2018 Kourouma Moussa Fanta Version Diffusion
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JURY :
L’Université n’entend donner ni approbation ni improbation aux idées émises dans la présente
thèse. Ces idées doivent être considérées comme propres à son auteur.
REMERCIEMENTS
Je remercie toute ma famille et tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation
de la présente thèse de doctorat.
XI
Al. Alinéa
Art. Article
Art. L. Article d’une loi
Art. R. Article d’un acte règlementaire
AUPC Acte uniforme des procédures collectives
AUS Acte uniforme portant organisation des sûretés
AUA Acte uniforme relatif au droit d’arbitrage
AUDCIF Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière
AUM Acte uniforme relatif à la médiation
AUVE Acte uniforme des voies d’exécution
AN Assemblée nationale
ass. Plén. Assemblée plénière de la Cour de cassation
Act. Actualité
AJ Actualité juridique
Alii co-auteurs
AGS Association pour la gestion du régime d’assurance des créances salariales
bibl. Bibliothèque
BJE Bulletin Joly entreprise
Bull. Bulletin
Bull. Civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de Cour de cassation
Banc. Bancaire
BCE Banque centrale européenne
BODACC Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales
c. code
c. civ. code civil
c. com. code de commerce
c. trav. code du travail
c. mon. fin. code monétaire et financier
c. pén. code pénal
c. proc. coll. code des procédures collectives
Com. Arrêt d’une chambre commerciale de la Cour de cassation
Cass. Ch. Mixte Chambre mixte de Cour de cassation
Comm. Commentaire
Cass. Req. Chambre des requêtes de la Cour de cassation
CREG Centre de ressources en économie gestion
Cah. dr. entr. Cahier du droit de l’entreprise
Chron. Jurisp. Chronique de jurisprudence
CNAJMJ Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires
CCIP Chambre de commerce et d’industrie de Paris
CNUDCI Commission des nations Unies pour le développement du commerce international
CIRI Comité interministériel pour la restructuration industrielle
CCJA Cour commune de justice et d’arbitrage
D. Dalloz
entr. entreprise
éd. édition
EDJA Éditions juridiques africaines
FCT Fonds commun de titrisation
Gaz. Pal. Gazette du palais
Inst. Institution
id. Idem
ibid. Ibidem : au même endroit dans la source précédemment citée
infra Se reporter postérieurement à
Imp. Imprimerie
Insee Institut national des statistiques et des études économiques
Interv. Intervention
JCP Juris-classeur périodique (semaine juridique)
Juris. Jurisprudence
Journ. Faill. Journal de faillite
JOCE Journal officiel des communautés européennes
JOUE Journal officiel de l’Union européenne
L. Loi
LCE Loi sur la continuité des entreprises
LGDJ Librairie générale de droit et de de jurisprudence
Lamy dr. aff. Lamy droit des affaires
LEDEN L’essentiel du droit des entreprises en difficulté
Mél. Mélanges
NP Arrêt de la Cour de cassation non publié
Ord. Ordonnance
OHADA Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires
P. Page
PUF Presse universitaire de France
Quot. Jur. Quotidien juridique
Rev. proc. coll. Revue des procédures collectives
Rev. Banc. Revue bancaire
Rev. Sociétés Revue des sociétés
Rev. penant Revue penant
Rev.seneg. dr. des aff. Revue sénégalaise du droit des affaires
Rev. dr. uniforme afr. Revue du droit uniforme africain
Rev. Ersuma Revue Ersuma (école régionale supérieure de la magistrature)
Rev. juris. com. Revue de jurisprudence commerciale
RIDC Revue internationale de droit comparé
Rev. sc. morales et pol. Revue des sciences sociales et politiques
Revue dr. public Revue de droit public
RLDA Revue Lamy du droit des affaires
Rapp. Rapport
RCCM Registre du commerce et du crédit mobilier
RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial
Règl. Règlement
S. Suivant
Soc. Arrêt d’une chambre sociale de la Cour de cassation
Somm. Sommaire
SFA Sauvegarde financière accélérée
SA Sauvegarde accélérée
Supra Se reporter précédemment à
SFI Société financière internationale
SAS Société par actions simplifiée
SA Société anonyme
SARL Société à responsabilité limitée
Sem. Jur. Semaine juridique
ST Société de titrisation
SPV special purpose vehicle (fonds commun de créance : FCC, en droit français)
t. tome
Trib. Tribunal
Trib. com. Tribunal de commerce
TGI Tribunal de grande instance
TI Tribunal d’instance
TPI Tribunal de première instance
TRHC Tribunal régional hors classe (Dakar)
UEMOA Union économique monétaire ouest-africaine
V. Voir
XIII
SOMMAIRE
Première partie
L’adoption et la validité du procédé de passerelle dans les droits français et
OHADA
Titre 1. Les raisons pouvant expliquer l’adoption du procédé de passerelle dans les droits
français et OHADA
Chapitre 1. Le risque de l’échec de la procédure de conciliation
Chapitre 2. Le procédé de passerelle : une solution admise juridiquement dans les droits
français et OHADA
Deuxième partie
Étude prospective du procédé de passerelle dans les droits français et OHADA
1. « La restauration des droits des créanciers et, à ce titre, leur participation à l’élaboration du
traitement des difficultés de leur débiteur est amplement perçue comme le nouveau leitmotiv du
droit des entreprises en difficulté. Combinée à la volonté de prévenir et de traiter les difficultés
des entreprises en amont de la cessation des paiements, la réhabilitation de la voix des
créanciers {participe à l’émergence des législations selon lesquelles} le traitement qu’il
convient d’administrer au débiteur sera discuté ».2
2. Le traitement des difficultés des entreprises par la négociation est une tendance législative qui
s’affirme en France et dans l’espace OHADA 3. En droit français, le rythme de la
contractualisation du traitement des difficultés des entreprises s’est accéléré à la suite de la crise
financière de 2008 4. Selon les statistiques, plusieurs entreprises françaises avaient déposé le
1
G. FARJAT, Droit économique, éd., Puff, 1971, p. 17.
2
P.-A. BOUHENIC et S. LAMEY-C UBEDDU, « L’efficacité économique de la contractualisation du droit des
entreprises en difficulté (1/2) », Les Echos Exécutives, 18 déc. 2017, p. 1., art. consulté le 15 juin 2018.
3
L’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires.
4
Dite des subprime, cette crise, qui a débuté en juillet 2007 aux États-Unis d’Amérique, s’est étendue à l’Europe
avant de se mondialiser.
1
bilan5. Il était nécessaire de trouver une solution. Dans l’espace OHADA, certains experts 6
avaient pu affirmer que la crise financière de 2008 n’a pas profondément touché les entreprises.
Or, « dans un contexte de mondialisation toutes les économies sont touchées par le canal
financier (chute des bourses) et par l’instabilité des places financières ».7 D’où la nécessité de
nuancer l’affirmation selon laquelle les entreprises africaines ont été épargnées.
3. Pour faire face aux conséquences de cette crise financière, le législateur français a réformé le
secteur bancaire, financier et le droit des entreprises en difficulté. Dans ce dernier domaine, le
renforcement de la négociation entre le débiteur et ses créanciers a été privilégié, le traitement
judiciaire des difficultés des entreprises ayant montré des insuffisances 8. Dans l’espace
OHADA, la refonte de l’AUPC9, dans le but de l’adapter non seulement aux réalités du
continent africain, mais aussi au contexte international, avait déjà été entreprise ; elle a abouti
à la réforme de 2015 10.
4. Par les textes de 2010 11 et de 201412, le législateur français a adopté une nouvelle méthode de
sauvetage des entreprises, au travers des nouvelles procédures de sauvegarde accélérée qui
servent de passerelles entre la conciliation et la sauvegarde. Cette approche de traitement des
difficultés des entreprises combine l’amiable et le judiciaire ; elle permet la poursuite de la
restructuration d’un débiteur, entamée dans la procédure de conciliation, dans le cadre de la
sauvegarde avec, quasiment, les mêmes acteurs et le même projet de redressement. Il peut être
ainsi pertinent de s’intéresser à ce mécanisme de redressement des entreprises en droit français
5
Plus de cinquante mille défaillances : Étude conjointe Deloitte & Altares, in « L’entreprise en difficulté en France
- La facture économique », mars 2014, p. 7.
6
Y. DUHEM, directrice Afrique du centre et de l’ouest de la société financière internationale (SFI), institution du
groupe de la banque mondiale chargée des opérations avec le secteur privé, s’exprimant sur la crise.
7
Ph. HUGON, « La crise mondiale et l’Afrique : transmission, impacts et enjeux », Afrique contemporaine, 2009/4,
n°232, p. 151-170.
8
R. PERCEROU, « Le traitement judiciaire de la situation des entreprises en difficulté : mythe ou possibilité
réelle ? », in Le droit de l’entreprise dans ses relations externes à la fin du XX e siècle, Mél., en l’honneur de C.
CHAMPEAUD, éd., Dalloz, 1997, p. 507.
9
L’Acte uniforme des procédures collectives.
10
Le nouvel Acte uniforme des procédures collectives a été adopté le 10 sept. 2015 à Grand-Bassam (Côte
d’Ivoire). Il a abrogé celui de 1998.
11
L. n°2010-1249 du 22 oct. 2010 de régulation bancaire et financière, JORF n°0247 du 23 oct. 2010, p. 18984,
texte n°1.
12
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2
et en droit OHADA, dans une approche comparative, sachant que la sauvegarde du droit
français correspond fondamentalement au règlement préventif du droit OHADA.
6. Le législateur français oriente, depuis la loi de 1985 17, le droit des entreprises en difficulté vers
la négociation des solutions de redressement entre les acteurs concernés. Cette tendance se
concrétise avec l’adoption de l’outil du plan pré-négocié. Le droit OHADA des entreprises en
difficulté n’a pas adopté cette méthode pour le moment ; le législateur de 2015 a néanmoins
adopté la procédure de conciliation qui est un outil important de négociation. Le caractère récent
de l’adoption des sauvegardes accélérées en droit français, et l’absence de telles procédures en
droit OHADA témoignent de l’originalité de la présente thèse intitulée : Le procédé de
passerelle entre la conciliation et la sauvegarde-Approche comparative droit français/droit
OHADA.
7. Cet intitulé mérite quelques précisions : le mot « procédé » vise à mettre un accent sur le
caractère méthodique de la nouvelle approche de restructuration des entreprises précédemment
décrite, tandis que le mot « passerelle » veut traduire la transition qui s’opère entre l’amiable et
le judiciaire. De sorte que le présent sujet de recherche peut être reformulé comme suit : la
nouvelle méthode de redressement des entreprises par l’utilisation combinée du traitement
amiable et du traitement judiciaire.
8. Le rapprochement entre les droits français et OHADA est historique. Certains particularismes
philosophiques existent cependant. Il en est ainsi, à titre d’exemple, de la cession d’entreprise
13
Art. L621-1, al. 1, c. com. ; Art. 2, al. 2, AUPC.
14
Art. L.626-1, c. com. ; Art. 2, al. 2, AUPC.
15
Art. L.621-3, c. com.
16
Art.13, AUPC.
17
L. n°85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, JORF du 26
janv. 1985, p. 1097.
3
qui est considérée comme une mesure de redressement en droit français 18, alors qu’elle doit
prioritairement permettre l’apurement du passif en droit OHADA19. Les réalités économiques
ont été déterminantes dans l’évolution des deux législations. La fréquence des réformes en droit
français est importante20 ; il convient d’en évoquer brièvement les principales.
9. Le code de commerce de 1807 a instauré des règles relatives à la banqueroute. Le débiteur failli
était soumis à l’incarcération et à la contrainte par corps. La loi du 28 mai 1838 sur les faillites
et banqueroutes a marqué une certaine inflexion à l’égard du débiteur failli, en opérant une
distinction entre le débiteur malchanceux de bonne foi qui était soumis à la liquidation judiciaire
et le débiteur malhonnête qui était soumis à la faillite. La loi du 22 juillet 186721 a supprimé la
contrainte par corps. Cette sanction, qui était infligée au débiteur failli, fut supprimée d’abord
en 1793, puis en 1848 avant de l’être définitivement en matière civile et commerciale par la loi
du 22 juillet 1867 précitée. La loi du 4 mars 1889 sur la faillite 22 a permis au débiteur de se
redresser au moyen d’un concordat conclu avec ses créanciers. La notion de bonne foi, sous
l’empire de la loi du 28 mai 1838, fut ainsi revalorisée ; mais la lenteur dans le désintéressement
des créanciers provoqua la modification de la loi du 4 mars 1889 par un décret du 20 mai 1955.
Ce dernier a introduit un changement d’ordre terminologique et philosophique dans le droit des
procédures collectives. Le redressement judiciaire du débiteur fut ainsi érigé en principe et la
faillite en exception. Il s’est agi d’accorder au débiteur, victime d’aléas temporaires, la
possibilité de négocier l’obtention des délais et remises. Ce qui fut qualifié de « pacte
d’atermoiement ou moratoire général ».23 Celle du 13 juillet 196724 a abrogé les dispositions
antérieures en soumettant l’entreprise qui est viable à la procédure de redressement judiciaire
et celle dont la situation est irrémédiablement compromise à la liquidation judiciaire 25 ; le
18
Com. 26 juin 1990, BRDA 31.8. 90, n°15, p. 14 ; A. JACQUEMONT et Alii, Droit des entreprises en difficulté,
10e éd., LexisNexis, 2017, n°2, p. 1.
19
. En droit OHADA, ce sont les créanciers qui sont chargés de retenir l’offre qu’ils jugent à même de régler leurs
créances selon les dispositions combinées des art. 132, al. 1er et 125 de l’Acte uniforme des procédures collectives.
20
V. A. LAMBERT et J.-C. BOULARD : rapp. de la mission de lutte contre l’inflation normative, ministère de la
réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, ministère délégué chargé de la décentralisation,
26 mars 2013.
21
Loi du 22 juillet 1867 relative à la contrainte par corps, JORF du 20 août 1944, p. 165.
22
Loi du 4 mars 1889 portant modification de la législation des faillites, JORF du 20 févr. 1889, p. 48.
23
M. FERRARI, « Le pacte d’atermoiement, délit de fuite passible de banqueroute », Gaz. pal. 2 mai 1969, doctr.,
p. 1,
24
L. n°67-563 du 13 juill. 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les
banqueroutes, JORF du 14 juill. 1967, p. 7059.
25
F. DERRIDA et Alii, Redressement et liquidation des entreprises, cinq années d’application de la loi du 25 janvier
1985, 3e éd., Dalloz. 1991, p. 1.
4
critère économique était pris en compte. Cette loi a également adopté un critère moral
d’appréciation du comportement des dirigeants et prévu, à l’encontre de ces derniers, des
sanctions patrimoniales, civiles et pénales en cas d’agissements fautifs. L’ordonnance du 23
septembre 196726 a instauré la suspension provisoire des poursuites individuelles pour les
grandes entreprises qui n’étaient pas en cessation des paiements, mais dont la faillite aurait pu
avoir des conséquences néfastes sur l’économie nationale ou régionale. Elle fut abrogée et
remplacée respectivement par les lois du 1er mars 198427 et du 25 janvier 1985 28. La loi du 25
janvier 198529 a introduit un changement important dans la règlementation du traitement des
difficultés des entreprises en ce qu’elle a fait du sauvetage de l’entreprise un objectif prioritaire
au détriment du paiement des créanciers 30. Il était question de sauvegarder l’activité, maintenir
les emplois et, si possible, d’apurer le passif. Le texte du 10 juin 199431 a modifié les lois de
1984 et de 1985 précédemment citées en améliorant notamment le sort des créanciers. Elle a
amélioré le dispositif préventif, accru le rôle du président du tribunal et encouragé le recours
au mandat ad hoc : le président du tribunal « était la clef de voûte de la prévention ».32 La loi
de 200533 a permis de nombreuses avancées : le règlement amiable a été supprimé et remplacé
par la conciliation qui permet à un débiteur, qui n’est pas en cessation des paiements depuis
plus de quarante-cinq jours, et qui éprouve des difficultés avérées ou prévisibles, de négocier
un accord avec ses créanciers ; le privilège de la conciliation a été adopté, afin d’accorder un
traitement préférentiel aux créanciers qui ont accepté, en dépit de la situation douteuse du
débiteur, d’apporter de nouveaux apports en trésorerie, ou de nouveaux services. Outre ces
réformes, la loi de sauvegarde de 2005 a adopté la procédure de sauvegarde pour accroître les
solutions de redressement du débiteur. Le régime d’irresponsabilité des créanciers
26
Ord. n°67-820 du 23 sept. 1967 tendant à faciliter le redressement économique et financier de certaines
entreprises.
27
L. n°84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises,
Revue Jorf lois & decret, p. 751, réf. 97259.
28
L. n°85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, JORF du 26
janv. 1985, p. 1097.
29
L. n°85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, JORF du 26
janv. 1985, 1097.
30
A. JACQUEMONT, Droit des entreprises en difficulté, 7e éd., LexisNexis/Litec, 2011, p. 12 et s.
31
L. n°94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, JORF n°134
du 11 juin 1994, p. 8440 ; v. M. C ABRILLAC et Ph. PETEL, « Le printemps des sûretés réelles », D. 1994, p. 243.
32
A. COURET, « Le traitement non judiciaire des difficultés des entreprises », in N. D. ROBAIN, Le règlement
amiable des difficultés des entreprises, éd., Septentrion, 1997, p. 20.
33
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5 ; v. Ph. Roussel Galle, Réforme du droit des entreprises en difficulté, De la théorie à la pratique, 2e éd., Litec,
2007.
5
dispensateurs de crédit a été instauré en vue d’inciter ces derniers à dispenser plus de crédits.
En effet le droit français des entreprises en difficulté a pu être considéré moins attrayant pour
les investisseurs étrangers 34 ; il fallait l’améliorer. La loi de sauvegarde sera renforcée par les
dispositions de l’ordonnance du 18 décembre 2008 35. La loi de régulation bancaire et financière
de 201036 a, comme l’ordonnance du 18 décembre 2008, renforcé la loi de sauvegarde de 2005.
Cette loi de 2010 a notamment adopté la sauvegarde financière accélérée, première passerelle
entre la conciliation et la sauvegarde.
L’ordonnance du 12 mars 2014 37 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises
et des procédures collectives a apporté plusieurs améliorations, dont nous ne citerons que
l’adoption de la seconde passerelle entre la conciliation et la sauvegarde, à savoir la sauvegarde
accélérée, qui « devient un genre au sein duquel la sauvegarde financière accélérée est une
espèce particulière, met en évidence la volonté du « législateur » de traiter dans des délais
réduits les difficultés financières, temporaires et non irrémédiables, des entreprises les plus
importantes, en associant bien entendu le débiteur et certains créanciers ».38 La sauvegarde
accélérée est venue rétablir une sorte de justice pour les débiteurs dont le passif était
essentiellement constitué de dettes des fournisseurs, mais qui ne pouvaient pas recourir à la
sauvegarde financière accélérée. En effet, la sauvegarde accélérée permet de restructurer toutes
les dettes à l’exception de celles alimentaire et salariale. La loi du 18 décembre 2016 39 a apporté
plusieurs autres améliorations importantes dont, notamment, l’extension du bénéfice du
privilège de la conciliation aux créanciers d’un débiteur agriculteur. Les États composant
l’espace OHADA n’ont pas connu une telle avalanche de réformes.
10. Créée par le traité de Port-Louis (Îl Maurice) du 17 octobre 1993 qui a été révisé le 17 octobre
1998 à Québec (Canada), l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires
34
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives, éd., Dalloz, 2006, n°051.
35
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte 29.
36
L. n°2010-1249 du 22 oct. 2010 de régulation bancaire et financière, JORF n°0247 du 23 oct. 2010, p. 18984,
texte n°1.
37
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3 ; v. C. CHAMPALAUNE, « Un nouveau
droit des entreprises en difficulté. Propos introductifs », Rev. proc. coll. 4/2014, doss. 27.
38
A. JACQUEMONT et Alii, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LexisNexis, 2017, p. 18.
39
L. n°2016-1547 du 18 déc. 2016 de modernisation de la justice du XXIe s, JORF n°0269 du 19 déc. 2016, texte
n°1 ; v. Ph. ROUSSELLE GALLE et M.-F. BONNEAU, « Adaptation du traitement des difficultés des entreprises par
la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle », Rev. proc. coll. juin 2016, étude 21.
6
est une organisation internationale qui poursuit une œuvre d’intégration juridique entre les pays
qui en sont membres40. L’objectif du droit OHADA est essentiellement la facilitation des
investissements et des échanges, et la garantie de la sécurité juridique et judiciaire des activités
des entreprises.
11. L’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires est dotée de plusieurs
organismes qui assurent son fonctionnement : le conseil des ministres, composé des ministres
de la justice et de ceux de l’économie et des finances, se réunit une fois par an. Il adopte les
Actes uniformes et les règlements41 ; la conférence des chefs d’État et de gouvernement statue
sur toutes les questions relatives au traité fondateur 42 ; la cour commune de justice et d’arbitrage
émet ses avis sur les Actes uniformes et les règlements, assure l’interprétation et l’application
des normes communautaires 43 ; le secrétariat permanent prépare les Actes uniformes et autres
textes de l’organisation44 ; et l’école régionale supérieure de la magistrature 45.
12. Après l’accession à l’indépendance nationale entre 1958 et 1960, les pays africains ont adopté
des textes largement inspirés pour ne pas dire calqués sur le model des puissances
colonisatrices 46. Ces textes n’ont pas connu de réformes adaptées. Ce qui a favorisé l’insécurité
juridique47 et judiciaire48, rendant ainsi difficile l’appréhension du droit applicable49. Or, une
telle insécurité ne peut que provoquer la stagnation de l’économie nationale, laquelle repose
40
Les États actuellement membres de l’espace OHADA sont au nombre de dix-sept à savoir : Benin, Burkina
Faso, Cameroun, Congo, Comores, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Équatoriale, Mali,
Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad et Togo.
41
Art. 16, traité OHADA, 2008.
42
Art. 27, traité OHADA, 2008.
43
Art. 14, traité OHADA, 2008.
44
Art. 6, traité OHADA, 2008.
45
Art. 31, traité OHADA, 2008.
46
H. MIKPONHOUE, L’ordre juridique communautaire OHADA et les enjeux d’intégration du droit des Affaires,
thèse de doctorat, Université de Perpignan, 2016, p. 10.
47
Les législations étaient hétérogènes, disparates, imprécises et mal connues. Dans le contexte de la
mondialisation, ces législations étaient obsolètes.
48
Les conditions d’une bonne procédure judiciaire n’étaient pas réunies (le sont-elles aujourd’hui ?) faute de
moyens matériel, humain et de formation des magistrats et des auxiliaires de justice.
49
Par exemple au Cameroun, les règles juridiques variaient d’une région à une autre. En effet, dans un même
domaine, la règlementation héritée de la France s’appliquait dans la zone francophone, tandis que la common law
s’appliquait dans la zone anglophone. Dans ces conditions, nul doute que la détermination de la règle applicable à
une affaire transversale ne pouvait qu’être difficile voire préjudiciable pour l’investisseur.
7
essentiellement sur le secteur privé 50. La création de l’organisation pour l’harmonisation en
Afrique du droit des affaires répondait ainsi à la nécessité d’enrayer l’insécurité juridique et
judiciaire afin d’encourager l’investissement privé 51 par l’adoption de procédures judiciaires
adaptées et par l’incitation au recours à l’arbitrage pour le règlement des différends
contractuels.
50
A. YAYA SARR, L’intégration juridique dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-africaine (UEMOA) et
dans l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), thèse de doctorat, Université
d’Aix-Marseille III, 2008, p. 26.
51
Selon l’art. 1er du traité du 17 oct. 1993, repris dans le traité révisé de 2008.
52
L’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et de voies d’exécution adopté
en 1998 ; l’Acte uniforme sur le droit de l’arbitrage adopté en 1999 ; l’Acte uniforme relatif au transport des
marchandises par route adopté en 2003 ; l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives adopté en 2010 ;
l’Acte uniforme relatif au droit commercial adopté en 1997 ; l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement économique adopté en 1997 ; l’Acte uniforme relatif au droit des sûretés adopté
en 1997 ; l’Acte uniforme des procédures collectives d’apurement du passif adopté en 1998 ; l’Acte uniforme
relatif à l’organisation et à l’harmonisation de la comptabilité des entreprises adopté en 2000.
53
AUSCGIE.
54
AUS.
55
Sur cette réforme v. V. P. CROCQ, Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés - La réforme du
droit des sûretés de l’OHADA, éd. Lamy, 2012 ; B. S. DIARRAH, « Les innovations introduites dans l’Acte
uniforme portant organisation des sûretés », Rev. dr. uniforme africain, 2011, n°005, p. 3.
56
AUSCGIE.
8
amélioration57 : la procédure de conciliation a notamment été adoptée58 ; le règlement préventif,
créé par le texte de 1998, a été simplifié et sécurisé 59 ; le champ d’application des procédures
collectives a été étendu. Le 26 janvier 2017, l’Acte uniforme relatif au droit comptable et à
l’information financière60 a connu une réforme. Il a substantiellement relevé le montant du
chiffre d’affaires en deçà duquel les petites entités économiques sont éligibles au système
minimal de trésorerie et reconnu la spécificité du système comptable des secteurs règlementés
tout en précisant que ces derniers restent soumis au droit comptable OHADA. Le 23 novembre
2017, l’Acte uniforme relatif à la médiation61 a été adopté. Ce texte crée une procédure de
négociation plus souple que la conciliation à l’image du mandat ad hoc en droit français. Enfin,
un certain nombre de textes sont en cours d’élaboration dont les plus attendus sont l’Acte
uniforme relatif au droit du travail 62 et l’Acte uniforme portant droit général des obligations 63
dans l’espace OHADA. Ce dernier serait une initiative de la fondation du droit continental,
mais non du secrétariat permanent de l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit
des affaires 64.
14. L’évolution de chaque système juridique est la résultante de l’évolution de son contexte
endogène et exogène sur le plan économique, social, politique et historique. Ce qui peut
expliquer les différences philosophiques entre les législations. Il a été déjà dit que le droit
OHADA a un rapprochement historique avec le droit français par le fait colonial ; la
problématique de la finalité du traitement et de la prévention des difficultés des entreprises dans
ces deux législations relève de la dialectique.
15. Le délicat encadrement du rapport entre l’économie et le droit a conduit les législateurs français
et OHADA à séparer l’homme, en tant qu’individu, de l’entreprise en tant
57
AUPC.
58
Pour tout savoir sur la nouvelle procédure de conciliation : C. NDONGO, La prévention des difficultés des
entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ, 2018, p. 190 et s.
59
V. C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd.,
LGDJ, 2018, p. 26 et s.
60
AUDCIF.
61
AUM.
62
Depuis une décennie, le projet d’Acte uniforme relatif au droit du travail peine à être adopté : C. M. J. De
DRAVO-ZINZINDOHOUE, La mise en place d’un droit uniforme du travail dans le cadre de l’OHADA, éd., A.R.N.T,
2009.
63
C. GRIMALDI, « Projet de texte uniforme portant droit général des obligations dans l’espace OHADA », Village
de la justice, 22 mars 2016.
64
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ,
2018, p. 2.
9
qu’entité économique, de sorte que les agissements fautifs du chef d’entreprise n’empêchent
plus mécaniquement le redressement de l’entreprise65. La dialectique de la réflexion sur la
finalité du droit des entreprises en difficulté porte, d’une part, sur le paiement des créanciers et,
d’autre part, sur la nécessité de sauvegarder l’entreprise. Ces deux objectifs ne sont pas en
principe contradictoires, mais ils peuvent l’être suivant le déséquilibre entre le poids du passif
de l’entreprise et l’importance de son actif ; ils ont toutefois des fondements distincts. Le
paiement des créanciers se fonde sur le principe de l’expression de la volonté qui pose
l’obligation d’assumer ses engagements contractuels 66, alors que l’impératif de sauvegarde des
entreprises tient à la considération de l’intérêt général67. Quelle approche - contractuelle68 ou
institutionnelle69 - de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises faut-il
adopter ? Les législateurs français et OHADA semblent avoir opté pour une approche médiane
qui concilie le paiement des créanciers et le redressement de l’entreprise. Ce choix est à
approuver, d’autant que de plus en plus les créanciers aident à financer le redressement de
l’entreprise70.
16. Cette approche médiane utilise les vertus de la négociation pour arriver à une issue favorable à
toutes les parties que l’État entérine ensuite. Le droit américain de la faillite en est un
exemple71 : le chapitre 11 du code fédéral propose en effet différents types de procédures de
réorganisation au travers d’un plan pré-négocié72. Le législateur français s’est inspiré de ce
modèle américain en l’adaptant au contexte français ; la matérialisation en est l’adoption des
65
Doss. législatif - Exposé des motifs de la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005, p. 8.
66
R. SAVATIER, « Les sanctions attachées à l’inexécution des obligations contractuelles. Rapport de synthèse
présenté aux journées 1964 de l’Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française », RIDC,
oct.-nov. 1964, vol. 16, n°4, p. 715 - 724, spéc. p. 717.
67
M. GRAZIANI, « Les créanciers et la pérennité de l’entreprise article 2 », CREG, 15 déc. 2016, p. 1. Article
consulté le 15 juin 2018.
68
Qui veut que la volonté exprimée des parties soit respectée ; que le débiteur respecte son engagement tel que
formé conformément au droit civil. Cette méthode prône le paiement des créanciers : v. S. T. STEVE KARFO,
Paiement des créanciers, Sauvetage des entreprises : Étude comparative des législations OHADA et française de
sauvegarde judiciaire des entreprises, thèse de doctorat, Université de Toulouse 1 - Capitole, 2014, p. 9 à 13.
69
Qui veut que l’intérêt public, c’est-à-dire l’intérêt général de la société que l’entreprise incarne prime l’intérêt
particulier du créancier. Les règles contraignantes, coercitives et autoritaires qu’applique le tribunal dans les
procédures collectives sont les conséquences de cette approche : v. S. T. STEVE KARFO, Paiement des créanciers,
Sauvetage des entreprises : Étude comparative des législations OHADA et française de sauvegarde judiciaire des
entreprises, thèse de doctorat, Université de Toulouse 1- Capitole, 2014, p. 13 à 19.
70
D’où la reconnaisse du législateur qui leur accorde non seulement un privilège – celui de conciliation ou de new
money – mais aussi une protection - celle qui tient au régime de leur irresponsabilité dans l’octroi des concours -.
71
S. STANKIEWICZ M URPHY, L’influence du droit américain de la faillite en droit français des entreprises en
difficulté, thèse de doctorat, Université de Strasbourg, 2011, p. 11.
72
V. infra, n°133 et s.
10
procédures de sauvegarde accélérée formant les passerelles entre le traitement amiable et le
traitement judiciaire des difficultés des entreprises 73. Plusieurs expressions synonymes sont
utilisées pour désigner cette méthode de traitement des difficultés des entreprises 74.
17. Le procédé de passerelle consiste, pour un chef d’entreprise, en présence 75 ou non d’un état de
cessation des paiements, de négocier un plan de restructuration avec ses créanciers dans un
cadre amiable, et de faire valider ce plan par l’autorité judiciaire par un vote majoritaire des
créanciers. Ces conditions essentielles, qui découlent des dispositions de l’article L.628-1 du
code de commerce français, traduisent globalement l’idée du chapitre 11 du code fédéral
américain de la faillite.
18. La négociation est un outil essentiel qui va permettre au chef d’entreprise de discuter avec
chacun de ses principaux créanciers. Les remises de dettes ainsi que l’obtention des délais de
paiement sont les principaux enjeux de cette négociation pour le chef d’entreprise. Le plus
souvent, les créanciers sont diligents ; il en est ainsi parce que, dans un sens, il peut être
regrettable pour un créancier de perdre un partenaire commercial stratégique qui n’est confronté
qu’à une difficulté passagère et, dans l’autre, le créancier n’a vraiment pas le choix du fait de
la menace d’une éventuelle ouverture de procédure judiciaire. Dans le droit américain, il n’y a
pas de cadre dédié pour mener les négociations contrairement au droit français, où être engagé
dans une procédure de conciliation est une condition de fond pour accéder à une procédure
passerelle76. A l’égard du droit OHADA, la présente thèse retient théoriquement les deux
aspects de la problématique d’être ou non préalablement engagé dans une procédure de
conciliation, chacun de ces deux aspects trouvant sa justification dans le redressement de
l’entreprise et dans le contexte atypique africain 77.
19. Le critère de la cessation des paiements ne devrait pas être un handicap automatique à une
opération de restructuration ; il devrait être modulable selon les chances de redressement de
l’entreprise. Telle est l’approche adoptée par le législateur français. Cela permet au chef
d’entreprise de disposer d’un laps de temps afin de faire adhérer la majorité des créanciers à
73
V. J. REGNER, « La sauvegarde financière accélérée, dernière évolution du droit français des entreprises en
difficulté », Revue banque, 27 mars 2012, n°747.
74
Mécanisme de plan pré-négocié ; plan pré-arrangé ; procédure de prepack, procédé de passerelle, technique de
la passerelle.
75
De moins de quarante-cinq jours.
76
Art. L. 628-1, c. com.
77
V. infra, n°614 et s.
11
son projet de plan. L’adhésion de la majorité des créanciers au projet de plan du chef
d’entreprise est une condition fondamentale pour la réussite de toute procédure de prepack eu
égard au vote qui a lieu en phase judiciaire. La fermeté étant retenue par le législateur africain
s’agissant du régime de la cessation des paiements, la présente étude propose des alternatives
dans la perspective de l’adoption du procédé de passerelle 78.
20. A l’issue des négociations, le chef d’entreprise devra demander l’ouverture d’une procédure
judiciaire. L’objectif d’une telle demande est de faire valider la volonté majoritaire des
créanciers en faveur de l’adoption du plan. Normalement, il peut être supposé qu’il s’agisse de
remplir une simple formalité, dans la mesure où le chef d’entreprise aura déjà signé un accord
de principe avec une large majorité des créanciers selon lequel ces derniers voteront le projet
d’accord conclu en phase amiable. En conséquence, la période d’observation de la procédure
judiciaire est logiquement écourtée, ce qui couvre le débiteur de certains écueils 79, et constitue
la principale différence avec la procédure ordinaire.
21. Plusieurs raisons ont dû conduire le législateur français à adopter le procédé de passerelle entre
la conciliation et la sauvegarde parmi lesquelles il faut citer la règle de l’unanimité qui
caractérise l’accord de conciliation. En effet, telle qu’elle est exposée dans la présente étude,
l’unanimité, devant caractériser l’accord de conciliation, présente plus d’inconvénients que
d’avantages aussi bien en droit français qu’en droit OHADA en ce qu’elle constitue un obstacle
au redressement de l’entreprise 80 : un seul créancier est capable, en vertu de la liberté
contractuelle - à laquelle la règle de l’unanimité tient - de tenir en échec un projet de
redressement du débiteur même soutenu par une frange majorité des autres créanciers.
D’ailleurs, confrontée à cet obstacle, la pratique française avait anticipé la solution de la
passerelle au travers des affaires Thomson81 et Autodistribution82.
78
V. infra, n°606 et s.
79
Le coût élevé et la lourdeur de la procédure judiciaire, le ternissement de l’image ainsi que l’altération du crédit
de l’entreprise.
80
V. infra, n°97 et s.
81
Trib. com. Nanterre, 30 nov. 2009, D. 2009, 2929, note A. LIENHARD ; B. GRELON, « L’affaire Thomson : la loi
à l’épreuve de la finance », Rev. Sociétés, juin 2010, p. 244 - « L’arrêt technicolor : entre rigueur et impuissance »,
Rev. Societés 2011, p. 239 ; Versailles 13e ch. 18 nov. 2010, n°10/01433, Rev. proc. coll. 2011, comm. 41, note J.-
J FRAIMOUT ; com. 21 févr. 2012, n°11-11.693, Rev. proc. coll. 2012, comm. 82, note J.-J. FRAIMOUT.
82
R. ROUTIER, N. LAURENT, « Analyse de l’opération Autodistribution : premier prepack à la française, cah. dr.
entr., sept.-oct. 2009, p. 20.
12
22. Les procédures de conciliation et de sauvegarde/règlement préventif sont particulièrement
concernées par la présente thèse qui, comme cela a déjà été évoqué, s’intéresse aux droits
français et OHADA. Toutefois, d’autres procédures sont occasionnellement évoquées, tels le
redressement et la liquidation judiciaires dans les deux législations, le mandat ad hoc du droit
français et la nouvelle procédure de médiation du droit OHADA. En outre, l’analyse faite des
législations française et OHADA, à propos du procédé de passerelle entre la conciliation et la
sauvegarde dans le cadre de cette étude, tient compte de certaines considérations d’ordre spatial
et temporel. D’abord l’appréhension des raisons ayant favorisé l’adoption des procédures de
sauvegarde accélérée en droit français, et qui pourraient être valables à l’égard du droit
OHADA, ont nécessité de comparer le droit positif français avant la loi de sauvegarde de 2005
avec celui du droit OHADA. Analysée dans ce cadre temporel, la conciliation dans ces deux
droits présente des faiblesses identiques, telles que la rigidité du régime de la cessation des
paiements 83 et l’unanimité de l’accord ; le lecteur est invité à tenir compte de cette donnée
essentielle à la compréhension générale de la présente thèse. Ensuite le droit américain de la
faillite dont le législateur français s’est inspiré, le droit belge qui a procédé récemment à
d’importantes réformes en matière du droit des affaires, le droit anglais qui partage une même
philosophie préventive avec le droit français et le droit marocain qui peine à être reformé sont
notamment évoqués. Le choix de s’intéresser à ces droits tient à la pertinence d’avoir une vision
singulière de la problématique du plan pré-négocié à l’égard des droits français et OHADA, et
de faire une évaluation de cette problématique à l’égard de droits qui ne sont pas objets du
présent sujet de recherche.
23. L’étude qui est proposée dans le cadre de cette thèse ne pouvait ignorer le droit européen. C’est
en ce sens que l’efficacité des passerelles de sauvegardes accélérées adoptées en droit français
est évoquée à travers le prisme du droit européen de l’insolvabilité des entreprises. Il est fait
état de la proposition de directive du 22 novembre 2016 de la commission européenne sur les
procédures d’insolvabilité et de restructuration84 ; cette directive vise la généralisation, pourrait-
on dire, du système préventif français qui repose sur la conciliation et les nouvelles sauvegardes
accélérées. Des aménagements sont prévus pour améliorer d’avantage la prévention.
83
V. infra, n°59 et s.
84 Proposition de directive (COM (2016) 723 final du 22 novembre 2016 sur les proédures preventives de
restructuration, sur la seconde chance et sur les mesures accroissant l’éfficacité des procedures de restructuration,
d’insolvabilité et décharge de dettes.
13
Étroitement lié au prepack-sauvegarde et, éventuellement, au prepack-règlement préventif
s’agissant du droit OHADA, le prepack-cession85 est abordé.
24. Ne sont pas prioritairement concernés par la présente recherche, les procédures de redressement
et de liquidation judiciaires dans leur organisation et déroulement, le droit des sûretés et la
procédure de rétablissement personnel prévus par les législations OHADA et française.
25. La technique de la passerelle entre le traitement préventif et le traitement curatif des difficultés
des entreprises incarne la nouvelle orientation législative de la plupart des droits modernes 86. Il
apparaît dès lors intéressant de s’interroger sur l’utilité pratique de ce nouveau dispositif de
redressement des entreprises au regard du droit français. Tenant compte du contexte africain,
et à la lumière de l’expérience française, le droit OHADA devrait-il l’adopter ? Ce sont autant
de questionnements auxquels cette thèse tente d’apporter des éléments de réponse.
26. Afin de repondre aux questions soulevées, plusieurs méthodes ont été exploitées dont la
comparaison. Il existerait en droit deux méthodes comparatives à savoir la méthode intégrative
qui consiste à mettre en lumière les points de convergence, et la méthode différentialiste qui
recherche les divergences pour démontrer que deux systèmes juridiques ne peuvent être
unifiés 87. Une troisième catégorie peut être ajoutée. Celle de la méthode fonctionnelle qui réunit
les deux premières citées. C’est cette dernière qui a été retenue. L’utilité pratique de la
comparaison a été préférée à celle théorique car « les lois doivent être étudiées à la lumière de
leur finalité ».88 Les aspects de convergence et de divergence, entre le droit OHADA et le droit
français, concernant la problématique relative au mécanisme du plan pré-arrangé, ont été mis
en relief.
27. La méthode analytique a été utilisée pour cerner les raisons d’ordre social, économique et
politique qui sont susceptibles d’expliquer l’adoption de l’outil du plan pré-négocié en droit
français, et qui pourraient ou non être valables en droit OHADA. Dans le prolongement de cette
analyse, l’usage de la synthèse a été nécessaire pour affirmer non seulement la compatibilité et
85
Dans le prepack-cession, la recherche d’un repreneur ainsi que l’élaboration du plan de cession sont amiablement
menées dans le cadre d’une procédure contractuelle. La cession est ensuite mise en œuvre dans le cadre d’une
procédure judiciaire : art. L.611-7, c. com.
86
Notamment le droit américain de la faillite, le droit belge, le droit français.
87
P. LEGRAND, Droit comparé, éd., PUF, 1999, p. 64.
88
B. JALUZOT, « Méthodologie du droit comparé : bilan et perspective », RIDC 2005, n°1, p. 29.
14
l’utilité du procédé de passerelle à l’égard des droits français et OHADA des entreprises en
difficulté, mais aussi pour proposer des pistes d’amélioration de ces derniers.
29. Avant d’être reconnu par le législateur français, le procédé de passerelle avait été évoqué par
certains auteurs qui y avaient vu un moyen efficace de sauvegarde des entreprises 89. Au sein de
la doctrine OHADA, le sujet ne semble pas évoqué. La raison pourrait tenir à un jugement
subjectif : cette doctrine90semble apprécier que le législateur africain ne suive pas son
homologue français. Or, pour un législateur, s’inspirer d’un pair n’est pas un défaut, ce qui peut
l’être, c’est de ne pas adapter l’inspiration à sa réalité. Dans une économie mondialisée, aucune
législation, en matière du droit des affaires, ne peut évoluer en vase clos. La présente étude vise
à comprendre le redressement des entreprises par la méthode du plan pré-négocié et à évaluer
son intérêt pratique au regard du contexte socio-économique en France et dans l’espace
OHADA. Dans cette démarche, elle entend proposer une réflexion scientifique pour le cas
particulier du droit OHADA ; car autant ce dernier ne devrait pas se priver de tirer bénéfice de
certaines innovations dans la régulation, à l’échelle internationale, des matières qu’il régit,
autant il ne doit pas tomber dans un suivisme aveugle ; d’où la nécessité d’un débat scientifique
sur la nécessité de reconnaître o non la technique de la passerelle.
30. Afin d’apporter des éléments de réponse aux questionnements évoqués, plusieurs plans de
rédaction auraient mérité d’être adoptés. Il s’est avéré convenable d’établir, dans une première
89
Th. MONTERAN, « Pour améliorer le droit des entreprises en difficulté, osons la réforme », Gaz. Pal. 23-24 janv.
2008, p. 3-5 ; H. CHRIQUI, « Prévention des difficultés d’entreprise ; peut-on aller plus loin ? », Gaz. Pal. 16-18
mai 2004, p. 2 ; F.-X. LUCAS, « Le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française », cah. dr.
entr., n°5, sept. oct 2009, p. 35 ; G. TEBOUL : « Les évolutions récentes provoquées par la crise sur les entreprises
en difficulté », LPA, 3-4 sept. 2009, p. 4 à 6.
90
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ,
2018, p. 82 - 85 : cet auteur semble apprécier par exemple que le législateur OHADA de 2015 (adoption du nouvel
Acte uniforme des procédures collectives le 10 sept. 2015) n’ait pas suivi son homologue français de 2005 (loi
n°2005-845 de sauvegarde des entreprises du 26 juill. 2005) sur l’assouplissement du régime de la cessation des
paiements.
15
partie, un diagnostic des dispositifs préventifs en droit français avant la consécration législative
du procédé de passerelle et en droit positif OHADA dans une approche comparative, et de
procéder, dans une seconde partie, à une étude prospective de ce nouvel outil de redressement
des entreprises à l’égard des deux droits.
31. Dans la première partie, qui s’intéresse à l’adoption et à la validité du procédé de passerelle
dans les deux droits, deux volets sont essentiellement étudiés. Il s’agit de l’analyse, bien que
des avantages soient réels, des faiblesses de la procédure de conciliation, qui tiennent à la
rigidité du régime de la cessation des paiements et à l’unanimité de l’accord de conciliation, et
des solutions, qui ont été adoptées ou qui auraient pu l’être par les législateurs français et
OHADA. L’étude menée dans cette thèse démontre que ces faiblesses justifient l’adoption du
procédé de passerelle dans le droit français, ce qui peut être valable au regard du droit OHADA ;
l’application du procédé de passerelle dans les deux droits est également abordée. Dans la
seconde partie, qui consacre une étude prospective de la technique de la passerelle, deux aspects
sont principalement mis en avant. En premier lieu, le rôle du procédé de passerelle est analysé
non seulement comme un outil de prévention des difficultés des entreprises, mais aussi comme
un instrument de traitement curatif de ces difficultés ; l’étroite relation qui peut exister entre
prepack-cession et prepack-sauvegarde est évoquée. En second lieu, à la lumière du diagnostic
établi sur la prévention et le traitement des difficultés des entreprises dans les deux droits, des
propositions d’amélioration argumentées sont faites. Il en est ainsi, notamment, pour le droit
français, entre autres, de l’adoption des comités de créanciers dans la procédure de conciliation,
de l’autonomisation de la procédure de mandat ad hoc pour l’organisation du prepack-cession.
Pour le droit OHADA, le contexte socio-économique et politique a conduit à proposer
l’assouplissement du régime de la cessation des paiements. Ce qui devrait nécessairement
s’accompagner de la création de cellules spéciales d’information, de conseil et d’orientation
dans les juridictions à compétence commerciale à l’attention des chefs d’entreprise. En outre,
le nouvel Acte uniforme des procédures collectives est innovant, mais pour que l’objectif de
redressement des entreprises qu’il vise puisse être atteint, l’organisation pour l’harmonisation
en Afrique du droit des affaires doit faire face au défi institutionnel qui se pose. En effet, cette
thèse démontre, à l’appui de décisions jurisprudentielles, combien le manque de compétence
de la plupart des personnels judiciaires, ainsi que l’absence de juridictions spécialisées en
contentieux d’affaires constituent un obstacle à l’efficacité du droit OHADA. C’est pourquoi,
elle suggère le renforcement de la formation des professionnels judiciaires, la création des
juridictions dédiées au traitement des difficultés des entreprises. Elle propose enfin, au regard
16
de nombreux avantages, l’adoption d’une procédure passerelle entre la conciliation et le
règlement préventif.
32. L’analyse de l’adoption et de la validité du procédé de passerelle dans les deux droits (Première
partie), sera suivie d’une étude prospective (Deuxième partie).
17
PREMIERE PARTIE
91
G. CRANCHET, La notion de cessation des paiements dans la faillite et le règlement judiciaire, thèse de doctorat,
bibl. dr. privé, t. XXXV, Paris, 1962, p. 8.
19
33. La prévention des difficultés des entreprises en droit français, avant la loi de sauvegarde de
200592, présente plusieurs traits de ressemblance avec celle en vigueur en droit OHADA.
Spécifiquement, l’organisation de la procédure de conciliation, dans les deux droits, présente
des caractéristiques communes, notamment en ce qui concerne les aspects négatifs. A cet égard,
il importe de préciser que les développements qui vont suivre se circonscrivent dans le temps,
soit avant l’adoption du procédé de passerelle en droit français. Il s’agira notamment d’analyser,
au travers des deux systèmes préventifs, la justification de l’adoption de la technique de la
passerelle en droit français et, éventuellement, en droit OHADA.
34. L’appellation « droit des entreprises en difficulté » est récente et remplace celle plus classique
de « procédures collectives de paiement », ou encore celle plus ancienne de « droit de la
faillite ». « Ces modifications de la terminologie, purement formelles en apparence, révèlent,
en réalité, une évolution très profonde de la matière qui, d’une discipline orientée vers le
désintéressement des créanciers d’un commerçant qui cesse ses paiements, devient un ensemble
de règles destinées à prévenir et à traiter les défaillances d’entreprises ».93 La prévention des
difficultés des entreprises est au cœur des législations française et OHADA. Le concept de
prévention est aussi important que complexe dans son appréhension générale. C’est pourquoi,
selon un auteur, il faut le cerner sous l’angle de « toutes formes de captation, de partage et
d’analyse de l’information, jusque et y compris dans son expression finale et la plus achevée
au moment de l’écoute du dirigeant par le président du tribunal ».94
35. Ce droit des entreprises en difficulté est une des disciplines du droit des affaires qui reste
marquée par de récurrentes réformes du fait de la nécessité d’adapter la matière à son
environnement largement entendu et aux fluctuations économiques. Cette adaptation se
matérialise par ces nombreux réformes et revirements respectivement sur le plan législatif et
jurisprudentiel. Toute chose qui s’avère bien pour la matière selon un auteur pour qui, « les
scandales sont des sources de progrès pour les sciences juridiques »95, ou encore, selon un
autre auteur qui considère qu’« il s’agit en quelques mots, de sauver les entreprises susceptibles
de remonter leurs difficultés en leur accordant un répit et en leur offrant un cadre de
92
V. supra, n°16.
93
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 15.
94 A.-M. ROMANI, Les techniques de prévention des risques de défaillance des entreprises, procédures collectives
et droit des affaires, éd., Frison Roches, 2000, p. 173.
95
Y. CHAPUT, Quel Code de commerce pour demain ? Du Code de commerce à un Code de la sauvegarde des
entreprises, éd., Litec, 2007. p. 220.
20
négociation avec leurs créanciers ; et de liquider sans traîner les autres pour ne pas laisser
gonfler stérilement leur passif, et donner une chance aux entrepreneurs malchanceux de se
relancer ».96
36. Si les législateurs français et OHADA suivent ces mouvements de près, force est de reconnaître
cependant qu’ils mettent du temps à réagir, même s’il pourrait être argué que toute réforme
nécessite une étude préalable et l’observation de certaines procédures. Or, dès que des
difficultés d’ordre juridique, économique ou financier sont détectées au sein d’une entreprise,
la gestion du temps pour leur résolution devient prioritaire. Plus elles perdurent, plus elles
affectent la viabilité de l’entreprise concernée. C’est en cela que l’échec de la procédure de
conciliation, faute d’accord unanime, contribue lentement à l’aggravation de la situation globale
de l’entreprise. Pour les entreprises engagées dans une telle procédure, la seule véritable issue
reste soit de redemander l’ouverture d’une conciliation dans les conditions des articles L.611-
697 du code de commerce et 5-3, alinéa premier, de l’Acte uniforme des procédures
collectives98, soit de se mettre sous protection judiciaire en demandant l’ouverture d’une
procédure de sauvegarde classique/règlement préventif. Cette dernière procédure étant
judiciaire, ne permet pas non plus, dans la plupart des cas, de pérenniser l’entreprise, puisque
les difficultés ne sont pas souvent anticipées en amont. En cas de cessation des paiements, elle
aboutit soit à un redressement judiciaire dans le meilleur des cas, soit à une liquidation
judiciaire99.
37. L’échec de la procédure de conciliation, pour cause d’absence d’un accord unanime ou de la
survenance de la cessation des paiements, ainsi que les écueils 100 d’une procédure judiciaire
peuvent expliquer l’aggravation de la situation des entreprises qui sont en difficulté. C’est dire
que ni la procédure de conciliation, ni celle de la sauvegarde/règlement préventif, prises
séparément, ne se révèlent être des solutions pérennes au redressement des entreprises.
38. Si la prévention, dans les droits français et OHADA, présente des faiblesses communes, il n’en
est pas de même des solutions adoptées (Titre 1). Face à l’inefficacité des procédures judiciaires
96
A. LIENHARD, Procédures collectives 2017-2018, 7e éd., Delmas, 2016, p. 5.
97
« {…} A défaut, elles prennent fin de plein droit et une nouvelle conciliation ne peut être ouverte dans les trois
mois qui suivent {…} ».
98
« {…} A l’expiration de ces délais, la conciliation prend fin de plein droit et il ne peut être ouvert une nouvelle
procédure de conciliation avant l’expiration d’un délai de trois mois (3) moi ».
99
Art. L.626-7, al. 3, c. com. ; Art. 15, al. 2, AUPC.
100
Dont la lourdeur, le coût élevé et l’effet négatif de la publicité.
21
pour redresser les entreprises, des souhaits101 avaient été émis en France pour l’expérimentation
de la procédure américaine de prepackaged plan ou plan pré-arrangé. Cette méthode de
traitement des difficultés des entreprises consiste, pour un chef d’entreprise, à négocier
amiablement un plan de restructuration, et de le faire adopter judiciairement, présentant ainsi
l’avantage de la célérité, mais aussi de la contrainte à l’encontre des créanciers non diligents.
Ces souhaits, pouvant être formulés à l’égard du droit OHADA, conduisent à analyser
l’application du procédé de passerelle en droit français et, éventuellement, en droit OHADA
(Titre 2).
101
V. supra, n°47.
22
TITRE 1
39. La prévention des difficultés des entreprises dans les droits français et OHADA repose sur une
organisation presque identique. Celle-ci se subdivise en deux niveaux dont l’un tient aux
moyens préventifs internes, telle l’alerte 102 du commissaire aux comptes par rapport à tout fait
de nature à compromettre la production normale de l’entreprise, et l’autre aux moyens
préventifs externes, telles les procédures de conciliation103, de mandat ad hoc104 et de
médiation105. Ces procédures préventives externes, bien qu’elles consacrent une négociation
contractuelle de la restructuration des entreprises, comportent des faiblesses qui impactent leur
efficacité. Il en est ainsi parce que la conciliation, qui est la principale procédure préventive en
droit français et en droit OHADA, est biaisée, d’une part, par le principe d’unanimité106 de
l’accord et, d’autre part, par l’effet immédiat de la cessation des paiements107, c’est-à-dire une
conséquence effective dès le premier jour de la constatation de cet état.
40. Ces faiblesses présentent un risque, celui de l’échec de l’accord de conciliation (Chapitre 1).
Afin de contourner ces obstacles, la pratique française, sur impulsion de la doctrine, a pu se
trouver un moyen, celui du procédé de passerelle au travers des affaires Thomson 108 et
Autodistribution109, nonobstant l’absence d’un cadre juridique adapté. Il a pu en être ainsi, parce
102
Art. L.234-1, c. com. ; Art. 150 et s., AUDSC.
103
Art. L.611-4, c. com. ; Art. 5-1, AUPC.
104
Art. L.611-3, c. com.
105
Art. 1-2, AUPC.
106
Art. 2, al. 1, AUPC : « La conciliation est une procédure préventive, consensuelle et confidentielle, {…} » ;
droit français : Cela résulte du caractère contractuel de la conciliation. Or, un contrat ne peut être conclu que sur
la base d’un consensus, suivant le principe de la liberté contractuelle. C’est pourquoi l’alinéa 6 de l’art. L.611-7,
c. com. en tire les conséquences en disposant qu’il est mis fin à la conciliation si les parties ne parviennent pas à
un accord (consensuel).
107
Art. 5-1, al. 1, AUPC : « La conciliation est ouverte aux personnes visées par l’article 1-1 ci-dessus, {…} mais
qui ne sont pas encore en état de cessation des paiements » ; droit français : jusqu’à la loi n°2005-845, du 26 juill.
2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p.12187, texte n°5, la conséquence de la
cessation des paiements était immédiate, c’est-dire exclusive de l’ouverture d’une procédure amiable (l’ancien
règlement préventif en l’occurrence). L’assouplissement du régime de la cessation des paiements, tel qu’il existe
aujourd’hui, résulte de l’art. L.611-4 tel que modifié par le texte précité.
108
Trib. com. Nanterre, 30 nov. 2009, D. 2009, 2929, note A. LIENHARD ; B. GRELON, « L’affaire Thomson : la
loi à l’épreuve de la finance », Rev. Sociétés, juin 2010, p. 244 ; « L’arrêt technicolor : entre rigueur et
impuissance », Rev. Societés 2011, p. 239 ; Versailles 13e ch. 18 nov. 2010, n°10/01433, Rev. proc. coll. 2011,
comm.41, note J.-J FRAIMOUT ; Com. 21 févr. 2012, n°11-11.693, Rev. proc. coll. 2012, comm. 82, note J.-J.
FRAIMOUT.
109
R. ROUTIER, N. LAURENT, « Analyse de l’opération Autodistribution : premier prepack à la française », cah.
dr. entr., sept.-oct. 2009, p. 20.
23
que ce type de procédé de traitement des difficultés des entreprises est juridiquement admis
aussi bien en droit français qu’en droit OHADA (Chapitre 2).
24
Chapitre 1. Le risque de l’échec de la procédure de conciliation
41. En droit français, sous l’empire de l’ancienne procédure de règlement amiable, à laquelle la
procédure de conciliation a succédé en 2005110, l’accord était obtenu à l’aide de la règle de la
majorité : l’approbation du projet d’accord par la majorité des créanciers permettait au tribunal
de valider cet accord ; il faut dire que le règlement amiable était dirigiste, et donc moins
contractuel111. Lors de l’adoption de la procédure de conciliation, le législateur français a
préféré la règle de l’unanimité à celle de la majorité, dans le but de respecter la liberté
contractuelle et, partant, contractualiser entièrement la procédure de conciliation. Cela eut pour
conséquence la réduction de la marge de manœuvre du chef d’entreprise et du conciliateur au
point d’entretenir un risque d’échec des négociations.
42. En droit OHADA, le législateur de 1998 n’avait institué que le règlement préventif 112 comme
procédure préventive. Comme le règlement amiable français, cette procédure de règlement
préventif était exclusive de l’état de cessation des paiements. Elle a été dite préventive, mais
elle était judiciaire en réalité car son ouverture était conditionnée à la préparation d’un
concordat préventif 113. Le législateur de 2015114, en introduisant la procédure conciliation dans
l’Acte uniforme des procédures collectives, a adopté le même principe que son homologue
français s’agissant du caractère unanime de l’accord de conciliation 115. De ce fait, et comme en
droit français, le même risque d’échec de la conciliation est présent. Ce risque tient
principalement à deux faiblesses de la conciliation à savoir l’effet couperet de la cessation des
paiements (Section 1) et l’unanimité qui doit caractériser l’accord (Section 2).
110
Art. L.611-4, c. com. tel que modifié par la loi n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises,
JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte n°5.
111
F. MACORIG-VENIER, « Du règlement amiable à la conciliation », Rev. proc. coll. 2005/4, p. 352.
112
Art. 2, al.1, AUPC 1998.
113
Pour en savoir plus sur le règlement amiable, v. S. K. EVELAMENOU, Le concordat préventif en droit OHADA,
thèse de doctorat, Université de Paris-Est Val-de-Marne, Université de Lomé, 2012. Il importe de préciser que le
concordat préventif OHADA correspond au plan de sauvegarde en droit français.
114
Nouvel Acte uniforme des procédures collectives, adopté le 10 sept. 2015 en Côte d’Ivoire.
115
Art. 2, al. 1, AUPC : « La conciliation est une procédure préventive, consensuelle et confidentielle, {…} ».
116
V. supra, n°50.
25
en droit des entreprises en difficulté, où elle joue un rôle important en ce qu’elle a toujours été
un évènement de référence pour la détermination du sort 117 de l’entreprise et, par ricochet, de
celui des créanciers. La survenance de la cessation des paiements dans la vie d’une entreprise
crée la panique chez le chef d’entreprise - parce que cela suppose la mise éventuelle sous
contrôle judiciaire de l’entreprise - et l’angoisse chez les créanciers - qui redoutent un paiement
dérisoire. Ce climat anxiogène est le fait de l’immédiateté des conséquences à la fois factuelles
et juridiques de cet état de cessation des paiements, suscitant ainsi de nombreux
commentaires118.
44. En droit français, l’effet immédiat de la cessation des paiements a longtemps été une
préoccupation. Jusqu’à la loi de régulation bancaire et financière de 2010 119, une entreprise,
dont la procédure de conciliation avait échoué, était obligée de recourir à une procédure
judiciaire ordinaire, à défaut de s’engager à nouveau dans une procédure de conciliation ; alors
même qu’elle pouvait arriver à un accord avec ses créanciers, si cet effet n’était pas immédiat,
c’est-à-dire s’il était toléré de quelques jours comme il l’est depuis la loi de sauvegarde de
2005120. En droit OHADA, le législateur de 1998 121 a adopté le même principe d’immédiateté
de l’effet de la cessation des paiements qu’en droit français. Celui de 2015 122 n’y a rien changé.
Il en ressort que l’immédiateté de l’effet de la cessation des paiements était une mesure
législative partagée dans les droits français et OHADA (Paragraphe I), avant que le législateur
français n’ait opéré une réforme en la matière (Paragraphe II).
117
E. OSSOUMA-EFFAME, Le rôle de la cessation des paiements dans la prévention et le traitement des difficultés
des entreprises, thèse de doctorat, Université de Toulon, 2015, p. 1.
118
B. DIALLO, « La cessation des paiements en OHADA », Juris info, n° sp., déc. 2010, p. 12, réf. Ohadata D.10-
64 ; C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, LGDJ, 2018,
p.76 -80 ; M.-L. COQUELET, Entreprise en difficulté, 5e éd., Dalloz, 2015, n°103 et s. ; A. JACQUEMONT, R.
VABRES, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LexisNexis, 2015, n°235 à 285 ; A. LIENHARD, Procédures
collectives 2017-2018, 7e éd., Delmas, 2016, n°112-30 -112-39 ; Ph. PETEL, Procédures collectives, 8e éd., Dalloz,
2014, n°84 à 86 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2014, n°1068 -1070 ;
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n°406 à 412 ; J. VALLANSAN et Alii, Difficulté des
entreprises, 6e éd., LexisNexis, 2012, n°306 à 308 ; D. VOINOT, Procédures collectives, 2e éd., LGDJ, 2013, n°188
à 189 ; G. CRANCHET, La notion de cessation des paiements dans la faillite et le règlement judiciaire, bibl. dr.
privé, t. XXXV, Paris, 1962.
119
V. supra, n°17. En effet, cette loi a adopté la sauvegarde financière accélérée qui permet au chef d’entreprise
de faire adopter l’accord tenu en échec dans le cadre de la conciliation par un vote majoritaire des créanciers ; cette
procédure permettait ainsi la capitalisation des négociations menées dans la conciliation, contrairement à la
sauvegarde classique.
120
Art. L.611-4, c. com.
1 Acte uniforme des procédures collectives d’apurement du passif, adopté le 10 avr. 1998.
121 er
122
Nouvel Acte uniforme des procédures collectives d’apurement du passif, adopté le 10 sept. 2015.
26
Paragraphe I. Le régime rigide de la cessation des paiements
45. La rigidité du régime de la cessation des paiements dans les droits français et OHADA des
entreprises en difficulté ne remonte pas aux mêmes dates. Ce qui est logique en ce qu’en droit
OHADA, la matière est issue de l’Acte uniforme de 1998 123, alors qu’en droit français, elle
résulte d’une succession de textes depuis le code de commerce de 1807 124.
46. Pour connaître l’histoire de l’évolution du régime de la cessation des paiements en droit
français, il faut remonter au code de commerce de 1807. La crise financière qui suivit la
révolution plomba les activités commerciales et provoqua des faillites scandaleuses qui
montrèrent, d’un côté, l’insuffisance de la protection accordée aux créanciers par l’ordonnance
de 1673125 et, de l’autre, l’impérieuse nécessité de réformer le régime de la faillite. C’est dire
que l’histoire de l’évolution de la cessation des paiements en droit français est intimement liée
au droit de la faillite. Un commerçant qui cessait ses paiements était automatiquement déclaré
failli. Les éléments de détermination de la cessation des paiements entraînèrent des
commentaires et décisions divergents au sein de la doctrine et de la jurisprudence.
47. Dès 1801, un projet de code de commerce fut établi ; il donnait dans ses articles 345 et 353 les
conditions d’ouverture de la faillite. Selon l’article 345, « tout commerçant qui cesse ou
suspend ses paiements est en état de faillite. Dans les trois jours qui suivent la cessation ou la
suspension des paiements, il est tenu d’en faire la déclaration au greffe du tribunal de
commerce » ; selon l’article 353, « l’ouverture de la faillite est fixée par la date de la
déclaration de cessation ou de suspension des paiements. A défaut de déclaration, l’ouverture
de la faillite est fixée par la date du premier protêt faute de paiement et à défaut de protêt par
la date du premier acte qui constate le refus de payer ». L’état de faillite était ainsi déterminé
par la date de la cessation ou la suspension des paiements. Quant au point de départ, il était fixé
à la date de déclaration de cet état de cessation des paiements par le failli ou, à défaut, à celle
du non-règlement du premier protêt ou du premier acte constatant le refus de payer. Partant de
ces considérations, la déclaration de la cessation des paiements était l’événement de référence
pour la fixation de la date de cessation des paiements dans ce projet.
123
1er Acte uniforme des procédures collectives d’apurement du passif, adopté le 10 avr. 1998.
124
Pour l’histoire de l’évolution des législations dans les deux droits, v. supra, n°10 et s.
125
Cette ordonnance dite aussi code savary était en réalité un Edit du roi servant de réglementation pour le
commerce des négociants et des commerçants.
27
48. En 1807, conscient que la détermination des circonstances et la date de la cessation des
paiements est loin de faire l’unanimité, le législateur prit en compte toutes les critiques et
suggestions émises avant de donner corps au nouveau code de commerce. Ce dernier, après
avoir indiqué en son article 437 que tout commerçant qui cesse ses paiements est en état de
faillite, précisait en ses articles 441 et 454, les conditions d’ouverture de la faillite :
« l’ouverture de la faillite est déclarée par le tribunal, son époque est fixée soit par la clôture
des magasins, soit par la date de tous les actes constatant le refus d’acquitter ou de payer des
engagements de commerce. Tous les actes ci-dessus mentionnés ne constateront néanmoins
l’ouverture de la faillite que lorsqu’il y aura cessation des paiements ou déclaration du
failli126 » ; « par le même jugement qui ordonnera l’apposition des scellés, le tribunal de
commerce déclarera l’époque de l’ouverture de la faillite ».127 A partir de ce code de
commerce, la détermination de la date de cessation des paiements fut attribuée aux juges.
49. En 1838, de vives critiques furent émises à l’encontre du code de 1807 à cause de l’énumération
des faits susceptibles d’entraîner la faillite par son article 441. Cette énumération provoqua des
controverses jurisprudentielles et doctrinales 128. Il fut constaté129 que les juges interprétaient
trop largement cet article au point de prendre, pour date de la faillite, tout acte même isolé qui
constatait un refus de paiement, dans le dessein de faire remonter la faillite à des dates très
éloignées. Afin de mettre fin à cet abus d’interprétation jurisprudentielle, le projet de texte de
1838 supprima l’énumération des faits et fixa, dans son article 443, l’ouverture de la faillite à
la date de la cessation notoire des paiements. L’exigence de la notoriété de la cessation des
paiements provoqua de vives polémiques au cours de la discussion sur le projet à la chambre
des députés. Finalement, le terme notoriété fut retiré du texte définitif qui déclarait que « tout
commerçant qui cesse ses paiements est en état de faillite ». Seule une condition était alors
exigée, celle de la cessation des paiements. Cette dernière n’était définie nulle part dans le code.
Il peut être affirmé que la rigidité qui a caractérisé la cessation des paiements dans l’ancien
droit français, et même jusqu’à l’ordonnance du 18 décembre 2008 130, a contribué à la
126
Art. 441, c. com. 1807.
127
Art. 454, c. com. 1807.
128
G. CRANCHET, La notion de cessation des paiements dans la faillite et le règlement judiciaire, thèse de doctorat,
bibl. de dr. privé, t. XXXV, Paris, 1962, p. 6.
129
V. VINCENT, Exposition raisonnée de la législation commerciale et examen critique du code de commerce, t. I,
Paris, 1821, p. 410 ; A. C. RENOUARD, Traité des faillites et banqueroutes, t. I, 3e éd., Rev. et augm., 1857, p. 122
à 129 ; J. G. LOCRE, Législation civile et commerciale de la France, t. XIX, 1830, p. 71-215.
130
Ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF
n°0295 du 19 déc. 2008, p. 19462, texte n°29 : cette ordonnance a défini la cessation des paiements en ajoutant à
28
disparition de plusieurs entreprises viables qui avaient pourtant une chance réelle de se
redresser.
50. Constituant la frontière entre une situation saine et une situation difficile d’un débiteur, les
législateurs français et OHADA donnent une même définition de la cessation des paiements (I).
En consacrant la même définition, les deux systèmes juridiques partagent les mêmes
inconvénients de la rigidité du régime de la cessation des paiements (II).
la définition de la loi du 25 janvier 1985 : « {…} l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif
disponible » ; que « {…} le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la
part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation
des paiements {… }». Tel n’était pas le cas jusqu’à cette date.
131
Th. MONTERAN, « L’état de cessation des paiements, clé de voûte des procédures collectives », Rev. proc. coll.
2001, p. 1 ; G. TEBOUL, « A propos de la cessation des paiements », RJ com. 1998, p. 169 ; J. P. M ARTY, « De la
cessation des paiements aux difficultés prévisible », Lamy dr. aff., mars 2005, p. 21 ; G. BERTHELLO, « La cessation
des paiements : une notion déterminante et perfectible », JCP E 2008, 2232 ; J. V ALLANSAN, « Que reste-t-il de la
cessation des paiements », Rev. proc. coll. mai/juin 2012, dossier n°12, art. 13 ; B. SOINNE, Traité des procédures
collectives, 2e éd., Litec, 1995, n°401 et s ; J.M. CALENDINI, « Cessation des paiements et rupture définitive du
crédit pour l’entreprise », LPA, 16 nov. 1998, p. 8 ; J. CALVO, « La notion de cessation des paiements dans les
procédures collectives », LPA, 7 sept. 1999, p. 4 ; F. DOULOUX, « La notion de cessation des paiements dans la loi
française du 25 janvier 1985 », RT Versailles, avr. et Sept. 1987, n°5 et 6, p. 73.
29
ne voulut pas lui donner une définition provoquant de ce fait des interprétations des plus vives.
Il fut considéré qu’il ne voulut pas « enfermer la cessation des paiements dans une définition
étroite »132, ou encore « qu’il est des expressions, claires par elles-mêmes, que les définitions
ne font qu’obscurcir : celle de cessation des paiements est de ce nombre et guidera les
tribunaux. La pratique de l’ancien article 441 démontre suffisamment qu’en pareil cas des
développements superflus n’engendrent que la confusion ».133 Le législateur français donnait
alors une souveraineté d’appréciation aux juges du fond pour déterminer l’état de cessation des
paiements. Espérée à la faveur de l’organisation du régime de la liquidation judiciaire, objet de
la loi du 4 mars 1889 134, la définition de la cessation des paiements ne vint pas, et cette loi ne
modifia finalement en rien cette notion.
53. Pourtant, la cessation des paiements est une notion légale en ce sens qu’elle est consacrée par
la loi qui en fit une condition de la mise en faillite par les tribunaux. Faute de définition légale,
la Cour de cassation française fut amenée à affirmer son droit de contrôle sur l’appréciation des
éléments déterminant l’état de cessation des paiements par les juges du fond ; nonobstant
l’établissement de certaines conditions, des divergences jurisprudentielles subsistèrent. C’est
ainsi que certaines décisions donnaient à la cessation des paiements un sens entièrement
matériel, et ne prononçaient pas la faillite tant que le débiteur continuait à payer, fut-ce en usant
de moyens illicites ou frauduleux135. D’autres, au contraire, prononçaient la faillite lorsque le
débiteur payait d’une manière illicite ou licite mais ruineuse 136.
54. En choisissant de ne pas définir la cessation des paiements, le législateur français ne voulut
certainement pas lier les juges par des formules rigides, pour ne pas leur imposer une conception
restreinte de la faillite. En matière de cessation des paiements, en droit français, la jurisprudence
joua un rôle déterminant, sous le contrôle de la Cour de cassation, qui finit par fournir une
première définition en 1949 : « est en état de cessation des paiements le débiteur dont la
situation financière est désespérée et qui se trouve dans l’impossibilité de payer ses dettes
commerciales, certaines, liquides et exigibles ou qui ne peut le faire sans recourir à des moyens
132
G. CRANCHET, La notion de cessation des paiements dans la faillite et le règlement judiciaire, thèse de doctorat,
bibl. dr. privé, t. XXXV, Paris, 1962, p. 34.
133
A. C. RENOUARD, Traité des faillites et banqueroutes, 3e éd., Rev. et augm., t. I, 1857, p. 122 à 129 ; J. G.
LOCRE, Législation civile et commerciale de la France, t. XIX, 1830, p. 235.
134
Loi du 4 mars 1889 portant modification de la législation des faillites, JORF du 20 févr. 1889, p.48.
135
Cass. req. 26 nov. 1902, DP 1903.1.86 ; civ. 17 déc. 1902, DP 1903.1.24 ; Cass. req. 12 janvier 1903, DP
1903.1.124 ; civ. 14 mai, 1930, DP 1933.1.121, note A. BESSON.
136
Cass. req. 12 juillet 1881. DP 1882.1, p. 264.
30
frauduleux ou ruineux ».137 Le critère principal retenu par cette définition, à la fois matérielle
et économique, fut « la situation financière désespérée », c’est-à-dire sans aucune issue comme
le précisera plus tard un arrêt138 en 1960. Par la suite, il a fallu attendre plusieurs années pour
qu’enfin l’on ait une définition légale de la cessation des paiements. C’était au travers de
l’article 3 de la loi du 25 janvier 1985 139 : « {…} l’impossibilité de faire face à son passif
exigible avec son actif disponible ».
55. Cette définition plus juridique qu’économique est une reprise des termes d’un arrêt de la Cour
de cassation rendu en 1978140. Elle sera modifiée par l’ordonnance du 18 décembre 2008141.
Aux termes de l’article L.631-1 du code de commerce, il est désormais précisé que « {…} le
débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de
ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas
en cessation des paiements {…} ». De ces définitions, il peut être retenu que le législateur
français a posé une définition stricto sensu : la cessation des paiements est l’impossibilité de
faire face au passif exigible avec l’actif disponible, et une délimitation de celle-ci : le débiteur
qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses
créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible ne peut être
considéré comme étant en cessation des paiements. C’est dire que le droit français des
entreprises en difficulté vise désormais à redresser l’entreprise, mais non uniquement à apurer
le passif du débiteur142. Plusieurs observations peuvent être faites à cet égard.
56. D’une part, la notion de passif exigible regroupe les dettes dont le montant et l’existence ne
sont pas contestés143, et pour lesquelles le débiteur n’a pas expressément obtenu de délais
supplémentaires de paiement : « l’existence d’un moratoire fait disparaître ce caractère
137
Civ. sect. com. 31 janv. 1949.
138
Com., 9 février 1960, RTD com.,1960, p. 884, obs. R. HOUIN ; rev. synd. et adm. jud. 1960, p. 101; Bull. civ.
IV, 1960, n°57 ; J. ARGENSON et G. TOUJAS, Règlement judiciaire, liquidation des biens et faillite, traité et
formulaire, t. I, 4e éd., Litec, 1973, n°14.
139
L. n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises en difficulté,
JORF du 26 janv. 1985, p. 1097.
140
Com. 14 févr. 1978, Bull., civ. IV, 1978, n° 67 ; RTD com. 1980, p. 599.
141
Ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF
n°0295 du 19 déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
142
F. DERRIDA, « La notion de cessation des paiements », in Mélanges J. P. SORTAIS, Université de Lausanne-
Bruylant, 2003, p. 73.
143
Com. 5 févr. 2013, n°11-28194, Bull. Joly, mai 2013, n°68, p. 136, obs. R. BONHOMME.
31
d’exigibilité ».144 Avant cette ordonnance du 18 décembre 2008145, un moratoire obtenu par le
débiteur alors que l’état de cessation des paiements était déjà établi, ne faisait pas obstacle à
l’ouverture d’une procédure collective 146. De même, un moratoire obtenu après que le juge a
déjà déterminé la date de la cessation des paiements, ne pouvait donner lieu à un report de cette
date147. Dans le même sens, un passif exigible payé par un tiers ne fait pas obstacle à la
caractérisation de l’état de cessation des paiements 148 selon la Cour de cassation qui a considéré
que cela ne constituait pas une réserve de crédit ; car une éventuelle demande de remboursement
du payeur (le tiers) pourrait donner lieu à une subrogation dans les droits du bénéficiaire (le
débiteur), ce qui provoquerait à nouveau la cessation des paiements. Il s’agit d’un passif échu
qui donne lieu à un paiement immédiat 149. Ce passif est à différencier de la notion comptable
de passif à court terme. Pour établir le passif échu, il est nécessaire de réétudier le passif à court
terme, afin de ressortir les dettes échues et non réglées. Par ailleurs, la Cour de cassation a eu à
indiquer que le passif exigible n’est pas effectif du fait de la présence d’une avance en compte
courant bloquée, ou dont le règlement n’est pas exigé150. Elle précisera plus tard que cette
avance en compte courant doit être suffisante pour payer le passif exigible, « dès lors que
l’engagement pris par le gérant de régler par rapport en compte courant la somme de X euros
ne permet pas d’apurer le passif exigible au regard du passif déclaré à titre définitif ; en
l’absence de tout autre élément quant à la consistance de son actif disponible fourni par la
société, celle-ci n’alléguant pas son augmentation après le 31 décembre 2011, la cour d’appel
a légalement justifié sa décision ».151 Parallèlement, la cessation des paiements n’est pas
caractérisée par des dettes à l’égard des associés et des apporteurs en compte courant152. Ce qui
signifie qu’un acquéreur de parts sociales ne peut demander la nullité pour dol en arguant que
les parts étaient acquises alors que la société était déjà en état de cessation des paiements 153.
Pour établir le passif exigible d’un débiteur, il faudrait également que la dette soit liquide et
144
B. GRELON, « prévention et cessation des paiements », in Melanges, D. Tricot, Dalloz-Litec, 2011, p. 422.
145
Ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF
n°0295 du 19 déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
146
Paris, 3e ch. B, 20 nov. 1998, Act. proc. 1999/5, n° 63.
147
Besançon, 31 janv. 1996, Rev. proc. coll. 1997, p. 176, n°14.
148
Com. 27 oct. 1998, n°96-21.793, Act. proc. coll. 1998/12, n°157.
149
V. discours de R. BADINTER, JOAN CR, 16 oct. 1984, p. 4691.
150
Com. 12 mai 2009, n° 08-13. 741, Gaz, proc. coll. 2009/3, p. 12 ; Rev. proc. coll. 2009/5, p. 40, § 104, note B.
SAINTOURENS.
151
Com. 14 oct. 2014, n° 13-22.293, NP.
152
Com. 23 avr. 2013, n°12-18-453, Bull. civ. IV, n°69 ; D. 2013, Actu. 1130, obs. A. LIENHARD.
153
Com. 10 janv. 2012, n°11.10-018, Bull. Joly 2012, 295, note F. X. LUCAS.
32
certaine au regard du droit civil. C’est pourquoi, une procédure de redressement fondée sur des
dettes fiscales en cours ne saurait permettre d’établir un passif exigible 154. Il en est de même
pour une dette dont le sort est subordonné à une instance pendante devant un tribunal 155, ou qui
est concernée par une injonction de payer frappée d’opposition. Par conséquent, si le débiteur
conteste le montant ou l’existence d’une dette, celle-ci ne devra pas compter dans l’analyse de
sa situation globale156. Toutefois, il faut nuancer cette affirmation car il peut arriver que la
contestation du débiteur soit peu fondée, ou constitue un acte dilatoire. En ce cas, la créance
sera tout de même admise au passif exigible157. En tout état de cause, il revient à la cour d’appel,
appelée à trancher, de distinguer entre le passif exigible au moment précis du jugement
d’ouverture et le passif rendu exigible par suite du prononcé de la procédure collective
(liquidation judiciaire)158.
57. D’autre part, l’actif disponible comprend les éléments inscrits au bilan de l’entreprise et qui ont
une existence certaine et liquide 159, utilisables très rapidement pour payer le passif exigible. La
détermination de l’actif disponible est pourtant loin d’être facile qu’on ne le croit160. Un bien
immobilier non vendu par exemple ne peut être compté dans l’actif disponible car n’étant pas
liquide et utilisable tout de suite 161. Un bien mobilier n’est pas non plus considéré comme
pouvant faire partie de l’actif disponible162. Le cheptel et le matériel d’exploitation agricole 163,
les contrats de vente et des marchés 164 signés, ainsi que les récoltes en cours ne peuvent être
constitutifs de l’actif disponible. Aussi, une créance dont le sort définitif est subordonné à une
instance pendante devant les juges du fond, ne peut être considérée comme certaine 165. En
revanche, les liquidités présentes dans les caisses et banques sont, par nature, constitutives de
l’actif disponible, de même que les effets de commerces et les titres de placement négociables
154
Com. 12 nov. 1997, n°94-15.829, Bull. civ. IV, n°292, Rev, proc. coll. 2000, p. 46, n°7, obs. J. M.
DELENEUVILLE.
155
Com. 9 févr. 2010, n°09-10.880, Rev. proc. coll. 2010/4, § 153, p.46, note B. SAINTOURENS.
156
Com. 22 févr. 1994, n° 92-11.634, Bull. civ. IV, n°75, 1994, p. 58.
157
Com. 3 mai 2011, n°10-15.170, NP.
158
Com. 26 mai 1994, n°96-22.635, Bull. civ IV, n°110 ; LPA, 5 août 1999, n° 155, p. 5, note P. M. LE CORRE.
159
Com. ch. civ. et com. 29 nov. 2016, n°15-194.74, Bull. Joly Sociétés, n°05, p.341, comm. F. MELIN.
160
S. ZINTY, « Retour sur la notion d’actif disponible », Rev. proc. coll., 1er juill. 2012, n°4, étude 27.
161
Com. 27 févr. 2007, n°06-10.170, D. 2007, p. 872.
162
Com. 20 févr. 2002, n°99-13.802, RJDA 2002, n°516.
163
Com. 8 juill. 2003, n°02-11.485. NP.
164
Com. 18 mars 2008, n°06-20.510, Bull. civ. IV, 2008, n°64.
165
Com. 28 nov. 2008, n°07-20972, NP.
33
à vue166. Toutefois, il revient au juge de chercher à savoir si les liquidités présentées par le
débiteur sont disponibles et peuvent couvrir le passif exigible 167. Les sommes consignées
peuvent également faire partie de l’actif disponible168. Il en découle que le débiteur qui n’a ni
de liquidité, ni de réserve de trésorerie ne peut prétendre avoir un actif disponible 169, sauf s’il
est titulaire d’un chèque de banque. Dans ce cas, la provision lui appartient durant toute la
période de prescription 170, et peut lui éviter la cessation des paiements si la somme (la provision)
est supérieure au passif exigible 171.
58. Enfin, les réserves de crédit s’analysent comme toutes les avances de trésorerie qui ne sont pas
bloquées ou dont le remboursement n’est pas demandé. Ces réserves de crédits s’imputent à
l’actif disponible du débiteur. Elles y occupent une place importante 172 bien avant la réforme
effectuée par la loi de 1967173. En effet, la jurisprudence indiquait déjà que le débiteur, qui
démontre avoir des crédits supplémentaires pouvant payer ses dettes exigibles, n’était pas en
cessation des paiements, à condition toutefois que ces crédits supplémentaires ne soient ni
ruineux, ni disproportionnés 174. La loi de 1967 précédemment citée a maintenu la même
solution, même après que la Cour de cassation a abandonné l’exigence d’une situation
« irrémédiablement compromise », en adoptant celle de « l’impossibilité de faire face au passif
exigible avec l’actif disponible », pour définir la cessation des paiements 175. La Cour de
cassation française continuera à appliquer la solution sous l’empire de la loi du 25 janvier
1985176, mais avec une certaine restriction dans l’interprétation de la réserve de crédit ; celle
que la réserve de crédit ne s’entendait pas d’un crédit offert par un tiers. Cette interprétation
restrictive et incertaine fut inspirée par la doctrine qui a considéré que l’existence d’une réserve
de crédit devrait permettre d’échapper à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire,
166
Trib. com. Lille, 4 mars 1985, RJ. com. 1985, p. 191.
167
Com. 24 mars 2004, n°01-10.927, Bull. civ. IV, n°60.
168
Aix-en-Provence, 19 nov. 1998, Rev. proc. 2000, n°49, obs. J. M. DELENEUVILLE.
169
Com. 24 mai 2005, n° K 03-17.984, n° M 04-11.480, n° B. 04-11.586, D. n°774 ; NP.
170
Art. L.131-59, al. 2. c. mon. fin.
171
Com. 18 déc. 2016, n°06-16.350, Bull. civ. IV, n°267 ; JCP E 2008, 1358,, note B. GIMONPREZ.
172
V. M. BOURGINAUD, « La notion de cessation des paiements, notion fonctionnelle », RTD com. 2002, p. 245.
173
L. n°67-563 du 13 juill. 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les
banqueroutes, JORF du 14 juill. 1967, p. 7059.
174
Civ. 17 déc. 1992, DP 1903,1, p. 24.
175
Com. 13 juill.1989, Bull. civ. IV, 1989, n°187.
176
L. n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises en difficulté,
JORF du 26 janv. 1985, p. 1097.
34
en tenant compte de la définition de l’ancien article L621-1177 du code de commerce, lorsqu’elle
pouvait permettre de faire face au passif exigible 178. La même ligne d’interprétation a été
maintenue après la loi du 26 juillet 2005179 qui a repris la définition antérieure de la cessation
des paiements. La Cour de cassation a tracé les types de réserve de crédit susceptibles de
constituer un actif disponible 180. La preuve de l’existence de la réserve de crédit incombe au
débiteur181, elle s’apprécie à la date où la date du jugement 182 ; les juges du fond sont souverains
pour apprécier l’actif disponible 183. Dans la plupart des cas, seul un accord signé invoqué par
le débiteur et faisant état d’une réserve de crédit, est recevable.
59. En droit OHADA, le législateur de 1998 définissait la cessation des paiements comme
l’impossibilité pour un débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible 184.
Elle opérait par-là une reprise de la définition de l’article 3 de la loi française de 1985185, elle-
même inspirée de l’arrêt du 14 février 1978 186. Le législateur de 2015 a maintenu la définition
retenue en 1998, mais il a rajouté l’exception des « situations où les réserves de crédit ou les
délais de paiement dont le débiteur bénéficie de la part de ces créanciers lui permettent de faire
face à son passif exigible ». Encore une fois, ce rajout a été inspiré de l’apport de l’article L.631-
1 de l’ordonnance du 18 décembre 2008, précédemment citée, à la définition de la cessation
des paiements en droit français. Telle qu’elle se présente, la notion de cessation des paiements
en droit OHADA est une copie de celle existant en droit français. De ce fait, l’analyse législative
et jurisprudentielle, précédemment faite sur la définition de la cessation des paiements en droit
français, reste valable à l’égard du droit OHADA, de sorte qu’il ne sera pas procédé à d’autres
177
« La procédure de redressement judiciaire est ouverte à toute entreprise, mentionnée à l’article L.620-2, qui
est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ».
178
D. VIDAL, « Cessation des paiements et réserve de crédit », Rev. huissiers, 1991, p. 705.
179
L. n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
180
Com. 17 juin 1997, Bull. civ. IV, n°193.
181
Com. 13 nov. 2001, n°98-22.144, n°1840, D. com., 10 mai 2005, n°04-11.453, n°699 D.
182
Com. 14 mars 1989, n°87-17.051, NP.
183
Com. 4 oct. 2005, n°1266 D.
184
Art. 25, al. 1, AUPC 1998.
185
L. n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises en difficulté,
JORF du 26 janv. 1985, p. 1097.
186
Com. 14 févr. 1978, n°76-13.718, Bull. civ. IV, 1978, n° 67 ; RTD com. 1980, p. 599
35
développements. Il importe de préciser tout de même que la cessation des paiements fait l’objet
de beaucoup de contentieux187 en droit OHADA.
60. Après toutes les clarifications législatives et jurisprudentielles en droit français, la notion de
cessation des paiements ne devrait plus être source de polémique ; mais d’autres questions
allaient se poser, dont notamment celle de l’unicité de sa date de survenance. Pour l’heure cette
question ne se pose pas en droit OHADA.
187
TGI, Wagadougou, 25 avr. 2001, n°423, réf. Ohadata J-03-94 : définition de la cessation des paiements ;
Wagadougou, 24 mai 2001, n°90 Bis, réf. Ohadata J-00-58 ; CCJA, Ass. plén. 27 avr. 2015, n°050/2015, pourvoi
du 2 déc. 2011, n°119/2011/PC : condition d’absence de cessation des paiements pour être admis en règlement
préventif ; Littoral, 16 mars 2002, n°040/C, réf. Ohadata J-14-14 : définition de la cessation des paiements ; Lomé,
20 avr. 2009, n°066/09, réf. Ohadata J-10-156 : refus de concordat préventif pour cause de cessation des
paiements ; TGI, Wagadougou, 18 févr. 2004, n°45, réf. Ohadata J-04-374 : immobilisations et cessation des
paiements. La liste n’est pas exhaustive.
188
Dans le cadre des actions en responsabilité contre le gérant.
189
Com., 4 nov. 2014, n°13-23.070, P+B+R+1, legavox, 20 déc. 2015, note N. BENABDELAZIZ
190
Aix-en Provence, 8e ch., sect. A, 10 janv. 2013, RG n°12/04261 ; JCP E, n°48, 27 nov. 2014, note Ph. ROUSSEL
GALLE.
36
62. La Cour de cassation a cassé l’arrêt et estimé que « l’omission de déclaration de cessation des
paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s’apprécie au
regard de la seule date de cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans
un jugement de report ».
63. Or, jusqu’à la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 191, pour apprécier la date à
partir de laquelle la déclaration de cessation des paiements aurait dû être déposée par le
dirigeant poursuivi, les juges français n’étaient pas liés par la date fixée par un tribunal lors de
l’ouverture de la procédure collective 192 ou à l’occasion d’un jugement de report. Le demandeur
pouvait démontrer la cessation des paiements sans même être lié par l’interdiction de report de
la date de cessation des paiements à plus de dix-huit mois avant celle du jugement
d’ouverture193. A la lumière des pièces et éléments fournis dans le cadre de la procédure de
sanction, le tribunal pouvait en conséquence fixer une date différente, et le défendeur à l’action
contester une date fixée par un jugement antérieur. Il convient de rappeler qu’à l’occasion de la
loi de sauvegarde citée plus haut, le principe d’indépendance des dates de la cessation des
paiements avait été mis à mal par le pouvoir réglementaire s’agissant des sanctions
personnelles, puisque selon l’article R.653-1 du code de commerce, « pour l’application de
l’article L.653-8194, la date retenue pour la cessation des paiements ne peut être différente de
celle retenue en application de l’article L.631-8 ».195
64. Désormais, le principe d’indépendance des dates de la cessation des paiements est
définitivement abandonné à travers cet arrêt de la Cour de cassation qui constitue un véritable
revirement de jurisprudence. Par cet arrêt, la Cour de cassation a unifié les modalités
191
L. n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
191
Com. 17 juin 1997, Bull. civ. IV, n°193.
192
Com. 11 juin 1996, n°94-18.844 : « Action en responsabilité pour insuffisance d’actif : modalités de
détermination de la date de cessation des paiements », en ligne www.kpratique.fr.
193
Com. 20 octobre 1992, n°90-28.964, « Action en responsabilité pour insuffisance d’actif : modalités de
détermination de la date de cessation des paiements », en ligne www.kpratique.fr.
194
« Dans les cas prévus aux articles L.653-3 à L.653-6 le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite
personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute
entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale, soit une ou plusieurs
de celles-ci {…} »
195
« Le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut,
de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement
d’ouverture de la procédure. Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de
dix-huit mois avant le jugement d’ouverture de la procédure {…} »
37
d’appréciation de la date de la cessation des paiements dans le cadre de l’action en
responsabilité pour insuffisance d’actif et celles applicables dans le cadre de l’interdiction de
gérer196.
65. Par ricochet, l’établissement de la responsabilité du dirigeant, poursuivi pour faute de gestion
sur le fondement de déclaration tardive de l’état de cessation des paiements, devient difficile ;
un auteur parle de déclin de la responsabilité du dirigeant 197. Plusieurs raisons peuvent
expliquer cela : si la procédure est ouverte sur initiative du débiteur, cela veut dire que le
tribunal ne statuera qu’au seul vu des éléments produits par lui, qui, de façon logique, ne
devraient laisser transparaître une cessation des paiements antérieure à plus de quarante-cinq
jours ; pour que le tribunal fixe une date antérieure au jugement d’ouverture, il doit déterminer
de façon exacte la date de la cessation des paiements, ce qui est difficile au regard des seuls
éléments à sa disposition au moment où il statut 198 ; le liquidateur, souvent auteur de l’action
en responsabilité pour insuffisance d’actif, doit l’anticiper et demander un report dans le délai
d’un an que lui impartit la loi, ce qui nécessite un suivi rigoureux des dossiers dont toutes les
pièces notamment comptables n’ont pas été transmises. Toutefois, l’unicité de la date de la
cessation des paiements présente le mérite de fixer un point de départ déterminé pour de
multiples délais en matière de procédures collectives.
66. Par ailleurs, dans le cadre de la poursuite du débiteur par le liquidateur ou le ministère public
pour insuffisance d’actif, il importe de rappeler que la loi Sapin II199 a simplifié le régime de la
faute de gestion, « afin de favoriser le rebond du dirigeant de bonne foi d’une société mise en
liquidation judiciaire {…} », selon les termes de l’exposé des motifs du texte. Désormais la
faute de gestion due à une « simple négligence » du dirigeant de droit ou de fait d’une société
ne constitue plus une cause de recevabilité de l’action en insuffisance d’actif. Autrement dit, le
chef d’entreprise qui a commis une faute de gestion par négligence, même si cela a aggravé le
passif, ne peut voir sa responsabilité engagée au titre de l’insuffisance d’actif200. Est-ce une
innovation trop poussée ? Déjà, l’article L.651-2 du code de commerce confère un large pouvoir
196
V. art. L.653-8 et R.653-1 c. com.
197
M. COTTIGNY, Responsabilité civile et procédures collectives, thèse de doctorat, Université de Lille 2, 2016,
p. 196.
198
Com. 30 mars 2010, n°08-22.140, NP ; chron. Jurisp. Gaz. pal. 3 juill. 2010.
199
Loi n°2016-1691 du 09 déc. 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation
de la vie économique, JORF n°0287 du 10 sept. 2016, texte n°2.
200
Art. L. 651-2 C. com. tel que modifié par la Loi n°2016-1691 du 09 décembre 2016 relative à la transparence,
à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique JORF n°0287 du 10 sept. 2016, texte n°2.
38
d’appréciation au juge : il peut écarter la condamnation du dirigeant poursuivi en l’exonérant,
tout comme il peut décider, en cas de pluralité de dirigeants de fait ou de droit, que le montant
de l’insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants ou certains
d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. La réforme du régime de la faute de gestion
vient conforter le chef d’entreprise sachant, par ailleurs, qu’il n’y a point de responsabilité pour
insuffisance d’actif sans faute de gestion.
67. Cependant pour le juge, une question d’ordre juridique pourrait lui poser un problème :
comment cerner « une simple négligence » de gestion ayant provoqué l’insuffisance d’actif ou
augmenter son montant ? D’autant que la plupart des fautes qualifiées, a priori, de négligence
ou d’autres circonstances atténuantes telles les interférences d’un actionnaire majoritaire, n’ont
engagé la responsabilité du dirigeant que du fait de leur poids considérable sur le montant du
passif201. Deux possibilités pourraient s’offrir au juge : soit il choisit de cerner la faute présentée
comme une « simple négligence » en mettant sur la balance ladite faute et son impact sur le
passif, soit il choisit le critère de bonne foi du dirigeant. Ce dernier choix serait d’ailleurs en
harmonie avec l’esprit des textes 202. La sanction ne sera alors appliquée qu’à des fautes
conscientes et intentionnelles qui ont aggravé l’état du passif de l’entreprise 203.
68. L’Acte uniforme des procédures collectives du droit OHADA, qui a été réformé dans la foulée
de l’arrêt de la Cour de cassation de 2014 ayant posé l’unicité de la date de la cessation des
paiements en droit français, n’a pas tenu compte de ce revirement jurisprudentiel.
69. Bien que le législateur OHADA de 2015 n’ait pas repris le principe d’unicité de la date de la
cessation des paiements, posé en droit français, un rapprochement peut tout de même être relevé
entre les deux législations. D’abord les deux législateurs ne déterminent pas si la date de la
cessation des paiements, dans le cadre de la procédure de sanction, est à aligner ou non sur celle
indiquée dans le cadre de la procédure collective, laissant de ce fait l’interprétation au juge.
Pour le moment, ni une juridiction nationale, ni la Cour commune de justice et d’arbitrage,
n’ont posé le principe d’unicité de la date de la cessation des paiements en droit OHADA.
Ensuite, l’article 183 de l’Acte uniforme des procédures collectives pose, en convergence avec
les dispositions de l’article L.650-1 du code de commerce, le principe de la sanction du dirigeant
201
Com. 22 janv. 2013, n°11-27.420, NP.
202
Dans l’exposé des motifs, il est mentionné que l’objectif de l’assouplissement du régime de la faute de gestion
est de permettre le rebond des chefs d’entreprise de « bonne foi ».
203
M. DIZEL, « L’action en insuffisance d’actif revue par la loi Sapin II », éditions législatives, 16 déc. 2016, p. 2.
39
qui s’est rendu coupable d’une faute de gestion : « lorsque le redressement judiciaire ou la
liquidation des biens d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, la
juridiction compétente peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance
d’actif, décider, à la demande du syndic, du ministère public, ou de deux contrôleurs {…}, ou
même d’office, que les dettes de la personne morale sont supportées en tout ou en partie, avec
ou sans solidarité, par tous les dirigeants ou certains d’entre eux » ; et l’article 185 dispose,
dans le cadre de la sanction du dirigeant, que « la juridiction compétente peut enjoindre aux
dirigeants à la charge desquels a été mis tout ou partie du passif de la personne morale de
passer leurs parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières, donnant accès au capital de
celles-ci, ou ordonner leur cession forcée {…}». Les deux droits, convergents sur la définition
de la notion de la cessation des paiements et divergents sur l’unicité de la date de celle-ci,
partagent les inconvénients de la rigidité du régime de la cessation des paiements.
70. Le mécanisme de la mise en faillite, fondé sur la cessation des paiements, présente l’avantage
de sanctionner la mauvaise gestion et le désordre dans les affaires, qui se symbolisent par le
défaut de paiement du débiteur. Il permet ainsi aux créanciers, incapables d’avoir un contrôle
effectif sur la comptabilité de leur débiteur, de prendre conscience, de l’extérieur, de la situation
réelle et grave de ce dernier. Ce qui leur donne la possibilité d’engager des mesures nécessaires
à la sauvegarde de leurs créances. Cependant, ce mécanisme présente l’inconvénient d’être
injuste toutes les fois qu’il est appliqué sans discernement, c’est-à-dire mécaniquement (A).
Cette application mécanique est souvent favorisée par la confusion qui est faite entre les notions
de cessation des paiements et d’insolvabilité (B).
40
de l’actif, ne peuvent à elles seules caractériser un état de cessation des paiement 204. Il s’agit
plutôt d’une gêne momentanée ; un débiteur peut présenter un bilan déficitaire sans être en
cessation des paiements 205. Certes, la sécurité des relations commerciales commande qu’on
sanctionne immédiatement tout défaut de paiement à l’échéance, mais la portée de l’affirmation
est plus théorique que pratique. En fait, il ne peut être complètement ignoré que ces situations
sont inhérentes à toutes les branches de l’activité économique. Comme le rappellent plusieurs
arrêts de la Cour de cassation française, l’établissement de la différence entre la cessation des
paiements qui perdure et une gêne momentanée exige que la constatation de l’état de cessation
des paiements par le juge se fasse au jour où il statue sans que l’on tienne compte d’une situation
passée206. Il a pu être ainsi jugé que l’absence d’activité et d’actif de nature à honorer les
échéances d’un plan ne suffit pas à établir la preuve qu’au jour où la juridiction statuait, la
société était dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible 207.
En effet, il apparaît très injuste et inéquitable de sanctionner, de la même manière, un débiteur
qui a des difficultés temporaires de trésorerie et un débiteur qui, n’ayant aucune trésorerie, se
trouve dans l’impossibilité définitive de continuer une existence commerciale normale.
72. L’application mécanique du principe de la cessation des paiements était doublée, dans le droit
français antérieur à la loi de 1967 208, de l’absence de toute autre échappatoire légale pour le
débiteur. Si à la même époque, il existait en Espagne la procédure spéciale de suspension des
paiements ou celle de l’administration contrôlée en Italie, la France n’a adopté la suspension
provisoire des poursuites qu’en 1967 209, pour quelques grandes entreprises. Avant cette date de
1967, il n’existait pas de procédure permettant de suspendre les poursuites ou d’empêcher le
prononcé de la faillite ou du règlement judiciaire. Le débiteur pouvait, certes, obtenir de ses
créanciers une remise de dette, des délais de paiement, mais cela n’était possible que dans le
cadre du concordat amiable qui différait du concordat préventif en ce qu’il n’obligeait que les
créanciers signataires. Pour mettre fin à cette réalité regrettable, le législateur français a adopté
204
Com. 17 oct. 2000, Act. proc. coll. 2000/19, n°238.
205
Com. 19 mars 2002, Act. proc. coll. 2002/10, n°120.
206
Com. 7 nov.1989, n°88-13.155, Bull. civ. IV, 1989, n° 273, p. 184 ; com. 6 oct. 92, n°90-18.992, Bull. civ. IV,
1992, n°290, p. 204.
207
Com. 17 sept. 2013, n°12-17.657, Act. proc. coll. 2013/16, comm. 239.
208
L. n°67-563 du 13 juill. 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les
banqueroutes, JORF du 14 juill. 1967, p. 7059
209
Art. 1er de l’ord. n°67-820 du 23 sept. 1967 tendant à faciliter le redressement économique et financier de
certaines entreprises.
41
en 1985210, la procédure de redressement judiciaire. L’objectif était de créer les conditions et
moyens de restructuration des dettes d’un débiteur en cessation des paiements. Une seconde
chance offerte en cas d’échec du règlement amiable. Ce dernier sera plus tard remplacé par la
procédure de conciliation assortie d’une cessation des paiements tolérée jusqu’à quarante-cinq
jours. En 2005211, le législateur français a renforcé ce dispositif par l’instauration de la
procédure de sauvegarde faisant ainsi de la liquidation judiciaire, instituée en même temps que
le redressement judiciaire, l’ultime recours lorsque la situation du débiteur est désespérée.
210
L. n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises en difficulté,
JORF du 26 janv. 1985, p. 1097.
211
L. n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
212
L. BEAUDOIN, « De la notion de cessation des paiements », sem. jur., 1934. 1029.
42
connurent dans le passé en France peuvent s’expliquer par cette confusion. « Par une
appréciation purement externe, il s’agissait de savoir si le commerçant payait ou ne payait pas
et ce critère mécanique permettait d’opposer d’une façon devenue classique la notion de
cessation des paiements du droit commercial à la notion civile d’insolvabilité ».213 Pendant
longtemps, on ne s’empêcha pas de déclarer des mises en faillite, parce que tout simplement les
débiteurs étaient incapables de payer à l’échéance à cause d’un manque temporaire de
liquidités. Or, un débiteur en état de cessation des paiements peut être solvable, alors que le
débiteur insolvable a dépassé le stade de l’état de cessation des paiements. Un débiteur peut
avoir un actif nettement supérieur à son passif (solvabilité) et ne pas pouvoir payer en même
temps son passif exigible, faute de patrimoine liquide (cessation des paiements 214). A l’inverse,
une insolvabilité avérée ne suffira pas pour qu’une procédure de liquidation judiciaire puisse
être ouverte. Dans ce sens, il a pu être jugé que la constatation d’un endettement à court terme
supérieur à la totalité de l’actif, s’accompagnant d’un résultat gravement déficitaire et d’une
constante dégradation des capitaux propres, ne suffisaient pas à caractériser l’état de cessation
des paiements 215. Autrement dit, la cessation des paiements est une situation où le débiteur ne
dispose pas actuellement d’une trésorerie suffisante pour faire face à ses dettes liquides et
exigibles216. Tandis que l’insolvabilité est une situation où l’actif du débiteur est inférieur à son
passif217. Beaucoup d’entreprises mises en faillite seraient donc simplement insolvables selon
un auteur, qui précise que « d’un point de vue de droit, les deux situations sont complètement
distinctes et aussi bien la solvabilité n’empêche pas la cessation des paiements que
l’insolvabilité n’entraîne pas nécessairement la cessation des paiements ».218 En d’autres
termes, l’insolvabilité se manifeste par un déséquilibre du patrimoine alors que la cessation des
paiements se manifeste par l’arrêt des paiements. Par plusieurs arrêts, la jurisprudence française
a tenu à préciser la différence qu’il y a lieu de faire, d’une part, entre la cessation des paiements
et le refus de payer 219 et, d’autre part, entre la cessation des paiements et la poursuite d’une
213
J. LARGUIER, note sous com. 5 déc. 1949 J.C.P. 1950 I. 5829 ; J. DELEAU, « La notion de cessation des
paiements en jurisprudence », Rev. trim. dr. com., n°3, 1949, p. 590.
214
Com. 27 févr. 2007, Bull. civ. IV, n°65.
215
Com. 17 oct. 2000, n°98-13.106, legavox, 19 juin 2014, comm. Y. DRAY.
216
N. LUKOMBE, Droit commercial congolais, faillite, concordat et banqueroutes, éd., imprimerie saint Paul, 2001,
p. 95.
217
A. M. N’GAGI, Droit commercial, notes de cours, Université de Kigali, faculté de droit, 2002.
218
J. Dray, « Les conditions juridiques de l’ouverture de la liquidation judiciaire », legavox, 19 déc. 2012, article
consulté le 27 janv. 2016.
219
Com. 27 avr. 1993, n°91-16.470, Bull. civ. IV, 1993, n°154, p. 107.
43
exploitation déficitaire220. Si pour le législateur français il fallait réformer le régime de la
cessation des paiements, pour son homologue OHADA il n’a pas été jugé avantageux de
l’assouplir.
220
Com.17 oct. 2000, n°98-13.106 NP ; Com. 19 mars. 2002, n°99-15.912. NP.
221
P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 470 :
cet auteur y voit un motif qui encouragerait le chef d’entreprise à ne pas anticiper la demande d’ouverture de la
sauvegarde.
222
F. TEFFO, « Assouplissement du régime du report de la date de cessation des paiements », note sous com. 28
janv. 2014, n°13-11.509, petites affiches, n°77, p. 13.
223
Depuis la loi n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises
en difficulté, JORF du 26 janv. 1985, p. 1097 ; v. O. TIQUANT, La contractualisation des procédures collectives,
thèse de doctorat, Université de Paris 1, 1999.
224
Par l’adoption d’un nouvel Acte uniforme des procédures collectives : 10 sept. 2015.
225
L. n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
226
Réforme de l’Acte uniforme des procédures collectes, 10 sept. 2015 à Grand-Bassam (Côte d’Ivoire).
227
Premier Acte uniforme des procédures collectives adopté le 10 avr. 1998 à Libreville (Gabon).
44
I. Les conséquences en droit français
76. Le caractère immédiat de l’effet juridique de la cessation des paiements ne s’adaptait plus à
l’ambition du droit français des entreprises en difficulté. Tournée vers le redressement de
l’entreprise, une telle ambition ne pouvait qu’être antinomique à toute déclaration mécanique
de cette dernière en faillite. L’assouplissement du régime de la cessation des paiements aura
contribué non seulement à renforcer le dispositif préventif (A), mais aussi à déjudiciariser le
dispositif collectif de traitement des difficultés des entreprises (B).
78. La faillite dans sa forme primitive tout comme dans celle moderne est une mesure grave. Elle
entraîne le chômage avec l’arrêt des activités. Elle ne doit intervenir que lorsque la situation
globale du débiteur ne présente aucune issue. C’est-à-dire une situation désespérée pour
reprendre les termes de la définition jurisprudentielle de la cessation des paiements dans
l’ancien droit de la faillite 232. Les procédures judiciaires sont longues et coûteuses. La vente
aux enchères des biens du débiteur, s’il y a lieu, se fait souvent dans des mauvaises conditions
surtout en périodes de crise, toute chose qui dégrade le prix. Ce qui peut présenter deux
inconvénients. En premier lieu, il n’arrange pas les créanciers qui ne touchent qu’un très faible
dividende, alors que si ces derniers avaient patienté et fait confiance à leur débiteur, celui-ci
228
V. supra, n°59 et s., n°90.
229
L. n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
230
Anc. art. 35, loi n°84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des
entreprises, Revue Jorf lois & décret, p. 751, réf. 97259.
231
Art. L.611-4, c. com.
232
V. supra, n°67 et s.
45
aurait peut-être réussi à surmonter une difficulté passagère, et régler leurs dettes intégralement
par une voie négociée à l’appoint des aides financières ou par suite d’un renversement de la
tendance sur le marché. En second lieu, la perte est double pour le chef d’entreprise : sur le plan
moral avec le sentiment profond de déception de perdre un patrimoine et sur le plan économique
avec le coût plus moins élevé des frais de procédures, sans compter un possible endettement
post-procédure.
79. L’assouplissement du régime de la cessation des paiements aura permis d’accorder un répit au
chef d’entreprise, qui a l’occasion de tout mettre en œuvre afin de rattraper le retard accusé soit
dans l’enclenchement des mesures préventives, soit dans la demande de la protection judicaire.
Ce répit est d’autant plus important qu’il génère un ascendant psychologique pour le débiteur.
En plus de tous les outils préventifs existants, et avec l’aide du conciliateur, le législateur donne
par-là une chance de restructuration aux entreprises dont l’existence économique n’est pas
sérieusement menacée. Certes la sauvegarde ordinaire est une procédure qui vise le maintien
de l’activité en priorité ; mais de cette sauvegarde au redressement judiciaire, le pas est souvent
vite franchi, et nonobstant son rôle préventif, elle demeure une procédure collective lourde qui
nuit au crédit de l’entreprise. Il en est de même pour le redressement judiciaire, d’où l’intérêt
pour un débiteur d’accéder à une procédure de conciliation ou de sauvegarde accélérée en
présence d’un état de cessation des paiements ne peut être contesté.
233
Définition en ligne : dejudiciarisation.free.fr.
46
aussi bien pour le débiteur - la lourdeur, les frais élevés, l’extériorisation des difficultés - que
pour les créanciers - la soumission à une discipline collective -.
82. Dans le système économique libéral, comme en France, l’économie nationale repose, en grande
partie, sur la production du secteur privé, lequel comporte, par ailleurs, une part importante des
emplois 234. A ce titre, le secteur privé est un domaine stratégique, raison pour laquelle tout est
fait par les pouvoirs politiques pour le maintenir le plus stable et productif possible face à
l’imprévisibilité de certaines crises. La crise financière des subprime de 2008235, qui avait
subitement fragilisé le secteur privé et provoqué plusieurs défaillances au sein des
entreprises 236, est un exemple des conséquences qu’une crise imprévue est capable de produire.
Or, la multiplication des défaillances désole le commerce et impacte le crédit public, et, les
intérêts commerciaux étant liés, la faillite d’une entreprise provoque logiquement celle d’autres
entreprises. Il s’est avéré nécessaire de prendre des mesures de manière à protéger les sociétés
par la prévention de leurs difficultés.
83. Dans cette entreprise, la réforme du régime de la cessation des paiements effectuée en 2005 237
permet l’accès aux procédures de déjudiciarisation, à savoir la sauvegarde financière accélérée
et la sauvegarde accélérée, adoptées respectivement en 2010 238 et en 2014239. Ces sauvegardes
accélérées - qui sont judiciaires certes - sont venues démystifier les autres procédures
collectives que sont la sauvegarde, les redressement et liquidation judiciaires, puisqu’elles
permettent, contrairement à ces dernières, d’écourter considérablement la période
d’observation par la négociation préalable du plan de restructuration en phase amiable. Grâce
à ce nouveau mode de traitement des difficultés des entreprises, auquel il faut ajouter les
procédures de mandat ad hoc et de conciliation, la négociation amiable occupe de plus en plus
une place importante dans le droit français des entreprises en difficulté. En droit OHADA,
l’approche législative précédemment décrite n’est pas la même. Les conséquences du maintien
234
En 2018, le secteur privé français compterait plus 16, 7 millions d’emplois selon les chiffres de l’INSEE publiés
pour le dernier trimestre de 2017 : v. Y. L’HORTY et M. RUIMY, « Et la France retrouva en 2018 son niveau
d’emploi de 2008 : mais les emplois d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes que ceux d’hier et voilà ce qui a
changé », Atlantico, 14 mars 2018, p. 2 (version pdf), article consulté le 30 juin. 2018.
235
Crise financière dite des subprime qui a débuté en 2007 aux États-Unis d’Amérique
236
27% dans le commerce de détail, 35 % dans les transports, 43 % dans l’industrie, 46% dans la construction :
D. FOUGERE et Alii, « Quel a été l’impact de la crise de 2008 sur la défaillance des entreprises ? », in Économie et
statistiques, éd., Insee, 2013, n°462-463, p.69-97, sp. 69.
237
V. supra, n°16.
238
V. supra, n°17.
239
V. supra, n°18.
47
de la rigidité du régime de la cessation des paiements lors de la dernière réforme de l’Acte
uniforme des procédures collectives sont tout autres.
240
V. C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ,
2018.
241
Il a été créé par le traité du 17 oct. 1993 à Port-Louis (Île Maurice) ; révisé le 17 oct. 2008 à Québec (Canada).
242
V. F. O. ETOUNDI, « Les expériences d’harmonisation des lois en Afrique », Rev. Ersuma, juin 2012, n°1.
243
« Dans la volonté de promouvoir le droit OHADA, il semble que la solution la plus pertinente consiste à
s’inspirer de la Loi type relative à l’insolvabilité transfrontalière de la CNUDCI {…} un texte connu des milieux
internationaux participe d’une plus grande sécurité juridique et, donc, d’une plus grande attractivité {…} ce texte
a été adapté aux réalités de l’espace OHADA aux fins de son incorporation au projet de réforme de l’AUPC »,
commentaires des rédacteurs du projet d’amendement de 2015 de l’Acte uniforme des procédures collectives.
244
AUPC 2015, titre VII : « Les procédures collectives internationales » : art. 247 à 256-31 ; v. pour plus de
commentaires sur les réformes opérées dans ce sens : L.-C. HENRY et J.-L. VALLENS, « Le droit international privé
de l’acte uniforme OHADA », Dr. et patr. 2015, n°253, p. 49 et s.
48
internationale du droit de l’insolvabilité s’oriente vers la négociation entre le chef d’entreprise
et ses créanciers en amont de la cessation des paiements. Naguère empreint d’ordre public, ce
droit de l’insolvabilité laisse progressivement la place aux voix réhabilitées des créanciers. La
question se pose dès lors de savoir si le législateur OHADA ne devrait pas privilégier davantage
l’implication des créanciers dans le redressement des entreprises ? Les créanciers peuvent jouer
un rôle important au sein et en dehors de la masse 245.
86. Il est maintenant question de prévention mais non de traitement, ce qui est une vision
pragmatique246. La négociation peut intervenir aussi bien en phase amiable qu’en phase
judiciaire, ou encore dans un cadre mixte 247. Dans ce contexte, le judiciaire peut être mis au
service de l’amiable - l’accord négocié peut être adopté judiciairement -, tout comme l’amiable
peut être mis au service du judiciaire - l’accès à une procédure judiciaire peut être conditionné
par le passage par une procédure amiable 248-. Dans une telle interdépendance, la flexibilité est
importante, et c’est en ce sens que l’assouplissement du régime de la cessation des paiements
pourrait jouer un rôle en droit OHADA. En son état actuel, la prévention ainsi que le traitement
curatif des difficultés des entreprises en droit OHADA sont entourés de beaucoup de règles
d’ordre public, tels l’unanimité de l’accord de conciliation, l’effet couperet de la cessation des
paiements.
87. Partant de cette rigueur en droit OHADA, il serait peu dire que la prévention n’a de sens que
lorsque l’entreprise est in bonis, dans la mesure où l’apparition de tout état de cessation des
paiements ferme automatiquement les portes de la conciliation et du règlement préventif, donc
de la négociation amiable. Or, une entreprise peut être victime d’une difficulté passagère, d’un
évènement malheureux, d’une conjoncture momentanément difficile, ou même d’une
maladresse de gestion, ce qui ne signifie pas qu’elle ne peut plus se relever. Placer cette
entreprise en traitement judiciaire peut, certes être bénéfique à certains égards, mais prévenir
ne vaudrait-il pas mieux que réparer ? L’absence de passerelle entre le traitement amiable et le
245
Ils peuvent accorder des remises de dettes, des délais de paiement, de nouveaux concours ou services. Pour en
savoir davantage, v. R. DAMMAN et G. PODEUR, « L’ingénierie financière et les plans : état des lieux et
perspectives », Dr. et patr. 2013, n°223.
246
S. GORRIAS, in « La contractualisation du droit des difficultés des entreprises en difficulté », Rev. proc. coll.-
Rev. bismestriellle lexiNexis jurisclasseur, table ronde, mai-juin 2015, p. 99.
247
M. MENJUCQ, in « La contractualisation du droit des difficultés des entreprises en difficulté », Rev. proc. coll.-
bismestriellle lexiNexis jurisclasseur, table ronde, mai-juin 2015, p.99.
248
Comme c’est le cas dans les procédures de sauvegarde accélérée adoptées en droit française : art. L.628-1, c.
com.
49
traitement judiciaire, l’unanimité qui doit caractériser l’accord de conciliation, ainsi que la
rigidité du régime de la cessation des paiements ne paraissent pas forcément être une meilleure
politique de sauvegarde des entreprises. En tout état de cause, la rigidité du régime de la
cessation des paiements ne semble pas compatible avec le contexte africain.
89. Ces opinons doctrinales pourraient être attribuées au législateur OHADA, dont on pourrait
comprendre la fermeté sur la question intéressant la cessation des paiements, en ce sens que,
l’OHADA étant relativement récente, il faudrait habituer les justiciables aux bons réflexes.
Cependant, une autre lecture pourrait démontrer qu’en pareille situation, la flexibilité semble
mieux indiquée, surtout dans un contexte africain où une grande partie de la population active
n’a pas fréquenté l’école. Or, les entrepreneurs sont une partie intégrante de cette population
active. Pour comprendre cela, sortons un instant de notre cadre d’étude, et faisons le parallèle
avec un exemple de la vie courante : dans l’éducation d’un enfant, il y a des parents qui optent
pour une rigueur totale tellement ils veulent que leur enfant réussisse, ce qui peut être
incompatible avec l’âge de l’enfant, tandis que d’autres lui laissent trop de liberté soit par peur
qu’il ne se rebelle, soit par pur amour au point de favoriser tout risque dévoiement. Dans les
deux hypothèses, l’éducation de l’enfant peut être difficile à espérer. Enfin, rajoutons une
dernière catégorie de parents qui alternent l’éducation de leur enfant entre douceur et rigueur,
ce qui a l’avantage de tenir compte non seulement de l’âge de l’enfant, mais aussi de la nécessité
de lui inculquer les bonnes manières.
90. La question relative au régime de la cessation des paiements en droit OHADA pourrait être
comparée à ces hypothèses précédemment décrites. En effet, il existe un tort de considérer
virtuellement que les chefs d’entreprise sont familiarisés avec les règles auxquelles ils sont
249
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ,
2018, p. 82 et 85.
250
B. SAPIN, « Conciliation et cessation des paiements » in Collectif, Entreprise en difficulté : nouvel essai. Moins
de liquidations par plus de prévention. Mythe ou réalité ? 29ème Colloque de Deauville, 3 et 4 avr. 2004, Rev. juris.
com. 2004, p. 60.
50
assujettis, alors qu’il n’en est rien en réalité. Nombreux sont les chefs d’entreprise, évoluant
dans les TPE et PME251, à ne pas être initiés en droit, à ne pas disposer d’un service juridique,
mais qui, pourtant, pourvoient le plus grand nombre d’emplois selon une étude réalisée en
2013252. Adopter une si telle rigueur contribue plus à encourager des déclarations mécaniques
de faillites qu’elle ne favorise l’évitement de la cessation des paiements. Des mesures peuvent
être prises afin de réduire les dépôts de bilans. La présente étude en propose quelques unes 253.
91. C’est pourquoi, l’approche médiane peut être soutenue, c’est-à-dire que la cessation des
paiements occasionne la mise en faillite - pour sécuriser la relation commerciale -, mais que
cela ne soit pas automatique - c’est-à-dire qu’une seconde chance soit donnée au débiteur -.
Cette seconde chance peut se traduire par la tolérance de l’état de cessation des paiements
pendant un mois à compter de la déclaration du chef d’entreprise. Toutefois, si le juge découvre
que la cessation des paiements perdure depuis longtemps, et que la situation économique et
financière du débiteur est fortement atteinte, le bénéfice de la tolérance peut être refusé.
L’assouplissement du régime de la cessation des paiements est d’autant nécessaire dans les
droits français et OHADA que l’accord de conciliation doit être unanime.
251
Très pétites entreprises ; petites et moyennes entreprises, v., F. ROUBAUD, et Alii, Les marchés urbains du
travail en Afrique subsaharienne, éd., IRD, 2013, p. 53-96.
252
V. pour plus de données statistiques, F. ROUBAUD, et Alii, Les marchés urbains du travail en Afrique
subsaharienne, éd., IRD, 2013, p. 53-96.
253
V. infra, n°610 et s.
254
la-définition.fr, éd., 2011
255
Art. 1102 c. civ. : « chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de
déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi ».
256
J. P. MANTELET, « Droit et pratique de la copropriété des immeubles », en ligne www.jpm-copro.com., p. 1.
51
finalité recherchée dans la procédure de conciliation est la conclusion d’un accord destiné à
mettre fin aux difficultés du débiteur 257. C’est pourquoi l’opportunité d’une telle règle dans la
procédure de conciliation peut se poser (Paragraphe I). D’autant que les législateurs français et
OHADA auraient pu recourir à d’autres alternatives (Paragraphe II).
94. En tout état de cause, l’égalité des créanciers n’est pas ce qui nous intéresse ici. Ce qui l’est
porte sur le droit de veto dont dispose chaque créancier dans la procédure de conciliation. C’est
dans ce sens que l’opportunité de la règle de l’unanimité dans cette procédure se pose. Pour
mieux aborder cette problématique, il conviendrait d’évoquer d’abord les fondements
257
Art. L.611-4, c. com. ; Art. 5-1, al. 2, AUPC.
258
id.
259
Art. 5-1, al. 1, AUPC. ; Art. L.611-4, c. com.
260
Art. 611-4, c. com.
261
L. n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
262
Adopté le 10 sept. 2015 à Grand-Bassam (Côte d’Ivoire).
263
Art. 2285, c. civ., français.
52
juridiques qui sous-tendent la règle de l’unanimité (I) avant d’analyser ses avantages et
inconvénients (II).
264
M. POUMAREDE, Droit des obligations, 3e éd., LGDJ, 2014, p. 1.
265
B. BEIGNIER et C. BLERY, Cours d’introduction au droit, 3e éd., Montchrestien, 2011, n°222.
266
Droit français : art. L.611-8, I et II., droit OHADA : art. 5-10, al. 1, 1° et 2°, AUPC.
267
L. n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises,
JORF du 2 mars 1984, p. 751.
268
Décret n°85-295 du 1er mars 1985 pris pour l’application de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la
prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises, JORF du 2 mars 1984, p. 751.
269
Par l’ancien art. 35 devenu art. L.611-3 du code de commerce.
270
L. n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
271
Anc. Art. L.36, al. 3, c. com.
53
96. En droit français, la suppression du règlement amiable, suivie de l’adoption de la conciliation,
s’est opérée avec l’abandon de la règle de la majorité au profit de celle de l’unanimité dans la
procédure de conciliation. En droit OHADA, l’unanimité est la règle d’adoption de l’accord
dans la nouvelle procédure de conciliation adoptée en 2015. Il en découle que, dans la
conciliation prévue par les deux législations, l’accord doit respecter les principes fondamentaux
du droit commun des contrats, c’est-à-dire qu’aucun créancier ne doit être obligé à y prendre
part contre sa volonté (A), dans le respect de la liberté contractuelle (B).
A. L’autonomie de la volonté
97. Issue de la philosophie individualiste et du libéralisme économique à la fin du XVIIIe,
l’autonomie de la volonté conditionne le régime juridique du contrat. La philosophie des
lumières a soutenu la liberté de l’homme 272. Personne ne doit être soumis à une autre personne.
S’il faut suivre ce principe de liberté, comment faut-il expliquer alors, par exemple, qu’il y ait
un créancier et un débiteur ? La réponde réside sans doute dans l’expression autonome de la
volonté : « poser que l’homme est obligé uniquement parce qu’il l’a voulu, c’est encore
respecter sa liberté ».273 Il faudrait admettre que personne ne doit être assujetti à des obligations
contre sa volonté274 ; que toute personne doit respecter les obligations auxquelles elle a
volontairement consenti275. La volonté se donne à elle-même sa loi. L’accord de conciliation
pourrait être rattaché à cette philosophie individualiste issue de la philosophie des lumières,
notamment à l’assertion selon laquelle « la convention est la base de toute autorité »276, « le
libre jeu des volontés ne peut que respecter la justice ».277 Si l’on raisonne dans le sens que
l’autonomie de la volonté est, a priori, guidée par une raison infaillible, parce que, la raison
prenant source dans la volonté, elle est créatrice de droit 278, chaque personne qui contracte est
supposée être le meilleur protecteur de ses intérêts.
272
J.-J. ROUSSEAU s’est élevé contre les inégalités sociales et a proposé un Contrat social en 1762 pour une société
démocratique ; VOLTAIRE a dénoncé les abus du pouvoir de la monarchie pour le respect de la liberté individuelle
à la faveur de l’affaire dite Calas, procès cassé en 1765 ; Ch. DE SECONDAT MONTESQUIEU a critiqué la monarchie
absolue et proposé la séparation des pouvoirs dans son œuvre L’esprit des lois en 1748.
273
F. TERRE et Alii, Droit civil. Les obligations, 11e éd., Dalloz, 2013, p. 32.
274
E. GOUNOT, Le principe d’autonomie de la volonté en droit privé. Contribution à l’étude critique de
l’individualisme juridique, éd., Arthur Rousseau, 1992, p. 61.
275
Art. 1103, c. civ.
276
J.-J. ROUSSEAU, Du contrat social, IV, l’esclavage, 1762.
277
F. TERRE et Alii, Droit civil, Les obligations, 11e éd., Dalloz, 2013, p. 33.
278
D. TERRE-FORNACCIARI « L’autonomie de la volonté », Rev. sc. Morales et politiques, 1995, p. 264.
54
98. L’autonomie de la volonté est sans doute un moyen de maintenir l’équilibre socio-économique
et de favoriser la prospérité sociale car la recherche d’intérêt privé par chacun aboutit à la
satisfaction de l’intérêt général qu’on peut considérer comme la somme des intérêts privés.
99. La théorie de l’autonomie de la volonté laisserait croire que le contrat se suffit à lui-seul, c’est-
à-dire qu’il n’aurait besoin d’aucune norme pour s’appliquer aux parties. Si une partie est tenue,
c’est parce qu’elle l’a voulu ; mais alors, s’interroge un auteur, « comment expliquer qu’elle
continue à être liée si sa volonté change »279 ? : « la volonté actuelle, vivante {l’emporte sur}la
volonté passée, morte ».280 C’est dire que cette théorie de l’autonomie de la volonté est à
relativiser. D’autant que le contrat est « est un instrument forgé par le droit ».281
100. Lorsque l’autonomie de la volonté s’applique au droit positif des contrats, trois principes
émergent282 : les parties sont libres de contracter ou de ne pas contracter, ce qui traduit la liberté
contractuelle ; si les parties se lient, elles doivent respecter les engagements, ce qui traduit la
force obligatoire des contrats ; et enfin seules les personnes qui se sont obligées sont tenues par
le contrat, c’est l’effet relatif des contrats. Nous ne nous intéresserons qu’à la liberté
contractuelle qui sous-tend la règle de l’unanimité dans la procédure de conciliation.
B. La liberté contractuelle
101. La liberté contractuelle est la première manifestation de l’autonomie de la volonté 283. Elle serait
une valeur constitutionnelle qui découlerait de l’article 4 de la Déclaration de 1789, quoique la
jurisprudence du Conseil constitutionnel français 284 soit difficile à interpréter. Pour faire
respecter cette liberté, le Conseil constitutionnel a invalidé certaines dispositions de la loi du
279
F. TERRE et Alii, Droit civil, Les obligations, 11e éd., Dalloz, 2013, p. 35.
280
G. ROUHETTE, Contribution à l’étude critique de la notion de contrat, thèse de doctorat, Paris, 1965, p. 407 ;
V. HEUZE, La réglementation française des contrats internationaux, thèse de doctorat, Paris I, 1990, p. 71.
281
B. ANCEL et Y. LEQUETTE, Grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 5e éd.,
Dalloz, 2006, p. 197.
282
V. G. CHANTEPIE et M. LATINA, La réforme du droit des obligations, éd., Dalloz, 2016, n° 75, 85 et s.
283
B. OPPETIT, « La liberté contractuelle à l’épreuve du droit de la concurrence », Rev. sc. Morales et
politiques,1995, p. 242.
284
Cons. const., 19 déc. 2000, n°2000-437 DC ; D. 2001, 1766, obs. RIBES ; RTD civ. 2001, 229, obs. N.
MOLESSIS ; v. également, P.-Y. GHADOUN, La liberté contractuelle dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel, éd., Dalloz, 2008 ; A. DUFFY, « La constitutionnalisation de la liberté contractuelle », RD pub.
2006, 1569. : « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par
un intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen ».
55
14 juin 2013285 qui entendaient imposer à une partie non seulement le contenu du contrat, mais
aussi la personne de son cocontractant, sans aucune possibilité de négociation 286. La liberté
contractuelle comporte trois principes fondamentaux à savoir la liberté de contracter ou de ne
pas contracter, la liberté de choisir son contrat, et la liberté de déterminer le contenu et la
forme287 de son contrat.
102. Dans la procédure de conciliation, la liberté contractuelle expose le chef d’entreprise à deux
situations difficiles : il doit approcher tous les principaux créanciers dans l’espoir de parvenir à
un accord de règlement des dettes, mais aucun créancier n’est obligé d’accepter ses
propositions. Si un créancier n’est pas appelé à prendre part aux négociations, ce dernier peut
user de son droit civil pour le poursuivre. En fin de compte, le respect de l’autonomie de la
volonté, dont la liberté contractuelle est une manifestation, ne privilégierait pas l’intérêt général
incarné par l’entreprise.
A. Les avantages
104. En représentant une convergence d’opinions au sein d’un groupe de personnes sur un sujet
donné, la règle de l’unanimité se présente comme la solution la plus souhaitable dans les
situations où des personnes doivent choisir. De ce point de vue, « l’unanimité honore
285
L. n°2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi, JORF n°138 du 16 juin 2013, p. 9958,
texte n°1.
286
Cons. const. 13 juin 2013, déc. n°2013-672 DC ; Constitutions 2013, 400, chron. A.-L. C ASSARD-VAEMBOIS,
JCP 2013, 929, note J. GHESTIN.
287
A. SERIAUX, Droit des obligations, 2e éd., PUF, 1998, n°38.
288
C. GIRARD, « La règle de la majorité en démocratie : vérité ou équité », raison politique, 2014/1, n°53, p. 107.
56
véritablement les principes de raison, d’autonomie et d’unité {…} ».289 Contrairement à la
règle de la majorité, la règle de l’unanimité est exempte de toute contradiction et de toute
contestation, et confère, de ce fait, une force et une légitimité certaines à la décision prise : « là
où la règle d’unanimité concilie le principe du consentement et le principe de l’égalité, en
exigeant l’accord de toutes les volontés, la règle majoritaire, à l’inverse, satisfait la volonté
des uns en frustrant celle des autres - et le fait que les premiers soient plus nombreux que les
seconds n’abolit pas cette asymétrie ». 290
B. Les inconvénients
106. La règle de l’unanimité, comme cela a déjà été dit, ne présente de mérite et d’intérêt
incontestables qu’en en droit de l’indivision où « la sauvegarde des droits primordiaux des
copropriétaires »291 peut la justifier.
107. Dans la procédure de conciliation, elle présente plus d’inconvénients que d’avantages. Une
entreprise engagée dans une telle procédure est une entreprise viable qui cherche à surmonter
ses difficultés passagères inhérentes à toute activité économique. En sauvant cette entreprise,
ce sont des emplois et des sources de revenu qui sont sauvegardés. Or, dans cette procédure,
l’autonomie de la volonté aidant, certains créanciers refusent de participer à l’effort collectif,
remettant ainsi en cause la volonté majoritaire, d’où l’intérêt de savoir s’il faut s’enfermer dans
289
D. MINEUR, « Les justifications de la règle de la majorité en démocratie moderne », raisons politiques, n°39,
mars 2010, p. 127-149.
290
C. GIRARD, « La règle de la majorité en démocratie : vérité ou équité », raison politique, 2014/1, n°53, p. 107.
291
J. P. MANTELET, « Droit et pratique de la copropriété des immeubles », en ligne www.jpm-copro.com., p. 1.
(En format pdf)
57
un respect absolu de la liberté contractuelle, ou s’il faut la relativiser afin de privilégier l’intérêt
général ?
108. La règle de l’unanimité et celle de la majorité sont ce que sont la démocratie populaire et la
démocratie représentative en droit constitutionnel. La démocratie populaire sous-tendant la
participation effective et complète des populations à toute prise de décision, est celle qu’on
souhaiterait : « la démocratie directe et son accompagnement concret, le referendum
d’initiative populaire, sont de nature à rendre la nature au peuple et à briser les chaînes dans
lesquelles la société politique a tenu la société civile depuis plusieurs siècles ».292 Cependant,
certaines situations particulières d’intérêt commun commandent que des représentants avertis
en la matière décident au nom de tous, en vue de mieux sauvegarder cet intérêt commun. Telle
est l’idée de la démocratie représentative. Il en ressort que l’application de la règle de la majorité
apparaît moins difficile comme l’affirme un auteur : « on adoptera la règle de la majorité, non
pas parce qu’elle a plus de chance d’être conforme à la vérité, mais parce que son adoption
permet au plus grand nombre d’individus d’être libres ».293 La règle de l’unanimité serait
synonyme de despotisme : « dans tout pays où vous verrez une assemblée d’hommes
constamment d’accord, soyez sûr qu’il y a despotisme, ou que le despotisme sera le résultat de
l’unanimité, s’il n’en est pas la cause ».294
109. Certes, dans le cas de figure de la procédure de conciliation, l’intérêt commun des créanciers,
celui du chef d’entreprise et celui du pouvoir public sont divergents ; pour autant faudrait-il
permettre l’application d’une règle à intérêt minoritaire ? Les entreprises, représentant un
maillon important dans tout système socio-économique auquel plusieurs autres intérêts sont
attachés, leur sauvegarde ne devrait être contrariée par aucun intérêt particulier fût-ce celui d’un
créancier sourd à toute forme de négociation. C’est pourquoi la majorité se substituerait, avec
raison, aux droits de l’unanimité 295.
110. De ce qui précède, il apparaît souhaitable, comme ce fut le cas dans l’ancienne procédure de
règlement amiable français, que des créanciers minoritaires n’anéantissent pas les efforts des
292
J. GARELLO, « Les bienfaits de la démocratie directe », contrepoints, 27 nov. 2013, article consulté le 17 nov.
2017.
293
R. PELLOUX, « Les partis politiques dans les constitutions d’après-guerre », revue dr. public, 2e trim., 1934, p.
243.
294
G. STAËL, Considération sur la révolution française, éd., Treuttelle & würtz, t. II, 1817, p. 332.
295
E. J. SYEYES, Préliminaire de la constitution française, éd., imprimeur de l’Assemblée nationale, Paris, 1789,
p. 38.
58
majoritaires, ce pour éviter l’enlisement de la situation d’une entreprise viable. Des alternatives
adaptées étaient (le sont encore) exploitables par les législateurs.
A. Le mérite de la mesure
113. La règle de la majorité dans la procédure de conciliation est un sujet rarement débattu au sein
de la doctrine296. Pourtant, sous l’empire de la loi du 1er mars 1984297 ayant institué le règlement
amiable en droit français, cette règle s’appliquait. Elle se traduisait par l’intervention du tribunal
dans la procédure. Cette mesure visait à faciliter (par un brin de contrainte) la conclusion de
l’accord en vertu des dispositions de l’ancien article L.611-4, III et IV du code de commerce.
Lorsqu’une majorité se dégageait au sein des principaux créanciers, le tribunal obligeait les
minoritaires à adhérer au projet d’accord proposé par le chef d’entreprise, en neutralisant
296
Ce qui peut se comprendre dans la mesure où qui dit contrat dit consensualisme, de sorte que la question de la
règle de la majorité dans la procédure de conciliation vient en contresens de toute logique juridique. Cela peut
également se comprendre dans le sens que la majorité des auteurs apprécie la législation en la matière.
297
V. supra, n°10 et s.
59
notamment les démarches individualistes de ces derniers. En ce sens, le III du texte précité
disposait que « s’il estime qu’une suspension provisoire des poursuites serait de nature à
faciliter la conclusion de l’accord, le conciliateur peut saisir le tribunal. Après avoir recueilli
l’avis des principaux créanciers, ce dernier peut rendre une ordonnance la prononçant pour
une durée n’excédant pas le terme de la mission du conciliateur », et selon le IV du même
texte : « cette ordonnance suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les
créanciers dont la créance a son origine antérieure à ladite décision et tendant : 1° à la
condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ; 2° à la résolution d’un contrat
pour défaut de paiement d’une somme d’argent ».
114. La différence entre l’ancien règlement amiable du droit français et la conciliation en droit
OHADA et en droit français aujourd’hui réside dans le rôle autrefois dirigiste du juge, qui,
aujourd’hui, n’intervient que pour valider l’accord librement intervenu entre les parties. Sauf
qu’un tel accord s’obtient difficilement, d’où l’importance de la règle de la majorité dont
l’adoption dans la conciliation n’est pas un acte inconstitutionnel.
B. La constitutionnalité de la mesure
115. L’adoption de la règle de la majorité dans le but de faciliter la conclusion d’un accord de
conciliation n’encourt aucun risque d’incompatibilité constitutionnelle. Les législateurs
français et OHADA auraient pu en effet prévoir une règle spéciale en la matière - instaurer la
règle de la majorité en l’occurrence - qui aurait dérogé à la règle générale du droit commun des
contrats - à savoir le consensualisme -, à l’appoint de la protection de l’intérêt général. La
primauté du droit spécial sur le droit général ainsi que la protection de l’intérêt général sont
autant d’arguments juridiques qui peuvent attester de la constitutionnalité de la règle de la
majorité dans la procédure de conciliation.
116. Il est vrai que l’adage selon lequel speciala generalibus derogant (ce qui est spécial déroge à
ce qui est général) - et qui semble assoir un principe de primauté du droit spécial sur le droit
commun -, n’est pas du droit positif. Cependant cet adage est exploité par les tribunaux dans
certains contentieux. L’ancien article 1107 du code civil français, qui était inchangé depuis
1804, prévoyait la cohabitation entre le droit spécial et le droit général sans pour autant
déterminer celui qui prime : « les contrats, soit qu’ils aient une dénomination propre, soit qu’ils
n’en aient pas, sont soumis à des règles générales qui sont l’objet du présent titre. Les règles
particulières à certains contrats sont établies sous les titres relatifs à chacun d’eux ; et les
60
règles particulières aux transactions commerciales sont établies par les lois relatives au
commerce ». Ce manque de précision a inquiété plusieurs auteurs 298 et praticiens.
117. La réforme du droit des contrats, opérée par l’ordonnance du 10 février 2016 299, a apporté une
précision importante sur la question de la primauté entre le droit spécial et le droit général.
L’ancien article 1107, devenu 1105, dispose désormais que « les contrats, qu’ils aient ou non
une dénomination propre, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent sous-
titre. Les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à
chacun d’eux. Les règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières. ». En
d’autres termes, en présence d’un droit spécial, le droit général ou commun n’a pas vocation à
s’appliquer. Le même principe sera-t-il consacré par l’Acte uniforme des contrats en projet en
droit OHADA ? L’avant-projet ne permet pas d’apporter une réponse précise ; il faudrait
attendre la rédaction finale.
118. Au plus, les législateurs français et OHADA auraient pu s’appuyer sur l’argument de la
protection de l’intérêt général. En droit français particulièrement, cela peut être fondé sur une
décision du Conseil constitutionnel du 19 décembre 2000300. Dans cette décision, il a été
indiqué que le législateur pouvait porter atteinte à la liberté de contracter ou non, pour des
motifs tirés d’intérêt général, et à condition que cette atteinte à la liberté contractuelle soit
proportionnée au but poursuivi. Il semble ressortir de cette décision, par rapport au cas précis
qui nous intéresse ici, que l’intérêt général, qui tient au sauvetage d’une entreprise
économiquement stable, remplit cette condition. En tout état de cause, il ne semble ni équitable,
ni juste qu’une minorité des créanciers puisse empêcher l’aboutissement d’un accord dont la
finalité est de redresser le débiteur. Outre la solution de la règle de la majorité, les législateurs
avaient le choix de celle relative au prepackaged plan ou plan pré-négocié.
298
N. BALAT, « Réforme du droit des contrats : et les conflits entre droit commun et droit spécial ? » D. 2015,
chron., p. 699.
299
Ord. n°2016-131 du 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations, JORF n°0035 du 11 févr. 2016, texte n°26.
300
Cons. const., décision n°2000-437 DC du 19 déc. 2000, cah. cons. const. n°10.
61
pratique dans le cadre du chapitre 11 du code fédéral américain de la faillite301. La raison d’un
tel choix réside dans le vote (A). Ce choix aurait toutefois nécessité la création d’une procédure
collective supplémentaire (B).
A. Les raisons
120. Hormis son caractère contraignant - puisque le plan adopté sous l’égide du tribunal est
opposable à tous les créanciers y compris ceux qui ne l’ont pas voté - cette procédure judiciaire
à plan pré-négocié présente l’avantage d’être pilotée en amont par le débiteur lui-même en
complicité avec le conciliateur. En pratique, dans le cadre d’une telle procédure, le chef
d’entreprise présente le projet d’accord de conciliation, tenu en échec par les créanciers
minoritaires sur le terrain de la conciliation, comme projet de plan/concordat (de
sauvegarde/préventif) dans le cadre de la procédure judiciaire. Déjà soutenu par la majorité des
créanciers depuis la phase amiable, un tel plan sera judiciairement et facilement adopté au
moyen du vote, les créanciers majoritaires devant alors réitérer leur adhésion. En adoptant la
solution précédemment décrite, les législateurs auraient toutefois été obligés de prévoir une
procédure judiciaire de plus.
B. Les conséquences
121. La solution du prepackaged plan, pour contourner le blocus que forment les minoritaires lors
de la négociation d’un accord de conciliation, aurait logiquement requis la création d’une
nouvelle procédure judiciaire, qui serait alors expresse et au régime dérogatoire, puisqu’il aurait
fallu compresser les délais procéduraux ordinaires.
122. Il résulte des réformes intervenues dans les droit français et OHADA que les législateurs sont
restés sur la même longueur d’onde en ce qu’ils ont préféré tous les deux la règle de l’unanimité
à celle de la majorité dans la procédure de conciliation.
123. En droit OHADA plus particulièrement, cette décision législative peut se justifier par le fait que
la procédure conciliation n’existait pas avant la réforme de 2015 ; il est compréhensible que le
législateur ait voulu prendre le temps de la réflexion. Quoiqu’il en soit, le procédé de plan pré-
arrangé est une solution tacitement admise aussi bien dans ce droit que dans celui de la France
301
V. infra, n°145 et s.
62
bien avant sa reconnaissance législative. Ce qui signifie, qu’au besoin, les praticiens peuvent
légalement y recourir.
Conclusion du chapitre 1
124. Du chapitre qui précède, il peut être retenu que la prévention voire le traitement des difficultés
des entreprises en droit français antérieurs à la loi de sauvegarde de 2005, présentent les mêmes
caractéristiques que celles prévues par le droit positif OHADA en la matière, surtout en ce qui
concerne les faiblesses de la procédure de conciliation. Ces faiblesses tiennent à l’effet
immédiat de la cessation des paiements et à la rigidité de la règle de l’unanimité qui caractérise
l’accord de conciliation. Ces défauts de la conciliation, laquelle est la principale procédure
préventive dans les deux droits, ne sont pas de nature à favoriser le redressement du débiteur,
puisque chaque créancier dispose d’un droit véto qu’il peut opposer à la conclusion d’un accord.
63
Chapitre 2. Le procédé de passerelle : une solution admise juridiquement dans
les droits français et OHADA
125. Le procédé de prepack est une procédure intermédiaire permettant de basculer d’un traitement
amiable dans un traitement judiciaire. Face aux faiblesses de la procédure de conciliation302, il
a été déjà vu qu’il constitue une des solutions exploitables pour déjouer le blocage de la
conclusion d’un accord de conciliation303. Il est inspiré des prepackaged plans du chapitre 11
du code fédéral américain de la faillite.
126. Marqué par un effet cram-down ou écrasement des créanciers non diligents, le procédé de
prepack permet au chef d’entreprise de bénéficier de la liberté et de la confidentialité de
l’amiable pour négocier, avec ses créanciers, un projet de restructuration financière, et de
profiter du vote présent dans le judiciaire pour faire adopter son plan. Tel qu’il se présente, la
célérité des opérations ainsi que la négociation sont au cœur de ce procédé.
127. Les droits français et OHADA des entreprises en difficultés sont ouverts à la négociation ; des
cadres de discussions ont été créés pour ce faire dont, notamment, la procédure de conciliation.
Dans le cadre de ce chapitre, un bref rappel304 des principaux modes de restructuration des
entreprises prévus par le chapitre 11 du code fédéral américain de la faillite sera fait (Section
1), afin de mieux cerner la procédure de plan pré-arrangé dans son esprit. Ensuite, les
fondements juridiques qui l’admettent, en dehors de tout cadre législatif spécifique, dans les
droits français et OHADA seront examinés (Section 2).
302
V. supra, n°59 et s. ; n°108 et s.
303
V. supra, n°136.
304
Pour en savoir davantage v. S. STANKIEWICZ M URPHY, L’influence du droit américain de la faillite en droit
français des entreprises en difficulté, thèse de doctorat, Université de Strasbourg, 2011, p. 109 et s.
65
mécanismes de restructuration, combinant l’amiable et le judiciaire, ont fini par inspirer la
plupart des droits modernes.
129. Dans le droit américain, il existe deux types de faillites codifiés aux chapitre 7 et chapitre 11
du code fédéral de la faillite. Le chapitre 7 est relatif à la liquidation. Le débiteur qui demande
sa mise en liquidation a généralement cessé toute activité et se trouve alors placé sous le
contrôle d’un trustee-in-bankruptcy ou un syndic de faillite. Le rôle de ce dernier est de liquider
l’actif de l’entreprise et de partager le produit net entre ses créanciers. Ce serait l’équivalent des
procédures de liquidation judiciaire dans les droits français 305 et OHADA306. Le chapitre 11 est
celui qui propose une restructuration. Le débiteur qui invoque ce chapitre souhaite réorganiser
son entreprise en vue d’acquitter intégralement ou partiellement ses dettes et de redevenir
rentable. Ce débiteur va continuer à gérer son entreprise à la différence de celui qui invoque le
chapitre 7. Il est dit alors qu’il est un debitor in possession ou un débiteur en possession307 . Ce
statut lui permet de posséder et de gérer son actif, de même que le conseil d’administration et
les autres responsables continuent à exercer tous les pouvoirs nécessaires à la gestion normale
de l’entreprise. Toutefois, cette gestion reste sous la surveillance et non le contrôle du
tribunal308.
130. Son statut de debitor in possession lui permet également de bénéficier du sursis de plein droit 309
en ce qui concerne les poursuites. C’est un principe qui s’applique dès la demande de mise en
faillite au titre du chapitre 11. Toutes actions pouvant être engagées contre le débiteur, y
compris l’application des sûretés, des droits de rétention, des saisies des biens et des actions
judiciaires sont interdites. Un créancier titulaire d’une sûreté non opposable ne peut pas faire
opposition au sursis immédiat subséquent à une demande du chapitre 11 310. Certaines actions
ou procédures échappent toutefois à ce principe. Tel est le cas notamment pour les actions ou
les procédures entamées par un organisme gouvernemental exerçant son pouvoir
d’intervention, l’application d’un jugement autre que celui pécuniaire obtenu par un organisme
gouvernemental311 et les actions du bailleur à l’encontre du débiteur à l’appui d’un bail dont la
305
Art. L. 640-1, c. com.
306
Art. 25, AUPC.
307
Code de la faillite, § 1107.
308
Code de la faillite, § 1104 (a).
309
Code de la faillite § 362 (a).
310
Code de la faillite, 362 (a) (5).
311
Code de la faillite § 362 (b) (4).
66
durée a expiré avant la déclaration de faillite 312. Il importe de préciser que la violation du
principe de sursis de plein droit peut donner lieu à des sanctions par le tribunal de la faillite 313.
131. Nonobstant tous ces avantages, des aspects négatifs existent dans le recours au chapitre 11. Il
en est ainsi du coût et des nombreuses formalités caractérisant les procédures judiciaires, le
risque pour le débiteur de perdre le contrôle de la gestion de son entreprise, un trustee ou
administrateur pouvant être nommé. Pour ces raisons, les mécanismes de restructuration
financière de l’entreprise, préalablement à toute ouverture du chapitre 11 et en dehors de toute
intervention judiciaire, sont devenus prisés. Il s’agit de négociations antérieures à une procédure
judiciaire314 qui aboutissent à des exchange offers ou échanges d’offres, ou à un accord de
prepackaged plan ou plan pré-arrangé. Cette dernière solution intéresse notre étude, car c’est
elle qui définit les modalités du futur plan de réorganisation.
132. La solution de prepackaged plan n’est pas nouvelle en droit américain de la faillite. Elle était
permise au débiteur sous le régime du bankruptcy act de 1898315. En 1935, le législateur est
allé plus loin en acceptant les plans votés dans le cadre de simples discussions privées entre le
débiteur et ses créanciers 316. La même possibilité avait été introduite dans le code de 1978 bien
qu’elle ne fut pas beaucoup utilisée. Ce n’est qu’en 1990 qu’elle suscita un réel intérêt auprès
des débiteurs par suite de l’augmentation de la dette publique des sociétés par action. Au début,
seules les entreprises de grande taille s’en servaient pour faire face à leur surendettement sans
pour autant que cela n’influe sur le cours normal de leurs affaires et les relations avec les
créanciers importants. De nos jours, beaucoup d’entreprises recourent à ces procédures à cause
de trois grands avantages : la suspension des poursuites individuelles, une restructuration
opérationnelle et une restructuration financière 317. La doctrine française, ainsi que les praticiens
français furent les artisans de la promotion du procédé de plan pré-arrangé en droit français.
Seront particulièrement vus dans le cadre de cette section, les plans pré-arrangés en droit
312
Code de la faillite § 362 (b) (10).
313
Code de la faillite § 362 (h).
314
Il importe de préciser que les plans pré-arrangés ne constituent pas en eux-même des procédures judiciaires,
c’est le chapitre 11 qui l’est. Autrement dit, l’ouverture du chapitre 11 signifierait dans les droits français et
OHADA l’ouverture de la procédure judiciaire. Un plan de réorganisation pré-arrangé est adopté dans le cadre de
la procédure judiciaire, c’est-dire du chapitre 11.
315
Entendre code de la faillite de 1898.
316
Campbell.V. alleghany corp., 75 F. 2d. 947, 4th Cir.1935.
317
R. LEVIN, « La restructuration d’entreprise dans le cadre du chapitre 11 du code américain des faillites », cah.
du dr. de l’entr., sept.-cct. 2009, n°5, p. 21.
67
américain de la faillite (Paragraphe I), ainsi que l’analyse des circonstances de
l’expérimentation française sur inspiration américaine (Paragraphe II).
133. Les modes de restructuration financière des entreprises en difficulté sont nombreux en droit
américain de la faillite (I). Ils poursuivent des objectifs similaires dont la poursuite de l’activité
et le règlement des dettes. Ils présentent également des caractéristiques communes dont la
célérité. Enfin ils obéissent au même encadrement (II).
I. Les catégories
134. Les mécanismes du prepackaged plan ne sont pas définis dans le code fédéral de la faillite. La
définition de référence a été donnée par la jurisprudence, notamment par le tribunal de faillite
du district du Sud de New York en 1999 : « The procedural guidelines for prepackaged chapter
11 cases in the united states bankruptcy court for the suthern district of New York »318, soit
« les règles de procédure dans le cadre des plans pré-arrangés, rédigées au titre du chapitre 11,
en vue d’établir des règles d’application et de mise en place de plans pré-arrangés dans le district
du sud de New York ». Autrement dit, selon ce tribunal, la procédure du prepackaged plan est
« celle par laquelle le débiteur demande parallèlement à l’ouverture d’une procédure du
chapitre 11, la confirmation d’un plan élaboré et accepté préalablement par les créanciers »319.
Après avoir trouvé un accord avec certains créanciers, le débiteur sollicite toutes les class pour
le vote de son projet de plan avant l’ouverture d’une procédure du chapitre 11. Ce type de
procédure est le prepack classique (A), auquel il existe des variantes imposées par la pratique
dont the prenegociated plan ou pré-négocié et the prearranged sales ou les ventes pré-
négociées (B).
A. Le prepack classique
135. Le prepack classique résulte d’une négociation entre le débiteur et ses créanciers, laquelle a fait
l’objet d’un vote favorable au sein des différentes class de créances. La procédure n’aboutit
qu’une fois le plan confirmé par le tribunal de la faillite. Dans la pratique, il existe des branches
318
United states bankruptcy court souther distric of New York, in the matter of the adoption of chapter 11
guidelines, general order 2003, « The procedural guidelines for prepackaged chapter 11 cases in the united states
bankruptcy court for the suthern district of New York », feb. 24, 1999.: trib. fédéral du sud de New York en matière
d’adoption des directives du chapitre 11.
319
S. E. M AYERSON, « Current developments in prepackaged bankruptcy plan », commercial law and practice
course handbook series PLI, order n° A0-00-E6,11, apr. 2002.
68
dans la catégorie des prepackaged plans dits classiques. Il s’agit du prepack double et du
prepack partiel. Sur le fond, il s’agit de la recherche d’un même objectif. Toutefois ces branches
présentent quelques particularités.
136. Dans le prepack double, le débiteur recourt aux échanges d’offres avec ses créanciers. Si ces
échanges s’avèrent suffisants pour le redressement de la situation financière du débiteur, il ne
sera pas procédé à l’ouverture d’une procédure du chapitre 11. Dans le cas contraire, ces offres
acceptées seront considérées comme des votes positifs en faveur du projet de plan établi par le
débiteur, dans le cadre d’une procédure ultérieure du chapitre 11. Si dans le prepack double le
principe est la négociation avant l’ouverture de toute procédure du chapitre 11, c’est à peu près
le contraire dans le cadre d’un prepack partiel.
137. Dans le prepack dit partiel, le débiteur ne cherche que l’accord de certains créanciers importants
pour soutenir son plan avant l’ouverture d’une procédure du chapitre 11. Les autres créanciers
seront consultés une fois cette procédure ouverte. L’accord de la class des créanciers les plus
importants constituera une assurance pour celle des petits créanciers qui ne poseront aucun
problème pour adhérer. Une jurisprudence devenue célèbre a démontré le succès de cette
variante. Il s’agit de l’affaire blue bird body co320. Dans cette affaire, la procédure a été
considérablement courte321. Bien que tous les créanciers aient été consultés lors de l’élaboration
du projet de plan, seul un groupe bancaire, le plus influent, a voté en sa faveur avant l’ouverture
d’une procédure du chapitre 11. A cause du poids de ce créancier puissant, les autres créanciers
ont par la suite voté pour. Le caractère amiable qui caractérise les prepackaged plans en droit
américain de la faillite offre plusieurs possibilités au débiteur afin de faire adopter son plan.
Outre ces deux mécanismes, d’autres options sont possibles pour le chef d’entreprise. Ce sont
le plan et la vente pré-négociés.
139. Dans le cadre d’un plan pré-négocié, le vote est effectué au cours d’une procédure du chapitre
11. Il porte sur les éléments ayant déjà été négociés antérieurement à l’ouverture de celle-ci,
320
Affairs blue bird body co, nov. jan. 26, 2006, case n° 06 - 50025 GWZ, bank. D.
321
Trente quatre heures (34 H).
69
mais qui n’ont pas fait l’objet d’un vote au sein des différentes class de créances. Ce mécanisme
est utilisé par le débiteur lorsqu’il veut préparer la restructuration des créances de la plupart de
ses créanciers dont il a obtenu le soutien. Dans ce cas, les négociations se font avec ces seuls
créanciers, dans l’espoir qu’ils voteront en faveur du projet de plan. Ce mécanisme repose
foncièrement sur l’espoir et la confiance réciproques entre les parties.
140. Afin de se rassurer du vote des différentes class de créances en faveur du plan au cours de la
procédure de réorganisation, il est très souvent recouru à la rédaction d’un lock-up agreement
ou un accord d’engagement. Cet accord est établi avant l’ouverture d’une procédure du chapitre
11 et résulte d’un accord entre le débiteur et ses créanciers. Il prévoit que les créanciers
signataires voteront en faveur du plan sous réserve de conditions. Ces conditions sont
notamment la rédaction d’un disclosure agreement ou la déclaration de divulgation et sa
validation par le tribunal, la rédaction du plan tel que négocié entre les parties dites locked-up
ou engagées, et le non changement de situation du débiteur au cours de la procédure du chapitre
11.
141. Le lock-up agreement représente la clef du succès dans le cadre d’un plan pré-négocié. Il permet
par exemple à un futur acquéreur de s’engager dans la procédure ouverte à l’encontre de
l’entreprise, espérant que la cession de cette dernière en sa faveur pourrait, a priori, être
facilement signée par les créanciers. Toutefois, cet espoir reste fragile dans la mesure où le
débiteur est dans une obligation fiduciaire. En d’autres termes, il est obligé de céder l’entreprise
au plus offrant des candidats. Le lock-up agreement permet aussi à certains créanciers de
s’imposer dans le cadre d’une restructuration financière complexe. En effet, le vote des
principaux créanciers représentant la majorité au sein de leur class en faveur du plan, suffit à
considérer que ce plan est accepté. Les créanciers minoritaires se voient, en conséquence,
imposer le vote majoritaire. Le mécanisme permet d’éviter des discussions interminables dans
l’hypothèse d’une pluralité de class de créances.
142. La rédaction d’un lock-up agreement doit se faire avec minutie et précision. Les parties étant
libres de déterminer son contenu, le tribunal limite son interprétation aux seules stipulations de
l’accord. L’accord peut ainsi prévoir que le débiteur peut faire contraindre, par le tribunal, les
créanciers signataires qui n’honoreraient pas leur engagement à voter le plan. C’est dire que les
parties au lock-up agreement ont tout intérêt à définir clairement leur intention sous peine de
70
voir le tribunal les interpréter différemment. Dans une affaire par exemple322, le lock-up
agreement prévoyait le vote des créanciers dits locked - up ou engagés en faveur du plan au
cours de la procédure après l’approbation du disclosure statement par le tribunal ; mais le
tribunal a refusé de considérer ce lock-up agreement comme étant un vote en faveur du plan du
seul fait de la non clarté de la volonté du débiteur. Il a donc fallu procéder au vote de façon
classique, c’est-à-dire avec tous les créanciers pour sa confirmation. Le plan pré-négocié
correspondrait aussi bien dans son organisation que dans ses objectifs aux sauvegardes
accélérées adoptées en droit français.
143. Dans la vente pré-arrangée, il ne s’agit pas, contrairement au plan pré-négocié, de restructurer
l’entreprise, mais de préparer la vente de celle-ci avant l’ouverture d’une procédure du chapitre
11. La vente peut être réalisée entre soixante et quatre-vingt-dix jours après l’ouverture d’une
procédure du chapitre 11. C’est un procédé beaucoup utilisé aux États-Unis d’Amérique du fait
de son caractère radical et rapide. La vente totale ou partielle d’une entreprise en difficulté peut
être prévue par le plan de réorganisation, ou se réaliser dans le cadre d’une vente aux
enchères 323. La vente aux enchères ne concerne que les biens perdant leur valeur. Plus rapide
que la vente dans le cadre d’un plan de réorganisation, la vente aux enchères est préparée avant
l’ouverture d’une procédure du chapitre 11. Issue des négociations, la vente aux enchères doit
être approuvée par le tribunal et avantageuse pour l’acquéreur et pour le vendeur. La vente pré-
négociée a été utilisée dans plusieurs affaires dont les plus célèbres sont Crysler324 et General
Motors 325 en 2009.
144. Dans l’affaire Chrysler, grand constructeur automobile américain, un accord de rachat avait vite
été trouvé avec la société italienne fiat par suite de négociations entamées le 20 janvier 2009.
Le 30 avril 2009, une procédure de réorganisation du chapitre 11 a été ouverte pour la société
Chrysler, entrée en alliance avec la société fiat. Le 31 mai 2009, le tribunal a approuvé le plan
proposé en rejetant plusieurs demandes d’opposition contre la vente. En tout, la procédure n’a
duré qu’un mois.
145. Dans l’affaire General Motors, les discussions pour la vente aux enchères avaient eu lieu avant
l’ouverture du chapitre 11 soit le 1er juin 2009. Le plan de réorganisation prévoyait la vente à
322
Aff. NII holding inc. , 25 oct. 2002, Case n°02-11505, bank. D. Del.
323
11 U.S.C. § 363 (united states code, subsection 363 ou Code des Etats-unis (d’Amérique), sous-section 365).
324
N. KING. JR. J. MCCRACKEN, « chryler pushed into fiat’s arms » wall street journal, 1er mai 2009, en ligne
www.wsj.com
325
id.
71
un seul enchérisseur, la société NGM. Le 10 juillet 2009, le plan a été approuvé par le tribunal
et la vente s’est réalisée telle que convenue dans le prepack. Cette autre procédure n’a duré
qu’un mois et quelques jours. Si tous les mécanismes de restructurations hors chapitre
11précédemment vus s’organisent avec une grande liberté, ils n’en demeurent pas moins
encadrés.
A. Le plan
147. Le vote du plan est régi par la règle 3018 (b) du code de la faillite. Cette règle exige que le plan
soit transmis à tous les créanciers devant le voter dans un délai raisonnable, et que la
sollicitation respecte les dispositions de la section 1126 (b) du même code. En gros, la validité
d’un plan issu d’un prepackaged plan, voté avant ou pendant une procédure de réorganisation
du chapitre 11, dépend de la conformité des phases de sollicitation du vote et du vote lui-même
au code de la faillite.
148. Dans une procédure de réorganisation, ouverte dans le cadre du chapitre 11, le débiteur doit
obtenir l’approbation du tribunal pour divulguer le projet de plan à travers une déclaration de
divulgation ou disclosure statement. Cette exigence permet au tribunal de s’assurer que tous
les créanciers ont eu en temps utile toutes les informations nécessaires à un vote éclairé 326. C’est
en vertu de cet accord que le débiteur sollicitera les créanciers par le biais des class de créances
pour voter le projet de plan.
149. 166. A contrario, le débiteur dans le cadre d’un prepackaged plan classique, contourne cette
étape et demande l’avis des créanciers sur son projet de plan avant de solliciter l’approbation
du tribunal en vue de sa divulgation. Cette approbation se fait parallèlement avec la
confirmation du plan. Toutefois, les conditions de sollicitation doivent avoir été respectées sous
326
11 U.S.C. § 1125.
72
peine de faire une autre sollicitation. Le code fédéral de la faillite évoque l’adoption d’un plan
avant l’ouverture d’une procédure du chapitre 11327, car cela impose des obligations qui
concernent les sûretés. En effet les dispositions de la loi fédérale sur les actions et obligations
relatives à la lutte contre la fraude s’appliquent à tous les plans prévoyant la modification ou la
création de sûretés328. Elles prévoient notamment que toute « personne qui propage tout
prospectus ou toutes communications orales comprenant une information erronée fondée sur
des faits matériels, ou qui omet de préciser un fait matériel permettant de placer l’information
dans les circonstances nécessaires à sa compréhension ou à son utilisation, engage sa
responsabilité civile ».329 The securities and exchange act ou la commission des actions et
obligations de l’acte de 1934 indique de son côté que toute personne qui remet à cette
commission des « informations qui étaient, au moment et à la lumière des circonstances dans
lesquelles elles ont été transmises, fausses ou trompeuses, engage sa responsabilité ».330
150. La notion d’information reste vaguement définie par la section 1125 du code fédéral de la
faillite. L’accent est juste mis sur le fait que les créanciers doivent être largement ou
suffisamment informés en vue d’effectuer un vote éclairé. En l’absence de lois applicables à la
divulgation d’informations nécessaires à la prise de décision, la section 1125 s’applique. La
section 1126 (e) dispose dans le même sens que le vote qui n’aura pas été sollicité dans la bonne
foi et dans le respect du code de la faillite ne peut être considéré. Les textes de loi relatifs aux
actions et obligations restent quelque peu flous.
151. Par ailleurs, la validité de la sollicitation du vote du plan, en cas d’ouverture d’une procédure
au titre du chapitre 11 avant l’issue des votes, se pose. Pendant longtemps, il a été considéré
que si le débiteur avait commencé la sollicitation du vote d’un plan pré-arrangé, et que
l’ouverture d’une procédure de faillite était demandée avant la fin des votes, la procédure de
sollicitation devait cesser. Cela donnait l’occasion aux créanciers récalcitrants de demander
l’ouverture d’une procédure involontaire, et donc de faire échec à un plan pré-arrangé qui aurait
pourtant pu être adopté. C’est pourquoi, le banckruptcy abuse prevention and consumer protect
327
Section 1126 (b) : un vote en faveur ou à l’encontre d’un plan réalisé avant l’ouverture d’une procédure de
faillite n’est valide que si : (i) la sollicitation d’un tel vote est conforme aux lois applicables, hors lois de la faillite,
régissant la divulgation d’informations dans le cadre d’une telle sollicitation, (ii) en l’absence de telles lois, un tel
vote a été sollicité après la divulgation des informations adéquates telles que définies à la section 1115(a) du code
fédéral de la faillite.
328
Acte de 1933.
329
15 U.S.C. 771 (a) (2).
330
15 U.S.C.78 r (a).
73
act (BAPCPA) de 2005, a introduit la section 1125 (g) dans le but d’éviter toute interprétation
et d’encourager le recours au prepackaged plan. Il permet qu’une sollicitation qui a débuté
avant l’ouverture d’une procédure du chapitre 11, puisse continuer au-delà de celle-ci, tant que
cette sollicitation est conforme aux règles applicables hors du droit de la faillite comme celles
concernant les garanties. En conséquence les créanciers non diligents, qui s’opposent à
l’adoption d’un plan pré-arrangé qui a de forte chance d’être confirmé par le tribunal, n’ont plus
la possibilité d’échapper à l’application du prepackaged plan331. Outre les conditions de la
sollicitation du vote du plan, le vote, lorsqu’il intervient en dehors de la procédure judiciaire,
doit être conforme au code de la faillite en vue de la confirmation du plan. 332
152. La section 3818 (b) du code fédéral de la faillite dispose que le vote du plan doit avoir lieu dans
un délai raisonnable. Elle prime les lois non relatives à la faillite. Les votes des créanciers
doivent respecter cette règle sous peine d’être annulés. La notion de délai raisonnable pose
beaucoup assez de difficultés quant à la détermination de son sens et de ses contours. Elle n’est
définie par aucune disposition du code de la faillite. Ce délai est le plus souvent pris par les
juridictions en fonction de l’espèce. D’une manière générale, vingt-cinq jours ont souvent pu
être considérés comme un délai raisonnable 333.
153. Le projet de plan est considéré accepté par une class de créances, lorsqu’il a été voté par la
majorité des créanciers représentant, au moins, les deux tiers des créances au sein de cette
class334. Ce sont les mêmes modes de vote que pour le plan voté au cours d’une procédure du
chapitre 11. Dans le cadre d’une procédure de ce chapitre, et quel que soit le plan, les class de
créances inchangées dites unimpaired sont supposées avoir accepté le plan. En conséquence,
pour la constitution des class de créances relevant des prérogatives du débiteur, il y va de son
intérêt d’en constituer beaucoup dans le prepackaged plan et de négocier le contenu du plan
avec les créanciers importants au sein des class dites impaired ou changées dont les créances
sont modifiées par le projet de plan. Que le vote intervienne avant ou après l’ouverture d’une
procédure du chapitre 11, il doit obéir aux règles du code de la faillite. La grande différence
331
R. LEVIN et J.R LEDERER, « prepacks under BAPCPA », banckruptcy practice after the banckruptcy act of
2005, American law institute, American bar association continuing Legal Education, december, 7-8, 2006.
332
F. X. LUCAS, « Le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française », cah. dr. entr. n°5, sept.
oct. 2009, p. 35.
333
Affaire southland corp 124 B.R. 211 (Bankr. N.D. tex. 1991) : dans cette affaire, le délai de 10 jours a été jugé
irraisonnable et une nouvelle sollicitation d’une durée de 25 jours a été exigée. ; Affaire havest foods inc., et al.
Case n°94-1198 (Bankr. D. Del. Dec. 1994) : dans cette affaire, le tribunal a estimé que le délai de 13 jour était
raisonnable au vu des circonstances de l’espèce.
334
11 U.S.C. § 1128 (c).
74
entre une procédure pré-arrangée et une procédure du chapitre 11, réside dans la validité et la
validation de la sollicitation du vote. Quoique présentant beaucoup d’avantages, les procédures
prepack du droit américain posent quelques difficultés relatives au respect de certaines règles
qui sont étrangères au code de la faillite, comme le respect du droit des garanties.
155. Si l’enregistrement des nouvelles garanties auprès de la SEC est une obligation dans un prepack
classique, il n’en est pas de même dans celui partiel et dans un plan pré-négocié. Le débiteur
peut solliciter les class de créances exemptées de l’obligation d’enregistrement, parce que
n’ayant pas bénéficié de nouvelles garanties, à voter le plan avant l’ouverture d’une procédure
du chapitre du 11. Les autres créanciers seront alors sollicités pendant ou après l’ouverture de
cette procédure, et se verront, par ricochet, exemptés eux aussi, de la même obligation
conformément aux dispositions de la section 1145 (a) du code de la faillite. Le plan pré-négocié
permet la même exception d’enregistrement car le plan n’est adopté qu’après l’ouverture d’une
procédure au titre du chapitre 11. Ce qui implique que les garanties octroyées ne seront aussi
prises en compte qu’après l’ouverture de cette procédure. Convaincue que la flexibilité et la
rapidité des prepackaged plans du chapitre 11 du code fédéral américain de la faillite pourraient
servir dans un droit français des entreprises en difficulté lourd en termes de formalités
procédurales, la doctrine française s’intéressait depuis longtemps aux mécanismes de
restructuration des entreprises qui viennent d’être exposés. Sous son impulsion, la pratique
finira par courageusement tester l’idée dans deux affaires devenues célèbres.
335
1933 act, section 35.
75
Paragraphe II. Les circonstances de l’expérimentation française
156. Par nature, le droit des entreprises en difficulté est un droit d’ordre public336. La nécessité de le
contractualiser prouve que le traitement judiciaire des difficultés des entreprises se montre
moins efficace pour le redressement de ces dernières : « nous sommes passés du traitement à
la prévention. C’est une vision pragmatique. C’est aussi en raison du constat que les difficultés
économiques ne trouvaient pas de traitement satisfaisant dans le cadre des procédures
collectives que l’on s’est progressivement orienté vers la prévention ».337 Dans la mesure où
les outils préventifs et curatifs ne répondaient pas suffisamment aux besoins et exigences du
contexte économique et social, la recherche d’une alternative était devenue une question
prioritaire. C’est dans ce sens que la doctrine a plaidé la cause d’un droit français des entreprises
en difficulté plus contractualisé et plus volontariste à l’image du droit américain de la faillite
(I). Les praticiens, sans attendre un quelconque encadrement législatif, ont soumis le procédé
de plan pré-arrangé à l’expérimentation (II).
A. Un rôle de révélation
158. Le débat sur la contractualisation du droit des procédures collectives n’est pas récent en France.
Depuis 2004 des auteurs avaient émis l’idée d’introduire une sauvegarde simplifiée et
expresse338. Dans la perspective des réformes opérées par les textes du 26 juillet 2005339 et du
18 décembre 2008 340, les mêmes souhaits avaient été réitérés sans être pris en compte 341. Les
336
Plusieurs règles et principes impératifs le régissent. Les différentes règles qui découlent de la discipline
collective présente dans les procédures judiciaires, la confidentialité, ainsi que l’unanimité de l’accord de
conciliation peuvent être citées en exemple.
337
Table ronde, « Contractualisation du droit des entreprises en difficulté », Rev. proc. coll., Mai-juin 2015, p. 99.
338
E. CHIVKA, « Prepack bankruptcy, alternative au traitement exclusivement judiciaire du droit des procédures
collectives », revue dr. aff. de l’Université panthéon - assas, 1er oct. 2004, n°2, p. 29-74.
339
V. supra, n°16.
340
id.
341
Th. Monteran, « Pour améliorer le droit des entreprises en difficulté, osons la réforme », Gaz. Pal. 23-24 janv.
2008, p. 3 et 5 ; H. CHRIQUI, « Prévention des difficultés d’entreprise ; peut-on aller plus loin ? », Gaz. Pal. 16-18
mai 2004, p. 2 ; F.-X. LUCAS, « Le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française », cah. dr.
76
praticiens s’étaient exprimés dans le même sens. A la faveur des consultations en prélude à la
réforme de 2008 effectuée par l’ordonnance du 18 décembre 2008 précédemment citée, le
conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ), ainsi
que la chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP) avaient exprimé le souhait de voir
le droit français adopter le mécanisme de plan pré-arrangé. Pour ces organismes, ce serait à la
fois de permettre au débiteur de bénéficier d’un plan préparé en phase amiable et d’optimiser
« une efficacité économique et une procédure plus rapide ».342 La chambre de commerce et
d’industrie de Paris avait également fait état, à la commission nationale de consultation sur le
projet de réforme évoqué précédemment, des demandes de nombreux conseils d’entreprise
relatives à l’adoption d’un tel procédé qui leur permettrait de préparer et de peaufiner le plan
de restructuration sur le terrain de la conciliation ou du mandat ad hoc.
159. Pour la doctrine, une telle méthode serait un bénéfique mélange du conventionnel et du
judiciaire dans un but préventif. Un auteur affirmait par exemple que ce serait « un alliage
parfait de l’efficacité et de l’absence de brutalité »343 ; que « l’intérêt pour le débiteur est
évident puisqu’il a la possibilité d’imposer des sacrifices à ses créanciers dans le cadre d’une
procédure collective sans pour autant subir trop durement les effets collatéraux
qu’accompagne toute ouverture d’une telle procédure ».344 Autrement dit, la confidentialité de
l’amiable et l’autorité du judiciaire seraient réunies dans une seule procédure, car le tribunal
peut contraindre les créanciers minoritaires à accepter la volonté majoritaire via le vote. Il faut
dire aussi que la contractualisation du traitement des difficultés des entreprises correspondait à
l’objectif affirmé de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises. Celui de moderniser
le droit applicable aux entreprises en difficulté en privilégiant la prévention par la négociation.
La doctrine a également apporté des éclaircissements quant à l’applicabilité du procédé de plan
pré-arrangé dans le droit positif.
entr., sept. oct. 2009, p. 35 ; G. TEBOUL, « Les évolutions récentes provoquées par la crise sur les entreprises en
difficulté » , LPA, 3-4 sept. 2009, p. 4 à 6.
342
Commission de réflexion sur la réforme du droit des entreprises en difficulté, contribution de la CCIP, févr.
2008, p. 13.
343
F. X. LUCAS, « Le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française », cah. dr. entr., n°5, 1er
sept. 2009, p. 38.
344
ibid p.35.
77
B. Un rôle d’éclairage
160. Pour l’adoption d’une procédure de sauvegarde à plan pré-arrangé dans le droit positif, la
chambre de commerce et d’industrie de Paris avait, lors des consultations relatives au projet de
réforme de 2008 évoqué plus haut, proposé deux solutions : raccourcir la durée de la procédure
pour qu’elle soit simplifiée ; ou alors conférer au tribunal le pouvoir de cram-down345 afin qu’il
puisse faire passer le projet de plan comme l’aura exprimé la majorité des créanciers. Cette
dernière proposition était toutefois équivoque en ce qu’elle ne précisait pas si le tribunal devait
intervenir en amont de la phase amiable ou en aval de la phase judiciaire. Les plans étant votés
dans les procédures collectives en France 346, la proposition que le tribunal intervienne en aval
de la procédure judiciaire aurait été une redondance. Dans le même sens, des organismes
internationaux avaient fait des recommandations, à l’instar du doing business347 et de la
commission des nations unies pour le développement du commerce international (CNUDCI) 348.
Ces différentes propositions n’avaient pas été prises en compte par cette réforme. La pratique,
impatiente et en besoin de trouver une solution adaptée, notamment à la restructuration
financière des entreprises décimées par la crise financière de 2008, a décidé de devancer le
législateur.
345
Écrasement des créanciers opposants.
346
Art. L.626-30-2, c. com.
347
« Creating a framework for prepackaged organization can help keep companies operating as a going
concern. » ou « créer un mécanisme de plan pré-arrangé peut permettre aux entreprises de se maintenir en activité.
» : rapport 2010, p.75.
348
Guide de la CNUDCI sur la coopération, communication et sur la coordination des procédures d’insolvabilité
internationale, projet 2009, p. 260.
349
Rapport annuel n°3651, sur la mise en application de la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des
entreprises, p. 55.
350
A. BESSE et N. MORELLI, « le prepackaged plan à la française : pour une saine utilisation de sauvegarde »,
JCPE, n°25, 18 juin 2009, p. 1628.
351
V. explications, infra, n°186 et s.
78
conciliateur est chargé de trouver un accord entre le débiteur et ses créanciers, dans le but de
mettre fin aux difficultés de l’entreprise. Ce fondement a permis aux praticiens de procéder à
leur teste dans une première affaire dite Autodistribution (A), puis dans une seconde dite
Technicolor (B).
163. Il avait ainsi été recouru à un mandat ad hoc pour trouver une solution consensuelle avec les
créanciers pour la recherche d’un partenaire susceptible d’entrer au capital en vue de relancer
les activités du groupe par l’apport de fonds. Les négociations ont débouché sur une offre de
fonds d’investissement à hauteur de cent dix millions d’euros par Towerbrook et Investcopr en
contrepartie de la restructuration financière de la dette existante avec, notamment, une
conversion en capital dans la limite de vingt pourcents du capital. Les deux cents prêteurs
devaient accepter cette offre à l’unanimité. Telle était la condition pour permettre la
restructuration du groupe. Or, vu le nombre des prêteurs soit deux cents et les intérêts en jeux,
l’unanimité ne pouvait être atteinte.
164. La question s’est posée de savoir s’il fallait recourir à la sauvegarde classique ou tenter une
sauvegarde à plan pré-arrangé ? Dans le cas d’une sauvegarde classique, le risque d’un échec
352
R. ROUTIER, N. LAURENT, « Analyse de l’opération Autodistribution : premier prepack à la française, cah. dr.
entr., sept.-oct. 2009, p. 20.
353
Levrage buy out ou achat à effet de levier.
354
Loi n°2008-776 du 04 août 2008 de modernisation de l’économie, JORF n°0181 du 5 août 2008, p. 12471,
texte n°1.
79
hantait les dirigeants au regard de la durée et du coût d’une telle procédure qui ne présente guère
une bonne image de l’entreprise. Dans celui d’une sauvegarde à plan pré-arrangé, le débiteur
devait trouver l’adhésion de la majorité des créanciers au projet de plan établi pour une adoption
en phase judiciaire. Bien que ne maitrisant pas cette méthode de restructuration, les prêteurs
ont tout de même accepté l’idée à cause notamment de la rapidité annoncée des opérations. Le
plan de restructuration fut signé le 26 février 2009 par les créanciers représentant la majorité
des deux tiers du montant de la dette du groupe. Au même moment le 18 février 2009, le tribunal
d’Évry ouvrait deux procédures de sauvegarde pour les sociétés Parts holdings et Autodis. Le
6 avril 2009, le tribunal arrêtait le plan de sauvegarde des deux sociétés. Il en ressort que la
rapidité qui était recherchée avait été atteinte dans la mesure où la procédure n’a duré que sept
semaines.
165. Le succès de cette procédure ayant consacré le premier plan pré-négocié a rassuré et, au-delà,
suscité de l’espoir aussi bien pour les chefs d’entreprise que pour les praticiens. Une seconde
affaire dite Technicolor allait venir convaincre les sceptiques y compris le législateur qui se
donnait jusque-là le temps de la réflexion.
167. En l’espèce, la société Thomson avait émis des titres super subordonnés à durée indéterminée
en septembre 2005, pour un montant nominal de cinq cents millions d’euros. Le 21 décembre
355
Trib. com. Nanterre, 30 nov. 2009, D. 2009, 2929, note A. LIENHARD ; B. GRELON, « L’affaire Thomson : la loi
à l’épreuve de la finance », Rev. Sociétés, juin 2010, p. 244 - « L’arrêt technicolor : entre rigueur et impuissance »,
Rev. Societés 2011, p. 239 ; Versailles 13e ch. 18 nov. 2010, n°10/01433, Rev. proc. coll. 2011, comm.41, note J.-
J FRAIMOUT ; com. 21 févr. 2012, n°11-11.693, Rev. proc. coll. 2012, comm. 82, note J.-J. FRAIMOUT.
356
TSS : Titre Super subordonné : créé par la loi du 23 août 2013, les TSS permettent d’apporter des capitaux à
une entreprise sans que cette dernière n’augmente leur capital. A la différence des obligations ordinaires qui
produisent un intérêt annuel fixe et qui sont remboursés à une date d’échéance, les TSS ne sont remboursables
qu’après dissolution de l’entreprise après désintéressement des autres créanciers et génère des intérêtts que si la
société émettrice réalise des bénéficies et distribue des dividendes aux actionnaires.
80
2009, le plan de sauvegarde, préparé lors d’une procédure de conciliation, a été adopté à
l’unanimité par le comité des créanciers et par celui des principaux fournisseurs. Il prévoyait le
maintien du droit au paiement du montant nominal des titres super subordonnés, mai de payer
pour solde aux droits à intérêt, la somme de vingt-cinq millions d’euros équivalant six pourcents
du nominal des titres. Le 22 décembre 2009, le plan a été soumis au vote de l’assemblée unique
des obligataires. Participants à cette assemblée, les porteurs de titres super subordonnés ont vu
leur droit de vote limité à six pourcents du nominal de leurs titres sur la base du calcul de leurs
droits à intérêt futurs. Estimant avoir été privés de leur droit de vote, ils ont porté plainte contre
la régularité de l’assemblée qui avait adopté le plan à la majorité de quatre-vingt-dix-huit
virgule soixante- dix-sept pourcents des créances obligataires. Ils ont été déboutés par le
tribunal qui arrêtera le plan par un jugement du 17 février 2010. Cette décision sera confirmée
le 18 novembre 2010 par la cour d’appel de Versailles où certains d’entre eux avaient interjeté
appel. Une fois encore seule une procédure de la célérité et d’un effet cram-down d’une
sauvegarde pré-arrangée était à même de trouver une issue. La procédure n’a duré que deux
mois et demi.
168. Les affaires Autodistribution et Technicolor ont montré à quel point le préarrangement d’un
plan de restructuration était intéressant, et se présentait comme un meilleur instrument de
contractualisation du traitement des difficultés des entreprises. Elles ont également démontré
que l’adoption d’un procédé de passerelle était légalement permise en droit français, ce qui est
valable en droit OHADA, du fait de la convergence des raisons juridiques.
81
Paragraphe I. La raison qui tient à la mission du conciliateur
170. Le conciliateur est un organe important dans la procédure de conciliation prévue en droit
français et en droit OHADA. Il œuvre pour la conclusion d’un accord de conciliation entre le
débiteur et ses créanciers357. Le mécanisme de plan pré-négocié repose sur une négociation
préalable. L’un des fondements juridiques de l’admission d’un tel mécanisme, dans les droits
français et OHADA, peut ainsi être relié au rôle du conciliateur. Une interprétation des textes
qui définissent les missions du conciliateur (I), permet d’affirmer que le recours au procédé de
passerelle est implicitement permis à ce dernier (II).
172. Les procédures de conciliation et de mandat ad hoc constituent, en droit français, le cadre des
négociations amiables. Jusqu’à la loi du 22 octobre 2010361, aucun texte ne parlait explicitement
d’une procédure pré-arrangée où le conciliateur ou le mandataire ad hoc avaient un rôle
important à jouer.
173. Pourtant, tacitement, il ne faisait aucun doute que le chef d’entreprise, aidé par le conciliateur,
pouvait se permettre une telle initiative dans l’esprit des dispositions de l’article L.611-7 du
357
Art. L.611-7, c. com. ; Art. 5-5, al. 1, AUPC.
358
J. CARBONNIER, La sociologie juridique, 2e éd., PUF, 2004, p. 267.
359
J. GHESTIN et Alii, Introduction générale, 4e éd., LGDJ, 1994, n°468.
360
V. C. BERGEAL, Rediger un texte normatif, 7e éd., Berger-Levrault, 2012.
361
L. n°2010-1249 du 22 oct. 2010 de regulation bancaire et financière, JORF n°0247 du 23 oct. 2010, p. 18984,
texte n°1.
82
code de commerce. Selon ce texte, dans sa version en vigueur avant la loi de 2010
précédemment citée et l’ordonnance 12 mars 2014 362, « le conciliateur a pour mission de
favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant,
ses contractants habituels, d’un accord destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise. Il
peut également présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l’entreprise, à la
poursuite de l’activité économique et au maintien de l’emploi ».
174. Les dispositions de ce texte, en visant directement la recherche et la conclusion d’un accord de
conciliation entre le chef d’entreprise et ses créanciers, n’interdisent pas la préparation d’un
projet de plan de restructuration dans la perspective d’une procédure judiciaire.
175. Les procédures collectives se caractérisent par des règles impératives 363. Contrairement à une
procédure amiable, telle la conciliation, l’adoption d’un plan de restructuration est soumise au
vote364. De sorte qu’un projet de plan, élaboré avec les créanciers dans le cadre d’une procédure
amiable, peut être validé par le tribunal sur le terrain judiciaire à la suite d’un vote majoritaire
des créanciers.365
176. Tel qu’il se présente, rien n’interdisait la passerelle entre la conciliation et la sauvegarde. C’est
ce qu’a exploité la pratique dans les affaires expérimentales 366 où le mécanisme de plan pré-
négocié a été exploité.
177. Le raisonnement qui précède est valable à l’égard du droit OHADA, sur le fondement des
dispositions de l’article 5-5, alinéa premier, de l’Acte uniforme des procédures collectives
d’apurement du passif selon lesquelles, « le conciliateur a pour mission de favoriser, entre le
débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses contractants habituels, la
conclusion d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise ». Est-ce une
ouverture inconsciente de la part du législateur ? Ce qui est certain, c’est qu’il n’existe pas de
cadre juridique prédéfini pour l’usage de la technique de la passerelle.
362
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
363
Pour plus de détails sur le caractère dirigiste des procédures collectives : A. CERAT-GAUTHIER et V.
PERRUCHOT-TRIBOULET (dir.), Les procédures collectives complexes, éd., GLn Joly Eds, 2017.
364
Art. L.626-30-2, c. com.
365
Art. L. 626-31, c. com.
366
V. supra, n°178 et s.
83
B. Un usage possible sans un cadre juridique défini
178. Le cadre juridique peut se définir comme l’ensemble des règles et principes qui organisent une
opération juridique, ou qui régissent un domaine juridique donné. C’est en général des règles
découlant d’un droit spécial.
179. En droit français, la crise des subprime de 2008 avait occasionné des faillites 367. Sur le plan
juridique, un dispositif de restructuration rapide de l’endettement des entreprises faisait
défaut368. Face à ce constat, un recours à la sauvegarde des entreprise, telle que prévue dans le
code fédéral américain de la faillite a été évoqué 369. En effet, en droit français, l’exigence de
l’unanimité370 dans la conciliation ne permettait pas d’utiliser cette dernière pour faire face aux
endettements financiers issus de la crise. De même, les procédures de sauvegarde et de
redressement judiciaire sont lourdes pour parer au plus pressé.
180. Si l’utilisation du model de restructuration rapide des entreprises aux États-Unis d’Amérique
avait été évoquée, il restait que le droit français ne prévoyait pas un cadre juridique pour ce
faire. Or, il fallait trouver une solution rapide et adaptée pour sauver les entreprises qui avaient
des dettes financières importantes. Le courage de la pratique a permis de s’inspirer des
prepackaged plans du droit américain, qui allient l’amiable - pour négocier le plan de
restructuration - et le judiciaire - pour adopter ce plan. Cette expérimentation s’est matérialisée
au travers de l’affaire Autodistribution en 2009371, dans la foulée de la crise financière de 2008.
367
V. infra n°204 et s.
368
En particulier la défaillance des LBO dont les endettements étaient essentiellement financiers.
369
V. supra, n°174 et s.
370
V. supra, n°108 et s
371
V. supra, n°178 et s.
372
Selon la société Altares, 62 300 entreprises ont dû se résigner à déposer le bilan en 2009 en France.
84
hypothécaires (A). Les opérations financières, dites de LBO, furent particulièrement touchées
(B).
183. Dans la pratique bancaire, un particulier ne bénéficie normalement d’un prêt auprès d’une
banque que s’il présente des garanties de remboursement. Il résulte de cela que celui qui n’a
pas un revenu conséquent ne peut se faire accorder un crédit conséquent. Ce qui constitue un
accès limité aux crédits pour les ménages. Afin de trouver une solution à cette problématique,
les banques américaines ont créé les « subprime », qui permettent à des particuliers de
bénéficier autant de crédits qu’ils souhaitent à condition de placer leurs maisons en garantie.
En cas de non remboursement des concours accordés, le prix de vente de la maison hypothéquée
allait permettre d’honorer l’engagement.
373 H. HOUBEN, « La crise des subprime », université marxiste d’été, août 2008, p. 4.
374
Dont www.politique.net.
85
185. Conscientes qu’une crise à la bourse de Paris ou de Washington peut les concerner, les banques
ont commencé à se refuser les crédits. En France par exemple, le jeudi 9 août 2007, la BNP a
gelé la cotation de trois fonds d’investissement 375. Cette attitude de méfiance entre les banques
sema la panique sur les marchés et la crise interbancaire causa le manque de liquidités.
186. Faute de liquidités, plusieurs banques se retrouvèrent asphyxiées. En effet, après avoir perdu
dans les subprime, les banques ont cherché à poursuivre leurs activités commerciales dont
l’octroi de crédit, afin de générer des intérêts. Cependant pour faire des prêts, il faut avoir de la
liquidité et déposé à la banque centrale européenne (BCE) les réserves obligatoires pour les
prêts importants. Plusieurs banquent perdirent leurs activités principales. En grande Bretagne
par exemple, la Northen Rock a dû être nationalisée 376 sous peine de disparaître.
187. Milieu 2008, alors qu’on croyait que la crise touchait à sa fin, la cause étant connue, elle allait
repartir de plus belle quand les banques décidèrent d’arrêter les comptes annuels. La crise qui
était au départ bancaire devint un krach boursier, c’est-à-dire qu’à chaque mauvaise nouvelle
d’une banque, les titres de celle-ci chutaient sur le marché financier. C’est ainsi que AIG
(première banque en assurance) perdit quarante-huit milliards de dollars dans le second
trimestre de l’année 2007 377. Lheman Brothers (quatrième banque de wall street) a perdu
quarante-cinq pourcent de sa valeur en une journée, quatre-vingt-quatorze sur l’année, et fini
par déposer le bilan le 15 septembre 2008 378. A cause du caractère particulièrement financier
de la crise, les entreprises LBO ont connu une profonde crise.
375
J. PORIER, « La BNP Paribas suspend la cotation de trois de ses fonds », le monde, 10 août 2007, article consulté
le 13 avr. 2017.
376
L'EXPRESS, « Brown nationalise la northern Rock », l’express, 12 févr. 2008, article consulté le 13 avr. 2017.
377
D. BARROUX, « La crise du subprime plonge AIG », les échos, 12 févr. 2008, article consulté le 17 avr. 2016.
378
G. ALLEGRE, « Grandeurs et décadences du numéro 4 de Wall Street », 3 mai 2013, en ligne, www.
slideshare.net (page consultée le 15 mars 2017).
379
Leverage buy out.
86
entreprise cible alors que les moyens nécessaires à cette acquisition font défaut ? La solution
qui semblait appropriée était un emprunt auprès des banques, ou de s’associer à des partenaires.
189. En pratique, l’opération de rachat se fait via une holding de reprise X, au capital de laquelle
vont s’associer des investisseurs financiers et un ou plusieurs managers. La holding finance
alors l’acquisition de la cible (société Y) en partie sur fonds propres et, pour le solde, par un
emprunt à moyen terme auprès d’une banque. La holding X détient alors 100% de la cible Y et
est elle-même détenue à 100% par les investisseurs et managers s’il y en a plusieurs. Ainsi,
l’emprunt contracté auprès de la banque est remboursé par la holding X grâce aux dividendes
ultérieurs qu’elle aura de la société cible Y380.
190. Les opérations de LBO sont apparues dans les pays anglo-saxons dans les années 1970. En
France, elles firent leur apparition en 1980 à travers la loi sur le rachat d’une société par ses
salariés et celle sur l’intégration fiscale 381. Ces opérations ont évolué et se sont adaptées aux
besoins des entreprises, actionnaires et investisseurs français. Plusieurs grandes opérations
LBO ont eu lieu à travers le monde selon Thomson Financial382. Récemment en France, les
hôtels B&B ont été cédés en mars 2016 par Carlyle et Montefiore à PAI pour une valeur de huit
cent vingt-trois millions d’euros.
191. Curieusement, la holding qui constitue le cerveau de cette opération n’avait ni de définition
légale, ni de régime juridique spécifique depuis 1980. Créée dans le seul but de détenir des
participations sous forme de parts ou d’actions en vue de centraliser le contrôle d’une ou
plusieurs sociétés, son existence et son objet étaient jusque-là approuvés par une jurisprudence
constante depuis l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 octobre 1980 383. Toutefois, son
fonctionnement était fonction de la forme sociale que les repreneurs choisissaient. Si la holding
était une société de capitaux, comme c’est le cas le plus souvent, elle était régie par les règles
juridiques relatives aux sociétés anonymes (SA). La société holding ou société mère a été
récemment définie par le code monétaire et financier en ces temps : « une entreprise mère est
une entreprise qui contrôle de manière exclusive, au sens de l’article L.233-16 du code de
380
« LBO », 15 nov. 2008, en ligne : lafinancepourtous.com.
381
Loi n°80-834 du 24 octobre 1980 créant une distribution d’actions en faveur des salariés des entreprises
industrielles et commerciales, JORF du 25 oct. 1980.
382
Txu (2007 pour 45 MD$) ; Equity office (2006 pour 36 MD$) ; HCA (2006 pour 33 MD$) ; RJR Nabisco (pour
30 MD$) ; Heinz (2013 pour 28 MD$) ; Kinder Morgan (2006 pour 27 MD$) ; Harrah’s Entertainment (2006 pour
27 MD$) ; First Data (2007 pour 27 MD$) ; Clear channel (2006 pour 27 MD$) ; Alltel (2007 pour 27 MD$) .
383
Paris, 20 oct. 1980, Rev. Soc., 1980, note A. VIANDIER, p. 774.
87
commerce, une ou plusieurs autres entreprises ou qui exerce sur elles une influence dominante
en raison de l’existence de liens de solidarité importants et durables résultant d’engagements
financiers, de dirigeants ou de services communs ».384 En tout état de cause, les entreprises
LBO - qui sont des filiales de la holding X dans l’exemple donné plus haut - n’étaient plus
capables de générer des revenus, ce qui a contrarié les prévisions des holdings en provoquant
la faillite de ces filiales, dont le passif était essentiellement financier. Comme cela a déjà été
évoqué, du fait du caractère essentiellement financier de l’endettement, il a été recouru au
mécanisme de plan pré-arrangé pour restructurer les LBO. L’admission d’un tel procédé de
restructuration par les droits français et OHADA, sans cadre législatif défini, peut être
également reliée à l’existence de cadres de négociation dans ces droits.
193. Le droit des entreprises en difficulté est entré depuis quelques années dans une ère de
contractualisation386. Les législateurs semblent avoir mesuré l’importance de la négociation
dans la résolution des difficultés d’une société par rapport au traitement judiciaire387. Les
« vertus de la négociation et du dialogue 388» ont conduit à la contractualisation des négociations
liées notamment à la trésorerie des entreprises389. Les législateurs français et OHADA se sont
inscrits dans cette logique. Les réformes intervenues en droit français par, entre autres, la loi de
384
Art. L.511-20, c. mon. fin., tel que modifié par l’ordonnance n°2014-158 du 20 févr. 2014 portant diverses
dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’union européenne en matière financière, JORF n°0044 du
21 févr. 2014, p.3022, texte n°5 - art.3 ; v. aussi, J. P. BERTREL, « Ingénierie juridique : les holdings de sociétés
d’avocats et de notaires », droit et patrimoine, n°103, avr. 2002, p.22-34 ; M. P. BLIN-FRANCHOMME, Essai sur la
notion de contrôle en droit des affaires, thèse de doctorat, Toulouse, 1998 ; C. S. M. DRUMMOND, Les société dites
« holding », thèse de doctorat, Paris II, 1993.
385
Art. L.628-1, c. com.
386
V. supra, n°97 et s.
387
id.
388
S. PIEDLIEVRE, « Les nouvelles règles relatives au surendettement des particuliers », JCP G, n°35-858, 8 sept.
2010.
389
X. DE ROUX, rapp. AN n°3651 relatif à la mise en application de loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde
des entreprises, enregistré à la présidence de l’assemblée nationale française le 31 janvier 2007, p. 55.
88
sauvegarde de 2005 390, l’ordonnance du 18 décembre 2008 391, la loi bancaire de 2010 392,
l’ordonnance du 12 mars 2014 393 et la loi sur la justice du XXIème siècle de 2016 394, rendent
compte de cette tendance. Il en est de même en droit OHADA, où souffle un vent de réforme
générale enclenchée depuis 2008 395. Parmi les Actes uniformes réformés, il faut notamment
citer celui des procédures collectives.
194. Plus précisément, s’agissant de la prévention des difficultés des entreprises, les deux
législateurs ont défini des cadres dédiés à la négociation. Nous entendons par cadre dédié à la
négociation, toute procédure amiable et contractuelle où chefs d’entreprise et créanciers
peuvent librement définir les modalités de restructuration de l’entreprise, y compris le
règlement du passif. Il en est ainsi du mandat ad hoc396 et de la conciliation397 en droit français,
de la procédure de médiation398 et de la conciliation399 en droit OHADA. Le règlement préventif
du droit OHADA, bien qu’il soit présenté par le législateur comme une procédure préventive,
ne peut être considéré comme un cadre de discussion dans notre entendement ici, car il s’agit
d’une procédure judiciaire400 ; il est une forme simplifiée de la sauvegarde classique du droit
français. L’étude comparative qui sera faite dans le cadre de ce paragraphe ne le concernera pas
en conséquence. De même, le mandat ad hoc français ainsi que la médiation OHADA, ne
répondant pas à toutes les formalités requises dans la procédure de conciliation, ne seront pas
prioritairement concernés. Seules les procédures de conciliation prévues dans les deux droits
seront principalement évoquées.
390
L. n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
391
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
392
L. n°2010-1249 du 22 oct. 2010 de régulation bancaire et financière, JORF n° 0247 du 23 oct. 2010, p. 18984,
texte n°1.
393
Ord. n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
394
L. n°2016-1547 du 18 nov. 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, JORF n°0269 du 19 nov.
2016, texte n°01.
395
V. supra, n°20 et s.
396
Art. L.611-3, c. com.
397
Art. L. 611-4, c. com.
398
Art. 1, AUM ; art. 1-2, AUPC. Il importe de préciser que la procédure de médiation est prévue par l’Acte
uniforme des procédures collectives ; mais son régime juridique est défini par l’Acte uniforme relatif à la
médiation, adopté en 2017 à Conakry (Rép. Guinée).
399
Art. 5-5, AUPC.
400
Art. 2, al. 2, AUPC.
89
195. Les procédures de conciliation adoptées, dans les droits français et OHADA, présentent des
divergences sur la forme (I). Cependant, les effets attachés à l’accord de conciliation
(homologué), ainsi que l’absence de la cessation des paiements - qui est toutefois atténuée en
droit français - créent un rapprochement entre elles sur le fond (II).
197. Ce qui ne doit pas être interprété comme une faculté offerte à un créancier de demander
l’ouverture d’une procédure de conciliation pour son débiteur. Le terme « conjointement »,
utilisé par les textes, signifie que le chef d’entreprise peut associer certains de ces créanciers
qui seraient déjà enclins à ouvrir une négociation avec lui. D’ailleurs l’association des
créanciers à la requête n’est pas une condition d’admissibilité de cette dernière. L’avantage
d’une telle demande est qu’elle démontre un caractère sérieux de la démarche entreprise par le
chef d’entreprise. En d’autres termes, elle montre qu’il existe une bonne raison pour que la
procédure qui sera ouverte réussisse. Entre le cadre de discussion du droit français et celui du
droit OHADA, existe une certaine divergence qui est relative, d’une part, aux conditions
d’ouverture (A) et, d’autre part, aux termes utilisés (B).
401
Ph. PETEL, « Le nouveau droit des entreprises en difficulté : acte II. Commentaires de l’ordonnance n°2008-
1345 du 18 déc. 2008 », JCP E 2009, n°3, p. 28.
402
Droit français : Art.611-6, c. com., droit OHADA : art. 5-2, al. 1, AUPC.
403
F. REILLE, « L’instauration d’une conciliation à la française en droit des entreprises en difficulté Ohada », LPA,
9 mars 2016, n° 49, p. 8.
90
Quoiqu’elle ait pu être présentée comme une procédure alignée sur la conciliation française404,
la nouvelle procédure de conciliation OHADA se démarque de cette dernière aussi bien par
rapport au statut juridique du débiteur qu’à la requête d’ouverture.
199. En droit français, la procédure de conciliation est ouverte aux personnes exerçant une activité
commerciale ou artisanale 405, aux personnes morales de droit privé, et aux personnes physiques
exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris à une profession libérale soumise
à un statut législatif ou règlementaire, ou dont le titre est protégé 406. Les agriculteurs sont
soumis au régime du règlement amiable 407.
200. En droit OHADA, il importe de préciser, au prime abord, que le législateur de 2015 a choisi
d’unifier le champ d’application ratione personae de l’Acte uniforme des procédures
collectives. Il en résulte que les procédures de conciliation, de règlement préventif, de
redressement judiciaire, ainsi que de la liquidation des biens ont un champ d’application
identique408. La conciliation est accessible à toute personne morale de droit privé, et à toute
société publique ayant la forme d’une personne morale de droit privée. Les personnes morales
de droit privé qui exercent une activité soumise à un régime particulier, lorsqu’il n’en est pas
disposé autrement dans la règlementation spécifique régissant ladite activité, sont aussi
concernées. Toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante,
civile, commerciale, artisanale ou agricole peut prétendre à la conciliation 409. Toutefois, selon
certains auteurs, la notion de profession impliquant l’habitude, un seul acte ne devrait pas
permettre l’ouverture de la conciliation : « l’habitude semble impliquer l’idée d’entreprises
faisant appel à des clients et des fournisseurs, et le cas échéant, à des salariés {…}. Toutefois,
celui qui produit un extrait du registre du commerce et du crédit mobilier est présumé
commerçant et celui qui produit un extrait du registre des métiers est présumé artisan. On
considère que l’entreprenant prévu à l’AUDCG révisé, bien que non expressément prévu, est
404
V. L. C. M. BIASSALY, « La procédure de conciliation dans la prévention des difficultés des entreprises en droit
OHADA : distincte ou copie du droit français ? », village de la justice, 20 mars 2017 ; F. REILLE, « L’instauration
d’une conciliation à la française en droit des entreprises en difficulté Ohada », LPA, 9 mars 2016, n° 49.
405
Art. L.611-4, c. com.
406
Art. L.611-5, c. com.
407
Cette procédure est régie par les articles L.351-1 à L.351-7 du code de commerce.
408
Art. 1-1, AUPC.
409
Selon une doctrine, les dispositions du texte présentent une certaine redondance parlant de la mention de « Toute
personne exerçant une activité professionnelle indépendante » : il pense qu’il n’était pas nécessaire d’ajouter
« civile, commerciale, artisanale et agricole » : Ph. ROUSSELLE GALLE, « Les débiteurs dans l’AUPC révisé : la
modernisation du droit de l’insolvabilité dans la continuité », Dr. et patr. 2015, n°253, p. 55.
91
également assujetti {…}. Bien entendu, les membres du secteur informel sont également
appréhendés par la formulation de l’article 1-1 »410. Il conviendrait peut-être, de ne considérer
que la réalité de l’activité au lieu de la régularité de la situation administrative, pour apprécier
le statut de celui qui demande l’ouverture de la conciliation 411.
201. Tel qu’il se présente, le législateur OHADA s’est démarqué de son homologue français, en
soumettant l’agriculteur à la procédure de conciliation, laquelle est confidentielle contrairement
au règlement préventif 412 en droit français. La soumission des agriculteurs au règlement
préventif en droit français peut avoir un inconvénient, celui de l’exposition des difficultés du
débiteur. Ce qui n’est pas de nature à améliorer les relations de ce dernier avec ses partenaires
commerciaux. Les deux législateurs excluent du champ d’application de la conciliation, « les
particuliers qui n’exercent aucune activité autonome » 413, tels que les étudiants, les chômeurs.
Il en est de même d’une personne qui n’exerce plus d’activité indépendante 414.
202. Selon le code de commerce français, la conciliation est ouverte au débiteur qui éprouve une
difficulté juridique, économique ou financière avérée ou prévisible, et qui ne se trouve pas en
cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours 415. L’Acte uniforme des procédures
collectives OHADA s’est réservé le détail qui est relatif aux catégories de difficultés telles
qu’énumérées par son homologue français. Sur le fond, il s’agit des mêmes difficultés et des
mêmes catégories. Hormis la question de la cessation des paiements - l’état de cessation des
paiements peut exister au moment de la demande du débiteur en France, ce qui n’est pas
possible en droit OHADA -, les deux législateurs semblent être plutôt sur la même longueur
d’onde.
203. Les difficultés en question peuvent varier. Elles peuvent tenir par exemple à la rupture d’un
contrat, à une rude concurrence, à une modification substantielle d’un contrat, à une sanction
sur un produit, à l’insuffisance de fonds de roulement, à des problèmes sociaux qui impactent
la production416. Il suffit que la difficulté présente un risque pouvant à terme compromettre la
410
J. ISSA-SAYEGH, P.-G POUGOUE et F.M. SAWADOGO, OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés,
éd., juriscope, 2015-2016, p. 1119.
411
A. JACQUEMONT et R. VABRES, Droit des entreprises en difficulté, 9è éd., LxisNexis, 2015, p. 63.
412
L.351-6, al.2, c. com.
413
M. JEANTIN et P. Le CANU, Droit commercial, Entreprise en difficulté, 7e éd., Dalloz, 2006, p. 65.
414
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., 2014, LGDJ, p. 73.
415
Art. L.611-4, c. com.
416
D. VIDAL, G. C. GIORGINI, Cours de droit des entreprises en difficulté 2016-2017, 2e éd., Gualino, 2016, p.
115.
92
continuité d’exploitation417. Les législateurs français et OHADA ne définissent pas les notions
de difficulté avérée et de difficulté prévisible. Néanmoins, la difficulté pourrait être dite avérée
lorsqu’elle impacte actuellement le bon fonctionnement de l’entreprise. Tandis qu’une
difficulté prévisible serait celle dont la manifestation prochaine pourrait impacter la production
de l’entreprise. Quoiqu’il en soit, dans les deux cas, la difficulté doit être de nature à
compromettre l’exploitation 418. Cependant, l’évaluation419 d’une difficulté prévisible peut
poser un problème, puisqu’il est question d’une conséquence qui n’est pas présente mais
supposée résulter d’un évènement qui reste une simple éventualité 420. En fin de compte, il
conviendrait, comme le souligne un auteur 421, que le caractère prévisible de la difficulté ressorte
un ou des éléments factuels, tels que la perte d’un client important, un trouble social. En tout
état de cause, la rétention du critère de difficulté prévisible, pour justifier l’accès à un cadre de
négociation, est à saluer en ce que cela permet au chef d’entreprise vigilant d’éviter la
dégradation de sa situation au point où des conflits d’intérêts pourraient rendre impossible toute
chance de compromis 422.
204. Le débiteur qui souhaite bénéficier d’une procédure de conciliation doit saisir le tribunal par
une requête expliquant les difficultés rencontrées ou redoutées, ainsi que les solutions prévues
pour leur résolution. Cette démarche doit être responsable. C’est pourquoi, contrairement à son
homologue OHADA, le législateur français requiert l’avis de l’autorité prudentielle lorsqu’il
s’agit d’un établissement de crédit, d’un établissement d’investissement 423. En revanche, si le
législateur français n’exige424 pas que le débiteur propose, concomitamment avec la requête
d’ouverture, les solutions envisagées en vue de mettre fin à ses difficultés, son homologue
OHADA le fait425.
417
A. JACQUEMONT, R. VABRES, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LxisNexis, 2015, p. 63.
418
La difficulté prévisible représente le fait que le chef d’entreprise sache qu’il ne peut honorer les prochaines
échéances : C. SCHMITT, « La conciliation. Aspects pratiques », Rev. proc. coll. 2006, n°2, p. 180.
419
Selon P.-M. LE CORRE, la notion de difficulté prévisible serait comparable à celle de l’impossibilité de couvrir
les besoins par un financement adapté, jadis utilisé dans le règlement amiable : Droit et pratique des procédures
collectives, 2015-2016, 8e éd., Dalloz action, 2014, n°141-21.
420
Dès lors, l’exercice de qualification devient « quasi-divinatoire » : A. JACQUEMONT et R. VABRES, Droit des
entreprises en difficulté, 9e éd., LxisNexis, 2015, p. 64.
421
M.-C. HABAUZIT-DETILLEUX et P. MICHAUD, « La procédure de conciliation applicable à l’avocat en difficulté
dans la loi de sauvegarde du 26 juill. 2005 », Gaz. pal. 27 janv. 2006, n°27, p. 3.
422
C. SCHMITT, « La conciliation. Aspects pratiques », Rev. proc. coll. 2006, n°2, p. 178.
423
Art. L.613-27, al. 2, c. mon. fin.
424
V. art. L. 611-6, c. com.
425
Art. 5-2, al. 1 AUPC.
93
205. En droit français, afin de permettre au juge compétent de prendre une décision sur la foi de
preuves matérielles, le débiteur doit joindre à sa requête un certain nombre de documents. Ces
derniers doivent permettre entre autres d’identifier le requérant (l’attestation d’immatriculation,
d’inscription ou de déclaration d’activité), de connaître sa situation comptable (les états
financiers de synthèse contenant le bilan, le chiffre d’affaires, un état de trésorerie et un état
chiffré des créances et des dettes avec indication des échéances) et, le cas échéant, le nombre
de salariés employés et déclarés à la date de la demande.
206. En droit OHADA, le débiteur devra également fournir une attestation d’absence de cessation
des paiements au moment de la demande 426, alors qu’en droit français, la cessation des
paiements ne doit pas, le cas échéant, exister depuis plus de trois mois 427. L’Acte uniforme des
procédures collectives exige que le débiteur atteste n’être soumis à aucune autre procédure de
conciliation. L’intérêt d’une telle exigence se justifierait par le fait que le débiteur peut être
engagé dans une procédure de conciliation dans un autre Etat membre sans que le tribunal saisi
ne soit au courant428.
207. IL ressort de la comparaison des dispositions de l’article R.611-22 du code de commerce avec
l’article 5-2 du nouvel Acte uniforme des procédures collectives que le législateur OHADA
exige moins de documents que son homologue français pour l’ouverture de la conciliation. A
titre d’exemple, il ne demande pas l’état des sûretés. Toutefois si cette différence, qui tient à la
simplicité, est de nature à inciter le débiteur OHADA à recourir à la conciliation sans attendre
que sa situation n’empire, elle n’en reste pas moins critiquable sur le terrain sécuritaire. En
outre, dans ces deux droits, des différences de terminologie, certes anodines, peuvent être
relevées dans et en dehors de la procédure de la conciliation.
426
Art. 5-2, AUPC.
427
R. 611-22, c. com.
428
J. ISSA-SAYEGH, P.-G POUGOUE et F.M. SAWADOGO, OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés,
éd., Juriscope, 2015-2016, p. 1155.
94
doctrine, la discipline de droit qui étudie les difficultés des entreprises est majoritairement
désignée sous le nom de « droit des entreprises en difficulté ». Dans l’espace OHADA, le même
corpus est officiellement désigné sous l’appellation d’« Acte uniforme des procédures
collectives d’apurement du passif », tandis que la discipline semble majoritairement appelée
« droit des procédures collectives ».
209. Toutefois, l’appellation « Acte uniforme des procédures collectives d’apurement du passif »
correspond-t-elle à la matière régie ? La réponse peut ne pas être affirmative. En effet, cette
appellation peut donner l’impression que toutes les procédures régies sont collectives. Or, si le
règlement préventif, le redressement judiciaire, ainsi que la liquidation des biens organisent un
traitement collectif des difficultés des entreprises, tel n’est pas le cas dans la procédure de
conciliation, où entre autres la déclaration des créances, le gel des créances antérieures
n’existent pas. Dès lors une autre désignation qui tienne compte de ce détail ne serait-elle pas
mieux adaptée ?
210. Le législateur OHADA de 2015 utilise l’expression « homologation visa », pour désigner
l’accord de conciliation qui ne comporte pas de privilège de conciliation. A l’analyse de cette
homologation visa, on se rend compte qu’elle correspond à la constatation de l’accord de
conciliation en droit français. Autrement dit, l’accord de conciliation homologué au visa en
droit OHADA est l’équivalent de l’accord de conciliation constaté en droit français ; un
développement sur le fond y est consacré dans les pages suivantes.
211. La procédure de médiation du droit OHADA correspond sans nul doute au mandat ad hoc
français, à la différence qu’elle a un régime juridique plus détaillé 429 que celui du mandat ad
hoc430. Hormis cette différence, les deux procédures présentent les mêmes caractéristiques
fondamentales à savoir la liberté - il n’y a pas de durée déterminée - et la confidentialité -qui
est une question d’ordre public dans les deux droits.
212. Le règlement préventif du droit OHADA est une procédure préventive. Il ressort de son régime
juridique qu’il correspond à la sauvegarde classique du droit français. En fait, il en est une
forme simplifiée. Les conditions d’ouverture, de déroulement, ainsi que les effets du concordat
429
Un Acte uniforme spécifique régit désormais la procédure de médiation en droit OHADA, il a été adopté en
2017 à Conakry (Rép. Guinée). Avant cette adoption, l’art. 2 de l’Acte uniforme des procédures collectives
renvoyait aux dispositions nationales où la procédure était ouverte.
430
Dans le code de commerce, hormis la partie réglementaire, un seul article est consacré au mandat ad hoc :
L.611-3.
95
préventif, sont quasiment les mêmes. La différence étant qu’en droit OHADA, les formalités
procédurales, notamment les délais sont plus courts. Il en est ainsi, à titre d’exemple, de la durée
de la période d’observation qui est de trois mois prorogeables une seule fois pour une durée
d’un mois pour le règlement préventif431, et de six mois prorogeables une seule fois pour une
durée de six mois pour la sauvegarde classique 432.
213. Enfin, les termes « expert » et « syndic », employés dans l’Acte uniforme des procédures
collectives, renvoient respectivement à un représentant impartial du tribunal dans la procédure
de règlement préventif et au mandataire judiciaires en droit français. Ces différentes
observations d’ordre terminologique étant apportées, voyons en quoi les cadres de négociation,
notamment les procédures de conciliation prévues en droit OHADA et en droit français se
rapprochent sur le fond.
431
Art. 12, al. 6, AUPC.
432
Art. L.623-3, c. com.
433
Dans l’éventualité d’une procédure judiciaire subséquente, le juge ne peut fixer la date de la survenance de la
cessation des paiements antérieurement à la date de la décision ayant homologué l’accord de conciliation.
434
Les art. 5-10 et 5-11 de l’AUPC qui sont relatifs à l’homologation de l’accord de concciliation ne disposent
nulle part qu’en cas de report de la date de la cessation des paiements, la nouvelle date fixée ne peut être antérieure
à la date ayant homologué l’accord de conciliation. Par conséquent, un un accord de conciliation, qui comporte un
privilège de new money, peut tomber dans la période suspecte, et subir la nullité. En tout état de cause, le législateur
OHADA semble cohérent dans la mesure où le privilège de la conciliation ne peut profiter à son titulaire qu’en
cas d’ouverture d’une procédure de liquidation des biens subséquente à l’homologation de l’accord de conciliation
comportant ce privilège : art. 5 -11.
435
Art. L.611-11, al.1, c. com.
436
Art. 5-11, AUPC.
96
l’accord de conciliation 437, en droit OHADA, la partie la partie la plus diligente peut en faire la
demande438.
215. Dans le cadre de ce paragraphe, le déroulement la procédure de conciliation ne sera pas étudié.
Les développements seront consacrés à une étude comparative sur l’homologation et la
constatation de l’accord, ainsi que sur les effets que ces mesures attachent à ce dernier en droit
français (A) et en OHADA (B).
217. Pour la constatation de l’accord, le tribunal doit être saisi par une requête conjointe des parties,
ce qui requiert l’assentiment des créanciers parties à l’accord, puisqu’ils doivent renoncer au
bénéfice de l’homologation. L’accord intervenu entre les parties est un contrat régi par le droit
commun des contrats. De ce fait, le juge ne peut y apporter une quelconque modification 442. Le
tribunal se contente de constater uniquement l’accord signé entre les parties. Il n’exerce qu’un
contrôle formel, d’abord sur l’existence d’une convention des parties - sans possibilité d’en
examiner le contenu -, ensuite sur la déclaration du chef d’entreprise qui certifie ne pas être en
cessation des paiements à la date de la conclusion de l’accord, ou que l’accord intervenu y a
mis fin443.
218. La constatation confère force exécutoire à l’accord. Cet acte n’est pas publié afin d’assurer la
confidentialité de toute la procédure et celle du contenu de la convention intervenue entre les
437
Art. L.611-8, I.
438
L’homologation est de droit sauf si l’accord est contraire à l’ordre public : art. 5-10, al.1, AUPC.
439
Art. L.611-8-I, c. com.
440
Art. L.611-8-II, c. com.
441
I. ROHART-MESSAGER, « L’amélioration de la prévention », Gaz. pal. 7 mars 2009, n° spc. p. 5 et s.
442
Com. 97-16.777 et 97-17.415, Bull. civ. IV, n°33, p. 26.
443
Art. L.611-8-I, c. com.
97
parties 444. Raison pour laquelle, selon un rapport d’enquête réalisée en 2013 par le ministère de
la justice, les entreprises auraient plus recours à la constatation qu’à l’homologation de l’accord
de conciliation445. L’acte de constatation de l’accord met fin de plein droit à la procédure de
conciliation, et n’est pas susceptible de recours 446. C’est la preuve que cette procédure n’est pas
imposée au chef d’entreprise 447. L’accord constaté produira un effet à l’égard du chef
d’entreprise, des créanciers et à l’égard des garants.
219. Nonobstant la désignation d’un conciliateur, le chef d’entreprise n’est pas dessaisi ni à cause
de l’ouverture de la procédure, ni à cause de la conclusion d’un accord. Il garde la plénitude du
pouvoir de disposition et d’administration.
220. A l’égard des créanciers, l’accord constaté suspend les poursuites 448, ce qui est logique dans la
mesure où ils sont parties à l’accord, dans lequel ils ont librement consenti des délais et des
remises. Toutefois, cette suspension ne concerne que les dettes ayant fait l’objet soit de remise,
soit de report de paiement449. Pour les autres, c’est-à-dire non concernées par l’accord, les
créanciers sont libres de poursuivre le chef d’entreprise dans les conditions du droit civil. Les
délais de paiement sont également interrompus, sauf si l’accord est résolu dans lequel cas les
créanciers recouvrent leur liberté de poursuite 450. Pour ne pas alourdir le passif du débiteur, le
législateur interdit l’anatocisme. Autrement dit, les intérêts produits par les créances ayant fait
l’objet de remises ou de délais ne produiront pas d’autres intérêts ; seul le capital restant dû et
les intérêts produits jusqu’à l’accord seront payés 451.
221. Les garants personnes physiques peuvent ne pas se prévaloir de l’accord constaté. En effet,
deux hypothèses sont à distinguer : d’une part, les créances ayant fait l’objet de remise ou de
délai dans la convention entre le chef d’entreprise et les créanciers ne peuvent être réclamées
aux garants pendant la durée de l’accord, nonobstant l’effet relatif des contrats : « la remise de
444
id.
445
Soit 54% : M. GUILLONNEAU et Alii, « La prévention des difficultés des entreprises par le mandat ad hoc et la
conciliation devant les juridictions commerciales de 2006 à 2011 », Rapport de recherche, Ministère de la justice,
2013, p. 14.
446
Art. L.611-8-I, c. com.
447
Art. R.611-37, c. com.
448
Art. L.611-10-1, tel que modifié par l’ord. n°2016-131 du 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats,
du régime général et de la preuve des obligations, JORF n°0035 du 11 févr. 2016, texte n°26.
449
id.
450
id.
451
Art. L.611-10-1, c. com.
98
dette accordée au débiteur principal libère les cautions, même solidaires »452 ; en dehors de
telles créances, les garants ne peuvent se prévaloir des délais accordés à ce débiteur principal,
à charge pour eux de demander au juge des délais de grâce 453. D’autre part, avant l’ordonnance
du 18 décembre 2008, le code de commerce invitait à distinguer selon que l’accord est
homologué ou constaté. Les garants pouvaient se prévaloir de l’accord dans le cadre de
l’homologation, alors que rien n’était dit dans le cas de la constatation 454. La question s’est
logiquement posée à la Cour de cassation, qui a affirmé que les garants pouvaient, quand bien
même que l’accord était simplement constaté, s’en prévaloir 455. Après l’ordonnance précitée,
le législateur a unifié la situation des garants personnes physiques et coobligés aussi bien
concernant l’accord constaté que celui homologué456. Une modification importante a été
adoptée : si dans la législation antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, seuls les
cautions, coobligés et les titulaires de garantie autonome étaient concernés, après ce texte ce
sont toutes les garanties qui sont concernées telles que la fiducie, ou encore la délégation
parfaite. Les effets ci-dessus décrits de l’accord constaté sont valables dans le cadre de l’accord
homologué, de sorte que dans les lignes qui vont suivre, il ne sera vu que les spécificités qui
caractérisent l’accord homologué.
222. L’homologation de l’accord de conciliation est une décision importante qui est destinée à
produire effet à l’égard des garants. Elle ne peut intervenir qu’à la demande expresse du chef
d’entreprise compte tenu de la publicité qui la caractérise 457. Cette décision ne ressort plus
d’ailleurs de la compétence du président du tribunal, mais de tout le tribunal de commerce ou
de grande instance ; elle est rendue par une formation collégiale suivant le principe du
contradictoire. Il en découle que l’homologation ne se fait plus par une simple ordonnance,
mais par un jugement458. Le code de commerce pose trois conditions cumulatives de fond pour
l’homologation de l’accord de conciliation :
452
Art. 1350-2, c. civ. tel que modifié par l’ord. n°2016-131 du 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats,
du régime général et de la preuve des obligations, JORF n°0035 du 11 févr. 2016, texte n°26.
453
Sur le fondement de l’art. 1345-5, c. civ. tel que modifié par l’ord. n°2016-131 du 10 févr. 2016 portant réforme
du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, JORF n°0035 du 11 févr. 2016, texte n°26.
454
Art. L.611-10-3, c. com. dans sa version en vigueur avant l’ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme
du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19 déc. 2008, p. 19462, texte.
455
Com. 5 mai 2004 ; Act. proc. coll. 2004-11, n° 132, obs. J. VALLANSAN.
456
Art. L.611-10-2, c. com.
457
Art. L.611-8, II, c. com.
458
Art. R.611-41, c. com.
99
223. L’accord doit constater que le débiteur n’est pas en cessation des paiements ou qu’il met fin à
cette situation. Il faut dire que la nouvelle physionomie du traitement des difficultés des
entreprises en droit français justifie cette exigence. En effet, la procédure de conciliation vise à
éviter une crise trésorière du débiteur, ou à tout le moins, une pérennisation de ce dernier au-
delà de quarante-cinq jours. Sinon il faudra nécessairement recourir à une procédure collective,
puisque dans ces conditions les difficultés sont à considérer comme sérieuses 459. Tout accord
qui ne peut éviter ce scénario ne présente pas d’utilité dans la mesure où il ne permettra pas au
débiteur de sortir de ses difficultés.
224. L’accord doit pérenniser l’entreprise. Ce qui est naturel en ce que l’objectif recherché à travers
la procédure de conciliation est de permettre la résolution amiable des difficultés d’une
entreprise, afin qu’elle puisse continuer son exploitation économique. Il faudrait dès lors que
l’accord fournisse des garanties à cet égard. Un pourvoir d’appréciation élargi est accordé au
tribunal par la loi. Ce dernier peut avoir toutes les informations sur le débiteur par des
démarches propres, ou au travers du rapport du conciliateur 460.
225. Enfin, l’accord ne doit pas porter atteinte aux intérêts des créanciers non signataires. Ce qui
s’entend indépendamment du report, du rééchelonnement des dettes, ainsi que des réductions
d’intérêt que le tribunal aurait pu accorder au cours de la procédure de conciliation 461.
226. Afin de conférer une transparence réelle à l’accord qui sera homologué, le tribunal, avant de
statuer, entend ou appelle dûment le débiteur, les créanciers concernés, ainsi que les
représentants des salariés462. De même, le conciliateur et le ministère public sont également
entendus. Ce qui participe de la moralisation de la procédure. Par ailleurs, le tribunal pourra
entendre toute autre personne si nécessaire. A cet égard les créanciers non signataires et les
salariés - s’ils n’ont pas été représentés - peuvent être entendus pour toute information utile
pour la décision qui sera prise463. La décision homologuant l’accord de conciliation est publiée.
Il a été déjà dit que la publicité décourage le chef d’entreprise. Toutefois, il importe de préciser
que seule la décision est publiée, l’accord en lui-même ne l’est pas 464. Cette décision
459
Toulouse, 2e ch. 10 mai 2007 ; JCP E 2008, n°1643, note C. LEBEL.
460
Art. L.611-2 et L.611-6, c. com.
461
Art. 1244-1 et s., c. civ.
462
Art. L. 611-9, c. com.
463
Art. L.611-6, c. com.
464
Art. L.611-10, c. com.
100
d’homologation de l’accord de conciliation, contrairement à l’ordonnance qui le constate, est
susceptible de recours en appel, en cas d’une éventuelle contestation du privilège de la
conciliation465 ; il en est de même de la tierce opposition. En outre, la décision rejetant la
demande d’homologation du chef d’entreprise est également susceptible d’appel.
227. L’accord homologué lève de plein droit toute interdiction d’émettre des chèques 466. Il permet
d’accorder le privilège de la conciliation 467aux créanciers qui prennent le risque de consentir
des concours financiers, ou de fournir des biens ou des services au débiteur, ce qui opère une
différence par rapport à l’ancien règlement amiable 468. Ce privilège est un moyen pour attirer
les créanciers à participer à la restructuration de l’entreprise. Toutefois, un soupçon de rupture
d’égalité des créanciers a pu être vu dans ce privilège ; mais le Conseil constitutionnel, saisi de
la question, a estimé que « le législateur a institué le privilège contesté afin d’inciter les
créanciers d’une entreprise en difficulté, quel que soit leur statut, à lui apporter les concours
nécesaires à la pérennité de son activité ; qu’au regard de cet objectif, ceux qui prennent le
risque de consentir de nouveaux concours, sous forme d’apports en trésorerie ou de fourniture
de biens ou de services, se trouvent dans une situation différente de celle des créanciers qui se
bornent à accorder une remise de dettes antérieurement constituée ; qu’ainsi le législateur n’a
pas méconnu le principe d’égalité ».469
465
Montpellier, 2e ch. 2 févr. 2010 ; JCP E 2010, n°1875, note C. LEBEL.
466
Art. L.131-73, c. mon. fin.
467
Art. L.611-11, c. com. tel que modifié par l’ ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention
des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
468
A. JACQUEMONT et ALii, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LexisNexis, 2017, n°122, p. 79.
469
Cons. const. n°2005-522 DC du 22 juill. 2005.
470
Art. L.611-11, c. com. tel que modifié par l’ Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention
des difficultés des entreprises et des procedures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
471
J. STOUFFLET et N. M ATHEY, « La loi sur la la sauvegarde des entreprises, commentaires des dispositions
applicables aux concours financiers », RD com. et banc. 2006, sp. n°9, p. 55.
101
Cet auteur espère néanmoins que le tribunal fasse le contrôle lors de l’homologation en vue
d’éviter des abus, dès lors que ces limitations sont respectées. Enfin, il a critiqué l’inacceptation
des apports en capital, estimant que cette limitation favorise le financement par l’emprunt au
détriment du financement en capital, qui serait selon lui le plus à même de garantir des
ressources stables au débiteur 472.
229. L’accord homologué permet également de couvrir, dans le cadre d’une procédure judiciaire
subséquente, les accords passés, notamment les garanties accordées aux créanciers participants,
de la nullité de la période suspecte. Il en est ainsi parce que le tribunal ne peut reporter, sauf cas
de fraude, la date de la cessation des paiements à une date antérieure à celle de la décision
définitive ayant homologué un accord amiable 473. Cependant tenant compte de la réforme qui
permet l’ouverture d’une procédure de conciliation dans les quarante-cinq jours de la cessation
des paiements, peut-on dire que les créanciers sont à l’abri de la période suspecte, sachant que
le législateur n’a rien dit sur ce point ? Une réponse affirmative peut être apportée dans la
mesure où l’accord devant être homologué doit mettre fin à cet état de cessation des paiements,
de sorte qu’on se retrouve dans la même situation que si la conciliation avait été ouverte sans
cessation des paiements. Cette condition liée à l’absence de cessation des paiements au moment
d’homologuer l’accord amiable semble d’ailleurs être une réaction à un arrêt de la Cour de
cassation qui avait autorisé, sous l’empire du règlement préventif, la fixation a posteriori de la
date de cessation des paiements indépendamment des ordonnances rendues 474.
230. Le créancier titulaire du privilège de conciliation est payé, pour le montant de son apport, avant
tout autre créancier, selon le rang déterminé par le code de commerce. Concrètement, il sera
payé après les créances salariales et celles liées au frais de justice nées postérieurement au
jugement d’ouverture ; mais il le sera avant tout créancier antérieur au jugement d’ouverture et
tout créancier de la période d’observation. Le régime de la responsabilité des créanciers, qui
apportent un concours financier ou une fourniture au débiteur, ne sera pas abordé ici 475.
L’accord de conciliation dans le droit OHADA partage en grande partie les règles
précédemment évoquées, excepté quelques mesures.
472
J. STOUFFLET et N. M ATHEY, « La loi sur la la sauvegarde des entreprises, commentaires des dispositions
applicables aux concours fnanciers », RD com. et banc. 2006, spéc. n°24.
473
Art. L.631-8, al. 2, c. com.
474
Com. 14 mai 2002 ; JCP E 2003, n°108, note F. VINCKEL.
475
V. infra, n°786 et s.
102
B. L’accord dans la procédure de conciliation du droit OHADA
231. L’article 5-10, alinéa premier, de l’AUPC indique que l’accord de conciliation peut être déposé
au rang des minutes d’un notaire ou homologué ou exéquaturé par la juridiction compétente
statuant à huis clos. L’homologation de l’accord de conciliation est deux de types : une
homologation visa ou de droit - elle suppose l’absence d’un privilège de la conciliation dans
l’accord -, et une homologation spéciale en présence d’un tel privilège.
232. Lorsque les parties se sont mises d’accord sur les termes de l’accord, celle la plus diligente peut
demander son homologation. La mesure vise à anticiper un éventuel changement d’opinion de
la part d’un débiteur de mauvaise foi qui, pour une telle ou telle raison, voudrait faire échouer
la procédure. En pratique, un tel scénario est rare dans la mesure où l’auteur principal de la
mise en place de l’accord est le débiteur lui-même. Dès le dépôt de l’accord par le conciliateur,
le tribunal n’attend pas les parties pour procéder à son homologation, cette dernière étant de
droit476. Comparativement au droit français, l’homologation est précédée de la consultation du
conciliateur, du débiteur, du comité d’entreprise et du ministère public 477. Si la raison principale
de la mesure en France pourrait s’expliquer par l’importance des effets attachés à une
homologation, le législateur OHADA, lui, semble avoir opté pour la célérité des opérations.
233. Le pouvoir d’appréciation du juge OHADA est limité dans l’homologation d’un accord de
conciliation qui ne comporte pas de privilège d’argent frais. Son rôle se limite à vérifier qu’il
existe formellement un accord entre les parties. Il ne peut ni se prononcer sur la qualité de
l’accord signé, ni sur les éventuelles conséquences de ce dernier à l’égard des tiers, notamment,
les créanciers non signataires. Cette homologation de droit est officiellement appelée
« homologation visa ». Elle n’est pas soumise à publicité 478, sauf si l’accord comporte un
privilège de new money. L’homologation ne reprend pas le contenu de l’accord. Cette mesure
a le mérite d’attirer plus de créanciers vers la conciliation dans la mesure où il n’y a point de
publicité jusqu’au stade de l’homologation. De ce fait, la confidentialité se justifie. Elle se
justifierait également pour la protection de la procédure en cours : « la conciliation est une
procédure non contraignante, les partenaires du débiteur qui ne sont pas appelés à la
conciliation doivent être tenus à distance de la connaissance des difficultés de l’entreprise pour
476
Art. 5-10, al.1, AUPC.
477
Art. L.611-9, c. com.
478
Art. 5-9, AUPC.
103
éviter, que dans un mouvement rapide et massif de préservation par chacun de ses intérêts
propres, soit définitivement scellé le sort de l’entrepreneur et, avec lui, de son activité ».479
236. Toutefois, la juridiction compétente peut mettre fin à la procédure à tout moment dès lors que
la cessation des paiements est constatée. Hormis cette éventualité, il faut dire, comme le relève
un auteur481, que le caractère contractuel de l’accord devrait relancer la question de l’admission
du recours-nullité au moment de l’homologation. A cet égard, il conviendrait de dissocier
l’accord passé de la décision judiciaire. Comme cela a été évoqué précédemment, au cours de
l’homologation, la juridiction compétente ne contrôle ni les éventuelles causes de nullité des
actes passés, ni les raisons susceptibles de fonder une action paulienne dans l’intérêt des
créanciers qui seraient abusés. Aucun recours n’est non plus ouvert à ces derniers 482.
Contrairement au droit français, le jugement refusant l’homologation de l’accord est susceptible
d’appel, tandis que celui qui homologue la convention intervenue entre les parties est
susceptible d’une tierce-opposition483. Le manque de sécurité de l’accord homologué de droit
dans le droit OHADA conduit à s’interroger sur la modification de cet accord.
237. Le législateur a gardé un silence sur cette question. Sa volonté de ne pas altérer le caractère
contractuel de toute la procédure de conciliation pourrait conduire à affirmer, comme le propose
479
F. REILLE, « L’instauration d’une conciliation à la française en droit des entreprises en difficulté Ohada », LPA,
9 mars 2016, n° 49, p. 13.
480
Le taux de recours à la constatation de l’accord de conciliation serait de 80% : P.-M. LE CORRE, Droit et
pratique des procédures collectives 2015-2016, 8e éd., 2014, n°144-03.
481
J.-P. SORTAIS, Entreprise en difficulté. Les mécanismes d’alerte et de conciliation, éd., LGDJ, 2015, p. 87.
482
Art. 5-10, al. 2, AUPC.
483
Art. 611-10, c. com.
104
un auteur, que l’évolution d’un accord homologué doit dépendre de la volonté des parties, à
moins d’une nouvelle conciliation, ou de l’ouverture d’une procédure collective 484. Toutefois,
une souplesse pourrait être adoptée en la matière, en permettant par exemple qu’une
modification substantielle soit possible entre les parties - qui donnerait alors lieu à une nouvelle
homologation -, ou une modification de moindre ampleur pour laquelle une décision concertée
du débiteur et du créancier suffirait.
238. Dans l’homologation d’un accord comportant un privilège de conciliation, toutes les mesures
contraires existant dans l’homologation visa subsistent. D’abord la confidentialité 485 ne peut
plus être maintenue : « le secret n’est plus de mise lorsque le juge en donnant son sceau à
l’accord, permet notamment à certains créanciers de bénéficier d’une situation
préférentielle ».486 La décision d’homologation est publiée au RCCM ou dans un registre
chronologique selon l’identité du débiteur. Un auteur français regrette que le privilège de la
conciliation ne soit pas soumis aux règles de publicité de droit commun des privilèges en
France. Il invite les créanciers à être vigilants en recherchant notamment par eux-mêmes les
informations relatives au patrimoine du débiteur 487. Cependant, d’autre auteurs regrettent la
publicité qui entoure l’homologation. Ces auteurs opposent à la sécurité de l’accord par l’effet
d’homologation, l’exposition des difficultés de l’entreprise, ce qui, selon eux, porte préjudice à
son crédit vis-à-vis de ses partenaires 488.
239. Ensuite, la décision ayant homologué l’accord est susceptible d’opposition par tout intéressé
dans les quinze jours de sa publication devant la juridiction compétente 489. Un appel peut être
interjeté contre la décision de la juridiction saisie pour opposition dans les quinze jours de son
prononcé. Le recours contre une décision d’homologation sera notamment utilisé lorsqu’un
ordre public n’a pas été respecté. Le choix du type de recours effectué par le législateur africain
a été critiqué par une doctrine 490, qui estime qu’une tierce-opposition aurait été plus adaptée,
484
M. JEANTIN, P. Le CANU, Droit commercial, Entreprise en difficulté, 7è éd., Dalloz, 2006, p. 100.
485
Art. 5-11, al. 5, AUPC
486
A. JACQUEMONT, R. VABRES, Droit des entreprises en difficulté, 9è éd., LxisNexis, 2015, p. 78.
487
P.-M. Le Corre, « Du privilège occulte de conciliation », Gaz. pal. 13 oct. 2012, n°287, p. 3.
488
A. TOH, La prévention des difficultés des entreprises : étude comparée de droit français et droit OHADA, Thèse
de doctorat, Université de Bordeaux, 2015, p. 231 ; B. DUMAS , « Le banquier face à l’entreprise en difficulté »,
Rev. Banque, 2008, p. 145 ; L. HANOCHOWICZ, « L’homologation de l’accord amiable : un leurre pour les
créanciers ? », Rev. Banque, juin 2006, n° 681, p. 52.
489
Art. 5-11, al. 6, AUPC.
490
« Au regard des parties en présence, on peut s’interroger sur la pertinence de la voie de recours choisie par le
législateur. En effet, l’opposition peut être définie comme étant une voie de rétractation ouverte à la partie contre
105
dans la mesure où cette dernière vise à faire rétracter ou réformer un jugement au profit d’un
tiers qui s’y oppose, dans le but de protéger ses intérêts. Quoiqu’il en soit, l’appel reste ouvert
dans l’hypothèse d’un rejet de l’opposition.
240. La décision refusant d’homologuer l’accord de conciliation n’est pas susceptible de recours 491
contrairement au droit français 492. Même si le législateur montre sa volonté de sécuriser
l’accord intervenu entre les parties, au travers de l’homologation visa ou de droit, l’absence de
recours contre un éventuel refus d’homologuer l’accord peut être regretté. Il paraît difficile
d’expliquer qu’il veuille, d’une part, favoriser le redressement de l’entreprise et, d’autre part,
rapidement sécuriser l’accord conclu, mais qu’il ferme dans le même temps la porte à toute
possibilité de contestation si le juge saisi refusait l’homologation. En d’autres termes, si la
juridiction compétente commet une erreur d’appréciation de droit ou de fait dans l’examen de
la demande d’homologation d’un accord, ce dernier, conclu pour le redressement de
l’entreprise, et qui comporte des privilèges, ne pourra être sécurisé comme les parties l’auront
souhaité ; et en dépit d’une erreur judiciaire, aucune contestation ne sera possible. Une
incohérence législative semble exister, et cela constitue une insécurité juridique.
241. Tel que le cadre de négociation se présente dans les droits français et OHADA, toutes les
conditions favorables à l’usage du procédé de passerelle semblent réunies d’un point de vue
théorique. Qu’en est-il de son application au regard des droits positifs français et OHADA ?
Conclusion du chapitre 2
242. Du chapitre qui précède il peut être retenu que le procédé de passerelle est juridiquement admis
dans les droits français et OHADA. Les raisons tiennent, dans un sens, aux missions du
conciliateur qui, exprimées dans des termes généraux, permettent de pré-arranger une
sauvegarde accélérée, et un règlement préventif accéléré sur le terrain de la conciliation et, dans
l’autre, au cadre des négociations que constitue la procédure de conciliation. Cette dernière,
étant amiable et contractuelle, permet de satisfaire aux conditions de souplesse et de célérité
laquelle un jugement par défaut a été rendu (G. Couchez, X. Lagarde, Procédure civile, 17 e éd., 2014, Sirey,
p.469). Avec son effet suspensif et évolutif, elle donne l’occasion à l’opposant de faire valoir ses arguments car il
n’avait pas été en mesure de le faire dans la première procédure alors que la décision attaquée lui fait grief. Or,
il sera assez rare de voir un créancier ou un débiteur former opposition contre une décision d’homologation alors
que l’accord ne peut être modifié par le tribunal et que la décision n’a pour but que de lui donner force
exécutoire » : C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat,
éd., LGDJ, 2018, p. 212.
491
Art. 5-10, AUPC.
492
Art. L.611-10, al. 2, c. com.
106
indispensables dans une procédure à plan pré-arrangé. Le premier titre de la prémière partie de
la présente étude peut être conclu comme suit.
Conclusion du titre 1
243. D’une part, il peut être retenu qu’il existe une convergence des faiblesses caractérisant la
prévention voire le traitement des difficultés des entreprises entre le droit français antérieur à
la loi de sauvegarde des entreprises de 2005 et le droit positif OHADA. Ces faiblesses sont liées
à la rigidité du régime de la cessation des paiements et à l’unanimité de l’accord de conciliation ;
elles ne favorisent pas le redressement du débiteur, chaque créancier ayant la possibilité de faire
échouer le projet de restructuration. D’autre part, il peut être retenu que le procédé de passerelle,
qui est une des solutions au blocage de l’accord dans la procédure de conciliation, est
juridiquement admis dans les droits français et OHADA sans un cadre législatif déterminé. Les
missions confiées au conciliateur ainsi que le cadre dédié aux négociations dans les deux droits
en constituent les raisons.
107
TITRE 2
493
V. supra, n°86.
494
V. supra, n°17.
109
Chapitre 1. Les éléments de validité du procédé de passerelle en droit OHADA
245. Le législateur OHADA a adopté une dynamique de contractualisation de la restructuration des
entreprises en difficulté qui transparaît dans la dernière réforme 495 de l’Acte uniforme des
procédures collectives. La reconnaissance du procédé de plan pré-négocié pourrait accentuer
cette dynamique496. Dans cette éventualité, nous nous proposons d’analyser, dans le cadre de
ce chapitre, la validité du procédé de passerelle à l’appui du droit positif OHADA (Section 1)
et à l’appui de l’expérience française (Section 2).
495
V. supra, n°20 et s.
496
V. infra, n°614 et s.
497
Procédure à plan pré-arrangé ; v. supra n°.33, note 75.
498
F. X. LUCAS, « Le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française », cah. dr. entr., 1er sept.
2009, n°5, doss. 28.
499
Art. 6-1, al. 1, 13°, AUPC. A noter que concordat préventif correspond au plan de sauvegarde en droit français :
v. supra, n°4, n°228.
500
Art. 7, al. 1, AUPC.
111
faire rapport sur la situation financière et économique de l’entreprise 501. Il en résulte que
l’établissement du bilan économique et social, s’il y a lieu, ne précède pas le concordat
préventif, contrairement au droit français où le code de commerce dispose qu’« au vu du bilan
économique, social et, le cas échéant, environnemental, le débiteur avec le concours de
l’administrateur, propose un plan {…} » ; en droit fédéral américain de la faillite, source
d’inspiration du plan pré-arrangé, tel n’est pas le cas502. Deux observations peuvent être faites.
D’abord une convergence existe entre le droit OHADA et le droit américain s’agissant de
l’élaboration du plan avant le bilan économique et social, même si l’hypothèse inverse peut
paraître logique en ce que le projet de plan y est élaboré à la lumière d’un diagnostic complet
de la situation globale de l’entreprise. Ensuite, s’il a fallu que le législateur français, pour
l’adoption de la procédure de sauvegarde financière accélérée, impose le passage du chef
d’entreprise par une procédure de conciliation afin de préparer le projet plan, en droit OHADA,
une telle obligation ne serait pas nécessaire.
247. La vraie question, pour la reconnaissance du procédé de passerelle dans le droit positif
OHADA, semble tenir à l’harmonisation entre la rapidité requise dans une telle procédure et la
lourdeur souvent reprochée aux procédures collectives 503. Cette difficulté avait suscité des
interrogations en droit français au moment de l’adoption du prepack : « on peut se demander si
le recours au prepack n’est pas condamné par les nombreuses formalités enserrées dans les
délais de rigueur, qui, en imposant un délai minimum à la procédure, pourrait du même coup
avoir pour résultat de condamner sa version accélérée 504» ; mais le règlement préventif
OHADA n’est pas aussi formaliste que la sauvegarde classique française505. Il en est ainsi, parce
que, compte tenu de l’absence de la masse des créanciers, le projet de concordat n’est pas voté,
la consultation des créanciers ainsi que le vote au sein de la masse n’étant requis que dans le
cadre du redressement judiciaire et de la liquidation des biens 506, contrairement au droit français
501
Art. 8, al. 1, AUPC.
502
V. supra, n°145 et s.
503
F. X. LUCAS, « le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française », cah.dr. entr., 1er sept.
2009, n°5, dossier 28.
504
F. X. LUCAS, « le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française », cah. de dr. de l’entr., 1er
sept. 2009, n°5, dossier 28.
505
V. supra, n°4.
506
Art. 72 et s., AUPC.
112
où l’ouverture d’une procédure passerelle 507 requiert la constitution des comités de
créanciers 508.
248. L’adoption d’une procédure à plan pré-arrangé en droit OHADA ne devrait pas poser un
problème dès lors que le respect de l’égalité des créanciers et de l’équité du plan ne sont pas
violés. L’étude des éléments de validité du procédé de passerelle à l’égard du droit positif
OHADA conduit, d’une part, à s’intéresser à la possibilité d’une procédure judiciaire rapide au
regard des délais procéduraux qu’impose l’Acte uniforme des procédures collectives
(Paragraphe I) et, d’autre part, aux conditions d’adoption du concordat préventif (Paragraphe
II).
507
Sauvegarde accélérée ou sauvegarde financière accélérée.
508
Art. L.628-4, c. com.
509
A. Le NINIVIN et F. De FOUCAULT, « Le droit des entreprises en difficulté français enfin doté d’un système de
« prepack » : sauvegarde express », Rev. squire paton boggs, 23 déc. 2010, p. 1.
510
Art. L.626-30-2, c. com.
511
Art. R. 626-60, c. com.
512
Aucun délai explicite mentionné. L’article R.626-17 dispose tout simplement : « dès le dépôt du projet de plan
au greffe par le débiteur, le greffier convoque, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le
débiteur, le représentant du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et les contrôleurs ». En
pratique, il s’écoule souvent entre 10 à 15 jours d’après les juridictions.
513
Art. L.626-32, c. com. et R. 626-61, c. com.
113
problème ; car l’élaboration du plan, ainsi que la constitution des comités de créanciers relèvent
des prérogatives de l’administrateur judiciaire en droit français 514.
250. En droit OHADA, les exigences procédurales liées à la consultation des créanciers au sein et
en dehors des comités, au vote du plan, ainsi qu’à l’arrêté du plan, telles que décrites en droit
français, n’existent pas. La consultation des créanciers a lieu avant l’ouverture de la procédure
judiciaire, car l’élaboration du projet de concordat précède l’ouverture de la procédure 515 (I).
Par ailleurs, l’absence formelle de la masse des créanciers dans le règlement préventif du droit
OHADA, contrairement à la sauvegarde ordinaire du droit français 516, peut présenter un intérêt
(II).
252. En droit français, « le débiteur, avec le concours de l’administrateur, présente aux comités de
créanciers des propositions, en vue d’élaborer le projet de plan {…} ».519 Il ressort des
dispositions de ce texte que la composition des comités de créanciers, de même que la
consultation de ces derniers doivent avoir lieu avant l’élaboration de tout projet de plan.
253. En droit OHADA, la masse des créanciers est constituée après l’ouverture de la procédure 520.
Autrement dit, elle se constitue à la suite des déclarations des créances, ce qui, en théorie, peut
poser un problème pour sa consultation avant cette opération de production des créances, dans
la mesure où tous les créanciers peuvent ne pas être connus. Néanmoins, la masse peut être
514
Art. L.626-30 et L.626-30-2, c. com.
515
Art. 6, al. 4, 1°, AUPC pour le règlement préventif ; art. 27 pour le redressement judiciaire.
516
Art. L.626-30, c. com.
517
Art. 6-1, al. 1, 13°, AUPC.
518
Les délais de paiement et les remises obtenus par le chef d’entreprise sont déterminants pour l’ouverture de la
procédure de règlement préventif aux termes de l’art.8, al. 1, AUPC.
519
Art. 626-30-2, al. 1, c. com.
520
Il s’agit de la procédure du redressement judiciaire, puisqu’il n’existe pas formellement de masse des créanciers
dans la procédure de règlement préventif comme cela avait déjà été précisé.
114
réunie avant la clôture de la déclaration des créances (B) ; et la consultation des principaux
créanciers en amont de l’ouverture de la procédure peut être considérée comme un principe (A).
255. D’abord il peut le faire librement et indépendamment en dehors de toute formalité légale. Cette
préparation non formalisée lui permet de disposer d’un temps de négociation relativement
conséquent afin de présenter un concordat préventif sérieux. Il importe de préciser par ailleurs,
que le législateur de 2015 a opéré une rupture par rapport à la législation antérieure sur
l’exigence d’un projet de concordat avant l’ouverture de la procédure. L’ancien Acte uniforme
des procédures collectives disposait qu’en même temps que le dépôt de la requête ou, au plus
tard dans les trente jours qui suivaient celui-ci, le débiteur doit, sous peine d’irrecevabilité de
sa demande, déposer une offre de concordat préventif 522. Sous l’empire de ce texte, des
manquements ont pu être relevés. Il en a été ainsi devant le tribunal de commerce de Bamako,
dans une affaire où une procédure de règlement préventif a été ouverte au bénéfice d’une
entreprise dont le gérant s’était engagé de déposer ultérieurement le projet de concordat 523.
Dans ce cas d’espèce, le président du tribunal aurait dû attendre le dépôt du projet concordataire
avant d’ouvrir la procédure, dans le respect des dispositions de l’ancien article 7 selon lesquelles
la requête était irrecevable, en l’absence d’un tel projet. Cette décision était sans base légale.
Ce qui conduit à s’interroger sur la rigueur des magistrats dans l’application des normes
communautaires. Comme l’a soulevé un auteur 524, comment l’expert au règlement préventif
peut-il faire son travail d’analyse de la situation financière et économique du débiteur, si l’un
des éléments clés sur lesquels il s’appuie, à savoir le projet de concordat, n’existe pas ? Afin
d’éviter ce genre de manquement, le législateur de 2015 a supprimé le délai de trente jours.
521
Art. 6-1, al. 1, 13°, AUPC.
522
Art. 7, AUPC.
523
Trib. com. Bamako, 6 mars 2008, ord. n°135/08, SIPAL-SUARL, réf. Ohadata J-08-49.
524
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ,
2018, p. 47.
115
256. Dans la perspective de la réforme de l’Acte uniforme des procédures collectives intervenue en
2015, un débat avait eu lieu sur la pertinence de ce délai de trente jours. Alors qu’on pouvait
estimer que le délai de trente jours ne permettait pas l’élaboration d’un plan sérieux, certains
auteurs pensaient au contraire qu’il était nécessaire de supprimer ce délai tout simplement,
estimant que l’absence de tout délai de dépôt du projet de concordat, ainsi que la situation in
bonis du débiteur devaient permettre à ce dernier d’avoir le temps nécessaire pour élaborer un
projet conséquent. Pour ces auteurs par ailleurs, le maintien d’un tel délai aurait été de nature à
exposer les difficultés de l’entreprise, et donc à inciter les créanciers à prendre des mesures
conservatoires525. Quoiqu’il en soit il faudrait admettre que la suppression du délai de trente
jours pour le dépôt du projet de concordat était nécessaire au regard du laxisme de certains
juges ; car cette réforme, « outre le fait de réduire les délais de procédure et les risques de
fraude, aura l’avantage de renforcer le processus de redressement en évitant une publicité
inappropriée des difficultés des débiteurs ».526.
257. Ensuite il pourrait passer par la procédure de conciliation où il peut bénéficier de l’appui du
conciliateur non seulement pour les négociations, mais aussi pour l’élaboration du projet
concordataire. Cependant, la difficulté, dans une telle hypothèse, sera la contrainte du temps, la
conciliation ne pouvant durer plus de quatre mois 527. Toutefois, faute de vote du concordat
préventif en aval de la procédure judiciaire subséquente, sauf si ce concordat contient un projet
de cession partiel ou total d’actif 528, cette contrainte ne devrait pas empêcher l’élaboration d’un
projet concordataire à même d’assurer la continuité d’exploitation et l’apurement du passif.
258. Cette négociation contractuelle avant la phase judiciaire se rapproche du prearranged plan en
droit américain. En effet, dans les droits OHADA et américain, c’est le débiteur qui élabore le
plan/concordat préventif529 ; mais contrairement au droit OHADA, le débiteur américain
compose les class de créances 530 avant l’ouverture d’une procédure du chapitre 11. En droit
français, l’élaboration du plan, ainsi que la constitution des comités 531 de créanciers incombent
525
S. K. EVELAMENOU, Le concordat préventif en droit OHADA, thèse de doctorat, Université Paris-Est et
Université de Lomé, 2012, p. 131.
526
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ,
2018, p. 46.
527
Art. 5-3, al. 1, AUPC.
528
Art.132, al. 1, AUPC ; même dans ce cas, le vote de la cession a lieu à part : infra, n°953, n°984.
529
11 U.S.C § 1121(a).
530
11 U.S.C. § 1123 (a) (1).
531
V. infra, n°392.
116
à l’administrateur judiciaire532. Par conséquent, le débiteur français peut avoir des inquiétudes
relatives à la composition des comités de créanciers, dans la mesure où il ne sait vraiment pas
si les signataires du projet de plan, élaboré dans le cadre de la conciliation, réitéreront leur
adhésion en phase judiciaire. C’est pourquoi, pour la sécurité et la réussite de la procédure, il
doit s’assurer que les créanciers ayant affirmé leur adhésion au projet de plan constitueront la
majorité au sein des futurs comités de créanciers, sous peine d’échec de son projet de
restructuration. En outre, rien n’empêche le chef d’entreprise OHADA de poursuivre les
négociations avec ses créanciers après l’ouverture de la procédure, et ce jusqu’à l’établissement
définitif du rapport de l’expert au règlement préventif.
260. Ces délais et remises ne sont toutefois pas les seuls arguments souvent mis en avant par les
chefs d’entreprise à l’appui de leur demande d’ouverture du règlement préventif. Ils s’appuient
aussi sur les mesures de redressement qu’ils avaient déjà entreprises, pour montrer leur bonne
foi. A titre d’exemple, un débiteur s’est appuyé, dans une demande d’ouverture du règlement
préventif, sur la restructuration de sa ligne budgétaire ; il affirmait également avoir recours à
des conseils spécialisés, « en vue de la mise place d’une structure managériale de haut
niveau ».536 Une telle démarche ne pouvait que convaincre, d’autant que l’ouverture d’une
532
Art. L.626-30 al. 1, c. com.
533
Art. 8, AUPC.
534
De 1998.
535
Trib. com. Abidjan, 5 juin 2014, réf. RG n°1134/2014 ; Sté Cergi Banking services c/ministère public : dans
cette affaire par exemple, le requérant avait fait mention, dans sa demande d’ouverture d’une procédure de
règlement préventif, de la renégociation de ses dettes avec ses créanciers.
536
id.
117
procédure de règlement préventif était automatique dans le droit antérieur à l’Acte uniforme
des procédures collectives de 2015, en présence du seul projet concordataire qui, au demeurant,
ne faisait pas l’objet d’une appréciation particulière de la part du président de la juridiction
compétente, en application de l’article 8 537. Ce qui pouvait être reproché au législateur de 1998.
261. Ce vide juridique a occasionné des décisions de suspension des poursuites individuelles de
façon automatique dans plusieurs affaires, alors même que le projet de concordat n’offrait ni
les garanties d’apurement du passif, ni celles de la pérennisation de l’entreprise. A titre
d’exemple, la décision d’un tribunal de grande instance peut être citée 538 : dans cette décision,
l’ouverture du règlement préventif avait été accordée, sans que le juge n’ait motivé sa décision
par le sérieux du projet concordataire. La question s’est logiquement posée pour savoir si le
tribunal pouvait refuser l’ouverture d’un règlement préventif en présence d’un projet
concordataire qui n’était pas satisfaisant 539 ? Dans un sens, la faute ne pouvait être légalement
imputée au juge, dans la mesure où, comme le relève une doctrine, pour obtenir l’ouverture
d’un règlement préventif, il suffisait que les documents qui étaient prévus à l’article 6 de
l’ancien Acte uniforme soient présentés 540. Le même raisonnement a été tenu par un autre
auteur541 au visa de l’article 7 542 et de l’article 8 précédemment cité de l’Acte uniforme de 1998.
Dans un autre sens, ces interprétations paraissaient trop restrictives, car si rien n’obligeait le
juge à vérifier le caractère sérieux du projet de concordat, rien non plus ne lui interdisait de
procéder ainsi avant de prendre sa décision. Plusieurs auteurs 543 se sont d’ailleurs exprimés
537
Art. 8, anc. AUPC : « dès le dépôt de la proposition du concordat préventif, celle-ci est transmise, sans délai,
au président de la juridiction compétente qui rend une décision de suspension des poursuites individuelles et
désigne un expert pour lui faire rapport sur la situation financière et économique du débiteur, les perspectives de
redressement compte tenu des délais et remises consentis ou susceptibles de l’être par les créanciers et toutes
autres mesures contenues dans les propositions du concordat préventif » : de ces dispositions, il ressort qu’aucune
obligation n’était faite au président de la juridiction compétente d’examiner la pertinence du concordat proposé.
538
TGI, Moungo, 9 nov. 2005, ord. n°CAP/PTGI/N’SBA, aff. Sté Lachanas, note K. ELONGO, réf. Ohadata J-07-
182.
539
A. FENEON, « Le règlement préventif : Analyse critique », pénant, 2010, n°870, p. 21.
540
K. ELONGO, note sous TGI, Moungo, 9 nov. 2005, ord. n°CAP/PTGI/N’SBA, aff. Sté Lachanas, réf. Ohadata
J-07-182.
541
F. M. SAWADOGO, M. NIAMBA, Manuel de formation des magistrats et assesseurs des tribunaux de commerce
de Burkina Fasso, ERSUMA, 2010, p. 43.
542
« En même temps que le dépôt prévu par l’article 6 ci-dessus ou, au plus tard dans les trente jours qui suivent
celui-ci, le débiteur doit, à peine d’irrecevabilité de sa requête, déposer une offre de concordat préventif précisant
les mesures et conditions envisagées pour le redressement de l’entreprise {…} ».
543
F. THERA, L’application et la réforme de l’Acte uniforme de l’OHADA organisant les procédures collectives
d’apurement du passif, thèse de doctorat, Université de Lyon, 2010, p. 112 à 114 ; A. FENEON, « Le règlement
préventif : Analyse critique », pénant, 2010, n°870, p. 18.
118
dans ce sens en reprochant notamment un manque de sérieux et de professionnalisme au niveau
de certaines juridictions.
262. La réforme de 2015 a comblé le vide juridique qui était lié à la reconnaissance expresse du
pouvoir d’appréciation du projet de concordat au président de la juridiction compétente : « si le
projet de concordat préventif lui paraît sérieux, le président de la juridiction compétente ouvre
la procédure et désigne un expert au règlement préventif {…} ».544
263. Les négociations que mène le chef d’entreprise, en amont de l’ouverture de la procédure de
règlement préventif, peut ne pas inclure tous les créanciers, faute d’obligation expresse en ce
sens ; car seul le débiteur peut avoir l’initiative de l’ouverture d’une procédure de règlement
préventif545. De sorte que les créanciers, n’ayant pas été consultés en amont, vont apprendre
cette ouverture par le biais de la publicité 546, et pourraient ainsi penser à prendre des mesures
conservatoires547 voire exécutoires548.
264. Dans le mécanisme de plan pré-négocié, l’ouverture de la procédure judiciaire sert à adopter le
plan rapidement, les négociations ayant été menées au préalable.
265. En droit OHADA, tel ne peut être le cas dans la procédure de règlement préventif faute de
masse des créanciers, à tout le moins de façon formelle, contrairement à la procédure de
redressement judiciaire et de liquidation des biens 549. Par conséquent, le projet concordataire
n’est pas voté ; il est adopté par la juridiction compétente par voie discrétionnaire550. Cette
adoption intervient sur la base du rapport de l’expert au règlement préventif. Ce dernier
représente le tribunal dans la procédure et se trouve, de ce fait, tenu à l’obligation
d’impartialité551 . Il s’écoule un délai552 de trois mois entre l’ouverture de la procédure du
544
Art. 8, al. 1, AUPC.
545
Art. 6, AUPC.
546
Art. 17, AUPC.
547
Pour préserver leur droit de créance.
548
Il pourra en être ainsi parce que la suspension des poursuites individuelles ne concerne que les créanciers parties
au concordat préventif, ce qui veut dire que les autres créanciers peuvent poursuivre le débiteur dans les conditions
du droit civil.
549
Art. 72, AUPC.
550
Art. 15, al. 2, AUPC : le tribunal adopte le concordat préventif si la situation du débiteur le justifie.
551
Art. 12, AUPC : après l’ouverture de la procédure, l’expert au règlement préventif dispose de trois mois pour
apprécier, dans un rapport, la situation du débiteur et de rendre compte au président de la juridiction compétente.
552
Art. 12, al. 6, AUPC. Il faut préciser que l’expert au règlement préventif n’est pas un mandataire judiciaire au
sens du droit français.
119
règlement préventif et l’établissement du rapport de l’expert sur la situation financière et
économique du débiteur. Ce rapport permet à la juridiction compétente de juger 553 du sérieux
du projet concordaire, pour l’homologuer, ou pour mettre fin à la procédure. Ce délai de trois
mois peut toutefois être spécialement prorogé d’un mois par le président de la juridiction
compétente.
266. Ce délai procédural peut laisser un temps supplémentaire au chef d’entreprise, afin de
poursuivre les négociations avec ses créanciers jusqu’à l’établissement du rapport final de
l’expert, dans le but d’obtenir quelques délais et remises, ce qui peut présenter un intérêt dans
le cadre du procédé de passerelle. Autrement dit, elle met toutes les chances du côté du débiteur
pour la mise en place d’un projet de concordat sérieux. Cependant l’absence de la masse des
créanciers dans la procédure de règlement préventif peut poser un problème.
553
Art. 15, al. 2, AUPC.
554
V. supra, n°253.
555
Art. 72, al. 1, AUPC.
556
Le débiteur doit, dans sa requête en ouverture de la procédure, fournir l’état du passif avec précision des sûretés
constituées : art. 6-1, AUPC.
120
avaient soulevé des interrogations. Cependant l’imprécision des textes pouvaient servir à
dissiper ces dernières.
269. Au prime abord il a été remarqué que l’idéal serait que les comités de créanciers soient formés
au vu d’un passif déterminé 557. Ce qui peut poser une condition, celle d’attendre la fin des
déclarations de créances. Or, cette opération peut prendre du temps558 : « une telle façon de
procéder condamnerait à l’échec toutes les procédures de sauvegarde qui, même en dehors du
débat relatif au prepack, requièrent une célérité incompatible avec les délais de vérification du
passif ».559 Remarquons à cet égard qu’aucun article du code de commerce ne pose l’obligation
d’attendre la clôture de la vérifica tion du passif, avant de composer les comités de créanciers,
et de les faire voter. Au contraire, la célérité d’une telle opération est clairement exprimée dans
le code du commerce selon lequel, les comités de créanciers ne sont pas formés sur la base des
créances déclarées, mais sur celle de la liste des créanciers fournisseurs remise par le débiteur
à l’administrateur 560. Dans sa version originale561, l’article R.626-55 posait le même principe
pour le comité des établissements de crédit, qui devait être constitué dans les trente jours de
l’ouverture de la procédure, sans qu’il ne soit nécessaire d’attendre la déclaration des créances.
Selon un auteur, la constitution des comités doit se faire selon les informations révélées par les
comptes de l’entreprise562. Ce qui fait dire que « la constitution des comités est ainsi
nécessairement empirique et approximative, d’où un risque de décalage entre la liste des
prétendus créanciers qui auront voté dans les comités et la liste officielle des vrais créanciers
connue {…} Tant pis : l’essentiel est qu’elle soit rapide pour que le projet de plan soit examiné
557
J.-L. VALLENS, Crise du crédit et entreprises : les réponses du droit, éd., Lamy, 2010, p. 288.
558
2 mois pouvant aller à 4 mois pour les créanciers hors France, en plus de la possibilité d’obtenir un relevé de
forclusion qui permettrait de déclarer 6 mois voire 1 an après la publication du jugement d’ouverture (art. L.622-
26, c. com.). Aussi, le délai de déclaration commence à courir non pas à partir du jugement d’ouverture, mais de
l’exigibilité pour les créanciers dont les créances sont nées après le jugement d’ouverture sans satisfaire aux
conditions de l’article L.622-17, I pour être privilégiées. Ainsi on peut en déduire que les créances peuvent être
déclarées tout au long de la période d’observation et même au-delà.
559
J.-L. VALLENS, Crise du crédit et entreprises : les réponses du droit, éd., Lamy, 2010, p. 288.
560
Art. R.626-56, c. com.
561
Le décret n°2009-160 du 12 févr. 2009, pris pour l’application de l’ ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant
réforme du droit des entreprises en difficulté et modifiant les procédures de saisie immobilière et de distribution
du prix d’un immeuble, JORF n°0037 du 13 févr. 2009, p. 2596, texte n°13, a supprimé cette précision, sans pour
autant renseigner sur la raison ayant conduit à ne pas subordonner la constitution des comités à la fin de la
déclaration des créances.
562
G. BREMOND, E. SCHOLASTIQUE, « Réflexion sur la composition des comités des créanciers dans les procédures
de sauvegarde et de redressement judiciaire », JCP E 2006, p. 1405.
121
rapidement ».563 C’est pourquoi aussi, un député avait proposé, lors des travaux parlementaires
ayant abouti à la loi de sauvegarde des entreprises, un amendement relatif à la suppression de
la vérification du passif dans le cadre de la procédure de sauvegarde 564. Cette proposition avait
été rejetée. Dans le même sens, l’assemblée nationale avait voté un amendement qui n’avait pas
non plus été retenu par le sénat565. Cet amendement prévoyait la dispense de vérification des
créances dont le montant, donné par le débiteur et certifié par son commissaire aux comptes,
était identique aux créances déclarées.
270. Le législateur ayant pris le risque que la consultation des créanciers se fasse sur la base
d’informations incomplètes, et au vu d’un passif non définitivement arrêté. Il peut en être
conclu que la composition des comités de créanciers, ainsi que l’organisation de leur
délibération ne sont pas forcément connectées à la vérification du passif, de sorte que le
fonctionnement correct des comités constitués avant la fin de la déclaration des créances ne
peut être affecté566.
271. En outre, la consultation des créanciers hors comités posait le même problème, celui d’attendre
la fin de la déclaration des créances. La consultation des créanciers hors comités s’impose
comme une obligation voire une condition de validité du plan. En ce sens, le code de commerce
dispose que : « le mandataire judiciaire recueille individuellement ou collectivement l’avis de
chaque créancier qui a déclaré sa créance conformément à l’article L.622-24 sur les remises
et délais qui lui sont proposés ».567 Cette disposition, qui ne concerne que les créanciers hors
comité, sous-entend qu’il faut attendre que tous les créanciers aient déclaré leurs créances avant
de procéder à leur consultation. Or, cette opération pourrait s’étaler sur une longue durée eu
égard aux différents délais possibles de déclaration des créances 568. Il apparaît dès lors
incompréhensible que l’article R.626-7 oblige que les propositions du débiteur ne s’adressent
qu’aux seuls créanciers ayant déclaré leurs créances et que la consultation ne puisse se faire
tant que les créances peuvent encore être déclarées. Les propositions du chef d’entreprise,
relatives aux délais de paiement et aux remises de dettes ne sont portées à la connaissance de
563
F. PEROCHON, R. BONHOMME, Entreprise en difficulté, Instrument de crédit et de paiement, 7e éd., LGDJ, 2010,
n°333-1, p. 300.
564
Pascal CLEMENT, lors des travaux parlementaires sur le projet de loi de sauvegarde de 2005.
565
Rappr, Commission des lois, Ass. Ntle, n°2095, amendement n°137, févr. 2005, p. 327.
566
J.-L. VALLENS, Crise du crédit et entreprises : les réponses du droit, éd., Lamy, 2010, p. 289.
567
Art. L.626-5, al. 2, c. com.
568
V. supra, n°286.
122
chaque créancier ayant déclaré sa créance que pour l’application du second alinéa 569 de l’article
L.626-5 du code de commerce.
272. Par ailleurs, il est possible de ne pas consulter les créanciers dont les créances ne subiraient pas
de modifications. Selon la lettre de l’article L.626-5, un créancier ayant déclaré sa créance ne
sera consulté que si l’on veut obtenir de lui un délai de paiement ou une remise de dette en
faveur du débiteur. Dans le cas contraire, nul besoin de le consulter, ce créancier devant alors
être considéré comme un des créanciers n’ayant pas été consultés - soit parce qu’il n’y avait
aucune faveur à leur demander, soit parce qu’ils ont refusé les propositions qui leur ont été
faites par le débiteur - et auxquels le quatrième alinéa de l’article L. 626-18 du code de
commerce permet d’imposer des délais uniformes de paiement.
273. Au vu de ces textes, rien n’oblige à attendre la déclaration des créances et la vérification du
passif pour consulter les créanciers. Les créanciers ayant accepté des propositions seront tenus
par les stipulations du plan, tandis que ceux qui ont refusé, ou qui n’ont pas été consultés se
verront imposer des délais uniformes. Par conséquent, le mandataire judiciaire peut faire le
choix de consulter les créanciers hors comités sans connaître avec exactitude le passif déclaré,
car l’omission de l’un d’entre eux n’est pas de nature à entacher la validité du plan 570. De
même, le défaut de consultation de quelques créanciers, avant l’arrêté d’un plan de sauvegarde
par le tribunal, ne rend pas non plus invalide ce plan. Seule une omission totale de l’obligation
de consultation peut avoir un tel effet.
569
Selon cet alinéa, lorsque la proposition du débiteur, relative au règlement des dettes, porte sur des délais et
remises, le mandataire judiciaire doit recueillir individuellement l’approbation de chaque créancier ayant produit
sa créance au passif de la procédure.
570
J.-L. VALLENS, Crise du crédit et entreprises : les réponses du droit, éd., Lamy, 2010, p. 291.
571
Com. 6 janv. 1998, n°95-20. 588 ; Bull. civ. IV, n° 8, p. 5 ; JCP E 1998, p. 654.
572
Paris, 3e ch. A, 17 janv. 1989 ; Quot. jur. 1989, n°134, p. 5.
123
275. En somme, il peut être affirmé que la consultation des créanciers, avant la fin de la déclaration
des créances, ne présente pas d’obstacle au prepack en droit français. En droit OHADA, les
tracas liés à la consultation des créanciers au sein et en dehors des comités, ainsi qu’au respect
des délais de vote du plan par les comités et, le cas échéant, par l’assemblée des obligataires ne
se posent pas, puisque dans la procédure de règlement préventif, il n’y a ni masse des créanciers,
ni déclaration des créances. Ce qui peut favoriser l’homologation rapide du projet concordataire
par le président de la juridiction compétente, dès lors que ce projet est sérieux. Cependant, il
est à craindre que ce choix législatif OHADA ne conduise les juges à adopter des projets de
concordat qui ne tiennent pas compte des intérêts des créanciers.
573
Art. 7, AUPC ; E. A. MOHO FOPA, Réflexions critiques sur le système de prévention des difficultés des
entreprises OHADA, DEA, Université de Dschang, 2007, p. 51.
574
Rapp. X. DE ROUX, n°2095, projet de loi n°1596 de sauvegarde des entreprises, p. 142.
575
A. LIENHARD, Procédures collectives, 4e éd., Delmas, 2011, n°22.24.
576
Art. 8, al. 1, AUPC : « si le projet de concordat lui paraît sérieux, le président de la juridiction compétente
ouvre la procédure {…} » ; Art. 15, al. 2, AUPC : « lorsque la situation du débiteur le justifie, elle homologue le
concordat préventif {…}.
577
Art. 15, al. 5, AUPC.
578
Art. 15, al. 4, AUPC.
124
il est soumis au droit commun des contrats, ce qui confirme sa nature conventionnelle qu’il
conserverait même au-delà de son homologation selon une jurisprudence 579.
278. Dans l’hypothèse d’un vote, il serait facilement compréhensible que l’adoption ou non du projet
de concordat soit la résultante de la volonté majoritaire des créanciers ; mais dans le cas d’une
adoption par la juridiction compétente, l’interrogation peut porter sur la neutralité du juge,
surtout dans le contexte d’une administration publique en Afrique où le clientelisme est
monnaie courante et la compétence du juge a souvent été mise en cause 580.
279. A titre d’exemple, citons une affaire portée devant le tribunal de première instance d’Abidjan 581.
Dans cette affaire, l’entreprise Air Continental a signé deux contrats avec la société africaine
de crédit automobile (SAFCAM) et avec la société africaine de crédit-bail (SAFBAIL), dans le
but de financer l’acquisition de deux aéronefs, assortis d’hypothèques constituées sur ces deux
aéronefs.
280. Incapable d’honorer ses engagements au titre des deux contrats, l’entreprise Air Continental a
introduit une requête en ouverture d’une procédure de règlement préventif devant le tribunal de
grande instance d’Abidjan, en date du 23 février 2000. Après avoir accédé à la requête, le
tribunal, par jugement du 25 juillet 2000, homologue le projet de concordat préventif, sans
désigner un expert au règlement préventif pour lui faire rapport sur la situation financière et
économique du débiteur, comme le prescrivait l’article 8 de l’Acte uniforme des procédures
collectives de 1998. Ce qui était un manquement grave à la loi, dans la mesure où il aurait dû
prendre connaissance, au travers du rapport de l’expert, de la situation du requérant pour ensuite
décider d’homologuer ou non le projet concordataire.
281. Une telle homologation ne peut être de nature à rassurer quant aux garanties d’exécution du
concordat, et donc au respect des intérêts légitimes des créanciers, même si l’opinion contraire
579
Abidjan, 8 nov. 2002, n°1129, Jean Mazuet c/ Gomp -CI, réf. Ohadata J-03-291 : « le concordat préventif a
une nature contractuelle qu’il conserve même après son homologation par le tribunal ».
580
Dans un arrêt de la cour commune de justice et d’arbitrage, il peut être relevé qu’une juridiction de fond, en
ouvrant une procédure de règlement préventif, avait omis de désigner un expert qui devait lui faire rapport sur la
situation financière et économique du débiteur, avant d’homologuer le concordat préventif proposé par ce dernier,
dans le respect de l’art. 8 de l’ancien AUPC ; que cette juridiction a quand même homologué le projet
concordataire dans ces conditions ; ce qui est une violation grave : CCJA, 16 nov. 2006, n°23/2006, réf. Ohadata
J-08 -96.
581
Trib., première instance d’Abidjan, 25 juill. 2000, n°25, Société Air continental c/Société africaine de crédit-
bail.
125
a pu être soutenue582. D’où il faut craindre l’arbitraire à l’encontre des créanciers. Dans le cas
d’espèce précédemment décrit, il aurait fallu que le tribunal prenne sa décision d’homologuer
ou de rejeter la proposition de concordat, au regard d’informations vérifiées sur les capacités
réelles du débiteur d’après une jurisprudence583.
282. Par ailleurs, il est à observer que le président de la juridiction compétente n’est pas obligé de
convoquer les créanciers aux fins de consultation pour homologuer le concordat 584. Certes il
peut être argué que l’expert au règlement préventif aura déjà fait ce travail lors de
l’établissement de son rapport, dans le respect du quatrième alinéa de l’article 12 de l’Acte
uniforme des procédures collectives ; mais les créanciers inconnus, ceux qui n’ont pas été
approchés par le chef d’entreprise en amont de l’ouverture de la procédure et, éventuellement,
ceux qui n’ont pu être au courant de l’ouverture de la procédure, en dépit de la publicité faite à
cet effet, doivent-ils être ignorés ? Une dernière consultation lors de l’audience d’homologation
ne serait-elle pas souhaitable ? Si la juridiction compétente peut imposer des délais et remises
aux créanciers consultés - mais qui n’ont pas voulu faire de tels efforts 585-, ce n’est pas le cas
de ceux qui n’ont pas été consultés, ce qui présente d’ailleurs un risque d’exécution du débiteur
par ces derniers en vertu de l’effet relatif des contrats 586. Au regard du risque d’arbitraire,
précédemment exposé à l’encontre des créanciers, le renforcement du contrôle judiciaire, avant
l’homologation d’un projet concordataire, s’avère nécessaire.
582
C. G. KAMENI, note sous CCJA, 16 nov. 2006, n°23/2006, pénant, oct. déc. 2008, n°877, p. 543.
583
TGI, Wagadougou, 29 janv. 2003, n°20, réf. Ohadata J-04-44.
584
Les dispositions de l’art. 14 de l’Acte uniforme des procédures collectives ne pas sont impératives sur ce point.
585
Art. 15, al. 5, AUPC.
586
Selon l’effet relatif des contrats, le contrat ne produit effet qu’à l’égard de ceux qui se sont obligés : art.1199,
c. civ. français.
587
Art. 15, al. 2, AUPC.
126
du plan de sauvegarde du droit français en ce que ce dernier est voté 588 ; mais elle se rapproche
de la réorganisation judiciaire du chapitre 11 du code fédéral américain de la faillite, même si,
dans ce droit, le vote du plan a lieu avant l’ouverture de la procédure judiciaire 589. Ainsi que
cela a déjà été dit, l’adoption du projet concordataire, soumise à la seule appréciation souveraine
du juge, peut présenter, en droit OHADA, le risque d’un concordat préventif inéquitable.
588
Art. L.626-30-2, c. com.
589
V. supra, n°145 et s.
590
Art. 15, al. 2, 1°, AUPC.
591
P. K. EBANGA, « La nature juridique du concordat de redressement judiciaire dans le droit des affaires
OHADA », jurisdis, n°50, p. 109 ; Ohadata D-08-23.
592
« Le concordat préventif a une nature contractuelle » : Abidjan, 8 nov. 2002, n°1129, réf. Ohadata J-03-291.
127
287. Le concordat préventif étant une convention, le juge doit s’assurer, avant de l’homologuer, que
le consentement de chacune des parties ne souffre d’aucune irrégularité. En effet, le chef
d’entreprise peut subir, quand bien même qu’il s’agit de sa propre démarche, la pression de
certains créanciers ; tout comme un créancier peut alléguer que son consentement a été donné
par suite d’erreur ou de violence. Pour éviter ces risques, l’Acte uniforme des procédures
collectives est sans équivoque, puisqu’il exige que l’expert au règlement préventif appelle
chaque créancier pour savoir s’il a été effectivement contacté par le chef d’entreprise et, le cas
échéant, s’il a bien fait telle ou telle remise ou accordé tel ou tel délai, ou s’il n’a rien fait de
tout cela593. Toutefois, la question peut se poser de savoir si un vice de consentement, soulevé
par un créancier partie au concordat, doit conduire le juge à refuser l’homologation dudit
concordat ?
288. Le concordat étant un contrat, il va de choix que le juge rejette d’office l’homologation du
concordat, puisque non seulement l’une des conditions de validité posées à l’article 12 de l’Acte
uniforme des procédures collectives manque, mais aussi la partie, victime du vice de
consentement, peut invoquer la nullité du contrat en vertu du droit commun des obligations et
des contrats en vigueur dans l’État-partie où la procédure a été ouverte, en attendant l’adoption
du nouvel Acte uniforme du droit des contrats. Tant que le contentieux ainsi soulevé par une
partie n’est pas résolu amiablement ou judiciairement, le juge ne devrait pas pouvoir
valablement homologuer le concordat, contrairement à l’analyse d’un auteur 594. Pour ce dernier,
« s’il s’agit d’un petit créancier, et que malgré sa contestation, le juge estime que le concordat
remplit toutes les autres conditions de validité et offre des possibilités sérieuses de
redressement de l’entreprise, il doit déclarer nulle la participation du créancier contestataire
{…}, mais homologuer l’accord conclu ». Cette analyse semble manquer de précision et, de ce
fait, elle ignore l’intangibilité du contrat qui s’oppose au juge, et la force obligatoire du
contrat595. L’analyse de cet auteur, peut être valable dans l’hypothèse où un créancier
s’opposerait aux propositions à lui faites par le chef d’entreprise, en cherchant à faire échouer
l’adoption du projet concordataire. Il ne s’agirait pas par-là d’un manquement à une condition
de fond de la formation d’un contrat à savoir le consentement, mais d’un refus de participer à
une convention. La suite de son analyse confirme cette hypothèse : « {en écartant ce
créancier} on éviterait ainsi tout le désastre que l’on peut imaginer, si le concordat devrait être
593
Art. 12, AUPC.
594
S. K. EVELAMENOU, Le concordat préventif en droit OHADA, thèse de doctorat, Université Paris-Est et
Université de Lomé, 2012, p. 168.
595
Com. 15 févr. 2000, n° 97-19.793, Bull. civ. IV, n°29, p. 23 ; com. 4 avr. 1995, Bull. civ. IV, n°95, p. 101.
128
rejeté pour satisfaire aux revendications d’un créancier dont la non-participation à l’accord
n’aurait, en fin de compte, que peu d’influence sur la situation du débiteur » ; ce qui relance,
par ailleurs, l’opportunité de la règle de l’unanimité dans la procédure de conciliation qui peut
servir à apprêter un projet concordataire, comme cela a déjà été vu 596.
289. Cependant, si, par hypothèse, tous les créanciers rejettent le concordat soit pour cause de
consentement vicié, soit pour d’autres raisons d’ordre légal, le juge est tenu de refuser
l’homologation de ce concordat597 ; car il faudrait considérer, dans ce cas, que l’intérêt général
n’est pas protégé.
290. En résumé, il peut être retenu de la condition relative à la régularité du consentement des parties
pour l’homologation du concordat préventif, qu’il appartiendra au chef d’entreprise, qui aura
choisi de restructurer ses dettes dans le cadre du procédé de passerelle, de traduire fidèlement
les engagements pris par ses créanciers, au moment de transmettre son projet concordataire à
la juridiction compétente. Ce projet droit respecter l’intérêt des créanciers.
596
V. supra, n°108 et s.
597
Il en a été ainsi dans plusieurs décisions jurisprudentielles : Lomé, 20 avr. 2009, n°066/09, réf. Ohadata J-10 –
156 ; TGI, Wagadougou, 3 nov. 2004, n°286, réf. Ohadata J-05-253.
598
Art. 12, AUPC.
599
E. A. MOHO FOPA, Réflexions critiques sur le système de prévention des difficultés des entreprises OHADA,
DEA, Université de Dschang, 2007, p. 52.
600
Art. 132, AUPC.
129
compétente s’appuiera pour refuser l’homologation d’une proposition de concordat au motif
d’intérêt collectif ?
292. A titre comparatif, le législateur français a été clair sur la question, dans les conditions
d’homologation de l’accord de conciliation. Selon le code de commerce, l’accord de
conciliation ne doit être homologué que lorsqu’il ne porte pas atteinte notamment aux intérêts
des créanciers non signataires601. Dans l’ancien règlement amiable du droit français, l’accord,
conclu avec tous les créanciers, était obligatoirement homologué et déposé au greffe 602. Si, au
contraire, l’accord n’était conclu qu’avec certains créanciers, il était simplement constaté par le
tribunal. L’homologation n’intervenait que si tous les créanciers avaient adhéré au projet de
restructuration du chef d’entreprise ; mais son effet avait pu être qualifié d’imprécis par certains
auteurs 603 ; car la question se posait notamment de savoir si le juge pouvait s’opposer à
l’homologation de l’accord sur un fondement tiré de l’intérêt de l’entreprise 604 ? Il importe de
préciser que l’article L.611-8 du code de commerce a supprimé cette distinction.
293. Le droit américain de la faillite est tout aussi explicite sur la question de la protection de l’intérêt
des créanciers non parties à l’accord 605. Si ce n’est un motif tiré de l’ordre public, tel que prescrit
dans l’Acte uniforme des procédures collectives, il apparaît difficile de concevoir un refus
d’homologation pour cause de non-respect de l’intérêt collectif lié à la sauvegarde de
l’entreprise en droit OHADA. Dès lors, il peut être supposé que le législateur OHADA, à
l’instar de ses homologues français et américain, veut désigner, par « intérêt collectif », la
protection des intérêts des créanciers réfractaires au projet de restructuration du chef
d’entreprise, à tout le moins, jusqu’à ce qu’une jurisprudence claire n’apporte une
interprétation. Ce qui permettra de résoudre cette insécurité juridique et d’ainsi favoriser un
concordat préventif équitable.
601
Art. L.611-8, II, 3°, c. com.
602
E. KERCKHOVE, « Prévention et règlement amiable des difficultés des entreprises », Rev. proc. coll. 1995, p.
451.
603
M. JEANTIN, P, Le CANNU, Droit commercial, Entreprise en difficulté, 7e éd., Dalloz, 2006, n°120.
604
Y. MULLER, Le contrat judiciaire en droit privé, thèse de doctorat, Université de Paris I, 1995, p. 43 ; L. AMIEL-
COSME, « La fonction de l’homologation judiciaire », justices, janv. Mars 1997, p. 135 à 143.
605
V. supra, n°145 et s.
130
non signataires, ainsi que l’application maladroite des textes communautaires par les juges
peuvent faire redouter un concordat inéquitable. Pourtant, l’équité du concordat préventif est
une notion légale. Elle est affirmée à l’article 15 de l’Acte uniforme des procédures collectives
qui dispose que « la juridiction compétente homologue le concordat préventif si : les conditions
de validité du concordat préventif sont réunies ; aucun motif tiré de l’intérêt collectif ou de
l’ordre public ne paraît de nature à empêcher le concordat ; les délais consentis ne dépassent
pas (03) trois ans pour l’ensemble des créanciers et (01) un an pour les créanciers de salaires
». De la lecture de cette disposition, il résulte que l’équité du concordat préventif a un caractère
obligatoire et repose sur l’égalité des créanciers (A), même si cette égalité connaît des
tempéraments légaux (B).
296. En ce XXIe siècle, l’égalité des créanciers n’a plus la même valeur absolue que sous l’empire
de l’ancien droit de la faillite français. Cependant, elle garde toujours l’idée centrale. Celle qu’il
y ait un traitement équitable entre les créanciers notamment dans le plan. L’équité du plan
commande que les intérêts des uns et des autres soient protégés et que les sacrifices consentis
606
Com. Req. 13 juill. 1910, journ. faill. p. 385.
607
Com. 19 avr. 1985, Bull. civ. IV, n°120.
608
V. supra, n°10 et s.
609
Com. 19 janv. 1956, n°27.
131
ne soient pas disproportionnés selon qu’on est majoritaire ou minoritaire. Ce contrôle incombe
au tribunal qui est chargé de l’arrêter. C’est pourquoi le code de commerce enjoint au tribunal
de n’arrêter un plan que lorsqu’il est sûr que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment
protégés 610. Dans le même sens, la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du
XXIe siècle611 rajoute la mesure de l’impartialité : « le président du tribunal, s’il a connu du
débiteur en application du titre 1er du présent livre, ne peut être désigné juge commissaire ».612
En d’autres termes, le juge qui a connu d’un débiteur, dans le cadre d’une procédure amiable,
ne peut participer à la procédure judiciaire subséquente à cette phase amiable. Il étend,
dorénavant, l’interdiction faite au juge commissaire - de siéger sous peine de nullité du
jugement dans les formations de jugement et de participer au délibéré de la procédure dans
laquelle il a été désigné -, au juge commissaire suppléant, au président du tribunal qui a connu
du débiteur dans le cadre des mesures de prévention, et au juge commis chargé de recueillir des
renseignements sur la situation de l’entreprise613.
610
Art. L.626-31, C. com.
611
L. n°2016-1547 du 18 déc. 2016 de modernisation de la justice du XXIe, JORF n°0269 du 19 déc. 2016, texte
n°1.
612
Art. L. 621-4, c. com., tel que modifié par L. n°2016-1547 du 18 déc. 2016 de modernisation de la justice du
XXIe, JORF n°0269 du 19 déc. 2016, texte n°1.
613
Art. L.662-7, c. com., tel que modifié par L. n°2016-1547 du 18 déc. 2016 de modernisation de la justice du
XXIe, JORF n°0269 du 19 déc. 2016, texte n°1.
614
Relatif au contrôle de la protection de l’intérêt collectif par le juge en homologuant le concordat préventif.
615
A. KANTE, « Réflexions sur le principe de l’égalité entre les créanciers dans le droit des procédures collectives
d’apurement du passif (O.H.A.D.A) », EDJA, janv. févr. mars, 2002, n°52, p.50 ; Rev. seneg., du dr. des aff., janv.
juin 2003, p. 67.
616
Intitulée « Actes inopposables à la masse des créanciers », art. 68 et s.
132
force est de constater que le droit moderne des entreprises en difficulté oppose plusieurs limites
à l’égalité des créanciers.
299. En premier lieu, le redressement et la sauvegarde de l’entreprise étant ses objectifs, cette loi a
relégué le paiement des créanciers au second plan, et a privé ces derniers du pouvoir d’influence
qu’ils avaient au travers du vote du concordat. L’institution de la masse des créanciers fut en
même temps supprimée. Autrement dit, cette loi ne concevait pas la procédure collective
comme un régime général d’exécution ayant pour objectif premier la réalisation des biens du
débiteur et la distribution du prix 618.
300. En second lieu, à cause de l’avènement de la panoplie des moyens à la disposition des créanciers
pour rompre l’égalité entre eux, telles la clause de réserve de propriété et la prolifération des
sûretés légales et contractuelles, l’égalité des créanciers ne peut plus être vue comme un
principe sacralisé. C’est pourquoi certains auteurs n’ont pas hésité, depuis cette loi, à qualifier
le principe d’égalité des créanciers de mythe 619 ou d’expédient620.
301. Sur le plan européen, le principe d’égalité des créanciers cède face à des objectifs tirés d’intérêt
général poursuivis par la communauté, dès lors que la subsistance des droits en cause n’est pas
atteinte621.
302. Par ailleurs, le principe d’égalité des créanciers ne peut concerner les procédures de règlement
amiable qui reposent sur une base contractuelle, comme cela a été précisé par la Cour de
cassation française622. En d’autres termes, il n’existe pas de discipline collective dans ces
617
L. n°85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, JORF du 26
janv. 1985, p. 1097.
618
A. JACQUEMONT et Alii, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LexisNexis, 2017, n°21 et s. spéc. 22.
619
J. L. COUDERT, « Dans les procédures collectives l’égalité des créanciers est-elle une réalité ou un mythe ? »,
petites affiches, 26 août 1992, n°103.
620
M. CABRILLAC, « Les ambiguïtés de l’égalité des créanciers », in Melanges Breton-Dérrida, D.1991, p. 31.
621
CJCE, arrêt Nold, aff. n° 4-73, 14 mai 1974, Receuil. jur. de la cour , 1974, n° I.
622
Com., 16 juin 1998, n°96-15 525 96-16 345, Bull. civ. IV, n°193.
133
procédures, de sorte que chaque créancier peut valablement exécuter son débiteur lorsque les
conditions légales en sont réunies.
303. Enfin, l’ordonnance du 12 mars 2014623 a renforcé les différences de traitement dans le plan en
droit français 624. Il en est de même en droit OHADA où l’Acte uniforme des procédures
collectives dispose que « le projet de concordat de redressement judiciaire peut établir un
traitement différencié entre les créanciers si les différences de situation le justifient ».625 Il faut
déduire de cette disposition qu’un plan équitable peut contenir des traitements inégalitaires
entre les créanciers fondés non pas sur la force de la majorité qui dicte sa loi à la minorité, mais
suivant la nature des droits et sûretés des créanciers ; ces traitements ne peuvent ainsi être
regardés comme une iniquité à l’encontre des minoritaires qui n’auront pas voté en faveur de
ce plan626.
304. En fin de compte, les conditions d’adoption du concordat préventif en droit OHADA ne
s’opposent pas, excepté les conséquences que peut avoir l’absence de vote du projet
concordataire, à l’adoption du procédé de plan pré-négocié. Une analyse de l’expérience
française en la matière peut appuyer cette affirmation.
623
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
624
v. infra, n°496 et s.
625
Art. 27, al. 3.
626
X. de ROUX, rapp. commission des lois, AN, n° 2095, p. 322.
627
V. supra, n°183 et s.
628
V. supra, n°179 et s.
134
Paragraphe I. Des enseignements encourageants
306. A l’issue de ce qu’on pourrait qualifier de période d’essai, le moment était venu de faire le bilan
et de tirer les leçons des premières sauvegardes accélérées organisées par les praticiens. Sur le
plan du formalisme, il s’est avéré que le droit français pouvait accueillir, non sans astuce, une
procédure judiciaire à plan pré-arrangé (I). En termes de résultat, l’efficacité a séduit plusieurs
acteurs (II).
629
V. supra, n°145 et s.
630
Art. L.612-3, c. com.
631
Art. 12, al. 6, AUPC.
135
d’observation dure six mois au minimum 632, et la préparation du plan n’est réellement
contractualisée que lorsque des comités de créanciers ont été mis en place 633. En ce cas, il est à
remarquer que les délais d’examen du ou des projets de plan par ces comités 634 et de
convocation pour le vote des obligataires 635 posaient un problème quant à la rapidité voulue
pour une procédure prepack comme cela a déjà été dit plus haut636.
310. Afin de pouvoir inscrire la procédure expérimentale dans la logique de prepack, les praticiens
ont innové : les procédures amiables de mandat ad hoc et de conciliation, qui sont des
procédures entièrement contractuelles, ont été utilisées pour élaborer un plan de restructuration
avec l’approbation d’une large majorité des principaux créanciers. En faisant ce travail en
amont, ils ont ainsi réduit la durée de la période d’observation de la procédure judiciaire
subséquente (sauvegarde), dont l’ouverture n’a servi qu’à formaliser, d’une part, l’adhésion de
la majorité des créanciers par le vote et, d’autre part, l’adoption par le tribunal. En tout, la
première expérience n’a duré que deux mois. A partir de là, il a été réalisé qu’il suffirait que le
législateur réaménage les délais procéduraux pour donner corps à une nouvelle forme de
restructuration financière en droit français, laquelle serait alors non seulement une sauvegarde
accélérée, mais aussi efficace. La pratique OHADA sera-t-elle tentée d’envisager le recours au
prepack avant une éventuelle reconnaissance législative ? Quoiqu’il en soit, la possibilité
juridique d’une telle hypothèse, de même que son utilité pratique ne peuvent être contestées ;
et cela pourrait mieux éclairer le législateur OHADA qui prend le temps de la réflexion.
632
Art. L. 621-3, c. com.
633
Art. L. 626-29 et L. 626-30, c com.
634
A partir de la transmission du ou des projets de plan aux comités, ceux-ci se prononcent sur ce ou ces projets
de plan dans un délai de 20 à 30 jours (L.626-30-2, c. com.). Ce délai peut être augmenté ou réduit jusqu'à 15 jours
par le juge commissaire sur demande du débiteur ou de l’administrateur.
635
Le délai devant s’écouler entre l’avis de convocation et le vote de l’assemblée des obligataires est de 15 jours
(R.626-61, c. com.).
636
V. supra, n°285 et s.
136
A. Des procédures souples
312. Dans les affaires ayant mis à contribution le système américain de prepack lors de la période
d’essai, le résultat a été plutôt à la hauteur des espérances 637. La lourdeur traditionnelle de la
procédure judiciaire a été infléchie, et les écueils corolaires limités.
313. Les deux sauvegardes financières accélérées qui ont eu lieu avant que le législateur ne les insère
dans le droit des entreprises en difficulté furent particulièrement rapides. Deux mois ont suffi
pour l’adoption des plans. Comparativement au délai normal de six mois, ces procédures ont
permis de faire l’économie de quatre mois. Une économie précieuse eu égard aux dépenses
qu’elles auraient pu occasionner, sans compter la dégradation de l’actif et le ternissement de
l’image de l’entreprise.
314. Face aux effets dévastateurs de la crise financières de 2008 sur les entreprises, la souplesse
appliquée, dans les procédures expérimentales, a permis la restructuration des entreprises
montées notamment dans le cadre des LBO, lesquelles n’avaient besoin que d’une
restructuration financière. Toutefois, ces restructurations n’auraient pu être possibles sans le
caractère coercitif de ces procédures expérimentales comme toute procédure judiciaire.
316. Cet objectif a pu être atteint. Les plans, dans les procédures collectives françaises, sont adoptés
par le vote des créanciers détenant les trois quarts des créances 640 ; ils affectent tous les
créanciers y compris ceux qui ne l’ont pas voté641. Les enseignements qui en sont issus ont
précipité le déclic législatif en droit français.
637
V. R. COUTIER et N. LAURENT, « Analyse de l’opération Autodistribution : premier « prepack » à la française.
– Rôle prépondérant des magistrats consulaires », cah. dr. entr., sept. 2009, n°5.
638
Cette loi a adopté la première sauvegarde passerelle.
639
Pour en savoir davantage, v. supra, n°108 et s.
640
Art. L.626-30-2, c. com.
641
Art. L.626-31, c. com.
137
Paragraphe II. Le déclic législatif
317. Les praticiens ayant réussi leur pari, les yeux étaient désormais tournés vers le législateur pour
l’encadrement de la sauvegarde accélérée qui a pu servir de passerelle entre la conciliation et
la sauvegarde. Dans ce paragraphe, il ne sera procédé qu’à une brève présentation des
passerelles qui ont été adoptées en droit français 642 : la première a été adoptée en 2010 (I), puis
une deuxième en 2014 (II).
319. La sauvegarde financière accélérée est une procédure judiciaire à mi-chemin entre la
conciliation et la sauvegarde classique. Elle a été introduite aux articles L.628-1 à L.628-7 du
chapitre VIII du livre VI du code de commerce. Elle est ouverte sur demande du débiteur après
examen du rapport du conciliateur sur le déroulement de la conciliation. En effet, elle doit
obligatoirement être précédée d’une procédure de conciliation en cours où un accord unanime
n’a pu être obtenu. Elle reste soumise aux règles régissant la sauvegarde de droit commun sous
réserve des dispositions qui lui sont spécifiques d’où son caractère dérogatoire 644. C’est une
procédure semi-collective pour la plupart des auteurs645du fait qu’elle n’affecte que les
créanciers exclusivement financiers. Difficile d’accès au départ à cause du seuil jugé élevé 646,
puis revu à la baisse647, elle dure un mois renouvelable une seule fois. Le fait qu’elle n’affecte
642
Pour leur régime juridique, v. infra, n°339 et s.
643
Loi n°2010-1249 du 22 Oct. 2010 de régulation bancaire et financière, JORF n°0247 du 23 oct. 2010, p. 18984.
644
Art. L. 628-9 et Art. L. 628-10, c. com.
645
V. infra, n°408 et s.
646
Art. L.626-29 et L.626-52, c. com.
647
Art. D.628-2-1, c. com.
138
que les créanciers financiers a conduit le législateur à instaurer une autre sauvegarde accélérée
de droit commun.
Conclusion du chapitre 1
321. Du chapitre qui précède il peut être retenu que le mécanisme du prepack, inspiré du chapitre 11
du code fédéral américain de la faillite, est applicable en droit positif OHADA. Le formalisme
allégé de l’Acte uniforme des procédures collectives, ainsi que l’absence de vote du projet
concordataire dans la procédure du règlement préventif peuvent expliquer cette possibilité. En
outre, l’analyse comparative de l’expérimentation française, réalisée au travers des affaires
Thomson et Autodistribution, permet de confirmer cette affirmation.
648
Art. L.628-1, c. com.
649
Art. L.628-8, c. com.
139
Chapitre 2. Le régime juridique des procédures passerelles adoptées en
droit français
322. La crise financière de 2008 650, et les dépôts de bilans qu’elle a provoqués ont sérieusement
touché le secteur bancaire en France. La réforme du secteur bancaire et financier par la loi du
22 octobre 2010651 fut une réaction à cette crise. Le législateur a redéfini, à travers cette réforme,
la philosophie des procédures amiables en permettant notamment la contractualisation de la
procédure de sauvegarde. Les affaires Autodistribution et Thomson précédemment vues 652 ont
apporté une réponse pratique à la question de savoir comment restructurer l’endettement d’une
entreprise sans affecter son activité ? Le législateur n’avait pas le choix, tant la crise des LBO
avait causé beaucoup de détresse au sein des holdings653.
323. Les affaires précédemment citées ont établi une passerelle entre la procédure de conciliation et
celle de la sauvegarde classique : permettre au débiteur d’obtenir, au travers d’un vote
majoritaire, l’adoption de son plan, qui n’a pu être possible dans la procédure de conciliation,
faute d’unanimité.
324. Par la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010 précédemment citée, le
législateur a institué la première passerelle654 entre la conciliation et la sauvegarde à savoir la
sauvegarde financière accélérée.
650
V. supra, n°197 et s.
651
V. note n°644.
652
V. supra, n°183 et n°179.
653
V. supra, n°204.
654
R. DAMANN et G. PODEUR, « Sauvegarde financière express : vers une consécration législative du prepack à
la française » ? D. 2010, point de vue, p. 2005 ; Th. MONTERAN, « Rapide aperçu de la sauvegarde financière
accélérée », Gaz. Pal. sept.- oct. 2010, p. 13268 ; A. LIENHARD, « Nouvelle réforme de la sauvegarde en vue », D.
2010, p. 1864 - « Sauvegarde financière accélérée, le projet devient réalité », D. 2010, Actu. 2224, obs. A.
LIENHARD ; Ph. ROUSSEL GALLE, « Premières vues sur la sauvegarde financière accélérée … », JCP E 2010, act.
591 ; G. TEBOUL, « Un nouveau coup de balancier : le projet de sauvegarde financière express », Gaz. Pal. 15-16
sept. 2010, p. 2650.
141
325. Première procédure semblable au prepackaged plan américain655 en droit français, la
sauvegarde financière accélérée n’a pas connu le succès escompté 656. Il a ainsi été souhaité de
l’étendre aux PME657, en assouplissant notamment ses conditions d’accès 658qui étaient
sélectives. Par l’ordonnance du 12 mars 2014659, le législateur a adopté la seconde passerelle,
en l’occurrence la procédure de sauvegarde accélérée660. Cette dernière concerne presque toutes
les créances à la différence de la sauvegarde financière accélérée exclusivement réservée aux
dettes financières. Bien qu’étant des branches de la sauvegarde classique, les deux sauvegardes
accélérées conservent tout de même quelques particularités liées notamment à la souplesse des
formalités procédurales.
326. Sur le plan européen, ces procédures de sauvegarde accélérées sont efficaces vis à vis du
règlement européen du 20 mai 2015661 relatif aux procédures d’insolvabilité ; leur admission à
l’annexe A, sous l’empire de ce texte, ne fait aucun doute contrairement au texte de 2000 662.
327. Pour l’analyse du régime juridique de ces passerelles entre la conciliation et la sauvegarde, il
sera procédé par étude croisée, de manière à ressortir les points de convergence et de
divergence. La sauvegarde financière accélérée et la sauvegarde accélérée obéissent à des
conditions d’ouverture largement dérogatoires au droit commun de la sauvegarde (Section 1) ;
leur déroulement est accéléré (Section 2).
655
A. BESSE et N. MORELLI, « Les dispositions de la loi de régulation bancaire et financière intéressant le droit
des procédures collectives : point de vue de praticiens », RLDA, déc. 2010, n°55, p. 23 - « Loi de régulation
bancaire et financière : mesures en matière de sauvegarde ou de redressement », BRDA 21/10, p. 22 ; J. KUNTZ et
V. NURIT, « De la conciliation à la sauvegarde financière accélérée : la combinaison est-elle efficace ? », BJE,
nov. 2012, n°193, p. 389 ; X.-F. LUCAS, « Caractère collectif et sauvegarde financière accélérée », Rev. proc.
coll. janv. 2012, dossier. n°12 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, « La procédure de sauvegarde financière accélérée »,
Rev. proc. coll. juill. 2011, colloque n°2, p. 31.
656
Y. LELIEVRE, « Sauvegarde financière accélérée, seules six procédures ouvertes à ce jour », options, droit &
affaire, mars 2014, p. 16.
657
Petites et Moyens Entreprise
658
C. SAINT-ALARY-HOUIN, « La généralisation de la SFA ? », Rev. proc. coll. janv- févr. 2014, art. 11, p. 105.
659
V. supra, n°18.
660
A. LIENHARD, Procédures collectives 2017-2018, 7e éd., Delmas, p. 333.
661
Règl. n°2015-848 du 20 mai 2015, JOUE du 5 juin 2015, n°L141,5.
662
Règl. n°1346/2000 du 29 mai 2009, JOCE 31 juin 2000, n°L/160/1.
142
Section 1. Des conditions d’ouverture dérogatoires au droit commun de la
sauvegarde
328. « Le débiteur qui peut demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée est le
même que celui qui peut demander l’ouverture d’une sauvegarde ».663 Pour bénéficier de la
sauvegarde classique dont elles sont des dérivés, l’ouverture des procédures passerelles
nécessite de satisfaire à des conditions substantielles (Paragraphe I) et à remplir des formalités
procédurales (Paragraphe II)
663
M. RAKOTOVAHINY, Fiches de procédures collectives, éd., Ellipses, 2016, p. 63.
664
Par conditions substantielles, il faut entendre conditions de fond.
665
Art. L.620-1, c. com.
666
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 631.
667
A. LIENHARD, Code des procédures collectives : Annoté et commenté, 16e éd., Dalloz, 2018, comm., art. L.628-
1, c. com, p. 462.
668
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives, 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 469.
143
des entreprises669. Il n’y a pas d’accès direct à la sauvegarde financière accélérée et à la
sauvegarde accélérée670. L’obligation de passer par la conciliation traduit la nécessité qu’un
plan soit complètement négocié en amont, en vue de permettre la célérité de la procédure
judiciaire subséquente. Il s’agit de donner plus de chance de réussite à des procédures
exceptionnelles au formalisme très minimaliste.
332. Il est à rappeler qu’avant l’ordonnance du 12 mars 2014671, la règle avait déjà été posée par la
672,
réforme de 2010 à l’occasion de l’adoption de la sauvegarde financière accélérée. Il était
alors exigé que la conciliation soit « en cours ». Le texte de 2014, même s’il n’a pas utilisé
l’expression « en cours » pour la sauvegarde accélérée de droit commun, l’a cependant
suffisamment fait savoir en disposant que le chef d’entreprise doit « être engagé dans une
procédure de conciliation ». Ce qui signifie que cette dernière ne doit être terminée au moment
de la saisine du tribunal. L’interprétation de la condition d’« être engagé dans une procédure
de conciliation » fait l’objet de divergence ; mais un arrêt de la Cour de cassation673 a apporté
une précision partielle, celle relative au cas d’un groupe de sociétés.
333. En l’espèce, le 15 juillet 2013, une procédure de conciliation a été ouverte en faveur de la
société Braco et de sa filiale, la société Cobrason. Monsieur X a été désigné conciliateur pour
une durée de quatre mois, prorogé d’un mois. Le 2 septembre 2013, la société mère (Braco) a
été mise en sauvegarde. Le 9 décembre 2013, un accord de conciliation, avec une demande
d’homologation, a été signé par l’ensemble des établissements de crédit créanciers de la filiale
(Cobrason), à l’exception d’une banque (le crédit agricole). Le 12 décembre 2013, Cobrason a
demandé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée, et a présenté l’accord
de conciliation comme projet de plan. La banque a alors formé une tierce opposition contre
cette demande à laquelle le jugement du 16 décembre 2013 avait fait droit. La cour d’appel de
Paris a rejeté la tierce opposition formée par la banque par un arrêt du 25 septembre 2014. La
banque s’est alors pourvue en cassation, sur le moyen que pour bénéficier de l’ouverture d’une
procédure de sauvegarde financière accélérée, il faut qu’il y ait une procédure de conciliation
en cours ; or qu’en l’espèce, la société filiale ne remplissait plus cette condition au moment
669
A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd., Delmas, 2016, p. 336.
670
id.
671
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
672
L. n°2010-1249 du 22 oct. 2010 de régulation bancaire et financière, JORF n°0247 du 23 oct. 2010, p. 18984,
texte n°1.
673
Com. 12 juill. 2016, n°14-27.983, Ecli : FR : CCASS : 2016 : CO00672.
144
qu’elle a sollicité le bénéficie de cette procédure, puisque la procédure de conciliation, ouverte
en faveur d’elle et de la société mère, avait pris fin par l’ouverture de la sauvegarde en faveur
de la société mère.
334. La Cour de cassation a, dans cet arrêt du 12 juillet 2016, approuvé les juges du fond, en retenant
qu’à la suite de l’ouverture de la sauvegarde de la société Braco, la procédure de conciliation
s’était poursuivie pour aboutir, sous l’égide du conciliateur, à un accord signé le 9 décembre
2013, et qu’en conséquence, la société Cobrason était légalement - c’est -à-dire que la procédure
de conciliation était en cours - engagée dans une procédure de sauvegarde financière accélérée.
335. Le chef d’entreprise voire les praticiens doivent prêter attention à l’effet couperet du délai
d’expiration de cette conciliation 674. Elle ne dure que quatre mois prorogeables sans que la
durée totale ne puisse dépasser cinq mois 675. Au-delà, le tribunal met un terme de plein droit à
la procédure sous réserve, toutefois, d’une demande d’homologation déposée avant terme, et
ce sans que le chef d’entreprise ne puisse prétendre à une nouvelle conciliation avant
l’expiration d’un délai de trois mois 676. Ce qui pourrait porter un coup d’arrêt aux négociations
entreprises. En dépit de ce risque, « la condition d’être engagé dans une procédure de
conciliation interdit tout accès direct à la sauvegarde accélérée, quels que soient la situation
du débiteur et l’état et la qualité de ses relations avec ses créanciers »677 ; « Un simple mandat
ad hoc ne suffit pas, ni a fortiori une simple démarche contractuelle en dehors d’un cadre
judiciaire ».678
336. Cependant, pourquoi le mandat ad hoc n’aurait pas pu convenir ? D’autant qu’il n’a pas été
recouru à la conciliation dans les deux affaires (Autodistribution et Thomson 679) ayant mis à
contribution la technique de prepack avant sa reconnaissance législative. Au contraire, c’est au
travers de simples négociations directes avec les créanciers, et du mandat hoc, que l’on est
parvenu à la procédure judiciaire où les plans ont été adoptés. Pourtant le mandat ad hoc
présente plus de souplesse que la conciliation. De plus l’article L.628-2 du code de commerce,
en disposant que le tribunal peut obtenir communication des pièces et actes relatifs à la
674
A. LIENHARD, Code des procédures collectives : Annoté et commenté, 16e éd., Dalloz, 2018, comm., art. L.628-
1, c. com, p. 462.
675
Art. L.611-6, c. com.
676
ibid.
677
A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd. Delmas, 2016, p. 336.
678
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd. LGDJ, 2016, p. 631.
679
V. supra, n°183 ; n°179.
145
conciliation et, le cas échéant, au mandat ad hoc, nonobstant les dispositions de l’article L.611-
15 imposant à toute personne qui y a participé le respect des règles de confidentialité, renforce
cette thèse. Le législateur l’a jugé insuffisant, ce qui a été regretté par certains auteurs 680.
Toutefois, rien n’empêche le débiteur de commencer ses négociations dans le cadre d’un
mandat ad hoc, pour terminer dans celui d’une conciliation, au moment où il saisit le tribunal,
la cessation des paiements ne constituant plus une barrière automatique 681.
680
A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd. Delmas, 2016, p. 336.
681
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd. LGDJ, 2016, p. 631.
682
Art. L.628-1, al. 3, c. com.
683
Art. L.620-1, c. com.
684
P. ROSSI, « Avant-propos », « Prévention et procédures collectives : nouvelle réforme ! », BJE, mai 2014, p.
170.
685
Celle de ne pas être en cessation des paiements au moment de la demande d’ouverture.
146
commerce686, eussent été obtenus durant la conciliation car c’est à la date d’ouverture de la
procédure que le débiteur devait être in bonis687.
338. C’est dans un souci d’assouplissement, favorisé par l’avènement de la sauvegarde accélérée
voulue moins sélective que la sauvegarde financière accélérée (dans son organisation
première)688, que l’ordonnance du 12 mars, citée plus haut, a levé la condition de l’inexistence
de la cessation des paiements pour toutes les deux procédures accélérées. En décidant ainsi, le
législateur semble avoir privilégié la logique de la conciliation par rapport à celle de la
sauvegarde classique, en permettant l’ouverture des sauvegardes accélérées en présence d’un
état de cessation des paiements ; ce choix éloigne les sauvegardes accélérées de la sauvegarde
classique689. Comme le souligne un auteur, une sauvegarde accélérée reste rattachée aux règles
de la sauvegarde ordinaire, mais elle est détachée de sa philosophie 690. Ce qui instaure un
brouillage patent des critères selon un autre auteur 691.
339. La mesure de la tolérance d’un état de cessation des paiements au moment d’ouvrir une
procédure passerelle a été regrettée. Ainsi pour un auteur, « il n’est pas certain que cette
solution soit de bonne politique législative. En effet, c’est accréditer l’idée que l’on a plus
besoin d’anticiper pour l’ouverture d’une sauvegarde, puisque l’on peut être en cessation des
paiements. C’est aussi donner à un débiteur un moyen détourné d’accéder à une procédure qui
lui était fermée. En effet, la sauvegarde de droit commun n’est pas accessible à un débiteur en
cessation des paiements. Il suffira qu’il se place sous conciliation alors qu’il est en état de
cessation des paiements pour se retrouver en sauvegarde. Le législateur, en quelque sorte, offre
au débiteur le moyen d’une fraude ».692
686
Selon ce texte, le débiteur qui établit des réserves de crédit ou des moratoires dont il bénéficie de la part de ses
créanciers lui permettant de faire face au passif exigible avec son actif disponible, n’est pas en cessation des
paiements.
687
A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd. Delmas, 2016, p. 339.
688
A. LIENHARD, Code des procédures collectives : Annoté et commenté, 16e éd., Dalloz, 2018, comm., art. L.628-
1, c. com, p. 462.
689
P. ROSSI, « Réforme de la prévention et des procédures collectives : Acte I », Rev. proc. coll. 2014/6, comm.
86.
690
F. REILLE, « La sauvegarde accélérée issue de l’ordonnance du 12 mars 2014 », Gaz. pal. 6 avr. 2014, n°96, p.
13.
691
C. SAINT-ALARY-HOUIN, « De la procédure de sauvegarde financière accélérée à la procédure de sauvegarde
accélérée : de la SFA à la PSA », Rev. proc. coll. 2014, doss. 17, n°10.
692
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 470.
147
340. En tout état de cause, s’il est établi ultérieurement, en cours de l’une des procédures passerelles,
que l’état de cessation des paiements était ultérieur - c’est-à-dire au-delà des quarante-cinq jours
-, le ministère public pourra saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la procédure693. Une
conciliation, assortie d’une possibilité de cessation des paiements de moins de quarante-cinq
jours, doit permettre au chef d’entreprise, aidé par le conciliateur, d’apprêter un projet de plan
sérieux.
343. L’exigence d’un plan déjà apprêté suppose, en pratique, de prouver que les créanciers ayant
pris part à la procédure de conciliation, et qui feront partie des comités de créanciers, ont accédé,
à hauteur des deux tiers des montants des créances, aux propositions du chef d’entreprise, ce
693
Art. L.628-5, c. com.
694
V. supra, n°280 et s.
695
Art. L.628-1, c. com.
696
A. LIENHARD, D. 2010, 1864, procédures 2011/2012, n°92.20, s.
697
A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd., Delmas, 2016, p. 337.
148
qui n’est pas suffisant dans la procédure de conciliation où l’unanimité est la règle, mais
permettra dans le cadre de la passerelle l’adoption du plan 698. Pour un auteur, c’est une
particularité des sauvegardes accélérées, conçues pour n’être ouvertes qu’à coup sûr, pour être
toujours gagnantes ou presque699 ; mais il faudrait pour ce faire que le projet de plan bénéficie
d’un soutien large de la part des créanciers.
345. Le législateur n’ayant pas prévu de passerelle entre les sauvegardes accélérées et la sauvegarde
classique, le débiteur sera obligé, dans l’hypothèse d’un échec, soit de reprendre toute la
procédure, soit de demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde classique, ou de
redressement judiciaire avec tout ce que cela comporte comme aspects négatifs 705.
346. C’est pourquoi, il est indispensable que le débiteur ait le soutien plus ou moins ferme dans
chacun des deux comités et, s’il y a lieu, dans l’assemblée des obligataires ; si ces passerelles
sont qualifiées d’« épée de damoclès »706 sur la tête des créanciers minoritaires et opposants,
698
P.-M. Le CORRE, Droit et pratique des procédures collectives, 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 469.
699
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 189.
700
3 mois pour la sauvegarde accélérée.
701
1 mois prorogeable une fois pour la sauvegarde financière accélérée.
702
Par le vote majoritaire des créanciers.
703
A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd. Delmas, 2016, p. 337.
704
Art. L. 628-8, al. 2, c. com.
705
A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd., Delmas, 2016, p. 338.
706
Y. LELIEVRE, « Sauvegarde financière accélérée, seules six procédures ouvertes à ce jour », Option finances
Droit & affaires, 17 mars 2010, p. 16.
149
en ce sens qu’elles permettent un passage en force du plan par le vote 707, c’est à la condition
que la majorité vote le projet de plan.
347. Toutefois, dans l’hypothèse où certains créanciers, qui avaient donné leur accord dans le cadre
de la phase amiable, retiraient leur soutien au chef d’entreprise au cours de la procédure
judiciaire, rien ne semble empêcher la modification du projet de plan par le débiteur, dans le
but de bénéficier de ce soutien suffisant, même si cette méthode paraît risquée en ce que les
parties à l’accord retrouveraient en ce moment automatiquement leur liberté708. En outre,
l’entreprise qui souhaite recourir aux procédures passerelles adoptées en droit français doit
satisfaire à des conditions de seuils.
707
COURTIER et LAURENT, « Analyse de l’opération Autodistribution : premier prepack à la française », cah. dr.
entr. sept. oct. 2009, p. 30 ; BESSE et MORELLI, « Le prepackaged plan à la française », JCP E 2009, n°8 et 17, p.
1628.
708
R. DAMMAN et SCHNEIDER, « La sauvegarde financière accélérée - Analyses et perspectives d’avenir », D.
2011, chron. 1429 -14-33.
709
Il en est particulièrement ainsi, parce que ces procédures ne sont accessibles qu’aux débiteurs dont les comptes
sont certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable : P.-M. LE CORRE, Droit et
pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 469.
710
C’est-à-dire être engagé dans une procédure de conciliation en cours ; avoir élaboré un projet de plan largement
soutenu par les créanciers ; et ne pas être en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.
711
N. LEBLOND, « Pas de personnalité morale pour un fonds de titrisation : conséquences sur le recouvrement des
créances », L’essentiel-Droit des contrats, 5 févr. 2018, n°2, p. 2.
150
l’adoption de la sauvegarde financière accélérée en 2010, les holdings et les special purpose
vehicle (SPV) n’étaient pas éligibles.
350. Toutefois une entreprise peut appartenir à l’une de ces catégories sans qu’elle ne soit pour autant
éligible vis-à-vis des seuils. Ces critères relatifs aux seuils, dorénavant unifiés par l’ordonnance
du 12 mars 2014 citée plus haut pour toutes les deux passerelles, sont indiqués à l’article L.628-
1 qui dispose que les sauvegardes accélérées ne peuvent être ouvertes qu’à l’égard d’un
débiteur : « dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par
un expert-comptable et dont le nombre de salariés, le chiffre d’affaires, ou le total de bilan sont
supérieurs à l’un ou au moins aux deux seuils fixés par décret ; ou qui a établi des comptes
consolidés conformément à l’article L.233-16 {…} ». Le décret auquel il est fait référence est
celui du 30 juin 2014 712 pris pour l’application de l’ordonnance du 12 mars 2014. L’article 628-
3 de ce décret fixe les seuils concernés à vingt salariés, trois millions d’euros de chiffre
d’affaires hors taxe et à un million cinq cent mille euros pour le total du bilan. Ce total du bilan
et le chiffre d’affaires sont appréciés à la date de clôture du dernier exercice comptable ; et le
nombre de salariés à prendre en compte est celui employé par le chef d’entreprise à la date de
la demande d’ouverture de la procédure. Pour situer l’allègement opéré par le législateur, il faut
revenir aux conditions de seuils qui étaient en vigueur avant le décret précédemment cité pour
la sauvegarde financière accélérée.
712
Décret n°2014-736 du 30 juin 2014 pris pour l’application de l’ ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant
réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars
2014, p. 5249, texte n°3.
713
V. supra, n°18.
714
id.
715
Décret n°2012-1071 du 20 sept. 2012 pris pour l’application du 2° du I de l’art. 28 de L. n°2012-387 du 22
mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives, JORF n°0221 du
22 sept. 2012, p. 15008, texte n°1.
151
L.233-3 du code de commerce716, une société dont le nombre de salariés ou le chiffre d’affaires
étaient supérieurs respectivement à cent-cinquante et à vingt millions d’euros, ou dont le total
de bilan était supérieur à vingt-cinq millions d’euros717.
352. La sauvegarde financière accélérée était réservée aux entreprises de taille importante, et cela
avait posé un problème, celui de son ouverture à une holding et à une simple special purpose
vehicle (SPV) en difficulté718. Dans ces opérations, l’endettement financier, devant faire l’objet
d’une restructuration, est porté par une holding financière sous la forme d’un SPV qui
n’emploie aucun salarié. De plus, en l’absence de retour de dividendes, il est difficile que les
SPV arrivent à franchir le seuil de vingt millions d’euros. Or, lorsque les LBO tombent en
difficultés, ces dernières ne touchent que l’activité financée par ces LBO et non les activités de
la holding elle-même. C’est le fait que la difficulté ne se rattachait pas à l’activité de la holding
qu’il avait été décidé qu’elle ne puisse être éligible à la sauvegarde financière accélérée.
353. Afin de résoudre cette difficulté, la proposition de loi dite Warsmann719 avait prévu, avant la
réforme du 12 mars 2014, de compléter la rédaction de l’article L.628-1 du code de commerce
par la phrase suivante : « pour l’application du présent chapitre, est réputé remplir les
conditions de seuil mentionnées au premier alinéa de l’article L.626-29, le débiteur dont le
total de bilan est supérieur à un seuil fixé par décret en conseil d’ État » ; et ce seuil serait alors
calé dans la fourchette de dix à vingt millions d’euros. Ce qui aurait permis l’éligibilité des
holdings de moyenne et de grande taille à la sauvegarde financière accélérée. Cette proposition
avait été rejetée par le Conseil constitutionnel ; mais à la suite d’un arrêt720 de la chambre
commerciale de la Cour de cassation, rendu dans la célèbre affaire Cœur défense, les procédures
de sauvegarde classique et de sauvegarde financière accélérée ont été rendues accessibles aux
holdings. La Cour de cassation a décidé dans son attendu principal que : « si la procédure de
sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin, notamment, de
permettre la poursuite de l’activité économique, il ne résulte pas de ce texte que l’ouverture de
la procédure soit elle-même subordonnée à l’existence d’une difficulté affectant cette activité ».
716
« Lorsqu’elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits
de vote dans les assemblées générales de cette société ».
717
Anc. art. D. 628-2-1.
718
H. BOURBOULOUX, « Nouveaux contextes, nouveaux débiteurs », BJE, sept. 2012, n°161, p. 314.
719
Proposition de loi n°3706, enregistrée le 28 juill. 2011, relative à la simplification du droit et à l’allègement
des démarches administratives
720
Com. 8 mars 2011, n° 10-13988 /10-13989/10-13990, Bull. civ. IV, 2011, n°33.
152
Outre les conditions de fond précédemment vues, le débiteur devra également accomplir des
formalités procédurales pour l’ouverture d’une procédure passerelle. Ces formalités sont
alignées sur celles à accomplir dans le cadre d’une sauvegarde ordinaire.
I. La saisine du tribunal
355. Comme cela a été déjà évoqué, les formalités relatives à l’ouverture des procédures de
sauvegarde accélérée ont fait l’objet de renvoi aux dispositions du droit commun 727. Tel est le
cas pour la compétence territoriale (A) et la demande d’ouverture (B).
A. La compétence territoriale
356. Pour l’ouverture des procédures passerelles, le législateur n’a pas prévu de règles dérogatoires,
s’agissant de la compétence territoriale des tribunaux. Le tribunal compétent est celui où le
débiteur personne morale a son siège, ou le débiteur personne physique a déclaré l’adresse de
son entreprise ou de son activité 728. A défaut de siège en territoire français, le tribunal compétent
est celui dans le ressort duquel le débiteur a le centre de ses affaires en France. Le tribunal
721
V. supra, n°17.
722
V. supra, n°18.
723
C’est le sens du renvoi général au titre II du livre VI du code de commerce, relatif à la sauvegarde, effectué par
l’art. L.628-1.
724
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd. LGDJ, 2016, p. 632.
725
Art. L.628-2, c. com.
726
Art. L.628-4, c. com.
727
Art. L.628-1, c. com.
728
Art. R.600-1, c. com.
153
compétent est celui du commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale 729,
et le tribunal de grande instance dans les autres cas 730.
729
Art. L.621-2, c. com.
730
id.
731
« La décision prise en application de l’article L.662-2 par laquelle une juridiction a été désignée pour connaitre
d’une procédure de conciliation emporte prorogation de compétence territoriale pour la même juridiction pour
connaitre de la procédure de sauvegarde accélérée qui lui fait suite ».
732
A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd., Delmas, 2016, p. 340.
733
« Lorsque les intérêts en présence justifient, la cour d’appel peut décider de renvoyer l’affaire devant une
juridiction de même nature, compétente dans le ressort de la cour, pour connaître du mandat ad hoc, de la
procédure de conciliation ou des procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, dans
des conditions fixées par décret. La cour de cassation, saisie dans les mêmes conditions, peut renvoyer l’affaire
devant une juridiction du ressort d’une autre cour d’appel ».
734
« Lorsque les intérêts en présence justifient le renvoi de l’une des procédures prévues par le livre VI de la
partie législative du présent code devant une autre juridiction {…}, ce renvoi peut être décidé d’office par le
président du tribunal saisi, qui transmet sans délai le dossier par ordonnance motivée au premier président de la
cour d’appel {…} » ; « Lorsque la demande n’est pas formée conjointement par les procureurs près les tribunaux
de grande instance concernés, celui qui n’en est pas l’auteur fait connaître ses observations au greffe de la cour
d’appel ou de la cour de cassation au plus tard dans les quarante-huit heures de la transmission qui lui en est
faite sans délai par le ministère public demandeur » ; « Le premier président de la cour d’appel ou de la cour de
cassation désigne dans les dix jours de la réception du dossier, après avis du ministère public, la juridiction qui
sera saisie de l’affaire ».
735
Par L. n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF
n°0181 du 7 août 2015, p. 13537, texte n°1.
154
358. Enfin, il a été rappelé par une cour d’appel736 que la demande d’un avocat de renvoyer le litige
l’opposant à l’Urssaf, dans le cadre d’une procédure collective, devant une juridiction hors du
ressort de la cour d’appel près laquelle il était précédemment avoué, était fondée au regard du
code de procédure civile737. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 5 de la loi du 31
décembre 1971738 que les avocats « exercent exclusivement devant le tribunal de grande
instance dans le ressort duquel est établie leur résidence professionnelle et devant la cour
d’appel dont ce tribunal dépend les activités antérieurement dévolues au ministère obligatoire
des avoués près des tribunaux de grande instance et les cours d’appel », de sorte que la notion
de ressort dans lequel l’auxiliaire de justice exerce ses fonctions, dans le sens de l’article 47 du
code de procédure civile cité plus haut, doit être étendu au ressort de la cour d’appel. Si les
procédures collectives doivent respecter les règles de procédure d’ordre public des articles
R.600-1cité précédemment et R.662-1739 du code de commerce, il est de jurisprudence 740 non
démentie à ce jour que ces règles ne dérogent pas aux dispositions de l’article 47 du code de
procédure civile précédemment cité. La demande d’ouverture des procédures passerelles obéit
également aux règles de droit commun.
736
Com. janv. 2012, n°10-25.693, Bull. civ. IV, 2012, n°15.
737
Art. 47, c. proc. civ : « Lorsqu’un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la
compétence d’une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir
une juridiction située dans un ressort limitrophe » ; « Le défendeur ou toutes les parties en cause d’appel peuvent
demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions {…} ».
738
L. n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, JORF du
5 janv. 1972, p. 131.
739
« Les règles du code de procédure civile dans les matières régies par le livre VI de la partie législative du
présent code {dont les procédures de sauvegarde accélérée} ».
740
Com. 28 oct. 2008, n°07-20801 Fs-P+B, Bull. civ. IV, n°177.
741
Art. L.628-1, c. com.
155
s’il répond aux conditions de l’article L.628-1, demander l’ouverture d’une procédure de
sauvegarde financière accélérée ». L’accent mis ici sur « l’endettement » montre qu’il est
nécessaire que ce dernier soit essentiellement financier de façon que l’adoption du plan ne
concerne que les seuls créanciers financiers et, s’il y a lieu, les obligataires. Telle est une
différence fondamentale entre la sauvegarde financière accélérée et la sauvegarde accélérée.
Pour le reste, ce sont les mêmes règles qui s’appliquent.
361. La demande d’ouverture est accompagnée de plusieurs pièces devant prouver la satisfaction des
conditions légales de sa recevabilité par le tribunal 746. Ces pièces sont d’ordre administratif :
l’extrait d’immatriculation ou le numéro unique d’identification, la copie de décision
d’autorisation, d’enregistrement ou de déclaration lorsque le débiteur exploite une ou des
installations classées au sens du 1er du livre V du code de l’environnement, la désignation de
l’ordre professionnel ou de l’autorité dont relève le débiteur s’il exerce une activité libérale
soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, le nom, l’adresse des
représentants du comité d’entreprise ou des délégués du personnel s’ils sont déjà désignés ;
comptable : les comptes annuels du dernier exercice, la situation de la trésorerie, un compte de
résultat prévisionnel, le nombre de salariés employés et le chiffre d’affaires, l’état chiffré des
créances et des dettes, l’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors
bilan, et personnel : l’inventaire des biens du débiteur, ses biens affectés à l’activité en difficulté
s’il y a lieu, l’attestation sur l’honneur de l’absence de mandat ad hoc ou de conciliation dans
742
Art. R.628-11, c. com.
743
Art. R.621-1, c. com.
744
Art. L.622-6-1, c. com.
745
Art. L.621-4, al. 6, c. com.
746
Art. R.621-1, c. com.
156
les dix-huit mois ayant précédé la demande ou la date de désignation du mandataire ad hoc ou
de l’ouverture de la conciliation. Cette énumération des pièces n’est pas exhaustive.
362. Outre ces pièces, l’article R.628-2 indique que la demande d’ouverture doit démontrer que le
projet de plan remplit les conditions mentionnées au deuxième alinéa de l’article L.628-1747.
La preuve du soutien des créanciers est apportée par tout moyen au plus tard au moment où le
juge statue748. Le débiteur peut aussi demander qu’il ne soit pas procédé à l’inventaire 749 s’il
n’est pas en cessation des paiements 750. Si l’une des pièces manque au moment du dépôt de la
demande, il doit en être fait mention par rapport aux motifs. Dans le jugement d’ouverture de
la procédure, le tribunal fixe la date de l’audience d’ouverture.
363. L’audience d’ouverture permet l’examen de la requête en ouverture du débiteur. Elle est régie
par les règles de droit commun. C’était le sens du renvoi à l’article L.621-1 dans l’article L.628-
2 du code de commerce751 ; celui-ci n’étant pas indispensable, l’ordonnance du 12 mars 2014 752
ne l’a pas repris. Le tribunal statue sur l’ouverture de la procédure après avoir entendu ou
dûment appelé en chambre de conseil, le débiteur et les représentants du comité d’entreprise
ou, à défaut, des délégués du personnel. Lorsque le débiteur pratique une activité libérale
soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, le tribunal doit
entendre ou dûment appeler avant de statuer, l’ordre professionnel ou l’autorité compétente
dont il relève.
364. Pour le débiteur qui a eu une procédure de mandat ad hoc ou de conciliation dans les dix-huit
mois précédant sa demande, l’ouverture de la procédure est examinée en présence du ministère
public753. Le tribunal peut obtenir communication des pièces et actes relatifs à la conciliation
et, le cas échéant, au mandat ad hoc nonobstant les règles de l’article L.611-15 relatives à la
confidentialité de ces procédures 754. Quant à la présence du ministère public, elle se justifie par
747
« La procédure de sauvegarde accélérée est ouverte à la demande d’un débiteur engagé dans une procédure
de conciliation qui justifie avoir élaboré un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise. Ce projet
doit être susceptible de recueillir, de la part des créanciers à l’égard de qui l’ouverture de la procédure produira
effet, un soutien suffisamment large pour rendre vraisemblable son adoption dans le délai prévu à l’article L.628-
8 ou, le cas échéant, à l’article L.628-10 ».
748
A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd. Delmas, 2016, p. 340.
749
Art. L.622-6, c. com.
750
Art. L.628-3, al. 2, c. com.
751
Version antérieure à l’ordonnance n°2014-326 du 12 mars.
752
V. supra, n°18.
753
Art. L.628-2, al. 2, c. com.
754
Art. L.628-2, al. 2, c. com.
157
le contrôle du respect de l’ordre public et de la moralité de la procédure 755. C’est pourquoi, il
peut saisir le tribunal aux fins de clôture de la procédure s’il s’avère que le débiteur était
postérieurement en cessation des paiements 756. Le rapport du conciliateur est l’élément crucial
qui guide la décision du tribunal.
755
« Une fois encore, le parquet est le gardien de l’ordre public et de la moralité de la procédure » : C. SAINT-
ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd. LGDJ, 2016, p. 632.
756
Conformément à l’art. L.628-5, c. com.
757
Art. L.628-2, c. com.
758
« Ce rapport est un élément de première importance » : P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures
collectives, 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 471.
759
A. LIENHARD, Code des procédures collectives : commenté, 12e éd., Dalloz, 2014, p. 312.
760
Art. R.628-4, c. com.
158
368. Toutefois, selon certains auteurs, cette transmission porterait atteinte à la confidentialité requise
dans la procédure de conciliation, surtout en cas d’échec de la sauvegarde accélérée761. La
preuve du soutien de la majorité des créanciers au projet de plan est apportée par tous moyens.
Or, le débiteur ne peut avoir de moyen plus efficace que le rapport du conciliateur qui aura
participé aux négociations et à l’élaboration du plan. D’autant que ce rapport contient l’accord
des créanciers.
369. Lorsque le rapport du conciliateur s’avère suffisant pour rassurer le tribunal, ce dernier doit
décider de l’ouverture de la procédure. Le tribunal peut, si nécessaire, obtenir communication
des pièces et actes relatifs à la conciliation et, le cas échéant, au mandat ad hoc ayant précédé
la demande d’ouverture762. Une telle décision favorable suppose que l’équité du plan ait été
respectée comme vu précédemment763, car la loi enjoint au tribunal de s’assurer que les intérêts
de tous les créanciers soient protégés, notamment, ceux des créanciers n’ayant pas voté en
faveur du plan. La décision d’ouverture d’une procédure passerelle est susceptible de recours.
761
G. TEBOUL, « Un nouveau coup de balancier : le projet de sauvegarde financière expresse », Gaz. pal. 15-17
sept. 2010. p. 8, spéc. p. 10.
762
Art. L.628-2, c. com.
763
V. supra, n°312.
764
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
765
Com. 30 juin 2009, n°08-11.902, Bull. civ. IV, n°88.
159
Le texte final de l’ordonnance n’a pas retenu cette disposition qui « ne semblait pas
s’imposer ».766
371. La décision du juge ayant ouvert l’une des procédures de sauvegarde accélérée peut être
attaquée si une partie considère qu’elle en a l’intérêt et la qualité. Le code de commerce dispose
à propos que « les décisions statuant sur l’ouverture des procédures de sauvegarde, de
redressement judiciaire et liquidation judiciaire sont susceptibles d’appel de la part du
débiteur, du créancier poursuivant ainsi que du ministère public ».767 Le délai d’appel est de
dix jours à compter de la notification du jugement. L’appel n’est pas suspensif car dans les
procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires, les jugements et
ordonnances sont exécutoires de plein droit à titre provisoire768. La décision statuant sur
l’ouverture de ces procédures est aussi susceptible de tierce opposition, et la décision statuant
sur cette tierce opposition est susceptible d’appel et de pourvoi en cassation 769. Par ailleurs,
dans sa décision d’ouverture de la procédure, le tribunal doit ordonner la constitution des
comités de créanciers, si le débiteur ne remplit pas les conditions de droit commun y afférentes.
766
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives, 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 472.
767
Art. L.661-1.
768
Art. R.661-1, c. com.
769
Art. L.661-2, c. com.
770
Art. L.628-3, c. com.
160
judiciaire ou mandataire judiciaire selon qu’il est inscrit sur la liste prévue à l’article L.811-2
(liste des administrateurs judiciaires) ou à l’article L.812-2 (liste des mandataires judiciaires)
du code de commerce, en fonction de la profession qu’il exerce. Telle est la règle ; et en
pratique, le conciliateur est toujours nommé comme administrateur 771, si les conditions légales
y afférentes sont satisfaites772.
374. Toutefois, le tribunal peut désigner une personne comme administrateur judiciaire ou
mandataire judiciaire autre que le conciliateur. Cette exception joue a priori lorsque le
conciliateur n’est pas inscrit sur la liste des administrateurs judiciaires. En ce cas la personne
désignée devra773 être une personne physique justifiant d’une expérience particulière ou d’une
qualification particulière. Par ailleurs, en sauvegarde accélérée, le délai maximal, au-delà
duquel le juge commissaire ne peut désigner un contrôleur, est fixé à quinze jours au lieu de
vingt jours dans la sauvegarde classique774, et à huit jours pour la sauvegarde financière
accélérée775 selon le code de commerce776. En outre, dans les procédures passerelles, la mise en
place des comités de créanciers est obligatoire.
771
Art. A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd. Delmas, 2016, p. 342.
772
Avant la réforme opérée par l’ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés
des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3, la règle ne visait
que la désignation du conciliateur comme administrateur.
773
Art. L.811-2, al. 2, L.812-2, al. 2, c. com.
774
Art. R.621-24, C. com.
775
Art. R.628-15, C. com.
776
Art. R.628-6.
777
J. VALLANSAN, Guide des procédures collectives, éd., LexisNexis, 2018, n°79, p. 33.
778
C’est l’article L.628-4 du code de commerce qui pose le principe.
161
376. L’adoption des comités de créanciers en droit français a été inspirée à la fois par le droit
américain779 et par « des orientations préconisées par la commission des nations unies pour le
droit commercial international (CNUDCI) ».780 Formalisés par la loi du 26 juillet 2005781, les
comités de créanciers ont été perçus tantôt comme « un nouveau mode d’adoption des plans
qui favorise une beaucoup plus grande implication des créanciers dans le processus de
réorganisation »782, tantôt comme « des moteurs possibles de l’adoption négociée du plan de
sauvegarde ou de redressement ».783
377. La mise en place des comités dans une procédure collective peut être obligatoire ou facultative.
Elle sera obligatoire toutes les fois que deux conditions se trouvent réunies selon le code de
commerce784 : une condition liée à la situation comptable : les comptes du débiteur doivent être
certifiés par un commissaire au compte ou établis par un expert-comptable ; et une condition
liée au seuil : là une dérogation peut trouver matière à s’appliquer ; mais le nombre de salariés
doit être supérieur à cent-cinquante et le chiffre d’affaires supérieur ou égal à vingt millions
d’euros785.
378. Les règles régissant la constitution et le fonctionnement des comités de créanciers ont subi des
modifications, notamment par l’ordonnance du 18 décembre 2008 et son décret d’application
du 12 février 2009786. Ces réformes ont notamment écarté ce qu’un auteur a qualifié de « carcan
des délais ».787 Les délais ordinaires de consultation et de vote ont été abrégés dans les
sauvegardes accélérées, ce qui était nécessaire pour la rapidité de ces dernières788.
779
M. TANGER, La faillite en droit fédéral des États unis, éd., Economica, 2002, spéc. p. 95 s. et 382 s. En droit
américain de la faillite, on les appelle creditors committee.
780
J. L. VALLENS, « Le guide législatif de la CNUDCI sur le droit de l’insolvabilité : vers l’harmonisation du droit
de la faillite ? D. 2004, p. 2420 ; RLDA, sept. 2005, n°11, p. 13.
781
Art. L.620-1, al. 2, c. com. : « la procédure de sauvegarde donne lieu à un plan arrêté par jugement à l’issue
d’une période d’observation et, le cas échéant, à la constitution de deux comités de créanciers, conformément aux
dispositions des articles L.626-29 et L.626-30 ».
782
J. DEHARVENG, Bull. Actual. Lamy, comm., n°182, nov. 2005, p. 5.
783
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 395.
784
Art. L.626-29, c. com.
785
Art. R.626-52, c. com.
786
Décret n°2009-160 du 12 févr. 2009, pris pour l’application de l’ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant
réforme du droit des entreprises en difficulté et modifiant les procédures de saisie immobilière et de distribution
du prix d’un immeuble, JORF n°0037 du 13 févr. 2009, p. 2596, texte n°13.
787
J. FRAIMOUT, RPC 2009-1, n°24, p. 84.
788
V. infra, n° 470 et s. ; supra, n°288 et s.
162
379. Les comités de créanciers sont formés par l’administrateur 789. S’il y a lieu, l’assemblée des
obligataires peut être formée. Selon l’alinéa premier de l’article L. 626-30, « la composition
des comités est déterminée au vu des créances nées antérieurement au jugement
d’ouverture ».790 Tout créancier ne peut appartenir aux comités. Il en est ainsi des créanciers
publics lorsqu’ils ont la qualité de fournisseurs (bailleur par exemple)791, des salariés dans la
mesure où il est impensable de leur demander une diminution de leurs salaires 792. De même, les
créanciers bénéficiaires d’une fiducie-sûreté ont été exclus, mais uniquement au titre de leurs
créances garanties par cette fiducie-sûreté793, ce qui signifie qu’ils peuvent être membres d’un
comité ou de l’assemblée des obligataires au titre d’autres créances 794. Il existe deux principaux
comités dont le comité des établissements de crédit et celui des fournisseurs. L’assemblée
unique des obligataires n’a pas été considérée comme un comité.
380. Pour la composition du comité des établissements de crédit et assimilés dans les passerelles de
sauvegarde accélérée, le troisième alinéa de l’article L.628-1 du code de commerce renvoie à
l’article L. 626-30. Il est l’unique comité requis dans la sauvegarde financière accélérée en plus,
s’il y a lieu, de l’assemblée unique des obligataires. Alors que dans la sauvegarde accélérée, les
deux comités ainsi que, s’il y a lieu, l’assemblée des obligataires peuvent être constitués.
381. La composition des comités se fait à l’ouverture de la procédure, au vu des créances nées
antérieurement au jugement d’ouverture795 . Les créances postérieures non privilégiées ne
seraient pas concernées 796, même si la loi leur applique, par ailleurs, le régime des créances
antérieures 797 ; cette affirmation contraste avec une autre affirmation selon laquelle les titulaires
de créances postérieures privilégiées ou non n’auraient plus le droit de voter 798. Les créanciers
789
Art. L.626-30, c. com.
790
V. P. LE CORRE, RPC 2011-4, n°25 s, art.3, p. 36.
791
Art. L.626-30, C. com. (a contrario, ils peuvent l’être s’ils ont accordé du crédit au débiteur).
792
M. GUILLAUME, in rapp. CLEMENT, n°2094, AN, 11 févr. 2005.
793
Art. 2011, 2388-1 et 2472-1 s., c. civ.
794
Art. L.626-30, al.4 et L.626-32, al. 3, c. com.
795
Art. 626-30, al. 1er, c. com., E. SCHOLASTIQUE et G. BREMOND, « Réflexion sur la composition des comités de
créanciers dans les procedures de sauvegarde et de redressement judiciaires », JCP E 2006, 1405, n°32, p. 469.
796
E. SCHOLASTIQUE et G. BREMOND, « Réflexion sur la composition des comités de créanciers dans les
procedures de sauvegarde et de redressement judiciaires », JCP E 2006, 1405, n°56, p. 472. L’opinion contraire a
pu être soutenue : P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives, éd., Dalloz action, 2006, p. 1241.
797
R. DAMMAN et G. PODEUR, « L’efficacité de la sauvegarde dépasse-t-elle les frontières de la France ? », BJE,
1er mars 2011, p. 6 ; R. DAMMAN et G. PODEUR, « Les enjeux de la réforme des comités de créanciers », JCP E
2009, n°11, p. 2093.
798
P.-M. LE CORRE, cité par A. JACQUEMONT et Alii, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LexisNexis, 2017,
n°713, 423.
163
postérieurs devraient-ils être consultés individuellement ? La réforme, opérée par l’ordonnance
du 18 décembre 2008, est sans équivoque à ce propos, puisqu’elle ne vise que les créances nées
antérieurement au jugement d’ouverture 799. La jurisprudence ne semble pas avoir tranché sur
la question.
382. Peuvent être considérées comme créances donnant droit à participer au comité des
établissements de crédit, toutes celles d’un établissement de crédit résultant d’une opération
financière800 ou d’échange de types swap801 ou d’une prestation de service 802. Les
établissements de crédit sont des membres de droit de ce comité, ce qui est conforme à la
pratique bancaire. Les textes issus de la loi du 26 juillet 2005803 se sont avérés limités dans
l’énumération des créanciers pouvant potentiellement faire partie du comité des établissements
de crédit, car l’ancien article R. 626-55 n’incluait pas de nombreux intervenants financiers, tels
que les fonds d’investissement 804. Depuis le décret n°2009-160 du 12 février. 2009,
précédemment cité, l’ajout de la mention : « et toute autre entité auprès de laquelle le débiteur
a conclu une opération de crédit » à l’article R.626-55 du code de commerce élargit désormais
la sélection. Pour rappel, le code monétaire et financier définie l’opération de crédit comme une
opération de mise à disposition de fonds à titre onéreux805. Comme le fait remarquer un auteur,
« il est ainsi fait référence à l’opération, et non plus au seul statut de l’opérateur {…} ».806
Ainsi, les avances financières des actionnaires, les autres créances intra-groupes au titre d’une
centralisation trésorière à l’exception des avances fournisseurs, les avances faites par des
structures ad hoc comme les SPV dans le cadre des montages LBO, font partie du comité des
établissements de crédit807. De même, les titulaires d’une créance acquise auprès d’un
établissement de crédit ou de fournisseur de biens et de services en sont aussi membres de
droit808.
799
Art. 65, Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295
du 19 déc. 2008, p. 19462, texte.
800
Comme les prêts, avances…
801
Le SWAP est un terme anglo-saxon utilisé dans les finances. Il est « un échange d’actifs ou de flux financiers
entre deux parties » : définition en ligne : www.droit-finances.commentcamarche.com.
802
Telle que le loyer d’un coffre-fort, la prestation de conseil.
803
Loi n°2008-776 du 04 août 2008 de modernisation de l’économie, JORF n°0181 du 5 août 2008, p. 12471,
texte n°1.
804
Rapp. DE ROUX, AN, n°3651, 32 janv. 2007 : « nécessité faisant loi {…} les juges sont passés outre ».
805
Art. L. 313-1, c. mon. fin.
806
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p.399.
807
R. DAMMANN et G. PODEUR, « Les enjeux de la réforme des comités de créanciers », JCP E2009, n°47, p. 2094.
808
Renvoi à l’art. L.626-30 al. 2, c. com.
164
383. Cependant, selon les textes, l’acquisition de créances antérieures à l’ouverture de la procédure
sur le débiteur ne suffit pas ; leur transmission doit l’être aussi809. Toutefois, l’acquisition de la
qualité de membre du comité des établissements de crédit doit être rendue opposable à la
procédure par une information ou plus précisément par une notification par lettre recommandée
avec avis de réception810 à l’administrateur811. Cela permet que les propositions du débiteur
soient transmises au nouveau titulaire, lequel doit être admis à voter 812. L’intéressé aura tout
intérêt à faire en sorte que la transmission soit rendue opposable huit jours voire neuf jours par
prudence avant la date du vote, car l’administrateur établie la liste des votants et les droits de
vote huit jours avant le vote813.
384. Selon les textes 814, sont membres de droit du comité des fournisseurs, les fournisseurs dont les
créances représentent plus de trois pourcents du total des créances fournisseurs toutes taxes
comprises (TTC), existant à l’ouverture de la procédure et connues a priori grâce à la liste des
créanciers établie par le débiteur. Peuvent aussi intégrer ce comité, tous les fournisseurs que
l’administrateur juge nécessaire de convier et qui accepteront son invitation 815. Les créanciers
de ce comité sont des créanciers originaires en ce que la créance n’a jamais circulé, et c’est ce
qui expliquerait le principe selon lequel tout acquéreur d’une créance de fournisseur devient
membre du comité des établissements de crédit. Il convient de rappeler que ce comité peut être
absent, réduit, ou d’un poids insignifiant en termes de créances ; il comptera autant que le
comité des établissements de crédit lors du vote du plan.
385. L’assemblée des obligataires est composée des créanciers titulaires d’obligations émises en
France ou à l’étranger 816. Les créanciers obligataires n’appartiennent à aucun des deux comités
précédemment vus. Cela a été déplorée817. L’assemblée des obligataires statue selon les mêmes
règles que les comités, et son vote a la même considération que ceux des comités de sorte qu’on
809
Art. L.626-30-1, c. com.
810
LRAR.
811
Art. R.626-57-1 c. com.
812
Art. L.626-30-1, al.3, c. com.
813
Art. R.626-28, c. com.
814
Art. L.626-30, al. 3 et R.626-56, c. com.
815
Art. R.626-57, c. com.
816
Art. L.626-32, c. com.
817
A cause notamment du pouvoir de blocage disproportionné qui peut leur être conféré : R. DAMMAN et G.
PODEUR, « Sauvegarde financière express : vers une consécration législative du « prepack » à la française », D.
2010, p. 2005.
165
pourrait la présenter comme un troisième comité 818. L’assemblée des obligataires n’est
consultée que lorsque les comités ont déjà voté819. Ce qui peut poser un problème dans les
procédures passerelles. Celui de la gestion du temps ; pourtant l’assemblée générale des
obligataires peut se tenir avant le vote des comités820, sans qu’il ne soit nécessaire de respecter
à la lettre les dispositions légales, ce pour tenir la célérité requise dans ces procédures pré-
arrangées. Il pourrait être dit que l’assemblée des obligataires se trouve en retrait des comités
de créanciers ; que son vote n’a pas d’influence notable sur le contenu du projet de plan.
D’ailleurs les membres de cette assemblée ne sont pas permis de proposer un plan de
restructuration821.
386. Le rôle des obligataires est de délibérer sur le projet de plan en assemblée unique et générale,
peu importe qu’il y ait eu plusieurs émissions d’emprunts différents, et donc un nombre
important de masses d’obligataires 822. La délibération peut porter sur les délais de paiement, un
abandon total ou partiel de créances obligataires, une conversion en titre donnant ou pouvant
donner accès au capital lorsque le débiteur est une société par actions où les actionnaires ne
supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports823. A cet égard, il importe de préciser
que la loi valide la solution appliquée avec beaucoup de courage, et sans texte à l’époque, par
le tribunal de commerce de Paris dans l’affaire Eurotunnel où des emprunts étaient émis à
l’étranger824. La constitution des comités de créanciers et, le cas échéant, de l’assemblée des
obligataires permet, par le vote, d’accélérer le déroulement de la procédure passerelle ouverte.
818
En faisant une comparaison entre les art. L. 626-32, al. 3, L. 228-65 et L.626-30-2, al. 4, c. com. : il apparaît
que le plan est adopté à la majorité des 2/3 du montant des créances détenues par les créanciers (obligataires ou
des comités) ayant exprimé leur vote.
819
Art. L. 626-32, al. 1er.
820
V. infra, n°470 et s., supra, 288 et s.
821
Art. L.626-32, al. 1er, c. com.
822
J.-D. DAUDIER de CASSINI et A.-S NOURY, « Obligataires et procédures collectives », BJ Sociétés, déc. 2009,
p. 1123.
823
Art. 626-32, al. 2, c. com.
824
Com. 30 juin 2009, n°08-11.922 ; B. Rolland, JCP E 2009, n°42 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, RTD com. 2008.
854.
166
qui fait dire à un auteur que ces procédures passerelles sont rattachées aux règles de la
sauvegarde classique - sous réserves des dérogations -, mais qu’elles se détachent de sa
philosophie825. Cette opinion peut se justifier non seulement par la conception des procédures
passerelles – à savoir leur préparation à l’avance, contrairement à la sauvegarde classique -,
mais aussi par l’objectif principal recherché dans ces procédures – à savoir l’arrêté rapide d’un
plan -. Il a, en effet, été compris que « les turbulences que déclenche l’ouverture d’une
procédure collective826 ne peuvent guère être évitées dans une procédure ordinaire, qui va
durer six mois ou davantage827 et affecter tous les partenaires du débiteur, durant la procédure
et au-delà en cas de succès, selon les termes du plan ».828 Comme l’indique leur appellation, le
mot d’ordre dans les procédures accélérées est la rapidité, qui se traduit notamment par la
simplification de la production des créances (Paragraphe I), et par la réduction de la durée des
périodes d’observation (Paragraphe II).
825
F. REILLE, « La sauvegarde accélérée issue de l’ordonnance du 12 mars 2014 », Gaz. pal. 6 avr. 2014, n°96, p.
13.
826
Dégradation du crédit et de l’image de l’entreprise par exemple.
827
Les sauvegardes ayant abouti à l’adoption d’un plan en 2013, auraient duré entre 12 et 13 mois en moyenne :
étude Deloitte Altares, mars 2014.
828
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 461.
829
A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd., Delmas, 2016, p. 343.
830
V. infra.
831
V. supra, n°17.
832
Tel que modifié par l’ ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des
entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
833
A. LIENHARD, Procédures collectives 2013/2014, 5e éd., Delmas, 2013, p. 329.
167
389. Dans la procédure de sauvegarde financière accélérée, seules les créances financières sont
prises en compte. Cette mesure n’était pas de nature à favoriser le redressement d’un grand
nombre d’entreprises dont le passif comprenait des créances de fournisseurs. L ’adoption de la
procédure de sauvegarde accélérée est intervenue en réponse à cette nécessité. Dorénavant, les
procédures passerelles couvrent quasiment toutes les créances (I), dont les formalités de
déclaration ont été allégées (II).
392. La sauvegarde financière accélérée concerne toutes les créances résultant d’une opération de
crédit. Le terme crédit « viendrait du latin credere faire confiance. Il peut se traduire par une
remise d’argent, mais aussi par l’octroi de simples délais de paiement. En fait il existe une très
grande variété de crédits {…}. Cette souplesse tient au fait que le crédit est bien sûr un contrat.
Les juristes parlent de « contrat de prêt ». Les économistes de « contrat de dette ».834 Les
opérations de crédit sont nombreuses ; il y en aurait deux-cent quarante types835. Dans le cadre
de cette étude, l’opération de crédit est celle effectuée par un établissement de crédit. Précisons
qu’une opération de crédit fait partie d’une opération de banque836 dont l’exercice habituel est
réservé aux établissements de crédit 837.
834
R. ROUTIER, Obligations et responsabilités du banquier 2018/2019, 4e éd., Dalloz action, 2017, p. 187.
835
J.-L. RIVES-LANGE, M. CONTAMINE-R AYNAUD, Droit bancaire, 6e éd., Dalloz, 1995, n°377.
836
Art. L.311-1, c. mon. fin., Th. BONNEAU, Droit bancaire, 12e éd., LGDJ, 2017, p. 54.
837
Art. L.511-5, c. mon. fin.
168
393. Cette procédure passerelle permet à un chef d’entreprise de négocier ses dettes financières, afin
de se soustraire des « dommages collatéraux ».838 d’une procédure collective. A l’image des
rayons lasers, « elle concentre ses rayons là où ils sont nécessaires, afin de traiter le seul passif
financier du débiteur »839, d’où le choix législatif de ne la réserver qu’aux seuls créanciers
membres des établissements de crédit et, le cas échéant, aux créanciers membres de l’assemblée
des obligataires.
394. L’exclusion des autres créanciers, notamment les fournisseurs, a provoqué une vive divergence
d’opinions sur la nature de la sauvegarde financière accélérée au sein de la doctrine. Trois
principaux courants peuvent être relevés : le courant qui pense que c’est une procédure semi
collective, celui qui, au contraire, soutient son caractère entièrement collectif et, enfin, celui qui
n’y voit ni une procédure de sauvegarde, ni une procédure collective.
395. Selon le courant doctrinal qui soutient la thèse d’une procédure semi-collective, dans la
sauvegarde financière accélérée, le plan n’affecte qu’une catégorie de créanciers, celle des
créanciers financiers.
396. En ce sens, un auteur soutient que « la discipline collective ne s’impose qu’à l’égard des
certains créanciers - ceux pour lesquels le plan de sauvegarde aura un impact -, qui sont seuls
consultés pour l’adoption du plan et sont seuls soumis à l’obligation de déclarer leurs créances
au passif. Les obligataires sont également soumis aux contraintes de la procédure collective.
Les autres créanciers {…} notamment les fournisseurs, mais également les créanciers publics
échappent à l’arrêt des poursuites individuelles et à l’interdiction des paiements ».840
Autrement dit, selon le même auteur, la procédure de sauvegarde financière accélérée serait
« accélérée par la durée, et financière par la portée des contraintes imposées à une variété
particulière de créanciers ».841 Se basant sur les mêmes arguments qui tiennent aux effets,
d’autres auteurs en concluent tantôt à une procédure « partiellement collective »842, tantôt à
838
B. BOURBOULOUX, COUTURIER, « La consécration de la sauvegarde financière accélérée de l’entreprise », BJE
mars 2011, n°23, p. 48.
839
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 461.
840
P.-M. LE CORRE, L’avènement prochain d’une procédure semi-collective », Gaz. pal. 16 oct. 2010, n°289, p.
3.
841
P.-M. LE CORRE, L’avènement prochain d’une procédure semi-collective », Gaz. pal. 16 oct. 2010, n°289, p.
3.
842
Ph. PETEL, « Entreprise en difficulté : encore une réforme ! », JCP E 2014, n°11, p. 1223.
169
celle « quasi collective »843, voire même à une procédure « hémiplégique » ».844 Même si les
termes qu’utilisent ces auteurs sont différents, l’idée mise en lumière reste la même : tous les
créanciers ne sont pas affectés, par conséquent la procédure financière accélérée n’est pas
entièrement collective.
397. Dans l’entendement du courant qui soutient que la sauvegarde financière accélérée est une
procédure collective, il peut être retenu qu’il ne faudrait pas relier le « caractère collectif » au
nombre et à la qualité des créanciers affectés, mais plutôt au caractère commun des règles qui
s’appliquent aux créanciers concernés, peu important que ces derniers soient financiers ou
fournisseurs.
398. Ainsi, selon un auteur, « en règle générale, la poignée de créanciers financiers correspondra
à l’essentiel du passif {…} la SFA ne se justifie même que dans cette hypothèse {…} la mise à
l’écart délibérée des autres créanciers est elle-même conçue comme au service de l’objectif de
sauvetage. Au-delà, si l’on se concentre sur ce domaine plus étroit des créanciers financiers,
leur soumission à la discipline collective est évidente : dans son domaine, à l’égard des seuls
créanciers qu’elle affecte - en pratique, donc, le gros du passif -, la SFA présente toutes les
caractéristiques d’une véritable procédure collective » ; « en revanche, si l’on considère
l’ensemble des créanciers, elle n’est que semi-collective, et ce trait, loin d’être une faiblesse,
lui confère en réalité autant de précision que d’efficacité ». 845 Face à la définition d’une
procédure collective, c’est-à-dire une procédure qui « implique tous les créanciers d’un
débiteur défaillant et les soumet à une même loi » 846, et qui semble donner raison au courant
soutenant le caractère « semi-collectif » de la sauvegarde financière accélérée, un autre auteur,
partisan de la thèse du « caractère entièrement collectif », répond que jusqu’en 1967, la faillite
laissait indemnes les titulaires de sûretés spéciales 847 ; autrement dit, tous les créanciers
n’étaient forcément pas affectés par la procédure collective.
399. Enfin, selon un dernier courant, la procédure de sauvegarde financière accélérée ne serait ni
une sauvegarde au vrai sens du terme, ni même une procédure collective en ce que, d’un côté,
843
F.-X. LUCAS, LEDEN 2010-2011, p. 1.
844
M. MENJUCQ, « Adoption de la « sauvegarde accélérée » : considération du « prepackaged plan » en droit
français », Rev. proc. coll. nov. 2016, n°06, repère 6.
845
F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 462.
846
J.-L. VALLENS, « La procédure de sauvegarde financière accélérée est-elle une procédure collective ? » RTD
com. 2011, p. 644.
847
F.-X. LUCAS, « Caractère collectif de la procédure et sauvegarde financière accélérée », RPC 2012-2013,
dossier 18, p. 93.
170
les conditions d’ouverture ainsi que les effets de cette procédure la rendraient incompatible
avec une procédure de sauvegarde et, de l’autre, ses effets limités aux seuls créanciers financiers
entraînent une absence du caractère collectif. Selon une opinion, dans ce sens, « la loi de 2010
est allée plus loin, en introduisant non pas une exception supplémentaire au caractère collectif,
mais en posant précisément le principe contraire : les effets de la procédure sont limités à
certains créanciers énumérés limitativement » ; cette dernière - parlant de la SFA -, « est un
point de passage obligé pour passer de l’unanimité impossible à la majorité qualifiée propre
au plan de sauvegarde », de sorte qu’elle « n’est pas une procédure collective, mais un
processus judiciaire d’homologation d’un projet d’accord de conciliation, qui se trouve ainsi
rendu opposable aux créanciers opposants ».848
400. Au regard des arguments avancés au sein des différents courants précédemment exposés, il
apparaît difficile de trancher. Cependant, un constat peut être fait, celui que la majorité des
auteurs pensent plutôt que la procédure de sauvegarde financière accélérée n’est pas une
procédure entièrement collective. Cependant la thèse d’un caractère entièrement collectif de la
sauvegarde financière accélérée semble logique. Il en est ainsi parce que l’expression
« procédure collective » renvoie plus explicitement à la soumission des créanciers concernés
par l’ouverture d’une procédure judiciaire donnée - peu importe que cette dernière soit
uniquement financière ou non - à un traitement commun, qu’à l’identité de ces créanciers.
Contrairement à la sauvegarde financière accélérée, la procédure de sauvegarde affecte tous les
créanciers.
848
J.-L. VALLENS, « La procédure de sauvegarde financière accélérée est-elle une procédure collective ? », RTD
com. 2011, p. 644.
171
sauvegarde financière accélérée ne concernent pas les créances salariales et celles alimentaires.
Ces dernières suivent un régime spécial.
402. Les créances salariales sont distinctes des autres créances de sorte que leur traitement est
spécifique849, et ne font pas l’objet de déclaration850. La vérification des créances salariales est
autonome de la vérification des créances ordinaires. Le représentant des créanciers établit, après
vérification, et dans un délai précisé 851, les relevés de créances résultant des contrats de travail.
Ces relevés sont ensuite soumis au représentant des salariés dans les conditions prévues à
l’article L.621-36 du code de commerce852. Ils sont visés par le juge commissaire, déposés au
greffe et publiés. L’ordonnance du 12 mars 2014 précitée a allégé la procédure de déclaration
des autres créances.
404. Les créances salariales, comme cela a déjà été évoqué855, qui suivent un procédé spécial, font
exception à l’obligation de déclaration. L’obligation de déclaration est prévue par l’article
L.628-7 du code de commerce qui concentre en lui l’essentiel des allègements. L’ordonnance
du 12 mars 2014 856 a, au vu des enseignements tirés des premières sauvegardes financières
accélérées, sensiblement amélioré le principe issu de la loi de régulation bancaire et financière
du 22 octobre 2010857. Ce principe était basé sur l’obligation de déclaration, mais elle était
849
Art. L.143-11-7, c. trv., art. 621-4, al. 2, c. com.
850
Art. L.622-24, c. com.
851
Prévus à l’article L.143-11-7, c. trav. : dix jours suivant l’expiration des périodes de garantie.
852
« Le relevé des créances résultant des contrats de travail est soumis pour vérification par le représentant des
créanciers au représentant des salariés {…}. Le représentant des créanciers doit lui communiquer tous les
documents et informations utiles ».
853
CIv. 1re 29 sept. 2004, n°02-16.754, Bull. civ. I, n°215 ; D. 2004, AJ 2717, et D. 2005, jur. 2159, note HENRY.
854
Art. L.622-17, I, c. com.
855
V. supra, n°419.
856
V. supra, n°18.
857
V. supra, n°17.
172
assortie d’un tempérament, celui lié à la présomption de déclaration858. Le principe actuel est
basé sur la constitution et le dépôt d’une liste, assorti d’une possibilité d’actualisation (A),
l’action en relevé de forclusion restant ouverte à tout intéressé (B).
406. Si le constat a été fait, lors des premières sauvegardes financières accélérées, que les courriers
adressés aux créanciers ne permettaient pas une bonne précision des intérêts dont le cours
n’était pas arrêté860, le texte actuel est on ne peut plus clair. Les deux premiers alinéas de
l’article L.622-25 garantissent aux créanciers l’information concernant ces intérêts.
L’information est relative à l’indication des sommes à échoir et de la date des échéances ainsi
que, le cas échéant, à la nature de la sûreté ou du privilège dont la créance est assortie. La liste
est certifiée par le commissaire aux comptes ou, à défaut, attestée par un expert-comptable861.
Elle est par la suite déposée au greffe par les soins du débiteur à charge pour le mandataire de
transmettre à chaque créancier figurant sur la liste l’extrait de la liste concernant sa créance. Le
dépôt de la liste des créances au greffe vaut déclaration au nom des créanciers si ceux-ci
n’adressent pas la déclaration de leurs créances.
407. Le dépôt de la liste des créances par le chef d’entreprise présume ainsi la déclaration de ces
dernières. Ce qui n’empêche nullement que les créanciers, inscrits sur la liste déposée tout
comme ceux qui ne sont pas inscrits sur cette liste, déclarent leurs créances. En ce cas, cette
déclaration primera celle présumée par la liste déposée.
858
A. LIENHARD, Code des procédures collectives, éd., 2014, comm. sous anc. art. L.628-5, c. com.
859
R. 628-8 et s., c. com.
860
P.-M. LE CORRE, « Créanciers non-initiés : attention à un piège involontaire de la SFA », BJE, 2013. p. 341.
861
Art. L.628-7, c. com.
173
408. Les modalités d’application de ce principe sont régies par l’article R.628-8 du code de
commerce. Il est ainsi prévu que le débiteur dépose au greffe deux exemplaires de la liste des
créances dans les dix jours du jugement d’ouverture. Le greffier en remet un exemplaire au
mandataire judiciaire. La liste comporte : les éléments indiqués aux deux premiers alinéas de
l’article L.622-5 et à la première phrase de l’article R.622-5 que sont les nom ou la
dénomination, siège ou domicile de chaque créancier, les sommes à échoir et les dates de leurs
échéances ainsi que, le cas échéant, la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est
éventuellement assortie, et lorsqu’il s’agit de créances en monnaie étrangère, la conversion en
euros se fait selon le cours du change à la date du jugement d’ouverture ; au 2° de l’article
R.622-23, en l’occurrence, les modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté.
En cas de différence entre cette liste et celle des créanciers remise par le débiteur au mandataire
judiciaire et à l’administrateur judiciaire, seules les informations portées sur la première sont
considérées selon le code de commerce.
409. Les bénéficiaires de toutes ces formalités sont les créanciers ayant participé à la procédure de
conciliation ou les créanciers ayant signé le protocole d’accord pré-négocié. Les créanciers
n’ayant pas signé seraient normalement concernés aussi. Les créanciers non bénéficiaires sont
les récalcitrants qui auront, tout de même, normalement communiqué leurs créances lors de la
conciliation, et ceux non appelés à la conciliation. Ces créanciers non appelés n’ont eu
connaissance de la procédure que par le biais de la publication du jugement d’ouverture. Quant
aux créanciers qui auront effectivement signé l’accord prepack, mais qui ont été omis sur la
liste établie par le débiteur, ils devront établir que la défaillance de non-déclaration n’est pas
due à leur fait, afin qu’ils puissent être relevés de leur forclusion862. Toutefois, ils ne pourront
concourir qu’à la distribution postérieure à leur demande.
410. Les créanciers devant déclarer leurs créances sont ceux n’ayant pas participé à la conciliation.
Dans un délai de quinze jours, à compter du jugement d’ouverture, le mandataire judiciaire leur
demande d’avoir à déclarer leurs créances 863. Ils doivent alors veiller à faire une déclaration
régulière sous peine de tomber dans la forclusion. D’autant que la Cour de cassation a indiqué
dans un de ses arrêts que « lorsque la créance n’a pas fait l’objet d’une déclaration régulière,
le représentant des créanciers n’a pas l’obligation d’aviser le créancier de cette
862
Art. L.622-26, c. com.
863
Art. L.622-21, al. 1, c. com.
174
irrégularité ».864 La présomption de déclaration de créance au non des créanciers n’empêche
pas ces derniers de mettre à jours l’état de leurs créances si nécessaire. Par cette mesure, le
législateur prévient tout éventuel contentieux sur le montant des créances produites au passif
de la procédure.
B. L’actualisation de la créance
411. Si le texte, antérieur à la réforme de 2014 865 et relatif à la sauvegarde financière accélérée,
réservait sans autre précision le cas de l’actualisation des déclarations de créances, le nouveau
texte est sans équivoque sur la question. Ce nouveau texte précise que l’actualisation des
créances, mentionnées sur la liste déposée par le chef d’entreprise, se fait dans le délai commun
de déclaration des créances 866, lequel est compatible avec la brève durée de la procédure. Telle
paraissait être déjà la règle implicite se dégageant de l’ancien article L.628-5 du code de
commerce, notamment dans l’hypothèse la plus probable d’une actualisation par augmentation
du montant. Cette actualisation apparaîtra, le cas échéant, nécessaire au créancier au vu de
l’extrait de la liste déposée concernant sa créance que le mandataire judiciaire lui aura transmis.
En d’autres termes, en cas de différence entre le montant indiqué sur cet extrait et le montant
définitif arrêté à l’ouverture de la procédure, le créancier doit prendre une décision selon que la
variation a opéré une augmentation ou une diminution.
412. Dans le cas d’une augmentation du montant, situation qui peut émaner de la naissance de
nouvelles créances lors de la conciliation - ce qui est possible dans la mesure où le passif n’est
pas gelé -, ou d’une mauvaise évaluation, la dispense de déclaration étant d’interprétation
stricte, le créancier sera obligé, pour que l’admission porte sur le montant réactualisé et sous
peine de forclusion pour la différence alors inopposable à la procédure, de déclarer sa créance
définitive dans les deux mois de la publication du jugement d’ouverture au BODACC 867. A
contrario, si le montant a diminué - situation qui peut résulter d’un paiement partiel au cours
de la conciliation ou d’une mauvaise évaluation -, le créancier devrait réduire son évaluation
jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission. Ce serait alors, une transposition d’une
jurisprudence bien connue868.
864
Com. 6 févr. 2001, n°98-11.112, Bull. civ. IV, n°31, p. 29.
865
V. supra, n°18.
866
Art. L. 628-7, c. com.
867
Art. L.622-24, c. com.
868
Com. 27 mai 2003, n° 00-17-716, Bull. civ. IV, n° 87 ; Com. 3 nov. 2010, n° 09-72.029, D. Actu. 2010, 2701,
obs. A. LIENHARD.
175
413. Aux termes de l’article R.628-9 du code de commerce, dans les huit jours suivant la remise de
la liste par le greffier, le mandataire judiciaire communique, par lettre recommandée avec
demande d’avis de réception ou, le cas échéant, par le portail électronique mis en place par le
conseil national des administrateurs judiciaires et de mandataires judiciaires, à chaque créancier
concerné les informations relatives aux créances dont il est titulaire telles qu’elles résultent de
la liste déposée. Cette information vaut avertissement au sens des dispositions des articles
L.622-24 et R. 622-21 du code de commerce. Les créanciers dont les créances n’ont pas été
déclarées en temps utile sont normalement forclos 869 ; mais ils peuvent être relevés de cette
forclusion.
414. La demande de relevé de forclusion est l’action d’un créancier qui n’a pas déclaré sa créance
dans le délai légal, et qui n’a pas de ce fait vocation à être admis au passif de la procédure870.
Selon le code de commerce, afin d’éviter de continuer à être forclos, le créancier forclos peut
intenter une action en relevé de forclusion871. Cette demande est adressée sous forme de requête
au juge commissaire, et contient essentiellement les raisons pour lesquelles il n’a pas pu
respecter le délai légal872.
415. Étant sans doute un contentieux, la demande en relevé de forclusion donne lieu à un débat
contradictoire entre mandataires de justice, le chef d’entreprise et le créancier requérant873. A
défaut, l’ordonnance rendue peut-être frappée de nullité pour non-respect du principe du
contradictoire, même si l’effet dévolutif permet au juge de statuer sur le fond, dès lors que ce
n’est pas la saisine qui est mise en cause, mais plutôt la décision rendue874.
416. La demande en relevé de forclusion doit obéir à un délai préfix, c’est-à-dire insusceptible
d’interruption, au-delà duquel le juge commissaire n’a pas pouvoir à relever un créancier de sa
forclusion, sauf à s’exposer à un excès de pouvoir875 ; il doit d’office soulever la fin de non-
recevoir sur le fondement de l’expiration du délais prévu 876. Le délai de principe d’exercice de
cette action est de six mois 877 : il commence à courir à partir de la publication du jugement
869
Art. L.622-26, c. com.
870
Art. L.622-26, c. com.
871
Art. L.622-26, al. 3, c. com.
872
Com. 28 janv. 2014, n°12-27.728, Bull. civ. IV, 2014, n°25.
873
Com. 13 déc. 2005, n°04-18.391, Bull. civ. IV, n°250.
874
id.
875
Com. 16 nov. 1993, n°91-151.43, Bull. civ. IV, n°185, p. 297.
876
Com. 26 oct. 1999, n°97-13.238, Bull. civ. IV, n°187, p. 159.
877
Art. L.622-26, c. com.
176
d’ouverture ou, pour les institutions mentionnées à l’article L.3253-14 du code de travail878, de
l’expiration du délai pendant lequel les créances résultant des contrats de travail sont garanties
par ces institutions ; pour les créanciers ayant une sûreté publiée ou liés au débiteur par un
contrat de travail, il court à compter de la réception de l’avis qui leur est adressé. Par exception,
si le créancier justifie avoir été placé dans l’impossibilité de connaître l’obligation du débiteur,
avant l’expiration du délai de six mois, le délai commence à courir alors à partir de la date à
laquelle il est établi qu’il ne pouvait ignorer l’existence de sa créance.
417. Avant la réforme de 2014 879, l’action en relevé de forclusion était possible jusqu’à un an880,
mais non au-delà 881. Cependant, la Cour de cassation sème le doute en décidant que les
dispositions légales « ne portent pas une atteinte substantielle à un recours juridictionnel
effectif en ce qu’elles ne font pas obstacle à la recevabilité d’une action en relevé de forclusion
après l’expiration d’un délai maximal d’un an prévu par l’article L.622-26 du code de
commerce par un créancier placé dans l’impossibilité d’agir pendant ce délai ».882 S’agit-il
d’un arrêt de principe ? Il est difficile d’y apporter une réponse sûre.
418. Après l’ordonnance du 12 mars 2014, le délai maximal d’un an a été supprimé 883. Le créancier
qui ignorait l’existence de sa créance au jour du jugement d’ouverture dispose, à partir de la
date de la connaissance de l’existence de la créance, d’un délai de six mois pour introduire une
demande de relevé de forclusion ; cette date de connaissance de l’existence de sa créance peut
partir d’une assignation, mais non de la décision à venir selon la Cour de cassation 884.
419. Si le juge commissaire fait suite à la demande du créancier, ce dernier sera admis à la procédure
au même titre que les autres créanciers. Dans l’hypothèse d’un rejet, le créancier peut contester
cette décision.
878
Telles que les organismes d’assurance chômage, l’agence centrale des organismes de sécurité sociale.
879
V. infra.
880
Art. L.622-26, rédaction antérieure à l’ord. n°2014-326 du 12 mars 2014.
881
Art. L.626-6, rédaction antérieure au premier juillet 2014.
882
Com. 5 sept. 2013, n° 13- 40.034, Bull. civ. IV, n°27.
883
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
884
Com. 13 sept. 2016, n°15-11.321, NP.
177
420. Comme toutes les ordonnances en matière de vérification de créance, la voie de recours en
matière de l’action en relevé de forclusion était l’appel885 sous l’empire des textes antérieurs à
la loi du 26 juillet 2005886. C’était une particularité consacrée par l’ancien article L.621-46 du
code de commerce. Avec la loi de sauvegarde de 2005 précédemment citée, cette dérogation,
maintenue pour les autres décisions statuant sur la vérification de créance, a été supprimée pour
l’action en relevé de forclusion. Désormais, c’est le droit commun qui s’applique : l’ordonnance
statuant sur un relevé de forclusion fait l’objet d’un recours devant le tribunal, et le jugement
rendu peut faire l’objet d’un appel quel que soit le montant de la créance - ce qui rend
irrecevable le pourvoi contre le jugement selon la Cour de cassation887 -.
421. Sur la forme, une difficulté se posait dans le recours ouvert contre les décisions du juge
commissaire qui se déclare incompétent en matière de vérification des créances. Le décret du 6
mai 2017888 semble résoudre ce problème en supprimant le contredit de compétence. Dans une
procédure de vérification des créances, le juge commissaire peut se déclarer incompétent
lorsqu’il constate l’existence d’une contestation sérieuse - par exemple le débiteur invoque la
nullité d’un contrat dont résulte la créance déclarée, ou lorsque matériellement il ne peut pas
statuer889. Dans une telle hypothèse, les parties sont renvoyées ; mais l’incompétence ici
évoquée doit être comprise dans le sens d’un dépassement de compétence, c’est-à-dire qu’il est
nécessaire que le contentieux attaché à la créance par exemple soit tranché par la juridiction
compétente, avant que le juge commissaire ne puisse statuer sur la créance litigieuse. Le recours
formé dans ces conditions n’est pas un contredit, mais un appel - le recours contre l’ordonnance
du juge commissaire est un appel, sauf en matière de l’action en relevé de forclusion 890 -. De
sorte qu’un contredit formé à la place d’un appel devrait être irrecevable.
885
Art. R.624-7, c. com.
886
L. n°85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, JORF du 26
janv. 1985, p. 1097.
887
Com. 1er janvier 2016, n°14-18.936, C. CORPET, « Appel contre les jugements statuant sur le recours formé
contre les décisions du juge-commissaire sur une requête en relevé de forclusion », LegalNews, 15 janv. 2016,
article consulté le 12 juin 2018.
888
Décret n°2017-891 du 6 mai 2017, relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, JORF
n°0109 du 10 mai 2017, texte n°113.
889
Art. L.624-2, 4°, c. com.
890
R.624-7, c. com.
178
422. La cour d’appel saisie de façon erronée au moyen d’un contredit, alors que c’est l’appel qui est
la voie normale, était réputée régulièrement891 saisie avant le 11 mai 2017 892. Afin de simplifier
le recours contre les ordonnances rendues par le juge commissaire en matière de déclaration
des créances, le législateur a, au travers du décret du 6 mais 2017 précédemment cité, supprimé
le contredit de compétence.
423. Le créancier qui a été relevé de sa forclusion doit déclarer sa créance contrairement à une idée
très répandue selon laquelle l’ordonnance l’en dispense 893. Il importe de préciser qu’avant
l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 12 mars 2014 citée plus haut, la Cour de cassation
considérait que le créancier devait déclarer sa créance dans le délai imparti pour demander un
relevé de forclusion894. Autrement dit, le créancier devait faire sa demande de relevé de
forclusion tout en déclarant en même temps sa créance, laquelle serait acceptée en cas d’avis
favorable du juge commissaire. Depuis l’entrée en vigueur de cette ordonnance du 12 mars
2014, le créancier dispose d’un mois à compter de la notification de la décision lui accordant
un relevé de forclusion, pour déclarer sa créance 895, soit la moitié du délai ordinaire896. La Cour
de cassation a, par ailleurs, indiqué que le créancier qui avait déclaré sa créance avant d’intenter
une action en relevé de forclusion n’était pas obligé de refaire la déclaration897. Cet arrêt rendu
sous l’empire des textes antérieurs à la réforme de 2014 paraît applicables après cette réforme.
En effet, la déclaration faite avant le relevé de forclusion peut préserver le droit des créanciers
une fois que le créancier concerné a été relevé de sa forclusion, de sorte qu’il apparaîtrait inutile
que le créancier revienne sur la même déclaration.
424. Les frais du relevé de forclusion étaient à la charge du créancier défaillant avant l’ordonnance
du 12 mars 2014 précitée. Depuis cette ordonnance, ils peuvent être mis à la charge du débiteur
891
Art.91, c. proc. civ.
892
Décret n°2017-891 du 6 mai 2017, relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, JORF
n°0109 du 10 mai 2017, texte n°113.
893
Art. L.622-24, c. com.
894
Com avr. 2013, n°11-25. 963, Bull. civ. IV, n°73 ; com. 30 juin 2015, n°14-13766 NP.
895
Art. L.622-24, al.1, c. com.
896
Com. 27 sept. 2017, n°16-17.156, M. OBEGA, « Appel contre les jugements statuant sur le recours formé contre
les décisions du juge-commissaire sur une requête en relevé de forclusion », LegalNews, 21 nov. 2017, article
consulté le 10 mai 2018.
897
Com. 24 sept. 2003, n°01-00.504 NP.
179
si celui-ci n’a pas signalé la créance à l’ouverture de la procédure 898. Cette ordonnance a écourté
la durée de la période d’observation dans les procédures passerelles.
426. Instituée par la loi du 25 janvier 1985900, la période d’observation assure la poursuite de
l’activité du chef d’entreprise durant le temps nécessaire à l’élaboration d’un plan dans les
procédures de sauvegarde classique, de redressement et de liquidation judiciaires. En adoptant
la période d’observation, la loi du 25 janvier 1985 citée plus haut, mettait en place un dispositif
de rationalisation du choix du tribunal à partir d’une idée primordiale, reprise d’ailleurs par la
loi du 26 juillet 2005901 : le traitement doit reposer sur un diagnostic correct, sauf dans une
procédure sans administrateur où il n’est pas dressé de bilan902. Ce diagnostic est fait à la
lumière du bilan qui décrit l’état réel de l’entreprise.
427. En droit français des entreprises en difficulté, il existe plusieurs types de sauvegardes 903.
Instituée par la loi du 26 juillet 2005 904, la période d’observation dans la sauvegarde classique
diffère de celles des sauvegardes accélérées. Dans ces dernières, et contrairement à la
sauvegarde classique, l’établissement préalable d’un bilan, ainsi que l’élaboration d’un plan au
cours de la période d’observation ont été supprimés 905. Ce parce que, comme le fait remarquer
898
Art. R.622-25, c. com.
899
J. THERON, « La procédure de sauvegarde accélérée », DP, juill. 2014, n°238.
900
V. L. n°85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, JORF du
26 janv. 1985, p. 1097.
901
V. supra, n°16.
902
L.627-3, al. 1er , c. com.
903
Sauvegarde classique, sauvegarde accélérée et sauvegarde financière accélérée.
904
V. supra.
905
Il en est ainsi parce que l’article L. 628-1, al. 2, du code de commerce exige que le plan soit préalablement
apprêté et soutenu par la majorité des créanciers dans la procédure de conciliation, de manière à rendre son
adoption vraisemblable lors de procédure judiciaire d’adoption.
180
un auteur, « bien des règles des articles L. 622-1906 et suivants ne trouveront matière à
s’appliquer, soit par faute de temps, soit par faute d’objet {…} ».907 Ce qui ne signifie pas que
la loi a expressément privé les passerelles de sauvegarde accélérée de période d’observation 908.
Au contraire cette dérogation au droit commun apparaît comme un choix judicieux selon
certains auteurs 909.
428. Le plan dans les sauvegardes accélérées est essentiellement basé sur la restructuration des
dettes 910 (I). Quoique réduite à sa plus petite expression, il existe une période d’observation
aussi bien dans la sauvegarde accélérée (II) que dans la sauvegarde financière accélérée (III).
906
Cet article est relatif à l’assistance du chef d’entreprise par un administrateur judiciaire dans la gestion d’une
entreprise.
907
A. LIENHARD, cité par F. pérochon, in Entreprise en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2012, n°540, visant la SFA, il
ajoutait, : « en ce qu’elle concerne surtout les créanciers autres que financiers » ; le propos reste valable pour la
SA.
908
B. BOURBOULOUX et G. COUTURIER, « La consécration de la sauvegarde financière accélérée de l’entreprise »,
BJE mars 2011, n°23, §6, p. 48.
909
Selon eux, « il permet d’y puiser des solutions nécessaires : le régime des créances postérieures privilégiées
permet de payer par exemple les conseils ; également, sans doute, le régime des contrats en cours, à l’égard des
cocontractants « financiers » » comme le crédit bailleur : P.-M. LE CORRE, cité par F. PEROCHON, in Entreprise
en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2012, note n°43, p. 7.
910
« L’indispensable rapidité annoncée de l’adoption du plan confirme que le plan ne peut guère avoir de volet
social ou, plus précisément, qu’il ne peut prévoir de licenciement, car les consultations auxquelles il faudrait
procéder sont incompatibles avec ce bref délai : dans la quasi-totalité des cas, la restructuration sera
exclusivement financière » : F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2012, n°384.
911
V. supra, n°16.
912
id.
913
Art. L.626-30-2, al. 1er, c. com., tel que modifié par l’ordonnance n°2014/326 du 12 mars 2014 portant réforme
de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives.
914
Art. R. 626-57-2, c. com.
915
V. supra, n°18.
181
débiteur, lequel projet fait l’objet d’un rapport par l’administrateur avant sa soumission aux
comités pour vote916. Ainsi ouverte, la concurrence devrait conduire le chef d’entreprise à
soigner son plan917. Le projet de plan devant être soumis aux comités des créanciers a,
contrairement en sauvegarde ordinaire, un contenu particulier (A). La décision ayant statué sur
le plan est susceptible de recours (B).
431. Le bilan économique et social est un élément essentiel de l’information du tribunal dans la
perspective de l’examen des solutions de redressement de l’entreprise 919. Plus exactement,
« c’est une sorte de photographie de l’entreprise, un constat de la gestion passée ».920 Avant
l’ordonnance du 18 décembre 2008 citée précédemment, il existait un régime général -
procédure avec administrateur - et un régime simplifié - procédure sans administrateur -. Dans
le régime général, le bilan économique et social est dressé par l’administrateur, avec le concours
du débiteur et l’apport éventuel d’un expert921. Alors que dans celui simplifié, il n’est pas dressé
916
Art. L.626-30-2, al. 1er, c. com.
917
J.-J. FRAIMOUTE, « Des plans plus attractifs pour les créanciers ? », Rev. proc. coll. 2014/2 ; doss. 19.
918
Art. L.623-1, c. com.
919
D. VIDAL et G. C. GIORGINI, Cours de droit des entreprises en difficulté, éd., Gualino, Lextenso éditions, 2015,
n°805.
920
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 603.
921
Art. L.623-1, c. com.
182
de bilan économique, social et environnemental922, l’examen de la situation de l’entreprise étant
fait par le juge commissaire 923.
432. Cependant, selon un auteur, « le bilan économique et social est souvent présenté de manière
stéréotypée et très souvent superficielle, particulièrement pour les petites entreprises ».924 En
effet, pendant longtemps, en droit français, le bilan économique et social n’était pas distinct du
projet de plan dont l’élaboration incombe au chef d’entreprise. Le débiteur présentait un rapport
global au tribunal contenant l’analyse de sa situation et les mesures de redressement envisagées.
Une cour d’appel a toutefois considéré que cette absence de distinction était certes regrettable,
mais qu’elle ne constituait pas « une atteinte à un principe fondamental de nature à légitimer
un appel-nullité ».925 Depuis l’ordonnance du 18 décembre 2008 précitée, le bilan économique
et social est à distinguer du projet de plan 926. Selon la vision législative, puisque le régime
général concerne des affaires importantes, il faut charger un professionnel, au besoin assisté par
un expert, d’établir un rapport sur la situation du débiteur, et de faire éventuellement des
propositions 927 ; le chef d’entreprise apporte toutefois son concours 928.
434. Le bilan économique, social et environnemental a pour objet d’identifier l’origine, l’ampleur et
la nature des difficultés de l’entreprise 930. On lui adjoint un bilan environnemental931 lorsque
922
Art. L.627-3, c. com.
923
Art. L.621-9, c. com.
924
C. SAINT-ALARY-HOUIN, droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 606.
925
Paris, 3e ch. A, 7 juill. 1992, D. 1994, somm. comm. p. 2, obs. F. DERRIDA.
926
C. LEBEL, « Les plans de sauvegarde et de redressement dans l’ordonnance du 18 décembre 2008 », Gaz. proc.
coll. 6/7 mars 2009, p. 46.
927
Soulignant l’importance de la mission, un auteur insiste également sur le fait que « le recours à un spécialiste
est indispensable » : A. LIENHARD, Procédures collectives 2017/2018, 7e éd., Delmas, 2016, p. 205.
928
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 377.
929
Com. 17 sept. 2013, n°11-25.660 NP.
930
X. F. LUCAS et H. LECUYER, « La loi de sauvegarde article par article (1ère partie) », LPA, févr. 2006, n°28,
p.64 ; C. LEBEL, L’élaboration du plan de continuation de l’entreprise en redressement judiciaire, éd., PUAM,
2000 ; Ph. DEBELECQUE, « Bilan économique et social », J.-CI. com. fasc. 2300 ; Ph. PEYRAMAURE, « Le bilan
économique et social dans la loi du 25 janv. 1985 », JCP E 1986, 15167 ;
931
Il s’agit d’« évaluer les risques que fait courir l’exploitation de l’environnement et de chiffrer les coûts
éventuels d’une remise en état ou de mesures d’urgence qui peuvent peser sur les chances de sauvetage de
l’entreprise » : C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd. LGDJ, 2016, p.607 ; v. aussi
C. SAINT-ALARY-HOUIN, « Entreprise en difficulté et environnement durable », journ. Sociétés, juill. 2012, p. 22.
183
l’entreprise exploite des installations classées 932. Selon le constat général révélé par le bilan, un
projet de plan est alors établi933. Si la procédure est une sauvegarde, le projet de plan est élaboré
par le débiteur avec le concours de l’administrateur 934. Ce sera l’inverse lorsqu’il s’agira d’une
procédure de redressement judiciaire 935. La raison réside dans le fait qu’en sauvegarde
classique, le débiteur ne soit pas en cessation des paiements 936 ; que la procédure soit ouverte à
son initiative937.
435. Le code de commerce938 détermine précisément le contenu du projet de plan devant être soumis
au tribunal. Quatre volets essentiels peuvent être relevés : la détermination des perspectives de
redressement de l’entreprise en fonction des possibilités et modalités de ou des activité (s), de
l’état du marché et des moyens de financement disponibles ; la définition des modalités de
règlement du passif et les garanties éventuelles que le débiteur doit souscrire pour en assurer
l’exécution ; l’exposition et la justification des perspectives d’emploi ainsi que les conditions
sociales envisagées pour la poursuite de l’activité et, le cas échéant, les éventuels licenciements
et le recensement et l’analyse des offres d’acquisition présentées par des tiers et l’indication des
activités dont l’arrêt ou l’adjonction sont proposés pour permettre le redressement.
436. Des solutions particulières sont prévues lorsque l’entreprise est une société dont le projet de
plan prévoit une modification du capital. Dans une telle hypothèse, l’approbation de
l’assemblée générale est requise939. La modification prend effet lorsque le plan proposé est
arrêté par le tribunal940. La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe
siècle941 n’a pas changé ces dispositions.
437. En revanche, le champ d’application de l’article L.626-3 relatif à cette modification du capital
a été étendu aux modifications statutaires. De même, le tribunal peut dorénavant décider que
l’assemblée compétente statuera sur les modifications statutaires, sur première convocation, à
932
Art. L. 623-1, al. 3, c. com.
933
A. JACQUEMONT et ALii, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LexisNexis, 2017, p. 413.
934
Art. L.626-2, c. com.
935
Art. L.631-1, c. com.
936
Art. L.620-1, c. com.
937
Art. R.621-1, c. com.
938
Art. L.626-2 et L.631-19, c. com.
939
Art. L.626-3, c. com.
940
Art. L.626-3, al. 3, c. com.
941
L. n°2016-1547 du 18 déc. 2016 de modernisation de la justice du XXIe, JORF n°0269 du 19 déc. 2016, texte
n°1.
184
la majorité des voix dont disposent les associés ou actionnaires présents ou représentés, dès lors
que ceux-ci possèdent au moins la moitié des parts ou actions ayant le droit de vote 942. Sur
deuxième convocation, il est également fait application des dispositions de droit commun
relatives au quorum et à la majorité 943.
438. Dans le cas particulier des procédures passerelles, l’essentiel du projet de restructuration du
débiteur et, éventuellement d’un créancier944, est relatif à l’apurement du passif. C’est une
finalité traditionnelle des procédures collectives ; mais spécialement, « le plan de sauvegarde
{…} est une sorte de moratoire de paiement, qui prend acte des remises ou délais consentis
par les créanciers ».945 Il précise les conditions de paiement des créances détenues par les
créanciers membres des comités et celles du règlement des créances appartenant aux créanciers
hors comités 946, ces derniers devant être consultés selon la procédure de droit commun 947.
439. A l’image des creditors committee en droit fédéral américain de la faillite, les comités de
créanciers en droit français sont plutôt d’obédience libérale : « les comités doivent être
souverains dans leurs décisions de remise de dettes et de délais de paiement, dès lors qu’elles
ne concernent que leurs membres ».948 Les dispositions des articles L.626-12 et L. 626-18 sont
écartées par l’article L.626-30-2949dans la sauvegarde classique, solution qui peut être étendue
aux sauvegardes accélérées par le renvoi général qu’effectue l’article L.628-1 du code de
commerce ; ce qui marque, selon un auteur, « la croissance de discriminations dans le
traitement des créances et même des créanciers, la contractualisation permettant de tenir en
échec l’égalité, sous le contrôle final du tribunal ».950
440. Est ainsi écartée, la limitation de la durée du plan et, par ricochet, celle des délais de paiement
à dix ans (quinze pour les agriculteurs). De même, l’obligation d’effectuer un premier
versement dans l’année, suivi, à partir de la troisième année, d’un versement minimal de cinq
942
Art. L.626-3, al. 1, c. com.
943
id.
944
Art. L.626-30-2 applicable sur renvoi de l’art. L.628-1, c. com.
945
: C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 610.
946
F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 405.
947
V. supra, n°288.
948
A. LIENHARD, in RPC n°82, p. 33.
949
Tel que modifié par L. n°2016-1547 du 18 déc. 2016 de modernisation de la justice du XXIe, JORF n°0269 du
19 déc. 2016, texte n°1 : art. 99.
950
F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 406.
185
pourcents par an est aussi écartée. C’est dire que les comités et les créanciers obligataires
pourraient accepter un plan sur seize ans, avec versement unique au terme des seize ans 951.
441. Les remises sont consenties par les créanciers soit individuellement, soit dans le cadre des
comités lors de l’élaboration du projet de plan. Le tribunal ne peut que donner acte des délais
et remises dans son jugement qui arrête le plan. Les mesures acquièrent alors un caractère
obligatoire et s’imposent à tous les créanciers dans les comités y compris les créanciers
minoritaires. Il importe de préciser que le tribunal ne peut, contrairement dans la procédure de
sauvegarde classique952, imposer ni de délai, ni de remise aux créanciers, ce qui serait une
disposition qui réduit l’efficacité du plan selon un auteur 953.
442. Toutefois, ce ne sont pas toutes les créances qui peuvent faire l’objet de remise et/ou d’accord
de délais de paiement. Elles sont nominativement indiquées dans le code de commerce954. Il
s’agit : des créances salariales garanties par le super privilège des salariés - pour l’application
de cette exception, il n’est pas fait de distinction selon que les sommes sont dues aux salariés
ou l’AGS955, subrogés dans leurs droits après leur avoir fait avance de ces sommes - ; des
créances résultant des contrats de travail garanties par le privilège général des salaires prévu
par les articles 2101, 4° et 2104, 2°du code civil, mais à condition d’avoir été avancées par
L’AGS ou d’avoir fait l’objet d’une subrogation au profit d’un tiers - ces créances ne sont, par
conséquent, pas exclues du plan lorsque le salarié en est toujours titulaire - ; des petites créances,
c’est-à-dire les créances les plus faibles - ces dernières sont remboursées sans délai ni remise,
mais le remboursement est effectué dans l’ordre croissant de leur montant, sans que chacune
puisse dépasser trois cents euros, et dans la limite de cinq pourcents du passif estimé. Il s’agit
de conditions cumulatives - ; des créances privilégiées lorsque le bien sur lequel porte la
garantie sort du patrimoine du débiteur lors de l’exécution du plan. En cas de vente d’un bien
grevé d’un privilège spécial, d’un gage, d’un nantissement ou d’une hypothèque, les créanciers
titulaires de ces sûretés ou d’un privilège général sont ainsi payés sur le prix, après paiement
des créances salariales super privilégiées et suivant leur rang. En outre, des règles spéciales sont
prévues pour le contrat de crédit de bail, lorsque le crédit preneur (le débiteur) lève l’option
avant l’expiration des délais arrêtés par le plan de sauvegarde. En ce cas, la levée d’option par
951
F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 406.
952
Art. L.628-18, c. com.
953
F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 473.
954
Art. L.626-20, c. com.
955
Association pour la gestion du régime d’assurances des créances salariales.
186
le débiteur impose le paiement intégral des sommes dues même celles antérieures au jugement
d’ouverture, sous déduction toutefois des remises acceptées.
443. Dans les procédures passerelles, la remise des dettes est importante, et pourrait « être imposée
aux membres des comités qui n’y étaient pas disposés » selon un auteur 956, s’appuyant sur un
argument selon lequel « la loi majoritaire de pairs au sein du comité pourra faire ce qui est
interdit au tribunal ».957
444. Par ailleurs, le projet de plan peut prévoir la conversion des créances « en titres donnant ou
pouvant donner accès au capital ».958 En d’autres termes, il s’agit de la conversion de créances
en actions, ou bons de souscription d’actions ou autres titres convertibles en actions 959.
Toutefois, il n’en serait ainsi que dans les sociétés par actions à responsabilité limitée : cette
précision n’est pas explicite dans l’article L.626-5 du code de commerce, ce qui pourrait
s’expliquer par l’absence d’un tel risque dès lors qu’un accord individuel et écrit est exigé 960,
ou parce qu’elle serait inutile. Le projet de plan peut prévoir aussi un traitement différencié et
des accords de subordination961. La décision ayant statué sur le plan est susceptible de recours.
446. Le régime des voies de recours contre les décisions ayant statué sur les plans de redressement
a été critiqué sous l’empire de la loi de 1985 : « ces contestations portaient essentiellement sur
l’admission trop restrictive des voies de recours contre les décisions statuant sur les plans de
cession, et en particulier sur l’interdiction faite au débiteur de faire appel du jugement
ordonnant la cession à un tiers de sa propre entreprise ».963
956
F. PEROCHON, Entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 406.
957
N. PICOD, La remise de dette en droit privé, thèse de doctorat, éd., Dalloz, 2013, 349.
958
Aux termes des articles L.626-30-2, al. 2 et L.626-32, al. 2, c. com.
959
F.-X. LUCAS, « Propriété économique, propriété juridique, qui doit financer la restructuration ? », BJE, sept.
2013, p. 332 ; DIESBECQ, « La cession interne… », GPC 22 janv. 2009, p. 9.
960
En ce sens, V. A. LIENHARD, Code des procédures collectives, 12e éd., Dalloz, 2014, p. 242.
961
Art. L. 626-30-2, c. com. v. infra, n°496.
962
Art. L. 661-1, c. com.
963
A. JACQUEMONT et Alii, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LexisNexis, 2017, p.448.
187
447. La reconfiguration des procédures collectives, telle qu’elle a résulté de la réforme opérée par la
loi de sauvegarde964, semble apaiser ces contestations dans la mesure où l’adoption d’un plan
de cession présume l’impossibilité d’adopter un plan de redressement965, et de toutes les
manières, la cession d’une entreprise n’est pas compatible avec une procédure de sauvegarde 966.
448. Ces recours sont ouverts au chef d’entreprise 967, à l’administrateur judiciaire, au mandataire
judiciaire, au ministère public968, au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du
personnel. En l’absence de toute institution représentative du personnel au sein de l’entreprise,
les recours sont exercés par le représentant des salariés. Les créanciers, et même les associés,
n’ont pas qualité à exercer ces recours, sauf ceux des créanciers ayant formé une contestation
dans le cadre de l’article L.626-34-1 du code de commerce relatif aux comités de créanciers et
à l’assemblée des obligataires969. Ils ne peuvent pas non plus exercer une tierce opposition
contre la décision prononçant la résolution du plan.
449. La solution semble discutable dès lors que le chef d’entreprise ne détient plus le monopole de
la proposition du projet de plan. Autant le droit de recours est reconnu au chef d’entreprise en
cas de rejet par exemple de son plan, autant il aurait dû ainsi, et dans les mêmes conditions pour
un créancier ; car si le législateur a permis 970 la proposition de plan par un créancier
parallèlement à celle du chef d’entreprise, c’est pour élargir les possibilités de restructuration
de l’entreprise. Il s’avère difficilement compréhensible que le créancier ne puisse pas avoir
droit au recours contre la décision du tribunal qui concerne sa proposition de plan. Toutefois, il
est admis qu’au motif qu’elle est détachable du plan, et en vertu du droit commun de l’appel du
commun, la partie du jugement qui ordonne la cession des actions détenues par les dirigeants
peut être frappée d’appel par ces dirigeants 971. Le chef d’entreprise dispose de ce droit même
dans l’hypothèse d’une représentation par un administrateur judiciaire 972.
964
V. supra, n°16.
965
Art. L.631-22, c. com.
966
A. JACQUEMONT et Alii, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LexisNexis, 2017, p.448.
967
Paris, 3e ch. 7 juin 2007, Acte proc. coll. 2008-1, n°18.
968
Art. L. 661-1, I, 6°, c. com.
969
« Les créanciers ne peuvent former une contestation qu’à l’encontre de la décision du comité ou de l’assemblée
dont ils sont membres ».
970
Art. L. 626-30-2, c. com., applicable par renvoie de l’art. L. 628- 1.
971
Com. 21 juin 2001, JCP E 2002, 121, n°5, p.127, obs. Ph. PETEL.
972
Com. 22 mai 1990, Bull. civ. IV, n°154.
188
450. La décision ayant arrêté le un plan de sauvegarde est susceptible de tierce-opposition selon le
code de commerce973. Cette tierce-opposition est elle-même susceptible d’appel. Cependant, la
tierce opposition qui vise une décision ayant rejeté un plan ou prononcé la résolution de ce
dernier est déclarée irrecevable par le code de commerce 974.
451. L’appel formé contre la décision ayant adopté ou rejeté le plan n’a pas d’effet suspensif.
Cependant, une exception a été posée s’agissant de l’appel formé par le ministère public 975. En
ce cas, la période d’observation est automatiquement prolongée jusqu’à l’arrêt de la cour
d’appel976. Par ailleurs, le plan ayant été apprêté avant l’ouverture de la procédure, la durée de
la période d’observation est courte dans les procédures passerelles.
973
Art. L. 661-3, al. 1er .
974
Art. L. 661-3, al. 3, c. com.
975
Art. L. 661-1, II, c. com.
976
Art. L. 661-9, al. 2, c. com.
977
D. VIDAL, G. C. GIORGINI, Cours de droit des entreprises en difficulté, 1re éd., Gualino, Lextenso éditions,
2015-16, p. 250.
978
150 salariés ou un chiffre d’affaires de plus de 20 millions d’euros. La satisfaction de l’une des deux conditions
suffit.
979
Art. L.628-4, c. com.
189
comités. La constitution de chaque comité est strictement limitée aux créanciers devant subir le
plan980.
454. Les créanciers qui sont hors comités doivent être consultés981 ; mais puisqu’ils n’appartiennent
à aucun des comités, et faute de texte spécifique, ils sont individuellement consultés selon la
règle de droit commun982. Ces créanciers hors comités ne se voient pas imposer, par le tribunal,
ni de délais de paiement ni de remises de dettes. Le quatrième alinéa de l’article L.626-18 du
code de commerce, relatif à l’imposition des délais uniformes de paiement, ne peut leur être
appliqué983. Cette exception explique par ailleurs la consultation de ces créanciers selon le mode
du droit commun.
455. Des auteurs ont cependant manifesté leur désaccord vis à vis de l’éviction de cet article. La
question s’est posée de savoir pourquoi consulter et soumettre ces créanciers à la discipline
collective alors qu’on n’a pas besoin d’eux en ce qu’on ne peut leur imposer ni de délais ni de
remises ? Un auteur pense que : « il aurait été plus simple et intelligible de limiter les effets de
la procédure aux créanciers membres des comités ».984 Cet avis n’a toutefois pas été partagé
par d’autres auteurs. Selon ces derniers, « il aurait été difficile de déterminer avec précision les
créanciers soumis aux comités, et notamment les petits fournisseurs ».985
456. Il faut reconnaître que l’éviction de cet article présente, sinon aucun, peu d’intérêt dès lors que
la règle était à l’origine de ne pas consulter les créanciers qui n’appartiennent à aucun des
comités devant être formés. D’ailleurs, le code de commerce permet à l’administrateur
judiciaire de se décharger de l’obligation de consultation, si le projet de plan respecte les
modalités de paiement prévues pour les créances des créanciers hors comités986. Pour un
praticien, il faudra « les payer comptant à l’arrêté du plan pour la créance non contestée ou
bien à l’échéance de la créance, si elle n’est pas exigible ; ceci en transposant le régime du
980
Art. L.626-30-2, al. 5, c. com., P.-M. LE CORRE, Droit et Pratiques des procédures collectives, 9e éd., Dalloz
action, 2016, p. 1264.
981
Ph. PETEL, « Entreprise en difficulté : encore une réforme ! », JCP E 2014, n°14, p. 1223.
982
Art. L.626-5, c. com. auquel il n’est pas dérogé, et auquel renvoie l’art. L.628-1, al. 1er .
983
Selon l’art. L.628-8, al. 3 du c. com., tel que modifié par l’ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme
de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives.
984
F. PEROCHON, « Procédure avec comités de créanciers, sauvegarde accélérée et SFA, après l’ordonnance du 12
mars 2014 », BJE, 2014, p. 180 s, sp. 181.
985
Ph. ROUSSEL GALLE, « La réforme du droit des entreprises en difficulté par l’ordonnance du 12 mars 2014 »,
Rev. Sociétés, 2014, n°24, p. 351 s., Sp. 356.
986
Art. L.626-5, al. 4, c. com.
190
droit commun du passif non affecté par le plan défini par l’article L.626-5, alinéa 4, qui
dispense alors le mandataire judiciaire de l’obligation de consultation. La consultation, pour
autant, n’est pas interdite, avec l’avantage que les créanciers « taisants » sont présumés
accepter comme en droit commun ».987
457. Toutefois, la consultation des créanciers hors comités peut présenter un intérêt si certains
d’entre eux acceptent, de façon consciente ou par négligence, les propositions du chef
d’entreprise ; car dans cette hypothèse, le juge donnera acte à ces propositions 988. A contrario,
elle ne sera d’aucune utilité s’ils refusent les propositions, puisque le juge ne peut imposer des
délais uniformes dans une procédure de sauvegarde accélérée, pourtant si importants dans la
sauvegarde ordinaire. L’ordonnance du 12 mars 2014989, ainsi que les récentes réformes
intervenues990 n’ayant rien précisé quant au régime applicable, il semble qu’il n’y ait autre choix
que de payer les créanciers hors comités à l’échéance. Les créanciers publics peuvent être
consultés quant à eux sur les remises selon une procédure spéciale, ce qui pourrait
compromettre la rapidité indispensable dans une procédure accélérée. Le manque d’adaptation
des règles s’agissant de ces créanciers publics a été regretté991.
458. Le plan dans la sauvegarde accélérée doit être arrêté en trois mois à partir du jugement
d’ouverture dans les conditions de l’article L.626-31 relatives aux conditions classiques
d’adoption du plan de sauvegarde 992. A défaut le tribunal devra mettre fin à la procédure. Moins
courte que la sauvegarde classique, la sauvegarde accélérée compte un mois de plus que la
sauvegarde financière accélérée. Un mois supplémentaire qu’un praticien pense indispensable
dans certains dossiers. Selon ce professionnel, il n’est pas expressément interdit au débiteur,
pour bénéficier d’une sauvegarde financière accélérée, de solliciter l’ouverture d’une
sauvegarde accélérée, même dans un cas où il n’entend restructurer que son passif financier ;
le comité des principaux fournisseurs sera alors symbolique, et il suffira, pour le convaincre, de
voter en faveur du projet et, pour éviter d’avoir à consulter les autres créanciers, de prévoir le
987
H. BOURBOULOUX in PEROCHON et BOURBOULOUX, « La procédure de sauvegarde et ses variantes », RPC
2014-4, n°34, doss. 30.
988
Art. L.626-18, al. 1er, c. com.
989
V. supra, 18.
990
Notamment Ord. n°2016-131 du 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la
preuve des obligations, JORF n°0035 du 11 févr. 2016, texte n°26.
991
P.-M. LE CORRE, Droit et Pratiques des procédures collectives, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 1264.
992
Selon les dispositions de l’article L.628-8, al.1 du code de commerce.
191
paiement à l’échéance de tout le passif non financier 993. Au plus, ce mois supplémentaire
s’avère aussi utile eu égard au nombre important de créanciers concernés qui doivent être
concernés.
459. Les procédures de vote et d’homologation du plan d’une sauvegarde accélérée sont pour la
plupart les mêmes que dans la sauvegarde classique. C’est le sens du renvoi général de l’article
L.628-1 au titre II du code de commerce relatif à la sauvegarde.
460. La détermination des droits de vote est soumise au principe de l’exclusion du vote des
créanciers dont les créances ne sont pas affectées par le plan 994. L’ordonnance du 12 mars
2014995 enjoint aux comités, dont très probablement l’assemblée des obligataires, d’informer
très rapidement l’administrateur de « l’existence de toute conversion soumettant son vote à des
conditions ou ayant pour objet le paiement total ou partiel de la créance par un tiers ainsi que
de l’existence d’accords de subordination ».996 L’injonction contenue dans ce texte viserait
globalement, outre les accords de subordination et les conventions de vote, les CDS 997, mais
également d’autres domaines puisqu’il semble concerner le cautionnement, les garanties à
première demande, l’affectation ou la cession à titre de garantie d’un bien par un tiers. Les
garanties réelles consenties par le débiteur sont tout de même logiquement exclues.
461. « L’administrateur soumet à ce créancier les modalités de calcul des voix correspondant aux
créances lui permettant d’exprimer un vote », et ce huit jours avant la date du vote dans le but
de lui faire accepter ce calcul 998. Si un désaccord surgit entre temps, qui doit être exprimé
quarante-huit heures avant le vote, l’administrateur ou le créancier peuvent saisir le président
du tribunal statuant en référé 999. Le créancier peut, le cas échéant, interjeter appel de
l’ordonnance qui sera rendue par le président du tribunal dans les dix jours suivant la
notification1000.
993
H. BOURBOULOUX in PEROCHON & BOURBOULOUX, « La procédure de sauvegarde et ses variantes », RPC
2014-4, n°31, doss. 30.
994
Art. L.626-30-2, al. 5, c. com.,
995
V. supra, n°18.
996
Art. L.626-30-2, al. 4, c. com.
997
credit default swap
998
Selon l’article L.626-8-2, al. 4, c. com.
999
Conformément à l’article R. 626-58, al.2 du code commerce.
1000
Art. R. 626-64 issu du décret n°2014-736 du 30 juin 2014 pris pour l’application de l’ ord. n°2014-326 du 12
mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF
n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
192
462. Les comités disposent d’un délai compris entre vingt et trente jours compressibles jusqu’à huit
jours (pour la SFA)1001 et (quinze jours pour la SA)1002 pour délibérer sur chaque projet de plan
s’il y en a plusieurs. La décision est prise par chaque comité à la majorité des deux tiers du
montant des créances détenues par les membres ayant exprimé un vote, tel qu’il a été indiqué
par le débiteur et certifié par le commissaire aux comptes ou, à défaut, par un expert-comptable.
Avant le vote, les créanciers reçoivent les observations de l’administrateur judiciaire, des
représentants du comité d’entreprise ou des délégués du personnel1003. L’administrateur dispose
de huit jours avant le vote, pour arrêter le montant (TTC) des créances des créanciers devant
voter dans chaque comité ainsi que la liste de ceux qui sont exclus du vote, laquelle sera
communiquée à tous les votants1004.
463. Après la détermination des droits de vote, quel projet est-il soumis au vote ? La question peut
paraître anodine. Cependant elle mérite d’être posée. Selon les termes du troisième alinéa de
l’article L.626-30-1, une discussion peut avoir lieu entre le débiteur et l’administrateur sur la
nécessité de la modification de certains projets avant le vote au sein des comités. Si cette
mention présente, dans un sens, l’intérêt de laisser une marge de manœuvre au chef d’entreprise
afin d’affiner le projet de plan, elle peut avoir, dans l’autre, l’inconvénient de compliquer la
procédure ; car le comité des créanciers, celui des fournisseurs et, le cas échéant, l’assemblée
des obligataires, doivent voter le même projet. Toutefois, rien n’interdit de distancer de
quelques heures ou jours le vote des deux comités, de sorte que le projet voté par le premier
puisse être voté par le second. Le même projet sera soumis aux obligataires dont le vote doit
intervenir quinze jours après le vote des comités. Cependant quelle serait dans ce cas de figure
la validité des consultations et informations transmises au regard du projet initial en cas de
modification importante de ce dernier ? Cette question demeure.
464. Quoique la loi ne soit pas claire sur la question, rien ne semble empêcher un vote numérique
dans la mesure où aucun texte n’exige la réunion physique des comités. D’ailleurs, la
commission européenne a fait une recommandation dans ce sens en 2014 : elle a mis en avant
« l’égalité de traitement {des créanciers}, quel que soit le lieu où ils sont établis », pour
recommander la validité du vote « par des moyens de communication à distance, telles que les
1001
Art. L. 628-, c. com.
1002
Art. L.626-30-2, al.3, c. com.
1003
Art. R.626-59, c. com.
1004
Art R.626-58 c. com.
193
technologies électroniques sécurisées ou par lettre recommandée ».1005 Cette recommandation
présente aussi l’intérêt de réduire le coût de la procédure pour les parties concernées.
1005
Recommandation européenne, 12 mars 2014 (2014/135/UE), n°19, relative à une nouvelle approche en matière
de défaillance et d’insolvabilité des entreprises.
1006
V. supra, n°16.
1007
Art. L.626-32, al. 3, c. com.
1008
Il s’agit notamment de la consultation et de l’information du comité d’entreprise et du mandataire judiciaire
sur les mesures que le chef d’entreprise envisage de proposer dans le projet de plan au vu des informations et offres
reçues.
1009
Art. L.626-30-3, c. com.
1010
Loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.
1011
Art. L.626-2-1, c. com.
194
fournisseurs, à l’arrêté du plan ou à la modification de celui-ci. Les contestations peuvent
également porter sur les créances par le mandataire judiciaire. Toutefois, les créanciers ne
peuvent former une contestation qu’à l’encontre de la décision du comité ou de l’assemblée
dont ils sont membres 1012.
467. Celle des parties qui se sent lésée par le plan par rapport à la protection de ses intérêts peut
saisir le tribunal dans les dix jours suivant le vote des comités ou de l’assemblée des
obligataires 1013. Depuis l’ordonnance du 18 décembre 2008 précitée, toutes les contestations
dont le tribunal sera saisi sont examinées pendant qu’il statue sur le projet de plan1014. En
d’autres termes, « le tribunal statue dans un même jugement »1015sur l’arrêté du plan et sur les
contestations, l’audience ne pouvant alors avoir lieu moins de cinq jours après l’expiration du
délai imparti pour former les contestations 1016. L’affaire Thomson1017 en donne une illustration.
Dans cette dernière, la contestation soulevée était relative à l’irrégularité du vote en raison du
calcul des droits de vote qui n’avait tenu compte que des intérêts - alors que le principal aurait
dû aussi compter pour permettre le vote des obligataires porteurs de titres super privilégiés 1018
- ; mais compte tenu de la forte adhésion que le projet de plan avait connue, le tribunal a décidé
de l’arrêter en estimant que ce vice n’avait pas eu d’influence sur le vote.
468. Par ailleurs, le mandataire judiciaire peut former une contestation contre une créance. Selon le
code de commerce, en cas de contestation d’une créance à l’ouverture d’une procédure
judiciaire, le mandataire judiciaire en avise le créancier afin qu’il fasse connaître ses
explications 1019 ; le titulaire de la créance contestée dispose de trente jours pour apporter ces
explications à compter de la date de réception de la lettre recommandée avec avis de réception
que le mandataire lui a envoyée, sous peine de prescription. En revanche, s’il répond à la lettre
d’information dans le délai, les parties sont alors convoquées par le juge commissaire pour
statuer sur l’état des créances. Seul le juge commissaire est compétent pour statuer sur la
1012
Art. L. 626-34-1, al. 2, c. com.
1013
Art. R.626-63, c. com.
1014
Art. L.626-34-1, al. 1er, c. com.
1015
Versailles, 13e ch. 18 nov. 2010, n°10/01433 ; D. 2010, obs. A. LIENHARD, BJE, 2011, n°2, p. 14.
1016
Art. R.626-63, al. 3, c. com.
1017
Trib. com. Nanterre, 17 févr. 2010, Rev. des sociétes 2010, p. 244, obs. B. GRELON ; v. supra, n°183 et s.
1018
En violation de l’art. L.626-32, c. com. : « lorsqu’il existe des obligataires, une assemblée générale constituée
de l’ensemble des créanciers titulaires des obligations émises en France ou à l’étranger est convoquée dans des
conditions définies par décret en Conseil d’État, afin de délibérer sur le projet de plan adopté par les comités de
créanciers ».
1019
Art. L.622-7, c. com.
195
déclaration d’une créance ainsi que sur l’existence de celle-ci. Toutefois, la procédure de
vérification de la créance ne portant que sur l’existence du montant et la nature de la créance,
le juge commissaire n’est pas compétent pour se prononcer sur la nullité d’un contrat 1020. La
décision prise par le juge commissaire peut faire l’objet de recours devant la cour d’appel. Sur
l’exercice de cette faculté, la chambre commerciale de la Cour de cassation a, dans un arrêt du
9 avril 2013, apporté des précisions 1021. Elle a notamment indiqué que la cour d’appel qui relève
son incompétence, pour statuer sur une contestation de déclaration de créance, ne peut non plus
constater la forclusion sans laisser aux parties la faculté de saisir le juge compétent.
469. En matière de vérification des créances, les contestations du mandataire judiciaire doivent être
claires de manière à permettre au créancier de donner utilement ses explications. Sinon ce
dernier aura toujours le droit de s’opposer à sa contestation même au-delà du délai de trente
jours. Tel est le sens d’un arrêt 1022 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation
le 23 septembre 2014. En l’espèce, suite au redressement judiciaire, puis à la liquidation
judiciaire d’une société, un créancier déclare sa créance qui fait alors l’objet d’une contestation
par le mandataire judiciaire. Le créancier n’ayant pas répondu dans le délai de trente jours, et
la cour d’appel ayant déclaré ce créancier en droit de donner ses explications en dépit de
l’expiration du délai de réponse en retenant notamment que les contestations du mandataire
judiciaire n’étaient pas suffisamment explicites, le débiteur et le liquidateur judiciaire se
pourvoient en cassation. La Cour de cassation rejette le pourvoi et retient la solution de la cour
d’appel. Le législateur et la jurisprudence renforcent ainsi la protection des intérêts des
créanciers, ce qui s’accentue au moment de l’homologation du plan.
470. En principe le plan voté par les deux comités et approuvé par l’assemblée des obligataires
s’impose au tribunal qui doit l’arrêter sous réserve des contestations et du respect des conditions
procédurales1023. Cela démontre le caractère contractuel d’un plan de restructuration pré-
négocié. Le tribunal doit s’assurer que « les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment
protégés »1024, et qu’il existe sans contestation possible une possibilité de sauvegarde de
l’entreprise comme dans le plan de redressement judiciaire 1025. Le plus souvent, ce sont les
1020
Com. 19 mai 2004, n°01-13542, Bull. civ. IV, n°100, p. 103.
1021
Com. 9 avr. 2013, n°12-15414, Bull. civ. IV, n°59.
1022
Com. 23 sept. 2014, n°12-29404, Bull. civ. IV, n°132.
1023
Com. 19 févr. 2013, n°11-28256 NP.
1024
Art. L.626-31, al. 1, c. com.
1025
Com. 18 mars 2014, n°13-10859, n°13-10865, n°13-10864, n°13-10860, APC, 11 avr. 2014, n°142 : rejet des
plans « en l’absence de possibilité sérieuse pour l’entreprise d’être sauvegardée ».
196
créanciers minoritaires membres des comités qui sont concernés par cette vérification. Ces
minoritaires peuvent être victimes d’un abus de pouvoir de la part des majoritaires. C’est une
protection que la loi leur accorde afin d’assurer l’équilibre et l’équité du plan. C’est d’ailleurs
sur le fondement du non-respect de cette conditions d’équilibre et d’équité du plan que le
tribunal peut refuser d’arrêter un plan, les dispositions de l’article L.626-31 du code de
commerce devant être interprétées comme un ordre public.
471. L’homologation du plan par le tribunal confère au plan une portée significative, car elle « rend
applicables à tous les membres les propositions acceptées par chacun des comités » et, le cas
échéant, par l’assemblée des obligataires. Le tribunal donne acte des délais et remises acceptés
sans aucune possibilité de modification1026. C’est dire que le contenu global négocié et accepté
par les créanciers s’impose purement et simplement au tribunal et à tous les comités, excepté
les créanciers dont la créance est assortie d’une fiducie-sûreté1027 : « la fiducie permet de
séparer le patrimoine personnel du fiduciaire du patrimoine fiduciaire ».1028 Le plan s’impose
aussi bien aux créanciers minoritaires qui ne l’ont pas voté qu’à ceux forclos membres des
comités. Pour ces derniers, la qualité de membre est une obligation légale attachée à la créance
de sorte qu’ils ne la perdent pas du seul fait qu’ils n’ont pas déclaré leurs créances 1029. Seules
les créances des créanciers non membres des comités sont réglées selon le droit commun après
consultation individuelle diligentée par le mandataire judiciaire 1030. A ces créanciers, le tribunal
peut imposer des délais uniformes 1031. D’où il peut être compris que la constitution des comités
de créanciers n’est pas qu’un simple cadre de consultation ; elle est aussi le socle d’un nouveau
mode d’adoption du plan à la fois contractuel et judiciaire 1032.
472. Lorsque le tribunal, après avoir satisfait à l’obligation de vérification de l’équité du plan
précédemment évoquée, n’estime pas pouvoir l’homologuer, il doit automatiquement mettre
fin à la procédure1033. Il n’y aura aucune possibilité de conversion en sauvegarde classique ou
1026
Art. L. 626-18, c. com.
1027
En revanche, ces créanciers seront soumis au plan pour la partie de leurs créances qui n’est pas garantie par
une fiducie-sûreté.
1028
S. PRIGENT, « Fiducie et procédures collectives », Rev. fr. compt., n°423, p. 8.
1029
Art. L.626-30-1, c. com.
1030
Art. L.626-33, c. com.
1031
Art. L.626-18, c. com.
1032
J. DEHARVENG, Bull. actul. Lamy, comm. n°182, 2005, p. 5.
1033
Art. L.628-8, al. 2, c. com.
197
en redressement judiciaire. Ce qui peut être regretté1034. C’est en cela par ailleurs que le chef
d’entreprise, qui a opté pour la solution de la passerelle, peut subir des conséquences néfastes
du fait notamment des publicités qui auront été déjà faites. Les règles régissant la sauvegarde
accélérée sont quasiment les mêmes qui régissent, sous réserve de quelques exceptions 1035, la
sauvegarde financière accélérée1036, de sorte que, pour cette dernière, il peut être renvoyé aux
développements qui précèdent.
1034
V. infra, n°1066.
1035
Seules les dispositions des art. L. 628-9 et L.628-10 sont propres à la sauvegarde financière accélérée.
1036
Art. L. 628-1, c. com.
1037
V. supra, n°17.
1038
Art. L.628-9, c. com.
198
B. Une période d’observation éclair
476. La sauvegarde financière accélérée ne dure qu’un mois : « le délai prévu à l’article L.628-
8 {celui de trois mois de la sauvegarde accélérée} est réduit à un mois. Toutefois le tribunal
peut le proroger d’un mois au plus ».1039 Ce délai est le temps nécessaire à la réunion du comité
des établissements de crédit et, le cas échéant, de l’assemblée des obligataires pour le vote du
plan préparé en amont de la procédure de conciliation. Le délai de vingt à trente jours 1040
nécessaire pour le vote des créanciers - réduit à quinze jours dans la sauvegarde accélérée -, est
réduit à huit jours dans la sauvegarde financière accélérée 1041.
477. L’adoption des passerelles de sauvegarde accélérée en droit français a eu un impact sur la
sauvegarde ordinaire. Elles sont, en outre, efficaces au regard du droit européen de
l’insolvabilité.
1039
Art. L.628-10, al. 2, c. com.
1040
Art. L.626-30-2, al. 3, c. com.
1041
Art. L.628-10, al. 2, c. com.
1042
V. supra, n°17 et 18.
1043
V. supra, n°179 et 183.
199
A. Les accords de subordination
480. Les accords de subordination se sont développés avec la floraison des instruments de dette à
haut risque. En droit français, ils sont consacrés par l’article L.228-97 du code de commerce
pour les obligations. Depuis la réforme opérée par l’ordonnance du 12 mars 2014
précédemment citée, ces accords de subordination sont pris en compte dans les procédures
collectives.
481. La division en plusieurs tranches de dettes de l’endettement d’un SPV1044 au sein des
financements structurés est matérialisée par la signature d’un intercreditor agreement ou accord
des créanciers. Dans cet accord, il est de principe que les intérêts de chaque tranche de dette
soit proportionnels aux risque pris comme l’indique le code de commerce1045 : « lors de
l’émission de valeurs mobilières représentatives d’un droit de créance sur la société émettrice,
y compris celles donnant le droit de souscrire ou d’acquérir une valeur mobilière, il peut être
stipulé que ces valeurs mobilières ne seront remboursées qu’après désintéressement des autres
créanciers, à l’exception ou y compris les titulaires de prêts participatifs et de titres
participatifs, nonobstant les dispositions de l’article L. 228-36 du présent code et celles de
l’article L. 313-13 et suivants du code monétaire et financier ». En d’autres termes, un accord
de subordination est un contrat dans lequel, un créancier junior accepte que ses créances contre
un débiteur ne soient remboursées qu’après que le créancier senior aura été payé. Il peut s’agir
soit d’une subordination générale concernant toutes les créances présentes et futures du
créancier junior, soit d’un accord particulier concernant qu’une créance particulière du
créancier senior. La question s’est posée de savoir si ces financements structurés étaient
opposables aux procédures collectives ?
482. Avant les réformes précitées, il n’y avait pas de texte qui prévoyait un accord selon lequel, un
créancier accepte la subordination du remboursement de sa créance au remboursement d’un
autre créancier dont la créance a la même caractéristique que la sienne. La jurisprudence n’avait
reconnu jusque-là que l’opposabilité à la procédure collective des cessions de rang 1046. Ce que
reconnaissait le droit des entreprises en difficulté étaient les droits de préférence ou
d’exclusivité des créanciers qui bénéficient d’une sûreté conventionnelle, d’un privilège ou
1044
Special purpose vehicule, nom générique adopté pour désigner les véhicules de financement créés dans le
cadre des opérations de titrisation.
1045
Art. L. 228-97, c. com.
1046
Com. 13 nov. 2002, n°99-15.819 NP.
200
d’une propriété-sûreté. Dans cette insécurité juridique, le législateur a dû intervenir lorsque le
tribunal de commerce de Paris a méconnu les accords de subordination conventionnels dans
l’affaire Eurotunnel alors même qu’il avait accepté le plan1047. Cette intervention législative
s’est matérialisée par l’article L.626-30-2 du code de commerce qui dispose que « chaque projet
prend en compte les accords de subordination conclus entre créanciers avant l’ouverture de la
procédure ». Une disposition similaire a aussi été posée à l’article L.626-32 pour les créances
obligataires, ce qui n’était pas forcément nécessaire car les dispositions de l’article L.626-30-2
auraient tout à fait pu être transposées pour les créances obligataires. Cependant pour certains
auteurs, une telle transposition aurait été impossible considérant ainsi l’assemblée des
obligataires comme un troisième comité de créanciers. Quoi qu’il en soit, le législateur a préféré
la clarté à la suspicion pour la détermination du régime du droit de vote au sein des comités.
1047
Com. 30 juin 2009, n°08-11.922 ; B. Rolland, JCP E 2009, n°42 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, RTD com. 2008.
854.
1048
V. supra n° 183 et s.
1049
Versailles, 13e ch. 18 nov. RG n°10/01433.
1050
A. JACQUEMENT et Alii parlent d’un arrêt « logique » : Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LexisNexis,
2017, p. 427.
201
encourue dès lors que « l’irrégularité ayant affecté les modalités du vote des porteurs des titres
super subordonnés lors de l’AUO1051 n’avait eu aucune influence sur le résultat du vote ».1052
486. En effet, dans la même affaire, le tribunal de commerce de Nanterre avait validé la procédure
établie par l’administrateur judiciaire, pour résoudre la problématique liée au calcul du droit de
vote des obligataires titulaires de titres super subordonnés, s’agissant notamment des créances
d’intérêts de ces derniers.
1051
Assemblée unique des obligataires.
1052
Com. 21 févr. 2012, JCP E 2012, sociétés et proc. coll.,1228, note Th. BONNEAU qui met l’accent sur la
consécration du « vote utile ».
1053
Art. L.620-30-2, al. 5, c. com., tel que modifié par L. n°2016-1547 du 18 déc. 2016 de modernisation de la
justice du XXIe, JORF n°0269 du 19 déc. 2016, texte n°1.
1054
Décret n°2014-736 du 30 juin 2014 pris pour l’application de l’ ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant
réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars
2014, p. 5249, texte n°3 : art.74.
202
489. Une précision a également été apportée aux modalités de calcul des créances d’intérêts qui sont
des créances antérieures, dont on sait qu’elles doivent normalement être prises en compte pour
le vote dans le cadre des comités de créanciers et dans l’assemblée unique des obligataires. Le
code de commerce dispose ainsi qu’en : « en présence d’une clause d’indexation du taux
d’intérêt, le montant des intérêts restant à échoir au jour du jugement d’ouverture de la
procédure est calculé au taux applicable à la date de ce jugement. Les créances en monnaie
étrangère sont converties en euros selon le cours du change à la date du même jugement ».1055
490. Ces interventions législatives sont venues éclairer plusieurs situations problématiques. Avant
les réformes précédemment évoquées, les praticiens ne prenaient en compte, pour le calcul des
votes, que les créances en principal majorées des intérêts échus non payés à la date du jugement
d’ouverture. Cette habitude était contraire à la loi, dans la mesure où les créances d’intérêts à
échoir pour les prêts s’étalant sur plus d’un an, devaient être pris en considération pour le calcul
du vote. Toutefois, s’il devait en être ainsi, comment les emprunts à taux variable seraient-ils
calculés ? Toute la difficulté était là, étant donné que le taux variable est sujet à fluctuation.
C’est exactement à cette question que le législateur a répondu en précisant que le taux de calcul
à prendre en compte, dans ce cas de figure, est celui de la date du jugement d’ouverture ; et que
lorsqu’il s’agit d’une créance en monnaie étrangère, la conversion est faite selon le cours du
change à la date du jugement d’ouverture.
491. Cependant la problématique des intérêts conditionnels ou des emprunts sans terme, comme
dans le cadre des titres super subordonnés, reste à résoudre. Un alignement sur le principe des
intérêts à échoir pourrait être une alternative. En attendant une réponse législative, la solution
réside dans l’expertise judiciaire comme il y a été recouru dans l’affaire Thomson
précédemment citée. L’autre problématique, qui s’est posée lors de l’adoption des sauvegardes
accélérées, était l’adaptation des nouveaux systèmes de financements structurés à un plan pré-
négocié.
1055
Art. R.626-58, al. 3, tel que modifié par le décret n°2014-736 du 30 juin 2014 pris pour l’application de l’ord.
n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures
collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3 : art. 70.
203
financements structurés, notamment le paiement des crédits in fine a été adapté. En effet, la
problématique du remboursement des prêts in fine s’était posée à l’occasion de la sauvegarde
de l’entreprise Cœur défense1056 en 2008, ce qui a conduit le législateur à réagir.
493. Le remboursement des prêts in fine, indiqué à l’article L.626-18 du code de commerce dans sa
version ancienne, a fait l’objet de beaucoup d’interprétations. Pour rappel, un prêt remboursable
in fine se distingue du prêt amortissable en ce que le capital du prêt remboursable in fine est
payé en une seule fois à l’échéance pendant toute la durée du prêt ; le chef d’entreprise ne paie
que les intérêts et assurances, alors que dans le prêt amortissable, il paie une partie du prêt et
des intérêts à chaque mensualité. L’ancienne rédaction de l’article L.626-18 prévoyait que « le
tribunal impose des délais uniformes de paiements, sous réserve en ce qui concerne les
créances à terme, des délais supérieurs stipulés par les parties avant l’ouverture de la
procédure qui peuvent excéder la durée du plan » ; que « au-delà de la deuxième année le
montant de chacune des annuités prévues par le plan ne peut être inférieur à 5% du passif
admis ». Ce qui posait un problème, car au terme du plan, le débiteur était obligé de rembourser
les cinq pourcents du principal, alors que les parties avaient contractuellement convenu d’un
remboursement in fine à une date postérieure, de sorte que le débiteur se trouvait bloqué par le
plan. Dans le cas de l’espèce, le débiteur n’était pas à mesure de rembourser les cinq pourcentes
du passif admis dès la troisième année. Il s’agissait des cinq pourcents du principal d’un prêt
qui s’élevait à un virgule six milliards d’euros contracté pour l’acquisition de l’immeuble (de
la société). Face à cette difficulté, la solution utilisée a été de prévoir dans le plan un délai de
remboursement inférieur à la date du remboursement du principal de la dette, afin de permettre
de traiter ce prêt comme une créance hors plan. Ce qui a été décriée par la quasi-totalité des
créanciers auxquels le plan a été imposé. Face à cette problématique, une fois encore le
législateur a réagi.
494. L’article L.626-18 du code de commerce a été modifié pour l’adapter à la règle de cinq
pourcents aux prêts in fine. Selon son quatrième alinéa : « le montant de chacune des annuités
prévues dans le plan, à compter de la troisième année, ne peut être inférieur à 5% de chacune
des créances admises sauf dans le cas d’une exploitation agricole ». En d’autres termes,
dorénavant la règle de cinq pourcents s’applique non pas au passif admis mais plutôt à chacune
des créances admises, c’est-à-dire le principal majoré des intérêts échus ou à échoir. Par
1056
Com. 8 mars 2011, n°10-13. 988, Bull. civ. IV, n°33.
204
conséquent, le critère de « pourcentage de passif admis » jusqu’alors considéré n’est plus la
référence.
495. S’agissant des prêts remboursables in fine, le cinquième alinéa du texte précité pose dorénavant
une exception en ces termes : « lorsque le principal d’une créance reste à échoir en totalité au
premier jour du paiement prévu par le plan, son remboursement commence à la date de
l’annuité prévue par le plan qui suit l’échéance stipulée par les parties avant l’ouverture de la
procédure. A cette date, le principal est payé à concurrence du montant qui aurait été perçu
par le créancier s’il avait été soumis depuis le début du plan aux paiements uniformes imposés
par le tribunal aux autres créanciers. Le montant versé au titre des annuités suivantes est
déterminé conformément aux délais uniformes de paiement imposés aux autres créanciers. Si
aucun créancier n’a été soumis à des délais uniformes de paiement, le montant versé au titre
des annuités suivantes correspond à des fractions annuelles égales du montant du principal
restant dû ». Plus concrètement, le mécanisme serait semblable à l’exemple suivant :
« l’articulation d’un prêt remboursable in fine d’une durée de six ans avec un plan prévoyant
un rééchelonnement des dettes sur dix ans, avec 5% des annuités les sept premières années.
Jusqu’à la sixième année, le débiteur n’est pas obligé de verser 5% des créances dues au titre
du prêt, mais il doit opérer un rattrapage à la septième annuité en payant 35% des créances
admises 1057». Telles sont quelques modifications majeures que la reconnaissance du procédé
de passerelle en droit français des entreprises en difficulté a entraînées sur le terrain du droit
commun. Sur le plan européen, leur éligibilité ne fait aucun doute à l’égard du nouveau
règlement relatif aux procédures d’insolvabilité.
1057
R. DAMMANN et S. SCHNEIDER, « Sauvegarde financière accélérée - analyse et perspective d’avenir », Dalloz,
2 juin 2011, n°11, p. 1429-1440.
1058
Pour en savoir davantage : L. WILDERSPIN « La genèse du règlement 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux
procédures d’insolvabilité, in « L’entreprise en difficulté dans l’Union européenne », LPA, 20 nov. 2001, n° spéc.,
p. 13 et s. ; L. IDOT, « La faillite dans la communauté. Enfin une convention internationale ? », DPCI, 1995, p.
34 ; E. KERCKHOVE, « La convention européenne relative aux procédures d’insolvabilité », Rev. proc. coll. 1996,
p. 277 ; J.-L. VALLENS, « Le droit européen de la faillite. La convention relative aux procédures d’insolvabilité »,
ALD 1995, 217-233.
205
en vigueur le 31 mai 2002 1059. Il a établi des règles communes relatives aux procédures
d’insolvabilité transfrontalières au sein des États membres de l’Union européenne, à l’exception
du Danemark1060. Il s’est agi de dissuader les débiteurs de transférer leurs avoirs ou d’engager
des procédures judiciaires d’un État à un autre dans le but de bénéficier des avantages à cause
de leur position face à la loi. Il fallait ainsi harmoniser les règles juridiques afin de fluidifier les
procédures judiciaires entre ces États membres dans le traitement des procédures d’insolvabilité
à caractère transfrontalier. En effet, lorsqu’une entreprise est implantée dans plusieurs États, ou
lorsque ses créanciers sont de nationalités différentes, l’ouverture d’une procédure
d’insolvabilité la concernant pose trois questions fondamentales au regard du droit international
privé : quelle est la loi applicable ? Quel est le tribunal compétent, et quelle sera la
reconnaissance de la procédure ouverte dans les autres États concernés ? Dans le souci
d’apporter une réponse commune à ces questions compte tenu des intérêts en jeu, les États
membres de l’union européenne sont parvenus à un accord général qui s’est concrétisé par le
texte précité. Applicable dans tous les États membres1061, le règlement du 29 mai 2000 a été
mis en œuvre suivant une circulaire du 15 décembre 2006 1062.
497. L’évolution des droits nationaux, qui donnent la priorité désormais au redressement de
l’entreprise en difficulté par une voie négociée, a nécessité la réforme du règlement
n°1346/2000 du 29 mai 2000 1063, car « l’efficacité d’un système s’apprécie à l’occasion d’une
crise ».1064 C’est dans ce sens qu’une proposition visant à procéder à cette réforme fut adoptée
le 12 décembre 20121065, suivie de l’adoption d’un nouveau règlement n°2015/848 le 20 mai
1059
JOCE du 30 juin 2000, n°L.160/1 ; pour approfondir : M. RAIMON, Le règlement communautaire 1346/2000
du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, éd., LGDJ, 2007 ; F. MELIN, Le règlement communautaire
du 29 mai relatif aux procédures d’insolvabilité, éd., Brylant, 2008 ; B. AUDIT et L. DAVOUT, Droit international
privé, 7e éd., Economica, 2013, n°1108 et s. ; M. MENJUCQ, Droit international et européen des sociétés, 4e éd.,
LGDJ, 2016, p. 427 et s.
1060
Art. 1er et 2e du protocole n°22 sur la position du Danemark annexé au traité sur l’Union européenne et au traité
sur le fonctionnement de l’Union européenne.
1061
Règl. n°1346/2000 : art. 47.
1062
BO justice n°2007/1 du 28 févr. 2007.
1063
J.-L. VALLENS, « Réviser le règlement communautaire n°1346/2000 sur les procédures d’insolvabilité », Rev.
proc. coll. 2010, étude 13 ; P. NABET, « Dix ans d’application du règlement européen sur l’insolvabilité : bilan et
perspectives », RJ com. janv. 2012, p. 4.
1064
B. J. ATTINGER, Le centre des intérêts principaux dans le règlement européen sur les procédures
d’insolvabilité – Concept approprié ou source d’insécurité ? Le critère de compétence retenu par le règlement
européen n°1346/2000 face aux résultats de l’analyse économique du droit, thèse de doctorat, Université
Strasbourg 3 – Robert Shuman et Université Saarlandes, 2008, p. 2.
1065
M. MENJUCQ, « La proposition de règlement modifiant le règlement européen (CE) n°1346/2000 sur les
procédures d’insolvabilité : une évolution envisagée sans révolution », Rev. proc. coll. 2013, étude 4.
206
20151066. Le nouveau texte garde les principes fondamentaux du règlement de 2000, tout en y
apportant les modifications qui étaient nécessaires, notamment en ce qui concerne les règles
d’éligibilité des procédures nationales. Par ailleurs, la commission européenne a présenté le 12
novembre 2016 une proposition de directive1067 sur les procédures préventives de
restructuration, sur la seconde chance et sur les mesures accroissant l’efficacité des procédures
de restructuration, d’insolvabilité et de décharge de dettes 1068. L’objectif est d’harmoniser
surtout la prévention dans les droits nationaux en impliquant les créanciers et en protégeant le
chef d’entreprise. Dans cette entreprise, il est envisagé que les créanciers puissent demander
l’ouverture de la prévention ; que le chef d’entreprise bénéficie d’un gel total ou selectif du
passif pendant quatre mois, afin de lui permettre d’élaborer un projet de restructuration ; que la
durée des procédures soit reduites ; que les dispensateurs de crédit soient encouragés par le
renfrocémement de la sécurité du privilège de news money et, enfin, qu’un plan de
restructuration, préparé dans un cadre amiable, puisse être adopté judiciairement si nécessaire.
Il est ainsi à observer que la plupart des mesures envisagées dans le cadre de cette proposition
de directive existent en droit français ; les sauvegardes accélérées et la conciliation y sont au
cœur. En attentat l’adoption de cette directive, la question actuelle est de savoir si les procédures
de sauvegarde accélérée du droit français sont éligibles au regard de l’ancien et du nouveau
texte communautaire relatifs à l’insolvabilité des entreprises ? A l’évidence, si des questions
continuaient à être posées quant à leur conformité au règlement de 2000 (A), celui de 2015 ne
permet aucun doute, tant son champ d’application a été élargi et les critères d’éligibilité
assouplis (B).
499. L’annexe A du règlement européen de l’insolvabilité contient la liste des différentes procédures
nationales d’insolvabilité admises. Les critères d’éligibilité d’une procédure d’insolvabilité
1066
JOUE n°L. n°141, 5 juin 2015 : R. DAMMANN et Alii, « Le nouveau règlement sur les procédures
d’insolvabilité », Rev. proc. coll. 2015, étude 2.
1067
Directive (COM (2016) 723 final) du 22 nov. 2016.
1068
J. E. DEGENHARDT, « Le droit français est-il conforme à la proposition de directive européenne du 22 nov.
2016 visant à harmoniser le droit des procédures collectives ? », BJE, mars 2017, n°02, p. 153.
207
nationale étaient cités à l’article premier du texte précité. Cet article premier visait « les
procédures collectives fondées sur l’insolvabilité qui entraînent le dessaisissement partiel ou
total de ce débiteur, ainsi que la désignation d’un syndic ». La procédure devait être collective
: les sauvegardes accélérées du droit français remplissaient ce critère qui excluait les procédures
amiables comme la conciliation et le mandat ad hoc ; fondée sur une insolvabilité : ce critère
jetait du doute sur la sauvegarde classique car non ouverte en présence d’une situation de
cessation des paiements 1069, mais elle avait été tout de même inscrite à l’annexe A par suite
d’une demande d’inscription de la France ; le débiteur devait être dessaisi : cela excluait, a
priori, la sauvegarde classique et les sauvegardes accélérées, car dans ces procédures le débiteur
garde le contrôle de son entreprise même si un administrateur peut lui être associé 1070 ; enfin,
un syndic devait être désigné, c’est-à-dire un praticien de l’insolvabilité.
500. L’interprétation des termes contenus dans ce texte a donné lieu à des avis divers au sein de la
doctrine quant à l’éligibilité des passerelles de sauvegarde accélérée. Pour certains auteurs 1071,
étant donné que la sauvegarde accélérée et la sauvegarde financière accélérée constituent des
sous-catégories de la sauvegarde classique1072, il en résultait, dès lors que la sauvegarde
classique a été admise dans le champ d’application du règlement du 29 mai 2009, que ses sous-
catégories intégraient indubitablement la liste de l’annexe A. L’argument de ces auteurs se
résumait au principe selon lequel l’accessoire suit le principal.
501. Cependant, d’autres auteurs 1073 n’avaient pas perçu la question sous cet angle. Pour ces
derniers, même si les procédures de sauvegarde accélérée sont insérées au titre consacré à la
sauvegarde classique, il ne fallait pas perdre de vue que le législateur leur a consacré un régime
particulier avec des conditions d’ouverture spécifiques. Ils soutenaient que les conditions de
fond - notamment le caractère semi-collectif de la sauvegarde financière accélérée ainsi que le
dessaisissement du chef d’entreprise - requises par l’article 1er du règlement semblaient moins
1069
Art. L. 628-1 c. com.
1070
Art. L. 628-3, c. com.
1071
R. DAMMANN et G. PODEUR, « Sauvegarde financière accélérée : le « prepack » à la française », Dalloz, 2010,
p. 20504.
1072
Les procédures de sauvegarde accélérée sont soumises aux règles de la sauvegarde classique sous réserve des
dispositions spécifiques du chapitre VIII du code de commerce.
1073
B. GRELON, « La loi de sauvegarde revisitée par la loi n°2010-1249 dite de « régulation bancaire et financière »
en date du 22 octobre 2010 », Revue des sociétés, n°1, janv. 2011, p. 7 et 23.
208
réunies pour ces procédures accélérées que pour la sauvegarde classique, de sorte qu’elles ne
pouvaient pas être éligibles à l’annexe A.
502. Dans ces différentes positions doctrinales, une difficulté d’interprétation des termes transparaît.
Il aurait fallu, pour y voir clair, chercher à comprendre ce que signifiaient ces termes au regard
du droit français. La circulaire du 15 décembre 2006 1074 précisait que « le champ d’application
effectif du règlement est déterminé par l’application combinée de l’article 1 er et de l’annexe A
{…} ». Autrement dit, seules les procédures répondant aux critères énoncés à l’article premier
précédemment évoqué, et mentionnées à l’annexe A sont comprises dans le champ
d’application du règlement du 29 mai 2000. L’article 4§2 de ce règlement disposait qu’il revient
à l’État où l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité est faite de donner la définition de
l’insolvabilité. Or, en droit français, la notion d’insolvabilité renvoie à la notion de cessation
des paiements 1075, même si les deux notions sont différentes : l’insolvabilité est du droit civil et
signifie que le passif du débiteur est supérieur à son actif, tandis que la cessation des paiements
est du droit commercial et décrit la situation d’un débiteur incapable de faire face au passif
exigible avec son actif disponible. Ce qui n’est pas présent dans les procédures de sauvegarde
classique1076 et de sauvegarde accélérée ; toutefois, le droit positif français des entreprises en
difficulté permet dorénavant un état de cessation des paiements de moins quarante-cinq jours
pour l’ouverture des procédures de sauvegarde accélérées 1077. Par ailleurs, une perception plus
large de la notion d’insolvabilité aurait pu être adoptée pour dire qu’elle renvoie à des difficultés
de nature à aboutir à la cessation des paiements et aurait recouvert en ce moment les
sauvegardes du droit français.
503. Ensuite, que signifierait la notion de dessaisissement en droit français ? Là encore, il faut se
référer aux textes. L’article L.628-1 indique que les sauvegardes accélérées sont ouvertes aux
débiteurs qui sont déjà engagés dans une procédure de conciliation en cours. Ce qui signifie
que le passage par la conciliation est une condition de fond. Or, la conciliation est exclue du
règlement selon une réponse ministérielle en date du 1 er mai 20071078 : « {…} la conciliation
peut être ouverte hors de tout contexte d’insolvabilité ou de difficultés économiques ou
financières. Elle n’est pas une procédure collective ni son préalable. Elle ne voit pas intervenir
1074
Cir. DACS, n°2006-19.
1075
Com. 29 sept. 2015, n°14-18979.
1076
Art. L.620-1, c. com.
1077
Art. L.628-1, c. com.
1078
Question n°120292, JO du 13 mars 2007, p.2579.
209
de syndic, au sens du règlement, le conciliateur n’en ayant aucune des prérogatives. Elle
n’affecte en rien les pouvoirs du débiteur ». Il ressort clairement de la signification de ces
termes à l’égard du droit français que l’inscription des procédures de sauvegarde accélérée dans
l’annexe A s’avérait moins évidente vis-à-vis des critères d’éligibilité définis.
504. La présence d’une procédure nationale sur la liste de l’annexe A suppose qu’elle répond aux
critères énoncés à cet effet. La question s’est alors posée de savoir si les tribunaux nationaux
pouvaient vérifier qu’une procédure d’insolvabilité remplit ces critères ? La réponse à cette
question ne peut qu’être négative en considérant la jurisprudence Probud 1079, dans laquelle la
CJUE1080 a précisé la portée des règles qui gouvernement la reconnaissance des décisions
relatives aux procédures d’insolvabilité par les États membres. Cette jurisprudence a
notamment indiqué que les États membres ne pouvaient contrôler une telle conformité car s’il
en était ainsi, le principe de confiance mutuelle issu de Eurofood1081 serait vidé de son essence,
de même que le principe d’universalité qui en résulte. Partant de ces principes, il en découle
qu’aucune tierce opposition ne saurait être fondée sur le motif de la conformité à l’article 1§1
d’une procédure d’insolvabilité listée à l’annexe A. Autrement, le principe d’universalité
inhérent au règlement communautaire serait entaché, et la souveraineté des États membres mise
à mal.
505. L’effet utile évoqué par la CJUE est important, car il permet d’encadrer l’interprétation des
traités. Cet effet utile veut que les dispositions d’un règlement ne soient pas interprétées selon
chaque droit international privé des États membres, mais selon une interprétation
communautaire. La non-observation de cet effet utile remettrait inévitablement en cause
l’existence même d’un règlement communautaire.
506. L’inscription d’une procédure nationale dans la liste de l’annexe A peut-être automatique ou
sur demande. C’est selon que la procédure concernée remplit partiellement ou totalement les
conditions d’éligibilité requises.
507. En définitive, il peut être conclu que les passerelles entre la conciliation et la sauvegarde en
droit français des entreprises en difficulté étaient bien éligibles au règlement de 2000 : étant des
branches de la procédure de sauvegarde de droit commun, on ne pouvait dès lors les dissocier
1079
CJUE C-444/07, 21 janv. 2010., Rev. proc. coll. étude 16, p. 38. obs. T. M ASTRULLO.
1080
Cour de justice de l’Union européenne.
1081
CJCE, mai 2006, C-345/04, Eurofood IFSC Ltd.
210
de cette procédure mère. La véritable question était-elle de savoir si leur reconnaissance était
automatique ou s’il fallait que la France procède à des formalités d’inscription comme ce fut le
cas pour la sauvegarde classique le 27 avril 2006, sur le fondement de l’article 45 du même
règlement ? Cette question n’a plus lieu de se poser sous l’empire du nouveau règlement de
2015.
1082
Art. 2-1 : « les procédures auxquelles participent la totalité ou une partie importante des créanciers du
débiteur, pour autant que, dans ce dernier cas, les procédures ne portent pas atteinte aux créances des créanciers
qui ne sont pas parties à ces procédures ».
1083
Y. BRULARD, « Les groupes et les procédures de pre-insolvency : le signe d’un changement de nature du
nouveau règlement d’insolvabilité ? », Rev. Proc. coll. 2015, dossier 4.
211
caractère confidentiel de ces procédures relève de l’ordre public1084. Étant donné que le principe
en droit européen est la publicité des procédures ouvertes, on peut en conclure que la seule
publicité de l’homologation d’un accord de conciliation ne suffit à rendre cette dernière éligible.
Enfin, ne peuvent être éligibles que les procédures fondées sur les législations nationales
relatives à l’insolvabilité. Ce critère permet d’exclure les mécanismes du même genre issus
d’autres droits comme le droit civil et le droit des sociétés (comme les délais de paiement, les
remises de dettes). A titre d’exemple, le schème of arrangement (concordat) du droit anglais
régi par le compagnies act ne peut intégrer l’annexe A.
510. Par ailleurs, le critère de dessaisissement n’est plus retenu mais plutôt toute procédure
privilégiant le maintien des pouvoirs du débiteur en difficulté. Ce qui est le cas en droit français.
De ce critère traditionnel, associé à la désignation d’un praticien de l’insolvabilité, deux
nouveautés ont été adoptées 1085: La procédure sera admise lorsqu’elle est placée sous la
surveillance d’une juridiction sur les agissements du débiteur ; ensuite la procédure sera admise,
lorsqu’en plus des conditions précédemment mentionnées, elle permet la suspension des
poursuites pendant la période où le débiteur négocie un accord avec ses créanciers, à condition
de garantir les droits des créanciers, et de basculer vers une procédure si l’accord n’intervient
pas. Au regard de ces nouveaux critères d’éligibilité, l’inscription des passerelles de sauvegarde
accélérée du droit français des entreprises en difficulté dans l’annexe A de ce nouveau
règlement européen s’avère automatique.
511. L’inscription des procédures nationales d’insolvabilité dans l’annexe A du règlement par les
États membres est obligatoire. Toutefois, cette inscription pose quelques difficultés tant en ce
qui concerne le contrôle de l’opération que les effets qui y sont attachés. Selon le nouvel article
premier, cette inscription n’est valable désormais que pour des procédures respectant de façon
stricte les conditions posées sans plus de précision. Selon le considérant 9 du règlement de
2015, les juridictions ne peuvent pas faire de contrôle de régularité d’inscription d’une
procédure déjà inscrite dans l’annexe A, et toute procédure non inscrite dans cette annexe ne
rentre pas dans le champ d’application du règlement. Ce principe permet de prévenir les
difficultés d’application du règlement entre les États membres. Il importe de noter qu’avec la
1084
Art. L.611-15, c. com. ; Com. 22 sept. 2015, n°14-17.377, Bull. 2016, n°836.
1085
K. LENZIG, « La nouvelle définition des procédures d’insolvabilité couvertes par le champ d’application du
règlement d’insolvabilité », Rev. Proc. coll. 2015, dossier 3.
212
réforme intervenue au travers de ce règlement de 2015, certaines annexes ont été modifiées et
dix-neuf procédures ont été inscrites. D’autres ont été exclues.
512. Le nouvel article premier cite certaines procédures d’insolvabilité qui sont exclues de plein droit
du champ d’application du règlement en raison de la situation du débiteur. Sont visées, dans le
cadre de ces exclusions, les entreprises d’assurance qui étaient régies par la directive du 19
mars 20011086, abrogée et remplacée par la directive du 29 novembre 2009 1087 ; les
établissements de crédit, définis par la directive de 20001088comme « une entreprise dont
l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer
des crédits pour son propre compte », et qui relèvent de la directive du 4 avril 20011089sur
l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit. Il faut également citer les
entreprises d’investissement, les firmes, les établissements ou entreprises pour autant qu’ils
relèvent de la même directive du 4 avril 2001. Enfin, les organismes de placement collectif sont
aussi exclus.
1086
Directive, n°2001-17/CE, du 19 mars 2001 sur l’assainissement et la liquidation des entreprises d’assurance.
1087
Directive, n°2009-138/CE du 29 nov. 2009 sur l’accès aux activités d’assurance et de la réassurance et de leur
exercice.
1088
Directive, n° 2000-12/CE du 20 mars 2000 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son
exercice.
1089
Directive, n°2001-24/CE du 4 avr. 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de
crédit.
1090
Règl. n°2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité.
213
Conclusion du chapitre 2
514. Les procédures de sauvegarde accélérée que le législateur français a adoptées pour former les
passerelles entre les procédures de conciliation et de sauvegarde ont été conçues pour être à la
fois dérogatoires et alignées sur la sauvegarde de droit commun. A titre dérogatoire, le débiteur
peut être en cessation des paiements depuis moins de quarante-cinq jours. Il doit être engagé
dans une procédure de conciliation au moment de la demande d’ouverture et avoir élaboré un
projet de plan soutenu par la majorité des créanciers. Les délais procéduraux ordinaires de la
période d’observation ont été compressés. La rapidité des opérations, nécessaires dans le
procédé de plan pré-négocié, justifie ces dérogations. Si la sauvegarde financière accélérée ne
vise que le seul passif financier du débiteur, la sauvegarde accélérée concerne toutes les dettes
à l’exception de celles salariale et alimentaire. Sur le plan européen, ces nouvelles institutions
du droit français des entreprises en difficulté répondent sans aucun doute possible aux critères
d’éligibilité dégagés par l’article premier du nouveau règlement européen relatif aux procédures
d’insolvabilité. Contrairement sous l’empire de l’ancien règlement du 29 mai 2000, leur
inscription apparaît plus automatique dans l’annexe A du nouveau règlement du 20 mai 2015.
Des deux chapitres précédents, la conclusion suivante peut être titrée.
Conclusion du titre 2
515. Du titre qui précède il peut être retenu que le procédé de passerelle est applicable en droit
OHADA des entreprises en difficulté. La simplicité des formalités procédurales prévues dans
le nouvel Acte uniforme des procédures collectives, ainsi qu’une analyse critique de
l’expérience française dans l’utilisation du mécanisme de plan pré-arrangé peuvent expliquer
cette possibilité. En effet les passerelles de sauvegardes accélérées, adoptées en droit français
des entreprises en difficulté, sont à la fois dérogatoires et alignées sur la sauvegarde ordinaire.
A titre d’exemple, la condition que le chef d’entreprise ne soit pas en cessation des paiements
n’est pas retenue dès lors que cet état de cessation des paiements est de moins de quarante-cinq
jours. Une procédure de conciliation en cours, en plus d’un projet de plan déjà élaboré et
soutenu par une large majorité des créanciers sont requis pour leur ouverture. Les délais
classiques des opérations de la période d’observation ont été réduits. La célérité de ces
opérations, indispensable dans le système prepack explique ces mesures. Si la sauvegarde
financière accélérée ne traite que du seul endettement financier du débiteur, la sauvegarde
accélérée englobe tout son passif, excepté les créances de salaire et d’aliment. A la lumière des
214
dévéloppents qui précèdent, une conclusion générale peut être tirée sur la prémière partie de la
présente thèse.
215
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
516. La prévention des difficultés des entreprises, en droit français avant la loi de sauvegarde de
2005, présente les mêmes défauts qu’en droit positif OHADA. Ces défauts tiennent au régime
rigide de la cessation des paiements et à la règle de l’unanimité présente dans la procédure de
conciliation ; ils peuvent justifier la reconnaissance du procédé de passerelle dans les droits
français et OHADA. Ce procédé de passerelle est juridiquement admis dans ces deux
législations en dehors de tout encadrement législatif spécifique. La mission du conciliateur et
l’existence des cadres de négociation dans ces deux droits peuvent sous-tendre cette admission.
Le caractère simple des formalités procédurales en droit OHADA, ainsi que l’examen de
l’application des nouvelles procédures de sauvegarde accélérée du droit français permettent
d’affirmer que le procédé de passerelle est recevable en droit positif OHADA. En effet, ces
sauvegardes accélérées dérogent au droit commun de la sauvegarde ordinaire aussi bien dans
les conditions relatives à leur ouverture que dans le déroulement de leur période d’observation.
L’essentiel des dérogations adoptées tient à la compression des délais ordinaires de préparation,
vote et d’adoption du plan de restructuration. Ce qui est indispensable dans le cadre du système
de plan pré-négocié.
217
DEUXIEME PARTIE
1091
V. ROY, H. J AHIER, Gestion juridique, fiscale et sociale 2016/2017 : L’essentiel en fiches, 6e éd., Dunod, 2016,
p. 155.
219
517. En droit français des entreprises en difficulté, la loi bancaire de 20101092 et l’ordonnance du 12
mars 20141093, ont respectivement institué les procédures de sauvegarde financière accélérée et
de sauvegarde accélérée. Ces dernières, servant de passerelles entre la conciliation et la
sauvegarde classique, ont reconfiguré la philosophie de sauvetage de l’entreprise en difficulté,
en faisant de la libre négociation des mesures de sa restructuration, entre le chef d’entreprise et
ses principaux créanciers, un levier primordial. Elles offrent de nouvelles possibilités pour
prévenir et, au besoin, résorber rapidement et efficacement les difficultés. Si ces dernières
peuvent être considérées comme inhérentes à la vie d’une entreprise, il ne serait pas inexact
d’affirmer que le procédé de passerelle en est une thérapie dont l’effet est à la fois préventif et
curatif.
518. Par effet préventif, il faut entendre l’ensemble des mesures permettant d’anticiper les difficultés
qui pourraient, si rien n’est fait, entraver à court ou à moyen terme, le cours normal de
production de l’entreprise. Par celui curatif, il faut entendre l’ensemble des mesures ayant pour
finalité la sortie rapide d’une entreprise viable du carcan des procédures judiciaires. Cette
entreprise viable en difficulté n’est pas à vendre en priorité, quoique la cession soit conçue
comme une mesure de redressement judiciaire de l’entreprise en difficulté 1094 ; car d’une part,
l’objectif premier n’est plus le désintéressement des créanciers comme ce fut le cas sous
l’ancien droit1095 et, d’autre part, l’idéal serait que l’entreprise reste à son propriétaire initial 1096.
Tel est le pari fait par le législateur en donnant aux chefs d’entreprise ces nouvelles procédures
qui s’insèrent dans la palette d’outils déjà existants.
519. Les tribunaux et certains auteurs ont longtemps désigné les chefs d’entreprise comme les
responsables de la faillite de leur entreprise, parce que le dirigeant, voulant à tout prix croire à
la réussite de l’entreprise qu’il a souvent lui-même créée, hésite à déposer le bilan et lorsqu’il
1092
L. n°2010-1249 du 22 oct. 2010 de régulation bancaire et financière, JORF n° 0247 du 23 oct. 2010, p. 18984,
texte n°1.
1093
Ord., n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
1094
R. DAMMANN, « Le pré-pack cession à la française serait-il incompatible avec le droit social européen ? », la
lettre des juristes d’affaires, n°1327, 27 déc. 2017, p. 2.
1095
Il est fait référence au droit de la faillite sous l’empire des législations antérieures à la loi n°67-563 du 13 juill.
1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes, JORF du 14
juill. 1967, p. 7059.
1096
Cela récompenserait les efforts du chef d’entreprise qui ne verrait pas son entreprise, créée au prix de plusieurs
sacrifices, être vendue judiciairement.
220
s’y résigne, il est souvent trop tard1097. S’il y a un recours récurrent aux procédures judiciaires,
c’est parce qu’il existe des carences dans le dispositif préventif ou dans l’utilisation qui en est
faite1098 ; car toute prévention doit permettre de stopper, le plus tôt possible, le risque de
l’exacerbation de la mauvaise situation financière de l’entreprise, et de préserver son
environnement en limitant le passif, dont on sait qu’il croît de façon considérable dans les mois
et les semaines précédant la cessation des paiements 1099. En ce sens l’objectif législatif, visé à
travers la prévention, est de résorber de manière précoce les difficultés rencontrées par les
entrepreneurs et ainsi les aider à passer un cap difficile de la vie de leur entreprise1100. Ce qui a
pour objectif social direct de préserver les emplois 1101. C’est dans cette perspective que le
législateur français a entendu renforcer le dispositif préventif à travers ces procédures
passerelles 1102. Il faut éviter que le débiteur se mette en difficulté, ou soit mis en difficulté, en
anticipant les maux susceptibles de provoquer ces situations 1103.
520. Bien avant les réformes précitées, le travail de simplification et de renforcement des mesures
de sauvetage de l’entreprise en difficulté avait déjà commencé en France. Comme cela a déjà
été évoqué, la loi du 26 juillet 20051104 a supprimé le règlement amiable et institué la procédure
de conciliation, accessible même en présence d’un état de cessation des paiements de moins de
quarante-cinq jours1105. L’ordonnance du 18 décembre 2008 1106 est venue renforcer ce
dispositif en assouplissant notamment les conditions d’accès à la sauvegarde. C’est à la suite
1097
Pour approfondir, v. Rapport du comité d’étude pour la réforme du droit des entreprises en difficulté dit
« Rapport Sudreau », 1975.
1098
Selon Bernard COUTUMIER, président de chambre honoraire du tribunal de commerce de Paris, s’exprimant
dans les colonnes de l’économiste : « Réforme du droit des entreprises », l’économiste, 01 juill. 2014, article
consulté le 15 mars 2018.
1099
La législation applicable en matière de traitement et de prévention des difficultés des entreprises, SENA,
rapport d’expertise, annexe II, Paris, 08 oct.1998.
1100
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ,
2018, p. 4.
1101
C. DELATTRE, « La prévention doit s’exercer dans le respect du cadre légal », Rev. proc. coll. 2010, n°4, p. 18.
1102
Il s’agit de la sauvegarde financière accéléré et de la sauvegarde accélérée.
1103
A. JACQUEMONT, R. VABRES, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., 2015, LexisNexis, p. 25.
1104
L. n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
1105
Art. L. 611-4, c. com.
1106
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
221
de ces efforts législatifs que la loi du 22 octobre 20101107 a consacré la sauvegarde financière
accélérée qui était déjà connue de la pratique 1108.
521. Une procédure non seulement accélérée mais aussi allégée : c’est une sauvegarde fast and
light1109. Il s’est agi de doter le débiteur d’un outil de gestion de ses difficultés plus souple que
la sauvegarde classique. Cette première variante de la sauvegarde classique à plan pré-arrangé
permet une restructuration du passif financier du débiteur à l’exclusion des autres dettes 1110.
Cependant elle n’a pas connu1111 le succès qu’on lui prédisait à cause des conditions d’ouverture
jugées moins accessibles 1112. L’ordonnance du 12 mars 20141113 a, à son tour, consacré une
autre sauvegarde accélérée, qui est aussi une variante de la sauvegarde classique, mais cette
fois, de droit commun1114, permettant un traitement rapide du passif du débiteur, pour un effet
erg omnes 1115. C’était par-là la réaction législative aux critiques 1116 formulées contre la
sauvegarde financière accélérée ; car en plus du traitement global de toutes les dettes du
débiteur, les seuils d’accès à ces deux procédures ont été harmonisés et revus à la baisse 1117.
522. Toutes les deux procédures sont judiciaires, mais elles ont une vocation volontairement orientée
vers la prévention. Cette dernière n’est plus l’apanage des procédures amiables traditionnelles
que sont le mandat ad hoc et la conciliation.
523. Le financement des entreprises repose sur des fonds internes et externes dont les crédits
bancaires. Or, comme le souligne un auteur, « les crises économiques et financières ont un
caractère imprévisible, elles bouleversent le monde réel et contraignent les banques,
1107
L. n°2010-1249 du 22 oct. 2010 de régulation bancaire et financière, JORF n° 0247 du 23 oct. 2010, p. 18984,
texte n°1.
1108
Versailles, 13e ch. 18 nov. 2010, RG n°10/01433, Dalloz act. 22 nov. 2010, note A. LIENHARD.
1109
A. LIENHARD, Procédures collectives, 6e éd., Delmas, 2015/2016, p. 14.
1110
Art. L.628-9, c. com.
1111
Au total, il n’y a été recouru qu’à 6 reprises jusqu’en 2013 : Étude Deloitte altares, entreprise en difficulté en
France en 2016, mars 2017, p. 32.
1112
Des auteurs ont regretté que la SFA n’ait pas été élargie à toutes les créances : v. en ce sens, Ph. ROUSSEL
GALLE et P. LE MARCHANT, « La prévention - du mandant ad hoc et de la conciliation aux sauvegardes accélérées
et « prépack » cession », cahier de droit de l’entreprise, janv. 2015, n°15, doss. n°2.
1113
Ord., n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
1114
C. CHAMPALAUNE, directrice des affaires civiles et du seau au ministère de la justice, répondant au rapport au
président, accompagnant l’ord., n° 2014-326 du 12 mars 2014, en ligne dans les dossiers thématiques.
1115
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 472.
1116
S. BEAUMONT, S. TRIPATHI, « La sauvegarde financière accélérée : un rendez-vous manqué pour les LBO »,
fusion-acquisition, 23 nov. 2011, article consulté le 20 avr. 2018.
1117
Art. D. 628-3 relatif à l’application de l’art. L.628-1, c. com.
222
particulièrement celles systémiques, à adopter de nouvelles normes prudentielles ».1118 La
prudence pour ne pas dire la méfiance des banques - principaux apporteurs de crédit -, est la
réalité à combattre. La rareté du crédit défavorise les affaires et provoque, par effet direct ou
collatéral, la disparition des sociétés en mauvaise posture financière. Le crédit est un recours
important pour les entreprises pendant les moments difficiles. Il faut donc le maintenir dans
l’intérêt de ces deux partenaires inséparables 1119. D’où le lien étroit avec le domaine du
traitement des difficultés des entreprises, qui tente, au fil des réformes, de concilier les intérêts
entre créanciers et débiteurs. Dans cet antagonisme, à peine voilé, les débiteurs semblaient
moins protégés1120 face aux créanciers. Il était nécessaire de rééquilibrer les forces. Ces
nouvelles institutions (les sauvegardes accélérées) renforcent et adaptent les mesures
préventives et curatives au service du chef d’entreprise, sous le nouveau leitmotiv
gouvernemental de l’efficience économique. Un auteur décrit le contexte : face à la crise
actuelle, ces deux outils sont précieux, chaque protagoniste défendant plus que jamais ses
intérêts, adoptant parfois des positions de principe, voire dogmatiques, la recherche d’un
consensus devient difficile1121. C’est en ce sens que les procédures amiables traditionnelles de
conciliation et de mandat ad hoc sont transformées en une étape pré-judiciaire. Sur le fond, tout
est fait, sinon pour contraindre1122, à tout le moins, pour encourager le chef d’entreprise à
recourir au nouveau dispositif qu’incarnent les procédures passerelles : anticiper la dégradation
progressive de la situation financière de l’entreprise sur le terrain de l’amiable ou, si cela n’est
pratiquement plus possible, préparer, contractuellement et par anticipation, son redressement
judiciaire.
524. En droit OHADA des entreprises en difficulté, la prévention a été au cœur de la dernière
réforme opérée en 20151123. Au titre des innovations marquantes, il faut citer l’adoption de la
1118
A.-M. ROMANI, La banque dans tous ses (É) états, éd., mare & martin, 2016, p. 26.
1119
V. F. REILLE, « Règlementation du traitement des difficultés des entreprises et maintien du crédit bancaire : la
recherche d’un équilibre », in A.-M. Romani, La banque dans tous ses (É) états {…}, éd., mare & martin, 2016,
p. 179 à 197.
1120
Notamment dans le cadre de la conciliation où le sort de l’entreprise est entre les mains de ses créanciers, de
sorte que le refus d’un d’entre eux d’adhérer au projet d’accord proposé par le débiteur, peut mettre toute la
procédure en échec.
1121
Ph. ROUSSEL GALLE, P. LE MARCHAND, « La prévention - Du mandat ad hoc et de la conciliation aux
sauvegardes accélérées et « prepack » cession », cahier de droit de l’entreprise, janv. 2015, n°1, doss. n°2.
1122
Trib. com. Valenciennes, 9 juill. 2012, LEDEN, sept. 2012, n°130, p. 1, obs. F. X. LUCAS ; v. V. MARTINEAU
-BOURGNINAUD, « La conciliation : droit ou obligation ? », Rev. proc. coll. 2014/1, p. 86.
1123
L’Acte uniforme des procédures collectives (AUPC) adopté le 10 sept. 2015 à Grand-Bassam en Côte d’ivoire.
223
procédure de conciliation1124. Selon l’Acte uniforme des procédures collectives, « la
conciliation est une procédure préventive, consensuelle et confidentielle, destinée à éviter la
cessation des paiements de l’entreprise débitrice afin d’effectuer, en tout ou partie, sa
restructuration financière ou opérationnelle pour la sauvegarder. Cette restructuration
s’effectue par le biais de négociations privées et de la conclusion d’un accord de conciliation
négocié entre le débiteur et ses créanciers ou, au moins ses principaux créanciers, grâce à
l’appui d’un tiers neutre, impartial et indépendant dit conciliateur ».1125 C’est une décision
législative saluée par les auteurs1126 : « l’introduction de la conciliation dans l’acte correspond
à une évolution significative du droit communautaire dans lequel le centre de gravité du droit
des entreprises en difficulté est déplacé vers une tendance plus consensuelle, une tendance qui
correspond à une évolution générale dans les États modernes où est privilégié le « soft law » ;
les mots-clés de cette procédure sont « anticipation », « consensus » et « confidentialité ». 1127
Cette innovation laisse présager le début d’une nouvelle dynamique, celle de la
contractualisation de la restructuration des entreprises en difficulté dans cet espace juridique
africain. Comme un auteur le mesure à sa juste valeur, la sauvegarde de l’entreprise est l’affaire
de tous et non seulement celle des chefs d’entreprise 1128. La nouvelle procédure de conciliation,
qui est entièrement amiable et préventive, vient s’ajouter au règlement préventif - également
1124
Art. 5, AUPC.
1125
Art. 2.
1126
L. C. M. BIASSALY, « La procédure de conciliation dans la prévention des difficultés des entreprises en droit
OHADA : distincte ou copie du droit français ? », village de la justice, 20 mars 2017, p. 2. ; Y. K. ELONGO,
« L’introduction de la conciliation en droit OHADA des procédures collectives », actualités du droit, 2 juin 2017,
p. 1 ; pour en savoir davantage sur la nouvelle procédure de conciliation en droit OHADA, v. C. NDONGO, La
prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ, 2018, p. 181 à 225.
1127
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ,
2018, p. 16.
1128
Ph. ROUSSEL GALLE, « Les débiteurs dans l’AUPC révisé : la modernisation du droit de l’insolvabilité dans la
continuité », dr. et patr. 2015, n°253, p. 57.
224
révisé1129 - qui est une procédure judiciaire à vocation préventive, pour former le dispositif
nodal de la prévention-OHADA1130 new-look1131.
525. Le procédé de passerelle, objet de la présente étude, n’y est pas encore adopté1132. Néanmoins,
le législateur africain propose des procédures dites simplifiées 1133 qui semblent rechercher le
même but qu’une procédure passerelle1134. Issues de la réforme de 2015, précédemment
évoquée, elles répondent au besoin d’extension du champ d’application de l’Acte uniforme des
procédures collectives. On rappellera que sous l’empire de L’Acte uniforme des procédures
collectives de 1998, les petites entreprises n’osaient pas demander l’ouverture des procédures
judiciaires, à cause de la lourdeur, mais aussi de la complexité et du coût excessif de ces
dernières 1135.
526. Il s’est donc agi pour le législateur d’impliquer ces petites entreprises qui avaient été qualifiées
autrefois de « délaissées ».1136 Les procédures simplifiées, que sont le règlement préventif
simplifié et le redressement judiciaire simplifié pour ne citer que ces dernières 1137, sont des
procédures dérogatoires : il s’est avéré plus judicieux de marquer des dérogations aux
procédures judiciaires classiques plutôt que de créer un corps de règles autonomes applicables
à ces procédures simplifiées1138. Leur adoption répond également à l’insistance des lobbyings
1129
« AUPC révisé, art. 2 al. 2 : « Le règlement préventif est une procédure collective destinée à éviter la cessation
des paiements de l’entreprise débitrice et à permettre l’apurement de son passif au moyen d’un concordat
préventif ». A comparer avec AUPC de 1998, art. 2-1. : « Le règlement préventif est une procédure destinée à
éviter la cessation des paiements ou la cessation d’activité de l’entreprise et à permettre l’apurement de son passif
au moyen d’un concordat préventif ». L’idée de cessation d’activité qui a été supprimée dans l’AUPC de 2015
suppose une situation d’apparition de cessation des paiements qui est incompatible avec la mise en œuvre du
règlement préventif. Le législateur a voulu, de manière générale, favoriser davantage l’anticipation des difficultés
par les débiteurs » : note 45, in C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé,
thèse de doctorat, éd., LGDJ, 2018, p. 14.
1130
Art. 5, AUPC.
1131
Nouvelle version.
1132
Le nouvel Acte uniforme des procédures collectives adopté en 2015 n’en fait mention nulle part.
1133
Il s’agit du règlement préventif simplifié et du redressement judiciaire simplifié, respectivement mentionnés
aux art. 24 et 145 du nouvel Acte uniforme des procédures collectives.
1134
A savoir la célérité et la souplesse.
1135
Selon une étude de l’Institut national de la statistique du Cameroun, menée en 2010, la majorité des entreprises
sur le continent seraient de petite taille, soit 73% avec un capital initial compris entre 500 000 FCFA (environ 760
euros) et 1. 000 000 FCFA (environ 1520 euros) : www.statistics-cameroon.org.
1136
Rapp. Audite préalable sur l’application de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives
d’apurement du passif, nov. 2013, p. 25
1137
Il existe aussi la liquidation simplifiée des biens : art. 179, AUPC.
1138
B. DIALLO, « Des procédures adaptées aux « petites » entreprises : les procédures simplifiées », dr. et patr.
2015, n°253, P. 45.
225
qui réclamaient la prise en compte des petites entreprises dans les règlementations
communautaires. En effet, les PME et les TPE représenteraient quatre-vingt-dix pour cent des
entreprises existantes dans l’espace OHADA, et emploieraient environ soixante-dix pour cent
de la population1139.
527. Pourtant, à y voir de près, le procédé de passerelle peut, sur le fondement de la mission confiée
au conciliateur1140, être utilisé par les chefs d’entreprise de l’espace OHADA. En fait, selon
l’Acte uniforme des procédures collectives, le conciliateur est chargé de trouver un accord entre
le débiteur et ses principaux créanciers, afin de mettre fin aux difficultés 1141. Cette mission du
conciliateur, exprimée dans des termes généraux, peut inclure, dans le silence des textes, une
mission de préarrangement d’un projet de plan. En d’autres termes, le débiteur peut valablement
demander l’ouverture d’une procédure de règlement préventif, dans le but de faire voter son
projet de restructuration qui n’aura pas pu, faute d’accord unanime, aboutir sur le terrain de la
conciliation. Cette possibilité est d’ailleurs reconnue par le législateur au travers de l’article 5-
14, alinéa premier, de l’Acte uniforme des procédures collectives. Selon ce texte, « l’ouverture
d’une procédure de règlement préventif {…} met fin de plein droit à la procédure de
conciliation {…} », ce qui signifie que le chef d’entreprise peut, sous réserve de satisfaire à la
condition d’absence de cessation des paiements, préparer un plan de restructuration avec les
créanciers dans le cadre de la conciliation, et ensuite demander l’ouverture de la procédure de
règlement préventif afin de faire adopter ce plan, ce qui mettra un terme automatique à la
conciliation ; il aura ainsi anticipé la procédure collective.
528. Toutefois, en dépit des efforts législatifs de part et d’autre, des améliorations restent possibles.
Il en est ainsi de l’adoption des classes de créances dans la procédure de conciliation et de
l’autonomisation du mandat ad hoc pour préparer la cession pré-arrangée pour ce qui concerne
le droit français, et de la matérialisation formelle du procédé de passerelle, assortie de
l’assouplissement du régime de la cessation des paiements, pour ce qui concerne le droit
OHADA. Ces améliorations pourraient, à l’heure de la mondialisation, renforcer l’attractivité
et la compétitivité de ces deux droits.
1139
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ,
2018, p. 15.
1140
V. supra, 187.
1141
Art. 5-5, al.1, AUPC.
226
529. En plus d’un possible préarrangement du plan de sauvegarde, le droit français des entreprises
en difficulté1142 propose le prepack-cession ou la cession pré-arrangée1143 d’une entreprise en
difficulté. Comme pour les plans pré-arrangés de sauvegarde, il tend à limiter les dommages
collatéraux des procédures collectives sur la valeur de l’entreprise 1144, et à réduire les autres
effets négatifs que sont la perte de confiance auprès des clients et des fournisseurs de
l’entreprise1145 et l’assèchement du crédit fournisseur 1146.
530. Tel qu’il se présente, le procédé de passerelle constitue, comme nous tenterons de le démontrer,
un véritable moyen d’anticipation et de résorption rapide des difficultés des entreprises (Titre
1). En droit OHADA, la cession d’entreprise pré-arrangée n’est pas législativement reconnue.
Cependant, dans le silence des textes, elle peut se pratiquer 1147. La cession pré-négociée,
réalisée dans le cadre d’une procédure passerelle, met un accent particulier sur la prévention
des difficultés des entreprises. Ainsi, compte tenu de la célérité qui le caractérise, le prepack-
cession1148 semble bien rimer avec le procédé de passerelle1149 (Titre 2).
1142
Ord. n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
1143
Art. L. 611-7, al. 1, c. com.
1144
H. BOURBOULOUX et G. COUTURIER, « La consécration de la sauvegarde financière de l’entreprise », BJE,
mars 2011, n°23, §1, p. 48.
1145
H. BOURBOULOUX et G. COUTURIER, « La consécration de la sauvegarde financière de l’entreprise », BJE,
mars 2011, n°23, §9, p. 48.
1146
P.-M. LE CORRE, « L’avènement prochain d’une procédure semi-collective », GPC, 16 oct. 2010, n°289, p. 3.
1147
D’abord, sur le fondement de l’article 5-5, al. 1 qui prévoit que le conciliateur est chargé de trouver un accord
entre le débiteur et ses principaux créanciers pour mettre fin aux difficultés. Ensuite, sur le fondement de l’article
L.132, al.1, AUPC, selon lequel le débiteur reçoit les offres d’acquisition et les soumet à l’assemblée concordataire
qui décide d’en arrêter une : la cession d’entreprise (totale/partielle) étant possible en règlement préventif et en
redressement judiciaire, il peut être imaginé que le débiteur puisse, avec le concours du conciliateur, préparer cette
cession en amont de la conciliation, et de la présenter ensuite dans le cadre d’une procédure judiciaire comme
projet de plan de cession.
1148
Ou la cession-pré-arrangée.
1149
V. E. BERTRAND, « Le pré-pack cession : le dispositif s’installe dans le paysage des procédures collectives »,
Lamy Lexel, 4 mars 2016, article consulté le 14 déc. 2017 ; v. aussi E. FABRE, « La sauvegarde accélérée, le
prepack version française », chef d’entreprise, 16 oct. 2014, article consulté le 14 déc. 2017.
227
TITRE 1
1150
V. supra, n°20.
1151
L’adoption du nouvel Acte uniforme des procédures collectives : 10 sept. 2015 à Grand Bassam en Côte
d’Ivoire.
1152
Naissance du premier Acte uniforme des procédures collectives d’apurement du passif, et donc celle du droit
communautaire des entreprises en difficulté.
1153
L. n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
1154
Elles sont issues des réformes opérées en 2010 au travers de la L. n°2010-1249 du 22 oct. 2010 de régulation
bancaire et financière, JORF n° 0247 du 23 oct. 2010, p. 18984, texte n°1 et de l’ord. n° 2014-326 du 12 mars
2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062
du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3. A travers ces procédures, la faculté est donnée, d’une part, au chef d’entreprise
de trouver une solution de restructuration de son entreprise en cas d’échec de sa procédure de conciliation et,
229
532. Toutefois, si dans les deux législations, une convergence des mesures préventives internes - au
sein des entreprises -, telle l’alerte du commissaire aux comptes 1155, peut être relevée, il n’en
demeure pas moins que le législateur français a une longueur d’avance sur son homologue
africain, s’agissant des mesures préventives externes. A titre d’exemple, le mandat ad hoc, les
sauvegardes accélérées, ainsi que le prepack-cession peuvent être cités, même si le procédé de
passerelle reste tacitement reconnu en droit OHADA 1156 ; mais cette différence n’est nullement
révélatrice d’une force chez l’un et d’une faiblesse chez l’autre. Elle est plutôt la résultante d’un
processus évolutif propre à chaque droit pris dans ses réalités sociale, politique, économique et
culturelle.
534. L’élaboration d’un plan en phase amiable, puis le vote en phase judiciaire, symbolisent
respectivement le rôle préventif (Chapitre 1) et celui curatif (Chapitre 2)) d’une procédure
passerelle
d’autre part, au créancier de participer à la mise en place du plan qui le concerne voire d’en proposer un,
contrairement au contexte d’un plan établi pendant la période d’observation où presque tout lui est imposé par le
tribunal.
1155
Dans les droits français et OHADA, le commissaire aux comptes peut donner l’alerte à propos de tout
évènement, tout fait de nature à compromettre l’équilibre de l’entreprise : v. art. L.612-3, c. com. ; art. 153, AUDS.
1156
Il en est ainsi, parce que le droit OHADA a adopté la procédure de conciliation, ce qui présente la possibilité
de préparer le plan amiablement et de le faire adopter, s’il ne bénéficie pas de l’adhésion de tous les créanciers,
dans le cadre d’une procédure judiciaire.
1157
Respectivement par L. n°2010-1249 du 22 oct. 2010 de régulation bancaire et financière, JORF n° 0247 du 23
oct. 2010, p. 18984, texte n°1 et par l’ord. n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des
difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
1158
Art. L. 628-1, al. 2, c. com.
1159
Art. L. 611-7, c. com.
230
Chapitre 1. Le rôle préventif du procédé de passerelle
535. Avant les textes de 2010 et de 2014 cités plus haut en droit français, et en l’état actuel du droit
OHADA, l’échec des négociations dans la procédure de conciliation, à cause du refus de
certains créanciers de faire un effort participatif, contraint les entreprises, soit à demander à
nouveau la conciliation, soit à se mettre sous la tutelle judiciaire via la procédure de
sauvegarde/règlement préventif 1160. De plus, si en droit français, le régime de la cessation des
paiements a connu un assouplissement,1161 en droit OHADA, il n’a pas été reformé en 20151162.
La conséquence en est que l’échec de la conciliation, conjugué avec le retard souvent accusé
dans le dépôt du bilan1163, aggrave l’état de cessation des paiements ; plus le temps passe plus
la situation financière de l’entreprise se dégrade.
536. Le procédé de passerelle donne aux chefs d’entreprise le moyen de contourner le blocus des
créanciers minoritaires, afin de faire face sereinement aux difficultés actuelles et prévisibles de
leur société1164 (Section 1). Toutefois, s’il permet le contournement de l’aléa qui tient au
comportement des cocontractants, susceptibles d’être réfractaires à la conclusion d’un accord
de conciliation, il n’en reste pas moins inefficace face à d’autres événements pouvant entraver
cette fin, telles les poursuites individuelles et la mise en œuvre des voies d’exécution par les
créanciers (Section 2)
1160
En effet, l’accord de conciliation doit recueillir l’unanimité pour être constaté ou homologué par le tribunal
dans les deux droits.
1161
Art. L.611-4, c. com. tel que modifié par la L. n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises,
JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte n°5 : la conciliation peut être ouverte même si l’entreprise est en
cessation des paiements depuis moins de 45 jours.
1162
La dernière réforme en date qui a consacré l’adoption d’un nouvel Acte uniforme des procédures collectives a
eu lieu le 10 sept. 2015 à Grand Bassam en Côte d’ivoire.
1163
V. Rapport du comité d’étude pour la réforme du droit des entreprises en difficulté dit Rapport Sudreau, 1975.
1164
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 467.
231
préventive et non curative1165. Une difficulté, de quelque nature qu’elle soit, peut en provoquer
d’autres, si elle n’est pas résolue : « plus on traite les difficultés des entreprises en amont, plus
on préserve leur caractère confidentiel et moins on détruit de valeur ».1166 A défaut, les
difficultés mineures négligées deviennent progressivement pesantes sur la situation globale de
l’entreprise et la conduisent vers le dépôt du bilan. Or, anticiper les difficultés, c’est éviter ce
dépôt du bilan1167.
538. Afin d’aider le chef d’entreprise à mieux faire face à cette responsabilité, le code de commerce
français et l’Acte uniforme des procédures collectives OHADA confèrent au conciliateur un
rôle de négociation pour la conclusion d’un accord entre le débiteur et ses principaux créanciers,
dans le but de trouver une issue favorable à toutes les parties 1168. La procédure de conciliation
est devenue l’antichambre des procédures judiciaires 1169. Le débiteur engagé dans une
procédure de conciliation peut 1170 demander l’ouverture d’une de ces procédures judiciaires,
afin de faire valider son plan de restructuration préparé à l’amiable. En droit français, les
nouvelles procédures de sauvegarde accélérée se prêtent mieux à ce mode de prévention ; le
choix du type de procédure judiciaire accélérée sera naturellement fonction de la nature des
dettes à restructurer. Une dette uniquement financière nécessite une sauvegarde financière
accélérée1171, alors qu’un passif composé nécessitera une sauvegarde accélérée 1172. Toutefois,
rien n’interdit au chef d’entreprise de requérir une sauvegarde accélérée et de ne restructurer
que ses dettes financières 1173. Les négociations avec le conciliateur doivent se passer dans la
1165
Selon Bernard COUTUMIER, président de chambre honoraire du tribunal de commerce de Paris, s’exprimant
dans les colonnes de l’économiste : « Réforme du droit des entreprises », l’économiste, 01 juill. 2014, article
consulté le 15 févr. 2018.
1166
B. COUTUMIER, in « Réforme du droit des entreprises », l’économiste, 01 juill. 2014, article consulté le 15
févr. 2018.
1167
Ph. HAMEAU, « Réforme du droit des entreprises », l’économiste, 01 juill. 2014, article consulté le 15 févr.
2018.
1168
Art. L.611-7, c. com. ; Art. 5-5, al. 1er, AUPC.
1169
V. les obs. de F. MACORIG-VENIER à propos de la loi de régulation bancaire et financière du 22 oct. 2010, RTD
com. 2010/4, n°2, p. 781. V. aussi L. C. HENRY note sous Trib. com. Nanterre 27 mars 2013, Rev. soc. 2013/6, p.
375 et Ph. ROUSSEL GALLE, « Le plan de la première SFA adopté », Rev. proc. coll. 2013/3, étude n°13, p. 13 ; B.
THULLIER, « La conciliation après l’ordonnance du 12 mars 2014, jamais pareille mais toujours plus proche des
procédures collectives » BJE, 2014/3, p. 174.
1170
En application combinée des articles L.628-1 et R.628-2 du code de commerce français. En droit OHADA,
une telle faculté n’est pas reconnue de façon expresse, cependant rien n’interdit au débiteur de demander, par
exemple, l’ouverture d’une procédure de règlement préventif, par suite de l’échec de sa procédure de conciliation.
1171
Art. L. 628-9, c. com.
1172
Art. L. 628-6 parle des créanciers de l’art. L.622-24, c. com.
1173
Appartenant aux établissements de crédit.
232
plus grande confidentialité1174 (Paragraphe I). Bien que de réels efforts aient été faits par les
législateurs français et OHADA pour l’attractivité1175 des procédures préventives, des
améliorations sont envisageables (Paragraphe II).
540. Préalables1181 d’une procédure passerelle, les procédures amiables de prévention ont un lien
étroit avec cette dernière. La relation établie ici entre l’amiable et le judiciaire n’est pas
1174
Art. L.611-15, c. com. ; Art. 5-1, al. 3, AUPC.
1175
En droit français, et à titre illustratif, l’assouplissement du régime de la cessation des paiements, l’institution
des sauvegardes accélérées en guise de passerelles entre la conciliation et la sauvegarde classique, peuvent être
cités. En droit OHADA, l’adoption de la procédure de conciliation en 2015, de même que celle du privilège de
conciliation (new money), peuvent être citées.
1176
Elle porte sur le procédé de passerelle. Ce dernier a été adopté dans le droit français dans le but de renforcer
les moyens de sauvetage de l’entreprise en difficulté. Pour accéder à une procédure passerelle, le débiteur doit
d’abord être engagé dans une procédure de conciliation où il négocie un projet de plan avec ses créanciers. Le
projet de plan, ainsi négocié, est mis en œuvre dans le cadre d’une procédure judiciaire où il est procédé à son vote
et à son adoption. L’objectif recherché est de contrecarrer les créanciers minoritaires qui refusent la négociation
pour mettre fin aux difficultés de l’entreprise. Ce système de traitement des difficultés des entreprises est
exploitable en droit OHADA.
1177
Il en est ainsi, à titre d’exemple, du chapitre 11 du code fédéral américain de la faillite, du scheme of
arrangment du droit anglais, de la réorganisation judiciaire des entreprises du droit belge.
1178
J.-L. VALLENS, L’insolvabilité des entreprises en droit comparé, éd., Lextenso éditions, 2011, p. 26.
1179
A. JACQUEMONT et R. VABRES, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LexisNexis, 2015, p. 27.
1180
Les procédures françaises de mandat ad hoc et de conciliation sont de plus en plus sollicitées pour la
restructuration des entreprises : 2476 procédures amiables ont été ouvertes en 2016 (contre 1293 sauvegardes),
soit 3% de plus qu’en 2015, dont 65% de mandat ad hoc, pour un total de 612 001 emplois concernés, selon
Altarès, in « L’entreprise en difficulté en 2016 », étude réalisée en 2017, p. 14 et 16.
1181
Selon l’art. L.628-1, c. com., un débiteur doit être engagé dans une procédure amiable de conciliation pour
pouvoir demander l’ouverture d’une procédure passerelle.
233
anodine : il s’agit de préparer le judiciaire sur le terrain de l’amiable 1182, de manière à réduire
le temps, le coût et les écueils du judiciaire. Pour ce faire, un large soutien des créanciers est
important : l’anticipation de l’assistance judiciaire requiert ce large soutien, de manière à rendre
vraisemblable l’adoption du projet de plan préparé dans le cadre de la conciliation 1183. Dans
cette démarche, le législateur français s’est appuyé1184 sur le conciliateur, pour mener les
négociations avec le chef d’entreprise. Le conciliateur est invité à user de son talent de
négociateur et à prendre toute initiative utile pouvant aider à trouver un accord entre le débiteur
et ses principaux créanciers 1185. Faute de reconnaissance formelle du procédé de passerelle en
droit OHADA, il sera largement fait appel au droit positif français. Toutefois, les
développements qui vont suivre sont théoriquement valables en droit OHADA.
541. L’élaboration d’un projet de plan de sauvegarde ou de cession constitue le centre d’intérêt des
discussions (I). Le projet de plan qui résulte des négociations permet au chef d’entreprise
d’anticiper l’intervention du juge, dans le but de le faire adopter en phase judiciaire
subséquente, par les créanciers qui l’auront soutenu en amont des négociations (II).
1182
S. DANJON, La procedure de sauvegarde accélérée, mémoire de Master II, Université de Reims Champagne-
Ardenne, 2014, p. 23.
1183
id.
1184
Art. L.611-7, c. com.
1185
id.
1186
Art. L. 628-1, c. com.
1187
V. A. AB. DER-HALDEN et Ph. ROUSSEL GALLE, « La conciliation améliorée », Rev. proc. coll. 2014, doss.
29, p. 47. V. aussi B. THULLIER, « La conciliation après l’ordonnance du 12 mars 2014, jamais pareille mais
toujours plus proche des procédures collectives » BJE, 2014/3, p. 174.
1188
D. VIDAL et G. C. GIORGINI, Cours de droit des entreprises en difficulté, 1re éd., Gualino Lextenso éditions,
2015-2016, p. 250.
234
voie judiciaire pour les chefs d’entreprise qui n’ont plus qu’à chercher le soutien d’une majorité
au sein de leurs créanciers. Comme le décrit un auteur, « jusque-là, la conciliation était une
discussion sous l’égide d’un tiers qui ne permettait pas de forcer les créanciers à conclure un
accord. En interdisant la modification des contrats en cours ou leur modification, la nouvelle
ordonnance rend les procédures amiables plus protectrices pour le débiteur et, par conséquent,
plus contraignantes pour les créanciers ; elle s’éloigne donc de leur esprit d’origine ».1189
543. Artisans des négociations, le chef d’entreprise et le conciliateur peuvent, en cas d’échec des
négociations, transformer le projet d’accord en projet de plan de sauvegarde ou de cession (A).
Toutes les démarches afférentes aux tractations entre les parties ont lieu dans la discrétion (B).
545. Dans ce contexte de recherche d’un accord, le conciliateur peut obtenir du débiteur tout
renseignement utile. Le président du tribunal lui communique également les renseignements
dont il dispose et, le cas échéant, les résultats de l’expertise1192 de l’article L.611-6, cinquième
1189
B. MOHAMED, in « La réforme du droit des entreprises en difficulté », le nouvel economiste, 1er juill. 2014,
article consulté le 18 janv. 2018.
1190
Art. L.611-7, c. com.
1191
D. VIDAL et G. GIORGINI, Cours de droit des entreprises en difficulté, 1re éd., Gualino Lextenso éditions, 2015-
2016, p. 122.
1192
E. DOUHAIRE, « Les aspects pratiques de la conciliation », Rev. jur. com. 2002, p. 21.
235
alinéa, du code de commerce1193. Les créanciers publics, tels que les administrations
financières, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant l’assurance chômage 1194
et les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale, peuvent consentir des
remises de dettes 1195. Cependant, les créanciers privés disposent d’une liberté d’action. De ce
fait, leur démarche consiste le plus souvent à rechercher la moins mauvaise des solutions 1196.
L’évolution et la réussite de la mission du conciliateur dépendent du savoir-faire de ce dernier
et de l'intérêt commun des créanciers. La préoccupation est d’éviter un sort défavorable à
l’entreprise.
546. Si le conciliateur réussit à obtenir un accord unanime, la procédure prend fin. Dans le cas
contraire, cet accord, s’il bénéficie d’un soutien majoritaire, peut être transformé en un projet
de plan de sauvegarde, ce même en présence d’un état de cessation des paiements de moins de
quarante-cinq jours. En cas d’échec, la décision ayant ouvert la procédure de conciliation n’a
pas autorité de la chose jugée quant à la date de cessation des paiements. Il en résulte que dans
le cadre de la procédure judiciaire ultérieure, cette date peut être reportée antérieurement à la
décision d’ouverture de la conciliation1197. Selon que les dettes en jeu sont de nature
essentiellement financière ou mixte, le débiteur sollicitera du tribunal l’ouverture d’une
procédure de sauvegarde financière accélérée 1198 ou de sauvegarde accélérée1199. En fait, dans
ces conditions, il peut compter sur le passage de son projet de plan grâce au vote majoritaire 1200.
Bien que la conciliation puisse déboucher sur toutes les procédures collectives que consacre le
code de commerce, il en est deux qui entretiennent des rapports particulièrement étroits avec
elle1201 : il s’agit des sauvegardes accélérées en ce qu’elle leur est un préalable 1202.
1193
Art. L.611-7, al. 3, c. com.
1194
Prévu par l’art. 5422-1 du code de travail.
1195
Dans les conditions indiquées à l’article L.626-6 du code de commerce.
1196
A. ABERGEL, « Négociation, remise de dettes des créances publiques et privées : aspects financiers et
économiques » LPA, 22 avr. 2010, n°80, p. 35.
1197
Com. 22 mai 2013, n°12-18.509, BJE 2013, n°5, note J. P. SORTAIS ; Gaz. Pal. éd., spéc. 12-13 juill. 2013,
n°193-194, p. 12, note F. REILLE ; RTD com. 2013, n°4, p.803, note F. MACORIG-VENIER ; Rev. proc. coll. 2013,
n°5, p. 25, note B. SAINTOURENS.
1198
Comme dans la sauvegarde de Cobrason : v. Paris, pôle 5, ch. 8, 5 juill. 2017, n°17-04086.
1199
Comme dans la sauvegarde de Alma Consulting : v. trib. com. Nanterre, 19 sept. 2014.
1200
Art. L.626-30-2, al. 4, c. com.
1201
C. SAINT -ALARY-HOUIN, « De la procédure de sauvegarde financière accélérée à la procédure de sauvegarde
accélérée : de la SFA à la PSA ! », Rev. proc. coll. 2014/2, dossier 17, p. 44 ; F. PEROCHON et H. BOURBOULOUX,
« La procédure de sauvegarde et ses variantes » Rev. proc. coll. 2014/4, dossier 30, p. 50.
1202
Art. L. 628-1, al. 2, c. com.
236
547. La mission du conciliateur peut aussi consister en la préparation de la cession de l’entreprise 1203
dans la logique économique de la procédure de conciliation : la procédure de conciliation est
mise en perspective dans l’éventualité d’une procédure collective qui pourrait en prendre la
suite et qui comporterait un plan de cession que la conciliation elle-même aurait permis de
mettre en place1204. Le projet de plan de cession alors envisagé peut concerner des parts sociales,
une ou plusieurs actions ou encore le fonds de commerce exploité par le débiteur 1205 ; il sera
mis en œuvre ultérieurement lors d’une procédure judiciaire. Comme il peut être constaté,
l’effet dissuasif de l’ouverture d’une procédure judiciaire amène les créanciers minoritaires et
contestataires à accepter l’accord proposé. Toute chose de nature à maîtriser les premières
difficultés de l’entreprise, avant son enlisement. Ce d’autant que « La possibilité d’ouvrir la
conciliation jusqu’à quarante-cinq jours après la cessation des paiements permet à l’entreprise
d’échapper à toute procédure collective jusqu’à la conclusion de la conciliation et, au
maximum, pendant six mois et demi, après la cessation des paiements ».1206 Afin de renforcer
les chances de réussite des négociations, la mission du conciliateur se doit d’être confidentielle.
Il s’agit d’une question d’ordre public1207.
1203
Art. L.611-7, al. 1er, c. com.
1204
J. P. SORTAIS, Entreprise en difficulté, 2e éd., LGDJ, 2015, p. 67.
1205
V. en ce sens, Th. MONTERAN et M. MIEULLE, « Le vade-mecum du plan de cession prepack », BJE, 2015,
n°3, p. 164 et s.
1206
Selon le doc. AN, n°2095, note 4, p. 130.
1207
V. Ch. DELATTRE, « Le secret des affaires - La confidentialité des procédures », Droit des sociétés, 2012,
étude 2 ; com. 15 déc. 2015, n°14-11500 ; Art. L.611-15 c. com.
1208
F. PEROCHON, « Coût, transparence et confidentialité de la prévention », in la prévention et le traitement
amiable des difficultés des entreprises à la lumière de la réforme, Colloque AJDE Toulouse, 15 nov. 2013, Rev.
proc. coll. 2014-1, n°02 à 15, p. 79.
1209
L. n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
1210
Art. L.611-15, c. com. ; Art. L.351-7 du code rural et de la pêche maritime.
237
que toute personne appelée au règlement amiable ou qui, par ses fonctions, en a connaissance,
est tenue au secret professionnel sous peine des sanctions pénales prévues 1211. En matière de
conciliation, l’article L.611-15 a supprimé le « secret professionnel » et lui a substitué « la
confidentialité ». Cette substitution s’inscrit en droite ligne dans la politique de dépénalisation
du droit des affaires 1212. Cependant, la règle n’est pas sans dérogation, conformément aux
dispositions de l’article L.226-13 du code pénal1213, notamment, en ce qui concerne le
conciliateur, le mandataire ad hoc, ou encore les avocats, au titre de la contrainte s’appliquant
de façon générale à leur profession, mais aussi, les représentants des salariés bénéficiaires
d’informations au titre de leurs fonctions de représentation1214. Seules les personnes appelées à
la conciliation pourront prendre connaissance du contenu de l’accord de conciliation 1215.
549. Il en résulte qu’il n’est même pas possible de demander communication, dans le cadre d’une
instance judiciaire, du contenu de l’accord de conciliation. Cette solution n’est pas remise en
cause par l’article R. 611-44 du code de commerce, lequel lève la confidentialité à l’égard de
l’autorité judiciaire dans les conditions de l’article L.621-11216. Le rapport ne peut donc être
invoqué pour obtenir la condamnation d’un dirigeant en responsabilité pour insuffisance
d’actif1217. Si le liquidateur se prévaut du rapport de l’administrateur judiciaire, qui reprend le
rapport du conciliateur, il n’y a plus place à nullité de l’assignation1218. Malgré plusieurs avis
doctrinaux, l’ordonnance du 12 mars 20141219 n’a pas adopté une autre sanction de la violation
de l’obligation de confidentialité 1220. Elle trouve sa réparation sur le terrain de la responsabilité
1211
Art. L. 226-13, c. pén. : « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est
dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie
d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
1212
B. ZABALA, « Prévention des difficultés des entreprises et obligation d’information du public », JCP E, 8 mai
2008, n°19, 1598, p. 39 s., sp. p.40, n°12.
1213
Th. MONTERAN, « Présentation générale de la prévention et de la procédure de conciliation », Gaz pal. 7-8
sept. 2005, n° sp. p. 8 et s., sp. p. 11 ; J. E. KUNTZ, « De la prévention des difficultés des entreprises, du mandat
ad hoc et de la procédure de conciliation », LPA n° sp., 8 févr. 2006, n°28, p. 5 s. sp. p. 19 et 20 ; B. BOUQUET,
« Mandat ad hoc et conciliation : un outil juridique rénové », RJ com. 2008. 8 s., sp. p. 9.
1214
Avis n°337 de Ch. GAUDIN, Doc, Sénat, au nom de la commission des affaires économiques, p. 68.
1215
Art. R. 611-44, c. com.
1216
Il s’agit des cas d’ouverture des procédures collectives de sauvegarde, de redressement et de liquidation
judiciaire : Trib. com. Quimper, 1er juin 2012, RG n°2012/004764, 2012/004758 et 2102/004779, Rev. proc. coll.
2012, comm.178, note Ch. DELATTRE.
1217
Trib. com. Nanterre, 19 mars 2009, RG n°2008L04572, Rev. proc. coll. 2012, comm.179, note Ch. DELATTRE.
1218
Com. 27 sept. 2011, n°10-20.308, NP, Rev. proc. coll. 2012, comm. 179, note Ch. Delattre.
1219
Ord. n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
1220
D. CARAMALLI, « Droit des entreprises en difficulté, quelques suggestions d’amélioration », D. 2013, chron.
2417 ; Dalloz, n°36, p. 2417-2419.
238
civile1221 par l’octroi de dommages et intérêts, si l’une des parties à l’accord de conciliation,
notamment le débiteur, a subi un préjudice 1222. Comme le souligne le rapport Jacquemont, le
lien de causalité ne sera pas facile à établir 1223. Cependant, l’obligation de confidentialité
n’empêche nullement le débiteur de communiquer sur son état, puisqu’il est d’abord et avant
tout question de le protéger. Il en est de même à l’égard des partenaires contractuels ayant fait
figurer dans leurs conditions contractuelles une obligation d’indiquer l’existence d’une
procédure de conciliation. Le manquement à une telle obligation peut être cause de résiliation
pour la partie qui en est créancière. En matière bancaire, il pourra occasionner la rupture des
concours, pour non-respect de l’obligation contractuelle de sincérité. Cette rupture ne peut donc
être considérée abusive et est exclusive de la responsabilité du banquier, du fait de l’attitude
fortement répréhensible du partenaire contractuel 1224. L’obligation de confidentialité instaurée
dans la procédure de conciliation permet d’assurer une réelle transparence entre les parties 1225.
550. Dans les offres au public de titres financiers, l’obligation de confidentialité ne fait pas obstacle
aux obligations d’information du public qui s’imposent aux sociétés ayant recours à ce
procédé1226. Les limites entre l’obligation de confidentialité et l’obligation d’information du
public, de la part des sociétés faisant offre au public de titres financiers, ont été clairement
explicitées par une doctrine qui propose une application distributive des textes en présence, afin
de résoudre le problème1227.
551. Si aucune difficulté ne se pose sur ce plan, cependant, pour la presse, une divergence
d’interprétation a été relevée entre une juridiction du fond et la Cour de cassation1228.
Conformément à la lettre de l’article L.611-15 du code de commerce, la juridiction du fond a
jugé, en matière de mandat ad hoc, qu’il ne peut être reproché, sur le fondement de la violation
de l’obligation de confidentialité à laquelle il n’est pas tenu, à un organe de presse de diffuser
1221
Avis n°337.
1222
Versailles, 14e ch., 27 nov. 2013, RG n°13/00670, Rev. proc. coll. 2014, comm.147, note Ch. DELATTRE.
1223
Rappr : J.-Cl. Com., JACQUEMONT, fasc. 2030 « Procédure de conciliation et concordat », 2006, n°27.
1224
Com. 7 févr. 2012, n°10-28.815, 10-28.816, NP, Rev. proc. coll. 2012, comm.177, note Ch. DELATTRE.
1225
H. BOURBOULOUX « Confidentialité et transparence réconciliées pour la prévention et le traitement des
difficultés », BJE, mai 2012, doctrine 87, p. 133.
1226
Art. L.412-1, c. mon. fin.
1227
B. ZABALA « Prévention des difficultés des entreprises et obligation d’information du public », JCP E, 8 mai
2008, n°19, 1598, p. 39 (doctrine avant la réforme des offres au public des titres financiers) ; pour la doctrine après
la réforme, v. M. STORCK et Alii, Code monétaire et financier : annoté & commenté, 7e éd., Dalloz, 2017, comm.
art. L412-1, p. 766.
1228
Com. 15 déc. 2015, n°14.11500, FS-PBI.
239
des informations qui auraient dû rester confidentielles entre les parties 1229. La Cour de cassation
a cependant estimé que l’obligation de confidentialité dépasse le strict cadre des personnes
appelées à la conciliation et concerne toute catégorie de presse1230. Outre la confidentialité,
comme avantage du préarrangement des plans de sauvegarde ou de cession pour les entreprises
en difficulté, le chef d’entreprise peut, faute d’accord unanime requis en la matière, anticiper
l’intervention du juge, en vue d’entériner la volonté majoritaire des créanciers par rapport à son
projet de restructuration. C’est là une transposition, en droit français des entreprises en
difficulté, du cram-down1231 du droit fédéral américain de la faillite.
553. C’est en cela que la saisine du tribunal au travers d’une procédure passerelle est la nouvelle
échappatoire pour le dirigeant d’entreprise, faute d’accord unanime dans la procédure de
conciliation (A). En matière de prévention des difficultés, la saisine rapide du juge peut
présenter un intérêt (B).
1229
Versailles, 14e ch., 27 nov. 2013, RG n°13/00670, Rev. proc. coll. 2014, comm.147, note Ch. DELATTRE.
1230
Com. 15 déc. 2015, n°14.11500, FS-PBI ; com. 22 déc. 2015, n°14. 17377, comm. Rev. squire patton boggs,
sp. 19 févr. 2016, note A. LE NINIVIN.
1231
C’est-à-dire écrasement des créanciers récalcitrants.
1232
M. MEKKI, « Fiche pratique sur le clair-obscur de l’obligation précontractuelle d’information », Lextenso
étudiant, 19 avr. 2017, article consulté le 16 déc. 2017.
1233
Ord., n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
240
d’une procédure de redressement judiciaire 1234. Depuis cette ordonnance, cette règle a été
supprimée par l’article 49 de ladite ordonnance, conformément à l’article 2, 7° f de la loi du 2
janvier 20141235. Il est fait mention de l’information du ministère public par le tribunal, lorsqu’il
a été porté à sa connaissance des éléments faisant état de la cessation des paiements du débiteur.
De plus, la décision constatant cette cessation des paiements lui est également notifiée 1236.
Lorsque le débiteur n’est pas en cessation des paiements, la procédure de sauvegarde ordinaire
lui est ouverte1237. Dans un tel cas, la demande est examinée devant le parquet, si la procédure
de conciliation n’est pas antérieure de dix-huit mois. Dans le cas d’un échec de la procédure de
conciliation, le juge, en application de l’article L. 631-4 du code de commerce, après avoir
relevé que les conditions indiquées à l’article L. 640-1 sont réunies, ouvre une procédure de
liquidation judiciaire1238. Dans le cadre de la procédure collective subséquente à cet échec, le
juge peut faire remonter, avant l’ouverture de la procédure de conciliation, la date de la
cessation des paiements 1239, et créer ainsi une période suspecte, dans le respect des solutions
retenues par la jurisprudence1240. Telles sont les voies peu favorables qui s’offraient au débiteur
tenu en échec par ses créanciers engagés dans la procédure de conciliation.
555. La procédure de conciliation n’est pas une procédure collective, contrairement à l’affirmation
d’une doctrine selon laquelle elle serait une procédure collective anticipée 1241. Il en est ainsi
parce que les créanciers ne sont pas soumis à une discipline collective, mais aussi en raison du
fait que, contrairement à l’ancienne procédure de règlement amiable où le tribunal jouait un
rôle important pour la conclusion d’un accord, la procédure de conciliation est complètement
contractuelle ; c’est un terrain de libre expression. Cependant une autre doctrine estime qu’elle
1234
Art. L.631-4, al. 2, c. com.
1235
L. n°2014-1, 2 janv. 2014, habilitant le gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, JORF
n°0002 du 3 janv. 2014, p. 50, texte n°1.
1236
Art. 611-7 tel que modifié par l’art. 5, 4° de l’ord., n°2014-326 du 12 mars 2014.
1237
Art. L.621-1, al. 4, c. com.
1238
Art. L.640-4, al. 4, c. com.
1239
Com. 22 mai 2013, n° 12-18509, Bull. civ. IV, n°85 ; D.2013, Actu. 1343, note A. LIENHARD ; Gal. pal. 12
juil. 2013, n°193, p. 12, note F. REILLE ; JCP E, 2013, actu. 426, note Ph. ROUSSEL GALLE ; Rev. proc. coll. 2013,
comm. 108, note P. C AGNOLI ; Rev. Sociétés 2013. 519, note L.-C. HENRY, BJE sept. 2013, p. 272, note J. P.
SORTAIS.
1240
Com. 11 juin 1996, n°94-14844, Bull. civ. IV, n°168 ; Com. 4 oct. 2005, n°04-10432, 04-10445, Bull. civ. IV,
n°196 ; n°1174 F-P+B.
1241
C. P. GABRIELA, cité par P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd.,
Dalloz Action, 2016, p.299, n°116.
241
en constitue plutôt l’antichambre1242, car, dans cette dernière hypothèse, le débiteur, contraint
à l’échec, a une carte à jouer. En l’occurrence, celle de demander l’accès à une procédure
passerelle, la seule à même de lui permettre de poursuivre ses efforts de redressement de son
entreprise par un vote majoritaire 1243 des créanciers intervenant au sein des comités de
créanciers et, le cas échéant, au sein de l’assemblée des obligataires. Avant 1244 et depuis1245 son
incorporation dans le code de commerce, certaines entreprises ont mis à contribution la solution
de la « passerelle » afin de sauver leurs activités. Cependant, le nombre de sauvegardes
accélérées, mises en œuvre depuis 2010, reste relativement faible1246. Au regard des statistiques,
la sauvegarde financière accélérée est la plus usitée 1247 par rapport à la sauvegarde accélérée 1248.
La problématique de la récurrence des faillites relance logiquement la question de l’intérêt
d’une saisine rapide du juge par les chefs d’entreprise.
1242
V. les obs. de F. MACORIG-VENIER à propos de la loi de régulation bancaire et financière du 22 oct. 2010, RTD
com.
1243
A la majorité des deux tiers en montant des créances.
1244
V. les affaires Thomson et Autodistribution : supra, n°183 ; 179.
1245
V. les affaires Alma Consulting et Cobrason, respectivement devant les tribunaux de commerce de Nanterre
et de Paris : com. 12 juillet 2016, n°14-27.983, BJE, janv. 2016, n°6, p. 398, note D. VOINOT.
1246
En tout jusqu’en 2016, seules 22 procédures passerelles ont été ouvertes : étude Deloitte altares, « Entreprise
en difficulté en France en 2016 », mars 2017, p. 32.
1247
Elle a été utilisée à vingt reprises depuis son instauration : étude Deloitte altares, « Entreprise en difficulté en
France en 2016 », mars 2017, p. 32.
1248
Elle n’a été utilisée que deux fois en 2014 dans la foulée de son instauration dans le code de commerce : Etude
Deloitte altares, « Entreprise en difficulté en France en 2016 », mars 2017, p. 32
1249
V. Rapport du comité d’étude pour la réforme du droit des entreprises en difficulté dit « Rapport Sudreau »,
1975.
1250
Cons. const. 7 déc. 2012, n°2012-286 QPC, Bull. Francis Lefebvre 23/12 inf. 10.
242
557. Dans sa décision du 7 décembre 2012 1251, le Conseil constitutionnel a, en effet, tranché la
question de la constitutionnalité de la saisine d’office du tribunal qui était prévue à l’article
L.631-5 du code de commerce, dans la rédaction que lui a donnée l’ordonnance du 6 mai
20101252 : « lorsqu’il n’y a pas de procédure de conciliation en cours, le tribunal peut
également se saisir d’office ou être saisi sur requête du ministère public aux fins d’ouverture
de la procédure judiciaire ». De cette décision il peut être relevé que le principe constitutionnel
d’impartialité du juge n’autorise pas une juridiction à introduire spontanément une instance de
peur : « qu’en se saisissant d’office, le tribunal ne préjuge {…} sa position lorsque, à l’issue
de la procédure contradictoire, il sera appelé à statuer sur le fond du dossier au vu de
l’ensemble des éléments versés au débat par les parties ». Toutefois, excepté le domaine
répressif : « lorsque la procédure n’a pas pour objet le prononcé de sanctions ayant le caractère
d’une punition », la saisine d’office du tribunal peut se justifier par un motif d’intérêt général,
à condition « que soient instituées des garanties propres à assurer le respect du principe
d’impartialité ». Au regard du cas d’espèce porté devant la Cour de cassation, la décision
indique que si les dispositions textuelles attaquées, précédemment évoquées, poursuivent un
motif d’intérêt général : « éviter l’aggravation irrémédiable de la situation de l’entreprise »,
qu’aucun texte ne prévoit des « garanties légales assurant le respect du principe
d’impartialité ».
558. Pourtant, le législateur a prévu différentes procédures préventives et curatives des difficultés
des entreprises, pour que le chef d’entreprise ait le choix, et se décide le plus rapidement
possible. Une saisine rapide permet au tribunal d’envisager les solutions qui s’imposent au vu
de la gravité des difficultés exposées. Les mesures que le tribunal aura à prendre auront pour
effet de stopper l’aggravation de la situation et de résoudre les difficultés actuelles. Une
procédure passerelle s’inscrit dans ce contexte. Le procédé de passerelle a apporté des
améliorations au système préventif, même si ce dernier reste encore perfectible.
1251
Cons. const. 7 déc. 2012, n°2012-286 QPC, Bull. Francis Lefebvre 23/12 inf. 10.
Ord. n°2010-462 du 6 mai 2010 créant un livre IX du code rural relatif à la pêche maritime et à l’agriculture
1252
243
de sauvegarde des entreprises 1253. Elle remplace l’ancien règlement amiable. Plusieurs
avantages - certains issus du règlement amiable et d’autres de la conciliation - peuvent être
relevés : l’adoption du privilège de la conciliation1254 - les créances assorties d’un tel privilège
ne font l’objet ni de remise, ni de délai de paiement dans le cadre de la procédure collective
subséquente, sauf accord du créancier titulaire 1255 -, la protection des créanciers contre la
période suspecte en cas d’ouverture de la procédure collective subséquente par l’effet de
l’accord homologué1256, l’absence de publicité de la désignation d’un mandataire ad hoc et de
l’ouverture d’une procédure de conciliation - la commission parlementaire a justifié cette
mesure par la nécessité de renforcer le caractère confidentiel des procédures amiables 1257 -. Le
mandat ad hoc est, quant à lui, une ancienne pratique des tribunaux de commerce consacrée par
la loi de 19941258. Elle est plus souple que la conciliation, car elle n’est pas enfermée dans un
délai spécifique, et le débiteur n’a pas à justifier ses difficultés, cependant il ne doit pas être en
état de cessation des paiements.
560. L’efficacité de ces deux procédures amiables de prévention des entreprises en difficulté est
appréciée1259eu égard aux statistiques1260. En dépit des avancées précédemment décrites, des
améliorations peuvent être apportées avec, d’une part, l’instauration des classes de créanceiers
dans la procédure de conciliation (I) et, d’autre part, l’autonomisation du mandat ad hoc pour
l’organisation du prepack-cession (II).
1253
V. supra, n°16.
1254
C’est le privilège de paiement accordé aux créanciers qui ont apporté de nouveaux apports en trésorerie, de
nouvelles fournitures de services ou de biens pendant la conciliation : art. L.611-11, c. com.
1255
Art. L.611-11, al. 1 et L.626-30-2, al. 2, c. com.
1256
En ce cas, la date de la cessation des paiements ne peut être remontée antérieurement à la date de la décision
ayant homologué l’accord : art. L.631-8, al. 2, c. com.
1257
Rapp. AN, n°3726, art. 50.
1258
L. n°94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, JORF
n°134 du 11 juin 1994, p. 8440.
1259
Le haut comité juridique de la place financière de Paris recommande à la commission européenne de s’inspirer
de la conciliation du droit français in « Les orientations en vue du rapprochement des droits nationaux de
l’insolvabilité des entreprises dans l’Union Européenne », 1er juill. 2016, p. 2.
1260
En 2016, une tendance haussière de 3% de recours à l’amiable a été relevée par rapport à 2015 : Étude Deloitte
altares, « L’entreprise en difficulté en France en 2016 », 2017, p. 5. Rappelons qu’en 2015, le taux de réussite a
été estimé à 72%, avec 1500 dossiers traités dans le cadre du mandat ad hoc et 100 dossiers traités dans celui de
la conciliation.
244
I. L’instauration des classes de créanciers dans la procédure de conciliation
561. Les classes de créances s’invitent de plus en plus dans les procédures amiables 1261, et il peut
être recommandé que de tels comités de créanciers soient instaurés dans la procédure de
conciliation française (A). Plusieurs avantages sont susceptibles de justifier la mesure (B).
563. Dans la procédure de conciliation, et en l’état actuel de la législation, il n’existe pas de classes
de créanciers. Le conciliateur, en collaboration avec le débiteur, identifie les créances dont les
titulaires seront invités à la table des négociations. Dans le cadre de ces négociations, le chef
d’entreprise doit, en raison de la règle de l’unanimité, convaincre tous les créanciers d’accepter
son projet de restructuration. Depuis la loi bancaire de 2010 1263 et l’ordonnance du 12 mars
20141264, des alternatives ont été trouvées à cette problématique : la technique de la passerelle.
L’obligation qu’une procédure passerelle commence par une procédure de conciliation 1265,
présente l’intérêt pratique d’instaurer le système de procédure amiable à comités.
564. Au sein de la doctrine, certains auteurs, tout en reconnaissant l’efficacité du dispositif actuel,
recommandent la création des classes de créanciers dans la procédure de conciliation1266. Ces
1261
C’est le cas du scheme of arrangment en Angleterre, du prepackaged plan aux États-Unis d’Amérique, ou
encore du comité provisoire dans le « le plan d’insolvabilité » en Allemagne.
1262
V. art. L.622-21 et L.622-17, c. com.
1263
L. n°2010-1249 du 22 oct. 2010 de régulation bancaire et financière, JORF n° 0247 du 23 oct. 2010, p. 18984,
texte n°1.
1264
Ord. n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
1265
Art. L. 628-1, c. com.
1266
Haut comité juridique de la place financière de Paris, « Les orientations en vue d’un rapprochement des droits
nationaux de l’insolvabilité des entreprises dans l’Union Européenne » - Rapp. du groupe « Défaillances
d’entreprises », 1er juill. 2016, p. 14 ; R. DAMMANN, M. GUERMONPREZ, « Pistes de réflexion pour une réforme
des procédures collectives », Dalloz, 2018, p. 629.
245
auteurs pensent que cela permettrait le rapprochement de la conciliation avec l’actuel scheme
of arrangment1267 du droit anglais et le schutzschimverfarhren1268 du droit allemand. Il peut être
affirmé que ces opinions doctrinales semblent s’inscrire dans une logique d’intégration
juridique européenne, du fait du lien établi entre la conciliation et d’autres procédures similaires
en Europe.
565. Dans l’optique de l’introduction des classes de créanciers dans la procédure de conciliation au
regard du droit positif français, deux questions méritent d’être posées, celles relatives à la
constitution des classes de créanciers et au droit de vote au sein de ces dernières.
566. Concernant la première question, le chef d’entreprise, puisque c’est lui qui élabore le projet de
plan de restructuration, pourrait être autorisé à former les classes de créanciers. Ce serait, là, la
consécration d’une pratique, celle des conciliateurs qui, dans la perspective des négociations,
posent un diagnostic préalable de la situation du débiteur ; et dans ce cadre, ils classifient les
créances selon leur origine et leur importance. C’est en fonction de ce diagnostic que les
contacts se nouent avec les créanciers susceptibles de participer aux négociations. C’est en cela,
par ailleurs, que l’instauration des classes de créanciers, dans la procédure de conciliation, ne
serait pas une révolution en tant que telle, au contraire, elle permettrait de faciliter davantage
les négociations.
567. Toutefois le contrôle total de la constitution de ces class de créances par le débiteur peut susciter
des interrogations. En fait, ce dernier pourrait être tenté de mettre ensemble les créanciers qui
lui sont proches ou qui seraient prêts à jouer son jeu. Or, des classes de créances, formées par
complaisance, sont susceptibles de préjudicier aux droits des créanciers minoritaires et non
diligents, ce qui porterait atteinte ultérieurement à l’équité 1269 du plan. Il faudrait donc un
contrôle du tribunal. Dans les procédures judiciaires, c’est le mandataire judiciaire qui forme
les comités 1270. Compte tenu du risque précédemment décrit, la piste de la constitution des
classes de créanciers, par le chef d’entreprise, apparaît moins recommandable.
1267
V. infra, n°. 690.
1268
Ou « Procédure bouclier », cité par R. DAMMANN, M. GUERMONPREZ, in « Pistes de réflexion pour une
réforme des procédures collectives », Dalloz, 2018, p. 629.
1269
Art. L. 626-31, c. com.
1270
Art. L. 626-30, c. com., v. davantage : supra, n°311 et s.
246
568. 585. Le conciliateur semble mieux placé pour remplir cette mission en ce qu’il rend compte au
tribunal ; il est une personne neutre1271. Un tel choix aurait l’avantage de réduire le coût de la
procédure - la mesure serait plus une prérogative qu’une mission pour le conciliateur, alors que
la désignation d’un professionnel de justice autre que lui, augmenterait le budget de la
procédure -. Toutefois, le conciliateur étant le plus souvent proposé par le débiteur, le risque
d’impartialité reste présent, et cela relance la problématique de la complaisance dans la
constitution des classes de créanciers. Dès lors, et afin d’assurer l’égalité des créanciers et, par
ricochet, l’équité du futur plan de restructuration, l’initiative du choix d’un conciliateur,
accordée au chef d’entreprise 1272, à l’ouverture de la procédure de conciliation, devrait lui être
retirée. Il appartiendrait ainsi au tribunal de choisir un conciliateur neutre. Dans cette
perspective, et afin de ne pas déposséder le chef d’entreprise de son droit de contrôle sur la (sa)
procédure de conciliation, le droit1273 de récusation du conciliateur qui lui est reconnu devrait
être maintenu1274. Dans le même souci, certains auteurs proposent que le juge commissaire
approuve les classes de créanciers qui auront été mises en place par le conciliateur 1275.
Cependant cette proposition semble poser un problème, celui du ralentissement des opérations.
En effet, le conciliateur formerait les classes de créanciers dans le cadre de la conciliation, afin
de procéder aux négociations et au vote du projet de plan. Or, le juge commissaire, lui,
n’interviendra que dans le cadre de la procédure judicaire d’adoption - la SA et la SFA en
l’occurrence -. Cela sous-entend, dans l’hypothèse d’une désapprobation de la part du juge
commissaire, que les opérations de vote, ayant eu lieu dans le cadre de la conciliation, seront
annulées. Ce qui occasionnerait, comme conséquence logique, soit la reprise de la constitution
des classes de créanciers, soit le renoncement à la poursuite du processus de restructuration
entamé par le chef d’entreprise.
569. L’adoption des classes de créanciers dans la procédure de conciliation devrait nécessairement
supprimer l’obligation de déclaration des créances dans la procédure judiciaire d’adoption du
1271
R. DAMMANN, M. GUERMONPREZ, « Pistes de réflexion pour une réforme des procédures collectives », Recueil
Dalloz 2018, p. 629.
1272
Art. L. 611-6, al. 1er, c. com.
1273
Art. L. 611-6, al. 4, c. com.
1274
« Cette « soupape » paraît bienvenue compte tenu de l’extension de la mission du conciliateur » : A.
LIENHARD, Code des procédures collectives - Annoté et commenté, 16e éd., Dalloz, 2018, p. 27, comm. sous art.
L.611-6, c. com.
1275
R. DAMMANN, M. GUERMONPREZ, « Pistes de réflexion pour une réforme des procédures collectives », Dalloz
2018, p. 629.
247
plan ; c’est déjà le cas dans une procédure passerelle1276. Il devrait en être ainsi, parce que les
créances auront déjà été identifiées par le débiteur/conciliateur, à l’occasion de la constitution
des classes de créanciers, dans le cadre de la procédure de conciliation. De même, il a été
proposé que les dispositions de l’article L.622-13 du code de commerce, relatives à la résiliation
de plein droit du contrat en cours et à la résiliation du contrat en cours à la demande de
l’administrateur judiciaire, soient écartées 1277. Cette proposition peut être suivie pour la
protection des intérêts des cocontractants.
570. S’agissant de la seconde question, classiquement, dans le droit français, les créanciers sont
classés en deux comités : le comité des établissements de crédit qui regroupe toutes les créances
bancaires et assimilées, le comité des principaux fournisseurs et, le cas échéant, l’assemblée
des obligataires. Dans l’optique de l’adoption des classes de créances dans la procédure de
conciliation, des auteurs ont fait des propositions intéressantes qui tiennent compte de
l’évolution du droit européen1278. Il est ainsi proposé, comme c’est le cas en Allemagne, qu’un
comité soit créé pour les créances d’actionnaires 1279 ; que les créanciers chirographaires
fournisseurs et les créanciers chirographaires bancaires, en raison du rapprochement des intérêts
économiques, soient placés dans des comités différents 1280. Ces propositions peuvent être
suivies dans la mesure où le droit français devra, le cas échéant, se conformer au droit européen
dans le cadre de l’harmonisation des procédures de restructuration, objet de la proposition de
directive du 22 novembre 20161281 sur les procédures préventives de restructuration, sur la
seconde chance et sur les mesures accroissant l’efficacité des procédures de restructuration,
d’insolvabilité et de décharge de dettes.
1276
Art. L.628-7, c. com.
1277
R. DAMMANN, M. GUERMONPREZ, « Pistes de réflexion pour une réforme des procédures collectives », Dalloz,
2018, p. 629.
1278
La Commission européenne a présenté, le 22 novembre 2016, une proposition de directive sur les mesures
préventives de restructuration, sur la seconde chance et sur les mesures accroissant l’efficacité des procédures de
restructuration, d’insolvabilité et de décharge des dettes : dir. n°2016/0359/22 nov. 2016. Dans cette proposition
de directive, il est proposé la constitution des classes de créanciers selon la nature des créances (les chirographaires,
les privilégiés, etc.) : COM (2016)723 final, art. 9.
1279
Haut comité juridique de la place financière de Paris, « Les orientations en vue d’un rapprochement des droits
nationaux de l’insolvabilité des entreprises dans l’Union Européenne » - Rapp. du groupe « défaillances
d’entreprises », 1er juill. 2016, p.15 ; R. DAMMANN, M. GUERMONPREZ, « Pistes de réflexion pour une réforme
des procédures collectives », Dalloz, 2018, p. 629.
1280
R. DAMMANN, M. GUERMONPREZ, « Pistes de réflexion pour une réforme des procédures collectives », Dalloz,
2018, p. 629.
1281
Directive (COM (2016) 723 final) du 22 nov. 2016.
248
571. S’agissant du vote au sein des classes de créanciers, il sera nécessaire d’adopter la règle de la
majorité des deux tiers du montant des créances au sein de chaque classe de créanciers. La règle
existe déjà dans les procédures judiciaires 1282 ; elle ne devrait donc pas changer en ce qu’elle
présente l’intérêt de la prévisibilité1283. Le projet de plan sera adopté lorsqu’il sera voté à la
majorité des deux tiers par chaque classe de créanciers. Il reviendra au tribunal, représenté par
le conciliateur dans l’hypothèse précédemment décrite, de veiller à ce que les créanciers, ayant
voté contre le plan, ne soient pas lésés 1284. Ces derniers doivent, en effet, recevoir un traitement
équivalent à celui qui aurait été le leur en l’absence de plan de restructuration.
572. Cependant, si une classe de créanciers ne vote pas le plan, celui-ci ne pourra être adopté. Il
faudra alors que le débiteur et une majorité simple de l’ensemble des classes de créanciers
votent en sa faveur 1285. L’introduction des classes de créanciers dans la procédure de
conciliation pourrait avoir plusieurs avantages.
1282
Art. L.626-30-2, al. 4, c. com.
1283
R. DAMMANN, M. GUERMONPREZ, « Pistes de réflexion pour une réforme des procédures collectives », Dalloz,
2018, p. 629.
1284
Art. L. 626-31, c. com.
1285
« {Cette flexibilité} paraît, en effet, plus simple à mettre en œuvre que le système américain du chapter 11 qui
repose sur l’idée de devoir déterminer les classes de créanciers « in the money », qui sont établies en fonction
d’une évaluation de l’entreprise qui est une source importante de contentieux » : note 19 : R. DAMMANN, M.
GUERMONPREZ, in « Pistes de réflexion pour une réforme des procédures collectives », Dalloz, 2018, p. 629.
1286
V. supra n°183 et s.
1287
Art. L. 626-31, c. com.
249
574. Par ailleurs, tirant les leçons de l’affaire Thomson1288, une étude révèle que la transposition de
la règle de la majorité des deux tiers du montant des créances, dans la procédure de conciliation,
permettrait aux obligataires, dont les obligations ont perdu une partie de leur valeur, de garder
une valeur de nuisance1289. En plus de l’instauration des classes de créanciers, dans la procédure
de conciliation, l’autonomisation de la procédure du mandat ad hoc, pour la préparation du
prepack-cession, serait une amélioration de plus dans la prévention des difficultés des
entreprises.
1288
V. supra n°183 et s.
1289
Haut comité juridique de la place financière de Paris - Rapp. du groupe « défaillances d’entreprises » in « Les
orientations en vue d’un rapprochement des droits nationaux de l’insolvabilité des entreprises dans l’Union
Européenne », 1er juill. 2016, p. 14.
1290
Ce procédé suppose, selon la lettre des textes, un plan pré-arrangé : art. L. 628-1, c. com.
1291
Art. L. 628-1, c. com.
1292
E. BERTRAND : « dans le prepack-cession, cette procédure {la présentation et l’examen des offres} connaît un
rythme particulièrement accéléré entre le jugement d’ouverture et le jugement arrêtant le plan », in « Le prepack-
cession, le dispositif s’installe dans le paysage des procédures collectives », Lamy, 4 mars 2016, article consulté
le 04 avr. 2018.
1293
Ord. n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
1294
Ou sauvegarde pré-arrangée.
1295
En employant ce terme, nous voulons mettre l’accent sur le fait que rien non plus n’interdit au chef d’entreprise
de négocier un projet de plan de cession ou de sauvegarde dans le cadre du mandat ad hoc. Seulement, lorsqu’il
voudra ouvrir une procédure judiciaire pour le faire voter et adopter, il devra, à ce moment précis, être engagé dans
une procédure de conciliation. C’est le sens du texte : art. L.611-7, c. com.
250
576. Pourtant, des affaires célèbres ont mis en exergue tous les mérites du mandat ad hoc dans un
tel rôle de préparation (A). Le choix de ne pas associer expressément1296 le mandat ad hoc à la
préparation du prepack-cession peut être regretté ; mais quelles seraient les conséquences de
l’autonomisation du mandat ad hoc envue de préparer la cession d’une entreprise (B) ?
578. « Le mandat ad hoc est une procédure assez souple, sans contrainte de temps ni justification
de difficulté »1301, seulement, le débiteur ne doit pas être en état de cessation des paiements au
moment de la demande d’ouvertude1302. Dans l’opération de prepack-cession, les
caractéristiques, telles que la souplesse, la confidentialité, ont une résonnance particulière. Il en
est ainsi, parce que non seulement la souplesse a le mérite de permettre l’adaptation au cas
particulier, ce qui n’est pas le cas de la conciliation plus formaliste, mais aussi parce que la
confidentialité - il n’y a pas de dépôt de l’accord signé au greffe du tribunal, de sorte que les
tiers ne peuvent pas en prendre connaissance - protège le crédit de l’entreprise.
1296
A. LESAULNIER, « Le mandat ad hoc devant le tribunal de commerce après la réforme du droit des entreprises
en difficulté », RTC com. 2016, p. 225 ; E. BERTRAND : « La mission du mandataire ad hoc étant définie par le
code de commerce comme consistant « à présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l’entreprise,
à la poursuite de son activité économique et au maintien de l’emploi », elle inclut naturellement cette hypothèse
de cession », in « Le pré-pack-cession le dispositif s’installe dans le paysage des procédures collectives », Lamy-
lexel, 4 mars 2016, article consulté le 16 avr. 2018.
1297
L. n°94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, JORF
n°134 du 11 juin 1994, p. 8440.
1298
L. n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
1299
Art. 1er de la L. n°2005-845, du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p.
12187, texte n°5.
1300
C. VINCENT, « Entreprise en difficulté et mandat ad hoc », eurojuris, 03 déc. 2010, article consulté le 04 mars
2018.
1301
Haut comité juridique de la place financière de Paris - Rapp. du groupe « défaillances d’entreprises » in « Les
orientations en vue d’un rapprochement des droits nationaux de l’insolvabilité des entreprises dans l’Union
Européenne », 1er juill. 2016, p. 11.
1302
On relèvera l’affirmation d’un auteur selon laquelle la nomination d’un mandataire ad hoc n’est pas soumise
à la condition d’absence de cessation des paiements : M. COTTIGNY, Responsabilité civile et procédures
collectives, thèse de doctorat, Université Lille 2, décembre 2016, p. 26.
251
579. N’étant enfermé ni dans un formalisme particulier, ni dans une durée spécifique, le mandat ad
hoc a l’avantage de permettre des discussions de longues durée 1303, contrairement à la
conciliation qui ne peut normalement dépasser quatre mois1304. La contrainte présente dans la
procédure de conciliation est un motif supplémentaire d’anxiété pour le chef d’entreprise qui,
de plus, a l’obligation de faire adhérer l’unanimité des créanciers à son projet. Ce climat
anxiogène n’existe pas dans la procédure de mandat ad hoc, et cela présente l’avantage de
renforcer la sérénité des discussions, ce qui est très important en ce que la réussite de toute
procédure amiable repose sur le talent de persuasion du négociateur désigné et sur le sacrifice
que les créanciers sont prêts à consentir. Or, si les négociations sont limitées dans la durée,
toute chance de convaincre certains créanciers indécis, s’amenuise ; le chef d’entreprise ne peut
leur forcer la main, la conciliation étant, par nature, une procédure contractuelle. Le législateur
a, certes, apporté une solution, à cette problématique, en adoptant les procédures passerelles,
car ces dernières permettent de passer outre l’opposition des créanciers minoritaires par le vote
majoritaire. Cependant, cette solution a une condition, celle que le chef d’entreprise réussisse à
convaincre la majorité des créanciers dans le laps de temps imparti, sous peine de clôture de la
procédure. Si l’échec de la procédure de conciliation doit être imputé à l’impossibilité de
parvenir à un accord unanime, il importe de souligner que la contrainte du temps n’est pas de
nature à aider le débiteur, d’où toute l’importance de la souplesse du mandat ad hoc.
580. En étant protégé par la confidentialité1305, le mandat ad hoc comporte, par-là, l’autre clef du
succès des procédures amiables préventives du droit français des entreprises en difficulté. Elle
est essentielle non seulement à la préservation de l’image de l’entreprise, mais aussi, elle est
importante eu égard à la confiance qui compte pour les créanciers. A cet égard, il importe de
souligner que le fait que le mandat ad hoc soit placé sous l’autorité du tribunal constitue un
motif de confiance pour ces créanciers. Autrement dit, les créanciers savent que les accords qui
seront conclus ne seront pas de simples promesses humanistes, mais des actes juridiques
contrôlés par le tribunal. Si l’accord peut être rédigé au cours d’un mandat ad hoc, il ne peut y
être formalisé ; l’ouverture d’une procédure de conciliation sera nécessaire à cette fin, et c’est
à ce stade que le tribunal interviendra soit pour constater cet accord, soit pour l’homologuer 1306.
1303
L’affaire Thomson en est une illustration. Dans cette affaire, toutes les négociations avaient eu lieu en mandat
ad hoc, avant que la procédure judicaire de sauvegarde ne soit ouverte, dans le but de faire voter le plan, puisque
certains créanciers, porteurs de titres super-subordonnés (TSS), s’y étaient opposés dans le cadre du mandat ad
hoc : v. supra, n°183 et s.
1304
Art. L.611-6, c. com.
1305
Art. L.611-15, c. com.
1306
Art. L.611-8, c. com.
252
En émettant l’opinion que le mandat ad hoc devienne autonome pour organiser le prepack-
cession, la question se pose de savoir quelles pourraient en être les conséquences juridiques ?
582. Faudrait-il alors tout simplement adopter l’autonomisation du mandat ad hoc, dans le but d’y
préparer un prepack-cession, en maintenant le mandat ad hoc1307 et la conciliation1308 en l’état ?
Une approche affirmative est permise : il serait ainsi nécessaire de permettre que le projet de
plan de cession, entièrement négocié et rédigé dans le cadre du mandat ad hoc, soit voté dans
le cadre de la procédure de conciliation avec comités de créanciers 1309.
583. Une telle démarche peut présenter deux avantages. D’abord, le chef d’entreprise pourra
bénéficier d’un temps suffisant 1310, afin de trouver un repreneur sérieux 1311. Ensuite, la
procédure judicaire qui sera ouverte, pour la réalisation de la cession, serait encore plus rapide
que maintenant, du fait que le vote aura déjà été effectué en phase amiable, de sorte qu’il ne
restera que l’adoption du plan par le tribunal. Cette adoption ne devrait pas, en principe, poser
un problème, dans la mesure où le tribunal aura supervisé le vote en phase amiable via le
conciliateur1312. Tout comme en droit français, des réformes sont possibles en droit OHADA,
notamment pour renforcer la contractualisation des mesures de restructuration des entreprises.
584. Le droit OHADA est souvent considéré comme une législation alignée sur le droit français1313.
Cette affirmation est à relativiser. Bien des points divergents peuvent, en effet, être relevés entre
1307
Son non-encadrement reste comme tel.
1308
Son encadrement reste comme tel.
1309
V. supra, n° 578 et s.
1310
Vu que le mandat ad hoc n’est pas enfermé dans un délai spécifique.
1311
C’est-à-dire qui propose une bonne offre de reprise en termes de prix.
1312
Désigné par le du tribunal, dans le contexte d’une conciliation à comités, parallèlement à sa mission originelle
de conciliateur : v. supra, n° 665.
1313
H-D MODI KOKO BEBEY, « La réforme du droit de l’OHADA au regard de la mondialisation de l’économie »
chron. IDEF, 16 mai 2002, article consulté le 16 avr. 2018.
253
les deux droits aussi bien sur le fond que sur la forme. Sur le fond, par exemple, peut être
démontrée une divergence concernant le régime de la cessation des paiements, lequel est souple
en droit français et rigide en en droit OHADA 1314 ; l’adoption du procédé de passerelle, réalisée
en droit français et absente formellement en droit OHADA, ou encore la finalité assignée à la
cession judiciaire de l’entreprise en difficulté 1315. La présente thèse propose par ailleurs un
approfondissement sur l’étude de cette dernière divergence1316.
585. Le droit OHADA, à travers le nouvel Acte uniforme des procédures collectives, a amélioré le
dispositif préventif des difficultés des entreprises. Il en est ainsi, comparativement à l’ancien
dispositif de 19981317, de l’adoption de la procédure de conciliation1318, ou encore de
l’instauration d’une procédure simplifiée de règlement préventif destinée aux petites
entreprises 1319. Si ces efforts législatifs méritent d’être salués, il n’en demeure pas moins que
des améliorations restent nécessaires.
586. En ce sens, l’accent pourrait être mis, d’une part, sur la réforme du régime de la cessation des
paiements (I) et, d’autre part, sur l’adoption d’une passerelle entre la conciliation et le règlement
préventif (II). Par ailleurs, la formation des personnels judiciaires, la création des tribunaux de
commerce dans les États membres, font partie, entre autres priorités, de celles qui s’imposent
dans l’espace juridique OHADA ; il s’agit d’un défi institutionnel important. La réalisation de
ces priorités garantirait une meilleure application des normes communautaires en général et du
droit des entreprises en difficulté en particulier (III).
1314
La cessation des paiements ne fait plus basculer un débiteur en procédure collective de façon automatique en
ce qu’elle peut se prolonger jusqu’à 45 jours (v. art. L. 631-1 ; L. 628-1, al.6 et art. L.611-4, c. com.), alors qu’en
l’état actuel du droit OHADA, le basculement en procédure judiciaire est automatique (art. 5-1 et art. 6, AUPC).
1315
M. F. KOUROUMA, « Étude de droit comparé : Afrique (droit OHADA) et France sur la finalité de la cession
judiciaire de l’entreprise en difficulté », Village de la justice, 2 janv. 2018, - « La cession judiciaire de l’entreprise
en difficulté en Afrique (droit OHADA) et en France : étude comparée de l’offre de reprise au regard des réformes
intervenues », Village de la justice, 27 déc. 2017, articles consultés le 15 févr. 2018.
1316
V. infra, n°953.
1317
Acte uniforme du 10 avr. 1998 portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ;
1318
Art. 5-1, AUPC.
1319
Art. 24, AUPC.
1320
Art. 5-1, AUPC pour la conciliation ; art. 6, AUPC pour le règlement préventif.
254
par exemple, de la procédure de conciliation1321. Comparativement à d’autres droits, notamment
celui de la France, une double possibilité temporelle d’ouverture de la procédure de
conciliation, c’est-à-dire avant ou après l’état de cessation des paiements, est offerte au chef
d’entreprise1322.
588. Bien que l’assouplissement du régime de la cessation des paiements ait pu être confondu avec
un « brouillage de piste »1323 en droit français, il n’en demeure pas moins recommandable en
droit OHADA (A). De même, afin de renforcer les mesures de prévention des difficultés des
entreprises, la création d’un organe spécial de conseil, d’information et d’orientation dans les
juridictions à compétence commerciale, devrait être envisagée (B).
A. Un assouplissement nécessaire
589. La cessation des paiements est l’état d’un débiteur dont l’actif disponible ne peut permettre de
payer le passif exigible. Cette définition standard est partagée par le nouvel Acte uniforme des
procédures collectives 1324. L’analyse de la jurisprudence, de la doctrine, ainsi que celle des
textes légaux permettent d’affirmer qu’en droit OHADA, cet état de cessation des paiements
sert à distinguer les procédures amiables de celles judiciaires 1325. Entre la cessation des
paiements ouverte et celle déguisée 1326, le droit OHADA a conservé la notion traditionnelle,
celle qui s’attache à l’absence de disponibilités immédiates et suffisantes pour payer le passif
échu et exigible1327.
590. Tant qu’il est in bonis, le débiteur OHADA ne peut prétendre à l’ouverture des procédures
judiciaires 1328. Dans la procédure de conciliation, l’accord, permettant de mettre fin aux
1321
Art. 5-1, AUPC : « La conciliation est ouverte aux personnes visées à l'article 1-1 ci-dessus, qui connaissent
des difficultés avérées ou prévisible mais qui ne sont pas encore en état de cessation des paiements ».
1322
Pourvu que cet état ne dépasse pas 45 jours : art. L.611-4, c. com.
1323
M. ROLAIN, « Entre contractualisation et sujétion : le brouillage des pistes dans le traitement des difficultés »,
LPA, 17 déc. 2014, n°251, p. 7 ; B. GRELON, Prévention et cessation des paiements, Mélanges en l’honneur de
Daniel Tricot, éd., Litec, 2011, p.425.
1324
Art.1-3, al. 1°, AUPC ; B. DIALLO, « La cessation des paiements du débiteur en OHADA », note sous
Ouagadougou, ch. civ. et com., 16/04/2004, n°54, juris info, déc. 2010, p. 12.
1325
Littoral, 16 mars 2012, réf. : Ohadata-J-14-14 ; B. Y. MEUK, « Quelques précisions sur la notion de cessation
des paiements dans l’OHADA », réf. Ohadata-D-8-13 ; CCJA, ass. Plén. Arrêt n°050/2015 du 27 avr. 2015 ;
pourvoi n°119/2011/PC du 10 déc. 2011, Banque européenne d’investissement c/ Sté Fils et tissus naturels
d’Afrique.
1326
V. V. MARTINEAU-BOURGNIGNAUD, « La cessation des paiements, notion fonctionnelle », RTD com. 2002, p.
245.
1327
V. J. ISSA-SAYEGH, Rev. penant, n° spec. OHADA, p. 211.
1328
Art. 5-1, AUPC pour la conciliation et art. 6, AUPC pour le règlement préventif.
255
difficultés de l’entreprise, doit être accepté par tous les créanciers 1329 appelés autour de la table
des négociations. Cela conditionne les chances de restructuration de l’entreprise au caractère
unanime de cet accord. Or, il peut arriver que quelques créanciers, non conciliants et
minoritaires, s’opposent au projet d’accord proposé. Cette opposition minoritaire fera donc
échec à l’adhésion majoritaire des autres créanciers vis-à-vis du même projet. C’est pourquoi,
afin d’éviter une telle situation, susceptible de compromettre le redressement de l’entreprise, le
code fédéral américain de la faillite pose le principe du vote majoritaire 1330. Il en est de même
en droit Anglais avec le scheme of arrangment 1331. Le législateur français, quant à lui, a gardé
le même principe que son homologue OHADA, mais il prévoit des procédures dites
sauvegardes accélérées qui permettent au débiteur de basculer rapidement dans une procédure
judiciaire, afin de faire adopter le même projet1332.
591. La conséquence du régime actuel de la cessation des paiements en droit OHADA est que l’échec
de la procédure de conciliation est de nature à provoquer la cessation des paiements du débiteur.
Or, c’est cette situation que la procédure de conciliation vise à éviter 1333, même s’il a été
reproché à certains chefs d'entreprise de vouloir utiliser une procédure préventive pour cacher
un état de cessation des paiements 1334. La rigidité du régime de la cessation des paiements,
conjuguée, d’un côté, avec la méconnaissance des instruments juridiques par certains chefs
d’entreprise et, de l’autre, avec la méfiance de ces derniers vis-à-vis du tribunal1335, amène les
entreprises vers les procédures judiciaires, puisqu’elles demandent le plus souvent l’ouverture
d’une procédure amiable en étant déjà en cessation des paiements 1336. Au regard de ces deux
facteurs, précédemment décrits, l’assouplissement du régime de la cessation des
1329
Art. 2, al. 1, AUPC.
1330
Chapter 11 (chapitre 11).
1331
Section 26, Compagnies act 2006 (art. 26, loi sur les sociétés).
1332
Art. L.628-1, c. com.
1333
Art.2, AUPC.
1334
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd. LGDJ,
2018, p. 8 ; J.-F. Barbieri, « Le choix des techniques de traitement des difficultés des entreprises : Réflexions
liminaires », Rev. proc. coll. 2005, n°4, p. 347 ; L. C. BIASSALY, « La procédure de conciliation dans la prévention
des difficultés des entreprises en droit OHADA : distincte ou copie du droit français ? », Village de la justice, 20
mars 2017, article consulté le 10 avr. 2018.
1335
F. M. SAWADOGO, cité par L. C. BIASSALY in « La procédure de conciliation dans la prévention des difficultés
des entreprises en droit OHADA : distincte ou copie du droit français ? », Village de la justice, 20 mars 2017,
article consulté le 10 avr. 2018.
1336
A. B. KOTO-TCHEIKA, Le règlement préventif du droit OHADA au regard du droit français des procédures
collectives, thèse de doctorat, éd. Publibook, 2014, p. 27.
256
paiements 1337semble justifié1338, même si l’opinion contraire a pu être soutenue 1339. A cet égard,
le tribunal pourrait être autorisé, au regard de la situation globale d’un débiteur, à accorder
l’ouverture d’une procédure amiable, en dépit d’un état de cessation des paiements moins
agravé1340.
592. Toutefois, l’assouplissement du régime de la cessation des paiements ne doit pas constituer une
occasion pour les débiteurs d’abuser de la règle, en ne prenant pas, par exemple, les précautions
devant leur éviter la cessation des paiements. C’est pourquoi, les juges devront être très
rigoureux dans l’appréciation de la mesure d’assouplissement qui serait adoptée. Cette rigueur
permettrait de résoudre le souci du législateur qui a choisi d’être intransigeant sur la question,
dans le but d’encourager davantage l’anticipation des difficultés par le dirigeant. Avec cette
réforme, la création des cellules spéciales de conseil au sein des tribunaux de commerce, à
l’attention des chefs d’entreprise, pourrait renforcer la prévention. Ces cellules pourraient ainsi
permettre au débiteur de discuter discrètement de ses difficultés et de s’informer sur les moyens
préventifs juridiques à sa portée. Cette mesure aurait pour effet de diminuer par ailleurs la
méfiance que le justiciable OHADA entretient à l’égard de la justice.
1337
S. E. K. EVELAMENOU, Le concordat préventif en droit OHADA, thèse de doctorat, Université Paris-Est et
Université de Lomé, 2012, p. 167.
1338
TRHC, Dakar, 9 janv. 2004, n°06, réf. Ohadata J-04-259 : dans cette affaire, le tribunal a, en dépit d’une
cessation des paiements (qui pouvait être rapidement absorbée par les remises de dettes accordées dans le
concordat préventif), permis l’ouverture du règlement préventif car ce concordat préventif présentait une forte
probabilité de redresser l’entreprise, donc de mettre fin à l’état de cessation des paiements. Ce tribunal a donc
préféré faire fi de la loi pour prioriser le redressement de l’entreprise.
1339
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd. LGDJ,
2018, p. 82 : selon cet auteur, la rigidité de la cessation des paiements permet d’inviter le chef d’entreprise à vite
demander le règlement préventif. Il pense également que l’état et l’application du droit des entreprises en difficulté
dans l’espace OHADA ne permettent pas de tolérer la cessation des paiements (même ouvrage, p. 85) ; selon
également un praticien, admettre l’ouverture de la conciliation en présence d’un état de cessation des paiements
revient à conforter les chefs d’entreprises dans une démarche qui est toujours tardive, et dès lors vouée à l’échec :
B. Sapin, « Conciliation et cessation des paiements » in Collectif , Entreprise en difficulté : nouvel essai. Moins
de liquidations par plus de prévention. Mythe ou réalité ? 29ème Colloque de Dauville, 3 et 4 avr. 2004, Rev. juris.
Com. 2004, p. 60.
1340
Trente jours par exemple.
257
le constat que la plupart des entreprises africaines évoluent dans le secteur informel 1341, et
qu’elles ne possèdent pas, le plus souvent, de service juridique. Ne maîtrisant pas les textes
régissant leurs activités économiques, les dirigeants de ces entreprises redoutent, à tort, le
tribunal1342. Cette méfiance, qui ne leur permet pas de se confier à la juridiction compétente,
les prive du bénéfice des moyens préventifs juridiques mis à leur disposition, ce qui favorise la
cessation des paiements puisque le dispositif préventif n’aura pas été utilement enclenché en
amont des difficultés.
594. Les cellules spéciales de conseil pourraient proposer trois volets d’aide. D’abord, l’information,
qui consisterait à expliquer succinctement au chef d’entreprise - qui le souhaite - le droit qui
régit son entreprise, surtout, en ce qui concerne les voies et moyens à sa disposition en cas
d’apparition de difficultés et les conséquences de l’inaction face aux difficultés. Ensuite,
l’orientation, qui consisterait concrètement, sans que cela ne soit une immixtion dans la gestion
du chef d’entreprise, à orienter ce dernier, sur la base de la nature de ses difficultés, vers les
solutions juridiques appropriées. Enfin, l’accompagnement, qui ne serait possible qu’en dernier
recours ; il consisterait à aider le chef d’entreprise à saisir, si nécessaire, le tribunal, afin qu’un
conciliateur soit rapidement nommé. Les services proposés par les cellules spéciales de conseil
pourraient être symboliquement onéreux. Ils devront être facilement accessibles en termes de
formalités d’usage.
595. Afin de conférer aux cellules spéciales de conseil une réelle chance de réussite, une large
campagne de divulgation de leur création, ainsi que de leur rôle devrait être organisée dans
chaque pays membre de l’espace OHADA. Ces pays ayant décidé de se doter, au travers de
l’AUPC, des procédures préventives qu’ils souhaitent efficaces, devraient promouvoir ces
dernières, en vue de dynamiser leur économie. La méconnaissance des moyens de prévention
par les chefs d’entreprise présente le risque de l’accroissement des difficultés des entreprises,
voire plus tard la disparition de ces dernières. Or, disparition d’entreprise emporte forcément
suppression d’emplois, toute chose de nature à impacter l’économie nationale sur le double plan
social et fiscal. Dans une telle entreprise de vulgarisation du droit OHADA en général et de ces
1341
L. C. BIASSALY, « La procédure de conciliation dans la prévention des difficultés des entreprises en droit
OHADA : distincte ou copie du droit français ? », Village de la justice, 20 mars 2017, article consulté le 10 avr.
2018.
1342
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ,
2018, p. 18 ; F. M. SAWADOGO, cité par L. C. BIASSALY in « La procédure de conciliation dans la prévention des
difficultés des entreprises en droit OHADA : distincte ou copie du droit français ? », Village de la justice, 20 mars
2017, article consulté le 10 avr. 2018.
258
cellules spéciales en particulier, les gouvernements devraient impliquer les organismes de
presse privée et publique, ainsi que les acteurs de la société civile. En ce sens, les clubs
OHADA, installés dans la quasi-totalité des universités dans les pays membres, et dans
plusieurs autres universités Africaines, mériteraient d’être soutenus financièrement,
logistiquement et matériellement. Leurs activités, qui ont d’ailleurs fait leurs preuves,
représentent aujourd’hui une belle vitrine promotionnelle du droit OHADA. Leurs activités
multiformes aident à rapprocher le droit OHADA de son public.
596. Le travail de ces cellules permettrait aux chefs d’entreprise de démystifier le recours au tribunal
et de prendre conscience de la nécessité d’enclencher utilement les moyens de prévention
internes et externes. Au titre du renforcement des moyens de prévention des difficultés des
entreprises, une procédure passerelle pourrait aussi être adoptée entre la conciliation et le
règlement préventif.
598. Dans une telle perspective, la passerelle entre l’amiable et le judiciaire pourrait être une
procédure judicaire rapide (A) où il devrait être permis aux créanciers de présenter un plan
concurrent à celui du débiteur (B).
1343
Art. 5-1, AUPC.
1344
Adopté le 10 sept. 2015, en Côte d’ivoire.
1345
J.F. TOGNACCIOLI, « La réforme du droit des entreprises en difficulté », Tognaccioli avocat, 2 juill. 2014, p.
1.
259
l’ouverture1346 d’une des sauvegardes accélérées dont les périodes d’observation sont réduites
à un mois 1347 et à trois mois 1348. La célérité, porte-flambeau de ces dernières, tient au fait que
le plan est déjà élaboré et soutenu par la majorité des créanciers dans une procédure amiable.
Ce système de plan pré-arrangé est aussi utilisé par le droit anglo-saxon, source d’inspiration
du droit français en la matière 1349.
600. En l’état actuel du droit OHADA, une telle faculté n’est pas formellement offerte aux chefs
d’entreprise. Le règlement préventif n’est accessible qu’aux débiteurs in bonis1350 et la période
d’observation qui dure trois mois, est prorogeable une fois pour une durée d’un mois 1351. En
France, la période d’observation de la même procédure dure six mois 1352, prorogeables une fois,
soit au total douze mois au moins.
601. Cette durée relativement courte pourrait-elle permettre d’expliquer que le législateur OHADA
ne juge pas encore nécessaire d’emprunter le système de la passerelle ? Il peut être logiquement
supposé que le législateur s’accorde le temps de la réflexion.
602. Si, sur l’argument tenant à la durée, la non-adoption du procédé de passerelle en droit OHADA
peut se justifier, sur celui tenant à la diversification des outils de redressement des sociétés, ce
choix reste discutable. Comme en droit français, la conciliation, en droit OHADA, est une
procédure contractuelle où seule la volonté unanime des créanciers compte 1353. De plus, le
régime de la cessation des paiements est rigide. Or, se pose un problème de maîtrise des textes
applicables tant au niveau des dirigeants d’entreprise qu’à celui des professionnels de la justice.
603. En effet, il est arrivé que le dirigeant dépose le bilan alors que la situation est déjà désespérée ;
que le tribunal ouvre une procédure inappropriée 1354. La lourdeur du règlement préventif sous
1346
Art. L. 628-1, c. com.
1347
Pour la sauvegarde financière accélérée (art. L.628-10, al. 2, c. com.).
1348
Pour la sauvegarde accélérée (art. L. 628-8, al. 1, c. com.).
1349
T. ABAJTEK, « La sauvegarde financière accélérée : une nouvelle procédure pour anticiper les difficultés des
entreprise », les petites affiches, 30 déc. 2010 : dans cet article, consulté le 15 janv. 2018, l’auteur parle de la
consécration en droit français d’une pratique anglo-saxonne.
1350
Art. 6, AUPC ; TRHC, Dakar, 9 janv. 2004, n°6, réf. Ohadata J-04-259.
1351
Art. 9, AUPC.
1352
Art. L.621-3, c. com.
1353
Art. 2 AUPC. Toutefois, avec l’arrivée des procédures passerelles dans le droit français, notre affirmation doit
être atténuée ; car ces procédures reposent sur le vote majoritaire, ce qui, de facto, fait de l’avis majoritaire dans
la procédure de conciliation, un allié déterminant pour le débiteur qui aura demandé l’ouverture de telles
procédures.
1354
F. M. SAWADOGO, note sous TGI, Ouagadougou, 25 mai 2004, Rev. Burkinabé de droit, n°45.
260
l’empire de l’ancien AUPC, ainsi que celle des autres procédures collectives, étaient dues non
seulement aux textes qui n’étaient pas adaptés, mais aussi au non-respect des délais
procéduraux par les organes de la procédure concernée : juges, experts, syndics. A titre
d’exemple, peut être citée une affaire 1355 portée devant le tribunal de première instance de
Libreville où une ordonnance de suspension des poursuites individuelles et de nomination d’un
expert avait été rendue le 26 juin 2003 à la suite d’une demande d’ouverture du règlement
préventif. Le rapport de l’expert qui devait être déposé trois mois après l’ouverture de la
procédure1356, ne l’avait été que huit mois plus tard, et onze mois s’étaient écoulés avant que le
tribunal ne se prononce sur le concordat préventif, alors qu’il aurait dû se prononcer dans le
mois suivant le dépôt du rapport de l’expert 1357. Comme il fallait s’y attendre, l’ordonnance
rendue a constaté la cessation des paiements, et une procédure de redressement judiciaire a dû
être ouverte.
604. Dans un autre cas d’espèce porté devant le tribunal régional hors classe de Dakar 1358, sous
l’empire de l’ancien AUPC, la survenance de la cessation des paiements avait été reportée à
une date qui faisait inclure, dans la période suspecte, les actes passés en exécution du concordat
préventif. En fait, le 2 mai 2000, le tribunal avait ouvert une procédure de règlement préventif
pour la société Trans Industries. Le 10 avril 2003, le dirigeant de cette société a, faute de
trésorerie disponible pour réaliser le concordat préventif, saisi le tribunal aux fins de voir
prononcer la résolution de ce dernier. Faisant suite à cette requête par le prononcé d’une mise
en liquidation judiciaire, le tribunal a provisoirement fixé la survenance de l’état de cessation
des paiements au premier janvier 2000. Cette affaire a pu démontrer l’insécurité juridique que
le non-respect des textes par les juges peut provoquer. Le législateur de 2015 a corrigé cela en
précisant clairement que la date de la cessation des paiements ne peut être reportée
antérieurement à la décision définitive ayant homologué le concordat préventif 1359.
605. Face à ces situations de violation des textes par ceux qui sont sensés les appliquer de façon
convenable, la Côte d’Ivoire a, par avis en date du 26 juin 2007, saisi la cour commune de
justice et d’arbitrage, aux fins de connaître, d’une part, le caractère des délais procéduraux et,
d’autre part, la sanction prévue dans l’hypothèse de leur violation.
1355
TPI, Libreville, 17 janv. 2005, n°02/2004/2005.
1356
Art. 13, AUPC du 10 avr. 1998.
1357
Art. 15, al.1, 4°, AUPC du 10 avr. 1998.
1358
TRHC, Dakar, 11 juill. 2003, n°37, réf. Ohadata J-09-340.
1359
Art. 34, al. 2, tel que modifié par l’AUPC révisé.
261
606. La Cour commune de justice et d’arbitrage n’a pas jugé utile de poser une jurisprudence sur la
question. Elle s’est, en effet, contentée de confirmer qu’il appartenait aux tribunaux d’évaluer
la sanction de la violation des délais procéduraux dans les cas où il existe un vide juridique.
Face à cette liberté, qui était laissée aux juges et aux justiciables, qui, au demeurant, est de
nature à encourager le non-respect des règles procédurales, des auteurs ont exprimé une crainte
quant aux préjudices susceptibles d’être portés aux intérêts des créanciers 1360. Cependant,
même s’il faut comprendre le souci de ces auteurs, on pourrait tout de même s’en étonner. En
effet, la discipline collective est sensée s’appliquer aux créanciers aussi longtemps que dure la
procédure collective, ou à tout le moins, la période d’observation dans le respect des textes
procéduraux. Dès lors que ces textes ne sont plus respectés, un créancier devrait trouver matière
à désobéir à la discipline collective instaurée, pour ainsi engager une procédure de
recouvrement de ses créances selon les voies du droit commun.
607. Outre les justiciables et les juges, la question de la méconnaissance des textes dans l’espace
OHADA touche également les avocats. Il ressort, à titre d’exemple, de la lecture d’un arrêt de
la cour d’appel de Lomé1361 - qui a déclaré irrecevable un appel pour cause de forclusion en
matière de redressement judiciaire - que l’avocat de la partie appelante a dû mal conseiller son
client. Selon l’article 221 de l’ancien AUPC, l’appel contre une décision du tribunal en matière
de redressement judiciaire (refus d’ouverture ou d’homologation du concordat de redressement
judiciaire) doit être interjeté dans un délai de quinze jours à compter de la date du prononcé de
la décision contestée ; mais l’avocat de la partie appelante a quand même laissé son client
interjeter appel au de-là du délai de prescription du texte précédemment évoqué. Quoiqu’il en
soit, le législateur de 2015 semble vouloir mettre fin à tous ces manquements au travers du
nouvel Acte uniforme des procédures collectives 1362 pour un droit OHADA efficace et
compétitif.
1360
J. ISSA-SAYEGH, P.-G POUGOUE et F.M. SAWADOGO, OHADA, Traité et actes uniformes commentés et
annotés, éd., juriscope, 2015-2016, p. 1175.
1361
Lomé, 21 avr. 2009, n°067/09, réf. Ohadata-J-10-159.
1362
Il prévoit par exemple que tout expert qui ne respecte pas le délai de 3 mois pour déposer son rapport engage
sa responsabilité : art. 12, al. 7, AUPC.
262
608. Il résulte donc de l’unanimité de l’accord de conciliation qu’une entreprise qui ne réussit pas sa
procédure est codamnée à la reprendre, et ce dans le respect du délai requis à cet effet 1363, ou
à basculer dans le traitement judiciaire dont on connaît le caractère incertain et traumatisant.
609. Étant donné le manque de maîtrise des instruments juridiques par la plupart des entrepreneurs
en Afrique, adopter une telle rigueur à leur égard contribue plus à défavoriser la sauvegarde des
entreprises qu’à l’encourager. Dans ces conditions, une adaptation de la technique de la
passerelle semble justifiée. Dans un contexte où des États en Afrique s’engagent dans la
conquête du meilleur « business model »1364, elle permettrait non seulement de contourner le
blocus des créanciers contestataires, dans la procédure de conciliation, mais aussi de maximiser
les chances de redressement de ces nombreuses entreprises encore viables, souvent condamnées
à disparaître. Cependant, il faudra adapter le système américain à la réalité socio-économique
en Afrique, celle-ci étant marquée par des crises quasi-permanentes d’ordre politique, religieux
et économique ; la plupart des entreprises, sont de petite taille 1365et évoluent dans l’informel1366.
610. Contrairement au législateur de 1998, celui de 2015 a tenu compte de cette réalité en ouvrant
aux petites entreprises l’accès facile à l’AUPC, à l’aide du règlement préventif simplifié 1367.
Les réalités économiques évoluent, cela provoque des changements dans les rapports entre les
acteurs économiques, financiers et les consommateurs. La législation en droit des affaires se
doit dès lors d’être mouvante, dans le sens de l’adaptation.
611. Néanmoins, comme cela a déjà été dit, sans prévoir de passerelle entre les procédures de
conciliation et de règlement préventif, le législateur OHADA prévoit un règlement préventif
simplifié accessible aux petites entreprises1368. Ce dernier est soumis à des règles précises, dont
celle exigeant l’absence de cessation des paiements. Le règlement préventif simplifié est soumis
1363
Art. 5-3, AUPC : ce délai est de 3 mois.
1364
A.-M. ROMANI, La banque dans tous ses (É) états, éd., mare & martin, 2016, p. 30.
1365
Selon une étude de l’Institut national de la statistique du Cameroun, menée en 2010, la majorité des entreprises
sur le continent seraient de petite taille, soit 73% avec un capital initial compris entre 500 000 FCFA (environ 760
euros) et 1. 000 000 FCFA (environ 1520 euros), en ligne : www.statistics-cameroon.org.
1366
L. C. BIASSALY, « La procédure de conciliation dans la prévention des difficultés des entreprises en droit
OHADA : distincte ou copie du droit français ? », Village de la justice, 20 mars 2017, article consulté le 10 avr.
2018.
1367
B. DIALLO, « Des procédures adaptées aux « petites » entreprises : les procédures simplifiées », dr. et patr.
2015, n°253, p. 45.
1368
Art. 24, AUPCAP.
263
au régime du règlement préventif, excepté quelques dérogations, à l’image de la durée de la
période d’observation1369.
613. C’est pourquoi, la création d’une procédure intermédiaire, entre la conciliation et le règlement
préventif, assortie d’une atténuation temporelle de l’effet immédiat de la cessation des
paiements, ne pourra que renforcer les efforts législatifs dans le traitement des difficultés des
entreprises.
614. Cette procédure passerelle pourrait être une véritable procédure collective, c’est-à-dire
intéressant toutes les créances 1371. La période d’observation pourrait durer un mois et demi eu
égard à la durée de la période d’observation du règlement préventif1372. L’objectif est d’avoir
une procédure rapide qui servirait, d’abord à organiser le vote du projet d’accord tenu en échec
par des créanciers minoritaires en phase amiable, ensuite à faire homologuer ce projet par la
juridiction compétente. Ses conditions d’ouverture pourraient être alignées sur celles de la
conciliation, à la différence, toutefois, que le débiteur puisse être dans un état de cessation des
paiements non avancé. De plus, l’accès ne devrait pas être conditionné par un passage obligé
par la conciliation, comme c’est le cas en droit français 1373.
615. Dans ces conditions, un débiteur, qui a cessé de payer, pourrait directement présenter une
demande d’ouverture de la procédure passerelle - règlement préventif rapide - avec un projet
d’accord de restructuration des dettes, largement soutenu par les créanciers. L’intérêt en serait
la flexibilité des négociations et l’économie de temps, le chef d’entreprise devant mener lui-
1369
Art. 24-4, AUPCAP : « les délais de trois (03) mois et d’un mois, fixés par les articles 9 alinéa 1er et 13 alinéa
2 ci-dessus, sont respectivement à deux (02) et à quinze (15) jours ».
1370
V. en ce sens, O. TIQUANT, La contractualisation des procédures collectives, thèse de doctorat, 1999, Paris
1 ; « Contractualisation du droit des entreprises en difficulté », Rev. proc. coll., mai 2015, n°3.
1371
Entre autres : créances bancaires, fournisseurs, obligataires.
1372
Soit 3 mois, prorogeables de 1 mois : art. 12, al. 6, AUPC.
1373
Art. L.628-1, c. com.
264
même les négociations, comme c’est le cas en droit américain de la faillite1374. Celui du débiteur
qui n’est pas en cessation des paiements, pourrait passer par la conciliation, afin de mettre fin
à ses difficultés. S’il n’y parvient pas, faute d’accord consensuel, alors qu’il a un projet concret
soutenu par la majorité des créanciers et susceptible d’assurer son redressement, il pourrait
solliciter le règlement préventif rapide, afin de faire voter ce projet, et ainsi assurer la
sauvegarde de son activité économique1375.
616. Dans un tel contexte, la création d’une assemblée concordataire serait nécessaire pour les
consultations, discussions et pour le vote du projet de plan de restructuration. Son
fonctionnement et son rôle pourraient être alignés sur ceux de la masse des créanciers présente
dans la procédure de redressement judiciaire. Cette procédure passerelle serait ainsi une
procédure rapide générant à la fois les avantages d’une préparation contractuelle et ceux d’une
exécution autoritaire. Elle permettrait aux chefs d’entreprise de passer outre l’aléa du principe
d’unanimité dans la procédure de conciliation, afin de poursuivre le processus de restructuration
de l’entreprise avec les créanciers conciliants. Parallèlement, l’autorisation d’un plan provenant
d’un créancier, et concurrent à celui du débiteur, serait de nature à faciliter cet objectif de
redressement des sociétés.
1374
Chapter 11 (chapitre 11).
1375
Cette éventualité avait d’ailleurs été proposée dans l’avant-projet d’amendement de l’Acte uniforme des
procédures collectives : art. 4- 4.
1376
Art. 6-1, al. 1, 13°, AUPC pour le concordat préventif ; Art. 119, AUPC pour le concordat de redressement
judicaire.
1377
Art. 15, al. 2, AUPC, pour le concordat préventif ; art. 126, al. 2, AUPC pour le concordat de redressement
judiciaire.
1378
Art. 132, al. 1, AUPC.
1379
Art. L.642-5, al. 1er, c. com.
265
618. Contrairement à certains droits 1380, où les créanciers sont organisés au sein des comités, suivant
la nature de leurs créances, en droit OHADA, ces derniers sont réunis au sein d’un seul groupe,
à savoir « la masse des créanciers ».1381 Cette masse des créanciers siège au sein d’une
assemblée unique dite « assemblée concordataire ».1382
619. A la lumière du nouvel Acte uniforme des procédures collectives, il peut être relevé que le
concordat préventif ou le concordat du redressement judiciaire sont imposés aux créanciers.
Certes, ces derniers sont consultés sur le contenu du plan, mais ce plan est conçu par le chef
d’entreprise, et le tribunal l’adopte dès lors qu’il satisfait aux conditions légales 1383. Il en résulte
que, même si la quasi-totalité des créanciers sont défavorables aux propositions du chef
d’entreprise, le concordat pourra quand même leur être imposé, comme ce fut le cas dans
l’affaire Cœur Défense1384, s’agissant du droit français. Dès lors, la nécessité de permettre aux
créanciers de présenter un plan alternatif se justifie. Une telle autorisation légale présenterait
l’intérêt d’obliger le chef d’entreprise à proposer un projet, plus respectueux des droits des
créanciers.
620. En l’état actuel de la législation OHADA, dans le plan imposé, la gratuité des deux premières
années, ainsi que le rééchelonnement des dettes sur plusieurs années, symbolisent les efforts
imposés aux créanciers. S’agissant de l’adoption du procédé de passerelle, la possibilité que les
créanciers puissent présenter un plan, concurrent à celui du chef d’entreprise, serait une mesure
incitative pour le redressement de l’entreprise. Les créanciers, à l’heure de la contractualisation
des solutions de redressement des entreprises, devraient être valorisés, c’est-à-dire qu’ils ne
doivent pas faire les frais de la situation malheureuse de leur débiteur ; ils ne doivent pas être
ignorés, une solution pérenne de redressement peut être trouvée avec eux. En tout état de cause,
le droit OHADA s’étant lancé dans le mouvement de contractualisation du droit des entreprises
en difficulté, le législateur se résoudra au fait que le système de plan imposé ne rime pas avec
l’objectif de contractualisation1385.
1380
C’est le cas dans les droits Allemand, français, américain, anglais.
1381
Art. 72, AUPC.
1382
Art. 82, al. 1er, AUPC.
1383
Art. 15, al. 2, AUPC, pour le concordat préventif et art. 126, al. 2, AUPC pour le de concordat de redressement
judiciaire.
1384
Com. 8 mars 2011, n°10-13.988, D. 2011, 919, note P.-M. LE CORRE.
1385
R. DAMMANN, M. GUERMONPREZ, « Pistes de réflexion pour une réforme des procédures collectives », Dalloz,
2018, p. 629.
266
621. Après avoir réussi à uniformiser la règlementation du droit des affaires, la communauté
juridique OHADA doit faire face à un important défi institutionnel. Il n’y a point de bonne
législation en dehors d’une application correcte des textes. Afin de permettre une application
optimale du nouvel Acte uniforme des procédures collectives, dans le but d’assurer la sécurité
judicaire et juridique des affaires, une spécialisation des juridictions connaissant des
contentieux de l’AUPC, ainsi que la formation des magistrats s’imposent en priorité.
623. Le législateur est conscient de ce déficit institutionnel. C’est pourquoi, au travers de l’alinéa
premier de l’article 3 de l’AUPC, l’invitation est faite aux États membres à centraliser les
procédures collectives devant une seule juridiction. Il aurait été plus opportun de demander
qu’ils créent des tribunaux dédiés, c’est-à-dire des tribunaux de commerce. Certains ont déjà
emprunté ce chemin. Il en est ainsi, à titre d’exemple, de la Guinée qui a tout récemment
institué1387 un tribunal de commerce pour la zone spéciale de Conakry - les autres zones du
territoire national dépendant en matière commerciale des tribunaux de première instance de leur
ressort -, de la Côte d’ivoire1388, du Benin1389. Le législateur, par le troisième alinéa du texte
précité, précise qu’il revient à chaque État d’attribuer les compétences matérielles en fonction
de son organisation judiciaire, ce qui se présente comme superfétatoire compte tenu de ce
1386
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ,
2018, préface de F.-X. Lucas.
1387
L/2005/09/AN du 13 août 2015 portant organisation judiciaire.
1388
Décret n°2012-628 du 6 juill. 2012 portant création du tribunal de commerce d’Abidjan et fixant son ressort
territorial.
1389
Les L. n°2016-15 du 28 juill. 2016 modifiant et complétant la loi n°2001-31 du 27 août 2002 portant
organisation judiciaire en République du Benin et la loi n°2016-16 du 28 juill. 2016, ont modifié l’organisation
judiciaire du Bénin : quelques tribunaux de commerce ont été créés voire installés :
tribunalcommercecotonou.com.
267
que l’idée de la centralisation voire de la spécialisation a déjà été soutenue à travers l’alinéa
premier du même texte1390.
624. La doctrine spécialisée en droit OHADA est quasi unanime sur le fait que, pour une réelle
sauvegarde des entreprises en difficulté, la formation des juges, ainsi que l’amélioration des
capacités institutionnelles restent des priorités 1391. « Un environnement légal structuré ne
permet pas à lui seul de rassurer les investisseurs ».1392 Or, la justice africaine n’a guère bonne
presse tant sur le plan national1393 qu’international1394. Entre difficultés budgétaires et
personnels incompétents 1395, les difficultés sont nombreuses : la justice africaine serait un
« service public sans services » ; une « justice sans juge » ; une justice « sans justiciables ».1396
Même si la description peut paraître caricaturale, elle n’en demeure pas moins exacte. Toute
chose qui impacte la performance et la compétitivité de l’économie africaine.
625. Le droit OHADA vient d’enclencher une entreprise ambitieuse, celle de moderniser et d’adapter
la réglementation des affaires aux réalités africaines 1397 et aux exigences de la mondialisation
de l’économie1398. Il peut être affirmé que la sécurité juridique est assurée 1399. Cependant, la
sécurité judiciaire demeure une inquiétude, surtout dans le domaine préventif où des
manquements procéduraux ont souvent été relevés 1400. La formation des magistrats est ainsi
une question préoccupante et permanente à laquelle il faut trouver une solution, afin non
1390
Certainement dans le respect de la souveraineté constitutionnelle des États dans l’organisation des systèmes
judiciaires.
1391
E. M. KOUMBA, Droit de l’OHADA : Prévenir les difficultés, éd., l’Harmatan, 2013, p. 230 et s.
1392
B. COUSIN et A.-M. C ARTRON, « La fiabilisation des systèmes judiciaires nationaux : un effet secondaire
méconnu de l’OHADA », réf. Ohadata – D-07-30.
1393
V. J. D. De GAUDISSON, « La justice en Afrique : nouveaux défis, nouveaux acteurs », Afr. Contemporaine,
2014/2, n°250, p. 13 et s.
1394
Le rapport Doing business 2016 sur le droit OHADA pointe du doigt ces tares et invite les États à plus d’efforts,
RDAA, janv. 2016, note A. ROCHER.
1395
B. COUSIN, « OHADA : un correctif au fonctionnement de la justice ? », Penant, 2008, n°865, p. 510, sp. 511
et s.
1396
V. J. D. De GAUDISSON, « La justice en Afrique : nouveaux défis, nouveaux acteurs », Afr. Contemporaine,
2014/2, n°250, p. 13 et s.
1397
Tel est le cas de l’adoption, dans le nouvel Acte uniforme des procédures collectives, des procédures
simplifiées telles que le règlement préventif simplifié et le redressement judiciaire simplifié pour les petites
entreprises qui ne peuvent pas accéder au règlement préventif et au redressement judiciaire classiques.
1398
Tel est le cas de la création, dans le nouvel Acte uniforme des procédures collectives, d’un chapitre traitant de
la reconnaissance et des effets des procédures ouvertes hors de l’espace OHADA : art. 256, AUPC.
1399
Y. KALIEU ELONGO, Communication, Colloque OHADA, Paris, juin 2013.
1400
A titre d’exemple, il est arrivé qu’une ordonnance de prorogation de concordat préventif soit rendue sans
référence au rapport du syndic, comme cela était exigé (il l’est encore) par l’ancien article 21, AUPC : Abidjan,
27 mars 2001, n°367, réf. Ohadata – J-02-94.
268
seulement de pouvoir assurer la sauvegarde des entreprises, mais aussi de pouvoir mesurer
l’impact des réformes 1401. Si cette dynamique est à saluer, il faut cependant que les efforts
continuent dans le sens de l’amélioration des conditions matérielles, humaines et procédurales
pour une meilleure application des nouveaux textes.
626. Cela se manifeste concrètement entre autres par la création de juridictions dédiées pour le
traitement des contentieux relevant de l’AUPC (A) et par la formation des personnels judicaires
(B).
628. La création des tribunaux dédiés pourrait présenter l’intérêt de soumettre les litiges
commerciaux à des magistrats de carrière spécialisés. « Cette évolution serait particulièrement
bienvenue pour le traitement des procédures transfrontalières au sein de la zone OHADA mais
1401
V. P.-G POUGOUE, Y. K. ELONGO, Introduction critique à l’OHADA, éd., PUA, 2008, p. 207 et s.
1402
M. AKOUETE AKUE, « Plaidoyer pour un espace OHADA plus attractif pour les investisseurs étrangers », Rev.
Lamy, Droit civ. n°67, p. 85.
1403
« La CCJA est l’interprète et le garant du droit OHADA » : C. NGONO, « Réflexion sur l’espace judiciaire
OHADA », réf. Ohadata -D.15-14, p. 3.
1404
id., p. 4.
1405
J. MBOSSO, « La jurisprudence et la diffusion du droit, facteurs de réussite de l’OHADA aux services des
justices nationales », Rev. com. de l’arbitrage, déc. 2005, n°31, p. 3, réf. Ohadata-08-60.
269
également hors de cette zone, ce qui participerait du renforcement de l’attractivité du droit
OHADA ».1406
629. Il y a urgence à agir ainsi. Les jugements rendus sans base légale 1407, l’immixtion des magistrats
dans les affaires privées des justiciables 1408, le manque de recours à la CCJA1409 sont la
résultante d’une absence de spécialisation et des juridictions et des magistrats 1410. La
spécialisation des juridictions serait donc la solution 1411. Une étude de la banque mondiale a
même révélé en ce sens que les États africains qui disposent d’un tribunal de commerce
connaissent une réelle rapidité dans le traitement des dossiers contentieux 1412. La doctrine
spécialisée est plutôt et largement divisée sur la question.
630. Une tendance souhaite que des tribunaux spécialisés (commerciaux) soient créés 1413.
L’argument tient au fait que cela apparaît comme une nécessité pour un droit OHADA efficace
qui attire les investisseurs, mais aussi un moyen pour établir la confiance entre les juridictions
et les justiciables. Cette tendance souhaite même qu’un acte communautaire soit pris à cet
égard, afin que la spécialisation devienne une réalité grâce à la définition d’une carte judiciaire
communautaire1414.
631. Une autre tendance tempère cette approche en proposant, au vu des réalités économiques des
pays-membres et de leur souveraineté dans l’organisation judiciaire, de créer des chambres
commerciales au niveau des tribunaux de droit commun qui connaissent des contentieux de
l’AUPC1415. L’opinion majoritaire, des auteurs de cette tendance, tient au fait qu’il est difficile
1406
Commentaire sous l’art. 3 du projet d’amendement de l’AUPC 2015.
1407
TRHC, Dakar, 27 mars 2008, Penant, 2010, n°870, p. 113 et s.
1408
B. DIALLO, « Note sous TRHC, Dakar, 27 mars 2008 », Penant, 2010, n°870, p. 134.
1409
CCJA, 25 mars 2016, n°050/2016 : dans cet arrêt par exemple, la CCJA a cassé un arrêt d’une Cour suprême
pour avoir méconnue sa compétence ; pour approfondir, v. G. A. NGOUMATSA, Droit OHADA et conflits de lois,
thèse de doctorat, éd., LGDJ, 2013.
1410
V. M. KONE, Le nouveau droit commercial dans les pays de la zone OHADA. Comparaison avec le droit
français, éd., LGDJ, 2003, p. 224.
1411
id., A. MBARGA, « Pour la généralisation des tribunaux de commerce dans la zone OHADA et l’adoption d’un
Acte uniforme portant organisation des juridictions et de la procédure commerciale », Penant, 2013, n°852, p. 39.
1412
Rapp. Doing Bisiness dans les États membres de l’OHADA 2012, p. 74.
1413
M. KONE, Le nouveau droit commercial dans les pays de la zone OHADA. Comparaison avec le droit français,
éd., LGDJ, 2003, p. 224 ; A. MBARGA, « Pour la généralisation des tribunaux de commerce dans la zone OHADA
et l’adoption d’un Acte uniforme portant organisation des juridictions et de la procédure commerciale », Penant,
2013, n°852, p. 39.
1414
L. BENKEMOU, « Sécurité juridique et investissement internationaux », Penant, n°857, p. 194.
1415
F. ANOUKAHA, « L’OHADA en marche », Annales de la fac. dr. Dschang, 2002, p. 7, réf. Ohadata-D.04-36 ;
C. Ndongo, « Réflexions sur l’espace judiciaire OHADA », réf. Ohadata-D-15-14, p. 33.
270
d’imaginer que le droit OHADA empiète sur certains domaines relevant de la souveraineté des
États-membres1416 : « il semble acquis que dans le sens strict du domaine judiciaire défini,
l’OHADA doit s’abstenir de toucher à l’organisation judiciaire des États-parties ».1417
Autrement dit, l’OHADA est une organisation qui vise strictement un rapprochement juridique,
mais non judiciaire. D’autres auteurs se posent plutôt la question de savoir ce qu’il faut
harmoniser : l’organisation des juridictions, ou bien également leur fonctionnement1418 ?
632. Il faudrait d’abord faire une différence entre la création des tribunaux de commerce et
l’harmonisation de l’organisation judiciaire. Dans la création des tribunaux de commerce, les
pays membres de l’espace OHADA ne devraient pas opposer une question de souveraineté,
dans la mesure où l’absence de tels tribunaux dans ces pays est plutôt liée à un manque de
moyens financier et humain. Nous en voulons pour preuve le cas de la Guinée qui a créé un
tribunal de commerce (le seul du pays) à Conakry en 2015, mais qui n’existe pas
matériellement, faute de bâtiment pour l’abriter et de magistrats spécialisés selon le ministre
garde des sceaux 1419. La création des tribunaux de commerce est plutôt un gage de confiance
pour les investisseurs qui peuvent compter sur une juridiction dédiée au traitement des
contentieux commerciaux. Plusieurs pays-membres l’ont d’ailleurs fait. Tel est le cas, à titre
d’exemple, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Benin. L’harmonisation de toute
l’organisation judiciaire, comme l’a proposé un auteur1420, serait une proposition osée, en ce
que cela va requérir des révisions constitutionnelles et un travail fastidieux. Cette proposition
conviendrait dans le cadre d’une organisation politique, telle que les États-Unis d’Afrique. Dans
cette hypothèse, les États fédéraux devraient avoir leur propre constitution, donc leur propre
organisation judiciaire. Dès lors, le choix effectué par le législateur d’inviter les États-membres
à centraliser les contentieux devant une même juridiction plutôt qu’à les y obliger peut être
compris 1421. Il ne devrait pas être exigé que les États-membres harmonisent l’organisation et le
fonctionnement des tribunaux de commerce, encore moins toute l’organisation judiciaire, mais
tout simplement qu’ils créent des tribunaux de commerces ; libre à chaque pays d’organiser son
fonctionnement, l’essentiel étant que le droit applicable soit le droit OHADA, ce qui est acquis
1416
C. CADIET, J. NORMAND, S. Amrani-MEKKI, Théorie générale du procès, éd., PUF, Paris, 2010, p. 262.
1417
J. I. SAYEGH, J. LOHOUES-Obles, Harmonisation du droit des affaires, éd., Bruylant, 2002, n°265.
1418
P. DJONGA, L’organisation judicaire interne des États-membres à l’épreuve du droit OHADA, mémoire DEA,
Université de Ngaoundéré, 2008, p. 78.
1419
L. n°2015/095/AN du 13 août 2015 portant organisation judiciaire.
1420
L. BENKEMOU, « Sécurité juridique et investissement internationaux », Penant, n°857, p. 194.
1421
Art. 3, AUPC.
271
par la ratification par chacun de ces pays du traité ayant fondé l’Organisation. L’autre défi qui
se pose pour l’application correcte du droit OHADA est la formation des magistrats.
634. En effet, le manque de qualification, ainsi que celui du professionnalisme chez le juge africain,
ont souvent été dénoncés 1424. Ces tares 1425se remarqueraient le plus souvent au travers des
décisions infondées, de la durée inacceptable des délibérés, du non-respect de la déontologie,
des renvois répétitifs, de l’acceptation des moyens dilatoires. Cette affirmation doctrinale peut
se justifier par plusieurs bévues ayant mis en cause la formation des juges. Il est arrivé qu’un
expert, ayant largement dépassé le délai légal du dépôt de son rapport, bénéficie d’un
prolongement de deux mois supplémentaires de la part du président du tribunal. Dans cette
affaire, ni le président, ni l’expert n’ont respecté les dispositions de l’ancien article 13 de
l’AUPC. En effet, selon ce texte, le rapport de l’expert devait être déposé plus tard deux mois
après la saisine du tribunal, ce délai pouvant être prorogé d’un mois sur autorisation du
président de la juridiction saisie. Or, ce sont deux mois supplémentaires qui avaient été
accordés 1426.
635. Au regard de ces faiblesses, la formation des magistrats s’impose pour la sécurité juridique et
judiciaire dans l’espace OHADA. A cet égard, il faut d’ores et déjà saluer la création de l’école
régionale supérieure de la magistrature 1427, qui concourt à la formation, au perfectionnement et
à la recherche en droit des affaires pour les États-parties au traité OHADA.
1422
V. C. NGONO, « Réflexion sur l’espace judiciaire OHADA », réf. Ohadata D-15-14, p. 9.
1423
F.-X Lucas, « Rapport de synthèse », Rev. proc. coll. 2006, n°02, p.219.
1424
V. O. F. ETOUNDI, « L’état de la jurisprudence de la CCJA de l’OHADA », Peant, 2008, n°865, p. 406.
1425
M. A. AKUE, « Plaidoyer pour un espace OHADA plus attractif pour les investisseurs étrangers », Rev. Lamy,
dr. civ. janv. 2010, n°67, p. 85.
1426
Abidjan, n°383, 1er avr. 2005, juris-Ohada, n°04/2006, p. 40.
1427
Art. 41 du traité OHADA du 17 oct. 2008.
272
636. Cette école (unique à caractère communautaire) ne peut former tous les magistrats et auxiliaires
de justices directement concernés par l’application du droit OHADA, soit parce que ces derniers
n’ont pas les moyens financiers y afférents, soit parce qu’il faudra revoir les moyens matériels
et humains de l’école. La solution serait que les pays-membres conditionnent l’accès aux
métiers de la magistrature, en particulier par un passage obligé soit par une école spécialisée,
autre que l’ERSUMA, soit par cette dernière, assortie d’un accompagnement financier sous
forme de bourse. Il faut donc une volonté politique pour relever le défi de la formation. En ce
sens, les acteurs politiques doivent savoir que la confiance en la justice est, de nos jours, un
facteur déterminant l’attractivité des investisseurs. Or, il n’y a point de bonne justice sans bons
juges.
637. Si le procédé de passerelle permet de passer outre l’opposition des créanciers minoritaires
contestataires, dans le cadre de la procédure de conciliation, il n’en demeure pas moins inutile
pour empêcher d’autres événements qui peuvent perturber la conclusion de l’accord de
conciliation.
1428
V. art. L.611-4, ancien c. com ; de cette absence de suspension des poursuites, la cour de cassation française a
tiré certaines conséquences : v. Civ. 3e, 10 déc. 2008, D. 2009. A.J. 16. obs. A. LIENHARD. Cassant Paris, 6 juillet
2007, Act. proc. coll. 2007/17, p. 2, n°195, obs. M. BEHAR-TOUCHAIS ; Rev. trim . dr. com. 2008. 412, n°1, obs.
F. MACORIG-VENIER, Rev. proc. coll. 2008/3, p. 29, obs. Ch. DELATTRE.
1429
C’est le droit civil qui s’applique, ce qui permet les poursuites à l’encontre du débiteur.
273
639. Dès lors, la non-restriction de ces droits, ouverts aux créanciers, est de nature à provoquer des
perturbations au cours des négociations (Paragraphe I)1430. Toutefois, sur le principe, les droits
français et OHADA sont respectueux de la liberté contractuelle, fondement du droit civil. Afin
de comprendre ce respect de la liberté contractuelle, il importerait d’interroger d’autres droits,
dans une approche comparative du rôle préventif des procédures amiables de traitement des
difficultés des entreprises (Paragraphe II).
641. Certains créanciers vont adhérer au projet, tandis que d’autres créanciers vont préférer rejeter
toute proposition, et vouloir user de leur droit de poursuite contre le débiteur (I). Cette dernière
hypothèse est la principale difficulté à laquelle le conciliateur pourra être confronté dans son
travail. Les législateurs français et OHADA ont prévu la protection du débiteur. Ils lui
permettent, en effet, de demander des délais de grâce en cas de poursuite en paiement ou en
exécution1432. Par ailleurs, la cessation prématurée de la mission du conciliateur peut constituer
un autre handicap aux discussions (II).
1430
D. VIDAL et G. C. GIORGINI, Cours de droit des entreprises en difficulté, 1re éd., Lextenso Editions, 2015-
2016, p. 125.
1431
Les petites créances qui n’ont pas une influence importante sur la situation du débiteur sont directement
remboursés, puisque ce dernier est censé être in bonis.
1432
Art. L. 611-5, al. 5, c. com. ; Art.5-7, AUPC.
1433
Art. L. 621-40, c. com. ; Art. 75, AUPC.
274
jurisprudence1434. C’est pourquoi, afin de dépasser cette difficulté, la législation française sur
le règlement amiable, issue de la loi du 10 juin 1994 1435, avait prévu une facultative suspension
momentanée des poursuites, mais qui n’avait été que très peu utilisée 1436. Ce, non seulement à
cause de la publicité qui la caractérisait1437, mais aussi parce que la demande n’appartenait
qu’au conciliateur.
643. En droit OHADA, il importe de préciser qu’avant la réforme intervenue en 2015 1438, l’ancien
Acte uniforme des procédures collectives ne proposait que le règlement préventif comme
dispositif préventif des difficultés des entreprises. Ce règlement préventif était d’ailleurs une
procédure collective1439. A l’occasion de son ouverture, le débiteur avait la possibilité de
désigner des créances pour lesquelles il souhaitait obtenir la suspension des poursuites 1440. Lors
de l’adoption de la procédure de conciliation en 2015, la même faculté a été reconduite, mais
non à l’ouverture de la procédure, puisque le législateur précise que la demande de délai de
grâce ne doit intervenir qu’au cours de la procédure, et en présence d’une mise en demeure 1441.
1434
Civ. 3e, 10 déc. 2008, n°019.899, Bull. civ. III, n°199 ; Gaz. proc. coll. 2009/2, p. 8, note P. M. LE CORRE.
1435
L. n°94-475, 10 juin 1994, JORF n°134 du 11 juin 1994, p. 8440.
1436
Interv. X. DE ROUX sur amend. n°397, JOAN CR, 2e séance du 2 mars 2005, p. 1594.
1437
Rappr J.-J HYEST, n° 335, p. 115.
1438
10 sept. 2015 : adoption d’un nouvel Acte uniforme des procédures collectives qui a reconnu la procédure de
conciliation – art. 5-1.
1439
Art. 1er, AUPC 1998.
1440
Art. 5, al. 2, AUPC 1998.
1441
Art. 5-7, AUPC.
1442
Art. L. 611-5, al. 5, c. com. ; Art. 5-7, AUPC.
275
A. L’absence de suspension automatique des poursuites individuelles
645. Sur le terrain des procédures contractuelles de prévention, c’est la volonté des parties qui tient
lieu de loi1443. Les poursuites individuelles, ainsi que la mise en œuvre des voies d’exécution à
l’encontre des débiteurs, s’opérèrent donc de plein droit 1444. Dans cette logique, la possibilité
d’inscrire des sûretés pour garantir le paiement des créances incluses dans l’accord de
conciliation devrait être reconnue 1445. Cependant il apparaît peu probable que des créanciers
acceptent que l’un d’entre eux se fasse accorder une sûreté sans réagir. La validation
d’inscription provisoire de sûreté est possible, puisque l’inscription de la mesure pourra être
suivie d’une action en paiement permettant de la valider. Le contraire a cependant été
soutenu1446. Toutefois, selon un autre auteur 1447, l’opinion ne peut être valable, à moins que le
débiteur n’ait obtenu des délais de grâce. Dans tous les cas, rien n’empêche, en vertu de la
liberté contractuelle1448, le conciliateur de négocier avec les créanciers, une renonciation
momentanée - le temps de la procédure de conciliation - à engager des poursuites à l’encontre
du chef d’entreprise, voire contre les garants.
646. Bien qu’inefficace face à la liberté de poursuite des créanciers, la seule évocation par le débiteur
de recourir à une procédure passerelle peut créer de l’angoisse chez les créanciers poursuivants.
Dans cette hypothèse, non seulement ils seront soumis à une discipline collective, mais aussi
ils risquent de ne pas pouvoir recouvrer leurs créances ou, à tout le moins, la totalité. Alors que
s’ils participaient de bonne foi aux négociations enclenchées en phase amiable, cela leur
permettrait de fixer les conditions de paiement de leurs créances sans tracas ni incertitude,
comme cela est le cas en phase judiciaire. Refuser cette option au profit d’une poursuite
individuelle pourrait leur causer deux types de revers. D’abord, parce que si la liberté leur est
accordée de poursuivre le débiteur 1449, ce dernier de son côté, dispose du droit de les assigner
1443
Art. 1102 et 1103, c. civ. ; le projet d’Acte uniforme du droit des contrats est en cours de rédaction, mais dans
l’avant-projet, la formation du contrat est prévue à l’article 2 qui pose le principe de la volonté des parties pour
légalement former un contrat.
1444
Sur le fondement de l’article 2884 du code civil français, relatif à l’obligation faite au débiteur de remplir son
engagement sur l’ensemble de ses biens ; le créancier, qui n’est pas soumis à une discipline collective, est fondé
de poursuivre son débiteur dès lors que ce dernier n’a pas honoré un engagement.
1445
C. SAINT- ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté 9e éd., LGDJ, 2014, n°360.
1446
R. VALLIOt, LPA, 21 sept. 2006, n°189, p. 15.
1447
P.-M. LE CORRe, Droit et pratique des procédures collectives 2017-2018, 9e éd., Dalloz Action, 2016, p. 281.
1448
Art. 1102, c. civ.
1449
Art. 1221, c. civ.
276
devant le juge, dans le but d’obtenir des délais de grâce 1450. Ensuite, parce qu’une éventuelle
ouverture de la procédure collective mettra automatiquement fin à toute démarche
individualiste 1451.
647. Selon un auteur, la possibilité de suspendre provisoirement les poursuites individuelles dans la
procédure de conciliation se justifierait, par ailleurs, par le fait que, non seulement la procédure
de conciliation intervient dans le sillage de l’ancienne procédure de règlement amiable 1452,
mais aussi parce que la procédure de sauvegarde entraîne ipso facto une suspension provisoire
des poursuites 1453. L’analyse vaut pour le droit OHADA où la procédure de conciliation
reprend, sous réserve de quelques exceptions, le règlement préventif dans sa rédaction que lui
a donnée l’Acte uniforme de 1998. Il faut rappeler que ce dernier avait instauré une suspension
automatique des poursuites individuelles dès son ouverture 1454. La différence à relever entre
l’ancien règlement amiable du droit français et l’ancienne procédure de règlement préventif
OHADA est celle qui tient à leur nature1455.
648. Quoiqu’il en soit, l’enclenchement d’une poursuite ou d’une voie d’exécution reste toujours un
évènement intempestif pour le conciliateur et le chef d’entreprise. Il faut empêcher la sortie de
fonds pour l’entreprise en difficulté, en vue de faciliter son redressement. C’est pourquoi, dans
les droits français et OHADA, le chef d’entreprise, mis en demeure par un créancier, au cours
de la procédure de conciliation, peut assigner ce dernier devant le tribunal, dans le but d’obtenir
des délais de grâce1456. Il s’agit de permettre au chef d’entreprise de passer sereinement la phase
des négociations, puisque l’intérêt économique du redressement de l’entreprise l’emporte sur
celui individuel du créancier poursuivant. Cela marque le retour de la suspension provisoire des
poursuites individuelles.
1450
Art. 1343-5 c. civ. ; Art. L.611-7, al. 5, c. com. ; Art. 5-7, AUPC.
1451
Art. L. 621-40, c. com. ; Art. 75, AUPC.
1452
P. M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017-2018, 9e éd., Dalloz Action, 2016, p. 280.
1453
Art. L. 622-21, al. 1er, c. com. ; Avis n°337 de Ch. GAUDIN, doc. Sénat, au nom de la commission des affaires
économiques, p. 57. Art. 9, AUPC.
1454
Art. 8, AUPC 1998.
1455
Le règlement amiable français était une procédure non collective, alors que le règlement préventif OHADA
l’était.
1456
Art. L. 611-5, al. 5, c. com. ; Art. 5-7, AUPC.
277
B. Les délais de grâce
649. Au cours des négociations, le débiteur, mis en demeure, ou poursuivi par un créancier, peut
demander au tribunal qui a ouvert la procédure de conciliation, de faire application des
dispositions de l’article 1343-51457 du code civil français, dans le but d’obtenir des délais de
grâce. Tel est aussi le cas en droit OHADA1458 : « cette règle s’avère incontestablement
protectrice pour le débiteur en ce sens qu’elle lui procure un certain répit ».1459 La durée
maximale ne peut toutefois dépasser deux ans en droit français 1460. Cette durée est de quatre
mois selon l’Acte uniforme des procédures collectives 1461 en droit OHADA, soit la durée
maximale de la procédure de conciliation. Dans cette courte durée du délai de grâce proposée
par le législateur africain, une volonté de ne pas transformer la conciliation en une occasion
pour le débiteur, non pas de prévenir ses difficultés, mais d’échapper fallacieusement à ses
obligations vis à vis de ses créanciers, peut être trouvée. En dehors de toute procédure de
redressement d’une entreprise, une telle durée serait d’un an selon un auteur 1462, cette
affirmation n’est toutefois pas vérifiable dans l’Acte uniforme des voies d’exécution, puisque
celui relatif au droit des contrats est en cours de rédaction.
650. Il ressort des dispositions de l’article L.1343-5 du code civil français que les délais de grâce
sont des mesures qui permettent au débiteur, confronté à des difficultés de paiement, de différer
l’exécution de l’obligation mise en cause. Lorsqu’ils sont accordés, les intérêts du créancier
poursuivant sont sacrifiés au profit de ceux de l’entreprise en difficulté, dans le but de permettre
sa restructuration. Toutefois, « le délai de grâce n’affecte nullement l’exigibilité de la dette,
dans la mesure où il n’affecte pas la production d’intérêt moratoire, ni la compensation ».1463
1457
Créé par l’ord. n°2016-131 du 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la
preuve des obligations, JORF n°0035 du 11 févr. 2016 ; Art. L. 611-5, al. 5, c. com.
1458
Art. 5-7, AUPC.
1459
A.B.F. KOUAM, Les voies d’exécution OHADA et le droit à un procès équitable, mémoire de DEA, Université
de Deschang, Cameroun, 2009, §1- les délais de grâce.
1460
Art. L.611-7, al. 5, c. com.
1461
Selon l’art. 5-7 qui renvoie à l’art. 5-3 de l’Acte uniforme des procédures collectives, le report des paiements
ou la suspension des poursuites ne peuvent opérer au de-là de la durée de la procédure de conciliation qui est de
trois mois, prorogeables une fois pour une durée d’un mois.
1462
L’art. 39, AUVE, parle du délai de grâce sans en préciser la durée limite. Cependant, selon un auteur, il serait
d’un an : A.B.F. KOUAM, Les voies d’exécution OHADA et le droit à un procès équitable, mémoire de DEA,
Université de Deschang, Cameroun, 2009, §1- les délais de grâce.
1463
A. BAMDE, « Les délais de grâce : régime juridique », aurelien bamde, 29 août 2017, article consulté le 16 avr.
2018.
278
651. Le sacrifice du créancier poursuivant reste tout de même assorti de conditions strictes. Il en est
ainsi de l’obligation faite au tribunal de n’accorder des délais de grâce que si, d’une part, le
moment de la poursuite ou de la mise en œuvre de la voie d’exécution correspond à celui de la
recherche d’un accord de conciliation1464 et, d’autre part, le débiteur est en difficulté avérée et
de bonne foi1465. Il en résulte que le créancier qui ne fait pas partie des négociations pourra
actionner le débiteur sans que le juge ne puisse s’y opposer, dans la mesure où ce créancier est
un tiers à la procédure, et qu’il faut que le débiteur soit interpelé par son créancier. Cette
interpellation peut se faire sous plusieurs formes : exploit d’huissier, courrier valant mise en
demeure, ou survenance d’un évènement conclu entre les parties et valant mise en demeure. En
toute hypothèse, l’interpellation doit avoir pour objet le paiement d’une créance 1466. De plus,
les dettes alimentaires 1467, salariales 1468, et celles liées à la prestation compensatoire 1469, aux
cotisations sociales1470 et aux effets de commerce1471, ne sont pas concernées par le domaine
des délais de grâce aussi bien en droit français qu’en droit OHADA 1472.
652. Sous l’empire de la loi française du 26 juillet 2005 1473, le débiteur devait être poursuivi par un
créancier. Le terme « poursuivi » laisse entendre qu’il s’agit non seulement des actions en
justice tendant au paiement de sommes d’argent, mais encore des mesures d’exécution 1474.
Cependant, une action doit avoir été entreprise, la seule demande de paiement formulée par le
1464
Art. L. 611-5, al. 5, c. com. ; Art. 5-7, AUPC.
1465
Douala, 2e civ. et com., 18 oct. 2006, n°246, réf. Ohadata J-09-167 ; Abidjan, ch. civ. 16 févr. 2007, n°127,
réf. Ohadata J-09-187 ; TGI, MIFI, 2 mars 1999, n°44, juridis périodique 2001 ; Abidjan, 20 janv. 2004, n°86 ;
Lomé, 28 avr. 2009, n°071/09, réf. Ohadata J-10-225 ; Bobodioulasso, 19/12/2005, n°52, réf. Ohadata J-10-109 ;
Cotonou, 21, juin 2001, n°163, réf. Ohadata J-06-73 ; TPI, Cotonou, 31, juill. 2002, Sessig BEDE c/Bank of africa,
réf. Ohadata J-05-299 ; TPI Cotonou, 5,août 2002, n°0022/1ere C.COM, RG n°012/2000, réf. Ohadata J-04-398 ;
Niamey, 30 avr. 2003, n°36, réf. Ohadata J-03-262.
1466
Ouagadougou, 19 oct. 2010, n°139, réf. Ohadata J-10-220.
1467
Art. 1343-5, al.6 c. com., civ. 2e 10 avr. 2014, n°13-13.469 ; Abidjan, 3e civ. et com., aff. Mermoz Roch Pauline
et 12 autres c/la Sté induschimie, réf. Ohadata J-09-167 ; TPI, Bangangté, 06 mai 2004, n°028, réf. Ohadata J-05-
164 ; TPI, Dschang, 13 déc. 2003, n°08/ORD, réf. Ohadata J-05-108.
1468
Abidjan, ch. civ. et com., 16 janv. 2001, n°89, réf. Ohadata J-02-80 ; Soc. 18 nov. 1992, n°91-40.596.
1469
Civ. 1e, 29 juin, 2011, n°10-16.096.
1470
Soc. 16 avr. 1992, n°90-11.243.
1471
Art. L.511-81 et L.512-3, c. com. ; TGI, Mifi, 15 avr. 2008, n°19/CIV, réf. Ohadata J-09-151 ; Abidjan, 10
janv. 2003, n°36, réf. Ohadata J-03-277.
1472
Art 39, AUVE.
1473
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 1287, texte
n°5.
1474
E. DOUHAIRE, « Les aspects pratiques de la conciliation - Le rôle du conciliateur dans les négociations », RJ
com., 2008. 21 s., sp. p. 25.
279
créancier n’étant pas suffisante1475. La mise en demeure et les poursuites peuvent avoir lieu
antérieurement ou postérieurement à la conciliation. Une cour d’appel a cru pouvoir utiliser les
délais de grâce pour faire obstacle à la demande d’expulsion, formée par le bailleur des locaux
professionnels, après une ordonnance du président du tribunal de grande instance, qui avait
accordé des délais au preneur à bail, lesquels n’avaient pas été respectés 1476. La solution ne
pouvait être suivie en ce sens que le juge de la conciliation revenait ainsi sur l’acquisition de la
clause résolutoire, laquelle résultait définitivement du non-respect des délais accordés par le
tribunal de grande instance 1477, ce qui opère, selon une doctrine, « un véritable miracle ».1478
Comme on pouvait s’y attendre, l’arrêt de la cour d’appel a été censuré ; la procédure de
conciliation ne pouvait remettre en cause le jeu de la clause résolutoire définitivement acquise
à la première échéance impayée, faisant suite à l’octroi de délais consentis au locataire, par le
président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, qui avait suspendu les
effets de la clause résolutoire1479. La morale de cet arrêt est simple : la procédure de conciliation
est inopérante pour remettre en cause des décisions passées en force de chose jugée ou des voies
d’exécution ayant joué.
653. Il a été jugé que les dispositions du cinquème alinéa de l’article L.611-7 du code de commerce
français ne s’appliquaient qu’aux seules procédures engagées après l’ouverture de la procédure
de conciliation1480. Cependant, il importait peut, avant l’ordonnance du 18 décembre 2008 1481,
pour l’application du texte, que les poursuites aient été actionnées avant ou pendant la procédure
de conciliation car ce texte ne fait pas de distinction 1482. Si la demande de délai a été présentée
au cours de la procédure de conciliation devant les premiers juges, la cour d’appel peut les
accorder alors même que la procédure de conciliation aurait abouti à un projet d’accord de
1475
Orléans, ch. éco. et fin., 20 déc. 2007, RG n°07/840, RJDA 2008/4, p. 426, n°434.
1476
Paris, 14e ch. B, 6 juill. 2007, RG n°07/02611, Act. proc. coll. 2017/17, n°195, note M. BEHAR-TOUCHAIS ;
RTD com., 2008. 412, n°1, obs. F. M ACORIG-VENIER.
1477
V. en ce sens, M. BEHAR-TOUCHAIS, note sous Paris, 14e ch., B, 6 juill. 2007, Act. proc. coll., 2007/17, n°195.
1478
F. MACORIG-VENIER, obs. sous Paris, 14e ch., B, 6 juill. 2007, RTD com., 2008. 412.
1479
Civ., 3e ch., 10 déc. 2008, n°07-19899, Bull. civ. III, n°199 ; D. 2009. 16, note A. LIENHARD ; Gaz. proc. coll.,
2009/2, p. 8, note P. M. LE CORRE ; JCP E 2009.1229, note P.-H. BRAULT ; RTD com., 2009. 448, n°4, obs. F.
MACORIG-VENIER ; Defrénois 2009. 38973, p. 1403, n°5, note C. P. GABRIELA.
1480
Pau 2e ch., 1re sect., 17 janv. 2008, RG n°06/03873, JCP E 2008. 2024 ; RTD com., 2008. 848, n°1 obs. F.
MACORIG-VENIER ; Act. proc. coll., 2009/2, n°30, note C. REGNAUT-MOUTIER.
1481
Ord. n°2008-1345, 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
1482
Versailles, 13e ch., 19 oct. 2006, RG. n°06/01788, JCP E 2007, Act. 535 ; Rev. proc. coll., 2007/1, p. 37 ; n°33,
obs. P. ROUSSEL GALLE ; RTD com., 2007. 830, n°2, obs. F. M ACORIG-VENIER.
280
conciliation1483. L’article 4 de l’ordonnance du 18 décembre 2008 1484 avait modifié le texte pour
permettre qu’une simple mise en demeure suffise à saisir le tribunal. Il avait même été souhaité
que la demande de délais de grâce puisse être présentée indépendamment de toute mise en
demeure1485. Cependant ces délais de grâce ne pouvaient être accordés que si le débiteur était
mis en demeure ou poursuivi pendant la procédure. En sens contraire, une juridiction a cru
devoir juger que les délais de grâce pouvaient être accordés même si la poursuite était déjà
engagée lors de l’ouverture de la procédure de conciliation 1486. Retouchée par l’ordonnance du
12 mars 20141487, la nouvelle version du texte permet au débiteur de bénéficier des délais de
grâce même si la mise en demeure ou la poursuite précède l’ouverture de la procédure de
conciliation1488.
654. En droit OHADA, il est difficile d’affirmer que la mise en demeure puisse avoir été actionnée
avant l’ouverture de la procédure et donner lieu à l’octroi d’un délai de grâce. En effet, selon
l’Acte uniforme des procédures collectives : « si le débiteur est mis en demeure ou poursuivi
par un créancier appelé à la conciliation pendant la période de recherche de l’accord, {…}, le
tribunal peut, à la demande du débiteur, et après avis du conciliateur, reporter le paiement des
sommes dues et ordonner la suspension des poursuites engagées par un créancier ».1489 La
lettre de ce texte conduit à dire que l’appel en paiement ou en exécution adressé au débiteur soit
fait pendant la recherche de l’accord ou, à tout le moins, lorsqu’une décision a prononcé
l’ouverture de la procédure de conciliation, peu important que le conciliateur ait directement
ou non engagé des négociations avec les créanciers. Le débiteur peut bien avoir ouvert des
discussions dans le cadre d’une procédure de médiation. Dans cette hypothèse, il apparaît
difficile d’affirmer que le débiteur puisse bénéficier d’un délai de grâce, lorsqu’un créancier
venait à le mettre en demeure de payer une créance dans une procédure de conciliation
subséquente. Une incohérence législative peut être regrettée : l’octroi d’un délai de grâce vise
1483
Paris 14e ch. A. 5 sept. 2007, RG n°077/04894.
1484
Ord. n°2008-1345, 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF du 19 déc. 2008,
p. 19462, texte n°29.
1485
Th. Montéran, « La réforme de la prévention des difficultés », D. 2009. 639 s., sp. p. 642.
1486
Trib. com. Nantes, 22 avr. 2014, RG n°2014/004629, Leden juill. 2014, comm. 103, note P. CESBRON-LAVAU
; Rev. proc. coll. 2014, comm. 144, note Ch. DELATTRE.
1487
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
1488
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n°167 ; F. PEROCHON et Ph. ROUSSEL GALLE,
« Le mandat ad hoc et la conciliation », interv. Colloque Besançon, 10 oct. 2014, Gaz. pal., 31 déc. 2014, n°365,
4, n°21.
1489
Art. 5-7, AUPC.
281
à permettre l’aboutissement des négociations pour le redressement de l’entreprise ; pour
l’obtenir, il faut que le débiteur soit mis en demeure au cours de la procédure ; or, cela signifie
que les créanciers, qui l’auront mis en demeure avant l’ouverture de la procédure, pourront
l’exécuter au cours de cette dernière, d’où la faiblesse de la mesure. Il aurait été plus protecteur
de contrecarrer même les appels en paiement émis avant le début de la procédure. Sur le plan
jurisprudentiel, il a été difficile de connaître l’application que les juges font du texte, la
procédure de conciliation étant relativement récente.
655. Afin de bénéficier de ces délais de grâce, dans le but de poursuivre en toute quiétude les
négociations avec ses principaux créanciers, le débiteur doit assigner le créancier poursuivant
devant le président du tribunal qui a ouvert la procédure de conciliation, la demande étant portée
à la connaissance de la juridiction saisie de la poursuite 1490. La décision du président de la
juridiction compétente est alors rendue en la forme des référés après avoir recueilli les
observations du conciliateur, et est communiquée au débiteur par les soins du greffier 1491. Cette
décision est également communiquée au ministère public. Compte tenu de l’intérêt des parties,
cette mesure peut faciliter des négociations avec les principaux créanciers, voire les permettre
dans la mesure où elle peut écarter la qualification de cessation des paiements, dès lors que le
délai de grâce, le cas échéant accordé, est un moyen de faire face 1492 au passif exigible. Cela
produira des conséquences pour les garants. En effet, les personnes coobligées ou ayant
consenti une sûreté personnelle, ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se
prévaloir des mesures accordées 1493.
656. Dans le but de rendre la procédure de conciliation efficace, pertinente et attrayante, les
législateurs français et OHADA1494prévoient, pendant l’exécution d’un accord homologué,
l’interdiction ou l’interruption de toute action en justice et de toute poursuite individuelle, tant
sur les meubles que sur les immeubles du débiteur. Le chef d’entreprise n’a pas à introduire une
requête auprès du juge ici, en vue de bénéficier de la mesure. Cette dernière est automatique.
Les créanciers/contractants, ayant signé l’accord, devront s’abstenir de toute poursuite sur les
biens du débiteur dans le but de se faire payer. Un accord a été signé, il engage toutes les
parties : le débiteur doit payer les dettes aux échéances prévues ; les créanciers signataires
1490
Art. R. 611-35, c. com. ; Art. 5-7, AUPC.
1491
Art. L.611-7, al. 5, c. com. ; Art. 5-7, AUPC.
1492
Art. L.611-10-1, c. com.
1493
Art. L.611-7, al. 5, c. com. ; Art. 5-11, AUPC.
1494
Art. L.611-10-1, c. com. ; Art. 5-12, AUPC
282
doivent respecter leur engagement d’attendre les échéances convenues. Cette mesure
d’interruption ou d’interdiction de toute action en justice, ainsi que de toute poursuite
individuelle se rapprocherait de la discipline collective instaurée dans les procédures
collectives.
657. En pratique, il arrive très souvent que le débiteur et le créancier s’accordent sur les délais, le
juge se contentant alors de constater cet arrangement conclu 1495. En l’absence d’un tel accord,
il reviendra au tribunal qui connaît de la procédure d’accorder ou non des délais de grâce en
fonction du dossier. Il pourrait par exemple les refuser, s’il est établi que le débiteur ne paie
plus son créancier depuis plusieurs mois 1496 car, ainsi que cela a été dénoncé, le juge ne doit
pas « tomber dans la course au moratoire »1497, pour camoufler un état de cessation des
paiements et retarder ainsi l’inévitable. En matière de voie d’exécution, le défaut de
consultation du créancier, avant l’octroi d’un délai de grâce à un débiteur, peut fonder la nullité
de l’ordonnance ayant constaté cet octroi1498. Dans le cadre de la conciliation, et quand bien
même le terrain est contractuel, il apparaît inutile que le juge demande au créancier poursuivant
si l’octroi d’un éventuel délai de paiement à son débiteur pourrait lui porter préjudice. Ce, parce
que non seulement la question n’aura pas de sens dans la mesure où si le créancier a entrepris
la démarche, c’est bien pour se faire payer, ensuite, parce que l’octroi ou le refus d’un délai de
grâce relève de l’appréciation discrétionnaire du juge saisi.
658. Faute de texte contraire, la décision accordant des délais de grâce est susceptible d’appel, le
droit commun de la procédure civile devant trouver application 1499. Toutefois, l’opinion
contraire a pu être soutenue 1500. En droit OHADA, la décision accordant des délais de grâce
dans la procédure de conciliation est insusceptible de recours 1501. De même, s’agissant du droit
1495
J. BADILLEt, « Pratiques parisiennes en matière de traitement préventif des difficultés des entreprises », Gaz.
pal., 11-12 mai 2011, p. 7 s. sp. p. 9.
1496
Toulouse, 3e ch., 2e sect., 26 mai 2014, RG n°14/01548, Rev. proc. coll. 2015, comm. 177, note Ch. DELATTRE.
1497
ibid.
1498
Abidjan, 28 oct. 2OO5, n°920, réf. Ohadata J-09-195 ; Daloa, 1re civ. et com., 08 nov. 2006, n°263, R2F ; réf.
Ohada J-09-368.
1499
Rennes, 2 avr. 2013, RG n°12/05230, 13/00432, BJE, juill. 2013, p. 125, note O. HART DE KEATING.
1500
Douai, 2e ch., 2e sect. 27 mars 2007, RG n°06/01099, Act. proc. coll. 2008/4, n°54 ; JCP E 2008. 1433, note
Ch. LEBEL ; RTD com. 2008. 413, n°2, obs. F. MACORIG-VENIER - Aix-en-Provence, 7 déc. 2011, RG n°11/033876
- Aix- en-Provence, 2 févr. 2012, RG n°11/05033 - Reims, 31 janv. 2012, RG n°12/004306.
1501
Art. 5-10, al. 2, AUPC. Cependant, la décision homologuant l’accord de conciliation comportant un privilège
de conciliation est susceptible d’opposition et, le cas échéant, la décision prise en considération de cette opposition
est susceptible d’appel : art. 5-11, al. 6, AUPC.
283
français, des juridictions du fond ont jugé le contraire sur le fondement du silence des textes 1502.
Par ailleurs, il importe de préciser que l’ordonnance du 12 mars 2014 1503 ajoute que le président
peut subordonner la durée des mesures à la conclusion de l’accord de conciliation. En ce cas,
le créancier concerné sera informé de la décision de constatation ou d’homologation. La
solution semble logique car pourquoi condamner un créancier s’il n’y a pas d’accord ? En plus
des poursuites individuelles, la démission du conciliateur peut constituer un motif de
ralentissement des négociations.
A. Les causes
660. Dans les droits français et OHADA, le conciliateur est nommé par le tribunal dans le jugement
d’ouverture de la procédure de conciliation1504. Sa mission est de trouver un accord entre le
chef d’entreprise et ses principaux créanciers, afin de mettre fin aux difficultés de
l’entreprise1505. En pratique, le débiteur échange une ou plusieurs fois avec le futur conciliateur,
en amont de la décision d’ouverture de la procédure de conciliation. Il peut proposer au tribunal
un nom de son choix1506. De ce fait, il peut être présumé que les deux personnages commencent
leur collaboration sur la base d’une confiance réciproque.
661. Dans le cadre d’un procédé de passerelle, le conciliateur est un personnage important. A cet
égard, il doit réunir les qualités professionnelles et éthiques requises. C’est pourquoi, afin de
1502
C. SAINT-ALARY-HOUIN, « La procédure de conciliation », Rev. proc. coll. 2006/2, p.169 s., sp. p. 173, n°22.
1503
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
1504
Aart. L. 611-6, al. 2, c. com. ; Art. 5-4, al. 1, AUPC.
1505
Art. L. 611- 7, c. com. ; Art. 5-5, al. 1, AUPC.
1506
Art. L.611-6, al. 1, c. com. ; Art. 5-2, al. 2, 6°, AUPC.
284
moraliser la procédure de conciliation, les législateurs français et OHADA ont soumis sa
nomination à plusieurs conditions 1507.
662. La cessation de sa mission, avant la signature d’un accord, peut être légale ou factuelle. Dans
les deux cas, elle impacte les négociations en cours. Pour avoir noué les premiers contacts, voire
engagé les négociations, le conciliateur initial est supposé avoir mesuré les tenants et les
aboutissants du dossier, et pensé, à la lumière du dossier, à la solution d’un rapprochement des
positions, en vue de mettre fin aux difficultés de l’entreprise débitrice. La nomination d’un
remplaçant pourrait prendre du temps en ce que le chef d’entreprise ne voudra pas travailler
avec un inconnu, c’est-à-dire un conciliateur directement nommé par le tribunal. Il voudra, en
conséquence, proposer un autre conciliateur. Ce remplaçant aura nécessairement besoin du
temps, si court soit-il, pour prendre connaissance du dossier. Au bout du compte, il va s’écouler
du temps. Or, l’entreprise étant en situation financière fragile, il faut agir vite pour la sortir de
là, d’où l’inconvénient de la cessation prématurée de la mission du conciliateur initial.
663. D’un point de vue légal, plusieurs causes peuvent fonder la cessation de la mission du
conciliateur. En premier lieu, le chef d’entreprise peut le récuser 1508. En ce cas, la motivation
doit avoir un rapport avec l’un des cas suivants : le conciliateur a, directement ou indirectement,
un intérêt lié à la procédure ; le conciliateur a un lien direct ou indirect, quelle qu’en soit la
nature, avec l’un des créanciers engagés dans les négociations ; il est dans l’une des situations
d’incompatibilité1509 ; il a été définitivement radié ou destitué d’une profession règlementée. Si
un conciliateur se rend coupable d’une de ces interdictions, non seulement le chef d’entreprise
peut le récuser, mais il risque d’engager sa responsabilité civile. De plus, le chef d’entreprise
1507
Les art. L.611-13, c. com. et art. 5-4, al. 2, AUPC prévoient les mêmes interdictions : le conciliateur doit jouir
de ses droits civils, justifier de sa competence professionnelle et être impartial vis à vis des parties concernées par
la conciliation ; il ne doit pas avoir perçu, à quelque titre que ce soit, directement ou par personne interposée, un
paiement ou une remuneration de la part du débiteur intéréssé, de tout créancier du débiteur ou d’une personne qui
en detient le contrôle, pendant les 24 derniers mois précédant la decision d’ouverture de la procedure de
conciliation. De même, la mission de conciliteur ne peut être confiée à un magistrat en fonction ou ayant quitté
ses fonctions depuis plus de 5 ans.
1508
Art. L.611-6, al. 4, c. com. ; Art. 5-8, al.2, AUPC.
1509
Les art. L.611-13, c. com. et art. 5-4, al. 2, AUPC prévoient les mêmes incompatibilités : le débiteur doit jouir
de ses droits civils, justifier de sa competence professionnelle et être impartial vis à vis des parties concernées par
la conciliation ; il ne doit pas avoir perçu, à quelque titre que ce soit, directement ou par personne interposée, un
paiement ou une remuneration de la part du débiteur intéréssé, de tout créancier du débiteur ou d’une personne qui
en detient le contrôle, pendant les 24 derniers mois précédant la decision d’ouverture de la procedure de
conciliation. De même, la mission de conciliteur ne peut être confiée à un magistrat en fonction ou ayant quitté
ses fonctions depuis plus de 5 ans.
285
peut mettre fin à la mission du conciliateur, s’il n’entretient pas avec lui un bon rapport.
Inversement, le conciliateur peut, lui-même, mettre fin à sa mission par démission. Cela peut
arriver lorsque le chef d’entreprise n’accorde pas par exemple d’intérêt à certaines de ses
propositions ou les rejette en bloc ; car faut-il le rappeler, il a la faculté de faire toute proposition
susceptible de mettre fin aux difficultés de l’entreprise1510.
664. Outre ces cas, la mission du conciliateur peut prendre fin pour raison de force majeure1511. Cela
peut résulter d’une maladie, d’un décès, d’un motif de nature sociale ou familiale. Le cas de
force majeure doit cependant être constaté par l’autorité judiciaire 1512. Quelle que soit la cause
de la cessation de sa mission, elle perturbera les négociations en cours.
B. Les conséquences
665. Le conciliateur est un facilitateur 1513 ; il joue un rôle primordial dans les négociations. Dans
les faits, il aide le dirigeant à faire le diagnostic des difficultés auxquelles ce dernier est
confronté, à définir la liste des partenaires 1514 avec lesquels un accord doit être trouvé. Cette
phase préliminaire est importante. Il doit mener ces démarches de manière à ne pas
compromettre le crédit de l’entreprise en ébruitant ses difficultés, et ce travail doit englober, le
plus largement possible, l’ensemble des difficultés de l’entreprise, tout en ayant le concours des
principaux partenaires. Il aide également le dirigeant à préparer un projet d’accord, avec le
concours du service comptable, financier ou juridique de l’entreprise ; enfin, il l’aidera à mener
une négociation professionnelle sur la base de ce projet. La réussite de sa mission dépend en
grande partie de son talent de négociateur, de persuasion et de son expérience. Il ne dispose pas
de moyens réellement coercitifs tant à l’égard du chef d’entreprise qu’à l’égard des créanciers.
666. Néanmoins, s’agissant du débiteur, il a le droit de demander tout renseignement utile pour
l’accomplissement de sa mission1515. De même, le tribunal lui communique tout renseignement
dont il dispose, susceptible de l’aider. A l’égard des garants, seul le chef d’entreprise peut non
1510
Art. L.611-7, c. com.
1511
Dictionnaire dr. Privé Serge Braudo, 1962-2018 : « circonstance exceptionnelle, étrangère à la personne de
celui qui l’éprouve, qui a eu pour résultat de l’empêcher d’exécuter les prestations qu’il devait à son créancier ».
1512
Civ. 1re, 30 oct. 1998, BICC n°697 du 1er mars 2009.
1513
V. sur le rôle du conciliateur : N. FRICERO, C. BRUTRUILLE-CARDEW, L. BENRAÏS, Le guide des modes amiables
de résolution des différends (MARD), 3e éd., Dalloz, 2017.
1514
Dont entre autres : banques, fournisseurs, créanciers publics, clients, bailleurs, salariés.
1515
Art. L. 611-7, al. 2, c. com.
286
seulement demander une suspension des poursuites 1516, mais aussi, l’ouverture1517 d’une
procédure de sauvegarde redoutée par les créanciers à cause de la discipline collective ; le
conciliateur peut se servir de ce moyen de pression par l’intermédiaire du chef d’entreprise.
667. Au regard de l’ensemble des avantages que le conciliateur peut apporter au chef d’entreprise,
la cessation de sa mission, quelle qu’en soit la cause, sauf si cette dernière est consécutive à la
signature d’un accord, ou à la survenance de la cessation des paiements, ne peut être qu’un
handicap. Le temps que nécessitera son remplacement pourrait occasionner non seulement le
découragement de certains créanciers alliés, mais aussi l’amplification des difficultés. De plus,
le choix d’un remplaçant requerra une nouvelle négociation des missions assortie de conditions
de rémunération différentes1518, ce qui pourrait provoquer de facto d’autres dépenses.
1516
Art. 1343-5 c. civ. ; art. L.611-7, al. 5, c. com. ; Art. 5-7, AUPC.
1517
Art. L.628-1, c. com. : l’ouverture des procédures passerelles du droit français est exclusivement réservée au
débiteur.
1518
Art. R. 611-25, al. 4, c. com.
1519
Décret n°78-381 du 20 mars 1978, tel que modifié par le décret n°2010-1165 du 1er oct. 2010 relatif au statut
des conciliateurs en France.
1520
Question n°16745 de M. Franchois Zocchetto (Mayence – UC), JO Sénat, 13/01/2011, p. 48.
1521
JO, Sénat du 05/01/2012, p. 33.
1522
id.
287
dernies partagent-ils les mêmes difficultés précédemment décrites ? Afin de mesurer
l’efficacité de la prévention des difficultés des entreprises ailleurs, dans une approche
comparative avec les droits français et OHADA, nous effectuons le choix de sortir du cadre
géographique1523 défini dans la présente étude.
671. Si le droit des entreprises en difficulté se modernise et se contractualise dans les États, ces
derniers ne s’y prennent pas cependant de la même manière, encore moins au même rythme.
En Belgique, l’heure est aux réformes. Après la loi du 31 janvier 2009 1530 sur la continuité des
entreprises - qui a instauré l’accord amiable et la réorganisation judiciaire pour les chefs
d’entreprise - et celle du 27 mai 2013 1531 - qui a apporté des correctifs à la première citée - ; la
1523
Cette thèse a pour champ d’étude géographique la France et l’espace juridique OHADA.
1524
Depuis le code de commerce de 1807 jusqu’à la loi n°67-563 du 13 juill. 1967 sur le redressement judiciaire,
la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes, JORF du 14 juill. 1967, p. 7059.
1525
V. davantage dans, L.C HENRY LAETITIA ANTONINI-COCHIN, Droit des entreprises en difficultés, éd., Gualino,
mars 2018.
1526
A. JACQUEMONT et Alii, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LexisNexis, 2017, n°35, p. 25.
1527
A. JACQUEMONT et Alii, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LexisNexis, 2017, n°26, p. 15.
1528
A. TOH, La prévention des difficultés des entreprises : étude comparée de droit français et droit OHADA,
thèse de doctorat, 2015, Université de Bordeaux, p. 27 ; C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises
dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ, 2018, p. 3.
1529
V. N. LYAZAMI, La prévention des difficultés des entreprises : étude comparative entre le droit français et le
droit le marocain, thèse de doctorat, Université du Sud Toulon-Var, 2013, p. 260.
1530
L. n°2009009047 du 31 janv. relative à la continuité des entreprises, MB, 9 févr. 2009, p. 8436.
1531
L.n°2013009257 du 27 mai 2013 modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises,
publication du 22 juill. 2013, p. 45665.
288
loi du 11 Août 2017 1532, entrée en vigueur en mai 2018, contribue à la refonte du droit des
entreprises en difficulté. Au Maroc, la grande réforme tant attendue tarde encore à se réaliser.
Pourtant le projet de loi serait prêt 1533. Depuis 1995, le livre V du code de commerce marocain
- qui traite des difficultés des entreprises - n’a pas connu de réforme, de sorte que les solutions
qu’il propose aux chefs d’entreprise s’en trouvent handicapées et inappropriées aujourd’hui1534.
672. Si les procédures amiables françaises de traitement des difficultés des entreprises partagent la
même philosophie avec le scheme of arrangement anglo-saxon, ce dernier se distingue par son
caractère un peu autoritaire (I). Le droit préventif belge des difficultés des entreprises semble
converger avec celui de la France, tandis que la prévention dans le droit marocain se rapproche
plutôt plus du droit OHADA (II).
674. Très souvent vanté, mais non sans tempérament 1535, devant le droit français, avant l’avènement
de la première procédure passerelles en 2010 1536, le scheme of arrangement1537 anglais
s’apparente, sur le plan philosophique, aux procédures amiables françaises de traitement des
1532
L. n°2017012998 du 11 août 2017 portant insertion du livre XX « insolvabilité des entreprises » dans le code
de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions d’application au
livre XX, dans le livre I du code de droit économique, publication du 11 sept. 2017, p. 83100.
1533
A. El HOURRI, in, « Difficultés des entreprises : ce que prévoit le projet de réforme », Media24, 9 nov. 2017,
article lu le 4 mars. 2018.
1534
A. El AJJAMI, cité par N. LYAZAMI, La prévention des difficultés des entreprises : étude comparative entre le
droit français et le droit le marocain, thèse de doctorat, Université du Sud Toulon-Var, 2013, p. 261.
1535
R. DAMANN : « Nous verrons que le droit français se porte très bien et possède des produits à exportation
{mandat ad hoc et conciliation} sans équivalent dans les autres pays », Colloque : conférence générale des juges
consulaires de France sur la législation comparée en Europe, Paris, 14 sept. 2009, p. 45.
1536
Sauvegarde financière accélérée instituée par la loi n°2010-1249 du 22 oct. 2010 de régulation bancaire et
financière, JORF n°0249 du 23 oct. 2010, p. 18984.
1537
Plan de redressement amiable : traduction approximative.
289
difficultés des entreprises (A) ; mais il apparaît plus autoritaire que ces dernières dans la
recherche d’un accord amiable (B).
676. La particularité de cette procédure est la constitution des class de créances au sein desquelles
les négociations ont lieu 1544. Cette solution est exclue dans les procédures de conciliation et de
mandat ad hoc en France. Dans les deux systèmes, l’accord est homologué par le tribunal 1545.
Toutefois, si l’accord homologué dans le cadre du scheme of arrangement s’impose même aux
créanciers qui s’y sont opposés, en droit français, il ne produit effet qu’à l’égard des créanciers
parties à l’accord 1546, lequel n’est acquis qu’à la condition de l’unanimité.
677. De ces considérations, il apparaît que le scheme of arrangement se rapproche plutôt des
sauvegardes accélérées du droit français, à la différence, toutefois, que ces dernières sont de
1538
Section 425 of the companies act, 1985.
1539
Toutefois, en France la cessation des paiements ne doit pas exister depuis plus de 45 jours : art. L. 611-4, c.
com.
1540
M. MENJUCQ, D. MARKS, R. DAMANN, P. EHRET et M. J.-L. VALENS, table ronde : « La compétitivité des
principaux droits de l’insolvabilité européens », Rev. proc. coll., n°5, sept. 2012, p. 59.
1541
RE Coalspurs Mines LTD, 2015, FCA 391.
1542
RE Opes Prime, Stockbroking Limited, 2009, FCA 813.
1543
B. CHEYSSON, « Le scheme of arrangment : faut-il s’en inspirer pour contractualiser le droit français des
procédures collectives ? », fusion et acquisition, 22 mars 2013, article consulté le 21 oct. 2017.
1544
A. ROBERTSON, « Restructuring through a scheme of arrangment (La restructuration à travers le scheme of
arrangment) », Lavan, 20 juill. 2016, article consulté le 26 avr. 2018.
1545
Droit anglais, voir la jurisprudence : Atlas Ion Limited, in the matter of Atlas Ion limited, n°02, 2016, FCA
481 (Affaire Atlas Ion Limited, cour fédérale de l’Australie, 2016n°02) ; droit français : art. L.611-8, c. com.
1546
Art. 1199, c. civ. : « le contrat ne crée d’obligation qu’entre les parties ».
290
véritables procédures collectives1547. C’est pourquoi, d’un point de vue philosophique, il peut
être affirmé que le scheme of arrangement est similaire aux procédures pré-judiciaires en France
permettant d’anticiper les difficultés d’une entreprise par le canal de la négociation amiable. Ce
sont des procédures amiables qui ne font pas partie intégrante du droit des procédures
collectives. Il ne peut leur être appliqué le droit européen de l’insolvabilité 1548. C’est le droit
international privé commun qui régit le mandat ad hoc et la conciliation, au même titre que le
scheme of arrangement. Hormis cette similarité philosophique, le scheme of arrangement est
plus contraignant que le mandat ad hoc et la conciliation du droit français.
1547
La doctrine reste cependant divisée sur le cas de la sauvegarde financière accélérée : v. en ce sens : P.-M. LE
CORRE, « L’avènement prochain d’une procédure semi-collective », Gaz. pal., 16 oct. 2010, n° 298, p. 3 ; M.
MENJUCQ, « Adoption « de la sauvegarde financière accélérée » : consécration du « prepackaged plan » en droit
français ! », Rev. proc. coll., nov. 2010, n°6, repère 6 ; F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2012,
1028 ; F. X. LUCAS, colloque de Nanterre, nov. 2011, RPC 2012-3, doss. n°3 ; J. L. VALLENS, « La procédure de
sauvegarde financière accélérée est-elle une procédure collective ? », RTD com., 2011, p. 644.
1548
V. en ce sens, M. F. KOUROUMA, « Les nouvelles procédures de sauvegarde accélérée du droit français des
entreprises en difficulté et le nouveau règlement européen de l’insolvabilité n°2015/848 du 15 mai 2015 », Village
de la justice, 23 janv. 2017, p. 2.
1549
B. CHEYSSON, « Le scheme of arrangment : faut-il s’en inspirer pour contractualiser le droit français des
procédures collectives ? », fusion et acquisition, 22 mars 2013, article consulté le 21 oct. 2017.
1550
id.
291
négociations amiables en France. En d’autres termes, le droit de la liberté contractuelle1551 reste
respectée en droit français et en droit des sociétés OHADA 1552.
680. Cette argumentation peut être suivie. Quoiqu’il en soit, législateur français a préféré et, à juste
titre, le juste milieu en maintenant le caractère complètement contractuel de la conciliation tout
en prévoyant un outil assurant, par voie autoritaire, l’aboutissement d’un accord ayant bénéficié
d’un large soutien des créanciers du débiteur : il s’agit des procédures passerelles. Si ces
1551
Art. 1102, c. civ.
1552
Art. 2 du nouvel Acte uniforme du droit des sociétés ; v. davantage en ce sens, O. B. B. Evie, Pour une
contractualisation du droit OHADA des sociétés, thèse de doctorat, Université de Aix-Marseille, 2014.
1553
V. supra, n°128.
1554
B. CHEYSSON, « Le scheme of arrangment : faut-il s’en inspirer pour contractualiser le droit français des
procédures collectives ? », fusion et acquisition, 22 mars 2013, article consulté le 21 oct. 2017.
292
dernières existent dans le droit belge des entreprises en difficulté, il n’en est pas de même dans
celui du Maroc.
682. En droit belge (A), pays membre de l’UE 1558, la nécessité de se conformer à certaines
règlementations communautaires1559, et les insuffisances constatées1560 de l’ancienne loi sur le
concordat judiciaire de 1997 1561, ont amené la réforme du 31 janvier 20091562. Au Maroc, le
dispositif mis en place en 19951563 peine à être réformé. Il aurait montré aujourd’hui toutes ses
limites 1564. D’où la nécessité d’une réaction législative. En attendant cette réaction, les débiteurs
n’ont que deux outils préventifs : une procédure préventive interne, incarnée par l’alerte du
commissaire aux comptes au chef d’entreprise par rapport à toute situation de nature à
1555
Il en est ainsi du chapitre 11 du code fédéral américain de la faillite des entreprises, du scheme of arrangment
du droit anglais, de la réorganisation judiciaire des entreprises du droit belge.
1556
V. P. RAMQUET, « Un an d’application de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises-
première partie », in commission université -Palais, 10 déc. 2010. Document consulté le 28 févr. 2018.
1557
L. n°2017012998 du 11 août 2017 portant insertion du livre XX « insolvabilité des entreprises » dans le code
de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions d’application au
livre XX, dans le livre I du code de droit économique, publication du 11 sept. 2017, p. 83100.
1558
Union Européenne.
1559
Tel le règlement européen d’insolvabilité.
1560
V. proposition de loi relative à la continuité des entreprises, doc. parl. ch. 2008-2009, n°52.0160/005, p. 7. ;
P. P. De CHATELET, E. SHOONJANS, « Société en difficulté : introduction et champ d’application », droitbelge –
Fiches pratiques, mars 2016, article lu le 16 févr. 2018.
1561
L. n°1997009767 du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire, publication du 28-10-1997, p. 28550.
1562
L. n°2009009047 du 31 janv.2009 relative à la continuité des entreprises, MB, 9 févr. 2009, p. 8436.
1563
L. n°15-95 formant Code de commerce, Dahir n°1-96-83 du 1er août 1996, Bull. officiel n°4418 du 3 oct. 1996.
1564
A. El HOURRI, « Difficultés des entreprises : ce que prévoit le projet de réforme », Media24, 9 nov. 2017,
article lu le 28 févr. 2018.
293
compromettre la continuité de l’exploitation de l’entreprise, et une procédure préventive
externe qui est incarnée par le règlement amiable (B).
A. Le droit belge1565
683. En 2009, la Belgique a adopté une loi relative à la continuité des entreprises. Elle a été
rapidement dénommée LCE1566. Comme l’indique son intitulé, l’objectif global recherché est
d’accorder à une entreprise en difficulté, un délai pendant lequel elle va bénéficier de certaines
protections, afin de pouvoir se redresser. Dans cette perspective, elle a apporté une innovation,
celle de l’instauration d’une négociation amiable entre le débiteur et deux ou l’ensemble de ses
créanciers. Il s’est agi pour le législateur, de permettre aux parties de trouver, selon leur propre
volonté, une entente favorable pour le règlement des dettes. L’accord trouvé peut porter sur la
réduction ou le rééchelonnement des dettes 1567. Cette volonté du législateur belge est exprimée
à l’article 15 de cette loi qui dispose que le chef d’entreprise peut proposer à deux ou à
l’ensemble de ses créanciers « un accord amiable en vue de l’assainissement de la situation
financière du débiteur ou de la réorganisation de son entreprise ».1568 Le chef d’entreprise ne
peut donc négocier avec un seul créancier.
684. Il importe, par ailleurs, de rappeler que jusqu’à cette réforme, c’est la procédure de concordat
judiciaire, instaurée par la loi du 17 juillet 1997 1569, qui régissait la sauvegarde des sociétés.
Elle n’aurait pas satisfait à cause, notamment, de son coût élevé, l’atteinte au droit des
créanciers, sa complexité et de son manque de clarté1570. Elle a été abrogée par la loi du 31
janvier 20091571 qui, après un an de son adoption, faisait déjà l’objet de certaines critiques 1572.
1565
Pour en savoir davantage sur ce droit en matière de sauvegarde des entreprises en difficulté, v. V. CALLATAŸ,
P. DELLA FAILLE, La loi sur la continuité des entreprises – Recueil de législations, doctrine et jurisprudence, éd.,
Athemis, 2015 ; J. WINDEY, « La loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises », J. T. 2009/14,
p. 37 et s ; A. ZENNER, « La loi relative à la continuité des entreprises – Genèse et philosophie de la loi », coll., de
la Conférence du jeune barreau de Bruxelles, Bruxelles, Larcier, 2009, p. 95 et s.
1566
L. n°2009009047 du 31 janv. 2009 relative à la continuité des entreprises, MB, 9 févr. 2009, p. 8436.
1567
C. ALTER, « Le banquier et l’entreprise en difficulté : état de la question », in l’entreprise en difficulté,
Bruxelles, Larcier, 2012, p. 159.
1568
Art. 15, LCE
1569
L. n°1997009767 du 17 juill. 1997 relative au concordat judiciaire, publication du 28-10-1997, p. 28550.
1570
V. proposition de la loi relative à la continuité des entreprises, doc. Parl. ch. 2008-2009, n°52.0160/005, p. 7. ;
P. P. DE CHATELET, E. SHOONJANS, « Société en difficulté : introduction et champ d’application », droitbelge –
Fiches pratiques, mars 2016, article lu le 16 févr. 2018.
1571
L. n°2009009047 du 31 janv. 2009relative à la continuité des entreprises, MB, 9 févr. 2009, p. 8436
1572
V. En ce sens, P. RAMQUET, « Un an d’application de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des
entreprises-première partie », in commission université -Palais, 10 déc. 2010. Document consulté le 28 févr. 2018.
294
Une autre loi en date du 27 mai 2013 est venue corriger les insuffisances1573. Cette loi du 31
janvier1574 a institué deux procédures visant la continuité de l’entreprise en difficulté :
685. D’abord, les chambres d’enquête commerciale et de la collecte des données 1575. Le rôle de ces
chambres est de « suivre la situation des débiteurs en difficulté en vue de favoriser la continuité
de leur entreprise ou de leurs activités et d’assurer la protection des intérêts des
créanciers ».1576 Leur rôle n’est pas répressif, mais préventif en ce qu’elles reçoivent les
renseignements des administrations et d’autres organes1577 qui ont l’obligation de les leur
fournir, afin de leur permettre d’intervenir à temps pour sauver l’activité ou protéger les
créanciers du débiteur. Les informations et les données qu’elles récoltent sur un débiteur sont
transmises au parquet dans le cas d’un éventuel état de faillite de ce débiteur. Le parquet peut,
à cet égard, citer le débiteur, et ainsi obtenir la déclaration de ladite faillite.
686. Ensuite, l’accord amiable extrajudiciaire 1578. Il se conclut sous la houlette d’un médiateur
d’entreprise1579. Le débiteur ne doit pas être en faillite. Il serait l’équivalent des procédures de
mandat ad hoc et de conciliation en droit français et en droit OHADA. Il est marqué par
l’autonomie de la volonté. Il ne peut donc être opposé aux tiers. Afin de conférer une plus
grande sécurité juridique à un tel accord, ses effets restent valables entre les parties même en
cas d’ouverture de faillite ultérieure : « l’accord et les actes accomplis en exécution de celui-ci
restent valables en cas de faillite même s’ils ont été réalisés durant la période suspecte ».1580
Toutefois, c’est à la condition que l’accord remplisse trois conditions cumulatives à savoir, être
conclu avec au moins deux créanciers, énoncer qu’il est conclu « en vue de l’assainissement de
la situation financière du débiteur ou de la réorganisation de son entreprise » et, enfin, être
déposé au greffe du tribunal et conservé dans un registre1581.
1573
L.n°2013009257 du 27 mai 2013 modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises,
publication du 22 juill. 2013, p. 45665.
1574
L. n°2009009047 du 31 janv. 2009 relative à la continuité des entreprises, MB, 9 févr. 2009, p. 8436.
1575
Art. 8 à 12, LCE.
1576
Art. 12, LCE.
1577
Il s’agit pour l’essentiel de : l’ONSS pour le versement des cotisations de sécurité sociale, l’administration des
finances pour le versement de la TVA, les tribunaux pour les jugements de condamnation, les banques nationales.
1578
Art. 15, LCE.
1579
Ce serait le conciliateur dans les droits français et OHADA.
1580
Art. 15, al. 3, LCE.
1581
V. les commentaires dans, A. ZENNER, J.-Ph. LE BEAU et C. ALTER, « La loi relative à la continuité des
entreprises à l’épreuve de sa première pratique », les doss., du journal des trib. Larcier 2010, n°76, p. 103-104.
295
687. Enfin, la réorganisation judiciaire 1582. Elle vise à accorder un sursis à une entreprise en
difficulté. A travers cet autre outil, le chef d’entreprise dispose de trois possibilités : la
réorganisation par accord amiable 1583, mais sous le contrôle du tribunal ; l’accord qui en résulte
est soumis au tribunal pour être entériné. Il serait l’équivalent des procédures passerelles du
droit français. La réorganisation par accord collectif1584 qui est une véritable procédure
collective avec tous les attributs et caractéristiques de celle-ci dont la discipline collective : le
débiteur propose un projet de plan de réorganisation que les créanciers acceptent ou non, sous
l’égide d’un délégué du tribunal1585 ; l’élaboration du plan de réorganisation, ainsi que son vote
par les créanciers doivent se faire pendant le sursis 1586 d’un délai de six mois renouvelables
sans, toutefois, la possibilité de dépasser dix-huit mois au total, à partir du jugement
d’ouverture1587. Ce plan est homologué par le tribunal lorsqu’il est voté par la majorité des
créanciers détenant la moitié du passif du débiteur. Enfin le transfert partiel ou total1588 de
l’entreprise en difficulté1589 qui peut avoir lieu avec ou sans l’intervention du tribunal 1590 ; par
déduction, il peut faire l’objet, soit d’un accord amiable, soit d’une partie de l’accord collectif
judiciaire ou plan de réorganisation ; il est organisé et réalisé avec le concours d’un mandataire
de justice1591 au nom et pour le compte du débiteur. Il importe de préciser que la réorganisation
judiciaire peut commencer par un accord amiable, lequel constituera un plan de réorganisation
comportant une cession partielle ou totale de l’entreprise 1592.
1582
Art. 16 à 70, LCE.
1583
Art. 43, LCE.
1584
Art. 44 à 58, LCE.
1585
Ce serait le juge commissaire en droit français et l’expert en droit OHADA.
1586
Ce serait la période d’observation dans les droits français et OHADA.
1587
Art. 24 et 38, LCE.
1588
Ce serait la cession dans le code de commerce français et dans l’AUPC OHADA.
1589
V., davantage sur cette procédure, D. VILLERMAIN, « La nouvelle loi sur la continuité des entreprises :
présentation générale et règles spécifiques relatives aux cessions d’entreprises », in M. GREGOIRE, Question
spéciale de restructuration des entreprises, éd., Bruylant, Bruxelles, 2009, p. 93 et s.
1590
J. WINDE, « La loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises », J.T, 2009, p. 237 à 249.
1591
D. VILLERMAIN, « Les mandataires de justice dans la loi sur la continuité des entreprises, in M. GREGOIRE et
B. INGHELS, « La loi relative à la continuité des entreprises », les doss., du J.T. Bruxelles, Larcier, n°88, p. 123 et
s.
1592
V. B. VERSIE, « La loi sur la continuité des entreprises, principes généraux », infos-entreprises, 30 sept. 2015,
article consulté le 28 févr. 2018.
296
688. La première observation est la similitude des ambitions législatives. Comme en droit
français 1593 et OHADA1594, l’idée directrice de la réforme intervenue en droit belge des
difficultés des entreprises est de permettre à toute entreprise viable de pouvoir anticiper ses
difficultés par une solution négociée. Dans une telle démarche, la confidentialité est de mise.
C’est d’ailleurs une question d’ordre public dans certains droits 1595. Le droit belge y apporte un
tempérament. En effet, si les tiers ne peuvent prendre connaissance de la teneur d’un accord
amiable, c’est à la condition que le débiteur ne le souhaite pas 1596. En d’autres termes, s’il le
désire, un tiers peut bien prendre connaissance des négociations, voire des conclusions
auxquelles elles ont abouti. Ce choix accordé par le législateur belge au débiteur, engagé dans
une procédure amiable de traitement de ses difficultés, est intéressant eu égard au droit
comparé. En effet, dans les droits français et OHADA, par exemple, les textes y afférents
interdisent la révélation, par une personne qui en a eu connaissance, de l’existence d’une
négociation ou de l’objet de celle-ci1597. Comparativement aux droits français et OHADA, le
législateur belge s’est exprimé en sens inverse, c’est-à-dire qu’il ne met pas l’accent sur
l’interdiction stricte de cette révélation. Une interrogation peut ainsi porter sur le sort réservé
au tiers à qui le débiteur aura délibérément permis de prendre connaissance de ses négociations
avec ses créanciers, en cas d’ébruitement de la procédure, ou de révélation d’une information
sensible ? La discrétion est-elle vraiment garantie juridiquement ? Un doute peut exister.
Pourtant, la confidentialité est essentielle pour la protection du crédit de l’entreprise en
difficulté1598.
689. Une entreprise saine, mais qui connaît quelques difficultés passagères, et qui est engagée dans
une des procédures préventives - amiable ou judiciaire - visant à assurer sa continuité, bénéficie
de plusieurs protections du tribunal. Dès le dépôt d’une demande de réorganisation, l’entreprise
ne peut plus être dissoute judiciairement, de même que ses biens meubles et immeubles ne
peuvent plus être réalisés par suite de l’exercice d’une voie d’exécution 1599. Pendant toute la
1593
V., ord., n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
1594
V., le nouvel Acte uniforme des procédures collectives, adopté le 10 sept. 2015 en Côte d’ivoire.
1595
A titre d’exemple, art. L.611-15, c. com., en droit français et Art. 5-1, AUPC, en droit OHADA.
1596
Art. 15, al. 4, LCE.
1597
Droit français : art. L. 611-15, c. com. : « Toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou de
mandat ad hoc ou, qui par ses fonctions, en eu connaissance est tenue à la confidentialité » ; droit OHADA : art.
5-1, al. 3, AUPC : « toute personne qui a connaissance de la conciliation est tenue à la confidentialité ».
1598
J. WINDEY, « La loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises », J.T, 2009, p. 240.
1599
Art. 22, LCE.
297
durée des négociations, le débiteur ne peut ni faire l’objet d’une action en justice, ni être visé
par une voie d’exécution 1600. Il n’est pas non plus dessaisi, sauf dans le cas où un mandataire
de justice a été désigné1601. Enfin, il est libre d’affecter à la créance de son choix, ses liquidités
disponibles, ce qui lui permet de privilégier les créanciers importants 1602.
690. En résumé, il peut être retenu que l’approche de passerelle entre le traitement amiable et le
traitement judiciaire des difficultés des entreprises existe en droit belge 1603, à l’instar du droit
français : un plan, visant à redresser ou à céder l’entreprise, peut être discuté amiablement et
arrêté sous l’égide d’un juge. Dans le jargon du droit belge, on parle de « modification
d’objectif ».1604 Globalement, les droits belge et français convergent plutôt, d’un point de vue
finalité des mesures de prévention et méthodes utilisées. Toutefois, en France, la possibilité
qu’une entreprise soit en cessation des paiements - depuis moins de quarante-cinq jours - et,
qu’en même temps, elle puisse bénéficier d’une procédure amiable, n’existe pas en droit belge.
Les différences terminologiques entre les deux droits doivent aussi être relevées. Au Maroc, le
législateur s’est largement inspiré du droit français pour bâtir le droit des entreprises en
difficulté, mais les réformes nécessaires n’ont pas suivi.
B. Le droit marocain1605
691. Le droit marocain s’est largement inspiré du droit français des entreprises en difficulté. A cet
égard, il semblerait même que les deux droits puissent être proches l’un de l’autre dans un futur
proche1606. Cette affirmation peut être corroborée par plusieurs points de similitude entre ces
deux droits. Sur le plan schématique par exemple, le traitement des difficultés des entreprises
repose sur deux aspects : le préventif et le judiciaire. Toutefois, faute de réforme du code de
commerce marocain, nombre des divergences peuvent être relevées avec le droit français. Dans
1600
id.
1601
A. ZENNER, cité par P. B. DE DAHEM in R.-A. MARIE, La banque dans tous ses (E) états, éd., mare & martin,
2016, p. 200.
1602
M. GREFOIRE, cité par P. B. DE DAHEM in R.-A MARIE, La banque dans tous ses (E) états, éd., mare & martin,
2016, p. 200.
1603
V. Art. 39, LCE.
1604
V. Art. 26, LCE.
1605
Pour approfondir sur ce droit en matière de sauvegarde des entreprises, v. N. LYAZAMI, La prévention des
difficultés des entreprises : étude comparative entre le droit français et le droit le marocain, thèse de doctorat,
Université du Sud Toulon-Var, 2013.
1606
N. LYAZAMI, La prévention des difficultés des entreprises : étude comparative entre le droit français et le droit
le marocain, thèse de doctorat, Université du Sud Toulon-Var, 2013, p. 268.
298
ce dernier, plusieurs réformes 1607 ont eu lieu, et les nouveautés 1608 apportées par ces réformes
ne sont pas connues du droit marocain.
692. A l’image de la France, le Maroc a longtemps appliqué le droit de la faillite aux débiteurs.
C’était un droit-sanction1609. En 1995, un code de commerce, tourné vers la sauvegarde des
entreprises 1610, a été mis en place 1611. Ce code traite des difficultés des entreprises dans son
livre V, intitulé « Les difficultés des entreprises ». Il propose deux types de préventions.
D’abord la prévention interne. Celle-ci est incarnée par l’alerte que le commissaire aux comptes
ou tout autre associé doit donner au chef d’entreprise, au constat de la moindre situation de
nature à compromettre la continuité de l’exploitation de l’entreprise 1612. Si le chef d’entreprise
n’applique pas les diligences requises ou, si en dépit des mesures prises par l’assemblée
générale, la situation de l’entreprise demeure toujours compromise, le tribunal pourra se saisir
du dossier, afin de trouver une solution1613. Ensuite la prévention externe. Cette dernière est
incarnée par le règlement amiable 1614. Ouvert à un débiteur in bonis1615, il vise à aplanir les
difficultés de l’entreprise grâce à l’intervention d’un tiers - mandataire spécial -, désigné à cet
effet par le tribunal. A la suite du travail de ce tiers et, s’il s’avère que les propositions du chef
d’entreprise semblent à même de redresser son entreprise, le tribunal ouvre alors le règlement
amiable et désigne un conciliateur, afin de trouver un accord de conciliation entre les parties 1616.
Comme cela a été dit précédemment, la rédaction du livre V du code de commerce marocain
relatif au traitement des difficultés des entreprises a été largement inspiré de celui de la France ;
mais les réformes nécessaires n’ont pas suivi. De ce fait, nombreux sont les points innovants
1607
Notamment par la loi de sauvegarde des entreprises de 2005, l’ordonnance du 18 déc. 2008 portant réforme
du droit des entreprises en difficulté, l’ordonnance du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés
des entreprises et des procédures collectives.
1608
La conciliation a été notamment adoptée, de même que les sauvegardes accélérées, sans oublier l’adoption du
prepack-cession.
1609
V. en ce sens, S. ABBDELAZIZ, Droit et pratique en matière de faillite et de liquidation judiciaire de entreprises,
thèse de doctorat, Université de Paris I, Sorbonne, 1995, p.6.
1610
N. LYAZAMI, La prévention des difficultés des entreprises : étude comparative entre le droit français et le droit
le marocain, thèse de doctorat, Université du Sud Toulon-Var, 2013, p. 40.
1611
L. n°15-95 formant code de commerce, Dahir n°1-96-83 du 1er août 1996, Bull. officiel n°4418 du 3 oct. 1996.
1612
Art. 546, c. com.
1613
Art. 547, c. com.
1614
Ce serait l’équivalent de la procédure de conciliation en droit français et en droit OHADA.
1615
Qui n’est pas en état de cessation des paiements : art. 550, c. com.
1616
Art. 553, c. com.
299
en droit français qui ne se retrouvent pas en droit marocain. En ce sens, trois points essentiels
peuvent relevés.
693. D’abord le régime de la cessation des paiements. Sur ce point, le Maroc reste encore, à l’image
du droit OHADA, sur la ligne traditionnelle de distinction entre les procédures amiable et
judiciaire. De sorte qu’une entreprise en état de cessation des paiements - peu important que
cet état ne soit existant que depuis un jour ou plus - ne peut prétendre à une procédure amiable
de traitement de ses difficultés. Elle doit déposer le bilan dans les quinze jours de la survenance
de celle-ci1617. A ce stade, et selon le code de commerce, « le redressement judiciaire est
prononcé s’il apparaît que la situation de l’entreprise n’est pas irrémédiablement compromise.
A défaut la liquidation judiciaire est prononcée ».1618 En droit français des entreprises en
difficulté, ce critère de distinction, basé sur la cessation des paiements, n’est plus absolu1619. Ce
débiteur marocain bénéficierait, s’il relevait d’une juridiction française, et à condition qu’il n’ait
cessé de payer que depuis moins de quarante-cinq jours, d’une procédure amiable. Cette
différence ne devrait pas favoriser la sauvegarde des entreprises au Maroc. Ce d’autant qu’en
dehors de la procédure préventive interne précédemment mentionnée, il n’existe pas dans le
livre V du code de commerce une autre forme de négociation amiable.
694. Ensuite, la singularité du dispositif externe de traitement préventif des difficultés des entreprises
marque une différence avec les droits français et OHADA. En effet, ces derniers proposent
toute une palette d’outils préventifs externes : le mandat ad hoc, la conciliation, la sauvegarde
classique, le prepack-cession et les sauvegardes accélérées pour ce qui est du droit français ;
les procédures de médiation, de conciliation et de règlement préventif pour le droit OHADA.
La diversité des outils préventifs dans ces droits permet de relever une volonté législative
d’encourager le redressement des entreprises. L’insuffisance d’outils d’anticipation et de
prévention est à regretter en droit marocain.
695. Toutefois, le règlement amiable marocain semble présenter tous les atouts pour attirer le
débiteur. En fait, il y existe la suspension provisoire des poursuites, mais, comme dans l’ancien
règlement amiable français, elle dépend de la seule volonté du conciliateur 1620. Contrairement
1617
Art. 561, c. com.
1618
Art. 568, c. com.
1619
V. supra, n°92.
1620
Art. 555, c. com.
300
aux droits belge1621 et français 1622, l’accord de règlement amiable homologué ne protège pas le
débiteur d’une éventuelle période suspecte, si une procédure judiciaire venait à être ouverte,
par la suite de l’apparition d’un état de cessation des paiements, ou de l’inexécution des
engagements par le débiteur1623.
696. Enfin, le droit marocain ne connaît pas la procédure de sauvegarde. Or, cette dernière, moins
drastique que le redressement judiciaire, et à visée préventive, aurait pu constituer une
alternative pour le chef d’entreprise. Cela aurait également pu éviter le basculement
automatique d’un débiteur, dont le règlement amiable a échoué, dans la procédure de
redressement judiciaire où neuf cas sur dix déboucheraient sur une liquidation judiciaire 1624.
Au regard de toutes ses insuffisances1625, une réforme semble nécessaire en droit marocain des
entreprises en difficulté.
697. Le dispositif préventif et curatif actuel ayant montré ses limites, un projet de réforme est déposé
sur le bureau du secrétariat général du gouvernement 1626. Il ambitionne de traiter le plus en
amont possible les difficultés des entreprises, comme en témoigne le nouvel intitulé du livre V
du futur code de commerce : « les procédures de prévention, de sauvegarde de l’entreprise et
de traitement de ses difficultés ». Dans cette perspective, la procédure de sauvegarde serait
reconnue ; plusieurs avantages seraient accordés au chef d’entreprise : cette future procédure
qui ne serait pas accessible en cas de cessation des paiements, permettrait au débiteur de
proposer un plan de sauvegarde tout en gardant la gestion de son entreprise - absence de
dessaisissement - ; il n’aurait pas à craindre les écueils de la période suspecte - la procédure est
incompatible avec cette période du fait de l’absence de la cessation des paiements - comme cela
est le cas dans le redressement judiciaire - ; l’arrêt du cours des intérêts serait opérant de même
que la reconduction de l’état déclaratif des créances, en cas de conversion en redressement
1621
Art. 15, al. 3, LCE.
1622
Lorsqu’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire intervient après un accord de conciliation
homologué, le tribunal ne peut reporter la date de cessation des paiements antérieurement à la date d’homologation
de cet accord de conciliation. Ce qui met les actes accomplis pendant la procédure de conciliation à l’abri des
nullités de la période suspecte de l’article L.631-8 du code de commerce.
1623
Aucune disposition du code de commerce ne prévoit une telle mesure.
1624
Ministère de la justice, présentation de l’avant-projet de réforme en 2015, cité par A. El HOURRI, in,
« Difficultés des entreprises : ce que prévoit le projet de réforme », Media24, 9 nov. 2017, article lu le 28 févr.
2018.
1625
En termes de résultat, le Maroc est classé 134 e dans le domaine du règlement de l’insolvabilité, soit 6 points
récoltés sur 13 possibles, source : Doing Business 2018.
1626
A. El HOURRI, « Difficultés des entreprises : ce que prévoit le projet de réforme », Media24, 9 nov. 2017,
article lu le 28 févr. 2018.
301
judiciaire. Par ailleurs, le règlement amiable actuel aurait changé d’appellation ; la conciliation
aurait été préférée. De même, le champ d’intervention de l’actuel mandataire spécial serait
élargi, pour inclure les difficultés de nature sociale - implication des salariés dans les
négociations -, susceptibles de compromettre la continuité de l’exploitation. Le projet prévoirait
également de renforcer le privilège accordé actuellement aux créances postérieures. En ce sens,
un accent particulier serait mis sur les crédits ayant spécialement financé les activités de
l’entreprise.
698. En somme, si le droit marocain des entreprises en difficulté présente des points communs avec
les droits français et OHADA, notamment, en ce qui concerne les similitudes entre la
conciliation et l’actuel règlement amiable, force est de constater cependant qu’il accuse un
retard dans son adaptation aux besoins des entreprises. Ni le code de commerce en vigueur, ni
celui en état de projet ne prévoient le procédé de passerelle qui, pourtant, a non seulement une
vocation préventive, comme cela vient d’être vu précédemment, mais aussi une vocation
curative.
Conclusion du chapitre 1
699. Du chapitre qui précède, il peut être retenu que le procédé de passerelle a une vocation première
à savoir la prévention qui se traduit, d’un côté, par la négociation amiable et discrète en amont
avec les créanciers et, de l’autre, par l’anticipation de l’intervention du juge. Des améliorations
restent possibles. Il en est ainsi, en droit français, de l’adoption des class de créances dans la
procédure de conciliation et de l’autonomisation de la procédure de mandat ad hoc pour
l’organisation d’une cession pré-arrangée. En droit OHADA, la dynamique engagée par le
législateur pourrait être poursuivie par l’assouplissement du régime de la cessation des
paiements, la création de cellules spéciales de conseil, d’orientation et d’information au sein
des juridictions à compétence commerciale à l’attention des chefs d’entreprise, la
reconnaissance formelle du procédé de passerelle et par l’appel clair aux États membres à la
création des tribunaux de commerce. Ces améliorations pourraient permettre aux droits français
et OHADA d’être plus efficaces et plus compétitifs à l’échelle internationale
302
Chapitre 2. Le rôle curatif du procédé de passerelle
700. Les passerelles de sauvegarde accélérée du droit français sont des procédures collectives 1627.
Leur adoption est la résultante d’un besoin de renforcement des capacités préventives des
entreprises en difficulté. C’est pourquoi elles restent spéciales en bénéficiant des dérogations
par rapport aux règles régissant la sauvegarde classique dont elles sont des déclinaisons 1628. Il
ne pouvait pas en être autrement tant le législateur voulait qu’elles remplissent à la fois un rôle
préventif et un rôle curatif. C’est en ce sens qu’elles commencent dans une phase amiable 1629
et offrent leur protection aux chefs d’entreprise en phase judiciaire. Leur adaptation, à ce double
jeu juridique et judiciaire, a nécessité des aménagements importants, telle la réduction des délais
procéduraux de consultation, du vote et d’adoption du ou des projets de plan déposés sur la
table des comités de créanciers, de fournisseurs et, le cas échéant, de l’assemblée des
obligataires 1630. Ces passerelles se caractérisent par le fait que la durée de la procédure judicaire
se trouve réduite au temps nécessaire pour le vote du plan1631.
701. En effet, la sauvegarde financière accélérée ne dure qu’un mois renouvelable une seule fois 1632.
La sauvegarde accélérée, quant à elle, ne dure que trois mois sans aucune possibilité de
1627
S’il n’ y a pas de doute sur le caractère collectif de la sauvegarde accélérée, cependant pour la sauvegarde
financière accélérée, la doctrine majoritaire rejoint l’opinion du professeur Pierre-Michel Le Corre selon laquelle,
elle est une procédure semi-collective en ce sens que « la discipline collective ne s’impose qu’à l’égard de certains
créanciers - ceux pour lesquels le plan de sauvegarde aura un impact -, qui sont seuls consultés pour l’adoption
du plan et sont seuls soumis à l’obligation de déclarer les créances au passif. Les obligataires sont également
soumis aux contraintes de la procédure collective. Les autres créanciers {…} notamment les fournisseurs, mais
également les créanciers publics, échappent à l’arrêt des poursuites individuelles et à l’interdiction des
paiements » : P.-M. LE CORRE, « L’avènement prochain d’une procédure semi-collective », Gaz. pal. 16 oct. 2010,
n°289, p. 3.
1628
M. MENJUCQ, « Adoption de la sauvegarde financière accélérée : consécration du prepackaged plan en droit
français », Rev. proc. coll. 6/2010, p. 1 ; G. GRYP, S. MARETHEU, « La sauvegarde financière accélérée, nouvelle
recrue de l’annexe A du règlement 1346/2000 ? Panthéon Sorbonne, févr. 2011, p. 1.
1629
La procédure de conciliation leur est un préalable : art. L.628-1, c. com.
1630
S’agissant de la consultation des créanciers, elle n’a pas lieu au cours de la période d’observation, la
conciliation ayant servi à cela, ce qui explique la célérité d’une procédure passerelle, alors que dans la sauvegarde
classique, les consultations ont lieu pendant la période d’observation d’où la durée de six mois prorogeables une
fois ; cependant les créanciers hors comités sont consultés selon la procédure de droit commun : art. L.628-4, c.
com. S’agissant du vote du plan, en principe les comités disposent d’un délai compris entre vingt et trente jours :
art. L.626-30-2, al. 3, c. com, mais, par dérogation, ce délai de droit commun est compressible jusqu’à huit jours
pour la SFA : art. L.628-10, al. 1, c. com, et à quinze jours pour la SA : art. L.626-30-2, al. 3, c. com. Pour
approfondir, v. supra, n°288 ; n°470.
1631
J. L. VALLENS, « La SFA est-elle une procédure collective ? », RTD com. 2011, p. 644.
1632
Art. L.628-10, al. 2, c. com.
303
prorogation1633. Par comparaison, la période d’observation de la sauvegarde classique est de six
mois renouvelables une fois, ce qui fait au total un an 1634. A cause de son caractère collectif,
une procédure passerelle procure les avantages traditionnels de la période d’observation
(Section 1). Du fait du même caractère, elle procure également d’autres avantages curatifs
(Section 2).
703. En droit français, la période d’observation est une notion initiée par la loi du 25 janvier 1985 1640
qui a été reprise par les législations subséquentes. Elle est une phase destinée à diagnostiquer
les difficultés de l’entreprise, les causes et envisager les possibilités de sauvetage de l’entreprise
qui se présentent. Un auteur décrit cette période en ces termes : « le cœur de l’animal continue
1633
Art. L. 628-8, al. 1er, c. com.
1634
Art. L. 621-3, al. 1er, c. com.
1635
Art. L. 622-7, c. com. ; Art. 9, art. 11, et art. 75, AUPC.
1636
P. DELMOTTE, « L’égalité des créanciers dans les procédures collectives », Cours de cassation, 2003, p. 1.
1637
B. CHOPARD, « « Ext post vs Ex ante » : le cas de l’économie du droit de la faillite », Rev. écon. fin. sept.
2005, vol. 81, p. 3.
1638
M-J RAYMOND de GENTILLE, Le principe d’égalité entre les créanciers chirographaires et la loi du 13 juill.
1967, thèse de doctorat, éd., Sirey, 1976, n°271 ; Com. 3 juin 1997, Petites affiches, 28 nov. 1997, n°143, p. 29.
1639
J. R. GOMEZ, Entreprise en difficulté, éd., Bajag-Méri, 2003, p. 126.
1640
L. n°85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, JORF du 26
janv. 1985, p. 1097.
304
de battre, l’activité économique de l’entreprise se poursuit. Mais ils tournent malgré tout au
ralenti et risquent, à tout moment, de s’arrêter, essoufflés, haletants à cours de rythme ».1641
Havre de paix pour les chefs d’entreprise, phase sacrificielle pour les créanciers, concurrence
cauchemardesque pour les concurrents, la période d’observation est entourée de plusieurs règles
protectrices pour le chef d’entreprise 1642. Aucune initiative personnelle des créanciers n’est
permise sous réserve, toutefois, des exceptions, tel le droit de revendication1643. Depuis la loi
du 26 juillet 20051644, la période d’observation est la phase commune aux procédures de
sauvegarde et de redressement judiciaire. Le corps de règles applicables à la sauvegarde
s’applique, sauf exception, au redressement judiciaire. Les procédures passerelles, adoptées en
droit français, et soumises aux règles s’appliquant à la sauvegarde classique, excepté les
dérogations prévues 1645, ne font pas exception au principe, même si des avis persistent selon
lesquels elles sont dépourvues de période d’observation1646, ce qui est une affirmation qui ne
peut être suivie1647.
704. Elles offrent les mêmes avantages traditionnels du fait de cette période, dont notamment la
protection des ressources économiques de l’entreprise (Paragraphe I). A cela, il faut ajouter le
domaine nouveau de protection de l’entreprise pendant la période d’observation, qui est incarné
par le nouveau régime des créances postérieures non privilégiées et par celui de
l’irresponsabilité des créanciers dispensateurs de crédit ; ce nouveau domaine est plus
perceptible en droit français qu’en droit OHADA (Paragraphe II).
1641
S. THIEBAUT, Qui dirige l’entreprise en période d’observation, mémoire de DEA, Université Robert Schuman,
Strasbourg, 2004, p. 6.
1642
Globalement, elle lui permet de respirer, de se rassurer un moment, d’entrevoir, avec l’aide du tribunal, les
solutions de redressement de son entreprise, le tout sans craindre ni action en justice, ni saisie mobilière ou
immobilière, et pendant ce laps de temps, il ne paie personne, toutes les fois que l’origine de la créance est
antérieure au jugement d’ouverture ou ne remplit pas les conditions d’éligibilité à un traitement préférentiel.
1643
P.-M. LE CORRE, « Droit réel, droit personnel et procédures collectives », LPA 1999, n°99, p. 4.
1644
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
1645
Art. L.628-1, c. com.
1646
J.-L. VALLENS, « La sauvegarde financière accélérée est-elle une procédure collective », RTD com. 2011- p.
644 ; F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n°555.
1647
Sur le plan juridique, ces avis ne peuvent être suivis en ce que les art. L.628-10 al. 2 et L.628-8 c. com., ne
parlent pas de suppression de période d’observation pour l’une ou l’autre des passerelles, mais de réduction de
cette dernière.
305
Paragraphe I. Le potentiel économique de l’entreprise pendant la période
d’observation
705. Pendant la période d’observation, tout est mis en œuvre pour protéger les intérêts de
l’entreprise, dans le but de préserver au mieux son patrimoine 1648(I). Durant cette période,
l’entreprise continue en principe son activité dans les conditions proches, autant que possible,
de celles qui existaient avant l’ouverture de la procédure collective 1649 : le principe est le non
dessaisissement du chef1650 d’entreprise pour assurer la continuité de l’exploitation (II).
1648
S. THIEBAUT, Qui dirige l’entreprise en période d’observation, mémoire de DEA, Université Robert Schuman,
Strasbourg, 2004, p. 4 et s.
1649
O. CHARBOIS, La continuation de l’activité des entreprises en redressement judiciaire, thèse de doctorat, Paris
I, 1990 ; S. THIEBAUT, Qui dirige l’entreprise en période d’observation, mémoire de DEA, Université Robert
Schuman, Strasbourg, 2004, p. 6. ; Art. L.622-9, c. com. ; Art. 112, al. 1, AUPC.
1650
Art. L.622-3, c. com. ; Art. 114, AUPC.
1651
S. K. EVELAMENOU, Le concordat préventif en droit OHADA, thèse de doctorat, Université de Lomé -
Université Paris-Est Val-de-Marne, 2012, p. 14.
1652
Déf. dictionnaire juridique du droit privé de S. BRAUDO : « Une mesure conservatoire est une mesure par
laquelle, dans l’attente d’une décision définitive, un juge saisi par un créancier, décide de placer un bien du débiteur
sous-main de justice afin d’assurer l’efficacité des mesures d’exécution qui seront prises les délais de recours
passés ou les recours épuisés ; v. aussi, art. L.511-1 et s. c. proc. civ. d’exécution.
1653
C. SAINT-ALARY-HOUIN, « La répartition des pouvoirs au cours de la période d’observation », Rev. proc. coll.,
1990/1, n°19, p. 3.
306
707. En droit OHADA, il convient de préciser que l’association d’un tiers au chef d’entreprise dans
la gestion de l’entreprise pendant la période d’observation n’existe que dans la procédure de
redressement judiciaire1654. Dans cette dernière, le syndic peut prendre toute mesure visant à
protéger le patrimoine du débiteur dont la prise des actes conservatoires. Contrairement à la
sauvegarde du droit français où le chef d’entreprise peut être facultativement assisté par un
administrateur1655, dans le règlement préventif du droit OHADA, l’expert au règlement
préventif est uniquement nommé par la juridiction connaissant de la procédure pour « lui faire
rapport sur la situation financière et économique de l’entreprise débitrice et les perspectives
de redressement, compte tenu des délais et remises consentis ou susceptibles de l’être par les
créanciers et toutes les autres mesures contenues dans le projet de concordat préventif »1656. Il
ne peut ni conseiller, ni représenter les parties, c’est-à-dire le chef d’entreprise et les
créanciers 1657. Toutefois, afin de favoriser la signature d’un accord, il lui est permis de
provoquer une discussion entre eux en toute impartialité 1658. Plus concrètement, le législateur
ne permet pas à l’expert au règlement préventif de s’immiscer dans la gestion du chef
d’entreprise.
708. Du fait de l’absence d’une mission d’assistance ou d’administration dans le règlement préventif
OHADA, les développements qui vont suivre seront axés sur le droit français, les procédures
de redressement judiciaire n’intéressant pas particulièrement la présente étude. La préservation
du potentiel économique de l’entreprise engagée dans une procédure passerelle passe par
l’accomplissement d’actes conservatoires (A) et de gestion (B).
1654
Art. 52, AUPC : « La décision qui prononce le redressement judicaire emporte, de plein droit, à partir de sa
date, et jusqu’à l’homologation du concordat de redressement judiciaire ou la conversion du redressement
judiciaire en liquidation des biens, assistance obligatoire du débiteur pour tous les actes concernant
l’administration et la disposition de tous ses biens, sous peine d’inopposabilité de ces actes ».
1655
Art. L.622-1, c. com.
1656
Art. 8, al. 1, AUPC.
1657
Art. 4-2, al. 2, AUPC.
1658
Art.12, al. 3, AUPC.
1659
Art. L. 622-4, c. com.
307
en demeure, à l’interruption des prescriptions, à l’inscription des sûretés nouvelles et au
renouvellement des inscriptions anciennes. Il est d’ailleurs reconnu à l’administrateur le
pouvoir d’inscrire au nom de l’entreprise toutes hypothèques, tous nantissements, gages ou
privilèges que le débiteur aurait négligé de prendre ou de renouveler 1660. Cela dénote par ailleurs
les prérogatives importantes que l’administrateur peut avoir, mais qui sont tout de même
subsidiaires de celles du débiteur1661. Il faut dire qu’il s’agit aussi des actes conservatoires
proprement dits qui portent sur les biens de l’entreprise.
710. L’acte conservatoire s’entend de ce qui est nécessaire à la sauvegarde du patrimoine ou de l’un
de ses éléments et de façon plus large, d’un droit 1662. Pour les mesures de préservation, ayant
trait aux droits de l’entreprise, une interprétation stricte de l’article L.622-4 conduirait à les
limiter aux droits et biens affectés à l’exploitation, ce qui priverait l’administrateur de la faculté
d’effectuer des actes conservatoires sur les biens personnels du débiteur. Une telle interprétation
nuirait au principe de l’unité du patrimoine. Toutefois, les mesures de préservation des capacités
de production visent en priorité les biens affectés à l’entreprise.
711. Afin d’aider l’entreprise en difficulté à faire face à ses engagements, le code de commerce
permet aussi que des mesures conservatoires puissent être prises sur des biens appartenant à
des tiers qui, susceptibles de voir leur responsabilité engagée par suite de la survenance de la
procédure collective, seraient tentés d’organiser leur insolvabilité 1663. Dans cette perspective,
la loi du 12 mars 2012 1664dite loi petroplus, votée dans une précipitation extraordinaire 1665 et
complétée par le décret n°2012-190 du 25 octobre 2012, a inséré, dans le code de commerce,
1660
Art. L. 622-4, com.
1661
C. SAINT-ALARY-HOUIN, « Mesures et actes conservatoires », J-CL. com., fasc. 2310.
1662
V. G. MARTY et P. RAYNAUD, Droit civil, Introduction, éd., Sirey, Paris,1967.
1663
Art. L. 651-4, al. 2, c. com.
1664
L. n°2012-346 du 12 mars 2012 relative aux mesures conservatoires en matière de procédure de sauvegarde,
de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l’objet, JORF n°0062 du 13 mars
2012, p. 4497, texte n°3. Pour les commentaires, v. : D. DEMEYERE, « La loi du 12 mars 2012 relative aux mesures
conservatoires dans la sauvegarde et le redressement judiciaire », RLDA 2012, 4120, p. 26 ; P. M. LE CORRE,
« Pour quelques barils de plus chez la fille, et pour quelques dollars de moins chez la mère : la loi Petroplus du 12
mars », Rev. Sociétés 2012, p. 412 ; F. REILLE, « Des mesures conservatoires pour sauver le monde ou n’est pas
Robin des bois qui veut… », Dr et proc. 2012 ; Cah. dr. entr., n°1, p. 2 ; Ph. ROUSSEL GALLE, « La loi Petroplus,
quelques réflexions avec un peu de recul », Rev. proc. coll. 2012, étude 16 ; G. TEBOUL, « La nouvelle loi en
matière de mesures conservatoires dans les procédures collectives » : une loi de circonstance ou une sanction
préventive ? », LPA, 2 mars 2012, p. 5.
1665
La proposition de loi a été déposée le 23 févr. 2012 sur le bureau de l’AN, elle a été adoptée par celle-ci le 28
févr., transmise au Sénat et votée définitivement le 12 mars 2012, déclarée applicable aux procédures en cours à
la date de sa publication, c’est-à-dire le 13 mars 2012.
308
un article1666 selon les dispositions duquel, à la demande de l’administrateur judiciaire ou du
mandataire judiciaire, le président du tribunal saisi peut ordonner toute mesure conservatoire
utile à l’égard des biens du dirigeant de droit ou de fait à l’encontre duquel l’administrateur ou
le mandataire a introduit une action en responsabilité fondée sur une faute ayant contribué à la
cessation des paiements du débiteur 1667.
712. En tout état de cause, le président du tribunal intervient pour ordonner toute mesure
conservatoire utile. Par dérogation au code de procédure civile, il n’est pas nécessaire de
prouver que cette mesure est destinée à préserver une créance certaine en son principe dont le
recouvrement est menacé1668. Le pouvoir d’intervention du président est plus large qu’en droit
commun, d’autant que cette mesure conservatoire est susceptible de devenir une mesure
d’exécution. L’objectif de la loi est d’imposer au tiers (souvent société-mère) d’aider le débiteur
(souvent filiale) à faire face par exemple à ses engagements à l’égard des salariés 1669. Toutefois,
cet objectif est atteint par des moyens attentatoires à la propriété, puisque les tiers ne sont pas
encore condamnés à des dommages-intérêts ou ne sont pas sujets à une extension, ce qui était
critiquable. C’est pourquoi le décret d’application de la loi précitée a voulu encadrer la mesure
en exigeant que le montant des sommes garanties soit défini 1670. Outre l’accomplissement
d’actes conservatoires, le débiteur ou l’administrateur, selon le cas, peuvent mener certains
actes de gestion courante dans le but d’accroître la capacité de production de l’entreprise.
1666
Art. L.631-10-1, c. com.
1667
V. en ce sens : C. SAINT-ALARY-HOUIN, « Droit de la défaillance économique » Dr. et patr., chron. 2012.
1668
Art. L.511-1, c. proc. civ. d’exécution.
1669
P. MORVAN, « La loi Petroplus, les procédures collectives et…les salariés », JCP E 2013, 1047, p. 16.
1670
Art. L.621-12, al. 4, c. com.
1671
Art. L. 622-4, c. com.
1672
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 544.
1673
Art. L.622-3, al. 2, c. com.
309
tiendrait de l’activité habituelle de l’entreprise 1674. Sous couvert de ce pouvoir, l’administrateur
ou le débiteur pourront par exemple procéder au renouvellement des stocks ou au remplacement
des matériels usés.
714. La jurisprudence a été fluctuante sur la définition des actes de gestion courante. D’abord les
tribunaux exigeaient que ces actes, pour être valables, soient réellement des actions courantes
et conformes aux usages du commerce 1675 ou de la profession1676. Ensuite, ils ont considéré que
les actes de gestion courante devaient être banals, de portée limitée, et qui n’intéressent que le
court terme1677. Aujourd’hui, la jurisprudence a défini un nouveau critère qui semble pertinent.
Il tient à l’exploitation conforme aux usages de la profession1678. La doctrine majoritaire semble
adopter ce critère défini par la jurisprudence1679. Quoiqu’il en soit, ces actes de gestion aident
l’entreprise en difficulté à garder le cap de son redressement. Au-delà des utilités précédemment
évoquées, la période d’observation va permettre la continuation de l’exploitation.
1674
J. DRAY, « L’administration de l’entreprise pendant la période d’observation », legavox, 24 sept. 2012, article
consulté le 7 janv. 2017.
1675
Com. 23 juin 1981, D. 1982, IR p. 2, obs. F. DERRIDA.
1676
Com.12 févr. 1985, D. 1985, IR p. 223. obs. HONORAT.
1677
Paris, 4 oct. 1996, D. aff. 1996, n°1395 : Dans cet arrêt, la cour d’appel de Paris a par exemple considéré
qu’une action en justice, même pour recouvrer une créance, n’était pas un acte de gestion courante, du fait que le
montant était élevé.
1678
Com. 27 nov. 2001, D. 2002, n°04, AJ, p. 401, obs. A. LIENHARD.
1679
V. Ch. LEBEL, « Acte de gestion courante : appréciation et condition de validité », Rev. proc. coll., mars 2012,
n°2.
1680
Art. L.622-9, c. com.
1681
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017-2018, 9e éd., Dalloz Action, 2016, p. 852.
1682
Art. L. 631-12, c. com.
1683
Art. 52, AUPC.
310
à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d’administration, ainsi que les droits et
actions qui ne relèvent pas de la mission de l’administrateur 1684. Sous réserve des dispositions
des articles L.622-7 (certains actes importants) et L.622-13 (option sur les contrats en cours),
les actes de gestion courante qu’accomplit seul le débiteur sont réputés valables à l’égard des
débiteurs de bonne foi1685. Dans le redressement judiciaire OHADA, le débiteur n’a pas une
telle possibilité, car le législateur a utilisé des mots forts pour mettre l’accent sur le contrôle du
syndic1686.
716. Cependant, bien que l’activité doive se poursuivre pendant la période d’observation et que, en
conséquence, elle ne doit pas être perturbée pendant cette phase, les entreprises ne peuvent plus
soumissionner aux marchés publics, faute de pouvoir obtenir l’attestation de régularité fiscale
et sociale indispensable pour ce soumissionnent. Cette règle ne concerne pas toutes les
procédures collectives. Tel est le cas de la sauvegarde, faute de cessation des paiements. Elle
aurait vocation à jouer dans la procédure de conciliation si le débiteur est déclaré avoir
effectivement cessé ses paiements1687.
1684
Art. L.622-3, c. com.
1685
Art. L.622-3, al. 2, c. com.
1686
Selon les dispositions de l’art. 52 al. 1er, le débiteur doit être assisté par le syndic dans l’accomplissement de
tout acte de gestion, d’administration ou de disposition, sous peine d’inopposabilité de ces actes.
1687
G. TEBOUL, « L’entreprise en difficulté et les marchés publics », Gaz. pal. 18-19 juill. 2008, p. 2.
1688
Art. 107, AUPC.
311
718. Le droit français 1689 confère à l’administrateur ou, à défaut, au débiteur autorisé par le juge-
commissaire, un droit d’option sur la continuation des contrats en cours. La continuité
d’exploitation de l’entreprise s’accompagne, en plus du non dessaisissement du débiteur, de la
poursuite des contrats en cours (A) et d’un traitement spécial réservé aux créances engendrées
par la continuation des activités (B).
720. Par exemple, en matière de vente, le contrat est en cours si l’obligation de délivrance n’est pas
encore totalement exécutée à la date du jugement d’ouverture. Les juges en déduisent que le
contrat assorti d’une clause de réserve de propriété n’est pas un contrat en cours au sens de
1689
Art. L.622-13, c. com.
1690
Com. 8 déc. 1987, n°87-11. 501, Bull. civ. IV, n° 266 ; D. 1988. 52, note Derrida ; JCP 1998. II. 20927, note
M. JEANTIN ; Banque 1988. 96, obs. J.-L. RIVES-LANGES.
1691
L. n°67-563 du 13 juill. 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les
banqueroutes, JORF du 14 juillet 1967, p. 7059.
1692
Cette cause peut être : terme extinctif, clause résolutoire, résiliation, résolution, nullité.
1693
« S’il y a déconfiture, faillite personnelle, liquidation de biens ou redressement judiciaire, atteignant l’un des
associés, à moins que les autres unanimes ne décident de dissoudre la société par anticipation ou que cette
dissolution ne soit prévue par les statuts, il est procédé dans les conditions énoncées à l’article 1843-4, au
remboursement des droits sociaux de l’intéressé, lequel perdra alors la qualité d’associé ».
1694
Com. 10 juill. 2007, Gaz. pro. coll. 2007/4, p. 38, obs. F. REILLE.
312
l’article L.622-13 du code de commerce1695. Ils considèrent que la vente à terme est un contrat
en cours dès lors que le prix n’ayant pas été intégralement réglé à la date d’ouverture de la
procédure, le transfert de propriété ne s’est pas opéré1696. Certains auteurs ont parlé dans le
même sens1697 et la logique1698 serait que la vente en l’état futur d’achèvement soit un contrat
en cours, dès lors que l’achèvement n’a pas eu lieu au jour du jugement d’ouverture. Il faut que
ce soit un contrat de vente et non un contrat d’entreprise, lequel est un contrat en cours si
subsistent des obligations de fabrication 1699. De même, dans le cadre d’une convention
d’ouverture de crédit, par laquelle un établissement de crédit accorde à une entreprise un
découvert en compte-courant, si à l’ouverture de la procédure cette autorisation n’est pas
entièrement utilisée, le débiteur autorisé avec l’accord du juge commissaire ou de
l’administrateur s’il en a été désigné un, peut obtenir un nouveau crédit jusqu’au maximum
autorisé. Les contrats administratifs obéissent au régime général de continuation des contrats
en cours1700.
721. Toutefois, il a été jugé que le chef d’entreprise, en redressement judiciaire, dont le plan n’est
pas encore arrêté, ne peut répondre à un appel d’offre de marchés publics, dans la mesure où il
ne peut justifier de sa capacité à poursuivre son activité pendant la durée d’exécution prévisible
du contrat1701. En outre, il a été jugé1702 que l’entreprise qui soumissionne aux marchés publics
doit, si sa candidature est postérieure à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire,
en informer immédiatement l’autorité adjudicataire, ce qui laisse penser que la sanction peut
être l’irrecevabilité de l’offre 1703. S’agissant des contrats de prêt, lorsqu’ils ont été consentis
avant l’ouverture de la procédure collective, ils ne remplissent plus la condition de « contrat en
cours et en cours d’exécution ». La solution a été clairement posée par la Cour de cassation à
1695
Com. 5 mai 2004, n°01.17-201, Rev. proc. coll. 2004, n°5, p. 225, obs. Ph. ROUSSEL GALLE ; RTD civ. 2004,
p. 760, obs. P. CROCQ.
1696
Com. 1re févr. 2000, n°97-15.263, Rev. proc. coll. 2000, n°2, p. 182, obs. F. MACORIG VENNIER.
1697
J. VALLANSAN, « Continuation des contrats en cours », J-CL. com. fasc. 2335, 2007, n°15.
1698
Com. 31 janv. 2012, n°10-28. 408, NP, Gaz. pal. 1er mars 2013, p. 41, note V. ZALEWSKI.
1699
Reims, ch.1re, 14 févr. 2001, Rev. proc. coll. 2002, p. 190, n°3, obs. Ph. ROUSSEL GALLE.
1700
Com. 16 juin 2004, n°01-13.781, NP, Rev. proc. coll. 2004, p. 224, n°4, obs. Ph. ROUSSEL GALLE ; Rev. proc.
coll. 2005/2, p. 128, n°6, obs. S. GORRIAS. Rép. min., n°18705, JO sénat Q 12 avr. 2012. V. J.-J. GOVERNATORI,
« Le droit administratif à l’épreuve des procédures collectives », Gaz. proc. coll. 2009/4, 1re partie, n°303, 304, p.
9 s. sp. 13.
1701
Versailles, 3e ch., 5 févr. 2009, req. n°07VE02058, Rev. proc. coll. 2009/6, 158, p. 37, note Ch. LEBEL.
1702
CE 26 mars 2014, req. n°374387, Lebon, Act. proc. coll. 2014/9, comm.165, note F. REILLE.
1703
Note F. REILLE sous CE 26 mars 2014, req. n°374387, Lebon, Act. proc. coll. 2014/9, comm.165.
313
propos d’un prêteur professionnel de crédits1704. Elle a également jugé que le contrat de prêt
qui prévoit un paiement échelonné des fonds n’est pas un contrat en cours au sens du code de
commerce1705 ; les juges du fond ont suivi la solution 1706. En revanche, selon une doctrine, il
peut être estimé que si le prêt est consenti par une personne qui n’est pas un établissement de
crédit, le contrat de prêt, qui demeure un contrat réel, est en cours en l’absence de déblocage
des fonds au jour du jugement d’ouverture et, par conséquent, fait naître une créance de
remboursement postérieurement au jugement d’ouverture 1707.
722. L’administrateur judiciaire est titulaire de la faculté, qui est d’ordre public, d’opter ou non pour
la continuation d’un contrat en cours1708. Nonobstant toute disposition légale ou toute clause
contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul
fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. Toute clause ayant un tel effet est réputée
non écrite1709. C’est une mission propre quelle que soit sa mission. La volonté du débiteur n’a
aucun effet même si le contraire a été soutenu 1710. En l’absence de l’administrateur, la
prérogative revient au débiteur après autorisation du juge commissaire 1711, mais uniquement
pour la continuation des contrats. Sans cette autorisation, l’exercice de l’option par le débiteur
était réputé inopérant1712 sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985 1713. Depuis la loi de
sauvegarde1714, qui s’est appliquée à restituer au débiteur la mainmise sur les opérations, il n’a
plus besoin de l’accord du juge commissaire. Cependant, il doit avoir recueilli l’avis conforme
du mandataire judiciaire1715. Si ce dernier ne réagit pas à son courrier, il a la faculté de saisir à
1704
Com. 9 févr. 2016, n°14-23.219, Bull. civ. IV ; D. 2016, actu. 423, note A. LIENHARD ; Gaz. pal. 12 avr. 2016,
n°14, p. 72, note E. LE CORRE-BROLI et n°23, p. 33, note M.-P. DUMONT-LEFRAND ; BJE 2016. 175, note F.
REILLE.
1705
Com. 16 juin 2004, 01-17. 30, NP.
1706
Versailles, 12e ch. 2e sect. 23 mai 2006, JCP E 2006. 2561, p. 1841.
1707
P. M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017-2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 894.
1708
Art. L.621-28, c. com.
1709
Art. L. 622-13, I, al. 1re, c. com., Com. 19 mai 2015, n°14-10.366, Rev. dr. rural, déc., 2015, n°438, note Ch.
LEBEL.
1710
F. PEROCHON et R. BONHOMME, Entreprise en difficulté, 7e éd., LGDJ, 2013, n°309 ; Versailles, 28 nov. 1996,
D. 1997. 508. note F. PÉROCHON.
1711
Art. L. 621-137, al.2, c. com., Com. 20 janv. 1998, n°95-18.804, NP ; Rev. proc. coll. 1998; 281, n°15, obs. J.
MESTRE ET A. LAUDE.
1712
Com. 6 mai 1997, n°95-10.933, Bull. civ. IV, n°125.
1713
L. n°85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, JORF du 26
janv. 1985, p. 1097.
1714
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
1715
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n°720.
314
cet effet, par requête, le juge commissaire à l’expiration d’un délai de quinze jours faisant suite
à la mise en demeure 1716. Pour la non-continuation des contrats, le chef d’entreprise n’a pas
besoin de l’accord du mandataire judiciaire comme sous l’empire du droit antérieur 1717.
L’opinion contraire a toutefois été relevée 1718 et semble même soutenue par les juges du fond
1719. Seul tempérament au mécanisme de l’option, la jurisprudence accepte, pour ce qui
concerne une clause résolutoire, que la résolution soit acquise avant l’ouverture de la procédure,
c’est-à-dire que la décision prononcée passe en force de chose jugée. Toutefois, la résolution
prononcée avant l’ouverture de la procédure, mais frappée d’un appel en cours à l’ouverture de
la procédure ne peut permettre au contrat visé d’échapper au mécanisme de l’option.
723. Enfin, ce ne sont pas tous les contrats qui sont soumis au régime. Le code de commerce français,
tout comme l’Acte uniforme des procédures collectives OHADA, excluent expressément deux
types de contrats du régime des contrats en cours. Il s’agit des contrats de travail et de fiducie.
Le contrat de travail échappe au domaine d’application de l’article L.622-13 du code de
commerce. En période d’observation, le principe est que les contrats de travail se poursuivent
de plein droit1720. Selon certains auteurs, « la sauvegarde des capacités de production ainsi que
des considérations sociales justifient la solution ».1721 Le contrat simplement suspendu est en
cours. C’est le cas lorsqu’un salarié devient mandataire social 1722. L’article L.622-12 du code
de commerce indique qu’elles ne concernent pas non plus le contrat de fiducie. Sous réserves
des dispositions spéciales, les contrats de bail relèvent du régime des contrats en cours 1723. Les
créances engendrées par la continuation de l’activité de l’entreprise en difficulté pendant la
période d’observation bénéficient d’un traitement préférentiel par rapport aux autres créances.
Un créancier qui a apporté un concours financier ou fourni un service ou un bien dans le cadre
de la conciliation qui a précédé une procédure passerelle pourra bénéficier du privilège de la
conciliation.
1716
Art. R. 627-1, al. 3, c. com.
1717
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2014, n°610.
1718
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n°740.
1719
Montpellier, 2e ch. 15 sept. 2015, RG n°13/05478.
1720
Art. L. 1224-1, c. com.
1721
D. VIDAL et G. C. GIORGINI, Cours de droit des entreprises en difficulté 1re éd., Lextenso éditions, 2015-2016,
p. 203.
1722
Soc. 9 nov. 2004, n°02-43-063, NP, Rev. proc. coll. 2005/1, p. 47, n°7, obs. F. TAQUET ; Soc. 25 oct. 2006,
n°04-47.93, NP, Rev. proc. coll. 2007/1, p. 54, obs. F. TAQUET.
1723
V. pour approfondir : F. KENDERIAN, Le sort du bail commercial dans les procédures collectives. 4e éd.,
LexisNexis, 2015.
315
B. Le traitement préférentiel des créances nées de la continuation de l’activité
724. Une entreprise placée en sauvegarde est par nature une entreprise qui doit obligatoirement et
normalement fonctionner. A ce stade, un redressement négocié devra passer non seulement par
un réaménagement des dettes antérieures, mais aussi par l'apport des fonds nouveaux 1724. Pour
ce faire, les contrats en cours d’existence ou d’exécution continuent 1725. En plus de ces contrats
en cours, la conclusion de nouveaux contrats et l’obtention de nouveaux prêts seront de nature
à faciliter le fonctionnement et le redressement de l’entreprise. Cependant son statut
d’entreprise en difficulté, engagée dans une procédure judiciaire de restructuration, n’est pas, à
première vue, d’une nature incitative. C’est pourquoi il faut accorder un statut favorable aux
nouveaux cocontractants. Celui qui a accepté de prendre des risques, dans l’intérêt commun,
métrite d’être payé avant les autres1726. La faveur qui leur est ainsi accordée s’exprime selon
des mécanismes orignaux qui font exception à l’unité patrimoniale du débiteur.
725. En droit OHADA, le législateur de 2015 a prévu le privilège de l’argent frais aussi bien dans la
conciliation1727 que dans le règlement préventif 1728 et le redressement judiciaire1729. Il faut
rappeler que sous l’empire de l’AUPC de 1998, un tel privilège n’était reconnu qu’en
redressement judiciaire1730. C’est une innovation inspirée du droit français où ce privilège
n’existe que dans la procédure de conciliation.
726. Le bénéfice de ce privilège est assorti de deux conditions en droit OHADA. D’abord la créance
doit être née d’un nouvel apport de trésorerie, ou de la fourniture de biens ou de services dans
le but d’assurer la poursuite de l’activité. Les créances antérieures à l’ouverture de la procédure
judiciaire ou à celle de la procédure de conciliation sont exclues. De plus, ces créances doivent
être mentionnées dans l’accord/concordat homologué, ce qui signifie que les créanciers
titulaires de ce privilège doivent prendre part aux négociations dans le but d’être inclus dans
l’accord/concordat qui sera homologué.
1724
P.-M. Le Corre, « Le privilège de la conciliation », Gaz. pal. sept. oct. 2005, p. 2966.
1725
Art. L. 622-13, C. com., C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse
de doctorat, LGDJ, 2018, p. 102.
1726
Y. GUYON, Droit des affaires, 9e éd., économica, t. 2, 2003, n°1245.
1727
Art. 5-11, AUPC.
1728
Art. 11-1, AUPC.
1729
Art. 33-1, AUPC.
1730
Art. 117, AUPC 1998 ; pour en savoir davantage, v. S.T.S. KARFO, Le paiement des créanciers, la sauvegarde
de l’entreprise : étude comparative des législations OHADA et française de sauvegarde judicaire des entreprises
en difficulté, thèse de doctorat, Université de Toulouse 1- Capitole, 2014, p. 209 et s.
316
727. L’adoption du privilège de l’argent frais dans le droit OHADA dénote la volonté affichée par
le législateur de 2015 de prioriser le redressement de l’entreprise. Il a souhaité encourager les
créanciers à soutenir le débiteur diligent dans la résolution de ses difficultés 1731. Contrairement
en droit français, les créanciers titulaires du privilège de la conciliation ne bénéficient du
traitement préférentiel lié à ce privilège qu’en cas d’ouverture d’une procédure de liquidation
des biens de façon exclusive1732 ; c’est-à-dire qu’ils ne pourront en bénéficier lorsque la
procédure de conciliation du débiteur est convertie en règlement préventif, ou en redressement
judiciaire par suite de la survenance d’un état de cessation des paiements. Cette mesure
législative conduit à s’interroger sur le sort de ces créanciers dans l’hypothèse de l’absence
d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire subséquente. Ces créanciers perdent-ils
le privilège ? Cette mesure est-elle de nature à décourager ou appâter des partenaires au cours
de la période d’observation ? Enfin, encourage-t-elle le recours au règlement préventif auprès
des chefs d’entreprise ?
728. Le législateur n’a pas été explicite sur le sort des créances assorties du privilège de la
conciliation dans le cas où une procédure de liquidation judiciaire n’était pas ouverte
subséquemment. Logiquement, si une telle situation se présentait, parce que le projet de
concordat préventif a été jugé par la juridiction compétente à même de redresser l’entreprise,
ou parce que les termes du concordat homologué sont respectés par le débiteur, les créanciers,
ayant apporté de l’argent frais ou fait une fourniture de nouveaux biens ou de services, devraient
être payés à l’échéance1733. Toute créance née régulièrement après le jugement d’ouverture reste
normalement exigible à son échéance 1734 ; c’est une reconnaissance de faveur indispensable
dans la mesure où sans les nouveaux contrats, le financement des opérations de restructuration
est impossible1735. Un tel paiement à l’échéance est une cause de disparition du privilège.
Autrement dit, le privilège de la conciliation, qui aurait opéré si une liquidation des biens avait
subséquemment été ouverte, tombe en désuétude. La solution est implicitement posée dans la
formule de l’article 11-1 selon laquelle le privilège de la conciliation opère en cas « d’ouverture
d’une procédure de liquidation des biens {…} ». En d’autres termes, point de liquidation des
1731
I. SILIENOU, R. ASSONTSA, « L’introduction du privilège de « new money » en droit OHADA des procédures
collectives », Penant, 2017, n°900, p. 279 et s.
1732
Art.11-1, AUPC.
1733
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ,
2018, p. 102.
1734
B. MARTOR et Alii, Le droit uniforme africain des affaires issu de l’OHADA, éd., Litec, 2004, p. 182.
1735
R. AKONO ADAM, « Les clairs obscurs du régime de faveur des créances postérieures en droit OHADA des
procédures collectives : réflexion à la lumière du droit français des entreprises en difficulté », Penant, 2015, p. 74.
317
biens, point de privilège de la conciliation. Elle est également donnée par le dernier alinéa de
l’article 15 selon lequel « si la juridiction compétente estime que la situation du débiteur ne
relève d’aucune procédure collective ou si elle rejette le concordat préventif proposé par le
débiteur, le règlement préventif prend fin sans délai. Cette décision remet les parties en l’état
antérieur ». Là aussi, en considérant que la situation du débiteur ne relève d’aucune procédure
collective, les parties restent alors sur le terrain de droit commun, ce qui signifie que les contrats
conclus doivent être exécutés dans le respect des termes convenus 1736et des causes légitimes de
préférence de droit commun.
729. Par ailleurs, le fait de cantonner l’opérationnalité du privilège de conciliation, dans la seule
procédure de liquidation des biens, a suscité des interrogations au sein de la doctrine africaine
quant à son efficacité1737. A cet égard, un auteur pense, dans un pessimisme à peine voilé, que
le législateur a pris un risque important dont il aurait pu faire l’économie 1738. Il faut dire que la
mesure peut être de nature à décourager des partenaires à venir en aide au débiteur pendant la
période d’observation. Leur statut de créancier ordinaire ne se transformera point, comme
expliqué précédemment, en statut privilégié, s’il n’y a pas de liquidation des biens subséquente.
Or, s’ils prennent le risque de collaborer avec le débiteur en dépit d’une situation fragile de ce
dernier, c’est parce qu’ils s’attendent à un traitement préférentiel. Interprété dans ce sens, le
texte en cause peut faire hésiter certains partenaires à s’associer au redressement de l’entreprise.
La situation est semblable à celle des créanciers qui bénéficiaient du privilège de la conciliation
dans l’ancien règlement amiable français ; ces derniers n’étaient pas récompensés de leur prise
de risque. En effet, ils étaient assimilés aux créanciers antérieurs en cas d’échec de l’accord ou
d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire voire de liquidation judiciaire. Ce qui,
selon un auteur, compromettait gravement le redressement des entreprises, dans la mesure où
elles ne bénéficiaient pas de nouveaux crédits 1739.
730. Toutefois, à l’égard du débiteur, la disposition législative ne devrait pas constituer un facteur
dissuasif pour recourir au règlement préventif. Il en est ainsi parce que l’objectif premier pour
un débiteur, en se mettant sous la protection du tribunal, via cette procédure de règlement
1736
Art. 1103, c. civ.
1737
« Ce privilège suffira-t-il à convaincre les créanciers de s’investir davantage dans le règlement préventif ? Il
reste à espérer que oui, malgré les limites de son domaine d’exercice » : C. NDONGO, La prévention des difficultés
des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ, 2018, p. 110.
1738
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ,
2018, p. 110.
1739
Y. GUYON, Droit des affaires, 9e éd., Economica, t. 2, 2003, n°1246.
318
préventif, est de cantonner son passif et de protéger son actif, dans le but de trouver une solution
à ses difficultés. Les éventuels apports en trésorerie, ou fournitures de biens ou de services, sont
certes un motif d’encouragement, mais ils n’expliquent pas pour autant la raison primaire de la
demande d’ouverture de la procédure par le chef d’entreprise. Le privilège de new money, qui
s’applique à ces nouveaux apports, n’impacte pas le processus de sauvegarde de l’entreprise,
même si la trop grande publicité - elle expose les difficultés de l’entreprise, ce qui ne protège
pas son crédit - attachée à la procédure de règlement préventif en général, et au privilège ici en
question en particulier, a été regrettée 1740 . Contrairement à l’idée d’une doctrine française 1741,
selon laquelle la publicité attachée au privilège d’argent frais fait redouter la procédure de
conciliation, la procédure de règlement préventif a toujours été entourée de cette publicité du
temps même où le privilège de la conciliation n’était pas encore instauré 1742.
731. Quoiqu’il en soit, si une procédure de liquidation des biens venait à être ouverte,
subséquemment à l’homologation du concordat préventif, les créanciers titulaires du privilège
de new money sont prioritairement payés devant tout autre créancier 1743. Cela dénote une
certaine importance accordée par le législateur à ce privilège. L’ordre des paiements établi par
le législateur OHADA diffère de celui établi par son homologue français.
732. En droit français, la jurisprudence, antérieure à la loi du 25 janvier 1985 1744, distinguait les
créanciers dits « de la masse » qui bénéficiaient d’une préférence par rapport aux créanciers
antérieurs dits « dans la masse ». Excepté ce mécanisme de la masse, abandonné en 1985, les
textes de 1985, 1994, 2005, 2010 et de 2014, ont repris la même logique, formalisée désormais
à l’article L. 622-17 du code de commerce. L’ancien article 40, de la loi du 25 janvier 1985
précitée, ne parlait pas d’un droit de préférence, mais plutôt de priorité, mais il était difficile de
dissocier le « droit de priorité » de celui de « préférence » en ce que le caractère prioritaire du
1740
A. TOH, La prévention des difficultés des entreprises : étude comparée de droit français et droit OHADA,
thèse de doctorat, Université de Bordeaux, 2015, p. 299.
1741
L.-C. Henry, « La notion de privilège de procédure dans la loi de sauvegarde », Rev. proc. coll. 2008, n°2, p.
24.
1742
Le privilège de conciliation n’avait pas été adopté par le législateur de 1998 dans la procédure de règlement
préventif car, a-t-il estimé, les créances postérieures étaient à payer à l’échéance, et puis de toutes les manières, il
n’y avait pas de masse des créanciers : v. H. S. SALEY SIDIBE, Le sort des créances postérieures en droit français
et droit de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des Affaires (OHADA), thèse de doctorat,
Université de Nice, 2013, p. 17 ; art. 9, AUPC 1998.
1743
V. l’ordre de paiement des créances prévu aux Art. 166 et 167, AUPC.
1744
L. n°85-98, 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, JORF du 26
janv. p. 1097.
319
traitement à l’époque tenait à celui postérieur de la créance. Pour cette raison, et en
considération des dispositions de l’ancien article 2095 du code civil (actuel art. 2324), il peut
être observé qu’il s’agissait là d’un véritable privilège 1745. L’argument a été partagé par de
nombreux auteurs qui ont évoqué de solides arguments1746. La Cour de cassation est venue
poser la solution contraire, en énonçant que « la priorité de paiement instituée par l’article 40
de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction applicable à la cause qui ne dépend pas de la
qualité de la créance ne constitue pas un privilège au sens de l’article 2095 du code civil ».1747
733. La loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 1748 a changé la solution, issue de la législation antérieure,
en ce qui concerne la nature du droit de priorité conféré aux créanciers postérieurs. Le code de
commerce dispose clairement que le droit préférentiel accordé aux créanciers postérieurs est un
privilège1749. Ce droit de préférence a été considéré comme un privilège de procédure, au même
titre que le privilège de la conciliation1750. Par ce changement, le législateur a montré qu’il se
préoccupe véritablement de la qualité de la créance et non plus seulement de sa date de
naissance pour décider d’attribuer ou non le droit de préférence1751. La portée du changement
opéré est importante, mais, à première vue, une contradiction pouvait être relevée sur le sujet
dans le rapport de la commission des lois de l’assemblée nationale. En effet, il est dit que
lorsqu’il s’agit du privilège des créances postérieures, ce dernier ne disparaît pas dans la
procédure subséquente ouverte par suite de la résolution du plan1752 ; mais que s’il est question
de la résolution du plan de sauvegarde, il y aura une dégénérescence de la créance postérieure
de la première procédure en une créance antérieure soumise comme telle à déclaration au
passif1753. Pourtant les travaux parlementaires sont univoques : « il serait désormais possible
au créancier titulaire d’un privilège visé par la présente disposition de s’en prévaloir dans le
cadre d’une autre procédure que celle au cours de laquelle il l’a acquis ».1754
1745
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Le droit des entreprises en difficulté, 4e éd., Montchrestien, 2001, n°598.
1746
Ph. PETEL, « Les créanciers postérieurs », Rev. proc. coll. 2006/2, n°4, p. 142.
1747
Com. 5 févr. 2002, n°98-18.018, Bull. civ. IV, n°27.
1748
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
1749
Art. L.621-17, II, c. com.
1750
L.-C. HENRY, « La notion de privilège de procédure dans la loi de sauvegarde », Rev. proc. coll. 2008, n°3, p.
20, s., sp. p. 22.
1751
D. VOINOT, « La nouvelle procédure de sauvegarde », Gaz. pal. 7-8 sept. 2005, n°sp. 40, p. 34,
1752
Rappr. XAVIS DE ROUX, n°2095, p. 219.
1753
Rappr. XAVIER DE ROUX, n°2095, p. 315.
1754
Rappr. HYEST, n°335, p. 205.
320
734. Il n’y a donc pas de contraction en réalité, mais, des difficultés, il peut y en avoir en cas de
conflit entre créanciers postérieurs de la première procédure et ceux de la seconde. Face à cette
difficulté, qui pourrait se poser, d’aucuns ont pensé qu’il serait équitable que ces deux
catégories de créanciers entrent en concurrence et soient payées, au sein de chacun des rangs
institués, au marc-le-franc1755. Le raisonnement contraire a cependant été émis par un auteur
dans un premier temps 1756, avant de se rétracter 1757. Il s’est aligné sur le raisonnement d’un
autre auteur qui semble cohérent : « observons que deux objections méritent d’être formulées
car, d’une part, le législateur n’a pas explicitement prévu de distinction entre les deux
catégories de créanciers privilégiés, selon qu’ils sont de la première ou de la seconde
procédure. D’autre part, s’il fallait distinguer, le rang des créanciers postérieurs de la
première procédure ne serait pas précisé par les textes, ce qui interdirait alors leur
classement »1758. Selon la lettre du texte1759 : « les créances nées régulièrement après le
jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période
d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, pour son activité
professionnelle, pendant cette période, sont payées à leur échéance ». Ainsi, la date du jugement
d’ouverture fait penser que ne sont concernées, par ces dispositions, que les créances nées de
la procédure en cours. Le II du même texte indique toutefois que le privilège est reconnu à ces
créances et cela établit un lien symétrique entre le domaine du paiement à l’échéance et celui
du privilège. Cependant comme le privilège ne peut disparaître du fait de la résolution ou de la
clôture d’un plan de redressement ou de sauvegarde, il faut bien admettre alors le maintien du
privilège dans la procédure subséquente1760. Quelle solution alors ? Un auteur en propose une
qui peut être suivie : il n’y a pas d’obstacle à déconnecter la règle du paiement à l’échéance de
1755
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n°811 ; A. LIENHARD, Procédures Collectives
2015/2016, 6e éd., Delmas, 2014, n°76-67 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd.,
LGDJ-Lextenso éditions, 2014, n°657 ; Trib. com. Grasse, 20 avr. 2015, CGA/ Selarl Gauthier-Sohm, ès qaul.
liquidateur SA Temex.
1756
F. PEROCHON, « Les créanciers postérieurs et la réforme du 26 juillet 2005 », Gaz. proc. coll. 2005, n° sp. 7-8
sept. 2005, p. 57s, sp. p. 67, n°55.
1757
F. PEROCHON et R. Bonhomme, Entreprise en difficulté, 7e éd., LGDJ, 2013, n°388.
1758
P. M. LE CORRE, « Premiers regards sur la loi de sauvegarde des entreprises », D. 2005, chron. 2299 s., n°46,
sp. p. 2313.
1759
Art. L.622-17, I, c. com.
1760
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017-2018, 9e éd., Dalloz Action, 2016, p. 1091.
321
la règle du paiement par privilège 1761. Pour que les créanciers bénéficient d’un traitement
préférentiel, il faut que certaines conditions soient remplies.
735. Il faut que les créances soient régulièrement nées, d’une part, après le jugement d’ouverture et,
d’autre part, qu’elles relèvent d’une des causes requises. En d’autres termes, ne sont concernées
que les créances postérieures à l’ouverture de la procédure. La référence est faite au fait
générateur de la créance pour le cas où la date d’exigibilité serait différente. Dès lors, une
créance née antérieurement au jugement d’ouverture, mais exigible après le jugement
d’ouverture est une créance fondamentalement externe au domaine de l’article L.622-17 du
code de commerce. La solution a été appliquée en 2012 par la Cour de cassation en matière de
contrat d’émission de titres 1762. Toute créance qui résulte d’une action d’un auteur non habilité
et qui ne s’inscrit pas dans le strict besoin du déroulement de la procédure est irrégulière. Il est
important que la créance soit nécessaire à la poursuite de l’activité comme cela a toujours été
réitéré par les tribunaux1763. Toutefois, une créance née hors limite de la période d’observation
devrait être régulière dans la mesure où elle s’inscrit dans le processus de restructuration de
l’entreprise et la jurisprudence ne la sanctionne pas. La date de naissance et l’origine de la
créance sont équivalentes. Il a été ainsi jugé que l’origine et la naissance d’une créance de
remboursement d’un prêt immobilier dont l’offre a été acceptée se situent à la même date 1764.
Les créances résultant aussi des contrats antérieurs dont l’exécution se situe postérieurement au
jugement d’ouverture devraient faire partie du domaine des créances privilégiées. Toutefois,
les indemnités et pénalités dues en cas de résiliation d’un contrat d’abord continué en sont
exclues, pour ne pas alourdir ce nouveau passif et pour ne pas décourager l’administrateur à
opter dans un premier temps pour la continuation1765. En revanche, en matière de bail, la créance
1761
L.-C. Henry, « La notion de privilège de procédure dans la loi de sauvegarde », Rev. proc. coll. 2008, p. 20 s.,
n°32, sp. p. 30.
1762
Com. 21 févr. 2012, n°11-11.693, BJE, n°2, p. 78, note R. DAMANN ET G. PODER ; JCP E 2012, p. 1228, note
T. BONNEAU ; Rev. proc. coll. 2012, n°3, p. 43, note J. FRAIMOUT.
1763
Com. 15 oct. 2013, n°12-23.830 (créance dépens), D. 2013, p. 2461 ; Rev. Sociétés 2013, p. 728, obs. Ph.
ROUSSEL GALLE ; Gaz. pal. éd. spéc. 12-14 janv. 2014, n°12-14, p. 23, note D. BOUSTANI ; Grenoble, ch. com.,
31 mai 2012, n°11/02571 (créance afférente aux opérations de dépollution d’un site), RTD com. 2013, n°1, p. 140,
note A. MARTIN-SERF ; D. 2012, pan. p. 2196, note X. LUCAS et P.-M. LE CORRE ; Gaz. pal. 8 avr. 2012, n°286-
287, p. 24, note L.-C. HENRY.
1764
Com. 23 avr. 2013, n°12-14.906, RJC 2014, n°1, p. 60, note J.-P. SORTAIS ; RTD com. 2013, n°3, p. 588, note
A. MARTIN-SERF ; BJE 2013, n°4, p. 640, note S. BENILSI ; Gaz. pal. éd. spéc. 12-13 juill. 2013, n°193-194, p. 16,
note L.-C. HENRY.
1765
Com. 15 oct. 2002, n°00-10.898, Rev. proc. coll. 2003, n°1, p. 20, obs. Ph. ROUSSEL GALLE ; RTD com., 2003,
n°1, p. 166, obs. A. MARTIN-SERF.
322
de restitution de dépôt de garantie versée antérieurement au jugement d’ouverture devrait être
une créance antérieure, car son fait générateur est le contrat lui-même et non sa fin. Quant aux
créances résultant de responsabilité délictuelle, le fait générateur est la faute ou le fait
dommageable1766.
736. Les titulaires de ces créances postérieures au jugement d’ouverture, et éligibles au traitement
préférentiel, sont soumis, en principe, au paiement à l’échéance. A défaut, ils bénéficient d’un
privilège par rapport à toutes les autres créances excepté 1767 les créances salariales, les frais de
justices et le privilège de la conciliation. Ces créances sont payables à vue, sans terme ni délai,
et les titulaires ont le droit d’en exiger le paiement, d’exercer des poursuites, y compris en
référé-provision, prendre des mesures conservatoires, obtenir un titre exécutoire et diligenter
des voies d’exécution. De telles créances échappent à la discipline collective et, pour elles, le
paiement redevient le prix de la course. Il peut arriver que ces créanciers ne soient pas payés à
l’échéance. Se pose alors la question de savoir comment répartir les fonds ultérieurement ?
737. Selon le code de commerce1768, les créanciers postérieurs sont payés par priorité à toutes les
créances antérieures même assorties de privilèges ou de sûretés. Les créanciers chirographaires
postérieurs seront payés avant les créanciers hypothécaires antérieurs et avant le Trésor public
ou la Sécurité sociale dont les titres sont antérieurs au jugement d’ouverture. Plus concrètement
l’ordre de paiement est le suivant : 1-les créances salariales, 2-les frais de justice, 3-les créances
assorties du privilège de la conciliation, 4-les créances antérieures garanties par des sûretés
immobilières ou mobilières assorties d’un droit de rétention ou d’un nantissement d’outillage
ou du matériel d’équipement, 5-les créances postérieures éligibles au traitement préférentiel ;
entre les créances postérieures privilégiées, un classement interne existe : les sommes dues au
titre des salaires issues de la période d’observation, les prêts consentis ainsi que les créances
résultant de l’exécution des contrats poursuivis dans le sens de l’article L.622-13 du code de
commerce et dont le co-contractant accepte un paiement différé ; enfin, les autres créances
chirographaires selon leur rang en fonction des causes de préférence de droit commun1769. Pour
garder leur traitement préférentiel, les créanciers titulaires de ces créances postérieures doivent
porter ces créances à la connaissance de l’administrateur judiciaire, du commissaire à
1766
Com. 16 mars 2010, n°09-93.937, Gaz. Pal. éd. spéc. 2 juill. 2010, n°183-184, p. 23, note L.-C. HENRY.
1767
Art. L.622-17, II, c. com.
1768
Art. L.622-17, II, c. com.
1769
F. PEROCHON, R. BONHOMME, Entreprise en difficulté, instrument de crédit et de paiement, 8e éd., LGDJ,
2009, n°322-3.
323
l’exécution du plan ou du liquidateur, dans le délai d’un an, à compter de la fin de la période
d’observation.
738. Le traitement préférentiel accordé aux créances postérieures suscite cependant des
interrogations au sein de la doctrine. Nombreuses sont des créances qui, bien qu’elles soient
postérieures au jugement d’ouverture, ne sont pas privilégiées. C’est le nouveau domaine de
protection de la période d’observation, lequel concerne également l’irresponsabilité des
créanciers dispensateurs de crédit.
740. Le code de commerce énumère les critères de sélection des créances postérieures privilégiées :
les créances nées pour les besoins de la période d’observation, pour le déroulement de la
procédure, pour les besoins de la vie courante du débiteur personne physique, et les créances
1770
Art. L.622-32, al. 32, L.25 janv. 1985 : art. 40.
1771
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, texte n°5 ;
ord., n°2008-345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19 déc.
2008, p. 19462, texte n°29 et ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés
des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
1772
F. PEROCHON, R. BOHOMME, Entreprise en difficulté. Instrument de crédit et de paiement, 8e éd., LGDJ, 2009,
n°. 247.
1773
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd. 2016, chap. 454.
1774
F. PEROCHON, R. BOHOMME, Entreprise en difficulté. Instrument de crédit et de paiement, 8e éd., LGDJ, 2009,
n°. 241.
324
qui sont la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur1775. Toute créance ne rentrant pas
dans l’un des cas énumérés n’est pas éligible au traitement préférentiel. Les dispositions de
l’article L.622-17 du code de commerce sont insuffisantes à rendre compte de toute la
question1776. Cela instaure une réelle difficulté de différenciation, même si les textes prévoient
des exceptions à la règle. De ce fait, il faut explorer les décisions jurisprudentielles pour en
définir davantage les contours.
741. La démarche paraît importante tant le régime des créances postérieures a connu une véritable
fluctuation législative et fait l’objet de beaucoup de commentaires au sein de la doctrine 1777.
Elle est surtout intéressante quant à la finalité 1778 que le législateur a entendu conférer à la
mesure, laquelle semble discutable. Le domaine nouveau de protection de la période
d’observation concerne également le crédit accordé au débiteur en difficulté. L’indispensable
partenaire qu’est l’établissement de crédit, a vu sa responsabilité soumise à un régime
spécifique sous l’empire de la loi de sauvegarde de 20051779. Autrefois créancier privilégié, la
situation du banquier s’est dégradée au fil du temps. Il fait face à un dilemme. S’il accroît par
imprudence le financement de l’entreprise dont la situation est sans issue, il se voit reprocher
l’octroi d’un crédit ruineux 1780. Si aussi par méfiance il rompt son concours à l’entreprise dont
1775
Art. L.622-17 et L. Art. L.641-13, I, c. com.
1776
P. LE CANNU, Droit commercial. Entreprise en difficulté, 7e éd. Dalloz, nov. 2006, n°818.
1777
Dont entre autes : A.-M. ROMANI, La banque dans tous ses (E) états, éd. Mart & Martin, 2016, p. 179 et s., A.
BUTHURIEUX, La responsabilité du banquier, éd., Litec, 1999 ; G. PRAT, La responsabilité du banquier et la
« faillite » de son client, Technique et documentation, 1980 ; R. ROUTIER, La responsabilité du banquier, éd.,
LGDJ, 1997 ; G. A. LIKILLIMBA, Le soutien abusif d’une entreprise en difficulté, éd., Litec, 2001 ; F. DERRIDA,
G. GODE, J.-P. SORTAIS, Redressement et liquidation judiciaire des entreprises, éd., Dalloz, n°406 ; J. DEVEZE,
Droit du financement, éd., Lamy, 2001, n°3317 et s. ; C. GALVADA et J. STOUFFLET, Droit bancaire, éd., Litec,
1999, n°399 et s. ; B. SOINNE, Traité théorique et pratique des procédures collectives, éd., Litec, 1987, n°1334 et
s.
1778
Celle de limiter les sorties de fonds disponibles du débiteur, afin que ces fonds servent à financer le plan de
restructuration. Belle soit-elle, cette idée constitue, quelque part, un motif de découragement pour les partenaires
du débiteur qui, sachant qu’en dépit de leur prise de risque de collaborer avec une entreprise en faillite, n’auront
probablement pas un traitement préférentiel.
1779
Jusqu’à la loi de sauvegarde (L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du
27 juill. p. 12187, texte n°5), la responsabilité du banquier dispensateur de crédit à une entreprise en difficulté était
soumise au droit commun : responsabilité contractuelle civile (art.1142 et s.) et responsabilité délictuelle (art. 1382
et s.), dans leur redaction antérieure à la réforme de 2016 du droit des contrats.
1780
Com. 10 déc. 2003, BRDA 1/2004, n°12 ; JCP G 2004, II, 10057, note A. BUGGA ; JCP E 2004, n°7, 552, note
D. LEGEAIS ; Com. 22 mars 2005, Bull. civ. IV, n°67 ; BRDA 10/2005, n°31, D. 2005, act. jur., p. 1020, note obs.
A. LIENHARD ; RTD com. 2005, p. 578, obs. D. LEGEAIS ; Com. 8 janv. 2008, Rev. proc. coll. 2008, n°169 et 170,
note A. MARTIN-SERF ; Com. 27 mai 2008, Rev, proc. coll. 2008, n°168, obs. A. MARTIN-SERF.
325
il juge la situation irrémédiablement compromise, il se voit reprocher d’avoir anticipé la chute
de cette entreprise1781.
742. La notion de créance postérieure non privilégiée semble inconnue en droit OHADA. Pour cause
probable, le législateur ne fait pas de tri spécifique parmi les dettes postérieures dites « créances
de la masse » pour choisir celles qui méritent d’être élues au bénéfice du privilège. L’article
117 de l’Acte uniforme des procédures collectives définit les dettes postérieures par deux
critères : une dette née régulièrement après le jugement d’ouverture ; et une dette née de la
continuation de l’activité et de toute activité régulière du débiteur ou du syndic. Les deux
conditions sont cumulatives. De même, la responsabilité du banquier dispensateur de crédit est
insuffisamment évoquée. Seuls deux articles y font expressément allusion : l’article 118 parle,
dans un terme général, « d’agissements fautifs » d’un tiers qui peut être créancier ou non ;
l’article 218 parle d’agissements constitutifs de banqueroute. Comme dans le cas des dettes de
la masse, l’interprétation est laissée à la jurisprudence. Cette dernière a néanmoins permis, au
travers d’un arrêt de la cour d’appel d’Abidjan, de définir les consistances de la responsabilité
du banquier, en s’inspirant de la jurisprudence française. Dans le cadre de ce paragraphe, il sera
largement fait appel à la doctrine et aux décisions jurisprudentielles de la France.
1781
Com. 13 mars 2007, D. 2007, act. juri. P.1020, osb. A. LIENHARD ; RLDA mai 2007, n°943, obs. A. CERATI-
GAUTHIER.
1782
V. Supra, n°749.
1783
Art. L.650-1, c. com. : « Lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire
est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours
consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises
en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ».
1784
La SFA ne dépasse pas 2 mois au maximum, tandis que la SA dure 3 mois.
326
aide de nature à mettre fin à ses difficultés. Sa situation étant obérée, l’entreprise en difficulté
a besoin du crédit pour financer son activité et son plan de réorganisation1785. C’est de là que le
débiteur aura besoin du soutien de certains de ses partenaires. Le rapport qui peut s’installer
entre le débiteur et ses partenaires peut porter sur des prestations de biens ou de services ou sur
des prêts. Les créances qui découlent régulièrement de ces relations, alors que l’entreprise est
en période d’observation, sont qualifiées de créances postérieures 1786. L’entreprise en difficulté,
qui se trouve engagée dans une procédure passerelle, peut avoir une dette contractée pendant la
période d’observation, sans que son titulaire ne puisse être élu au traitement préférentiel. Le fait
est nouveau. Il y a un risque d’appel implicite à la prudence et à la vigilance fait aux partenaires
du débiteur, et en réaction ces derniers pourraient être moins enclins à collaborer s’ils savent
qu’ils auront le même statut que les créanciers antérieurs. Ce fait nouveau a une origine, une
explication.
746. Depuis cette réforme précédemment citée, le législateur ne retient que les créances nées « pour
les besoins du déroulement de la procédure ou de la procédure d’observation, ou en
contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle pendant
1785
F. PEROCHON, R. BOHOMME, Entreprise en difficulté. Instrument de crédit et de paiement, 8e éd., LGDJ, 2009,
n°. 303.
1786
Art. L.622-17, c. com.
1787
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, texte n°5.
1788
Art. L. 621-32, c. com.
1789
Com. 14 janv. 2004, n°01-10.107 NP ; Com. 4 mars 1997, n°92-21.785, Bull. civ. IV, n°62, p. 56.
1790
Rapp., cass. com. 2002, p. 30.
1791
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, texte n°5.
327
cette période »1792, pour bénéficier du traitement préférentiel. La jurisprudence, et la dernière
réforme du droit commun des contrats 1793, n’ont pas tardé à éclairer le travail législatif. De
même qu’il a été jugé qu’il appartient au créancier d’une créance postérieure, qui demande à
être payé, de prouver, conformément au droit civil1794, le caractère postérieur de cette créance,
de même il faudrait admettre qu’il lui appartient également de prouver l’éligibilité de sa créance
au traitement préférentiel. Ce créancier aura tout intérêt, dans sa tentative de justification, de
prouver que la créance n’a pas qu’un simple lien avec la procédure, mais qu’elle est en rapport
avec le déroulement de cette dernière 1795, ce qui n’apparaît pas facile.
747. A titre d’exemple, concernant les honoraires des conseils du débiteur, est-il question de
créances nées pour le déroulement de la procédure ou non ? Au sein de la doctrine, certaines
réponses sont affirmatives 1796, tandis que d’autres sont évasives 1797. La Cour de cassation a
estimé que de tels honoraires étaient des créances nées pour le déroulement de la procédure 1798,
ce qui semble logique dès lors que le conseil du débiteur voire son avocat l’ont assisté dans la
défense de ses intérêts en rapport avec le déroulement de ladite procédure.
748. Tel que le débat se présente, force est de constater que l’état de la question générale des créances
postérieures au sein de la doctrine est loin d’être tranché, tant il existe toujours une
confusion entre les créances postérieures qui sont nées pour les besoins de la période
d’observation, celles qui sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure, et celles
qui découlent d’une contrepartie des prestations fournies au débiteur 1799. Néanmoins, un auteur
semble faire une proposition intéressante 1800 ; selon lui il serait souhaitable qu’à chacune des
trois notions, un domaine spécifique soit affecté par le législateur. Cela aurait le mérite de
1792
L.622-17, I, c. com.
1793
Ord., n°2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve
des obligations, JORF du 11 févr. 2016, texte n°26.
1794
Art. 1353, tel que modifié par l’ord., n°2016-131 du 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du
régime général et de la preuve des obligations, JORF du 11 févr. 2016, texte n°26.
1795
A. LIENHARD, Sauvegarde des entreprises en difficulté, 2e éd. Delmas, 2007, n°766.
1796
F. PEROCHON, « Les créanciers postérieurs et la réforme du 26 juillet 2005 », Gaz. proc. coll., n°29, 7-8 sept.
2005, p. 57, sp. p. 60 ; P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd. 2016, p.
1057.
1797
P. LE CANNU, M. JEANTIN, Droit commercial. Entreprise en difficulté, 7e éd. Dalloz, 2006, n°766.
1798
Com. 1er déc. 2015, n°14-20.668, Bull. civ. IV.
1799
Pour approfondir, v. A. LIENHARD, Procédures collectives 2011/2012, 4e éd., Delmas, 2011, n°76.53 ; F.
PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n°789 ; Ph. ROUSSE GALLE, Réforme du droit des
entreprises en difficulté, 2e éd., Litec, 2007, n°464 ; A. JACQUEMONT, R. FABRES, Droit des entreprises en
difficulté, 9e éd., LexisNexis, 2015, n°449.
1800
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 1061.
328
mettre fin aux multiples interprétations. En attendant, un auteur accuse le législateur d’utiliser
des termes vides de sens1801. Ce propos a tout de même été jugé pour le moins curieux 1802.
749. Dans les lignes qui vont suivre, le centre d’intérêt sera les créances postérieures non privilégiées
(A) et les exceptions prévues (B).
A. Les interdictions
750. Les créances postérieures au jugement d’ouverture ne sont plus automatiquement qualifiées de
créances privilégiées. Un tri est instauré 1803 depuis la loi de sauvegarde1804. Seules les créances
visées au I de l’article L.622-17 du code de commerce sont concernées par le traitement
préférentiel. Ce texte n’établit pas une liste de ces créances. Il se limite à définir les critères.
Dès lors, la sélection à faire, sur la base de ce texte, devient très imprécise 1805, et renforce la
controverse au sein de la doctrine. Le législateur français n’a pas totalement tort en ayant pas
établi une liste dans la mesure où cela aurait provoqué une insécurité juridique. Tout abus de
restriction de cette disposition provoquerait une insécurité juridique pour les partenaires de
l’entreprise et ne semble pas correspondre à la volonté du législateur - ce dernier a voulu lutter
contre les abus que la jurisprudence sous l’empire de la législation antérieure à 2005 avait
provoqués -, sans pour autant que la sélection entre les créances postérieures ne se transforment
en une chasse aux sorcières contre les créances postérieures à qualifier de non privilégiées 1806.
Dans cette controverse, un auteur semble proposer une ligne de différenciation plus facile à
cerner. Il propose d’admettre que si la créance est la conséquence juridique de la poursuite
d’activité, la créance est née pour les besoins de cette poursuite et est, en conséquence, éligible
au traitement préférentiel1807. Le soin est laissé à la jurisprudence de qualifier la créance.
751. La Cour de cassation n’a pas considéré la taxe foncière comme une créance née pour les besoins
du déroulement de la procédure, au motif qu’elle permettrait la conservation de l’immeuble par
le mandataire judiciaire1808. Cette position jurisprudentielle se justifie logiquement. En fait, la
créance résultant de la taxe foncière est automatiquement engendrée par la détention de
1801
A. LIENHARD, Procédures collectives 2011/2012, 4e éd., Delmas, 2011, n°76.53.
1802
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd. 2016, p. 1061.
1803
F. PEROCHON, R. BOHOMME, Entreprise en difficulté. Instrument de crédit et de paiement, 8e éd., LGDJ, 2009,
p. 241.
1804
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, texte n°5.
1805
P. LE CANNU et M. JEANTIN, Droit commercial. Entreprise en difficulté, 7e éd. Dalloz, 2006, n°818.
1806
Ph. PETEL, « les créanciers postérieurs », Rev. proc. coll. 2006/2, n°16, p. 144.
1807
Ph. PETEL, « les créanciers postérieurs », Rev. proc. coll. 2006/2, n°15, p. 142 à 144.
1808
Com. 14 oct. 2014, n°13-24. 555, Bull. civ. IV, n°148, D. 2014, Actu. 2109, note A. LIENHARD.
329
l’immeuble, de sorte qu’il ne s’agit pas de préserver un quelconque actif en ce que le paiement
de la taxe foncière n’a aucun effet sur la préservation des immeubles qui sont à leur origine.
N’étant donc pas inhérente à la procédure collective, elle n’est pas née pour les besoins de la
procédure et, en conséquence, ne saurait être considérée comme une créance postérieure
privilégiée.
752. La cour de cassation ne semble pas rattacher les cas de créances nées en contrepartie d’une
prestation fournie au débiteur aux deux autres critères liés à la naissance pour les besoins de la
procédure ou de la période d’observation. C’est ainsi qu’elle a refusé la condamnation d’un
liquidateur au paiement d’un loyer d’un bail d’habitation correspondant à une jouissance
procurée au débiteur après expiration de la période de poursuite d’activité (en liquidation
judiciaire), en estimant que cette créance n’est pas née pour les besoins du déroulement de la
procédure1809. Par ailleurs, les cotisations sociales dues par un avocat au compte de la poursuite
d’activité après l’ouverture d’une procédure collective le concernant, ont été jugées inhérentes
à l’exercice professionnel1810. La même considération a été accordée à la contribution sociale
de solidarité1811, tout comme aux cotisations des travailleurs, involontairement privés d’emploi,
dues1812 en vertu du code du travail.
753. En revanche - mais dans le cadre de la liquidation judiciaire - la carte grise d’un véhicule à
usage non professionnel, la taxe d’habitation voire la redevance télévisuelle, ne pourront
bénéficier du traitement préférentiel, par le rattachement aux critères liés aux besoins de la
poursuite d’activité ou de la période d’observation, dès lors qu’il s’agit d’impôts et assimilés
non rattachables à l’activité de l’entreprise en difficulté. Ces créances doivent être considérées
comme des créances de la vie courante et, en conséquence, être payées sur ce fondement, après
le jugement d’ouverture, sous l’empire de la loi de sauvegarde de 2005 1813 (inchangée en la
matière). Toutefois, elles ne devront pas être traitées comme des créances privilégiées, sous
l’empire de l’ordonnance du 18 décembre 2008 1814. Cependant, le fait qu’elles soient des
1809
Com. 12 mars 2013, n°11-24.365, Bull. civ. IV, n°38 ; Gaz. Pal. 12 juill. 2013, n°193, p. 15, note HENRY.
1810
Civ. 2e 16 sept. 2010, n°09-16.182, NP, D. 2011. pan. 2080, note P.-M. LE CORRE.
1811
Com. 15 juin 2011, n°10-18.726, Bull. civ. V, n°99.
1812
Com. 7 sept. 2013, n°12-10.261, NP.
1813
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, texte n°5.
1814
Ord., n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
330
créances nées pour les besoins de la vie courante d’un débiteur personne physique, cela permet
de les élire au traitement préférentiel sous l’empire de l’ordonnance du 12 mars 2014 1815.
754. Les créances postérieures au jugement d’ouverture, régulièrement nées, mais ne pouvant
bénéficier d’un traitement préférentiel, sont considérées comme des créances antérieures 1816. Si
la règle peut être compréhensible, dans le sens qu’il doit y avoir un lien étroit entre une créance
et l’activité ou la procédure du débiteur, elle l’est moins sous l’angle de l’attractivité auprès des
partenaires du débiteur. En fait, elle peut paraître décourageante. A cet égard, un auteur
conseille aux créanciers postérieurs de ne pas accorder de crédit au débiteur 1817. La méfiance
de cet auteur peut être comprise. D’abord parce que la qualification d’une créance de « créance
privilégiée » revient au tribunal. Il y a donc des chances que le partenaire, appelé en aide au
débiteur ou ayant eu une opération commerciale avec lui, pense, faute de connaissance réelle
des critères de différenciation, que sa créance sera éligible au traitement préférentiel, alors qu’il
n’en sera rien. Ensuite, parce que le partenaire, qui veut être privilégié pour avoir apporté un
concours financier, ou pour avoir fourni un service ou un bien au débiteur en difficulté, sera
moins enclin à coopérer, s’il sait au prime abord qu’en dépit de sa bonne volonté, il sera traité
de la même manière que les créanciers antérieurs. Dès lors, le principe de distinction entre les
créances postérieures mérite d’être revu. Comme le souligne un auteur, si la créance est la
conséquence juridique de la poursuite d’activité, il faut alors admettre qu’elle est née pour les
besoins de cette poursuite et est, en conséquence, éligible au traitement préférentiel1818. Une
uniformisation de la règle paraît simple.
755. En plus de n’être pas éligibles au traitement préférentiel, les titulaires des créances postérieures
non privilégiées sont soumis à un certain nombre de règles disciplinaires et collectives : ils
doivent déclarer leurs créances1819, à l’image des créances antérieures, sous peine
d’inopposabilité à la procédure ; ils ne sont pas payés à l’échéance 1820 ; ils sont confrontés à
l’interdiction des poursuites individuelles et des paiements 1821.
1815
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
1816
Com. 3 déc. 2013, n°12-28.718, NP ; n°1156 F-D ; Gaz. pal. 29 juin 2014, n°180, p. 24, note BOUSTANI ; Rev.
proc. coll. 2015, comm. 119, note C. SAINT-ALARY-HOUIN.
1817
Ph. PETEL, « Les créanciers postérieurs », Rev. proc. coll. 2006/2, n°27, p. 142 à 146.
1818
Ph. PETEL, « Les créanciers postérieurs », Rev. proc. coll. 2006/2, n°15, p. 142 à 144.
1819
Art. L.622-24, al. 6, c. com.
1820
Art. L.622-17, c. com.
1821
Art. L.622-21 et L.622-7, c. com.
331
756. Cependant, les titulaires de ces créances postérieures non privilégiées bénéficient de certains
avantages par rapport aux créanciers antérieurs. A titre d’exemple, ils ne subissent pas l’arrêt
du cours des intérêts, faute de texte, selon un auteur 1822. Un autre auteur évoque, pour justifier
l’application du cours des intérêts à ce type de créances, les dispositions de l’article L.622-28,
alinéa premier, du code de commerce, qui ne s’appliquent qu’aux intérêts dont le cours a
commencé avant le jugement d’ouverture1823. Cette interprétation peut être suivie dans la
mesure où il aurait été dommage voire injuste, si le législateur avait soumis ces créances à cette
règle d’arrêt du cours des intérêts.
757. Les créances postérieures irrégulièrement nées, quant à elles, ne seront pas à déclarer au passif
de la procédure1824. Inopposables par nature à la procédure, aucune raison ne justifie leur
considération. Elles sont nées irrégulièrement, soit par suite d’un acte - non autorisé par le juge
commissaire - du débiteur, soit par l’inefficacité des actes passés pendant la période suspecte.
La règle n’est que pure logique.
758. En droit OHADA, le législateur a opté pour une définition générique des créances postérieures
éligibles au traitement préférentiel. Selon l’AUPC, « toutes les dettes nées régulièrement après
le jugement d’ouverture, de la continuation de l’activité et de toute activité régulière du
débiteur ou du syndic sont des créances de la masse, sauf celles nées de l’exploitation du
locataire-gérant qui restent exclusivement à sa charge sans solidarité avec le propriétaire du
fonds ».1825 A première vue, cette définition se présente simple, pourtant, elle est confuse tant
le législateur ne dit mot sur ce qu’il faut entendre par « toute activité régulière du débiteur ou
du syndic ». Dès lors, la définition d’une créance postérieure non privilégiée pourrait poser un
problème aux juges. Comme son homologue français, l’application du texte au cas d’espèce est
laissée à l’appréciation discrétionnaire du juge. Or, une telle liberté peut donner lieu soit à une
interprétation excessive, soit à une interprétation restrictive, eu égard surtout, au manque de
spécialisation des magistrats africains souvent dénoncé 1826. Dans l’un ou l’autre cas, un risque
d’insécurité juridique peut exister.
1822
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n°620, note 172.
1823
Ph. LE CANNU et M. JEANTIN, Droit commercial. Entreprise en difficulté, 7e éd. Dalloz, 2006, n°826.
1824
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n°783 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des
entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2014, n°661 ; Ph. PETEL, Procédure collectives, 8e éd., Dalloz, 2014, n°231.
1825
Art. 117, AUPC.
1826
C. NDONGO, La prévention des difficultés des entreprises dans l’AUPC révisé, thèse de doctorat, éd., LGDJ,
2018, n°535.
332
759. Cependant, comment reprocher au législateur de n’avoir pas établi une liste d’activités dites
régulières ou non, quand on sait que cela aurait limité l’interprétation des juges dans
l’application du texte ? Entre deux maux, ne faut-il pas choisir le moins mauvais ? Le moins
mauvais dans ce dilemme semble être la latitude laissée au juge d’analyser chaque cas d’espèce
par rapport à la lettre et, au besoin, à l’esprit du texte.
760. Faute d’avoir défini ce qu’est une créance postérieure non privilégiée, le législateur OHADA
laisse penser que toute créance postérieure ne rentrant pas dans la définition de l’article 117
sont inéligibles au traitement préférentiel.
761. En droit français, l’assimilation des créances postérieures non privilégiées aux créances
antérieures connaît des tempéraments. C’est le cas des créances postérieures alimentaires et
celles liées aux besoins de la vie courante du débiteur personne physique.
B. Les exceptions
762. Les créances postérieures de nature alimentaire font exception à la règle du non-paiement de
l’article L.622-7 du code de commerce. De même, depuis la loi de sauvegarde de 20051827, les
créances postérieures résultant des besoins de la vie courante du débiteur personne physique,
telles que les frais de loyers du logement principal de sa famille, les frais de l’éducation de ses
enfants, font exception à la règle de l’interdiction. Observons que si le législateur accorde la
faveur de paiement à ces créances, elles ne bénéficient pas cependant du traitement préférentiel.
Selon les textes, elles n’ont aucun rapport avec la période d’observation, les besoins du
déroulement de la procédure, encore moins avec une contrepartie d’une prestation fournie au
débiteur. Ces critères théologiques semblent un peu restrictifs. Il aurait été préférable de savoir,
si oui ou non ces créances sont une conséquence juridique de la procédure judiciaire du
débiteur. En ce cas, il aurait pu être admis que ce soit des créances privilégiées, ce qui
permettrait de leur accorder les avantages y afférents. Toutefois, la difficulté serait, en ce
moment, de distinguer une créance liée au besoin de la vie courante et conséquence juridique
de la procédure du débiteur, de celle qui n’en est pas une. Par ailleurs, une autre problématique
est à relever s’agissant de ces créances, celle qui est liée à leur rang.
763. Le législateur n’a pas déterminé le rang des créances postérieures alimentaires et celles résultant
des besoins de la vie courante du débiteur. Cela crée un vide juridique et, par voie de
1827
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, texte n°5.
333
conséquence, une insécurité juridique. Faute de texte, il est difficile d’affirmer qu’elles priment
les créances antérieures, ou que ces dernières les priment. Il semblerait qu’il faille admettre que
ce sont des créances ordinaires, au même titre que les créances chirographaires antérieures 1828.
Cette opinion semble concorder avec l’opinion majoritaire au sein de la doctrine. Il a été relevé
que si une créance postérieure non privilégiée, régulièrement née pour les besoins de la vie
courante du débiteur personne physique, peut être payée pendant la procédure, ce n’est pas dire
que son titulaire est fondé à en poursuivre le recouvrement 1829. Le contraire a toutefois été
soutenu1830, et un auteur pense que le titulaire d’une telle créance ne doit pas être exempté de
déclarer la créance1831.
764. Pour les créances alimentaires, le paiement est instantané. Cependant, les titulaires ne peuvent
engager une procédure de recouvrement, à moins que les créances ne portent sur des biens dont
le débiteur a la libre disposition1832. Sous l’empire de l’ordonnance du 18 décembre 2008 1833,
le bénéfice de paiement des créances alimentaires antérieures ou postérieures au jugement
d’ouverture a été maintenu. Cependant pour celles résultant des besoins liés à la vie courante
du débiteur personne physique, l’exception a été supprimée. Il est à observer que le régime de
ces créances a toujours été, depuis son intégration au livre V du code de commerce, retouché à
chaque réforme.
765. Si, sous l’empire de la loi de sauvegarde 1834, les créances postérieures, nées pour les besoins de
la vie courante du débiteur, ne faisaient pas exception au principe de l’arrêt des paiements, sous
l’empire de l’ordonnance du 18 décembre précitée, cette exception a été supprimée 1835. La
question s’est posée de savoir quand seront-elles alors payables ? Il semblerait qu’il faille tenir
compte de deux aspects : la créance postérieure née du besoin de la vie courante et qui est la
1828
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 1073.
1829
Ph. PETEL, « Les créanciers postérieurs », Rev. proc. coll. 2006/2, n°15, p. 142 à 146.
1830
J. VALLANSAN « Déclaration et admission des créances », J.-Cl. com. Fasc. 2352, 2007, n°69.
1831
J.-L. VALLENS, cité par P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd. 2016,
p. 1073.
1832
Ph. PETEL, « Les créanciers postérieurs », Rev. proc. coll. 2006/2, n°29, p. 142 à 146 – « Le nouveau droit des
entreprises en difficulté : acte II – commentaire de l’ordonnance n°2008-2345 du 18 décembre 2008 », JCP E,
n°34, 2009. 1049.
1833
Ord., n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
1834
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, texte n°5.
1835
V. Art. 29 de l’ordonnance.
334
contrepartie d’une prestation fournie au débiteur - dans lequel cas le paiement est maintenu 1836
-, et la créance postérieure née du besoin de la vie courante du débiteur, mais qui n’est pas la
contrepartie d’une prestation fournie au débiteur - dans lequel cas l’interdiction de paiement est
maintenue1837 -. Dans le premier cas où le paiement est admis, la réforme est importante en ce
que ce type de créance bénéficie du traitement préférentiel indiqué à l’article L.622-17 du code
de commerce, de sorte que son titulaire n’a pas à produire sa créance au passif de la procédure.
Selon les dispositions de l’article L. 622-21, I, 2° du code de commerce, le non-paiement de
cette créance suffit à demander une résiliation ou une résolution du contrat. Ces deux
modifications majeures seraient liées à la volonté législative d’aligner le domaine des trois
règles principales de la discipline collective à savoir : l’interdiction des paiements, l’arrêt des
poursuites individuelles et des voies d’exécution, et l’obligation de déclaration des créances 1838.
766. La réforme du 12 mars 20141839 a réintégré la créance postérieure née pour les besoins de la vie
courante du débiteur personne physique1840. Cette fois-ci, elle est considérée, non pas comme
faisant exception à la règle de l’interdiction des paiements - tel que cela a été évoqué
précédemment -, mais comme un quatrième critère des créances postérieures privilégiées.
Toutefois, dans cette nouvelle configuration législative, observons que son régime ne
s’applique qu’aux seules créances nées en liquidation judiciaire, contrairement au régime
antérieur sous l’empire de la loi de sauvegarde précitée qui était unitaire, c’est-à-dire que peu
importait que l’on soit en période d’observation ou en liquidation judiciaire. En tout état de
cause, le redressement de l’entreprise prime tout autre intérêt, et cela justifie que les règles
régissant la période d’observation soient en faveur du débiteur. Parmi ces règles d’ailleurs,
certaines innovations ont été adoptées en droit français. Il en est ainsi de l’irresponsabilité des
créanciers dispensateurs de crédit qui a été introduite par le législateur de 2005 1841.
1836
Rapp. au Président de la Rép., sur l’ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008, JORF du 19 déc. 2008, Titre I, chap.
II-5, art. 25.
1837
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 1073 ;
F. PEROCHON, « Les interdictions de paiement et le traitement des sûretés réelles », D. 2009, n°34, p. 651-661.
1838
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 1073
1839
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
1840
Art. L.641-13, I, tel que modifié par l’art. 68 de l’ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la
prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249,
texte n°3.
1841
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, texte n°5.
335
II. L’irresponsabilité des créanciers dispensateurs de crédit
767. Une entreprise qui fonctionne est une entreprise qui se finance. Son financement est interne et
externe. La plupart du temps, le financement externe provient des établissements de crédit en
général et des banques en particulier. Qu’elle soit in bonis ou en cessation des paiements,
l’entreprise a besoin des concours bancaires, surtout lorsqu’elle est en état de faillite. Dans une
telle situation, et lorsqu’on envisage des solutions pour son redressement, la responsabilité du
partenaire dispensateur de crédit est souvent recherchée, à cause de sa supposée solvabilité 1842.
768. Souvent sollicité pour le redressement de l’entreprise en difficulté, le banquier est resté
longtemps considéré comme l’un des responsables de la faillite de l’entreprise1843. En fait, s’il
accordait plus de crédit à une entreprise, alors que la situation de cette dernière était
irrémédiablement compromise, les tribunaux retenaient systématiquement sa responsabilité en
cas d’ouverture d’une procédure collective1844. S’il refusait ou interrompait aussi son concours
- parce qu’il a à tort pensé que la situation de l’entreprise demanderesse de crédit était
irrémédiablement compromise - sa responsabilité était également engagée en cas d’ouverture
d’une procédure collective ; il lui était alors reproché d’avoir précité cette situation 1845. Le
risque du crédit bancaire ne se limitant pas à la seule faillite du débiteur, le préjudice causé à
un tiers peut fonder également la responsabilité délictuelle du banquier.
769. En droit français, jusqu’à la loi du 19 octobre 20091846, le banquier n’engageait pas sa
responsabilité pour refus de crédit. S’il existe un droit au compte1847, tel n’est pas le cas pour le
crédit1848. S’il n’était pas tenu par un engagement antérieur, le banquier était libre d’accorder
ou non un prêt, quelle qu’en soit la forme, sans qu’il ne soit nécessaire de justifier son refus. Il
1842
F. Reille, « Règlementation du traitement des difficultés des entreprises et le maintien du crédit bancaire : la
recherche d’un équilibre », in A.-M. ROMANI, La banque dans tous ses (E) états, éd. Mart & Martin, 2016, p. 180.
1843
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2015/2016, Dalloz action, n°834-11 et s.
1844
Com. 10 déc. 2003, BRDA 1/2004, n°12 ; JCP G 2004, II, 10057, note A. BUGGA ; JCP E 2004, n°7, 552, note
D. LEGEAIS - Com. 22 mars 2005, Bull. civ. IV, n°67 ; BRDA 10/2005, n°31, D. 2005, act. jur., p. 1020, note obs.
A. LIENHARD ; RTD com. 2005, p. 578, obs. D. LEGEAIS – Com. 8 janv. 2008, Rev. proc. coll. 2008, n°169 et 170,
note A. MARTIN-SERF – Com. 27 mai 2008, Rev, proc. coll. 2008, n°168, obs. A. MARTIN-SERF.
1845
Com. 13 mars 2007, D. 2007, act. juri. P. 1020, osb. A. LIENHARD ; RLDA mai 2007, n°943, obs. A. CERATI-
GAUTHIER.
1846
L. n°2009-1255 du 19 oct. 2009 tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises et à
améliorer le fonctionnement des marchés financiers, JORF du 20 oct. 2009, p. 17410, texte n°1.
1847
Art.L.312-1, c. mon. finc.
1848
M. COTTIGNY, Responsabilité civile et procédures collectives, thèse de doctorat, Université de Lille 2, 2016,
p. 183.
336
s’agissait d’une décision discrétionnaire 1849. Il en résulte qu’il faut distinguer le refus du crédit
de la rupture du crédit. Le banquier n’engage pas, a priori, sa responsabilité au titre du refus
d’un nouveau crédit1850. Toutefois, le principe posé par l’assemblée plénière de la Cour de
cassation devait être atténué, lorsque le banquier, après avoir accepté le principe d’un crédit,
décidait ensuite de ne pas consentir ce dernier, à la suite d’exigence de nouvelles garanties sur
les biens extraprofessionnels des époux exploitants, dès lors que ce refus avait provoqué la
liquidation judiciaire des époux 1851. Il en va de même pour le rejet d’un prélèvement, dont
l’exécution pourrait entraîner un dépassement du découvert tacite accordé 1852.
770. Depuis la réforme intervenue avec la loi du 19 octobre 2009 précitée, la liberté d’octroi d’un
crédit n’est plus absolue. Si un client se trouve confronté à un refus de crédit, il peut en
demander le motif au banquier qui est tenu de répondre 1853. Un auteur observe que cette
obligation ne concerne que le seul refus d’octroi des prêts, et non toutes formes de concours
bancaires1854. De ce fait, il est à observer qu’elle n’a pas le même domaine d’application que
les dispositions de l’article L. 313-121855 du code monétaire et financier. Dans le cadre des
procédures de sauvegarde accélérée, la demande peut émaner du conciliateur/ mandataire ad
hoc, reconduit comme mandataire judiciaire 1856. Ainsi qu’un auteur l’observe, l’absence de
toute explication valable de la part du banquier est susceptible d’engager sa responsabilité 1857.
De même, dans les cas de rupture des concours bancaires, le non-respect du préavis requis peut
engager la responsabilité du banquier.
771. En droit OHADA, le législateur de 2015 n’a pas opéré un grand changement dans l’organisation
du régime de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit, par rapport à son homologue
1849
Com. 3 juill. 2007, Gaz. proc. coll. 2007, n°4, p. 54, note R. ROUTIER ; cass. ass. plén., 9 oct. 2006, n°06-11.
056, n°06-11. 307, Bull. ass. Plén., n°11; D. 2006, jurispr. 2933, note D. HOUTCIEFF ; JCP E 2006. 2618, p. 1924,
note VIANDIER.
1850
Com. 22 mai 2007, n°06-11.045, NP, JCP E 2007, chron. 2377, n°39, obs. DUMOULIN ; Rev. proc. coll. 2007/3,
n°4, p. 99, obs. A. MARTIN-SERF.
1851
Reims, ch. civ., 5 mas 2007, RG n°05/01692, Rev. proc. coll. 2008, n°92, p. 74, note A. MARTIN-SERF.
1852
Com. 30 sept. 2008, n°07-15.872, NP.
1853
Art. L.313-12-1, c. mon. fin., tel que modifié par la loi n°2009-1255 du 19 oct. 2009 tendant à favoriser
l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises et à améliorer le fonctionnement des marchés financiers,
JORF du 20 oct. 2009, p. 17410, texte n°1.
1854
N. MATHEY, « Vers une remise en cause de liberté du banquier en matière de crédit », JCP E 2010, n°11, p.
1550.
1855
Relatives à la rupture des concours bancaires avec ou sans préavis.
1856
id. n°27.
1857
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 995.
337
de 1998. Ce qui peut être regrettable eu égard au rapport beaucoup déséquilibré entre banques
et entreprises sur le continent africain. Ce déséquilibre tient, notamment, au fait que les
entreprises, en plus de leur statut de clients non avertis, manquent de moyens pour agir en
justice contre les banques fautives1858. Dans un tel rapport de force, les banques sont
susceptibles d’abuser de l’ignorance des entreprises, en leur accordant des crédits aux clauses
suspectes.
772. 791. Les juges africains doivent rechercher la responsabilité du banquier fautif au visa de deux
articles du nouvel Acte uniforme des procédures collectives. Il s’agit des articles 118
(responsabilité du tiers) et 228 (infractions de banqueroute) qui ne rendent pas compte de tous
les faits susceptibles de retenir la responsabilité du banquier. Une fois encore, le législateur
laisse les juges interpréter les cas d’espèces. Ce qui peut présenter un risque d’insécurité
juridique. Il aurait peut-être été mieux de définir clairement quelques principaux cas de
responsabilité du banquier. Par ailleurs, l’irresponsabilité de ce dernier n’est pas posée comme
cela est le cas en droit français ; un développement y est consacré plus bas1859.
774. Au prime abord, il importe de préciser que la rupture d’un concours bancaire à durée déterminée
par un banquier - même s’il prévient son client par un préavis -, peut engager sa
responsabilité1861, sauf1862 si le concours en question rentre dans les cas prévus par le deuxième
alinéa de l’article L. 313-12 du code monétaire et financier. Avant la loi du 19 octobre 2009,
précédemment citée, le code monétaire1863 et financier permettait au banquier de rompre son
concours à durée indéterminée sans motif, mais avec l’observation d’un préavis où l’intention
d’une rupture devait être exprimée sans équivoque 1864. Cependant cette faculté ne devait cacher
1858
V. pour plus de détails : E. D. F. POUOKAM, Financement des entreprises en difficulté et responsabilité
bancaire dans l’espace OHADA, thèse de doctorat, Université Paris 13 Sorbonne, 2017 ; S. TOE, « La
responsabilité civile du banquier dispensateur de crédit à une entreprise en difficulté en droit OHADA à la lumière
du droit français », Rev. Ersuma, juin 2012, n°1, p. 3.
1859
V. infra, n°808.
1860
D. LEGEAIS, « Responsabilité du banquier en matière de crédité », RTD banc. et fin. 2010, n°2, étude 4.
1861
Paris, 15e ch. B, 3 juill. 2008, RG n°06/20946, Gaz. proc. coll. 2009/1, p. 22, note R. ROUTIER.
1862
Com. 24 mars 2015, n°13-16.076, Bull. civ. IV.
1863
Art. L.L.313-12, c. com.
1864
Com. 5 janv. 1999, n°96-20.591, 96-20.621, Bull. civ. IV, n°3.
338
une intention de nuire au client 1865. Avec la loi du 19 octobre 2009 précitée, une modification
a été apportée. Il est imposé désormais au banquier de motiver la rupture ou la réduction des
concours à durée indéterminée. Toutefois, la motivation de la rupture ou de la diminution d’un
concours doit être demandée par le client. Il peut ain être déduit que lorsque les motifs évoqués
par le banquier ne correspondent pas à la réalité des choses, sa responsabilité serait engagée, si
le client les contestait. L’engagement de sa responsabilité serait alors fondé par une rupture
fautive de crédit1866.
775. Le législateur n’a pas prévu de délai dans lequel le prêteur doit répondre à la demande de son
client. Toutefois, une éventuelle mauvaise foi du prêteur devrait pouvoir être contrecarrée par
l’usage d’une astreinte1867. Le code monétaire et financier1868 fixe le délai minimal de rupture
à soixante jours 1869, depuis le décret du 30 décembre 20051870. Observons que les règles de
rupture des concours bancaires sont spécifiques, de sorte qu’elles ne se confondent pas avec
celles relatives à la rupture brutale de relations commerciales établies, lesquelles ne sont pas de
nature à être appliquées ici1871.
776. Il faudrait observer aussi que l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée ne s’oppose
pas à la rupture d’un concours bancaire1872. La règlementation de cette liberté, accordée au
banquier avec le principe de continuation des contrats en cours qui impose que le cocontractant
remplisse ses obligations en dépit de l’inexécution par le débiteur d’engagements antérieurs au
jugement d’ouverture, ne permet pas au banquier de motiver sa résiliation sur des faits nés avant
le jugement d’ouverture1873, et interdit la résiliation si le prêteur ne rapporte pas la preuve que
la rupture est liée à des causes ou circonstances postérieures au jugement d’ouverture 1874. De
1865
Com. 5 mars 1996, n°96-10.606, NP, D. 1996. IR 97.
1866
N. MATHEY, « Vers une remise en cause de liberté du banquier en matière de crédit », JCP E 2010, n°1, p.
1550.
1867
id. n°15.
1868
Art. D. 313-12-14-1.
1869
S. PIEDELIEVRE, « Le préavis en cas de rupture de crédit à durée indéterminée », D. 2006, n°6, 434 – obs.D.
LEGEAIS, RTD com. 2006, n°05, 169.
1870
D. n°2005-1743 du 30 déc. 2005 portant application de l’article L.313-12 du code monétaire et financier, JORF
n°304 du 31 déc. 2005, p. 20792, texte n°49.
1871
Trib. com. Paris, 6e ch. 24 janv. 2013, RG n°2010/060778, 2010/055661, JCP E 2013, chron.1662, n°24, obs.
R. ROUTIER.
1872
Art. L. 313-12, al. 1, c. mon. fin.
1873
GOYET-MONSERIE-BON, Les contrats dans le redressement et la liquidation judiciaire des entreprises, éd.,
Litec, 1994, n°209 et s ; Douai, 8e ch. A, 30 mars 1995, RJ com. 1995, n°1439, p. 337.
1874
Com. 1er juill. 1997, n°94-14.440, NP, Rev. proc. coll. 1998, n°1, p. 277, obs. MESTRE et LAUDE.
339
même, l’arrêté d’un plan de continuation en sauvegarde accélérée n’interdit pas la rupture non
plus1875, l’article L.313-12, alinéa premier, du code de commerce devant être respecté 1876.
Toutefois, la solution serait différente, si le prêteur s’est engagé, dans le cadre du plan, à
maintenir son concours. Il aura, en fait, transformer son concours à durée indéterminée en
concours à durée déterminée, ce qui l’empêche de le rompre 1877.
777. Le code monétaire et financier 1878 permet au prêteur de rompre unilatéralement ses concours, à
durée déterminée ou indéterminée, en présence de comportement gravement répréhensible ou
de situation irrémédiablement compromise de son client, sans préavis. Toutefois, il doit
prévenir son client1879.
778. L’ordonnance du 12 mars 2014 1880 a apporté une modification à la rédaction de l’article L.611-
16, alinéa premier, du code de commerce, en prévoyant que toute clause destinée à modifier les
conditions de poursuite d’un contrat en cours, par diminution des droits ou augmentation des
obligations du débiteur, du seul fait de l’ouverture d’un mandat ad hoc ou d’une procédure de
conciliation, est réputée non écrite.
779. Observons enfin que la rupture des concours résiste à la procédure collective de paiement, y
compris en plan de sauvegarde accélérée1881, à la condition, toutefois, que l’une des deux causes
de résiliation prévues par l’article L. 313-12, deuxième alinéa, du code monétaire et financier,
précédemment vu, soit établie.
780. Avant la réforme opérée par la loi de sauvegarde de 20051882, un régime spécifique ne régissait
pas la responsabilité du banquier dispensateur de crédit en droit français. C’est le droit
commun1883, au prisme de la responsabilité contractuelle et délictuelle, qui régissait la matière.
Avec cette réforme, un régime spécifique largement modifié a été mis en place. Le législateur
répondait ainsi à la demande des établissements dispensateurs de crédit, notamment les
1875
Art. L. 313-12, al. 1, c. mon. fin., transposable à la sauvegarde ; M. CABRILLAC, « Le maintien des concours
bancaires après l’odoption d’un plan de continuation », D. 1987, p. 261.
1876
Agen, 1re ch. 2 avr. 1987, D. 1987. IR 162.
1877
Art. L. 312-12, al. 1, c. mon. fin.
1878
Art. L. 313-12., c. mon. fin.
1879
Com. 18 mars 2014, n°12-29. 583, Bull. civ. IV, n°51.
1880
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
1881
Com. 14 févr. 1989, n°87-14.564 et n° 87-14.629, deux espèces NP.
1882
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, texte n°5.
1883
A traves les articles 1142 et 1342.
340
banques, de les protéger contre la mise en jeu de leur responsabilité en cas d’accord de crédit1884.
Il s’est surtout agi, pour le législateur, de les encourager à continuer à dispenser du crédit aux
entreprises en difficulté qui en ont besoin, afin de favoriser leur redressement1885. En outre, la
responsabilité du banquier peut être engagée en dehors du cadre des procédures collectives 1886,
pour défaut du devoir de conseil et de mise en garde à l’égard de la caution. Cela pourrait être
désignée sous l’appellation de « responsabilité de droit commun du banquier ».1887 Le banquier
dispensateur de crédit a également une obligation de mise en garde envers son client non
averti1888.
781. Cependant, ce ne sont pas toutes les obligations du banquier qui seront évoquées dans les
développements qui vont suivre. Il sera surtout question, dans un premier temps, de
l’irresponsabilité du banquier dispensateur de crédit (A) et, dans un second temps, des
exceptions prévues (B).
A. Le principe
782. L’article L. 650-1 du code de commerce, issu de la loi de loi de sauvegarde de 20051889, pose
le principe selon lequel les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices
subis du fait des concours consentis 1890. Le champ d’application de ce principe s’étend, au-delà
des concours bancaires, aux crédits entre entreprises et aux crédits fournisseurs 1891, aux
1884
D. GIBRILA, Droit des entreprises en difficulté, éd. Defrénois, Lextenso éditions, 2009, n°11, p. 515.
1885
« Glissant de l’injonction à l’invitation, le législateur reconnait aujourd’hui : banquiers, nous avons besoin
de vous pour sauver nos entreprises » : F. Reille, « Règlementation du traitement des difficultés des entreprises et
le maintien du crédit bancaire : la recherche d’un équilibre », in A.-M. ROMANI, La banque dans tous ses (E) états,
éd. Mart & Martin, 2016, p. 180.
1886
Lyon, 4 déc. 2014, n°14-01.168.
1887
M.-A CERATO, « La responsabilité du banquier à l’épreuve de la procédure collective », Bacaly, Bull. des arrêts
de la CA de Lyon, article consulté le 15 mars 2018.
1888
Com. Ass. Plén. 9 oct. 2006, D. 2006, jurispr., p. 2933, note D. HOUTCIEFF, RTD banc. et fin. Nov. 2006, p.
13, n°188, obs. F.-J. CREDOT et SAMIN.
1889
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, texte n°5.
1890
R. ROUTIER, « De l’irresponsabilité du prêteur dans le projet de loi de sauvegarde des entreprises », D. 2005,
cah. dr ; aff., doctr., p. 2916 ; D. CARAMALLI, « Réforme du soutien abusif du crédit : le point de vue du praticien »,
LPA, 18 avr. 2005, p. 6 ; R. DAMMANN, « La situation des banques titulaires de sûretés après la loi de sauvegarde
des entreprises », banque et droit, oct. 2005, p. 16 ; F.-J. CREDOT et Y. GERARD, « La loi de sauvegarde des
entreprises. Encadrement de la responsabilité des créanciers pour soutien abusif », RD banc. et fin. Oct. 2005, p.
10 ; J. STOUFLET et N. MATHEY, « La loi de sauvegarde des entreprises. Commentaires des dispositions applicables
aux concours financiers », RD banc. et fin. févr. 2006, p. 54.
1891
D. LEGEAIS, « Les concours bancaires accordés à une entreprise en difficulté », JCP E 2005, n°42, 1510, n°6.
341
concours accordés à l’entreprise quand elle était in bonis dès lors qu’au moment de la mise en
jeu de l’action en responsabilité, elle est engagée dans une procédure collective 1892.
783. De la lecture des dispositions de ce texte de loi, quelques observations s’imposent. D’abord, le
champ d’application de la responsabilité du banquier pour crédit abusif est réduit. Ensuite,
quoique le principe soit exprimé en des termes généraux, il ne vaut que pour les actions en
responsabilité introduites dans le cadre des procédures collectives. Toutefois, la responsabilité
civile de droit commun reste maintenue, puisque le législateur ne s’est pas exprimé dans un
sens dérogatoire aux dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil. Enfin, bien que
prioritairement lié à l’activité des banques, le caractère général du terme « créanciers » utilisé
par le législateur, autorise l’implication de toutes les entreprises qui accordent un crédit ou un
délai de paiement à leurs clients 1893. Ainsi, les fournisseurs, les entreprises d’investissement,
les entreprises d’affacturage, peuvent être cités. En revanche, le crédit-bailleur ne peut être
concerné1894 : il finance l’acquisition d’un bien, mais il n’octroie pas de crédit au crédit-preneur.
Il en va de même d’un assureur de crédit qui n’intervient qu’en cas d’impayés 1895.
784. La responsabilité de l’établissement dispensateur de crédit ne peut être engagée aussi, d’une
part, pour rupture de concours bancaire sur le fondement d’une situation irrémédiablement
compromise du débiteur et, d’autre part, sur celui d’un comportement gravement répréhensible
du débiteur. Dans les deux cas, - peu importe que le concours soit à durée déterminée ou
indéterminée -, aucune obligation n’est faite au banquier de respecter un délai de préavis 1896.
785. La Cour de cassation a dû intervenir plusieurs fois, afin de guider les tribunaux dans les
contentieux liés à la rupture des concours bancaires sur le fondement d’une situation
irrémédiablement compromise du débiteur. Elle a précisé la nature de la situation. Cette
dernière a été jugée similaire au cas d’une entreprise qui n’a aucune chance de se redresser 1897.
L’impossibilité pour le débiteur d’honorer les échéances de son plan et la faiblesse des
commandes sont constitutives d’une situation irrémédiablement compromise 1898. Il y a lieu
d’observer qu’une situation irrémédiablement compromise ne se confond pas avec l’état de
1892
Com. 16 nov. 2012, n°11-22.993, RJDA 2/3, n°143.
1893
id.
1894
D. GIBRILA, Droit des entreprises en difficulté, éd. Defrénois, Lextenso éditions, 2009, n°11, p. 517.
1895
id.
1896
Art. L. 313-12, al. 2, c. mon. fin.
1897
Com. 11 juin 1996, n°93-19. 804, NP, Rev. proc. coll. 1997, n°02, p. 180, obs. MESTRE et LAUDE.
1898
Com. 21 nov. 2006, n°05-18.979, NP.
342
cessation des paiements1899. En ce sens, d’ailleurs, il a été jugé qu’il ne saurait y avoir autorité
de chose jugée d’une décision statuant sur la situation irrémédiablement compromise au regard
de l’état de cessation des paiements 1900.
786. Si l’adoption d’un plan de redressement ne peut suffire à faire valoir la situation
irrémédiablement compromise, celle d’un plan de sauvegarde ordinaire et des sauvegardes
accélérées l’écarte sans équivoque1901. La difficulté dans ces procédures de sauvegarde n’est
que momentanée, de sorte qu’il serait difficile de l’assimiler à une situation irrémédiablement
compromise. La Cour de cassation1902 a pu la qualifier de « situation momentanément
compromise ». Ce qui n’a pas échappé à des critiques au sein de la doctrine 1903. Au contraire,
l’adoption d’un plan de redressement judiciaire peut caractériser la situation irrémédiablement
compromise en ce que seuls des reports d’exigibilité et des mesures de restructuration avaient
permis à l’entreprise de continuer son exploitation1904. La solution a été réitérée plus tard 1905. Il
peut en être déduit que la liquidation judiciaire n’est pas exigée, que le banquier pourra
désormais, facilement mais rapidement, rompre son concours. Il doit le faire de façon rapide
pour écarter tout risque de se voir reprocher un soutien abusif. Il importe de préciser que
l’appréciation de la situation irrémédiablement compromise par le tribunal se reporte
rétroactivement au jour où le banquier a pris la décision de rompre son concours 1906. Toutefois,
en 2015, la Cour de cassation a indiqué que la situation irrémédiablement compromise n’était
pas constituée, lorsque le débiteur n’a dépassé le découvert autorisé que pendant dix mois
pendant lesquels il a continué à honorer régulièrement les échéances d’un prêt 1907.
787. De ces interventions jurisprudentielles, il ressort que le prêteur de crédit (la banque en général)
peut prendre, sans risque1908, l’initiative unilatérale de rompre son concours, en présence d’une
1899
Com. 23 oct. 2001, n°98-16.286, NP, act. proc. coll. 2001/20, n°268 ; Com. 21 nov. 2006, n°05-18.979, NP.
1900
Com. 31 mars 2004, n°02-16.437, Bull. civ. IV, n°64 ; Rev. proc. coll. 2005/2, n°03, p. 165, obs. A. MARTIN-
SERF.
1901
Parce que la procédure de sauvegarde ordinaire suppose l’absence de cessation des paiements ; que les
sauvegardes accélérées n’autorisent pas une cessation des paiements aggravées au point de pouvoir faire qualifier
la situation du débiteur d’irrémédiablement compromise.
1902
Com. 19 oct. 1999, n°96-16.377, Bull. civ. IV, n°167 ; RTD com. 2000. 155, note M. CABRILLAC.
1903
M. CABRILLAC, note sous com. 19 oct. 1999, n°96-16.377, Bull. civ. IV, n°167 ; RTD com. 2000. 155 ; P.-M.
LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 993.
1904
Com. 19 oct. 1999, n°96-16.377, Bull. civ. IV, n°167 ; RTD com. 2000. 155, note M. CABRILLAC.
1905
Com. 3 juin 2009, n°08-16. 439, NP ; Rev. proc. coll. 2009/6, 175, p. 50, note A. MARTIN-SERF.
1906
Com. 22 févr. 2005, n°02-12. 199.
1907
Com. 24 mars 2015, n°13-16.076, Bull. civ. IV ; Gaz. pal. 2016, n°2340, note MOREIL.
1908
Il n’a pas à craindre de se voir reprocher de n’avoir pas prévenu le client par un préavis.
343
situation irrémédiablement compromise de son client. Ce peu importe que ledit concours ait été
entièrement ou non exploité par le débiteur 1909. Cependant, si la rupture tirant raison de ce
fondement, il s’avère après que la situation n’est pas irrémédiablement compromise, la banque
engage sa responsabilité sur le fondement d’une rupture abusive 1910.
788. Dans l’établissement d’une telle responsabilité du banquier, l’apport jurisprudentiel a été
considérable pour avoir précisé les contours de la question. Pour la doctrine, le comportement
répréhensible serait lié à un délit commis à l’encontre du banquier, visant à le tromper 1911. Il y
aurait comportement gravement répréhensible lorsque des faits pénaux auront été constatés 1912.
La jurisprudence s’est plutôt prononcée dans ce sens. Il a été ainsi jugé que la remise par le
débiteur de tout document contenant une fausse solvabilité à son banquier est un comportement
gravement répréhensible1913. En ce sens, la responsabilité d’un expert-comptable peut être
retenue sur le fondement d’un manquement à son obligation de contrôle 1914. Cette ligne de
raisonnement a été retenue par la jurisprudence, concernant la remise de facture
falsifiée/imaginaire ainsi que la double mobilisation de créance par un effet de commerce 1915.
Le comportement gravement répréhensible peut aussi être caractérisé en dehors de toute faute
pénale. C’est le cas par exemple de la mauvaise foi d’un emprunteur dans le cadre de la
transmission des informations au banquier au titre de son obligation contractuelle 1916, du
dépassement répété et significatif d’une facilité de caisse accordée 1917, du défaut de respect d’un
plan conventionnel de remboursement 1918, du fait de ne pas donner les garanties promises et les
documents requis par la banque. De plus, la non affectation d’un prêt à son objet, peut autoriser
le banquier à rompre son concours1919.
789. En droit OHADA, la législation et la jurisprudence ne sont pas aussi fournies sur la
responsabilité du banquier. Contrairement au droit français, la possibilité d’envisager son
1909
Com. 8 juill. 1997, n°95-13.371, NP, Rev. proc. coll. 1998, obs. MESTRE et LAUDE.
1910
Com. 24 mars 2015, n°13-16.076, Bull. civ. IV ; Gaz. pal. 2016, n°2340, note MOREIL.
1911
P. BOUTEILLER, « Responsabilité du banquier », J.-C. com. 2007, n°45 ; fasc. 3100.
1912
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p.994.
1913
Rouen, 2e ch. 31 janv. 2008, RG n°05/04802, Act. proc. coll. 2008/15, n°238 ; com. 20 juin 2006, n°04-16.238,
Bull. civ. N°148 ; Banque et droit 2006, n°110, p. 24, note Th. BONNEAU.
1914
Rouen, 2e ch. 31 janv. 2008, RG n°05/04802, Act. proc. coll. 2008/15, n°238.
1915
Aix-en-Provence, 14 déc. 1990, Banque juin 1991, p. 657, obs. RIVES-LANGE.
1916
Com. 28 juin 2011, n°10-27.086, NP, RDBF déc. 2011, comm. 192, note CREDOT et SAMYN.
1917
Com. 2 nov. 1994, n°92-15.920, NP, RJDA 1995, n°311.
1918
Com. 3 janv. 19991, n°88-17.893, NP.
1919
Paris, 15e ch. B. 15 janv. 1999 RG n°1997/10226.
344
irresponsabilité n’a pas été prévue par la réforme intervenue en 2015. Ce qui ne doit pas être
interprété comme un manque de considération de l’importance du financement des banques
dans l’essor économique du continent par le législateur. Faut-il rappeler, à cet égard, que ce
dernier a introduit le privilège d’argent frais 1920 dans la conciliation, le règlement amiable et le
redressement judiciaire pour encourager les dispensateurs de crédit à participer au redressement
des entreprises. Faute de texte dédié, et afin de comprendre le régime de l’irresponsabilité du
banquier dispensateur de crédit, il faudrait d’abord comprendre le régime de sa responsabilité.
790. La responsabilité du banquier dispensateur de crédit est posée par deux articles dans le nouvel
Acte uniforme des procédures collectives. D’abord par l’article 118 selon lequel « les tiers,
créanciers ou non, qui, par leurs agissements fautifs, ont contribué à retarder la cessation des
paiements ou à diminuer l’actif ou à aggraver le passif du débiteur peuvent être condamnés à
réparer le préjudice subi par la masse sur action du syndic agissant dans l’intérêt collectif des
créanciers ». Ce texte, bien qu’il permette au juge de pouvoir retenir la responsabilité du
banquier créancier ou non, reste imprécis 1921 sur les faits réels qui sous-tendent, comme cités
dans le texte, le retardement de la cessation des paiements, la diminution de l’actif et
l’aggravation du passif. Autrement dit, on ne sait pas exactement quel sens donné à l’agissement
fautif. Il peut donc être supposé que le législateur n’ait pas voulu tenir les juges dans des limites.
Ce qui peut être compréhensible dans un sens, mais, dans un autre sens, cette position législative
peut être critiquée, à l’aune de l’abus d’interprétation et d’explosion1922 de contentieux. En tout
état de cause, une décision1923 d’un tribunal de commerce a apporté une réelle contribution à la
définition des domaines d’application de l’article 118 de l’Acte uniforme des procédures
collectives.
791. En l’espèce, le 28 juillet 2010, le tribunal de première instance d’Abidjan a ouvert une
procédure de règlement préventif pour la société Phonibex-CI et a nommé M. Koffi Konan en
qualité de syndic pour l’exécution du concordat ayant été homologué. Le 21 février 2013, la
procédure a été convertie en liquidation des biens assortie, d’un côté, de la fixation de la date
de cessation des paiements au 1er septembre 2011 et, de l’autre, de la reconduction de M. Koffi
1920
Il s’agit du privilège de new money ou d’argent frais qui concerne les apports nouveaux en trésorerie ou les
fournitures nouvelles de biens ou de services pendant la période d’observation/la conciliation.
1921
E. D. F. KOUOKAM, note sous trib. com. Abidjan, 30 oct. 2014, RG n°1887/14, réf. Ohadata D-17-05, p. 1.
1922
Un auteur faisait déjà la même remarque quelques années après l’entrée en vigueur de l’AUPC version 1998 :
F. THIERA, La réforme de l’OHADA et les procédures collectives d’apurement du passif, l’Harmatan, 2012, p.
218.
1923
Trib. com. Abidjan, 30 oct. 2014, RG n°1887/14, réf. Ohadata D-17-05, p. 1.
345
Konan en qualité de syndic de liquidation, sur la base d’un passif s’élevant à 4. 837, 591, 653
F. CFA. Le 19 juin 2014, le syndic assigne la Bank of Africa Côte d’Ivoire (BOA-CI),
créancière de la société Phonibex-CI, en responsabilité, afin que la banque soit condamnée au
paiement de 4. 800 000 000 F.CFA au titre de dommages et intérêts, ou que la déchéance des
sûretés constituées par cette dernière soit prononcée. Le syndic reprochait à la banque d’avoir,
du fait des crédits qu’elle a accordés à la société Phonibex-CI, d’une part, retardé la cessation
des paiements de cette dernière et, d’autre part, aggravé son passif. A l’appuis de ses allégations,
le syndic soutient que sur le passif global de la société Phonibex, la banque détenait à elle seule
une part représentant 3. 185, 836, 031 F. C. FA garantie par une hypothèque et trois autres
garanties bancaires, alors que l’ensemble des autres créanciers n’avaient que 1. 600 000 000 F.
CFA ; que les états financiers de la société débitrice, transmis à la banque, ressortaient une
situation financière très déséquilibrée, et qu’en conséquence, la banque ne pouvait ignorer une
telle situation au moment d’accorder des crédits. En réplique, la banque a opposé une fin de
non-recevoir tirée de la qualité du syndic au chef de la déchéance des sûretés ; car, soutenait-
elle, ces sûretés n’étaient pas constituées des biens appartenant à son client, mais sur ceux des
tiers. Elle a également requis la condamnation du syndic au paiement de 5 00 000 000 F. CFA
au titre de dommages et intérêts tirés des préjudices subis par le fait que le syndic se soit
intentionnellement abstenu, au cours de la procédure de règlement préventive, et pendant 3 ans,
d’alerter le juge commissaire sur l’état de cessation des paiements du débiteur, ce qui, selon la
banque, aurait permis de limiter les montants et leur paiement.
792. Dans cette affaire, trois questions de droit se posaient principalement au juge : dans quelle
condition la responsabilité de la banque peut être retenue sur le fondement de l’article 118 ? Le
syndic est-il fondé à demander la déchéance des sûretés au titre d’agissement fautif d’un tiers
créancier ? A quel titre le syndic engage-t-il sa responsabilité ? Seule la première question de
droit nous intéressera.
346
794. La contribution de cette décision à la caractérisation de la responsabilité du banquier au visa de
l’article 118 de l’AUPC tient à deux nouveaux éléments définitionnels. D’abord le crédit
« artificiel ». En se référant à la définition du terme « artificiel », il ressort qu’il s’agit d’un
crédit qui induit en erreur. C’est un cas d’abus, et donc une faute1924, ce qui permet la rétention
de la responsabilité de son auteur surtout lorsque celui-ci savait la victime dans une situation
financière irrémédiablement compromise. Ensuite le « crédit ruineux ». En se référant
également au sens du terme « ruineux », il en résulte qu’il s’agit d’un crédit qui n’est pas adapté
aux capacité et besoins de l’emprunteur ; qui entraîne de facto sa ruine.
795. Bien qu’inspirée de la jurisprudence française, cette décision permet, en tout état de cause,
d’ouvrir la voie - la bonne puisqu’au regard des faits, elle semble bien justifiée - dans
l’interprétation de l’article 118. Ainsi, l’irresponsabilité du banquier résulterait de tout autre fait
même ruineux ou artificiel, mais qui ont été occasionnés par un agissement fautif de
l’emprunteur, au sens notamment de l’article 229 de l’Acte uniforme des procédures
collectives. Ce dernier condamne, en effet, toute personne soumise à l’Acte uniforme des
procédures collectives, qui se livrerait, en cas de cessation des paiements, aux actes telle la
soustraction de sa comptabilité, à la fourniture d’un état financier inexact ou falsifié. En d’autres
termes, si les dossiers joints à la demande du crédit sont inexacts, tout éventuel préjudice
découlant de ce crédit ne devrait pouvoir engager la responsabilité du banquier. Sur la question
de l’irresponsabilité du banquier, le droit français est en avance. Le principe de
l’irresponsabilité des dispensateurs de crédit supporte des exceptions ; le législateur français ne
l’a posé que pour mettre fin à la mise en jeu systématique de la responsabilité des banques.
B. Les exceptions
796. Le principe d’irresponsabilité des dispensateurs de crédit aux entreprises en difficulté supporte
des exceptions qui sont liées d’abord à la faute, ensuite à la fraude, l’immixtion caractérisée et
à la disproportion des garanties accordées par rapport aux concours consentis. La faute, due au
soutien abusif1925, doit nécessairement être liée à l’un des cas de déchéance que sont :
l’immixtion caractérisée du banquier dans la gestion du client, la disproportion entre les
concours accordés et les garanties prises, ou à la fraude. Il s’agit d’une condition cumulative
1924
E. D. F. KOUOKAM, note sous trib. com. Abidjan, 30 oct. 2014, RG n°1887/14, réf. Ohadata D-17-05, p. 7.
1925
F. LEFEBVRE « Responsabilité d’une banque pour soutien abusif en cas de procédure collective : quel texte
appliqué ? », Éditions Francis Lefebvre, 14 déc. 2015, article consulté le 15 mars 2018.
347
selon la Cour de cassation1926. En fait, dans un cas d’espèce soumis à la Cour de cassation, il a
été relevé que ces trois comportements prévus à l’article L.650-1 du code de commerce ne
suffisent pas en eux-mêmes pour engager la responsabilité du banquier ; qu’ils ne constituent
que des cas de déchéance de la protection légale ; que la responsabilité de la banque pour
soutien abusif ne peut être retenue que lorsque l’une des hypothèses d’exclusion de
l’irresponsabilité est qualifiée et qu’une faute peut, au surplus, être établie. Or, la preuve d’une
telle faute n’était pas établie dans l’espèce.
797. La fraude aux droits des créanciers et de la procédure par rupture d’égalité est d’abord visée.
Elle se manifeste notamment par l’escompte d’effets de commerce de complaisance ou par la
double mobilisation de créances qui procure au débiteur un crédit frauduleux 1927. En fait, ces
pratiques permettent d’accorder des crédits ou des avances à l’entreprise dans un but différent
du maintien de l’activité : il s’agit des méthodes utilisant des moyens déloyaux à obtenir un
avantage matériel ou moral indu 1928. La fraude impliquerait des attitudes punissables sur le
terrain pénal1929. La Cour de cassation a eu l’occasion de le rappeler en approuvant une cour
d’appel qui a considéré que la fraude civile ou commerciale ne se différencient pas de la fraude
pénale1930. Cependant, une simple imprudence a été jugée non constitutive de fraude 1931.
798. Le soutien abusif, qui se manifeste par l’immixtion caractérisée du banquier dans la gestion du
débiteur est le deuxième cas de responsabilité recherché à l’encontre du prêteur de crédit.
Concrètement, cette situation évoquerait une direction de fait 1932. La mise en place par le
banquier d’un montage financier visant à consentir, par personne interposée, un crédit à un
débiteur dont il connaît ou aurait dû connaître la situation désespérée, est dite caractéristique
d’une immixtion caractérisée 1933. Ce serait également le cas où un banquier, sans se substituer
au dirigeant de droit, influe sur la décision de celui-ci1934. Toutefois, selon un auteur, cette
1926
Com. 27 mars 2012, n°10-20.077, Gaz. pal. 2 juin 2012, 199554, p. 38, note S. REIFEGERSTE ; com. 1er janv.
2014, n°12-26. 156, BRDA 5/14 ; com. 3 déc. 2015, n°14-10.274,
1927
Rapp. J-J, HYEST, n°335, p.446.
1928
Com. 16 oct. 2012, n°11-22.993, Bull. civ. IV, n°186.
1929
Interv. VIDALIES, 2e séance du 3 mars 2005, JOAN CR, p. 1635.
1930
Com. 16 oct. 2012, n°11-22.993, Bull. civ. IV, n°186 ; Gaz. pal. 18 janv. 2013, n°186, p.34, note R. ROUTIER.
1931
Trib. com. Nanterre, 7e ch., 19 juin 2009, RG n°08/F00426, Gaz. pal.17 avr. 2010, n°106, 107, p. 38, note R.
ROUTIER.
1932
Interv. GIACCOBI, 2e séance du 3 mars 2005, JOAN CR, p.1634 ; rapp. J-J. HYEST, n°335, p. 446.
1933
V. sous le régime antérieur, G.-A. LIKILIMBA, Le soutien abusif d’une entreprise en difficulté, éd., Litec, 2001 ;
Com. 25 mars 2003, Bull. civ. IV, n°150 ; I. URBAIN-PARLEANI, « L’octroi abusif de crédit », RD banc. Et bourse
2002, p. 365 ; R. ROUTIER, Obligation et responsabilité du banquier, éd., Dalloz référence, 2006, n°122, 00 et s.
1934
J.-L. VALLENS, Droit de l’entreprise, 19e éd., Lamy, 2014-2015, n°4749.
348
immixtion n’engage la responsabilité du banquier que lorsqu’elle se situe à l’origine de la
naissance d’un préjudice causé par l’adoption d’une mauvaise décision dans la gestion de
l’entreprise1935. Cette affirmation est critiquable lorsqu’on pose la question en sens inverse à
savoir, que se passera-t-il lorsqu’il est établi que le banquier s’est bien immiscé dans la gestion
du débiteur mais que cela n’a pas causé l’adoption d’une mauvaise décision ? Il peut être
supposé que sur le fondement de la moralité de la procédure, le ministère public, garant de
l’intérêt général, puisse se saisir.
799. 819. Toute immixtion ne peut être qualifiée d’ingérence fautive. Il en est ainsi lorsque le
banquier demande un état prévisionnel des dépenses à son client emprunteur. Cela rentre plutôt
dans le contrôle périodique et normal de l’emploi du crédit accordé. Il a aussi été jugé qu’en
vertu d’une clause de l’acte de prêt, la surveillance des versements par le banquier n’est pas
constitutive d’une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur 1936.
800. Le troisième cas de responsabilité est la disproportion entre les concours consentis et les
garanties prises. C’est une nouveauté introduite par le législateur français dans le droit des
entreprises en difficulté, en réponse à la caution qui demandait qu’une recherche soit menée sur
l’équilibre entre le cautionnement et son patrimoine et ses revenus. Depuis l’incrimination du
caractère disproportionné du cautionnement 1937, la Cour de cassation a régulièrement convié
les juridictions du fond à rechercher la responsabilité du banquier sur ce fondement1938.
801. L’article L.332-1 du code de la consommation, qui dispose qu’« un créancier professionnel ne
peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont
l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et
revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui
1935
J. LASSERRE CAPDEVILLE, « Que reste-il au XXIe siècle du devoir de non-ingérence du banquier ? », Banque
et droit 2005, n°100, p. 11.
1936
Com. 30 oct. 2007, n°06-12.677, Bull. civ. IV, n°227 ; RD banc. fin., 2008, n°35, note CREDOT et SAMIN.
1937
L. n°2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, JORF n°179 du 5 août 2003, p. 13449, texte n°1,
dans l’article L. 341-4 du code de la consommation (devenu L.332-1 : ord. n°2016-301, 14 mars 2016), selon
lequel « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne
physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à
moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son
obligation ».
1938
Com. 11 juin 2003, Bull. civ. I, n°95 ; com. 17 déc. 2003, Bull. civ. IV, n°206 ; civ. 6 avr. 2004, Banque et
droit août 2004, p. 58, obs. Th. BONNEAU ; com. 29 juin 2004, Banque et droit, déc. 2004, p. 56, obs. Th.
BONNEAU ; civ. 9 juill. 2003, Bull. civ. I, n°167 ; com. 6 avr. 2004, Bull. civ. I, n°110 ; com. 29 juin 2004, Bull.
civ. I, n°185.
349
permette de faire face à son obligation », peut-il permettre une condamnation pour soutien
abusif sur le fondement d’un crédit disproportionné par rapport aux engagements de la caution ?
Une lecture stricte du texte ne le permet pas. Le texte n’emploie pas le terme crédit
disproportionné, mais plutôt celui d’un concours disproportionné par rapport aux garanties
prises. Dès lors, l’octroi d’un crédit sans rapport avec la rentabilité escomptée, ne peut donner
lieu à une sanction, sur le fondement du texte précité. Une telle sanction est à rechercher sur le
terrain du droit commun de la responsabilité bancaire 1939. Le texte en question opère
délibérément une restriction. Il permet de sanctionner que la constitution des garanties
extraordinaires par rapport aux habitudes de la pratique1940.
802. Ce sont toutes les garanties que le texte inclut 1941. Toutefois, une cour d’appel a écarté
l’inclusion de l’aval au motif que l’article L.332-1 (incriminant la garantie disproportionnée au
concours) n’est pas applicable à ce type de cautionnement solidaire. Une doctrine a
désapprouvé cet arrêt, en lui reprochant notamment de n’avoir tenu compte que de la nature
commerciale de l’aval, au détriment de l’impossibilité juridique de l’application du texte en la
matière : « au demeurant, la disproportion de l’article L.650-1 envisagée par rapport aux
concours consentis n’a rien à avoir avec la disproportion de l’article L.341-4 {…} du code de
la consommation qui l’envisage par rapport aux biens et revenus du garant ». Quoiqu’il en
soit, le concours doit nécessairement être lié à la garantie, ce qui ne permettra pas de sanctionner
une garantie disproportionnée accordée après le concours fourni par la banque, sauf dans
l’hypothèse où cette garantie résulte d’une promesse de garantie faite à l’occasion de la
constitution du concours1942. La jurisprudence et la doctrine s’accordent à dire que les juges ne
doivent apprécier la disproportion qu’au moment précis de la constitution de la garantie 1943.
1939
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017-2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p.2691.
1940
Interv. PERBEN, cité par P.-M. Le Corre, in Droit et pratique des procédures collectives 2017-2018, 9e éd.,
Dalloz action, 2016, p. 2691.
1941
P. LE CANU et M. Droit commercial, 7e éd., Dalloz, 2016, n°640 ; J. MOURRY, « La responsabilité du
fournisseur du « concours » dans le marc de l’article L.650-1 du code de commerce », D. 2006, Chron., n°21, p.
1343 et s.
1942
R. ROUTIER, « Le cantonnement de la responsabilité pour soutien abusif », Gaz. proc. coll. n° sp. sept. 2005,
n°13, p. 35.
1943
V. R. DAMMANN, « La situation des banques titulaires de sûretés, après la loi de sauvegarde des entreprises »,
banque et droit, set-oct. 2005, p. 21 ; J. MOURRY, « La responsabilité du fournisseur du « concours » dans le marc
de l’article L.650-1 du code de commerce », D. 2006, Chron., n°23, p. 1749 ; F. PEROCHON, Entreprise en
difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n°164 ; Poitiers, 2e ch. civ. 11 janv. 2011, RG n°09/02456, Rev. proc. coll. 2012,
n°109, note A. MARTIN-SEF.
350
803. Lorsque la responsabilité du banquier est retenue au titre d’un concours disproportionné aux
garanties prises, la sanction sera la nullité 1944, dès lors que les garanties en cause sont prises en
contrepartie du concours 1945. Par ailleurs, au surplus, la période d’observation d’une procédure
passerelle optimise l’actif du débiteur et cantonne son passif.
805. L’institution judiciaire est a priori étrangère au risque économique de l’entreprise en ce que la
liberté d’entreprendre ne permet pas qu’une entreprise soit dépendante d’un quelconque
gouvernement des juges. Cependant, le portage judiciaire s’impose dans l’hypothèse d’une
entreprise en difficulté, en raison des connexions d’intérêt public. Une procédure passerelle,
bien qu’ayant une période d’observation assez courte, en fait tout de même l’objet. La célérité
qui la caractérise et l'ombre du portage judiciaire dont elle bénéficie, la présentent comme une
solution attractive pour le chef d’entreprise. L’objectif est d'écarter, notamment, les menaces
qui peuvent être préjudiciables à l’entreprise, telles que la rupture de l’activité et la discontinuité
de l’exploitation. Tout cela doit intervenir dans la durée limitée de la période d’observation.
Plus cette dernière est longue, plus le climat anxiogène d’une procédure judiciaire prend de
l’ampleur chez le débiteur.
1944
Art. L.650-1, al.2, c. com.
1945
Caen, 25 oct. 2012, RG n°11/03403, Act. proc. coll. 2013, n°42.
1946
D. VIDAL, G. C. GIORGINI, Cours de droit des entreprises en difficulté 2016-2017, 2e éd., Gualino éditions,
2016, p. 633 - 634.
351
806. C’est là qu’une procédure passerelle se distingue des procédures ordinaires : dans le procédé
de passerelle, la phase judiciaire est préparée à l’avance sur le terrain de la procédure de
conciliation1947. De ce fait, elle limite très largement la palette de mesures destinées à sa
protection. Toutefois, en dépit de cet avantage, la situation de l’entreprise est quand même plus
ou moins obérée, et il faut neutraliser cette situation. Cela représente l’aspect traditionnel de la
procédure collective qui concerne le patrimoine du débiteur 1948. Corrélativement, le processus
économique est menacé, il faut en assurer la continuité. C’est l’aspect moderne de cette
procédure qui concerne l’entreprise 1949.
807. Ce processus de neutralisation passe inévitablement par des contraintes judiciaires (Paragraphe
I), mais aussi, il se justifie par l’amélioration de la situation des garants personnes physiques
(Paragraphe II).
1947
V. supra, n°339.
1948
D. VIDAL et G. C. GIORGINI, Cours de droit des entreprises en difficulté, 1re éd., Lextenso Editions, 2015-2016,
p. 174.
1949
ibid.
1950
Com. 1er déc. 2009, n°08-13.187, Bull. civ. IV, n°156 ; n°1125 F-P+B ; D. 2010, note A. LIENHARD ; Gaz. pal.
16 avr. 2010, 106, 107, p. 42, note F. PEROCHON.
352
6 du code de commerce. A défaut, le chef d’entreprise peut lui-même accomplir la mission1951,
ou tout autre professionnel à la diligence du juge commissaire 1952. L’absence d’inventaire ne
fait pas barrage à l’exercice des actions en revendication ou en restitution. En ce cas, il
appartiendra, comme il a été observé précédemment, au débiteur ou à son représentant de
prouver que les biens revendiqués n’existaient plus en nature au jour du jugement
d’ouverture1953. Une procédure judiciaire de redressement d’une entreprise est synonyme de
gestion d’une pénurie.
810. C’est pourquoi, l’optimisation de son actif dans la perspective des objectifs visés par cette
procédure passe, selon les cas, par le sacrifice que doivent consentir le conjoint du chef
d’entreprise (A), les associés et les titulaires de droits réels (B).
1951
Art. L.621-4, c. com.
1952
Art. L. 622-6-1, c. com.
1953
Art. L.622-6, al. 5, c. com. ; Com. 1er déc. 2009, n°08-13.187, Gaz. pal, éd. spéc. 16-17 avr.. 2010, n°106-107,
p. 42, note F. PÉROCHON ; RTD civ. 2010, p. 361, obs. P. CROCQ ; RTD com. 2010, p. 424, obs. .A. Martin-Serf.
1954
Com. 15 mars 2005, n°03-193.59, Bull. civ. IV, n°171 : exige la preuve de faits de confusion pour étendre la
procédure au conjoint.
1955
Com. 10 févr. 2011, n°10-13.590, Rev. proc. coll. 2011, n°72, p.70, obs. C. LISANTI.
1956
C. SAINT-ALARY-HOUIN, « Il est temps de repenser la situation du conjoint dans les procédures ! », Éclairage,
mars-avr. 2016, n°113 et 114, p. 87.
1957
Com. 16 nov. 2010, n°09-68.459, Rev. proc. coll. 2011, n°70, p. 68, obs. M. P. DUMONT-LEFRAND ; Ph.
ROUSSEL GALLE, « Les biens communs et les biens légués », Rev. proc. coll. 2011, Dossier « Le périmètre de la
défaillance économique », colloque AJDE, Toulouse, sept. 2010, n°1, p.83 ; F.-X. LUCAS, « L’attraction du
conjoint in bonis dans la procédure collective », LPA 2003, n°82, p.4 ; L. ANTONINI-COCHIN, « La situation du
conjoint du débiteur », Rev. proc. coll. 2013, dossier n°3, « Personne physique et procédures collectives »,
colloque Toulouse CDA/AJDE, p. 66.
353
des biens de la communauté 1958. Si au cours de la procédure, la dissolution de la communauté
devient opposable aux tiers, ce conjoint doit être entendu ou dûment convoqué avant toute
décision autorisant la vente des biens de l’indivision 1959 ; mais le caractère autoritaire de la
procédure judiciaire porte souvent atteinte à ce statut, notamment, au droit du conjoint et de ses
ayants droit, surtout en procédure de sauvegarde. Cela dénote la préoccupation législative
constante d’optimisation de l’actif du débiteur 1960.
812. En application de la présomption mucienne en droit romain, les biens acquis au cours du
mariage par le conjoint du commerçant étaient présumés avoir été acquis avec les fonds de
l’exploitation ; ils étaient ainsi incorporés à l’actif du débiteur, gage des créanciers de la
procédure collective1961. Bilatéralisée en 1955 en droit français pour englober les biens du mari
de l’épouse commerçante, puis abandonnée en 1967 pour laisser place à un régime particulier
visant la reconstitution du patrimoine du débiteur, la solution a été définitivement déclarée
inconstitutionnelle en 2012 1962, et la Cour de cassation n’a pas tardé à en tirer les
conséquences 1963. Pour que le régime matrimonial s’applique, il faut que le débiteur,
engagé dans une procédure de sauvegarde ordinaire ou de sauvegarde accélérée s’agissant du
droit français, établisse la consistance de ses biens, conformément aux dispositions des articles
L.624-9 et L.624-10 du code de commerce qui sont relatives à la revendication des meubles.
813. En droit OHADA, dans le cadre du redressement judiciaire, la consistance des biens personnels
du conjoint du débiteur est établie par lui-même, conformément aux règles de son régime
matrimonial1964. La masse peut, sur preuves irréfutables, si les biens acquis par le conjoint du
débiteur, l’ont été en toute ou partie, avec des valeurs fournies par celui-ci, demander que les
acquisitions ainsi faites soient intégrées à l’actif, à proportion de la contribution du débiteur 1965.
La règle devrait être transposable en règlement préventif.
1958
Art. 100-1, AUPC.
1959
Art. R. 624-12, c. com.
1960
Ass. Plén. 23 déc. 1994, BJS 1995, p. 231, note J.-P. SENECHAL : la saisie collective de la procédure empêche
le créancier personnel du conjoint du débiteur en redressement ou en liquidation judiciaire de saisir un bien
commun, mais cela devrait s’appliquer en procédure de sauvegarde.
1961
Anc. art. 542, c. com.
1962
Cons. const., 19 janv. 2012, n°2011-212 QPC, D. 2012, n°6, p. 373, note J.-P. SENECHAL ; JCP E 2012, n°12,
p. 30, note Ch. LEBEL.
1963
Com. 11 avr. 2012, n°10-25.570, D. 2012, p.1122, obs. A. LIENHARD.
1964
Art. 99, AUPC.
1965
id.
354
814. Le conjoint du débiteur qui, lors de son mariage, dans l’année de celui-ci ou dans l’année
suivante, était agriculteur ou exerçait une activité commerciale, artisanale ou toute autre activité
professionnelle indépendante, ne peut exercer dans ces procédures de sauvegarde, aucune
action à raison des avantages faits par l’un des époux à l’autre, dans le contrat de mariage ou
pendant le mariage1966. Il s’agit de toutes les donations ainsi que des avantages matrimoniaux,
tels un préciput ou une clause de partage de la communauté. En contrepartie, les créanciers ne
peuvent, de leur côté, se prévaloir des avantages faits par l’un des époux à l’autre 1967. Il
n’empêche que cette disposition semble dépassée et, fondée sur une présomption de fraude,
tout comme l’action en rapport, devrait subir le même sort selon un auteur 1968. La règle ne peut
être étendue, il lui a été souvent reproché d’être à la fois inique et anachronique 1969.
815. Toutes ces actions en responsabilité, contre les dirigeants et contre les tiers, en récupération de
biens détenus par le conjoint, ou encore les actions en recouvrement, ont pour objectif
désormais de reconstituer l’actif de l’entreprise en difficulté, de l’augmenter de toutes les
sommes qui en étaient indûment sorties. Ces mesures sont au service de l’efficience
économique actant ainsi la cohérence du code de commerce et de l’Acte uniforme des
procédures collectives, malheureusement biaisée par l’admission des actions en revendication.
Toutefois, ces actions en revendication et restitution se heurtent à la nécessité de rapidité
recherchée dans les procédures de sauvegarde accélérée du droit français et de règlement
préventif du droit OHADA.
1966
Art. 100, AUPC.
1967
Art. L. 624-8, c. com. ; Art. 100, AUPC.
1968
C. SAINT-ALARY-HOUIN, « Ne tirez plus sur le conjoint ! Pour une abrogation de l’article L. 624-8 du code de
commerce… voire plus », BJE oct. 2012, p. 269.
1969
C. SAINT-ALARY-HOUIN, « L’article L.624-8 du code commerce, une dérogation inopportune au régime des
avantages matrimoniaux », Mélanges en l’honneur du professeur P. Le Cannu, Dalloz, 2014, p. 781.
1970
Art. L.624-20, c. com.
355
actionnaires de s’exécuter 1971. Cette intransigeance à l’égard des associés s’explique par le fait
d’être conforme aux efforts exigés aux créanciers de l’entreprise sociétaire.
817. Quant aux droits réels, en principe, ils échappent à la discipline collective, car le créancier est
titulaire d’un droit réel, dont l’existence subsiste dans les conditions du droit commun. Ce n’est
que la mise en œuvre du droit réel qui est atteinte par la procédure collective. En effet, la
suspension des poursuites individuelles, par suite de la survenance de la procédure collective,
n’affecte pas les droits de revendication, car l’action ne vise pas le paiement d’une somme
d’argent, ni la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent 1972. C’est
un principe traditionnel et commun à toutes les procédures collectives s’expliquant par la
qualité du revendiquant dont le droit est opposable à tous, ce qui lui confère une supériorité
face à celle d’un simple droit de créance.
818. Cependant ces droits de revendication ne peuvent être exercés dans les procédures de
sauvegarde accélérée du droit français qui, par définition, sont des procédures expéditives 1973.
C’est pourquoi il est surprenant que le législateur ait maintenu la revendication dans la
procédure de sauvegarde ordinaire en ce qu’elle provoque la désorganisation de l’actif de
l’entreprise en difficulté et entraîne, de ce fait, le risque de démantèlement d’une société in
bonis1974. L’argument explique l’exclusion de la règle dans les procédures accélérées 1975. Elle
rime mal avec la finalité assignée à ces passerelles, celle de traiter les difficultés des entreprises
par une solution négociée de façon rapide.
819. En droit OHADA, l’article 101 du nouvel Acte uniforme des procédures collectives ne prévoit
pas la revendication des biens dans la procédure de règlement préventif. Cette exclusion n’est
pas expressément indiquée. Elle se présume de la formule de l’alinéa premier du texte précité
selon lequel « nonobstant les dispositions du présent Acte uniforme, la revendication des
meubles ne peut être exercée que dans le délai de quatre-vingt-dix (90) jours suivant la
deuxième insertion de la décision d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou
de liquidation judicaire des biens dans un journal d’annonce légale de l’État partie concerné ».
Il n’est donc fait cas que des seules procédures de redressement et de liquidation judiciaire.
1971
Art. L.622-20, al. 2, c. com.
1972
P.-M. LE CORRE, « Droit réel, droit personnel et procédures collectives », LPA 1999, n°99, p. 4.
1973
V. en ce sens les obs. de A. MARTIN-SERF, avr. 2014, p. 415.
1974
V. F.-X. LUCAS et H. LECUYER, « La loi de sauvegarde, article par article », LPA févr. 2006, n°28, p. 68.
1975
Art. L. 628-1, al. 1, c. com.
356
Comme pour les sauvegardes accélérées du droit français, la finalité recherchée à travers le
règlement préventif rime mal avec le droit de revendication.
820. L’action en revendication d’une somme d’argent reste impossible dans les procédures
collectives. Il en résulte que le créancier propriétaire d’une somme d’argent donnée devra faire
une déclaration au passif de la procédure au même titre que les autres créanciers soumis à cette
obligation. En effet, toute restitution d’une telle somme d’argent porterait atteinte à l’égalité
des créanciers. La solution est sans équivoque sur les disponibilités présentes sur le compte
bancaire du débiteur 1976, même s’il est vrai que l’argent est un bien fongible. Cependant, il
semblerait que les sommes, bénéficiant d’une affectation spéciale, font exception à la règle1977.
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a indiqué qu’une affectation spéciale ne peut résulter
d’un article de compte dans la comptabilité du débiteur1978. Si la période d’observation optimise
l’actif comme vu précédemment, elle permet de maîtriser aussi le passif de l’entreprise.
822. Le cantonnement du passif général antérieur explique le gel immédiat de ce passif (A), mais
reste toutefois assorti de quelques tempéraments comme le paiement obligatoire des créances
salariales et alimentaires (B).
1976
Com. 22 mai 2013, n°11-23.961, Bull. civ. IV, n°87 ; com. 10 mai 97-16.726, Bull. civ. IV, n°98, p. 87 ; com.
4 févr. 2003, n°00-13356 NP ; com. 15 mai 2015 n°13-25.312 NP.
1977
Com. 15 févr. 2011, n°10-10.056, Bull. civ. IV, n°25.
1978
Com. 8 mars 2017, n°15-11.168 NP.
357
A. Le gel des créances antérieures
823. Une procédure passerelle, à l’image de la sauvegarde du droit français et du règlement préventif
du droit OHADA, est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la
poursuite de l’activité1979. Dès lors, il serait illusoire de vouloir atteindre ces objectifs si aucun
répit n’était accordé au débiteur pendant sa période de restructuration 1980.
824. Le passif de l’entreprise en difficulté est l’élément problématique qui menace son existence.
C’est pourquoi il est primordial de le maîtriser dans toutes ses manifestations. C’est ainsi que
le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance
née antérieurement au jugement d’ouverture 1981 à l’exception du paiement par compensation
des dettes connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance
née après le jugement d’ouverture, non mentionnée au I de l’article L.622-71982 du code de
commerce. Ces interdictions ne sont pas applicables aux créances alimentaires. Cependant pour
le débiteur, « le droit de ne pas payer ses dettes n’interdit pas le paiement ».1983 Subsiste, en
effet, une obligation naturelle à sa charge qu’il peut parfaitement commuer, par une manifestion
non équivoque emportant novation, en une obligation civile 1984.
825. A l’ouverture de la procédure collective et alors que l’activité doit se poursuivre, le passif
antérieur est affecté d’une image ; il est figé de sorte qu’on ne peut le payer, même pas tenter
de le faire. Le principe est automatique et traditionnel. Il prend effet dès le prononcé du
jugement d’ouverture de la procédure 1985 et s’applique dans toutes les procédures
collectives1986, au débiteur et à l’administrateur judiciaire 1987. Cependant, les paiements
effectués, dans le cadre des règlements interbancaires le jour même du jugement d’ouverture,
restent valables1988.
1979
Art. L.620-1, c. com.
1980
A. BAMDE, « Ouverture d’une procédure collective : le principe d’interdiction des paiements », aurelien
bamde, 9 oct. 2017, article consulté le 7 mai 2018.
1981
Art. L.622-7, c. com. ; Art. 11, al. 1, 3°, AUPC.
1982
Art. L. 622-7, I, du c. com.
1983
F. X. LUCAS, P.-M. LE CORRE, « Droit des entreprises en difficulté - Critères d’ouverture de la procédure de
sauvegarde », Receuil Dalloz, 2008, p. 570.
1984
F. PEROCHON et R. BONHOMME, Entreprise en difficulté - Instrument de crédit et de paiement, 7e éd., LGDJ,
2006, n°501-1.
1985
Com. 3 mars 1998, RJDA 7/98, p. 646.
1986
Com. 8 juin 1993, BRDA 12/93, n°1080 ; JCP E 1993, 3721, p. 150.
1987
Cependant les tiers ne sont pas concernés : com. 3 oct. 2006, D. 2006, p. 2735.
1988
Art. L. 330-1, II, c. mon. fin.
358
826. Cette interdiction a un caractère général et concerne, de ce fait, tout paiement antérieur par le
débiteur quel qu’en soit le mode, y compris par l’effet d’une saisie-attribution1989, l’attribution
judiciaire d’un bien donné en garantie (il s’agit d’une dation en paiement1990) ou par l’exercice
d’un droit de retrait1991 et quelle que soit la nature de la créance : professionnelle ou
personnelle1992, chirographaire ou assortie d’une sûreté1993, toutes les fois qu’il s’agit d’une
créance de somme d’argent dont l’origine est antérieure au jugement d’ouverture ou que la
créance est postérieure, mais non privilégiée. C’est pourquoi un virement postérieur au
jugement d’ouverture n’est pas nul s’il n’est pas établi qu’il a servi à régler des créances
antérieures ou postérieures non privilégiées 1994. Elle n’épargne pas non plus le conjoint
commun en bien qui ne peut régler les arrérages d’une teinte viagère avec des gains et salaires
communs lorsque son époux fait l’objet d’une procédure collective 1995. Si le principe est d’effet
automatique, il n’en demeure pas moins que le juge doive s’assurer, avant, que la créance
dénoncée rentre bien dans le champ d’application de l’interdiction 1996. Les créanciers seront
payés, en raison du principe d’égalité, dans le cadre du plan1997.
827. Le principe de l’interdiction de paiement des créances antérieures procure plusieurs avantages
pour l’entreprise engagée dans une procédure passerelle : le paiement différé permet son
sauvetage ; il est complètement anticoncurrentiel ; le chef d’entreprise peut se permettre
d’oublier ses dettes afin de chercher des mesures de survie de son entreprise ; n’étant pas en
cessation des paiement ou, à tout le moins, depuis plus de quarante-cinq jours, il se met, du fait
1989
Com. 24 oct. 1995, Bull. civ. IV, n°255 ; D. 1996, p. 155, note F. DERRIDA ; JCP G 1996, II, 22578, note E.
PUTMAN ; RTD com. 1996, p. 526.
1990
P.-M. LE CORRE, « Les incidences de la réforme du droit des sûretés sur les créanciers confrontés aux
procédures collectives », JCP E, 2007, n°6, 1185.
1991
Com. 12 oct. 2004, n°03-11.615, RTD com. 2005, p. 417, note P. Y. GAUTIER ; JCP 2005, I, n°16, Ch.
CABRILLAC et Ph. PETEL, p. 107 ; Act. proc. 2004, n°18, com. 218, note, C. RENAUT-MOUTIER ; com. 14 févr.
2006, D. 2006, AJ 916, obs. A. LIENHARD ; com. 13 nov. 2007, n°06-14.503, Bull. civ. IV, n°238 ; LPA 30 oct.
2008, n°218, p. 7, obs. J. TRAULLE ; com. 12 janv. 2010, n°08-21.370.
1992
Com. 25 nov. 2008, Act. proc. coll., 2 févr. 2009, n°33.
1993
Com. 9 févr. 1991, D. 1992, somm. p. 256, obs. F. DERRIDA ; JCP E 1991, II, 232, obs. P.-M. LE CORRE.
1994
Com. 3 nov. 2010, D. 2010, actu. 2644, obs. A. LIENHARD.
1995
Civ. 1re 10 mai 2006, D. 2006, p. 1452, obs. A. LIENHARD ; Act. proc. coll. 2006, n°116, obs. C. REGNAUT-
MOUTIER.
1996
Com. 3 nov. 2010, n°09-69533, LPA, 26 juill. 2011, obs. S. BENILSI.
1997
Com. 3 nov. 2010, n°09-69533, LPA, 26 juill. 2011, obs. S. BENILSI.
359
de l’ouverture de la procédure collective, en situation de ne plus payer immédiatement ses
créanciers et échappe donc momentanément à ses obligations 1998.
828. Cependant, le chef d’entreprise doit respecter la règle de l’interdiction de paiement des créances
antérieures. Tout manquement peut avoir des conséquences lourdes et diverses. Ces
conséquences sont relatives au paiement irrégulier et aux parties engagées. En effet, tout
paiement au mépris de la règle est frappé de nullité, et cette action en nullité peut être formulée
par toute personne intéressée, y compris par le ministère public, dans les trois ans du paiement
interdit1999. Cependant il s’agit de la nullité du paiement et non de l’inopposabilité. La somme
indûment payée est reversée à l’entreprise et tombe dans son patrimoine où elle peut être
affectée au paiement des créances postérieures privilégiées. Le débiteur qui a payé ou fait payer
après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci un créancier au détriment
des autres créanciers peut être condamné à la faillite personnelle 2000. Cette sanction ne peut
s’appliquer dans la sauvegarde du droit français et ses variantes, et dans la procédure de
règlement préventif du droit OHADA, pour cause d’absence de cessation des paiements 2001. Le
débiteur ou dirigeant qui paie ainsi un créancier en tout ou partie peut être condamné
pénalement ou à un emprisonnement de deux ans et à une amende de trente mille euros 2002 pour
ce qui concerne le droit français. S’agissant du OHADA, l’Acte uniforme ne pouvait apporter
de telles précisions, dans la mesure où les législations pénales dans les États membres sont
différentes. Le créancier qui se fait consentir, par convention, des avantages particuliers après
le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde et de l’une de ses déclinaisons, encourt
des peines pénales de trois ans d’emprisonnement 2003. Afin de faire respecter le principe de
l’interdiction de paiement des créances antérieures, la juridiction saisie doit constater la nullité
de la convention dénoncée. Tout en restant rigoureux, les législateurs français et OHADA
prévoient des tempéraments au gel des créances antérieures.
1998
Les débiteurs ne peuvent que se réjouir de l’ouverture de la procédure qui arrête les poursuites des créanciers
et qui interdit de les payer.
1999
Art. L.622-7, al. 4, c. com. ; Art. 234, AUPC. Contrairement au droit français, l’AUPC n’indique pas le délai
sous lequel l’action peut être engagée. Il peut en être déduit que cela est laissé aux droits nationaux puisqu’il est
question d’infraction pénale.
2000
Rappr. de la sanction des actes non autorisés par le juge-commissaire, n°538. Art. L.653-5-4°, c. com.
2001
A. KANTE, « Réflexion sur le principe de l’égalité des créanciers dans le droit des procédures d’apurement du
passif (OHADA) », Rev. EDJA, janv.-févr.-mars 2003, n°52, p. 50 ; Rev., sénégalaise dr. aff. janv.-juin 2003,
n°01, p. 67.
2002
Art. L.654-8, c. com.
2003
Art. 314-1, c. pén., art. L.654-13 c. com.
360
B. Les tempéraments du gel des créances antérieures
829. L’interdiction de paiement des créances antérieures n’est pas un principe absolu. Certains
créanciers peuvent être payés en dépit de l’ouverture de la procédure collective. De même,
d’une manière générale, les mécanismes du droit des obligations peuvent résister à l’interdiction
des paiements, qu’il s’agisse de la compensation entre dettes connexes ou de la délégation de
créances. En plus de l’exception du règlement des effets de commerce imposé par le droit
cambiaire2004, les législations françaises et OHADA prévoient le paiement des créances
alimentaires 2005. Ces créances ne sont pas soumises à l’obligation de déclaration, et elles
échappent à l’interdiction de paiement, qu’elles soient antérieures ou postérieures à l’ouverture
de la procédure2006.
830. L’exception liée aux effets de commerce se justifie par l’irrévocabilité de l’ordre de payer qui
leur est attachée. En effet, dès lors qu’un effet de commerce est émis, il emporte paiement
irrévocable pour son titulaire et, de ce fait, l’ouverture d’une procédure collective ne pourra
primer le droit cambiaire, de sorte que l’effet de commerce ainsi émis doit être payé. La plupart
du temps, ce sont les chèques qui sont concernés, et la jurisprudence a, à chaque fois, réitéré la
primauté du droit cambiaire sur le droit des procédures collectives, au motif que la provision
reste garantie dès l’émission du chèque 2007. Le débat porte toutefois sur la date d’émission, ce
pour éviter le paiement des chèques antidatés 2008.
831. Le deuxième tempérament est relatif aux créances dont le règlement peut être autorisé par le
juge-commissaire pour retirer le gage, ou une chose légitimement retenue, ou encore pour
obtenir le retour de biens et droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire,
lorsque ce retrait ou ce retour est justifié par la poursuite de l’activité 2009. Ce paiement peut
2004
Art. 68, al. 1, 3° et 9, al. 4, AUPC ; TGI, Mifi, n°19/Civ, 15 avr. 2008, réf. Ohadata J-08.151 ; droit français :
pour le paiement du porteur d’une lettre de change : com. 8 oct. 1991, RJDA12/91, n°1072 ; sur l’obligation du
tireur de fournir provision : com. 5 oct. 1993 RJDA 2/94, n°206 et sur l’absence de restitution du montant d’un
chèque au motif que le bénéficiaire est propriétaire de la provision dès l’émission : com. 4 févr. 1992 RJDA 1992/3,
n° 283 ; sur le paiement par chèque post-daté : com. 12 janv. 2010 JCP E 2010, 1296, n°03, obs. M. CABRILLAC ;
act. proc. coll. 2010, n°73, obs. C. REGNAUT-MOUTIER ; art. L.632-3, c. com.
2005
Abidjan, 3e civ.-com., 04 mars 2005, réf. Ohadata J-09.167.
2006
P.-M. LE CORRE, « La règle de l’interdiction des paiements au lendemain de l’ordonnance du 18 déc. 2008 »
Gaz. proc. coll., mars 2009, p. 25 ; R. CHENBER, « Les créances alimentaires et les procédures collectives », Rev.
proc. coll. 2009, n°40, p. 40.
2007
Com. 18 oct. 1994, n°92-20.086, Bull. civ. IV, n°291, p. 232.
2008
Com. 31 janv. 2006, n°04-15.315, Bull. civ. IV, n°18, p. 19.
2009
Art. L.622-7, c. com.
361
aussi être autorisé lorsqu’il s’agit de lever l’option d’achat d’un contrat de crédit-bail2010, si
cette levée d’option est sous-tendue par la poursuite de l’activité et que le paiement à intervenir
est d’un montant inférieur à la valeur vénale du bien objet du contrat 2011. Il peut être ainsi
observé que pour cette exception, trois conditions doivent être remplies : le bien doit avoir fait
l’objet soit d’un gage, d’un droit de rétention, d’une fiducie, soit d’un crédit-bail ; le bien doit
être utile à l’activité de l’entreprise débitrice ; enfin le débiteur ou l’administrateur doivent avoir
l’autorisation du juge commissaire.
832. Le troisième tempérament a trait au vendeur avec réserve de propriété qui sera payé lorsque
l’administrateur/syndic veut garder le bien dans l’entreprise 2012. Aux termes de l’article L.624-
16 du code de commerce, « dans tous les cas, il n’y a pas lieu à revendication si, sur décision
du juge-commissaire, le prix est payé immédiatement ». La dérogation relative au paiement du
vendeur de biens meubles se justifie par la nécessité de favoriser la poursuite de l’activité de
l’entreprise.
833. Les salariés2013, quant à eux, échappent au sort commun réservé aux créanciers, en raison du
caractère social de leurs créances. Ils doivent être immédiatement payés sur les fonds
disponibles 2014, et depuis la loi de 19942015 en droit français, est admis, le paiement provisionnel
des créanciers 2016 dont le bien, assiette de la sûreté, est vendu au cours de la période
d’observation en vertu de l’article L.622-282017 du code de commerce. En cas d’impossibilité
de paiement immédiat des salariés en droit français, faute de fonds disponibles, c’est à l’AGS
qu’il reviendra de les payer. En droit OHADA, soit le paiement est effectué sur les premières
rentrées de fonds avant toute autre créance 2018, soit il est effectué par une personne ou un
organisme prenant en charge le paiement des créances salariales en cas de procédure collective
dans l’État-membre concerné où se déroule la procédure collective 2019. Lorsqu’il s’agit d’une
2010
Art. L.622-7, c. com. ; Art. 101 et s. AUPC.
2011
Com. 19 juin 2007, AJ 1878, obs. A. LIENHARD et 2007, p. 2363, obs. E. LE CORRE-BROLY ; RTD com. 2008,
p.182, obs. A. MARTIN-SEREF.
2012
Art. 624-16, c. com.
2013
Art. 95 et s., AUPC ; Art. L. Art.625-8, c. com.
2014
Art. 625-8, c. com.
2015
L.94-475 du 10 juin. 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, JORF n°134
du 11 juin. 1994, p. 8440.
2016
Com. 20 janv. 1998, Quot. jur. 1998, n°21, p. 5.
2017
Art. L.622-24, c. com.
2018
Art. 96, al. 2, AUPC.
2019
Art. 96, al. 3, AUPC.
362
créance salariale postérieure au jugement d’ouverture, dans les deux droits, elle est payée à
l’échéance comme dette postérieure privilégiée.
834. En droit commun des obligations, le créancier est valablement fondé à invoquer le paiement
par compensation ou par délégation. En matière de procédure collective, la véritable question
qui se pose est de savoir si ce mode de paiement est ou non possible après le jugement
d’ouverture2020 ? Tout d’abord, il faut affirmer que la compensation légale, qui est un double
paiement automatique et forcé reste, sans le moindre doute, concevable puisqu’elle se produit
de plein droit, sans exigence de connexité et sans l’intervention de la volonté, lorsque les
créances étaient certaines, liquides et exigibles avant le jugement d’ouverture 2021, quoiqu’il soit
parfois difficile de déterminer le moment où elle s’opère 2022. Cependant, la compensation
judiciaire est à refuser entre dettes sans lien entre elles puisqu’elle contrarie fondamentalement
et automatiquement le principe de l’interdiction des paiements.
835. Une réelle discussion a eu lieu en droit français quant aux dettes connexes. Sous l’empire du
droit antérieur à 1985, les tribunaux admettaient la compensation entre ces dettes, en raison de
la réciprocité et de l’interdépendance existant entre elles, et dans un souci de protection du
créancier, à la condition, toutefois, que ce créancier ait valablement déclaré sa créance 2023. La
loi du 25 janvier 1985 2024 n’avait pas explicitement consacré cette jurisprudence, et son
maintien était beaucoup controversé 2025, l’acceptation de la compensation qui permet
l’extinction d’une créance du débiteur étant peu logique sous l’empire d’un texte orienté vers
la sauvegarde des entreprises2026. Elle a été adoptée par la jurisprudence dans un arrêt de
2020
J.-M. CLENDINI, « Compensation », J.-C. com., fasc.2372.
2021
Com. 18 sept. 2012, n°C11-21735, RJC mai/ juin 2013, p. 247, obs. J.-P. SORTAIS ; com. 27 sept. 2011, n°10-
247.93, RJDA 1/12, n°69, p. 56 ; BRDA 2012, n°08, p. 5 ; com. 28 oct. 2008, n°07-15029 ; com. 20 mars 2001,
BRDA 7/01, n°10, p. 7.
2022
Com. 18 sept. 2007, D. 2007, p. 6424, obs. V. AVENA-ROBARDET ; RTD com. 2008, p. 180, obs. A. M ARTIN-
SERF.
2023
Rennes, 5 oct. 1988, Rev. proc. coll. 1989, n°2, p. 159, obs. C. SAINT-ALARY-HOUIN.
2024
L.n°85-98 du 25 juill. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, JORF du 26
janv. 1985, p. 1097.
2025
J. F. MONTREDON, « La compensation entre dettes connexes après le jugement déclaratif peut-elle survivre à
la loi du 25 janv. 1985 ? », JCP E 1990, 15792, p. 397 et J.-CL. com. fasc.2372 ; P. LEGRAS DE GRANDCOURT,
« L’interdiction de la compensation en cas de la procédure collective de l’une des parties », Rev. proc. coll. 1990,
n°02, p.119 ; M. PEDAMON, « La compensation des dettes connexes », RJ. com.1992, in n° spéc ; J. P. SORTAIS,
« La compensation des obligations connexes et les procédures collectives : maintien, abandon ou aménagements
des solutions antérieures à 1985 », D. 1991, p. 60.
2026
Toulouse, 26 juill. 1988, Rev. proc. coll. 1989, n°02, p. 157, obs. C. SAINT-A LARY-HOUIN.
363
principe2027, approuvée en cela par quelques auteurs, sur le fondement de l’équité, et la loi de
1994 précitée a consacré cette exception à l’interdiction des paiements. Aux termes de l’actuel
article L.622-7 du code de commerce, le débiteur ne doit pas payer ses créanciers « à
l’exception du paiement par compensation de dettes connexes ».
2027
Com. 19 mars 1991, Rev. proc. coll. 1991/2, p. 211, obs. C. SAINT-ALARY-HOUIN.
2028
Com., QPC, 14 sept. 2010, Act. proc. coll. 2010, n°226, obs. P. CAGNOLI ; LPA 20 déc. 2010, obs. M.-C.HENRY
; RTD com. 2011, 798, obs. A. MARTIN-SERF.
2029
Abrogé et remplacé par le règlement n°1393/2007 du 13 nov. 2007, relatif à la signification et à la notification
dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale.
2030
Com. 21 févr. 2012, n°11-18027, D. 2012, p. 678, obs. A. LIENHARD.
2031
O. LUTUN, « La compensation en droit des procédures collectives : un cadre strict pour les uns, un espace de
liberté pour les autres », JCP E 2003, 230, p. 260.
2032
Com. 21 janv. 1992, RJDA 4/92, n°392 ; Bull. civ. IV, n°23. : n’est pas certaine la créance de pénalité
prétendument née de la résiliation d’un contrat de sous-traitance dès lors qu’elle est subordonnée à la déclaration
de responsabilité du sous-traitant, laquelle n’est pas intervenue avant le jugement d’ouverture.
2033
Com. 12 févr. 2012, n°11-18.027, D. 2012, 678, obs. A. LIENHARD ; com. 30 juin 2009, n°08-15631, RTD
com. 2009, p. 807, obs. A. MARTIN-SERF.
2034
Com. 20 mai 1997, RJDA 11/97, n°1357 ; com. 16 déc. 2014, n°13-17.046, RJ com. 2015, p. 342, note C.
LEBEL.
2035
Com. 20 air. 2009, n°08-14.756, RD com. 807, p.807, obs. A. MARTIN-SERF ; Com. 20 mars 2001, JCP E
2001, p. 58.
2036
Art. 9, al. 5, AUPC ; Art. L.622-28, c. com.
364
Paragraphe II. L’amélioration du sort des garants
837. Le droit des entreprises en difficulté, en se substituant à l’ancien droit de la faillite, a opéré une
rupture sur le fond. Du souci de payer les créanciers par tous les moyens fussent-ils par la
condamnation voire l’exécution du débiteur failli 2037, on est passé au souci de préserver
l’activité économique par l’adoption notamment du système de plan - lequel était exceptionnel
voire conjecturel sous la loi de 1967 2038 -, et en distinguant très nettement l’entreprise de la
personne physique qui en est propriétaire. Cependant une chose n’a pas changé : le débiteur,
hier comme aujourd’hui, est redevable à des tiers ; ces tiers créanciers, souvent établissements
de crédit ont, au fil du développement des mécanismes de paiement, toujours eu recours au
cautionnement de leurs concours. En prêtant de l’argent au chef d’entreprise en crise de caisse,
ils ont toujours exigé des sûretés qui peuvent être personnelles - cautionnement personnel par
exemple - ou réelles - les hypothèques par exemple -. Dans cette évolution, le cautionnement a
pris une place non négligeable. Le fait est d’autant plus vrai de nos jours qu’il existe
difficilement une procédure collective sans cautionnement 2039. Le plus souvent, le dirigeant,
dans le but de sauver l’activité de son entreprise, propose de se porter garant sur ses biens
personnels.
838. Afin d’aider l’entreprise en difficulté à se relever, surtout lorsqu’elle tombe en cessation des
paiements, plusieurs règles protectrices sont prévues par les législateurs. Ces règles organisent
essentiellement la procédure collective destinée à faciliter son redressement. Autrement dit,
tous les créanciers sont appelés à suivre une organisation de paiement des créances. C’est la
discipline collective. Trois principes cardinaux de cette organisation sont alors imposés aux
créanciers : la déclaration des créances au passif de la procédure, l’interdiction de paiement de
toute créance antérieure et, récemment en droit français, de toute créance postérieure non élue
au traitement préférentiel et, enfin, l’interdiction des poursuites individuelles et de la mise en
œuvre des mesures d’exécution à l’encontre du débiteur. Le garant, tiers à la procédure du
débiteur principal, n’était pas concerné par l’interdiction des poursuites individuelles et de la
mise en œuvre des voies d’exécution.
2037
HILAIRE, cité par F. TERRE, « Droit de la faillite ou faillite du droit », in Rev. jurisp. com. 35e année, n°1, p.
90.
2038
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 4e éd., Montchrestien, 2001, n°31.
2039
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, n°720.
09, p. 2369.
365
839. Cette observation est particulièrement intéressante. En fait, il a été remarqué que la quasi-
totalité des garants sont des dirigeants2040. Or, il est souhaitable que ces derniers déposent le
bilan le plus rapidement possible, afin de permettre, par l’intervention du tribunal, le
redressement de l’entreprise. Comment, dans ces conditions, peuvent-ils le faire, s’ils savent
pertinemment qu’ils seront automatiquement poursuivis ou exécutés par les créanciers, au dépôt
du bilan ? La raison a conduit le législateur français, dans sa volonté de sauver l’activité
économique, à étendre les mêmes interdictions, précédemment décrites à l’encontre du débiteur
principal, aux garants par la loi de 1994 2041. Les réformes subséquentes ont adapté la mesure.
Le législateur OHADA, après avoir ignoré la question en 19982042, en a tenu compte lors de la
réforme de 20152043.
840. La logique du non-paiement d’une créance antérieure a justifié l’interdiction des poursuites
individuelles contre le débiteur. Il en est de même de la transposition de cette interdiction des
poursuites (I) et de l’arrêt du cours des intérêts et des inscriptions de sûretés pour les garants
(II).
2040
id.
2041
Art. L.38-2, L. n°94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises,
JORF n°134 du 11 juin 1994, p. 8440.
2042
Acte uniforme des procédures collectives d’apurement du passif adopté le 10 avr. 1998.
2043
Acte uniforme des procédures collectives d’apurement du passif adopté le 10 sept. 2015 ayant abrogé et
remplacé l’Acte de 1998.
2044
L. n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, JORF
n°173 du 27 juill. 1985, p.12187, texte n°5.
2045
Soinne n°1039 ; Guyon n°1239, Derrida et ALii n°521, cités par P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des
procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, n°621.09, p.1907.
2046
Ph. PETEL, Procédures collectives, 7e éd., Dalloz, 2011, n°182 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises
en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2014, n°675 ; Ph. PETEL, Procédures collectives, 8e éd., Dalloz, 2014, n°186.
2047
J. VALLANSAN, « Situation des créanciers - Arrêt des poursuites individuelles », J.-Cl. Com. fasc. 2355, 2016,
n°3.
366
le gage commun des poursuites individuelles provenant de créanciers impayés ».2048 Enfin, la
règle favoriserait un traitement égalitaire entre les créanciers 2049 ; elle se maintient jusqu’à la
clôture de la procédure ouverte2050.
842. Ces règles précédemment décrites étaient sans application à l’encontre de la caution dès lors
qu’elle n’était pas elle-même sous procédure collective 2051. Elle pouvait payer une créance
antérieure2052. De même, le créancier pouvait obtenir un titre exécutoire contre elle 2053. Enfin,
la caution n’avait pas qualité non seulement à se prévaloir de l’interdiction de poursuite
individuelle contre le débiteur principal, mais aussi à reprocher au créancier de se désister de
son action contre le débiteur en sauvegarde ou en redressement judiciaire, tout en continuant à
la poursuivre, lorsque que le créancier remplaçait son action en produisant la créance à la
procédure collective du débiteur principal2054.
843. La loi de 19942055 a innové en posant la règle de l’interdiction des actions contre la caution 2056.
La règle s’est présentée comme une exception à la liberté de poursuivre la caution. En tant que
telle, la jurisprudence l’a perçue sous l’angle d’une fin de non-recevoir, mais non sous celui
d’une exception de procédure, de sorte que sur le fondement d’ordre public, une saisine d’office
pouvait se faire2057. Cette analyse qui appartient aux juridictions du fond a été rejetée par la
Cour de cassation2058. Il s’est agi de ne pas décourager les dirigeants, qui sont le plus souvent
cautions, à déposer le bilan le plus tôt possible 2059. Dès lors, la qualification de fin de non-
recevoir paraît beaucoup plus justifiée selon un auteur2060.
2048
P. SENECHAL, L’effet réel de la procédure collective, éd., Litec, 2002, n°439.
2049
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n°624.
2050
Com. 5 févr. 1997, Rev. proc. coll. 1998, n°62, p. 397, obs. SOINNE.
2051
Civ. 1re 14 juin 2000, n°98-10.577, Bull. civ. IV, n°182.
2052
V. en ce sens, P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action,
2016, n°633.41.
2053
Com. 16 févr. 1993, n°90-19.979, Bull. civ. IV, n°97.
2054
Com. 22 juin 1999, n°97-11.772, Bull. civ. IV, n° 134.
2055
, L. n°94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, JORF
n°134 du 11 juin 1994, p. 8440.
2056
Art. L.38-2, L. n°94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises,
JORF n°134 du 11 juin 1994, p. 8440.
2057
Paris, 3e ch. A, 13 nov. 2007, RG n°06/06930, Rev. proc. coll. 2008, n°128, note F. MACORIG-VENIER ; Amien,
1 ch. 2e sect. 29 nov. 2007, RG n°06/03226, Rev. proc. coll. 2008, n°128, note F. MACORIG-VENIER.
re
2058
Cass. ch. mixte, 16 nov. 2007, n°03-14.409, Bull. ch. Mixte, n°11 ; Act. proc. coll. 2008, n°20, note FRICER.
2059
M. CABRILLAC, obs. sous Cass. ch. mixte, 16 nov. 2007, n°03-14.409, JCP E 2008. Chron. 1432, n°04.
2060
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 2381.
367
844. Le domaine circonscrit par la loi de 1994, précédemment citée, ne s’étendait pas aux cautions
réelles, c’est-à-dire à la sûreté réelle2061. La réforme de la loi du 26 juillet 2005 2062 l’a étendu
aux personnes physiques codébiteurs et garants et aux cautions réelles 2063. Observons qu’au
moment de la promulgation de la loi précédemment citée, le terme « caution réelle » était encore
d’actualité. Précisons que la chambre mixte de la Cour de cassation a supprimé ce terme en
20052064. A la suite de cet arrêt, une discussion s’est instaurée au sein de la doctrine quant à
l’extension de la mesure d’arrêt de poursuite à l’encontre de la caution réelle. Afin de mettre
fin à cette discussion, le législateur est revenu à la charge, au travers de l’ordonnance du 18
décembre 20082065, en indiquant, définitivement et clairement, que la caution réelle bénéficie
des interdictions précédemment décrites.
845. Le législateur OHADA de 1998 n’avait pas jugé nécessaire de protéger la caution. C’est le
débiteur, principal concerné, qui bénéficiait de la protection dès l’ouverture du règlement
préventif2066. Le législateur de 2015 a compris qu’il fallait encourager le dépôt rapide du bilan
par les chefs d’entreprise en les prémunissant contre toute poursuite individuelle ou toute
exécution lorsqu’ils se sont portés cautions de l’entreprise. Toutefois seules les cautions
personnes physiques ont été visées. Il résulte ainsi du cinquième alinéa de l’article 9 de l’Acte
uniforme des procédures collectives et de la lettre de l’article L.622-28, deuxième alinéa, du
code commerce - dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 2067 tout
comme sous cette ordonnance -, que l’exclusivité de l’interdiction des actions contre la caution
est accordée aux garants personne physiques (A), ce qui, a contrario, exclut les garants
personnes morales (B).
2061
Civ. 1re, 1er févr. 2000, n°98-11.390, Bull. civ. I, n°33 ; RD banc. fin. 2000, n°59, obs. D. LEGEAIS.
2062
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, n°5.
2063
Art. L.622-28, al. 2, L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill.
p. 12187, n°5.
2064
Cass. Ch. mixte, 2 déc. 2005, n°03-18.210, Bull. ch. mixte, n°07.
2065
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
2066
Art. 8, AUPC de 1998.
2067
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
368
concours accordés. Ces garants sont le plus souvent les chefs d’entreprise. Très curieusement,
en dépit de l’objectif de redressement des entreprises qu’il s’est fixé par l’adoption du règlement
préventif, le législateur OHADA de 1998 n’a pas rassuré les cautions - chefs d’entreprise - en
les laissant à la merci des créanciers poursuivants. Seul le débiteur, directement affecté par la
procédure, était protégé. A l’occasion d’une procédure de règlement préventif ouverte devant
le tribunal de grande instance de Douala-Bonanjo2068, il avait été indiqué, sous l’empire de
l’Acte uniforme des procédures collectives de 1998, que le bénéfice de la suspension des
poursuites individuelles ainsi que les remises et délais concordataires ne s’étendaient pas à la
caution. Cette dernière ne pouvait invoquer ni le bénéfice de discussion, ni celui de division.
848. En droit français, le même cas existait : avant ou pendant la période d’observation, l’entreprise
peut avoir recours au soutien des dispensateurs de crédit, mais malheureusement les effets de
la discipline collective, notamment, la suspension des poursuites individuelles contre le
débiteur2071, ne profitait pas aux garants, du fait qu’ils soient des tiers à la procédure, dès lors
qu’ils n’étaient pas placés eux-mêmes en procédure collective2072. L’action en paiement,
enclenchée à l’encontre de la caution avant le jugement d’ouverture de la procédure collective
du débiteur principal, était continuée après ce jugement. Cette même action pouvait être
entamée juste après le jugement d’ouverture. L’interruption de l’instance engagée à l’encontre
du débiteur principal n’emportait pas interruption de l’instance engagée à l’encontre de la
caution2073.
2068
TGI, Douala-Bananjo, 29 juin, 2006, n°251, réf. Ohadata J-07-81.
2069
Art. 18, al. 3, AUPC.
2070
Ph. ROUSSEL GALLE, « L’OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des affaires »,
Rev. proc. coll. 2013, n°6, p. 54.
2071
Com. 22 juin 1999, n°97-11.722, Bull. civ. IV, n°134 ; Act. proc. coll. 1999, n°173.
2072
Paris, 8e ch. A, 20 mars 2003, RG n°02/16600 ; Paris, 15e ch. B, 15 nov. 2007, RG n°06/01968 ; Civ. 1re, 14
juin 2000, n°98-10.577, Bull. civ. I, n°182 ; v. ces arrêts relatifs à l’absence d’arrêt des poursuites individuelles
contre la caution : com. 11 mai 1993, n°91-12.232, Bull. civ. IV, n°180 ; com. 22 juin 1999, n°97-11.772, Bull.
civ. IV, n°134.
2073
Com. 22 juin 1999, n°97-11.722, Bull. civ. IV, n°134 ; Act. proc. coll. 1999, n°173.
369
849. Cependant, il est acquis que la majorité des garants des sociétés sont les gérants 2074. C’est
pourquoi, à compter de la loi du 10 juin 1994 2075, le législateur avait posé le principe de la
suspension des poursuites contre les garants personnes physiques au cours de la période
d’observation, afin d’encourager les dirigeants à déposer le bilan avant qu’il ne soit tard 2076. La
réforme effectuée par la loi du 26 juillet 20052077 a élargi cette protection aux garants
autonomes. L’ordonnance du 18 décembre 2008 2078 est venue parfaire l’institution en
disposant2079 que le jugement d’ouverture des procédures de sauvegarde classique - de
sauvegarde accélérée - « suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la
liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté
personnelle2080 ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ».
850. Ainsi, les créanciers ne peuvent poursuivre les cautions simples ou solidaires, les codébiteurs
solidaires 2081 et les personnes physiques ayant fourni une garantie autonome, leur action sera
déclarée irrecevable2082. L’ensemble des sûretés personnelles est logé à la même enseigne, alors
que, par nature, la garantie autonome est un engagement de régler une somme d’argent à
première demande ou selon la modalité convenue à l’avance. Les dispositions de l’article
L.622-28 du code de commerce - qui posent la règle de l’impossibilité de poursuivre les
cautions personnes physiques - privent ainsi de son intérêt cette catégorie de garantie. En effet,
en cas d’appel en exécution d’une telle garantie, cet appel sera inopérant non seulement à cause
de la règle de l’interdiction de paiement des créances antérieures, mais aussi à cause de
l’impossibilité de poursuivre la caution personne physique à partir du jugement d’ouverture
jusqu’à l’arrêté d’un plan ou au prononcé de la liquidation judiciaire. Bien que cela soit
critiquable, la règle semble justifiée en tous sens par la finalité de la sauvegarde et de ses
2074
Ph. ROUSSEL GALLE, « L’OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des affaires »,
Rev. proc. coll. 2013, n°6, p. 54.
2075
L.94-475 du 10 juin. 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, JORF n°134
du 11 juin. 1994, p. 8440.
2076
B. SAINT-ALARY_HOUIN et C. SAINT-ALARY-HOUIN, « Le dirigeant-caution » D. et prat. 1996, p. 42 ; Trib.
com. Menton, 4 avr. 1996, D. 1996, p. 387, note F. DERRIDA.
2077
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, n°5.
2078
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
2079
Art. L.622-28, al. 2, c. com.
2080
Il faut relever que le donneur d’aval peut s’en prévaloir : Paris, 9 févr. 1999, RTD com. 2000, p. 723, obs. A.
MARTIN-SERF.
2081
Paris, 11 juin 1999, D. aff. 1999, p. 1218 ; JCP G 2000, I, 209, obs. Ph. SIMILER et Ph. DELEBECQ ; Rev. proc.
coll. 2000, p. 12, note F. M ACORIG-VENNIER, RTD com. 2000, p. 723, note A. MARTIN-SERF.
2082
TGI Saintes, 18 sept. 1998, D. aff. 1999, p. 176, obs. A. LIENHARD.
370
variantes pour le cas qui nous intéresse dans le cadre de la présente étude ; car à quoi bon
d’autoriser une exception de poursuite à cette catégorie de garantie si cela revient à appauvrir
le garant qui est le plus souvent le chef d’entreprise ? Ces dispositions sont dérogatoires au droit
commun ; l’article 2287 du code civil prévoit expressément cette dérogation.
851. 871. Les cautions réelles ne bénéficiaient pas de la règle d’arrêt des poursuites
individuelles 2083. Au sein de la doctrine, il a été observé que la solution ne se justifiait pas
nécessairement en ce qu’elle résultait d’une interprétation a contrario des textes2084. Quoiqu’il
en soit, à la suite d’un amendement de la commission des lois du Sénat, la réforme de 2005 2085
a voulu étendre l’arrêt des poursuites individuelles à la caution réelle personne physique. Du
fait de la disparition du concept de cautionnement réel, à la suite d’un arrêt de la Cour de
cassation en 2005 2086, des tergiversations ont pu être relevées : certains auteurs étaient
hésitants 2087, d’autres étaient plutôt d’avis 2088, tandis que, au contraire, d’autres étaient
contre2089. Au-delà de la disparition de l’expression « cautionnement réel », l’idée même
d’aligner la sûreté réelle, donnée en garantie par une personne physique, sur le régime du
cautionnement a été mis en jeu. Ainsi, a-t-il été relevé que dès lors que l’opération ne peut
s’analyser en un cautionnement, les règles spécifiquement posées pour les cautions devaient
rester sans application2090. Dans le prolongement de cette analyse, que fallait-il dire de
l’hypothèse où une sûreté réelle était doublée d’un cautionnement personnel 2091 ? Logiquement,
il fallait appliquer, distinctement, le régime applicable à chacune des deux garanties. Or, cela
revenait à dire que si la sûreté réelle ne pouvait suffire à régler la dette, la caution personnelle
ne pouvait être poursuivie pendant la période d’observation. C’est à cette problématique que
2083
Colmar, 26 juin 1998, Banque et droit, juin 1999, p. 42, obs. N. RONTCHEVSKY.
2084
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p.2382.
2085
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, n°5.
2086
Cass. Ch. mixte, 2 déc. 2005, n° 03-18.120, Bull. Ch. mixte, n°07.
2087
A. LIENHARD, Sauvegarde des entreprises, 2e éd., Delmas, 2007, n°970 ; C. SAINT-ALARY HOUIN, BRESSAND,
« Cautions, garants et coobligés » Rev. proc. coll. 2008, dossier 9, n°07 ; O. SALVAT, « La situation des garants »,
Rev. proc. coll. 2006/2, p. 147-149.
2088
Ph. ROUSSEL GALLE, Réforme du droit des enterprises en diffiuclté : De la thérorie à la pratique, 2e éd., Lexis
Nexis 2007, n°282.
2089
J.-C. BOULEY, « Les créanciers antérieurs dans les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation
judiciaires », Rev. proc. coll. 2006/2, p. 135-138.
2090
P.-M. LE CORRE, « Les incidences de la réforme du droit des sûretés sur les créanciers confrontés aux
procédures collectives », JCP E 2007, Chron. 1185, n°29.
2091
Com. 21 mars 2006, n°05-12. 864, Bull. civ. IV, n°72.
371
l’ordonnance du 18 décembre 2008 2092 a voulu apporter un éclaircissement en réformant la loi
de sauvegarde des entreprises de 2005 2093.
852. Depuis l’ordonnance du 18 décembre 2008 précitée, le régime est étendu aux cautions réelles
de façon tranchée dans le sens de l’idée du législateur de 2005 2094, et à bien d’autres garants,
telles les personnes physiques qui ont donné une promesse de porte-fort d’exécution2095, affecté
un bien en garantie, ainsi qu’aux personnes qui ont cédé un tel bien par la constitution d’une
fiducie. En effet, le deuxième alinéa de l’article L.622-282096 du code de commerce vise la
personne physique ayant affecté un bien en garantie. Par cette formule très généraliste, la
difficulté a été résolue car aucune distinction n’est faite et, de ce fait, la caution réelle est
concernée par la règle de l’arrêt des poursuites, au même titre que la caution personnelle par
exemple2097. Cependant quelle que soit la caution, lorsque le plan est adopté ou que la
liquidation judiciaire est prononcée, le droit de poursuite du créancier lui revient 2098.
853. Le répit législatif, accordé aux garants personnes physiques, a une durée limitée. C’est la fin de
la période d’observation. Il a ainsi été logiquement refusé qu’une caution ne soit pas poursuivie
dès après le prononcé de la liquidation judiciaire2099 ou de l’adoption d’un plan de
redressement2100. Cependant, sous peine d’irrecevabilité, le créancier poursuivant devra
produire, à l’appui de sa demande en paiement, la copie de la décision ayant mis fin à la période
d’observation2101. Toutefois, il n’a pas à notifier cette fin de période d’observation à la
caution2102. Si les évènements du déclenchement de la reprise des poursuites sont clairs, il n’en
va pas de même lorsqu’une mesure conservatoire a été ou non prise par le créancier pendant la
période d’observation. Dans ce cadre, l’analyse ne sera focalisée que sur les plans de
2092
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
2093
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, n°5.
2094
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, n°5.
2095
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 2382.
2096
Tel que modifié par l’art. 166 de l’ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises
en difficulté, JORF n°0295 du 19 déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
2097
D. LEGEAIS, « L’appréhension du droit des sûretés par l’ordonnance du 18 déc. 2008 », Colloques Sûretés
réelles et droit des entreprises en difficulté, Nice 20 mars 2010, LPA, 11 févr. 2001, n°30, p. 27-28.
2098
Art. L.622-28, c. com.
2099
Caen, 1re ch., sect. civ. 13 nov. 2008, RG n°08/00531, Rev. proc. coll. 2009, étude 88, obs. PATUREAU et
PEROTREBOUL.
2100
Amien, ch. éco. 21 nov. 2013, RG n°11/01090, Rev. proc. coll. 2014, comm. 20, note J. FRAIMOUT.
2101
Trib. com. Orléans, 8 juill. 2010, RG n°07/8784.
2102
Com. 27 févr. 2007, n°05-20.522, Bull. civ. IV, n°68 ; Rev. proc. coll. 2007/3, n°04, p. 135, obs. F. MACORIG-
VENIER.
372
sauvegarde/concordats préventifs dont la plupart des mesures sont applicables au plan de
redressement judiciaire.
854. Dans le cas où une mesure conservatoire a été prise, la jurisprudence française a fait montre
d’une véritable hésitation avant d’aboutir à la solution actuelle. Trois temps méritent d’être
soulevés :
855. D’abord, elle a estimé que la demande de condamnation de la caution, présentée après
l’adoption du plan, ne devait pas être mécaniquement rejetée. Elle se résolvait alors à sursoir à
statuer jusqu’à l’exigibilité du dividende du plan. A l’exigibilité du dividende, elle condamnait
la caution, mais seulement à concurrence du seul dividende devenu exigible. Pour les autres
dividendes non exigibles, elle s’interdisait de la condamner, même si de tel cas a pu être
relevé2103. Était alors ordonné un sursis à statuer partiel. Elle a été critiquée dans cette
position2104. Les tribunaux du fond éprouvaient des difficultés à ordonner un sursis à statuer
partiel jusqu’à la fin du plan ou à sa résolution en ce que cela empêchait de condamner la
caution, sinon l’hypothèse contraire pouvait relever d’un excès de pouvoir. La Cour de
cassation a même jugé irrecevable le pourvoi contre un arrêt d’une cour d’appel, sur le
fondement de l’article 380-1 du code de procédure civile2105. Cette manière de procéder a été
jugée compliquée et inapplicable en pratique 2106. La Cour de cassation l’a abandonnée.
856. Ensuite, elle a cru bon d’opter pour la suspension du titre exécutoire pendant la durée du plan.
En d’autres termes, le créancier poursuivant pouvait bien obtenir la condamnation de la caution,
mais le titre exécutoire obtenu, ne pouvait être mis à exécution qu’après résolution du plan 2107.
Observons en ce cas, que le créancier ne pouvait exécuter son titre en cas d’inexécution du
plan ; qu’il devait, par conséquent, agir d’abord en résolution. Plus tard, la Cour de cassation
admettra la possibilité de condamner la caution personne physique pendant la durée du plan,
mais à condition de respecter les dispositions du plan dont cette caution peut se prévaloir par
ailleurs2108.
2103
Montpellier, 2e ch. civ. 5 avr. 2011, RG n°10/04728.
2104
NEVEU ET GUERY, « Caution, coobligé, garant et procédure de sauvegarde-Imbroglio et Aggiormento », Rev.
proc. coll. 2012, étude 21, n°22.
2105
Com. 18 juin 2013, n°12-20. 394, NP.
2106
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p.2385.
2107
Com. 27 mai 2014, n°13-18.018, Bull. civ. IV, n°94 ; n°523 F-P+B ; JCP E 2014, Chron. 1447, n°02, obs. Ph.
PETEL.
2108
Com. 14 oct. 2014, n°13-17.638, NP, BJE 2015, 31, note R. BONHOMME.
373
857. Enfin, sous l’empire de la solution en vigueur, - ce qui est valable en droit OHADA en vertu de
l’article 9 relatif à la suspension des mesures conservatoires à l’ouverture de la procédure de
règlement préventif -, la Cour de cassation estime que l’exécution du titre exécutoire, obtenu
par le créancier poursuivant, à la suite de sa demande de condamnation de la caution, ne peut
être mise en œuvre tant que le plan est respecté 2109 (les engagements du débiteur principal
suivent un cours normal d’exécution). Il importe de remarquer que, contrairement à la solution
précédente, ce n’est plus pendant la durée du plan.
858. Dans le cas d’absence de mesure conservatoire prise, étant donné que la caution peut se
prévaloir des dispositions du plan, l’exigibilité de la créance à son égard s’aligne sur celle à
l’égard du débiteur principal. Vu que la créance n’est pas exigible pour tout - elle n’est exigible
qu’au fur et à mesure de l’exigibilité des dividendes -, la caution ne saurait dès lors être
poursuivie pour le paiement de toute la créance. C’est le sens d’un arrêt de la Cour de cassation
en date du 10 janvier 20122110. Les personnes morales garantes ne sont pas concernées par la
suspension des poursuites 2111. C’est la procédure de droit civil qui s’applique dans leur cas.
2109
Com. 2 juin 2015, n°14-10.673, Bull. civ. IV ; Rev. Sociétés 2015, 548, note Ph. ROUSSEL GALLE.
2110
Com. 10 janv. 2012, n°11-11.482, Bull. civ. IV, n°05 ; Gaz. pal. 28 avr. 2012, n°118, p. 40, note LE CORRE-
BROLY.
2111
V. C. HOUIN-BRESSAND, « Cautions, garants et coobligés », Rev. proc. coll. avr. 2008, p. 112.
2112
Civ. 1re, 8 nov. 2007, n°04-17.893, Bull. civ. I, n°345.
2113
Art. L.223-21, c. com.
374
860. L’article L.225-35 du code de commerce énonce dans le cadre des SA que « les cautions, avals
et garanties donnés par des sociétés autres que celles exploitant des établissements bancaires
ou financiers font l’objet d’une autorisation du conseil {…} ». La mise en garde qu’exprime le
texte cité est importante pour le créancier. En effet, si le cautionnement a été donné sans
l’autorisation du conseil, il ne peut, de ce fait, être opposé au garant et le dirigeant qui l’a
consenti ne peut être poursuivi pour la mise en jeu de sa responsabilité civile en ce que la faute
n’est pas détachable de ses fonctions.
861. Concernant les sociétés civiles, la Cour de cassation a apporté une précision. Elle a estimé que
le cautionnement donné par le dirigeant d’une telle société ne peut être valable que « s’il entre
directement dans son objet social, ou s’il existe une communauté d’intérêts entre cette société
et la personne cautionnée, ou encore s’il résulte du consentement unanime des associés ».2114
De ce qui précède, il résulte qu’une caution personne morale peut cautionner une entreprise. La
question qui nous intéresse ici est de savoir pourquoi est-elle exposée à des poursuites
individuelles des créanciers à tout moment de la procédure collective du débiteur principal,
contrairement à la caution personne physique, par le jeu des dispositions de l’article L.622-28
du code de commerce et du cinquième alinéa de l’article 9 de l’Acte uniforme des procédures
collectives ?
862. Il faudrait directement poser cette question, afin de rechercher la justification de l’exclusion, à
son détriment, des avantages du bénéfice de l’interruption des actions accordée pourtant au
garant personne physique. Il est à observer que les doctrines spécialistes des procédures
collectives s’intéressent très peu à la caution personne morale. Il faudrait les comprendre en ce
sens que la règle la concernant dans une procédure collective est moins complexe : elle ne
bénéficie d’aucun aménagement particulier et est donc exposée à des poursuites individuelles
des créanciers, ce à n’importe quel moment de la procédure, par opposition à la caution
personne physique. Cette exclusion résulte expressément des textes précités en ce qu’ils ne
parlent exclusivement que des garants personnes physiques. Ces derniers sont le plus souvent
des dirigeants d’entreprise. Or, il est souhaitable qu’ils déposent le bilan au moment opportun,
afin de sauver l’entreprise. Sur ce fondement, tout à fait compréhensible, l’interdiction des
initiatives individualistes des créanciers contre le débiteur principal leur a été étendue. Faut-il
2114
Civ. 1re, 8 nov. 2007, n°04-17.893, Bull. civ. I, n°345.
375
alors en déduire que le fait que la caution personne morale, étant dirigeante d’une société autre
que celle pour laquelle elle s’est portée caution, est la justification de l’exclusion en question ?
863. S’il fallait répondre par l’affirmative, qu’est-ce qui justifierait alors le bénéfice de l’interruption
des poursuites individuelles pour une caution personne physique qui n’est pas un dirigeant ?
Faute de distinction opérée par les législateurs sur cette question, il faudrait abandonner cette
piste pour trouver l’explication ailleurs. Ainsi, et si la raison tenait à l’état de solvabilité du
garant en face tout simplement ? Une société in bonis est évidemment supposée être à même
d’honorer ses engagements, alors qu’une personne physique est supposée l’être moins. Dès lors,
pourquoi ne pas laisser les créanciers exercer leur droit de poursuite, sur le fondement du droit
civil2115 ?
864. La caution personne morale semble n’avoir que la seule possibilité de demander des délais dans
les conditions de droit commun et d’invoquer l’invalidation des clauses prévoyant une
2116-
déchéance du terme à son égard, si, vis-à-vis du débiteur principal, le terme subsiste en
redressement judiciaire, transposable dans les procédures de sauvegarde -. Il faudrait donc
admettre, faute de précision législative et jurisprudentielle sur la question, que la raison de
l’exclusion du bénéfice de la suspension des poursuites, ainsi que de la mise en œuvre des voies
d’exécution à l’encontre de la caution personne morale, aussi bien en droit français qu’en droit
OHADA, tient, dans un premier temps, au fait que la caution personne morale ne soit pas le
dirigeant de l’entreprise cautionnée et, dans un second temps, à sa présumée solvabilité.
Corolaires des règles interdisant le paiement des créances antérieures, l’interruption du cours
des intérêts, ainsi que celle des inscriptions des sûretés, sont ces autres traitements préférentiels
accordés au débiteur en difficulté.
2115
Art. 2288, c. civ.
2116
Com. 19 déc. 2000, n°98-10.091 NP.
376
d’empêcher toute aggravation du passif et d’encourager toute valorisation de l’actif, afin de
permettre au chef d’entreprise de pouvoir financer son plan de redressement. Pour atteindre ce
but, les législateurs ont organisé le gel général du passif antérieur au jugement d’ouverture de
la procédure collective. Précédemment, l’interdiction des paiements des créances antérieures,
la paralysie des poursuites individuelles et des mesures d’exécutions à l’encontre du débiteur
ont été évoquées dans ce cadre. Il n’y a pas que ces évènements qui sont susceptibles
d’empêcher les chances de sauvetage d’une entreprise en difficulté. Les dettes de cette dernière
sont porteuses d’intérêt légal, conventionnel ou moratoire ; de plus, ces dettes sont le plus
souvent assorties de garanties personnelles ou réelles. Or, ces intérêts et garanties, étant des
charges, sont aussi de nature à compromettre le processus de redressement. C’est pourquoi ils
sont aussi concernés par ce gel général du passif antérieur au jugement d’ouverture.
866. Le code de commerce2117, sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985 2118, disposait déjà que « le
jugement d’ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et
conventionnels, ainsi que de tout tous intérêts de retard ou majorations, à moins qu’il ne
s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêts conclus pour une durée égale ou supérieure
à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus ». La solution a été
reprise2119 par la réforme opérée par la loi de sauvegarde des entreprises 2120 et s’applique aux
procédures de sauvegarde - y compris les sauvegardes accélérées -, de redressement2121 et de
liquidation judiciaire2122. Le tribunal arrête le cours des intérêts de la créance au jugement
d’ouverture2123. Cependant il ne peut arrêter ceux échus jusqu’au jour du jugement
d’ouverture2124.
867. Observons que sous l’empire du régime antérieur à la loi de sauvegarde des entreprises, seuls
les créanciers antérieurs étaient concernés par les règles de l’interruption des intérêts et des
inscriptions - les créanciers postérieurs n’étaient pas concernés -. La solution était alors
2117
Anc. art. L. 621-48, al. 1.
2118
L. n°85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, JORF du 26
janv. 1985, p.1097.
2119
Art. L. 622-28, al. 1, c. com.
2120
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, n°5.
2121
Art. L. 631-14, al. 1, c. com., tel que modifié par Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit
des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19 déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
2122
Art. L. 641-3, al. 1, c. com.
2123
Com. 27 oct, 1998, n°96-14.559, NP, Act. proc. coll. 1998/13, n°173.
2124
Com. 28 mai 2013, 12-14.049, Bull. civ. IV, n°90, Rev. proc. coll. 2014, comm. 27, note REILLE.
377
compréhensible en ce que le régime de traitement préférentiel était accordé à tous les créanciers
postérieurs 2125. Ce régime de traitement préférentiel a été réformé par les textes du 26 juillet
20052126 et du 18 décembre 20082127, de sorte que ce ne sont pas tous les créanciers postérieurs
qui bénéficient du traitement préférentiel. Ceux qui sont inéligibles au traitement préférentiel
sont assimilés aux créanciers antérieurs 2128. Or, curieusement, l’application des règles
d’interruption des intérêts et des inscriptions aux créanciers antérieurs - sans implication des
créanciers postérieurs inéligibles au traitement préférentiel -, a été adoptée sans modification
par la loi de sauvegarde des entreprises, précédemment citée, et par les réformes subséquentes.
Nous reviendrons sur cette problématique de distinction entre créanciers antérieurs et créanciers
postérieurs non privilégiés qui a été déjà abordée dans un autre cadre2129 ; cette fois ce sera dans
le cadre de l’arrêt des intérêts et des inscriptions.
868. Une discussion s’est instaurée au sein de la doctrine sur le fondement de la règle en droit
français. Deux courants s’affichent. Si les uns évoquent le souci d’un traitement égalitaire entre
les créanciers 2130, les autres parlent plutôt de la préoccupation législative de simplifier le
fonctionnement de la procédure collective 2131.
869. Certains auteurs trouvent le fondement de l’interruption des intérêts et des inscriptions dans le
souci législatif de traiter égalitairement tous les créanciers. La règle de la discipline collective
semble conduire ces auteurs à ce raisonnement. Ce qui peut être fondé dans un sens, surtout
dans le cadre d’une procédure passerelle : le plan étant pré-arrangé avant la phase judiciaire,
certains créanciers ont adhéré au projet de plan mis en place par le chef d’entreprise, tant disque
d’autres ne l’ont pas fait ; dans ces conditions, le législateur aurait pu être tenté de privilégier
les créanciers ayant fait un effort pour permettre le sauvetage de l’entreprise, au détriment de
ceux qui, au contraire, ont préféré une solution autre que celle à eux proposée par le chef
2125
Art. L.622-32, al. 32, L. 25 janv. 1985 : art.40.
2126
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, n°5.
2127
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p.19462, texte n°29.
2128
Com. 3 déc. 2013, n°12-28.718, NP ; n°1156 F-D ; Gaz. pal. 29 juin 2014, n°180, p.24, note BOUSTANI ; Rev.
proc. coll. 2015, comm. 119, note C. SAINT-ALARY-HOUIN.
2129
V. supra, n°762, n°777.
2130
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2014, n°729 ; Ph. PETEL,
Procédures collectives, 8 éd., Dalloz, 2014, n°204 ; D. VOINOT, Procédures collectives, éd., Montchrestien, 2011,
n°28, p. 1418 ; A. JACQUEMONT et R. VABRES, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., Lexis Nexis, 2015, n°
503.
2131
J. VALLANSAN et Alii, Difficulté des entreprises, 6 éd., Lexis Nexis, 2012, p. 164.
378
d’entreprise ; mais dans un autre sens, le législateur ne pouvait se permettre un tel raisonnement,
dans la mesure où la préoccupation première est de cantonner le passif du débiteur, afin d’éviter
son augmentation. Or, si ces créanciers - ayant adhéré au projet de restructuration pré-arrangé
du chef d’entreprise - avaient bénéficié de la production des intérêts et de la possibilité
d’inscrire des sûretés, cela aurait aggravé ce passif et instauré une injustice entre les
créanciers 2132. Il en ressort que le législateur ne s’est point préoccupé d’un quelconque
sentiment de reconnaissance dans ce domaine précis. Au contraire, il a mis le redressement de
l’entreprise au-dessus de toute autre considération. Cependant, dans un autre sens, cette
opinion, qui soutient l’égalité des créanciers pour justifier l’interruption des intérêts et des
inscriptions, ne peut être suivie en ce qu’il existe, entre les créanciers, une hiérarchie qui a été
instaurée de sorte qu’un créancier chirographaire n’a pas le même traitement qu’un créancier
privilégié.
870. D’autres auteurs y voient plutôt une volonté de simplifier le fonctionnement de la procédure
collective. La règle permettrait de faciliter le diagnostic du passif, la vérification des créances,
le règlement du passif, ainsi que le financement de la période d’observation. Cette
argumentation semble logique. Elle se retrouve dans l’esprit des réformes ; mais elle attribue
une fonction singulière à la règle d’interruption des intérêts et des inscriptions en ce sens que
la facilitation de la procédure n’en est qu’une conséquence logique et non une cause. Le
fondement de la règle ne saurait donc être résumé à cette conséquence.
871. En définitive, il faudrait admettre que les deux arguments se reconnaissent dans l’esprit des
réformes précitées - intervenues en la matière -. Cependant, en se permettant d’assimiler le
fondement à la cause, ils constitueraient plus à la fois des moyens et des conséquences qu’une
cause. Ils seraient des conséquences parce que l’idée primaire semble être le sauvetage de
l’entreprise. Analysés en termes de voies afin d’atteindre cette finalité qu’est le sauvetage de
l’entreprise, ils seraient des moyens. Les différentes réformes ne s’inscrivent-elles pas dans ce
sens ? Dès lors, il ressort que le fondement de cette règle, selon la lettre même des textes, est le
redressement des entreprises au sens large du terme, même si elle s’applique en liquidation
judiciaire
872. Le droit OHADA, qui est relativement récent, ne prévoit pas, contrairement aux procédures de
redressement judiciaire et de liquidation des biens 2133, l’arrêt du cours des intérêts dans le
2132
D. GIBRILA, Droit des entreprises en difficulté, éd., Defrénois, 2009, p. 496.
2133
Art. 73, AUPC.
379
règlement préventif : « sauf remise par les créanciers, les intérêts légaux ou conventionnels
ainsi que les intérêts moratoires et les majorations continent à courir mais ne sont pas
exigibles ».2134 Le législateur OHADA a privilégié par-là la volonté des parties, car le concordat
préventif du débiteur est un projet négocié et soumis au tribunal pour homologation. Pour
autant, l’objectif premier de redressement de l’entreprise est préservé par le fait que ces intérêts
ne soient pas exigibles pendant le concordat. Les créanciers sont protégés contre une éventuelle
prescription de leurs sûretés : « la prescription demeure suspendue à l’égard de tous les
créanciers qui, par l’effet du concordat préventif, ne peuvent exercer leurs droits ou actions, y
compris toute mesure d’exécution extra-judiciaire ».2135 Par cette disposition, tout porte à croire
que le créancier d’un débiteur engagé dans une procédure de règlement préventif n’a aucun
intérêt à procéder à l’inscription de ses sûretés mobilières ou immobilières, le délai de
prescription étant suspendu. Faute d’arrêt du cours des intérêts dans le règlement préventif
OHADA, les développements qui vont suivre seront axés sur le droit français.
873. Aux autres intérêts curatifs que la période d’observation d’une procédure passerelle peut
procurer au chef d’entreprise, il importerait de citer l’arrêt du cours des intérêts (A) et celui des
inscriptions des sûretés (B).
2134
Art. 10, AUPC.
2135
Art. 18, al. 4, AUPC.
2136
Com. 7 déc. 2004, n°02-13.838, NP.
2137
Art. L. 622-28, al. 1, c. com.
2138
Soc. 9 juill. 2003, n°01-44.196, NP ; soc. 10 déc. 1996, n°95-40.845, Bull. civ. V, n°434 ; soc. janv. 1999,
n°96-43.431, NP, Act. proc. coll. 1999/4, n°57,
2139
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2014, n°649 ; A. JACQUEMONT et
R. VABRES, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., Lexis Nexis, 2015, n° 50.
2140
Com. 7 févr. 1989, JCP E 1989, II, n°13, 15591, obs. M. CABRILLAC.
2141
Com. 16 nov. 2010, n°09-71.935, Bull. civ. IV, n°175 ; n°1142 F-P+B
380
dues par les commerçants, les artisans et les personnes morales de droit privé, la jurisprudence
en a logiquement déduit que les personnes physiques qui exercent une profession indépendante
n’étaient pas concernées. Elle s’est ainsi prononcée en faveur d’un médecin 2142, un
kinésithérapeute2143, un infirmier libéral2144, un orthophoniste2145 et un avocat2146. La question
peut se poser de savoir pourquoi cette distinction par le législateur ?
875. La thèse d’un oubli a été avancée2147. Une question prioritaire de constitutionnalité a été posée,
et le Conseil constitutionnel a relevé qu’ « en étendant l’application des procédures collectives
à l’ensemble des membres des professions libérales par la loi du 25 juillet 2005, le législateur
a entendu leur permettre de bénéficier d’un régime de traitement des dettes en cas de difficultés
financières, par suite des dispositions précitées des premiers et sixième alinéas de l’article L.
643-5 ne sauraient, sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi, être interprété comme
excluant les membres des professions libérales exerçant à titre individuel du bénéfice de la
remise de plein droit des pénalités, majorations de retard et frais de poursuites dus aux
organismes de sécurité sociale ».2148 La Cour de cassation, après cette décision de la cour
constitutionnelle, en a tiré les conséquences 2149.
876. La règle de l’arrêt du cours des intérêts se limite à la fin de la période d’observation. Dans le
cas précis d’une procédure passerelle dont la période d’observation est réduite, la question
semble importante. En fait, posons la problématique autrement, afin de ressortir son enjeu : le
cours des intérêts, arrêté à l’ouverture de la procédure, peut-il continuer pendant l’exécution du
plan (après donc la période d’observation) ? D’une part, une réponse affirmative viderait la
règle de tout son sens ; car à quoi sert d’arrêter les intérêts pendant la période d’observation si
leur cour doit continuer pendant le temps réel du redressement de l’entreprise qu’est l’exécution
du plan concocté à cet effet ? Cependant d’autre part, une réponse négative serait synonyme
2142
Civ. 2e, 17 déc. 2009, n°08-22.081, NP ; Civ. 2e 4 févr. 2010, n°09-11.602 ; Paris, 7 avr. 2009, RG n°08/18741.
2143
Civ. 2e , 14 janv. 2010, n°09-65. 845, NP ; Civ. 2e , 12 févr. 2009, n°08-10.470, NP, Gaz. proc. coll. 2009/2,
n°01, p.28, note Ph. ROUSSEL GALLE.
2144
Com. 15 déc. 2009, n°08-70.173, NP.
2145
Paris, 30 avr. 2009, RG n°08/19446.
2146
Paris, 1er oct. 2009, RG n°08/20989
2147
F.-X. LUCAS, note sous civ. 2e, 12 févr. 2009, n°08-13.459.
2148
Cons. Const. 11 févr. 2011, n° 2010-101, QPC, JORF du 12 févr. 2011, p. 2758 ; D. 2011 AJ 513, obs. A.
LIENHARD.
2149
Civ. 2e, 16 juin 2011, n°10-14.398, NP.
381
d’un lourd sacrifice imposé aux créanciers, qui devront alors faire les frais de la mauvaise
posture financière d’une société qui n’est pas la leur.
877. Au sein de la doctrine, plusieurs auteurs ont préféré interroger la lettre des textes. Il a ainsi été
relevé que le premier alinéa de l’article L. 622-28, du code de commerce parle d’un « arrêt du
cours des intérêts » et non d’une simple suspension2150. En d’autres termes, et selon ces auteurs,
la règle devrait rester maintenue au-delà de la période d’observation jusqu’à la fin de la
procédure collective ouverte. Cette thèse semble logique. La chambre sociale de la Cour de
cassation s’est prononcée dans le même sens, en estimant que les intérêts arrêtés en période
d’observation ne peuvent courir à nouveau pendant la phase d’exécution d’un plan de
continuation2151. Le même raisonnement a été adopté par la chambre commerciale en matière
de liquidation judiciaire2152. La solution devrait être applicable aux plans de continuation dans
les procédures passerelles françaises. De ces décisions jurisprudentielles, il ressort que même
pour les intérêts légaux, l’arrêt du cours des intérêts est définitif, quelle que soit l’issue de la
procédure collective : plan de continuation, plan de cession, liquidation judiciaire ou retour à
meilleure fortune du débiteur 2153. Toutefois, une juridiction du fond a jugé qu’en liquidation
judiciaire, le cours des intérêts doit continuer, si le créancier est autorisé exceptionnellement à
poursuivre le débiteur, à compter de la mise en demeure 2154. La liquidation judiciaire ne nous
intéressant pas particulièrement dans le cadre de la présente étude, nous choisissons de ne pas
pousser l’analyse dans ce sens. En revanche, dans le cadre d’un plan de continuation, il a été
jugé que, en cas de résolution du plan alors que le débiteur était devenu in bonis, ce dernier était
redevable des intérêts ayant couru depuis le jugement ayant arrêté le plan jusqu’à celui ayant
constaté sa résolution2155. S’il faut comprendre cette solution jurisprudentielle en ce que c’est
l’inexécution des engagements du débiteur contenus dans le plan qui est sanctionné, cependant
compte tenu de l’effet non rétroactif attaché à la résolution du plan, un auteur pense que cette
solution ne devrait pas être acceptée 2156. De plus, la chambre sociale de la cour de cassation
s’est déjà implicitement prononcée en ce sens ; elle a estimé qu’un plan de continuation ne
2150
D. GIBRILA, Droit des entreprises en difficulté, éd., Defrénois, 2009, n°497 ; Ph. PETEL, Procédures
collectives, 8e éd., Dalloz, 2014 n°208.
2151
Soc. 10 déc. 1996, n°95-40.485, Bull. civ. IV, n°434 ; Com. 10 déc. 2002, n°99-20.478., NP, Act. proc. coll.
2003/4, n°39.
2152
Com. 7 févr. 1989, n°87-14.003, Bull. civ. IV, n°50.
2153
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2014, n°735.
2154
Caen, 29 nov. 2007, RG n°06/1368, Act. proc. coll. 2008/4, n°66.
2155
Paris, 5 mars 1996, D. 1996. IR 101.
2156
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 2024.
382
devait pas permettre de faire renaître des intérêts dont le cours a été arrêté par le l’effet du
jugement d’ouverture2157. D’où il ressort qu’une éventuelle résolution du plan ne devrait pas
remettre en cause la solution.
878. Les règles de l’arrêt du cours des intérêts, posées à l’article L.622-28 du code de commerce,
supportent quelques exceptions. Quant au fondement de ces exceptions, la doctrine
majoritaire2158 évoque, d’une part, la volonté législative de favoriser les crédits à moyen et long
terme, par rapport aux crédits à court terme et, d’autre part, l’encouragement des banques à
continuer à consentir du crédit au débiteur. Sur ce fondement, une question prioritaire de
constitutionnalité sous-tendue par le principe d’égalité entre les créanciers a logiquement été
rejetée2159. Parmi les exceptions, existent les intérêts issus des contrats conclus pour une durée
égale ou supérieure à un an ou des contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus 2160.
Cela exclut les opérations de crédit-bail, dès lors que le premier loyer n’est pas différé d’au
moins un an2161, de même que les avenants aux contrats de crédit-bail qui auraient stipulé des
intérêts2162. Les sommes dues à la caisse de congés payés ne sont pas non plus concernées 2163,
au même titre que les ouvertures de crédit à durée indéterminée 2164. Cependant, si l’ouverture
de crédit est à durée déterminée au moins égale à un an, il y aura place à continuation du cours
des intérêts2165. Dans ces cas, les intérêts continuent à courir, même si les modalités
d’apurement du prêt convenues dans le plan de sauvegarde ou de redressement arrêté au profit
du chef d’entreprise ne stipulent pas d’intérêts 2166.
879. L’exception à l’arrêt du cours des intérêts est particulièrement intéressante pour les chefs
d’entreprise qui ont choisi la voie d’une procédure passerelle pour le redressement de leur
entreprise. Seule la durée convenue lors de la conclusion du contrat sera prise en compte. De
ce fait, et étant donné que lors des négociations du futur plan de sauvegarde accéléré en phase
2157
Soc. 10 déc. 1996, n°95-40.485 ; com. 10 déc. 2002, n°99-20.478.
2158
D. GIBRILA, Droit des entreprises en difficulté, éd., Defrénois, 2009, n°651 ; Ph. PETEL, Procédures
collectives, 8e éd., Dalloz, 2014 n°205. J.-L. VALLENS, Étude comparative des procédures d’insolvabilité, éd.,
Société Législation Comparée 2015, n°3373.
2159
Com. 20 mars 2012, n°11-23.822, QPC, NP, LPA 15 juin 2012, n°120, p. 10, note Ph. ROUSSEL GALLE.
2160
Art. L.622-28, al. 1, c. com.
2161
Com. 29 mai 2011, n°97-11.151, Bull. civ. IV, n°106 ; Act. proc. coll. 2001/12, n°152.
2162
Com. 28 sept. 2004, n°02-11.763, NP.
2163
Soc. 11 juin 2003, n°01-15.724, NP, Rev. proc. coll. 2003, n°15, p. 343, obs. TAQUET.
2164
Paris, 3e ch. A, 9 sept. 2003, RG n°2001/19487.
2165
Com. 28 sept. 2004, n°02-13.885 NP.
2166
Com. 25 avr. 2001, BRDA 10/2001, n°10.
383
amiable, des contrats de prêts et des délais de paiement avec octroi d’intérêt, sont susceptibles
d’être conclus, ces contrats ou ces délais de paiements ne pourront pas produire d’intérêts 2167,
une fois la procédure judiciaire ouverte, dès lors que le délai de paiement ou de remboursement
est au moins égal à un an 2168. La règle est tout au plus attrayante que le projet de plan, proposé
par le chef d’entreprise en phase amiable, peut être amélioré en phase judiciaire, de sorte qu’un
prêt, conclu initialement par exemple pour une durée de six à sept mois, ne permettrait pas au
dispensateur de crédit de bénéficier de la continuation du cours des intérêts, même en présence
d’un avenant de report d’échéances pour une durée totale de plus d’un an 2169.
880. Enfin, observons que l’ordonnance du 12 mars 20142170 a modifié la législation sur
l’anatocisme. Le code de commerce2171 précise désormais que nonobstant les dispositions de
l’article 1154 (devenu art. 1343-2)2172 du code civil, les intérêts échus des créances qui font
exception à la règle de l’arrêt du cours des intérêts ne peuvent produire d’intérêts. Il faut voir
en cette réforme, une volonté législative d’alléger le passif du débiteur. C’est pourquoi les
créanciers bénéficiant du cours des intérêts ne peuvent plus faire jouer la capitalisation des
intérêts produits par le report ou le rééchelonnement de leurs créances 2173. Avant cette réforme,
une clause prévoyant l’anatocisme était acceptée par la jurisprudence 2174 sur le fondement de
l’ancien article 1154 du code civil. Comme les intérêts, et dans le même esprit législatif de figer
le passif du chef d’entreprise, en vue de sauver la continuité de l’activité 2175, les inscriptions
des sûretés sont aussi arrêtées dès le jugement d’ouverture.
2167
Y. GUYON, cité par P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz
action, 2016, n°1242.
2168
B. SOINNE, cité par P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz
action, 2016, n°1993.
2169
Com. 29 avr. 2003, n°99-15.544, Bull. civ. IV, n°65 ; Act. proc. coll. 2003/10, n°126.
2170
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2171
Art. L.622-28, c. com., tel que modifié par l’ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention
des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2172
Tel que modifié par l’ord. n°2016-131 du 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime
général, et de preuve de obligations, JORF n°0035 du 11 févr. 2016, texte n°26.
2173
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2014, n°740.
2174
Paris, 3e ch. B, 27 févr. 1998, D. Affaires 1998, 583 ; G. GAUTHIER, « La continuation du cours des intérêts
dans le cadre de la liquidation judiciaire », Gaz. pal. 1er mars 2001, doctr. 53.
2175
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2014, n°719.
384
B. L’arrêt des inscriptions
881. Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985 2176, le code de commerce posait la règle de l’arrêt
des inscriptions en ces termes : « les hypothèques, nantissements et privilèges ne peuvent plus
être inscrits postérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire ».2177 Sont
ainsi concernés, toutes les hypothèques, y compris les hypothèques légales du trésor public, de
la douane ou de la Sécurité sociale ; tous les privilèges immobiliers spéciaux 2178,
l’antichrèse2179, le privilège de prêteur de deniers 2180. La règle a été reprise sous l’empire de la
loi de sauvegarde2181. L’ordonnance du 18 décembre 20082182 l’a modifiée en rajoutant à la liste
des sûretés visées, le gage. Les effets du principe, comme dans le cas de l’arrêt du cours des
intérêts, ne se limitent pas à la période d’observation ; elle s’applique jusqu’à la fin de la
procédure2183.
882. L’application de la règle appelle à certaines observations dans le cadre d’une procédure
passerelle ; surtout au niveau de la procédure de sauvegarde financière accélérée, variante de la
sauvegarde, instituée par la loi de régulation bancaire et financière de 2010 2184. En effet, étant
une procédure semi-collective selon la doctrine majoritaire 2185, les règles disciplinaires de la
période d’observation ne s’appliqueront qu’aux créanciers dont les créances sont susceptibles
d’être affectées par le plan2186. Par conséquent, la règle de l’arrêt du cours des intérêts ne pourra
viser les créanciers qui ne font pas partie du comité des établissements de crédit et, le cas
échéant, de l’assemblée des obligataires. Alors que dans la procédure de sauvegarde accélérée,
2176
L. n°85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, JORF du 26
janv. 1985, p. 1097.
2177
Anc. art. L. 621-50, al. 1er, c. com.
2178
Privilège du copartageant : art. 2374, 3° c. civ. ; privilège de séparation de patrimoine : art. 2374, 6° c. civ. ;
privilège des architectes et entrepreneurs : art. 2382 c. civ.
2179
Selon la doctrine majoritaire, toutes les sûretés réelles soumises à publication sont concernées par
l’interdiction : C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2014, n°720 ; Ph. PETEL,
Procédures collectives, 8e éd., Dalloz, 2014, n°199.
2180
Com. 24 mars 2009, n°08-11.055, NP ; Paris, 3e ch. A, 2 oct. 2007, RG n°06/18938.
2181
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n° 173 du 27 juill. p. 12187, n°5.
2182
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
2183
V. en ce sens, travaux préparatoires, Loi du 25 janv. 1985, amend. n°56 interv. BADINTER, JOAN CR 9 avr.
1984, p. 1287.
2184
L. n°2010-1249 du 22 oct. 2010 de régulation bancaire et financière, JORF n°0247 du 23 oct. 2010, p. 18984,
texte n°1.
2185
P.-M. Le Corre, « L’avènement prochain d’une procédure semi-collective », Gaz. pal. 16 oct. 2010, n°289, p.
3.
2186
Art. L. 628-1, c. com.
385
procédure pleinement collective, la règle aura vocation à s’appliquer à tous les créanciers du
débiteur.
883. L’arrêt du cours des inscriptions ne concernerait que les sûretés constituées avant le jugement
d’ouverture2187. Antérieurement à la loi de sauvegarde, les créanciers postérieurs avaient la
possibilité d’inscrire leurs sûretés réelles 2188. Cette position doctrinale a été posée en
jurisprudence par une juridiction du fond 2189. Cette dernière a été approuvée par la Cour de
cassation2190. La solution demeure depuis la loi de sauvegarde des entreprises 2191. Toutefois,
compte tenu de la catégorisation des créanciers postérieurs - ceux qui sont éligibles ou non au
traitement préférentiel2192 -, il peut être affirmé que seuls les créanciers élus au traitement
préférentiel seront autorisés à inscrire une sûreté réelle sur un bien du débiteur 2193.
884. Le législateur pose, au travers des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 622-30 du code
de commerce, l’exception à l’arrêt de l’inscription des sûretés au profit de certains créanciers
privilégiés. Il en est ainsi du Trésor public qui peut inscrire son privilège dans le délai légal
dans deux hypothèses : pour les créances qu’il n’était pas tenu d’inscrire à la date du jugement
d’ouverture ; pour les créances mises en recouvrement après cette date, si elles sont déclarées
dans les conditions prévues par l’article L. 622-242194 du code de commerce2195. Rappelons ici
qu’afin de renforcer l’attractivité de la procédure de conciliation qui est, depuis l’ordonnance
du 12 mars 20142196, un préalable aux procédures passerelles, un amendement avait été présenté
au nom de la commission des finances, dans le but de supprimer l’obligation de la publicité des
privilèges fiscaux tant que les créances qui en bénéficient font l’objet d’une négociation dans
le cadre de la procédure de conciliation ; mais il avait été rejeté.
2187
A. Jacquemont, Entreprise en difficulté, 7e éd., LexisNexis, 2011, n° 488 ; Ph. PETEL, Procédures collectives,
e
8 éd., Dalloz, 2014 n°198.
2188
Ph. PETEL, Procédures collectives, 3e éd., Dalloz, 2001, n°203 ; F. PEROCHON et R. BONHOMME, Entreprise
en difficulté-Instruments de paiement et de crédit, 6e éd. LGDJ, 2010, n°187, note 151.
2189
Trib. com. Dijon, 2e ch. 12 juin 1990.
2190
Com. 14 nov. 2014, n°13-24.561, NP ; Rev. proc. coll. 2015, comm. 108, note F. M ACORIG-VENNIER.
2191
Ph. PETEL, Procédures collectives, 8e éd., Dalloz, 2014, n°198 ; F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd.,
LGDJ, 2014, n°653 ; A. JACQUEMONT, Droit des entreprises en difficulté, 7e éd., LexisNexis, 2011, n°488.
2192
V. supra, n°762 et s.
2193
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p. 2039.
2194
Ces conditions sont relatives aux modalités de déclaration des créances antérieures et postérieures au jugement
d’ouverture.
2195
Com. 18 février 2003, Bull. civ. IV, n°24 ; com. 24 juin 2003, Bull. civ. IV, n°107.
2196
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
386
885. La deuxième exception a été posée en faveur du vendeur de fonds de commerce. L’explication
de ce privilège est d’ordre légal. Selon le code de commerce, le privilège de fonds de commerce
ne peut être inscrit que dans les quinze jours de l’acte de vente 2197. A cet égard, il a été observé
qu’il faut supposer que l’acte de vente est intervenu moins de quinze jours avant le jugement
d’ouverture de la procédure collective de l’acheteur 2198. Ce qui devrait être assez rare en
pratique selon certaines doctrines2199. La loi du 6 août 2015 a prolongé ce délai de quinze jours
à trente. S’est-il agi par-là d’une volonté de mettre le vendeur du fonds de commerce à l’abri
de tout risque de prescription ? La logique semble commander cette interprétation.
886. Il peut aussi être relevé qu’une exception pourrait résulter de l’autorisation du juge-commissaire
à consentir2200, à la demande de l’administrateur ou du débiteur, une hypothèque ou un
nantissement. L’explication en est que ce créancier se trouve être un créancier postérieur,
éligible au traitement préférentiel, du fait que la créance est née, soit pour le besoin du
déroulement de la procédure, soit pour le financement de la période d’observation, et devrait,
dès lors, pouvoir publier ce privilège2201. L’analyse vaut pour la substitution 2202 de sûreté en
période d’observation sur autorisation du juge commissaire 2203. Le renouvellement de
l’inscription d’une sûreté2204, les inscriptions définitives de sûretés provisoires 2205 et celles des
sûretés en garantie de la créance2206, font aussi exception à l’interdiction.
887. Comme il a été vu, il est à remarquer que la célérité d’une procédure passerelle et les règles
protectionnistes de la période d’observation offrent des avantages curatifs au chef d’entreprise.
2197
Art. L. 141-6, c. com.
2198
V. P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016.,
p.2039 et s.
2199
RIPERT et ROBLOT, cité par P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd.,
Dalloz action, 2016., n°2985.
2200
Art. L. 622-7, al. 2, c. com.
2201
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz action, 2016, p.2046.
2202
Art. L.622-8 al. 3, c. com.
2203
J. VALLANSAN et Alii, Difficulté des entreprises, 6 éd., Lexis Nexis, 2012, 169 ; C. SAINT-A LARY-HOUN et F.
MACORIG-VENIER, « Redressement et liquidation judicaires - Situation des créanciers - interdictions des
inscriptions, J.-Cl. com., fasc. 2365, 2014, n°141.
2204
P. LE CANU, M. JEANTAIN, Droit commercial : entreprise en difficulté, 7 éd., Dalloz, 2006, n°402 ; F.
PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n°656 ; Ph. PETEL, Procédures collectives, 8e éd., Dalloz,
2014, n°201 ; A. Jacquemont, Entreprise en difficulté, 7e éd., LexisNexis, 2011, n°489 ; C. SAINT-ALARY-HOUN,
F. MACORIG-VENIER, « Redressement et liquidation judicaires – Situation des créanciers – interdictions des
inscriptions, J.-Cl. com., fasc.2365, 2014, n°117 et s.
2205
C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd. LGDJ, 2014, n°724
2206
C. SAINT-ALARY-HOUN, F. MACORIG-VENIER, « Redressement et liquidation judicaires – Situation des
créanciers – interdictions des inscriptions, J.-Cl. com., fasc. 2365, 2014, n°119 et s. ; Ph. DELEBECQUE, « Sûretés
réelles et procédures collectives », Dr. et patr. 2002, n°106, p. 49-53 ; com. 22 avr. 1986, D. 1986, IR 360.
387
Ces avantages sont à analyser comme des caractéristiques attractives d’une procédure
passerelle. De l’optimisation de l’actif à la maîtrise du passif de l’entreprise, la période
d’observation apparaît comme un sanctuaire pour tous les débiteurs en procédure judiciaire en
général, et pour celui engagé dans une procédure passerelle en particulier, du fait de la rapidité
caractérisant cette dernière. La rapidité est une donnée importante dans le procédé de passerelle.
C’est pourquoi elle s’adapte mieux que n’importe quelle autre procédure judiciaire au prepack-
cession ou cession pré-arrangée.
Conclusion du chapitre 2
888. Du chapitre qui précède, il peut être retenu qu’une procédure passerelle offre, au travers de sa
période d’observation, plusieurs mesures protectrices au chef d’entreprise. Certaines sont
traditionnelles et concernent la préservation de l’actif et la maîtrise du passif. D’autres sont
nouvelles ; elles concernent l’irresponsabilité du banquier dispensateur de crédit et le régime
des créances postérieures non privilégiées. Le Droit OHADA partage avec le droit français les
mêmes mesures traditionnelles de la période d’observation. La période d’observation est un
sanctuaire pour le débiteur, surtout dans le cadre d’une procédure passerelle. Cette conclusion
permet de tirer la conclusion suivante sur le premier titre de la deuxième partie de cette thèse.
Conclusion du titre 1
889. Une procédure passerelle a une vocation préventive qui se traduit, d’un côté, par la négociation
amiable et discrète avec les créanciers et, de l’autre, par l’anticipation de l’intervention du juge.
Elle a également une vocation curative qui s’exprime par les nombreuses règles protectrices de
la période d’observation. Des améliorations peuvent être apportées dans les droits français et
OHADA des entreprises en difficulté. S’agissant du droit français, l’adoption des class de
créances dans la procédure de conciliation, l’autonomisation de la procédure de mandat ad hoc
pour l’organisation d’une cession pré-arrangée peuvent être des pistes intéressantes. En droit
OHADA, l’assouplissement du régime de la cessation des paiements, la reconnaissance
formelle du procédé de passerelle, l’invitation claire des États membres à la création des
tribunaux de commerce, ainsi que la création de cellues spéciales de conseil, d’information et
d’orientation à l’ettention des chefs d’entreprises sont entre autres mesures qui pourraient être
envisagées.
388
TITRE 2
890. En droit français, la cession judiciaire ordinaire d’une entreprise en difficulté a pour but
d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des
emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif ; elle peut être totale ou partielle 2207. Elle n’est
pas une institution parfaite : on l’a considérée moins réalisable du fait des délais très courts
impartis pour sa réalisation 2208. Elle n’est pas non plus tout à fait respectueuse des droits des
créanciers qui sont souvent désavantagés en raison du faible prix de la cession. C’est à cause
de cela que les ventes d’actifs isolés lui sont préférées 2209. Le législateur tentait toujours
d’assurer la survie de l’entreprise et des emplois par la voie de la liquidation judiciaire et des
intérêts antagonistes du cessionnaire et des créanciers. Cela semblait être une volonté de
concilier l’inconciliable2210. Le droit OHADA ne s’inscrit pas dans ce sens. Le législateur de
2015 n’a pas changé la philosophie imprimée à la cession judiciaire de l’entreprise en difficulté
qui était organisée sous l’empire de l’Acte uniforme de 1998. Il ressort d’une analyse que
l’objectif premier recherché dans ce droit, au travers de la cession judiciaire d’une entreprise,
est l’acquittement des créanciers 2211.
2207
Art. L.642-1 du c. com.
2208
D. DEMEYERE, « Les enjeux de la cession de l’entreprise en difficulté », LPA, 2012, p. 39 ; P. FROEHLICH et
M. SENECHAL, « De la réalisation de l’actif », in F. X. LUCAS et H. LECUYER, La réforme des procédures
collectives - La loi de sauvegarde article par article, LGDJ, 2006, p. 318, spéc. p. 369 et s.
2209
C. VINCENT, « L’adoption d’un plan de cession sans poursuite d’activité » BJE, 1er sept, 2014, n°5, p. 331.
2210
id.
2211
V. M.F. KOUROUMA, « Étude de droit comparé : Afrique (droit OHADA) et France sur la finalité de la cession
judiciaire de l’entreprise en difficulté », Village de la justice, 2 janv. 2018.
2212
Il s’agit d’un système de traitement des difficultés des entreprises qui consiste à préparer un plan de
restructuration (plan de sauvegarde, concordat préventif.) dans le cadre de la conciliation, pour une adoption en
phase judiciaire (notamment les sauvegardes accélérées du droit français, le règlement préventif du droit
OHADA).
2213
Ou cession pré-arrangée, c’est-à-dire une cession dont le plan est négocié amiablement en phase amiable avec
les créanciers, pour une adoption en phase judiciaire.
389
892. Le prepack-cession, inspiré du chapitre 11 du code fédéral américain de la faillite, s’est installé
dans plusieurs droits de l’insolvabilité. Il en est ainsi, à titre d’exemple, des droits anglais 2214,
belge2215 et Allemand. Le mouvement de contractualisation du traitement des difficultés des
entreprises explique sans doute son adoption par les législateurs en ce qu’il permet l’implication
réelle des créanciers dans les négociations.
893. Le droit OHADA des entreprises en difficulté n’a pas encore reconnu ce mode de cession
d’entreprise ; son utilisation n’en est pas pour autant impossible. Selon l’article 5-14, alinéa
premier, du nouvel Acte uniforme des procédures collectives, « l’ouverture d’une procédure
de règlement préventif {…} met fin de plein droit à la procédure de conciliation {…} ». Afin
d’accélérer une procédure de cession d’entreprise, ce texte permet au chef d’entreprise de pré-
négocier cette cession avec ses créanciers sur le terrain de la conciliation, et de demander
ensuite l’ouverture du règlement préventif qui, en mettant un terme automatique à la procédure
de conciliation, va permettre l’adoption du plan de cession. Tel qu’il se présente, il suffirait que
la pratique s’approprie du prepack-cession pour que le législateur puisse être amené à organiser
son régime.
2214
A travers le scheme of arrangment : supra, n°690.
2215
Dans le cadre des procédures de réorganisation judiciaire instituée par la loi du 31 janvier 2009 : supra, n°700.
2216
Art. L.611-7, c. com., tel que modifié par l’ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention
des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3 ; v.
E. BERTRAND, « Le pré-pack cession : Le dispositif s’installe dans le paysage des procédures collectives », Lamy-
Lexel, 4 mars 2016.
2217
G. PLATIN, D. THESMAR et J. TIROLE, « Les enjeux économiques du droit de la faillite », les notes du conseil
d’analyse économique (CAE), juin 2007, n°7.
2218
Il correspond au pre-arrange sales en droit fédéral américain de la faillite : supra, n°151.
390
895. C’est la même logique qui sous-tend les nouvelles passerelles de sauvegarde accélérée 2219 : la
cession partielle ou totale d’entreprise peut être préparée voire conclue dans le cadre d’une
procédure de conciliation, pour être ensuite mise en œuvre lors d’une procédure judiciaire. La
pratique l’admettait déjà.2220 L’article L.611-7 du code de commerce en donne désormais la
possibilité au conciliateur. Si les textes sont explicites sur cette mission que peut avoir le
conciliateur, tel n’est pas le cas pour le mandataire ad hoc. Pourtant, ce dernier pourrait avoir
la même mission à la demande du chef d’entreprise en tenant compte de l’esprit des articles
L.611-32221 et L.642-22222 du code de commerce.
896. Il faut dire que la consécration légale d’un prepack-cession était une nécessité. Les créanciers
n’ayant aucune influence sur le plan de cession judiciaire, ils se résignent au sort réservé à
l’entreprise. Ils ne bénéficient que du privilège d’être désignés comme contrôleurs de la
procédure collective, statut qui n’est pas compatible avec le droit de faire une offre de
reprise2223. Le prepack-cession, s’inscrivant dans le sens contraire de la cession judiciaire,
procure un intérêt certain pour toutes les parties prenantes, notamment pour le chef d’entreprise,
l’acquéreur et pour les créanciers. Le chef d’entreprise n’a pas à se soucier de l’identité du
cessionnaire, ce dernier étant connu avant l’arrêté du plan par le tribunal. Les institutions
représentatives du personnel ainsi que les cocontractants peuvent prendre contact avec lui en
amont de la procédure, ce qui est de nature à le rassurer. La collecte d’informations permet au
candidat à l’acquisition de limiter les écueils liés à une cession judiciaire dont entre autres la
réduction du nombre de clients, la défection des personnels. Se présente moins de risque pour
les créanciers en ce sens que le prix de la cession est déterminé contractuellement en phase
amiable, et compte tenu de la brièveté de la procédure, peu de dettes postérieures seront
susceptibles d’être contractées.
2219
Sauvegarde financière accélérée et sauvegarde accélérée.
2220
F. GENTIN, interview, BJE, 2014. 208 ; S. GORRIAS, « L’ordonnance du 12 mars 2014 et les modifications
intéressant la nomination des organes de la procédure », Gaz. Pal. 8 avr. 2014, p. 39 ; B. TAULIER, « La
conciliation, après l’ordonnance du 12 mars 2014 : jamais pareille mais toujours plus proche de procédures
collectives », BJE, 2014. 174.
2221
« Le président du tribunal peut, à la demande du débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine
la mission. Le débiteur peut proposer le nom d’un mandataire ad hoc {…} ».
2222
« {…} Toutefois, si les offres reçues en application de l’article L.623-13 ou formulées dans le cadre des
démarches effectuées par le mandataire ad hoc ou le conciliateur désigné en application de l’article L.611-3 ou
L.611-6 remplissent les conditions prévues au II du présent article et sont satisfaisantes, le tribunal peut décider
de ne pas faire application de l’alinéa précédent {…} ».
2223
V. les art. L.642-3, L.642-20 et L.654-12, II, c. com.
391
897. Tel qu’il peut être constaté, le législateur a misé sur une position intermédiaire entre les plans
de redressement par continuation : ils sont rares car il s’agit de rembourser dans la durée
l’intégralité du passif ; le plus souvent, ils échouent parce que le remboursement se limite
généralement au paiement des premières échéances au prix minoré et les plans de cession : ils
sont plus fréquents et sont adoptés dans la contrainte de la durée et de la publicité des procédures
collectives, ce qui dégrade la valeur du fonds de commerce. En apparence, il s’est agi de
profiter, d’un côté, de tous les avantages qu’offrent les procédures amiables et, de l’autre, du
rôle d’adoption du plan revenant aux procédures judiciaires. Le législateur français a ainsi
marqué une rupture avec le régime de la cession judicaire de l’entreprise en difficulté qui
existait. Avant la réforme de 2014 précitée, les appels d’offres étaient faits - sont faits pour le
débiteur qui ne passe pas par la voie de prepack-cession - pendant la période d’observation ou
de poursuite d’activité, c’est-à-dire en pleine procédure judiciaire impliquant, par ricochet, des
publicités. Toute chose qui désavantageait les chefs d’entreprise à cause, d’une part, de l’image
entachée de l’entreprise vis à vis des partenaires et, d’autre part, de la durée et des frais qui
dévalorisent les actifs à céder. La rupture réside dans la modification des données temporelles.
898. Le prepack-cession reste confidentiel pendant la phase amiable 2224. Toutefois, sa réalisation en
phase judiciaire demeure publique 2225. C’est autant dire que l’importance et le rôle majeur de
ce nouvel outil est la protection du fonds de commerce. En cas de refus de certains créanciers
minoritaires de signer le protocole de cession ou d’un ou plusieurs associés/actionnaires de
céder leurs titres, il permet au débiteur de passer outre dans les conditions de l’article L.642-2
du code de commerce. Dans les développements qui vont suivre, il sera largement fait appel
au droit positif, à la doctrine et aux jurisprudences français. Ces développements seront
théoriquement valables en droit OHADA, nonobstant l’absence d’un régime juridique défini
relatif à la cession pré-arrangée2226.
899. Dans le cadre de ce second titre, nous n’avons pas la prétention de consacrer une étude
exhaustive de la cession judiciaire de l’entreprise en difficulté. Au contraire, il s’agira
essentiellement d’étudier le mécanisme de son possible préarrangement amiable et de son
exécution judiciaire, dans l’esprit du tandem juridico-judiciaire que forment désormais, le
2224
Art. L.611-15, c.com.
2225
Art. L.628-1, c. com.
2226
V. supra, n°914 ; pour la validité du procédé de plan pré-négocié en droit OHADA, v. supra, n°262 et s.
392
prepack-cession et le prepack-sauvegarde en droit français, ce qui est théoriquement
transposable en droit OHADA.
900. Il sera ainsi procédé, dans un premier temps, à l’analyse de ce préarrangement en amont des
procédures amiables (Chapitre 1) et, dans un second temps, à celle de cette exécution en aval
des procédures judiciaires (Chapitre 2).
393
Chapitre 1. Le préarrangement de la cession judiciaire d’entreprise
901. Les dispositions relatives à la cession sont indiquées aux articles L.642-1 à L.642-17 du code
de commerce et représentent pour l’essentiel la transposition des anciens articles L.621-83 à
L.621-101. Le nouveau dispositif de prepack-cession est énoncé à l’article L.611-7.
L’importance quantitative des textes intéressant la reprise d’entreprise montre à quel point cette
dernière préoccupe le législateur, d’autant que les cessions d’entreprise sont fréquentes pour les
entreprises importantes 2227. La cession peut être partielle ou totale2228. Dans le premier cas, ce
ne sont seulement que certaines branches d’activités autonomes d’exploitation qui sont
concernées. Toutefois il ne peut s’agir du seul droit au bail2229. Il importe peu que ce nombre
ne représente qu’une fraction de l’actif de l’entreprise, pourvu que cette fraction soit autonome
et capable de fonctionner durablement 2230. Dans le second cas, elle porte sur l’entreprise toute
entière ; ce sont tous les biens affectés à l’activité du commerçant, de l’artisan, de l’agriculteur
ou du professionnel indépendant qui sont concernés. L’entreprise n’est donc appréhendée que
sous l’angle économique, mais non sous l’angle juridique2231. La préparation voire la
conclusion d’un plan pré-arrangé de cession partielle ou totale d’une entreprise en amont d’une
procédure amiable consacre l’efficience économique voulue par le législateur français. Ce n’est
plus le droit qui commande, mais plutôt l’économie. Le conciliateur et le mandataire ad hoc
sont habilités, à la demande du débiteur, et après avis des créanciers, à organiser cette cession.
902. Dans le cadre de ce chapitre, nous évoquerons brièvement l’évolution temporelle et législative
de la cession judiciaire d’entreprise (Section 1), avant d’analyser la préparation de la cession
pré-arrangée et sa finalisation dans le cadre d’une procédure amiable (Section 2).
2227
G. COUTURIER, « Le plan de cession, instrument de restructuration des entreprises défaillantes », Bull. Joly.
Sociétés, févr. 2008, §35, p. 142.
2228
Art. L.642-1, al. 2, c. com.
2229
Paris, 3e ch., B, 14 janv. 2005, RG n°04/20667.
2230
Com. 15 mai 2012, n°11-17.972, Bull. civ. IV, n°100 ; Rev. Sociétés 2013, 117.
2231
C. SAINT-ALARY-HOUIN, droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2014, p. 774.
395
plus économique et social que juridique 2232. Cependant, elle est assimilée à la fois à un sujet de
droit2233 et à un objet de droit2234 aussi bien en droit Français qu’en droit OHADA. Cette
ambiguïté que la nature de l’entreprise engendre ne constitue pas pour autant un obstacle à
l’organisation de son traitement par ces législateurs. En effet, à l’image de la pratique judiciaire,
le législateur français emploierait le mot « entreprise » par commodité de langage 2235 que
comme une notion juridique. De la lecture des nombreuses doctrines relatives à la définition de
l’entreprise, deux courants peuvent être retenus : le courant des matérialistes - qui voient en
l’entreprise un objet de droit - et celui des personnalistes - qui y voient un sujet de droit.
904. Pour le groupe des matérialistes, l’entreprise n’est qu’un ensemble de biens affectés à une
production, faisant partie du patrimoine d’une personne physique ou morale, personne privée
ou publique, qui y applique son droit de propriétaire. Les personnes travaillant en son sein lui
sont considérées comme extérieures, liées au propriétaire par des contrats de travail. C’est une
conception patrimoniale que ce groupe confère à l’entreprise ; il en ressort que cette dernière
ne peut avoir une personnalité morale 2236. Autrement dit l’entreprise n’est qu’un ensemble
formé par des apporteurs de capitaux et de travail ; elle constitue un être collectif doté de la
personnalité propre. De ce fait, cet être a un patrimoine propre, une autonomie de décision
propre et dispose d’un intérêt propre2237.
905. Le courant matérialiste s’intéresse à la notion d’activité qui nous intéresse dans le cadre de ce
chapitre. L’entreprise existe pour satisfaire une demande, un besoin des hommes ; c’est
pourquoi elle produit, transforme et fait des prestations de services et de biens. C’est en exerçant
ces activités qu’apparaît l’entreprise 2238. A cette thèse, celle des économistes, qui considèrent
2232
F. DERRIDA, P. GODE, J. P. SORTAIS, avec la collaboration de A. HONORAT, Redressement et liquidation
judiciaire des entreprises, cinq années d’application de la loi du 25 janvier 1985, 3e éd., Dalloz, 1991, n°4 ; J.
PAILLUSSEAU, J. J. CAUSSIN, H. LAZARSKI et PH. PEYRAMAURE, Cession d’entreprise, 4e éd., Dalloz, 1999, n°04.
2233
Art. L. 622-4, c. com., évoque « la conservation des droits de l’entreprise » et l’inscription de sûreté au nom
de l’entreprise ; l’art. L. 622-14, 2°, al. 3 parle « des immeubles loués par l’entreprise ». En droit OHADA, l’art.
2 AUPC, al. 1 et 2 parle de l’entreprise comme auteur du passif alors que les articles 1 et 2 al. 3 font état de
l’apurement du passif du débiteur.
2234
L’art. 131 de l’AUPC indique que la cession d’entreprise ne peut s’appliquer qu’à un bien. Le même constat
peut être fait à la lecture de l’art. 631-21-1 du code de commerce.
2235
F. DERRIDA, P. GODE, J. P. SORTAIS, avec la collaboration de A. HONORAT, Redressement et liquidation
judiciaire des entreprises, cinq années d’application de loi du 25 janvier 1985, 3e éd., Dalloz, 1991, n°4, p. 17.
2236
V. J. PAILLUSSEAU, « Qu’est-ce que l’entreprise », in L’entreprise : nouveaux apports, éd., Economica, Paris,
1987, n°6-n°9.
2237
ibid.
2238
ibid, n°28 et s.
396
que l’entreprise constitue une organisation de moyens matériels et humains exerçant une
activité de production, de transformation, de distribution de biens ou de services ou de certaines
de ses fonctions, peut être rajoutée2239. L’existence de cette entreprise concentre plusieurs
intérêts : intérêts des fondateurs, des salariés, des apporteurs de capitaux, ceux de l’État et des
collectivités de l’État. Elle est un « centre d’intérêts » marqués par une convergence globale et
des oppositions catégorielles 2240. En définitive, nous retiendrons la définition économique car
elle cadre bien avec l’objet de la cession judiciaire de l’entreprise en difficulté. L’intérêt de
préserver des emplois et d’encourager l’investissement a conduit les législateurs à concevoir
l’entreprise distincte de son propriétaire personne physique ou morale. Cela impose une double
interprétation : d’abord, elle concorde avec des besoins pragmatiques des affaires. En effet, il
arrive de façon récurrente que l’entreprise fasse l’objet d’une cession entre vifs ou non. Or,
comment céder le personnel si ce dernier ne fait pas partie de l’entreprise cédée ? Procéder à de
nouveaux recrutements ou renégocier les contrats de travail existants reviendraient chers et
lourds. Leur transmission instantanée avec l’entreprise à laquelle ils sont attachés est la solution,
même si cela apparaît telle qu’une atteinte légale au principe de l’effet relatif des conventions,
mais justifiée par l’ordre public2241 et le besoin des affaires. Ensuite, elle répond à des impératifs
économiques et sociaux en ce que sa cession signifie sa préservation plutôt que son élimination
du terrain économique par la vente ou la cession isolée de ses actifs. Cette cession judiciaire
d’entreprise soumise à une discipline collective a connu une évolution fluctuante en droit
français : elle est passée d’une finalité de paiement des créanciers à celle de maintien de
l’activité et des emplois.
906. Au cours de ces dernières décennies, le législateur français est plusieurs fois intervenu pour
réguler la cession d’entreprise en phase judiciaire. Cette régulation a été précédée d’une
organisation prétorienne des tribunaux, notamment, en phase préventive à travers le mandat ad
hoc et la conciliation. Dans un premier temps, la cession judiciaire de l’entreprise en difficulté
en droit français sera vue (Paragraphe I). Dans un second temps, une analyse comparative de la
2239
ibid, n°21 ; J. BONNARD, La transmission de la PME, aspects juridiques et fiscaux, éd., Hachette Livre, 2004,
p. 6.
2240
ibid, n°22 et s.
2241
La solution contraire permettrait au repreneur de ne pas reprendre certains salariés, notamment les
représentants ou les délégués du personnel qui pourtant sont chargés du suivi et du respect des dispositions d’ordre
public.
397
finalité de la cession judiciaire d’entreprise en droit français et en droit OHADA sera abordée
(Paragraphe II).
2242
L. n°85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement et de liquidation judiciaire des entreprises, JORF du 26
janv. 1985, p. 1097.
2243
L. n°67-563 du 13 juill. 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les
banqueroutes, JORF du 14 juill. 1967, p. 7059.
2244
H. Le NABASQUE, « La cession d’entreprise en redressement judiciaire », JCP E 1990, II, 15770 ; B. SOINNE,
« Problématique du plan de cession d’entreprise », Rev. proc. coll. 1989, n°4, p. 146.
2245
V. P. CORDIER, « Le plan de cession devant la Cour de cassation, panorama des dix dernières années de
jurisprudence », RJDA 2/1999, p. 103 ; F. PEROCHON, « Halte au détournement de la cession judiciaire
d’entreprise », D, 1990, p. 252 ; F. DERRIDA, « A Propos des plans de cession de l’entreprise…Dévoiement ? »,
D, 1992, p. 301.
2246
L. n°94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, JORF
n°134 du 11 juin 1994, p. 8440.
2247
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187.
398
du débiteur est nécessairement reléguée au second plan par rapport à l’entreprise elle-même.2248
Cependant, si le plan de cession vise une entreprise individuelle, il ne pourra concerner les biens
non affectés à l’activité.2249 La cession d’entreprise, sophistiquée aujourd’hui, tire sa racine du
droit antérieur.
909. Les règles du plan de redressement et de cession furent favorables successivement aux
créanciers et aux banques avant de l’être pour le débiteur et les associés (A). A partir de
l’ordonnance du 12 mars 2014 2250, la balance semble équilibrée, même si une légère nette
amélioration dans le traitement des créanciers peut être relevée (B).
2248
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017-2018, 9e éd., Dalloz Action, 2016, p. 1635.
2249
Com. 22 avr. 1997, n°94-92.522, NP, proc. coll. 1998, 373, n°40, obs. B. SOINNE.
2250
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p.5243, texte n°3.
2251
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 553.
2252
G. COUTURIER en déduit que la cession ne serait pas liquidative, BJS 2008, p. 142.
2253
L. n°67-563 du 13 juill. 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les
banqueroutes, JORF du 14 juill. 1967, p. 7059.
399
concordataire et devait permettre un remboursement significatif des créances. Une fois
approuvée par cette assemblée, elle était ensuite présentée au tribunal pour homologation 2254.
912. Sur le plan judiciaire, la loi de 1985 2258, en consacrant le plan de cession, a privilégié le
« concordat par abandon d’actif » initié sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967 précitée. Le
plan de cession a été vu par cette loi comme une technique de redressement de l’entreprise,
exposant de la manière la plus nette possible l’idée du législateur de 1967 de dissocier l’homme
et l’entreprise2259. Alors que le plan de sauvegarde ou de redressement vise à guérir le patient,
la cession d’entreprise recherche la survie de ses organes sains, greffes sur un meilleur porteur
en l’occurrence le cessionnaire 2260 ; un objectif dont se réjouit un auteur qui parle
« d’expropriation salvatrice »2261 de l’activité.
2254
Art. 72 de la loi du 13 juillet 1967.
2255
Art. 35.
2256
L. n°94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, JORF
n°134 du 11 juin 1994, p. 8440.
2257
Il joue un rôle de premier plan dans la préparation d’une cession dans le cadre du prepack-cession : art. L.611-
7, c. com. Son avis compte pour le tribunal au moment de statuer sur l’ouverture de la procédure judiciaire devant
permettre l’adoption du plan de cession pré-arrangé : art. L.628-2, c. com.
2258
L. n°85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, JORF du 26
janv. 1985, p. 1097.
2259
P. M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives, 9e éd., Dalloz Action, 2017-2018, p. 1634.
2260
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, p. 554.
2261
Y. CHAPUT, « Les plan de sauvegarde et de redressement : renaissance légale de l’homme et de l’entreprise
? », Mél. P. DIDIER, Economica, 2008, p. 115, spéc, 119.
400
913. Un changement s’est opéré : les créanciers n’avaient plus voix au chapitre quant au plan de
cession, et la mention relative au taux de remboursement du passif a été relégué au troisième
plan, après celle du maintien de l’emploi et de la sauvegarde de l’activité. C’est seulement
quand un plan de continuation semblait pratiquement impossible du fait de l’importance du
passif et/ou de l’absence de rentabilité significative de l’exploitation, que l’appel à candidature,
pour un plan de cession, était mis en œuvre. L’article L.621-59, inséré au livre IV du code de
commerce, n’a guère été utilisé ces dernières décennies ; les tribunaux et la jurisprudence ayant
toujours opté pour la négociation et la solution d’un accord transactionnel, afin de ne pas porter
atteinte au droit de propriété sur les titres. Sous l’empire de la même loi de 1985, les entreprises
en redressement étaient à vendre pour les repreneurs.2262 Cette solution a été refaite par la loi
de sauvegarde des entreprises 2263, qui a raisonné en priorité par rapport au débiteur, mais non
par rapport à l’entreprise, la procédure étant ouverte contre le premier, non contre la
seconde2264. Il était question de ne plus confondre le débiteur avec l’entreprise.2265 Sauf si la
cession n’est pas totale, l’activité du débiteur cesse par la cession.2266 Le plan de cession n’est
plus qu’un événement de la procédure du débiteur 2267, laquelle poursuit son cours, et c’est
pourquoi il est désormais préférable de parler de cession d’entreprise plutôt que de plan de
cession, dans la mesure où la cession ne scelle plus le sort du débiteur.2268 A cet effet, il est
exclu qu’une procédure de sauvegarde se termine par une cession totale ; elle n’est pas à vendre.
Quelle place les enjeux de la réforme des procédures collectives effectuée en 20052269 ont-ils
alors donnée au plan de cession ? Fallait-il continuer à le considérer comme un moyen de
redressement de l’entreprise ? Ou fallait-il au contraire le considérer comme une technique
liquidative, comme cela a été reconnu par les travaux parlementaires ?2270 Le rapport au nom
2262
A. HONORAT, LPA, 12 juin 1985, p. 19.
2263
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
2264
L. C. HENRY, « Le plan de cession et la loi de sauvegarde des entreprises », Gaz. pal. 7-8 sept. 2005, n° sp,
n°3, p. 39.
2265
J. DEHARVENG, « Le plan de cession dans la nouvelle architecture des procédures collectives - un évènement
et non plus une issue du cours de la procédure », D, 2006, chron. p. 1047.
2266
L. C. HENRY, « Le plan de cession et la loi de sauvegarde des entreprises », Gaz. pal. 7-8 sept. 2005, n° sp,
n°5, p. 40.
2267
J. DEHARVENG, « Le plan de cession dans la nouvelle architecture des procédures collectives- un évènement
et non plus une issue du cours de la procédure », D, 2006, chron. p. 1048.
2268
F. PEROCHON et R. BONHOMME, Entreprise en difficulté, 7e éd., LGDJ, 2013, n°132.
2269
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
2270
Rapp. J.-J. HYEST, n°335, p. 346.
401
de la commission des lois de l’assemblée nationale indiquait clairement que la procédure de
plan de cession est essentiellement de nature liquidative.2271
914. La loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 2272 a donné une nouvelle dimension à la prévention.
Dans la pratique, outre la cession d’actifs moins indicative pour rapporter de l’argent, il arrivait
qu’une procédure de conciliation soit ouverte dans le but de céder tout ou partie de l’entreprise.
Le conciliateur était alors invité à mener des négociations parallèles avec les principaux
créanciers de l’entreprise tout en assistant le chef d’entreprise dans la recherche d’un nouveau
partenaire et dans la préparation du projet de cession de tout ou partie du capital. Dans le cas
de figure d’un succès dans les négociations, la mission du conciliateur pouvait aller, mais dans
la totale confidentialité, jusqu’à la formalisation d’un protocole de cession du capital, lequel
allait être ensuite soumis au tribunal pour homologation. Cette loi a fondamentalement favorisé
les chefs d’entreprise et les associés en ce que ces derniers ne peuvent pas être dépossédés de
leur entreprise sur le terrain de la sauvegarde. En revanche, en redressement judiciaire, ce n’est
plus la même protection, même si le tribunal préfère le plan de redressement, présenté par un
débiteur, à un plan de cession. En effet, le deuxième alinéa de l’article L.631-19-1, tiré de
l’ancien article 23 de la loi du 25 janvier 1985 2273, dispose que le tribunal peut ordonner la
cession des parts sociales, titres de capital et des valeurs mobilières appartenant à un ou
plusieurs dirigeants de droit ou de fait lorsque le redressement de l’entreprise le requiert.
L’ordonnance du 12 mars 2014 2274 a changé la donne.
2271
Rapp. X. DE ROUX, n°2095, p. 376.
2272
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, n°5.
2273
L. n°85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, JORF du 26
janv. 1985, p. 1097.
2274
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5243, texte n°3.
2275
Il (le conciliateur) peut être chargé d’organiser une cession partielle ou totale, pendant la conciliation, qui sera
mise en œuvre plus tard lors d’une procédure judiciaire.
2276
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
402
dispositions, il y a tout de même lieu de poser la question à propos de ce qu’a voulu dire le
législateur par « cession d’entreprise » ? Est-ce une cession d’actifs ou cession de capital ? Ou
bien les deux selon le cas de l’espèce ? En effet, il est fréquemment recherché, dans le cadre du
mandat ad hoc/conciliation, des investisseurs susceptibles de racheter tout ou partie des titres
ou de souscrire à une augmentation du capital de l’entreprise et, le cas échéant, des repreneurs
pour tel ou tel actif non rentable, dans le cadre de sa restructuration 2277. La difficulté surgit
lorsque la cession porte sur un fonds de commerce ; faut-il en ce moment en déduire qu’il n’y
a pas cession d’entreprise, comme cela a pu être jugé2278 ? Une réponse aussi catégorique ne
peut être suivie, estime un auteur 2279. Inversement, la cession d’un fonds de commerce ne peut
être purement et simplement assimilée à une cession d’entreprise rendant applicables les
dispositions spéciales du plan de cession2280. Il faudrait, pour qu’il y ait cession d’entreprise,
que la cession du fonds s’accompagne de tout ou partie des contrats de travail 2281. Cela revient
à dire que la cession d’entreprise sans transfert de contrat de travail ne peut être qualifiée de
cession d’entreprise, et ne peut faire en ce moment que l’objet d’une cession d’actifs en
liquidation judiciaire. Le critère distinctif perceptible est la présence de salariés repris 2282. Une
doctrine parle, pour sa part, d’« une cellule économique vivante, au sein de laquelle sont réunis
le travail et les moyens au service de l’activité ».2283 En ce sens, une cour d’appel a estimé que
les biens composant les entreprises agricoles exploitées en leur entier ne pouvaient être vendus
sur simple ordonnance du juge-commissaire, mais qu’ils devaient faire l’objet d’une cession
d’entreprise2284. L’exploitation agricole a une particularité : l’article L.642-1, troisième alinéa,
du code de commerce vise l’ensemble essentiellement constitué du droit à un bail rural.
L’entreprise, objet de cette disposition, est par conséquent soumise au statut du fermage. Ce
texte dépasse le seul aménagement de la cession des contrats, puisqu’il faut supposer que
2277
C. GORINS, « Évolution de la cession judiciaire en prévention et en procédure collective », BJE, 1er mai 2015,
n°3, p. 185.
2278
Paris 19 avr. 1988, D. 1991, somm. 5, obs. F. DERRIDA.
2279
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2014, p. 780 ; sur la même question,
v. J. VALLANSAN, « Fonds de commerce et plan de cession », BJE, janv. 2013, doctrine 6.
2280
obs. M. CABRILLAC, sous com. 10 janv. 2006, n°03-19.519, JCP E 2006. 1569, p.670.
2281
Renne, 2e ch. com., 1er juill. 2008, RG n°08/01007, Gaz. proc. coll. 2008/4, p. 50, obs. D. VOINOT ; J. THERON,
« Liquidation judiciaire et vente de fonds de commerce », Rev, proc. coll. 2008/2, n°17, 18, p. 132.
2282
Paris, 14 déc., 1993, D. 1996, somm. 5, obs. F. DERRIDA ; Chambéry, ch. civ., 1995, Rev. proc. coll. 1996,
n°37, p. 157, obs. SOINNE ; Paris, 7 juill. 1995, Dr. sociétés 1995, n°240, obs. Y. CHAPUT.
2283
VALLENS, cité par P.-M. Le Corre, in Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz
action, p. 1643.
2284
Poitiers, 2e ch. 17 mai 2011, RG n°10/02898, BJE, sept/oct. 2011, comm.122, p. 244, note C. VINCENT.
403
l’essentiel est représenté par un bail rural. Il n’est pas ici question que de la seule cession de
contrat, mais bien de cession d’entreprise.
916. En tout état de cause, le système prepack présente l’intérêt d’être une épée de Damoclès sur la
tête des créanciers perturbateurs : le blocage d’une opération de sauvegarde de l’entreprise, dû
aux créanciers minoritaires ou au différend entre associés/actionnaires, relatif à une
recapitalisation avec ou sans l’entrée d’un nouveau partenaire dans le capital, ne conduit plus à
l’extinction de cette opération de sauvetage. La menace de passer en sauvegarde ou en
redressement judiciaire, avec tout ce que cela comporte comme écueils, constitue un moyen
dissuasif afin de convaincre les récalcitrants internes et externes, pour l’organisation de la
cession de l’entreprise en amont de la phase préventive. Les principaux acteurs de la cession
d’entreprise pré-arrangée sont le conciliateur/mandataire ad hoc, le cédant et le cessionnaire.
Les créanciers sont également impliqués, contrairement à une cession judiciaire classique où
tout ou presque leur est imposé ; mais ils ne seront pas évoqués ici.
A. Le cédant et le cessionnaire
918. 939. Le cédant est celui dont l’entreprise est à céder. C’est le chef d’entreprise qui, pour des
raisons de difficultés économique, financière ou juridique, veut aliéner tout ou partie de son
entreprise. Le cessionnaire quant à lui, est celui qui se porte candidat à l’acquisition de cette
entreprise. Il espère pouvoir lui offrir une nouvelle vie afin que l’exploitation économique et
les emplois soient sauvegardés.
919. Les textes ne définissent pas le cédant. Il est le débiteur ou le chef d’entreprise dont l’entreprise
a besoin d’un nouveau souffle face à l’apparition de difficultés liées généralement à la
trésorerie. Afin d’arriver à cette fin, il décide de vendre son entreprise ou une branche d’activité
de celle-ci, autonome d’exploitation, en vue de la maintenir viable et de réaliser l’actif pour
apurer le passif, dans le cadre de la procédure judiciaire qui s’y prête le mieux, eu égard aux
404
possibilités offertes par le nouveau dispositif2285. Dans le contexte du nouveau prepack-cession,
ce chef d’entreprise contrôle toutes les opérations en phase amiable où les négociations ont lieu
avec les candidats à la reprise. Cependant ni lui ni ses parents ne peuvent se porter candidat à
l’acquisition de la société2286. Il faudrait comprendre le sens de ce texte qui instaure cette
interdiction : il s’agit d’empêcher, dans le cadre de la procédure judiciaire, le cédant de se
débarrasser de son passif, en rachetant ou en faisant racheter ses actifs par ses parents ou
proches à vil prix. Cette disposition, modifiée par la loi du 26 juillet 2005 2287 et par
l’ordonnance du 18 décembre 2008 2288, participe de cette vision initiée en 1994 2289, tendant à
moraliser le droit des entreprises en difficulté. Nonobstant cette moralisation, on 2290 pense au
sein de la doctrine que l’interdiction est à regretter du fait que le « législateur n’ait pas pris la
peine d’établir la distinction entre l’acquisition d’actifs « au gré à gré » et celle qui se réalise
par voie d’enchères publiques ». Selon l’auteur de cette opinion, si l’interdiction se justifie dans
le cas de l’acquisition d’actif - parce que protégeant les créanciers - dans celui de la vente aux
enchères, elle ne se justifie point. Le texte récuserait une chance d’obtenir le prix le plus élevé
dans ces conditions, analyse un autre auteur 2291. Le code civil2292 permettant, sous réserve de
conditions liées à la fonction qu’elle exerce 2293, à toute personne de pouvoir se porter
enchérisseur si elle justifie des garanties de paiement, pourquoi refuser une telle procédure si
elle peut apporter plus au chef d’entreprise, peu important que l’enchérisseur soit de sa famille
ou non ? La jurisprudence2294 a, par ailleurs, eu à se prononcer sur cette question. Elle a estimé
que la cession était possible, nonobstant les liens de parenté avec le débiteur, dès lors que cette
solution était conforme aux intérêts de l’entreprise et de ses créanciers, et ne heurtait pas la
morale. En outre, le droit de surenchère d’un créancier inscrit, qui peut concerner aussi bien les
2285
Les sauvegardes accélérées s’y prêtent bien.
2286
Art. L.642-3, c. com.
2287
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187, texte
n°5.
2288
Art. L.642-3, c. com. clarifié par une meilleure détermination de l’objet de l’interdiction d’acquérir : art. 111
de l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008.
2289
L. n°94-475 du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, JORF
n°134 du 11 juin 1994, p. 8440.
2290
C. DUBUCQ, « L’interdiction de la reprise de l’entreprise en difficulté par le dirigeant et ses proches », Le petit
juriste, 13 août 2012, article consulté le 26 août 2017.
2291
F. PEROCHON et R. BONHOMME, Entreprise en difficulté - Instrument de crédit et de paiement, LGDJ, 8e éd.,
2009, p. 433.
2292
Art. 2205, c. civ.
2293
Les proches n’exercent aucune fonction.
2294
Mets, 23 sept. 1992, Dalloz, 1996, somm. 3, obs. F. DERRIDA.
405
meubles 2295 que les immeubles 2296, mais aussi le fonds de commerce 2297, est un gage de
transparence, et pourrait permettre, sous la houlette du juge commissaire, d’écarter le risque de
dissimilation d’une partie du prix. De même, l’analyse de la qualité de tiers et du caractère
sérieux de l’offre revient à l’administrateur ou au liquidateur judiciaire 2298.
920. Si cette thèse peut être suivie, cependant elle s’arrête à mi-chemin entre les raisons de
l’interdiction et celles qui regrettent cette dernière et, soulève de ce fait, une autre question,
celle de savoir dans quelle condition peut-elle être dite contraire à la morale ? Les
interprétations qui allaient faire l’objet des réponses des tribunaux et de la doctrine auraient
certainement constitué une insécurité juridique. Est-ce à cause cela que législateur a préféré
l’interdiction pure et simple ? Une réponse affirmative peut être apportée en ce sens qu’une
entreprise en difficulté et celle in bonis n’ont pas les mêmes réalités. Si le cédant est le chef
d’entreprise à qui la loi enjoint de ne ni se porter candidat à l’acquisition de l’entreprise, ni de
la faire acquérir à un proche, le cessionnaire est celui qui veut acquéreur l’entreprise, mais qui
ne peut, en conséquence, être un proche du cédant, sous réserve toutefois de certaines
exceptions légales.
921. Le cessionnaire2299 est celui qui veut acquérir l’entreprise en difficulté. Comme pour le cédant,
aucun texte ne le définit. Néanmoins, il doit être un tiers 2300 par rapport au débiteur, qui propose
une offre de reprise par l’entremise du conciliateur ou du mandataire ad hoc ou même
directement. Il a ainsi été jugé 2301 que le repreneur soutenu par la société mère dont la filière a
fait l’objet d’un plan de cession est un tiers. La loi du 26 juillet 2005 2302, par la nécessité de
moraliser les cessions, a diversifié les interdictions d’acquérir. Ni le débiteur, au titre de l’un
quelconque de ses patrimoines, ni un dirigeant de fait ou de droit de la personne morale en
liquidation judiciaire, ni les parents et alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement des
2295
Paris, 28 nov. 1997, D. Affaires, 1998, p. 138. Com. 20 oct. 1998, Bull. civ IV, n°248, p. 206 ; D. Affaires
1998, p. 1946.
2296
Civ. 3eme, 17 janv. 2007, n°05-17.695, JCP E 2007, 1450, n°4, obs. M. CABRILLAC ; D. 2007, p.379.
2297
M. RAKOTOVAHINY, le « clair-obscur » de la vente de gré à gré d’un fonds de commerce dans le cadre d’une
liquidation judiciaire », D. 2000, cah. dr. Aff. p.51. Toutefois, selon l’art. L.642-8, c. com., « Lorsque la cession
comprend un fonds de commerce, aucune surenchère n’est admise ».
2298
Art. L.642-4, c. com.
2299
Pour approfondir sur la question, v. C. SAINT-ALARY-HOUIN et Ph. BLAQUIER-CIRELLI, « Le contentieux de
la cession d’entreprise en difficulté », in La cession d’entreprise, Montchrestien, Toulouse, 1992, p. 79 et s.
2300
Art. L.621-57, al. 4, c. com.
2301
Lyon, 3e ch. 26 juin 1998, RTD com. 1999. 895.
2302
L. n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173 du 27 juill. 2005, p. 12187.
406
dirigeants ou du débiteur, personne physique, les personnes ayant ou ayant eu la qualité de
contrôleur au cours la procédure, ne sont admis, directement ou par personne interposée, à
présenter une offre2303. C’est ainsi que la solution a été appliquée à un huissier, administrateur
provisoire d’une société civile d’huissiers 2304, alors que ce dernier n’avait participé ni à la
cessation des paiements, ni au dépôt de bilan intervenu avant sa prise de fonction provisoire et
partielle ; que cette prise de fonction n’avait pu, par conséquent, lui permettre une meilleure
connaissance des éléments de l’office d’huissier 2305. Toutefois, les textes ne précisent pas si les
anciens dirigeants sont fondés ou non à présenter une offre de reprise. Selon un arrêt 2306, seuls
les dirigeants en fonction au jour de la formulation de l’offre étaient interdits d’en proposer,
mais le contraire a été jugé2307. Face à ce manque de consensus au niveau des juges du fond, la
Cour de cassation maintient, pour l’heure, la possibilité qu’un ancien dirigeant puisse faire une
proposition d’offre2308. La jurisprudence a étendu le domaine par une interprétation
extensive2309, sans être contraire à la constitution 2310. Les interdictions touchent aussi
l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée au titre de l’un quelconque de ses patrimoines.
922. L’auteur de l’offre d’acquisition doit attester qu’il n’est pas sous le coup de l’une de ces
incapacités, et doit joindre, lorsqu’il est appelé à le faire, ses comptes annuels relatifs aux trois
derniers exercices et ses comptes prévisionnels 2311. Afin de déjouer d’éventuelle fraude par
l’entreprise de tierces personnes, il est formellement interdit aux personnes précitées, dans les
cinq années suivant la cession, d’acquérir tout ou partie des biens compris dans cette cession
directement ou indirectement, des parts ou titres de capital de toute société ayant dans son
patrimoine, directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens ainsi que des valeurs
mobilières donnant accès, dans le même délai, au capital de cette société 2312. L’objectif
2303
Art. L.642-3, c. com.
2304
Com. 13 nov. 2002, n°99-10.631, Bull. civ. IV, n° 165 ; Act. proc. coll. 2002/20, n°268 - Com. 4 oct. 2005,
n°04-15.060, Bull. civ. IV, n°203.
2305
Com. 4 oct. 2005, n°04-15.060, Bull. civ. IV, n°203.
2306
Douai, 2e ch. 18 oct. 1998, Rev. proc. 1991, 285, obs. B. SOINNE.
2307
Douai, 2e ch. 31 mars 1988, Gaz. pal. 1988. II. 584, note B. SOINNE.
2308
Com. 23 sept. 2014, n°13-19.713, 13-25.708, Bull. civ. IV, n°136.
2309
Aix-en-Provence, 8e ch., 26 janv. 2012, n°11/04924, Rev. proc. coll., mai 2012, n°85, p. 45, J.-J. FRAIMOUT :
interdiction faite à une association d’acquérir les actifs cédés car sa présidente avait été secrétaire et membre du
bureau de la personne morale débitrice.
2310
Com. 18 févr. 2014, n°13-40.071, APC 11 avr. 2014, p. 6.
2311
Art. R.642-1, c. com.
2312
Art. L.642-3, al. 1., c. com.
407
recherché par les dispositions de l’article L.642-3 du code de commerce semble mettre fin aux
contentieux2313 nés auparavant de la notion de tiers.
923. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’une exploitation agricole, il a été jugé que le tribunal peut
autoriser2314 une cession à l’une de ces personnes interdites précitées à l’exception des
contrôleurs et du débiteur au titre de l’un quelconque de ses patrimoines 2315. Dans les autres
cas, et sous réserve des mêmes exceptions, le tribunal peut, sur requête du ministère public,
autoriser ces personnes par une décision spécialement motivée après avoir demandé l’avis des
contrôleurs. C’est pourquoi, s’agissant des immeubles, une possibilité contrôlée de les céder à
un membre de la famille2316 du débiteur est autorisée car constituant un moyen d’amortir le
choc de liquidation judiciaire subi par le débiteur. Cet allégement fut d’une importance capitale
dans les décisions de non renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de
constitutionnalité relative aux articles L.642-3 et L.642-20 du code de commerce, au regard du
droit de propriété, notamment dans la cession d’un actif étranger à l’exploitation d’une
entreprise en liquidation judiciaire et qui n’appartient pas en pleine propriété au débiteur en
liquidation judiciaire2317.
924. Une offre de reprise peut-elle émaner d’un groupe d’entreprise ? Un certain consensus semble
affirmer cette possibilité ; l’offre prend alors le caractère indivisible, les différentes entreprises
s’étant mises d’accord pour effectuer un rachat2318.
925. Selon la jurisprudence, tout acte passé en violation de ces interdictions est annulé 2319 à la
demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois mois à
compter de la date de la conclusion de l’acte. Lorsque celui-ci est soumis à publicité, le délai
commencera à courir à partir de la date de cette publicité 2320. La nullité vise aussi bien les actes
2313
Sur la difficulté des juges à trancher sur cette question, v. Trib. com. Paris, 14 e ch., 21 sept. 1989, D. 1991,
somm. p. 4, obs. F. DERRIDA ; Gaz. pal.1989, somm. p. 532. En l’espèce, l’offre avait été présentée par une entité
juridique nouvelle dont le capital était détenu à 30% par d’anciens dirigeants actionnaires et le conseil
d’administration était composé d’anciens dirigeants ; v. aussi Douai. 18 oct. 1990, Rev. proc. coll. 1991, p. 286,
obs. B. SOINNE.
2314
Rennes, 2e ch. 26 oct. 2010, RG n°09/06214, Rev. proc. coll. 2011, comm. 210, note Ch. LEBEL.
2315
Art. L.642-3, al. 2., c. com.
2316
V. C. SAINT-ALARY-HOUIN, « La réforme des plans de redressement », in La réforme du nouveau droit de
l’entreprise, Montchrestien, 1995, p. 173.
2317
Com. 18 févr. 2014, n°13-40.071., Com. 7 juill. 2016, n°16-40.216, n°776.
2318
Aix-en-Provence, 16 mars 1989, Rev. proc. coll. 1989, p. 511, n°14, obs. B. SOINNE.
2319
V. comme exemple, com. 25 sept. 2012, n°11.23667, RJDA 2/13, n°144, p. 142, Rev. proc. coll. 2011, comm.
23, p. 44. obs. J.-J FRAIMOUT.
2320
Art. L.642-3, c. com., al. 3.
408
de cession que les actes d’acquisition ultérieurs contraires aux textes. Bien entendu, il appartient
au tribunal de déclarer d’abord irrecevables les offres présentées par ces personnes interdites.
Le conciliateur et le mandataire ad hoc sont, par ailleurs, ces autres acteurs au cœur de la cession
d’entreprise.
927. Leur reconduction comme mandataire judicaire ou administrateur judiciaire, n’a pas été
déterminée par la réforme, excepté dans les procédures de sauvegarde accélérée. Dans la
pratique, ils sont reconduits dans le prolongement de leur mission dans la procédure collective.
Dans la procédure de sauvegarde, le débiteur peut proposer un administrateur 2322. En revanche,
dans celle du redressement judiciaire, c’est le tribunal qui sollicite ses observations sur un
choix2323. Depuis la réforme de 2014 2324, le ministère public peut aussi proposer un
administrateur judiciaire ou un mandataire judiciaire particulier 2325. Sur le terrain de la
liquidation judiciaire, il peut s’opposer à la désignation d’un conciliateur/mandataire ad hoc en
qualité de liquidateur judiciaire 2326. Logiquement donc, le mandataire ad hoc ou le conciliateur
devraient être reconduits comme administrateurs judiciaires ou mandataires judiciaires, eux qui
ont négocié et reçu les offres en phase amiable. En effet, le prolongement de leur mission en
2321
Art. L.611-7, c. com.
2322
Art. L.621-4, al. 5, c. com.
2323
Art. L.621-4, c. com.
2324
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2325
Art. L.621-4, al. 5, c. com.
2326
Art. L.641-1, al. 5, c. com.
409
phase judiciaire permet de maintenir les honoraires arrêtés lors de leur désignation en tant que
conciliateur ou mandataire ad hoc.
928. Dans la pratique, il sera entendu en chambre du conseil à l’ouverture de la procédure. Les
conditions, liées aux honoraires pour la préparation d’une cession en phase amiable, doivent
être acceptées par le débiteur et faire l’objet d’une nouvelle ordonnance si cela n’avait pas été
le cas à l’ouverture2327. Le tribunal n’arrête les conditions de rémunération qu’après avoir
recueilli l’avis du ministère public 2328. Il en sera de même pour le mandataire ad hoc si le
tribunal lui confie la même mission, ce qui n’est pas le cas pour les autres missions 2329. Le délai
sous lequel le ministère public doit répondre n’est pas déterminé par le texte. Toutefois, le
parallélisme des formes conduit à dire que le délai de quarante et huit heures devrait suffire.
929. Par ailleurs, le texte dispose que « lorsque la cession préparée dans le cadre de la conciliation
est mise en œuvre après ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire
ou de liquidation judiciaire par la même personne en exécution du mandat de justice qui lui a
été confié par la juridiction qui a ouvert cette procédure collective, la rémunération n’est due
qu’au titre de ce dernier mandat ». Par ce texte, n’est expressément visé que le cas du
conciliateur, mais non celui du mandataire ad hoc. Cela revient à poser la question de savoir, si
le mandataire ad hoc pourrait cumuler des honoraires dans les deux phases à savoir la
préparation et la réalisation, s’il était désigné administrateur ? Il est difficile de le penser compte
tenu de l’esprit de la réforme. Les textes ne précisent pas non plus l’objectif à la fin de la mission
confiée au conciliateur/mandataire ad hoc. S’agit-il de la réception des offres, de l’ouverture de
la procédure judiciaire, ou de l’arrêté du plan ? Logiquement, il peut être supposé qu’il s’agisse
de la réception des offres jusqu’à la date de l’ouverture de la procédure collective car la mission
consiste à préparer le projet de plan. Les principaux protagonistes des négociations devant
aboutir à l’accord scellant un projet de cession étant vus, voyons à présent ce qu’en est du
déroulement de cette préparation en phase amiable. Si le régime de la cession judiciaire
ordinaire du droit français consacre actuellement une autonomie de l’intérêt privilégié de
l’entreprise (son sauvetage par rapport au désintéressement des créanciers), en droit OHADA,
l’objectif est le paiement des créanciers.
2327
Art. R.611- 26-2, al. 1er, 2° et al. 2, c. com.
2328
Art. R.611-51, c. com.
2329
id.
410
Paragraphe II. La finalité de la cession judiciaire de l’entreprise
930. Le prepack-cession est une nouveauté apportée par l’ordonnance du 12 mars 2014 2330 en
France. Le droit OHADA ne connaît pas une telle cession.
931. Que la cession judiciaire de l’entreprise en difficulté soit classique - sans plan pré-arrangé - ou
non, elle présente une différence d’objectif entre les droits français et OHADA (I). En fait, si
en droit OHADA, la cession judiciaire de l’entreprise en difficulté vise prioritairement à
désintéresser les créanciers, en droit français, c’est au contraire la sauvegarde de l’entreprise
qui est priorisée. Avec le droit anglo-saxon, la cession judiciaire en droit français semble avoir
une certaine convergence. Cette convergence se manifeste aussi bien dans les méthodes
utilisées que dans la finalité recherchée (II).
2330
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2331
Art. L. 642-1, c. com.
2332
S. T. F. KARFO, Paiement des créanciers, sauvetage de l’entreprise : étude comparative des législations
OHADA et française de sauvegarde judiciaire des entreprises en difficulté, thèse de doctorat, 2014, Université de
Toulouse 1 - Capitole, p. 321.
2333
D. AHOUA, Le nouveau droit de la restructuration des sociétés commerciales des pays de l’Ohada,
comparaison avec le droit français, thèse de doctorat, 19 févr. 2015, Université de Bordeaux, p. 311.
2334
L.-C. HENRY, « Le plan de cession et la loi de sauvegarde des entreprises », Gaz. pal. 7 sept. 2005, sp. n°1, p.
39.
2335
M. L. COQUELET, « Le plan de cession a-t-il changé ? », RPC, 2006, p. 188.
2336
V. M. F. KOUROUMA, « La cession judiciaire de l’entreprise en difficulté en Afrique (droit OHADA) et en
France : étude comparée de l’offre de reprise au regard des réformes intervenues », Village de la justice, 27 déc.
2017 - « Étude de droit comparé : Afrique (droit OHADA) et France sur la finalité de la cession judiciaire de
l’entreprise en difficulté », Village de la justice, 02 janv. 2018.
411
L’opération de cession partielle ou totale d’actif dans ce droit, bien qu’ayant lieu dans le cadre
global d’un concordat de redressement judiciaire, reste cependant une procédure autonome (B).
934. En droit français, la préparation de la cession judiciaire d’entreprise peut être entièrement
amiable2341, mais sa réalisation est entièrement judiciaire2342. Par conséquent, c’est le tribunal
qui choisit l’offre de reprise2343. Il est vrai qu’il décide en fonction du caractère sérieux de
l’offre de reprise ; ce caractère sérieux ferait allusion au prix 2344. Cependant, l’objectif premier
n’est pas de payer tout le passif2345. Le tribunal doit arrêter l’offre qui assure la poursuite de
l’activité et le maintien des emplois le plus durablement possible 2346. Derrière cette insistance,
2337
Art. 132, al. 1er, AUPC.
2338
Art. 125, AUPC.
2339
Art. 132, al. 4, AUPC.
2340
Art. 160 et s. AUPC.
2341
Art. L. 611-7, c. com., tel que modifié par l’ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention
des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2342
Art. L. 628-1, c. com.
2343
Art. L. 642-5, al. 1er, c. com.
2344
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 821.
2345
Com. 26 juin 1990, BRDA 31.8. 90, n°15, p. 14.
2346
Art. L.642-5, al. 1, c. com.
412
un souci de maintenir l’entreprise dans le circuit économique peut être relevé ; elle ne doit pas
être liquidée à défaut d’un plan de sauvegarde ou de redressement.
935. En droit OHADA, aucune cession d’entreprise ne peut être homologuée par le tribunal
compétent que si le prix est suffisamment élevé pour acquitter les sûretés réelles spéciales
inscrites sur les biens cédés. Toutefois, il est possible que les titulaires de ces créances renoncent
à cette condition en acceptant de façon explicite qu’ils soient traités comme des créanciers
chirographaires pour la partie non payée de leurs créances 2347. De plus, le prix de cession doit
être payé au comptant, même si des délais, assortis d’un cautionnement solidaire d’un
établissement de crédit, peuvent être accordés à l’acquéreur 2348. En outre, le législateur africain
impose le transfert inconditionnel de toute sûreté réelle spéciale 2349. En d’autres termes, les
dettes grevées de sûretés réelles spéciales n’ayant pas été orientées dans l’intérêt de l’entreprise
sont quand même transmises au cessionnaire (ces dettes sont souvent contractées lors des
mariages - polygamie étant permise - le voyage à la Mecque, ou encore l’hospitalisation subite
d’un membre de la famille). En droit français, ces sûretés ne sont pas transmises. Seules celles
ayant aidé au financement d’un bien cédé sont transmises 2350. C’est dire que toute dette qui est
extérieure à la cause de l’entreprise ne peut être mise à la charge du cessionnaire du seul fait de
la cession.
936. Dans les deux droits, afin d’assurer le paiement des créanciers, les législateurs posent le
principe de l’inaccessibilité des biens par le repreneur jusqu’au paiement intégral du prix de la
cession. L’acquéreur ne peut céder les éléments d’actif corporels ou incorporels qu’il a acquis,
sauf en ce qui concerne les stocks ou marchandises, tant que le prix n’est pas intégralement
payé2351. Il ne peut céder les biens, il ne peut non plus les affecter à titre de sûreté. En droit
français, le principe s’étend à la location-gérance. La mesure est absolue en droit OHADA car
contrairement au droit français, elle ne peut être retirée judiciairement et est, en outre, publiée
au registre du commerce et au registre mobilier ainsi qu’au livre foncier. Le non-respect de la
mesure est sanctionné par la nullité. Bien qu’organisée dans un cadre global du concordat de
redressement judiciaire, la cession partielle ou totale d’actif du droit OHADA reste cependant
une procédure autonome.
2347
Art. 132, al. 2, AUPC.
2348
Art. 132, al. 2°, AUPC.
2349
Art. 133, al. 2, AUPC.
2350
Art. L.642-12, al. 4, c. com.
2351
Art. 133, al. 3, AUPC ; Art. L.642-9, al. 1, c. com.
413
B. L’autonomie de la cession judiciaire d’entreprise du droit OHADA
937. Dans le droit OHADA, la cession de l’entreprise en difficulté est organisée dans le cadre d’un
concordat comportant cession partielle ou totale d’actif. Cela pourrait faire penser à première
vue que les deux opérations forment une seule convention globale. Or, il n’en est rien car
n’obéissant pas au même régime juridique. Au cours de l’assemblée concordataire, deux votes
ont lieu : l’un pour la cession et l’autre pour le concordat de redressement judiciaire 2352. Ce sont
aussi deux homologations qui ont lieu distinctement pour la cession d’une part et pour le
concordat de redressement judiciaire d’autre part2353. Toutefois, il ne peut être juridiquement
nié que la cession n'est pas une partie du concordat de redressement judiciaire 2354.
938. A la lecture du nouvel Acte uniforme des procédures collectives, on comprend vite que la
cession constitue une vente entre le cédant et le cessionnaire. L’offre de cession étant à
l’initiative du débiteur 2355, la vente est formée par celle de reprise du tiers acquéreur 2356. Selon
le nouvel Acte uniforme des procédures collectives, les offres d’acquisition sont reçues par le
débiteur assisté du syndic et portées à la connaissance de l’assemblée concordataire 2357 ; cette
dernière, par un vote majoritaire, choisit l’offre qui va réaliser la cession 2358. Ce vote (par la
masse des créanciers) ne forme pas le contrat comme cela était le cas autrefois dans le cadre du
concordat par abandon d’actif en droit français. En droit OHADA, le chef d’entreprise n’est pas
dessaisi de ses biens composant la cession ; en cas de résolution, ils retournent dans son
patrimoine2359. La cession se conclut avec le débiteur qui, avec l’assistance d’un syndic,
accomplit toutes les formalités2360. Comme déjà indiqué, le consentement venant du tiers
acquéreur forme le contrat, et ce consentement est préalablement acquis sur le principe même
d’une cession partielle ou totale d’actif2361. Cependant, et sous réserve d’une condition
2352
Art. 132, al. 1 et art. 125, al. 5, AUPC.
2353
Art. 126, al. 2 et art. 132, al. 2, AUPC.
2354
La formulation de la sous-section 2 du nouvel Acte uniforme en fait foi, art. 131, AUPC.
2355
En France, la cession judiciaire dépend du tribunal et la doctrine en conclut à une expropriation du débiteur.
En droit de OHADA, c’est l’exact contraire en ce que le débiteur et ses créanciers sont qui décident ; art. 132, al.
1, AUPC.
2356
Selon J. GHESTIN, l’offre qui forme le contrat est celle qui reçoit une acceptation pure et simple. En d’autres
termes, le consentement du prétendant acquéreur forme la convention de cession : Traité de droit civil, la formation
du contrat, 3e éd., LGDJ, 1993, n°298 et n° 299.
2357
Art. 132, AUPC.
2358
id.
2359
Art. 133, al. 5, AUPC.
2360
Art. 132, al. 3, AUPC.
2361
En effet, c’est le débiteur lui-même qui propose la cession dans le cadre de son offre de concordat à la masse.
414
suspensive, toute l’opération, y compris le choix du cocontractant du débiteur, est validée par
l’assemblée concordataire. Par conséquent, le débiteur ne peut refuser de passer les actes de
cette cession du fait de son consentement déjà acquis d’un côté et de l’effet obligatoire conféré
à l’opération par l’homologation de l’autre. S’il refusait de se conformer à sa propre volonté, le
syndic pourrait, sur autorisation du juge commissaire, passer les actes 2362. Après
l’homologation du tribunal comptent, le débiteur recouvre sa liberté de poursuite en justice sans
l’assistance du syndic. Il peut en effet engager une action en résolution en sa qualité de vendeur.
En ce sens, l’Acte uniforme est conforme en disposant que le débiteur peut agir en résolution
du contrat en cas de non-paiement intégral du prix de vente2363.
2362
Art. 52, AUPC.
2363
Art. 133, al. 3, AUPC.
2364
Elle suppose une faute résultant du caractère abusif du droit de révocation de l’offre : v. J. GHESTIN, Traité de
droit civil, la formation du contrat, 3e éd. LGDJ, 1993, n°298 et 299.
2365
Faut-il rappeler que l’entreprise n’est pas un bien au sens juridique du terme.
2366
L. n°2010-1249 du 22 oct. 2010 de régulation bancaire et financière, JORF n°0247 du 23 oct. 2010, p. 18984,
texte n°01.
2367
V. supra, n°183 et s.
415
Autodistribution2368, dans le cadre de la sauvegarde 2369. Cette pratique, inspirée des méthodes
de réorganisation financière du chapitre 11 du code fédéral américain de la faillite, a été étendue
à la cession judiciaire de l’entreprise en difficulté par l’ordonnance du 12 mars 20142370.
941. Une étude comparée des droits positifs français et anglo-saxon, en matière de cession judiciaire
d’entreprise, permet de relever une certaine convergence aussi bien dans les méthodes utilisées
(A) que dans les finalités recherchées (B).
943. Dans les deux droits, l’idée de base est la négociation, entre le chef d’entreprise et l’acquéreur,
des modalités de la cession de l’entreprise, avant l’ouverture d’une procédure judiciaire de
réalisation. Il y a une phase amiable préalable commune : c’est le cadre des négociations.
Toutefois, à cette étape, le droit français se détache du droit américain en ce qu’il met
expressément les négociations sous la direction d’un professionnel qu’est le conciliateur 2373.
Tandis que dans le droit américain, le dirigeant d’entreprise mène lui-même les négociations.
Bien entendu, il est difficile d’imaginer qu’il ne se fasse pas assister par un conseil. De telles
négociations doivent, néanmoins, faire l’objet d’une approbation préalable du tribunal2374. Il y
a également une phase judiciaire subséquente commune : c’est le cadre de réalisation des
négociations menées en phase amiable. Là encore, une distinction du droit français peut être
relevée en ce qu’il offre plusieurs procédures de réalisation2375. Tandis qu’en droit américain,
2368
V. supra, n°179 et s.
2369
On appelait alors sauvegarde express, avant sauvegarde accélérée.
2370
Article L.611-7, tel que modifié par l’ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des
difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2371
Art. L.611-7, c. com.
2372
Prearrange sales ou prenegociated sales.
2373
Art. L.611-7, c. com.
2374
S. STANKIEWICZ MURPHY, L’influence du droit américain de la faillite dans le droit français des entreprises
en difficulté, thèse de doctorat, Université de Strasbourg, 2011, p. 115.
2375
Sauvegarde, sauvegarde accélérée, redressement judiciaire et liquidation judiciaire.
416
seule la procédure du chapitre 11 (dédiée à la restructuration) est adaptée, celles du chapitre 7
et du chapitre 13 étant respectivement consacrées à la liquidation directe et au traitement du
surendettement des particuliers. Cette différence n’est, cependant, à considérer que sur la forme
car, sur le fond, et dans les deux droits, c’est le tribunal qui contrôle le vote ainsi que l’adoption
du plan de cession2376.
944. Un dernier point commun sur le plan méthodologique entre les deux droits est relatif au principe
du vote du projet de plan de cession en phase judiciaire. L’idée directrice est ce que le droit
américain appelle le cram-down ou l’écrasement des créanciers récalcitrants en droit français.
La règle étant la majorité, il s’agit d’imposer la décision majoritaire des créanciers aux
minoritaires. Normalement, l’acquéreur choisi par le dirigeant en phase amiable reste
prioritaire. Cependant la concurrence reste garantie 2377.
945. Observons, enfin, que la cession judiciaire de l’entreprise en difficulté peut aussi avoir lieu, en
droit français, en dehors de tout plan pré-arrangé. C’est alors la cession judiciaire classique 2378
qui peut se faire dans le cadre d’un plan de sauvegarde - ce sera en ce cas une cession partielle
complémentaire à un plan de continuation 2379 -, de redressement2380 ou de liquidation
judiciaire2381. La différence avec le plan pré-négocié tient à la rapidité des opérations. La
convergence, entre les droits français et américain, des méthodes de cession judiciaire
d’entreprise pré-négociée, ressort aussi des finalités recherchées.
2376
Ainsi, en droit français, il découle des dispositions de l’article L.611-7 du code de commerce que le projet de
plan de cession négocié en phase amiable est ultérieurement réalisé dans le cadre d’une procédure judiciaire : donc
sous le contrôle du tribunal. En droit américain, les affaires Crysler (2009) et General motors (2009) sont
illustratifs en ce sens : supra, n° 151 et s.
2377
Art. R.642-1, al. 3, c. com.
2378
Prévue au titre II du livre VI, partie législative, du code de commerce.
2379
Art. L. 626-2, c. com
2380
Art. L.631-22, c. com.
2381
Art. R.642-1 et s. c. com.
2382
O. BUISINE, « Le prepack-cession : une alternative au plan de cession « classique » », Rev. banc. 27 mars 2012,
n°747 : dans cet article, l’auteur met l’accent sur l’anticipation voulue par législateur français, qui s’est inspiré de
son homologue américain.
417
recherchée. Cette dimension est rendue possible par la préparation anticipée des opérations,
comme cela a été vu précédemment.
947. Une réponse, cette fois d’ordre économique, est aussi donnée à la question du pourquoi de
l’anticipation de la cession d’une entreprise 2383. Par le préarrangement du plan, les opérations
de vote ainsi que d’adoption du plan en phase judiciaire s’accélèrent, ce qui a pour conséquence
de réduire considérablement le coût financier des opérations, la préservation de la valeur des
actifs en particulier et celle de l’image de l’entreprise à céder en général.
948. Enfin, l’autre finalité recherchée est la résultante des deux premières précédemment décrites. Il
s’agit de la sauvegarde de l’entreprise. La célérité des opérations, préservant l’entreprise cédée
sur le plan économique, permet à l’acquéreur de continuer une activité beaucoup moins atteinte
en termes d’image et avec des actifs moins dévalorisés. Par opposition, le règlement des
créanciers n’est pas une priorité comme cela semble être le cas dans le droit OHADA 2384. Dans
la section qui va suivre, la préparation du prepack-cession en phase amiable sera évoquée au
regard du droit positif français.
2383
O. BUISINE, « Le prepack-cession : une alternative au plan de cession « classique » », Rev. banc. 27 mars 2012,
n°747 : dans cet article, l’auteur met l’accent sur la volonté exprimée du législateur français de préserver le
potentiel économique de l’entreprise par le raccourcissement du temps de l’organisation judiciaire de sa cession,
sur inspiration du droit américain.
2384
S. T. F. KARFO, Paiement des créanciers, sauvetage de l’entreprise : étude comparative des législations
OHADA et française de sauvegarde judiciaire des entreprises en difficulté, thèse de doctorat, 20 déc. 2014,
Université de Toulouse 1 - Capitole, p. 321.
2385
V. à propos, Table ronde « La contractualisation du droit des entreprises en difficulté », Rev. proc. coll. -Rev.
bismestrielle LexisNexis jur.cl., mai-juin 2015, p. 99 à 108.
2386
Art. L.628-1, al. 1, c. com.
2387
Art. L.611-7, c. com.
418
L’avantage, par rapport à la cession classique, est le gain du temps. La raison réside dans le fait
que le plan est déjà prêt à être voté et adopté, lorsqu’il arrive en phase judiciaire. Dans le cadre
du prepack-cession, et comme cela est le cas dans le cadre des procédures passerelles adoptées
en droit français 2388, le chef d’entreprise doit nécessairement être engagé dans une procédure
amiable2389 : la négociation est le propre du droit des contrats2390. L’idée d’une cession
d’entreprise peut être à la base de l’ouverture de cette procédure amiable tout comme elle peut
être une décision prise en cours de la même procédure.
950. Quoiqu’il en soit, le préarrangement d’un plan de cession requerra des formalités d’ouverture
(Paragraphe I). Si la demande d’ouverture appartient exclusivement au chef d’entreprise 2391, la
mission d’organisation de la cession a été confiée par le législateur à un conciliateur 2392
(Paragraphe II). La rencontre de l’offre de cession avec l’offre de reprise conduit les parties à
la finalisation de la cession, qui porte essentiellement sur la fixation du prix de la cession
(Paragraphe III).
I. La demande du débiteur
952. Depuis 20142395, la cession d’entreprise peut être préétablie dans une procédure amiable de
mandat ad hoc2396. Le débiteur doit demander au tribunal de lui désigner un mandataire ad hoc
dont il détermine la mission2397. Cela dit que cette procédure amiable peut être un préalable à
la conciliation où des négociations peuvent avoir lieu avec le candidat qui aura manifesté son
2388
V. supra, n°339 et s.
2389
Art. L. 628-1, c. com.
2390
Cela ressort de la définition du contrat dans le code civil : art. 1101.
2391
Art. L.611-7, c. com.
2392
id.
2393
Il en est ainsi parce que, dans un sens, le débiteur est in bonis et, dans l’autre, tout accord issu de la conciliation
est un contrat soumis en cela au droit commun des contrats.
2394
Art. L.611-6, c. com.
2395
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2396
Art. L.611-7, c. com.
2397
Art. L.611-3, c. com.
419
intérêt. La préparation de la cession dans le cadre du mandat ad hoc a l’avantage d’être flexible
et moins encadrée de sorte que la préparation du projet de plan de cession peut immédiatement
commencer dès après la désignation du mandataire ad hoc.
953. Le débiteur peut également demander au tribunal qu’un conciliateur organise la cession 2398. Il
peut faire cette demande avant ou pendant la procédure de conciliation 2399. Dans cette dernière
hypothèse, il s’agira d’une demande complémentaire qui occasionnera la modification de sa
mission ; car à l’ouverture de la procédure, c’est une mission bien déterminée qui lui avait été
confiée. L’accord du conciliateur, désigné pour la nouvelle mission, ainsi que la détermination
des conditions de sa rémunération sont alors requis 2400. De plus, les créanciers doivent donner
leur avis au débiteur, ce dernier devant en faire la demande, en précisant les motifs 2401. Compte
tenu de la confidentialité qui est requise, seuls les créanciers participants ou concernés seront
concertés à cet effet. Contrairement au mandat ad hoc, la cession dans la procédure de
conciliation est plus contraignante. En cas d’avis négatif de la part des créanciers, la procédure
sera vouée à l’échec. Si un créancier, seul participant, émet un avis alors qu’il se trouve être, au
même moment, candidat, il reviendra au tribunal de trancher en tenant compte de tous les
intérêts en présence, notamment de ceux des autres créanciers et des salariés, sous peine de
possible recours 2402. Si aucun créancier ne prenait part aux négociations parce que, soit les
créanciers ont décliné l’invitation, soit le débiteur n’avait pas identifié quelques-uns d’entre
eux, le conciliateur devrait pouvoir faire son travail. Cette absence des créanciers devra alors
être mentionnée dans la demande à adresser au tribunal.
954. La question s’est posée de savoir si le conciliateur peut, à son initiative, organiser une cession
sans y être autorisé par le tribunal ? Il faut dire que la loi ne dit rien de façon expresse à propos
de cette question. L’affirmative est difficilement concevable en ce que l’avis des créanciers doit
être recherché pour la protection de leurs intérêts. Depuis 20142403, les conditions
d’organisation du prepack-cession sont strictes, toute ignorance de leur respect pourra engager
2398
Art. L.611-7, al. 1er tel que modifié par l’ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention
des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2399
Art. R.611-22-6, c. com.
2400
Art. R. 611-26-2, 2°, c. com.
2401
Art. R. 611-26-2, 1° c. com.
2402
Art. L. 611-6, al. 3 c. com. Pour recours en nullité en procédure collective, conditions d’ouverture: v. BJE
2014. 53.
2403
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
420
la responsabilité du conciliateur 2404. A contrario, le mandataire ad hoc pourrait prendre une telle
initiative, les conditions de détermination de sa mission n’ayant pas été modifiées. En effet,
dans le cas du mandataire ad hoc, il peut être supposé qu’une mission générale pourrait inclure
cette mission particulière sans que celle-ci n’y apparaisse expressément.
955. Par ailleurs la demande d’une mission de conciliation pour l’organisation d’une cession par le
débiteur peut se faire dans le cadre de la loi dite Florange du 29 mars 20142405. En vertu de cette
loi, l’obligation en est faite aux employeurs employant au moins mille salariés et qui souhaitent
fermer un site2406. Le décret ne précise pas la forme de la demande, mais par parallélisme des
formes, on peut penser que c’est la même procédure qu’en mandat ad hoc. La demande du
débiteur se formule par voie de requête (A). Quant au fond, il s’agira de l’objet de la demande
qu’est la préparation d’un projet de plan de cession (B).
A. La forme de la demande
956. Le débiteur saisit le tribunal par voie de requête. Cette requête devra être accompagnée du
rapport du conciliateur. Selon l’article L.611-26-2 du code de commerce, trois éléments doivent
être joints à la demande. Il s’agit de : l’accord du conciliateur pour exécuter la mission ; l’accord
du débiteur sur les conditions de rémunération du conciliateur pour la nouvelle mission ; « la
demande d’avis adressée aux créanciers participants, qui reproduit les dispositions de l’article
L.611-7 et le I de l’article L.642-2 et sur laquelle chaque créancier a mentionné son avis ou, à
défaut, un document justificatif de la demande d’avis ». Le décret n’indique pas qui du débiteur
ou du liquidateur doit présenter les demandes d’avis. Il peut être retenu que tous les deux
peuvent le faire. A cette étape, seules les demandes d’avis sont exigées, mais non les accords
des créanciers ou même leur avis. Il s’agit de justifier que les créanciers sont suffisamment
informés de la mise en place d’une mission. Les avis négatifs ne sont pas sanctionnés.
Toutefois, le président du tribunal pourra en tenir compte en prenant sa décision. La demande
du chef d’entreprise au tribunal d’une mission de prepack ne peut lui être imposée.
2404
C. DELATTRE et E. ETIENNE-MARTIN, « Prévention : conciliation et mandat ad hoc plus efficaces et plus
accessibles ». Rev. proc. coll. 2014, dossier 15.
2405
L. n° 2014-384, 29 mars 2014, visant à reconquérir l’économie réelle, JORF n°0077 du 1er avr. 2014, p. 6227,
texte, n°03.
2406
Art. 1233-57-14, c. trav.
421
B. Le fond de la demande
957. La demande ne doit provenir que du débiteur et de lui seul. La conciliation étant ouverte à sa
seule initiative2407, ni les créanciers, ni le débiteur, ne peuvent lui imposer la demande d’une
mission de prepack-cession. Il doit rester maître à bord et peut d’ailleurs mettre fin à cette
mission à tout moment2408. La demande peut cependant provenir du représentant légal de la
personne morale, c’est-à-dire le gérant. Toutefois, si la loi accorde cette prérogative à ce
dernier, c’est à la condition qu’il remplisse les conditions légales ou statutaires de gérance
régissant l’entreprise. La cession portant in fine sur le fonds de commerce ou les fonds de
commerce, s’il y en a plusieurs, l’on se demande si ce dirigeant doit avoir l’autorisation d’un
organe quelconque afin d’avoir l’initiative de la demande d’une mission prepack ? La loi2409
prévoit que le dirigeant est, vis à vis des tiers, compétent pour prendre toute décision utile
engageant l’entreprise sous réserve des droits expressément accordés aux associés. Quant à la
Cour de cassation, elle a indiqué que dans le cadre d’une SARL le dirigeant pouvait seul, sans
accord préalable, consentir une promesse de cession de fonds de commerce sous réserve que
cela ne conduise à la modification des statuts 2410. Partant de là, il s’avère clair que le dirigeant
peut en avoir l’initiative. Cependant, comme l’indique cet arrêt de la Cour de cassation,
l’initiative ne doit pas conduire à la modification des statuts, donc de l’objet social, ce rôle
revenant aux associés.
958. Dans sa demande au tribunal, le débiteur indiquera son besoin de pré-arranger un plan de
cession afin de justifier la désignation d’un conciliateur ou d’un mandataire ad hoc. La mission
de pré-arranger la cession peut être directe ou complémentaire à celle traditionnelle du
conciliateur. Dans le cas d’une cession directe, le débiteur l’indique directement dans sa
demande d’ouverture de la conciliation. Le conciliateur pourra alors continuer les négociations
avec les créanciers tout en préparant une possible cession. Cependant, dans le cas d’une mission
complémentaire, cela supposera un relatif échec de la procédure de conciliation, puisqu’il
faudra éventuellement demander l’ouverture d’une procédure collective pour sa réalisation. A
l’inverse, si la cession est préparée en phase préventive, en dehors de tout prepack, elle se
trouve alors être une composante de l’accord ; et elle sera, par conséquent, régie par le droit
commun. Cet accord pourra ensuite être homologué ou simplement constaté. L’offre de reprise
2407
Art. L.611-6, c. com.
2408
Art. L.611-6, al. 4, c. com.
2409
Art. L.223-18, c. com., pour la SARL, ou L. 225-56, c. com., pour la SA.
2410
Com. 31 janv. 2012, n°10-15.489 NP.
422
n’est pas soumise au droit commun, elle doit respecter des règles strictes d’ordre public. Enfin,
il importe de préciser que la demande du chef d’entreprise est une sorte d’appel d’offres.
II. L’offre de reprise : différence d’objectif entre les droits français et OHADA
959. L’offre de cession n’est pas soumise au droit commun dans le cadre du prepack-cession.
Néanmoins, une phase de négociation amiable existant, les parties bénéficient d’une certaine
liberté. Toutefois, cette liberté n’est qu’apparente, car l’offre doit être validée dans un cadre
judiciaire ; il vaudrait mieux dès lors qu’elle respecte le formalisme requis à cet effet. C’est
pourquoi, le candidat doit présenter une offre de reprise répondant aux exigences de l’article L.
642-2 du code de commerce en droit français et à celles de l’article 132 de l’Acte uniforme des
procédures collectives du droit OHADA. La différence avec l’offre de cession ordinaire en
procédure collective est que les négociations ont lieu dans une phase non judiciaire. Dans les
droits français et OHADA, l’offre de reprise obéit aux mêmes conditions de forme (A), mais
non aux mêmes conditions de fond (B).
2411
Art. L.642-2-V, c. com.
2412
Art. R. 642-1, c. com.
2413
L. n°2000/230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et
relative à la signature électronique, JORF n°62 du 14 mars 2000, p. 3968, texte n°1.
423
suivant la cession2414 ; la durée de chacun des engagements pris par l’auteur de l’offre. Le
formalisme encadrant l’offre de reprise a été précisé dans le but d’assurer la clarté de la cession
et d’éviter, comme le dit un auteur, les errements anciens 2415. Le contenu de l’offre doit être
clair ; elle ne saurait être orale2416. Le candidat à l’acquisition doit démontrer la viabilité de son
projet économique et industriel ainsi que la solidité financière de ce dernier2417.
961. En droit OHADA, le procédé de cession pré-arrangée n’est pas formalisé dans le nouvel Acte
uniforme des procédures collectives. Néanmoins, sur le plan juridique, rien n’empêche une telle
pratique, sur le fondement de la mission confiée au conciliateur, qui consiste à trouver tout
accord amiable susceptible de mettre fin aux difficultés du débiteur 2418. La cession totale ou
partielle de l’entreprise en difficulté, en droit OHADA, peut être prévue par un concordat de
règlement préventif2419 ou un concordat de redressement judiciaire 2420. Le législateur OHADA
ne détaille pas les conditions de forme de l’offre de reprise. Il énonce seulement que les offres
d’acquisition sont reçues par le débiteur assisté du syndic et portées à la connaissance de
l’assemblée concordataire 2421. Toutefois, il peut être présumé que les offres de reprise sont
écrites, puisqu’elles doivent être consultées, examinées par chacun des créanciers de la masse.
Or, cette consultation ne peut être possible que si l’offre est écrite. Dès lors, il faudrait
comprendre que l’offre de reprise est écrite et qu’elle porte sur toutes les propositions du
candidat acquéreur, à charge pour l’assemblée concordataire de l’adopter ou non. En France,
l’offre d’acquisition est adoptée par le tribunal et non par les comités de créanciers 2422.
962. Selon le code de commerce, toute offre de reprise doit être de nature à assurer le maintien de
l’activité, la garantie des emplois et l’apurement du passif. Sur ces conditions de fond de l’offre
2414
V. Ph. PETEL, « La moralisation des plans de redressement », in Les réformes de la reprise, éd., Montchrestien,
1995, n°7, p. 89 et C. S. ALARY-HOUIN, « Les plans de redressement », ibid. p. 173 ; J. MENEZ, « Le plan de
cession », in Le nouveau droit de défaillance des entreprises, éd., Dalloz 1995, p. 229 ; F. PEROCHON, « Halte au
détournement de la cession judiciaire d’entreprise », LPA, 9 mai 1990, p. 44.
2415
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 813.
2416
Trib. com. Paris 19 nov. 1986, LPA 10 déc. 1986, p.22 ; Aix-en-Provence, 29 janv. 1987, Rev. proc. coll. 1987,
n°3, p. 37, obs. J.-J. MARTIN.
2417
V. en ce sens, C. MOULETTE, « Le repreneur : la rédaction des offres de reprise et leur portée », in « La reprise
de l’entreprise en difficulté », Colloque Toulouse AJDE/CDA, 9 oct. 2015, Rev. proc. coll. nov. 2015, art. 51, p.
46.
2418
Art. 5-5, AUPC.
2419
Art. 7, al. 1, 1°, AUPC.
2420
Art. 27, al. 2, 2°, AUPC.
2421
Art. 132, al. 1, AUPC.
2422
Art. L.642-5, al. 1, c. com.
424
de reprise, le droit français apparaît clairement exigeant sur les questions intéressant la
poursuite de l’activité et des contrats en cours contrairement au droit OHADA qui donne la
priorité au règlement de la masse des créanciers.
2423
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2424
Nouvel Acte uniforme des procédures collectives adopté en 2015 à Grand Bassam en Côte d’ivoire.
2425
Art. L. 642-1, c. com.
2426
Art. 1224-1, c. trav.
2427
M. L. COQUELET, « Le plan de cession a t-il changé ? », RPC, 2006, p. 188.
2428
Art. 27, al. 2. 2°, AUPC.
2429
Art. 131, AUPC.
2430
Art. 131, al. 3, AUPC ; Art. L.642-1, c. com.
2431
Art. 132, AUPC.
425
deux droits, permet de voir une divergence de priorité relative au maintien des emplois d’une
part et à la poursuite des contrats d’autre part.
964. En droit positif français, on veut éviter que le débiteur, puisqu’il est débarrassé de tout passif
non payé à la clôture des procédures collectives, n’utilise ce moyen afin de reprendre son
entreprise en se débarrassant de son passif. S’il est question de céder cette entreprisse, c’est
parce qu’il n’a pas été capable par lui-même d’en assurer le redressement. C’est pourquoi, seuls
les tiers 2432 sont autorisés à présenter une offre de reprise. Cette dernière doit porter sur une
entreprise ou une de ses branches d’activité qui soit une véritable « entité économique autonome
d’exploitation ».2433 En effet, le tribunal ne peut arrêter un plan où l’acquéreur ne cherche qu’à
réaliser une opération immobilière en acquérant les actifs cédés 2434 ou encore lorsque la cession
ne porte que sur les actifs immobiliers d’un promoteur.2435 Dans le même sens, il a été jugé
qu’un fonds de commerce ne constituait pas une branche autonome d’activité 2436, tout comme
un droit au bail2437, ou encore la vente des immeubles d’un marchand de biens.2438 Dans ces
différents cas, l’acquéreur n’entendait pas reprendre l’activité du cédant.
965. Cependant, si l’offre porte sur un ensemble d’éléments d’exploitation et a pour objet le maintien
d’une activité autonome, le plan de cession peut être accepté même s’il ne porte que sur un
fonds de commerce comportant une faible partie des actifs.2439 De même, la Cour de cassation
française admet la cession des actifs d’une société civile immobilière, si le plan de cession est
sous-tendu par la cession de l’entreprise dont elle est le support immobilier et dont il permet la
poursuite de l’activité autonome.2440
966. Par ailleurs, toute offre de reprise, fût-ce dans le cadre d’une cession pré-négociée, doit garantir
le maintien de l’activité et des emplois outre l’apurement du passif.2441 Le maintien de l’activité
a un double objectif social - préservation des emplois pour les citoyens - et économique - la
2432
Art. L.642-3, al. 1, c. com.
2433
Douai, 2 juillet 2015, LEDEN sept. 2015, n°126.
2434
Paris, 1re ch., sect. A, 23 juill. 1992, D. 1992, p. 491, obs. F. DERRIDA.
2435
Trib. com. Paris, 11 févr. 1994, Rev. proc. coll. 1994, p. 223, obs. B.
2436
V. J. VALLANSAN, « Fonds de commerce et plan de cession », BJE, janv. 2013, n°6, p. 56 ; J. THERON,
« Liquidation et vente de fonds de commerce et plan de cession », Rev. proc. coll. 2008/2, dossier 13 ; Paris, 1re
ch. A, 23 juill. 1992, D. 1992, p. 491, obs. F. DERRIDA.
2437
Mets, 13 févr. 1990, Rev. proc. coll. 1993, p. 106.
2438
Paris, 24 mai 1995, Rev. proc. coll. 1996, p. 94, obs. B. SOINNE.
2439
Com. 22 févr. 1993, Bull. civ. IV, n°41.
2440
Com. 14 mars 2000, Act. proc. coll. 2000, n°109.
2441
Art. L.642-1, c. com.
426
rentabilité financière aussi bien pour l’État que pour le nouvel acquéreur -. Naturellement, un
plan de sauvegarde ou de redressement serait mieux, pour que le chef d’entreprise continue à
gérer ses affaires, reste à la tête de son entreprise qu’il a montée au prix de plusieurs sacrifices.
C’est ce que vise essentiellement aujourd’hui le redressement d’une entreprise en difficulté2442.
Cette vision justifie même l’exposé des motifs du projet de loi qui indique que la sauvegarde
comme le redressement sont les seules procédures utiles lorsque le débiteur peut lui-même
poursuivre son activité.2443 C’est dire que la liquidation judiciaire n’est plus inféodée à
l’impératif d’apurement du passif car elle n’est plus synonyme de disparition de l’entreprise.2444
Cependant, à défaut de ces solutions, le plan de cession s’impose. Ce dernier permet le maintien
en activité de l’entreprise, certes dans une autre main, mais il est de ce fait, très loin préférable
à un plan de liquidation, lequel est synonyme de la fin de sa vie. La cession est ainsi, par ailleurs,
une mesure de restructuration et non plus une mesure liquidative, pour une bonne partie de la
doctrine ; car elle est une opération globale comportant des mesures économique, sociale et
financière.2445 Cette assertion n’est pas totalement partagée. Certains auteurs s’y opposent en
affirmant qu’il ne peut être fait une différence réelle entre la liquidation judiciaire et le plan de
cession pour un débiteur. Pour eux, la cession serait une technique liquidative 2446 qui cadrerait
bien avec la liquidation judiciaire 2447 où elle trouverait droit de cité.2448 Pour un auteur, affirmer
que le plan de cession est une mesure de redressement serait un leurre pour le fait que, si un
plan de cession est adopté, le débiteur se trouve dans une situation identique à celle qui résulte
de la liquidation judiciaire, car les actifs affectés à l’entreprise sortent de son patrimoine et la
suite de la procédure consiste à distribuer le prix de la cession et à liquider les actifs non
résiduels contenus dans le plan.2449
967. Selon le droit français, l’offre de reprise doit expressément indiquer les droits et les contrats
ainsi que le niveau et les perspectives d’emploi en plus des prévisions d’activité et de
2442
V. Ph. PETEL, Procédures collectives, 4e éd., Dalloz, 2005, n°254 et s.
2443
Projet de loi n°1596, sauvegarde des entr. doc. AN., mai 2004, p. 4.
2444
J.P. SENECHAL, « La réforme de la liquidation judiciaire », LPA, 10 juin 2004, p. 43.
2445
L.-C. HENRY, « Le plan de cession et la loi de sauvegarde des entreprises », Gaz. pal. 8 sept. 2005, sp. n°1, p.
39.
2446
J. DEHARVENG, « Le plan de cession dans la nouvelle architecture des procédures collectives, un évènement
et non plus une issue de la procédure », D. 2006, p. 1047, sp. 1048.
2447
R. DAMANN, « La situation des banques titulaires de sûretés après la loi de sauvegarde des entreprise », Rev.
banque, 28 oct. 2005, article consulté le 13 janv. 2017.
2448
B. SOINNE, « La problématique de la nouvelle cession d’entreprise », RPC, 2006, n°27, p. 328.
2449
Ph. PETEL, « Loi n°2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises et décret n°2005-11677 du 28
déc. 2005 », JCL com. proc. coll. 2006, fasc. 2151, n°46.
427
financement.2450 Le contrôle du respect de ces exigences est assuré par le tribunal qui ne doit
retenir que l’offre qui assure le plus durablement possible le maintien des emplois attachés.2451
Les débats se passent en présence du ministère public, garant de l’intérêt public et de la
moralisation de la procédure, lorsque l’entreprise atteint un certain seuil.2452
968. En droit OHADA, la précision que seuls les tiers, à l’exclusion de tout membre de la famille du
débiteur personne physique et de toute personne proche de lui, sont habilités à présenter une
offre de reprise, n’existe pas, à tout le moins dans le cadre du concordat comportant cession
totale ou partielle d’actif 2453. La poursuite de l’activité2454 et, par ricochet, le maintien des
emplois sont indiqués certes, mais de façon subsidiaire : c’est le débiteur qui, étant à l’initiative
de l’opération2455, en détermine les biens à céder ; le syndic en établit un état descriptif et la
liste des emplois qui y sont attachés 2456. L’offre de reprise doit-elle permettre un maintien ferme
des emplois et ce aussi longtemps que possible ? D’autres perspectives d’emploi doivent-elles
être indiquées ? Le futur acquéreur prévoit-il d’autres activités ou non ? Aucune indication
claire n’est faite dans ce sens par les textes qui régissent le concordat comportant cession totale
ou partielle d’actif. Cependant, des exigences fortes sont exprimées par rapport au prix de la
cession qui doit être important2457, afin d’acquitter les créanciers, notamment ceux qui sont
munis de sûretés réelles spéciales sur les biens cédés 2458. Il s’agit par-là d’une condition
incontournable pour l’homologation de la cession par la juridiction compétente 2459. Toutefois,
il est possible que les titulaires de ces créances renoncent à cette condition en acceptant de façon
explicite qu’ils soient traités comme des créanciers chirographaires pour la partie non payée de
leurs créances2460. De plus, le prix de la cession est payé en totalité et au comptant, sauf si des
2450
Art. L. 642-2, al.3, 1°, 2° et 5°, c. com.
2451
Art. L. 642-5, al. 1, c. com.
2452
Art. L. 642-5, al. 2, c. com.
2453
Sauf dans le cas de la cession globale d’actif dans le cadre de la liquidation des biens (art.60 et s., AUPC), ce
qui ne rentre pas dans notre cadre d’étude ici car organisée hors concordat judiciaire (plan de redressement
judiciaire en France).
2454
L’art. 112 AUPC parle de la poursuite des contrats à l’ouverture du redressement judiciaire ; mais le régime de
ce dernier est différent de celui de la cession d’entreprise. Le texte est-il alors valable dans notre cas d’étude ?
2455
Art. 27, AUPC.
2456
Art. 131, al. 4, AUPC.
2457
Art.123, al. 1, AUPC.
2458
Art. 132, AUPC.
2459
Art. 132, al. 2, 1°, AUPC.
2460
Art. 168, AUPC.
428
délais de paiement n’excédant pas deux ans sont accordés et assortis d’une souscription
obligatoire de cautionnement solidaire auprès d’une banque 2461.
969. En droit OHADA, le régime de la cession de l’entreprise en difficulté est distinct de celui du
concordat de redressement judiciaire. La cession est votée par l’assemblée concordataire en
fonction du prix à même de régler les créances2462. Cet abandon du choix de l’offre de reprise
à la diligence des créanciers constitue une différence nette entre le droit OHADA et le droit
français sur l’intérêt porté à l’activité et à l’emploi dans les offres de reprise d’une entreprise
en difficulté. Insuffisance rédactionnelle ou manque d’intérêt conscient accordé à la cession
d’entreprise pour le législateur OHADA ? Tout semble porter à croire que seul le prix de cession
est quasi exclusivement important comme dans une cession d’actif, mais non dans celle
d’entreprise. Son homologue français relègue le paiement des créanciers au second plan en ce
que la jurisprudence n’exige pas que tout le passif soit payé par le prix de cession 2463. L’autre
point de divergence observable dans les deux droits tient à l’obligation de poursuite des contrats
en cours.
970. Le maintien de l’activité ne peut s’entendre en dehors de la poursuite des contrats en cours
aussi bien dans le droit OHADA que dans celui de la France. Dans le droit OHADA, il est
indiqué que l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire n’emporte pas résiliation
ou résolution des contrats en cours à l’exception des contrats de travail 2464 ; que le syndic est
seul fondé à exiger la poursuite de ces contrats 2465. Dans ce dernier cas, le syndic doit fournir
la prestation promise au cocontractant sous peine de l’inexécution des contrats aux conditions
en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure. En droit français, selon le code de
commerce2466, le tribunal détermine les contrats de crédit-bail, de location ou de fourniture de
biens et de services nécessaires à la poursuite de l’activité, et le jugement qui arrête le plan de
cession emporte cession de ces contrats. Ces contrats sont exécutés aux conditions en vigueur
à la date d’ouverture de la procédure 2467. Les contrats de travail sont automatiquement
2461
Art. 132, al. 2, 2°, AUPC.
2462
Art 132, AUPC.
2463
Versailles, 9 juill. 1986, Gaz. Pal. 1986, II, p. 436, ; Aix-en-Provence, 2 oct. 1986, D. 1987, somm. p. 9 et 10
; Toulouse, 16 févr. 1987, LPA, 1988, n°74, p. 5 ; Trib. com. Paris, 16 avr. 1986, Gaz. pal. 4/5 juin 1986 ; Trib.
com. Nanterre, 22 mai 1986, Gaz. pal.1986, 2, p. 435.
2464
Art. 107, AUPC.
2465
Art. 108, AUPC.
2466
Art. L. 642-7, c. com.
2467
Art. L. 642-7, al. 3, c. com.
429
transférés2468, à l’exception toutefois des licenciements intervenus et du bail de l’immeuble
vendu2469, mais aussi, du contrat d’assurance.2470 L’exécution de tous les autres contrats
nécessaires à la poursuite de l’activité peut être demandée par le mandataire judiciaire2471. À la
lumière de ces textes, il peut être remarqué que les dispositions de l’Acte uniforme des
procédures collectives du droit OHADA sont relatives à l’ouverture d’une procédure de
redressement judiciaire et qu’elles ne prévoient pas expressément ces mesures dans la sous-
section 2 traitant du « concordat comportant cession partielle ou totale d’actif », alors que celles
de la France le sont autant pour le redressement que pour la cession de l’entreprise en difficulté.
Dès lors, faut-il présumer que la poursuite des contrats n’est pas une priorité en droit OHADA
dans le cadre de la cession d’une entreprise en difficulté ?
971. La question mérite d’être posée eu égard au caractère autonome de la cession dans ce droit. En
effet, bien que la cession fasse partie du concordat de redressement judiciaire (elle en est une
mesure), cependant les deux conventions n’obéissent pas au même régime juridique : il y a
deux votes qui ont lieu en assemblée concordataire pour le choix de l’offre de cession d’une
part et l’adoption du concordat lui-même d’autre part2472 ; il y a également deux homologations
qui ont lieu, l’une pour la cession et l’autre pour le concordat judiciaire 2473. La remise en
question d’une convention n’influe pas sur l’autre. Dans ces conditions, les dispositions
relatives au redressement judiciaire sont-elles applicables, par extension, à la cession qui s’y
organise ? La formulation du quatrième alinéa de l’article 1312474 du nouvel Acte uniforme des
procédures collectives le présume, mais rien n’est explicite.
972. En tout état de cause, la cession judiciaire des contrats en l’état actuel du droit OHADA
apparaîtrait incohérente. En effet, les cocontractants auxquels on imposera la poursuite de ces
contrats, sont membres de la masse des créanciers. Or, c’est cette masse qui, incorporée dans
l’assemblée concordataire, décide du choix de l’offre de reprise - donc décide si la cession passe
2468
Art. 1224-1, c. civ.
2469
Art. 1743, c. civ.
2470
Civ. 2e, 13 juill. 2005, Act. proc. coll. 2005/17, n°18.
2471
Art. L. 621-28, c. com.
2472
Art. 132, al. 1 et 125, al. 5, AUPC.
2473
Art. 126, al. 2 et 132, al. 2, AUPC.
2474
« Lorsque la cession totale ou partielle d’actif ou d’entreprise ou d’établissement est envisagée dans le
concordat de redressement judiciaire, le syndic doit établir un état descriptif des biens meubles et immeubles dont
la cession est envisagée, la liste des emplois qui y sont attachés, les sûretés réelles dont ils sont affectés et la quote-
part de chaque bien dans le prix de cession. Cet état est joint à la convocation individuelle prévue par l’article
122 ci- dessus ».
430
ou non -, comment dans ces conditions peut-on espérer qu’ils votent favorablement une telle
cession comportant des mesures contraignantes de poursuite des contrats en cours, ce d’autant
que l’objectif recherché par la masse est le prix le plus élevé dans l’optique d’un paiement
intégral des créances ?
973. Chacun poursuivant l’objectif qui est le sien, il peut être retenu que l’offre de reprise est plus
exigeante sur les questions d’emploi et de poursuite des contrats en France, en vue de la
sauvegarde de l’entreprise, qu’en droit OHADA où la cession d’actifs est favorisée, en vue de
payer les créanciers.
2475
Période d’observation qui dure 6 mois : art. L.621-3, c. com.
2476
Art. L.642-2, c. com : « Toute cession d’entreprise et toute réalisation d’actif doivent être précédées d’une
publicité {…} » pour que chaque intéressé puisse non seulement prendre connaissance des offres déjà présentées,
mais aussi proposer la sienne.
2477
Art. L.611-15, c. com.
431
de présentation des offres classique et prepack de cession dans la procédure judiciaire
subséquente (II).
2478
L. n°2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, JORF n°0077 du 1er avr. 2014, p. 6227,
texte n°03.
2479
Par inadvertance ?
2480
L. n°2014-856 du 31 juill. 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, JORF n°0176 du 1er août 2014, p.
12666, texte n°02.
2481
L. n° 2014-856, 31 juillet 2014, imposant une information en cas de volonté de céder un fonds de commerce :
art. L.141-27 et L. 141-32 c. com., ou la majorité des parts sociales d’une SARL ou actions ou valeurs mobilières
d’une société par actions : art. L. 23-10-6 et L. 23-10-12 c. com. L’obligation est aussi exclue dans la procédure
de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.
432
d’entreprise, d’opter pour la conciliation en confiant la recherche d’un repreneur à un
conciliateur.
978. Les incompatibilités énumérées par l’article L.642-2 du code de commerce sont exclues, ces
interdictions ne pouvant s’appliquer qu’en procédure collective. Tenant compte de cela, toute
personne peut être acquéreur potentiel dont l’ancien dirigeant de droit, sauf cas de fraude.2482
Bien entendu le conciliateur/mandataire ad hoc n’acceptera qu’un repreneur qui satisfait aux
conditions requises pour une offre de reprise valable étant donné que la phase amiable sera
suivie de la phase judiciaire pour la réalisation de la cession. De même, toutes les règles
cherchant à moraliser le plan de cession en procédure collective sont exclues en phase amiable
dont, notamment, l’obligation faite au cessionnaire de souscrire des engagements relatifs au
devenir des salariés et de l’entreprise. Une fois encore, le débiteur ne devrait pas prendre ces
mesures pour du bonus car une fois en procédure collective, tout manquement pourrait
constituer un motif de rejet de sa demande et donc de l’échec de son projet. Dans sa recherche
d’une offre de reprise, le conciliateur/mandataire ad hoc doit assurer la publicité de manière à
permettre non seulement d’avoir plusieurs offres, mais aussi à offrir la chance à toute personne
désirante de se porter candidate.
2482
Com. 23 sept. 2014, n°13.19-713, Bull. civ. IV, n°136.
2483
Art. L.611-15, c. com.
2484
L. n°2014-856 du 31 juill. 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, JORF n°0176 du 1er août 2014, p.
12666, texte n°02.
2485
Art. L.611-15, c. com.
2486
Y. GUYON, « La transparence dans les procédures collectives » LPA, 21 avr. 1999, p. 8.
433
de l’une sur l’autre, c’est-à-dire respecter la confidentialité tout en garantissant la concurrence
entre les prétendants à l’acquisition. Traditionnellement, dans le cadre d’une procédure
collective (liquidation judiciaire ou redressement judiciaire) 2487, la publicité se fait par voie
d’internet à la charge des organes de la procédure et par voie d’annonce légale dans la presse,
dans les conditions déterminées par le juge commissaire. Ce dernier contrôle l’accomplissement
des formalités de publicité et en fait mention dans son rapport qu’il devra faire au tribunal dans
le cadre de l’arrêté du plan. Il exerce donc un contrôle a priori.
980. Dans le cadre du prepack-cession, c’est plutôt l’exact contraire. Dans les procédures amiables,
il n’y a pas de juge commissaire. Ce qui signifie que contrairement aux procédures judiciaires,
il n’y a pas de contrôle a priori. Ce rôle aurait pu être exercé par le président du tribunal, mais
cela aurait eu l’inconvénient d’alourdir les opérations, et donc d’allonger la durée de la
procédure. Or, c’est tout le contraire qui est l’objet recherché dans le prepack-cession.
Toutefois, il peut s’assurer du respect de cette publicité à travers le rapport du conciliateur ou
du mandataire ad hoc sur l’évolution des opérations, la vérification réelle ne pouvant se faire
qu’en phase judiciaire. En effet, l’article L.642-40, issu du décret du 30 juin 2014 2488, pose
l’exigence d’un critère de « publicité suffisante de la préparation de la cession » ; ce caractère
tient à deux éléments à savoir « la nature de l'activité du débiteur » et « les démarches
effectuées par le mandataire ad hoc ou le conciliateur ». A la lumière des dispositions de cet
article, deux conclusions peuvent être tirées : d’abord, le contrôle du caractère suffisant de la
publicité ne se fait par le tribunal qu’a posteriori sans que les textes ne précisent pour autant si
cette appréciation se fera à l’audience d’ouverture ou à celle d’examen des offres. Ensuite, le
mandataire désigné est libre de choisir la voie qui lui convient, mais il devra assurer une
publicité suffisante.
981. Contrairement aux procédures collectives où l’administrateur judiciaire attend tout simplement
les offres après publication de l’annonce, dans le cadre du prepack-cession, la réforme a voulu
que le mandataire ad hoc/conciliateur joue un rôle plus prépondérant en s’occupant notamment
de la recherche des offres. L’exécution de cette mission peut se faire par des prises de contact
individuelles ou une publication par voie de presse ou via internet. La manœuvre est ardue pour
le conciliateur/mandataire ad hoc dans la mesure où il faut mettre toutes les diligences en œuvre
afin de réaliser une « publicité suffisante » sans pour autant enfreindre le principe de la
2487
Art. R.642-40, c. com., R.631-39, c. com.
2488
Décret n°2014-736 du 30 juin 2014 pris pour l’application de l’ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014
portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives.
434
confidentialité. C’est donc une mission véritablement périlleuse au regard de la dichotomie
entre ces différents aspects pourtant indispensables pour la réussite de la procédure ; il faut y
ajouter aussi l’information obligatoire des salariés. Pour ces derniers, le contexte politique
actuel en France y a été pour beaucoup en ce qu’il prône la transparence tant sur le plan législatif
qu’administratif. Ces salariés doivent être informés du projet de cession de l’entreprise qui les
emploie, afin qu’ils puissent proposer une offre de reprise, s’ils le désirent. Pour comprendre la
consistance de cette information, il faut interroger la loi Hamon et le droit commun.
982. La loi Hamon2489 impose non seulement que les salariés soient informés de la cession de
l’entreprise, mais aussi qu’ils aient le droit de présenter une offre.2490 Toutefois, cette obligation
a un champ d’application précis. Elle ne s’applique pas aux entreprises placées en procédure de
conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire régies par le livre VI
du code de commerce.2491 Une offre reçue dans le cadre de la conciliation n’est pas de nature à
être soumise à cette loi. Quant au mandat ad hoc, on peut penser, en s’accrochant à l’esprit de
cette loi, que celle-ci ne s’appliquera pas toutes les fois que l’offre qui y a été reçue ne sera
effective que dans le cadre d’une procédure collective ouverte à cet effet. En revanche, lorsque
cette même offre est destinée à être passée in bonis, sans avoir donc à être adoptée lors d’une
phase judiciaire, la loi Hamon s’appliquera, sauf dans le cas où cette cession in bonis intervient
dans le cadre d’une conciliation subséquente à un mandat ad hoc.
983. Sur le terrain du droit commun, le code de travail à vocation à s’appliquer au chef d’entreprise
engagé dans une procédure amiable de conciliation ou de mandat ad hoc. Aussi, lorsqu’un
prepack-cession vise une cession totale ou partielle de l’entreprise, le chef d’entreprise est tenu
par l’obligation d’information et de consultation à l’endroit des institutions représentatives du
personnel. L’employeur doit informer et consulter le comité d’entreprise sur « les modifications
économiques ou juridiques de l’entreprise, notamment en cas de cession, de fusion et de
modification importante des structures de production de l’entreprise, ainsi que lors de
l’acquisition ou de la cession de filiales au sens de l’article L.233-1 du code de commerce ». 2492
2489
L. n°2014-856 du 31 juill. 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, JORF n°0176 du 1er août 2014, p.
12666, texte n°02.
2490
Art. L.141-23, c. com. pour les entreprises de moins de 50 salariés et L. 141-28, c. com. pour les entreprises
employant entre 50 à 249 salariés.
2491
Art. 141-25, c. com. pour les entreprises de moins de 50 salariés et L. 141-32, c. com. pour les entreprises
employant entre 50 et 249 salariés.
2492
Art. L.2323-19, c. trav.
435
De même, le code du travail impose une obligation d’information et de consultation du comité
d’entreprise avant « le dépôt au greffe d’une demande d’ouverture d’une procédure de
redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ».2493 Ce texte n’a cependant pas parlé de
cette obligation en amont de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. La cession pré-
arrangée pourrait donc, au regard du droit commun, nécessiter l’accomplissement de cette
obligation d’information et de consultation dans le cadre de la conciliation surtout en cas
d’homologation de l’accord 2494. Une offre de cession conçue dans des conditions moins
rigoureuses, telles que décrites précédemment, peut être finalisée dans le cadre de cette même
phase amiable avant que le débiteur ne demande l’ouverture de la procédure judiciaire devant
l’appliquer en cas d’une adoption. Pour ce faire, des conditions doivent être respectées. Parmi
ces conditions, figure le respect d’un délai de présentation. Cependant concernant une offre
prepack2495, cette exigence peut être passée outre.
2493
Art. 2323-44, c. trav.
2494
Art. L.611-8-1, c. com. tel que modifié par l’ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention
des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3., et
L.611-9 du même code.
2495
Offre reçue au cours de la phase amiable.
2496
Art. L.631-13, c. com.
436
la poursuite de l’activité et fixe le délai dans lequel les offres de reprise doivent parvenir au
liquidateur ou à l’administrateur s’il en a été désigné un.2497
986. Le délai de présentation de l’offre en redressement judiciaire est fixé par l’administrateur
judiciaire.2498 Il en était de même sous l’empire des anciens textes.2499 Un délai minimal de
quinze jours doit séparer la réception des offres et l’audience au cours de laquelle le tribunal
statut.2500 La loi de sauvegarde des entreprises comporte, sur ce point, une incohérence en ce
que cette règle n’est pas applicable lorsque la cession est initiée au cours d’une procédure de
liquidation judiciaire où le délai est fixé par le tribunal.2501
987. Par ailleurs, la question peut se poser de savoir si une offre, présentée hors de ce délai de quinze
jours, peut être retenue ? Cela devrait être possible sous réserve de deux conditions. D’abord,
il pourra en être ainsi si l’administrateur judiciaire n’a pas encore établi son rapport définitif
sur la réception des offres ; en ce cas, un renvoi de l’audience d’examen des offres peut être
envisagé conformément au quatrième alinéa de l’article R.642-1 du code de commerce. Ce
renvoi est à considérer alors comme un prolongement du délai de réception des offres 2502, en
vue d’améliorer les offres. Ensuite, d’une part, il faudrait que le report s’inscrive dans l’intérêt
de la procédure, c’est-à-dire la valorisation de la cession de l’entreprise en difficulté et, d’autre
part, les créanciers, qui avaient préalablement présenté leurs offres, doivent nécessairement être
informés du report, afin qu’ils puissent, s’ils le souhaitent, améliorer ces offres.
988. Toutefois, si les offres reçues en application de l’article L.631-13 (possibilité pour les tiers de
présenter une offre de reprise à l’administrateur judiciaire) ou formulées dans le cadre des
démarches effectuées par le mandataire ad hoc ou le conciliateur remplissent les conditions de
forme et de fond, le tribunal peut décider de ne pas fixer un nouveau délai de présentation des
offres2503. Il est supposé, en ce moment, que les démarches menées par le
conciliateur/mandataire ad hoc se sont avérées suffisantes pour assurer la concurrence entre les
candidats. Cette exception est une conséquence directe de l’adoption du prepack-cession.
2497
Art. L.642-2, I, c. Com.
2498
Art. R. 631-39, c. com.
2499
Art. L.621-85, c. com.
2500
Art. R. 631-39, al. 3, c. com.
2501
Art. L.642-1, c. com.
2502
Ce délai ne relève pas d’un ordre public, il y a donc une flexibilité acceptable dans l’intérêt du redressement
de l’entreprise.
2503
Art. R.642-1, al. 3, c. com.
437
B. L’offre de reprise prepack
989. Dans le cadre d’une cession pré-arrangée, les offres de reprise sont reçues et discutées en phase
amiable par le conciliateur/mandataire ad hoc2504. Ensuite, le débiteur demande l’ouverture
d’une procédure judiciaire pour la réalisation de la cession 2505. A ce stade, le tribunal peut
décider de ne pas fixer un délai pour la réception de nouvelles offres (non prepack), s’il estime
que celles reçues dans le cadre des procédures de mandat ad hoc ou de conciliation sont
satisfaisantes2506. Les textes ont construit des garde-fous pour l’assurance d’un réel appel
d’offres, sous la responsabilité de l’administrateur judiciaire et le contrôle du ministère public.
En effet, lorsque le tribunal ne fixe pas de date limite de dépôt des offres, de nouvelles offres
de reprise peuvent être présentées à l’administrateur ou au liquidateur jusqu’à huit jours ouvrés
avant l’audience d’examen des offres 2507. Si une offre de reprise présentée dans ce cadre est
rejetée, aucun recours en cassation ne peut être formé, sauf par le ministère public, et en cas
d’excès de pouvoir 2508. Cependant, ce délai de huit jours peut-il permettre l’information-
consultation des institutions représentatives du personnel si le plan de cession devra prévoir des
licenciements ? Difficile d’y croire. Certainement la pratique en dira plus.
990. Outre ce constat, ces garde-fous traduisent l’hésitation du législateur à entièrement privatiser la
cession dans le cadre de la conciliation et du mandat ad hoc. Au regard du contexte politique
actuel, on ne peut que comprendre cette hésitation étant donné que les principaux acteurs de la
vie politique prônent les vertus de la transparence 2509. C’est dans ce sens d’ailleurs que la loi 2510
dite Florange prévoit l’information des représentants du comité d’entreprise, des délégués du
personnel ou du représentant des salariés, de la possibilité de présenter une offre de reprise2511.
Cela signifie que le chef d’entreprise, en collaboration avec le conciliateur ou le mandataire ad
hoc, a intérêt à faire participer toutes les parties pouvant être intéressées aussi bien lors de la
mise en place du projet de cession en phase amiable qu’une fois sur le terrain de la procédure
collective.
2504
Art. L.611-7, c. com.
2505
id.
2506
Art. R.642-1, al. 3, c. com.
2507
id.
2508
Com. 13 oct. 2015, n°14-11.953, NP.
2509
V. M. BEHAR-TOUCHAIS, « Transparence et concurrence », Rev. Lamy de la concurrence, oct./nov. 2007, n°13.
2510
L. n°2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, JORF n°0077 du 1er var. 2014, p. 6227,
texte n°03.
2511
Art. L.631-13, c. com.
438
991. Lorsque la mission du mandataire ad hoc ou du conciliateur consiste à organiser une cession
totale ou partielle de l’entreprise, ceux-ci rendent compte au tribunal des démarches effectuées
en vue de recevoir des offres de reprise, nonobstant les dispositions de l’article L.611-15 du
code de commerce relatives à la confidentialité à laquelle toute personne participant à la
conciliation est tenue. Afin de moraliser la procédure, et donc d’assurer la protection de l’intérêt
général, l’avis du ministère public est recueilli, lorsque l’offre a été reçue par eux 2512. Ce sont
des garde-fous mis en place par l’ordonnance du 12 mars 2014 2513. Exceptionnellement, le
mandataire ad hoc ou le conciliateur peuvent être désignés administrateurs judiciaires dans la
procédure judiciaire subséquente. Cet allègement traduit le souci et l’impérieux besoin
d’accélérer la procédure de cession et présente, à cet égard, un gain réel en temps. C’est
d'ailleurs l’un des objectifs recherchés par le législateur en adoptant le prepack-cession2514.
C’est dans ces conditions, en phase amiable, qu’à la manifestation d’une intention de reprise,
par suite de la recherche menée par le conciliateur/ mandataire ad hoc, les parties s’attellent
aussi tôt à la détermination des éléments importants du projet de cession.
993. Plus essentiellement, cette finalisation comprendra la fixation du prix de cession (I). Une
cession ficelée à l’amiable engendre plusieurs avantages (II).
2512
Art. L.642-2, c. com.
2513
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°°3.
2514
G. AZAM, « Le prepack-cession FRAM : expérience et enseignements », Alta-Juris international, 4 avr. 2016,
article consulté le 25 nov. 2017.
439
I. Le prix de la cession
994. Puisque c’est de l’aliénation de l’entreprise il est question, son prix est forcément le point
d’achoppement. Curieusement, le code de commerce n’en a pas déterminé le régime de fixation
et ce, ni dans le cadre de la cession totale ou partielle d’entreprise (redressement judiciaire ou
sauvegarde), ni dans le cadre de la vente des actifs (liquidation judiciaire). Néanmoins, aux
termes de l’article L.642-2 du code de commerce, toute offre de reprise doit contenir un prix,
des modalités de son règlement, de la qualité des apporteurs de capitaux et, le cas échéant, de
leurs garants ; si l’offre recours à un emprunt, elle doit en préciser les conditions, en particulier
la durée. Il en résulte que la fixation du prix de la cession relève d’un accord négocié entre le
cédant et le cessionnaire sur la base de la valeur estimée de l’entreprise ou de la branche
d’activité à céder. Le droit commun, cependant, impose que l’objet de la vente soit déterminé
ou déterminable2515.
995. L’importance du prix de la cession détermine le caractère sérieux de cette dernière2516. C’est
pourquoi, la question s’est longtemps posée de savoir si les tribunaux devaient accepter une
cession dont le prix ne pourrait pas désintéresser les créanciers ? Majoritairement, de nombreux
juges du fond ont réagi par l’affirmative, suivant le fait que rien, dans les textes de loi, ne dit
que le cessionnaire, dans une cession consentie dans le cadre du redressement judiciaire de
l’entreprise, devrait payer l’intégralité du passif2517 ; que certains textes impliquent la
possibilité d’une insuffisance de prix, notamment ceux qui envisagent de ne pas vérifier les
créances chirographaires, s’il apparaît que le prix de la cession sera absorbé par les créances
privilégiées et les frais de justice2518. En application de l’ancien article 81 de la loi du 25 janvier
19852519, la Cour de cassation a consacré cette jurisprudence dans un arrêt du 26 juin 1990, en
disant qu’un plan de cession pouvait être valablement arrêté, même s’il ne permettait pas le
règlement intégral des créanciers 2520. Certains tribunaux ont estimé qu’il n’était pas possible
d’arrêter un plan de cession lorsqu'il ne désintéresse pas les créanciers et ce, même si l’offre
2515
Art. 1163, c. civ.
2516
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p.821.
2517
Versailles, 9 juill. 1986, Gaz. Pal. 1986, II, p. 436, note D. C ALMELS ; Aix-en-Provence, 2 oct. 1986, D. 1987,
somm. p.9 et 10, obs. F. DERRIDA ; Toulouse, 16 févr. 1987, LPA, 1988, n°74, p.5, obs. F. M ACORIG-VENIER ;
Trib. com. Paris 16 avr. 1986, Gaz. pal. 4/5 juin 1986, obs. ANNICHIARICO ; Trib. com. Nanterre, 22 mai 1986,
Gaz. pal.1986, 2, p.435, note D. C ALMELS.
2518
Art. L.644-3, c. com.
2519
Art. L.621-83, c. com.
2520
Com. 26 juin 1990, BRDA 31.8. 90, n°15, p.14, JCP E 1991, 335, obs. M. CABRILLAC et Ph. PETEL ; Rev.
proc. coll. 1991, p. 320, note B. SOINNE.
440
présente un intérêt économique certain2521. Sous l’empire de la loi de sauvegarde, la question
ne s’est plus posée puisque la cession a lieu dans un cadre liquidatif ; les juges n’ont pas à
décider la cession afin d’éviter la liquidation 2522.
996. S’agissant de la fixation du prix de la cession, en pratique, plusieurs méthodes sont utilisées :
l’évaluation par comparaison, l’évaluation par les bénéfices, l’évaluation par référence aux
valeurs antérieures, l’évaluation à travers les barèmes fiscaux par secteur d’activité.
997. L’évaluation par comparaison se réfère à des cessions semblables par leur nature, leur état, leur
situation et leur importance. Cette méthode requiert des conditions matérielles, économiques et
juridiques de comparaison entre l’entreprise à estimer et les termes de référence. L’évaluation
par les bénéfices consisterait à appliquer aux bénéfices des trois dernières années un coefficient
multiplicateur, tiré non pas d’un barème, mais d’un diagnostic qualitatif. Quant à l’évaluation
par référence aux valeurs antérieures, elle consisterait à appliquer aux valeurs antérieures du
fonds de commerce, par exemple, des coefficients de correction censés tenir compte de
différents paramètres d’évolution tels que l’inflation, l’évolution commerciale du fonds de
commerce. Concernant la méthode relative aux barèmes fiscaux par secteur d’activité, elle se
réfèrerait, soit au bénéfice, soit au chiffre d’affaires et consiste à appliquer aux résultats moyens
des trois dernières années d’exploitation des correctifs établis en barème. Quelle que soit la
méthode utilisée, quelques exigences légales doivent être respectées (A), afin de préserver les
intérêts des créanciers souvent sacrifiés (B).
2521
Orléans, 5 janv. 1993, Rev. proc. coll. 1993, p. 505, obs. B. SOINNE ; v. aussi obs. B. SOINNE, Rev. proc. coll.
1994, p.223 sur le fait que le prix doit nécessairement être sérieux.
2522
Trib. com., Paris, 20 mai 1986, JCP 1986, n°20658, note Y. CHAPUT ; Lille, 10 mars 1989.2, p. 192, n°27,
obs. B. SOINNE ; 27 mai 1989, Rev. proc. coll. 1990.2, p.159, obs. P.-M. LE CORRE.
2523
Art. L.642-2, c. com.
441
s’inscrit dans le cadre de l’usage entre commerçants 2524. Les droits d'enregistrement sont aussi
assis sur le prix2525.
999. Il faut dire que la détermination de la valeur d’une entreprise en difficulté n’est pas un exercice
facile. En effet, les méthodes d’évaluation traditionnelle, évoquées précédemment, sont
difficilement applicables lors de la défaillance de l’entreprise. Elles ne cadrent pas d’ailleurs
avec une société en cessation des paiements. Il revient au candidat à la reprise de faire une
estimation des actifs de l’entreprise cédée en fonction de critères qui lui sont propres. Plusieurs
aspects influent négativement sur la valeur de l’entreprise à céder. Le besoin de financement en
fonds de roulement de l’entreprise cédée fait partie du coût de l’opération, ce qui a un impact
sur la valorisation des actifs réalisée par le candidat. Les difficultés d’obtention de financement
à cause de la crise financière peuvent aussi influer sur la valorisation de l’entreprise ou des
actifs à céder. De plus, d’une part, le code de commerce oblige le cessionnaire à supporter
certains éléments du passif du débiteur. C’est ainsi qu’il devra assumer la charge des sûretés
immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d’un crédit consenti à
l’entreprise pour lui permettre le financement d’un bien sur lequel portent ces sûretés. Il est en
conséquence appelé à acquitter entre les mains du créancier les échéances convenues avec ce
dernier et qui restent dues à compter du transfert de la propriété 2526. Toutefois, il peut être
dérogé à cette règle par accord consensuel entre le cessionnaire et les créanciers titulaires de
ces sûretés 2527. D’autre part, dans le cadre de la cession d’un contrat de crédit-bail, le crédit-
preneur ne peut lever l’option d’achat qu’en cas de paiement des sommes restant dues dans la
limite de la valeur du bien fixée d’un commun accord avec les parties ou, à défaut, par le tribunal
à la date de la cession2528. Autrement dit, le cessionnaire qui estime que le maintien d’un crédit-
bail est nécessaire à la poursuite de l’activité obtiendra du tribunal le transfert du contrat.
Lorsqu’il voudra lever l’option d’achat en fin de contrat, en vertu de l’article L.642-7 du code
de commerce, il devra régler la totalité des sommes (créances) échues du crédit-bailleur, c’est-
à-dire l’arriéré au jour de l’ouverture de la procédure collective (redressement judiciaire propre
2524
Com. 9 janv. 2001, n°97-22.212, Bull. civ. IV, n°8 ; JCP E et A 2001, pan. 349 ; LPA 13 juin 2001, p. 11, note
B. LAGARDE.
2525
Com. 7 avril. 1998, n°96-15.069, Bull. civ. IV, n° 128 ; Act. proc. coll. 1998/1, n°13 ; Rev. proc. coll. 2001,
81, n°25.
2526
Art. L.642-12, al. 4, c. com.
2527
id.
2528
Art. L.642-7, al. 5, c. com.
442
à la cession d’entreprise et non la liquidation judiciaire qui correspond à la vente des actifs du
débiteur) et dans la limite de la valeur du bien.
1000. Il en résulte qu’il est nécessaire de convenir de la valeur des biens. De cette manière, la bonne
gestion du prix ainsi que des charges augmentatives (reprise de congés payés, transfert d’un
prêt par exemple) permettra au candidat à la reprise de bien utiliser l’enveloppe dont il dispose
avec deux avantages significatifs : le transfert d’un prêt ou des congés payés ne sont payables
qu’à terme et non à la signature de l’acte. C’est-à-dire que le prêt transféré reste à échoir et qu’il
suffit de respecter l’échéancier mis en place, ce qui signifie qu’une partie du prix n’est pas à
financer immédiatement. Aussi, les charges augmentatives constitueront des charges
d’exploitation et non d’immobilisation, ce qui est aussi plus intéressant sur le plan fiscal.
1001. La négociation du prix de la cession reste très complexe. Par exemple, en amont de la décision
du tribunal, l’administrateur judiciaire indique aux candidats les points qu’il conviendrait
d’améliorer, afin d'éviter un prix dérisoire qui ne ferait ni les affaires du cédant, ni celles des
créanciers. Cependant le juge n’a, in fine, que le pouvoir de rejeter le plan de cession, s’il estime
que l’offre ne satisfait pas aux critères légaux, mais jamais il ne peut imposer au cessionnaire
des engagements que celui-ci n’a pas souscrits. Les marges de manœuvre du tribunal et du
mandataire judiciaire s’en trouvent donc limitées. Parmi ces critères légaux, le tribunal
s’intéresse plus particulièrement au nombre de salariés dont les contrats de travail sont
maintenus. Il s'intéresse également au caractère sérieux de la cession en tenant compte du
montant de son prix ; mais la prise en charge des éléments du passif conduit souvent le candidat
à la reprise de réduire corrélativement la valorisation de l’entreprise ou des actifs. Toutefois, si
le caractère entièrement contractuel du prepack-cession permet de minimiser ce risque. Il n’en
demeure pas moins que la faible valorisation du prix, consécutive à sa difficile détermination,
produit un effet négatif quant au paiement des créanciers. Ces derniers étaient fortement
sacrifiés 2529 avant la reconnaissance législative de la cession pré-arrangée.
E. SIMON-MICHEL, « L’altération des droits des créanciers », in IMODEV, vol. 1, 2017, extrait lu le 26 nov.
2529
2017.
443
de financement des activités économiques 2530. Ce droit ne fait pas exception à ce facteur. D'un
droit soucieux des intérêts des créanciers, victimes de l’insolvabilité de leur débiteur et dont
l’intitulé « droit de la faillite » avait une résonance d’injure dans l’imaginaire populaire, la
France est passée à un droit des entreprises en difficulté dont le souci est la sauvegarde de
l’entreprise2531, fût-ce au prix sacrificiel des créanciers. C’est pourquoi, lorsque la cession d’une
entreprise est envisagée, les créanciers nourrissent peu d’espoir de récupérer la totalité de leurs
créances. En cause, le repreneur a naturellement tendance à moins valoriser les actifs, ce qui
les désavantage d’une part. A cela s’ajoute la demande tardive de la protection judiciaire par le
dirigeant à cause du caractère infamant de la faillite, ce qui provoque une incidence néfaste sur
la valeur des actifs ; les délais incompressibles de la procédure collective qui augmentent le
passif d’autre part. La cession pré-négociée, depuis son instauration, permet de réduire ces
risques liés au remboursement dérisoire des créanciers. En dépit de cette innovation, force est
de constater qu’ils ne sont pas tout à fait à l’abri.
1003. La cession d’entreprise doit permettre de maintenir les activités susceptibles d’exploitation
autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif 2532. Le tribunal
retient l’offre susceptible de permettre dans les meilleures conditions d’assurer le plus
durablement possible l’emploi attaché à l’ensemble cédé, le paiement des créanciers et qui
présente les meilleures garanties d’exécution2533. La bonne volonté du législateur de préserver
les intérêts des créanciers n’est cependant toujours pas forcément satisfaite. Même si la cession
permet la réintroduction des actifs du débiteur dans le circuit économique et la sauvegarde de
certains emplois, il en résulte cependant que les créanciers sont très souvent désavantagés. En
effet, il est difficile de déterminer ce qui doit être cédé dans le cadre de la cession à cause des
nombreux termes 2534 employés dans les textes : le livre VI du code de commerce parle de
cession de l’entreprise, de fonds de commerce, d’actifs ou encore de cession de branches
2530
J. HILAIRE, « Le phénomène d’endettement dans les entreprises et la révolution industrielle », in Y. Chaput,
L’apurement des dettes - Solution au surendettement, étude du C.R.E.D.A., éd., Litec, n°83, p. 45.
2531
V. A. JACQUEMONT et Alii, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LexisNexis, 2017, p. 11 et s.
2532
Art. L.642-1, c. com.
2533
Art. L.642-5, c. com.
2534
O. BUISINE, « Le prepack cession : une alternative au plan de cession », Rev. Banque, 27/03/2012, n°747.
444
d’activités ; la loi du 15 juin 2010 2535 et l’ordonnance du 9 décembre 2010 2536 évoquent le
patrimoine affecté ; le code du travail parle d’entité économique autonome. Or, ces notions ne
recouvrent pas le même sens et le cessionnaire ne signe pas une obligation de payer le passif
du cédant, sauf dans le cas du transfert de la charge des sûretés 2537 et le paiement des congés
payés acquis 2538. Il doit seulement payer le prix de la cession et la jurisprudence n’oblige pas
que tout le passif soit payé sur ce prix 2539. Il en découle qu’il ne s’agit que d’une cession de
l’actif et non d’une cession de parts sociales ou d’actions qui se caractérise au contraire par la
reprise de l’ensemble du patrimoine d’une société (constituée d’actifs et de dettes) 2540. Dans ce
clair-obscur législatif, il est difficile que les créanciers connaissent meilleur sort. Il faut dire
que tout cela est la conséquence du choix effectué par le législateur de 1985 2541, confirmé par
la loi de sauvegarde2542, de priver les créanciers de leur droit de poursuite 2543 : il s’est agi de
permettre le rebond des chefs d’entreprise qui ne doivent plus être entravés par leur passif
antérieur. Toutefois, comme cela a été dit plus tôt, plusieurs avantages restent liés à la
préparation de la cession en amont d’une procédure amiable pour toutes les parties.
2535
L. n°2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, JORF n°0137 du
16 juin 2010, p. 10984.
2536
Ord. n°2010-1512 du 9 déc. 2010 portant adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de
traitement des situations de surendettement à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, JORF n°0286 du
10 déc. 2010, p. 21617.
2537
Art. L.642-12, al. 4, c. com.
2538
Art. L. 1224-1, c. trav.
2539
Versailles, 9 juill. 1986, Gaz. Pal. 1986, II, p. 436, note D. C ALMELS ; Aix-en-Provence, 2 oct. 1986, D. 1987,
somm. p. 9 et 10, obs. F. DERRIDA ; Toulouse, 16 févr. 1987, LPA, 1988, n°74, p. 5, obs. F. M ACORIG-VENIER ;
Trib. com. Paris 16 avr. 1986, Gaz. pal. 4/5 juin 1986, obs. ANNICHIARICO ; Trib. com. Nanterre 22 mai 1986,
Gaz. pal.1986, 2, p. 435, note D. C ALMELS.
2540
O. BUISINE, « Le prepack cession : une alternative au plan de cession », Rev. Banque, 27/03/2012, n°747.
2541
L.n° 85-98 du 25 janv. 1985 relative au redressement judiciaire et à la liquidation judiciaire, JORF du 26 janv.
1985, p. 1097.
2542
L. n° 2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173, p. 12187, texte n°5.
2543
Art. L. 643-11, c. com.
2544
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n° 0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
445
entièrement contractuel du projet de plan de cession pré-arrangé offre d’importants avantages
tant au cessionnaire qu’aux créanciers. Si certains sont liés à la nature amiable de la procédure
(A), d’autres ont trait à l’homologation ou à la constatation de l’accord de conciliation (B).
1006. Le premier bénéficiaire est le débiteur qui, désireux de céder tout ou partie de son entreprise,
peut anticiper autant que faire se peut, afin d’éviter les méfaits de la période d’observation de
la procédure collective : découragement des collaborateurs, perte des fournisseurs et clients. Il
bénéficie du temps nécessaire pour négocier en toute tranquillité les offres et préparer au mieux
la procédure judiciaire. Ce qui ne serait pas le cas lorsque la préparation de la cession se faisait
dans un cadre judiciaire,2548 où le débiteur et l’administrateur judiciaire sont dans une course
contre la montre.
1007. Quant à l’éventuel repreneur, sauf stipulation contraire, il choisit les contrats fournisseurs qu’il
veut reprendre, les catégories professionnelles qu’il veut maintenir, ce sans supporter les frais
de licenciement des salariés non repris, ceux-ci revenant à la charge du cédant. Le repreneur ne
prend aucun passif sauf dans le cas des biens compris dans la cession et qui sont grevés de
sûretés spéciales. Dans cette hypothèse, le repreneur devra honorer les échéances contractuelles
prévues avec le titulaire de ces sûretés 2549. Par ailleurs, le repreneur peut incorporer des charges
liées à la reprise en vue de parfaire son offre.
2545
Art. L.642-9, al. 1er et 2 et L.642-10, c. com.
2546
Art. L.642-9 al. 3, c. com., C. VINCENT, « Portée de la garantie de l’auteur d’une offre de reprise assortie d’une
faculté de substitution », D. 2004. 686 ; com. 16 sept. 2014, n°13-17.189, D.2014.1869, Bull. Joly 2015.21.
2547
C. VINCENT, « La substitution dans le plan de cession », LPA, 25 nov. 1998, p. 12.
2548
Le temps est limité et correspond à la période d’observation.
2549
Art. L. 642-12, al. 3, c. com.
446
1008. Quant aux créanciers du débiteur en difficulté, ils ne seront pas payés sur le seul prix de la
cession. L’accord auquel les parties parviennent peut comporter des abandons de crédit en tout
ou partie ou des accords de délais de paiement. Ce genre d’accord bénéficie naturellement au
débiteur. Les créanciers non signataires gardent tous leurs droits envers le débiteur ou le
repreneur. A ce stade, aucun texte n’interdit le droit de surenchère ni les droits de péremption,
pourtant inopérants en procédures collectives 2550. Ces mesures qui peuvent profiter aux
créanciers vont à l’encontre des intérêts du cessionnaire. En dehors de ces avantages,
l’homologation ou la constatation de l’accord, dans le cadre de la conciliation, peuvent en
générer d’autres.
2550
Art. L.642-8, al. 2 et L.642-5, al. 4, c. com.
2551
Parc que le tribunal peut reporter, en cas de procédure judiciaire subséquente, la date de la cessation des
paiements antérieurement à la date de la signature de l'accord : art. L.631-18, c. com.
2552
V. obs. F. MACORIG-VENNIER, RTD com. 2009, p. 444.
2553
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
2554
Art. L.611-8, II, c. com.
2555
Est ainsi remise en cause la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation : art. L.631-8, c. com. ; de la
manière la plus explicite, la Cour de cassation avait jugé que « ni l’ordonnance ouvrant le règlement amiable, ni
l’ordonnance suspendant les poursuites, n’ont d'autorité de la chose jugée quant à la date de cessation des
447
entreprise dont le plan a été préalablement arrangé au cours d’une procédure de conciliation,
un créancier y ayant participé sera rassuré de la couverture de cette entreprise contre la nullité
de la période suspecte.2556 Cependant, les paiements de dettes échues pourraient être contestés
par le biais d’une action paulienne, s’ils s’étaient réalisés avec des moyens inhabituels 2557.
1010. De plus, la loi du 26 juillet 2005 2558 a créé un privilège2559 au profit des créanciers qui ont
apporté un concours financier ou fourni un bien ou un service dans le cadre de l’accord
homologué2560. Ce privilège a été renforcé par l’ordonnance du 12 mars 20142561. En ce sens,
l’article L.611-11 du code de commerce dispose qu’« en cas d’ouverture d’une procédure de
sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti
dans le cadre d’une procédure de conciliation ayant donné lieu à un accord homologué {...}un
nouvel apport en trésorerie en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et de sa
pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres
créances, selon le rang prévu au II de l’article L.622-17 et au II de l’article L. 641-13 ». Plus
loin, le texte précise que « les créanciers signataires de l’accord ne peuvent bénéficier
directement ou indirectement de cette disposition au titre de leurs concours antérieurs à
l’ouverture de la conciliation » et qu’elle ne s’applique pas « aux apports consentis par les
actionnaires et les associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de capital ». Dans
la cadre du préarrangement d’un plan de cession, le débiteur peut avoir besoin de toute aide,
surtout financière. Il peut ainsi en être déduit que le privilège s’applique aux apports faits en
compte-courant par les associés 2562 ; qu’il bénéficie aux prêts pour le développement
économique et social consentis par le CIRI dans le cas où celui-ci contribuerait à une solution
paiements » : com. 5 mai 2004, D. 2004, jur., p. 1594, obs. A. LIENHARD : RTD com. 2004 p. 590, obs. F.
MACORIG-VENNIER ; com. 14 mai 2002, JCP E 2002, p. 131, note F. VINCKEL ; Bull. civ. IV, n° 87 ; Paris, 9 avr.
1999, n° 957, p. 761.
2556
Art. 1167, c. civ. : resterait la possibilité de la mise en oeuvre de l’action paulienne, L. S. LAGUIONI, note. sous
civ 1re, 29 mai 2013, n°13-16.541, Bull. Joly 2013, 298.
2557
Com. 1er avr. 2008, n°07-11.911, RTD com. 2008, p.849, note F. MACORIG-VENNIER.
2558
L. n° 2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173, p. 12187, texte n°5.
2559
Il s’agit du privilège de new money, une qualification condamnée par la Cour de cassation, mais employée par
l’art. L.622-15, c. com.
2560
F. MACORIG-VENNIER et C. SAINT-ALARY-HOUIN, « La situation des créanciers dans la loi de sauvegarde des
entreprises » RD bancaire et fin. 2006, n°2 ; P.-M. LE CORRE, « Le privilège de la conciliation », Gaz. pal. 7-8
sept. 2005, p. 50 ; C. SAINT-ALARY-HOUIN, « La procédure de conciliation », Rev. proc. coll. 2006, p. 169.
2561
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n° 0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2562
F. MACORIG-VENNIER, obs. in RTD com, 2005, p. 536.
448
dans le cadre d’un protocole d’accord homologué.2563 Cependant, le privilège de la conciliation
ne peut s’appliquer aux dettes antérieures.2564 Ce privilège incite les créanciers à jouer le jeu de
la conciliation en leur donnant une priorité de paiement à la double condition qu’il s’agisse d’un
nouvel apport en trésorerie ou de la fourniture d’un nouveau bien ou de service, qui aient pour
but d’assurer la poursuite de l'activité de l’entreprise.
1011. Depuis l’ordonnance du 12 mars 2014 précédemment citée, ce privilège naît dès lors qu’un
nouvel apport en trésorerie est consenti, à n’importe quel moment de la procédure et non plus
seulement dans l’accord homologué. Le rang de ces créanciers est favorable puisqu’il prime
celui des créanciers de la période d’observation et, dans la liquidation judiciaire, de certains
créanciers antérieurs titulaires de sûretés.2565 La mesure apparaît incitative et favorise de façon
opportune la conclusion d’un accord de conciliation quoiqu’elle soit considérée plus théorique
que pratique2566 ; car les créanciers ne peuvent réclamer le paiement à l’échéance et leur
privilège n’existe que si l’accord est homologué par le tribunal, toute chose qui en restreint
l’utilité.2567
1012. Une vive controverse existe quant à la soumission ou non de ces créances au plan 2568. Il semble
que l’ordonnance du 12 mars 2014, citée plus haut, par suite de cette controverse, ait renforcé
le privilège de la conciliation en interdisant l’imposition des délais de paiement, dans le plan,
aux créanciers titulaires d’un tel privilège sans leur consentement2569. La loi du 18 novembre
20182570 a levé toute équivoque sur cette question en indiquant clairement que les créanciers
bénéficiaires du privilège de l’argent frais ne pouvaient être amenés à consentir, dans le cadre
d’un plan de continuation, ni des remises, ni des délais 2571. Cette loi a, par ailleurs, mis un terme
au doute qui tenait à l’information, par le chef d’entreprise, des représentants du personnel de
2563
Rapport d’activité du CIRI 2006, p. 23.
2564
Montpellier, 2e ch. 2 févr. 2010, JCP E 2010, 1875, p. 32, obs. Ch. LEBEL.
2565
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd. LGDJ, 2016, p. 316.
2566
N. BORGA, note sous Trib. com., Paris, 5 déc. 2011, LEDN, févr. 2012, n°024, qui refuse le paiement
provisionnel de l’art. L.643-3 du code de commerce à une banque ayant consenti un prêt dans le cadre d’une
procédure de conciliation.
2567
N. LAURENT et O. ASSANT, « Bilan de l'efficacité de new money instauré par la loi de sauvegarde du 26 juill.
2005. La publicité du jugement de conciliation homologué a-t-elle tué ce privilège ? », JCP, 2008, I, 157.
2568
V. F. PEROCHON et F.-X. LUCAS, « Argent frais : paiement hors plan ou selon le plan ? », BJE, 2012, p.341.
2569
Art. L.626-20, al. 3, c. com.
2570
L. n°2016-1547 du 18 nov. 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, JORF n°0269 du 19 nov. 2016,
texte n°01.
2571
Art. L.626-30-2, c. com. tel que modifié par L. n°2016-1547 du 18 nov. 2016 de modernisation de la justice
du XXIe siècle, JORF n°0269 du 19 nov. 2016, texte n°01.
449
son intention de recourir à une procédure de conciliation2572, ou du choix d’un mandataire ad
hoc2573. Elle a aussi invité les tribunaux, lorsqu’un débiteur ne remplit pas les conditions
d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, à demander à ce débiteur de recourir à la
conciliation2574. Ces apports de la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle renforce
l’attractivité des procédures amiables auprès des chefs d’entreprise, ce qui participe de la
volonté du législateur de prévenir rapidement les difficultés des entreprises.
1013. A ces avantages, peut être ajoutée la levée de toute interdiction d’émettre des chèques par le
débiteur du fait de l’homologation de l’accord 2575. Le projet de plan de cession, préparé à
l’amiable dans le cadre du mandat ad hoc ou de la conciliation, sous la houlette du
conciliateur/mandataire ad hoc, sera exécuté lors d’une procédure judiciaire dont le débiteur
devra demander l’ouverture. Dans le cadre du chapitre suivant, nous essayerons de démontrer
la relation étroite qui peut exister entre la cession pré-arrangée et le procédé de passerelle entre
la conciliation et la sauvegarde/règlement préventif.
Conclusion du chapitre 1
1014. En 2010, le droit français découvrait le système prepack-sauvegarde avec la procédure de
sauvegarde financière accélérée. Voilà que l’ordonnance du 12 mars 2014, qui a réformé le
droit des entreprises en difficulté, vient à son tour instaurer le prepack-cession ou la cession
pré-arrangée qui permet la préparation de la cession d’une entreprise dans le cadre d’une
procédure amiable, et de faire adopter ensuite le plan de cession dans le cadre d’une procédure
judiciaire. L’intérêt est la rapidité de l’ensemble des opérations de la cession. Le conciliateur
est chargé d’organiser cette cession. Si ce prepack-cession n’est pas formellement reconnu en
droit OHADA, ce n’est pas à dire qu’on ne peut y recourir. Les droits français et OHADA
divergent quant à la finalité assignée à la cession d’une entreprise en difficulté : pour le
législateur français, il ne s’agit plus de céder l’entreprise afin de payer le passif du débiteur,
mais de favoriser le redressement de ce dernier dans une autre main ; contrairement au droit
OHADA où le règlement de la masse des créanciers est prioritaire.
2572
Art. L.611-6, c. com. tel que modifié par L. n°2016-1547 du 18 nov. 2016 de modernisation de la justice du
XXIème siècle, JORF n°0269 du 19 nov. 2016, texte n°01.
2573
Art. L.611-3, c. com. tel que modifié par L. n°2016-1547 du 18 nov. 2016 de modernisation de la justice du
XXIe siècle, JORF n°0269 du 19 nov. 2016, texte n°01.
2574
Art. L.621-1, c. com. tel que modifié par L. n°2016-1547 du 18 nov. 2016 de modernisation de la justice du
XXIe siècle, JORF n°0269 du 19 nov. 2016, texte n°01.
2575
Art. L. 611-10-2, c. com.
450
Chapitre 2. La réalisation de la cession pré-arrangée dans un cadre judiciaire
1015. Le plan de cession préparé en phase amiable, sous l’égide du conciliateur ou du mandataire ad
hoc, est adopté et appliqué lors d’une procédure judiciaire ouverte à cet effet 2576. L’utilité de la
procédure judiciaire pour sa réalisation réside dans le caractère autoritaire de celle-ci. Elle
permet notamment de passer outre l’opposition de certains créanciers à signer l’accord trouvé
pendant la phase amiable ; et en cas de pluralité d’offres, le tribunal intervient pour les
départager.
1016. La procédure collective permet de sécuriser la cession conclue dans le cadre d’un accord de
conciliation homologué. Un tel plan de cession, arrêté en redressement judiciaire ou en
liquidation judiciaire, échappe à la période suspecte, contrairement à un accord simplement
constaté. Il en est de même pour le plan de cession partielle 2577 arrêté dans la procédure de
sauvegarde car « le jugement arrêtant le plan de cession en sauvegarde suppose l’absence de
cessation des paiements ».2578 La procédure collective écourtée, grâce au plan négocié en phase
amiable, se présente comme protecteur des actifs de l’entreprise en difficulté 2579. Une procédure
passerelle est idéale pour la réalisation d’une cession pré-arrangée compte tenu des délais
d’adoption de plan qui sont réduits par rapport au droit commun.
1017. C’est dans les conditions édictées à l’article L.628-22580 du code de commerce que le tribunal
statue sur l’ouverture de la procédure judiciaire (Section 1). La procédure de réalisation de la
cession peut être une des sauvegardes/le règlement préventif, le redressement judiciaire ou la
liquidation judiciaire (Section 2).
2576
Art. L. 611-17, al. 1, c. com.
2577
Art. 626-1, al. 2, c. com.
2578
B. SOINNE, « Brèves réflexions sur la nouvelle loi et son application au premier janvier (L. n°2005-845, 26
juillet 2005 de sauvegarde des entreprises) », Rev. proc. Coll. 2015, 175 ; V. aussi G. WICKER, « La période
suspecte après la loi de sauvegarde des entreprises », Rev. Proc. Coll. 2016, p. 12.
2579
Le conciliateur est néanmoins rémunéré pour la recherche d’un repreneur, art. L.611-26-2, c. com., créé par le
décret n°2014-736 du 30 juin 2014.
2580
« Le tribunal statue sur l’ouverture de la procédure après un rapport du conciliateur sur le déroulement de la
procédure de conciliation et les perspectives d’adoption du projet de plan par les créanciers concernés {…} ».
451
Section 1. L’ouverture de la procédure judiciaire de validation du projet de
cession
1018. Quoique préparé dans le cadre d’une procédure amiable, le plan de cession pré-arrangé est
arrêté selon le régime de la procédure judiciaire ordinaire 2581. Le tribunal s’appuie sur le rapport
2582 que doit lui faire l’administrateur judiciaire ou le liquidateur judiciaire (en pratique ex
conciliateur/mandataire ad hoc) pour l’ouverture de la procédure. L’offre à retenir doit garantir
le maintien et la pérennité de l’activité et de l’emploi, en plus de l’apurement du passif2583. Le
projet de plan pré-arrangé se présente au tribunal avec une offre bien déterminée et qui, a priori,
respecte les conditions judiciaires de son adoption ; un tel projet est prioritairement choisi ;
c’est le sens du prepack-cession2584.
1019. C’est pourquoi, en statuant sur le plan (Paragraphe I), le tribunal vérifie que les conditions de
forme et de fond sont respectées. Normalement, le plan de cession pré-négocié devrait être
adopté. Cependant, son rejet reste une possibilité juridique (Paragraphe II).
1021. La conséquence en est qu’il ne peut prendre une décision sur la seule foi des pièces
accompagnant la requête d’ouverture. D’où le besoin, pour lui, de s’informer et de mener des
consultations avant d’arrêter un plan (I). Cela est d’autant nécessaire qu’il devra veiller à la
protection des intérêts du cessionnaire (II).
I. La décision du tribunal
1022. Dans le contexte d’un plan de cession pré-arrangé, les démarches menées en amont par le
conciliateur/mandataire ad hoc sont déterminantes pour l'arrêté du plan. Le tribunal doit 2585
arrêter un plan de cession sur la base d’une offre sérieuse. Or, la notion d’offre sérieuse est
2581
Art. L.611-17, al. 1er.
2582
IFPPC 1999; recomm. 3150-4, p. 84.
2583
Art. L.642-5, c. com.
2584
Art. L.642-2, al. 2, c. com.
2585
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd., Dalloz Action, p. 1662.
452
difficile à préciser. Dans cette appréciation, les prérogatives du tribunal sont très larges, et les
juridictions se livrent à un examen global 2586 de l’offre. En d’autres termes, le tribunal devra
tenir compte non seulement de la fermeté et de la solidité financière de l’offre de reprise, mais
aussi de ses chances de réussite sur le plan social. Les juges s’attachent à la situation du marché,
à l'importance des investissements, à la structure et à la compétence du personnel 2587, au
maintien de l’emploi et au règlement des créanciers2588.
A. L’information du tribunal
1024. Afin de pouvoir vérifier le caractère sérieux de l’offre et la qualité de tiers de son auteur, dans
le respect des dispositions de l’article L. 642-3 du code de commerce, le tribunal s’appuie sur
les éléments que lui fournissent le liquidateur ou l’administrateur. Ils devront lui transmettre
toutes les informations permettant d’apprécier les conditions d’apurement du passif, notamment
au regard des actifs résiduels à recouvrer ou à réaliser, des dettes de la période de la poursuite
d’activité et, le cas échéant, des autres dettes restant à la charge du débiteur 2589. Le nouvel
acquéreur devra, lorsqu’il est tenu de le faire, fournir ses comptes annuels relatifs à ses trois
derniers exercices ainsi que ses comptes prévisionnels 2590. Sans préjudice des règles relatives à
la publicité, tous ces éléments d’information sont communiqués au ministère public ainsi qu’au
juge commissaire2591. Une fois les informations nécessaires obtenues, le tribunal recueillera
ensuite dans le cadre des auditions, les avis indispensables à sa prise de décision finale. Il s’agit
essentiellement de l’avis du ministère public, du liquidateur ou de l’administrateur, du comité
d’entreprise et des contrôleurs.
2586
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 821.
2587
V. B. SOINNE, « La problématique du plan de cession », Rev. proc. coll. 1989, n°4, p. 463.
2588
Paris, 29 avr. 1988, BRDA, 15 juill. 1988, n°13 ; Versailles, 13 e ch. 26 oct. 1995, Rev. proc. coll. 1996, 468,
n°46, obs. B. SOINNE.
2589
Art. L.642-4, al. 2, c. com.
2590
Art. 642-1, al. 1er, c. com.
2591
ibid.
453
B. La décision ayant arrêté le plan
1025. Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985 2592, l’article 86 du décret du 27 décembre 19852593
prévoyait que les débats sur l’arrêté du plan de cession doivent avoir lieu en chambre du conseil.
Sous l’empire de la loi de sauvegarde des entreprises 2594, la solution a été reproduite à
l’identique à travers l’article L.662-3 qui dispose que « les débats devant le tribunal de
commerce et le tribunal de grande instance ont lieu en chambre du conseil {…} ». Si
l’entreprise, objet de la cession, atteint un certain seuil, le ministère public doit être présent lors
de ces débats2595.
1026. Ainsi, avant d’arrêter un plan, le tribunal recueille l’avis du procureur de la république, entend
le débiteur, le liquidateur judiciaire ou le mandataire judiciaire, les représentants du comité
d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et des contrôleurs2596. Le plan devant être
arrêté doit, le cas échéant, permettre la poursuite de l’activité et le maintien des emplois attachés
à l’ensemble cédé le plus durablement possible, le paiement des créanciers et présenter les
meilleures conditions de son exécution. Lorsqu’il est prévu des licenciements pour motifs
économiques2597, le liquidateur ou l’administrateur lorsqu’il en a été désigné un, doivent
présenter les documents cités à l’article R.631-362598 du code de commerce. Les débats doivent
se tenir en présence du ministère public lorsque le nombre de salariés, apprécié à la date de
clôture du dernier exercice, dépasse vingt ou, le chiffre d’affaires hors taxes atteint trois
millions d’euros 2599. En toute hypothèse, le choix de l'offre n’exige pas que les créanciers soient
préalablement consultés. Cela n’est requis que lorsqu’il s’agit d’un plan de sauvegarde ou de
redressement2600. Toutefois, dans la procédure ordinaire et afin d'asseoir la solidité du plan,
rien n'empêche de les consulter à l’avance 2601. C’est le greffier qui convie les personnes devant
2592
L. n°85-98, 25 janv. 1985, JORF du 26 janv., p. 1097.
2593
D. n°85-1388, 27 déc. 1985, JORF du 29 déc., p. 15281.
2594
L. n° 2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173, p. 12187, texte n°5.
2595
Art. L.642-5, al. 2, c. com.
2596
Art. L.642-5, al. 1er, c. com.
2597
Art. L. 642-5, al. 5 et R.42-3, al. 2, c. com.
2598
Il s’agit : du procès verbal des délibérations du comité d’entreprise ou des délégués du personnel consultés en
application de l’article L.321-9 du code du travail, la copie de la lettre informant l’autorité administrative, en
application de l’article L.321-8 du code du travail, du projet de licenciement.
2599
Art. L.642-5, al.2 et R.621-11, c. com.
2600
Lyon, 4 nov. 1988, D. 1989, somm. p. 12, obs. F. DERRIDA ; Trib. com. Paris, 13 oct. 1986, LPA 1986, n°139,
p.28 ; JCP N 1989, n°1025, obs. M. CABRILLAC et Ph. PÉTEL.
2601
ibid.
454
participer à cette audience par lettre recommandée avec accusé de réception 2602. Dans le cadre
d’un prepack-cession qui nous intéresse, et contrairement à cette procédure ordinaire où les
créanciers sont relégués au second plan dans les consultations, ils participent activement aux
différentes étapes des négociations.
1027. Le juge peut être amené à trancher sur les licenciements pour motif économique. En ce cas, la
procédure doit obéir aux dispositions du code de travail. Régi par le code de travail2603 et
encadré par des droits spéciaux, tel le droit des procédures collectives 2604, le licenciement fait
l’objet d’une réglementation particulière dans le cadre d’un plan de cession. En effet, après la
réforme2605, lorsqu’un plan de cession prévoit des licenciements pour motif économique, le
tribunal ne peut l’arrêter qu’après que la procédure prévue au I de l’article L.1233-58 du code
du travail a été mise en œuvre 2606. Ce texte (L.1233-58 c. trav.) prévoit notamment que soit
consulté le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel.
1028. La question s’est alors posée de savoir si, en cas de méconnaissance de cette obligation de
consultation, le comité d’entreprise pouvait faire appel-nullité du plan de cession arrêté par le
tribunal, alors que l’article L.661-6 du code de commerce n’ouvre pas cette possibilité aux
personnes consultées ? En réponse, la Cour de cassation a indiqué, dans un arrêt rendu le 17
février 2015, que bien que, et conformément à l’article L.661-6, l’appel-réformation soit fermé
pour le comité d’entreprise, celui-ci peut néanmoins former un recours-nullité pour excès de
pouvoir2607. Le comité d’entreprise et, le cas échéant, la commission d’hygiène et de sécurité
des conditions de travail et l’instance de coordination, doivent émettre leur avis au plus tard le
dernier jour ouvré avant l’audience du tribunal qui statue sur le plan. Le retard ou l’absence de
remise du rapport de l’expert mentionné aux articles L.1233-34, L.1233-5, L.2325-35 ou encore
L.4614-12-1 du code du travail ne sont pas de nature à fonder le report de ce délai. Les
licenciements à venir un mois après le jugement doivent être précisés par le plan sur notification
du liquidateur ou de l’administrateur judiciaire s’il en a été désigné un, sous réserve des droits
de préavis prévus par la loi, les conventions ou les accords collectifs du travail. En plan de
sauvegarde de l’emploi, l’administrateur judiciaire ou le liquidateur doivent mettre en œuvre le
2602
Art. R.626-17, c. com.
2603
Art. 12331 et s.
2604
Art. L.631-17, c. com.
2605
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n° 0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2606
Art. L.642-5, al. 5, c. com.
2607
Com. 17 févr. 2015, n°14.10279, Bull. civ. IV, n°36.
455
II de l’article 1233-58 du même code sous dix jours après le jugement d’arrêté du plan. Le délai
de quatre jours cité au II du même texte court à partir de la réception de la demande qui est
postérieure au jugement arrêtant le plan.
1029. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un salarié bénéficiant d’une protection particulière contre le
licenciement, le délai sera celui dans lequel l’intention de rompre le contrat doit être manifestée.
Cette souplesse a été apportée par l’ordonnance du 18 décembre 2008 2608. Comme dans le cas
d’un licenciement pour motif économique auquel il doit être attentif, le tribunal doit tout aussi
l’être à la sauvegarde des intérêts du repreneur.
1031. C’est pour ces raisons socio-économiques que le législateur s’est montré attentif à ses intérêts
(A). La décision du tribunal constatant l’arrêté du plan de cession est publiée selon la procédure
de droit commun (B).
2608
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
2609
Art. L. 611-17, c. com.
2610
Art. L. 642-5, al. 1er, c. com.
456
de cessation des paiements 2611. Le prepack-cession protège les intérêts du cessionnaire qui peut
se voir épargner certaines règles contraignantes du plan de cession 2612.
1033. Depuis la loi de 2005 2613, le cessionnaire peut faire une sélection des contrats qu’il souhaite
maintenir.2614 ; il n’est pas non plus obligé de poursuivre un contrat dont il n’en a pas
l’intention2615. Le tribunal, après avoir entendu le débiteur, peut autoriser la déspécialisation
partielle du bail commercial en permettant l’adjonction des activités connexes ou
complémentaires 2616.
1034. Certains peuvent subir la protection des intérêts du cessionnaire, surtout lorsqu’il s’agit de la
liquidation judiciaire comme procédure collective de réalisation du plan de cession pré-
arrangée. En effet, le repreneur devient propriétaire d’une entreprise débarrassée de ses
créanciers. Or, seul le prix de cession sert à désintéresser ces créanciers ; et le plus souvent, ce
prix ne suffit pas pour remplir cette fonction. En outre, le paiement du prix de la cession emporte
purge des inscriptions 2617. Toutefois, il est possible que l’accord préparé en phase amiable
prévoie le paiement de certaines dettes par l’acheteur. La question se pose en ce moment de
savoir si un plan de cession peut contenir de telles prévisions ? Vraisemblablement, la réponse
ne saurait qu’être négative compte tenu du principe d’égalité des créanciers et des dispositions
de l’article L. 642-2, I, deuxième alinéa, qui ne prévoient pas la reprise de l’accord négocié
préalablement, mais fait allusion seulement aux offres de reprise. Cependant très probablement,
la pratique pourrait le permettre, en exploitant un dévoiement bien connu relatif aux
« engagements hors plan ».2618 A tout cela peut s’ajouter l’obligation pour le cessionnaire de
payer les échéances restantes dues au titre du crédit qui a aidé au financement du bien qui lui
2611
Art. L.631-5 et L.640-5, c. com., la procédure de sauvegarde relève de l’initiative du débiteur : art. L.620-1, c.
com.
2612
L’obligation d’information de la volonté de céder, imposée par la L. n°2014-856, 31 juill. 2014 relative à
l’économie sociale et solidaire (art. L.141-27 et L.141-32, c. com. pour la cession d’un fonds de commerce et L.
23-10-6 et L.23-10-12, c. com. pour la majorité des parts sociales d’une SARL ou actions ou valeurs mobilières
d’une société par action), ne s’applique pas. L’obligation est aussi exclue dans la procédure de sauvegarde, de
redressement et de liquidation judiciaire.
2613
L. n° 2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173, p. 12187, texte n°5.
2614
Art. L.642-2, 1°, c. com.
2615
B. THULLIER, « Cession judiciaire des contrats et loi de sauvegarde des entreprises : moins de pouvoirs pour
le juge », D. 2006. 130 ; Art. L.661-6, II, c. com.
2616
Art. L.642-7, al. 4, c. com. tel que modifié par L. n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au
commerce et aux très petites entreprises, JORF n°0140 du 19 juin 2014, p. 10105, texte n°1.
2617
Art. L.642-12, al. 2 et 3, c. com.
2618
B. SOINNE, « Le bateau ivre {à propos de l’évolution du droit des entreprises en difficulté} », LPA,14-17 mai
1997, p. 4 et 12.
457
est transmis 2619. Ce paiement obligatoire qui bénéficie à la banque, ne laissera pas grand-chose
aux autres créanciers car le repreneur est naturellement tenté de diminuer le prix de la cession.
Au regard de tout cela, la situation qui conforterait ces créanciers serait que la cession
accompagne un plan de redressement ou de continuation, qui organise le paiement des créances.
Le jugement arrêtant le plan est soumis au principe de publicité des actes en procédures
collectives.
2619
Art. L.642-12, al. 4, c. com.
2620
Art. L.628-1, c. com. (BODACC, registre du commerce et des sociétés, répertoire des métiers)
2621
Art. R. 642-4, al. 2, c. com.
458
I. L’improbabilité de la thèse
1037. D’un point de vue théorique, il est difficile d’imaginer qu’une cession pré-arrangée échoue, tant
au niveau de la phase amiable qu’à celui de la phase judicaire (A). Pourtant, d’un point de vue
légal, c’est-à-dire selon les prévisions textuelles, cette éventualité est bien possible, aussi bien
en phase amiable qu’en phase judiciaire (B).
1039. Lorsqu’au contraire, la cession est envisagée dans le cadre d’une mission complémentaire du
conciliateur, elle suppose un relatif échec de la procédure de conciliation, dans lequel cas
l’ouverture d’une procédure judicaire est envisagée pour sa réalisation. Dans une telle cession,
le chef d’entreprise et le conciliateur cherchent, dans le cadre d’une démarche qu’ils
entreprennent librement, un repreneur. A cause de l’obligation de confidentialité, un tiers ne
peut proposer spontanément une offre. Dans un tel contexte, plusieurs offres de reprise sont
susceptibles d’être trouvées, car l’entreprise est viable ; son crédit et son image sont préservés
par la confidentialité, ce qui peut fonder l’intérêt d’éventuels candidats. Si une offre de reprise
est trouvée, et que son auteur a signé un protocole de cession avec le chef d’entreprise, cela
signifie que la phase judicaire ne fera que valider le protocole signé. Il en résulte qu’en phase
2622
Art. L.611-7, c. com.
2623
id.
459
amiable, ni la situation de l’entreprise, ni la nature de l’accord de cession, encore moins
l’opposition des créanciers 2624, ne constituent un risque d’échec du prepack-cession.
1040. Dans le cadre de la procédure judiciaire, l’adoption de l’offre de cession par le tribunal va
dépendre des conditions dans lesquelles elle a été formée. Seront ainsi pris en compte, la
publicité de l’offre de cession en phase amiable et le caractère sérieux du prix. Or, le chef
d’entreprise, appuyé par le conciliateur et, éventuellement, le service juridique de l’entreprise,
aura déjà mis toutes les chances de son côté, en satisfaisant la condition relative au principe de
la concurrence. Aussi, on peut valablement penser que l’offre de reprise qu’il a choisie était la
meilleure. Dans ces conditions, le tribunal ne peut faire usage du I 2625 de l’article L. 642-2 du
code de commerce, et l’offre issue de la phase amiable (l’offre prepack) sera privilégiée pour
être adoptée. Depuis son entrée dans le livre VI du code de commerce, aucune offre de reprise
prepack n’a encore, à notre connaissance, été rejetée par le tribunal. Le scenario précédemment
décrit vaut aussi bien dans le cadre de la sauvegarde que dans celui du redressement et de la
liquidation judiciaire. Toutefois, si la thèse de l’échec de la cession pré-arrangée est
difficilement imaginable d’un point de vue théorique, elle n’en reste pas moins envisageable
d’un point de vue juridique.
2624
L’art. L.611-7, c. com. impose juste que leur avis soit demandé et non leur accord.
2625
« Lorsque le tribunal estime que la cession partielle ou totale de l’entreprise est envisageable, il autorise la
poursuite de l’activité et il fixe le délai dans lequel les offres de reprise doivent parvenir au liquidateur et à
l’administrateur lorsqu’il en a été désigné ».
2626
Art. L.611-7, c. com.
2627
Art. L.620-1 et Art. L.628-1, c. com.
460
réaliser le projet de cession de son entreprise, car sa demande sera tout simplement rejetée. Le
non-respect des textes précédemment cités peut fonder l’échec du prepack-cession2628.
1042. Ensuite, lorsque l’offre de reprise n’a pas connu une publicité suffisante en phase amiable, le
tribunal peut, à l’ouverture de la procédure judiciaire de réalisation, fixer un délai durant lequel
de nouvelles offres de reprise peuvent parvenir au liquidateur ou à l’administrateur 2629. De
même, lorsque l’offre ne présente pas un caractère sérieux en termes de prix, ne garantit pas le
maintien des emplois aussi longtemps que possible, le tribunal peut valablement refuser la
cession2630.
1043. Enfin, si la cession pré-arrangée doit être réalisée dans le cadre d’une procédure passerelle, un
délai d’adoption du plan doit être impérativement respecté : un mois 2631 dans la sauvegarde
financière accélérée et trois mois dans la sauvegarde accélérée 2632, contrairement à la
sauvegarde ordinaire et au redressement judiciaire où la période d’observation peut durer six
mois voire douze mois. Ainsi, faute d’adoption d’un plan de sauvegarde - auquel la cession pré-
arrangée est complémentaire -, dans l’un de ces délais requis, la clôture de la procédure doit
être prononcée2633.
1044. Comme il vient d’être vu, le prepack-cession, en dépit de toutes mesures rendant sa réussite
plus évidente que son échec, peut déboucher sur un échec. Des améliorations peuvent être
apportées.
2628
Toutefois, aux termes de l’article L.611-7 du code de commerce, la cession pré-arrangée peut être mise en
œuvre en redressement et en liquidation judiciaires, ce qui rend inutile le fait que le débiteur soit ou non en état de
cessation des paiements, parce que ne peut être mis en redressement judiciaire ou en liquidation judicaire qu’un
débiteur qui est en cessation des paiements.
2629
Art. L.642-2, c. com.
2630
Art. L.642-5, al. 1, c. com.
2631
Art. L.628-10, al. 2, c. com.
2632
Art. L.628-8, al. 1, c. com.
2633
Art. L.628-8, c. com.
2634
Art. L.628-8, al. 2, c. com.
2635
Art. L.621-12, al. 2, c. com. ; Cons. const., n°2014-438, QPC du 16 janv. 2015.
461
dernier peut être converti2636 en liquidation judiciaire. L’extension de la règle aux sauvegardes
accélérées pourrait favoriser le redressement des entreprises (A). De même, lorsqu’il est décidé
de convertir la procédure passerelle en une autre procédure, la reconduction automatique de
l’administrateur/liquidateur judiciaire devrait être adoptée (B).
1047. La doctrine française semble moins curieuse à propos de cette problématique 2637. Les tribunaux
ne peuvent qu’appliquer les textes ; il s’agit d’une question d’ordre public.
1048. Dans les procédures de sauvegarde classique et de redressement judiciaire, le législateur s’est
montré flexible. La procédure de sauvegarde peut être convertie en redressement judiciaire,
lorsque la cessation des paiements est constatée2638. De même, la procédure de redressement
judiciaire est convertible en liquidation judiciaire, lorsque la situation du débiteur devient
irrémédiablement compromise2639. Une question peut être posée : que se passera-t-il si, dans la
sauvegarde ordinaire et dans le redressement judiciaire, il n’y a pas, respectivement, d’état de
cessation des paiements et de situation irrémédiablement compromise, et si en même temps, les
créanciers s’opposent majoritairement à l’adoption du plan ? Logiquement, le tribunal devrait
passer outre pour ordonner l’adoption du plan, dès lors que ce dernier est à même d’assurer la
continuation de l’activité et le maintien des emplois : l’intérêt public qui tient à la sauvegarde
de l’entreprise devrait primer l’intérêt singulier des créanciers.
1049. Sur le fondement de la même raison, pourquoi la conversion d’une procédure passerelle en une
autre procédure ne pourrait-elle pas être autorisée ? D’autant que la raison légale de
l’interdiction est la non-adoption du plan dans le délai requis. Les efforts fournis en amont par
le chef d’entreprise et le conciliateur ne devraient pas être anéantis, faute d’adoption du plan
dans le temps. En fait, si le délai prévu dans le cadre de la procédure passerelle ne permet pas
2636
Art. L.631-15, II, c. com. ; com./civ., 28 févr. 2018, n°16-19.422, BJE, mai 2018, n°3, p.193, comm. L. LE
MESSIE.
2637
V. G. G. Law Guyomarch, « La procédure de sauvegarde accélérée, dernière innovation de l’ordonnance du
12 mars 2014 », Fusaq, 19 mai 2015, article consulté le 15 juin 2017.
2638
Art. L. 622-10, c. com ; com. 5 mai 2015, n°14-11. 706 NP.
2639
Com./civ., 28 févr. 2018, n°16-19.422, BJE, mai 2018, n°3, p. 193, comm. L. LE MESSIE.
462
l’adoption du plan, ce qui aurait été l’idéal, pourquoi ne pas clôturer cette procédure - pour
respecter les textes -, et autoriser sa poursuite dans le cadre d’une sauvegarde normale - en
permettant un état de cessation des paiements de moins de quarante-cinq jours -, ou dans le
cadre du redressement judicaire - si la situation de cessation des paiements est au-delà de
quarante-cinq jours ? Cela ne rentrerait-il pas dans l’objectif du législateur de redresser
l’entreprise ? Il pourrait en être ainsi parce que l’inconvertibilité des sauvegardes passerelles,
telle qu’elle est actuellement appliquée, pourrait favoriser l’aggravation de la situation
économique de l’entreprise, car plus le temps passe, plus la situation d’une entreprise en
difficulté est susceptible de s’aggraver.
1050. Pour toutes ces raisons précédemment évoquées, une possible conversion de la procédure
passerelle en une autre procédure judiciaire, permettrait de faire aboutir les efforts de
restructuration du chef d’entreprise. Une mesure complémentaire pourrait être adoptée, celle de
reconduire automatiquement le mandataire/liquidateur judiciaire dans la procédure de
conversion.
2640
Art. L.628-1, c. com.
2641
Art. L.628-2, al. 1, c. com.
463
1052. Un cession pré-arrangée dans le cadre d’une procédure amiable est réalisée lors d’une
procédure judiciaire qui permettra d’imposer le vote majoritaire aux créanciers minoritaires.
2642
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n° 0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2643
Art. L.611-7, c. com.
2644
Art. L.628-1, c. com. tel que modifié par Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention
des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n° 0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2645
id.
464
les procédures collectives suppose le respect strict d’un certain nombre de formalismes d’une
part et des contraintes incontournables d’autre part. La présentation et l’examen des offres sont
soumis au droit commun, notamment à l’article L.642-2 du code de commerce. Cependant, ce
texte n’est pas entièrement applicable sur le terrain de la procédure de redressement judiciaire.
Si l’obligation de publicité des offres est moins stricte dans le cadre des procédures de
sauvegarde et de liquidation judiciaire, elle est de mise dans celui du redressement judiciaire.
En revanche, si dans la procédure de sauvegarde, la cession ne peut qu’être partielle et
complémentaire à un plan de continuation en droit français 2646, ce qui reste nuancé en droit
OHADA (I), il n’en est pas de même dans le redressement judiciaire (II) et dans la liquidation
judiciaire (III).
2646
Art. L. 626-2, c. com
2647
id.
2648
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017-2018, 9e éd., Dalloz Action, 2016, p. 1676.
2649
id.
465
prioritairement à réorganiser l’entreprise, afin de permettre la continuation des activités et, par
ricochet, le maintien des emplois, sous la direction du chef d’entreprise 2650. Or, la cession d’une
entreprise signifie son aliénation2651, même si, par cette aliénation, il est question de permettre
la poursuite de l’activité, le maintien des emplois ainsi que de l’apurement du passif2652. Si le
principe en soi est facilement compréhensible, force est de constater cependant que la notion
peurt susciter des interrogations. En d’autres termes, qu’est-ce qu’une cession partielle dans
l’entendement du droit français ?
1057. Selon un auteur2653, lorsque tous les actifs sont cédés alors que l’activité se poursuit sous l’égide
du repreneur, il y a bien plan de cession totale ; mais si un débiteur obtient un plan de
redressement, alors que parallèlement un repreneur est trouvé, il y a plan de cession partielle et
serait conforme à la lettre des textes 2654. Cette analyse apparaît intéressante sachant que l’article
L.621-702655 du code de commerce permet l’application des articles L.621-95 et L.621-94 dans
la cession partielle, ces articles s’appliquant normalement aux cessions totales. Cela signifie
que l’article L.621-94, qui dispose que le plan de cession emporte déchéance du terme, est
applicable à la cession partielle dans le cadre d’un plan de continuation. Or, plan de continuation
et déchéance du terme sont contradictoires. Dans une autre hypothèse, comment qualifier le cas
où il n’y a pas de plan de continuation, et où il n’y a qu’un seul repreneur désigné, mais qui ne
reprend qu’une partie des actifs du débiteur ? La réponse serait évidente, si ce débiteur n’avait
qu’une seule activité et sur un seul site : une cession totale 2656 ; mais si ce seul repreneur ne
reprend qu’une branche d’activité parmi tant d’autres qui sont arrêtées, y a-t-il cession partielle
? En tout cas, c’est ce que l’article L.642-12657 du code de commerce laisse savoir 2658. C’est
également dans ce sens que la Cour de cassation s’est prononcée2659. Cependant dans ces
2650
Art. L. 620-1, c. com.
2651
Dictionnaire du droit privé de Serge Braudo, 1996-2018.
2652
Art. L.642-1, c. com.
2653
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017-2018, 9e éd., Dalloz Action, 2016, p. 1676.
2654
ibid.
2655
« Le tribunal décide, sur le rapport de l’administrateur, la continuation de l’entreprise lorsqu’il existe des
possibilités sérieuses de redressement et de règlement du passif. Cette continuation est accompagnée, s’il y a lieu,
de l’arrêt, de l’adjonction ou de la cession de certaines branches d’activité. Les cessions faites en application du
présent article sont soumises aux dispositions des articles L.621-84 à L.621-93 et L.621-96 {donc à L.621-94 et
L.621-95} ».
2656
DOUAI, 2e ch., 18 févr. 1999, D. Affaires 1999, 599 ; com. 11 juin 1996, n°94-15.295, Bull. civ. IV, n°170.
2657
Al. 2 « Elle {la cession} peut être totale ou partielle. Dans ce dernier cas elle porte sur un ensemble d’éléments
d’exploitation qui forment une ou plusieurs branches complètes et autonomes d’activités ».
2658
J. FRAIMOUT, « Plan de cession - Conception et adoption », J.-CL. com., fasc. 2730, 2007, n°9.
2659
Com. 11 juin 1996, n°94-15.295, Bull. civ. IV, n°170 ; D. 1997, obs. F. DERRIDA.
466
conditions, faute de plan de continuation, il faudrait admettre que ce sont toutes les dispositions
applicables à la cession qui s’appliquent, sans possibilité d’en écarter une, y compris les articles
L.621-94 (qui pose la règle de la déchéance du terme) et L.621-95 (qui pose la clôture de la
procédure) qui pourtant ne concernent que les plans de cession totale. Selon l’analyse d’un autre
auteur, il faut retenir en résumé que lorsqu’une sous-entreprise est cédée, le plan de cession est
bien partiel2660. En outre, Les tribunaux ont retenu qu’il y avait cession partielle du fait de la
reprise de tous les magasins d’un débiteur par le cessionnaire 2661, alors que selon un auteur 2662,
si ces magasins étaient analysés en simples fonds de commerce, la décision aurait été que la
cession du droit au bail était conventionnelle et non judiciaire, surtout que l’activité de la société
débitrice avait été arrêtée.
1058. En droit OHADA, il importe de préciser que la cession partielle ou totale d’actif est possible
dans le cadre du concordat préventif2663, contrairement au plan de sauvegarde en droit français.
Cette cession peut concerner des biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, alors
que la cession d’entreprise est définie comme toute cession de biens susceptibles d’exploitation
autonome permettant le maintien des emplois et l’apurement du passif 2664. Cependant l’Acte
uniforme des procédures collectives ne définit ni la cession partielle, ni la cession totale.
Théoriquement, il peut être retenu que toute cession partielle ou totale d’actif qui poursuit une
activité autonome d’exploitation, maintient les emplois et permet d’apurer le passif, est une
cession partielle lorsque l’actif concerné ne forme qu’une branche d’activité ; inversement la
cession sera totale lorsque cet actif constitue l’activité de l’entreprise. En l’absence de ces deux
hypothèses, il faudrait admettre qu’il ne s’agit que d’une vente d’actif isolé, l’activité principale
de l’entreprise devant continuer à être exploitée par le débiteur.
1059. Au regard du thème que nous abordons ici à savoir la cession d’entreprise, une doctrine semble
donner une définition claire de ce que peut être une cession partielle ou une cession totale 2665.
Il en est ainsi parce qu’avant de savoir si la cession est partielle ou totale, faudrait-il d’abord
que ce soit une cession d’entreprise, laquelle s’entend par le transfert de contrats de travail.
Cette doctrine tient compte de cela dans sa définition en parlant d’« une sous-entreprise ».
Ensuite parce que comme l’indique le code de commerce, la cession est partielle que lorsqu’il
2660
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2014, n°1247.
2661
Rennes, 2e ch., 1er juill. 2008, RG n°08/01007 ; Rev. proc. coll. 2010/2, comm. 75, p. 68, J. FRAIMOUT.
2662
P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017-2018, 9e éd., Dalloz Action, 2016, p. 1678.
2663
Art. 7, AUPC.
2664
Art. 131, AUPC.
2665
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 9e éd., LGDJ, 2014, n°1247.
467
s’agit d’une branche d’activité : sa définition tient compte également de ce critère en ce qu’une
branche d’activité est évidemment une sous-entreprise, puisqu’elle doit être autonome
d’exploitation. Cette ligne de différenciation peut être suivie.
1060. En toute hypothèse, la branche d’activité à céder doit constituer une entité économique
autonome. La Cour de cassation française a eu à réitérer cela par plusieurs arrêts dont celui du
7 mai 2014. En l’espèce, la société Hertz avait confié à la société SNA Ile-de-France, les
prestations de nettoyage de ses véhicules. Par suite d’un appel d’offres lancé en 2007, la société
Hertz a changé de prestataire en confiant les prestations à la société TFN propreté Ile-de-France.
Cette dernière a repris une partie du personnel de SNA dans le cadre de l’exécution du marché.
Par la suite, la société SNA Ile-de-France a été mise en liquidation judiciaire le 4 juin 2007. Les
salariés saisissent alors la juridiction prud’homale 2666. Par arrêt du 4 octobre 2012 2667, la cour
d’appel de Paris a condamné la société TFN Ile-de-France au paiement des dommages et
intérêts aux salariés. En se référant aux dispositions de l’article L.1224-1 du code de travail, la
cour d’appel a retenu que les contrats de travail avaient été transférés depuis 2007 ; que
l’objectif de la société TFN Ile-de-France était de poursuivre l’activité sans discontinuité de
celle-ci par la réembauche des personnels déjà affectés par la société SNA Ile-de-France ; que
de ce fait, les salariés disposant d’un savoir-faire spécifique avaient été transférés et qu’en
conséquence, il s’agissait bien d’une activité spécifique et autonome satisfaisant aux conditions
du texte précité. La Cour de cassation a décidé du contraire 2668.
1061. Lorsque le plan de cession est proposé par le débiteur en collaboration avec l’administrateur
judiciaire2669, l’appel d’offres se fait à son initiative 2670 dans le respect des dispositions de la
partie du plan qui est relative à la liquidation2671. Cette cession est régie par le régime et le
calendrier procédural du plan de sauvegarde 2672. Si la cession d’entreprise, qu'elle soit partielle
2666
Créteil, conseil prud’hommes, sect. com. RG n°07/01121.
2667
Paris, pôle 6, ch. 7, 04 oct. 2012, n°10/06980.
2668
Soc. 7 mai 2014, n°12-29.027 et s., société propreté Ile-de-France / société Hertz France.
2669
Art. L.626-2, al. 2, c. com.
2670
Art. L.622-10, al. 1er, c. com.
2671
Art. L.626-1 et 2, c. com. renvoyant aux dispositions de la section I, chapitre II du titre IV.
2672
Art. L.628-8, c. com. renvoyant à l’art. L.636-31, lui-même renvoyant à l’art. 626-2 qui prévoit que le plan de
sauvegarde « recense, annexe et analyse les offres d’acquisition portant sur une ou plusieurs activités, présentées
par des tiers. Il indique la ou les activités dont sont proposés l’arrêt ou l’adjonction ».
468
ou totale, est impensable dans la procédure de conciliation, sauf si l’entreprise est in bonis2673,
la sauvegarde accélérée et la sauvegarde financière accélérée du droit français s’adaptent mieux
à l’opération de prepack-cession.
1063. L’étroitesse des rapports entre cession pré-arrangée et procédure passerelle réside dans un
premier temps dans le fait qu’une cession pré-arrangée peut être une composante d’une
procédure passerelle : devant commencer par une procédure amiable (conciliation) 2678, le chef
d’entreprise qui envisage de céder son entreprise peut en confier la mission au conciliateur, en
optant pour une sauvegarde accélérée comme procédure collective, ce qui suppose que le plan
de continuation de la future sauvegarde accélérée à pré-arranger comportera une partie relative
à la cession. Cette étroitesse réside dans un second temps dans la rapidité de l’ensemble des
opérations relatives au vote et à l’adoption du plan de cession : en arrivant en terrain judiciaire
prête à être tout de suite transmise au nouvel acquéreur, l’entreprise garde son image et ses
2673
La cession serait alors régie non pas par le droit spécial des procédures collectives, mais par le droit civil. De
toutes les manières, on imaginerait mal comment un chef d’entreprise aliénerait son entreprise, qu’il a montée au
prix de nombreux sacrifices et risques, qui se porte bien.
2674
C. GORINS, « Évolution de la cession judiciaire d’entreprise en prévention et en procédure collective », BJE,
01 mai, 2015, n° 3, p. 95.
2675
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n° 0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2676
Art. L. 628-8, c. com.
2677
6 mois : art. L621-3, c. com.
2678
Art. L.628-1, c. com.
469
relations beaucoup moins entachées, ce qui procure des avantages aussi bien pour le chef
d’entreprise - le prix en est valorisé - que pour le cessionnaire - lequel peut compter sur une
acquisition à moindre risque -.
1064. Il en résulte que dans leur essence, une cession pré-arrangée et une procédure passerelle ne font
qu’une en fin de compte. Alors que dans les autres procédures judiciaires, la cession de
l’entreprise constitue une opération longue et traumatisante pour le chef d’entreprise et
incertaine pour le repreneur ; les créanciers en paient souvent les frais. C’est en cela qu’une
passerelle de sauvegarde accélérée et, éventuellement, de règlement préventif accélérée
s’adapte bien à l’opération de cession pré-arrangée en théorie, car en pratique les statistiques
relatives à une cession partielle - réalisée dans le cadre d’une sauvegarde accélérée - pré-
arrangée sont quasi-vierges2679. En redressement judiciaire, la réalisation de la cession pré-
arrangée est différente.
2679
Tous les prepack-cessions réalisés jusqu’à date l’ont été dans le cadre du redressement judiciaire.
2680
Art. L.631-13 et L.631-22, c. com. ; art. R.631-39 à R.631-43, c. com. l’ art. R.631-39, al. 1er renvoie aux deux
premiers alinéas de l’article R.642-40. Or, l’art. 631 - 40 ne mentionne pas ce dernier.
2681
Art. L.631-22, c. com.
2682
Commentaire de l’article L. 642-2 : Rapport n°335, J.-J. HYEST, 11 mai 2005.
470
effet, cette disposition ne vise que les offres reçues en redressement judiciaire dans le cadre ou
du mandat ad hoc ou de la conciliation2683, mais arrêtées en liquidation judiciaire. En
conséquence, le tribunal ne peut ouvrir d’appel d’offres, car la mise en place d’un plan de
cession, la fixation de la date limite de réception des offres 2684, leur examen, ainsi que leur
arrêté par le tribunal (sur sollicitation de l’administrateur), relèvent de la compétence de
l’administrateur judiciaire2685. Ce dernier peut même décider de ne pas ouvrir de nouvel appel
d’offres, s’il estime que les offres qu’il a reçues en qualité de conciliateur ou de mandataire ad
hoc sont suffisamment satisfaisantes 2686.
1067. Aussi, selon le I de l’article L.642-2, l’avis du ministère public est requis lorsque l’offre a été
reçue par le mandataire ad hoc ou le conciliateur ; ce texte ne s’appliquant pas à la procédure
de redressement judiciaire, faudrait-il en déduire que le plan de cession pré-arrangé peut être
arrêté en redressement judiciaire sans l’avis du ministère public ? Au sein de la doctrine, les
avis convergent plutôt. Selon certains auteurs 2687, il s’agit là d’une erreur de plume de la
réforme, car le ministère public étant le garant de la régularité des opérations, son avis doit être
recueilli. Pour d’autres cependant2688, il s’agit, soit d’un oubli de la part du législateur, soit
d’une volonté d’affirmer que l’esprit2689 du redressement (selon lequel l’entreprise est à vendre
dès le jugement d’ouverture2690) prime celui du prepack-cession.
1068. L’offre de reprise ayant été reçue par le mandataire ad hoc ou le conciliateur, et étant donné
que c’est justement à cette offre que le texte (le I de l’article L.642-2) en question fait référence,
il en résulte, dès lors, que quelle que soit la procédure de réalisation de la cession pré-arrangée,
l’avis du ministère public devrait être recueilli. D’autant que ce dernier est le garant de la
protection de l'intérêt public. En outre, la question se pose de savoir, qui du tribunal ou de
2683
Depuis la réforme du droit des entreprises en difficulté, intervenue par l’ordonnance n°2014-326 du 12 mars
2014, la cession d’une entreprise peut être préparée dans le cadre de ces deux procédures amiables.
2684
Art. R.631-9, c. com.
2685
Art. L. 632-22, c. com.
2686
Art. L.642-2, c. com.
2687
Th. MONTERAN et M. MIEULLE, « Le vade-mecum du plan de cession « prepack », BJE, 1er mai 2015, n°3, p.
164.
2688
C. VINCENT, « L’adoption d’un plan de cession sans poursuite d’activité, BJE, 1er sept. 2014, n°5.
2689
M. GERMAIN, M. DEBELECQUE et R. ROBLOT, traité de droit commercial, t. II, 17e éd., LGDJ, 2004, n°3172-
7.
2690
Art. L.631-13, al. 1er, c. com.
471
l’administrateur judiciaire, fixe la date d’examen des offres dans cette procédure de
redressement judiciaire ?
2691
Art. R.642-1, c. com.
2692
Art. R.631-40, c. com.
2693
Art. R.631-39, c. com.
2694
Art. R. 631. 39, al. 3, c. com., art. L.621-85, c. com.
472
il fixer la date d’audience d’examen des offres ? A cette question, deux analyses différentes
peuvent soutenir, à la fois, l’incompétence et la compétence du tribunal en la matière.
1071. Dans l’hypothèse de l’incompétence du tribunal, peut être mis en relief le fait que l’article
R.642-1 renvoie à l’article L.642-2, lui-même inapplicable au redressement judiciaire, de sorte
que toute fixation de date par le tribunal apparaît impossible. L’audience d’ouverture sera alors
actionnée, comme dit précédemment, par le greffier au dépôt du rapport de l’administrateur
judiciaire demandant l’arrêté du plan de cession par le tribunal. Ainsi, pour avoir une date plus
proche, l’administrateur devra faire montre d’une grande diligence dans le dépôt de son rapport
au niveau du greffe. L’inapplication du I de l’article L.642-2 ne permettrait pas non plus que le
quatrième alinéa de l’article R.642-12695, - relatif à la réception d’autres offres par le liquidateur
ou l’administrateur judiciaire s’il en a été désigné un, plus tard huit jours avant la date
d’audience fixée -, s’applique2696 eu égard au délai de quinze jours 2697 de l’article R.631-39,
selon un auteur2698. Cependant, selon d’autres auteurs 2699, cette analyse est erronée et ne s’avère
pas conciliable avec l’esprit de la réforme. Pour eux, dès lors qu’il peut être prouvé que l’article
R.642-1 s’applique au redressement judiciaire, le tribunal peut bien fixer la date d’audience
d’examen des offres dès le jugement d’ouverture et l’administrateur judiciaire peut continuer à
recevoir les offres jusqu’à huit jours plus tard avant la date fixée.
1072. Quant à l’hypothèse de la compétence du tribunal, le respect strict de la lettre des textes peut
être invoqué. Étant donné que le tribunal ne peut faire application du I de l’article L.642-2 du
code de commerce, faute de compétence, il en résulte que la condition fondamentale pour
l’application de l’article R.642-1 (« si le tribunal décide de ne pas faire application du I de
l’article L.642-2{...} ») se trouve remplie. En conséquence, le tribunal peut en faire pleine
application et fixer la date d’audience d’examen des offres. Toutefois, cette date devra respecter
Tel que modifié par le décret n°2014-736 du 30 juin 2014 pris pour l’application de l’ord. n°2014-326 du 12
2695
mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF
n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2696
Par l’art. R.631-40, al. 1er, c. com.
2697
Délai obligatoire en redressement judiciaire nonobstant les dispositions de l’art. L.R.631-39, al.3, c. com., qui
prévoient la réduction de ce délai par accord unanime du débiteur, du mandataire judiciaire, du représentant des
salariés et des contrôleurs.
2698
C. VINCENT, « L’adoption d’un plan de cession sans poursuite d’activité », BJE, 1er sept. 2014, n°5.
2699
Th. MONTERAN et M. MIEULLE, « Le vade-mecum du plan de cession « prepack », BJE, 1er mai 2015, n°3, p.
164.
473
les délais procéduraux prévus. Cette même analyse pourrait autoriser l’administrateur judiciaire
à recevoir les offres jusqu’à huit jours de l’ouverture de l’audience d’examen des offres.
1073. Depuis son introduction dans le code de commerce, dans la quasi-totalité2700 des cessions pré-
arrangées réalisées dans le cadre du redressement judiciaire, ce sont les offres prepack qui ont
été directement arrêtées par le tribunal. De sorte qu’il n’y a pas eu besoin de recourir à de
nouveaux appels d’offres. Contrairement au redressement judiciaire, dans la procédure de
liquidation judiciaire, les dates limites de dépôt des offres et d’ouverture de l’audience
d’examen des offres sont déterminées sans équivoque par le tribunal.
2700
V. les prepack-cessions Nextiraone, FRAM, Patatérie, Librairie Gilbert Jeune, Turenne lafayaette, Tati, Scala ;
la liste n’est pas exhaustive.
2701
Art. L. 642-2, I, al. 1, c. com.
2702
Art. R. 642-1, al. 3, c. com.
2703
Art. L.642-2, c. com.
2704
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n° 0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2705
V. A. LIENHARD, « Réforme issue de l’ordonnance du 12 mars 2014 », in Code des procédures collectives
commenté, 12e éd., Dalloz, 2014, p. 62.
474
désigné, seront toujours obligés de remettre son rapport2706 visant à présenter les offres au
tribunal et à vérifier la qualité de tiers de l’offrant. En ce cas, la question peut se poser de savoir
comment le tribunal peut vérifier, le jour de l’audience d’ouverture, le caractère suffisant des
offres reçues en phase amiable et leur régularité formelle (critère permettant de passer outre
l’appel d’offres), alors que le rapport du liquidateur ou (de l’administrateur désigné) ne pourra
être remis qu’après l’ouverture de la liquidation ? De toute évidence, il apparaît que le tribunal
se prononcera au vu du rapport du mandataire ad hoc ou du conciliateur lors de l’audience
d’ouverture, en dépit de la discrétion qui entoure la conciliation ou le mandat ad hoc2707. Le
caractère confidentiel de la conciliation fait que le projet de cession sera monté sans appel
d’offres préalable, et lorsque le temps de la procédure judiciaire sera venu, il sera même
possible de s’en passer2708. Une entorse à la concurrence ? Le législateur aurait pu même dire
que le mandataire ad hoc ou le conciliateur adresse un rapport au tribunal ou soit entendu le
jour de l’audience d’ouverture. Le tribunal aurait ainsi eu une large information sur le contenu
et la régularité des offres, de manière à lui permettre de ne pas faire d’appel d’offres (si les
offres reçues sont satisfaisantes), et donc de fixer la date d’examen des offres en toute
confiance. Comme le soulève un auteur, l’évidence s’impose d’elle-même et le juge entend le
mandataire ad hoc ou le conciliateur en chambre du conseil lors de l’audience d’ouverture 2709.
1076. A contrario, il peut arriver que les offres, reçues en phase amiable, n’aient pas fait l’objet d’une
publicité suffisante, ou qu’elles soient tout simplement insatisfaisantes2710. En ce cas, le tribunal
pourra renvoyer l’audience d’ouverture à une autre date et fixer une date limite de dépôt des
offres2711. Dans une telle hypothèse, il y aura place à la poursuite provisoire d’activité pendant
le temps nécessaire requis par suite de ce report 2712. Sinon le plan de cession deviendrait
impossible quoique le contraire ait été soutenu 2713 et même jugé2714. Toutefois, ce rapport ne
devra pas remettre en cause les offres reçues dans le cadre de la procédure de conciliation ou
2706
Art. R.642-2, c. com.
2707
Art. L.611-15, c. com.
2708
THUILLIER, « La conciliation après l’ordonnance du 12 mars 2014 : jamais pareille mais toujours plus proche
des procédures collectives » BJE, mai 2014, p. 17 et s., sp. p. 175.
2709
Th. MONTERAN et M. MIEULLE, « Le vade-mecum du plan de cession « prepack », BJE, 1er mai 2015, n°3, p.
164.
2710
V. sur le manque de transparence qui caractériserait le mécanisme de prepack-cession : Th. MONTERAN,
« L’ordonnance du 12 mars 2014 et la conciliation », Gaz. pal. 6 févr. 2014, n° 96, p. 7 et s.
2711
G. BOLARD, « Les fonctions de mandataires de justice », Rev. proc. coll. 2006/2, n°18, p. 205 et s.
2712
Art. L. 642-2, I, al. 1, c. com.
2713
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n°1279.
2714
Poitiers, 17 mai 2011, BJE, juill. 2011, p. 244, note C. VINCENT.
475
de mandat ad hoc. La réalisation de la cession pré-arrangée, dans le cadre d’une procédure
judiciaire est soumise au respect d’un certain nombre de délais de convocation.
1078. En premier lieu elle suppose l’existence d’un appel d’offres, avec une date limite de dépôt de
huit jours avant la date de l’audience d’examen des offres, alors même qu’aucune publicité
n’est engagée dans le cadre de la liquidation, puisque le tribunal n’aura pas fixé de date limite
de dépôt des offres, compte tenu de l’existence des offres prepack.
1079. Par ailleurs comment examiner les offres reçues jusqu’à huit jours de l’audience par le tribunal,
si les cocontractants concernés par ces nouvelles offres ne peuvent matériellement et légalement
pas être convoqués par le greffier dans le délai incompressible de quinze jours imposés par
2715
Art. L.626-30-2, c. com.
2716
Art. L. 642-7, c. com.
476
l’article R.642-7 du code de commerce ? La question demeure. Néanmoins, on peut penser que
le tribunal puisse anticiper ces nouvelles offres, en convoquant tous les cocontractants du
débiteur dont les contrats sont susceptibles d’être transférés.
1080. Également, dans le cadre du plan de cession prepack, le liquidateur ou l’administrateur, s’il en
a été désigné un, ne seront pas exemptés de l’obligation de déposer les offres au niveau du
greffe2717. S’il n’y a pas de délai spécifique pour ce dépôt, l’esprit de la loi veut cependant qu’il
se fasse dans le meilleur délai, afin de garantir la transparence autour du plan de cession. De
cette manière, les nouveaux candidats (qui n’ont pas pris part à la phase amiable) qui ont déposé
des offres huit jours avant l’audience, pourront prendre connaissance des offres formulées
depuis la phase amiable au niveau du greffe.
1081. Si le tribunal décide tout de même d’arrêter une offre et de transférer des contrats, sans que les
cocontractants n’aient été régulièrement convoqués, ces derniers pourraient faire partiellement
appel du jugement. Ils devront alors justifier d’un grief particulier né du non-respect de l’article
R.642-7 et de la violation des dispositions de l’article L.642-7 du code de commerce. Par
ailleurs, si une offre venait à être présentée hors du délai de huit jours (donc irrecevable), mais
qui s’avère sérieuse, rien n'empêcherait le tribunal de reporter l’audience, en vue d’examiner
cette offre, l’objectif recherché étant d’avoir une meilleure offre. Un auteur suggère que la date
limite de dépôt des offres soit le dépôt au greffe du rapport de l'administrateur ou du
liquidateur2718. Enfin, lorsqu’une offre prepack est retenue et que le plan est arrêté par le
tribunal, son exécution engendrera, comme toute convention, des obligations pour les deux
parties à savoir le cédant et le cessionnaire.
2717
Art. L.642-2, IV, c. com.
2718
B. SOINNE, n° 1452, cité par P.-M. LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives 2017/2018, 9e éd.,
Dalloz Action, 2016, p. 1657.
477
difficulté2719. C’est dans cet esprit que les textes organisent le régime de la responsabilité du
cédant (A) et du cessionnaire (B).
2719
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 852.
2720
ibid. p. 856.
2721
id.
2722
M. LATINA « Le billet sur le rapport de présentation de l’ordonnance du 10 févr. 2016 », Dalloz actu-étudiant,
14 mars 2016, billet consulté le 20 janv. 2018.
2723
Civ. 3e, 14 déc. 1993, n°91-10. 199 avec l’art. 1124.
2724
Civ. 6 mars 1876 avec art. 1195.
478
depuis bien longtemps 2725. C’est, selon toute logique, le cas du sixième alinéa de l’article
L.1112-1 précité, relatif à la sanction (annulation du contrat) du manquement à ce devoir dans
les conditions des articles 1130 et suivants du code civil. La réparation des pertes subies
(dépenses effectuées par exemple) et du gain manqué (perte d’une chance de conclure avec une
autre partie), ainsi qu’un éventuel cumul, sont de jurisprudence constante 2726. Si avant la
réforme précitée, le législateur prévoyait diverses obligations spéciales d’information
précontractuelle pour certains domaines spécifiques, aucun texte n’assoyait un devoir général
d’information précontractuelle. Il n’était reconnu que dans certaines branches du droit, telles
que le droit de la consommation 2727, le droit de la vente2728, le droit commercial2729, le droit du
travail2730, le droit bancaire2731.
1085. Depuis cette réforme, l’obligation d’information précontractuelle acquiert un caractère général
avec un fondement textuel propre. Pour autant, est-elle complètement déconnectée des autres
fondements auxquels elle était traditionnellement rattachée ? Il semble qu’il n’y ait plus lieu de
s’interroger sur l’opportunité de reconnaître une obligation d’information à l’occasion de la
formation et de l’exécution du contrat. Elle ne constitue plus une obligation d’appoint de la
théorie des vices du consentement 2732. Elle a vocation à s’appliquer à tous et en toutes
circonstances en matière contractuelle.
1086. Selon le nouveau texte2733 régissant l’obligation : « celle des parties qui connaît une
information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en
informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à
son cocontractant. « Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la
valeur de la prestation. « Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien
direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. « Il incombe à celui
qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge
2725
V. N. MOLFESSIS, « De l’obligation de renseignement à l’enseignement juridique du contractant », in Mélanges
en l’honneur de J. HAUSSER, LexisNexis-Dalloz, 2012, p. 927 et s.
2726
V. J. GHESTIN, G. LOISEAU et Y-M. SERINET, La formation du contrat, t. 1, 4e éd., LGDJ, 2013, p. 1438 et s.
2727
Art. L. 111-1 et 111-2, c. conso.
2728
Art. 1602, c. civ.
2729
Art. L.141-1, c. com.
2730
Art. 1221-3 ; L.3171-1 et L. 414-1, c. trav.
2731
Art. L.313-22, c. mon. fin.
2732
M. MEKKI, « La réforme du droit des obligations : questions pratiques », l’extenso étudiant, 19 avr. 2017,
artcle consulté le 15 nov. 2017.
2733
Art. 1112-1, c. civ.
479
pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie. « Les parties ne peuvent ni limiter, ni
exclure ce devoir ». « Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce
devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux
articles 1130 et suivants ». A la lecture de ces dispositions, certaines observations peuvent être
faites dans le cas de la cession pré-arrangée qui nous intéresse :
1087. L’alinéa premier du texte met l’accent sur le caractère déterminant de l’information pour le
consentement de l’autre partie (le cessionnaire dans notre cas). Cette disposition se révèle
intéressante à la fois pour le cédant et pour le cessionnaire. D’une part, elle protège, à titre
principal, le cédant qui se voit éviter de fournir une grande quantité d’informations inutiles et
coûteuses en temps et en argent. D’autre part, elle protège, d’une manière indirecte, le
cessionnaire qui pourra dorénavant recevoir que des informations uniquement importantes de
sorte que celles qui sont sans intérêt ne nuisent à celles qui sont saines. En ce sens d’ailleurs, la
Cour de cassation a eu à se prononcer sur le cas d’un contractant qui avait multiplié l’envoi
d’informations inutiles destinées à détourner l’attention de son cocontractant sur les
informations importantes 2734.
1088. Le deuxième alinéa du texte évince l’obligation d’information sur l’estimation de la valeur de
la prestation. En ce sens, le rapport transmis au président de la république précise qu’afin de ne
pas susciter une insécurité juridique et de répondre aux inquiétudes des entreprises, ce devoir
général d’information ne porte pas sur la valeur de la prestation, conformément à la
jurisprudence de la Cour de cassation2735. La formule générale de l’ancienne rédaction de
l’article 11292736 aurait pu laisser croire que le législateur voulait combattre la jurisprudence
Baldus2737, en imposant un devoir d’information sur la valeur du bien. Cette hésitation semble
balayée par cet alinéa. Cette éviction viserait potentiellement trois domaines. D’abord le secteur
immobilier où l’opinion selon laquelle l’acquéreur d’un bien immobilier, quand bien même
serait-il mieux renseigné que le vendeur, n’a pas à lui fournir une quelconque information sur
la valeur de ce bien2738, se trouve renforcée. Ensuite, le domaine de l’art où une réponse est
apportée à l’idée que l’estimation de la valeur d’un bien a un coût économique dont il ne
2734
Civ. 3e ch., 26 juin 1991, n°89-21325, Bull. Civ. III, n° 194.
2735
Civ. 1re, 3 mai 2000, n°98-11381, Bull. civ. I, n°131.
2736
« Il faut que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce ». « La quotité de
la chose peut être incertaine, pourvu qu’elle puisse être déterminée ».
2737
« On ne peut en général, s’engager, ni stipuler en son propre nom, que pour soi-même ».
2738
Civ. 3e 17 janv. 2007, n°06-10442, Bull. Civ. III, n°5.
480
convient pas de déposséder son détenteur. Enfin et surtout, le domaine de la cession des droits
sociaux où le législateur a voulu rassurer les actionnaires qui se portent acquéreurs des actions
d’autres actionnaires de la même entreprise. La jurisprudence actuelle les dispense de fournir
des informations sur la valeur des actions vendues, notamment de l’existence de négociations
parallèles afin de rehausser le prix 2739. Cependant, observe une doctrine 2740, non seulement cette
observation ne devrait pas remettre en cause les cas où cette information sur la valeur de la
prestation est imposée, soit parce que l’estimation n’est en réalité que la conséquence du silence
sur la substance même du bien ou de la prestation2741, soit parce qu’une partie peut être tenue
d’un devoir fiduciaire comme c’est le cas du dirigeant social 2742, mais aussi et surtout cette
éviction semble incompatible avec l’article 1137 du code civil qui est relatif à la réticence
dolosive2743. Cette observation doctrinale est pertinente. A l’analyse des dispositions du texte
précité, on se rend compte que la nullité et la réticence dolosive dépendent du seul et unique
caractère déterminant de l’information. Pourtant, la valeur d’un bien (son prix) peut s’avérer
importante pour le vendeur (le cédant dans le cadre de notre étude). En ce sens d’ailleurs, le
troisième alinéa de l’article 1112-1 du code civil n’inclut-il pas la nature et le prix de la
prestation2744 en évoquant « le contenu du contrat » ? Le rapport remis au président de la
République précise que « {…} le texte fait le choix de ne pas subordonner la réticence dolosive
à l’existence d’un devoir d’information, conformément à une conception plus solidaire du
contrat qui met l’accent sur l’intention de tromper ». Il en résulte que la réticence dolosive n’est
plus fondée sur l’existence d’un devoir préalable d’information. Si tel est dorénavant le cas,
comment savoir qu’il n'y a plus d’estimation sur la valeur de la prestation ? L’incohérence
législative semble palpable comme le résume la doctrine précitée : « le législateur en retirant
d’une main (c. civ. art. 1112-1) ce qu’il donne de l’autre (c. civ. art. 1137, al. 2) revient sur la
jurisprudence Baldus ». Les actionnaires cessionnaires pourraient être désagréablement surpris
dans l’avenir s’ils n’informaient pas intentionnellement l’acquéreur de la valeur du bien vendu.
2739
Com. 12 mai 2004, n° 00-15618. Bull. IV, n°94.
2740
M. MEKKI, « La réforme du droit des obligations : questions pratiques », l’extenso étudiant, 19 Avr. 2017,
article consulté le 15 nv. 2017.
2741
Civ. 3 eme, 15 nov. 2000, n°99-112003, Bull. civ. III, n°171.
2742
Com. 27 févr. 1996, n°94-11241, Bull. Civ. IV, n°65.
2743
« Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont
il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ».
2744
Art. 1163 et s. c. civ.
481
1089. Le cinquième alinéa du texte dispose que l’information doit avoir un lien direct et nécessaire
avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. La question se pose alors de savoir ce qu’il
faut entendre par contenu, par lien nécessaire et par direct ? Si on peut relever une volonté claire
du législateur de protéger le partenaire contractuel, les moyens mis en œuvre sont en revanche
discutables ; la réforme opérée en droit des contrats serait un clair-obscur2745. Si la réforme ne
fournit pas une réponse à ces questions, il en découle, en cas de contentieux, que le juge sera
obligé d’interroger les faits de l’espèce : est-ce que l’information retenue ou erronée a incité le
cocontractant à signer ou non le contrat ? Autrement dit, s’il avait eu la bonne information,
aurait-il refusé sinon de conclure, à tout le moins, de le faire aux mêmes conditions ? En
fonction de la réponse, et à la lumière des éléments de l’espèce, il statuera. Pour autant, le
cessionnaire est-il complètement exempté de l’auto-renseignement ? En généralisant
l’obligation d’information précontractuelle, les textes n’effacent pas l’usage de l’auto-
raisonnement en disposant que « c’est à la condition que légitimement, l’autre partie ignore
cette information ou fait confiance à son cocontractant ». Que signifient « une ignorance
légitime », « la confiance à son cocontractant » ? Les juges sont appelés à interpréter.
L’ignorance légitime dans les termes des nouvelles dispositions ferait penser à ce qui n’a
toujours pas été clair dans la jurisprudence, à savoir que le cocontractant a aussi l’obligation de
se renseigner2746. Il doit faire preuve d’une diligence raisonnable 2747.
1090. Le quatrième alinéa du texte pose la règle de la charge probatoire en disposant que « il incombe
à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait,
à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie ». Inspirée de l’article L.1353
du code civil selon lequel « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ;
réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit
l’extinction de son obligation », cette nouvelle règle probatoire pose un problème de clarté :
c’est au créancier de l’obligation (celui qui la réclame) de le prouver tout comme il incombe au
débiteur de l’obligation (celui qui la doit) de prouver qu’il ne l’est plus à travers l’acte de preuve
(copie du paiement par exemple) ; lorsqu’on rapproche ces dispositions légales de la position
jurisprudentielle2748 selon laquelle si un professionnel est tenu d’une obligation d’information
- imposée par une loi - par la jurisprudence ou par la convention, il lui appartient d’apporter la
2745
M. MEKKI, « La réforme du droit des obligations : questions pratiques », l’extenso étudiant, 19 Avr. 2017,
article consulté le 15 nov. 2017.
2746
V. P. JOURDAIN, « Le devoir de se renseigner », D. 1983, p. 139.
2747
Civ. 3e ch. 9 oct. 2012, n° 11-23869 NP.
2748
Civ. 1ère, 25 févr. 1997, n° 94-19695, Bull. civ. I, n°75.
482
preuve de son exécution, une contradiction peut être relevée. Il en est ainsi parce que la raison
évoquée pour soutenir cet aménagement de la charge probatoire est le plus souvent l’aptitude à
la preuve. Or, le débiteur de l’information est le plus à même de fournir la preuve non pas
seulement pour des raisons intellectuelles, mais aussi pour des causes matérielles car il est le
plus apte à justifier que la preuve a été fournie. Dès lors, le choix du législateur au sein de
l’article 1112-1 devient difficile à comprendre. Selon un auteur2749, « il aurait été plus opportun
de mettre à la charge du débiteur désigné la preuve qu’il n’a pas exécuté l’obligation
d’information en établissant, soit qu’elle n’en avait pas connaissance, soit qu’elle n’était pas
déterminante, soit que l’autre partie pouvait s’informer ». Cela aurait pu éviter la contradiction
qu’on peut, par ailleurs, relever avec le devoir général d’information précontractuelle. En effet,
imposée par la loi, la charge probatoire revêt un caractère légal de sorte qu’il ne devrait
appartenir qu’à celui qui en est débiteur de prouver qu’il l’a fournie. En tout état de cause, le
débiteur de l’information est déchargé d’une obligation qui aurait pu peser sur lui, car il est
difficile de fournir la preuve que les conditions d’une obligation due par l’autre partie étaient
réunies. Dans la cession d’entreprise, le cessionnaire n’aurait pas intérêt à attendre l’estimation
du prix par le cédant avant de s’engager2750 ; mais alors, est-ce par convention, la charge de la
preuve peut-elle être aménagée ?
1091. Le cinquième alinéa du texte dispose que « les parties ne peuvent ni limiter ni exclure ce devoir
{d’information} ». Que faut-il retenir de cette disposition ? Est-elle absolue comme le laisse
transparaître la rédaction ou est-elle relative en pratique ? Cette question demeure. La
jurisprudence apportera des éclaircissements. En outre, peut-on ou non introduire des clauses
de confidentialité dans les contrats en général et dans la cession en particulier ? Dans le cas
d’une cession d’entreprise, il est difficile d’imaginer que le cédant veuille introduire une clause
de confidentialité relative à la marque de fabrique par exemple.
1092. En droit OHADA, l’Acte uniforme des obligations et des contrats étant en cours d’élaboration,
et faute d’une règlementation particulière à caractère communautaire, il est difficile d’affirmer
si le législateur instaure ou non une obligation générale d’information précontractuelle. En plus
du devoir général d’information précontractuelle, le cédant est tenu au devoir particulier
d’information des salariés.
2749
M. MEKKI, « La réforme du droit des obligations : questions pratiques », l’extenso étudiant, 19 avr. 2017,
article consulté le 15 nv. 2017.
2750
Il en est ainsi parce que, naturellement, celui-ci ne peut s’interdire de valoriser son entreprise à céder.
483
B. Le devoir d’information des salariés
1093. La France reste marquée ces dernières années par un point d’achoppement entre acteurs
politiques à savoir la transparence, ce qui peut être perçu au travers des législations. Tel est le
cas dans la réglementation des affaires. Dans la cession d’une entreprise, les salariés n’étaient
pas obligatoirement interrogés s’ils voulaient ou non racheter l’entreprise qui les emploie.
Certaines opinons au sein de la classe politique y voyaient une sorte de discrimination à leur
encontre. C’est pourquoi, la loi du 31 juillet 2014 sur l’économie sociale et solidaire 2751 a
imposé un devoir d’information préalable des salariés aux chefs d’entreprise, en cas de vente
de fonds de commerce ou de cession d’une participation. Cette loi prévoyait la nullité de la
vente lorsque les salariés n’étaient pas informés ou s’ils ne l’avaient pas été dans les délais.
Saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé que cette
sanction était inconstitutionnelle en ce qu’elle était disproportionnée par rapport à la liberté
d’entreprise2752. Cette décision a été reprise par la loi Macron2753 qui modifiera le champ
d’application de la loi Hamon précitée. Les décrets du 28 septembre 2015 2754 et du 4 janvier
20162755 apportent les précisions sur ces modifications.
1094. D’abord, selon la loi Hamon2756, d’une part, l’obligation d’information concernait les
entreprises employant au maximum deux cents quarante-neuf salariés - donc celles n’ayant pas
l’obligation de former un comité d’entreprise - et les petites et moyennes entreprises (PME)
employant moins de deux cent-cinquante. D’autre part elle était limitée aux cessions de fonds
de commerce ou d’une participation représentant plus de cinquante pour cent des titres d’une
SARL ou d’une SAS.
2751
L. n°2014-856 du 31 juill. 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, JORF n°0176 du 1er août 2014, p.
12666.
2752
Cons. const. n°2015-476, QPC du 17 juill. 2015.
2753
L. n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF n°0181
du 7 août 2014, p. 13537.
2754
Décret n°2015-1811 du 28 déc. 2015 relatif à l’information des salariés en cas de vente de leur entreprise,
JORF n°0302 du 30 déc. 2015, p. 24902, texte n°138 : les éléments généraux relatifs aux aspects juridiques de la
reprise d’une entreprise par les salariés, en précisant les avantages et les difficultés pour les salariés et le cédant.
2755
Décret n°2016-2 du 4 janv. 2016 relatif à l’information triennale des salariés prévue par l’article 18 de la loi
n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, JORF n°0003 du 5 janv.2016, texte n°26
: les éléments généraux relatifs aux dispositifs d’aide financière et d’accompagnement pour la reprise d’une société
par les salariés.
2756
Art. L. 141-23, c. com. pour les entreprises employant moins de 50 salariés et L. 141-28 pour les entreprises
comptant entre 50 et 249 salariés.
484
1095. Dorénavant, l’obligation d’information des salariés ne s’applique plus à toutes les cessions -
cela incluait les ventes, les fiducies, les donations -, mais à tous les actes de vente 2757. Ce qui,
en sens inverse, exclut la donation, les apports et la fiducie. La sanction initiale de la non
observation de l’obligation qui était la nullité de la cession n’est plus encourue. La juridiction
saisie d’une action en responsabilité ne peut prononcer, à la demande du ministère public,
qu’une amande civile représentant les deux pour cent du montant du prix de vente. Comment
se transmet-elle cette information aux salariés ?
1096. Dans le cas de la vente d’un fonds de commerce, le propriétaire du fonds informe l’exploitant
du fonds qui, à son tour, informe les salariés 2758. Si ce dernier est aussi propriétaire, alors il
informe directement les salariés. Lorsque l’entreprise emploie plus de deux cents quarante-neuf
salariés, l’information se fait plus tard au moment où le comité d’entreprise est saisi pour avis
de vente2759. Lorsqu’il s’agit de vente de parts sociales ou d’actions, le propriétaire informe le
représentant légal, lequel informe, à son tour, les salariés, sauf si ce dernier est lui-même
représentant légal2760.
1097. L’information des salariés peut se faire par plusieurs canaux2761. Elle peut se réaliser au cours
d’une réunion, par lettre remise en main propre ou encore par lettre recommandée avec
demande d’avis de réception 2762. La loi Macron, précédemment citée, est venue apporter une
précision sur ce dernier point. La date de l’information par ce canal s’apprécie dorénavant à la
première date de présentation de la lettre et non plus à celle apposée par la poste lors de sa
remise à son propriétaire2763. Par ailleurs, cette information doit intervenir deux mois avant la
vente de manière à ce que tous les salariés puissent se manifester 2764. Toutefois, la vente peut
avoir lieu avant l’expiration de ce délai, dès lors que les salariés concernés ont fait savoir leur
intention de ne pas vouloir présenter d’offre d’achat de façon explicite et sans équivoque2765. A
partir de là, le cédant dispose d’un délai de deux ans, afin de réaliser la vente sans qu’il n’y ait
besoin d’informer de nouveau les salariés.
2757
Art. L. 141-27, c. com. pour les entreprises de moins de 50 salariés et L. 141-32 pour celles employant entre
50 et 249 salariés.
2758
Art. L. 141-23, c. com.
2759
Art. L. 141-28, c. com.
2760
Art. L. 23-10-1 et L. 23-10-7, c. com.
2761
Art. L.141-25, c. com.
2762
Art. L. R.141-4, c. com.
2763
Art. L. 141-25, al. 2, c. com.
2764
Art. L. 141-23, c. com.
2765
Art. L. 23-10-1, al. 5, c. com.
485
1098. Quant à l’objet de l’information, la loi Hamon a prévu deux catégories. D’abord, l’information
obligatoire des salariés de la volonté du cédant de procéder de manière non équivoque à une
cession et de la possibilité pour eux de présenter une offre d’achat, dans le respect des
dispositions de l’article L.23-10-1 du code de commerce. Ensuite, l’information triennale sur
les possibilités de reprise d’une entreprise portant notamment sur les conditions juridiques, les
avantages et les difficultés liées à une telle reprise. Pour ce dernier point, le champ d’application
a été étendu. Désormais, cette information concerne les orientations générales de l’entreprise
relatives à la détention de son capital, sur le contexte et la condition d’une vente de celle-ci et
sur le contexte et les conditions d’un changement capitalistique substantiel.
1099. Le décret du 4 janvier 2016 précité précise les éléments dont les salariés doivent être informés
: les principales étapes d’une reprise de société, en précisant les avantages et les difficultés pour
les salariés et pour le cédant ; les éléments généraux en matière d’aide financière et
d’accompagnement pour la reprise d’une société par les salariés ; une liste d’organismes
pouvant accompagner les salariés par la fourniture de conseils ou par la formation en matière
de reprise d’une société ; une information générale sur les critères de valorisation d’une
entreprise, ainsi que sur la structure de son capital et son évolution prévisible. En contrepartie,
les salariés sont tenus à l’obligation de discrétion une fois imprégnés de ces informations, ce
dans les mêmes conditions que pour les membres du comité d’entreprise2766, sauf à l’égard des
personnes qui leur sont indispensables pour la formulation d’une offre. Tout manquement à
cette obligation, qui peut être comprise dans la clause de discrétion par extension, est passible
de sanction disciplinaire et pourrait faire l’objet d’un licenciement pour motif personnel à
l’encontre du salarié.
1100. Dans le cadre d’un plan prepack-cession qui nous intéresse, le chef d’entreprise devrait aussi
tôt informer les salariés. Nonobstant le caractère inopérant de la plupart des règles ordinaires
de la cession judiciaire d’entreprise dans le cadre d’une phase amiable, il devrait assurer cette
obligation d’information pour deux causes essentielles : d’abord parce que le conciliateur est à
la recherche d’un repreneur, l’information des salariés pourrait peut-être amener ceux-ci à
formuler une offre intéressante. Ensuite parce que de toutes les manières la cession sera réalisée
dans le cadre d’une procédure judiciaire où le manquement à une obligation légale (dont
2766
Art. L. 23-10-3, c. com., et L.2325-5, c. trav.
486
l’accomplissement d'une publicité suffisante) pourrait amener le tribunal à choisir une autre
offre qui remplit les critères de selection.
1101. En droit OHADA, le législateur ne prévoit pas expressément l’obligation d’informer les salariés
de la cession de l’entreprise qui les emploie, à tout le moins, dans le cadre d’un concordat
comportant cession partielle ou totale d’actif2767. Dans le silence des textes, rien n’interdit au
chef d’entreprise d’informer les salariés 2768. Même si l’offre de reprise est choisie par les
créanciers par suite d’un vote majoritaire, la recherche des offres de reprise reste exclusivement
réservée au chef d’entreprise 2769 assisté d’un syndic. Outre les obligations précédemment
évoquées, le cédant peut être tenu du passif non révélé lors de la cession, s’il a souscrit une
clause de garantie de passif.
1103. L’interprétation de la clause de garantie a été d’abord en faveur du débiteur de cette obligation
(le cédant) avant que la Cour de cassation ne retourne la situation en faveur de son créancier (le
cessionnaire). Les juges ont commencé par adopter une interprétation in concreto de la clause
2767
Art. 132 et s., AUPC.
2768
Art. 132, al. 1, AUPC.
2769
Lorsqu’il s’agit du redressement judiciaire : art. 52, AUPC.
2770
Com. 29 janv. 2008, n°06-20.010, NP.
2771
C. HAUSSMANN et M. VALERI, « Actualité jurisprudentielle en matière de garantie de passif », Revue Sociétés,
15 oct. 2009, article consulté le 12/08/2017.
2772
Com. 23 mai 2006, n°03-15426, Bull. civ. IV, 2006, n°130, p. 132.
487
de garantie de passif, c’est-à-dire en tenant compte des éléments extérieurs à celle-ci. Pour ce
faire, ils prenaient en compte le comportement et l’intention commune des parties 2773. De la
même manière, lorsque les termes de la clause n’étaient pas clairs, ils interprétaient en faveur
du cédant2774. Si une attitude dolosive ou un vice était caché lors de la cession, il revenait au
cessionnaire de le prouver. Depuis un arrêt de la Cour de cassation en 2015 2775, la situation a
connu un véritable retournement.
1104. En effet, cet arrêt a marqué une interprétation in abstrato de la clause de garantie de passif,
c’est-à-dire qu’il n’a tenu compte que des seuls termes de la clause. La Cour de cassation s’est
essentiellement basée sur les dispositions de l’ancien article 1134 2776 du code civil, et le
message est on ne peut plus clair : il faut respecter la convention des parties. Dès lors, les
éléments extérieurs à la clause ne sauraient suffire à outrepasser celle-ci. Le cessionnaire est
désormais soulagé dans la mesure où seuls les termes du contrat seront pris en compte. Cette
interprétation n’était-elle pas contraire, à l’époque des faits, à l’article 1134 et aujourd’hui aux
dispositions de l’article 1104 du code civil qui imposent (ordre public) que les contrats soient
négociés, formés et exécutés de bonne foi ? Cela signifie-t-il que le cessionnaire peut bien avoir
commis un acte de mauvaise foi et pouvoir invoquer la clause de garantie de passif ? Deux
arrêts 2777 avaient déjà tranché sur cette interrogation : « si la règle selon laquelle les conventions
doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une
prérogative contractuelle, elle n’autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits
et obligations légalement convenus entre les parties ». En d’autres termes, la mauvaise foi du
cessionnaire ne l’empêche pas de mettre en œuvre la clause de garantie. Toutefois, sa
responsabilité pourra être engagée. Il revient désormais au cédant de prouver cette mauvaise
foi. Or, il est très difficile en pratique de prouver cela. Dans cette nouvelle interprétation de la
Cour de cassation, une doctrine 2778 voit une mesure inéquitable : « alors que le cessionnaire a
parfaitement connaissance du vice de la marchandise ou du service au cœur du contrat, rien
2773
Com. 24 mai 1994, n°92-14.817 NP.
2774
V. G. NOTTE, « Les clauses dites de garantie d’actif et de passif dans les cessions de droit sociaux », JCP,
1985, I, 311936 ; Aix-en-Provence, 3 mars 1988, JCP 1989, éd. E., 11, 15415, A. VIANDIER et J. J. CAUSSAIN ;
Amiens, 1ère ch., 10 avr. 1987, JCP 1998, éd., N., II, p. 232.
2775
Com. 12 mai 2015, n°14-13. 234, Thelys avocats, 14 août 2015, obs. E. BASTIANELLI.
2776
Actuels articles 1103, 1193 et 1104 tels que modifiés par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, portant
réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l’obligation.
2777
Com.15 mars 2011, n°09-13.299, Rev. dr. Sociétés, juill. 2011, n°07, obs. M. L. COQUELET.
2778
E. BASTIANELLI, « L’étendue de la clause de garantie de passif : analyse de l’arrêt du 12 mai 2015 (com. 12
mai 2015, n°14-13.234), THely avocats, 14 août 2015, article consulté le 13 août 2017.
488
ne semble l’empêcher après-coup de se prévaloir de la clause de garantie pour obtenir un
dédommagement ».
1105. Le passif révélé après la cession doit avoir une origine antérieure à cette cession pour que la
clause de garantie de passif puisse être utilement actionnée. La détermination de la date précise
du passif concerné est importante à plusieurs égards dont, notamment, dans le cadre du
licenciement où elle peut poser un problème. En effet, la question s’est posée de savoir si les
indemnités de licenciement d’un salarié, postérieures à la cession, peuvent être opposées au
cédant en vertu de la clause de garantie de passif ? La Cour de cassation a indiqué que la clause
de garantie de passif prévoyant la garantie de dettes nées avant la cession ne saurait être étendue
aux dettes nées après la cession2779. Ainsi, si le licenciement a lieu après cette date, les
indemnités ne sauraient être supportées par le cédant, mais elles seront à la charge du
cessionnaire, ce même si le contentieux résulte d’un litige en germe antérieur à la cession car
le fait générateur de l’indemnité est le licenciement et non le litige antérieur 2780.
1106. La Cour de cassation a aussi répondu à la question de savoir si la responsabilité du cédant, dans
le cadre de la clause de garantie de passif, peut être limitée au nombre de parts cédées ? Dans
son arrêt, elle a indiqué que lorsque le cédant s’engage à supporter personnellement toutes les
dettes sociales non inscrites au bilan, cette responsabilité ne saurait se limiter aux seules parts
ou actions cédées 2781. Dans la plupart des cas, la garantie de passif englobe l’ensemble du passif
social. Cependant cinq ans plus tard, elle limitera l’étendue de son arrêt en indiquant que celui-
ci s’efface face à une stipulation de proportionnalité décidée par les parties 2782. Cela signifie
que la clause ne peut aller au-delà de ce qui est expressément écrit ou exclu. Ainsi, une clause
qui prévoit l’obligation pour le cédant de supporter tout passif de quelque nature qu’il soit ne
peut être étendue à la garantie de passif net, les parties ne l’ayant pas expressément prévue 2783.
La garantie de passif ne peut également pas, en outre, couvrir les créances irrécouvrables 2784.
1107. Par ailleurs, un sous-acquéreur peut-il se prévaloir de la clause de garantie de passif contre le
cédant ? La réponse a été jugée affirmative par la Cour de cassation2785. L’explication en est
2779
Com. 14 mai 2013, n°12-15.119 FS-P+B, Rev. droit des sociétés, nov. 2013, n°11, obs. R. MORTIER.
2780
Com. 31 mars 2009, n°08-12.702 NP.
2781
Com. 12 juill. 2005, « garantie de passif : diverses obligations du cédant », Legavox, 26 janv. 2016, J. DRAY,
2782
Com. 14 déc. 2010, n° 09-68.868, NP.
2783
Com.12 mai, 2015, n°14-13.234, F-D, le petit juriste, 22 juill. 2015, obs. P. E. EVANE.
2784
Com. 14 mai 1985, Bull. Joly Sociétés, 1985.782.
2785
Com. 12 févr. 2008, n° 06-15.951, NP ; Paris, 20 juin 2006, n°05-12.465.
489
simple : la clause de garantie étant attachée à la chose cédée, il en résulte que la responsabilité
reste la même, même en cas de changement d’acquéreur. Toutefois, le cessionnaire originaire
(le premier) ne peut plus l’invoquer après la vente. Toutefois, cette jurisprudence doit être
nuancée, lorsqu’il s’agit de passif fiscal en ce que ce dernier ne couvre que les périodes
antérieures non forcloses par l’administration fiscale ; la durée de la garantie est égale au délai
de prescription indiqué par les textes applicables. Un sous-acquéreur peut cependant, dans un
autre cas de figure, invoquer la nullité de la cession pour dol, lorsque son consentement a été
vicié, ce même en présence d’une garantie contractuelle2786. Il en ressort qu’il ne peut être argué
que la stipulation d’une clause de garantie ne peut faire obstacle à l’action en nullité de la
cession par le cessionnaire. La clause de garantie n’est par ailleurs pas subordonnée, comme
cela a été déjà dit, à la preuve d’un préjudice subi par l’acquéreur, sauf stipulation contraire par
les parties2787.
1108. Cependant, si le cessionnaire ne s’est pas acquitté de son obligation d’information préalable,
lorsqu’il en a été prévu par une clause, auprès du cédant, ce dernier peut remettre en cause
l’exécution de la clause de la garantie de passif. Comme le souligne un auteur 2788, l’un des
moyens les plus fréquemment utilisés par les cédants pour priver les garanties de passif
d’efficacité, au stade de leur mise en jeu, consiste à invoquer la violation par le cessionnaire de
la clause d’information dont ces garanties sont souvent assorties, laquelle met à la charge de ce
dernier l’obligation de prévenir le vendeur, dans un délai impératif et selon une forme
contractuellement convenue, de tout événement de nature à entraîner la mise en œuvre de la
clause de garantie de passif. Le contentieux surgit du fait que cette clause ne précise pas le plus
souvent la sanction applicable en cas de manquement à l’obligation d’information. D’abord, la
jurisprudence considérait que le manquement à l’obligation d’information du cédant de tout
événement de nature à actionner la clause, n’emportait pas, à lui seul, déchéance de la
garantie2789, et maintenait cette dernière nonobstant le non-respect du délai convenu pour sa
mise en œuvre, dès lors qu’aucune sanction n’avait été contractuellement convenue entre les
parties 2790. Ensuite, elle a considéré que ce non-respect emporte déchéance de la garantie. Il a
été ainsi jugé en 2006 que le bénéficiaire d’une clause de garantie de passif qui n’informe pas
2786
Com. 2 mai 2007, n° 05-21.975, Rev. droit des sociétés, août 2007, n°08, obs. H. HOVASSE.
2787
Com. 29 janv. 2008, n° 06-20.010, F-D, Rev. droit des sociétés, nov. 2008, n°11, obs. M. L. COQUELET.
2788
A. CONSTANTIN, « Mobilisation des droits sociaux : sanction de non-respect des conditions de mise en œuvre
des garanties conventionnelles : clauses de déchéances », RTD com. 2011, p. 580.
2789
Com. 9 mai 2001, n°98-17.774 NP.
2790
Com. 30 juin 1998, n°96-19.337 NP.
490
le garant dans le délai prévu perd cette garantie 2791. Ce nouveau courant jurisprudentiel a été
ultérieurement précisé par la Cour de cassation dans un attendu de principe : « {…}
l’inexécution par les cessionnaires de leur obligation d’informer les cédants, dans le délai
convenu, par lettre recommandée avec accusé de réception, de toute réclamation, de toute
action contentieuse et de tout fait et évènement générateur de la garantie de passif, faisait à
elle seule obstacle à ce qu’ils invoquent le bénéfice de celle-ci »2792 ; il a été réitéré plus tard
par deux arrêts en date du 15 mars 2011 2793 et du 7 juin 20112794 par lesquels la cour de cassation
a confirmé la déchéance de la garantie de passif en cas de non-respect du délai d’information.
1109. La période de couverture de la garantie peut être prévue par les parties selon la Cour de
cassation2795. Elles peuvent par exemple prévoir que la garantie ne commencera à s’appliquer
que si la révélation du passif intervient pendant un certain moment courant après la cession.
Elles peuvent également prévoir un délai durant lequel la garantie peut être invoquée à partir
de la révélation du passif2796. L’information précontractuelle, l’information des salariés ainsi
que la garantie de passif constituant certaines des obligations du cédant, pour le cessionnaire,
la principale obligation reste le paiement du prix de la cession.
2791
Com. 9 juin 2009, n° 08-17.843, Dalloz act., 19 juin 2009, obs. A. LIENHARD.
2792
Com. 9 juin 2009, n°08-17.843, JCP E 2009, 1767, n°3, obs. FI. DEBOISSY et G. WICKER.
2793
Com. 15 mars 2011, n°09-13.299, Rev. droit des sociétés, juill. 2011, n°7, obs. M. L. COQUELET.
2794
Com. 7 juin 2011, n°08-21.962 NP.
2795
Com. 2 mai 1990, n° 88-16.244, NP.
2796
Paris, 25e ch. A, 10 janv. 2003, SA traditions securities and futures et AC c/consorts Michelez.
2797
Art. L. 642-11, c. com.
2798
Com. 1er févr. 2000, LPA 2000, n° 159, obs. Ch. H. GALLET.
2799
« Le prix de cession servira à apurer les créances super privilégiées, les créances postérieures privilégiées, les
créances antérieures assorties de sûretés spéciales, puis les créances chirographaires : P. M. Le CORRE, Droit et
pratiques des procédures collectives 2017-2018, 9e éd., Dalloz Action, 2016, p. 1719.
491
OHADA2800. A cette principale obligation, s’ajoute l’exécution des contrats cédés, surtout ceux
de travail dans le respect des termes convenus (B).
2800
Art. 132, al. 2, 1°, AUPC.
2801
Art. 133, al. 2, 1°, AUPC ; v. l’approche comparative droit français, droit OHADA sur la finalité de la cession
judiciaire de l’entreprise en difficulté : supra, n°984, n°953.
2802
Com. 9 janv. 2001, RJDA 5/01, n°613 : à défaut de précision dans le plan, le prix de cession s’entend hors
taxes.
2803
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 852.
2804
ibid, n°1274.
2805
C. VINCENT, « La substitution dans le plan de cession d’une entreprise en difficulté », LPA, 25 nov.1998, p.
12 ; com. 8 déc. 1998, act. proc. coll. 1999, p. 80, obs. A. LIENHARD.
2806
Art. L.642-9, al. 1, c. com. ; Art. 133, al. 3, AUPC.
2807
Com. 30 mars 1993, JCP 1993, I, 3704, n°5, obs. R. CABRILLAC et Ph. PETEL. V. dans les cas où cela est
possible : Com. 3 janv. 1995, RJDA 5/95, n°649 ; Com. 17 mai 1994, JCP G 1994, 3799, n°5.
2808
F. PEROCHON, Entreprise en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2014, n°1279.
492
Il n’est pas l’ayant-cause à titre universel du cédant 2809. Par conséquent, il ne recueille que les
actions et droits différents des éléments d’actifs cédés 2810. Le cessionnaire doit respecter
l’exécution des contrats transférés.
1113. Dans ce processus judiciaire de continuation des contrats, la question s’est posée de savoir si
un contrat de bail commercial peut être résilié pour vice de forme ? Dans un arrêt rendu le 1 er
mars 2016, la cour de cassation a indiqué qu’« attendu que sauf disposition contraire du
jugement arrêtant le plan de cession, la cession judiciaire forcée du bail commercial en
exécution de ce plan n’est pas soumise aux exigences de forme de ce contrat ».2813 En l’espèce,
un jugement du 24 mars 2009 a arrêté en faveur d’une entreprise, la cession des actifs d’une
autre, dans le cadre d’un plan de cession adopté lors d’une procédure de redressement judiciaire
incluant un bail commercial. La cession a été régularisée par acte sous seing privé signifié au
bailleur. Se prévalant du fait que la cession avait été conclue sans que la forme authentique
prévue par le contrat de bail en cas de cession n’ait été respectée, le bailleur a assigné
l’acquéreur en résiliation et en expulsion. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a prononcé la
résiliation du bail au motif que le non-respect de ces conditions de forme constitue une
infraction aux clauses du bail. Arrêt que la Cour de cassation a sanctionné au visa de l’article
L. 642-7 du code de commerce, rendu applicable, par l’article L.631-22 du même code, au plan
de cession arrêté à la suite de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
2809
Com. 19 déc. 2006, n°04-20.591, NP, n°1060 ; F-D ; Com. 24 avr. 2007, n° 05-20. 151, NP.
2810
Com. 19 déc. 2006, n°04-20.591, NP.
2811
Art. L.1224-1, c. trav. ; Art. 107, AUPC.
2812
Art. L. 642-7, al. 1er, c. com. ; Art. 108, AUPC.
2813
Com. 1er mars 2016, n°14.14-716, LEDEN, avr. 2016, n° 53, obs. F. KENDERIAN ; BRDA, 6/16, n°9, p. 6 ;
note C. LACHENAL ; V. aussi F. KENDERIAN, Le sort du bail commercial dans les procédures collectives,
LexisNexis, 4e éd. 2015, n°120 et s.
493
Logiquement, la Cour de cassation a estimé qu’il résultait de l’article L.626-10, issu de la loi
de sauvegarde de 20052814, que le tribunal ne peut plus imposer au cessionnaire la reprise des
contrats qu’il ne s’est pas engagé à poursuivre.
1114. La question s’est également posée de savoir si le caractère intuitu personae d’un contrat ne fait
pas obstacle à sa cession ? D’abord, il importe de savoir que la particularité de ce type de contrat
est qu’il est conclu en considération de la personne du cocontractant. Or, sa cession opère
automatiquement un changement de ce dernier. Dès lors, l’on se demande si l’application du
principe de continuation des contrats en cours (à tout le moins pour ceux qui sont nécessaires
au redressement de l’entreprise), en vigueur dans les procédures collectives, aux contrats
conclus intuitu personae ne serait pas une atteinte grave au droit de la liberté contractuelle 2815
? Pour certains, il est choquant que de tel contrat puisse être transmis à un tiers qui n’est pas
celui choisi2816. En procédure collective, le respect de la liberté contractuelle, issue du droit
commun des contrats, se heurte à la nécessité de sauvegarder les entreprises. Dès lors, faut-il
admettre que la fin (sauvegarde de l’entreprise en difficulté) puisse justifier le moyen
(transmission d’un contrat conclu intuitu personae) ? Telle semble être la position de la Cour
de cassation pour le moment2817.
1115. Cette considération n’était pas le point de vue du législateur OHADA de 1998 qui prévoyait
expressément la résolution des contrats conclus intuitu personae dans les procédures
collectives : « hormis pour les contrats conclus en considération de la qualité du débiteur et
ceux prévus expressément par la loi de chaque États-partie, la cessation des paiements déclarée
par décision de justice, n’est pas une cause de résolution et clause de résolution pour un tel
motif est réputée non écrite ».2818 La nouvelle rédaction de l’article 107, issue de la réforme de
2015, n’a pas adopté cette position. Les contrats conclus intuitu personae obéissent au principe
de la continuation des contrats en cours 2819. IL peut donc être affirmé qu’un tel contrat est bien
2814
L. n° 2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173, p. 12187, texte n°5.
2815
A. BAMBE, « La continuation des contrats en cours dans les procédures collectives : notion/régime », aurelien
bamde - 30 oct. 2017, article consulté le 28 janv. 2018.
2816
F. X. TESTU, « Transmission du contrat » - §1- question de la transmission des contrats intuitu personae,
Dalloz, 2010 ; Ph. PERNAUD-ORLIAC, « Intuitu personae », Pernaud, publication consultée le 27 janv. 2018.
2817
Civ. 1re, 6 juin 2000, n°97-19347, Bull. 2000 I, n°173, p. 112.
2818
Art. 107, AUPC 1998 ; v. pour commentaire « La résolution de plein droit des contrats en droit OHADA dans
le cadre des procédures collectives », Actualité droit OHADA, 8 juin 2015, article consulté le 12 avr. 2018.
2819
Art.107, AUPC 2015.
494
transmissible en procédure collective OHADA. Les commentaires des rédacteurs du nouvel
Acte uniforme des procédures collectives vont en tout cas dans ce sens 2820.
1116. La considération liée à la personne n’est pas une donnée prioritaire dans ces procédures
judiciaires comme c’est le cas également dans le domaine de la transmission universelle du
patrimoine2821. Comme la Cour de cassation française, pour certains auteurs, ce caractère ne
peut y faire obstacle dès lors que le client cédé y a consenti, même implicitement 2822. Cependant
pour d’autres, il devrait en être autrement lorsque la considération de la personne du contractant
est portée à l’égard, non de la formation du contrat, mais de son exécution, c’est-à-dire lorsque
la qualité de la prestation est en cause 2823.
1117. Des doutes avaient été émis à propos des contrats de franchise2824 où une véritable divergence
existe par ailleurs tant au sein de la doctrine qu’au niveau des tribunaux 2825. Pour ce type de
contrat, certains auteurs écartent toute possibilité de cession lorsqu’elle porte atteinte à une
obligation essentielle de ce contrat2826 ou quand les qualités personnelles du cessionnaire sont
déterminantes2827 ; d’autres pensent qu’elle est impossible lorsque le franchiseur est en
procédure collective2828. Cependant un auteur pense qu’il faut distinguer selon qu’il s’agit d’une
franchise de service ou de distribution. Pour lui, la cession ne devrait être acceptable que si la
franchise porte sur la distribution2829. Au sein des tribunaux, les décisions sont également
contradictoires. Toutefois, une ligne directrice peut être notée entre elles. En effet, il apparaît,
dans un premier temps, qu’il faille distinguer selon que la procédure collective concerne le
franchiseur ou le franchisé et, dans un second temps, s’il s’agit d’une franchise de service ou
de distribution. Ainsi, certaines juridictions se sont opposées à la cession d’une franchise de
2820
V. commentaires sous art. 107, avant-projet de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives
d’apurement du passif, disponible sur le site legavox.fr.
2821
Com. 8 nov. 2017, n°16-17.296, note. M. MORDRZYK.
2822
L. AYNES, « Le caractère intuitu personae d’un contrat de maintenance informatique ne fait pas obstacle à sa
cession dès lors que le client cédé y a consenti, même tacitement », Dalloz, 1992, p. 278.
2823
F. X. TESTU, « Transmission du contrat » - §1- question de la transmission des contrats intuitu personae,
Dalloz, 2010 ; Ph. PERNAUD-ORLIAC, « ’Intuitu personae », pernaud, publication consultée le 27 janv. 2018.
2824
V. en ce sens, TGI Strasbourg, 20 déc. 2013, n°2013/003929.
2825
V. davantage sur la question, F.-L. SIMON, Théorie et pratique du droit de la franchise, éd., Joly, janv. 2009,
chap. 8, sect.1, §2.
2826
Ph. PETEL, « Le sort des contrats connus avec l’entreprise en difficulté », LPA, 18 mai 1992, n°60, p. 29.
2827
B. SOINNE, Traité des procédures collectives, 2e éd., Litec, 1995, spéc. n°17054-1705 ; D. FABIANI, « Les
conditions de la cession judiciaire des contrats dans la loi du 25 janv. 1985 », RJ com. 1987, p.41.
2828
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 4e éd., Montchrestien, 2001, n°958 ; F. COLLART-
DUTILLEUL et Ph. DELEBECQUE, « Contrats civils et commerciaux », D. 2004, n°956.
2829
Ph. LE TOURNEAU, Les contrats de franchisage, 2e éd., Litec, 2007, spéc. n°366.
495
services où il était question de substituer le franchiseur 2830. Une cour d’appel avait néanmoins
accepté une telle cession2831 avant de se dédire tout récemment 2832. Quant à la franchise de
distribution, sa cession a été jugée possible de même que la substitution de franchiseur 2833.
1118. Cette ligne directrice dans cette construction prétorienne relève de la pure logique. En effet,
lorsque l’exécution de la franchise dépend des compétences du cocontractant (le franchiseur),
ce qui est le cas dans la franchise de service, la cession judiciaire (forcée) de cette franchise
suppose une modification obligatoire du contrat. Or, le code de commerce indique que les
contrats cédés dans le cadre de cette cession judiciaire sont exécutés aux conditions en vigueur
au jour de l’ouverture de la procédure collective 2834. Dans tous les cas, une telle cession ne sera
ordonnée par le juge que lorsqu’elle est nécessaire pour l’activité du cédant 2835. En l’état actuel
de la jurisprudence, leur cessibilité semble admise dans les procédures collectives, dès lors que
la condition relative au redressement de l’entreprise est justifiée 2836.
1119. Dans la procédure de liquidation judiciaire, la jurisprudence n’admettait pas la cession forcée
des contrats de fournitures de biens ou de services2837. Selon la Cour de cassation, l’ancien
article L.621-88 du code de commerce, réinséré dans ledit code au chapitre relatif au
redressement judiciaire, étant dérogatoire au droit commun, devait être interprété de façon
stricte. En d’autres termes, elle excluait toute assimilation du plan de redressement par voie de
cession à la cession d’unités de production prévue dans le cadre de la liquidation judiciaire 2838.
C’est le droit commun des contrats qui s’appliquait dans le respect des conditions
contractuelles.
1120. La Cour de cassation a, en outre, précisé que dès lors qu’un pacte de préférence constitue une
créance personnelle, la cession d’un contrat de bail ordonnée par le jugement arrêtant le plan
de cession du cessionnaire mis en redressement judiciaire, n’emporte pas transmission au profit
2830
Orléans, 14 sept. 2000, D. 2001, note Y. M AROT ; Versailles, 28 mars 1996, RJDA 1996, n°973 ; Paris, 15 déc.
1992, JCP E 1993, I, 275, n°6, obs. Ph. PETEL.
2831
Versailles, 23 juin, 1988, Gaz. pal. 1, somm. p. 112.
2832
Versailles, 28 mars 1996, RJDA 1996, n° 973 ; Rev. proc. coll. 1998, p.379, obs. B. SOINNE.
2833
Versailles, 13 mai, 1993, Rev. proc. coll. 1995, p. 172, obs. B. SOINNE.
2834
Art. L.642-7, al. 3, c. com.
2835
Douai, 27 sept. 2007, RG n°06/00864, inédit.
2836
V. en ce sens, JCP entreprise, n°6.11. 2014, p. 19.
2837
Com. 3 févr. 2003, RJDA 2003, n°747 ; Com. 19 déc. 1995, Bull. civ. 1995, IV, n°333 ; D. 1997, somm. p. 3,
obs. F. DERRIDA ; Com. 3 mai 2003, LPA, 8 déc. 2003, p. 112, obs. MOTTET.
2838
Com. 19 déc. 1995, Bull. civ. 1995, IV, n°333 ; D. 1997, somm. p. 3, obs. F. DERRIDA ; D. des affaires. 1996,
p. 18.
496
du repreneur du pacte de préférence contenu dans ce bail2839. En revanche, ne peut être cédé, le
contrat de prêt portant sur des fonds entièrement remis à l’emprunteur avant l’ouverture de sa
procédure collective2840. La condition que les fonds aient été remis ne s’appliquent plus depuis
un arrêt de la Cour de cassation en date du 9 février 2016 : « le prêt consenti par un professionnel
du crédit avant le redressement judiciaire de l’emprunteur, n’est pas un contrat en cours, au
sens de l’article L.622-13 du code de commerce et ne peut donc être cédé au titre des contrats
visés à l’article L.642-7 ».2841 Aussi, le cautionnement ne peut être cédé, dès qu’étant conclu
entre le créancier et la caution, il ne fait pas partie des contrats de l’entreprise débitrice, tout
comme la caution ne se trouve pas libérée par l’engagement du cessionnaire à reprendre le
contrat2842.
1121. Sur le sort des contrats non cédés, l’ordonnance du 12 mars 2014 2843a pris parti. La Cour de
cassation avait estimé que les contrats non repris dans le plan de cession totale ne se trouvent
pas résiliés par l’effet du jugement arrêtant ce plan 2844. Jusqu’à cet arrêt, la position
jurisprudentielle était plutôt favorable 2845. Comme le souligne un auteur, l’hypothèse de la
résiliation de plein droit, en dehors de toute disposition légale la prévoyant, était aussi erronée
en droit qu’inopportune en pratique 2846. La censure de la Cour de cassation était, de toutes les
manières, attendue depuis qu’elle avait estimé en 2005, concernant la question des contrats en
cours en cas de liquidation judiciaire, que « le prononcé de la liquidation judiciaire n’a pas
pour effet d’entraîner la résiliation des contrats en cours »2847, position confirmée plus tard par
les réformes notamment par l’ordonnance du 18 décembre 2008 2848, même dans le cas
d’absence d’activité2849. Alors que doit-on faire de ces contrats non repris dans le plan et non
résilié ? Pour un auteur, ils pourraient servir à quelque chose dans la liquidation résiduelle des
2839
Com. 13 févr. 2007, Bull. civ. IV, n°03.
2840
Com. 9 avr. 1991, n°89.18.817, Bull. civ. IV, n°127, p. 91.
2841
Com. 9 févr. 2016, n°14-23.219, BRDA 5/16, n°08 ; LEDEN 2016 n°39, p. 04 ; JCP E 2016.
2842
Com. 9 févr. 2016, n°14-23.219, BRDA 5/16, n°08 ; LEDEN 2016 n°39, p. 04 ; JCP E 2016, n°1280, obs. T.
STAFANIA.
2843
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des
procédures collectives, JORF n° 0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
2844
Com. 6 oct. 2009, FS-P+B, n°07-15.325, obs. A. LIENHARD.
2845
Paris 17 mai 1994, RJ. com. 1995, 73, note C. VINCENT ; Rev. proc. coll. 1996. 479, obs. B. SOINNE.
2846
A. LIENHARD, « Plan de cession totale : sort des contrats non cédés », Dalloz actualité, 14 oct. 2009, p.1.
2847
Com. 15 févr. 2005, Bull. civ. IV, n°28 ; D. 2005, AJ. 641, obs. A. LIENHARD.
2848
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
2849
Art. L.641-10 et s.
497
actifs laissés à l’écart de la cession totale 2850. Pour l’heure, la Cour de cassation n’a pas émis
d’avis tranché sur la question à notre connaissance.
1122. Toutefois, la chambre commerciale a déjà estimé qu’est un excès de pouvoir, la décision d’un
tribunal de commerce prononçant la résiliation d’un contrat non cédé dans le plan de cession 2851.
Il en découlait que le cocontractant ne pouvait, après la cession totale, solliciter et obtenir la
résiliation du contrat poursuivi, que dans le cas de figure, presque inévitable lorsqu’il s’agit
d’une obligation financière à la charge du débiteur, de défaut de paiement de ce dernier, et cela
que l’option en faveur de la continuation ait été ou non exercée 2852. Depuis l’ordonnance du 18
décembre 20082853, l’administrateur peut demander la résiliation judiciaire au juge
commissaire, à la condition que cette résiliation soit nécessaire « à la sauvegarde de
l’entreprise et ne porte pas une atteinte considérable aux intérêts du cocontractant ».2854
Aucune possibilité n’était offerte au cocontractant. C’est ce vide que l’ordonnance du 12 mars
2014, précédemment citée, est venue combler à travers le nouvel alinéa ajouté à l’article L.642-
7 du code de commerce, qui permet au cocontractant de demander la résiliation du contrat, si
la poursuite de son exécution n’en est pas demandée par le liquidateur.
1123. Lorsque le tribunal est amené à se prononcer sur la cession des contrats, le ou les cocontractants
sont convoqués à l’audience quinze jours au moins avant la date prévue, par lettre recommandée
avec demande d’avis de réception à la diligence du greffier, sur les indications du liquidateur
ou de l’administrateur lorsqu’il en a été désigné un. Le jugement qui arrête le plan emporte
cession de ces contrats, même lorsque la cession est précédée de la location-gérance prévue à
l’article L.642-13 du code de commerce. Si le transfert automatique des contrats de travail ne
fait pas l’objet de beaucoup de contentieux en soi, il n’en va pas de même pour le sort des
salariés.
1124. Le sort des salariés 2855, lors de la cession d’entreprise, a toujours fait l’objet d’une attention
particulière tant auprès de la jurisprudence que du côté du législateur. Les contentieux entre
2850
A. LIENHARD, « Plan de cession totale : sort des contrats non cédés », Dalloz actualité, 14 oct. 2009, p. 1.
2851
Com. 10 mars 2009, act. proc. coll. 2009, abs. PETIT.
2852
P.-M. LE CORRE, « Le sort du contrat non cédé dans le plan de cession », JCP E 2006, n°21 et s. 171.
2853
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19
déc. 2008, p. 19462, texte n°29.
2854
Art. L.622-13, III, c. com.
2855
F.O. ETOUNDI, « La protection des salariés dans l’entreprise en difficulté », Doctrine OHADA, Act. juri. n°50,
p. 247.
498
patrons et salariés sont très récurrents 2856. Selon le code de travail, en cas de modification dans
la situation juridique de l’employeur (vente, fusion, transformation du fonds, mise en société
de l’entreprise.), tous les contrats de travail en cours sont maintenus avec le nouvel
employeur2857. Il n’y a pas de formalités particulières à remplir pour ce faire, excepté
l’information du comité d’entreprise2858. Toutefois, deux conditions doivent être remplies pour
le transfert des contrats de travail en cours. Selon une jurisprudence constante, les dispositions
de l’article L.1224-1 du code de travail s’appliquent à « tout transfert d’entité économique
conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise ».2859 Rappelons, par ailleurs,
que la Cour de cassation a eu à indiquer que l’application de ces dispositions peut être prévue
expressément par une convention collective 2860. Pour qu’il y ait transfert des contrats de travail,
l’entité transférée doit être autonome et conserver son identité.
1125. Le caractère autonome d’une entité a été défini par la jurisprudence comme un ensemble de
personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant de poursuivre une activité
économique et poursuivant des intérêts propres 2861. De cette définition, il résulte que le transfert
peut concerner aussi bien une activité principale qu’une activité secondaire, à l’image d’une
entité économique. Les dispositions de l’article 1224-1 précédemment cité visent l’entreprise
au sens large. Par conséquent, la mise en location-gérance d’un fonds de commerce, ainsi que
la succession des locataires-gérants emportent transfert des contrats de travail en cours. Il peut
s’agir d’un seul salarié affecté partiellement à l’entité transférée 2862. Cependant, la reprise par
un employeur d’une activité secondaire ou accessoire n’entraîne le maintien des contrats de
travail en cours que lorsque cette activité est exercée par l’entité économique autonome 2863. Les
éléments corporels et incorporels comprennent notamment l’outillage, la clientèle,
l’équipement, le bail commercial. Il doit s’agir d’un ensemble bien organisé ; quelques éléments
d’exploitation non significatifs ne suffiront pas pour caractériser l’entité économique 2864.
2856
Soc. 10 oct. 2006, n°04-46.134, Bull. 2006, n°294, p. 281 ; Soc. 27 mai 2009, n°08-42.555, Bull. 2009 V,
n°136.
2857
Art. L. 1224-1 c. com.
2858
Art. L.2323-33, c. trav.
2859
Com. Ass. plén., 16 mars 1990, n°89-45.730, Bull. A.P.N., n°4, p. 6.
2860
Soc. 17 mars 1993, n°90-41.996, Bull. 1993, V, n°88, p. 60.
2861
Soc. 23 janv. 2002, n°99-46.245 NP, Soc.7 juill. 1998, n°96-21.451, Bull. 1998, V, n°363, p. 275.
2862
Soc. 8 juill. 2009, n°08-42.912 NP, inédit.
2863
Soc. 8 juillet 2009, n°08-43.092 NP, inédit.
2864
Soc. 27 mai 2008, n°06-45.988 NP, inédit.
499
1126. L’entité à transférer doit avoir une identité propre. Cette condition implique que le nouvel
exploitant poursuive la même activité ou, à tout le moins, une activité connexe ou similaire afin
de permettre le maintien des emplois sans changements profonds des procédés de fabrication
ou de commercialisation. A contrario, la condition n’est pas satisfaite si l’entreprise est cédée
sans que l’activité ne soit reprise par le nouvel employeur 2865(cessionnaire).
1127. Ce sont tous les salariés qui sont concernés quelle que soit la nature du contrat (CDI, CDD,
VRP, les contrats suspendus pour cause légale). La condition est que le contrat soit en cours.
Les contrats d’apprentissage se poursuivent avec le nouveau patron. Toutefois, ce dernier doit
solliciter l’agrément du comité départemental de la formation professionnelle et de la promotion
sociale. Il ne peut imposer une nouvelle période d’essai au salarié dont le contrat vient d’être
transféré2866. Lorsqu’une procédure de licenciement est en cours au moment du transfert, le
salarié qui effectue son préavis, le poursuivra chez le nouvel employeur.
1128. Si les règles concernant les salariés ordinaires sont les mêmes, il en va autrement pour les
salariés protégés 2867. En effet, lorsque l’entreprise est cédée dans sa totalité, le transfert des
contrats des salariés protégés au nouveau patron se fait sans formalité particulière. En revanche,
si la cession n’est que partielle, une autorisation administrative sera nécessaire, afin d’éviter
toute éventuelle discrimination à l’encontre du ou des salariés 2868. L’ancien patron de
l’entreprise devra avoir l’autorisation de l’inspection du travail préalablement à la cession. Si
l’autorisation est acquise, le contrat de travail du salarié protégé se poursuit de plein droit chez
le nouveau patron. Si, au contraire, l’autorisation est refusée, le salarié protégé peut demander
à continuer son contrat au même poste et avec la même rémunération chez l’ancien patron.
1129. Les contrats de travail en cours sont maintenus dans les conditions identiques qu’avant la
cession2869. Le salarié dont le contrat de travail a été transféré garde sa qualification, sa
rémunération et son ancienneté. Le nouvel acquéreur devra ajouter à son ancienneté, celle
acquise avec l’ancien patron. La suspension du contrat de travail n’a aucune incidence sur la
cession. Il en est de même pour les congés sans solde ou le détachement 2870. Les dettes
2865
Soc. 3 mars 2009, n°07-45.641 NP, inédit.
2866
Soc.13 nov. 2001, n°99-43.016, Bull. 2001, V, n°341, p. 272.
2867
Art. L.2414-1, c. com., Cons. D’État, 22 mai 2013, n°34-0111 ; Soc. 15 nov. 2011, n°10-15294, n°2395 P+B
Bull. 2011, V, n°265 ; Soc. 23 mars 2017, n°15-24.005, n°550 P+B.
2868
Soc. 23 mars 2017, n°15-24005, 15.24022 et 15.24831, juritravail, C. G. OPPICI, 25, avr. 2017.
2869
Art. L.1224-1 et L.1224-2, c. trav.
2870
Soc. 27 mai 2009, n°08-42.555, Bull. 2009, V, n°136 ; Soc. 24 juin 2009, n°07-45.503 NP, inédit.
500
salariales sont à la charge du nouvel acquéreur si celui-ci s’est engagé, dans le cadre du plan, à
supporter les droits attachés aux contrats transférés 2871. Toutes les clauses et avantages contenus
dans le contrat subsistent, tels que la clause de mobilité, la clause de non concurrence, la voiture
de fonction, ou le logement accordé en vertu du contrat ; le respect de ces droits antérieurs par
le nouvel employeur ne saurait être qualifié de discriminatoire par rapport à ses anciens
employés. De même, tous les avantages collectifs non contractuels applicables dans l’entreprise
avant la cession sont maintenus. Ce sont notamment les accords unilatéraux pris par l’ancien
employeur, les usages, les accords conclus avec les représentants du personnel. Toutefois, ces
avantages collectifs ne s’imposent au nouveau patron que lorsqu’il ne les a pas dénoncés en
temps utile et de manière régulière2872.
1130. Il faut dire qu’il dispose du droit de faire des modifications dans le contrat de travail 2873. Ce
sera dans le respect des règles en vigueur et avec l’accord du salarié qui doit être informé par
lettre recommandée avec avis de réception. Son accord doit être explicite 2874. A défaut, la
jurisprudence qualifiera cette modification de licenciement sans cause réelle 2875. Toutefois, il
reviendra au salarié victime de la prouver 2876. Cependant, ces modifications ne doivent pas avoir
pour but de faire échec à l’article L.1224-1 du code de travail précité. Il peut aussi procéder à
des licenciements à condition de disposer d’une cause sérieuse et réelle2877.
1131. Les accords collectifs ou les conventions collectives restent maintenus suivant un régime
particulier. En effet, le sort des conventions collectives ou des accords collectifs, applicables
au sein de l’entreprise lors du transfert, est régi par les dispositions de l’article L. 2261-14 du
code de travail. Selon ce texte, un préavis de trois mois est prévu pour permettre une négociation
entre les syndicats et le nouveau patron, afin d’adapter les dispositions anciennes à celles
nouvellement applicables, ou bien d’élaborer de nouvelles dispositions conventionnelles. Cette
négociation s’impose au vu d’une convention collective dans l’entreprise d’accueil2878, et
l’accord de substitution doit être un accord collectif ne portant que sur des dispositions plus
2871
Soc. 30 juin 2016, n°14.26-172, FS-P+B.
2872
Art. L.2261-9, c. trav. ; Soc. 21 sept. 2005, n°03-43.532, Rev. dr. trav., 31 déc. 2007, H.-J. LEGRAND.
2873
Art. L.1222-6, c. trav. ; Soc. 29 janv. 2014, n°12-19.479, Bull. 2014, V, n°34.
2874
Soc. 08 oct. 1987, n°84-41.902, Bull. 1987, V, n°541, p. 344.
2875
Soc. 22 févr. 2006, n°03-47.639, Bull. 2006, V. n°81, p. 73.
2876
Soc. 24 sept. 2008, n°07-41.758 NP, inédit.
2877
Art. L.1232-1, c. trav. La procédure prévue à L.1233-58 doit cependant être respectée.
2878
Soc. 19 oct. 1999, n°97-42.946 NP, inédit.
501
favorables 2879. Les anciennes dispositions restent applicables jusqu’à l’entrée en vigueur des
nouvelles. Selon un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, « en cas de transfert
d’un contrat de travail en application des dispositions de l’article L.1224-1 du code de travail,
la convention collective dont relève le repreneur s’applique immédiatement au salarié, les
dispositions plus favorables de l’accord mis en cause continuant cependant à lui bénéficier
dans les conditions prévues par l’article L. 2261-14 du code de travail ».2880 Les avantages de
chaque texte peuvent se cumuler s’ils n’ont pas le même objet ou la même cause 2881.
1132. En l’absence de négociation, les anciennes dispositions continuent à s’appliquer pendant un an,
sauf si une clause prévoit une durée supérieure, à partir de l’expiration du préavis de trois mois.
Passé ce délai, les salariés de l’entreprise cédée pourront se prévaloir des anciennes dispositions
conventionnelles, s’ils en ont bénéficié à titre personnel. Il s’agit d’avantages individuels acquis
qui seront insérés dans le contrat de travail de chacun des salariés concernés. En tout état de
cause, les salariés de l’entreprise cédée pourront se prévaloir des conventions collectives
applicables dans l’entreprise d’accueil. En cas de conflit entre les avantages prévus aux
anciennes dispositions conventionnelles et ceux prévus aux nouvelles, ce sont les dispositions
les plus favorables qui s’appliquent.
1133. Si le salarié refuse de poursuivre son contrat de travail à cause d’un simple changement des
conditions de travail en vertu de la clause de mobilité, il se rend responsable de l’inexécution
du préavis qu’il refuse d’exécuter aux nouvelles conditions. Par conséquent, il se prive de
l’indemnité de préavis ainsi que des congés payés y afférents 2882. Les contrats transmis doivent
être exécutés dans les conditions en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure collective,
nonobstant toute clause contraire. Ce principe oblige, notamment, le repreneur à reconstituer
un dépôt de garantie stipulé dans un bail commercial2883.
1134. Concernant la cession judiciaire des contrats, la loi du 26 juillet 2005 2884 a repris largement les
dispositions de l’ancien article L. 621-88 du code de commerce. Une seule modification est à
signaler : le tribunal ne peut plus accorder des délais de paiement au cessionnaire pour assurer
2879
Soc.10 févr. 2010, n°08-44.454, Bull. 2010, V, n°36.
2880
Soc. 10 févr. 2010, n°08-44.454, Bull. 2010, V, n°36.
2881
Soc. 24 juin 1992, n°90-42.432 NP, inédit.
2882
Soc. 31 mars 2016, n°14-19.711, Bull. d’information 2016, n°848, ch. soc. n°1113.
2883
id.
2884
L. n° 2005-845 du 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF n°173, p. 12187, texte n°5.
502
la poursuite de l’activité. Cette disposition avait fait l’objet de critique en raison, notamment,
de l’avantage concurrentiel qu’elle offrait au repreneur, mais aussi de son incompatibilité avec
l’exigence d’un plan sérieux. En effet, si le cessionnaire n’est pas en mesure de faire face sans
qu’on ne le ménage par rapport à la future charge des contrats cédés, c’est que sa situation
financière est précaire au point d’être au bord de la cessation des paiements, estime un
auteur2885. C’est pour cette raison d’ailleurs que le législateur reste rigoureux quant à
l’exécution de certains contrats particuliers. Pour les baux commerciaux par exemple, la loi du
18 juin 20142886 a ajouté une disposition qui prévoit que si un contrat de bail portant sur un ou
plusieurs immeubles ou locaux utilisés pour l’activité de l’entreprise figure dans le plan de
cession, le tribunal peut autoriser, dans le jugement arrêtant le plan, le cessionnaire à adjoindre
à l’activité prévue au contrat des activités connexes ou complémentaires. Le tribunal statue
après avoir dûment appelé ou entendu le bailleur.
1135. En cas de cession d’un contrat de crédit-bail, le crédit-preneur ne peut lever l’option d’achat
qu’en cas de paiement des sommes restant dues dans la limite de la valeur, fixée d’un commun
accord entre les parties ou, à défaut, à la requête de l’une ou l’autre des parties à la date de la
cession2887. En cas de désaccord entre les parties sur la valeur du bien, objet du contrat de crédit-
bail, le tribunal fixe cette valeur, au besoin après expertise, dans le plan de cession ou, à défaut,
à la requête de l’une ou l’autre partie. Les sommes restant dues, sont à peine de nullité du
paiement, versées par le repreneur au liquidateur qui les remet immédiatement au crédit-
bailleur. Ces sommes viennent en déduction de la créance admise du crédit-bailleur lorsqu’elles
sont relatives aux loyers impayés au jour du jugement d’ouverture. La Cour de cassation a
indiqué que le plafonnement ainsi prévu ne s’applique qu’aux sommes demeurées impayées du
chef du précédent crédit-preneur en procédure collective, le cessionnaire n’étant pas dispensé
de payer l’intégralité des sommes qui lui incombent personnellement au titre du contrat
cédé2888.
1136. Pour la fiducie, l’ordonnance du 18 décembre 2008 2889 n’a complété l’article L.642-7 que dans
le but de protéger le bénéficiaire d’une fiducie-sûreté contre le risque que la convention de mise
2885
C. SAINT-ALARY-HOUIN, Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., LGDJ, 2016, p. 853.
2886
L. n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, JORF n°0124
du 19 juin 2014, p. 10105.
2887
Art. L.642-7, al. 5, c. com.
2888
Com. 23 nov. 2004, n°03-13.035, Bull. civ. IV, n°205, p. 231.
2889
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n° 0295 du 19
déc. 2008, p. 19462.
503
à disposition du bien, objet de la fiducie, puisse être transférée au cessionnaire. Comme les
actifs transférés dans un patrimoine fiduciaire ne peuvent, par définition, être inclus dans un
plan de cession, le texte, par mesure de cohérence, a étendu ce principe à cette convention, en
exécution de laquelle, le débiteur constituant conserve l’usage ou la jouissance d’un bien ou
d’un droit transféré à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire. Il est ainsi précisé à ce
sujet que « la convention en exécution de laquelle le débiteur constituant conserve l’usage ou
la jouissance d’un bien ou d’un droit transféré à titre de garantie dans un patrimoine judiciaire
ne peut être cédée au repreneur, sauf accord des bénéficiaires des contrats de fiducie ».2890
Cette disposition complète celle du texte prévoyant que le régime des contrats en cours
s’applique à cette convention2891. Dès lors que la convention de mise à disposition peut être
poursuivie, il était nécessaire que soit prévu un moyen évitant son transfert au cessionnaire,
sans l’accord du bénéficiaire de la fiducie, qui ne le donnera, en pratique, qu’à condition d’être
certain de ne pas affaiblir sa sûreté. En d’autres termes, le repreneur devra rassurer quant au
remboursement de la dette garantie. Par ailleurs, la cour d’appel de Paris a jugé que la cession
de l’ensemble des actifs du constituant par voie de plan de cession ne pouvait viser la cession
des biens, objets d’une fiducie-sûreté, avant le jugement d’ouverture 2892. Ce qui est tout à fait
normal dans la mesure où celle-ci emporte transfert de la propriété au profit du fiduciaire.
Conclusion du Chapitre 2
1137. Le plan de cession, pré-arrangé en amont de la procédure de conciliation, est exécuté en aval
d’une procédure judiciaire. L’offre prepack est en principe privilégiée, cependant si elle ne
remplit pas les conditions requises, le tribunal peut ouvrir un nouvel appel d’offres. Cette
cession peut s’exécuter dans le cadre de toutes les procédures judiciaires ; elle va de pair avec
le prepack-sauvegarde - et éventuellement avec le prepack-règlement préventif - du fait de la
célérité caractérisant ces derniers. Le prepack-cession n’est pas formellement adopté en droit
OHADA ; les chefs d’entreprise peuvent y recourir en dépit de ce manque de cadre juridique
approprié. Les dévéloppements contenus dans le deuxième titre de la deuxième partie de la
présente thèse peuvent être conclus comme suit.
2890
Art. L.642-7, al.6, c. com.
2891
Art. L.622-13, VI, c. com.
2892
Paris, 4 nov. 2010, n°10/07100 ; F. BARRIERE, « La fiducie-sureté en droit français » Rev. de droit Mcgill law
journal, juin 2013, volume 58, n°4.
504
Conclusion du titre 2
505
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE.
1139. Le procédé de passerelle joue un rôle préventif et un rôle curatif dans le traitement des
difficultés des entreprises. La négociation amiable et discrète ainsi que l’anticipation de
l’intervention du tribunal permettent de prévenir toute aggravation des difficultés actuelles du
débiteur, tandis que la rapidité des opérations judiciaires d’adoption du plan pré-négocié vise à
sauvegarder son potentiel économique. Des efforts législatifs ont été faits en droit français pour
la prévention et le traitement curatif des difficultés des entreprises. Des améliorations peuvent
être apportées, telles que l’introduction des comités de créanciers dans la procédure de
conciliation et l’autonomisation de la procédure de mandat ad hoc pour préparer une cession
pré-arrangée. Il en est de même en droit OHADA où la réforme du régime de la cessation des
paiements, l’adoption d’une passerelle entre la conciliation et le règlement préventif, la création
des tribunaux de commerce dans les États-membres pourraient favoriser un traitement
professionnel des contentieux d’une part et le redressement des entreprises d’autre part.
1140. Après la reconnaissance des sauvegardes accélérées dont le plan est pré-arrangé, le législateur
français a adopté la cession pré-négociée en 2014. Dans cette cession d’entreprise, le plan est
discuté et élaboré dans le cadre d’une phase amiable, avant d’être exécuté lors d’une phase
judiciaire. A l’ouverture de cette dernière, si le plan ne satisfait pas les conditions requises pour
être arrêté, le tribunal procède à un nouvel appel d’offres. Le prepack-cession peut être mis en
œuvre dans chacune des procédures collectives du droit français et, éventuellement, du droit
OHADA ; en théorie, elle s’adapte mieux à une procédure passerelle qui est rapide. Les
législateurs français et OHADA assignent des objectifs différents à la cession d’entreprise.
Alors que cette dernière doit permettre prioritairement la restructuration de l’entreprise en
difficulté en vue de la continuation d’exploitation en droit français, en droit OHADA, elle vise
à acquitter le passif du débiteur. En conclusion générale des deux parties de cette thèse, nous
choisirons de donner l’essentiel de chaque conclusion partielle ; nous finirons par donner notre
position à l’égard de la problématique traitée.
507
CONCLUSION GENERALE
1142. Le procédé de passerelle a une vocation préventive qui permet la négociation d’une solution de
redressement de l’entreprise entre le dirigeant de cette dernière et les créanciers en amont d’une
phase amiable et une vocation curative qui permet, d’une part, d’optimiser son actif et, d’autre
part, de maîtriser son passif en aval d’une phase judiciaire. Le législateur français a diversifié
les outils de redressement des entreprises en difficulté. Outre les sauvegardes accélérées, il a
reconnu le prepack-cession afin de faciliter la cession judiciaire des entreprises. Cette cession
508
pré-arrangée rime avec la sauvegarde accélérée, les deux opérations obéissant au même
principe. Des pistes d’amélioration existent. Il en est ainsi de l’instauration des classes de
créancies dans la procédure de conciliation et de l’autonomisation de la procédure du mandat
ad hoc pour la préparation d’une cession pré-arrangée. Par l’adoption d’un nouvel Acte
uniforme des procédures collectives, le législateur OHADA favorise le redressement des
entreprises en difficulté. Cependant, des réformes restent nécessaires, dont notamment
l’assouplissement du régime de la cessation des paiements. De même, la création d’une
passerelle entre la conciliation et le règlement préventif peut être intéressante, tout comme
l’ouverture de cellules spéciales de conseil, d’information et d’orientation dans les juridictions
à compétence commerciale à l’attention des chefs d’entreprise. En outre, l’espace juridique
OHADA doit faire face à un défi institutionnel. En ce sens, un appel aux États-membres pour
la création des tribunaux de commerce, afin de spécialiser et de professionnaliser le traitement
des contentieux régis par l’AUPC, est une nécessité au même titre que le renforcement de la
formation des magistrats et des auxiliaires de justice qui interviennent dans le traitement des
difficultés des entreprises. Ces améliorations pourraient permettre aux droits français et
OHADA d’être efficaces et plus compétitifs sur plan international.
1143. En dehors des droits français et OHADA qui sont concernés par l’objet de notre étude, nous
nous sommes intéressés, dans une perspective comparative, à d’autres droits. En ce sens, le
scheme of arrangment du droit anglais a été analysé comme une procédure amiable même s’elle
semble, toutefois, plus autoritaire que les procédures amiables française et OHADA, pour la
recherche d’un accord amiable entre un chef d’entreprise et ses créanciers ; il résulte de notre
analyse que cette procédure anglaise correspond plus aux sauvegardes accélérées du droit
français. Le chapitre 11 du code fédéral américain de la faillite, source d’inspiration du procédé
de passerelle, a été évoqué ; s’il marque certaines différences avec le régime d’une sauvegarde
accélérée du droit français, telle l’obligation de passer par une procédure amiable spécifique
(conciliation) avant d’accéder à la procédure judicaire d’adoption du plan pré-arrangé, il semble
avoir une certaine convergence avec le régime juridique du règlement préventif du droit
OHADA en termes de souplesse. Le droit belge des entreprises en difficulté a procédé à
d’importantes réformes ces dernières années ; le redressement de l’entreprise en difficulté par
le procédé de plan pré-négocié a été reconnu, de même que la cession pré-arrangée comme en
droit français, au travers des procédures de l’accord amiable et de la réorganisation judiciaire.
Enfin, le droit marocain, qui attend une importante réforme en matière du traitement des
difficultés des entreprises, ne reconnaît pas, comme le droit OHADA, le mécanisme de plan
509
pré-arrangé, ni dans le texte en vigeur, ni dans le projet de celui qui devrait être bientôt adopté.
En définitive, nous pouvons affirmer que le procédé de passerelle, entre le traitement amiable
et celui judiciaire des difficultés des entreprises, est une bonne approche de redressement des
entreprises en difficulté ; il peut être utilile en droit OHADA.
1144. L’autonomisation de la procédure de mandat ad hoc pour pré-arranger une cession en droit
français et l’adoption du prepack-cession en droit OHADA sont des sujets qui mériteraient de
faire l’objet d’autres recherches.
510
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Cass. ass. plén., 9 oct. 2006, n°06-11. 056, n°06-11. 307, Bull. ass. Plén., n°11; D. 2006, jurispr. 2933, note D.
HOUTCIEFF ; JCP E 2006. 2618, p. 1924, note VIANDIER.
Com. Ass. Plén. 9 oct. 2006, D. 2006, jurispr. P.2933, note D. HOUTCIEFF, RTD banc. et fin. nov. 2006, p. 13,
n°188, obs. F.-J. CREDOT et SAMIN.
Com. 19 déc. 2006, n°04-20.591, NP.
Com. 19 déc. 2006, n°04-20.591, NP, n°1060 F-D
Com. 3 oct. 2006, D. 2006, p. 2735.
Com. 20 juin 2006, n°04-16.238, Bull. civ. N°148 ; Banque et droit 2006, n°110, p. 24, note Th. BONNEAU.
Com. 23 mai 2006, n°03-15426, Bull. civ. IV, 2006, n°130, p. 132.
Com. 14 févr. 2006, D. 2006, AJ 916, obs. A. LIENHARD.
Com. 31 janv. 2006, n°04-15.315, Bull. civ. IV, n°18, p. 19.
Com. 21 mars 2006, n°05-12. 864, Bull. civ. IV, n°72.
Com. 21 nov. 2006, n°05-18.979, NP.
Com. 10 juill. 2007, Gaz. pro. coll. 2007/4, p. 38, obs. F. REILLE.
Com. 27 févr. 2007, n°05-20.522, Bull. civ. IV, n°68 ; Rev. proc. coll. 2007/3, n°04, p. 135, obs. F. MACORIG-
VENIER.
Com. 13 mars 2007, D. 2007, act. juri. P.1020, osb. A. LIENHARD ; RLDA mai 2007, n°943, obs. A. CERATI-
GAUTHIER.
Com. 3 juill. 2007, Gaz. proc. coll. 2007, n°4, p. 54, note R. ROUTIER.
Com. 22 mai 2007, n°06-11.045, NP, JCP E 2007, chron. 2377, n°39, obs. DUMOULIN ; Rev. proc. coll. 2007/3,
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Com. 31 janv. 2012, n°10-28. 408, NP, Gaz. pal. 1er mars 2013, p. 41, note V. ZALEWSKI.
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Com. 16 oct. 2012, n°11-22.993, Bull. civ. IV, n°186 ; Gaz. pal. 18 janv. 2013, n°186, p.34, note R. ROUTIER.
Com. 11 avr. 2012, n°10-25.570, D. 2012, p.1122, obs. A. LIENHARD.
Com. 15 mai 2012, n°11-17.972, Bull. civ. IV, n°100 ; Rev. Sociétés 2013, 117.
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Com. 10 janv. 2012, n°11.10-018, Bull. Joly 2012, 295, note F. X. LUCAS.
Com. 12 févr. 2012, n°11-18.027, D. 2012, 678, obs. A. LIENHARD.
Com. 18 sept. 2012, n°C11-21735, RJC mai/ juin 2013, p. 247, obs. J.-P. SORTAIS.
Com. 21 févr. 2012, n°11-18027, D. 2012, p. 678, obs. A. LIENHARD.
Com. 10 janv. 2012, n°11-11.482, Bull. civ. IV, n°05 ; Gaz. pal. 28 avr. 2012, n°118, p. 40, note LE CORRE-BROLY.
Com. 20 mars 2012, n°11-23.822, QPC, NP, LPA 15 juin 2012, n°120, p. 10, note Ph. ROUSSEL GALLE.
Com. 23 avr. 2013, n°12-18-453, Bull. civ. IV, n°69 ; D. 2013, Actu. 1130, obs. A. LIENHARD.
Com. 22 mai 2013, n° 12-18509, Bull. civ. IV, n°85 ; D.2013, Actu. 1343, note A. LIENHARD ; Gal. pal. 12 juil.
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Com. 22 mai 2013, n°11-23.961, Bull. civ. IV, n°87.
Com. 28 mai 2013, 12-14.049, Bull. civ. IV, n°90, Rev. proc. coll. 2014, comm. 27, note REILLE.
Com. 15 oct. 2013, n°12-23.830, D. 2013, p.2461 ; Rev. Sociétés 2013, p.728, obs. Ph. ROUSSEL GALLE ; Gaz.
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Com. 12 mars 2013, n°11-24.365, Bull. civ. IV, n°38 ; Gaz. Pal. 12 juill. 2013, n°193, p. 15, note HENRY.
Com. 7 sept. 2013, n°12-10.261, NP.
Com. 3 déc. 2013, n°12-28.718, NP ; n°1156 F-D ; Gaz. pal. 29 juin 2014, n°180, p.24, note BOUSTANI ; Rev. proc.
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Com. 5 sept. 2013, n° 13- 40.034, Bull. civ. IV, n°27.
Com avr. 2013, n°11-25. 963, Bull. civ. IV, n°73.
Com. 9 avr. 2013, n°12-15414, Bull. civ. IV, n°59.
Com. 22 mai 2013, n°12-18.509, BJE 2013, n°5, note J. P. SORTAIS ; Gaz. Pal. éd., spéc. 12-13 juill. 2013, n°193-
194, p. 12, note F. REILLE ; RTD com. 2013, n°4, p.803, note F. MACORIG-VENIER ; Rev. proc. coll. 2013, n°5, p.
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Com. 22 janv. 2013, n°11-27.420, NP.
Com. 5 févr. 2013, n°11-28194, Bull. Joly, mai 2013, n°68, p. 136, obs. R. Bonhomme.
Com. 18 juin 2013, n°12-20. 394, NP.
Com. 3 déc. 2013, n°12-28.718, NP ; n°1156 F-D ; Gaz. pal. 29 juin 2014, n°180, p. 24, note BOUSTANI ; Rev.
proc. coll. 2015, comm. 119, note C. SAINT-ALARY-HOUIN.
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Com. 14 mai 2013, n°12-15.119 FS-P+B, Rev. droit des sociétés, nov. 2013, n°11, obs. R. MORTIER.
Com. 17 sept. 2013, n°12-17.657, Act. proc. coll. 2013/16, comm. 239.
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Com. 27 mai 2014, n°13-18.018, Bull. civ. IV, n°94 ; n°523 F-P+B ; JCP E 2014, Chron. 1447, n°02, obs. Ph.
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Com. 16 déc. 2014, n°13-17.046, RJ com. 2015, p. 342, note C. LEBEL.
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Com. 14 oct. 2014, n°13-17.638, NP, BJE 2015, 31, note R. BONHOMME.
Com. 14 oct. 2014, n° 13-22.293, NP.
Com. 2 juin 2015, n°14-10.673, Bull. civ. IV ; Rev. Sociétés 2015, 548, note Ph. ROUSSEL GALLE.
Com. 13 oct. 2015, n°14-11.953, NP.
Com. 17 févr. 2015, n°14.10279, Bull. civ. IV, n°36.
Com. 15 déc. 2015, n°14.11500, FS-PBI ; com. 22 déc. 2015, n°14. 17377, comm. Rev. squire patton boggs, sp.
19 févr. 2016, note A. LE NINIVIN.
Com. 1er déc. 2015, n°14-20.668, Bull. civ. IV.
Com. 19 mai 2015, n°14-10.366, Rev. dr. rural, déc., 2015, n°438, note Ch. LEBEL.
Com. 15 mai 2015 n°13-25.312 NP.
Com. 24 mars 2015, n°13-16.076, Bull. civ. IV ; Gaz. pal. 2016, n°2340, note MOREIL.
Com. 15 mai 2015 n°13-25.312 NP.
Com.12 mai, 2015, n°14-13.234, F-D, le petit juriste, 22 juill. 2015, obs. P. E. EVANE.
Com. 12 mai 2015, n°14-13. 234, Thlys avocats, 14 août 2015, obs. E. BASTIANELLI.
Com. 9 févr. 2016, n°14-23.219, Bull. civ. IV ; D. 2016, actu. 423, note A. LIENHARD ; Gaz. pal. 12 avr. 2016,
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REILLE.
Com. 12 juillet 2016, n°14-27.983, BJE, janv. 2016, n°6, p. 398, note D. VOINOT.
Com. 18 déc. 2016, n°06-16.350, Bull. civ. IV, n°267 ; JCP E 2008, 1358,, note B. GIMONPREZ.
Com. 12 juill. 2016, n°14-27.983, Ecli : FR : CCASS : 2016 : CO00672.
Com. 1er mars 2016, n°14.14-716, LEDEN, avr. 2016, n° 53, obs. F. KENDERIAN ; BRDA, 6/16, n°9, p. 6 ; note C.
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Cass. ch. civ. et com. 29 nov. 2016, n°15-194.74, Bull. Joly Sociétés, n°05, p. 341, comm. F. MÉLIN.
Com. 9 févr. 2016, n°14-23.219, BRDA 5/16, n°08 ; LEDEN 2016 n°39, p. 04 ; JCP E 2016, n°1280, obs. T.
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Com. Ass. plén., 16 mars 1990, n°89-45.730, Bull. A.P.N., n°4, p. 6.
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Civ. 1re, 14 juin 2000, n°98-10.577, Bull. civ. I, n°182.
Civ. 1re, 3 mai 2000, n°98-11381, Bull. civ. I, n°131.
Civ. 3 eme, 15 Nov. 2000, n°99-112003, Bull. Civ. III, n°171.
Civ. 3 eme, 15 Nov. 2000, n°99-112003, Bull. Civ. III, n°171.
Civ. 1re, 6 juin 2000, n°97-19347, Bull. 2000 I, n°173, p. 112.
Civ. 6 avr. 2004, Banque et droit août 2004, p. 58, obs. Th. BONNEAU.
Civ. 1re 10 mai 2006, D. 2006, p. 1452, obs. A. LIENHARD ; Act. proc. coll. 2006, n°116, obs. C. REGNAUT-
MOUTIER.
Civ 1re, 29 mai 2013, n°13-16.541, Bull. Joly 2013, 298, note L.S. LAGUIONI.
Soc. 11 juin 2003, n°01-15.724, NP, Rev. proc. coll. 2003, n°15, p. 343, obs. TAQUET.
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Soc. 9 nov. 2004, n°02-43-063, NP, Rev. proc. coll. 2005/1, p.47, n°7, obs. F. TAQUET.
Soc. 21 sept. 2005, n°03-43.532, Rev. dr. trav., 31 déc. 2007, H.-J. LEGRAND.
Soc. 25 oct. 2006, n°04-47.93, NP, Rev. proc. coll. 2007/1, p.54, obs. F. TAQUET.
Soc. 10 oct. 2006, n°04-46.134, Bull. 2006, n°294, p. 281.
Soc. 22 févr. 2006, n°03-47639, Bull. 2006, V. n°81, p. 73.
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Versailles, 9 juill. 1986, Gaz. Pal. 1986, II, p. 436, note D. C ALMELS.
Aix-en-Provence, 2 oct. 1986, D. 1987, somm. p.9 et 10, obs. F. DERRIDA.
Toulouse, 26 juill. 1988, Rev. proc. coll. 1989, n°02, p. 157, obs. C. SAINT-ALARY-HOUIN.
Rennes, 5 oct. 1988, Rev. proc. coll. 1989, n°2, p. 159, obs. C. SAINT-ALARY-HOUIN.
Versailles, 23 juin, 1988, Gaz. pal. 1, somm. p. 112.
Rennes, 5 oct. 1988, Rev. proc. coll. 1989, n°2, p. 159, obs. C. SAINT-ALARY-HOUIN.
Lyon, 4 nov. 1988, D. 1989, somm. p. 12, obs. F. DERRIDA.
Aix-en-Provence, 3 mars 1988, JCP 1989, éd. E., 11, 15415, A. VIANDIER et J.J. CAUSSAIN.
Douai, 2e ch. 31 mars 1988, Gaz. pal. 1988. II. 584, note B. SOINNE.
Versailles, 13 mai, 1993, Rev. proc. coll. 1995, p. 172, obs. B. SOINNE.
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Toulouse, 3e ch., 2e sect., 26 mai 2014, RG n°14/01548, Rev. proc. coll. 2015, comm. 177, note Ch. DELATTRE.
Trib. com. Paris, 14e ch., 21 sept. 1989, D. 1991, somm. p. 4, obs. F. DERRIDA ; Gaz. pal.1989, somm. p. 532.
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540
Trib. com. Paris 19 nov. 1986, LPA 10 déc. 1986, p. 22.
Trib. com., Paris, 20 mai 1986, JCP 1986, n°20658, note Y. CHAPUT.
Trib. com. Paris 16 avr. 1986, Gaz. pal. 4/5 juin 1986, obs. ANNICHIARICO.
Trib. com. Nanterre 22 mai 1986, Gaz. pal.1986, 2, p. 435, note D. CALMELS.
Trib. com. Paris, 13 oct. 1986, LPA 1986, n°139, p.28 ; JCP N 1989, n°1025, obs. M. CABRILLAC et Ph. PÉTEL.
Trib. com. Paris, 16 avr. 1986, Gaz. pal. 4/5 juin 1986.
Trib. com. Nanterre, 22 mai 1986, Gaz. pal.1986, 2, p. 435.
Trib. com. Nanterre, 19 mars 2009, RG n°2008L04572, Rev. proc. coll. 2012, comm.179, note Ch. DELATTRE.
Trib. com. Nanterre, 7e ch., 19 juin 2009, RG n°08/F00426, Gaz. pal.17 avr. 2010, n°106, 107, p. 38, note R.
ROUTIER.
Trib. com. Nanterre, 30 nov. 2009, D. 2009, 2929, note A. LIENHARD.
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Trib. com. Quimper, 1er juin 2012, RG n°2012/004764, 2012/004758 et 2102/004779, Rev. proc. coll. 2012,
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Trib. com. Paris, 6e ch. 24 janv. 2013, RG n°2010/060778, 2010/055661, JCP E 2013, chron.1662, n°24, obs. R.
ROUTIER.
Trib. com. Nantes, 22 avr. 2014, RG n°2014/004629, Leden juill. 2014, comm. 103, note P. CESBRON-LAVAU ;
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Droit OHADA
Arrêts de la Cour commune de justice et d’arbitrage
CCJA, 16 nov. 2006, n°23/2006, réf. Ohadata J-08 -96.
CCJA, Ass. plén. 27 avr. 2015, n°050/2015, pourvoi du 2 déc. 2011, n°119/2011/PC.
CCJA, ass. Plén. Arrêt n°050/2015 du 27 avr. 2015, pourvoi n°119/2011/PC du 10 déc. 2011, Banque européenne
d’investissement c/ Sté Fils et tissus naturels d’Afrique.
CCJA, 25 mars 2016, n°050/2016.
541
Ouagadougou, ch. civ. et com., 16/04/2004, n°54, juris info, déc. 2010, p.12.
Daloa, 1re civ. et com., 08 nov. 2006, n°263, R2F, réf. Ohada J-09-368.
Douala, 2e civ. et com., 18 oct. 2006, n°246, réf. Ohadata J-09-167.
Autres droits
542
Droit américain
Affaire. NII holding inc. , 25 oct. 2002, Case n°02-11505, bank. D. Del.
Affaire blue bird body co, nov. jan. 26, 2006, case n° 06 - 50025 GWZ, bank. D.
Affaire southland corp 124 B.R. 211 (Bankr. N.D. tex. 1991).
Affaire havest foodsn inc., et al. Case n°94-1198 (Bankr. D. Del. Dec. 1994).
Droit européen
CJCE, arrêt Nold, aff. n° 4-73, 14 mai 1974, Receuil. jur. de la cour , 1974, n° I.
CJCE, mai 2006, C-345/04, Eurofood IFSC Ltd.
CJUE C-444/07, 21 janv. 2010., Rev. proc. coll. étude 16, p. 38. obs. T. Mastrullo.
543
L. n°2000/230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et
relative à la signature électronique, JORF n°62 du 14 mars 2000, p. 3968, texte n°1.
L. n°2014-856 du 31 juill. 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, JORF n°0176 du 1er août 2014, p.12666.
L. n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF n°0181
du 7 août 2015, p. 13537, texte n°1.
L. n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF n°0181
du 7 août 2014, p. 13537.
Loi n°2016-1691 du 09 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la
modernisation de la vie économique JORF n°0287 du 10 sept. 2016, texte n°2.
L. n°2016-1547 du 18 déc. 2016 de modernisation de la justice du XXIe, JORF n°0269 du 19 déc. 2016, texte
n°1.
Les ordonnances
Ord. n°67-820 du 23 sept. 1967 tendant à faciliter le redressement économique et financier de certaines entreprises.
Ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF n°0295 du 19 déc.
2008, p. 19462, texte.
Ord. n°2010-1512 du 9 déc. 2010 portant adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de
traitement des situations de surendettement à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, JORF n°0286 du
10 déc. 2010, p. 21617.
Ordonnance n°2014-158 du 20 févr. 2014 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de
l’union européenne en matière financière, JORF n°0044 du 21 févr. 2014, p. 3022, texte n°5.
Ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures
collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p. 5249, texte n°3.
Ord. n°2016-131 du 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations, JORF n°0035 du 11 févr. 2016, texte n°26.
Les décrets
Décret n°85-295 du 1er mars 1985 pris pour l’application de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la
prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises, JORF du 2 mars 1984, p. 751.
Décret n°2009-160 du 12 févr. 2009, pris pour l’application de l’ord. n°2008-1345 du 18 déc. 2008 portant réforme
du droit des entreprises en difficulté et modifiant les procédures de saisie immobilière et de distribution du prix
d’un immeuble, JORF n°0037 du 13 févr. 2009, p. 2596, texte n°13.
Décret n°78-381 du 20 mars 1978, tel que modifié par le décret n°2010-1165 du 1er oct. 2010 relatif au statut des
conciliateurs en France.
Décret n°2012-1071 du 20 sept. 2012 pris pour l’application du 2° du I de l’art. 28 de L. n°2012-387 du 22 mars
2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives, JORF n°0221 du 22
sept. 2012, p. 15008, texte n°1.
Décret n°2014-736 du 30 juin 2014 pris pour l’application de l’ord. n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme
de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF n°0062 du 14 mars 2014, p.
5249, texte n°3.
Décret n°2015-1811 du 28 déc. 2015 relatif à l’information des salariés en cas de vente de leur entreprise, JORF
n°0302 du 30 déc. 2015, p. 24902, texte n°138.
Décret n°2016-2 du 4 janv. 2016 relatif à l’information triennale des salariés prévue par l’article 18 de la loi
n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, JORF n°0003 du 5 janv.2016, texte n°26.
Les codes
Code de commerce de 1807.
Code des procédures collectives : annoté et commenté, 16e éd., Dalloz, 2018.
Code monétaire et financier : annoté et commenté, 7e éd., Dalloz, 2017.
Code civil : annoté et commenté, 117 éd., Dalloz, 2017.
Code du travail, annoté et commenté, 81e éd., 2018.
544
Droit OHADA
Textes communautaires
Textes nationaux
L/2005/09/AN du 13 août 2015 portant organisation judiciaire (droit guinéen).
L. n°2016-15 du 28 juill. 2016 modifiant et complétant la loi n°2001-31 du 27 août 2002 portant organisation
judiciaire en République du Benin (droit béninois).
Décret n°2012-628 du 6 juill. 2012 portant création du tribunal de commerce d’Abidjan et fixant son ressort
territorial (droit ivoirien).
Autres droits
Droit américain
Banckruptcy abuse prevention and consumer protect act (BAPCPA) de 2005.
The securities and exchange act de 1934.
Banckruptcy Act 1978.
Droit européen
Règl. n°1393/2007 du 13 nov. 2007, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes
judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale.
Règl. n°1346/2000 du 29 mai 2009, relatif aux procédures d’insolvabilité, JOCE 31 juin 2000, n°L/160/1.
Règl. n°2015-848 du 20 mai 2015, relatif aux procédures d’insolvabilité, JOUE du 5 juin 2015, n°L141,5.
Directive, n° 2000-12/CE du 20 mars 2000 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son
exercice.
Directive, n°2001-24/CE du 4 avr. 2001, concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de
crédit.
Proposition de directive (COM (2016) 723 final du 22 novembre 2016 sur les proédures preventives de
restructuration, sur la seconde chance et sur les mesures accroissant l’éfficacité des procedures de
restructuration, d’insolvabilité et décharge de dettes.
Directive, n°2001-17/CE, du 19 mars 2001 sur l’assainissement et la liquidation des entreprises d’assurance.
Directive, n°2009-138/CE du 29 nov. 2009 sur l’accès aux activités d’assurance et de la réassurance et de leur
exercice.
Droit belge
L. n°1997009767 du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire, publication du 28-10-1997, p. 28550.
545
L. n°2009009047 du 31 janv. 2009 relative à la continuité des entreprises, MB, 9 févr. 2009, p. 8436.
L.n°2013009257 du 27 mai 2013 modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises,
publication du 22 juill. 2013, p. 45665.
L. n°2017012998 du 11 août 2017 portant insertion du livre XX « insolvabilité des entreprises » dans le code de
droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions d’application au
livre XX, dans le livre I du code de droit économique, publication du 11 sept. 2017, p. 83100.
Droit marocain
L. n°15-95 formant code de commerce, Dahir n°1-96-83 du 1er août 1996, Bull. officiel n°4418 du 3 oct. 1996.
Droit OHADA
KALIEU ELONGO Y., Communication, Colloque OHADA, Paris, juin 2013.
www.ohada.com
www.legifrance.gouv.fr
www.legavox.fr
www.village-justice.com
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www.lexisnexis.fr
www.lamy-lexel.com
www.droit-afrique.com
www.statistics-cameroon.org
www.dalloz-actualite.fr
www.juriscope.org
www.lemondedudroit.fr
www.textes.justice.gouv.fr
www.entrepriseendifficulte.com
www.courdecassation.fr
www.clarelegal.com
www.blog-des-entreprises-en-difficultes.uggc.com
546
www.legalnews.fr
www.sena.fr
www.insee.fr
www.cnajmj.fr
www.kapratique.fr
547
INDEX ALPHABETIQUE
Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes
548
G
A garant ........................................................................... 837
accord de conciliation ..................................................216 garanties ...................................................................... 800
accord de conciliation en droit OHADA........................231
accords de subordination .............................................480 I
acte conservatoire ........................................................710
actes de gestion ............................................................713 immixtion ..................................................................... 798
action interruption du cours des intérêts............................... 864
en revendication et en restitution ..........................817
adoption
du procédé de passerelle en droit OHADA .............597
L
affaire dite Autodistribution ........................................161 LBO ............................................................................... 188
affaire dite Technicolor ................................................165
améliorations................................................................558
anticipation de l’intervention du juge ..........................552
M
anticipation des difficultés ...........................................531 mandat ad hoc ............................................................. 574
assouplissement
du régime de la cessation des paiements, OHADA .588
N
B négociations ................................................................. 540
banquier
responsabilité et irresponsabilité ...........................768 O
obligations
C du cédant et du cessionnaire ............................... 1081
offre de cession............................................................ 959
cellule spéciale de conseil ............................................593 optimisation de l’actif .................................................. 808
cessation des paiements ................................................43
cession ..........................................................................890
chapitre 11 du titre 11 du code fédéral américain de la P
faillite.......................................................................128 passif ............................................................................ 820
classes de créances.......................................................561 plan provenant d’un créancier .................................... 616
comités de créanciers ...................................................372 poursuites individuelles ............................................... 638
conciliateur ...................................................................659 prévention des difficultés des entreprises .................. 531
confidentialité ..............................................................548 privilège de la conciliation ........................................... 723
conjoint du débiteur .....................................................811 projet de plan de sauvegarde ou de cession ............... 543
contraintes judiciaires ..................................................808
créance .........................................................................742
crise financière de 2008 ...............................................181 R
réformes .......................................................................... 8
D droit français, droit OHADA........................................ 8
rôle curatif ................................................................... 700
déjudiciarisation ............................................................. 81 du procédé de passerelle ....................................... 700
délais de grâce ..............................................................649 rôle du conciliateur
droit anglo-saxon ..........................................................673 dans le procédé de passerelle ................................ 170
droit belge ....................................................................682 rôle préventif ............................................................... 534
droit européen de l’insolvabilité ..................................496 du procédé de passerelle ....................................... 534
droit marocain ..............................................................691
S
E
sauvegardes accélérées ............................................... 320
échec spécialisation
d'une cession pré-arrangée ..................................1036 des tribunaux et des magistrats, droit OHADA ...... 621
éléments de validité du procédé de passerelle en droit
OHADA ....................................................................244
exploitation...................................................................714 T
tribunaux...................................................................... 622
F
financements structurés ..............................................491 U
formation des magistrats .............................................632 unanimité
fraude ...........................................................................797
549
de l'accord de conciliation ........................................92
550
TABLE DES MATIERES
Dédicace .................................................................................................................................... V
Avertissement ..........................................................................................................................VII
Remerciements ......................................................................................................................... IX
Liste des principales abréviations ............................................................................................ XI
Tableau des correspondances ................................................................................................ XIII
Sommaire ............................................................................................................................. XVII
Introduction générale.................................................................................................................. 1
Première partie L’adoption et la validite du procéde de passerelle dans les droits français et
ohada ........................................................................................................................................ 19
Titre 1 les raisons pouvant expliquer l’adoption du procédé de passerelle dans les droits
français et ohada ................................................................................................................... 23
Chapitre 1. Le risque de l’échec de la procédure de conciliation..................................... 25
Section 1. L’immédiateté de l’effet de la cessation des paiements .............................. 25
Paragraphe I. Le régime rigide de la cessation des paiements ................................. 27
I. La cessation des paiements : définition et unicité de la date ............................ 29
A. Une convergence des législations sur la définition de la cessation des
paiements .......................................................................................................... 29
B. Une divergence des législations sur l’unicité de la date de cessation des
paiements .......................................................................................................... 36
II. Régime rigide de la cessation des paiements : des inconvénients partagés dans
les deux législations ............................................................................................. 40
A. L’application mécanique du principe de la cessation des paiements .......... 40
B. La confusion entre la cessation des paiements et l’insolvabilité ................. 42
551
Paragraphe II. La réforme du régime de la cessation des paiements : souplesse
adoptée en droit français, fermeté maintenue en droit OHADA .............................. 44
I. Les conséquences en droit français ................................................................... 45
A. Le renforcement du dispositif préventif ...................................................... 45
B. La déjudiciarisation du traitement collectif des difficultés des entreprises . 46
II. Les conséquences en droit OHADA ................................................................ 48
A. Un handicap à la contractualisation du traitement des difficultés des
entreprises......................................................................................................... 48
B. Une inflexibilité inadaptée au contexte africain .......................................... 50
Section 2. L’unanimité de l’accord de conciliation...................................................... 51
Paragraphe I. L’opportunité de la règle de l’unanimité dans la procédure de
conciliation ............................................................................................................... 52
I. Un fondement légal commun aux droits français et OHADA .......................... 53
A. L’autonomie de la volonté ........................................................................... 54
B. La liberté contractuelle ................................................................................ 55
II. Des conséquences partagées en droit français et en droit OHADA ................ 56
A. Les avantages .............................................................................................. 56
B. Les inconvénients ........................................................................................ 57
Paragraphe II. Les alternatives ................................................................................ 59
I. L’adoption de la règle de la majorité ................................................................ 59
A. Le mérite de la mesure ................................................................................ 59
B. La constitutionnalité de la mesure ............................................................... 60
II. L’approche d’une procédure judiciaire à plan pré-arrangé ............................. 61
A. Les raisons ................................................................................................... 62
B. Les conséquences ........................................................................................ 62
Conclusion du chapitre 1 .............................................................................................. 63
Chapitre 2. Le procédé de passerelle : une solution admise juridiquement dans les droits
français et OHADA .......................................................................................................... 65
Section 1. Le rappel du chapitre 11 du code fédéral américain de la faillite ............... 65
Paragraphe I. Les prepackaged plans ou plans pré-arrangés .................................. 68
I. Les catégories.................................................................................................... 68
A. Le prepack classique .................................................................................. 68
B. Le plan et la vente pré-négociés .................................................................. 69
II. L’encadrement des plans pré-arrangés ........................................................... 72
A. Le plan ......................................................................................................... 72
B. La préservation du droit des sûretés ............................................................ 75
Paragraphe II. Les circonstances de l’expérimentation française ............................ 76
I. Le rôle joué par la doctrine ............................................................................... 76
552
A. Un rôle de révélation ................................................................................... 76
B. Un rôle d’éclairage ...................................................................................... 78
II. L’audace des praticiens ................................................................................... 78
A. La sauvegarde d’Autodistribution ou le premier prepack-sauvegarde à la
française ........................................................................................................... 79
B. La sauvegarde de Technicolor ou la confirmation de l’intérêt du prepack-
sauvegarde ........................................................................................................ 80
Section 2. Les raisons juridiques .................................................................................. 81
Paragraphe I. La raison qui tient à la mission du conciliateur ................................. 82
I. L’interprétation des textes................................................................................. 82
A. Un usage permis inconsciemment au conciliateur ...................................... 82
B. Un usage possible sans un cadre juridique défini ........................................ 84
II. Une possibilité exploitée en France à la suite d’une crise ............................... 84
A. Les causes de la crise financière de 2008 .................................................... 85
B. La crise des LBO ......................................................................................... 86
Paragraphe II. La raison qui tient aux cadres de négociation................................... 88
I. Une divergence des législations sur la forme ................................................... 90
A. Les conditions d’ouverture .......................................................................... 90
B. Les terminologies utilisées .......................................................................... 94
II. Un rapprochement des législations sur le fond ................................................ 96
A. L’accord dans la procédure de conciliation du droit français ..................... 97
B. L’accord dans la procédure de conciliation du droit OHADA .................. 103
Conclusion du chapitre 2 ............................................................................................ 106
Conclusion du titre 1 ...................................................................................................... 107
Titre 2 L’application du procédé de passerelle dans les droits français et OHADA ........ 109
Chapitre 1. Les éléments de validité du procédé de passerelle en droit OHADA ......... 111
Section 1. L’analyse à l’appui du droit positif ........................................................... 111
Paragraphe I. L’absence d’obstacle légal pour une procédure judiciaire rapide .... 113
I. La consultation des créanciers avant l’ouverture de la procédure de règlement
préventif ............................................................................................................. 114
A. Un principe déjà existant ........................................................................... 115
B. Une possibilité de négocier avec les créanciers après l’ouverture de la
procédure ........................................................................................................ 117
II. La conséquence de l’inexistence formelle de la masse des créanciers dans le
règlement préventif ............................................................................................ 120
A. Les difficultés liées à la consultation des créanciers en droit français ...... 120
B. Le risque d’un concordat préventif imposé ............................................... 124
Paragraphe II. Les conditions d’adoption du concordat préventif ........................ 126
553
I. Les conditions légales .................................................................................... 127
A. Le contrôle du consentement des parties ................................................... 127
B. Le respect de l’intérêt collectif des créanciers........................................... 129
II. L’équité du concordat préventif biaisée ........................................................ 130
A. L’égalité des créanciers ............................................................................. 131
B. Les limites de l’égalité des créanciers ....................................................... 133
Section 2. L’analyse à l’appui de l’expérience française ........................................... 134
Paragraphe I. Des enseignements encourageants ................................................... 135
I. La révélation d’une sauvegarde expresse possible ......................................... 135
A. Les obstacles juridiques constatés ............................................................. 135
B. Les solutions juridiques tirées de l’expérimentation ................................. 135
II. L’efficacité des sauvegardes expresses expérimentées ................................. 136
A. Des procédures souples ............................................................................. 137
B. Des procédures contraignantes .................................................................. 137
Paragraphe II. Le déclic législatif ......................................................................... 138
I. La première procédure passerelle adoptée ...................................................... 138
II. La seconde procédure passerelle adoptée ...................................................... 139
Conclusion du chapitre 1 ............................................................................................ 139
Chapitre 2. Le régime juridique des procédures passerelles adoptées en droit français 141
Section 1. Des conditions d’ouverture dérogatoires au droit commun de la sauvegarde
.................................................................................................................................... 143
Paragraphe I. Les conditions substantielles........................................................... 143
I. La nécessité d’une procédure de conciliation en cours .................................. 143
A. La condition essentielle de la conciliation ............................................... 143
B. La condition liée à la cessation des paiements .......................................... 146
II. La nécessité d’un projet de plan .................................................................... 148
A. Un projet de plan déjà élaboré ................................................................... 148
B. Un projet de plan soutenu par une large majorité des créanciers ............. 149
III. Les critères d’éligibilité ................................................................................ 150
A. Les critères liés à la nature et aux seuils .................................................. 150
B. Les seuils d’accès à la sauvegarde financière accélérée avant la réforme de
2014. ............................................................................................................... 151
Paragraphe II. Les formalités procédurales ............................................................ 153
I. La saisine du tribunal ...................................................................................... 153
A. La compétence territoriale ......................................................................... 153
B. La demande d’ouverture et l’audience d’ouverture ................................... 155
II. La décision du tribunal .................................................................................. 158
A. L’importance du rapport du conciliateur ................................................... 158
554
B. Les voies de recours contre la décision ayant ouvert les procédures
passerelles....................................................................................................... 159
III. La nécessité de la mise en place des comités de créanciers ........................ 160
A. La désignation d’un administrateur judiciaire et d’un mandataire judiciaire
........................................................................................................................ 160
B. La constitution des comités de créanciers ................................................ 161
Section 2. Un déroulement rapide .............................................................................. 166
Paragraphe I. Une production des créances simplifiée .......................................... 167
I. Les créances concernées dans les procédures passerelles............................... 168
A. La procédure de sauvegarde financière accélérée ..................................... 168
B. La procédure de sauvegarde accélérée ...................................................... 171
II. Le renouveau de la déclaration des créances ................................................ 172
A. La constitution et le dépôt de la liste ......................................................... 173
B. L’actualisation de la créance ..................................................................... 175
Paragraphe II. Des périodes d’observation écourtées ............................................ 180
I. Le plan dans les procédures passerelles .......................................................... 181
A. Un contenu essentiellement basé sur la restructuration des dettes ............ 182
B. Une possibilité de recours contre la décision ayant statué sur le plan ....... 187
II. La période d’observation dans la procédure de sauvegarde accélérée .......... 189
A. La consultation et le vote du projet de plan............................................... 189
B. La purge des contestations et l’homologation du plan .............................. 194
III. La période d’observation dans la procédure de sauvegarde financière
accélérée ............................................................................................................. 198
A. Une restructuration exclusivement financière ........................................... 198
B. Une période d’observation éclair ............................................................... 199
Paragraphe. III. Les procédures passerelles : impact sur le droit commun et
efficacité au regard du droit européen. ................................................................... 199
I. L’impact sur le droit commun......................................................................... 199
A. Les accords de subordination .................................................................... 200
B. Le vote au sein des comités ....................................................................... 201
C. L’harmonisation du plan avec les financements structurés ....................... 203
II. L’efficacité au regard du droit européen ....................................................... 205
A. La validité au regard de l’ancien règlement n°1346/2000 ........................ 207
B. La validité au regard du règlement européen n°2015/848 de 2015 ........... 211
Conclusion du chapitre 2 ............................................................................................ 214
Conclusion du titre 2 ...................................................................................................... 214
Conclusion de la première partie ........................................................................................ 217
555
Deuxième partie etude prospective du procéde de passerelle dans les droits français et ohada
................................................................................................................................................ 219
Titre 1 La resolution des difficultés des entreprises via le procéde de passerelle ............. 229
Chapitre 1. Le rôle préventif du procédé de passerelle .................................................. 231
Section 1. La prévention de la dégradation de la situation économique de l’entreprise
.................................................................................................................................... 231
Paragraphe I. Les négociations avec les créanciers................................................ 233
I. Le centre d’intérêt des discussions ................................................................. 234
A. Le projet de plan de sauvegarde ou de cession ......................................... 235
B. La confidentialité obligatoire des négociations ......................................... 237
II. L’anticipation de l’intervention du juge ........................................................ 240
A. La capitalisation de l’accord de conciliation non abouti par la saisine du
tribunal ........................................................................................................... 240
B. L’intérêt d’une saisine rapide du juge ....................................................... 242
Paragraphe II. Les améliorations possibles des procédures préventives du droit
français ................................................................................................................... 243
I. L’instauration des classes de créanciers dans la procédure de conciliation.... 245
A. L’état de la question au sein de la doctrine ............................................... 245
B. Les avantages de la mesure ....................................................................... 249
II. L’autonomisation du mandat ad hoc pour l’organisation du prepack-cession
............................................................................................................................ 250
A. Les mérites du mandat ad hoc ................................................................... 251
B. Les éventuelles conséquences juridiques de la mesure ............................. 253
Paragraphe III. Les améliorations possibles de la prévention en droit OHADA ... 253
I. La réforme du régime de la cessation des paiements ...................................... 254
A. Un assouplissement nécessaire .................................................................. 255
B. La création de cellules spéciales de conseil dans les juridictions à
compétence commerciale ............................................................................... 257
II. L’adoption d’une passerelle entre les procédures de conciliation et de
règlement préventif ............................................................................................ 259
A. La nature d’une telle passerelle ................................................................. 259
B. La nécessité d’autoriser les créanciers à présenter un projet de plan
concurrent à celui du débiteur ........................................................................ 265
III. La spécialisation et la professionnalisation des juridictions connaissant des
contentieux de l’AUPC ...................................................................................... 267
A. La création des tribunaux de commerce dans tous les États-membres ..... 269
B. La formation des personnels ...................................................................... 272
Section 2. L’inefficacité d’une procédure passerelle face à la perturbation des
négociations au cours d’une phase amiable ............................................................... 273
Paragraphe I. Les difficultés rencontrées dans les droits français et OHADA ...... 274
556
I. L’aléa des poursuites individuelles et des voies d’exécution ......................... 274
A. L’absence de suspension automatique des poursuites individuelles ......... 276
B. Les délais de grâce ..................................................................................... 278
II. La démission du conciliateur ......................................................................... 284
A. Les causes .................................................................................................. 284
B. Les conséquences ...................................................................................... 286
Paragraphe II. L’approche comparative avec d’autres droits ................................. 288
I. Le scheme of arrangement du droit anglo-saxon ............................................ 289
A. La similarité philosophique avec le droit français..................................... 290
B. Le caractère autoritaire du scheme of arrangement................................... 291
II. La réforme du droit belge, la réforme attendue en droit marocain ................ 293
A. Le droit belge............................................................................................. 294
B. Le droit marocain....................................................................................... 298
Conclusion du chapitre 1 ............................................................................................ 302
Chapitre 2. Le rôle curatif du procédé de passerelle ..................................................... 303
Section 1. Les mesures curatives traditionnelles de la période d’observation ........... 304
Paragraphe I. Le potentiel économique de l’entreprise pendant la période
d’observation .......................................................................................................... 306
I. Les mesures de préservation des ressources économiques de l’entreprise ..... 306
A. Les mesures conservatoires ....................................................................... 307
B. Les mesures de gestion .............................................................................. 309
II. L’assurance de la continuité d’exploitation ................................................... 310
A. La notion de poursuite des contrats en cours ............................................ 312
B. Le traitement préférentiel des créances nées de la continuation de l’activité
........................................................................................................................ 316
Paragraphe II. Un domaine nouveau de protection de l’entreprise pendant la période
d’observation : adopté en droit français, inconnu en droit OHADA ..................... 324
I. Les créances postérieures non privilégiées ..................................................... 326
A. Les interdictions ........................................................................................ 329
B. Les exceptions ........................................................................................... 333
II. L’irresponsabilité des créanciers dispensateurs de crédit .............................. 336
A. Le principe ................................................................................................. 341
B. Les exceptions ........................................................................................... 347
Section 2. Les autres mesures curatives ..................................................................... 351
Paragraphe I. Les contraintes judiciaires................................................................ 352
I. L’optimisation de l’actif de l’entreprise en difficulté ..................................... 352
A. Le sacrifice du conjoint du chef d’entreprise ............................................ 353
B. La paralysie des actions en revendication et en restitution ....................... 355
557
II. La maîtrise du passif de l’entreprise en difficulté ......................................... 357
A. Le gel des créances antérieures ................................................................. 358
B. Les tempéraments du gel des créances antérieures ................................... 361
Paragraphe II. L’amélioration du sort des garants ................................................. 365
I. La suspension des poursuites contre les garants ............................................. 366
A. L’exclusivité accordée aux garants personnes physiques ......................... 368
B. L’exclusion des garants personnes morales............................................... 374
II. L’interruption des intérêts et des inscriptions................................................ 376
A. L’arrêt du cours des intérêts ...................................................................... 380
B. L’arrêt des inscriptions .............................................................................. 385
Conclusion du chapitre 2 ............................................................................................ 388
Conclusion du titre 1 ...................................................................................................... 388
Titre 2 la cession pre-arrangee via le procéde de passerelle : une consecration legislative en
droit français, une prossibilité juridique en droit ohada ..................................................... 389
Chapitre 1. Le préarrangement de la cession judiciaire d’entreprise ............................. 395
Section 1. De la cession judiciaire classique à la cession judiciaire pré-arrangée ..... 395
Paragraphe I. La cession judiciaire de l’entreprise en difficulté en droit français . 398
I. Le rappel du régime évolutif de la cession judiciaire d’entreprise ................. 398
A. La cession judiciaire de l’entreprise pendant ces dernières décennies ...... 399
B. La cession judiciaire d’entreprise depuis l’ordonnance du 12 mars 2014 402
II. Les acteurs du prepack-cession ..................................................................... 404
A. Le cédant et le cessionnaire ....................................................................... 404
B. Le conciliateur et le mandataire ad hoc ..................................................... 409
Paragraphe II. La finalité de la cession judiciaire de l’entreprise ......................... 411
I. Une différence d’objectif entre le droit français et le droit OHADA ............. 411
A. La différence de vue sur le désintéressement de la masse des créanciers . 412
B. L’autonomie de la cession judiciaire d’entreprise du droit OHADA ........ 414
II. Une certaine convergence entre le droit français et le droit anglo-saxon ...... 415
A. Les méthodes utilisées ............................................................................... 416
B. Les finalités recherchées ............................................................................ 417
Section 2. La préparation de la cession pré-arrangée en phase amiable .................... 418
Paragraphe I. Les formalités d’ouverture ............................................................... 419
I. La demande du débiteur .................................................................................. 419
A. La forme de la demande ............................................................................ 421
B. Le fond de la demande............................................................................... 422
II. L’offre de reprise : différence d’objectif entre les droits français et OHADA
............................................................................................................................ 423
A. Une convergence des conditions de forme ................................................ 423
558
B. Une divergence des conditions de fond ..................................................... 425
Paragraphe II. Le rôle du conciliateur : convergence des législations française et
OHADA ................................................................................................................. 431
I. La recherche d’une offre de reprise dans la confidentialité ............................ 432
A. Les démarches du conciliateur pour l’obtention d’une offre de reprise .... 432
B. La publicité de l’appel d’offre ................................................................... 433
II. Le délai de présentation des offres de reprise classique et prepack .............. 436
A. L’ offre de reprise classique ...................................................................... 436
B. L’offre de reprise prepack ......................................................................... 438
Paragraphe III. La finalisation de la cession pré-arrangée en phase amiable ....... 439
I. Le prix de la cession ....................................................................................... 440
A. Les exigences légales de la fixation du prix de cession ............................ 441
B. Le sacrifice des créanciers ......................................................................... 443
II. Les avantages liés au prepack-cession .......................................................... 445
A. Les avantages inhérents à toute procédure amiable .................................. 446
B. Les avantages liés à l’accord de conciliation homologué ou constaté ...... 447
Conclusion du chapitre 1 ............................................................................................ 450
Chapitre 2. La réalisation de la cession pré-arrangée dans un cadre judiciaire ............. 451
Section 1. L’ouverture de la procédure judiciaire de validation du projet de cession 452
Paragraphe I. L’arrêté du plan ................................................................................ 452
I. La décision du tribunal.................................................................................... 452
A. L’information du tribunal .......................................................................... 453
B. La décision ayant arrêté le plan ................................................................. 454
II. La décision du tribunal favorable au cessionnaire......................................... 456
A. La protection des intérêts du cessionnaire ................................................. 456
B. La publicité de la décision du juge ............................................................ 458
Paragraphe II. L’échec de la cession pré-arrangée ................................................ 458
I. L’improbabilité de la thèse ............................................................................. 459
A. Une éventualité quasi-impossible d’un point de vue théorique ................ 459
B. Une éventualité possible d’un point de vue légal ...................................... 460
II. Les possibilités d’amélioration de la cession pré-arrangée ........................... 461
A. La conversion automatique de la procédure passerelle de réalisation en une
autre procédure judiciaire ............................................................................... 462
B. La reconduction automatique du mandataire/liquidateur judiciaire .......... 463
Section 2. La mise en œuvre de la cession pré-arrangée ............................................ 464
Paragraphe I. La réalisation de la cession pré-arrangée dans le contexte du procédé
de passerelle ........................................................................................................... 464
559
I. Le principe d’une cession partielle dans le cadre de la sauvegarde : une règle
nuancée en droit OHADA .................................................................................. 465
A. La notion de cession partielle .................................................................... 465
B. Une procédure passerelle est la plus adaptée à la cession pré-arrangée .... 469
II. La réalisation de la cession pré-arrangée dans le cadre du redressement
judiciaire ............................................................................................................. 470
A. L’inapplication du I de l’article L.642-2 dans le cadre d’un plan de cession
pré-arrangée .................................................................................................... 470
B. La fixation de la date d’examen des offres ................................................ 472
III. La réalisation de la cession pré-arrangée dans le cadre de la liquidation
judiciaire ............................................................................................................. 474
A. La fixation de l’audience d’examen des offres ......................................... 474
B. Les délais de convocation .......................................................................... 476
Paragraphe II. Les responsabilités du cédant et du cessionnaire : convergence des
législations française et OHADA ........................................................................... 477
I. Les obligations du cédant................................................................................ 478
A. Le devoir général d’information précontractuelle ..................................... 478
B. Le devoir d’information des salariés ......................................................... 484
C. Le devoir de garantie de passif .................................................................. 487
II. Les obligations du cessionnaire ..................................................................... 491
A. Le paiement du prix de la cession ............................................................. 492
B. La bonne exécution des contrats transférés ............................................... 493
Conclusion du Chapitre 2 ........................................................................................... 504
Conclusion du titre 2 ...................................................................................................... 505
Conclusion de la deuxième partie. ..................................................................................... 507
Conclusion générale ............................................................................................................... 508
Bibliographie .......................................................................................................................... 511
Index alphabétique ................................................................................................................. 548
Table des matières .................................................................................................................. 551
560