Bonheur National Brut (DALF)
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Bonheur National Brut (DALF)
PREMIÈRE PARTIE
Vous allez entendre deux fois un enregistrement sonore de 6 minutes environ.
– Vous aurez tout d’abord 3 minutes pour lire les questions.
– Puis vous écouterez une première fois l’enregistrement.
– Vous aurez ensuite 3 minutes pour commencer à répondre aux questions.
– Vous écouterez une deuxième fois l’enregistrement.
– Vous aurez encore 5 minutes pour compléter vos réponses.
La colonne à droite du questionnaire est un espace de brouillon que vous pouvez utiliser librement pour prendre des notes.
Cependant, seules les réponses portées à gauche seront prises en compte lors de la correction.
– Lisez maintenant les questions. Vous avez trois minutes.
(pause de 3 minutes)
Première écoute
« Le Bonheur national brut »
France Info, le 27 septembre 2009
Durée : 6 minutes 20
Michel Pollaco : Bonsoir Michel Serres.
Michel Serres : Bonsoir.
MP : Michel Serres, la semaine dernière nous avons parlé de maquillage et vous nous disiez que rien n’est plus
sérieux au monde que de se maquiller, que la première des techniques est le cosmétique. Cette semaine nous
allons parler du bonheur, on est pas très loin. Pas le bonheur simple, le petit bonheur que chantait Félix Leclercq,
non, le bonheur statistique, le bonheur national brut, le BNB, le vrai. Notre monde est évalué par des chiffres
illisibles pour le commun des mortels, comme par exemple notre richesse qui est celle du pays, identifiée par le
PNB, le produit national brut. Le PNB ne serait pas le reflet de notre bonheur… Les dirigeants politiques voyant la
dette augmenter ont découvert un argument solide, vous nous le direz en tout cas : un drame, une catastrophe,
en créant de l’activité économique augmente le PNB et donc la présomption de bonheur. Alors, Michel, faut-il
changer le thermomètre ?
MS : C’est une très vieille question, ce n’est pas une question contemporaine. Elle a été posée dès le début où
on a réfléchi à l’économie, c’est-à-dire à la fin du XVIIIème siècle et je crois qu’Auguste Comte déjà l’avait posée
au début du XIXème siècle ; et cette question est très simple, et en effet, elle peut se poser sur un cas concret tout
simple. Prenons un accident de la route qui devient un accident mortel. Et bien, c’est vrai que cet accident-là,
quoiqu’il peut coûter 2 ou 3 morts et 10 blessés, et bien, il augmente le PNB, c’est-à-dire le produit national brut, et
bien, tout simplement, il occupe des ambulances, il occupe des médecins, il occupe des infirmiers, il occupe des
entreprises de pompes funèbres, il occupe des ferrailleurs qui vont prendre le cadavre de la voiture, il occupe
les constructeurs automobiles qui vont revendre une voiture neuve. D’une certaine manière, cet accident, on
peut le classer comme une aubaine économique. Or, il se trouve qu’il y a des blessés, des deuils, des souf-
frances et que du point de vue humain, c’est une catastrophe. Et puis, on peut généraliser. Ça, c’est simplement
un exemple concret que l’on peut prendre localement mais, par exemple, le problème du bruit ou le problème
de toute autre pollution, le bruit des avions, des deux-roues, même des chaussures féminines, ça agresse les
malades, ça agresse les passants, ça réveille les voisins et cependant le trafic en question, aussi tonitruant qu’il
est, est bénéfique aux marchands ; il n’y a pas de doute, il augmente le produit national brut. Donc, d’une certaine
manière, c’est le problème global de la pollution, Michel. C’est-à-dire, la pollution blesse, la pollution rend malade.
Elle peut tuer aussi, mais elle est d’une certaine manière une composante essentielle de l’économie, ou un résultat
du produit national brut. Alors, toute la question qui se pose là est une vieille question donc, je le répète, mais
elle pose une troisième question, si vous voulez, c’est l’équilibre. C’est-à-dire, à partir de quel excès, à partir de
quel type de production, à partir de quel type de mobilité telle que nous la pratiquons, peut-on considérer qu’il y
a un bénéfice ou au contraire une nuisance pour les hommes que nous sommes ? C’est-à-dire comment on peut
équilibrer à la fois le malheur du drame et le bonheur de l’économie ? Alors, ça peut aussi se poser d’une autre
manière et c’est cette autre manière que je voudrais utiliser. Il y en a deux autres manières. C’est vrai qu’on ne
peut pas quantifier le bonheur : ce qui vous rend joyeux va me rendre triste et par conséquent, c’est parfaitement
subjectif. Non seulement subjectif pour les personnes mais subjectif pour les cultures. Quelque chose qui est
considéré comme joyeux en deçà des Pyrénées est peut-être triste au-delà des Pyrénées. Et par conséquent,
qu’est-ce qu’on peut quantifier dans cette affaire-là ? Eh bien, c’est très simple. Il suffit d’inverser la question
et de se dire, du point de vue de l’équilibre, premièrement : combien de gens polluent par exemple et combien
de gens sont victimes de la pollution ? Et là, on a des chiffres. Et là, nous savons par exemple que 7 % de la
population mondiale produit plus de la moitié de la pollution. Alors, déjà, on a un chiffrage très intéressant pour
savoir quels sont les producteurs et quelles seraient éventuellement les victimes. D’autre part, on a un chiffrage
qui commence à devenir intéressant, une analyse assez précise, des maladies dues à la pollution, par exemple
l’asthme, par exemple les maladies de peau, par exemple les maladies cardio-vasculaires et ainsi de suite. Du
coup, en inversant la question, on arrive à la résoudre. Je veux dire par là que, on a beau rire, et on a raison de le
faire, sur le fait qu’on ne peut pas quantifier le bonheur, ce qui reste évident, c’est qu’on peut quantifier le malheur.
MP : Donc, il ne faut plus juger les pays sur leur chiffre d’affaires ?
MS : On peut quantifier donc les maladies, les maladies cardio-vasculaires, le nombre des morts, on peut
calculer l’espérance de vie, la mortalité infantile, la mortalité des femmes, etc. et finalement poser la question toute
simple : quel prix consentons-nous à payer pour notre alimentation, pour notre confort, pour nos déplacements,
pour nos voyages, pour nos spectacles, etc ? Quel prix consentons-nous à payer et qui paie ? Puisque 7% des
gens produisent la pollution et la majorité des gens la subit. Et en quelle monnaie de malheur payons-nous ? C’est-
à-dire en vies humaines, en maladies, etc. et ça, ça peut se chiffrer et par conséquent, je crois bien qu’en inversant
la question, on arrive à la résoudre. Mais là, il se pose une nouvelle question, c’est que, à supposer que je pose la
question : « Préférez-vous partir 8 jours en avion en vacances ou préserver vos filles du cancer du sein ? »
MP : Ah ! Bonne question…
MS : C’est une bonne question. C’est une question parce qu’il est vrai qu’en accentuant la pollution, on accentue
les risques du cancer qui se développe aujourd’hui de manière quasi verticale. Mais évidemment, cette question,
elle se pose mal. Pourquoi ? Parce qu’on ne voit pas quel est le rapport au moins subjectif de mes voyages, quand
je pars à San Francisco en avion, et du cancer du sein de ma nièce…
MP : ou de ma fille…
MS : Et pourtant, c’est cette question-là qu’il faudrait se poser et de poser chaque fois la question : « Monsieur,
vous êtes en train de faire tel et tel acte, et telle et telle pollution, ou vous risquez un accident. Mais d’autre part,
souvenez-vous qu’il est lié à la quantité de malheurs qui arrivent non seulement à vos proches mais à la société ! »
MP : Donc vous êtes…
MS : En inversant la question, voilà, on peut sans doute la résoudre. Le bonheur, bien entendu, c’est ridicule, mais
le malheur, c’est chiffrable.
MP : Donc vous êtes pour le BNB, le bonheur national brut, et plus pour le PIB, qui effectivement...
MS : Tout ça, ça m’est égal. L’essentiel est de renverser la question pour la rendre résoluble. Voilà, c’est ça. Le
bonheur en effet n’est pas quantifiable, mais le malheur, hélas, l’est parfaitement.
MP : Merci pour ces pistes, Michel Serres. Bonsoir, à dimanche prochain !
(pause de 3 minutes)
Seconde écoute
(pause de 5 minutes)
11 Compréhension de l’oral
1 25 points
Répondez aux questions en cochant (X) la bonne réponse, ou en écrivant l’information demandée.
PRISE DE NOTES
1 Dans cet entretien, la réflexion de Michel Serres porte 1,5 point
principalement sur...
A les éléments qui permettent de quantifier le bonheur.
B l’interprétation des statistiques liées au produit national brut.
C l’utilisation des chiffres du bonheur national brut par les
politiques.
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PRISE DE NOTES
5 Michel Serres soulève la question de l’équilibre à trouver 1,5 point
entre...
A la pauvreté et la richesse.
B la pollution et le bien-être.
C les catastrophes et l’économie.
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La notion de bonheur dépend des individus et de la culture.
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