Maladies Tropicales Négligées
Maladies Tropicales Négligées
Maladies Tropicales Négligées
1- Généralités
Du 19 au 22 avril 2017 s’est tenu, à Genève, le Sommet des maladies tropicales négligées (MTN)
dont le thème était « Collaborer, Accélérer, Eliminer ». Le quatrième rapport de l’Organisation
mondiale de la santé publié le 19 avril fait état de progrès « sans précédent » dans la lutte contre
les maladies tropicales négligées, des pathologies qui concernent plus d’un milliard de personnes
vivant principalement en Afrique et en Asie.
Les maladies tropicales négligées sont des maladies transmissibles qui sévissent dans les pays
pauvres, qui « gâchent » la vie de plus d’un milliard de personnes dans le monde et mettent en
péril la santé de plusieurs millions d'autres (OMS). On compte dans le monde 2,7 milliards de
personnes vivant avec moins de 2 US$ par jour, dont plus d'un milliard souffre d'une ou plusieurs
maladies tropicales négligées.
La plupart de ces maladies ont progressivement disparu de nombreuses régions du monde au fur
et à mesure que les conditions de vie et d'hygiène, en particulier l’accès à l’eau potable, se sont
améliorées.
En 2010, l'OMS a publié un premier rapport sur les maladies tropicales négligées intitulé « Agir
pour réduire l'impact mondial des maladies négligées ». Un deuxième rapport intitulé « Continuer à
agir pour réduire l'impact mondial des maladies tropicales négligées » a paru en 2013. Il a fait suite
à « Agir plus vite pour réduire l'impact mondial des maladies tropicales négligées : feuille de route
pour la mise en oeuvre » paru en 2012. Un troisième rapport intitulé « Investir pour réduire l’impact
mondial des maladies tropicales négligées » a paru en février 2015. Il défendait la nécessité
d’investir davantage et présentait une série d’interventions essentielles pour combattre les
maladies tropicales négligées.
Une résolution sur les Maladies tropicales négligées a été présentée à la Conférence des Chefs
d’Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage à Erevan (Arménie) les 11 et 12
octobre 2018.
Le réseau francophone sur les MTN a été crée en avril 2016. Un colloque plénier s’est tenu à
Montpellier les 22 et 23 octobre 2018 pour faire un point d’étape des deux premières années
d’existence.
L’OMS a fait paraître une feuille de route pour les Maladies tropicales négligées 2021-2030, qui
comporte une annexe résumant les 20 maladies tropicales négligées. Mais, en septembre 2020,
l’épidémie de la COVID-19 a déjà un impact sur les activités liées aux MTN.
L'OMS a mis l'accent sur 17 maladies tropicales négligées ou groupes de maladies endémiques
dont voici la liste :
- Maladies virales : Dengue, Chikungunya, Rage.
- Maladies bactériennes : Trachome, Ulcère de Buruli, Pian, Lèpre.
- Maladies parasitaires : Maladie de Chagas (trypanosomiase américaine), Trypanosomiase
humaine africaine (maladie du sommeil), Leishmanioses, Téniasis et Cysticercose, Dracunculose
(ver de Guinée), Echinococcose (hydatidose), Trématodoses d'origine alimentaire, Filariose
lymphatique (éléphantiasis), Onchocercose (cécité des rivières), Schistosomiase (bilharziose),
Géohelminthiases (helminthiases transmises par le sol) incluant la stongyloïdose.
La plupart de ces 17 maladies tropicales négligées sont des maladies parasitaires dues à des
protozoaires ou des helminthes. Certaines sont transmises par les animaux hôtes, d'autres par des
vecteurs tels que les moustiques. D'autres, comme la dracunculose, sont transmises par la
contamination de l'eau, alors que les géohelminthiases sont transmises par les sols contaminés
par les œufs ou les larves de parasites.
A ces 17 maladies ont été ajoutés trois nouvelles maladies : la gale et autres ectoparasitoses, le
mycétome et la chromomycose et autres mycoses (paracoccidioïdomyces, sporotrichose) et les
envenimations par les serpents. Toutes ces maladies font l’objet de textes dans le site.
L’OMS estime que plus de 1,7 million de personnes ont besoin d’un traitement pour au moins une
MTN chaque mois. Elle recommande cinq interventions stratégiques de base pour lutter contre la
charge des MTN :
- la chimio-prévention,
- la prise en charge individuelle des cas,
- la lutte contre les vecteurs,
- l’eau, l’assainissement et l’hygiène (WASH),
- la santé publique vétérinaire.
En 2019, plus de 1 milliard de personnes ont reçu un ou plusieurs de ces services pour les MTN.
Une maladie n’est pas encore classée comme MTN : la podoconiose. Elle doit cependant être
connue.
La podoconiose est rapportée uniquement dans les contrées où le sol est d'origine volcanique et
de type alcalin. Elle est décrite dans les pays où co-existent une haute altitude, des pluies
abondantes, une population très pauvre marchant pieds nus. La podoconiose affecte environ
quatre millions de personnes en Afrique orientale et centrale, en Amérique centrale et du Sud et en
Asie du Sud-Est. Elle devient un fardeau en Afrique où elle a été signalée dans dix-huit pays, mais
la prévalence varie : Cameroun : 0,5 %, Ethiopie : 4 %. Elle se caractérise par une lymphangite
oblitérante bilatérale, résultant de la pénétration de silice, suivie d’une inflammation des
lymphatiques. Le lymphoedème se développe progressivement et ressemble à l'éléphantiasis
filarien. Mais la transmission de la filariose ne s'effectue pas en altitude et les sérologies filariennes
sont négatives. Il n'y a pas de traitement efficace. La maladie est évitable par une hygiène
régulière des pieds et le port de chaussures.
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Centre René Labusquière, Institut de Médecine Tropicale, Université de Bordeaux, 33076 Bordeaux (France)
Compte tenu de la pénurie des ressources, trois maladies à forte mortalité : le paludisme, l'infection
à VIH/Sida et la tuberculose, sont devenues prioritaires au détriment des maladies tropicales
négligées. Cependant, au cours des dix dernières années des progrès notables ont été réalisés
pour faire reculer les MTN. C’est le cas de la dracunculose ou maladie du ver de Guinée dont le
nombre de malades a considérablement diminué passant de 892 055 en 1989 à 53 en 2019. Mais
aussi de la maladie du sommeil dont le nombre de cas, grâce aux efforts de ces quinze dernières
années, est tombé à 977 cas en 2018, un niveau historiquement bas.
- L'OMS estime que les maladies tropicales négligées sont endémiques dans 149 pays et
territoires qui font face à au moins une maladie tropicale négligée.
- Une centaine de pays (plus de 70 % d'entre eux) font face à au moins deux maladies.
- Une trentaine de pays font face à plus de six maladies tropicales négligées simultanément, la
plupart d'entre eux ont des économies à faible revenu ou sont en situation de crise humanitaire.
- Les maladies tropicales négligées se concentrent presque exclusivement parmi les populations
pauvres.
- Soixante-dix des pays affectés sont des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire.
- Les femmes et les enfants sont les plus vulnérables, ainsi que les minorités ethniques et tous
ceux qui vivent dans des zones isolées avec un accès limité aux soins.
Grâce aux activités menées par les pays d'endémie pour prévenir et combattre les maladies
tropicales négligées, de bons résultats ont été obtenus dans plusieurs maladies tropicales
négligées, dont la dracunculose, l'onchocercose, la lèpre, la filariose lymphatique. Prenons comme
exemple l’onchocercose dans la Région Africaine : le projet spécial élargi pour l’élimination des
maladies tropicales négligées (ESPEN) a été lancé en mai 2016. Il succède au Projet africain de
lutte contre l’onchocercose (APOC), mais lutte aussi contre les 4 autres MTN qui font l’objet d’une
chimioprévention (trachome, filariose lymphatique, schistosomiase, géohelminthiases). L’APOC
avait a été lancé en 1995, suite au succès du programme de lutte contre l'onchocercose en Afrique
de l'ouest (OCP) qui avait débuté en 1974 et s'était terminé en 2002. L'APOC (2002-2016) a eu un
impact important sur l’onchocercose en Afrique : plus de 820 000 habitants n’ont maintenant plus
besoin d’un traitement contre la cécité des rivières.
Pour lutter contre les maladies tropicales négligées, des mécanismes ont été inventés : les
partenariats public - privé (PPP), qui regroupent les organisations non gouvernementales (ONG),
des laboratoires publics, des laboratoires privés et des sources de financement publiques et
privées. Leur objectif est de mutualiser la recherche et développement (R&D), afin d'inciter les
laboratoires pharmaceutiques à se lancer dans le développement des médicaments. Les PPP ont
connu un véritable essor après le début des années 2000. Parmi eux, le DNDi (Drugs for
Neglected Disease initiative) créé en 2003 à l'initiative de Médecins Sans Frontières (MSF) est à
l'origine de nouveaux traitements, de combinaisons thérapeutiques, d'essais thérapeutiques,
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Centre René Labusquière, Institut de Médecine Tropicale, Université de Bordeaux, 33076 Bordeaux (France)
d'abord dans le paludisme (combinaisons à base de dérivés d'artémisinine), puis dans les
maladies tropicales négligées, en particulier la trypanosomiase humaine africaine avec un
traitement oral par le fexinidazole découvert en 2005 par le DNDI (accord de collaboration conclu
en 2009 entre DNDI et Sanofi).
Pour pérenniser et étendre les succès remportés en matière de lutte et de prévention, il faut :
- un soutien international : les pays, institutions et ONG doivent maintenir leur soutien bilatéral et
international et encourager d'autres bailleurs de fonds à apporter leur appui;
- une lutte contre les maladies tropicales négligées : elle doit tenir compte des facteurs
environnementaux comme la perméabilité des frontières, la croissance démographique, les
migrations, l'urbanisation, les déplacements des animaux d'élevage et des vecteurs, le
changement climatique;
- une réaction rapide aux informations concernant l'épidémiologie, la transmission et la charge des
maladies tropicales négligées;
- une amélioration des compétences : la baisse des compétences en matière de lutte
antivectorielle, de prise en charge des cas, des aspects vétérinaires de la santé publique, se fait
sentir dans certains pays;
- une mise à disposition des médicaments curatifs et préventifs dans les pays où sévissent les
maladies tropicales négligées;
- un développement de la recherche pour mettre au point et utiliser de nouveaux médicaments
(contre la trypanosomiase humaine africaine, la maladie de Chagas, les leishmanioses, ...),
médicaments qui doivent être fournis gratuitement, mais aussi de nouveaux vaccins (le vaccin
expérimental VSV-ZEBOV a été utilisé dans les deux épidémies de Maladie à virus Ebola qui ont
atteints la RDC en mai et en août 2018, un deuxième vaccin expérimental est à l’essai en RDC en
2019) et de nouveaux outils de diagnostic, comme les techniques de biologie moléculaire (RT-
PCR).
9.1. Parmi les approches stratégiques, l'OMS prône la chimioprévention intégrée comme
stratégie principale pour combattre et éliminer un groupe de maladies débilitantes faisant partie
des maladies tropicales négligées (MTN) et touchant dans le monde plus d'un milliard de
personnes, dont beaucoup souffrent de plusieurs MTN concomitantes.
Le traitement de ces infections repose sur l’utilisation de six médicaments selon des combinaisons
variables : l’albendazole, le citrate de diéthylcarbamazine, l’ivermectine, le praziquantel et
l’azithromycine. Plusieurs laboratoires pharmaceutiques se sont engagés à fournir gratuitement
d’importantes quantités de médicaments jusqu’à ce que les objectifs de santé publique soient
atteints. La réussite des campagnes d’administration massive de médicaments est tributaire de la
livraison en temps utile des médicaments de chimioprévention. Pour la seule année 2017, plus de
1,7 milliard de traitement ont été fournis à 1,04 milliard d’individus, contre au moins l’une des
maladies précitées. Le traitement des MTN relève de l’ODD 3 – couverture sanitaire universelle –
et du principe consistant à ne laisser personne de côté.
Les données mondiales sur la CP dans les pays qui en ont eu besoin et qui en ont bénéficié pour
au moins une maladie en 2018 par maladie et par Région de l’OMS sont fournies dans les textes
de ce site d’enseignement pour les cinq grandes maladies négligées.
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En 2019, 67 pays ont fait état de la mise en œuvre de la chimio-prévention pour l’une des cinq
grandes maladies et 1,048 milliards de personnes ont reçu un traitement pour au moins une
maladie. Plus de 1,562 milliard de traitement ont été distribués.
L’indice de couverture des MTN a été inclus dans le projet de feuille de route 2021-2030 pour les
MTN, la cible fixée 75 % d’ici 2030 étant considérée comme l’un des objectifs transversaux des
approches intégrées.
9.2.1. La prise en charge intensifiée des cas : pour les maladies dues à des protozoaires ou à
des bactéries, on privilégie désormais un meilleur accès à des soins spécialisés grâce à une
meilleure détection des cas et à une prise en charge clinique décentralisée afin de réduire la
mortalité et la morbidité et d'interrompre la transmission.
Trois MTN d'origine parasitaires, spontanément mortelles, ne font pas l'objet d'une
chimioprévention, mais d'une lutte active : ce sont la leishmaniose viscérale (LV), la maladie de
Chagas ou trypanosomiase humaine américaine (THAm) et la trypanosomiase humaine africaine
(THA).
Ces trois MTN font l'objet de recherches concernant leur diagnostic et leur traitement. Des tests de
diagnostic rapide (TDR) permettent le diagnostic de la LV et de la THAm. Un TDR, plus adapté au
terrain, est en évaluation dans la THA.
Le traitement de la LV repose sur l'amphotéricine B liposomiale injectable ou sur la miltéfosine
orale, qui sont associées en cas de co-infection LV/infection à VIH/Sida.
Le traitement de la THAm repose sur le benzinidazole en première intention, actif dans les cas
aigus.
Le traitement de la THA à Tr. br. gambiense repose sur la pentamidine au stade 1 et sur le NECT
(nifurtimox et éflornithine) au stade 2. Un nouveau médicament - le fexinidazole - est utilisé en
traitement oral en 2019.
Parmi les maladies qui font l’objet d’une chimioprévention, l’onchocercose a vu sa prévalence
considérablement réduite par l’ivermectine. Mais son élimination implique un traitement plus
efficace dans les zones de faible endémicité non couvertes par un traitement communautaire à
l’ivermectine. Un nouveau médicament, la moxidectine, est en phase 3 au Ghana, au Liberia et en
RDC qui tue - sous réserve d’un traitement annuel répété - les vers adultes. Elle réduit davantage
le transmission parasitaire que l’ivermectine : la densité des microfialires cutanées est 7,5 fois plus
faible pour la moxidectine à 12 mois que pour l’ivermectine.
9.2.2. Une meilleure utilisation des outils existants : il faut favoriser la mise au point de
méthodes de diagnostic et de médicaments de meilleure qualité, plus sûrs et plus faciles à utiliser.
Tant que les nouvelles méthodes diagnostiques ne sont pas disponibles (PCR, RT-PCR), il faut
optimiser les méthodes existantes, permettre l'accès aux traitements au plus grand nombre.
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Centre René Labusquière, Institut de Médecine Tropicale, Université de Bordeaux, 33076 Bordeaux (France)
9.2.3. Une lutte antivectorielle intégrée : c'est une importante activité destinée à renforcer
l'impact et l'efficacité de la chimioprévention et à améliorer la lutte contre les maladies tropicales
négligées à transmission vectorielle.
9.2.4. Une coordination de la lutte contre les zoonoses : plusieurs maladies tropicales
négligées sont transmises par des animaux hôtes, comme la cysticercose, l'échinococcose, la
trypanosomiase humaine africaine, les trématodoses d'origine alimentaire, la rage. Une meilleure
surveillance et un meilleur diagnostic dans le cadre d'une approche envisageant à la fois l'homme
et les animaux, permettraient de prévenir et de combattre plus efficacement les zoonoses.
Bien qu'une seule de ces cinq approches puisse être privilégiée pour lutter contre une maladie
tropicale négligée ou un groupe de maladies (géohelminthiases), la lutte est souvent plus efficace
lorsque les cinq stratégies sont associées.
10. Progrès récents dans la lutte contre les maladies tropicales négligées
Au cours des dix dernières années, des progrès sans précédent ont été réalisés pour faire reculer
les MTN, Des succès que l’OMS entend bien poursuivre dans les années à venir. Pour y arriver, il
faut intégrer les interventions sur les MTN dans les systèmes de santé nationaux, il faut parvenir à
la couverture universelle en matière de MTN, d’ici à 2030, conformément à la cible 3 des ODD.
De plus, face au changement climatique, les pays doivent être encore mieux armés pour anticiper
et relever les nouveaux défis en terme d’écologie et de gestion des vecteurs. Les maladies
transmises par les insectes se propagent en raison d’une urbanisation et des modifications de
l’environnement. Ainsi, la dengue sévit désormais dans plus de 150 pays.
Les objectifs du développement durable (ODD) citent l’éradication des MTN pour 2030.
11. Aperçu de l’impact de la COVID-19 sur les activités liées aux MTN
Les principales mesures destinées à atténuer l’impact de la COVID-19 sur les services consacrés
aux MTN ont fait l’objet de publications de l’OMS entre le 1er avril et le 27 juillet 2020 afin d’évaluer
d’une part les risques et les avantages pour décider si l’activité prévue dans la lutte contre les MTN
doit se poursuivre et d’autre part l’examen d’une liste de mesures de précaution pour réduire le
risque de transmission de la Covid-19 associé à cette activité.
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Centre René Labusquière, Institut de Médecine Tropicale, Université de Bordeaux, 33076 Bordeaux (France)
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