'un contrôle antidopage. La
consommation intensive de ces protéines chez les sportifs est à proscrire.
Ajoutons à cela une alimentation saine, variée et équilibrée, pour assurer un
bon apport en sels minéraux, oligoéléments et vitamines.
50 % des besoins en eau sont apportés par l'alimentation. Un apport journalier
de 3 000 calories nécessite de boire au minimum 1,5 litre d'eau sur la journée.
Ces besoins hydriques seront augmentés et adaptés en fonction des temps
d'entraînement et de compétition. Les experts recommandent un apport hydrique
de 100 à 150 millilitres d'eau toutes les vingt minutes au cours d'un exercice
physique.

Lors des compétitions, les apports caloriques et hydriques sont différents. Il
faut conseiller d'augmenter les apports en glucides complexes comme les pâtes,
le riz, les pommes de terre et d'autres féculents dans les quarante-huit heures
précédant un exercice sportif intense et prolongé. Au cours de l'exercice, il faut
privilégier des apports en sucres rapides et immédiatement après des apports en
sucres plus lents comme des barres de céréales.
Les sports de combat, judo, karaté, boxe, lutte, risquent d'entraîner une perte
rapide de poids, en quelques heures, liée à une grande perte en eau, pouvant être
à l'origine d'une déshydratation. Les sportifs voient parfois leur performance
physique diminuer. Si les apports nutritionnels ne sont pas respectés, cela
implique donc un risque d'échec lors des compétitions.

IV. Dopage et conduites dopantes

Il n'existe pas une mais plusieurs conduites dopantes. La consommation de


certains produits ou médicaments vise deux objectifs :
— affronter un obstacle réel ou ressenti,
— améliorer ses performances lors d'une compétition sportive, d'un examen,
d'un entretien d'embauche, d'une prise de parole en public, de situations
professionnelles ou sociales difficiles ou lors d'une représentation artistique.

Différents facteurs prédisposent à une conduite dopante : le sexe (plus
fréquent chez les hommes), l'âge (le nombre d'usagers augmente au cours de
l'adolescence), le comportement des aînés vis-à-vis des substances
psychoactives, l'influence des copains, l'obligation de résultats, l'isolement social
(éloignement du domicile, des lieux d'études, de travail ou d'entraînement
sportif), la carrière de sportif, la recherche de célébrité, et la pression ou le
désintérêt de l'entourage vis-à-vis des résultats.
Les produits dopants sont achetés dans le circuit pharmaceutique légal
(médicaments détournés de leur usage souvent prescrits sur ordonnance
médicale), sur le marché clandestin, fournis le plus souvent par l'entourage des
usagers (produits de laboratoires clandestins ou importations frauduleuses) et sur
le Web. À la pratique sportive se joignent des moments récréatifs et festifs
(3e mi-temps, fêtes du club, etc.) durant lesquels les usages de substances
psychoactives sont fréquents. Pendant ces temps de relâchement, l'usage nocif
n'est pas rare et les risques associés (conduite en état d'ivresse, violences,
sexualité sans protection, etc.) sont légion.

Le dopage se définit par la consommation de substances ou de procédés
interdits par le Comité olympique et le ministère de la Jeunesse et des Sports.
Qu'il s'agisse d'une conduite dopante ou du dopage sportif, cette consommation
obéit à une forme d'accoutumance qui fait croire à l'individu que cet usage est
indispensable à la réalisation de la performance ou des objectifs fixés.
À l'heure où nous écrivons ce chapitre, les jeux Olympiques de Londres
viennent de commencer. La lutte contre le dopage est l'une des préoccupations
majeures du Comité des jeux Olympiques ainsi que du ministère des Sports.
Avant même la cérémonie, dix athlètes furent exclus des Jeux. Et, pendant les
premières semaines de la cérémonie, le dopage a fait tomber plusieurs têtes.
D'autres ont suivi, tout le temps qu'auront duré les jeux.
En France, la loi du 5 avril 2006, relative à la lutte contre le dopage et à la
protection de la santé des sportifs, attribue au ministère de la Santé un rôle
central dans l'engagement et la coordination de la prévention, de l'éducation et de
la recherche, en matière de dopage.
Les unes des journaux raffolent des cas de dopage dans les sports de
compétition et de haut niveau. Elles les recensent inlassablement. Toujours avec
cette question en creux : existe-t-il un sport qui ne connaît pas le dopage ?

Un sportif dopé peut faire l'objet d'une sanction disciplinaire par la fédération
sportive à laquelle son club est affilié, ou bien d'une sanction administrative
infligée par l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) s'il n'est
licencié dans aucune fédération.
La liste des substances et procédés interdits est fixée annuellement par
l'Agence mondiale antidopage, après avis d'un comité scientifique. Elle est
identique pour tous les sportifs, quels que soient leur niveau de compétition et
leur nationalité.
Les contrôles antidopage sont réalisés la plupart du temps lors des
compétitions et des entraînements. Parfois à d'autres moments, si l'AFLD cible
des sportifs en particulier. Si les joueurs refusent de se soumettre à ces contrôles,
des sanctions disciplinaires sont prévues ainsi que des pénalités relevant des
fédérations sportives.
Le dopage tombe aussi sous le coup de la loi pénale avec la loi du 3 juillet
2008. L'infraction est désormais étendue à la détention de certains produits
dopants par le sportif, mais aussi à la fabrication, la production, l'importation,
l'exportation et le transport illicite de produits dopants. Mais, en France, le
simple usage n'est pas pénalement répréhensible.
La lutte contre le dopage dans le sport représente un enjeu considérable de
santé publique, et la loi du 21 juillet 2009 accorde désormais aux autorités de
renforcer l'efficacité des dispositifs de protection de la santé des sportifs, ainsi
que la lutte contre le dopage et le trafic de produits dopants, et d'assurer la
conformité de ces dispositifs avec les principes du nouveau Code mondial
antidopage applicable à compter du 1er janvier 2009. Des dispositions légales
datant d'avril 2010 relatives à la santé des sportifs et à la mise en conformité du
Code du sport avec les principes du Code mondial antidopage 2009 rénovent en
profondeur la lutte contre le dopage, selon sept axes principaux : les notions de
manifestation internationale et de sportif intégrant le code du sport ; les
autorisations à des fins thérapeutiques et les déclarations d'usage ; les
agissements interdits (trafic, falsification, destruction ou dégradation de matériel
pour contrôle) ; les contrôles antidopage ; les sanctions et mesures
conservatoires ; les voies de recours ; la prescription ; le signalement d'une
infraction.

V. L'addiction au sport

L'addiction au sport est également appelée bigorexie. Elle concerne surtout la


course à pied et le bodybuilding. 36 % des Européens âgés de 15 à 65 ans
courent. Le concept de l'esprit sain dans un corps sain prend toute son envergure.
L'entretien de la forme et la perte de poids sont des éléments qui participent au
« corps sain ». Se divertir, relâcher la pression, évacuer le stress, lutter contre la
tristesse, retrouver une forme de bien-être contribuent à la partie « esprit sain ».
Cependant, pour certaines personnes, cette activité ludique peut tourner au
cauchemar de l'addiction.

L'addiction au sport a longtemps été considérée comme une dépendance
positive, puisqu'elle n'avait pas recours aux drogues ou à l'alcool. Seuls le
caractère répétitif et l'envie de faire du sport étaient considérés. Ce concept
d'addiction positive a été évoqué pour la première fois par le Dr Glasser, à la fin
des années 1970. Le sport devient addictif par effet de dépassement d'un certain
seuil de performance, d'ennui, d'envie d'aller toujours plus loin. Vingt ans plus
tard, les chercheurs font un parallèle entre la dépendance à l'exercice physique et
les troubles du comportement alimentaire, comme la boulimie. Une autre étude a
montré que des ultramarathoniens (80 km de course) et des marathoniens étaient
plus vulnérables à l'addiction à l'exercice physique que les coureurs occasionnels
ou ceux qui parcouraient régulièrement 5 kilomètres par semaine.

Plusieurs catégories de sportifs sont sensibles à ce type d'addiction : les
pratiquants de haut niveau, les athlètes, les danseurs de ballets, les danseurs
professionnels, les joggers et les bodybuilders amateurs.

Les personnes « sportaholic » évoquent des changements majeurs dans leur
quotidien. Ils se créent une nouvelle garde-robe, modifient leur alimentation et
leur mode de vie. Leurs loisirs se concentrent quasi exclusivement sur leur
pratique sportive. Souvent, même le choix d'un compagnon de vie se fait en
fonction de la pratique d'un sport comme dans le cas d'Antoine. L'entraînement
devient un véritable rituel, l'emploi du temps quotidien est organisé et économisé
en vue de la pratique de l'exercice physique.

Examinons les critères de la dépendance.

L'activité sportive est plus investie que toute autre activité. D'année en année,
le sportif renforce sa tolérance à l'intensité de son sport. Des symptômes de
manque (tristesse, angoisse, irritabilité) sont exprimés par la personne addict lors
de l'arrêt volontaire ou contraint de l'exercice physique. Bien sûr, ils s'atténuent
ou disparaissent lors de la reprise de l'entraînement. Le sport est alors perçu
comme un moyen de lutter contre la dépression, le stress, l'angoisse ou d'autres
émotions négatives.
Comme tout « drogué », le sportaholic a une perception subjective de son
besoin d'exercice. D'ailleurs, après une période d'interruption, l'activité
compulsive se réinstalle rapidement. L'addict poursuit sa pratique intensive
d'exercice physique envers et contre tout, malgré la détection de maladies
physiques graves, causées, aggravées ou prolongées par le sport. Il néglige les
avis contraires donnés par les médecins ou les entraîneurs. Très vite, tout
s'enchaîne, la conduite addictive sportive retentit sur tous les pans de la vie
(couple, famille, profession). Ajoutons à cela le fait que la personne s'oblige à
perdre du poids en suivant un régime pour améliorer ses performances, posant
alors de véritables problèmes de santé.
Il existe une libération importante d'endorphines, et notamment de bêta-
endorphines lors d'une activité aérobie (favorisant l'oxygénation du corps).
L'endorphine, appelée dans le langage courant « hormone du bonheur », a été
découverte par John Hughes et Hans Kosterlitz en 1975. Elle a une action
similaire à la morphine, l'héroïne ou l'opium, et crée une sensation de bien-être et
d'euphorie. Un certain nombre de coureurs et de sportifs professionnels
assimilent les endorphines à une drogue naturelle dont on ne pourrait plus se
passer. Les endorphines ont aussi des propriétés anxiolytiques, antalgiques
(diminution de la sensation de douleur), et anti-fatigue.
Attention, plus on s'entraîne, plus notre taux d'endorphines se met à diminuer.
Impossible alors pour l'addict de retrouver la sensation euphorique des premières
fois, malgré la multiplication des phases d'exercice physique. S'ensuivent alors
des symptômes dépressifs. Même si cette hypothèse neurobiologique de la
libération d'endorphines peut expliquer en partie la dépendance à l'exercice
physique, il existe probablement d'autres mécanismes plus complexes, mais qui
n'ont pas encore été élucidés.
Côté bodybuilding, les adeptes peuvent également développer une
dépendance. Un nouveau terme est apparu dans les années 2000 : la dysmorphie
musculaire. C'est un tableau clinique de dépendance à l'exercice physique chez
les personnes faisant de la musculation et utilisant des stéroïdes anabolisants.
Les bodybuilders présentent une distorsion de l'image de leur corps, préoccupés
comme ils sont par le fait de gagner du muscle en taille et en sculpture, et
craignant d'être perçus comme minces et faibles. Cette distorsion de la
perception du corps, des pratiques nutritionnelles strictes, l'ingestion de
suppléments anabolisants dangereux pour la santé, la dépendance stricte à un
type d'exercice, l'importance donnée à leur physique et une faible estime de soi
peuvent s'apparenter à une anorexie mentale inversée. Ainsi, chez ces personnes,
l'exercice physique poussé à son paroxysme est directement lié au besoin
d'augmenter l'estime de soi, via le modelage minutieux du corps. Ce phénomène
est beaucoup plus marqué chez les bodybuilders que chez les simples amateurs
de musculation ou les entraîneurs dans les salles de fitness. Enfin, il existe une
relation entre la dépendance au bodybuilding, l'identité de bodybuilder, la notion
d'anxiété sociale et l'image renvoyée dans la société.
La dépendance à l'exercice physique s'accompagne parfois de complications
comme la dépression, les troubles anxieux et les tentatives de suicide. Sans
compter les addictions aux substances… Hormis les drogues comme la cocaïne,
les amphétamines, l'alcool ou le tabac, le GHB, plus connu du grand public sous
la dénomination de drogue du viol, s'est insinué très tôt dans le milieu de la
musculation. En effet, les adeptes ont été les premiers à détourner l'usage de
cette substance. À partir des années 1980, des laboratoires commercialisent ce
produit pour détourner l'interdiction à la vente au public des stéroïdes
anabolisants aux États-Unis. Les bodybuilders, en quête du corps parfait, se sont
précipités sur cette nouvelle substance susceptible de leur apporter les mêmes
effets que les stéroïdes. Certains fabricants ont aussi prétendu que le GHB avait
des propriétés « brûleuses de graisses ». Le GHB va aussi être commercialisé
pour ses prétendues propriétés inductrices de l'hormone de croissance (certains
utiliseront l'acronyme GHB pour Growth Hormone Booster), pour ses atouts
hypnotiques ou pour ses effets anti-âge en lien avec des effets antioxydants. Le
GHB devient alors un produit largement disponible dans les salles de sport, en
parapharmacie ou par correspondance aux États-Unis et en Europe. Il est soit
commercialisé seul, soit en association avec d'autres compléments alimentaires.
L'interdiction de la vente au public des stéroïdes développera la consommation
du GHB comme anabolisant. Le GHB est actuellement interdit à la vente mais
ses précurseurs comme le GBL restent encore accessibles.

Dans une étude réalisée dans une salle de fitness à Paris en 2008, la
dépendance à l'exercice physique a été retrouvée associée aux achats compulsifs,
à la boulimie et à l'hypocondrie.

VI. Comment aider les sportaholics ?

Cette population de personnes ne vient pas en consultation pour ce motif, ou


très rarement. On les repère la plupart du temps via d'autres symptômes qui
peuvent être dépressifs, anxieux ou addictifs (mais à des substances).
Il faut systématiquement interroger les patients sur leur intérêt pour l'exercice
physique.
Il n'existe pas de traitement médicamenteux spécifique pour le sportaholisme.
L'approche thérapeutique doit se focaliser d'abord sur le symptôme en utilisant
des techniques cognitives et comportementales pour réduire et contrôler les
habitudes négatives. Pour l'exercice physique, l'abstinence n'est pas à envisager
une seule seconde étant donné les bénéfices du sport à court et long terme sur la
santé physique et psychique. Réapprendre à prendre du plaisir avec le sport est la
clé du succès thérapeutique.
CHAPITRE 9

Bronzage excessif : une nouvelle dépendance

I. Jusqu'à l'UVerdose

Icare des temps modernes, à trop s'approcher du soleil, Tanya s'est brûlée… la
peau. La jeune femme est mannequin pour une marque luxueuse de maillots de
bain. À 24 ans, elle multiplie les défilés, du sud de la France jusqu'en Amérique
du Nord. Son emploi du temps n'est pas surchargé, puisqu'elle bosse en moyenne
dix jours par mois. Son corps est son gagne-pain, elle l'entretient comme un
artiste polit ses sculptures. Malgré un train de vie dispendieux, Tanya n'est pas
tombée dans les pièges de cette vie facile. Exit les achats compulsifs, les troubles
du comportement alimentaire ou la dépendance à la cocaïne. Ainsi, elle raffole
des fringues à la mode, et peut passer des heures dans les magasins luxueux ou
sur les sites de vente en ligne, mais elle reste raisonnable et ne dépense jamais
plus que ce qu'elle ne peut. Elle doit aussi faire très attention à ce qu'elle mange,
toute calorie compte. Pour autant, elle ne souffre pas de boulimie ou d'anorexie.
Par ailleurs, on associe souvent milieu de la mode avec consommation de
drogues, or Tanya n'en absorbe aucune et ne boit pas d'alcool. Elle fume
quelques cigarettes en soirée mais uniquement en dehors de ses périodes de
travail.
Si son métier lui laisse une empreinte négative, c'est celle du corps idéal. Cette
quête vaine et infinie la pousse parfois un peu loin… Dernier exemple en date :
elle s'est épilée tout le corps au laser, de manière définitive, arguant du fait que le
moindre poil la répugnait. Puis elle a décidé, voilà deux ans, d'avoir un teint hâlé
en permanence. Ainsi, les jours de congés, elle lézarde sur les transats des
piscines dans les hôtels de luxe, un mojito sans alcool dans une main et les
derniers magazines dans l'autre. Au début, elle ne s'expose qu'après 16 heures
pour préserver sa peau de châtain clair. Le soleil l'apaise. Elle l'accompagne d'un
peu d'exercice physique en salle. Mais son temps passé à bronzer augmente tout
doucement. « Cela me fait du bien, c'est comme une bouffée permanente de
plaisir… J'adore ça mais je ne vais pas exagérer car il y a eu des cancers de la
peau dans ma famille », prévient-elle à l'époque.
Sans crier gare, les cures de soleil se rapprochent, tandis que Tanya se
badigeonne d'huiles à la mode qui ne protègent pas le moins du monde. En
quelques semaines, elle obtient un bronzage homogène qui plaît à ses amies et
surtout qui la ravit. « On m'appelait Miss Black Sun en référence à une marque
de produits cosmétiques, se souvient-elle. Mes cops et moi, on s'éclatait à se
cramer la peau, on adorait ça… » Se cramer la peau… À l'époque, sa lucidité ne
lui fait pas encore défaut, elle parle de « cramer », pas de « bronzer ». « L'été, on
avait toujours ce voyage tryptique : Saint-Tropez – Ibiza – Saint-Barth. J'étais
financée par les marques que je représentais, je pouvais me faire accompagner
de qui je voulais… Alors j'y allais avec mes trois potesses. » Un jour, étendue
sous les rayons de midi, au paroxysme de son plaisir, elle se rend compte que
dans sa vie, le soleil lui procure autant de satisfaction que le sexe. Elle a alors
cette phrase prémonitoire : « Hélios, c'est ma drogue. »
Tanya plonge dans la tanorexie un an après avoir rencontré le dieu Soleil, à
l'aune d'une histoire d'amour – étonnamment. La machine infernale s'est
enclenchée ce jour où elle tombe raide dingue du photographe qui la shoote sur
les plages de Miami. De nuits endiablées en journées plage, elle se partage alors
entre sexe et soleil. Dix jours plus tard, le photographe lui laisse un mot sur la
table du salon : « Tu es superbe mais je ne peux pas détruire mon foyer familial,
je ne veux pas te faire souffrir ni me faire souffrir… xoxo Mitch. » Insupportable
abandon. La douleur est si vive qu'elle la compare à des rafales d'enclumes lui
assaillant le ventre. Une mauvaise nouvelle en entraînant une autre, elle apprend
qu'elle n'a pas été retenue pour le prochain défilé et shooting à Rio. Elle retourne
donc travailler à Paris, l'âme à vif. Dans la foulée, Miss Black Sun vit ses
premières angoisses, elle qui n'avait jamais eu aucun problème psy. Un soir, elle
est prise d'une attaque de panique. « Je me suis réveillée brutalement au cours de
la nuit avec l'impression de ne plus pouvoir respirer », se remémore-t-elle.
C'était horrible. Un enfer. J'ai cru que j'allais mourir, je me suis vue partir. Mon
cœur battait très vite, je transpirais. Une de mes copines qui dormait dans la
chambre d'à côté m'a amenée aux urgences. Après un examen approfondi et un
électrocardiogramme, les médecins n'ont rien trouvé d'anormal et je suis sortie
quatre heures après. » Les jours passent, Tanya s'énerve pour des broutilles, un
rien l'agace. Elle n'arrive plus à travailler, ne dort plus. Un de ses amis
psychothérapeutes lui conseille de prendre un peu de lumière pour retrouver de
la vivacité. Problème, ses contrats la clouent à Paris. Elle se rend alors en
cabines de bronzage tester les UV. Elle ira jusqu'à l'UVerdose. Bien sûr, ces
séances lui redonnent goût à la vie, mais, très vite, elle augmente les doses
progressivement « comme une droguée ». Ce qu'elle ignore, c'est qu'une
quinzaine de minutes dans une cabine de bronzage en France équivaut à une
exposition de même durée au soleil de midi, sur une plage des Caraïbes, sans
protection solaire. Amis et parents la mettent en garde. Elle s'en moque
éperdument. « J'étais addict, je ne pouvais pas m'en passer. J'ai même refusé
d'aller bosser deux jours en Suisse car mon centre de bronzage préféré à Paris
recevait une nouvelle machine : je voulais être la première à la tester. Avec les
forfaits illimités, je m'y rendais non-stop, même le dimanche où je m'arrangeais
toujours pour trouver un centre ouvert. »
Les conséquences de la tanorexie sont en général très marquantes. Ainsi,
début 2012, Tanya se découvre un grain de beauté vraiment atypique, aux
multiples couleurs variant des tons marron à noirs. Elle ne s'en inquiète pas et
continue les séances d'UV. Quelques jours plus tard, elle dépasse les limites en
restant trop longtemps en cabine. Elle écope de plusieurs brûlures. Son grain de
beauté est de plus en plus bizarre et saigne par moments. Elle consulte un
dermatologue qui diagnostique un mélanome, une forme de cancer de la peau,
potentiellement mortel. D'après son médecin, elle n'a vraiment plus le choix : il
faut couper court à cette irrésistible envie de bronzer. Cependant, malgré la
terrible nouvelle, Tanya garde un moral au beau fixe. Plus étonnant encore, elle
semble à peine affectée. À tel point qu'elle décide de continuer les UV tout en
cachant sa lésion. Une de ses amies proches tente de la raisonner mais la jeune
mannequin a un mal fou à contrôler sa consommation de rayons solaires
artificiels. Sa peau à bout de souffle, Tanya accepte enfin l'aide d'un thérapeute
comportementaliste, associée à celle de son dermatologue. Une chance pour la
jeune fille, la tumeur est uniquement localisée sur la peau, elle n'a pas atteint
d'autres organes. Tanya subira une chirurgie, et quelques rayons. « Ça a été très
difficile pour moi, expliquera-t-elle. Même après l'opération, j'ai fait quelques
faux pas… La thérapie m'a aidée… Comme le Phénix qui renaît de ses cendres,
j'ai fini par revenir à moi-même. » Tanya a mis plusieurs mois à décrocher de
son addiction. Elle est toujours surveillée pour son cancer de la peau. Qui est en
rémission. Depuis, Tanya a décidé de changer de vie.
II. Une histoire de peau

La peau est le principal organe touché par l'addiction au bronzage. Tentons


d'en apprendre un peu plus sur elle pour mieux comprendre les risques liés à la
tanorexie.

La peau est l'organe le plus lourd du corps humain. Elle représente 16 % du
poids du corps pour une surface de 1 à 2 mètre carré. Ces données varient selon
la corpulence des individus. Organe complexe, elle enveloppe la surface du
corps et se prolonge par une muqueuse au niveau des orifices naturels. Il existe
deux types de peau, l'une fine et l'autre épaisse. L'épaisseur varie en fonction de
la localisation : 4 millimètres pour la peau du dos et 1,5 millimètre pour celle du
scalp.

Le tissu cutané a naturellement son propre écosystème comprenant des
acariens, une flore bactérienne commensale et transitoire, des petits
champignons et parasites. Toute cette micro-population varie en fonction des
personnes et des endroits du corps (cuir chevelu, visage, dos, aisselles,
jambes…). Par exemple, le visage, zone où la peau est plus grasse, contient plus
de 500 millions de bactéries tous les 6,5 cm2. Cette population microscopique
joue un rôle dans l'équilibre fonctionnel d'une peau saine.

Sous la peau se trouve le tissu sous-cutané ou l'hypoderme, associé à des amas
de cellules graisseuses. L'hypoderme relie de manière souple la peau aux organes
sous-jacents.
La peau comporte un épithélium de revêtement, l'épiderme, d'origine
ectodermique et une couche de tissu conjonctif d'origine mésodermique, le
derme.
L'épiderme, couche la plus superficielle de la peau, est constitué de quatre
populations de cellules différentes : les kératinocytes, les mélanocytes, les
cellules de Langerhans et les cellules de Merkel. L'épiderme ne contient aucun
vaisseau sanguin ni lymphatique, mais renferme de nombreuses terminaisons
nerveuses libres.

Sur le plan physiologique, la peau a différentes fonctions. Des capacités de
régénération et de cicatrisation tout d'abord. Elle constitue une barrière de
protection pour les tissus et les organes vis-à-vis des agressions physiques
extérieures. Elle protège contre les rayons solaires, en particulier les UV,
notamment grâce à la présence de mélanocytes. Elle permet d'isoler le milieu
corporel intérieur et de limiter les pertes d'eau. Lorsqu'elle est exposée aux
rayons UV, la peau participe à la synthèse de la vitamine D, essentielle à la
croissance et à l'équilibre du corps humain. Certaines cellules de l'épiderme
jouent un rôle important dans la protection immunitaire du corps. Durant
l'exercice physique, les vaisseaux sanguins de la peau se contractent pour
favoriser l'afflux sanguin. Le fait de transpirer intervient dans la régulation de la
température de notre corps. La peau joue ce rôle de régulateur thermique. Grâce
à la nociception (la sensibilité à la pression, au toucher, à la douleur), les
terminaisons nerveuses de la peau permettent à l'individu d'être en osmose avec
son environnement.

La peau est donc un organe complexe et fragile, qui constitue une protection
vitale contre les agressions extérieures.

III. Les cancers de la peau

Il existe deux grands types de cancer de la peau : les mélanomes et les non-
mélanomes (carcinome basocelullaire, carcinome épidermoïde).

Le risque

L'exposition aux rayons ultraviolets du soleil et aux sources artificielles des


lampes solaires des salons de bronzage sont les principales causes de cancer de
la peau.
Le soleil est capable, directement par le biais du rayonnement UVB, ou bien
indirectement par la génération de radicaux libres (les UVA), d'altérer le
fonctionnement des cellules de la peau. Si ces altérations touchent des gènes clés
du fonctionnement cellulaire, en particulier ceux qui contrôlent la prolifération
de la cellule, la transformation de ces altérations en cancer est possible.
Deux types d'expositions solaires peuvent être néfastes pour les individus :
— Les expositions intermittentes aiguës sur une peau non préparée (coups de
soleil sur une brève période de vacances) ;
— L'exposition chronique et répétée sur de longues années.
Les effets de l'exposition aux rayons ultraviolets se cumulent dans le temps.
Une exposition au soleil, sans protection ou bien peu efficace, à un âge précoce
de la vie entraîne des dommages pour la peau. Il faut donc protéger ses enfants
dès le plus jeune âge. Même si les atteintes cutanées ne sont pas forcément
visibles, elles s'amplifient tout au long de la vie. Les parties du corps les plus
fréquemment exposées au soleil sont les zones les plus à risque pour le
développement de cancers (visage, cou, bras, mains, jambes). Cependant, un
cancer de la peau peut survenir à n'importe quel endroit.
Concernant l'utilisation de lampes solaires pour le bronzage, l'Organisation
mondiale de la santé a souligné que ces UV artificiels étaient de dangereux
agents cancérigènes au même titre que le tabac ou d'autres produits chimiques.
Certaines lampes peuvent émettre jusqu'à cinq fois plus de rayons UVA que le
soleil.

Les personnes au teint clair, aux yeux bleus ou verts, aux cheveux blonds ou
roux ont plus de risque que les autres de développer un cancer de la peau.
Il existe encore d'autres facteurs à risque, comme :

• avoir un grand nombre de grains de beauté,
• connaître des antécédents familiaux de mélanome,
• être atteint d'autres maladies touchant le système immunitaire (autre cancer,
virus de l'immunodéficience humaine ou VIH, greffe d'organe),
• avoir une maladie génétique qui réduit les mécanismes de protection de la
peau contre les rayons du soleil (albinos, xérodermie pigmentaire),
• recevoir (ou avoir reçu) un traitement photo sensibilisant (l'effet dépend de la
dose administrée) :

– antibiotiques (surtout les tétracyclines et les quinolones), anti-
inflammatoires non stéroïdiens, médicaments psychotropes (antidépresseurs,
neuroleptiques), psoralènes (substances jouant un rôle dans la pigmentation de la
peau),
– certains produits de phytothérapie ou huiles essentielles contenant des
plantes de type persil, fenouil, aneth, céleri, anis, coriandre, bergamote, ou des
fruits comme la figue ou le citron,
– photothérapie,
– radiothérapie,

• avoir des kératoses actiniques (épaississement de la couche de l'épiderme ne
survenant qu'aux endroits du corps exposés au soleil pendant une période
prolongée),
• avoir un antécédent de blessure cutanée grave (brûlure avec un produit
chimique, avec le feu),
• le fait de vivre en altitude ou près du pôle Sud,
• exercer le métier de soudeur à l'arc électrique, de chaudronnier ou
d'imprimeur,
• les professions ou pratiques régulières des activités de loisir en plein air.
• une autre cause, plus rare, de cancer est le contact prolongé de la peau avec
des produits chimiques comme l'arsenic, certains herbicides, pesticides, ou des
produits à base de pétrole.

Le mélanome

Les mélanomes sont des tumeurs malignes. Ils se forment dans les cellules
responsables de la production du pigment de la peau appelé mélanine
(mélanocytes). Ils se présentent habituellement sous la forme d'une tache noire.
L'incidence du mélanome double environ tous les dix ans dans les pays à
population essentiellement blanche. En France, il y a cinq à dix nouveaux cas
par an pour 100 000 habitants.
Un rapport sur les cancers en Australie, réalisé par une agence
gouvernementale, datant de 2010, montre que les Australiens, accros de la plage
et du soleil, ont le taux le plus élevé de mélanome avec une issue fatale.

Cette forme de cancer est surtout provoquée par des expositions intenses et de
courte durée (surtout celles à l'origine des coups de soleil). Même si cette tumeur
peut survenir à n'importe quel endroit du corps, il est fréquent de constater
qu'elle apparaît le plus souvent sur les jambes chez les femmes et sur le dos chez
les hommes.
Ces cancers de la peau surviennent à tout âge. Ils peuvent progresser
rapidement et se disséminer dans le corps en générant des métastases dans les
poumons, le foie, le cerveau. Ils sont responsables de 75 % des décès des cancers
de la peau. La mortalité (de 1,2 à 1,5/100 000 en France, autour de 5 en
Australie) augmente moins que l'incidence, ce qui peut être attribué au
diagnostic plus précoce permettant un traitement efficace.

Le diagnostic du mélanome repose sur l'analyse de la morphologie de la lésion
cutanée, habituellement pigmentée et sur l'histoire de cette lésion rapportée par
le malade, selon une règle dénommée ABCDE.
Un mélanome se présente habituellement sous la forme d'une lésion
asymétrique (A), à bords (B) irréguliers. La couleur (C) n'est pas homogène,
avec des nuances variables dans les teintes variant du brun au noir, mais aussi du
blanc au bleu, notamment dans les zones décolorées blanches, rouges ou
cicatricielles bleutées. L'évolution de la lésion est documentée par
l'interrogatoire du patient et se traduit par un diamètre (D) de la lésion supérieure
à 6 mm ou par l'augmentation de ce diamètre. La notion d'évolution ou
l'extension (E) permanente de la lésion, c'est-à-dire le changement de taille, de
forme, de couleur et de relief, est le dernier critère pris en compte.

Le carcinome basocellulaire

Le carcinome basocellulaire est le plus fréquent des cancers de la peau. Il


survient dans les zones photoexposées, chez des sujets de plus de 50 ans, dans
plus de 85 % des cas, sans distinction de sexe. Il touche en France environ 70
individus pour 100 000 habitants par an. Cette incidence varie toujours en
fonction de la couleur de la peau et de la latitude sous laquelle le patient habite.
Typiquement, ce cancer se présente sous la forme d'une lésion perlée,
arrondie, translucide qui va s'étaler progressivement. Il existe plusieurs types de
carcinome basocellulaire.
Comment le repérer ? Il s'agit la plupart du temps d'une bosse de couleur chair
ou rosée, d'apparence cireuse ou « perlée », sur le visage, les oreilles ou le cou ;
d'une plaque rosée et lisse sur la poitrine ou sur le dos ou d'une lésion ulcéreuse
qui ne guérit pas.
Ce cancer n'entraîne presque jamais de métastase, mais a un potentiel invasif
local pouvant entraîner des destructions tissulaires importantes, et la mort.

Le carcinome épidermoïde

Le carcinome épidermoïde survient de manière sporadique. Son incidence est,


en France, de 10 à 20 pour 100 000 habitants par an chez l'homme et de 5 à 10
pour 100 000 habitants par an chez la femme. Ce type de cancer apparaît
volontiers après 60 ans sur une lésion précancéreuse (conséquences cutanées
d'une radiothérapie, brûlures, plaies, infections virales notamment à
papillomavirus, kératoses UV induites ou kératoses actiniques…).
Le patient peut venir en consultation avec une plaque de peau rosée ou
blanchâtre, rugueuse ou sèche ; un nodule de même couleur, ferme, verruqueux ;
ou un ulcère qui ne guérit pas. Tout cancer de ce type doit être considéré comme
potentiellement agressif.

Enfin, en plus du risque de cancer de la peau, le bronzage excessif est source
de vieillissement prématuré de la peau et de problèmes oculaires potentiels.

IV. La tanorexie

Le bronzage, activité socialement valorisée, peut devenir l'objet d'une


addiction comportementale. On appelle ce phénomène la tanorexie, le
tanoholisme ou la bronzomanie. Les dermatologues ont colligé plusieurs cas de
patients ayant une consommation excessive de bronzage.

Pour le côté spectaculaire, on se souvient de la Tan Mom (mère tanorexique)
qui a défrayé la chronique en mai 2012. À l'époque, les Français découvrent
Miss Krentcil, une Américaine de 44 ans, addict au bronzage. La couleur de
peau de cette femme blonde est devenue quasiment noire. Son histoire a alerté
les médias parce que les médecins ont découvert des brûlures sur le corps de sa
fille de 5 ans lors de la visite médicale scolaire. La Tan Mom a été
immédiatement accusée de l'avoir emmenée avec elle dans les salons de
bronzage. Mais elle protesta : sa fille est rousse à la peau claire et ne doit ses
blessures qu'à une trop longue exposition au soleil, pas aux cabines à UV. Elle
s'est tout de même fait arrêter par la police, s'est acquittée d'une caution de
2 500 dollars et encourt une peine de dix ans de prison. Depuis, la Tan Mom vit
un enfer. Elle est stigmatisée, sa photo est placardée dans tous les salons de
bronzage de sa ville, desquels elle est bannie. Elle est la pestiférée, le modèle à
proscrire. La situation est bien délicate pour une addict… Quelques mois plus
tard, en août 2012 précisément, la même femme posait en couverture des
journaux, le teint moins sombre, pour témoigner du fait qu'elle ne s'exposait plus
aux UV depuis un mois. Mais un mois sans bronzage, cela est-il suffisant pour
attester d'une guérison ? En réalité, plusieurs mois sont nécessaires pour
décrocher de la tanorexie.

Dans le même esprit, une des dernières campagnes de pub de la marque
suédoise H&M, en 2012, a également provoqué la colère des spécialistes en
dermatologie. La mannequin Isabeli Fontana est photographiée en maillot de
bain, la peau bronzée à outrance. Cancerfonden, la Société suédoise contre le
cancer, a évoqué un idéal de beauté dangereux pour la santé. Cette photo a ainsi
été accusée d'inciter à la tanorexie.

Même si l'addiction au bronzage n'est pas reconnue officiellement dans les
grandes classifications des maladies psychiatriques, cette pathologie a été
comparée, pour la première fois en 2005, à un trouble lié à l'usage de substances
par le Dr Wharthan, une dermatologue américaine et ses collaborateurs. L'équipe
de chercheurs s'est servie de deux questionnaires utilisés d'ordinaire dans les
addictions aux substances : le CAGE (l'acronyme de Cut down, Annoyed, Guilty,
Eye opener) et une version modifiée d'un questionnaire du DSM-IV portant sur
le sevrage, la tolérance et les conséquences négatives du bronzage en cabines à
UV ou lors de bains de soleil (voir ci-après la section « Êtes-vous
tanorexique ? »).
Les études utilisant ces questionnaires modifiés retrouvent un taux de
dépendance au bronzage allant de 12 à 55 %. Selon une autre étude, de 10 à
29 % des adolescents au Royaume-Uni et aux États-Unis étaient tanorexiques.
Ces chiffres sont très nettement supérieurs à ce qui est observé dans les
addictions aux drogues, à l'alcool ou aux jeux de hasard et d'argent,
probablement parce que les outils de repérage utilisés surévaluent la dépendance
au bronzage.
Un des mécanismes physiopathologiques de cette dépendance serait la
libération d'opioïdes endogènes lorsque la peau est exposée aux UV. Une dose
d'endorphines, comparable à celle qui est délivrée lors d'un exercice physique
prolongé, serait à l'origine d'un effet anti-stress, euphorisant, tranquillisant et
antalgique. À partir de cette hypothèse neurobiologique, des chercheurs ont
utilisé un questionnaire dérivé de celui sur la dépendance aux opiacés pour
évaluer l'addiction au bronzage. Parmi les 296 participants de cette étude, le taux
de bronzomanie retrouvée était de 5,4 %, un chiffre se rapprochant plus de ceux
de la dépendance aux substances.

Quels sont les facteurs de risque de dépendance au bronzage ?

• commencer l'activité de bronzage à un âge précoce,
• avoir envie de rechercher des sensations,
• éviter faiblement le danger,
• être influencé par ses pairs,
• connaître des antécédents familiaux de dépendance au bronzage,
• passer du temps à bronzer en cabine malgré la présence de soleil au-dehors,
• passer un grand nombre d'heures par semaine en cabine,
• avoir eu un bon nombre de coups de soleil l'année précédente.

Appelons les dépendants au bronzage les tanorexiques. Il s'agit surtout de
femmes jeunes, âgées de 17 à 30 ans. Le ratio est de 1 homme pour 5 femmes
environ, l'inverse de ce qui est retrouvé dans de nombreuses addictions aux
drogues, à l'alcool ou à d'autres comportements (sport, jeu, sexe). Ces personnes
remplissent aisément les critères de l'addiction définie par le Dr Goodman. Elles
répètent leur comportement de bronzage de façon abusive et perdent totalement
le contrôle. Cette population féminine plutôt jeune, bien qu'au courant des
risques d'une exposition solaire prolongée, continue à prendre des bains de
soleil. Celles qui vont régulièrement dans les centres de bronzage et qui utilisent
les cabines à UV sont encore plus informées sur les risques liés aux excès,
contrairement aux femmes qui ne fréquentent pas ces endroits. Rien n'y fait.
Connaître les risques des UV a peu d'effet sur la diminution du désir de bronzer
ou d'avoir des activités alternatives au bronzage.
Ce qui différencie les tanorexiques des simples amateurs de soleil, c'est leur
envie irrésistible de bronzer. Ce craving, cette « envie à en crever » de bronzer
est caractéristique du trouble addictif. Le rayonnement UV aggrave le craving et
des facteurs environnementaux peuvent déclencher ce désir (passer devant une
enseigne de salon de bronzage, voir une crème solaire dans un supermarché, des
images de soleil, de vacances). Des émotions positives (joie, bien-être) mais
également négatives (tristesse, angoisse, peur, contraintes) déclenchent aussi des
cravings. Le temps consacré au bronzage croît régulièrement, les sujets perdent
donc du temps, et empiètent sur leurs obligations familiales, sociales et
professionnelles. Certains loisirs sont même abandonnés au profit du bronzage.
Lorsque les patients tentent de diminuer leur exposition, la contrôler, voire
l'arrêter, ils échouent la plupart du temps. À cette étape, ils ont compris que
bronzer ne leur procure plus de plaisir. Ils ne cherchent plus qu'à apaiser une
tension interne, personnelle. Les tanorexiques expriment le besoin d'augmenter
les doses de bronzage en termes de fréquence et d'intensité pour obtenir des
effets similaires à ceux qu'ils ont ressentis les toutes premières fois.
Aucune étude n'a montré de lien entre tanorexie et dépression. Cependant, les
manifestations anxieuses sont plus fréquentes chez ces personnes. Les
tanorexiques cumulent en général plusieurs dépendances. À celle du bronzage
s'ajoutent l'alcool, le tabac ou le cannabis. Pour les substances comme la cocaïne,
cela reste anecdotique.

Êtes-vous tanorexique (bronzomane, addict au bronzage) ?
Deux questionnaires peuvent être utilisés : le DETA/CAGE et une version
modifiée du questionnaire de dépendance du DSM.IV.
La forme modifiée du questionnaire CAGE est habituellement utilisée pour les
problèmes d'alcool. En français, il porte le nom de DETA. Cet outil comporte
quatre questions. Les réponses sont en oui/non :

— Avez-vous déjà ressenti le besoin de diminuer votre activité de


bronzage ?
— Votre entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de
votre activité de bronzage ?
— Vous sentez-vous coupable lorsque vous réalisez ce
comportement de façon excessive ?
— Est-ce la première chose à laquelle vous pensez le matin en
vous réveillant ?

Il existe une probabilité très élevée d'un bronzage excessif si vous
avez répondu positivement à au moins 2 items.

La forme modifiée du questionnaire issu du DSM-IV est la suivante :

— Pensez-vous avoir besoin de passer de plus en plus de temps


dans les cabines de bronzage afin de maintenir un bronzage
parfait ?
— Craignez-vous de voir disparaître votre bronzage en passant un
temps identique dans les cabines de bronzage ?
— Commencez-vous à utiliser les cabines à UV pour que votre
bronzage ne diminue pas ?
— Lorsque vous vous rendez dans votre centre de bronzage,
passez-vous plus de temps à bronzer que prévu ?
— Lorsque vous essayez d'avoir des loisirs ne présentant pas de
rapport avec le bronzage, finissez-vous par admettre que vous
préféreriez bronzer ?
— Combien de jours par semaine bronzez-vous ?
— Bronzez-vous toute l'année ?
— Avez-vous déjà été absent au travail ou à l'école à cause d'une
séance de bronzage ?
— Avez-vous déjà manqué un rendez-vous professionnel ou
amical parce que vous aviez décidé d'aller bronzer ?
— Avez-vous été diagnostiqué d'un cancer de la peau lié à une
exposition à des rayons ultraviolets (UV) sans que vous changiez
vos habitudes ?

Il existe un diagnostic de tanorexie lorsque le score est supérieur
ou égal à 3.

V. Comment aider les tanorexiques ?

Il n'existe pas de recommandations particulières en termes de traitement de


cette addiction. La majorité des tanorexiques est vue en consultation de
dermatologie.
Il n'existe pas non plus de traitement médicamenteux soignant cette maladie
mais on peut envisager de substituer l'exposition aux UV à l'utilisation de
produits artificiels permettant de garder un aspect bronzé en permanence,
comme les crèmes autobronzantes et les douches autobronzantes qui induisent
une coloration de la peau et l'hydratent, tout en préservant le capital soleil.

Un analogue de l'α-melanocyte stimulating hormone (α-MSH), appelé
melanotan, est en cours de développement et s'administrerait par voie sous-
cutanée, c'est-à-dire par injection. Cette hormone a pour effet de donner à la peau
une couleur dorée, elle garantit une certaine perte de poids et booste la libido. À
l'heure actuelle, cette molécule n'est pas sur le marché car les essais cliniques
sont toujours en cours. Par ailleurs, il est intéressant de noter que des produits
pour bronzer, non autorisés, ont circulé sur Internet, dans les salons de bronzage
et les salles de sport. Ces Barbie Drugs, dénommées melanotan 1 et/ou 2, sont
des analogues synthétiques de l'α-MSH. Cependant, l'administration par
injection augmente les risques de transmission virale. De même, une
recrudescence de lésions tumorales a été mise en avant.

La thérapie cognitive et comportementale peut s'avérer utile afin de modifier
ses habitudes et les pensées erronées qui les accompagnent. Un soutien
psychologique peut également être envisagé.

Les mesures de prévention dès l'adolescence doivent être une priorité. Il faut
démythifier les campagnes publicitaires vantant les mérites du bronzage en
cabines. Il est nécessaire de rappeler que l'OMS a insisté sur le fait que ces
salons étaient un vecteur important de cancers de la peau. Ces salons n'ont
aucune vertu thérapeutique et il n'est pas anodin qu'ils soient interdits aux moins
de 18 ans, comme le précise la réglementation en vigueur.

En termes de prévention des cancers de la peau, il est nécessaire :

• d'utiliser des vêtements spécialement conçus pour offrir une protection
maximale contre le soleil,
• de rechercher l'ombre et d'éviter de s'exposer au soleil sans protection,
surtout lorsqu'il est au zénith ou quand le temps est nuageux,
• de connaître l'indice UV de la journée,
• de ne pas fréquenter les salons de bronzage,
• d'appliquer des crèmes solaires (protégeant contre les rayons UVA et UVB)
vingt à trente minutes avant d'aller au soleil, sur les zones cutanées exposées
avec un indice de protection compris entre 30 et 50 (chiffre indiquant la
protection contre les UVB). Les crèmes solaires protègent la peau plus
efficacement que les gels ou les sprays. Il faut en appliquer toutes les
deux ou trois heures, après s'être baigné ou avoir beaucoup transpiré,
• d'éviter de recourir aux huiles qui accélèrent le bronzage,
• de noter tout changement d'apparence de la peau et de consulter sans
attendre,
• de se renseigner sur l'effet photosensibilisant des médicaments et des
produits de santé naturels.

Si un cancer de la peau est diagnostiqué, il existe des traitements chirurgicaux
et médicamenteux possibles. Plus le cancer est diagnostiqué tôt, plus le
traitement va être efficace. Montrez vos grains de beauté tous les ans et bronzez
de manière raisonnable !
CHAPITRE 10

Psychothérapie comportementale :
les clés pour aider

La thérapie cognitive et comportementale est une approche à court terme


centrée sur le symptôme. Elle a pour objectif de réduire le comportement
addictif des sujets dépendants ou bien de les rendre abstinents, si nécessaire.
Patient et thérapeute décident ensemble des objectifs appropriés du traitement,
du type et du temps d'entraînement qui sera consacré aux stratégies de lutte
contre l'addiction, de la présence ou non d'une personne de son choix à certaines
séances et de la nature des exercices à pratiquer en dehors. Ainsi naît une
alliance thérapeutique de qualité, qui évite une attitude trop passive de la part du
thérapeute et garantit la meilleure adaptabilité au patient.
Pour résumer, la thérapie cognitive et comportementale permet au patient
d'identifier les situations dans lesquelles il risque de consommer, de les éviter
quand cela semble approprié et de faire face de manière plus efficace à ses
troubles du comportement liés à l'addiction.

I. Un peu de théorie

La thérapie cognitive et comportementale s'inspire de la théorie de


l'apprentissage social. Entendons par là le rôle influent des processus
d'apprentissage dans le développement et dans le maintien de l'addiction (avec
ou sans drogues). Or, ces mêmes processus peuvent être employés pour aider les
personnes à réduire, voire à arrêter leur addiction. Examinons ces différents
types d'apprentissage.
L'apprentissage par imitation :
l'homme acquiert de nouvelles compétences en observant les comportements
de l'autre et en essayant de les reproduire. Ainsi, les enfants prennent leurs
parents en modèle, notamment pour parler, développer leur goût, etc. Il en va de
même pour les addictions. Prenons les jeux d'argent ou les jeux vidéo : plus le
patient a été exposé tôt, plus il risque de développer un comportement addictif.
En observant les consommations de tabac de leurs parents, les enfants
apprennent – à tort – qu'il s'agit d'un mécanisme de défense pour permettre aux
adultes d'affronter leurs problèmes. De même, les adolescents commencent
souvent à fumer du cannabis en observant leurs amis.

Le conditionnement opérant :
on ne le dira jamais assez, de l'animal à l'homme, il n'y a qu'un pas. Si les
animaux de laboratoire trouvent agréable l'exposition à une substance, alors ils
répéteront la stratégie apprise pour obtenir du plaisir grâce à cette substance-là,
délaissant d'autres éléments moins nocifs mais donnant moins de plaisir. On
parle de renforcement positif. Chez l'homme, c'est la même chose. Il peut
développer un comportement addictif à cause d'une substance ou d'un
comportement nouveau qui va modifier son ressenti (il sera stimulé, moins
angoissé, moins déprimé, plus « vivant »). Une fois l'addiction installée, les
conséquences positives et négatives perçues varient beaucoup d'un individu à
l'autre. Plus les antécédents familiaux présentent une addiction, ou un besoin
élevé de recherche de sensations, ou bien encore un trouble psychiatrique
associé, plus les sujets auront tendance à fixer leur attention sur un
comportement (sexe, jeu, achat, travail, sport, etc.) ou une drogue.

Le conditionnement classique :
nous l'avons vu tout au long de cet ouvrage, ce type de conditionnement
correspond à l'expérience réalisée par Pavlov. Ce dernier a montré que, avec le
temps, la présentation répétée d'un stimulus neutre, comme une sonnerie de
cloche, associé à un stimulus inconditionnel comme la présentation de
nourriture, permettait d'obtenir une réponse inconditionnelle, comme la
salivation chez le chien.
Ainsi, de la même manière que le chien de Pavlov, l'homme a des réponses
inconditionnelles. En effet, avec le temps, le comportement excessif de jeu, de
sexe, d'achat, d'exercice physique peut être associé à des habitudes, des endroits
particuliers (bar, hippodrome, salle de jeu, cybercafé, club échangiste, boîte de
nuit, etc.), des périodes de vie (après le travail, une réunion importante, un cours,
les week-ends, une dispute) et des états émotionnels (solitude, ennui, bien-être,
angoisse). Or, il suffit d'être exposé à un seul de ces facteurs pour que des envies
impérieuses se déclenchent automatiquement, envies qui seront bien sûr suivies
de la consommation de l'objet addictogène.

II. Format, durée et cadre de la thérapie

Le format :
le format thérapeutique individuel est préférable. Il permet de mettre en place
un programme personnalisé qui répond mieux aux attentes et aux besoins de
chaque patient. Les personnes addict reçoivent plus d'attention et s'impliquent
généralement davantage dans leur thérapie quand elles ont l'occasion de
travailler et d'établir une relation dans la durée avec un thérapeute unique. Le
format individuel permet une plus grande flexibilité dans la programmation des
séances et évite une trop grande attente entre deux rendez-vous. Et les patients
s'engagent plus facilement dans l'observance de leur suivi.
Cependant, voir les patients en groupe n'a pas que des inconvénients, bien au
contraire Il faut juste garder à l'esprit que la durée des séances est plus longue
qu'en individuel, puisque chacun doit pouvoir prendre la parole et commenter ses
expériences personnelles, évaluer ses compétences, donner des exemples et
participer aux jeux de rôle.

La durée :
le nombre de séances proposées peut se situer entre 12 et 16. La durée de la
thérapie est généralement supérieure à trois mois. Cette prise en charge à court
terme, relativement brève, a pour objectif de réduire le comportement de
consommation, ou bien d'atteindre et de maintenir une abstinence. Dans de
nombreux cas, il s'agit d'une thérapie suffisamment efficace pour maintenir une
amélioration pendant au moins douze mois après la fin de la thérapie. Toutefois,
chez de nombreux patients, la thérapie brève n'est pas suffisante pour produire
une stabilisation ou une amélioration durable. Dès lors, la thérapie cognitive et
comportementale peut être utilisée comme une préparation à un traitement à plus
long terme. En l'absence d'amélioration après trois mois de suivi, ou dès que le
patient le demande, un traitement prolongé est recommandé.
Les objectifs de la phase de maintien de la thérapie cognitive et
comportementale se définissent ainsi :

• identifier les situations, les affects et les pensées restant problématiques pour
les patients lorsqu'ils s'efforcent de réduire leur consommation ou de maintenir
leur abstinence ;
• maintenir les bénéfices en consolidant deux types de stratégies : les plus
efficaces pour faire face aux problèmes et celles qui ont été mises en application
par la personne elle-même ;
• encourager le patient à s'engager dans des activités et des relations
incompatibles avec le comportement addictif ;
• plutôt que d'introduire de nouvelles informations ou de nouvelles stratégies,
cette phase de maintien permet d'élargir et de maîtriser les compétences
auxquelles le patient a été exposé pendant la phase initiale de la thérapie.

Le cadre :
le cadre de la thérapie est habituellement ambulatoire, c'est-à-dire en
consultations, et ce, pour la raison suivante : la thérapie puise son inspiration
dans la compréhension des facteurs à l'origine du comportement addictif. Or,
plus le patient est plongé dans sa vie quotidienne, plus le décryptage de son
mode de vie sera possible. Apprendre de nouvelles stratégies pour modifier son
comportement est plus efficace quand le patient a l'occasion de le faire dans son
propre univers. Il sera en mesure de constater ce qui fonctionne ou ne fonctionne
pas pour lui et discutera pendant les séances avec son thérapeute pour élaborer
de nouvelles stratégies.

III. Analyser et s'entraîner

La thérapie cognitive et comportementale a deux composantes : l'analyse


fonctionnelle et l'entraînement aux compétences.

1. Analyse fonctionnelle
Pendant la thérapie, chaque comportement de consommation est examiné à la
loupe par le médecin et le patient. C'est ce que l'on appelle une analyse
fonctionnelle. Ils identifient ensemble les pensées et les émotions ressenties, les
circonstances antérieures et postérieures à la consommation comportementale.
De cette manière, patient et thérapeute évaluent les facteurs déterminants ou les
situations à haut risque susceptibles de mener au comportement addictif. À une
étape plus avancée de la thérapie, l'analyse fonctionnelle des comportements
permet d'identifier les situations ou les états pendant lesquels le sujet connaît
encore des difficultés et ne parvient pas encore à y faire face.
Le thérapeute doit essayer d'obtenir des réponses de la part de son patient aux
questions suivantes.

Questions concernant
les points faibles et obstacles :

A-t-il pris conscience du besoin de réduire son exposition au


comportement addictif ?
A-t-il pu identifier des facteurs déclenchant son comportement
addictif ?
A-t-il connu des périodes, même brèves, d'abstinence ?
A-t-il identifié les événements qui l'ont amené à la rechute ?
A-t-il pu supporter des périodes d'envie à crever de consommer
ou de détresse émotionnelle sans avoir recours au comportement
addictif ?
Souffre-t-il de troubles psychiatriques ou d'autres problèmes qui
pourraient compliquer ses efforts à changer ?

Questions concernant
les points forts et compétences

De quelles compétences ou ressources a-t-il fait preuve pendant


les précédentes périodes de réduction de consommation ou
d'abstinence ?
A-t-il réussi à conserver son travail ou des relations satisfaisantes
pendant la conduite addictive ?
Y a-t-il des personnes dans son réseau social qui ne sont pas
addict ?
Dispose-t-il de soutien social pour être encouragé dans son effort
de modifier son comportement ?
Quelle est l'utilisation que le patient fait de son temps quand il
n'est pas en train de consommer ou de récupérer des effets de
cette consommation ?
Quel était leur plus haut niveau de fonctionnement avant d'être
addict ?
Qu'est-ce qui l'amène à se faire soigner maintenant ?
Quel est son degré de motivation ?

Facteurs déterminant la conduite addictive

Quelles sont les modalités personnelles de la consommation ? le


week-end ? tous les jours ? usage compulsif ? consommation dans
certaines circonstances ?
Quels sont les facteurs déclenchant la conduite addictive ?
Consomme-t-il seul ou avec d'autres personnes ?
Où et comment trouve-t-il l'argent pour consommer ?
Qu'est-il arrivé au patient avant les épisodes de consommation
abusive les plus récents ?
Quelles circonstances étaient en jeu quand le comportement a
commencé ou est devenu problématique ?
Quels sont les rôles, positifs et négatifs, que leur comportement
addictif a dans sa vie ?

En cherchant à identifier les facteurs déterminants de la conduite addictive, il


faut explorer au moins 4 domaines généraux de fonctionnement : Contexte,
Émotions, Social et Cognitions.

Contexte
• Quels sont les marqueurs contextuels particuliers associés au comportement
addictif (argent, moments particuliers de la journée, amis…) ?
• Quel est leur niveau d'exposition quotidienne à ces marqueurs contextuels ?
• Est-ce que certains de ces marqueurs contextuels peuvent être aisément
évités ?

Émotions
• Exprime-t-il des émotions négatives (dépression, anxiété, ruminations,
inquiétude, ennui, colère) ?
• Exprime-t-il des émotions positives (excitation, joie, euphorie, bien-être,
etc.) ?

Social
• Avec qui le patient passe-t-il la majorité de son temps ?
• Avec qui consomme-t-il des drogues ?
• A-t-il des rapports avec ces mêmes individus qui ne concernent pas l'abus de
substances ?
• Vit-il avec quelqu'un qui consomme des substances ?
• Comment son réseau social a-t-il changé depuis que l'abus de substance a
commencé ou s'est aggravé ?

Cognitions
• Rechercher des pensées erronées qui permettent de continuer le
comportement addictif : « Je dois le faire pour pouvoir m'en sortir », « Je le fais
pour moins m'ennuyer », « Avec tout ce qui m'arrive, je ne peux que le faire pour
me sentir mieux », « Après tout ce temps où j'ai travaillé, j'ai bien mérité une
récompense ».
• Ces pensées sont souvent chargées sur le plan émotionnel et s'accompagnent
d'une sensation d'urgence.

2. L'entraînement aux compétences

La thérapie cognitive et comportementale est considérée comme un


programme d'entraînement très individualisé qui aide les addicts à désapprendre
leurs anciennes habitudes négatives… Ils apprennent (ou réapprennent) des
compétences ou des habitudes moins « toxiques ». C'est lorsque le sexe, la
nourriture, les achats, le jeu, le sport deviennent les seuls moyens de gérer leurs
problèmes personnels que la consommation devient pathologique au point de
nécessiter un traitement.

Plusieurs raisons peuvent l'expliquer.
Tout d'abord, le sujet n'a peut-être jamais mis en place les bonnes stratégies
pour faire face aux défis et aux problèmes de l'âge adulte : cette situation est
fréquente lorsque le comportement pathologique commence tôt dans
l'adolescence, sachant que plus la consommation se fait à un âge précoce, plus
l'addiction s'installera facilement.
Ensuite, il est possible que le patient ait déjà acquis des stratégies efficaces,
mais le recours répété au jeu, au sexe, au sport, à l'alimentation ou au travail
pour pallier ses problèmes a rendu ces stratégies inutilisables. Le mode de vie
d'un addict bloque toute possibilité de remise en question de ces fausses
stratégies. Il ou elle s'enferme dans un cercle vicieux : exposition à leur drogue
comportementale, consommation non-stop, besoin de se remettre des effets,
absence de plaisir, perte de temps.
Enfin, il n'est pas rare qu'une personne rencontre beaucoup de difficultés à
mettre en œuvre des stratégies efficaces à cause de ses autres addictions
(drogues, alcool) ou de ses problèmes psychologiques (dépression, troubles
anxieux…). Il faut vraiment prendre tous ces critères en compte.

D'une façon générale, les personnes addict forment un groupe hétérogène.
Quand elles décident de se faire traiter, elles sont confrontées à un grand nombre
de problèmes. C'est pour cela que l'entraînement cognitif et comportemental aux
compétences doit être aussi vaste que possible.
Les premières séances de la thérapie se focalisent sur les informations à
connaître (comme l'identification des situations à haut risque lors de l'usage
effréné de sexe) qui permettront plus tard de contrôler le comportement addictif.
Une fois que ces compétences de base sont maîtrisées, l'entraînement est élargi
pour y inclure une gamme d'autres problèmes que rencontre le patient
(séparation, dettes, isolement social, perte d'emploi). Les personnes malades
apprennent des stratégies spécifiques pour les aider à maîtriser leur
comportement. Elles apprennent aussi des stratégies générales pouvant être
appliquées à d'autres problèmes qu'elles rencontrent dans leur quotidien. De
plus, pour renforcer et élargir le répertoire des stratégies, l'entraînement aux
compétences se centre à la fois sur les compétences personnelles (faire face au
craving) et celles qui sont liées à l'entourage (refuser une proposition de jeu, de
webcam sexe ou de soirée dans un club échangiste).

La thérapie cognitive et comportementale est adaptée non seulement pour
aider chaque patient à réduire et à arrêter son comportement pendant le
traitement, mais également pour lui transmettre des compétences pouvant être
bénéfiques longtemps après la fin de son traitement.

Elle comporte plusieurs axes :

Renforcer la motivation pour le contrôle de la consommation


ou l'abstinence.
Les patients remplissent une balance décisionnelle utile pour explorer les
avantages et les inconvénients de la poursuite de la consommation.

Enseigner les techniques pour faire face aux problèmes.


Il s'agit d'aider les patients à reconnaître les situations à haut risque dans
lesquelles ils sont le plus susceptibles de reproduire leur comportement addictif
et les encourager à développer des moyens plus efficaces pour ne pas replonger.

Renforcer la gestion des émotions négatives.


L'idée ici est d'identifier et de gérer les envies. Il s'agit d'un bon moyen pour
aider les patients à tolérer les affects négatifs comme la tristesse, l'irritabilité et la
colère.

Modifier les possibilités de récompenses.


Avant la mise en place du traitement, de nombreux patients consacrent la
majeure partie de leur temps à consommer, puis à se remettre des effets de ce
comportement pathologique. Ils se privent ainsi d'autres expériences et d'autres
récompenses. La thérapie tente de remplacer les habitudes par des activités plus
positives et des récompenses plus durables.

Améliorer le fonctionnement interpersonnel et le soutien


social.
La thérapie s'intéresse aussi à l'entraînement aux compétences propres :
montrer aux patients qu'ils possèdent en eux les ressources nécessaires à leur
rétablissement. Le thérapeute aidera également les addicts à élargir leur réseau
de soutien social et à redécouvrir les relations affectives durables, non liées au
comportement addictif.

IV. Première séance

La première séance sert à connaître les antécédents, le mode de vie, l'histoire


des addictions du patient, à évaluer le niveau de motivation au changement, et à
déterminer ce qui amène le patient à chercher de l'aide. Une série de questions
ouvertes posées au patient permet d'obtenir des informations sur les domaines
évoqués.

1. Histoire du patient et premier contact

Les raisons de la demande de soins


Qu'est-ce qui amène le patient ici aujourd'hui ?
A-t-il déjà suivi d'autres thérapies pour stopper l'addiction ?
Si oui, quand ?
Combien de temps ?
Comment cela s'est-il passé ?
Qu'est-ce qu'il a aimé et n'a pas aimé ?
Pourquoi a-t-il arrêté sa thérapie ?
A-t-il déjà été en traitement pour une addiction à d'autres substances, comme
l'héroïne, l'alcool, le cannabis ou les benzodiazépines ?

L'histoire de l'addiction comportementale


Comment sa consommation comportementale a-t-elle commencé ?
Quelle est la fréquence de la consommation ?
En quelle quantité ?
Quelle est sa plus longue période de diminution du comportement ou d'arrêt
de celui-ci ?
Quand a-t-elle commencé ?
Quand s'est-elle arrêtée ?
Qu'a-t-il essayé de faire pour réduire sa consommation ?
Comment se sent-il après avoir consommé ?

Autres problèmes et ressources


Travaille-t-il actuellement ?
Est-ce que la consommation retentit sur le travail ?
Sa famille et/ou son (sa) conjoint(e) est-il (elle) au courant de sa
consommation ?
Quand a eu lieu son dernier examen médical ?
A-t-il eu des problèmes médicaux ?
A-t-il eu des problèmes avec la justice ?
Comment se sent-il la plupart de temps ?
A-t-il déjà été déprimé ?
A-t-il jamais pensé à se faire du mal ?
A-t-il déjà essayé de se faire du mal ?
Est-ce que cela se produit seulement lorsqu'il consomme ?

2. Renforcer la motivation du patient

Cette étape doit se référer à ce qui est fait dans les travaux psychologiques dits
motivationnels qui sont une méthode de communication directive, centrée sur la
personne, et visant au changement de comportement par l'exploration et la
résolution de l'ambivalence.

Les grands principes de cette étape de la séance que le thérapeute doit garder à
l'esprit sont les suivants :
— l'empathie ou comprendre les sentiments exprimés par l'autre inclut
l'authenticité, la disponibilité du thérapeute, la croyance en l'autre, l'intérêt, le
respect et l'acceptation de l'autre,
— l'ambivalence s'explore via la balance décisionnelle. Par la suite, le patient
plutôt que le thérapeute doit présenter les arguments en faveur du changement,
— la résistance au changement est l'indicateur d'une dissonance à l'intérieur
d'une relation thérapeutique. C'est le signal qu'il faut changer de stratégie. En
effet, mieux vaut ne pas s'opposer directement à la résistance, éviter le plaidoyer
pour le changement et inviter à de nouveaux points de vue, sans jamais les
imposer. Le patient est la source première des réponses et des solutions,
— concernant le renforcement du sentiment d'efficacité personnelle, le patient,
et non le thérapeute, est responsable du choix et du développement des
changements.

3. Présenter les objectifs du traitement

La thérapie cognitive et comportementale dans les addictions sans drogues


doit être orientée vers la réduction de la consommation et le contrôle de celle-ci.
Il est également nécessaire d'évaluer les risques associés (maladies
psychiatriques et/ou physiques, autres addictions).

Que faire face à une envie irrésistible de consommer


(craving) ?
avoir des cravings est normal et très fréquent. Cela ne manifeste pas
forcément un désir de consommer.
Chaque personne addict est confrontée à une multitude de stimuli qui créent le
craving. Cette sensation terrible de manque est limitée dans le temps.
Néanmoins, il est important que le thérapeute transmette cette information au
patient. Si, à la suite de cet appel, l'addict ne consomme pas sa drogue ou ne
modifie pas son comportement, le craving s'accentue pour finalement se dissiper
en moins d'une heure. Le thérapeute peut expliquer ce processus d'extinction des
réponses conditionnelles en utilisant des exemples concrets, comme l'expérience
de Pavlov.

Il est essentiel d'essayer de comprendre le vécu du craving par le patient,
d'autant que chacun le vivra à sa manière.
Pour certains, l'expérience est d'abord physique : « Je ressens quelque chose
au niveau de mon estomac, de mon thorax », « Mon cœur se met à battre
rapidement », « Je commence à sentir l'odeur du cul dans un club », « Je sens la
pression monter quand je rentre dans un bar. »
Pour d'autres, le craving a d'abord une dimension cognitive : « J'en ai besoin
maintenant », « Je n'arrive pas à penser à autre chose », « Il faut que je le fasse
pour éviter ces obsessions. »

Le craving peut également être vécu de manière affective : « Je suis stressé »,
« La tension m'envahit », « Je deviens nerveux », « Je m'emmerde. »

Plus le médecin écoute et comprend son patient, mieux il sélectionnera les
stratégies appropriées. Si son patient a souvent cédé au craving, il doit le noter. Il
doit aussi élaborer une liste complète des déclencheurs de craving propres au
patient, une étape qui perturbe certains, peu habitués à scanner leur quotidien. Si
c'est trop douloureux pour le patient, il est préférable de se focaliser sur les
toutes dernières semaines en recherchant les stimuli et les craintes les plus
problématiques.
La stratégie « Identifier, Éviter et Faire face » est particulièrement applicable
au craving. Après avoir identifié les stimuli les plus difficiles à contourner pour
le patient, le thérapeute essaie d'examiner jusqu'à quel point ces stimuli peuvent
être évités.

Il existe une grande variété de stratégies pour faire face au craving.

Se distraire :
trouver une solution alternative comme se promener, faire des exercices de
relaxation, sortir avec un ami, faire un peu d'activité physique, etc., tout cela peut
être une stratégie efficace pour faire face au craving. L'idéal est de préparer avec
le patient une liste de solutions alternatives fiables afin d'anticiper cette phase.

Parler du craving :
si les patients ont des amis ou des membres de leur famille abstinents qui leur
apportent un soutien, parler du craving lorsqu'il survient est une stratégie très
efficace. Cela peut les aider à diminuer les émotions négatives qui accompagnent
souvent le manque, ainsi qu'à identifier des stimuli spécifiques. Pour les patients
isolés socialement, il y a nécessité de combattre cette solitude pendant le
programme thérapeutique.

Accompagner le craving ; surfer sur l'envie :


cette technique est fondée sur l'idée de laisser le craving survenir, culminer, et
passer. Il faut le vivre sans le combattre ni y céder, à l'image d'une grosse vague
qui passe sur soi, puis se retire. C'est le principe du judo qui consiste à gagner en
contrôle par l'absence de résistance. Il ne s'agit pas de faire disparaître cette
phase de manque, mais de la vivre d'une façon différente, afin de la rendre moins
anxiogène, moins dangereuse et plus facile à surmonter. Il faut donc commencer
par trouver un endroit confortable et calme où la personne pourra faire
l'expérience du craving, se relaxer et se concentrer sur cet événement. Cette
étape disparaît alors complètement chez de nombreux patients.

Se rappeler des conséquences négatives de la consommation


abusive :
lorsque l'addict ressent un craving, il ne se rappellera que des effets positifs du
comportement addictif sans drogue, en mettant de côté ses conséquences
négatives. Il est important d'amener les patients à se souvenir des bénéfices d'une
réduction de consommation et des conséquences négatives de la poursuite de
celle-ci.

Se parler à soi-même :
de nombreuses pensées automatiques accompagnent le craving, mais elles
font tellement partie de la vie du patient qu'il n'en a pas toujours conscience. Ces
pensées automatiques ont souvent un caractère d'urgence. Il est important de les
identifier pour les anticiper efficacement et les affronter en se parlant à soi-même
de manière positive. Il faut défier la pensée avec des phrases comme : « Je ne
vais pas vraiment aller mal si je ne baise pas six fois par jour », « Je ferai aussi
bien l'amour si je me masturbe moins pour tenir. » Il faut normaliser le craving :
« C'est gênant, mais beaucoup de personnes le vivent, et c'est quelque chose que
je peux gérer. »

V. Les autres séances

Les autres séances de TCC permettent d'aborder différents thèmes comme le


renforcement de la motivation au changement et l'ambivalence à propos de la
réduction de la consommation. L'ambivalence apparaît lorsque le patient est
confronté à des pensées difficiles à gérer parce que contradictoires.

L'affirmation de soi est une autre étape importante. Pour cela, le thérapeute
peut évaluer les étapes nécessaires pour réduire le comportement addictogène,
explorer des stratégies pour rompre le contact avec des stimuli déclencheurs,
apprendre et pratiquer les techniques de refus de l'objet de l'addiction. Les jeux
de rôle sont aussi une belle solution alternative pour que le patient parvienne à
contrôler ses réponses.
Même si le sujet fait de plus en plus d'efforts pour s'en sortir, il sera
inévitablement confronté à de nombreuses situations à haut risque. En effet,
l'addict ne peut pas tout contrôler ; certaines images ou scénarios dépassent sa
sphère personnelle. Il existe aussi un autre type d'exposition que le patient vit
comme hors de tout contrôle, mais qui, en réalité, met en jeu un processus de
comportements déterminés par le patient lui-même : il s'agit de décisions
apparemment sans conséquence qui le mettent dans des situations à risque élevé,
voire l'y installent confortablement. Pour comprendre ce point, voici l'exemple
d'un patient vu en consultation.
Bruno, 42 ans, est suivi pour une addiction au sexe et à la cocaïne. Il est
abstinent depuis plusieurs semaines pour ces deux pathologies. Stabilisé, il
continue à avoir des rapports sexuels avec son épouse. Après une soirée dans un
restaurant gastronomique avec des collègues de travail, il reprend sa voiture pour
se rendre à son domicile. Sa femme et ses deux enfants sont partis en week-end
dans leur maison de campagne. Sur le chemin du retour, il décide d'emprunter un
nouvel itinéraire plutôt que de rentrer directement chez lui. Il passe alors au bois
de Boulogne où les transsexuels sont alignés. Puis il se dirige vers un club qu'il
fréquentait il y a plusieurs mois et où il consommait sexe et drogues sans limite.
La chaleur de cette nuit-là fait qu'il décide de s'y arrêter pour saluer le patron,
qu'il connaît bien, et boire une eau gazeuse. Une fois entré dans le bar, il se dit
que dans la mesure où ses problèmes sont du sexe addictif et de la coke, « ce ne
serait pas gênant de se boire quelques verres de vodka ». Après un tiers de
bouteille de Smirnoff mélangée à du jus de pomme, il rencontre une fille qui se
trouve avoir un demi-gramme de cocaïne et un gramme de NRG3 sur elle…
C'est la rechute.
Par ailleurs, des circonstances imprévues peuvent survenir et se transformer
en une situation à haut risque. Elles sont souvent liées à des moments de crise ou
des événements négatifs et stressants. Cependant, des circonstances positives
peuvent également être source de craving. Il est donc capital de développer des
plans d'urgence qui puissent être consultés et utilisés quand de telles crises
surviennent.
Outre la gestion de ces cas particuliers, il est indispensable de travailler avec
le patient sur la réduction des dangers induits par les autres addictions
comportementales parfois associées à l'addiction principale (risques d'infections
sexuellement transmissibles, etc.) :

• en évaluant les comportements délicats,
• en renforçant la motivation à les changer,
• en mettant en place des objectifs de changement par rapport aux
comportements à risque,
• en surmontant les obstacles à la réduction des risques.
Postface

Accro, addict… Des termes de plus en plus souvent employés dans la vie de
tous les jours où des comportements plus ou moins dangereux se développent
dans les différents domaines que le Dr Laurent Karila et Annabel Benhaiem ont
évoqués dans cet ouvrage.
N'étant ni psychologue, psychiatre, psychothérapeute ou analyste, certains
pourraient s'étonner qu'un artiste en signe la postface, sûrement parce qu'ils ne
savent pas que j'ai rencontré Laurent pour me sortir d'une addiction à la cocaïne
qui a duré dix-sept ans.
Un jour, j'ai annoncé publiquement sur ma page Facebook (une des addictions
modernes !) que j'entamais une thérapie avec un addictologue situé pas très loin
de chez moi. Laurent m'a alors contacté au milieu d'un flot de réactions de fans,
j'ignorais qu'il était dans la liste de mes « amis virtuels ». J'ai été très surpris car
j'avais dévoré son livre Une histoire de poudre (Flammarion) mais ne me doutais
pas qu'il aimait mon travail et répondrait à ce billet d'humeur.
S'en est suivi plus d'un an de rencontres, d'échanges, de dialogues et de
conseils thérapeutiques avec lui à l'hôpital Paul-Brousse à Villejuif, transcendés
encore par une collaboration artistique via l'écriture de deux albums concept
pour un de mes projets musicaux, le groupe de hard rock Satan Jokers
(AddictionS sorti en 2011 incluant un e-book préventif de 130 pages écrit
ensemble et Psychiatric en janvier 2013) sur le label Rebel Music.
Plusieurs domaines dont Laurent parle dans ce livre me touchent tout
particulièrement comme le sexe, le travail, la malbouffe ou encore Internet.
Le « produit » et les comportements addictifs sont associés, je suis en quelque
sorte un « cas d'école » en matière d'addictions puisque avant j'associais ma
consommation de cocaïne au sexe. Avec la cocaïne, mon système cérébral s'est
complètement inversé. Dès que je faisais quelque chose de positif, je souhaitais
me récompenser en consommant du produit, c'est ce que Laurent a appelé
« substance récompense » dans un des titres composés ensemble pour l'album
AddictionS. Mon cerveau ne distinguait plus les choses de façon normale et je
donnais satisfaction à chaque envie. Le craving, envie irrésistible de consommer,
peut se gérer en suivant une technique mentale très précise mais, à une époque,
je ne faisais que décaler le problème de quelques heures pour finalement céder à
mes envies.
Plutôt que de garder en mémoire les douleurs, crises de larmes, d'angoisse et
dépressions en tous genres liées à un comportement addictif, le cerveau, au
moment de céder à la tentation, ne conserve que le souvenir de la première
excitation, pourtant éphémère.
J'ai toujours pensé qu'on est addict quand on est conscient qu'on se fait du mal
mais qu'on continue quand même. Le retour en arrière est donc extrêmement
compliqué et semé d'embûches car toutes les émotions et les comportements se
dérèglent face à une telle maladie. Car c'est bien d'une maladie qu'on parle.
Les addictions comportementales sont un nouvel axe de la maladie addictive
qui touche tout le monde, quel que soit l'âge. Notre société est vectrice de ses
maux, Internet, les jeux d'argent, les jeux vidéo, le sexe, le bronzage à outrance,
le workaholisme ou le sportaholisme, de la même manière que les drogues.
Il y a un parallèle évident entre la consommation de coke chez certains et les
troubles comportementaux (jeux, achats…) chez d'autres.
La thérapie comportementale peut aider un addict dans sa volonté d'arrêt mais
rien ne remplace une forte et réelle décision personnelle. Selon moi, on ne peut
pas forcer un malade à mettre fin à son addiction s'il n'en a pas l'intime
conviction.
On cherche souvent les origines de l'addiction. En rencontrant d'autres
malades ou en discutant avec eux, j'ai pu me rendre compte que nous ne sommes
pas tous égaux devant elle.
Certains ont une propension à l'addiction plus forte que d'autres. J'ai été élevé
par une mère protectrice et aimante, je suis hypocondriaque. Je n'avais donc pas
spécialement de terrain propice au développement d'une addiction. J'ai pourtant
bel et bien sombré.
Il me semble que les comportements addictifs se multiplient aujourd'hui car la
société est de plus en plus dure et permet toutes sortes de dérives dangereuses.
Les générations futures risquent malheureusement d'être de plus en plus
« accro ».
Médicalement, on est addict lorsqu'on éprouve de la souffrance. Je pense que
ce que j'ai vécu sexuellement grâce aux multiples rencontres faites au travers de
ma carrière de chanteur m'a blasé assez vite. C'est une des raisons qui m'a mené
à la cocaïne comme je l'explique dans les dix-sept chapitres correspondant à dix-
sept années d'addiction de Poudre aux yeux (Sexe & drogues & show business
paru chez Pygmalion), une autobiographie-confession rédemptrice, écrite en
2011 sur les conseils du Dr Laurent Karila.
Ma rencontre avec Laurent m'a fait prendre conscience qu'il est nécessaire de
se faire aider et d'être accompagné médicalement.
Laurent Karila, mon frère, mon ami, mon « neurone miroir » comme il le dit
souvent. Notre rencontre est un signe du ciel. Il m'accompagne artistiquement
depuis plus d'un an et j'espère pouvoir l'accompagner à mon tour dans les années
à venir en tant que conseiller sur la recherche de nouvelles méthodes de
sensibilisation, de prévention ou même de clés vers une guérison totale dans le
cadre de diverses addictions. J'aurai ainsi le sentiment que ces dix-sept années de
fuite en avant gaspillées dans la poudre n'auront pas totalement servi à rien.

Renaud Hantson
Annexes

Chapitre 1. Sexe en excès


Le Programme en douze étapes des DASA (Dépendants Affectifs
Sexuels Anonymes)

1. Nous avons admis que nous étions impuissants devant notre dépendance
affective et sexuelle, que nous avions perdu la maîtrise de nos vies.
2. Nous en sommes venus à croire qu'une Puissance Supérieure (ce n'est pas
forcément le Dieu représentant une religion) à nous-mêmes pouvait nous rendre
la raison.
3. Nous avons décidé de confier notre volonté et nos vies aux soins de Dieu tel
que nous Le concevions.
4. Nous avons courageusement procédé à un inventaire moral et minutieux de
nous-mêmes.
5. Nous avons admis à Dieu, à nous-mêmes et à un autre être humain la nature
exacte de nos torts.
6. Nous avons pleinement consenti à ce que Dieu éliminât tous ces défauts de
caractère.
7. Nous Lui avons humblement demandé de faire disparaître nos déficiences.
8. Nous avons dressé une liste de toutes les personnes que nous avons lésées
et nous avons résolu de leur faire amende honorable.
9. Nous avons réparé nos torts directement envers ces personnes, partout où
c'était possible, sauf lorsque nous pouvions leur nuire ou causer du tort à
d'autres.
10. Nous avons poursuivi notre inventaire personnel et admis nos torts dès que
nous nous en sommes aperçus.
11. Nous avons cherché par la prière et la méditation à améliorer notre contact
conscient avec Dieu, tel que nous Le concevions, Le priant seulement de nous
faire connaître Sa volonté à notre égard et de nous donner la force de l'exécuter.
12. Ayant connu un réveil spirituel comme résultat de ces étapes, nous avons
alors essayé de transmettre ce message aux autres dépendants affectifs et sexuels
et de mettre en pratique ces principes dans tous les domaines de notre vie.
Test 1 : Chapitre 2. Shoot de pixels (p. 90-97)

Un questionnaire pour les parents adapté en langue française est également


accessible, afin qu'ils puissent évaluer le problème de leur enfant. Chaque item
est associé à un nombre de points. Il faut les additionner pour avoir un score. En
fonction du score, une orientation est proposée.

1. Le type de jeu auquel mon enfant joue principalement est :


• MMORPG/MMO (World of Warcraft, Lineage, Runescape, Everquest, Aion…) (3)
• Real Time Strategy (Company of Heroes, Age of Empires, Command & Conquer, Warhammer…) (3)
• First Person Shooter (Team Fortress, Halo, Killzone, Unreal Tournament, Call of Duty…) (2)
• Action (Grand Theft Auto, Devil May Cry, Metal Gear Solid, Uncharted, Fallout, Assassin's Creed…) (2)
• Sports (Madden NFL, NHL, FIFA Soccer, NBA Street, Fight Night…) (1)
• Combat (Tekken, Street Fighter, Soulcalibur, Mortal Kombat, Dead or Alive, Virtua Fighter…) (1)
• Musique (Guitar Hero, Rock Band…) (1)
• Courses (Forza Motorsport, Need for Speed, Burnout, Gran Turismo…) (1)
• Jeu de Plate-forme (Super Mario, MegaMan, LittleBigPlanet, Ratchet & Clank…) (0)
• Puzzle (Bejeweled, Peggle, World of Goo…) (0)

2. En moyenne par jour, mon enfant joue aux jeux vidéo pendant :
• 0 – 1 heure (0)
• 2 heures (1)
• 3 heures (2)
• 4 heures (3)
• 5 heures ou plus (4)

3. En moyenne par jour de week-end, mon enfant joue aux jeux vidéo pendant :
• 0 – 1 heure (0)
• 2 heures (1)
• De 3 à 4 heures (2)
• De 5 à 6 heures (3)
• 7 heures ou plus (4)


4. J'ai déjà essayé – infructueusement – de réduire le temps de jeu de mon enfant :
• Jamais (0)
• 1 fois (1)
• 2 fois (1)
• 3 fois (2)
• 4 fois ou plus (3)

5. Si je ne mettais pas de limites sur le temps passé à jouer aux jeux vidéo, mon enfant jouerait :
• De manière identique à maintenant (0)
• Sûrement plus que maintenant (1)
• Significativement plus que maintenant (2)
• Beaucoup plus que maintenant (2)


6. Mon enfant a accès aux jeux vidéo dans sa chambre :
• Oui (2)
• Non (0)

7. Mon enfant veille tard le soir pour jouer aux jeux vidéo. Il en résulte une fatigue matinale :
• Jamais ou rarement (0)
• Occasionnellement (1)
• Fréquemment (2)
• La plupart du temps (3)


8. Mon enfant a la permission de jouer aux jeux vidéo avant que ses devoirs soient terminés :
• Jamais ou rarement (− 1)
• Occasionnellement (0)
• Fréquemment (1)
• La plupart du temps (2)


9. Mon enfant préférerait jouer aux jeux vidéo que de sortir avec des ami(e)s :
• Jamais ou rarement (0)
• Occasionnellement (1)
• Fréquemment (2)
• Toujours (3)


10. Mon enfant semble avoir peu d'amis en dehors de son monde de jeu :
• Pas tout à fait vrai (0)
• Assez vrai (1,5)
• Tout à fait vrai (1,5)
• Définitivement vrai (3)

11. Les résultats scolaires de mon enfant sont perturbés par les jeux :
• Pas du tout vrai (0)
• Assez vrai (1,5)
• Tout à fait vrai (3)


12. Mon enfant ment sur le temps passé à jouer aux jeux vidéo :
• Pas du tout vrai (0)
• Probablement vrai (1)
• Définitivement vrai (2)

13. Mon enfant a des activités scolaires ou occupationnelles :
• Non, aucune (2)
• Oui, une activité (0)
• Oui, 2 activités (− 1)
• Oui, 3 activités ou plus (− 2)


14. Mon enfant a des intérêts en dehors du monde des jeux vidéo :
• Non, pas du tout (3)
• Oui, un autre intérêt (1)
• Oui, 2 autres intérêts (− 1)
• Oui, 3 ou plus (− 2)


15. Mon enfant néglige son hygiène à cause de son comportement excessif de jeu :
• Jamais ou rarement (0)
• Occasionnellement (1)
• Souvent (2)
• Toujours (3)

16. Mon enfant dépense son argent en achetant des jeux vidéo ou en s'abonnant à des services en ligne sur Internet pour
ses jeux :
• Jamais – il ou elle ne dépense jamais d'argent pour les jeux (0)
• Rarement – il ou elle dépense un peu d'argent (0)
• Souvent – il ou elle dépense une somme d'argent significative (1,5)
• Toujours – il ou elle dépense tout son argent dans les jeux vidéo (3)

17. Mon enfant a un petit job :
• Non, il est trop jeune pour travailler ou je préfère qu'il ne travaille pas (0)
• Non, il est trop impliqué dans d'autres activités (n'incluant pas les jeux vidéo) (− 1)
• Non, j'aimerais bien qu'il travaille mais il refuse de le faire (2)
• Oui, mais il a des difficultés à conserver son job (2)
• Oui, il a un job (− 2)


18. D'autres membres de la famille sont concernés par le problème de jeu vidéo de mon enfant :
• Non. Ils le savent mais ne s'en soucient pas (− 1)
• Non. Ils ne savent pas combien de temps il joue (0)
• Oui, d'autres membres de la famille sont concernés par le fait que mon enfant joue (2)


19. Mon enfant devient irritable ou anxieux quand il ne peut pas accéder à son jeu favori (ordinateur éteint par
exemple) :
• Jamais (0)
• Rarement (0,5)
• Souvent (2)
• Toujours (3)

20. Quand votre enfant ne joue pas à son jeu préféré, il perd du temps à lire ou à échanger on line avec d'autres joueurs
• Jamais (0)
• Rarement (0)
• Occasionnellement (1)
• Souvent (2)


21. Mon enfant s'énerve ou est très défensif quand je lui parle des habitudes de jeu :
• Jamais (0)
• Oui, occasionnellement (1)
• Oui, souvent (2)
• Oui, la plupart du temps (2)

22. Parent, je décide des jeux auxquels mon enfant peut jouer :
• Oui, toujours (− 1)
• Habituellement, je contrôle tous les jeux et n'en autorise pas certains (0)
• Rarement. Mon enfant choisit généralement le jeu qu'il veut acheter ou installer (2)
• Jamais. Mon enfant achète et installe les jeux qu'il veut (2)

23. Mon enfant s'arrange pour jouer en ligne quand ses amis, son équipe, sa guilde, ou son clan jouent également,
même si c'est à des horaires non autorisés ou inadaptés :
• Jamais (0)
• Rarement (1)
• Quelquefois (2)
• Souvent (3)

24. Mon enfant aurait des difficultés à arrêter de jouer une semaine :
• Non pas du tout. Ce serait très facile pour lui (− 2)
• Mon enfant n'aimerait pas mais il pourrait le faire sans trop de problèmes (1)
• Mon enfant aurait de grandes difficultés à s'arrêter pendant une semaine (2)
• Ce serait impossible pour mon enfant de s'arrêter pendant une semaine (3)


25. Mon enfant mange en même temps qu'il joue aux jeux vidéo :
• Jamais, juste un en-cas de temps en temps (0)
• Quelquefois (1)
• Souvent (2)
• Toujours (3)


26. Mon enfant admet qu'il joue trop :
• Non (0)
• Oui (3)


27. Mon enfant a des maux de tête ou les yeux rouges ou mal aux mains et/ou a des douleurs à cause des jeux vidéo :
• Jamais ou très rarement (0)
• Quelquefois (1)
• Souvent (2)


28. Mon enfant joue aux jeux vidéo dès qu'il en a l'opportunité (par exemple, dès qu'il rentre de l'école, immédiatement
après le dîner…) :
• Jamais (0)
• Rarement (0)
• Quelquefois (1)
• Souvent (2)


29. Mon enfant a eu une session de jeu qui a duré sept heures ou plus non-stop :
• Jamais (0)
• Rarement (2)
• Quelquefois (3)
• Souvent (4)

30. Mon enfant travaille bien à l'école :
• Jamais (2)
• Rarement (1)
• Habituellement (− 1)
• Toujours (− 2)


Interprétation du score :
Entre 0 et 20 : risque faible d'addiction aux jeux vidéo. Il faut savoir que jouer aux jeux vidéo est quelque chose de
banal chez les enfants et les adolescents. Tant que cela n'interfère pas avec leur vie, ne vous inquiétez pas !
Entre 21 et 40 points : risque modéré d'addiction aux jeux vidéo. Il est possible que votre enfant ait un comportement
excessif en rapport avec les jeux vidéo, quelque chose a probablement changé chez votre enfant. Parent, vous devez
d'abord vous positionner. Posez des limites, prévoyez certaines règles en accord avec votre enfant.
Entre 41 et 60 points : risque élevé d'addiction aux jeux vidéo. Le jeu affecte votre enfant dans de nombreux domaines
de sa vie. Vous devriez vous rapprocher de professionnels pour vous faire aider.

Test 2 : Chapitre 3. Travailler plus pour se perdre plus (p. 163)

Pour les troubles dépressifs ou anxieux, une échelle appelée HAD (Hospital
Anxiety Depression scale), mise au point par Sigmond et Snaith en 1983, est
disponible. Il s'agit d'un auto-questionnaire réalisable par tous, dont les résultats
doivent être analysés par un médecin.

A. Je me sens tendu ou énervé :


3. La plupart du temps
2. Souvent
1. De temps en temps
0. Jamais

D. Je prends plaisir aux mêmes choses qu'autrefois :
0. Oui, tout autant
1. Pas autant
2. Un peu seulement
3. Presque plus


A. J'ai une sensation de peur comme si quelque chose d'horrible allait m'arriver :
3. Oui, très nettement
2. Oui, mais ce n'est pas trop grave
1. Un peu, mais cela ne m'inquiète pas
0. Pas du tout


D. Je ris facilement et vois le bon côté des choses :
0. Autant que par le passé
1. Plus autant qu'avant
2. Vraiment moins qu'avant
3. Plus du tout


A. Je me fais du souci :
3. Très souvent
2. Assez souvent
1. Occasionnellement
0. Très occasionnellement

D. Je suis de bonne humeur :
3. Jamais
2. Rarement
1. Assez souvent
0. La plupart du temps

A. Je peux rester tranquillement assis à ne rien faire et me sentir décontracté :
0. Oui, quoi qu'il arrive
1. Oui, en général
2. Rarement
3. Jamais


D. J'ai l'impression de fonctionner au ralenti :
3. Presque toujours
2. Très souvent
1. Parfois
0. Jamais


A. J'éprouve des sensations de peur et j'ai l'estomac noué :
0. Jamais
1. Parfois
2. Assez souvent
3. Très souvent

D. Je ne m'intéresse plus à mon apparence :
3. Plus du tout
2. Je n'y accorde pas autant d'attention que je le devrais
1. Il se peut que je n'y fasse plus autant attention
0. J'y prête autant attention que par le passé

A. J'ai la bougeotte et n'arrive pas à tenir en place :
3. Oui, c'est tout à fait le cas
2. Un peu
1. Pas tellement
0. Pas du tout


D. Je me réjouis d'avance à l'idée de faire certaines choses :
0. Autant qu'avant
1. Un peu moins qu'avant
2. Bien moins qu'avant
3. Presque jamais


A. J'éprouve des sensations soudaines de panique :
3. Vraiment très souvent
2. Assez souvent
1. Pas très souvent
0. Jamais


D. Je peux prendre plaisir à un bon livre ou à une bonne émission de radio ou de télévision :
0. Souvent
1. Parfois
2. Rarement
3. Très rarement

La valeur seuil de sensibilité (problème d'anxiété ou de dépression) pour l'échelle A (pour anxiété) ou D (pour
dépression) est fixée à 8.

Test 3 : Chapitre 6. Jouer pour survivre (p. 210)

Le premier test à faire pour savoir où le sujet se situe par rapport à son
comportement de jeu est un test de repérage appelé Parier/Mentir (test Bet and
Lie). Il comprend deux questions en oui/non.

— Ressentez-vous le besoin de vous refaire une fois que vous venez de perdre de l'argent ?
— Avez-vous déjà dû cacher des pertes d'argent à votre entourage ?
Si une réponse est positive, il faudra se faire évaluer plus précisément par un spécialiste qui envisagera un test plus
poussé appelé South Oaks Gambling Screen (SOGS) (Lesieur et Blume, 1987 ; traduction française : Lejoyeux, 1999),
que voici :

1. Indiquez, parmi les jeux suivants, celui (ou ceux) au(x)quel(s) vous avez déjà joué(s) dans votre vie. Pour chaque
type de jeu, choisissez l'une des réponses proposées.
2. Quelle est la somme la plus importante que vous ayez déjà jouée en une seule journée ?
N'a jamais joué
1 euro ou moins
Entre 1 et 15 euros
Entre 15 et 150 euros
Entre 150 et 1 500 euros
Entre 1 500 et 15 000 euros
Plus de 15 000 euros


3. Certains membres de votre famille ont-ils eu des problèmes de jeu ? (cochez une ou plusieurs réponses)
Père
Mère
Frères ou sœurs
Époux ou concubin
Enfants
Grands-parents
Autres parents
Ami ou personne importante de votre vie

4. À quelle fréquence retournez-vous jouer le lendemain pour essayer de gagner à nouveau l'argent perdu la veille ?
Jamais
Quelquefois (moins de la moitié du nombre de fois où j'ai perdu)
À peu près chaque fois que je perds
Chaque fois que je perds


5. Avez-vous déjà dit avoir gagné de l'argent au jeu quand en fait ce n'était pas réellement le cas ?
Jamais (ou je n'ai jamais joué)
Oui, moins de la moitié du nombre de fois où j'ai perdu
Oui, la plupart du temps

6. Avez-vous actuellement, ou avez-vous eu, à un moment de votre vie, des difficultés avec le jeu ?
Non
Oui, dans le passé mais pas maintenant
Oui

7. Avez-vous déjà joué plus que vous ne l'aviez prévu ?
Oui
Non


8. Les gens ont-ils déjà critiqué le fait que vous jouiez ou vous ont-ils dit que vous aviez un problème avec le jeu, que
cela soit vrai ou pas ?
Oui
Non


9. Vous êtes-vous déjà senti coupable au sujet de la manière dont vous jouiez ou des conséquences de votre jeu ?
Oui
Non


10. Avez-vous déjà ressenti l'envie d'arrêter de jouer et avez-vous pensé que vous n'y arriveriez pas ?
Oui
Non

11. Avez-vous déjà caché des jetons de casino, des tickets de loterie ou de PMU ou d'autres signes du jeu à votre
épouse ou à votre mari, à vos enfants ou à une autre personne importante de votre vie ?
Oui
Non


12. Vous êtes-vous déjà disputé avec votre compagne ou compagnon au sujet de la façon dont vous gérez l'argent ?
Oui
Non


13. Si vous avez répondu oui à la question 12 : Avez-vous eu des disputes concernant l'argent que vous dépensez en
jouant ?
Oui
Non


14. Avez-vous déjà emprunté de l'argent à quelqu'un sans pouvoir le rembourser parce que vous aviez joué ?
Oui
Non


15. Avez-vous déjà manqué des heures de travail ou de cours pour jouer de l'argent ?
Oui
Non

16. Si vous avez déjà emprunté de l'argent pour jouer ou payer des dettes de jeu, à qui avez-vous déjà emprunté ?
(Cocher oui ou non pour chacun)
Cotation du questionnaire South Oaks Gambling Screen :
Les scores au questionnaire sont obtenus par l'addition du nombre de certaines questions seulement dont la réponse a
été oui :
Questions 1, 2 et 3 : ne comptent pas.
Question 4 : réponse à « À peu près chaque fois que je perds » ou « Chaque fois que je perds » (coter 1 point)
Question 5 : réponse à « Oui, moins de la moitié du nombre de fois où j'ai perdu » ou « Oui, la plupart du temps »
(coter 1 point)
Question 6 : réponse à « Oui, dans le passé mais pas maintenant » ou « Oui » (coter 1 point)
Questions 7, 8, 9, 10, 11 : réponse à oui (coter 1 point pour chaque question)
Question 12 : ne compte pas
Questions 13, 14, 15 : réponse à oui (coter 1 point pour chaque question)
Questions 16 A à I : réponse à oui (coter 1 point pour chaque question)
Questions 16J-K : ne comptent pas (coter 1 point pour chaque question)


Total :


0 = pas de problème
1 – 4 = quelques problèmes
5 ou plus = joueur pathologique probable
Remerciements
Laurent Karila :

À Mélanie, mon épouse, manager, coach motivationnel depuis toujours ; Noé


et Émile, mes deux addictions comportementales positives et incurables ; mes
parents pour leur support et leur amour ; Dr William Lowenstein pour son
soutien professionnel et son amitié ; Pr Michel Reynaud pour son soutien
professionnel et amical ; Renaud Hantson mon neurone miroir et Big Brother ;
Sandie Rigolt, Thierry Billard ; Carole Krettly ; Sand Mulas la reine de l'image ;
Satan Jokers (Mike Zurita, Pascal Mulot, Aurel) « a dream come true » avec
AddictionS et Psychiatric ; Olivier Garnier ; Dr Sarah Coscas et Maitre Cyril
Roux ; Brigitte Lahaie ; Laurent, Max Elliot et Lætitia Mayer ; Roger et Annie
Ferreri ; Clément Ferreri ; Fanny Morazzani pour sa gentillesse et sa bonne
humeur permanente ; PP le Corse et Sophie ; Pascal (manager coordinateur) et
Evelyne Costa ; Jean-Ba et Nicole Franceschini ; Arthur et Cécila Antolini ;
Clémentine Antolini (The Best Soissons) ; François et Marie-Paule Acquaviva ;
Alain et Sandra Morazzani ; Graziella Lipani ; Florent (le guerrier de Calenzana)
et Cathy Gabrielli ; Michel Gabrielli ; Olivier Andreani et le Cosi ; Matteo
Cardi ; Pr Samy Mahjoub (the best kiné) ; Gene Simmons un modèle pour moi ;
Dee Snider ; James Hetfield ; Nikki Sixx ; Fred Tête ; Maïa Abed ; Laurent
Martin ; Charley Pisoni ; Micheline Pisoni ; les Sisters Ramdani ; Dr Aymeric
Petit ; Patrick Bellaiche ; Terry Ilous ; Joe Steinman ; Alain Afo ; Pr Xavier
Monnet ; Dr Morgan Roupret ; Dr David Attias ; Dr Marc Antoine Rousseau ;
Dr Géraldine Rousseau ; Unité INSERM U1000 ; université Paris-Sud 11,
Assetou Boiguite.
Annabel Benhaiem :

À Mikhaël, impitoyable relecteur et, surtout, mon double, ma moitié, mon


entier ; mes parents ; mon frère ; ma grand-mère (et à sa bkaïla) ; Agnès, pour sa
patience lors de ce bel été 2012, Joëlle, pour ses précieux conseils ; Anne et
Paul, pour leur confiance ; Christophe, Estelle et Julie, pour leur audace.
Références

Chapitre 1 : Sexe en excès

1. Bolla KI, Eldreth DA, London ED, Kiehl KA, Mouratidis M, Contoreggi C,
et al., « Orbitofrontal cortex dysfunction in abstinent cocaine abusers performing
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2. Carnes PJ, « Sexual addiction and compulsion : recognition, treatment, and
recovery », CNS Spectrums, Octobre 2000, 5(10), p. 63-72.
3. Carnes P, Adams K, Clinical Management of Sex Addiction, Routledge,
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Chapitre 2 : Shoot de pixels

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11. Van Rooij AJ, Schoenmakers TM, Vermulst AA, Van den Eijnden RJ, Van
de Mheen D, « Online video game addiction : identification of addicted
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Chapitre 3 : To buy or not to buy, that is the addiction !

1. Adès J, Lejoyeux M, La Fièvre des achats, Les Empêcheurs de penser en


rond, Paris, 2002.
2. Basu B, Basu S, Basu J, Compulsive buying : an overlooked entity. J Indian
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3. Bullock K, Koran L, « Psychopharmacology of compulsive buying »,
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4. Donahue CB, Odlaug BL, Grant JE, « Compulsive buying treated with
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5. Filomensky TZ, Tavares H, « Cognitive restructuring for compulsive
buying », Revista Brasileira de Psiquiatria, 2009, 31(1), p. 77-78.
6. Kellett S, Bolton JV, « Compulsive buying : a cognitive-behavioural
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7. Lejoyeux M, Richoux-Benhaim C, Betizeau A, Lequen V, Lohnhardt H,
« Money Attitude, Self-esteem, and Compulsive Buying in a Population of
Medical Students », Frontiers in Psychiatry, 2011, 2, p. 13.
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9. Miller MC, « Compulsive buying », Harvard Mental Health Letter, 2007,
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10. Mueller A, Mitchell JE, Crosby RD, Glaesmer H, de Zwaan M, « The
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in a German population-based sample », Behaviour, Research and Therapy,
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11. Sansone RA, Chang J, Jewell B, Sellbom M, « Compulsive buying :
associations with self-reported alcohol and drug problems », American Journal
on Addictions, 2012, 21(2), p. 178-179.

Chapitre 4 : Travailler plus pour se perdre plus

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2. Burke RJ, Burgess Z, Fallon B, « Workaholism among Australian female
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3. Karila L, Les Addictions, Le Cavalier Bleu, Paris, 2008.
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Chapitre 5 : Internet et les réseaux sociaux : hypervecteur des


addictions

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Chapitre 6 : Jouer pour survivre (poker, casinos et loteries…)

1.Bouju G, Grall-Bronnec M, Landreat-Guillou M, Venisse JL, « Pathological


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Chapitre 7 : Malbouffe, Malaise, Mal-être

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6. Gearhardt AN, White MA, Potenza MN, « Binge eating disorder and food
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9. Umberg EN, Shader RI, Hsu LK, Greenblatt DJ, « From disordered eating
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Chapitre 8 : Trop vite, trop haut, trop fort : addiction à l'exercice


physique

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10. Yesalis CE, Bahrke MS, « Doping among adolescent athletes », Baillieres
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Chapitre 9 : Bronzage excessif : une nouvelle dépendance

1. Bonnet-Bidaud J, Petit A, Froment A, Moureaux P, Le Soleil dans la peau :


L'homme et le soleil : un lien amoureux, un lien dangereux, Robert Laffont,
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2. De Laat A, Van der Leun JC, De Gruijl FR, « Carcinogenesis induced by
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3. Harrington CR, Beswick TC, Leitenberger J, Minhajuddin A, Jacobe HT,
Adinoff B, « Addictive-like behaviours to ultraviolet light among frequent
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5. Hillhouse JJ, Baker MK, Turrisi R, Shields A, Stapleton J, Jain S, et al.,
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7. Kourosh AS, Harrington CR, Adinoff B, « Tanning as a behavioral
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9. Petit A, Richoux C, Lejoyeux M, « L'excès de bronzage constitue-t-il une
nouvelle forme de dépendance ? », Alcoologie et Addictologie, 2011, 33(3),
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10. Warthan MM, Uchida T, Wagner RF Jr, « UV light tanning as a type of
substance-related disorder », Archives of Dermatology, 2005, 141(8), p. 963-966.

Chapitre 10 : Psychothérapie comportementale : les clés pour aider

1. Karila L, Reynaud M, Guide pratique de thérapie cognitive et


comportementale, Troubles liés à l'usage de cocaïne ou de drogues stimulantes,
Éditions Lavoisier, Paris, 2012.
2. Mitchell JE, Burgard M, Faber R, Crosby RD, de Zwaan M, « Cognitive
behavioral therapy for compulsive buying disorder », Behavior Research and
Therapy, 2006, 44(12), p. 1859-1865.
3. Oakley-Browne MA, Adams P, Mobberley PM, « Interventions for
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4. Petry NM, Litt MD, Kadden R, Ledgerwood DM, « Do coping skills
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gambling in pathological gamblers ? », Addiction, 2007, 102(8), p. 1280-1291.
5. Young, K, « Assessment of Internet Addiction », www.netaddiction.com.
Table

Préface
Introduction
Chapitre 1 - Sexe en excès
Chapitre 2 - Shoot de pixels
Chapitre 3 - To buy or not to buy, that is the addiction !
Chapitre 4 - Travailler plus pour se perdre plus
Chapitre 5 - Internet et les réseaux sociaux : hypervecteur des
addictions
Chapitre 6 - Jouer pour survivre (poker, casinos et loteries…),
mauvaise pensée, magique noire
Chapitre 7 - Malbouffe, malaise, mal-être
Chapitre 8 - Trop vite, trop haut, trop fort : addiction à l'exercice
physique
Chapitre 9 - Bronzage excessif : une nouvelle dépendance
Chapitre 10 - Psychothérapie comportementale : les clés pour
aider
Postface
Annexes
Remerciements
Références

F l a m m a r i o n
1. Le nom de ce patient, comme tous ceux qui suivent, a été modifié dans un souci du respect du secret médical.

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2. Baudelaire Charles, « La Musique », dans Les Fleurs du mal, Le Livre de poche, 1999, p. 118.

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3. Briken P, Kafka MP, Pharmacological Treatments for Paraphilic Patients and Sexual Offenders, Curr Opin Psychiatry, 20(6), 2007,
p. 609-613.

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4. Kafka MP, Hypersexual Disorder : a Proposed Diagnosis for DSM-V, Arch. Sex Behav., 39(2), 2010, p. 377-400.

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1. Il existe également un test pour les parents. Cf. Annexe (Test 1, p. 304).

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2. Pour plus d'informations, visiter le site www.pegi.info.fr.

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3. Le site en ligne : www.netaddiction.org.

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1. Fassel D, Working Ourselves to Death : the High Cost of Workaholism, The Rewards of Recovery, Harper.

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2. Freudenberger, HJ, « Staff burn-out syndrome in alternative institutions », Psychotherapy : Theory, Research and Practice, vol. 12,
no1, 1974, p. 3547.

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3. Le test est consultable à la fin de l'ouvrage dans la partie Annexes (Test 2, p. 311).

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1. Ottavi Dominique, Penser l'éducation, notions clés pour une philosophie de l'éducation, Issy-les-Moulineaux, ESF, 2005.

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2. Tous les sites validés par l'État et l'ARJEL figurent à l'adresse suivante : http://www.jeu-legal-france.fr/sites-agrees-ARJEL.php

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3. Le site en ligne : www.sos-joueurs.org

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4. http://vosdroits.service-public.fr/n155.xhtml

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